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PEETERS
ENCYCLOPÉDIE
BERBÈRE
FONDATEUR DE LA PUBLICATION :
Gabriel CAMPS †
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :
Salem CHAKER
CONSEIL SCIENTIFIQUE
Dahbia ABROUS (Univ. Bejaia/INALCO) : anthropologie socioculturelle
Abdellah BOUNFOUR (INALCO, Paris) : littérature
Hélène CLAUDOT-HAWAD (CNRS, Aix) : ethnologie - anthropologie (Touaregs)
Jean DESANGES (EPHE, Paris) : histoire ancienne ; géographie historique
Slimane HACHI (CNRPAH, Alger) : préhistoire
Jean-Pierre LAPORTE (Paris) : histoire ancienne
Amina METTOUCHI (EPHE, Paris) : linguistique
Kamal NAÏT-ZERRAD (INALCO) : langue et linguistique
Jorge ONRUBIA-PINTADO (Universidad de Castilla-La Mancha, Madrid) : protohistoire
Karl-G. PRASSE (Univ. Copenhague) : linguistique
Colette ROUBET (IPH, Paris) : préhistoire
Luigi SERRA (Univ. « L’Orientale », Naples) : linguistique
Pol TROUSSET (CCJ, Univ. Aix-Marseille) : histoire ancienne
COMITÉ DE RÉDACTION
D. ABROUS, A. BOUNFOUR, S. CHAKER, H. CLAUDOT-HAWAD, J. DESANGES, J.-P. LAPORTE,
A. METTOUCHI, K. NAÏT-ZERRAD, J. ONRUBIA-PINTADO, C. ROUBET
ENCYCLOPÉDIE
BERBÈRE
XLII
SABOIDES SIDI SLIMANE
PEETERS
PARIS – LOUVAIN – BRISTOL, CT
2019
Photo de couverture : Cavalier chasseur tenant une lance et précédé d’un chien. In Ettouami,
Tassili-n-Ajjer. Relevé Henri Lhote, 1959. Cf. Notice S34 « Selle ».
D/2019/0602/43
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Lionel GALAND (1920-2017) :
un maître discret et exigeant
1. En septembre 1970, sur la suggestion de Marceau Gast que je connaissais depuis Alger.
2. Et je crois que l’EPHE n’était pas alors habilitée à délivrer des doctorats et devait obli-
gatoirement passer par une université.
VI / Hommages
1973, ma thèse a été la première qu’il ait menée à son terme3. Dans le
courant des années 1970, les choses ont bien sûr rapidement évolué avec
l’arrivée progressive d’autres jeunes apprentis-chercheurs berbérisants,
venus surtout du Maroc.
De ces courriers ressort immédiatement un trait marquant de la person-
nalité de Lionel Galand : l’attention très précise qu’il apportait au suivi des
travaux de ses étudiants. L’échange est toujours méthodique et approfondi,
très direct aussi et sans concessions : tous les aspects du travail y sont dis-
cutés, disséqués et critiqués de manière détaillée, avec des orientations et
suggestions explicites pour l’améliorer. Un suivi méticuleux, manifestant
une forte implication personnelle et la volonté de mener l’étudiant à son
meilleur niveau.
En 1977, alors que j’étais en poste à la faculté des Lettres d’Alger où j’en-
seignais la linguistique générale, Lionel Galand qui venait d’être titularisé
comme directeur d’études non-cumulant à l’EPHE4 et abandonnait donc
son poste à l’INALCO, m’a contacté pour me proposer de le remplacer.
Je sais, par Galand lui-même, qu’il avait également sondé pour ce poste
Thomas Penchoen (qui était en exercice à Los Angeles, UCLA) et Fernand
Bentolila (qui avait déjà bien entamé sa carrière en linguistique générale à
l’université de Paris-V), mais aucun des deux n’était vraiment intéressé par
une carrière de berbérisant : c’était la grande époque de la linguistique struc-
turale et les débuts de la linguistique générative, certainement plus valori-
santes et offrant plus de visibilité au plan académique. J’ai donc été recruté
comme Professeur associé de berbère au 1er octobre 1977 et ai exercé pendant
deux années universitaires aux « Langues O’ » avant de rentrer, très provisoi-
rement5, à Alger. Deux années universitaires qui m’ont permis d’achever et de
soutenir ma thèse de doctorat d’État en décembre 1978, dans de très bonnes
conditions et d’avoir une première expérience de l’Université française.
On le voit, mes débuts dans la carrière de berbérisant doivent beaucoup
à Lionel Galand : d’abord par un suivi attentif de mes deux thèses de doc-
torat, puis par un coup de pouce décisif sur le plan professionnel puisque
c’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier dans l’Université française.
fique de Galand a été décisif. Tous ses articles des années 1960-1970 en la
matière sont absolument fondateurs et restent incontournables : ils ancrent
définitivement la linguistique berbère dans la linguistique générale (structu-
rale) et constituent des références centrales pour toute approche syntaxique,
sur la structure des énoncés, sur la syntaxe du verbe, des pronoms et des
autres paradigmes grammaticaux. Ils ont été des points d’appui essentiels
pour tous mes travaux sur le verbe, la syntaxe des prédicats… Je dois dire
que pour moi, qui ne me suis jamais considéré comme un linguiste « géné-
raliste » mais toujours comme un berbérisant, les publications de Galand
ont été l’interface efficace entre la linguistique générale et la linguistique
berbère car son objet et son horizon ont toujours été le berbère et non une
quelconque théorie prétendument générale. La théorie était chez lui au ser-
vice de la description du berbère et non l’inverse, comme cela le deviendra
ultérieurement chez nombre de linguistes. Et, de toutes façons, son ancrage
théorique très éclectique, de Meillet à Benveniste en passant par Martinet,
était toujours ancré dans la linguistique des langues et non dans quelque
présupposé universaliste posé comme a priori. En ce sens, ses contributions
ont été et restent toujours fécondes, pour la description du berbère comme
pour la réflexion en linguistique générale. À ce point de vue, il se plaçait
clairement dans la tradition de la Société de Linguistique de Paris pour
laquelle l’ancrage dans les faits de langue prime sur la théorie, Société de
Linguistique de Paris qui a d’ailleurs publié en 2002, aux Éditions Peeters,
un ouvrage réunissant ses principaux articles de la période 1960-2000.
L’autre versant considérable de son apport scientifique concerne les études
libyques, qui ont toujours constitué un aspect, sans doute plus discret mais
toujours présent, de ses travaux depuis les débuts. Il y a apporté toute la
précision, la culture et la méthodologie acquises lors sa formation initiale
dans les études classiques, entretenues par un compagnonnage durable avec
les meilleurs spécialistes de l’Afrique du Nord antique. Il leur / nous a
apporté, toujours avec une grande prudence, le regard du linguiste dans un
domaine qui relevait jusque-là plutôt de l’archéologie et des études d’anti-
quité. Son article consacré à « L’alphabet libyque de Dougga » (1973) est
un modèle de ce que l’approche rigoureuse du phonologue peut apporter
à la connaissance du berbère antique.
J’ai partagé, dès le début de mon activité scientifique, cet intérêt pour les
matériaux libyques et la diachronie, et son approche de linguiste m’a beau-
coup inspiré, en particulier par sa dimension structurale qui s’efforçait
d’abord d’établir des systèmes, des correspondances régulières, plutôt que
de s’aventurer dans des interprétations hypothétiques. Nous avons souvent
été en désaccord en matière libyque et, plus généralement de diachronie,
mais je peux affirmer que mon approche a toujours tendu à être un déve-
loppement de la sienne. Notre principal point de divergence portait en fait
sur l’utilisation des données berbères, qu’il hésitait toujours à mobiliser
pour éclairer le libyque parce qu’il pensait que les rapprochements étaient
trop aléatoires et indémontrables. Personnellement, dès 1973, je considérai
Hommages / IX
Après 1980, nos relations sont devenues moins denses – j’étais engagé
dans ma propre carrière, loin de Paris, à Alger puis à Aix-en-Provence, avec
des horizons et des préoccupations en grande partie différents de ceux de
Galand. À travers mon implication dans l’Encyclopédie berbère et mes enga-
gements personnels, j’étais sans doute beaucoup plus sensible que lui aux
questions d’anthropologie, d’histoire sociale et politique des Berbères.
Galand était fondamentalement un linguiste et un grammairien, marqué
par sa formation première dans les études classiques, donc assez peu
concerné par les questions de sociolinguistique, d’identité et de survie des
Berbères et de leur langue. Il cultivait même un certain « apolitisme » de ce
point de vue, qui transparaît clairement dans plusieurs de ses commen-
taires, en particulier dans ses chroniques bibliographiques, à propos des
développements contemporains de la revendication berbère et de ses
connexions ou implications politiques. Son engagement dans le berbère
était avant tout scientifique. Ce qui n’excluait d’ailleurs pas des analyses et
des jugements personnels incisifs sur des points d’histoire et de politique
contemporaines ; je me souviens notamment de ses propos très lucides sur
la fameuse et fumeuse « politique berbère de la France » pendant la période
coloniale, dont il disait volontiers : « La France a fait exactement ce qu’il
ne fallait pas faire : elle a beaucoup parlé mais n’a jamais rien fait ! ».
Cette relative distance vis-à-vis des faits socio-politiques contemporains
n’excluait pas non plus une grande bienveillance, voire sollicitude, pour les
personnes, dont j’ai moi-même largement bénéficié, pendant la préparation
de mes thèses et lors de mon arrivée à Paris en 1977.
Cette donnée – un rapport différent à l’objet – est sans doute l’un des
paramètres qui expliquent que nos relations se soient distendues, voire
même un peu crispées, après 1980. Manifestement, Galand comprenait mal
le projet d’Encyclopédie berbère de Gabriel Camps, qu’il jugeait trop large,
trop englobant, pas suffisamment centré sur les éléments définitoires du
« berbère » : la langue, la littérature et la culture, c’est-à-dire, au plan des
disciplines : la linguistique, les sciences de la littérature et l’ethnologie. Il
s’en est souvent ouvert à moi, oralement et dans nos échanges écrits, ainsi
qu’à bien d’autres collègues. Autant pour Camps, préhistorien qui portait
sur son objet le regard de l’histoire et de l’anthropologie de la longue durée,
« Afrique du Nord » était synonyme de « Berbérie », autant pour Galand,
linguiste, ce sont d’abord les réalités linguistiques et culturelles berbères qui
auraient dû s’imposer. Comme je le lui ai écrit dans un échange assez
récent, je n’étais pas loin de partager ses réserves sur le sujet car l’approche
X / Hommages
À un niveau plus personnel, notre relation a sans doute aussi pâti d’une
différence sensible de tempérament : très tôt, Lionel Galand m’a reproché
d’écrire trop vite, d’abuser souvent d’une grande facilité d’écriture au détri-
ment de l’approfondissement des analyses, des lectures… Et certes, il avait
bien souvent raison : je suis un Méditerranéen, enclin aux synthèses et
conclusions rapides, alors que lui était un érudit plus « nordique », qui
n’écrivait rien qu’il n’ait mis et remis cent fois sur le métier… Chacun de
ses grands articles de syntaxe est un bijou de précision et de réflexion, dont
chaque formulation a été soigneusement pesée et peaufinée. C’est évidem-
ment ainsi que l’on construit des savoirs solides, qui résistent au temps et
restent des références.
Mais cela le conduisait aussi à des prudences étonnantes, un peu têtues –
dont nous nous amusions souvent à Aix. Aix, où le projet d’Encyclopédie
berbère nous poussait plutôt à la synthèse des savoirs, à l’hypothèse explica-
tive, à l’établissement de connexions disciplinaires entre histoire et linguis-
tique, ethnologie et histoire, ethnologie et linguistique… Je pense notam-
ment à ses réticences, qu’il n’a abandonnées que tardivement, à admettre
pleinement la continuité libyque-berbère, à sa prudence extrême dans ses
analyses des matériaux libyques, à ses hésitations à admettre les notions
(sémantique) de stativité et (syntaxique) de non-orientation du verbe, que
j’avais mises en évidence dès ma thèse de 1973…
Galand était un homme de rigueur scientifique qui n’avançait qu’à pas
comptés sur le chemin de la connaissance, peu enclin aux hypothèses trop
exploratoires. Il aimait s’en tenir aux données bien établies, solidement
documentées. Il insistait toujours sur l’importance et la qualité des maté-
riaux qui, disait-il, « resteront alors que nos analyses seront toujours fragiles et
discutables ». Mais ses réticences, ses prudences – qui, certes, pouvaient
m’exaspérer et que j’ai plus d’une fois contestées – ont toujours été pour
moi un aiguillon fécond : elles m’ont aidé à approfondir mes analyses, à
consolider mon argumentation et à mieux étayer ce qui, souvent, n’était
que des intuitions.
Salem CHAKER
Principales publications :
– « Langue et littérature berbères - Chronique des Études », Annuaire de l’Afrique
du Nord (Paris, CNRS), vol. IV à XVIII, 1965 à 1979.
Ces chroniques, sauf les deux dernières (1978 et 1979), sont reprises dans :
– Langues et littérature berbères. Vingt-cinq ans d’études berbères, Paris, Éditions du
CNRS, 1979, 207 p.
– « Inscriptions libyques », Inscriptions antiques du Maroc, 1966, Paris, Éditions du
CNRS, p. 1-79, XII pl.
– « Introduction grammaticale » à : Petites Sœurs de Jésus, Contes touaregs de
l’Aïr, Paris, SELAF, 1974, p. 15-41.
– « Le berbère », Les langues dans le monde ancien et moderne, 3° partie, «Les lan-
gues Chamito-Sémitiques» (textes réunis par David Cohen), Paris, 1988, Éditions
du CNRS, p. 207-242 + bibl. (p.303-306) + carte.
– [RILB] ÉPIGRAPHIE LIBYCO-BERBÈRE. La Lettre du RILB. Répertoire des
Inscriptions Libyco-Berbères, Paris, EPHE (Section des sciences historiques et phi-
lologiques). (Directeur de la publication : L. Galand).
Son dernier ouvrage :
– Regards sur le berbère, Milan, CSCSM, 2010, édité par les soins de Vermondo
Brugnatelli, est une belle synthèse de sa vision d’ensemble du berbère.
Articles : une œuvre considérable en linguistique descriptive (morphosyntaxe sur-
tout) et historique (libyque), publiée dans différents supports, linguistiques (= BSLP,
GLECS, Cahiers Ferdinand de Saussure, Actes des Congrès Chamito-Sémitiques…) ou
historiques (= BCTH, Antiquités Africaines…). Parmi cette abondante production,
plusieurs études, de syntaxe notamment, ont eu un rôle décisif dans le développe-
ment des Études berbères.
Un grand nombre de ses articles ont été réunis dans son ouvrage :
– Études de linguistique berbère, Louvain, Peeters (SLP), 2002.
De nombreuses notices nécrologiques ont été consacrées à Lionel Galand ; cer-
taines sont accessibles en ligne. On pourra se reporter notamment à l’Annuaire de
l’École Pratique des Hautes Études (IVe Section) et au Bulletin de l’Académie des
Inscriptions et Belles Lettres.
Karl-Gottfried PRASSE (1929-2018)
Son œuvre et son apport aux études berbères et touarègues sont tout à
fait considérables, décisifs même. Ses travaux principaux, notamment son
monumental Manuel de grammaire touarègue, ont porté sur le touareg
Ahaggar (tamahăq), à partir des matériaux de Charles de Foucauld. Mais,
très vite, son terrain s’est élargi aux parlers touaregs méridionaux du Niger
(Aïr, Iwellemmende) et du Mali (Adrar des Ifoghas, Iwellemmeden…).
Son implication dans le développement des études touarègues dans ces
deux pays a été significatif, à travers la formation de chercheurs locaux, le
pilotage et la publication de leurs travaux, également par son rôle de conseil
dans les expériences de scolarisation et de codification de la langue toua-
règue. Karl Prasse n’a donc pas été seulement un grand érudit : son impli-
cation dans les études touarègues nigéro-maliennes a eu un impact social
indéniable.
Son œuvre est abondante et variée, mais au-delà des nombreuses édi-
tions ou rééditions de textes touaregs qu’il a assurées, le cœur de son œuvre
scientifique est la linguistique, avec un tropisme marqué pour la diachro-
nie : depuis ses toute premières publications, dans tous ses travaux linguis-
tiques, il y a toujours, explicitement ou implicitement, l’histoire et l’évolu-
tion de la langue, dans le cadre général de la linguistique historique et
comparée chamito-sémitique. Ce qui rend d’ailleurs ses travaux parfois
arides et difficiles d’accès : ainsi, derrière un titre quelque peu trompeur,
son Manuel de grammaire touarègue est avant tout un essai de reconstruc-
tion du touareg, et plus largement du berbère, dans le cadre des données
admises du chamito-sémitique. De fait, l’ancrage scientifique de Karl Prasse
était plus celui de la linguistique historique et comparée de la première
moitié du XXe siècle, tradition particulièrement bien ancrée dans le monde
germanique et scandinave, que celui de la linguistique générale, structura-
liste ou poststructuraliste.
Son apport scientifique essentiel aura été de replacer dans le cadre de la
linguistique chamito-sémitique les matériaux et outils, très sûrs, collectés et
élaborés par Charles de Foucauld et d’en proposer une théorie d’ensemble,
aussi bien au plan phonétique/phonologique que grammatical. Il a ainsi
éclairé de manière décisive des matériaux, certes tout à fait fiables, mais
dont l’analyse était largement faussée par des conceptions dépassées ou
directement inspirées de la grammaire (traditionnelle) du français, tout
à fait inadéquates pour rendre compte d’un système linguistique aussi
différent que celui du touareg. Même si ses analyses ont fluctué en fonction
de l’avancement de ses recherches et découvertes, il aura en particulier
largement contribué à démêler l’écheveau complexe du système vocalique
touareg, notamment en établissant l’existence de deux timbres vocaliques
brefs dans la zone centrale ([ă] et [ǝ]), avec les implications importantes
que cela a sur le système verbal…
Hommages / XV
Les outils linguistiques (et littéraires) qu’il nous laisse, en premier lieux
son Manuel et son imposant Dictionnaire touareg-français (parlers méridio-
naux), qui résulte d’une collaboration fructueuse de longue durée avec
deux chercheurs touaregs qu’il a formés, sont désormais des références
obligées, au même titre que l’œuvre linguistique de Charles de Foucauld,
pour quiconque s’intéresse au touareg et au berbère en général.
Salem CHAKER
XVIII / Hommages
S01. SABOIDES
Sous Septime Sévère*, en 195 de notre ère, une inscription (I. L. Alg. II,
1, 626) de Cirta (Constantine) est dédicacée à un haut personnage de cette
cité, agrégé au sénat, qui porte le titre de princeps et undecimprimus de la
gens des Saboides. On ne sait si cette tribu, inconnue par ailleurs, était
située sur le territoire cirtéen ou en dehors de celui-ci, en sorte qu’il est
gratuit de supposer, comme l’a fait Kornemann, une « attribution » de la
tribu à la confédération cirtéenne (U. Laffi, p. 80-81). S’agit-il même à
proprement parler d’une tribu, le mot gens étant loin d’être univoque ?
J. Peyras (p. 277 et 279) y verrait plutôt une confrérie dionysiaque : et, de
fait, les Sabo-ides pourraient être les « enfants » de Sabos, autre nom
(Orphée, Hymnes 48, 2) de Sabazios, divinité thrace assimilée à Dionysos/
Bacchus, dont le nom et le culte, il est vrai, sont très peu attestés en Afrique
(L. Bricault, p. 300-301). Mais nous connaissons par ailleurs des Iobakkhi*,
mentionnés comme une tribu par le géographe Ptolémée fort loin, il est
vrai, des Saboides, dans le nome de Libye, et une gens Bacchuiana*, beau-
coup plus proche, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de
Carthage. Comme il en est sans doute pour la gens Bacchuiana, qui com-
portait aussi des undecimprimi, on peut effectivement se demander si la
gens Saboidum n’est pas un groupement mystique dont le recrutement était
en majeure partie, sinon exclusivement, tribal (cf. aussi Arzuges*). Reste
que, comme d’autres tribus conformes au type habituel, celle des Saboides
fut pourvue d’un princeps gentis*. Mais le terme latin de princeps a pu ne
pas avoir toujours une valeur administrative stricte.
BIBLIOGRAPHIE
BRICAULT L., « Les dieux de l’Orient en Afrique romaine », Pallas, 68, 2005, p. 289-
309.
LAFFI U., Adtributio e Contributio. Problemi del sistema politico-amministrativo dello
stato romano, Pise, 1966.
PEYRAS J., « Recherches nouvelles sur les undecimprimi », VIe colloque international
sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord antique et médiévale (Pau, octobre
1993). Monuments funéraires et institutions autochtones, Paris (CTHS), 1995,
p. 275-292.
Jehan DESANGES
S02. SACRIFICE
une forme isolée. Ces verbes comme les dérivés nominaux issus de ces
racines verbales : tiγersi (Laoust 1920, p. 218), taγersa (Taïfi 1992, p. 205)
et timezliwt (Dallet 1982, p. 941) renvoient à la pratique sacrificielle la
plus importante : le sacrifice sanglant. Les autres formes de sacrifice et
notamment le sacrifice d’expulsion du mal (asfel* en kabyle) seront abor-
dées dans la dernière partie de cette notice. Il n’est pas étonnant que la
notion de sacrifice soit aussi étroitement liée à celle d’égorgement : pour les
Berbères islamisés depuis de nombreux siècles, la chair d’un animal n’est
considérée comme licite et, a fortiori, celui-ci n’est digne de constituer une
offrande sacrée que s’il est égorgé selon le rite musulman et donc saigné. Le
sang représente un élément essentiel dans ce rituel sacrificiel, il est consi-
déré tout à la fois comme sacré et impur. Principe fondamental de vie,
vecteur privilégié de la parenté (c’est la raison pour laquelle il doit être
vengé), le sang est considéré comme sacré : l’expression kabyle aḥeqq idam-
men i γ-icerken (« par le sang qui nous unit ! ») est une formule de serment
(Genevois 1963, p. 19) ; de même, celui qui « trahit le sang » (win ixedεn
idammen) encourt la malédiction. S’il est sacré, le sang est en même temps
impur, sa consommation sous quelque forme que ce soit est illicite et est
perçue comme répugnante. Le sang doit quitter le corps de l’animal égorgé
dès que la vie le quitte, d’où la nécessité de saigner la victime. C’est très
précisément ce sang qui coule aux frontières entre la vie et la mort qui est
considéré comme l’élément essentiel du sacrifice ; la langue, ici le kabyle,
traduit clairement ce fait : l’expression : sizzel idammen (« faire couler le
sang ») signifie accomplir un sacrifice. C’est de ce sang qu’il est fait usage
dans la quasi-totalité des pratiques sacrificielles quelles que soient leurs
visées (propitiatoire, thérapeutique…) y compris le sacrifice d’Abraham
hérité de la tradition monothéiste. C’est aussi l’usage fait de ce sang ainsi
que le partage de la chair de la victime qui distinguent le sacrifice du simple
égorgement utilitaire.
Les sacrifices propitiatoires sont de loin les plus importants ; ils ont
pour but de placer les actions entreprises sous des bons auspices, d’appeler
Sacrifice / 7113
1. On notera que le verbe ames « être sale » et son dérivé en S- simes « salir », n’ont cette
signification qu’en kabyle. Dans les autres parlers berbères (tamazight du Maroc central,
chleuh, touareg…), ils signifient « essuyer, frotter, appliquer, enduire, oindre… ». Ce qui
introduit un doute sur le sens primitif de l’expression kabyle et pourrait remettre en cause
l’idée d’impureté, qui serait alors secondaire, au profit de la notion, non moins sacrée,
d’onction. [S.C.].
7114 / Sacrifice
Sacrifice à visée curative. Les rites à visée curative (en kabyle, asfel
pluriel iseflawen ; voir notice Asfel*) sont destinés au transfert puis à
l’expulsion du mal ; ils sont pratiqués pour soigner des maladies diverses,
en particulier celles qui sont attribuées à des causes surnaturelles (épilipsie,
maladies mentales, stérilité, etc.). Les vecteurs du transfert sont de natures
diverses ; il peut s’agir :
– d’objets : fil de l’aine, alun, plomb, sel… ;
– d’éléments comestibles (semoule, légumes, viande). Ces ingrédients
sont le plus souvent quêtés. Le repas auquel ils servent de base est
dénommé : asfel asemmaḍ ou « sacrifice/offrande froid(e) » ;
– d’animaux domestiques (chevreau, mouton, poule, pigeon) l’asfel
prend ici la forme d’un sacrifice sanglant (timezliwt) ; le sacrifice,
lorsqu’il s’agit d’un mouton, d’un chevreau, est accompli par l’homme,
mais pour ce rite d’expulsion comme pour l’inauguration des travaux
artisanaux, les femmes peuvent égorger des petits animaux : lapins,
poules, pigeon, voire hérisson (inisi) pour soigner les enfants. Les
forces maléfiques responsables de la maladie sont supposées être
expulsées par le sang qui doit couler abondamment. Après avoir été
7116 / Sacrifice
2. S. Chaker peut témoigner que l’une de ses tantes paternelles (T.C.), née à la fin du
XIXe siècle et aujourd’hui décédée, qui exerçait comme « sorcière-devineresse » (taderwict
yettakken zzyara) a accompli symboliquement le rituel de la giration sur la tête de son fils
aîné gravement malade en utilisant son fils cadet comme offrande sacrificielle (tezzi mmi-s
ameẓẓyan d asfel i umenzu n tasa). La signification de ce geste est d’une limpidité absolue :
cette femme manifestait ainsi sa volonté/son acceptation de sacrifier son fils second pour
que vive le premier. Si le sacrifice humain n’a pas eu lieu en l’occurrence – elle n’a pas
égorgé son cadet ! –, cet événement, qui a eu lieu vers 1950, montre que l’idée même en
reste présente dans les consciences. [S.C.].
7118 / Sacrifice
BIBLIOGRAPHIE
ABROUS D., 1989 – Notice A291 « Asfel », Encyclopédie Berbère VII, Aix-en-
Provence, Édisud, p. 961-962.
ABROUS D., 2007 – La société des Missionnaires d’Afrique à l’épreuve du mythe
berbère : Kabylie – Aurès – Mzab, Louvain/Paris, Peeters.
BASSET A., 1961 – Textes berbères de l’Aurès. Parler des Aït Frah, Paris, Maison-
neuve.
DALLET J.-M., 1982 – Dictionnaire kabyle-français. Parler des At Mangellat –
Algérie, Paris, SELAF (Peeters).
DELHEURE J., 1986 – Faits et dires du Mzab, Louvain/Paris, SELAF (Peeters).
DESTAING E., 2007 (rééd.) – Dictionnaire français-berbère, dialecte des Beni-Snous,
Paris, L’Harmattan (1ère éd. 1914).
DOUTTÉ E., 1994 (rééd.) – Magie et religion dans l’Afrique du Nord, Paris, Maison-
neuve (1ère éd. 1909).
FOUCAULD Ch. (de) et CALASSANTI-MOTYLINSKI A. (de), 1984 – Textes touaregs
en prose. Edition critique avec traduction par S. Chaker, H. Claudot et M. Gast,
Aix-en-Provence, Édisud.
FOUCAULD Ch. (de), 1951 – Dictionnaire Touareg-Français, Paris, Imprimerie
nationale.
GAUDRY M., 1998 (rééd.) – La femme chaouia de l’Aurès. Étude de sociologie
berbère, Batna, Chihab/Awal (1ère éd. 1929).
Sacrifice (Hérodote) / 7119
Dahbia ABROUS
« par-dessus l’épaule » qui a prévalu, sans doute parce que le geste magique
de jeter quelque chose « par-dessus l’épaule », c’est-à-dire « derrière soi » est
un geste familier dans le folklore européen. Ces traductions donnent par
exemple, « Ils coupent comme prémices un morceau de l’oreille de la victime,
qu’ils jettent par-dessus leur épaule, cela fait ils lui tordent le cou en arrière »
(Legrand 1949), ou bien, « Après avoir offert comme prémices l’oreille de la
victime, ils la jettent au-delà de leur seuil, puis ils tordent le cou de la bête »
(Berguin 1932). Dans son apparat critique, Legrand retient la conjecture de
Reiske qu’il justifie en recourant à deux arguments discutables : « Omon est
une conjecture de Reiske ; tous les bons manuscrits donnent ‘domon’, mais ce
mot ne paraît chez Hérodote que dans un texte d’oracle pour désigner le temple
d’Apollon (V, 92). Ici que désignerait-il ? Les nomades n’avaient sans doute pas
de temples et ‘domon’ serait un terme bien fastueux pour désigner l’habitation
du sacrifiant, qui n’était qu’une modeste hutte faite de tiges d’asphodèle et de
joncs ». Pourtant, comme le suggère avec bon sens St. Gsell, « Il est vrai que
les nomades n’avaient pas, à proprement parler, de maisons, mais le mot peut
signifier simplement ‘habitation’ » (p. 191, note 5).
Pour cela, il suffit d’explorer un domaine parmi l’un des plus conservateurs
de très vieilles traditions, celui des mythes et des contes.
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Nedjima PLANTADE
Dans l’Atlas algérien présaharien les monts des Ouled Naïl s’étirent vers
le sud entre Djelfa et Messad* et du Nord-Est au Sud-Ouest, entre Bou
Saada et Aflou. Plus rien d’aussi impénétrable ni d’altier comme dans l’Au-
rès voisin ne se dresse pour ralentir la pénétration et l’occupation de la
région. De nombreux couloirs de circulation ont naturellement individua-
lisé les chaînons rocheux, offrant aux nomades des abris appréciés. Mais
aujourd’hui, dans ces paysages ventés et dénudés, ces derniers ne disposent
plus de conditions humides et verdoyantes. Pourtant durant l’Holocène
ancien et moyen une grande biodiversité s’y est développée et des popula-
tions épipaléolithiques et néolithiques s’y sont approvisionnées en eau, y
ont chassé leurs proies, avant de faire paître leurs troupeaux. Aussi est-il
difficile de restituer aujourd’hui le vécu et le potentiel naturel d’alors sans
l’appui de traces, lorsque manquent notamment les éléments essentiels
d’un cortège faunistique et floristique, témoins d’épisodes climatiques favo-
rables et datables. L’objectif de reconstitution des paysages que se fixent les
quaternaristes, en examinant des résidus de bio-documents conservés dans
le sol, contribue à déterminer les conditions du développement des biotopes
fossiles nécessaires à l’anthropisation de ces régions passées et présentes.
Safiet bou Rhenan / 7123
Fig. 2. Station 1 (A) : panneau tourné vers le campement, situé entre les rochers
portant la gravure du bélier orné. Celui-ci a été précédé d’un autre bélier, mais dès
que le graveur l’eut esquissé et positionné sur une autruche déjà gravée, il dut
remarquer que la posture générale et le port de la tête en particulier seraient incom-
patibles avec la fonction d’un bélier orné qu’il incarnerait ; une seconde gravure fut
alors réalisée en arrière (Hauteur au garrot : 0,85 m, Longueur totale : 1,25 m,
d’après D. Grébénart 1971, p. 181). Il ne s’agit donc pas d’une frise, mais plutôt
d’un tâtonnement. On remarquera le polissage du corps et le trait vertical aboutis-
sant à un récipient poli. (Cl. F. Soleilhavoup 1980).
7126 / Safiet bou Rhenan
– Le second groupe situé dans une niche du rocher éboulé, réunit quatre
antilopes bubales et un antilopiné indéfini.
– Le troisième groupe couvre une face masquée d’un rocher actuelle-
ment effondré ; les grands mammifères n’ont pas été identifiés, seule une
autruche a pu l’être.
Dans la sélection des représentations faite ici, la gravure du bélier orné
(expression neutre retenue1) s’est imposée, intégrée au cortège faunique
auquel elle participe, replacée dans un cadre environnemental de savane,
implicitement suggéré. D. Grébénart a supposé que ces représentations
étaient synchrones de l’installation des hommes : « entre les gravures et les
restes d’occupation humaine, nous constatons une relation de proximité
et l’on peut admettre avec beaucoup de réserves, que la date obtenue par
le 14C […] correspond à l’âge des gravures » (Grébénart 1970, p. 65 ;
1971, p. 179). Cette lecture reste acceptable, vraisemblable. Pourquoi n’en
avoir pas tiré de conclusion comportementale et s’être limité au constat
d’une proximité habitat-art ?
1. Rappelons que l’expression « bélier à sphéroïde » a été utilisée par Flamand (1899, p. 65
et en 1921, p. 64-67 et 336 et suivantes) par analogie avec la sphère solaire et son rappro-
chement de la représentation du bélier du culte égyptien d’Amon. La représentation du
bélier de Bou Alem lui avait été signalée par le Capitaine Reynaud de la Gardette de Favier
en 1897. Flamand se rendit sur le site en 1898.
Safiet bou Rhenan / 7127
2. Le panneau tourné vers le campement, porte la gravure de deux béliers dont un orné.
Mais dès que le graveur eut esquissé et positionné le premier sur une autruche déjà gravée,
il s’aperçut que la posture générale et le port de la tête de l’animal étaient incompatibles
avec la fonction du bélier orné qu’il voulait représenter ; une seconde gravure fut alors
réalisée en arrière. Pour nous, il ne s’agit donc pas d’une frise, mais plutôt du tâtonnement
du graveur.
7130 / Safiet bou Rhenan
Fig. 3. Station 1 : second panneau gravé de trois béliers, dont deux adultes ornés,
portant un collier et un jeune (Cl. F. Soleilhavoup 1980, sans échelle).
Conclusion
Replacée dans un contexte culturel plus étendu, intégrant toutes les
données locales, postérieures au Capsien supérieur, l’installation d’un pas-
toralisme initial dans le territoire des Ouled Naïl se justifie désormais.
Il permet d’accorder aux premiers pasteurs venus en transhumance se
blottir entre les rochers de Safiet bou Rhenan, un statut pastoral répandu
entre VII-VIe millénaire cal BC, qui pourrait avoir été, sous réserve de
datations fiables, antérieur à celui de l’Aurès (Roubet 1979).
Aborder le fait pastoral, phare de la néolithisation atlasique, reste délicat
en l’absence d’arguments nombreux et divers, mis en synergie. Il manque
ici l’incontestable détermination de documents fauniques domestiques
consommés. Il manque l’esquisse d’un projet pastoral (Roubet 2003), à
supposer que la préoccupation du devenir pastoral à long terme se soit déjà
imposée. Pourtant, en reconnaissant au domaine graphique du bélier orné,
qui supplée avec pertinence à ces manques, un pouvoir évocateur fort, une
sobre « mise en situation » et une sémantique consacrée et concise, connue
Safiet bou Rhenan / 7131
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Colette ROUBET
(Bas) Sahara : préhistoire / 7133
[Une notice « Bas-Sahara » (B41) est déjà parue dans l’EB IX, 1991 ; le renouvel-
lement important des connaissances sur le sujet, lié notamment aux recherches
et publications de G. Aumassip, a incité la rédaction à demander à l’auteur une
réactualisation et un développement de son texte.]
Fig 1. Le Bas-Sahara.
7134 / (Bas) Sahara : préhistoire
Fig 2. Biskra. Biface (on remarque le douci des arêtes, altération chimique ?).
(Bas) Sahara : préhistoire / 7135
zone considérée, aucun hachereau n’a été signalé, ce qui rattache ces indus-
tries aux faciès du Sahara oriental et les de même, distingue nettement de
l’Acheuléen du Sahara occidental et de la Saoura.
Hors quelques perles en pierre, tardives, la parure est pauvre, limitée à des
rondelles d’enfilage en test d’œuf d’autruche. L’art mobilier qui s’exprime
sur la poterie est monotone ; à l’inverse, jouant avec les motifs géométriques,
il est riche sur l’œuf d’autruche. Oued Mengoub a fourni les restes d’une
coupe ornée intérieurement d’un bovin couché ocré. L’art rupestre est peu
fréquent, peut-être en raison du manque de support. Ses traits incisés,
piquetés ou martelés, sa patine en général peu prononcée rendent compte de
son âge récent. Chabet Naïma a été mentionné par Blanchet dès 1899. La
paroi d’un étroit diverticule montre une frise de bovins en profil absolu,
cornage diversifié. La fin de la frise entremêle des personnages ayant un bras
levé ou en orant, tandis qu’à sa base, un petit personnage, orienté à l’inverse,
porte un bouclier en diabolo. Quelques stations sont connues dans le M’zab
(Ghardaia, Beni Isguen, Berriane, Hassi Bous Bayer, Oued Adira). Gravures
animalières, privilégiant les antilopes, essentiellement sur dalles, elles sont
restées longtemps inaperçues. Beni-Isguen regroupe une centaine de gra-
vures reconnues au ‘Belvédère’, lors de l’extension de la ville, en 2000. N.
Ferhat les rapporte à l’Âge du Bronze en raison de leur technique et la
représentation d’un poignard et de deux épées. De par la volonté locale, elles
sont restées en place et les constructions se sont agencées autour d’elles, fai-
sant de la nouvelle ville, une ville musée. Oued Adira (connu sous divers
noms: Kef el-Ketba, Hassi el-Khib, Oued el-Haouneur, plus récemment
Ben Haïkal), identifié par Marchand en 1940, comporte plusieurs stations
en bordure d’oued. Un intérêt plus particulier vient de chevaux montés et
surtout de personnages à tête ronde surmontée de traits pouvant figurer des
7138 / (Bas) Sahara : préhistoire
plumes, les uns ont une position d’orant, les autres tiennent une lance ver-
ticale dans chaque main. Ils évoquent on ne peut mieux, les « guerriers
libyens ». M. Hachid les rapporte soit au 2°, soit aux 3°-4° siècles. Une
représentation de Pælorovis, à Guerrara, est beaucoup plus ancienne malgré
son réalisme sommaire ; le trait est profond, poli en U. Il s’agit de l’une des
plus petites représentations de cet animal actuellement connues (L =
0,42 m). On retrouve des gravures animalières sur dalles dans les stations
méridionales (Ouan ed-Diss, Oued Ilgou, Maison Rouge). Mereksem,
Timissit doivent leur originalité à un très grand nombre de spirales qui
pourraient être très anciennes. Gour Laoud, en limite du Bas-Sahara, est la
seule station où le grand art naturaliste s’exprime.
Ginette AUMASSIP
Saint / 7145
Plus près de nous, le cas du saint d’Ilɣ (Souss marocain) montre bien le
statut des deux langues – l’arabe classique et le berbère – dans la pratique
soufie et, plus généralement, la pratique religieuse (Bounfour 2005, p. 107-
135). Le berbère est la langue de la formation soufie et religieuse ; elle est
aussi en usage dans la pratique, sauf quand il s’agit de réciter le Coran.
Ce dernier n’est jamais traduit, du moins à notre connaissance, alors que
le Hadith l’est (Bounfour 2015, à paraître).
La sainteté berbère du Maghreb est chose assurée d’un point de vue
strictement statistique. En effet, on peut déduire des dix-sept corpus étudiés
par Ferhat une majorité écrasante de saints berbères. Toutefois, il est certain
que le saint berbère, en raison de son prosélytisme religieux, a contribué à
l’arabisation et à l’islamisation en profondeur de la société rurale et citadine.
Ferhat (2003) écrit :
« ethniquement berbère le saint montre un grand zèle pour la diffusion de
la langue et de la culture arabes, instruments de la religion. » (p. 29).
Et plus loin :
« Le rôle des soufis dans la diffusion de la langue arabe semble aussi impor-
tant, sinon plus important que celui des enseignants classiques. » (p. 31)
7146 / Saint
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Abdellah BOUNFOUR
Aspects socio-économiques
Située sur la route de Médéa et à proximité de Blida, la tribu bénéficiait
d’une situation avantageuse. Si le relief escarpé de son territoire est peu
favorable à la céréaliculture, l’abondance des ressources en eaux des rivières
venant de ses hautes montagnes permet l’arboriculture et le maraîchage
en terrasses. À ceci s’ajoute l’abondance des ressources forestières qui non
seulement procurent du charbon, mais permet la pratique de l’élevage.
L’excédant de ces produits agricoles auxquels s’ajoute la production artisa-
nale, fabriquée en quantité par les femmes d’Aït Salah, est écoulé à Blida et
sur d’autres marchés algérois. D’où l’expansion des activités commerciales.
La diversité de ces ressources assurait aux habitants une certaine aisance et
une stabilité économiques. Mais nombre de familles n’ont pas bénéficié
du développement économique, comme on peut le constater à travers
les formes d’habitats. Dans les quelques dizaines de petits villages autour
7152 / Salah (Aït) : sociolinguistique
des vallées qui formaient la tribu, on y trouve deux types d’habitats tradi-
tionnels : d’une part, des maisons en pierres, couvertes de tuiles semblables
à celles de Kabylie, construites par des familles aisées, et d’autre part, des
gourbis pour les familles pauvres.
Organisation socio-anthropologique
Comme les autres tribus berbères, l’organisation socio-anthropologique
des Aït Salah est de type segmentaire. Bien que se proclamant issus
d’un même ancêtre : Salah, la tribu est subdivisée en plusieurs fractions :
Kherracha, Amchech, Sâouda, Tardjouna, Beni Amras, El-Manchar, Bou
Gheddou, Tizza, Hemlelli, Tazerdjount. Durant la période ottomane, la
tribu a connu quelques transformations : d’une part, elle a intégré deux
petites tribus voisines : Ghelaie et Ferroukha ; d’autres part, elle a vu s’ins-
taller dans la plaine une petite partie de sa population, formant ainsi les
Ait Salah Loutha (de plaine) (Saidouni 2001).
L’Islam a joué un rôle majeur comme en atteste la référence aux termes
religieux dans la toponymie locale et la présence dans les montagnes d’Aït
Salah de nombreux saints, notamment de saintes (Lalla Imma Tifelleut,
Lalla Taourirt, Lalla Imma Mghîta…). Sa proximité avec la Kabylie
favorisait des échanges incessants dans ce domaine. La région fut, en effet,
influencée par l’ordre religieux kabyle de la rahmaniya*, qui s’est propagé
et dominait dans l’Atlas blidéen durant la période ottomane.
Éléments d’histoire
Les informations historiques sur cette tribu, pour infimes qu’elles soient,
permettent de comprendre son évolution. On ne dispose pas d’informa-
tions anciennes abondantes sur les tribus de l’Atlas blidéen, en-dehors
de celles fournies par les récits du géographe Al-Idrîssî (XIIe siècle) et de
Jean-Léon l’Africain (XVIe siècle). En évoquant les montagnes surplombant
la ville d’Alger (nommé Gzier par Jean-Léon l’Africain), c’est-à-dire l’Atlas
blidéen, les tribus qui y habitaient sont décrites comme ethniquement
berbères, économiquement prospères, politiquement indépendantes et bel-
liqueuses.
Un tournant historique semble se produire au début du XVIe siècle
quand les Aït Salah ont accueilli dans leur territoire un lettré andalou, Sidi
Hmed El-Kebir. Ce dernier, à l’origine de la fondation de la ville de Blida,
a laissé une descendance qui fut intégrée dans la tribu.
Par la suite, la tribu est mentionnée par une carte géographique du
célèbre explorateur anglais Tomas Show (1743). Le nom de la tribu
« B. Sala » y est mentionné sur son territoire actuel. Il nous informe égale-
ment que, contrairement aux autres tribus de la plaine de Mitidja, les
monts de l’Atlas blidéen ont échappé aux exactions des Turcs lors de leur
occupation de l’Algérois.
7154 / Salah (Aït) : sociolinguistique
Désorganisation de la tribu
La tribu a donc longtemps lutté pour son indépendance. La résistance
durera pendant toute la période ottomane et se poursuivra au moment
de la conquête française. La détermination des Aït Salah à défendre leur
territoire, tout proche d’Alger, leur a coûté un prix très lourd : guerres
récurrentes, blocus économiques et spoliation des terres tribales, pratiquées
aussi bien par les Ottomans que par les Français. Cependant, la tribu
survivra et gardera une certaine vitalité et cohésion socio-économique et
politique jusqu’au début du XXe siècle.
Mais la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962) causera un bou-
leversement social dont elle ne se remettra jamais. L’engagement des Aït
Salah dans l’ALN (Armée de Libération Nationale) fut massif : leur mon-
tagne constituait un important fief pour les maquisards locaux et pour ceux
venus de Kabylie. Pour cette raison, dès 1955, l’armée française décrétera
« zone interdite » la quasi totalité du territoire de la tribu. Ses habitants en
furent expulsés et déplacés dans des centres de regroupement construits à
cet effet dans la plaine, sous contrôle étroit de l’armée française. Ce déraci-
nement massif affecta profondément les Aït Salah à tous les niveaux : psy-
chologique, social, économique, linguistique…
Après l’indépendance, rares furent les familles qui ont regagné leurs
villages dévastés par la guerre. Seuls les plus aisées avaient les moyens d’y
retourner et de s’y réinstaller. La paix ne durera pas longtemps : la région
Quant à la relation de voisinage entre les Aït Salah et les Blidéens, elle
était déjà conflictuelle avant même la colonisation française. Le Djbaïli
(montagnard) est souvent mal vu, suspecté, redouté ou stigmatisé par les
citadins. Ainsi, installés de force dans ce milieu hostile, marginalisés au
plan socio-économique et méprisés par les arabophones, l’insécurité lin-
guistique s’installe parmi les Aït Salah, notamment les jeunes générations.
Progressivement, la transmission intergénérationnelle du berbère s’éteint ;
les premières générations post-indépendance n’ont qu’une connaissance
passive de la langue ancestrale.
La glossonymie plurielle du berbère locale est un indice de cette insécu-
rité en réalité ancienne. Il est nommé tašelḥit (« chleuh »), tasalḥit, taqbaylit
(« kabyle ») voire tazenatit (« zénète ») d’après Trumelet (1887). La décen-
nie de violence des années 1990 disperse les dernières familles habitant la
montagne des Aït Salah, où le berbère était le mieux maintenu, ce qui
anéantit tout espoir de transmission intergénérationnelle du berbère.
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Ramdane TOUATI
Phonétique-phonologie
Au plan phonétique, le parler des Aït Salah se caractérise par :
– Un système vocalique simple, classique pour les parlers berbères du
Nord, composé des voyelles a, i et u sans opposition de durée, avec une
voyelle centrale neutre [ə], phonologiquement non pertinente.
– Un système consonantique marqué par la spirantisation généralisée
des occlusives simples « berbères » b, d, t, g et k qui sont respectivement
réalisées : [β, ð, θ, ʝ et ç].
7158 / Salah (Aït)
– ou la conjonction neɣ « ou »
ad texseḍ nna illa ? < ad texseḍ nneɣ illa ? « Veux-tu ou non ? » …
Chez Les Aït Salah, les verbes de qualité et d’état, à l’instar de la plupart
des parlers berbères Nord, n’ont pas de flexion particulière au thème de
prétérit. Ils s’alignent sur la conjugaison des autres verbes, avec un para-
digme unique d’indices de personnes.
Le morphème de la négation verbale est discontinu dans ce parler. Il a la
forme : ur/u----k [ç]. Des allomorphes de la post-négation k, tel que ara et
c [ʃ], peuvent se rencontrer ; ce sont probablement des emprunts au kabyle
et/ou au parler du Chenoua. Compte tenu du caractère spirant du second
constituant de la négation dans le parler d’Aït Salah, alors qu’il est occlusif
dans le parler limitrophe des Aït Misra, on peut envisager l’étymologie
suivante pour cet élément : kra > ka > [k] > [ç] > [ʃ], confirmant une hypo-
thèse ancienne (cf. Chaker & Caubet 1996, p. 14-17).
La forme (t)uɣa, connue dans les parlers dits « zénètes » mais également
en kabyle oriental, est utilisée soit comme verbe signifiant « exister/être »,
soit comme auxiliaire indiquant l’antériorité, en combinaison avec le prété-
rit ou à l’aoriste intensif :
gg Criɛa, tuɣa ict n tala, qqaren-as ɛin Ǧardanu « A Chréah, il y a une source
qu’on appelle Ain Djardanou. » ;
nekk, tuɣa-yi saɣayeɣ, znuzuyeɣ « moi, (à l’époque), je faisais du commerce
(j’achetais et vendais) ».
Salassii / 7161
Le lexique
Le lexique du parler des Aït Salah n’est pas bien connu. Aucun recueil
propre à cette variété n’a été élaboré. Les rares références dont on dispose
sont le travail de Émile Laoust (1912), dans lequel il compare le dialecte du
Chenoua à celui des Aït Menacer et à celui des Aït Salah, et le Dictionnaire
français-berbère, dialecte des Beni-Snous de Destaing (1914) qui fait souvent
référence à la variante parlée chez les Aït Salah. Le dictionnaire français-
berbère (Dialecte écrit et parlé par les Kabaïles de la division d’Alger), publié
en 1844, qui rassemble le vocabulaire en usage dans plusieurs parlers
du Nord-centre de l’Algérie, fait également référence aux parlers de l’Atlas
blidéen, auxquels appartiennent les Aït Salah.
Les vocables fondamentaux qui distinguent le parler des Aït Salah du kabyle
et qui le rapproche souvent des dialectes dits « zénètes » (chenoui, Ouarsenis,
chaoui, mozabite, rifain…) sont nombreux : amaccu/imaccuwen « chat(s) » ;
tulit/tullatin « brebis » ; akufay « lait » ; tazeqqa/tizeqqwin « chambre(s)/
maison(s) » ; aqjaw/iqjawen « chien(s) » ; timejjet « oreille » ; iqic/iqacun
« corne(s) » ; ayug/awgawen « bœuf(s) » ; aḥzaw/iḥzawen « enfant(s) » ; ayrad/
ayraden « lion(s) » ; imerzi/imerzawen « dos » ; tadist/tidusin « ventre(s) » ;
tiɣallin « juments » ; ij/ijjen « un » ; ict/icten « une » ; tafukt « soleil » ; ayur
« lune » ; aguzlan « court » ; ismeg « noir » ; uxxic « mauvais » ; amezgan
« petit » ; azegrar « long » ; amejjuj « sourd » ; uc « donner » ; exs (aoriste)/qqas
(aoriste intensif) « vouloir » ; seɣ « acheter » ; irmek « être profond » ; icmet
« être méchant » ; uf « être gonflé » ; yḍu « tomber » ; adef « entrer » ; agel
« prendre » ; ggur « marcher » ; mmar « être fini, achevé, terminé »…
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Salem DJEMAÏ
S09. SALASSII
Les Salassii sont une tribu à situer non loin du littoral et non loin de
l’Ampsaga*, fleuve qui servait de limite entre la Numidie et la Maurétanie
césarienne. Ils sont en effet mentionnés par Ptolémée (IV, 2, 5, Müller,
p. 604) parmi les tribus les plus orientales de la Césarienne, non loin des
7162 / Saldae
Jehan DESANGES
Jehan DESANGES
Perchée sur son plateau escarpé, Saldae fut sans doute très tôt protégée
par un rempart accroché au rocher en remployant probablement des tron-
çons de remparts antérieurs (Laporte, Remparts, 2010, p. 134-137).
Fig. 2. Le nom complet de la ville sur deux dédicaces à Constance (CIL, VIII,
20683, entre 293 et 305) et à Galère divinisé (après 305), (CIL, VIII, 8933).
Dessins J.-P. Laporte.
Saldae / 7167
Fig. 3. Les arches d’El Hanaiat. Noter à mi-hauteur l’arc disparu formant
entretoises entre les piles. Cliché J.-P. Laporte, 2014.
Saldae / 7169
Après une première prise de Carthage par les Arabes, la capitale africaine
tomba définitivement en 698, ce qui ouvrait une nouvelle ère, celle de
l’Islam. Hippone, où s’étaient rassemblés des réfugiés chrétiens vers 692-
695, fut prise quelque temps après sa métropole africaine. Saldae eut sans
doute le même sort, sans que nous sachions exactement quand. On n’en-
tend plus parler de la ville pendant près de trois siècles. Longtemps privée
du commerce maritime qui avait fait sa prospérité, elle avait périclité et
était réduite à peu de chose.
En revanche, nous retrouvons les Ketama* des Babors, convertis à l’Is-
lam, dans sa version kharidjite, dès les années 750. Réfractaires au pouvoir
aghlabide, ils allaient par la suite assurer le triomphe de la dynastie fatimide
à Mahdia, puis jusqu’en Égypte.
Il fallut attendre le milieu du XIe siècle et les menaces des Hilaliens
contre la Qalaa des Beni Hammad* pour voir En-Nacer fonder une ville
nouvelle, En-Naciria, sur l’emplacement de l’antique Saldae. Comme le
rapporte Ibn Khaldoun (éd. De Slane, t. II, p. 51) :
« En l’an 460 (1067-1068), il [En-Nacer] s’empara de la montagne de
Bedjaïa, localité habitée par une tribu berbère du même nom. Chez eux, Bedjaïa
s’appelle Bekaïa et se prononce Begaïa.[…] En-Nacer, ayant conquis cette mon-
tagne, y fonda une ville à laquelle il donna le nom d’En-Naciriya ; mais tout
le monde l’appelle Bejaia, du nom de la tribu ».
Saldae / 7175
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Jean-Pierre LAPORTE
Salem CHAKER
BIBLIOGRAPHIE
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Jehan DESANGES
S13. SAMAMUKII
nom est pourtant formé sur celui du Kinups/Cinyps (oued Caam). Leurs
voisins méridionaux sont, toujours selon Ptolémée (ibid., p. 642), les
Tidamēnsii (pour *Gidamēnsii, avec une confusion entre Γ et T ? Cf., dans
ce cas, Cidamus [Ghadamès]*) et les Nygbeni (cf. Nybgenii*). Il apparaît
que Ptolémée a fait glisser vers l’est, de la Petite à la Grande Syrte, certaines
de ces tribus. Le géographe alexandrin mentionne à nouveau (IV, 6, 6,
p. 745) les Samamukii en Libye intérieure au nord du mont Girgiri, censé
donner source au Kinups/Cinyps (IV, 6, 3, p. 736). Il pourrait avoir noté
un phénomène de transhumance semblable à celui qui fut observé dans
l’Antiquité (Périple du pseudo-Scylax, 109, in GGM, I, p. 85) chez les
Maces*, dont les Kinuphii semblent avoir constitué une branche. La variante
Samukii, attestée (Müller p. 642) dans quelques manuscrits, évoque les
Zamucii*, mentionnés sur une borne de limitation des environs de Sirte,
sur la Grande Syrte, datée de 87 de notre ère (I.R.T., 854). On peut se
demander également si le limes Mamucensis, situé par la Notitia Dignitatum
(Oc. XXXI, 11=26, Seeck, p. 186-187) en Tripolitaine, ne recouvre pas un
limes *Samucensis (Σ confondu avec M). Peut-on enfin reconnaître hypo-
thétiquement le nom berbère smmus, « cinq » (Galand, p. 298, n. 4), dans
l’ethnonyme transcrit en grec Samamukii ? On aurait alors à faire à un
ensemble tribal à structure quinaire (cf. notices A83 « Afus », C67 « Cinq
(Semmes/Semmus) » et M16 « Main »).
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Jehan DESANGES
Bien que la famille ait été chrétienne (Laporte, « Nubel », 2010, p. 5628-
5629 et 2012, p. 985-987), cette dédicace, essentiellement politique, ne
montre aucun indice religieux (pas d’allusion païenne, pas d’allusion chré-
tienne, pas de chrisme). Elle précise le pouvoir et le rôle de Sammac, sans
doute hérités tels quels de son père Nubel : ramener les peuples maures dans la
paix et les y maintenir par des traités. À ce titre, Sammac était l’un des princi-
paux rouages du pouvoir romain sur les tribus en Maurétanie césarienne, et de
ce fait client (acceptus, Ammien, XXIX, c. 2) du comte d’Afrique, Romanus.
Sur la dédicace, le fundus Petrensis (terme d’Ammien) est désigné par les
deux mots de praesidium, qui comporte une connotation militaire et de
praedium qui désigne un domaine agricole, ce qui montre la double nature
de l’édifice. Le lieu-dit M’lakou, près d’Ighzer Amokrane (Gsell, Atlas, 6,
148 ; Kherbouche 2011, avec carte de localisation) se trouve à cent cin-
quante mètres de l’oued Soummam, sur une petite hauteur qui domine
d’une dizaine de mètres le cours du fleuve.
Le site fut dépouillé de ses pierres de taille par Ben Ali Cherif à partir de
1890. La mise en culture du lieu a éliminé peu à peu tous les vestiges
visibles en surface. Il ne restait naguère que quelques pierres de taille dans
un grand champ labouré. Le site, menacé par un projet d’autoroute devant
désenclaver Bejaia, a été sauvé par une mobilisation populaire qui a amené
à dévier le tracé de la voie. Des fouilles actuellement en cours (2018)
permettront de dégager les bâtiments du praedium/praesidium de Sammac.
Google Earth permet d’examiner précisément les lieux (Coordonnées :
36°31’15.16’’ N ; 4°37’29.50’’ E). Le fleuve Soummam, antique Nasavath,
traverse une étroite plaine située à 122 mètres d’altitude entre deux mon-
tagnes qui culminent à plus de 1.450 m à l’ouest et 1.100 m à l’est. Ce lieu
commande le passage entre Saldae* et Tubusuptu au nord et en aval, et
Auzia au sud-ouest, à 70 km en amont. Alors qu’un siècle plus tôt les chefs
autochtones de la région étaient plutôt installés sur des points élevés,
Sammac contrôlait étroitement l’un des principaux points de passage en
plaine de l’une des rares routes menant de la côte vers l’intérieur de la
Maurétanie césarienne sans passer par des cols, ce qui donne une haute
idée de son importance pour l’autorité romaine. Cette situation correspond
bien à l’ascension sociale des chefs autochtones qui devait déboucher sur la
mise en place progressive d’une sorte de féodalité.
« À la veille de la guerre de Firmus qui devait ravager la province entière, la
puissance romaine, sous le couvert de son organisation administrative, se trou-
vait à la merci des seigneurs locaux » (Salama 1954, p. 229).
Sammac / 7183
Sammac fut assassiné quelque temps avant 370, sans doute dans le but de
récupérer son pouvoir, par Firmus, son ambitieux frère illégitime, au sens
du droit romain, car issu d’une concubine de Nubel (Laporte, « Nubel »,
2010, p. 5628-5629 et 2012, p. 987-988). Compte tenu du rôle de Sam-
mac dans la région, il ne s’agissait pas d’une simple querelle de succession
au sein d’une tribu maure, mais bien d’un conflit qui touchait directement
l’administration romaine de la province sur un point particulièrement sen-
sible : l’encadrement des tribus. Devant l’assassinat de l’un de ses principaux
auxiliaires, un rouage essentiel pour le contrôle de la Maurétanie césarienne,
le comte d’Afrique ne pouvait qu’avoir une réaction vive ; il condamna
Firmus à mort, et l’empêcha de faire appel devant l’Empereur, en l’acculant
à la révolte, ce qui provoqua une guerre sanglante.
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Kamal NAÏT-ZERRAD
7186 / Sandales
[Cette notice est une version allégée d’un article paru dans les Actes du premier
Congrès d’étude des cultures méditerranéennes d’influence arabo-berbère, Alger, SNED,
1973. Marceau Gast a également publié deux autres etudes sur le même sujet
(Cf. Bibl.). Deux de ces références sont reprises dans le recueil d’articles de M. Gast
publié par le CNRPAH (Alger) en 2008.]
Or, il se trouve que dans ces rapports de familiarité avec ses différents
parents, les cousines croisées sont les seules femmes avec lesquelles l’indi-
vidu peut prétendre se marier. En outre il peut être l’héritier de son oncle
maternel en ce qui concerne le droit au commandement et tous les biens
qui s’y rattachent. Un proverbe définit ainsi la position du neveu à l’égard
de son oncle :
Agg elet-ma-k ahengu n éheré-nek
Ahengu n henga-nek.
“Le fils de ta sœur est l’ennemi de ton bien
[mais aussi] l’ennemi de tes ennemis.”
Le neveu attend l’héritage de son oncle pour prendre à son tour le com-
mandement dans le cas où la mère d’ego est détentrice du droit au com-
mandement. Pour défendre cet héritage, le neveu prend les armes en faveur
Sandales / 7187
de son oncle. Il a avec lui des rapports semblables à ceux d’un fils envers
son père.
Ces relations étant connues, reportons-nous à une coutume encore
respectée en Ahaggar lors de la cérémonie de tout mariage.
Le premier jour du mariage une tente est dressée au-dessus d’un petit
dôme de sable sur lequel les mariés doivent passer leur première nuit. La
bienséance chez les Imûhaɣ veut que l’acte sexuel ne soit pas consommé
cette nuit-là. La mariée doit s’habituer à la présence de son mari sans
s’effrayer. Cependant lorsque le cortège chantant accompagne la mariée
vers cette tente nuptiale, le ou les cousins croisés, fils de la sœur du père de
la mariée, font mine de s’opposer à son accès vers la tente. Le ou les cousins
demandent « les sandales » qui leur reviennent comme un dû.
En exigeant que lui soit offerte la paire de sandales consacrant jadis les
échanges dans le monde sémitique, le cousin se décharge publiquement de
son droit de mariage sur sa cousine. À la suite de quoi, il ne lui interdit plus
l’accès de la tente de son futur mari. Du même coup les relations sociales, un
moment en rupture de contrat, retrouvent un équilibre nouveau. Cependant
si le cousin renonce à épouser sa cousine il ne perd pas pour autant ses droits
Sandales / 7189
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attribue ces gravures à la periode cameline. Il signale en outre des rites actuels :
à Ouargla on brule des « brindilles de paille sous le pied d’un fiancé avant qu’il
quitte sa maison » ; à la sortie de la ville une vieille femme passe un chiffon mouillé
sur les pieds des cavaliers. « L’un des contours de pied que l’on voit sur le plancher
d’un abri suspendu à Aba-n-Tenouart est encore l’objet d’un culte. Il est recouvert
d’une plaque de grès que les gens soulevent avant d’adresser leur invocation, puis
la remettent en place… » (p. 801).
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7190 / Sandales
Marceau GAST
À l’heure actuelle, l’aire de dispersion de ce motif est très vaste : elle va des
Atlas au Sahara occidental en passant par les massifs du Sahara central. On
le retrouve, par exemple, dans le sud-est de la Tunisie (Ben Nasr 2015) ou
au Sahara central sur le site de Tiratimin1 dans l’Immidir (Lhote 1952). Pour
ce qui est du Maroc, de nombreux sites rupestres attestent des représenta-
tions qui pourraient être identifiées comme des sandales : Assif Tiwandal,
dans le sud (Searight 2004), l’Oukaïmeden (Collado 2014), Tamda (Auclair
et al 2013), Aogdal N’Ouagouns ou Lalla Mina Hammou (Malhomme
1959), dans les Atlas, Djebel Rat (Bravin 2015), ou encore la région de
Taouz (http://www.prehistoire-du-maroc.com/taouz.html). Des sandales
ont été également recensées aux Îles Canaries. Bien qu’elles existent aussi
dans le sud de l’île de Ténériffe, dans l’île d’El Hierro et en Grande Canarie,
leur présence est particulièrement importante à Fuerteventura et Lanzarote
(Soler 2006).
Planche 1.
7192 / Sandales
Planche 2.
7194 / Sandales
Ortner 1974-1975), que piqueté tel qu’il arrive, par exemple, dans un site
de l’Anti-Atlas situé au sud d’Ighrem d’Ouaremdaz (Pichler 1999). Dans la
plupart des cas, l’horizontalité du support pourrait également être une
caractéristique technique commune. Décrivant les motifs de nasses et de
sandales dans un site de l’Akakous localisé dans le Wadi Aouis, P. Masy
parle « d’affinité des deux motifs pour les surfaces horizontales » (Masy
2003). Cette prédominance des supports horizontaux ferait référence direc-
tement à l’exécution du motif. Des exceptions à cette règle existent cepen-
dant. Par exemple, la station III de l’Oued Djerat, recensée par H. Lhote,
est un gros rocher. La tradition veut que les passants tentent leur chance
et gravissent en prenant leur élan et en faisant un vœu. Si l’ascension est
réussie, le vœu devrait se réaliser (Lhote 1975, p. 74).
Quant au geste précis de graver le contour d’un pied dans la roche, les
enquêtes ethnographiques livrent plusieurs interprétations possibles : céré-
monies d’initiation, de protection contre les mauvais esprits chez les bergers
d’Amtoudi dans l’Anti-Atlas, de justice, de mariage dans le sud-est de la
Tunisie, la paire étant le symbole de la réussite de l’union, de coutume pro-
batoire chez les Touaregs de la palmeraie de Nafeg dans le Tassili-n-Ajjer,
etc. La présence de petites sandales a été reliée à des pratiques d’initiation,
Sandales / 7195
voire de circoncision (Ben Nasr 2015). L’acte de graver une unique sandale,
très fréquent, pourrait être liée à un type de « monosandalisme » et, par
extension, à l’unijambisme et à la claudication de certains dieux qui a été
bien étudiée pour l’antiquité gréco-romaine (Lapensée 2011).
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7196 / Sandales
Agnès LOUART
Sanglier : archéozoologie / 7197
têtes environ tous les ans, depuis mai 2014 les autorités gouvernementales
ont déclaré ouverte la chasse au sanglier (in Le Point.fr, 5 août 2014 :
Oumma media).
Fig. 3. Panneau gravé de Kef Messiouer. Capture d’un sanglier par des lionnes :
scène observée par des bergers (relevé Lefebvre 1967, numérotation de Roubet 2005).
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am yilǝf ou d ilǝf « (il est) comme un sanglier », on signifie par là qu’il est
fort, costaud, vigoureux et en parfaite santé. Comme le souligne Dallet
(1982, p. 446), le terme est plutôt positif. C’est d’ailleurs à travers ce genre
de détail sémantique que l’on peut déceler que l’œuvre d’un poète kabyle
comme Si Mohand a intégré la culture coranique car l’usage qu’il fait du
mot n’est pas du tout conforme à la pratique locale spontanée ; ainsi le vers
de son célèbre poème a nǝrrǝẓ wala a nǝknu, « Plutôt se briser que plier » :
Wǝllǝh ar d a nǝnfu Par Dieu je quitterai ce pays
Ttif ddaɛwǝssu Mieux vaut la malédiction
Wala laɛquba gǝr yilfan Plutôt que la punition parmi les porcs.
(Cf. une autre traduction dans M. Mammeri, Les Isefra, Poème de Si Mohand-
ou-Mhand, Paris, Maspéro, 1969, p. 152).
La racine LF que l’on peut en extraire est certainement une forme réduite
qui a perdu une consonne radicale, ainsi que le laissent à penser : a) la
voyelle initiale constante /i/ (État libre : ilǝf / État d’annexion : yilǝf) et le
pluriel à suffixe –an ([ān]), avec voyelle pleine (au lieu du canonique –(ǝ)
n). On peut donc poser une racine proto-berbère *xLF, qui renvoie immé-
diatement au ‘LP/F sémitique qui désigne le « bœuf », mais qui peut aussi
avoir d’autres significations : « grande quantité, mille, prince, chef » (cf.
DRS, 1, p. 21). La confrontation des données sémantiques berbères et
sémitiques semble indiquer que le lexème a dû/pu désigner au départ tout
« animal/être massif et puissant ».
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Salem CHAKER
Les Sanhaja sont un des grands groupes de tribus berbères dont Ibn
Khaldoun relate l’histoire depuis le haut Moyen âge. Il fait lui-même le lien
avec le nom « zénaga » :
« Les Sanhadja sont les enfants de Sanhadj, nom dont la première lettre doit
recevoir dans la prononciation un léger mélange du son du z, et dont la dernière
lettre [le dj est un k se rapprochant du g. Entre l’n et l’a du même mot, les
Arabes ont inséré un h, afin de l’adapter au génie de leur langue. Par suite de
ces changements, Zanag est devenu Sanhadj » (Ibn Khaldoun, p. 2)
Colin (1930, p. 109-112) a consacré une étude à la question du passage
de ẒNG à ṢNHǦ en s’appuyant sur le fait qu’un h- adventice, en général
7210 / Sanhaja
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Une controverse sur l’identité des Sanhadja avait fait couler beaucoup
d’encre au Moyen Âge ; les généalogistes comme les historiens maghré-
bins et andalous étaient alors divisés en deux groupes : ceux qui leur don-
naient une origine orientale et ceux qui les tenaient pour des autochtones.
D’après les généalogistes berbères, les Sanhadja étaient « l’une des sept
grandes branches descendant de Burnis fils de Barr » ; tandis que les
généalogistes arabes les tenaient en revanche pour des tribus originaires
du Yémen (ils auraient été envoyés au Maghreb par Ifricos, l’un des rois
de ce pays oriental).
Selon Ibn Khaldūn, « Sanhāj » est un nom berbère arabisé qui désigne
l’ancêtre éponyme des Sanhadja : « sa forme initiale était Sanāk ou Sanāg
[…] la première lettre de ce nom doit recevoir dans la prononciation un
léger mélange du son *s et du son *z. La dernière lettre *j est un *k se
rapprochant du *g…entre le *n et le *a du même nom, les Arabes ont
inséré le *h afin de l’adapter au génie de leur langue. Par suite de ces
changements, Sanāk, Sanāg est devenu Sanhāj » (Histoire des Berbères,
trad. De Slane, II, p. 2). Cette démonstration de linguistique berbère due
à l’historien du XIVe siècle se trouve aujourd’hui confirmée par la décou-
verte d’Vsinaza (Saneg), ville antique située non loin de la médiévale Achir
fondée par les Zirides.
2. À deux exceptions près, les noms de fractions des Sanhâja consignés par
Ibn Khaldūn ne sont plus les mêmes que ceux qui figurent dans la liste d’Ibn
Hawqal. Cela signifie donc qu’il y a eu une évolution dans le matériel ethnony-
mique relatif aux Sanhāja. En effet, sur les cinquante-huit noms mentionnés
par Ibn Hawqal, il n’en reste plus que dix chez Ibn Khaldūn, à savoir, les
Lamtouna, Massâfa, Lamta, Tarja, Mindâsa, Charta, Banu Wârith, Anjafa, Talkâta
et Malwâna. Les autres noms retenus dans sa notice (à peu près une vingtaine)
sont nouveaux et inconnus d’Ibn Hawqal. L’extinction de tous ces ethnonymes
n’est-elle pas synonyme d’essoufflement et d’affaiblissement des Sanhâja, sur-
tout qu’au temps d’Ibn Khaldūn les dynasties qui régnaient sur les destinées
du Maghreb n’étaient plus d’origine sanhâjienne mais plutôt zénatienne pour
les Mérinides de Fâs et les Abdelwadides de Tlemcen et masmoudienne pour
les Hafsides de Tunis ? ».
Au terme de son enquête sur les Sanhadja sédentaires signalés dans le
Haut Moyen Âge « à partir des mythes d’origine du peuple berbère, des
anciens récits de la conquête arabe et des anciens traités de géographie et de
généalogie », le même auteur a conclu que ces tribus étaient établies dans
la partie orientale du Maghreb central, notamment à l’ouest du Zab, et
qu’elles avaient été soumises au temps du général arabe Mûsa ibn Nusayr
(cf. carte de répartition des Sanhadja sédentaires : idem, « Sanhâja 2007 »,
p. 24).
On ajoutera que le toponyme moderne « Saneg » apparaît sur la carte
topographique de Médéa sous une forme arabisée « Senahdja », pluriel de
Senhadj (voir infra : fig. 1). Entre Vsinaza (Saneg), localité antique située
comme la médiévale Achir (fondée par Ziri b. Manād) dans la partie méri-
dionale du Djebel Titteri et l’habitat moderne des « Senahja » attesté jusqu’à
nos jours à une vingtaine de kilomètres au nord de Sour el-Ghozlane s’éten-
dait le territoire des Sanhadja sédentaires (infra, fig. 2). Grâce à la dédicace
latine de Saneg, nous savons aujourd’hui que ce territoire tribal existait déjà
à l’époque romaine (infra, fig. 3) ; même si l’on doit admettre l’hypothèse
raisonnable d’une extension vers le Nord (secteurs de Médéa, Miliana,
Bouira et Alger), vers l’Est en englobant le « bilād de Massoufa » (secteur
oriental du Tittéri et Bibans) et vers le Nord -Est (secteur de Bougie)
notamment au temps de l’apogée ziride au Xe siècle.
Ennemis héréditaires de leurs voisins zénètes clients des Omeyyades
de Cordoue (menés par les Maghrawa du Zab et les Ifran de la région de
Tlemcen), les Sanhadja du Maghreb central (dont le bastion était à l’ori-
gine le Djebel Titteri) ont choisi l’alliance avec les Fatimides dont l’avène-
ment remonte à l’année 909 et s’explique par le soutien politique et mili-
taire décisif des tribus Kutāma*. Convertis à la doctrine chiite ismaélienne
au Xe siècle (ils reviendront plus tard au sunnisme), les Talkāta ont pris une
part active à l’effort de guerre fatimide contre les Berbères Kharijites de
Kastiliya (l’actuel Djérid) et des régions montagneuses de l’Aurès, du
Hodna et de l’Ouarsenis. Leur soutien au calife al-Mansour de Mahdiya
7214 / Sanhaja
Fig. 2. Carte de localisation des villes d’Vsinazi (Saneg) et Achir Ziri dans
Atlas Archéologique de l’Algérie, feuille de Médéa
(source : M’charek A., in Sbeitla 2010, Vsinazi, p. 259, fig. 4).
Fig. 3. Carte de localisation d’Vsinaza/ Saneg en Maurétanie césarienne
(sources: M’charek A., in Sbeitla 2010, Vsinazi, p. 261, fig. 5 bis).
Sanhaja / 7215
7216 / Sanhaja
fut décisif lors de la grande révolte fomentée par le nukkarite Abu Yazid*
Makhlad b. Kaydad surnommé « l’homme à l’âne » entre 943 et 948 apr.
J.-C. Issu de la fraction zénète des Ifran installée dans la région de Tozeur,
Abu Yazid a réussi en moins de dix ans à mobiliser d’importantes troupes
berbères dans le Djebel Aouras et le pays du Zab recrutées principalement
chez les Zanāta (comme les Banu Birzāl) et les Haouara (notamment les
Banu Kamlan ou Gumlan). En quelques années, il a réussi à occuper
l’essentiel du territoire ifriqiyen et de soumettre les villes les plus impor-
tantes (Kairouan y compris), avant de venir mettre le siège devant
Mahdiya, lieu de résidence des califes fatimides dans le but de l’investir et
d’abattre le régime chiite.
Repoussé finalement par le calife Al-Mansour qui a su mobiliser les
Berbères Kutama et Sanhadja, Abu Yazid a cherché refuge auprès de ses
alliés Zanāta et Haouara du Hodna avant de finir assiégé en 947 dans le
Djebel Kiyana (où se trouve la qalaa des Beni Hammād*). C’est alors que
le soutien militaire apporté à l’armée du calife par Ziri b. Manād fut décisif
dans la défaite définitive des rebelles kharijites et la pacification des Aurès.
L’engagement des Talkāta au service des Fatimides qui s’est poursuivi sous
la conduite de Bologgin b. Ziri allait permettre au califat chiite d’affirmer
sa présence dans le Maghreb central et occidental aux dépens des Omeyyades
de Cordoue et de leurs clients Zénètes (prise de Fès en novembre 995).
Au XIe siècle, les Sanhadja nomades (en particulier les tribus Lamtouna,
Guddala et Masūfa) ont fondé la dynastie almoravide (al-Mûrabitûn) et
ont pu régner sur un vaste empire englobant tout le Maghreb occidental, le
Maghreb central (jusqu’à Alger à l’Est), l’Andalousie (jusqu’à l’Ebre), sans
compter le domaine Saharien qui s’étendait au sud jusqu’au fleuve Sénégal.
Mais tout comme les royaumes zirides d’Ifriqiya et du Maghreb central,
les Almoravides ont perdu le pouvoir au XIIe siècle quand d’autres Berbères,
les Almohades devinrent les maîtres du Maghreb et de l’Andalousie. Toute-
fois une fraction sanhadjienne, celle des Banu Ghāniya apparentés aux
Masûfa, a prolongé le règne des Sanhadja dans les îles Baléares au XIIe siècle.
Ils tentèrent même de disputer le Maghreb central et l’Ifriqiya aux Almo-
hades en s’emparant de Bijāya (en 1185), de la Qalaa des Beni Hammād
et d’Alger (Jazaîr Bani Mizghanna). De même qu’ils envahirent Gafsa et
Qastiliya (région du Djérid) avant d’atteindre Tripoli et Tunis en 1203.
Mais les Banu Ghaniya finirent par être battus et éliminés par l’armée almo-
hade en 1224 ; et cette date a marqué la fin de la domination des Sanhadja
au Maghreb.
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méditerranéennes blanches, i.e. berbères, est un mouvement continu qui commence à date
ancienne : les préhistoriens le datent du Néolithique (IVe millénaire) ; cf. Camps, Berbères…,
1980/2007, chap. « La conquête du Sahara par les Paléo-Berbères ». Rappelons aussi que
toutes les traditions orales historiques des Touaregs évoquent expressément des origines
septentrionales (Cyrénaïque-Fezzan, Tafilalt, nord Sahara…), recoupant ainsi, souvent préci-
sément, le témoignage des historiens arabes. [NDLR].
7218 / Saturne
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Cet auteur a accompagné ses deux articles cités ci-dessus par un riche apparat
critique fondé sur les sources médiévales mises à contribution, mais il n’a pas
donné une rubrique « bibliographie générale » sur les Berbères Sanhadja du
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Ahmed M’CHAREK
S22. SATURNE
Saturne fut souvent qualifié d’augustus, une seule fois de rex, probable-
ment parce qu’on le considérait comme le roi des dieux, l’Auguste étant
celui des hommes. Nombreuses sont les dédicaces de temples, d’autels et
d’ex-voto offerts à Saturne pour le salut des empereurs, majoritairement
sous forme officielle et publique. C’est au début du IIIe siècle, sous le règne
des Sévères, qu’on situe l’apogée du culte en Afrique : la moitié des monu-
ments recensés invoque Saturne pour le salut de Septime Sévère* et de sa
famille.
Fig. 5. El Ayaïda
(d’après De Carthage à Kairouan, Paris 1983).
Saturne / 7227
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Nacera BENSEDDIK
7228 / Schwa
travaillé sur ces dialectes. Le tachelhit est considéré comme faisant partie
du deuxième groupe. Mais cette classification est sujette à controverse.
L’existence, même sporadique, de quelques paires de mots qui se dis-
tinguent essentiellement par la place occupée par schwa (e.g. pour le kabyle,
au moins pour certains locuteurs, [ssǝɣr] « enseigner » vs. [ssɣər] « faire
sécher ») soulève la question de son rôle distinctif. De même, le statut stric-
tement transitionnel de schwa en tachelhit peut être mis en cause étant
donné le rôle fonctionnel dont il peut jouir dans certaines conditions.
Dans la plupart des dialectes avec schwa épenthétique, la règle qui insère
ce vocoïde opère de droite à gauche, et toute séquence CC qui n’est pas
immédiatement suivie d’une voyelle est réalisée CǝC. Une conséquence de
cette règle est que schwa n’apparaît jamais dans une syllabe ouverte. Ainsi,
schwa n’apparaît pas devant une séquence CV ou à la fin du mot. De
même, schwa ne peut être inséré entre les deux moitiés d’une géminée
lexicale, phénomène connu sous le nom de l’intégrité des géminées. Une
géminée par concaténation peut en revanche être scindée en deux (e.g. en
rifian [ssnən] /ssn-n/ « savoir-3mp » et non *[səsnən]). Ces trois contextes
où schwa ne peut être attesté (devant séquence CV, en fin de mot et entre
deux moitiés d’une géminée) sont observés dans tous les dialectes berbères
du Nord.
schwa à sa gauche (voir 3). Une conséquence de cela est que schwa peut
apparaître en position initiale de mot.
Du point de vue acoustique, s’il s’agit d’un schwa ‘neutre’, sans colora-
tion acoustique liée au contexte, ses valeurs formantiques seront idéale-
ment très centrales, oscillant autour de 500 Hz pour le premier formant,
1500 Hz pour le second formant, et 3500 pour le troisième formant.
Dans les faits, schwa est particulièrement perméable à son entourage, ren-
dant quasi-impossible de lui attribuer des valeurs prototypiques. Schwa en
berbère couvre par conséquence une grande fourchette de valeurs forman-
tiques, au point d’englober une large partie de l’espace vocalique. Cette
forte variabilité est une conséquence de l’effet coarticulatoire important
exercé aussi bien par les consonnes que par les voyelles adjacentes. Cet
effet coarticulatoire est beaucoup plus important que pour toute autre
voyelle.
Schwa transitionnel est attesté en tachlhit, et donc aussi dans les autres
dialectes berbères. Il est irrépressible, en ce sens qu’il résulte automatique-
ment de la nature des ajustementsentre les gestes laryngaux et les gestes
supralaryngaux des consonnes contenues dans une séquence. Malgré une
forte variabilité liée aux locuteurs et au débit, deux conditions sont géné-
ralement nécessaires pour son émergence entre deux consonnes sur le
plan acoustique : (i) au moins une des deux consonnes doit être voisée, et
(ii) le conduit vocal doit être suffisamment ouvert au moment de la tran-
sition de la première à la deuxième consonne. Une condition en effet de
la réalisation acoustique de schwa transitionnel est que les plis vocaux
vibrent au moment du relâchement de la première consonne. Ainsi aucun
schwa transitionnel ne peut être observé entre consonnes sourdes dans
[tkkstsstid] « tu les as enlevées ». De même, schwa n’apparaît pas entre
une obstruante coronale et une sonante partageant le même lieu d’articu-
lation. La réalisation des formes contenant des suites des consonnes coro-
nales comme [nttnti] « elles » ou [tntlttnt] « tu les as masquées » illustre
cet aspect : la langue reste colée aux alvéoles du début jusqu’à la fin du
mot, une configuration qui rend impossible la réalisation d’un élément
vocalique.
7232 / Schwa
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7234 / Scolarisation : Algérie
Rachid RIDOUANE
Le MEN publie alors « un plan d’action » explicitant les axes et les étapes
de l’introduction du berbère et les niveaux d’enseignement concernés ;
on y relève notamment les objectifs suivants :
– Le démarrage à partir de la première année du collège devra aboutir
à une épreuve de tamazight à l’examen du Brevet de l’année scolaire 2000-
2001.
– L’élaboration des manuels scolaires, l’organisation de stages de forma-
tion pour les enseignants et le recrutement d’inspecteurs.
– La généralisation de l’enseignement de tamazight à tous les niveaux
scolaires (du primaire au secondaire) et à l’échelle de tout le territoire
national.
Sur le plan pédagogique et technique, on fixe les méthodes d’encadre-
ment. Le volume horaire initial est de 2 heures hebdomadaires.
Le Comité pédagogique scientifique et culturel (CPSC) du HCA, qui
est en charge de recruter les premiers enseignants, édite une « feuille de
route » quasiment similaire au « plan d’action » du MEN.
Ces refontes sont l’occasion d’insérer les demandes didactiques des ensei-
gnants, notamment la nécessité de reconnaître tamazight comme discipline
à part entière (Perrenoud 1996 ; Berdous 2006).
De même, la réforme préconise la révision des programmes d’enseigne-
ment de tous les niveaux et, par là même, la confection de nouveaux
manuels et l’approche « par compétences ». Les nouveaux programmes
mettent en œuvre les orientations générales et méthodologiques de l’ensei-
gnement des langues, avec une approche identique à celle des manuels
d’arabe et de français. Pour la langue berbère, les manuels sont conçus,
pour la première fois, selon des normes didactiques et techniques unifiées,
même si leur capacité à répondre aux attentes et besoins reste controversée
(Nait Zerrad 2005 ; N. Abrous 2013).
Scolarisation : Algérie / 7239
Pour ce qui est du cycle primaire, il a fallu attendre juin 2007, pour que
l’Institut de formation et de perfectionnement des maîtres (IFPM) de Ben
Aknoun (Alger) accueille la première promotion d’instituteurs en vue de son
intégration dans le cycle de formation (circulaire n°426 du 24 mai 2007).
La disparité des niveaux au sein des classes rend aussi la progression péda-
gogique ardue et contraint les enseignants à multiplier les outils et les
méthodes.
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7244 / Scolarisation : Maroc
Nacira ABROUS
[Avec des compléments de S. CHAKER]
Avec l’arabe – qui n’est jamais formellement défini dans les textes, mais
il s’agit bien sûr de l’arabe « classique » ou « littéral », ce que la tradition
arabe appelle fuṣḥa – comme seule langue officielle du Maroc, la situation
sociolinguistique qui en découle est la suivante : Utilisé essentiellement
sous forme écrite, l’arabe « officiel » n’est jamais employé dans un cadre
informel (pratiques quotidiennes) et on l’apprend grâce à l’enseignement
formel (cadre éducatif). Pour de nombreux Marocains non scolarisés, cette
langue reste incompréhensible : c’est essentiellement la langue de la vie reli-
gieuse, des lettrés et de l’écrit, du pouvoir administratif. L’élaboration d’une
culture commune homogène était l’objectif principal du mouvement natio-
naliste au lendemain de l’indépendance du Maroc (1956) : une langue
(arabe) et une culture (arabo-musulmane). Pour ce mouvement, toute
manifestation d’une identité berbère était synonyme de division de la
nation. L’arabe doit être, selon les défenseurs de ce point de vue, la langue
de l’État, de ses institutions et de la religion. Les communautés berbères
étaient désormais exposées au processus d’homogénéisation linguistique et
culturelle de l’État. Selon ce processus, les particularités culturelles berbères
devaient disparaître pour se fondre dans la culture nationale : l’unification
linguistique devait parachever l’unité nationale.
En fait, depuis ses débuts, autour des années 1925-30, le nationalisme
marocain, et plus largement maghrébin, se représentait le berbère comme
une culture et une langue mortes ou au moins à l’agonie ; avec la moderni-
sation socio-économique et l’école, elles mourraient de leur belle mort.
Le livre princeps du nationalisme marocain, (al-)Naqd al-dhâtî de Allâl
Al-Fâsî le formule explicitement. L’auteur y consacre neuf chapitres
(p. 259-296) à l’enseignement dont l’un (chap. 18) est intitulé « La langue
de l’enseignement ». En voici un extrait édifiant :
Scolarisation : Maroc / 7245
1. On notera que l’élite intellectuelle berbère marocaine, souvent fortement marquée par
les idéologies nationaliste et/ou marxiste, a tendance à occulter le rôle de M. Aherdane,
souvent considéré comme un « féodal » étroitement lié au Makhzen et à la politique royale.
L’objectivité historique oblige à reconnaître que M. Aherdane, bien avant toute l’intelligent-
sia berbère, a explicitement porté cette revendication dans le champ politique marocain.
7246 / Scolarisation : Maroc
2. Le texte intégral de cette Charte est disponible sur le site Internet : http://www.tlfq.
ulaval.ca/axl/afrique/charte_berbere.htm
3. Entre 1989 et 1995, une série de manifestations pour la reconnaissance constitutionnelle
et l’enseignement de la langue berbère avaient réuni des centaines de milliers de personnes,
non seulement en Kabylie, mais aussi à Alger. D’autres part, en Algérie, les premières
approches ouvertement politiques de la revendication commencent à être formulées (notam-
ment en faveur de l’autonomie des régions berbérophones).
Scolarisation : Maroc / 7247
4. Le texte intégral du discours royal est disponible sur le site Internet : http:// www.ircam.
ma/index.fr
5. Il est indispensable de préciser « néo-tifinagh » ou « tifinagh-Ircam » car l’alphabet
retenu, directement issu de celui mis en circulation à partir de 1970 par l’Académie berbère,
groupe berbériste kabyle basé à Paris, est sensiblement éloigné du tifinagh touareg tradition-
nel : il s’agit donc d’une réappropriation avec forte adaptation de l’écriture tifinagh. Sur le
sujet, voir S. Chaker 2015, § 3, p. 70-77.
7248 / Scolarisation : Maroc
6. La fiabilité de ces estimations est très incertaine : on ne dispose pas de chiffres précis et
systématiques du MEN et certains documents internes de ce ministère évoquent des chiffres
bien plus bas. Voir sur ce point la notice P47 « Politique linguistique », EB XXXVIII,
Annexe 2.
7250 / Scolarisation : Maroc
8. Taddart, « maison » est propre au tamazight et au rifain (ainsi qu’à de nombreux dia-
lectes algériens (chaoui…), alors que tachelhit emploie tigmmi. Les cas de divergences
lexico-sémantiques (et de « faux-amis ») entre les dialectes berbères sont innombrables, y
compris dans le vocabulaire de base.
7252 / Scorpion : Ethnozoologie
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Abdallah EL MOUNTASSIR
[Avec des compléments de S. CHAKER et A. BOUNFOUR]
La reproduction des scorpions débute par une pariade qui comporte des
« danses » au cours desquelles les animaux agrippés l’un à l’autre par les
pinces effectuent une « promenade à deux », avancent et reculent et pré-
sentent des phases de tremblement, d’« arbre droit » (queues tendues vers
le haut et s’entrecroisant), d’« embrassades »… La danse qui dure selon les
espèces de quelques minutes à plusieurs heures, se termine par le dépôt
d’un spermatophore, petite baguette portant la substance séminale qui est
transmise à la femelle. La pariade est parfois suivie de cannibalisme, la
femelle dévorant le mâle.
La gestation dure d’un mois et demi à 9 mois. La parturition libère soit
des jeunes entourés d’une membrane dont ils se dégagent immédiatement
(ovoviviparité) soit de jeunes entièrement libres (viviparité), tous montant
sur le dos maternel dès la naissance.
La femelle porte sur son dos les jeunes « pullus » agglomérés et munis de
ventouses aux pattes. Ils ne se nourrissent pas, leur aiguillon est arrondi.
Quelques jours plus tard, la première mue synchrone donnera naissance à
des jeunes semblables aux adultes (munis de griffes et à aiguillon acéré) qui
s’éloigneront peu à peu de leur mère et chasseront pour leur propre compte.
La taille adulte est le plus souvent atteinte au bout de 5 à 8 mues. Les por-
tées, souvent de 15 à 30 jeunes, peuvent atteindre 132 individus (Androc-
tonus australis).
Les scorpions ont un métabolisme très bas ; Ceux des lieux secs résistent
à des conditions drastiques de milieu : jeûne, chaleur, froid, sécheresse,
incendies, rayonnement gamma, attaques bactériennes…
7254 / Scorpion : Ethnozoologie
Les médications locales contre les piqûres de scorpions sont très nom-
breuses (Dupré 2008) et le plus souvent inefficaces. Elles sont utilisées
actuellement au Maghreb soit seules, soit en attendant le médecin.
Les Égyptiens utilisaient l’infusion de scorpion comme l’indique le papy-
rus de Brooklyn. L’application d’huile de scorpion est pratiquée dans de
nombreux pays. Sang de scorpion, scorpions écrasés, queue coupée, sont
appliqués sur la piqûre ; il en est de même de nombreuses substances miné-
rales. La « pierre noire » (fig. 4), mélange d’os calciné et de charbon de bois
vendue encore à l’heure actuelle par les Pères blancs ou dans les échoppes
des souks d’Afrique du Nord, n’a que des facultés d’absorption quasi-
infimes du venin et aucun pouvoir de neutralisation. De nombreuses
plantes sont aussi utilisées : soit pour faire fuir les scorpions, soit pour
appliquer sur la piqûre : ail, Calotropis procera (le pommier de Sodome,
plante à latex et grandes feuilles, typiquement saharienne), laitue, armoise,
matricaire, euphorbes (Euphorbia granulata ; cf. EB, E48)…
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Roland STOCKMANN
Pour Pline l’Ancien (XI, 88, cf. aussi V, 42, avec le commentaire p. 443),
le scorpion est une plaie de l’Afrique (hoc malum Africae). L’animal se disait
nepa « dans la langue des Africains » (Pompeius Festus, 163, 12), peut-être en
punique plutôt qu’en libyque1 (Gsell, p. 313, n. 6 et 7). Sur des monnaies
d’Hadrien, l’Afrique est représentée tenant un scorpion (Gsell, p. 134 et n. 3).
Tertullien, qui était africain, intitula tout naturellement son traité contre les
gnostiques, Scorpiace, « antidote contre les scorpions » (cf. Scorp. 1). Selon
Strabon (XVII, 3, 11 in fine, avec le commentaire p. 129), évoquant l’agricul-
ture en pays masaesyle*, « à cause du grand nombre des bêtes dangereuses, on
travaille avec des jambières et on se protège le reste du corps avec des peaux ;
pour dormir, on enduit d’ail les pieds des lits à cause des scorpions, et on les
enveloppe de paliure ». Au début du même paragraphe, Strabon évoque, de
façon fantastique, toujours en Masaesylie, des scorpions ailés ou non et longs
de sept articulations (cf. le commentaire, p. 122-123). La terre de l’île de
Galata (La Galite) et celle de Clupea (Kelibia) passaient pour être mortelles
aux scorpions (Plin. V, 42, cf. XXXV, 202). Au long de la Grande Syrte et
partout ailleurs où ils avaient dû se disperser, les Psylles* n’étaient pas seule-
ment insensibles aux morsures des serpents, mais aussi aux piqûres des
1. Cette indication de Sextus Pompeius Festus, dit Festus Grammaticus (fin du IIe siècle
ap. J.-C.) est obscure. Le nom pan-berbère du scorpion, iɣirdem ou iẓirdem (cf. Notice S27)
n’a rien de commun avec cette forme nepa, qui n’évoque rien en berbère. Elle semble aussi
inconnue en sémitique, alors que c’est le nom premier du scorpion en latin (Ernout &
Meillet, p. 437), scorpio étant un emprunt au grec qui le tient lui-même, sans doute, du
sémitique (ʽaqrab). L’origine « africaine » de ce mot nepa reste donc mystérieuse [S.C.].
Scorpion : linguistique / 7259
scorpions (Élien, N. A. XVI, 27), et ils savaient en guérir ceux qui avaient
recours à leurs talents.
Bref, on le voit, le scorpion était quasi emblématique des disgrâces de
l’Afrique et il est remarquable que le dieu phénico-punique Shadrapa, génie
guérisseur, et le Mercure africain qui lui succéda, aient été des dieux au
scorpion.
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Jehan DESANGES
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Kamal NAÏT-ZERRAD
Le terme pan-berbère qui désigne le sel est tisent avec quelques variantes
de prononciations locales (Ghadamès : Lanfry 2011, n° 1482 ; Mzab :
Delheure 1984, p. 191 ; Ouargla : Delheure 1987, p. 301 ; chaoui : Huyghe
1906, p. 639 ; chleuh : Laoust 1920, p. 80 et Destaing 1938, p. 258 ;
tamazight : Taïfi 1991, p. 648). On notera que la forme touarègue têsemt
ou tésemt (Foucauld, IV, p. 1834 ; Prasse et al., 2003, II, p. 722) amène à
postuler que tisent est une réalisation secondaire, avec assimilation classique
de lieu d’articulation (/mt/ > [nt]) d’une forme primitive *tisemt. Le terme
lmelḥ (lemlaḥ) utilisé par d’autres régions berbérophones (kabyle : Dallet
1982, p. 498-499 ; Beni Snous : Destaing 2007, p. 323 ; Rif : Serhoual,
2002, p. 313) est un emprunt à l’arabe.
En kabyle, autour du noyau « sel », « salé », « non salé », gravitent
quelques expressions (notre relevé n’est pas systématique) qui indiquent la
portée symbolique du sel.
À l’opposé, messus, amessas, est ce qui est fade ex. imensi amessas, « dîner
fade » ; ledhuṛ imessasen, « paroles insipides, sans intérêt » ; zzin amessas,
« beauté sans charme ».
À partir du même verbe imsus, le kabyle distingue entre la fadeur de la
nourriture : temses et la « fadeur », la lourdeur du comportement : tim-
mussest. Cette opposition amellḥan ~ amessas dans le domaine de l’esthé-
tique, est bien rendue par l’appréciation que cette potière porte sur le tra-
vail de sa fille, débutante en matière de décoration : tabaqect-aki messuset,
txuṣṣ lemleḥ ; rrqm-is dir-it… : « ce (petit) plat n’est pas joli ; il manque de
charme ; le décor n’est pas beau… » (Sr Louis de Vincennes 1971,
p. 28-29). Le sel est donc associé au charme ; mais, en toutes circonstances,
il faut en user avec modération.
– Temreγ : l’excès de sel (Dallet 1982, p. 516-517).
Le verbe ssemreγ (factitif de imriγ « être (trop) salé ») signifie « saler exa-
gérément, rendre détestable » (Dallet, ibidem) et imriγ signifie « être amer
par excès de sel, être saumâtre » (Dallet, ibid.). L’excès de sel pervertit donc
le bon goût, le transforme en amertume. Dans l’éducation des filles en
Kabylie, les mères insistent toujours sur cette recommandation : Temses si
leḥdaqa, temreγ si leqbaḥa, « l’absence (ou le manque) de sel relève de la
politesse, l’excès de sel, de l’impolitesse ». Ces propos valables pour la cuis-
son des aliments (il est toujours possible d’ajouter de sel au cas de manque,
alors que l’excès crée une amertume irréversible), s’appliquent à la conduite
en général et surtout à la parole. Le bon usage du sel semble donc ici l’aune
à laquelle on évalue la pondération et le sens de la mesure.
On notera que cette racine MRƔ (imriɣ) est très présente dans la topo-
nymie, sous des formes diverses : Imariɣen (« les salés/salins ») et son singu-
lier Amariɣ, Timirɣt (« salée/saline »)… Il s’agit toujours d’endroits où
l’eau est saumâtre et/ou de lieux où on produit du sel.
de sels en fonction de leur provenance : sel des sebkhas, sel gemme, sel de
plantes, sel marin, etc… (Bellakhdar 1997, p. 555).
Le sel a constitué un élément important dans le commerce saharien jusqu’à
une époque très récente (Gast 1968, p. 171 ; Foucauld 1984, p. 163, 164,
215, 216 ; Bellakhdar 1997, p. 555). Il est utilisé dans l’alimentation, le trai-
tement des peaux, la pharmacopée et dans les pratiques magiques.
Dans l’alimentation le sel sert de condiment indispensable ; sa consom-
mation n’est cependant pas uniforme puisque Gast remarque que « les
nomades semblent consommer beaucoup moins de sel que les sédentaires »
(Gast 1968, p. 170). Le sel sert aussi à la conservation des aliments : viande
et beurre, notamment.
Le traitement des peaux est la première opération dans la fabrication de
plusieurs objets domestiques : outre à grains ou à matières sèches (taylewt,
taculliṭ) outre à matières liquides : huile, eau (ayeddid), peau de mouton
(alemsir) ou de bœuf (aglim) pour s’asseoir. La préparation de ces peaux est
7264 / Sel : Ethnologie
différente selon les objets mais dans tous les cas, c’est la face interne de la
peau qui est enduite d’un mélange de farine, d’huile et d’une bonne quan-
tité de sel. Ces peaux sont ensuite mises à sécher et traitées (elles peuvent
être lavées avant ou après la préparation) en fonction de l’objet à obtenir.
En Kabylie, cette tâche est accomplie par les femmes (Laoust-Chantréaux
1990, p. 79-80 ; Chaker 2013, p. 6003-6004).
utilisé comme anti-venin, Delheure précise pour le Mzab qu’il est appli-
qué sur la piqûre après scarification. En Kabylie, on avait recours au sel
pour éviter la contagion du typhus : « on met pendant trois jours sous
l’oreiller du typhique une certaine quantité de sel qui servira à assaisonner
la nourriture de toute la famille » (Laoust-Chantréaux 1990, p. 231).
D’une manière générale, le sel est recommandé comme remède contre
plusieurs maux : il permet de soigner « les maux d’yeux, de foie, de l’esto-
mac » (Gast 1968, p. 173). Les maux de tête dus à « une longue exposi-
tion au soleil ou près du feu » sont guéris par aspersion d’eau salée sur la
tête du malade (Laoust-Chantréaux 1990, p. 227). Une hémorragie den-
taire peut être arrêtée grâce à un « petit morceau de sel mis dans l’alvéole
de la dent que l’on vient d’extraire » (Gaudry 1998, p. 238). Quant aux
sels des plantes, riches en iode, Bellakhdar pense « que leur usage dans
les traditions alimentaires des Sahariens et des Sahéliens a une origine
thérapeutique, car ces sels, de par leur iode, préviennent l’apparition du
goitre… » (Bellakhdar 1997, p. 556).
L’absence de sel est recommandée dans le traitement de certaines mala-
dies ; c’est le cas du beurre fondu non salé, pour guérir quelques formes
d’affections cutanées (Laoust-Chantréaux 1990, p. 228-229). Une alimen-
tation non salée est également nécessaire pour soigner les rhumatismes
(Gaudry 1998, p. 240) et la variole (Laoust-Chantréaux 1990, p. 231).
Les usages magiques du sel sont nombreux ; on le retrouve dans les pra-
tiques divinatoires et surtout prophylactiques.
Le sel est un élément qui entre dans certaines pratiques divinatoires : la
praticienne attribue à chacun des éléments un sens, les jette de la main
droite dans un récipient plat et, de la lecture de leur disposition, prédit
l’avenir ; dans un exemple décrit par M. Gaudry : « …un petit morceau de
sel, c’est le bonheur, ce qui est heureux ; un petit morceau de charbon, ce
qui est funeste » (1998, p. 227). Le plus souvent, le sel constitue le seul
élément de la pratique divinatoire, mis dans un nouet et après girations
au-dessus de la tête d’un malade, « il permet de savoir si la personne malade
depuis longtemps guérira ou décédera » (Plantade 1988, p. 31).
Très proches des pratiques de divination sont les présages ; J. Servier
décrit comment du sel est déposé sur le toit, la nuit de Yennayer (dans des
petites marmites de terre ou autour d’une boule de levain, chaque morceau
de sel représentant un mois de l’année) et comment le maître ou la maî-
tresse de maison présage de l’humidité de l’année à venir en fonction de
l’état des cristaux de sel (Servier 1962, p. 295). Servier signale, au moment
où il menait ses enquêtes, c’est-à-dire au milieu du XXe siècle, l’étendue de
cette pratique dans le nord de l’Algérie.
Les œufs sont également utilisés pour présager de l’année agricole (voir
notice « Œuf », EB XXXV, 2013) ; symboles de fécondité, ils sont recouverts
de la terre du premier sillon, c’est-à-dire « semés » comme le grain, alors que
le sel, associé à l’humidité, est déposé sur le toit, tourné vers le ciel.
7266 / Sel : Ethnologie
Une autre pratique de présage utilisant le sel est décrite par H. Genevois
(1968/I, p. 14-18) : elle concerne les jeunes filles et les jeunes femmes répu-
diées qui tardent à se (re)marier. La qibla ou une vieille femme prend une
quantité égale de semoule et de sel, effectue des girations sur la tête de la jeune
femme puis, avec ces ingrédients, confectionne un « beignet de la chance »
(taḥbult n lbext). Avant de dormir, la jeune femme le mange en entier sans
boire. « Pendant son sommeil, torturée par la soif, elle rêvera qu’elle va boire
à une fontaine et y remplir son récipient » (Genevois 1968/I, p. 16). La fon-
taine dans laquelle elle aura bu indiquera l’endroit dans lequel elle sera mariée
et toutes les circonstances de ce rêve de visite à la fontaine seront minutieuse-
ment interprétées par les femmes présentes selon le principe de l’analogie.
Dans cette pratique apparaît nettement aussi l’association entre le sel et l’eau.
Dans un rite complexe par lequel une femme veut se protéger du risque
d’avoir une coépouse (takna) ou semer la discorde entre parents et enfants,
le sel est assimilé à la stérilité. Ce rite est un simulacre de labour dénommé :
tayerza n yemcac (« labour des chats ») (Genevois 1968/II, p. 84-91 ;
Laoust-Chantréaux 1990, p. 204 ; Plantade 2010, p. 4498). La femme ou
une sorcière attelle à une minuscule charrue fabriquée par un forgeron
« deux chats noirs et les fait courir [dans un cimetière] à travers les tombes
en semant du sel devant eux et en prononçant : « (comme) le sel rend
stérile, mon mari ne se remariera pas » (Laoust-Chantréaux 1990, p. 204).
Le sel remplace ici le blé mais, à la différence du blé, il ne germera pas,
d’où son association à la stérilité et à la mort ; il est « semé » dans le cime-
tière (opposé au champ cultivé) « à travers les tombes ».
Certaines de ces pratiques dans lesquelles le sel est utilisé indiquent un
lien entre le sel et le sacré : J. Servier décrit comment dans la région du
Cheliff, « la troisième [et dernière] branche [d’un arbre sacré] fut coupée,
émondée, plantée dans un trou garni de sel et blanchie à la chaux, comme
le pilier central des maisons de l’Ouest du département d’Alger. Ce talisman
qui porte le nom de tagida est érigé dans la fraction des Ulad ʽAli au centre
d’un cercle de pierres dressées » (Servier 1962, p. 29). Dans le Mzab, ce lien
entre le sel et le sacré est exprimé sur le mode du religieux : « Si quelqu’un
ayant répandu du sel ne le ramasse pas, on lui dit : « Dans l’Au-delà, il
le ramassera avec les cils de ses yeux » (Delheure 1986, p. 254).
Enfin, l’Encyclopédie berbère (XX, notice G42, « Ghât », 1998, p. 3101-
3106) et l’ouvrage de Malika Hachid (2000, p. 103) signale l’existence à
Ghât et El Barkat d’une fête du sel qui fut supprimée en 1954 par les
autorités libyennes. Cette fête « se déroulait le 27 ramadhan ». Après la
récolte du sel « les jeunes filles des deux localités se rassemblaient vêtues de
leurs plus beaux atours et se donnaient une allure guerrière en croisant sur
la poitrine leur longue ceinture, comme le font les méharistes avec leurs
cartouchières » (EB XX, 1998, p. 3106) et se livraient à la simulation de
jeux guerriers. Au cours de cette fête du sel, était examinée par des vieilles
femmes la virginité des jeunes filles. Une fête semblable a été signalée par
Hérodote pour la région de la petite Syrte. (EB XX, 1998, p. 3106).
Les usages du sel liés aux rites agraires et à ceux du tissage sont en voie
de disparition en raison de la très nette régression de ces activités, mais la
portée symbolique du sel persiste à travers la langue, dans les pratiques
magiques comme moyen de conjurer le mauvais œil, et dans ce pacte sacré
dénommé en kabyle tagella d lmelḥ.
7268 / Sel : Ethnologie
BIBLIOGRAPHIE
Dahbia ABROUS
[Avec des compléments de A. BOUNFOUR et S. CHAKER]
Introduction
Le territoire nord-africain de la Berbérie, la Libye des Anciens, est un
espace privilégié pour ses sels, surtout le sel commun, le chlorure de
sodium, melḥ, tissent/tésemt, ἀλς, sal. Un climat chaud et sec et un fort
ensoleillement vont favoriser sa formation, à partir de conditions géomor-
phologiques très favorables mais très inégalement réparties. Il peut se for-
mer naturellement dans les sebkhas* côtières ou intérieures et dans les
fleuves salés (« Oued Melah ») ou exister comme sel gemme. Mais l’homme
apprendra aussi à l’élaborer artificiellement suivant ses besoins à partir
d’eaux salées ou saumâtres, argiles, ou cendres végétales salées. On connaît
de nos jours les sebkhas et chotts El Hodna et d’Oran en Algérie, El Jerid
(Tunisie), de Zarzis (riches en NaCl mais aussi en chlorures et en sulfates)
de Taourga en Libye, ainsi que de nombreux sites de sel gemme : Moham-
media, Imarigha, Mogador, Oued Beth, lac Zima, Idgill, au Maroc. Sur
l’Atlantique, les fleuves vont marquer les emplacements de salines comme
le Loukos, à Al-Araish (Lixus) et l’oued Assilah dans la région de Tanger.
Dans la région sub-saharienne, des noms de lieux d’origine de sels africains,
tels que Teghaza (Mali), Taoudenni et Bilma au Niger, ont été rendus
célèbres par les caravanes de sel qui traversaient le Sahara et se dirigeaient
vers l’Afrique Centrale. Ces échanges qui se sont perpétués jusqu’à des
dates récentes et ont façonné l’image la plus répandue des sels africains,
contrôlés en partie par les Touaregs, ont été remarqués depuis le XIe siècle
par des voyageurs arabes comme Ibn Hawqal, Al-Idrîsî, Ibn Battûta et
Léon l’Africain.
Mais c’est à des dates très anciennes que la richesse en sel de l’ancienne
Libye sera remarquée par les tout premiers voyageurs. Hérodote au Ve av.
J.-C décrira les collines de sel recouvertes d’une couche de terre et associées
à des oasis, qu’il découvrait en suivant la voie caravanière qui unissait
l’Égypte au lac Tritonis (El Jerid) (Hérodote, 182-185). Au Moyen Age,
des descriptions équivalentes vont être faites pour le sel de Teghaza (Mali)
et de Taoudenni (Niger) : des collines de sables, des terres saumâtres et des
cristaux de sel, avec sous le sable, des couches de sel gemme transparent.
Hérodote fera connaître aussi les maisons des Garamantes, construites en
7270 / Sel : Antiquité
sel (Hérodote, IV, 185), que reprendra plus tard Pline (NH V, 32-34).
Il s’agit, par conséquent, de ce premier rapport avec l’Afrique intérieure
que l’on retrouvera chez des voyageurs musulmans comme Al-Bakrî décri-
vant une mine de sel dominée par un château fait en sel (121).
Aristote, quant à lui, fera allusion aux eaux de mer s’infiltrant à l’inté-
rieur de la Libye et à la qualité des eaux des puits, tantôt douces tantôt
salées (Pr. XXIII, 21), ce qui n’est pas sans nous rappeler les allusions de
Léon l’Africain aux eaux saumâtres le long de sa route de Fez au Caire.
Pline remarquera aussi ces lacs africains (lacus), aux eaux troubles et qui
contiennent du sel (HN, XXXI, 76). Et c’est Dioscoride qui soulignera la
qualité du sel de Libye (Mat. V. 109). Ces allusions se complètent par une
très riche toponymie dès l’Antiquité : un Salsum flumen en Maurétanie
(Pline, HN V, 10), appelée par le Ravennate Mauritania salinarum (Rav. I,
3, p. 7 ; III, 9), ou une station Ad Salsum flumen en Césarienne (It. Ant.
13,3), et la Table de Peutinger situera en Maurétanie Césarienne des Salinae
Nubonenses, le chott El Hodna (segm. I, 1, 124), et en Tripolitaine des
Salinae, le lac Taourga (segm. VII, 4) (fig. 1).
Les Anciens ont beaucoup insisté sur la différenciation entre le sel naturel
et le sel artificiel (Varron RR, I, 7, 8 ; Pline HN XXXI, 73-77), et de cette
différenciation et de ce contrôle de l’élaboration du sel va naître son identi-
fication avec la vie civilisée (Pline HN. XXXI, 88). Le sel dépassera sa pre-
mière fonction, la fonction alimentaire, et deviendra un stimulant de l’ap-
pétit et un condiment qui valorise les mets. Ainsi Salluste va se référer au sel
comme antithèse de l’alimentation des Numides (Jug. LXXXIX, 6-9).
Les conditions très favorables d’ensoleillement et de sécheresse vont
favoriser les dépôts de sel naturel dans les lacs (amersal), procédé naturel
décrit par le pseudo-Aristote quand il mentionne un sel όρυκτός, se trou-
vant en profondeur, mais durcissant en surface en présence de soleil
(De mir. ausc. 134). Bien plus tard, Orose mentionnera le lacus salinarum
où le sel se forme naturellement (per se conficitur), lac identifié avec le
Chott El Jerid (Hist. Adv. Pag. 7, 90), et ces lacs d’intérieur seront repré-
sentés sur les Itinéraires routiers, salinae inmensae quae cum luna crescunt et
decrescunt (Table de Peutinger VII, 4) (fig. 1). Parmi les formes de sel natu-
rel, on reconnaît aussi le sel gemme dont les plus anciens témoignages
d’exploitation par taillage remontent au Néolithique pour le sel de l’Oued
Beth (Maroc). Mais tout porte à croire que le sel minéral, le sel naturel ou
des formes saturées de saumure ont, tout de suite, été perfectionnés par
l’homme jusqu’à l’obtention du sel commun apte à l’alimentation. Tel
pourrait être le cas de la présence d’eau douce dans toutes les mines citées
par Hérodote (Hdt 182-185), eau douce nécessaire à l’homme mais aussi
au lessivage et à la dissolution du sel, comme c’est le cas actuellement dans
les salines de Bilma (Niger). En effet, les sebkhas ont des degrés de pureté
différents en sels et un besoin de raffinage est nécessaire pour extraire le
chlorure de sodium des autres sels.
contre Caton et Scipion en 46 av. J.-C (Bell. Afr. 80.19) ou les salines de
la région d’Utique dans la description des Castra Cornelia de Scipion l’Afri-
cain (Bell. Civ. II, 37, 1-6). Dans les sebkhas, tout un processus de capilla-
rité permettait d’amener l’eau salée en surface et, sous l’effet du soleil, de
former cette couche de sel ou de sels. Parfois, le mouvement marin des
eaux accentuait le remplissage des réservoirs. Ce flux et reflux des eaux est
connu pour les Syrtes (Str. XVII, 17-18), mais il est surtout attesté pour la
côte atlantique où les étiers et les réservoirs se remplissaient d’eau salée sous
l’effet des marées et du mouvement des eaux. Strabon citera le cas de la
ville de Lixus, établissement renommé pour ses salaisons où les eaux péné-
traient sur plus de sept stades le long du Loukos (Str. XVII, 2). C’est ce qui
permettra aux établissements saliniers de s’installer à l’intérieur et aux
embouchures des fleuves comme le remarquera Cicéron dans un sens géné-
ral (Cic. Nat. D. II), ou qui justifiera l’existence en Libye de toponymes
tels que Salsum flumen (Pline HN V, 10).
Parmi eux, le sel du désert d’Amon falsifié par les sels de Sicile (Pline
(HN, XXXI, 79-80) : le nom d’Hammoniacus, Αμμωνιακός sera apprécié
pour sa pureté, son goût agréable et ses propriétés thérapeutiques (Arist.,
Météo. I, 14, 352, Diosc. V 109, Pline, HN XXXI, 78, Arrien, An. 3, 4,
3-4 ; Celse, Med. 6, 6 39 ; Col. Rust. 6, 17, 7 ; Diod. XVII, 49, 6 ; Str. I,
3, 4). Il est identifié avec celui des sebkhas de la région du sanctuaire
d’Ammon à Siwah et donnait lieu à tout un système de donations et d’of-
frandes, base de l’organisation économique du sanctuaire. Mais Pline iden-
tifie le sel Hammoniacus avec un sel en bloc au goût très amer en quoi il
faut reconnaître d’autres sels extraits des sebkhas, sulfates de sodium ou
chlorure de magnésium, aux fonctions thérapeutiques, en particulier diges-
tives (Pline HN, XXXI, 79-80).
De même qu’Hérodote parlera de sels blancs et rouges pour les sels
d’Égypte (Hdt III, 186), toute une variété de sels étaient extraits depuis la
région d’Amon le long de la colonne dorsale saline africaine. Les uns très
recherchés pour leur qualité avaient une fonction alimentaire, les autres
une fonction thérapeutique. Ils circulaient par la voie caravanière suivie par
Hérodote, qui se dirigeait vers les comptoirs et villes côtières, véritables
débouchés des ressources de l’Afrique intérieure, dont le sel (Hdt IV, 180).
Sel : Antiquité / 7273
Si le commerce avec les Augiles et les Garamantes est attesté dès le Ve siècle
(Hdt IV, 172), l’époque romaine va se caractériser par une intégration ter-
ritoriale de cette région saharienne avec tout un processus de pénétration
et d’occupation, jusqu’à Ghadamès, ce qui permettra l’accès aux sels du
Fezzan (ses sebkhas et ses sulfates de sodium). Le commerce du sel sera
bien attesté à l’époque préislamique et à partir des sources arabes. Les Égyp-
tiens semblent avoir commercé dans la région subsaharienne, en transpor-
tant du sel, du verre et du plomb (Hudud Al Alam 63), tandis qu’Ibn
Hawqal mentionne l’abandon des routes vers la Méditerranée et l’exporta-
tion du sel des régions de l’islam vers Ghana, le commerce du sel étant leur
principal moyen de subsistance (74). La côte orientale de l’Afrique du Nord
comportera encore quelques ports d’exportation de sel, Ras-el-Makhbaz
(en Tripolitaine) ou Alexandrie (dont le sel ammoniakos est toujours au
Moyen Age un sel de qualité).
surtout du Ier siècle avant notre ère jusqu’à la fin de l’Antiquité. La créa-
tion des salines artificielles côtières est indissociable de l’élaboration de
salaisons et de l’apparition d’ateliers. Pendant toute la période romaine
s’affirme un grand cercle productif et commercial autour du Détroit (Sud
de la Bétique et Tingitane) uni à la pêche, aux madragues et au sel des
salines proches. Ainsi, on connaît les ateliers de salaisons de Lixus, Cotta,
Tahadart, Lian, de la plage de Zahra, de la lagune d’ Alcazarseguer, d’Al
Marsa, Ceuta (Septem Fratres), Sania Torres, Ksar es-Seghir ainsi que
d’autres petites usines situées plus à l’Est. Les embouchures des fleuves
marquent les emplacements préférés pour ces activités : le Tahadart,
l’Oued Gharifa, le Loukos, emplacements qu’elles partagent avec les
salines. La côte méditerranéenne sera l’autre région productrice de sel,
notamment la Numidie et la Proconsulaire, avec les fondations phéni-
ciennes d’Utique et de Carthage, et nombre de sites reconnus le long des
côtes, à Nabeul (Neapolis), entre Hadrumète et Thapsus (Str. 17.3.16),
dans l’île de Meninx (Gerba), qui coïncident avec de grandes zones de
pêche (fig. 4). Le grand essor se produit à l’époque romaine, même si
des sites comme Nabeul datent du VIe siècle avant notre ère, et si l’étude
amphorique prouve une production à l’époque punique. En effet,
Carthage était le grand centre commercial de salaisons de poissons pour
tout l’Occident (Arist. [De mirab. auscult.] 136) et Tite Live exprime
bien comment à Carthage « les revenus de la terre et de la mer formaient
les ressources du Trésor » (TL XXXIII, 47, 1). Les revenus de la mer
devaient comprendre la pêche, les salaisons et le sel, que Caton va très
spécifiquement citer quand il dira que les Carthaginois exploitaient le sel
(Cat. Or. II, 36) dont nous avons signalé la présence à Thapsus ou à
Utique, mais qui est attesté aussi sur d’autres territoires puniques en
dehors de l’Afrique, comme en Sardaigne (inscription trilingue de Cagliari)
ou à Carthago Nova, la nouvelle fondation barcide. Citons aussi l’atelier
de salaisons de Sabratha en Tripolitaine qui corrobore la réputation du
garum de Leptis Magna, ainsi que des sites isolés en Césarienne qui sont
en voie d’étude.
Le site de Nabeul qui a fait l’objet d’une étude approfondie est une
bonne illustration de ces installations de salaisons nombreuses reconnues
récemment sur le littoral tunisien. Parmi des vestiges qui s’échelonnent
sur une longue période et où des habitations sont présentes dans ce
secteur industriel, l’usine de salaisons la mieux conservée est datable de la
deuxième moitié du 1er siècle ap. J.-C. On note une grande diversité des
bassins disposés autour d’une cour centrale mais séparés de celle-ci par
une galerie. Les techniques mises en œuvre sont partout identiques : murs
liés au mortier, enduit de béton de tuileau disposé en plusieurs couches,
sol en opus figlinum ceinturé par un solin en béton de tuileau. (fig. 2).
Le procédé de fabrication pour le poisson consistait à le déposer par
couches avec du sel dans des piscines aux dimensions réduites, et à l’expo-
ser au soleil. Sur certains sites une salle de chaufferie a été retrouvée,
Sel : Antiquité / 7275
Fig. 4. Les usines de salaisons romaines de Tunisie (D’après Slim et al. 2004).
7278 / Sel : Antiquité
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7280 / Séléné (Cléopâtre)
Nuria MORÈRE
Jehan DESANGES
Cassius (LI, 15, 6), puis à Eusèbe de Césarée, qui la désigne par son nom
latin, Luna (Hier. chron., an. 31, p. 163).
Fille de Cléopâtre VII et de Marc Antoine, elle avait un frère jumeau,
Alexandre Hélios, ainsi qu’un frère cadet, Ptolémée Philadelphe. La date
de naissance des jumeaux n’est pas connue avec exactitude. Antoine et
Cléopâtre s’étaient rencontrés à l’automne 41 à Tarsos et Antoine
retourna en Italie au printemps 40 : c’est sans doute à ce moment-là
qu’elle donna naissance à Alexandre et à Cléopâtre qui avaient trois ans
lorsqu’ils virent leur père pour la première fois en 37. À cette date, le
triumvirat venait d’être renouvelé, mais Antoine s’était séparé de son
épouse Octavie et préparait la campagne contre les Parthes. Il rencontre
Cléopâtre sans doute à Antioche où il reconnaît les deux enfants et leur
donne peut-être leurs surnoms tandis que les noms d’Alexandre et de
Cléopâtre devaient être leurs noms de naissance, celui de la petite fille
étant courant dans la lignée lagide. Les surnoms évoquent clairement les
ambitions politiques des parents : l’un annonçait l’Âge d’or qui devait
s’étendre sur l’Empire romain, l’autre faisait de la jeune princesse une
nouvelle Isis, à l’image de sa mère. Il est possible qu’ils aient également
reçu la citoyenneté romaine bien que leur mère ait été étrangère, sur une
décision de Marc Antoine qui, en tant que triumvir, était qualifié pour
conférer le statut romain, à moins que Séléné (et ses frères) ne l’ait obte-
nue plus tard, à Rome : dans le premier cas, elle serait une Antonia, dans
le second sans doute une Iulia.
Les trois enfants du couple, ainsi que leur frère aîné Ptolémée Césarion,
présenté comme le fils de Cléopâtre et de César, assistèrent à une cérémo-
nie fastueuse, en 34, appelée par les partisans d’Octave, « les donations
d’Alexandrie », afin de déconsidérer Marc Antoine, mais qui était plus un
symbole politique qu’une réalité. Antoine avait placé chaque enfant ainsi
que la reine à la tête de territoires dont certains étaient des provinces
romaines, d’autres des royaumes alliés de Rome : l’ensemble du dispositif,
surtout connu par Plutarque et par Dion, devait signifier l’union de
l’Orient romain sous le contrôle du triumvir Marc Antoine et de sa famille.
À Séléné étaient échues la Crète et la Cyrénaïque. On sait qu’elle-même
et ses frères eurent pour précepteur l’un des meilleurs intellectuels et diplo-
mates du temps, Nicolas de Damas, qu’elle revit sans doute plus tard à
Rome quand il devint, après Actium, l’un des familiers d’Octave et en fut
le biographe.
Les enfants furent élevés à Alexandrie et y restèrent jusqu’à la mort de
leurs parents ; ils furent épargnés par Octave, contrairement à Césarion et
au fils aîné d’Antoine, Antyllus, et amenés à Rome où ils figurèrent au
triomphe d’Octave, en 29, le troisième jour étant dévolu à l’Égypte (le pre-
mier à l’Illyrie, le second à Actium). Les frères de Séléné disparurent bientôt,
sans doute de mort naturelle, tandis que la jeune princesse fut élevée sous
l’autorité d’Octavie, en même temps que les enfants de la famille impériale
et d’autres enfants de princes alliés ou déchus, parmi lesquels son futur
7282 / Séléné (Cléopâtre)
époux, le jeune Numide Juba*. Auguste décida de marier les enfants de ses
anciens ennemis et de les placer à la tête d’un nouveau royaume dont la
dynastie était appelée à incarner sa politique de paix. Le mariage est tradi-
tionnellement placé en 20/19 sur la foi d’une monnaie commémorative
et d’une épigramme de Crinagoras de Mytilène (voir la notice Juba II),
quand Séléné avait environ 21 ans, mais il n’est pas exclu qu’il ait eu lieu
quelques années auparavant, au moment où Juba II obtint le royaume de
Maurétanie, en 25.
Les traits de la reine sont connus, de manière très approximative, par les
nombreuses monnaies qu’elle fit frapper à Césarée de Maurétanie, en grec,
à son nom (BACILICCA KΛEOΠATPA) et à son effigie. Son monnayage
est marqué par une typologie résolument lagide que son époux emprunta
lui aussi en partie pour les émissions frappées à son nom. On attribue à la
reine un unique buste en marbre, portant un diadème et une fleur de lotus,
conservé au musée de Cherchel (Chr. Landwehr, n° 281). Les grands tra-
vaux menés dans la capitale ainsi que la constitution d’une belle collection
d’objets d’art doivent autant au goût de la reine qu’à celui de Juba et de
Ptolémée. Elle est peut-être plus précisément à l’origine de quelques objets
d’origine égyptienne, comme une statuette de Petubast IV, grand-prêtre
de Ptah à Memphis, mort peu avant la prise d’Alexandrie, ou une statue de
Thoutmosis I (dont il ne reste que le bras).
Deux affranchies portent chacune l’un des noms de la reine (Iulia Selene :
CIL, VIII, 21249 ; Cleopatra : Bulletin du Comité des Travaux historiques
et scientifiques, 1956, p. 121-122), mais on ne connaît aucun esclave ou
affranchi qui lui ait appartenu en toute certitude, alors que sa domesticité
ne pouvait être que nombreuse. La date de la mort de Séléné est incertaine,
peut-être en 5 ap. J.-C.
Voir aussi les notices : J13 « Juba », EB XXV, 2003 et M69a « Mauri-
tanie », EB XXX, 2010.
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Michèle COLTELLONI-TRANNOY
Selle / 7283
S33. SELI
Les Seli sont un peuple (natio), signalé par la Table de Peutinger (VII, 5)
à l’est du haut cours du fleuve Be (Ouadi Bei el-Kebir), lequel parvient à la
mer à quelque 60 km à l’ouest de Macomades (Sirte, Marsa Zaafran), dite
Selorum du nom du même peuple. On mentionnera encore, à quelque
160 km à l’est sud-est de Macomades, Digdida (Ouadi el-Harriga), quali-
fiée de municipium Selorum également par la Table de Peutinger (VIII, 1-2).
Ainsi les Seli sont attestés sur une large distance dans la partie occidentale
de la Syrtique.
Il est tentant, comme nous l’avons déjà dit à propos des Psylles*, de
rattacher le nom de ces derniers, hellénisé, à celui, plus authentiquement
libyque, des Seli. On a aussi parfois (Tissot, p. 469 ; Modéran, p. 107-
108) mis en rapport avec celui-ci la première syllabe d’ethnonymes unique-
ment attestés, au VIe siècle de notre ère, par la Johannide de Corippus,
comme Silcadenit*, Siluacae*, Siluaizan* et Silzactae*, en supposant qu’il
s’agirait de noms de fractions des Seli.
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Jehan DESANGES
« Monter un animal »
Si l’on exclut les termes empruntés (notamment l’arabe rkǝb, fréquent
dans les parlers berbères Nord), ou strictement locaux (comme le aɣǝr, qui
n’est connu qu’en touareg du Nord, tamahăq), il existe un verbe pan-berbère
– sa distribution géographique est quasiment coextensive à l’aire berbère,
de Ghadamès au domaine chleuh –, signifiant « monter un cheval/un ani-
mal » ; le même terme est employé pour le cheval et le chameau : il s’agit du
verbe NY. Les dérivés nominaux en sont nombreux et tout aussi largement
distribués : tanaya, « action de monter à cheval/équitation » (et ses variantes
phonétiques régionales : tanaḵa, tanaša…), amnay, « cavalier » (nom d’agent
sur schème -mCaC), asny, « écuyer, page » (nom d’instrument sur schème
-sCC)… Même lorsque, comme c’est le cas en kabyle, le verbe lui-même a
disparu, l’un ou l’autre des dérivés nominaux reste connu (en l’occurrence
amnay, « cavalier »), ce qui établit solidement l’appartenance de cette racine,
avec le même signifié, au fonds lexical berbère commun.
Or, cette racine lexical NY, « monter à cheval » est elle-même directe-
ment apparentée à une autre racine, tout aussi pan-berbère : NG, NY,
« (être) dessus, au-dessus », qui a donné dans tous les parlers berbères les
prépositions « sur, au-dessus » (nnig, nniy, sǝ-nnig, dǝ-nnǝg…) et différentes
formes adjectivales, « supérieur, d’en-haut » (unnig)… Dans cette constel-
lation lexico-sémantique, on peut sans doute aussi inclure le verbe kabyle
inig, « voyager (au loin) » (sur une monture ?).
2. Je remercie vivement Colette Roubet à qui je dois l’essentiel des informations relatives
à la période néolithique.
Selle / 7285
Fig. 1. Bovins avec femmes montées, tapis de selle décoré. Uan Debauen, Tassili.
Période « bovidienne ». Photo Henri Lhote, mission 1957. Sahara, 10 000 Jahre
zwischen Weide und Wüste, Museen der Stadt Köln (p. 421, fig. 6-7).
d’Henri Lhote (mission 1957) et de Yves Gauthier (1996 ; ici fig. 2 et 3),
ainsi qu’à Le Quellec (2008) qui situe ces représentations vers - 6.500 BP.
La monte d’animal, les techniques et les instruments associés (notamment
des dispositifs du type « selle ») sont donc très antérieurs à l’apparition du
cheval en Afrique du Nord.
7286 / Selle
Fig. 3. Femme en robe longue tenant un boviné harnaché en longe. Wadi Ti-n-
Sahrûma, Messak (Libye). Photo Yves Gauthier, L’Art du Sahara, Paris, le Seuil,
1996, fig. 65.
Selle / 7287
La selle
En-dehors des dénominations spécifiques de certains types de selles
(selles de femme, selle en bois, de dressage…) et des cas d’emprunts
à l’arabe, toutes les variétés de berbère ont le même terme pour désigner
la selle : tarikt, avec quelques évolutions phonétiques locales (tarik,
tarišt…), qui s’applique indifféremment à la selle de cheval et à la selle
de chameau.
Cette dénomination repose sur une racine RK qui s’actualise dans plu-
sieurs autres unités lexicales, en touareg et dans l’ensemble du berbère :
– Touareg : arūku, « bât d’âne, bois de bât » (Foucauld, IV, p. 1623).
– Chleuh : aruku/irukutǝn, « ustensile(s), outil(s) » (Destaing 1938,
p. 287 ; Jordan, 1934, p. 41 ; Boumalk & Bounfour 2001, p. 33).
On mentionnera aussi le touareg tăroka (< /taruka/), « cargaison com-
plète d’une caravane », voire le berbère Nord (kabyle et autres), taṛuka,
« quenouille »3 ; toutes ces formes pouvant avoir un lien avec le verbe
Fig. 4. Cavalier chasseur tenant une lance et précédé d’un chien (portion de fresque
plus grande et comprenant des scènes de plusieurs périodes). In Ettouami, Tassili-n-
Ajjer. Relevé Henri Lhote, 1959. Je remercie vivement Slimane Hachi pour la version
de haute qualité de cette fresque ainsi que pour les précisions qu’il m’a fournies.
N.B. Cette représentation est tardive et certainement postérieure l’islam car les tifinagh
qui l’accompagnent sont de type récent (« touaregs ») et parfaitement déchiffrables :
W NK RXMa = awa nekk Raxma, « C’est moi Rakhma », Rakhma étant un nom
musulman d’origine arabe ; il est attesté en touareg (cf. Ch. de Foucauld, Diction-
naire abrégé touareg-français de noms propres, Paris, Larose, 1940, p. 332), comme
nom féminin, conformément à sa finale vocalique -a. À noter que la présence du
-a final est absolument certaine (dans toutes les versions du cliché). On a donc une
situation curieuse : ou bien le cavalier-chasseur est une femme (!?), ou bien les paléo-
Touaregs ont donné des noms de forme féminine à des hommes… Ce qui est sans
doute l’hypothèse la plus vraisemblable puisque des cas similaires sont attestés ailleurs
dans le monde berbère (Mḥenda < Mḥend, porté par des hommes en Kabylie).
touareg arǝk, « être près de / contigu de / orienté vers / tourné vers / se tour-
ner vers… » (pour le touareg, cf. Prasse et al., II, p. 664-665 et Foucauld,
IV, p. 1620 ; pour le kabyle Dallet 1982, p. 720).
l’environnement phonétique, est généralement l’indice d’un emprunt à une langue étran-
gère, latin ou arabe.
Selle / 7289
Conclusion
Plusieurs traits saillants ressortent de l’étude de la morphogenèse et de
la sémantogenèse du couple lexical « monter un animal » / « selle » :
– Formation endogène, à partir de racines berbères non spécifiques ;
– Pan-berbérité quasi parfaite du couple ;
– Fortes valeurs symboliques et sociales associées aux deux mots.
Tout dans l’analyse linguistique des deux notions indique que la monte
du cheval et du chameau se greffe sur des pratiques, techniques et objets
très anciens, certainement ancrés dans le Néolithique avec le bœuf porteur.
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Jean-Pierre LAPORTE
S36. SENTITES
Jehan DESANGES
7296 / Sept Dormants
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Jean-Pierre LAPORTE
M. Fulvius
Saturninus
B*4. Ti. Caesaris Aug.
Fulvius
Pius
Q. Marcius
Fulviuss Fuscus Dioga
Granianus Fulvia
l C. Fulvius
F l Q. Fulvius
ulv Q. Fulvius
ulv
eq. Rom.
quaest. Plautilla Plautius Dida Severus
C.Septimius praef. vigil.
XVv. s. f. 204 Hortensianus Bibulianus Iunior
Severus Aper
cos ord. 207
L.Flavius L. f.
Septimius Aper Fulvia Fulvia
Octavianus Prisca Graniana
trib. pleb. c. f. Fulvius
Pius
cos ord. 238
Flavia N
Neratia L.Iunius L
L. f. Aurelius
Septimia Octavilla Neratius Gallus
Fulvius Macer
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Septime Sévère / 7301
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7304 / Septime Sévère et l’Afrique
François CHAUSSON
En Tripolitaine
En Tripolitaine, dont le territoire romanisé était jusque-là une étroite
bande de terre le long de la mer, des peuplades belliqueuses, dont sans
doute les Garamantes, furent apparemment repoussées hors de la province,
car deux auteurs latins (Aurelius Victor, Caes, 20, 19 et Histoire Auguste,
7306 / Septime Sévère et l’Afrique
Septime Sévère, 18, 3) semblent évoquer des victoires remportées à une date
inconnue au nom de l’Empereur, sinon par lui-même. Selon l’Histoire
Auguste (18, 3, éd. Chastagnol, p. 331) :
Tripolim, unde oriundus erat, contusis bellicosis gentibus, securissimam reddidit
ac populo Romano diurnum oleum gratuitum et fecondissimum in aeternum
donavit. Il apporta à Tripoli, son pays d’origine, une parfaite tranquillité en
écrasant des peuplades belliqueuses, et accorda en permanence au peuple romain
une abondante ration d’huile quotidienne et gratuite.
Cette phrase résume à la fois les prodromes et les conséquences (et sans
doute le but) de Septime Sévère.
La liaison entre Tacapae (Gabès), et Lepcis magna fut réaménagée et
renforcée, la surveillance des routes commerciales vers Ghadamès et le Fezzan
fut assurée notamment par l’édification en 198 du praesidium de Si Aoun et
le renforcement de Vezereos en 201.
La Tripolitaine connut alors une grande prospérité. Leptis Magna notam-
ment, lieu de naissance de l’Empereur, paraît avoir bénéficié de subsides
permettant des constructions grandioses.
En Africa
Située pratiquement en face de Rome, l’Africa était déjà fortement
urbanisée depuis l’époque punique. Continuant et achevant une politique
amorcée par Hadrien, Septime Sévère procéda, en quelque sorte au détri-
ment de Carthage, à un véritable démantèlement de la pertica Carthagi-
niensis au profit de la création de nouveaux municipes et de la multiplica-
tion de communes romaines groupées dans la vallée du Bagrada, moderne
Medjerda (Gascou 1972, p. 226-227). Il promut également Thysdrus
(El Jem), ainsi que de nombreuses cités autochtones qui attendaient par-
fois depuis longtemps un statut romain (ibid., p. 228). Ces nombreuses
‘fondations’ (en réalité des promotions juridiques) s’exercèrent dans un
secteur très limité de la province d’Afrique, en faisant progresser la roma-
nisation culturelle, avec une volonté de fusion des communautés romaines
et pérégrines (non-romaines) séparées en droit, mais unies depuis long-
temps par des liens étroits (ibid., p. 230).
Déjà bien étendu vers le sud depuis Hadrien, le territoire de la province
était limité au sud-est par celui de la Tripolitaine et au sud-ouest par
la Numidie.
En Numidie
Jusque-là simple région de l’Africa, la Numidie fut séparée dès 198 de la
Proconsulaire et accéda au rang de province (Pflaum 1957, p. 61-75 ;
Dupuis 2012, p. 5467), confiée à un légat de rang sénatorial ; le premier
de ceux-ci, Q. Anicius Faustus, était déjà légat de la IIIe légion depuis 196.
Septime Sévère et l’Afrique / 7307
Maurétanie césarienne
Lors de l’avènement de Septime Sévère en 193, la Maurétanie césa-
rienne se réduisait encore à une bande située entre la côte et la longue
dépression qui, partant de l’Oranie, englobe la vallée moyenne du Chélif,
et se poursuit vers l’est jusqu’à Auzia (Laporte 2011, p. 118). La politique
de promotion municipale fut moins utilisée que plus à l’est, et l’on ne
peut guère signaler que la promotion d’Auzia au rang de colonie, peut-être
à titre indemnitaire compte tenu du départ d’une large part de sa garnison
vers la nouvelle rocade marquant au sud le territoire plus spécifiquement
romain.
De larges zones tribales subsistaient encore à l’intérieur de la province.
Le renforcement du contrôle des tribus semble avoir provoqué des révoltes,
ou au moins des tensions, matérialisées par la restauration d’une tour à
Daouark (fig. 1), entre Rusazus (Azeffoun) et Ksar Chebel*, donc tout près
de la côte, près du territoire des Quinquegentanei*.
Fig. 2. Localités attestées sous Septime Sévère (carrés noirs en Césarienne, carrés gris
en Numidie. D’après Laporte 2011, p. 121. Le carré noir ajouté en bas et les points
et les carrés grisés représentent deux « antennes » dépendant de la Numidie. milieu
de la figure sur le flanc nord du Djebel Amour représente El Bayadh.
l’Atlas saharien (Ouled Naïl, Djebel Amour, monts des Ksours), peuplées
de sédentaires à la fois cultivateurs, arboriculteurs et éleveurs, pratiquant
occasionnellement une petite transhumance (cf. Despois 1957 et 1959).
Les oasis produisaient les précieuses dattes. Toutes ces populations et
Septime Sévère et l’Afrique / 7311
productions étaient taxables. Les heurts étaient inévitables. Ils sont illustrés
par une dédicace de victoire sur des Bavares transtagnenses (« d’au-delà
des chotts », précision nécessaire car il y avait des peuples de même nom
dans les montagnes de l’Atlas tellien, Camps 1955), élevée par le procura-
teur de Césarienne P. Octavius Pudens (198-201), découverte en janvier
2014 près d’El Bayadh, au pied nord du Djebel Amour (Drici 2015 ;
Benseddik et Laporte 2016). D’autres vestiges découverts jadis dans la
même région (Benseddik et Laporte, 2016) suggèrent une occupation
pérenne, et non une simple expédition sans lendemain.
Ces affrontements ne furent sans doute pas les seuls. Au moins deux
fois, les deux Maurétanies, césarienne et tingitane, séparées par des terres
parcourues par les Baquates à l’ouest et les Bavares à l’Est, furent réunies
sous l’autorité d’un même procurateur prolégat, en 202 Cn. Haius Diadu-
menianus, et un peu plus tard, avant 210, par Q. Sallustius Macrinianus,
ce que l’on interprète en général comme l’indice de troubles sérieux affec-
tant simultanément les deux provinces.
Maurétanie tingitane
La Maurétanie tingitane, très éloignée de Rome, et où la densité de villes
romaines était faible, paraît avoir moins bénéficié de l’action sévérienne,
si ce n’est peut-être d’un renforcement de sa protection militaire.
On ne sait rien d’un éventuel agrandissement du territoire provincial.
Cependant, les relations avec les peuples berbères firent l’objet de soins
particulier, avec la conclusion de traités de paix avec les Baquates, et même
avec une alliance Baquates-Bavares, ce qui précise bien la région où l’on
redoutait des troubles, à savoir les confins entre Césarienne et Tingitane.
Ces mesures n’empêchèrent pas de sérieuses révoltes. Outre celles que nous
avons évoquées plus haut, on note aussi l’attribution, en 210-211, du titre
de pro legato, c’est-à-dire de commandant d’armée, au procurateur de
Tingitane C. Iulius Pacatianus.
*
Un classement chronologique plus précis des documents anciennement
connus et des découvertes épigraphiques récentes devraient permettre
de mieux comprendre le développement progressif de la grande politique
de Septime Sévère en Afrique et son impact sur la population autochtone.
Ce fut à la fois la période de plus grande prospérité et de plus grande exten-
sion du territoire « romain ».
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7312 / Septime Sévère et l’Afrique
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Jean-Pierre LAPORTE
[avec des observations de Jehan DESANGES]
S41. SERMENT
Le verbe pan-berbère qui signifie « jurer, prêter serment » est ggal (avec,
pour certains parlers, la variante phonétique ǧǧal) : (Basset 1951, p. 129,
130 ; Dallet 1982, p. 254 ; Destaing 2007, p. 188 ; Mercier 2012, p. 148 ;
Taïfi 1991, p. 151…). On relève plusieurs dérivés nominaux, plus ou moins
usités selon les parlers : tagallit « serment », imgilli ou amgallu, « jureur ou
co-jureur » (cf. infra)… En touareg, c’est le verbe eheḍ qui signifie « jurer,
prêter serment » (Foucauld 1951, t. II, p. 513 à 516 ; Foucauld 1984, p. 95,
271) ; le dérivé nominal tahôdé (Foucauld 1951, t. II, p. 516 ; Foucauld,
1984, p. 95) signifie « serment ».
La prestation de serment a lieu pour affirmer solennellement la véracité
d’un fait, le caractère total et irréversible d’un engagement ou une inflexible
détermination comme celle du poète kabyle Si Moḥand ou Mḥand face à
l’ordre colonial, explicite dans ce tercet très connu :
Ggulleγ seg Tizi-Wezzu Je le jure de Tizi-Ouzou
armi d Akfadu jusqu’à l’Akfadou
ur ḥkimen deg’ akken llan Nul d’eux ne me commandera
(Mammeri, Les Isefra, poèmes de Si Mohand-u-Mhand, Paris, Maspéro, 1987,
p. 152-153 ; « eux » réfère ici au pouvoir colonial et à ses relais autochtones).
aḥeqq Jeddi : « par mon grand-père (par mon ancêtre) », formule cou-
rante dans les lignages maraboutiques ; un interlocuteur non-marabout
peut, s’adressant à un marabout, lui dire : aḥeqq jeddi-k (aḥeqq jeddi-m, au
féminin) en signe de respect et de croyance partagée. Cette référence aux
ancêtres (investie ici de sacralité religieuse) est ancienne chez les Berbères :
Hérodote, cité par Plantade, note que les Libyens « invoquent dans leurs
serments les hommes de chez eux qui passent pour avoir été les plus justes
et les meilleurs ; ils jurent, la main sur leurs tombeaux ». (Plantade 2012,
p. 5312).
Aḥeqq aεessas n da : « Par le Gardien de ces lieux », formule de serment
féminine. Par extension, une femme peut invoquer dans son serment, en
les nommant, toutes les forces tutélaires investies de sacralité de la plus
proche à la plus lointaine, d’où le nombre important de ces formules de
serment féminin.
Aḥeqq tagella d lmelḥ : « par la nourriture et le sel » (partagés), la nourri-
ture et le sel partagés scellent un lien considéré comme sacré (voir les
notices « Repas » et « Sel »). Ce serment par la nourriture est signalé par
Destaing pour les Beni-Snous (Destaing 2007, t. I, p. 349).
Aḥeqq idammen ou bien, « aḥeqq ahrir idammen i daγ-icerken » : « par le
sang qui nous unit, formule de serment employée par les vieilles femmes »
(Genevois 1963, p. 19) ; ces formules se réfèrent aussi au caractère sacré du
sang (voir les notices « Meurtre » et « Sacrifice »).
Serment / 7317
Le serment judiciaire
Dans leur fonctionnement ancien (c’est-à-dire avant l’intervention du
droit colonial, puis de celui des États nord-africains indépendants), les dje-
mâa berbères recouraient largement au serment car pour statuer sur une
affaire ou pour régler un litige, il constituait souvent l’unique moyen d’éta-
blir la preuve (voir supra pour la paternité), la culpabilité ou l’innocence
d’un accusé. C’était donc la djemâa qui ordonnait le serment et en organi-
sait les modalités de prestation : lieu, formule à prononcer, partie à laquelle
il doit être déféré (Hanoteau et Letourneux 2003, t. II, p. 261-265 ; t. III,
p. 25, 26, 161 ; Mahé 2001, p. 142, 143). Si, dans un litige, une des par-
ties refuse de jurer, c’est la partie adverse qui obtient gain de cause. Pour
réunir les éléments nécessaires au traitement d’une affaire, la djemâa avait
également recours au témoignage ; elle pouvait, dans certains cas, astreindre
les témoins à prêter serment ; seuls étaient crus sur parole les hommes jugés
honorables : « Le serment n’est jamais requis de témoins honorables, mara-
bouts, grands personnages. La partie qui voudrait l’exiger d’eux, leur infli-
gerait un outrage des plus graves » (Hanoteau et Letourneux 2003, t. II,
p. 262). Enfin, ne se contentant pas de la malédiction, la djemâa punissait
aussi bien le faux serment que le faux témoignage : « Le faux serment est
puni comme le faux témoignage et la décision est annulée » (Hanoteau et
Letourneux 2003, t. III, p. 161).
Le serment votif
La documentation consultée ne signale pas ce type de serment dans
d’autres régions du monde berbère qu’en Kabylie où il est décliné sur le
mode de la promesse. Il porte, en kabyle, le nom de tuqqna (dérivé nomi-
nal du verbe qqen, « être attaché, lié » ; ici, être lié par une promesse, un
serment ; voir Dallet 1982, p. 667). Sur le tombeau d’un saint ou dans un
endroit investi de sacralité, une personne peut demander la guérison d’une
maladie grave, le dénouement d’une situation difficile ou la naissance d’un
garçon. Elle s’engage, alors, si ce vœu est réalisé, à présenter une offrande
– le plus souvent une victime sacrificielle : mouton ou bœuf. La personne
dont le vœu a été exaucé mais qui « trahit » sa promesse encourt une malé-
diction qui peut se transmettre de génération en génération. Ce serment
votif est encore vivant en Kabylie et les offrandes sont présentées lors du
pèlerinage qui a lieu dans ce sanctuaire.
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Dahbia ABROUS
Introduction
Quasiment dans toutes les cultures, la figure, l’image et la symbolique
du serpent étaient et sont encore partout présentes et constituent ainsi un
élément fondamental des universalités partagées des sociétés humaines.
Le serpent a en effet de tout temps suscité chez l’homme des sentiments
contradictoires qui se résument d’une manière générale dans l’antago-
nisme éternellement engagé entre le Bien et le Mal. Il est la consécration
de toutes les ambivalences : force et faiblesse, courage et peur, mâle et
femelle, vie et mort, protection et danger, etc. Des Vikings aux peuples
précolombiens, des cultures africaines anciennes aux contrées asiatiques,
de la civilisation grecque à l’Égypte pharaonique, le serpent occupait un
rang majeur dans la hiérarchie de la symbolique animalière. Il est en outre
l’élément fondamental de plusieurs récits mythiques liés à la cosmogonie
dans plusieurs civilisations. Cette symbolique prenait néanmoins des
significations et des incarnations tout à fait spécifiques selon les cultures
(Boudin 1864).
Les contacts séculaires entre les différents espaces culturels, notamment
sur le pourtour méditerranéen, et leur brassage continuel ont certainement
engendré une superposition et une sédimentation des traditions et des
croyances relatives à ce reptile redoutable (Probst-Biraben 1933). Dans la
7322 / Serpent : ethno-archéologie
Substrat archéologique
L’intérêt scientifique de l’art rupestre revêt des aspects multiples (Nami
2011). À défaut de données archéologiques matérielles et de sources histo-
riques précises, l’art rupestre vient esquisser l’écriture de la Préhistoire et de
l’Histoire d’une région tout entière au travers de l’interprétation de l’icono-
graphie gravée ou peinte sur les blocs rocheux ou sur les parois des grottes
et abris sous roche. Il permet également d’approcher la reconstitution des
paléo-environnements grâce aux différentes thématiques qu’il représente
inhérentes au monde animalier. L’art rupestre reflète encore une part
importante des perceptions symboliques et/ou cultuelles des populations
anciennes en relation avec leur cadre naturel proche (Lequellec 1993). Le
thème du « serpent » est assez bien représenté dans les répertoires icono-
graphiques des sites rupestres nord-africains et sahariens, sans toutefois
avoir été suffisamment approché en termes d’analyse et d’interprétation.
Toponymie et serpent
Il est certain également que cette hantise s’est perpétuée jusqu’aux
époques historiques tardives. La toponymie maghrébine en général est
imprégnée de termes et de formulations qui font référence d’une manière
directe ou indirecte au serpent. Dans le Sous marocain par exemple, on
relève des toponymes tels que Agadir ilgmaḍen (Grenier aux serpents), Borj
n ilgmaḍen (Tour des serpents), ou tout simplement Bouylgmaḍen (lieu aux
serpents) (Fig. 2).
Le cas d’une kasbah se trouvant non loin du village de Foum Zguid
(sud marocain) et portant le nom d’Oum Lahnech (littéralement : « celle
au serpent ») est révélateur à cet égard. Les sites rupestres aux figurations
serpentines sont proches de la kasbah. Une approche diachronique
consacre la représentation du serpent et sa récurrence dans la culture
locale. La légende rapporte que l’endroit initial était une forêt infestée de
7324 / Serpent : ethno-archéologie
serpents. Une population de pasteurs nomades voulait s’y installer, mais ils
avaient peur des reptiles. Ils eurent recours à un fameux saint marabou-
tique qui aurait ordonné aux serpents de quitter le lieu sous peine d’un
châtiment sévère. Les serpents n’eurent alors qu’à exécuter la sentence du
marabout et le village fut ainsi construit dans la sérénité.
Ce type de légendes se retrouve dans une série de contes berbères où
l’intervention des cultivateurs sur des terres non encore arables pour leur
défrichement et l’élimination des broussailles sauvages fait souvent surgir le
serpent, maître des lieux, défendant son territoire. Des rituels spécifiques
prônant la bénédiction des esprits des lieux (serpent en l’occurrence) sont
généralement observés par les paysans quand il s’agit de conquérir de nou-
veau lopins récupérés sur les terres sauvages ou la forêt.
Dans la même région de Foum Zguid et, plus généralement, dans le
sud marocain, la toponymie trahit la persistance de telles représentations
ambivalentes et légendaires. Plusieurs exemples d’indices toponymiques
permettent aujourd’hui de remonter la construction de cette relation
entre l’homme et le serpent et pourraient apporter des éléments de
réponse à l’interprétation des figurations rupestres associant le serpent
aux bovinés.
Le toponyme du fameux site préhistorique algérien de Aïn Hanech
(« source du serpent »), bien connu dans les milieux scientifiques grâce aux
découvertes considérables auxquelles il a donné lieu, confirme également
Serpent : ethno-archéologie / 7325
Dans le conte merveilleux berbère, le serpent est identifié selon ses deux
aspects antinomiques : bénéfique quand il est protecteur et fécondant, et
maléfique quand il est dangereux. Dans ce dernier cas, il est représenté avec
sept têtes comme en témoignent plusieurs contes kabyles (talafsa, cf. notice
S43 et 44 ; Lacoste-Dujardin et al. 1965).
Un serpent vu dans un rêve est souvent interprété comme étant un
ennemi potentiel parmi les proches. L’avoir tué au cours du même rêve
signifie l’anéantissement des méfaits de l’ennemi supposé. Le serpent est
également lié au sacrifice, notamment celui destiné aux génies, maître des
lieux, des cavernes et des ténèbres. Le serpent noir et poilu représente le
7326 / Serpent : ethno-archéologie
génie, gardien exclusif des trésors cachés auxquels les chercheurs de ces
derniers doivent offrir des animaux sacrifiés dont le sang sert d’appât pour
le génie-serpent (Herber 1915-1916, p. 153).
Aspect religieux
La survivance d’un souvenir lointain relatif à une vénération du serpent
chez les Berbères est aujourd’hui manifestée dans des relations ambigües
d’ordre surnaturel avec ce reptile, même si on observe par ailleurs les
préceptes fondamentaux de l’islam qui bannit ce genre de pratiques.
L’implication des espaces et agents maraboutiques dans cette relation
entre l’homme et le reptile intervient probablement pour instaurer une
plate-forme d’entente entre le profane et le sacré, où la baraka du serpent
et celle du marabout n’en font qu’une. Cela manifeste encore une fois la
capacité d’assimilation/permanence qui a de tout temps caractérisé les
sociétés berbères.
Conclusion
Aujourd’hui encore, le serpent reste une source d’inspiration pour de
nombreuses créations artistiques et artisanales (Giralt 2005). Des bijoux, des
ornementations diverses, des tatouages corporels, des figures emblématiques
7328 / Serpent : ethno-archéologie
Fig. 4. Détail de la tombe du serpent, Zaouia Sidi Ayyad Soussi. (Cl. Nami).
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À des fins thérapeutiques, la peau de serpent est utilisée contre les oph-
talmies (Dallet 1982, p. 957). Les femmes, dans l’Aurès, utilisent la bile de
serpent pour lutter contre la stérilité ; ce procédé consiste à « cuire de la
bile de serpent sur de la braise de manière à la dessécher », la femme « la
prise ensuite par la narine droite pour avoir un garçon, par la gauche pour
avoir une fille, par les deux pour avoir deux jumeaux » (Gaudry 1998,
p. 234).
Dans les pratiques magiques, la peau de serpent est utilisée « sous forme
de fumigations : elle neutralise les maléfices » (Genevois 1968, I, p. 54) ; la
tête, quant à elle, sert à semer la discorde entre les époux (Genevois, ibid.).
En raison du venin qu’elle renferme, elle est aussi utilisée dans les empoi-
sonnements (Lacoste-Dujardin 2005, p. 320).
En cas de morsure de serpent, surtout de vipère, l’endroit de la morsure
est incisé (il peut aussi être cautérisé), une personne « immunisée » aspire
le sang contenant le venin après s’être rincée la bouche avec de l’huile (Bas-
set 1961, p. 159 ; Laoust-Chantréaux 1990, p. 238) ; dans l’Aurès et dans
le Mzab, un chien égorgé auquel on aura ouvert le ventre, est immédiate-
ment appliqué sur la plaie (Basset 1961, p. 159 ; Delheure 1986, p. 248).
Dans le Mzab, il s’agit d’une pratique de transfert du mal car il est précisé :
« le venin va passer dans le chien » (Delheure, ibid.). Pour la Kabylie,
G. Laoust-Chantreaux décrit la pratique magique par laquelle un εisawi
(un adepte de la confrérie des Aïssawa) immunise une personne contre le
venin de serpent : « … après lui avoir fait promettre de ne plus tuer de
serpent, le εisawi met un serpent autour du cou de son adepte en pronon-
çant certaines formules. La morsure de serpent devient sans effet sur la
personne ainsi préservée qui peut, à son tour, soulager tous ceux qui sont
piqués » (Laoust-Chantréaux 1990, p. 238).
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7332 / Serpent
Dahbia ABROUS
ifiɣer et ses variantes (fiɣer, tifiɣra, tifiɣrit…) est le terme le plus répandu
en berbère pour le nom générique du serpent : il est attesté dans tous les les
parlers dits « zénètes », le Maroc central et sporadiquement dans d’autres
aires dialectales. Certaines formes peuvent avoir un sens plus précis : ifiɣr
« couleuvre » en chleuh, tifiɣra « vipère ou couleuvre » dans le Maroc cen-
tral, taffiɣra « scolopendre » en chleuh, etc.
L’aire chleuh utilise deux termes qui lui sont spécifiques : algmaḍ et abn-
kal. Il pourrait s’agir de formes expressives secondaires ou de composés,
bien que le premier soit abondamment attesté les sources lexicographiques
berbères médiévales (Van den Boogert 1998 : L25, L26b, H717, H718,
H731).
vert / lézard gris des murailles » ou encore des composés expressifs comme
azermeṭṭuš (kabyle) « ver de terre ».
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7334 / Sétifien
allégée et réduite, sans outil tranchant, n’a plus compté qu’un spécimen
mousse et plusieurs instruments perforants, des perles tubulaires, un seul
grain d’enfilage inachevé. Aucun nouvel objet n’est apparu. Des traces de
colorants à la surface d’objets mobiliers (dalles, molette, meules) sont deve-
nues plus fréquentes, l’ocre fut manifestement réservé au domaine funé-
raire. Les tests d’œuf d’autruche sont restés rares. Un seul porte l’ouverture
circulaire d’une probable bouteille. La faune consommée s’est aussi modi-
fiée et s’est trouvée moins bien représentée en gastéropodes (p. 388, tableau
XI), elle s’est réduite à des mammifères de taille moyenne à petite, ne com-
prenant plus que quelques bovidés, gazelles et antilopes, plus rarement du
mouflon ; les lapins en revanche ont été fréquemment capturés et consom-
més ; J. Bouchud admit dans cette phase l’apparition des premiers caprinés
domestiques (dents isolées de mouton ou chèvre en A3, z : 1.25-1.00 m)
(Bouchud, p. 384).
Cette coexistence d’objets intacts mais disparates est très importante, elle
porte en elle un message à mettre en évidence et à rattacher au vivre ensemble
que partagèrent des voisins des Babors, différents, mais réunis à Medjez II.
Il s’agit d’un petit message technique passé inaperçu, d’un tour de main
spécial et de son résultat, conservé sur chacun de ces outils rares, comme
une expression tangible d’un savoir-faire, vraisemblablement montré et
transmis sur place par le tailleur à son voisin. En examinant ainsi le contenu
des contextes des deux premières phases, on ne ressent pas l’impression d’un
mélange, comme certains l’ont dit. Ces assemblages nous renvoient plutôt
de cette étrange juxtaposition d’objets divers, l’expression d’une connivence,
l’écho presque conservé in situ, de dialogues et de gestes de spécialistes,
échangés objets en main. Façonner une pointe de l’Aïn Kéda, aménager
une pointe de la Mouillah, furent dès la Phase I, des créations vraisembla-
blement produites par des tailleurs distincts, présents en même temps à
Medjez II, chacun étant porteur de ses traditions techniques. Qu’en a-t-il
été de la fonction de ces armatures ? Peut-on retenir l’hypothèse d’un objec-
tif de chasse partagé par tous les membres d’une communauté mixte, s’orga-
nisant pour conduire ensemble des battues ? Cela expliquerait alors la
coexistence au sol de ces armatures et l’objectif de subsistance visant au rap-
prochement des communautés ?
7346 / Sétifien
Conclusion
Medjez II représente sans doute l’expression originale d’un Vivre
ensemble, durant le VII-VIe millénaires, bien après le début de l’Holocène,
en Algérie orientale septentrionale. Cet exemple est sans doute le premier à
pouvoir témoigner de l’adaptabilité des populations de Mechta-Afalou,
après la période Ibéromaurusienne. Un second exemple réside dans la rela-
tion pionnière qu’entretinrent les populations Mechtoïdes de l’Afrique du
Nord avec la néolithisation en régions atlasique, saharienne et atlantique.
Il a longtemps parut impossible d’appréhender la notion de cohabitation
préhistorique. Cette réalité très fragile, jusque-là supposée dans l’archéolo-
gie nord-africaine orientale, s’est trouvée conservée à Medjez II et nous est
accessible à travers une approche socio-comportementaliste. On ne peut
nier que le Sétifien évolué s’inscrit dans l’ensemble Capsien Supérieur, se
déroule entre les Phases II-IV mais connait une définition incomplète. Le
fait funéraire qui l’accompagne donne à Medjez II, son caractère majeur de
nécropole, mixte (spécificité rare). Pour la première fois en effet, un
contexte culturel cerné chrono-stratigraphiquement, se trouve privé d’une
définition classique. La Phase I ne correspond pas à un faciès épipaléoli-
thique, elle est à placer hors de tout statut connu, dans une situation char-
nière admettant la cohabitation de populations voisines, aux traits anthro-
pologiques distincts, portant des traditions culturelles complémentaires.
Medjez II nous permet de voir s’éclairer autrement la mosaïque capsienne
au fur et à mesure que s’étendent nos connaissances.
Sétifien / 7347
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Distribution géographique
Si la statistique ne peut guère être utilisée dans ce domaine de l’imagerie
rupestre à caractère sexuel, compte-tenu de la grande dispersion des repré-
sentations dans l’aire saharienne et surtout de leur faible quantité, le constat
documentaire conduit à considérer qu’au nord (Sahara septentrional) ces
images sont plutôt exceptionnelles alors qu’elles sont plus nombreuses dans
le Sahara central et méridional.
Rappelons qu’en matière de chronologie de l’art saharien, le découpage
géographique entre le nord (monts de l’Atlas) et le sud (Sahara central et
méridional) repose sur un consensus actuel des spécialistes de la préhistoire
de l’Afrique du Nord qui admet les mêmes séquences ou périodes artis-
tiques, inspirées des travaux de Henri Lhote, dans les années 1950-1960 :
le Bubalin, le Bovidien, la protohistoire et l’histoire, jusqu’aux populations
actuelles. Dans ces deux grandes régions, les thèmes et les sujets sont com-
parables, sinon semblables, humains autant qu’animaliers.
On observe également, au Sahara central, que des concentrations existent
dans plusieurs régions. Par exemple, au sud de l’Anti-Atlas marocain, plu-
sieurs stations rassemblent de nombreux signes et/ou symboles féminins
(vulvaires) ; c’est le cas notamment à Aït Wazik, dans la région d’Akka.
Dans l’Oued Djerat, au Tassili-n-Ajjer, on trouve une remarquable
quantité d’ithyphalles, de rapports sexuels entre théranthropes, de scènes
qualifiées de « priapiques » par Henri Lhote (1976).
D’autres endroits semblent plutôt voués à l’intimité féminine, comme
le Wadi Taleshut sur le plateau du Messak Settafet au Fezzân libyen : ce
sont les « femmes ouvertes » (voir plus loin).
C’est donc une inégale répartition des images sexuelles et, parfois,
quelques concentrations thématiques qu’on peut trouver dans l’ensemble
de l’aire saharienne.
Les thèmes où la sexualité est diffuse sont variés : couples avec ou sans
enfants, vie familiale, relation probablement sentimentale, voire amou-
reuse, vie au campement (période pastorale). Ces thèmes sont souvent
mélangés à d’autres activités où des hommes et des femmes sont repré-
sentés individuellement, en groupes réduits ou nombreux, accompagnés
ou non d’animaux, dans des activités cynégétiques, pastorales ou guer-
rières. Ces scènes nous renseignent sur l’appartenance ethnique des
personnages ou des groupes, sur leurs modes de vie, sur leurs façons
de s’habiller (modes vestimentaires), sur leurs relations avec le monde
animal.
Sexualité : art rupestre / 7351
Images sexuelles
La nature, la signification et la portée des images à caractère sexuel, n’ont
pas été les mêmes selon les époques et selon les modes de vie, soit plutôt
orientés vers la chasse, soit plutôt orientés vers l’élevage, les deux pratiques
étant souvent liées. C’est ainsi qu’il est fort probable que des symboliques
sexuelles différentes aient existé dans des communautés géographiquement
séparées, dans des périodes différentes.
Certains thèmes ont été développés au Sahara central – jamais au nord –,
dans des aires limitées : dans le Messak Settafet (sud-ouest libyen) et dans
le Hoggar (Algérie). C’est le cas, par exemple, de femmes en position
stéréotypée, jambes écartées, vues de face. Ces représentations gravées réa-
listes ou non existent depuis le « Bubalin Naturaliste » (Hoggar) jusqu’au
« Bovidien » (Messak). Ces images semblent caractériser la symbolique
sexuelle de diverses communautés pendant une partie importante du néo-
lithique, mais à l’intérieur d’un périmètre saharien limité.
Fig. 5. Un bel ensemble gravé d’époque pastorale, dans le Wadi Taleshut (Messak)
met en scène des femmes aux riches habits accompagnant des bovinés harnachés
pour une cérémonie. À quatre reprises au moins, sur les bovinés, le symbole fémi-
nin dérivé de la femme ouverte est visible (voir fig. 4).
Relevé d’après photo F. Soleilhavoup, 2012.
animaux et sur le vêtement des femmes des signes (ou symboles) féminins
dérivés du stéréotype des « femmes ouvertes ». Cette belle frise d’âge pas-
toral utilise des symboles de la féminité qui relient la femme et l’animal,
sans doute dans un cadre cultuel. La femme deviendrait ainsi un moteur
spirituel alors que les bovinés sont des moteurs économiques du groupe.
Il est intéressant de noter que l’on trouve sur les parois des signes actuels
dont le graphisme semble dériver de l’image féminine préhistorique.
Ithyphalles et mégaphallus
L’image rupestre de l’homme montré individuellement se rencontre sous
deux formes particulières au Sahara : des hommes en érection (ithyphalles)
et des hommes dotés d’un sexe (circoncis ou non) de dimension démesu-
rée, parfois jusqu’au tiers de la hauteur du personnage. Mégaphallus et
ithyphalles semblent caractériser les représentations masculines au Sahara.
Bien sûr des hommes « normaux » accompagnent des femmes dans les
couples ou dans les scènes de la vie domestique ou de la vie pastorale.
Parfois dans les scènes de relations sexuelles, les hommes porteurs de
sexes hypertrophiés pénètrent des femmes, comme pour magnifier la puis-
sance génésique masculine ou sa domination. Cela est visible dans les
périodes anciennes (« Bubaline ») et pastorales (« Bovidienne »). Ithyphalles
et mégaphallus se trouvent dans l’oued Djerat (Tassili-n-Ajjer), où les gra-
vures « Bubalines » à caractères érotique, sexuel, qualifiables aujourd’hui
de pornographiques, ne sont pas rares. On y voit des scènes de coït entre
femmes et théranthropes (êtres mi-animaux, mi-humains) porteurs de
mégaphallus. Des hommes à sexes hypertrophiés se trouvent aussi dans
d’autres régions : Aramat, Akakus (sud-ouest libyen).
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François SOLEILHAVOUP
Ce lien existe bien dans la mesure où les peuples libyens antiques, aux-
quels appartenaient les Mechouech, faisaient partie du monde libyque,
i.e. berbère ancien.
C’est donc la date de 950 avant Jésus-Christ qui fut retenue comme
point de départ, c’est-à-dire, approximativement, le début du règne de
Sheshonq Ier, qui est probablement le plus ancien Berbère dont on ait le
nom, des dates, sur lequel on dispose même de quelques autres données.
C’est ainsi que paru en 1980 le premier calendrier berbère portant le mil-
lésime 2930.
Le millésime « berbère » est un acquis récent, mais désormais largement
diffusé, tout comme le fameux « Z » () berbère, la « réinvention » moderne
Sheshonq / 7357
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Site Internet : On trouvera notamment sur le site Internet kabyles.net des extraits,
avec des notes de Geneviève Harland, d’un blog aujourd’hui disparu de Ammar
Negadi, dont deux au moins concernent le calendrier « berbère ».
Jean-Pierre LAPORTE
1. Sur ces données naturelles, voir Ch. Monchicourt (1913) ; E. Makhlouf (1968, p. 17-98) ;
Atlas de Tunisie (Collectif, 1979, 8, 14, 16 -18, 20) ; H. Sethom et A. Kassab (1981, p. 83-104).
7360 / Sicca Veneria
2. La carte d’état-major au 1/50.000 UTM de 1993 ne donne pas les indications des
vestiges antiques ; la carte au 25.000 ne couvre pas Le Kef.
3. Les capitaines Hilaire et Renault (1898, p. 325) imputent leur disparition pour une
large part aux Romains.
Sicca Veneria / 7361
4. Monchicourt (1913, p. 251). À compléter cependant par les données de l’Atlas pré-
historique de la Tunisie, Le Kef (1985) ; plusieurs attestations dans S. Ben Baaziz (2000) ;
Tanda et alii (2009) ; nous sommes en train de mener un travail de longue haleine sur
les nécropoles protohistoriques, dans un projet commun à l’Institut national du Patri-
moine de Tunisie, en association avec l’Université de Tunis et à l’Université de Barcelone,
dans la région d’Althiburos, le massif du Ksour, où plusieurs centaines de monuments funé-
raires sont recensés et dont l’étude vient d’être publiée : N. KALLALA, J. SANMARTI (dir.),
M.-C. BELARTE (éd.), Althiburos III. La nécropole protohistorique d’Althiburos-massif du
Ksour, Tarragona, 2017.
5. Polybe, I, 66.
6. Camps (1960, p. 54, 227), sans qu’il en donne le sens étymologique.
7. Fantar (1992, 120) écrit : « nous serions enclin à appartenir Sicca à une racine libyque
à laquelle appartient un terme berbère très courant Tasicca qui désigne la chambre et sans
doute aussi l’habitation… Tazicca ou Tasicca peut donner Sicca ».
8. Justin, XIX, 2, 4.
7362 / Sicca Veneria
Que s’est-il passé à Sicca et dans sa région entre ces deux dates, 174/172
et 46 av. J.-C. ? Nous n’en savons pas grand-chose, à part l’un des épisodes
de la guerre de Jugurtha (111-105 av. J.-C.). Salluste nous apprend que
Sicca a ouvert ses portes à Marius (alors lieutenant de Métellus) venu cher-
cher du blé, et qu’elle fut la première ville numide à se livrer aux Romains,
malgré les exhortations de Jugurtha pour inciter ses habitants à les en délo-
ger11. Après la victoire finale de Marius, en 105, le royaume numide tombe
sous la tutelle romaine. Mais plus qu’une tutelle, les mesures administratives
9. Tessons trouvés par A. Ferjaoui et datés par F. Chelbi. Voir Kallala (2000, p. 88 et
note 86).
10. Voir la discussion de ces deux points de vue dans notre article (Kallala 2000, p. 82-86).
11. Salluste, B. I., LVI, 3-5.
Sicca Veneria / 7363
12. Lex Agraria ou Lex Thoria de 643/111 (= CIL, I, 200, L.75 et 79).
13. BA, XXXVII, 2 ; voir Desanges (1980, p. 233).
7364 / Sicca Veneria
il faudra supposer que ces colons auraient été assignés en partie sur des
terres appartenant à Jugurtha et sa famille, et en partie sur le territoire des
localités pérégrines. Mais ce pourrait être aussi, ou plutôt, au lendemain de
la victoire de César sur Juba, en 46 av. J.-C., et la transformation de son
royaume en province romaine. Rome était alors totalement libre de ses
actes, le territoire numide étant devenu du fait de l’annexion, ager publicus
populi Romani, à l’instar de l’Africa, devenue alors vetus.
Le Bellum Africum nous apprend qu’à la suite de sa victoire sur les pom-
péiens à Thapsus en 46 av. J.-C., et la mise à mort du roi Juba à Zama, César
transforma son royaume en province et y nomma son ami Salluste, comme
premier gouverneur, mais sans préciser le nom de la nouvelle capitale14. Les
avis sur l’identification de celle-ci allaient bon train, partagés entre Zama,
Thugga et Sicca, jusqu’à ce que les positions se fussent fixées sur cette der-
nière, une position que nous avons nous même défendue. Il n’est pas ques-
tion de reprendre ici toute l’historiographie et la démonstration faite à ce
sujet, néanmoins, nous en rappellerons l’essentiel. P. Salama montre à la
lumière de l’étude d’une borne milliaire trouvée à Lorbeus, non loin de Sicca,
et dont le comput des milles se faisait à partir de Sicca et non de Carthage,
qu’elle est archaïque et qu’elle remonte au lendemain de l’époque de la créa-
tion de l’Africa nova15. Il en conclut que : « face à Carthage Sicca pouvait
tenir un rôle administratif équivalent » (Salama 1963, p. 147), pour se
demander avec raison, si le surnom Cirta nova, en remplacement de Cirta,
ne confirmait pas cette thèse. À l’appui de celle-ci, d’autres arguments peuvent
être apportés : l’importance stratégique reconnue de Sicca, comme on l’a vu.
Sicca exerçait déjà le rôle de capitale régionale en Numidie orientale, à l’ins-
tar de Zama et Thugga (Camps 1960, p. 300), et même déjà de chef-lieu
(Gsell 1927, t. V, p. 267). En outre, elle fut la première à se donner à Marius.
Enfin, le Bellum Africum n’indique pas qu’elle a pris part à la guerre
d’Afrique ; théoriquement donc, et en tant que cité numide, elle n’était pas
déclarée ennemie de César, contrairement à Zama. D’ailleurs, au lendemain
de sa victoire, et dans le règlement des affaires d’Afrique, Sicca ne fut l’objet
d’aucune mesure punitive de la part de César (BA, XCVII, 1-4). En revanche,
nous ne croyons pas que l’adjonction du surnom Cirta nova, bien qu’il doive
dériver du nouveau statut de « capitale de Sicca, en soit un corollaire, comme
le suppose P. Salama, quand il écrit : « le transfert de sa fonction aurait
entraîné celui de son nom » (Salama 1963, p. 147). Ni encore un pendant
de l’appellation Νουμίδια νεά (Ptolémée, IV, 3, 7, p. 643), en ce sens qu’une
Numidie nouvelle se constitue autour d’une Cirta « nouvelle » (Desanges
1980, p. 199). À notre avis, l’acquisition de ce surnom a fait suite à la mort
du condottiere Sittius, en 44 av. J.-C., suivie de la disparition de son
Après avoir été capitale de l’Africa nova, et peu de temps après, Sicca
Veneria a été érigée en colonie romaine de vétérans, inscrite dans la tribu
Quirina. À quel moment cela s’est-il produit ? Une inscription célèbre
Auguste son conditor (Divo Augusto / conditori / Siccenses : CIL, VIII,
27568). Mais la colonie a-t-elle été fondée après 27 ou avant ? La présence
du surnom Iulia dans sa titulature, et l’absence du surnom Augusta laissent
supposer qu’elle le fut au temps d’Octave. Peut-on être plus précis ? Théo-
riquement, il est possible de remonter jusqu’à 36 av. J.-C., moment où les
deux Afriques vetus et nova reviennent définitivement à Octave – après
qu’elles eurent été soumises à Lépide, entre 40 et 36. En tout cas, pas avant,
en raison de la situation trouble que les deux Afriques ont connue au cours
des années qui suivirent la mort de César (voir Gsell, VIII, 1928, 184, 186,
191, 196 et le récapitulatif dans Gascou 1980, p. 142-144). Mais l’aurait-
elle été en 36 ou quelques années après ? En toute logique, avant la bataille
d’Actium en 31, Octave était trop pris encore par la guerre civile pour être
en mesure de s’occuper de l’organisation administrative et de la colonisation
de l’Afrique. Par contre, après s’être débarrassé de son dernier rival, Marc
Antoine, et auréolé de son triomphe à Actium, il lui devenait alors possible
d’engager l’organisation de l’Afrique, d’autant qu’il fallait caser ses troupes
16. Nous renvoyons à notre travail (Kallala 2000, p. 92-95) où nous donnons tout le détail
de l’ensemble des références et commentaires sur toutes ces données littéraires et épigra-
phiques ; il faut leur ajouter les indications territoriales ci-dessus.
17. CIL, VIII, 1632 ; 1634 ; 1648 ; 15858 ; 15868 ; 16258 ; 16367 ; ILAlg., 1, 1348.
Sicca Veneria / 7367
18. C’est, probablement, à ce même contexte qu’il faudrait ramener les propos de Dion
Cassius (52, 43, 1) sur la refondation de Carthage, quand il écrit : « il [Octave] colonisa de
nouveau Carthage, parce que Lépide lui avait enlevé une partie de ses habitants et semblait
l’avoir par là privée des droits de colonie » : http://spqr-jpem.pagesperso-orange.fr/oeuvre/
DiC52.htm
19. Peut-être parce que son territoire était dégarni par des départs significatifs à Sicca.
7368 / Sicca Veneria
20. F. Bertrandy (1996, p. 45-46) confirme l’hypothèse de Lassère à partir de l’analyse des
magistrats Laberii du Ier siècle dont le cursus s’est développé entre Sicca et Thubursicu
Numidarum.
Sicca Veneria / 7369
(et pleps) (CIL, VIII, 27828)21. Les seniores* sont définis comme une assem-
blée des notables âgés, une sorte d’assemblée des Anciens, dont la présence
constitue la preuve indubitable de l’existence du castellum22. Il existe une
autre localité, révélée plus tard par Beschaouch (1989, p. 15), qui se trouve
au lieu-dit Hr el Morr (Ziccilia), à 6 km au N-E de Nibbeur, où sur une
inscription (CIL, VIII, 27720), cet auteur lit à la deuxième ligne
[c]aste[llum], sans plus. Quant au pagus, il est nommément indiqué, d’après
lui, dans le nom du pagus Veneriensis (CIL, VIII, 27763 ; AE, 1914, 83 ;
ILTun, 1638) ; mais il est aussi, selon lui, sous-entendu dans le mot paga-
nicum (Aubuzza, CIL, VIII, 16367 ; ILS, 6783 ; et CIL, VIII, 16368) qui
est un monument public du pagus (Beschaouch 1981, p. 116) ; il est enfin
déduit de la mention de [decur(iones) Sic(censes) qui] Aubuzza consistunt
(CIL, VIII, 16367) et dec(uriones) Sic(censes) Ucubi morantes (CIL, VIII,
15669). A. Beschaouch en a tiré argument pour élaborer toute une théorie
reposant sur la communauté double : un castellum numide contigu à un
pagus romain. Cela, en sachant que dans aucun texte ne figure clairement la
mention des deux communautés à la fois, dénommées pagus et castellum, à
l’instar de la mention pagus et civitas de Thugga, par exemple, dans la per-
tica de Carthage.
Mais tel n’est pas l’avis de J. Gascou. Se fondant sur l’inscription de
Tituli, CIL, VIII, 27827, qui est une dédicace faite par les seniores et pleps
Titulitan(orum), où il est fait mention à la dernière ligne, de mag(istro)
p[a]g(i) (de Tituli), l’auteur remarque, qu’« il n’est pas concevable que sur
cette inscription il y ait indication d’une dédicace faite par le sénat et la
plèbe du castellum pérégrin accompagnée de la précision que cette dédicace
a eu lieu sous le magister éponyme du pagus romain ». Par contre, il faut
considérer plutôt, que « les seniores et le magister appartiennent tous
ensemble au pagus », à l’instar des pagi et castella de la confédération cir-
téenne (Gascou 1983, note 267, p. 207). Et de conclure que la pertica
de Sicca était organisée vraisemblablement suivant le modèle cirtéen où le
castellum n’est autre que le chef-lieu du pagus. Sur cette base, S. Aounallah
a repris la théorie de Gascou sur le territoire de Sicca (Aounallah 2010,
p. 82-91), rejetant ainsi catégoriquement celle de Beschaouch23. Or, il se
trouve que cette inscription ne peut plus constituer aujourd’hui un docu-
ment de base pour l’étude de la pertica de Sicca, car il est dépassé par de
nouvelles découvertes épigraphiques et interprétations historiques (voir
infra).
21. A. Beschaouch (1981, p. 117) déduit de la dernière ligne de cette inscription peu assu-
rée (ILS, 6805 et p. 663), « la présence, vraisemblable, d’un pagus Titulitanus ». Mais de
nouvelles découvertes épigraphiques récentes nous ont permis de rejeter cette dépendance.
Voir infra.
22. Rebuffat (1993, p. 1824) écrit : « quand on rencontre des seniores, on peut penser que
seul le hasard ne nous procure pas la mention collective de castellum ».
23. Nous reviendrons plus tard sur cette question, sur laquelle nous pensons pouvoir
apporter de nouvelles lumières, grâce aux résultats de l’enquête de terrain que nous menons
mener dans la région.
7370 / Sicca Veneria
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26. C’est une hypothèse que notre professeur, le regretté C. Lepelley, projetait de dévelop-
per dans une publication portant sur un certain nombre de cités africaines. Qu’il nous soit
permis de lui rendre hommage pour avoir mis à notre disposition le passage du manuscrit
concernant Ziccilia.
7372 / Sicca Veneria
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Nabil KALLALA
Sidi Ḥmad U-Musa / 7373
Sidi Ḥmad U-Musa (Ahmed Ou-Moussa) est le plus grand des mys-
tiques du Maroc du XVIe siècle. Contemporain des sultans saâdiens, ce
célèbre saint est un personnage historique et sa légende est répandue sur
l’ensemble du territoire du Sous*. Ḥmad U-Musa est connu dans les
manuscrits arabes sous le nom de Ahmad Ben Mûsa Al-Jazulî As-Semlalî.
Le qualificatif Al-Jazuli (forme arabisée du terme tachelhit agizul) indique
qu’il est originaire d’Igizuln, pays qui couvre l’ensemble du territoire de
l’Anti-Atlas occidental. Les populations qui occupent ce territoire sont :
Idaw-Semlal, Idaw-Baɛqil et Id-gg-Arsmouk. Ces trois groupes ethniques
forment la grande confédération d’Idaw-Ultit. Il importe de rappeler que
Igizuln (Jazula dans les manuscrits arabes) est aussi le pays d’origine du
grand mystique soufi du XVe siècle Muḥmmad U-Sliman Agizul (Moham-
med Ben Sliman Al-Jazouli), le restaurateur de l’ordre soufi Chadiliyya au
Maroc. Auteur du célèbre Dalil Al-Khaïrat (un ensemble de bénédictions
et de prières sur le Prophète), Agizul fait partie des sept saints patrons de
Marrakech (sabɛatu rijal)1.
1. Les noms Igizuln (Jazula) et Agizul (Al-Jazouli) reviennent à plusieurs reprises dans l’his-
toire du sud du Maroc. Le promoteur de la dynastie Almoravide Abdallah Ibn Yassin, au
milieu du XIe siècle, portait le nom d’Al-Jazouli. Nous retrouvons ces noms dans la liste des
groupes ethniques établie par les Almohades (XII-XIIIe siècle). Au début du XVIe siècle,
Léon l’Africain parlait de Guzula comme nom des populations qui occupaient l’Anti-Atlas
occidental et central. Par ailleurs, le nom Agizul / Aguzal est un anthroponyme assez
fréquent dans le sud et le sud-ouest marocain. Au niveau linguistique, le terme agizul, signi-
fie en tachelhit « court, petit (taille) ». Igizuln signifierait donc « gens de petite taille ».
2. Dans son célèbre Manaqib, Ḥudaygi (Abou Abdallah Sidi Mohammed ben Ahmed Al-
Houdaïgi), originaire du Sous et qui a vécu au milieu du XVIIIe siècle, a étudié la vie de
734 saints et saintes du Sous.
7374 / Sidi Ḥmad U-Musa
La vie mystique de Ḥmad U-Musa, telle qu’elle est relatée par la tradition
orale tachelhit et également racontée dans de nombreux textes manuscrits
du Sous, enseigne qu’il ne rechercha jamais le pouvoir temporel. Malgré son
influence spirituelle assez forte sur la communauté, il a toujours refusé de
fonder un ordre religieux et d’avoir des disciples : ɣ ddunit-ad ur sar yufa
yan ad ikk ttmi i ccahawat « dans ce bas monde, nul ne peut accomplir tous
ses désirs », répondait Ḥmad U-Musa aux personnes qui lui demandaient
pourquoi il refusait de fonder une confrérie, zzawit. Le saint Ḥmad U-Musa
a également joué un rôle au premier plan concernant le rétablissement de la
paix entre les groupes ethniques en cas de conflits. Il avait le pouvoir de leur
imposer des trêves et de les faire scrupuleusement respecter par chacun. Il
fut un homme de grande vertu, mais il est toujours resté assez tolérant
envers ceux qui commettaient quelques délits. À ce propos, le saint disait ur
nsmiɣ i yan d ur ikkin ag°ḍi, macc ad ur inn gi-s iskkis, « je ne pardonne pas
à celui qui n’est pas allé dans le fossé. Mais à condition de ne pas y rester ».
Autrement dit, un homme vertueux est celui qui a commis quelques péchés
mais s’en est détourné. L’expression tachelhit ikka-d ag°ḍi (litt. « il est passé
par le fossé ») signifie « il a commis quelques délits/pêchés ».
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Abdellah EL MOUNTASSIR
7378 / Sidi Slimane
même que leur mobilier ou la position donnée aux corps, couchés sur le
côté droit à la différence des deux inhumations pratiquées à l’intérieur
de la chambre sépulcrale. Dans le cas de ces dernières, il semble clair que
l’asymétrie des positions attestée pour ces deux squelettes (corps allongé
face à corps replié) peut être considérée, à juste titre, comme une marque
archéologique de l’accompagnement funéraire. Mais, bien que nous soyons
plutôt enclins à l’identifier au cadavre inhumé contre le mur du fond sous
une accumulation de tessons de poterie, il n’est pas aisé de déterminer
lequel des individus correspond à l’enterrement originel, et donc principal,
de cette tombe.
Fig. 4a
Sidi Slimane / 7387
Fig. 4b
7388 / Sidi Slimane
Fig. 4c
Sidi Slimane / 7389
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Sidi Slimane / 7391