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D É C E M B R E

2 0 1 7
N ° 1 5 4
SOMMAIRE / N° 154

Restructuration d’un escalier à Paris


Architectes : Élizabeth Naud & Luc Poux,
architectes associés
Photographe : Schnepp Renou

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


P. 2 ROCQUENCOURT
83 logements semi-collectifs
Zac du bourg
Architectes : Incaa – Carril Architectes
ÉDITO
P. 6 Grenoble
EXTENSION
de la cité des territoires
L’année 2017 a été marquée par la création du Trophée béton
Pro, organisé par les associations Bétocib et CIMbéton
Architectes : GBAU, Guyard Bregman, architectes
Urbanistes ; Jeanine Fillion-Nicollet, architecte associée
et bénéficiant du patronage du ministère de la Culture et
de la Communication. L’objectif de cette distinction biennale
P. 10 Saint-Maixent-l’École
piscine reconvertie
en médiathèque
est de valoriser des réalisations architecturales exemplaires
en béton et les performances innovantes du matériau.
Architectes : Pierre-Antoine Gatier, ACMH, mandataire ;
Bernard Desmoulin, architecte Pour cette première édition, 142 projets ont été inscrits
par les maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises ou
P. 14 gard
extension du mazet
DE BENOîT & ROSELYNE
fournisseurs de matériaux. Il est à noter que les 10 projets
lauréats, désignés par un jury de personnalités indépendantes
Architectes : Dixneufcentquatrevingtsix
(Mathilde Gaudemet, Arthur Ozenne, architectes associés) du monde de la construction, avaient été publiés
dans Construction Moderne ainsi que 11 des 15 nominés.
P. 16 palaiseau
campus edf, centre
de formation continue
Vous pourrez découvrir ce palmarès à la fin de ce numéro

Architecte : ecdm
et sur le site web dédié trophee-beton.com.

20 montpellier judith hardy


P. résidence services seniors, directrice de la rédaction
« le Flaugergues »
Architectes : MDR architectes

P. 24 grenoble
parking silo
DE L’ARLEQUIN
Architectes : Grudzinski et Poisay architectes ;
Grudzinski Architecture et Paysage

P. 26 Nanterre
129 logements,
commerces, pôle médical
Architectes : Philippon – Kalt Architectes

Créée en 1885, la revue Construction Moderne est éditée par l’association CIMbéton,
centre d’information sur le ciment et ses applications – 7, place de la Défense 92974
Paris-la-Défense Cedex – Télécharger Construction Moderne sur www.infociments.fr
Présidente : Bénédicte de Bonnechose • Directeur de la publication : François Redron •
Directrice de la rédaction : Judith Hardy • Rédacteur en chef : Norbert Laurent • Rédacteur
en chef adjoint : Clothilde Laute • Conseillers techniques : Laurent Truchon, Claire Barbou,
Bétocib • Rédaction et réalisation : Two & Two • Conception graphique : Zed Agency
• Directrice artistique : Sylvie Conchon • Pour tout renseignement concernant la
rédaction, tél. : 01 55 23 01 00 • Abonnements : par fax au 01 55 23 01 10 ou par

P. 30 aix-en-provence
une maison
à flanc de colline
e-mail à centrinfo@cimbeton.net
Couverture : 83 logements semi-collectifs – Architectes : Incaa – Carril Architectes –
Photographe : Antoine Huot
Architectes : Pietri Architectes

P. 34 paris
CRÉATION D’UN ESCALIER
monumental
OFFRE SPÉCIALE
pour les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre,
Architectes : Élizabeth Naud & Luc Poux, architectes 1 an d’abonnement GRATUIT.
associés
Envoyez vos coordonnées à centrinfo@cimbeton.net

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 1


ROCQUENCOURT

83 logements semi-collectifs
zac du bourg
Les quatre-vingt-trois logements conçus par l’agence INCAA – Carril Architectes forment
une petite résidence compacte, où le travail sur la volumétrie est prépondérant.
Texte : clotilde foussard – Reportage photos : antoine huot

S
ituée non loin du centre-bourg de Roc- jardins. C’est donc lui qui guida le principe sur deux niveaux complète l’aménage-
quencourt, dans une zone très proté- d’alignement des bâtiments ainsi que le trai- ment. Même si une organisation orthogo-
gée, et voisine de maisons particulières tement architectural des rez-de-chaussée de nale structure la composition générale, qui
dotées de beaux jardins arborés, la résidence la travée centrale. se fonde sur la présence du mur de pierre,
des Terrasses de l’Arboretum se présente À l’origine du projet, l’agence INCAA – Carril l’objectif des architectes est de constituer
comme un îlot bien circonscrit aux allures de Architectes participe à une première consulta- un ensemble résidentiel à l’ambiance villa-
village. Trois rangées parallèles orientées est/ tion en interne régie par le futur maître d’ou- geoise. Les volumes bâtis ont la forme de
ouest de petits immeubles de quatre à six vrage Interconstruction pour définir les prin- plots qui n’excèdent pas les R+3. Les venelles
logements occupent la totalité de la parcelle. cipes d’aménagement. Elle est ensuite lauréate passant entre les blocs épousent la pente du
Malgré la densité de l’implantation, les archi- du concours organisé par l’aménageur Yvelines terrain. Elles rompent les alignements et se
tectes ont laissé la part belle aux espaces verts Aménagement. déroulent le long des petits immeubles et des
avec, en cœur d’îlot, un aménagement pay- jardinets en créant des vues et des perspec-
sagé assez soigné, traversé par un petit cours Ambiance villageoise tives à échelle humaine. Les circulations sont
d’eau et une passerelle, des ruelles pavées bor- Le programme comprend 83 logements conçues en résille, les cages d’escalier sont
dées de verdure, des jardins privatifs. (60 en accession et 23 logements sociaux en extérieures, ce qui offre des ouvertures et
En fait, l’élément fédérateur de l’implantation location) allant du F1 au F5, dont les surfaces crée des perspectives nord/sud-est/ouest.
des immeubles sur le terrain est la présence sont plutôt généreuses : en moyenne les T1 Les paliers extérieurs desservent deux plots
d’un mur en pierre, faisant partie à l’origine couvrent 32 m², les T2 43 m², les T3 65 m², et quatre appartements.
de l’Arboretum de Chèvreloup, contigu au les T4 90 m² et les T5 101 m². De plus, les
parc du Petit Trianon, qui traverse le terrain appartements peuvent évoluer en fonction Complexité des volumes/variété
en diagonale. L’idée était d’intégrer cet élé- des modifications de la famille (qu’il s’agis- des façades
ment historique à la construction, en gardant sait d’attirer), avec par exemple la possibilité Les volumes superposés et imbriqués les uns
les vestiges existants ou en le reconstituant d’un accès indépendant pour les plus grands dans les autres jouent avec la rigueur de cette
partiellement, que ce soit en soubassement appartements, lorsque les enfants gran- orthogonalité, ils l’assouplissent avec de légers
des immeubles ou en support de clôture des dissent. Un parking souterrain de 136 places décalages, des biais de façades, des glisse-
ments dans les alignements. À l’image d’un
empilement de cubes, le jeu des couleurs
permet de percevoir la complexité du sys-
Maître d’ouvrage : sa interconstruction – Maître d’œuvre : incaa – carril Architectes – tème, de même que les nombreux porte-à-
Aménageur : Yvelines Aménagement ; Citallios – BET structure : CMEG – Paysagiste : OCTA faux mettent en valeur le travail sur la volu-
Paysagistes – Entreprise générale : CMEG – Préfabricant : CMEG – Surfaces : 5 608 m2 SHAB ; métrie, elle-même définie par la combinaison
5 941 m² SDP totale – Coût : 10,89 M€ HT – Programme : 83 logements, dont 60 logements en des teintes et des parements de béton. Les
accession et 23 logements sociaux en location + un parking de 136 places. soubassements conçus en béton brut lisse gris
•••
2 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
A

A __
Les architectes
ont laissé la
part belle aux
espaces verts.
Un petit cours
d’eau traverse
le cœur de
la résidence.

B __
La volumétrie
complexe
des petits
immeubles
engendre une
grande variété
de façades.

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 3


ROCQUENCOURT

•••
s’articulent avec les volumes débordants en béton coulé en place. Les façades porteuses liques de la même couleur) participent aussi
béton brun strié teinté dans la masse. Les par- sont constituées de murs à coffrage et iso- de l’effet graphique de l’ensemble. Les grilles
ties en retrait et les volumes hauts sont traités lation intégrés. Ce sont des panneaux sand- des jardins, les escaliers à claire-voie en béton
en très beau béton blanc. Les architectes ont wich de trente-cinq centimètres d’épaisseur brut et métal, les murs et murets de pierre
dessiné la matrice rainurée des coffrages, et la dont l’isolant est pris entre deux voiles de sont autant d’éléments qui confèrent à l’en-
teinte brune, inédite, a été créée en collabo- béton ; celui assurant le parement extérieur semble une impression de diversité harmo-
ration étroite avec l’entreprise. La légère bril- a une épaisseur de 7 cm. nieuse propre à celle d’un village.
lance qui donne aux façades tout leur éclat À l’instar du traitement volumétrique com-
est le résultat d’un traitement hydrofuge. Le plexe, le traitement des façades est égale- À chacun son extérieur
soin apporté au calepinage vertical permet ment extrêmement varié. Une constante Les architectes ont donc apporté un grand
d’obtenir un parfait alignement des rainurages cependant, les parois orientées au nord sont soin à la conception des espaces collectifs
(les panneaux striés incluent les joints), ainsi plus hautes et moins ouvertes alors que celles extérieurs, afin qu’ils agrémentent le quoti-
que la bonne intégration des ouvertures au tournées vers le sud sont plus « sculptées », dien des habitants tout en préservant la tran-
sein de cette résille. avec de nombreux décrochements, et dotées quillité et l’intimité des logements.
Le béton est omniprésent, il permet cette de larges baies vitrées. Les architectes ont Tous les appartements sont différents, du F1
grande variété volumétrique qui hiérarchise joué avec les éléments architecturaux tels au F5. Ils sont tous dotés d’un prolongement
véritablement les espaces extérieurs, crée des que les garde-corps, métalliques et en verre vers l’extérieur, sous la forme d’un balcon ou
points de repère. Chaque immeuble est diffé- transparent ou dépoli, la taille et la disposi- d’une terrasse. Certains bénéficient même de
rent de son voisin. Ici, un élément semble sur- tion des menuiseries en PVC plaxé. Celles-ci deux terrasses comme les plus grands duplex
gir en façade, là, le bâtiment se tourne légère- sont de la même teinte chocolat noir que le situés aux derniers étages – ou d’un jardin
ment et biaise l’alignement, plus loin encore, béton strié, elles forment des failles verti- pour les logements en rez-de-chaussée.
un soubassement avance sur la rue... cales et créent un fort contraste sur le béton
blanc, alors qu’elles sont plus larges, mais dis- Bien-être des habitants
Des panneaux sandwich en béton paraissent presque sur le fond sombre. Les et démarche environnementale
Pour chaque bâtiment, les dalles de plan- volets et les persiennes, selon qu’ils sont pla- La volonté d’obtenir des logements traver-
chers et les voiles de refends porteurs, dis- cés sur le blanc (coulissants en bois naturel) sants a conduit les architectes à concevoir
posés sur une trame de 6 m, sont réalisés en ou sur le brun (roulants ou coulissants métal- certains plans d’appartements en L. L’imbri-
cation des espaces d’habitation les uns dans
les autres est perceptible en volume. Cette
disposition, en jouant sur les débords et les
protections, permet d’éviter les contacts
visuels entre logements mitoyens.
Le bien-être des habitants étant au cœur
des préoccupations des architectes, le pro-
jet s’inscrit dans une démarche environne-
mentale et l’ensemble de la construction
répond à la réglementation de la RT 2012. Les
panneaux à isolation intégrée, retenus pour
leur efficacité en matière de confort d’été
et d’hiver, notamment grâce à l’importante
inertie que procure l’épaisseur du complexe,
participent de la performance thermique de
l’opération.
L’orientation nord/sud, les toitures végé-
talisées, les larges ouvertures ainsi qu’une
série de panneaux solaires installés au-dessus
Plan de
rez-de-chaussée des logements sociaux pour la production
d’eau chaude complètent cette démarche
0 5m
qualitative. 

4 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


C __
Tous les
plot sont
différents, ils
ne dépassent
pas le R+3.

C D D __
Les soubas-
sements sont
en béton brut,
les parties en
débord sont
striées et
teintées dans
la masse, et les
acrotères en
béton blanc.

E __
Les escaliers,
situés à
l’extérieurs,
créent des
failles de
circulation.

F __
Tous les
appartements
sont dotés
de terrasse,
balcon,
E ou jardin.

G __
Le système
constructif
en L permet
à chaque
logement
de garder son
intimité.

H __
Les striures du
béton teinté
comprennent
les joints en
creux, son
aspect irisé
provient du
traitement
hydrofuge.

F G H

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 5


grenoble

EXTENSION
de la cité des territoires
L’agence GBAU propose un bâtiment lame, aux lignes pures, caractérisé par de puissants cils/brise-soleil
verticaux en béton brut préfabriqué.
Texte : Norbert Laurent – Reportage photos : Pierre vallet

L
a Cité des Territoires voit le jour au cours d’accueil des chercheurs et des personnels
des années 2000 et 2001. Elle regroupe administratifs. Conçu par l’agence GBAU (Phi-
dans un même ensemble l’Institut de lippe Guyard et Boris Bregman architectes)
géographie alpine et l’Institut d’urbanisme associée à Jeanine Fillion-Nicollet, le nou-
de Grenoble, du fait de la complémentarité vel édifice se présente comme un ouvrage
des formations dispensées et des recherches linéaire d’un seul tenant. Construit le long
menées par ces deux instituts. du jardin des Poètes, il dessine en plan un
Localisée en dehors du campus de l’Univer- rectangle longiligne de 66 x 11 m qui vient
sité Grenoble Alpes, elle est située au sud fermer la figure en U composée par les bâti-
de la ville de Grenoble où s’est développée, ments de l’Institut de géographie alpine et
de 1970 au début des années 80, la grande de l’Institut d’urbanisme de Grenoble, et
opération d’urbanisme de La Villeneuve fabrique une cour intérieure offerte aux usa-
conduite par l’AUA (Atelier d’urbanisme et gers des lieux. Dans un paysage ordinaire de
architecture) qui y a réalisé le quartier de Zac, cette extension présente une architec-
l’Arlequin, aujourd’hui labellisé « Patrimoine ture minimaliste aux lignes pures et équili-
du xxe siècle ». brées. Elle se caractérise par ses façades est
périphérie. En septembre 2016, la Cité des et ouest rythmées par de puissants brise-
La force de la forme simple Territoires s’agrandit, avec l’ouverture d’un soleil verticaux en béton brut et la généreuse
La Cité des Territoires se dresse sur l’ave- nouveau bâtiment, comprenant un amphi- transparence de son rez-de-chaussée. Il n’y
nue Marie Reynoard dans la Zac Vigny Mus- théâtre de 250 places, 7 salles de cours, des a ici aucun geste ostentatoire, mais la force
set, mitoyenne de La Villeneuve et du Vil- bureaux, des salles de réunion, une cafété- de la forme simple, de la maîtrise du dessin
lage olympique. Implantée sur d’anciennes ria, ce qui accroît les moyens mis à la dispo- et de la matière. Il en émane une présence,
zones industrielles, cette Zac, essentiellement sition de la formation et améliore la qualité un sentiment d’ordre qui redonne de l’unité
composée d’îlots de logements, participe à de la vie étudiante sur le site. Cette extension dans un environnement assez hétéroclite.
la continuité du tissu urbain entre centre et permet également d’augmenter la capacité
Un bâtiment lame
« La ville de Grenoble est liée à l’histoire du
ciment et du béton. Louis Vicat, l’inventeur
Maître d’ouvrage : université Joseph Fourier et Pierre Mendès France – Maître d’œuvre : GBAU, du ciment artificiel, en fut une personna-
Guyard Bregman, architectes Urbanistes ; Jeanine Fillion-Nicollet, architecte associée – BET lité illustre. En 1855, il y réalise avec son fils
structure : Secoba – Entreprise gros œuvre : SDE – Préfabricant (cils béton) : ID’Bat – Surface : Joseph le pont du Jardin des plantes, pre-
2 331 m2 SDP – Coût : 4,3 M€ HT – Programme : amphithéâtre, salles d’enseignement, bureaux mier ouvrage au monde en béton coulé. Il
chercheurs, administration, réunion, cafétéria. existe également ici une véritable tradition de
•••
6 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
A

A __
Vue depuis
le jardin
des Poètes.

B __
Le bâtiment
forme au rez-
de-chaussée
un pont de 35
m de portée.
Ainsi, le hall
s’ouvre par de
grandes baies
vitrées d’un
côté sur le
jardin public et
de l’autre sur la
cour intérieure.

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 7


grenoble

•••
l’architecture moderne en béton comme en en béton préfabriqué, coulés en une seule
témoignent la tour d’orientation des frères pièce, qui habillent chacune des deux grandes
Perret, l’hôtel de ville de Maurice Novarina façades (est et ouest). Ces « cils », comme
ou l’école d’architecture de Roland Simou- les dénomment les architectes, sont dispo-
net. Nous avons voulu dès les premières sés selon une trame de 1,25 m (entre axes) et
esquisses inscrire notre projet dans cette dessinés pour présenter un angle de 60° par
lignée, en concevant un bâtiment assez bru- rapport aux façades, afin de les protéger du
taliste où le béton est très présent. Son plan rayonnement solaire direct tout en réverbé-
rectangulaire, long et étroit, dessine un bâti- rant la lumière naturelle au cœur du plan. Ils
ment lame d’un seul tenant. Il forme à rez- sont de différentes longueurs et disposés de
de-chaussée un pont de 35 m de portée », telle sorte que l’enchaînement et la variation
précise l’architecte Boris Bregman. Au rez- de hauteur de leur partie basse, dessinent
Coupe
de-chaussée, comme les façades sont libé- au-dessus du rez-de-chaussée, une ligne bri-
rées de tout point porteur sur 35 m, le hall sée qui évoque un rideau en train de se soule-
s’ouvre par de grandes baies vitrées sur le jar- ver, « paradoxalement “suspendu” et souple, qui fait dalle de compression du portique »,
din des Poètes côté ouest et la cour inté- malgré le poids des éléments en béton pré- indique Jean-Yves Chazeau, ingénieur études
rieure de la Cité des Territoires à l’est. Lumière fabriqué employés », commente l’architecte. structures du BET Secoba. À partir du plancher
et transparence caractérisent le lieu. Les étu- Côté cour, une pièce en béton préfabriqué, du 1er étage, des poteaux métalliques de type
diants profitent ainsi de la vue sur la végé- au profil effilé, prolonge horizontalement le HEA sont fixés sur les poutres et les voiles péri-
tation du jardin public et la vie dans le hall pied de chaque cil/brise-soleil. L’ensemble de phériques (amphithéâtre, bloc escalier, sani-
se donne à voir depuis l’extérieur, aussi bien ces éléments horizontaux compose comme taires), selon la trame des cils. Chaque cil est
côté cour que côté jardin. L’accès à l’amphi- une marquise, qui oriente et indique l’entrée fixé en partie supérieure d’un HEA, par un dis-
théâtre se fait directement depuis le hall. du bâtiment. positif spécifique et son poids est repris à ce
Les salles de cours sont regroupées au R+2. niveau. La reprise de charge se fait par le haut,
Elles sont desservies par un long couloir qui Structure et fabrication des cils chaque cil est comme suspendu. Deux fixa-
longe la façade est et est éclairé par l’en- « Ce projet est un hommage au béton, aux tions intermédiaires le long du HEA servent
semble des fenêtres verticales, toute hau- savoir-faire des entreprises et à la tradi- uniquement à stabiliser la pièce en béton. Pour
teur, posées entre les brise-soleil. La lumière tion grenobloise notamment en termes de les autres planchers, des dalles alvéolaires ont
naturelle, changeante au fil des heures et des préfabrication », souligne Boris Bregman. La été mises en œuvre. Elles sont portées par
saisons, crée toute une variation d’ambiances construction de ce bâtiment fait, en effet, des poutres de rive en béton reprises par les
qui qualifie cet espace fonctionnel et en agré- largement appel au béton coulé en place et poteaux métalliques. Les cils sont préfabriqués
mente l’usage. Le niveau supérieur accueille préfabriqué, laissé brut de décoffrage, tant à dans des moules métalliques, des règles coulis-
les bureaux des chercheurs et de l’adminis- l’intérieur qu’à l’extérieur. « Pour franchir les santes permettent de leur donner la longueur
tration. La desserte est ici centrale et ponc- 35 m de portée, nous avons conçu un por- souhaitée. Les pièces les plus grandes mesurent
tuée de petits salons qui laissent pénétrer la tique au niveau de chaque façade (est et 14 m pour un poids de 13 tonnes environ. Deux
lumière naturelle au cœur de la circulation. ouest). La poutre de chaque portique mesure modèles de moules de base ont été utilisés.
Ces espaces ouverts peuvent être aména- 3,50 m de haut et a une épaisseur de 0,60 m. En effet, s’il ont le même dessin, les cils ne
gés pour différents usages : détente, réunion, L’ensemble est coulé en place avec un béton sont pas tous identiques. Ceux de la façade
attente, etc. À chaque étage, le couloir relie de classe de compression C 50. Le plancher ouest sont plus profonds. Une des particu-
les deux escaliers disposés aux extrémités du du premier étage est constitué par une dalle larités du chantier est l’utilisation simultanée
bâtiment. Ce sont 53 brise-soleil verticaux pleine en béton de 30 cm, coulée en place, de deux grues. Pour Boris Bregman, « l’habi-
leté et le savoir-faire des deux grutiers ont
été primordiaux. L’un levait les pièces posées
horizontalement sur le camion et les bascu-
lait verticalement au palonnier, tandis que
l’autre les reprenait au sommet pour les pré-
senter et les poser debout sur la façade. Cette
chorégraphie toute particulière a été l’un des
0 10 m
Plan R+2, niveau des salles d’enseignement moments exceptionnels de ce chantier. » 

8 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


C __
Côté cour,
C D les éléments
préfabriqués
horizontaux
composent la
marquise qui
invite à entrer
dans le hall
d’accueil.

D, E __
Les cils/brise-
soleil verticaux
cadrent les
vues depuis
l’intérieur,
protègent du
rayonnement
solaire direct
et offrent
des vues
changeantes
des façades.

F, G __
À l’étage des
salles de cours,
les fenêtres
verticales toute
hauteur, posées
entre les brise-
soleil, rythment
la circulation
dans le couloir
E et diffusent
une belle
lumière
naturelle dans
les salles.

F G

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 9


Saint-Maixent-l’École

piscine reconvertie
en médiathèque
La médiathèque Aqua-Libris de Saint-Maixent-l’École, conçue par les architectes Pierre-Antoine Gatier
et Bernard Desmoulin, témoigne du potentiel d’adaptation du patrimoine du xxe siècle.
Texte : Ève Jouannais – Reportage photos : Michel Denancé

C
ette nouvelle médiathèque relève tution à la commune de l’ensemble du site
d’une métamorphose. Celle d’un donne l’occasion de réfléchir à la valorisation
équipement sportif réservé à l’usage de ce patrimoine historique classé, entre une
presque exclusif d’habitants particuliers de la abbaye du Moyen Âge plusieurs fois détruite,
ville, en équipement culturel ouvert à tous reconstruite et modifiée du xie au xviie siècle
les Saint-Maixentais et, bien au-delà, à l’en- et une piscine conçue par l’un des pionniers
semble des habitants de la communauté de du béton armé, exemplaire de cette archi-
communes Haut-Val-de-Sèvre. À l’équipe- tecture du xxe siècle. Pour la modeste com-
ment militaire recomposé s’ajoute en exten- mune de Saint-Maixent-l’École, qui compte à
sion un bâtiment dont la géométrie permet peine sept mille habitants, et la communauté Coupe
d’articuler l’ensemble à la fois d’un point de de communes dans laquelle la médiathèque
vue fonctionnel et visuel. s’inscrit, ce projet représente un enjeu impor- par la réduction de la profondeur du bas-
tant de revitalisation urbaine. En outre, elle sin de manière à accueillir le nouveau pro-
Un équipement urbain remplace l’ancienne bibliothèque, à la fois gramme. De fait, le bassin, dont la structure
La piscine construite dans les années 30 par trop petite et inadaptée, et augmente ainsi était indépendante du bâtiment, a été entiè-
l’entreprise de François Hennebique était son fonds, passant de 17 000 à 37 000 ouvrages. rement déposé afin de dégager un étage en
réservée aux militaires de l’école nationale Une artothèque forte de vingt-six objets dessous pour le stockage. Il a été partielle-
de sous-officiers installée depuis la fin du d’art à emprunter, disséminés dans le bâti- ment reconstruit dans le même esprit pré-
xixe siècle dans cette petite commune des ment, enrichit de manière originale l’offre de servant un grand volume libre dégagé sous
Deux-Sèvres, située non loin de Niort. Elle la médiathèque. la voûte cintrée. La surface en granito des
a été construite dans l’enceinte de l’abbaye gradins comme des plages, les murs restau-
de Saint-Maixent dont une partie était trans- Un volume recomposé rés le long desquels sont désormais placés
formée en caserne, et permettait de refer- La longue nef du bâtiment a été divisée les rayonnages de livres et la lumière zéni-
mer le site militaire à l’est. En 2011, la resti- en plusieurs espaces et un niveau ajouté thale caractérisent cette salle majeure de
l’équipement. Quelques marches entourent
le « bassin » où l’on peut s’installer pour lire.
L’ensemble rappelle le passé aquatique du
Maître d’ouvrage : communauté de communes Haut-Val-de-Sèvre – Maître d’œuvre : Pierre- lieu. Équipé d’un mobilier très facile à dépla-
Antoine Gatier, ACMH mandataire (restauration de l’existant et aménagement du parvis) ; cer, cet espace se transforme parfois en salle
Bernard Desmoulin, architecte associé (extension et aménagement intérieur) ; Marion d’activités ou de lecture publique, voire de
Gauchard, chef de projet – BET : Egis – Entreprise gros œuvre : Boutillet – Surface : 1 500 m2 spectacle y compris de concert. De grosses
SHON – Coût : 2,8 M€ HT – Programme : accueil, espaces de lecture et multimédia, salle de gaines de climatisation suspendues rappellent
travail, locaux de stockage, bureaux. l’ancienne fonction du lieu.
•••
10 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 11
Saint-Maixent-l’École

•••
Pour devenir salle de lecture, le bassin a mandataire du projet : « La transformation Restauration et adaptation
cependant été tronqué dans sa longueur, d’une structure ancienne amène à propo- de la structure Hennebique
amputation compensée par le truchement ser des choix de conservation, mais aussi de La grande coque cintrée a fait l’objet d’une res-
d’un mur habillé d’inox poli miroir qui en res- modification. » Et d’ajouter, « Le programme tauration spécifique et d’une transformation
titue l’image complète. Ce mur, érigé sur le très dense nous a conduits à dédensifier et pour assurer le confort thermique et acous-
fond du bassin et s’élevant sur toute la hau- donc à proposer une extension nous per- tique. Stopper et réparer les dégradations
teur, abrite du regard la circulation verticale mettant de préserver le volume d’origine. » subies par le béton, dues notamment à l’at-
et la mezzanine placées à l’arrière. Depuis mosphère chlorée, s’est avéré nécessaire. Les
l’accueil, dès que l’on pénètre dans la salle, Accorder la médiathèque à la ville armatures du béton corrodées, affleurant à
il reflète, comme le ferait un plan d’eau, la Ainsi, face à l’abbaye, dans le prolongement la surface, ont été entièrement passivées. Un
grande mosaïque en grès flammé de style Art de l’extrémité nord du bâtiment, une exten- matériau isolant rappelant l’aspect du béton
déco qui orne le mur à l’extrémité du bas- sion permet à la fois de créer une entrée projeté en partie haute de la coque assure une
sin. De l’autre côté du miroir, le volume est publique identifiable et fonctionnelle, et, au acoustique de qualité suffisante, évitant l’ef-
scindé par une mezzanine différenciant des niveau inférieur, des espaces de bureau. Jalon fet cathédrale, et permet d’accueillir des spec-
salles pour accueillir en bas des lecteurs, en supplémentaire de cette histoire d’architec- tacles vivants et des concerts notamment dans
haut des amateurs de musique et de cinéma. tures, il apporte la note contemporaine au la salle principale. Afin d’assurer le confort d’été
« L’escalier ouvert qui s’élève dans ce volume projet, l’ancien et le nouveau s’accordant et et une luminosité adaptée à la salle de lec-
rappelle par le profilé de la dalle béton du se valorisant mutuellement. ture comme à la préservation des ouvrages,
palier intermédiaire l’ancien plongeoir de la Cubique et très vitré, le volume d’accueil, des stores extérieurs couvrent les verrières si
piscine », fait remarquer Alexandre Delattre, où l’on trouve aussi les périodiques, est pro- nécessaire. Une étude poussée des pigments a
ingénieur responsable aménagement et habi- tégé par un claustra en acier autopatinable. permis de retrouver les coloris d’origine. « Nous
tat de l’intercommunalité qui a suivi le projet Il se rattache au parvis en béton désactivé avions la volonté de retrouver la netteté d’ori-
dès l’origine. La salle haute, sous la verrière, de l’abbaye actuellement en cours de res- gine du bâtiment, la rigueur de son architec-
se prolonge par une terrasse créée sur le toit tructuration et restauration. En contrebas, ture jusque dans les choix chromatiques »,
des anciens vestiaires. Ce nouvel espace à dans la continuité du mur de soutènement soulignent Pierre-Antoine Gatier et Bernard
ciel ouvert offre un point de vue dégagé sur de la piscine, l’extension est singularisée par Desmoulin.
l’abbaye, la ville et, au loin en contrebas, la sa façade sur rue en béton brut marqué par
campagne arborée environnante. Le niveau l’empreinte des planches de coffrage qui par- Un bâtiment pour le futur
bas, privé de la lumière zénithale, présente ticipe à sa modénature, et ses deux étroites Par sa structure en béton armé suspendue
une ambiance lumineuse un peu plus sombre fenêtres verticales. L’architecte Bernard Des- avec sa voûte mince, le bâtiment d’origine est
mais en prise plus immédiate avec l’envi- moulin souligne la qualité d’exécution du représentatif de l’architecture industrielle du
ronnement par l’ouverture en vis-à-vis de béton, « presque trop parfaite. Le béton début du xxe siècle. Il appartient à l’histoire
deux grandes baies vitrées. Ces percements planche impose un soin particulier, défi des grandes coques paraboliques utilisées
cadrent d’un côté l’abbaye et, de l’autre, les que l’entreprise locale qui n’en avait jamais pour les hangars et témoigne d’un savoir-faire
bâtisses du centre-bourg. réalisé a relevé avec succès ». Un escalier technique qui s’est développé à l’époque. Sa
Comme le souligne Pierre-Antoine Gatier, extérieur longe cette façade créant un pas- rénovation et sa transformation pour de nou-
architecte en chef des monuments histo- sage entre l’abbaye et la rue du centre en veaux usages offrent l’occasion de revaloriser
riques spécialiste du patrimoine du xxe siècle, contrebas. ce patrimoine existant en lui donnant une
nouvelle vie. Loin d’être extravagant, l’inves-
Plan de tissement consenti pour réaliser cette méta-
Rue d

rez-de-chaussée morphose, soutenue par la région comme le


Rue des Martyrs de la libération
1. L’extension
département, s’inscrit dans une démarche
u

avec l’accueil
114 R

2. Grande salle respectueuse de l’environnement humain et


e

de lecture,
urbain. Ainsi, la nouvelle médiathèque est l’oc-
égim

exposition,
animation casion pour les habitants de s’approprier en
ent d

2
3. Espaces
3 douceur un équipement qui, jusque-là, leur
’Infan

multimédia et
1 adulte échappait. Elle pourrait aussi symboliser un
terie

Entrée Entrée début de revitalisation de la ville et des com-


du du public 0 5m
public Cour munes alentour. 

12 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


A B

A __
Le parvis de la
médiathèque.
Le cube
du volume
d’accueil en
extension
du bâtiment
d’origine.

B __
Depuis la
rue basse,
le nouveau
volume en
béton blanc
brut qui
abrite les
bureaux de la
médiathèque.

C
C __
La salle
de lecture
principale
sous la verrière
rythmée
par les arcs
de la voûte
en béton.

D __
S’élevant dans
la hauteur
de l’ancienne
piscine,
le grand mur
en inox dilate
l’espace.

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 13


Gard

extension du mazet
DE BENOîT & ROSELYNE
L’extension du mazet signé par l’agence Dixneufcentquatrevingtsix émerge du sol comme un monolithe
sculptural et contemporain en béton de ciment blanc teinté dans la masse.
Reportage photos : florian kleinefenn
5

S
« ur un terrain enclavé, entre végétation 4 Plan de rez-de-chaussée
6 1. Cuisine
et vallonnement, et fractionné en trois
2. Salle à manger
niveaux de terrasses soutenues par des 3. Salon
murs de pierres sèches, se dresse un mazet 4. Chambre
5. Salle d’eau
typique de la région gardoise. L’extension 6. Couloir
2
de cette maison, qui n’était jusqu’à présent 3
qu’une résidence secondaire, doit permettre 0 5m

à Benoît et Roselyne de réunir épisodique-


ment enfants, petits-enfants et amis. Dans 1

ce paysage partagé entre verdure et miné-


ralité, émerge du sol un volume en béton,
monolithique et sculptural, qui résonne avec
la mémoire du site, jadis une carrière. Ce
volume se joue de la lumière et des ombres tions existantes. Il transpose les codes arché- rement construite en béton, laissé brut de
qui révèlent sa forme facettée et affirment typaux du mas provençal traditionnel en décoffrage. Il est composé de ciment blanc,
sa présence et son écriture contemporaine réinterprétant les caractéristiques typolo- teinté dans la masse, afin de s’approcher de
sans pour autant nier sa parenté avec le giques de l’existant dans une écriture archi- la couleur de la maison existante. Les voiles
mitoyen. À l’instar du mazet existant, l’exten- tecturale contemporaine », expliquent les sont coulés en place dans des banches métal-
sion se développe en deux corps de bâti- architectes de l’agence Dixneufcentquatre- liques. Ces dernières ont été doublées de
ment accolés. Le premier forme un carré, vingtsix, Mathilde Gaudemet et Arthur contreplaqués bakélisés afin de garantir l’ho-
d’environ 5 m sur 6, qui correspond aux Ozenne. mogénéité d’aspect du béton. Cette peau en
dimensions courantes des petits mas de la L’extension accueille au rez-de-chaussée le fond de coffrage a été calepinée de façon à
région. Le second est rectangulaire et d’un salon et l’escalier, deux chambres au pre- imprimer avec précision sur le parement du
seul niveau. Par ses dimensions, son orien- mier étage et une grande terrasse en toiture béton brut les rythmes ainsi que les jeux de
tation, ses ouvertures et sa matérialité, le (R+2), protégée par l’enveloppe du volume surfaces et de lignes dessinés par les archi-
projet s’inscrit dans la logique des construc- général. La partie neuve du projet est entiè- tectes en façade.
Les joints ont été retracés à la scie circu-
laire, créant une légère ombre et marquant
un peu plus leur rythme. Les trous de ser-
Maître d’ouvrage : privé – Maître d’œuvre : Dixneufcentquatrevingtsix (Mathilde Gaudemet, rage des banches métalliques sont également
Arthur Ozenne, architectes associés) – BET structure : I+A – Entreprise gros œuvre : Marrel exprimés et viennent perturber de manière
Frères – Surface : 90 m2 SHON/SDP – Coût : 280 000 € HT – Programme : extension du mazet : irrégulière et aléatoire la lecture de la trame
2 chambres, terrasse en toiture accessible. des joints. 

14 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


A B C D A, B __
Vues de
la façade sud.

C __
Détail des
ouvertures au
R+1 et R+2 sur
la façade sud.

D __
Zoom sur
l’angle sud-est.

E __
Vue de
l’extension
depuis le jardin
bas.

F __
La terrasse du
R+2 protégée
par le retour
des voiles
en béton.

G __
Le salon au rez-
de-chaussée.

F G

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 15


palaiseau

Campus EDF, centre


de formation continue
Aux alentours de Palaiseau, sur le plateau de Saclay, une nouvelle construction enveloppée dans sa peau
de panneaux en BFUP projeté marque le paysage et intrigue.
Texte : Béatrice Houzelle – Reportage photos : jérémy Bernier ; Schnepp Renou ; Benoît fougeirol

E
n fonctionnement depuis quelques d’exposition et, à l’arrière, une halle technique
mois, le nouveau campus d’EDF vient de formation. L’emprise réduite du bâtiment
compléter un centre de recherches et offrait la possibilité de créer, sur l’ensemble
développement, déjà présent à Saclay, pour de la parcelle du Lab d’EDF, un grand jardin
former le Lab d’EDF. Implanté dans ce clus- conçu par le paysagiste Pascal Cribier.
ter dédié à la recherche industrielle dans les
hautes technologies, le bâtiment se devait Une architecture vibratoire
de répondre aux ambitions du leader mon- Bien plus que la compacité, c’est le principe
dial de la production d’électricité et propo- de répartition du programme qui caracté-
ser une image forte, innovante, dans la lignée rise fortement le bâtiment. À chaque fonc-
et la tradition d’avant-garde d’EDF, lequel a tion son (ses) étage(s). Ainsi, pour obtenir un
très souvent incité les maîtres d’œuvre à l’au- campus vertical, les architectes ont choisi de
dace, tant architecturale que technique. Ainsi, de formation, restauration, hôtellerie, expo- superposer des strates horizontales, ordon-
malgré l’ampleur du territoire disponible, le sition, réception, détente, etc. Pour résoudre nées du public vers l’intime – strates qui se
maître d’ouvrage souhaitait un bâtiment uni- cette question et concevoir un bâtiment sin- lisent parfaitement en façade par un prin-
taire, compact, à l’inverse des campus « à gulier, l’agence ecdm pousse le principe de cipe d’écriture fondé sur un travail rigoureux
l’américaine » composés de pavillons dissé- compacité à son paroxysme en proposant de la trame et par le choix de matériaux à
minés. Premier challenge pour les architectes, un ensemble de trois parallélépipèdes, dont fort caractère et contrastés – 4 frises diffé-
compte tenu de la diversité du programme le plus important fait fonction de corps cen- renciées par un rythme et un motif singuliers,
intégrant des fonctions très diverses… espaces tral. S’en détachent, sur la face avant, l’espace ainsi qu’une matérialité différente.
La première strate, le rez-de-chaussée, niveau
de l’accueil, de la salle d’exposition, de la halle
technique, des pièces de réception, etc., fait
Maître d’ouvrage délégué : Sofilo – Assistant maître d’ouvrage conception : Orénoque – office de piètement, parée d’inox et de verre.
Assistant maître d’ouvrage travaux : AIA – Maître d’œuvre : ecdm – BET structure : Jean- La deuxième, composée des deux étages sui-
Pierre Miécaze – BET façade : VP&GREEN – Entreprise gros œuvre : Bouygues – Réalisation vants, les R+1 et R+2, est occupée par les salles
des éléments BFUP de façade : Betsinor, C&E ingénierie – Surface : 26 000 m2 SDP – de formation, reconnaissable en façade par
Coût : 70 M€ HT – Programme : un centre de formation et un campus compact multiactivité, des fenêtres très allongées et une peau de
70 salles de formation, 2 grandes salles modulables, une salle plénière, une salle d’exposition béton marron. La dernière strate comprend
de 450 m2, 270 chambres individuelles, un restaurant de 300 places, 4 salons privatifs, 1 bar également deux niveaux, les R+4 et R+5, réser-
lounge, une salle de fitness, une salle de détente, une médiathèque, une halle de formation vés à l’hôtellerie et destinés à accueillir le per-
technique de 3 000 m2, un parking de 450 places, un grand jardin, un terrain pédagogique de sonnel en formation. Elle est caractérisée par
poteaux électriques en extérieur. un tout autre rythme de percement et une
•••
16 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
A

A __
Le bâtiment
central
composé
de 3 strates
horizontales
marquées par
un changement
de rythme des
ouvertures et
un matériau
différent
correspondant
à la répartition
du programme
par niveaux.

B __
À l’arrière
du volume
principal
habillé de
panneaux de
façade en
BFUP projeté,
émerge
le volume
de la halle
technique.

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 17


palaiseau

•••
peau de béton gris clair. Ces deux couches de le plus l’enveloppe du bâtiment, notamment très bel exemple. Et effet, il apparaît ici « sous
béton enserrent la troisième strate dédiée aux par le caractère innovant des éléments de toutes ses coutures ». Sous forme de béton
espaces collectifs privés (restauration, biblio- BFUP qui y sont mis en œuvre. Pour Domi- matelassé, clin d’œil au « matelassé Chanel »,
thèque, lieux de détente, salle de sport, etc.). nique Marrec, amoureuse inconditionnelle de un béton matricé créé par l’agence en 2008,
Entièrement vitrée, elle permet aux occu- la matière, et notamment du béton, passion- il imprime les cages d’escalier. Plus classique,
pants de se projeter dans le paysage alen- née par la matérialité, il s’agit de l’aboutisse- le béton assure la structure du bâtiment cou-
tour et de profiter de très belles perspec- ment de 15 ans de recherche sur ce matériau. lée en place dont la typologie s’adapte éga-
tives sur le jardin et, au loin, sur le cluster en Pour la première fois, les éléments de façade lement à la diversité du programme. De type
pleine évolution. préfabriqués sont constitués de BFUP projeté poteaux/dalles pleines coulées en place pour
dans une série de moules en bois, parfois de éviter les poutres de rive dans les étages infé-
Un lieu de vie h24 très grandes dimensions, de façon à obtenir rieurs, elle est de type voiles intérieurs por-
Le campus est amené à accueillir 160 000 des « pièces » qui puissent épouser au milli- teurs pour les niveaux dédiés à l’hôtelle-
employés en formation chaque année, exer- mètre la modénature de la façade et masquer rie. Certains éléments ont été laissés bruts,
çant des métiers très différents correspon- ce qui doit l’être pour n’afficher en façade que notamment au niveau du rez-de-chaussée,
dant aux activités diversifiées du groupe EDF. la rencontre du béton et du verre – un pro- pour répondre de façon décalée au sol cou-
Le lieu se devait de leur offrir des locaux effi- cédé offrant la possibilité de créer une archi- vert de marbre. Autre registre dans la halle
caces, agréables, où ils puissent à la fois se tecture du sur-mesure. Ce procédé augmente technique. Ici, une passerelle, coulée en place
concentrer lors des moments de formation, le caractère ductile du béton, lequel devient et délimitée par une série d’arcs, slalome entre
mais aussi se rencontrer, se détendre, etc. Les plus qu’un revêtement mais une peau pré- les salles de formation délimitées par une
espaces proposés sont modulables et lumi- fabriquée et sophistiquée, pouvant épou- série de voiles intérieurs en parpaings laissés
neux, l’organisation générale transparente au ser les reliefs les plus subtils. Les panneaux apparents avec joints tirés au fer.
sens propre comme au sens figuré. Chaque mis en œuvre peuvent atteindre 7 m de hau-
nouvel arrivant peut s’y repérer facilement et teur, pour 2,70 de largeur et 60 cm de profon- Prise en compte environnementale
surtout ne pas avoir la sensation de pénétrer deur, avec une épaisseur de matière réduite à Loin de n’être que le résultat d’un jeu esthé-
dans un centre classique de formation mais 15 mm en partie courante. tique et/ou rythmique, les façades du nou-
un lieu de vie – impression donnée dès le « La possibilité de projeter le BFUP modi- veau campus d’EDF, très performantes en
hall, plus que généreux et ouvert sur le patio, fie la façon de concevoir un élément pré- termes d’isolation thermique, ont participé
l’un des points forts du projet. Végétalisé par fabriqué en rendant obsolète le procédé pleinement à l’obtention des certifications
Pascal Cribier, il est multifonction… Évidem- moule contre moule au profit du principe HQE® et BREEAM, niveau excellent. En effet,
ment générateur d’une très belle quantité de de la coque qui ouvre presque à l’infini le la création d’éléments de béton très fins
lumière naturelle au cœur du bâtiment, il y champ des possibles », commente Domi- épousant parfaitement les reliefs facilite l’in-
introduit un poumon vert en écho au jardin nique Marrec. tégration d’un isolant et évite les ponts ther-
extérieur. Lieu de détente, il fait également miques. Cette maîtrise de la consommation
fonction de point de repère visuel. Variations sur le béton énergétique est renforcée par le développe-
Rythme, séquence, composition caractérisent ment des énergies renouvelables, géothermie
Le BFUP comme un gant les réalisations de l’agence ecdm qui se plaît sèche, panneaux solaires photovoltaïques et
Même si l’inox et le verre sont assez présents à exploiter toutes les facettes du béton pour thermiques installés en toiture. La très bonne
visuellement, c’est bien le béton qui marque servir ses projets. Le campus EDF en est un gestion des autres volets techniques du pro-
jet explique son niveau d’excellence. Ainsi,
le choix de matériaux de classe A+, présen-
6
Plan de
tant un niveau très faible d’émissions de COV
rez-de-chaussée (composés organiques volatils), participe à la
2 3 1. Salle
d’exposition
qualité de l’air intérieur.
2. Entrée/hall Les eaux pluviales sont recueillies dans de
5 3. Bar lounge longues noues intégrées au dessin du jardin
1 4 4. Patio
5. Salles qui sert d’écrin à cette nouvelle pièce archi-
de formation tecturale empreinte d’urbanité dont le rythme
6. Halle
de formation
vibratoire entre en résonance avec le paysage
5 0 20 m
technique alentour. 

18 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


C __
Une façade au
dessin hyper
graphique
guidé par la
fonctionnalité
et une trame
rigoureuse.

D __
C D Le patio
intérieur, point
névralgique, à
la fois poumon
et cœur du
campus, habillé
de panneaux
de façade en
béton coloré
d’un rouge
intense.

E __
Au R+3,
la strate
intermédiaire
habillée de
verre et dédiée
aux espaces
de restauration
et de détente.

F __
Au rez-de-
chaussée,
l’espace
bar lounge
largement
ouvert sur le
patio et le hall
d’accueil.

G __
Dans la halle
technique,
E
à l’étage, une
passerelle en
béton slalome
entre les salles.

H __
Dans les
quatre cages
d’escalier
situées aux
angles du
bâtiment, des
murs en béton
matelassé.

F G H

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 19


Montpellier

résidence services seniors


« le Flaugergues »
Enveloppée dans ses façades en béton matricé, la résidence Flaugergues inscrit sa modernité dans un site
aux grandes qualités patrimoniales.
Texte : Hervé Cividino – Reportage photos : mathieu ducros

A
ménagées dès l’Antiquité, les terres tibles. De récentes réalisations répondent à maquettes et simulations, que la propriété
du château de Flaugergues se situent la topographie des lieux et à l’intelligence de gagnerait à accueillir un ensemble bâti maî-
aujourd’hui au cœur d’un important l’implantation initiale par lesquelles le châ- trisé s’inscrivant dans la continuité du site et
domaine viticole dont l’activité persiste mal- teau, sa cour, son jardin et les bâtiments de par là même l’achevant. Ainsi, l’épannelage
gré l’urbanisation progressive de Montpel- l’ancienne exploitation agricole attenante général a-t-il été établi en fonction des vues
lier. Au-delà de l’effervescence entourant s’étagent par niveaux successifs en préser- et de la présence de l’axe majeur de la com-
la métropole, le calme et la sérénité qui vant les vues sur la ville. position tandis que la minéralité du béton
règnent dans la propriété nous transportent Sur les hauteurs, la construction d’un nou- matricé constituait un argument de poids en
dans un autre monde ; celui imaginé par veau chai permet de libérer l’ancienne struc- termes d’insertion.
Étienne de Flaugergues et ses descendants, ture tandis qu’un parking visiteurs est ins- En complément, les services du ministère de
lorsqu’ils aménagèrent ce morceau de cam- tallé sous les pins, non loin du château. En la Culture imposèrent le respect de l’allée de
pagne. Une demeure, sa terrasse et son jar- contrebas, l’ancien bâtiment viticole trans- platanes, le remplacement des arbres abîmés
din à la Française sont construits à l’époque formé en salles de séminaire, restaurant et et la préservation d’un micocoulier multi-
classique. Au xixe siècle, un magnifique jar- magasin de vente s’ouvre par un porche sur centenaire dont la proximité avec le parking
din botanique agrémenté d’espèces venues une allée de platanes séculaires sous laquelle envisagé sous le bâtiment conduisit à la réa-
du monde entier y est aménagé. À l’époque une résidence hôtelière et un immeuble ter- lisation d’un empochement d’une superficie
contemporaine, l’enrichissement du site et tiaire aux allures modernistes sont construits équivalente à trois places de stationnement.
son ouverture au public sont favorisés. parmi les pins. Implantée entre les deux, dans
la perspective du château, la nouvelle rési- Trois entités distinctes
Construire la perspective du domaine dence Le Flaugergues offre une centaine de L’accès à la résidence se réalise depuis le bas
Depuis peu, la réalisation d’un plan d’en- logements et des services dédiés aux seniors. de la colline, par une cour-jardin que tra-
semble règle la gestion du parc, labellisé Mis au point en lien étroit avec l’architecte verse un sentier composé de grandes dalles
« jardin remarquable », l’organisation des des bâtiments de France, le projet a requis de béton imprimé dont la teinte claire et le
terres et des boisements qui les entourent, toute la conviction des concepteurs de relief rappellent les effleurements des roches
mais aussi le devenir des parcelles construc- l’agence MDR pour démontrer, avec force calcaires. La végétation, luxuriante, dissimule
une piscine dont le bassin en béton revêtu
de pâte de verre scintille au soleil. Proté-
gés du vent, des jardinets affectés aux rez-
Maître d’ouvrage : CETIM – SCCV du Parking – Gestionnaire : Clinipole – Maître d’œuvre : de-chaussée complètent la transition entre
MDR architectes – Suivi d’exécution : RS2i – BET structure : PER Ingénierie – Entreprise gros les espaces extérieurs et le bâti. De part et
œuvre : Méditerranée Construction – Surface : 5 192 m² SDP – Coût : 6,6 M€ HT – Programme : d’autre de l’axe historique, deux immeubles
100 logements et services comprenant : accueil, foyer, restaurant, cuisine collective, salon de de logement, alignés pignons sur rue, font
coiffure, salle de kinésithérapie, piscine sécurisée, parking en sous-sol. écho à la composition classique des terrasses
•••
20 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
A

A __
Le Flaugergues,
une centaine
de logements
accompagnée
de services
dédiés aux
seniors.

B __
Le rythme
des façades en
béton alterne
avec celui des
loggias.

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 21


Montpellier

•••
et du château. Au nord, un premier volume constitue un énième jardin sur lequel la vue aménagées dans le volume général des
à R+3 crée un lien avec une résidence hôte- se prolonge depuis les espaces du château. immeubles. Les voiles matricés sont isolés
lière construite en amont. Au sud, un second Organisé en transparence, il relie les deux phoniquement et thermiquement par l’in-
immeuble, plus bas, à R+2, permet au soleil immeubles de logement en proposant des térieur, tandis que les refends enduits sont
de pénétrer quelles que soient les saisons à vues sur le jardin intérieur et sur la cour du isolés par l’extérieur. Les ponts thermiques
l’intérieur de la résidence. château. Des espaces de soins esthétiques, horizontaux sont évités par la désolidarisa-
Les typologies, les surfaces et le confort de coiffure et de kinésithérapie y com- tion des dalles des planchers intérieurs de
d’habitabilité des logements ont été pen- plètent les salons communs et le restaurant. celles des loggias de manière à permettre à
sés pour l’accueil de personnes âgées, majo- l’ensemble d’atteindre un niveau de perfor-
ritairement seules, peu actives mais auto- Le béton, matériau phare mances compatible avec la RT 2012.
nomes. Leurs tailles varient du grand studio À l’évidence, l’écriture monolithique de la Coulés en place dans des matrices de type
au T3. Disposés de part et d’autre de la cir- composition dégage rythme, élégance et « travertin », les éléments de façade sont
culation centrale qui traverse les bâtiments solennité. Sa simplicité formelle, liée à l’éco- réalisés à base de ciment blanc, de pigments
dans leurs longueurs, ils sont organisés selon nomie des matériaux et de la mise en œuvre, et de sables ocre. Les architectes se sont
un plan en T. Chacun d’entre eux ouvre sur rappelle les réalisations modernistes de Fer- inspirés de la réalisation de médiathèque
une loggia intégrée dans le volume général nand Pouillon ou de Louis Khan… Ses grands Montaigne à Frontignan (agence Tautem
des immeubles. La succession des redents et blocs de béton au design épuré répondent architectes, voir Construction Moderne
leur alternance avec des murs aveugles pro- au volume franc et sans surenchère du châ- n° 146). Une inspiration nuancée par la
duisent une architecture puissante éloignée teau, tout comme ses dimensions et son recherche d’une couleur se rapprochant
de tout pastiche sur laquelle le soleil médi- calepinage, sans ornementation particulière, des enduits du château. Certains voiles fai-
terranéen découpe des ombres franches. forment un monolithe sculpté, implanté face sant garde-corps sont matricés sur les deux
Implanté en partie centrale, le bâtiment au soleil. faces y compris sur la tranche. Leurs arêtes
d’accueil est un volume à rez-de-chaussée, La structure du bâtiment est en béton vives, traitées sans chanfreins, sont simple-
volontairement placé en retrait, contre le banché, coulé en place. Des refends por- ment protégées par la disposition légère-
talus de la pente. Inscrit en contrebas du teurs séparent les logements tandis que ment avancée de lisses métalliques dont la
système architectural de la propriété, il est les façades en béton matricé participent peinture grise réinterprète celle des volets
couvert par une toiture végétalisée qui de la structure tout en isolant des loggias de la belle demeure.

Un parement brut et rugueux,


porteur d’une force minérale
Cour du château Confié à un maître d’œuvre indépendant, le
suivi de la réalisation s’est déroulé en lien
direct avec les concepteurs dont la mis-
Parc
du château sion couvrait les études jusqu’au DCE, mais
Château de Flaugergues aussi les visas des plans d’exécution et de
contrôle de l’aspect des bétons pour les-
quels Sancie Matte, l’architecte, tempéra
2
1
3 les velléités de l’entreprise d’exécuter des
Plan
ragréages. Car, comme elle le précise, « nous
4 5 de rez-de-chaussée ne souhaitions pas des bétons forcément
1. Accueil
7 parfaits, mais, au contraire, présentant une
2. Salon
9
3. Restaurant certaine rugosité et des aspérités propices
6
4. Kiné à rapprocher l’aspect général des pare-
5. Coiffeur
7 6. Piscine ments de celui d’un ouvrage en calcaire
7. Jardin coquillé ».
8. Préau d’entrée
8
9. Terrain de pétanque
Un objectif atteint qui donne à cette archi-
tecture d’ombre et de lumière un caractère
Rue Albert Jacquard
minéral, hors du temps, et en parfaite cohé-
0 20 m
rence avec la magie des lieux. 

22 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


C D
C, D __
Une
architecture
puissante,
travaillée
en creux,
qui s’impose
sous le soleil
méditerranéen.

E __
Au-dessus
du bâtiment
d’accueil :
le château de
Flaugergues.

F, G __
Les façades en
béton matricé
participent de
la structure
tout en isolant
les loggias
aménagées
dans le volume
général des
immeubles.

E H __
Les façades
en béton sont
coulées en
place dans
des matrices
de type
« travertin ».

F G H

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 23


Grenoble

parking silo
DE L’ARLEQUIN
Ce nouvel équipement participe au renouvellement urbain du quartier de l’Arlequin. Les architectes
Grudzinski et Poisay ont dessiné un bâtiment qui donne une autre image du parking.
Reportage photos : Baptiste ROBIN, Hugues GRUDZINSKi ; régis bouchu

L
e parking silo de l’Arlequin s’insère dans tout autre image de ce type d’équipement
le quartier emblématique de La Ville- aux habitants. Situé entre la station du
neuve créé dans les années 70 à Gre- tramway et l’ensemble des logements de la
noble à la suite des Jeux olympiques de 1968 galerie de l’Arlequin, il apporte de la trans-
et des développements urbains qui s’ensui- parence et de l’ouverture sur le quartier.
virent. La construction de ce nouvel équipe- Sa configuration et son aspect simple l’ins-
Coupe
ment participe au projet de renouvellement tallent comme un repère évident dans le
urbain du quartier initié dans les années 2010. paysage urbain. Il est conçu comme un
D’un aspect massif, les deux parkings existants “millefeuille”de plateaux avec une rampe des véhicules entre les niveaux de station-
de l’Arlequin étaient devenus obsolètes et centrale en double hélice, que nous avons nement. Un jardin intérieur est aménagé
dangereux, dégradant par leur présence l’es- voulue plastiquement impressionnante au pied du vide central, qui reçoit en par-
pace urbain. Il s’est donc avéré nécessaire de dans sa forme. Largement ventilés, les pla- tie supérieure une couverture en polycar-
les remplacer par un nouvel édifice fonction- teaux de stationnement s’ouvrent com- bonate alvéolaire, permettant d’apporter la
nel et de qualité qui participe à la requalifica- plètement sur l’extérieur, offrant des vues lumière naturelle au cœur de l’édifice. L’ac-
tion des espaces publics. panoramiques impressionnantes », sou- cès des piétons se fait, au rez-de-chaussée,
lignent les architectes. par un passage traversant est-ouest, qui des-
Transparence et luminosité Les 499 places de stationnement se répar- sert une épine de circulations verticales, lar-
« Dès nos premières réflexions, il nous est tissent sur cinq étages avec, au rez-de- gement vitrée.
apparu important que le nouveau parking chaussée, des locaux pour cycles, des espaces
soit en résonance avec l’histoire du site commerciaux et d’activité s’ouvrant au sud Planchers en béton précontraint
et l’architecture remarquable du quartier. sur une nouvelle place publique. La rampe L’ensemble du projet est réalisé en béton
Par rapport aux anciens parkings massifs en double hélice se développe dans le vide coulé en place. Les planchers sont précon-
à remplacer, nous avons dessiné un bâti- central. Le mouvement cinétique de ses traints par post-tension. Cette solution per-
ment léger, transparent, lumineux, fonc- lignes et de ses courbes en béton, peintes met de réduire le nombre d’éléments porteurs
tionnel et agréable d’usage, qui donne une en blanc, met en scène le déplacement et de supprimer les retombées de poutres, ce
qui donne aux dalles des planchers un aspect
de plaques légères et flottantes, voulu par
les architectes. En façade, une maille résille
Maître d’ouvrage : ville de Grenoble – Maître d’œuvre : Grudzinski et Poisay architectes ; en acier inoxydable est tendue de plancher à
Grudzinski Architecture et Paysage ; Baptiste Robin, architecte assistant – BET structure : plancher. La toiture-terrasse est recouverte sur
C&E ingénierie – Entreprise gros œuvre : CBR ; Campenon Bernard Régions – Planchers son ensemble de panneaux photovoltaïques,
béton : procédé précontraints par post-tension type Freyssinet – Surface : 14 800 m2 SDP – qui produisent de l’énergie électrique exploi-
Coût : 9,2 M€ HT – Programme : parking, 60 places pour des cycles, et 600 m2 d’activité et commerces. tée par une compagnie locale. 

24 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


A __
Les plateaux de
stationnement
s’ouvrent
complètement
sur l’extérieur.
A B
B __
Les plateaux de
stationnement
sont lumineux
et ventilés
naturellement.

C __
Le bâtiment
est rythmé par
les lignes des
plateaux de
stationnement,
peintes en
blanc.

D, E __
La rampe en
double hélice
se développe
dans le vide
central. Le
mouvement
C cinétique de
ses lignes et
de ses courbes
en béton met
en scène le
déplacement
des véhicules
entre les
niveaux de
stationnement.

D E

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 25


nanterre

129 logements,
commerces, pôle médical
Affirmer non seulement un savoir-faire, mais aussi un savoir-vivre architectural, telle a été la réussite
des architectes Philippon et Kalt pour leur opération de 129 logements à Nanterre.
Texte : Solveig Orth – Reportage photos : Hervé Abbadie ; Arnauld Duboys Fresney

L
’ensemble immobilier est situé à proxi- existant. « Nous avons souhaité au travers maisons de ville. Elles s’implantent quant à
mité de la gare RER Nanterre Université. de notre futur projet suivre ce parti à la fois elles en limite sud des îlots et permettent de
Il s’inscrit dans un environnement urbain urbain et paysager en développant l’idée de créer un épannelage descendant vers le sud
en pleine restructuration avec le déplacement jardin suspendu au niveau des cœurs d’îlot », pour laisser pénétrer un maximum de soleil
de cette même gare, le réaménagement du explique Brigitte Philippon. en cœur d’îlot.
quartier de la Zac des Provinces Françaises et, Pour le reste, l’implantation du projet accom-
plus au nord, la construction de l’opération pagne la courbe du boulevard des Provinces Des rez-de-chaussée commerciaux
Cœur de Quartier. Françaises au nord. Le volume bâti suit les Pour libérer le maximum de surfaces com-
limites de la parcelle et s’élève à R+3 pour merciales, les concepteurs ont choisi de dis-
Entre quartier neuf et existant marquer l’alignement le long du boulevard. socier les surfaces destinées aux services et
Le terrain du projet par sa situation à l’arti- Sur ce socle, se dressent trois corps de bâti- aux commerces de celles des logements. Les
culation entre une pièce urbaine neuve, au ment ponctuels en R+6 qui répondent aux premières occupent la totalité des rez-de-
nord, et un quartier des années 60 en plein bâtiments en vis-à-vis côté Cœur de Quartier. chaussée le long de la voie, alors que les loge-
renouvellement urbain, au sud, possède une Le programme général de l’opération est mar- ments occupent les autres niveaux, acces-
position stratégique. Les concepteurs, Bri- qué par sa mixité. Comme une petite pièce sibles depuis les cœurs d’îlot.
gitte Philippon et Jean Kalt, ont donc, en pre- urbaine, les architectes ont cherché à propo- Sur le boulevard, l’aspect urbain est ainsi ren-
mier lieu, proposé un parti urbain, en scindant ser différentes typologies. Le programme pro- forcé par la très forte présence commerciale
le programme des 129 logements en deux pose par conséquent 40 logements sociaux et de service avec le pôle santé.
îlots traversés par une allée piétonne. Cette et 89 logements privés avec 5 commerces et Côté cœur d’îlot, les accès aux logements
allée centrale demandée par les urbanistes- un pôle médical. Les logements sociaux sont sont marqués par deux parvis agrémentés de
coordonnateurs de la Zac ouvrait un chemi- rassemblés dans un corps de bâtiment situé généreuses plantations. Au rez-de-chaussée,
nement et créait une percée visuelle depuis au cœur du projet pour favoriser une meil- sont regroupés l’ensemble des services com-
le boulevard des Provinces Françaises jusqu’au leure intégration au sein de l’opération. À ces muns, avec les boîtes aux lettres et les locaux
jardin public situé plus au sud dans le quartier collectifs, s’ajoutent également sept petites collectifs (2 roues, poussettes). Un vaste esca-
lier central, doublé d’un ascenseur, mène au
niveau supérieur où s’implantent les accès
véritables aux différentes cages d’escalier.
Maître d’ouvrage : SCCV Nanterre Provinces Françaises – Lot 3 : Altarea Cogedim, Eiffage, Chaque cœur d’îlot est aménagé comme un
Immobilier IDF – Maître d’œuvre : Philippon – Kalt Architectes ; Odile Lesassier, chef de jardin, au centre duquel une circulation col-
projet ; Aurianne Outters ; Christophe Vieira – Entreprise générale : Eiffage Construction lective dessert les différentes cages d’escalier.
Développement et Habitat – Préfabricant : Cibetec – Surface : 11 468 m2 SP – Coût : Dissociés spatialement et altimétriquement
19,7 M€ HT – Programme : 89 logements collectifs en accession, 40 logements locatifs sociaux, de l’espace de la rue, ces lieux sont particu-
5 commerces et 1 pôle médical. lièrement qualitatifs. L’ambiance y est natu-
•••
26 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
A

A __
Côté
boulevard,
le volume bâti
suit les limites
de la parcelle
et s’élève
en R+3. Sur
ce socle, se
dressent trois
corps de bâti
ponctuels en
R+6.

B __
Côté cœur
d’îlot, les accès
aux logements
sont dissociés
de la rue
et placés au
premier niveau.
Aménagé
en jardins
largement
plantés,
l’espace
est particu-
lièrement
qualitatif.
B

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 27


Nanterre

•••
rellement sécurisée puisque le lieu est dis- Sur le cœur d’îlot, les balcons sont traités masquer les descentes EP générales et de
socié des voitures. Le rapport d’échelle de comme des espaces à végétaliser, agrémen- ramener celles des balcons dans le réseau col-
ces lieux est différent de celui de la rue. Tout tés de bacs plantés de jasmin persistant et lectif. La vêture extérieure est constituée de
en étant collectif, l’espace de ces jardins est d’une alimentation en eau pour favoriser leur panneaux préfabriqués de 11 cm d’épaisseur en
plus intime que celui du boulevard. De fait, bon développement. Le végétal permettra béton blanc. Les balcons préfabriqués garan-
les enfants habitant l’îlot y jouent ensemble. à terme de créer une protection visuelle et tissent une finition particulièrement soignée.
C’est ici le lieu de l’individu, de la rencontre solaire tout en favorisant le développement
avec les voisins, de la qualité du « rentrer chez de la biodiversité. Une architecture sobre et intemporelle
soi ». Le cadre de vie est animé et convivial. Au rez-de-jardin, ils sont traités en terrasse. qui affirme son urbanité
Une ligne de plantations, doublée d’une maille « Dans ce contexte urbain relativement
Des prolongements extérieurs généreux support de plantes grimpantes, instaure une complexe, nous avons cherché à réaliser
La conception générale des logements a été mise à distance avec le cheminement d’usage un “bâtiment posé” », complète Jean Kalt.
élaborée avec un véritable savoir-vivre archi- collectif. « Comme il s’implante en face d’un bâti-
tectural. Celui-ci s’exprime en premier lieu au ment très coloré, nous avons souhaité nous
travers de la qualité de vie des logements. L’en- Traitement architectural inscrire en contrepoint et jouer la sobriété
semble des logements, excepté les T2, pos- Le système constructif retenu est celui de en soulignant la présence de la courbe qui
sèdent une double orientation pour favoriser façades et refends porteurs. L’isolation ther- caractérise cette section du boulevard. »
la ventilation traversante et les apports solaires mique est extérieure. Cette solution a permis Le choix de revêtir les façades avec des pan-
passifs. Le principe d’aménagement des plans en premier lieu d’éviter les rupteurs de pont neaux de béton préfabriqués garantit une
intègre la séparation jour/nuit. Chaque loge- thermique, deux attentes ferraillées assuraient finition et un aspect de parement parfaits.
ment est séparé de son voisin par un mur l’ancrage des balcons préfabriqués. L’écriture de façades est réglée par le cale-
porteur afin de favoriser l’isolement acous- Les économies d’énergie ont été un souci pinage des panneaux préfabriqués et le des-
tique. Enfin, la totalité des logements béné- permanent de la part des concepteurs. La sin des joints.
ficient d’un prolongement extérieur privatif parfaite étanchéité de la façade, l’isolation Pour rationaliser le dessin, les architectes ont
dont la superficie moyenne est de 10 m2 par par l’extérieur, la forte inertie thermique travaillé avec un même panneau, disposé soit
logement avec une profondeur minimum de du béton, complétée par des zones en toi- à l’horizontale soit à la verticale. La taille de
1,80 m de façon à pouvoir y disposer confor- tures végétalisées et une eau chaude sani- ces panneaux permet de regrouper plusieurs
tablement une table et des chaises. taire réalisée par panneaux solaires ont permis baies et instaure un rythme, cohérent avec
Ces prolongements extérieurs sont de trois d’atteindre un niveau RT 2012 - 10 %. celui des balcons et des loggias. Il engendre
types pour s’adapter au mieux au contexte. Dans un souci de parfaite pérennité de l’ou- une échelle particulière qui gomme la lec-
Le long du boulevard, ils s’organisent en log- vrage, cette isolation par l’extérieur a été pro- ture de la fenêtre. Cet effet est souligné par
gia pour apporter une plus grande intimité tégée par une vêture en béton préfabriqué. le cadre en aluminium et le jeu des nus et
aux habitants. Cette seconde peau a également permis de des tonalités contrastées.
La couleur taupe au second plan contraste
R+7 avec le béton clair, faisant ressortir le des-
R+7 R+6
sin général. Pour apporter une tonalité cha-
leureuse à l’ensemble, les sous-faces des log-
Boulevard des Provinces Françaises gias ont été traitées avec une lasure dorée
qui renvoie une lumière chaleureuse au cœur
Réserve
foncière des logements. Une lasure identique a été
Allée île-de-France

mise en œuvre au niveau des deux entrées


Nouvelle
principales pour les marquer et jouer avec
Allée de Savoie

place
le vert des végétaux.
Au final, le soin important apporté au traite-
Allée de Normandie
ment de la façade « assoit » l’opération dans
son environnement et participe à son ins-
Normandie R+4 cription urbaine dans le quartier, formant un
ensemble juste dans son expression et parti-
0 20 m
Plan de rez-de-jardin culièrement qualitatif dans sa réalisation. 

28 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


C, D __
Depuis la rue,
l’accès aux
C D logements
se fait par un
vaste escalier
central doublé
d’un ascenseur.
Les rez-de-
chaussée sont
ainsi libérés
pour laisser
un maximum
de surfaces
commerciales.

E __
Le program-
me général
de l’opération
est marqué par
sa mixité, avec
89 logements
collectifs,
40 logements
sociaux, mais
aussi 7 petites
maisons
de ville.
L’ensemble
dessine un
épannelage
descendant
vers le sud.

F, G __
E La totalité
des logements
bénéficient
d’un prolon-
gement
extérieur
privatif dont
la superficie
moyenne est
de 10 m2 par
logement.

F G

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 29


Aix-en-Provence

une maison
à flanc de colline
Sur les hauteurs d’Aix-en-Provence, la maison en béton sablé de teinte beige construite par Jean-Baptiste
Pietri s’inscrit dans le paysage.
Texte : Christine Desmoulins – Reportage photos : mathieu ducros

C
omme tant d’architectes, Jean- un vrai usage du sol. » Pour scénographier
Baptiste Pietri considère que si l’envie cette entrée, le porche articule ainsi deux
d’architecture n’est pas partagée avec volumes désaxés qui se superposent. Sur-
le commanditaire, un bon projet est impos- montant le plan en « L » du rez-de-chaussée,
sible. Demeure d’un ingénieur rencontré sur la barrette de l’étage s’appuie sur le petit
l’un de ses précédents chantiers et abou- cube du garage qui se décale en diagonale
tissement d’un long processus de concep- face au parvis d’entrée. À l’opposé, une
tion en commun, la maison édifiée dans loggia abritée trouve son prolongement
un quartier situé sur les hauteurs d’Aix-en- naturel dans la cuisine d’été extérieure et la
Provence, réunit selon lui ces conditions. À terrasse jouxtant la piscine. En résulte une
mi-chemin entre campagne et ville, le site architecture sobre qui trouve sa place à flanc
était en lui-même un morceau de choix de colline.
offrant de trés belles vues sur le paysage et est surplombé par l’étage des filles. Pour À l’intérieur, où le séjour et la cuisine
la ville. Et si la maison se trouve dans un quar- être bien ancrée sur ce terrain à forte pente s’ouvrent sur le paysage alentour à travers
tier de grandes parcelles où elle cohabite vers le sud, la maison repose, telle une île une grande baie vitrée, les différents espaces
avec d’autres, il y a peu de covisibilité. minérale dans le paysage, sur l’assise d’un s’enchaînent avec fluidité en faisant la part
socle en béton teinté dans la masse prati- belle aux murs blancs qui captent la lumière.
Le terrain pentu d’un programme quement carré. « La vue est ici un élément Un petit salon plus intime doté d’une che-
binaire de composition », dit l’architecte. « Grand minée se détache du séjour et le béton brut
En composant avec la pente du terrain et amateur des villas de Franck Lloyd Wright, réapparaît sur le mur d’entrée et celui de l’es-
ce programme de demeure contemporaine John Lautner, des case study houses et de calier. À l’étage, les chambres profitent de
pour un couple dont les trois filles retournent toutes ces maisons américaines où l’entrée vues dégagées sur les vallées. Desservies par
au bercail pour des vacances avec époux et et le garage sont mis en scène, je m’en suis un long couloir éclairé, elles ont toutes leur
enfants, l’architecte organise l’édifice sur inspiré tout en profitant de la programma- propre salle de bains et sont réunies par un
deux niveaux. Voué aux espaces de récep- tion différenciée qui m’était demandée pour espace de détente commun.
tion et à la suite parentale, le rez-de-chaussée créer un porche d’entrée à l’américaine et
Une matérialité servie par du béton
autoplaçant
L’architecte reprend ici un béton autoplaçant
Maître d’ouvrage : privé – Maître d’œuvre : Pietri Architectes – BET structure : OGC – Entreprise à base de ciment blanc coulé en place iden-
gros œuvre : Ovatis Concept – Surface : 350 m2 SDP – Coût : non communiqué – Programme : tique à celui qu’il a déjà utilisé pour une opé-
maison familiale, espaces de réception, suite parentale et trois chambres, salon, cuisine et ration de logements réalisée dans la région. À
salles de bains, loggia abritée, piscine et cuisine d’été. propos de ce matériau qu’il affectionne par-
•••
30 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017
A

A __
Tout en offrant
à toutes
les pièces
des vues,
l’empilement
de deux
volumes en
béton répond
à la dualité du
programme.

B __
L’étage
des filles, en
équilibre sur le
porche d’accès
vers la maison.
En bas à droite,
le garage.

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 31


Aix-en-Provence

•••
ticulièrement, il précise : « Ce béton teinté testé et exposé aux diverses heures de la tielles en utilisant des coffrages parfaite-
dans la masse a une qualité moderne et journée différents échantillons pour obte- ment plans et des banches totalement lisses.
noble. Traité dans des tonalités de pigments nir la teinte et le fini soigné désirés. » Tout en Nous avons aligné ces banches que nous
en accord avec le paysage et la teinte beige supprimant les vibrations, ce matériau ultra avons habillées d’une couche de panneaux
sablée de la pierre de taille des maisons fluide mis en œuvre à la pompe et avec des de contreplaqué et, pour mieux unifier la
aixoises, ce matériau s’en rapproche beau- cheminées de coulage a permis de couler à surface de la peau coffrante, nous avons
coup par sa texture et sa minéralité. » vitesse constante et sans reprise des murs appliqué sur les jonctions une fine couche
Il salue au passage le travail réalisé par l’en- toute hauteur de 3,5 m. de mastic », dit Jonathan Colombier.
treprise : « Des artistes du béton qui ont fait Conducteur de travaux au sein de l’entreprise
un superbe travail pour atteindre la qua- Calepinage et franchissement Ovatis Concept, il a suivi le calepinage des-
lité de matière et de texture que je souhai- « Pour obtenir dès le décoffrage la qualité siné par l’architecte. Exprimés sur les façades
tais. En tirant parti des ressources du béton d’épiderme recherchée, nous avons veillé de la maison, les trous des écarteurs de
autoplaçant qui évite le bullage, nous avons à supprimer toutes les malfaçons poten- banches sont aussi réglés par un calepinage
très précis afin d’obtenir un parfait aligne-
ment. Employé pour les voiles périphériques
et tous les ouvrages visibles du projet, ce
même béton autoplaçant est mis en œuvre
pour les parties horizontales de la maison et
2
1 notamment pour le plancher de franchisse-
ment du porche d’entrée et le porte-à-faux
de la loggia extérieure (8 m de portée).
3

Plan de
rez-de-chaussée
Pureté volumétrique
1. Séjour en zone sismique
2. Cuisine La maison se situe en zone de sismicité 4.
3. Petit salon
4. Dressing Sa structure en béton est conçue pour
5. Salle de bains répondre à la réglementation parasismique
6. Chambre
6 parentale
qui s’y applique. Gage de sécurité, l’emploi
4
7. Local terrasse du béton autoplaçant garantit le parfait enro-
5 bage des treillis et armatures des éléments
7 0 5m
de structure. Certains murs sont dédoublés
et des noyaux de stabilisation créés, en par-
ticulier au niveau de l’espace d’entrée notam-
ment, ce qui permet de dissimuler les joints
parasismiques ou de réduire leur épaisseur.
Les propriétaires ne souhaitaient pas la pré-
sence d’éléments de protection solaire de
type « casquette », qui seraient venus per-
turber la pureté des lignes et la volumétrie
de la maison. Ce sont donc des persiennes
en bois qui glissent au ras des façades pour
protéger les espaces intérieurs du rayonne-
1 1 1
2 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11

ment solaire direct et apporter de l’ombre


3
4 Plan R+1
en été. Elles viennent en parfaite harmonie
dans l’enveloppe en béton.
22 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12

1. Chambres
2. Salle de bains
La maison est conforme à la RT 2012. Elle
3. Espace partagé
4. Couloir est chauffée en hiver et rafraîchie en été
par l’intermédiaire d’un plancher chauffant/
0 5m
rafraîchissant. 

32 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


C D
C __
La façade
arrière.

D __
Les chambres
et l’espace
commun des
filles profitent
d’une terrasse
en toiture de
l’aile basse.

E __
En fond de
perspective,
la loggia et
la cuisine
extérieures
sont à l’abri
du soleil.

F __
De jour,
l’abstraction
des lignes et
des volumes
prévaut.

G __
De nuit,
l’intérieur de
la maison se
révèle comme
E une boîte
à lumière.

F G

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 33


paris

CRÉATION D’UN ESCALIER


MONUMENTAL
Au cœur de l’immeuble de bureaux qu’ils ont restructuré, Élizabeth Naud et Luc Poux créent un escalier
monumental porté par un mur d’échiffre en béton blanc ajouré par des percements en losange.
Reportage photos : Schnepp Renou

C
onstruit en 1929, l’immeuble situé au pied depuis la rue d’Amsterdam, d’un jardin façade est libérée des contraintes structu-
numéro 55 de la rue d’Amsterdam également en continuité visuelle et phy- relles liées à cet ouvrage. Présentant en plan
dans le 8e arrondissement de Paris a sique depuis le rez-de-chaussée, d’un esca- une forme de boomerang, ce mur d’échiffre
fait l’objet d’une restructuration lourde à la lier monumental éclairé naturellement », est ajouré par des percements en losange,
fois audacieuse et respectueuse du contexte expliquent les architectes. répartis suivant le plan de ferraillage global
historique, conduite par les architectes Éli- Le nouvel escalier monumental, qu’ils ont du mur d’échiffre. Au rythme d’un niveau
zabeth Naud & Luc Poux. Il en résulte une conçu, trouve sa place au cœur de leur pro- tous les dix jours, il a été réalisé avec un
alliance parfaite entre les éléments anciens jet de restructuration. Il permet de desser- béton fibré blanc autoplaçant coulé en
conservés et mis en valeur et les éléments vir tous les étages sans exception et occupe place dans un coffrage métallique en forme
contemporains, qui donne toute sa qualité à une position stratégique au niveau des pla- de boomerang, fabriqué sur mesure et qui
ce projet ancré dans le Paris historique. teaux de bureaux. Il est éclairé naturelle- pèse 5 tonnes. D’une hauteur d’étage, il se
ment par la façade entièrement vitrée der- compose de 2 banches jointes aux extré-
Mur d’échiffre en béton blanc rière laquelle il se développe et qui donne mités. Les réservations pour les percements
« Dans cette restructuration lourde de sur une cour intérieure. Enfin, il partage un sont découpées au laser dans les banches
2e génération, conjointement à la création palier commun avec une batterie de trois en acier. Les mannequins en contreplaqué,
d’espaces de bureaux correspondant aux ascenseurs. Le nouvel escalier irrigue cor- qui vont permettre d’obtenir les ajours en
usages contemporains, nous avons eu le rectement tous les flux intérieurs et favo- losange du mur d’échiffre, sont mis en place
souci de réparer les outrages du temps. rise les rencontres informelles. Il offre des dans le coffrage par ces réservations. Ces
L’immeuble avait en effet perdu un grand parcours à la lumière du jour qui incitent mannequins sont habillés d’une chaussette
nombre de ses éléments caractéristiques à l’emprunter et allègent ainsi le trafic des en silicone. Elle assure une étanchéité par-
lors de la première restructuration de 1995. ascenseurs. Pour obtenir le palier com- faite entre le mannequin et la banche en
En particulier, l’escalier monumental de mun central entre ascenseurs et esca- acier, ce qui est fondamental avec un béton
1929 a été démoli à cette époque. Certains lier, les architectes ont choisi de décaler fluide comme le béton autoplaçant.
principes fondamentaux du bâtiment ini- côté façade les volées de l’escalier et de Les marches peuvent présenter un porte-à-
tial ont donc été réintroduits dans notre les porter par un mur d’échiffre. Grâce à faux allant de 1,40 m à 1,68 m. Chaque marche
projet comme l’idée d’un accès de plain- cette solution technique et constructive, la a une épaisseur différente, qui peut varier
de 8,5 cm à 12,5 cm, en fonction de sa posi-
tion dans la volée. Elles sont ancrées dans le
mur d’échiffre à l’aide de 3 torons en acier
Maître d’ouvrage : Gecina – Maître d’œuvre : Élizabeth Naud & Luc Poux, architectes associés ; de 40 mm de section vissés dans des réser-
Natalia Godlewska, assistante de projet – Maîtrise d’œuvre d’exécution : SCO – BET structure vations prévues à cet effet. Les marches
et fluides : Egis – Entreprise générale : Dumez – Surface : 12 515 m2 SUBL (surface utile brute sont elles aussi coulées en place. Par volée,
locative) – Coût : non communiqué – Programme : réhabilitation lourde d’un immeuble de bureaux. chaque marche a un coffrage spécifique. 

34 Construction moderne / DÉCEMBRE 2017


A B

A __
L’escalier
est éclairé
naturellement
par la façade
entièrement
vitrée.

B __
Les marches
ancrées dans le
mur d’échiffre
peuvent
présenter
un porte-à-faux
allant de
1,40 m à
1,68 m.

C, D __
L’escalier offre
des parcours
à la lumière
du jour qui
incitent à
l’emprunter.
C D

Construction moderne / DÉCEMBRE 2017 35


Trophée béton Pro
distingue les réalisations remarquables en béton
Le Trophée béton Pro, organisé par les associations Bétocib, CIMbéton, sous le patronage du ministère de
la Culture et de la Communication, est une distinction biennale dont le but est de faire connaître des réalisations
architecturales remarquables réalisées en béton et de mettre en évidence les performances et les qualités
multiples de ce matériau.
Distinction d’envergure nationale, le palmarès du Trophée béton Pro Jury de la première édition du Trophée béton Pro
est attribué par un jury indépendant, à des œuvres construites en • Étienne Tricaud, architecte-ingénieur, président de Bétocib et
France les cinq dernières années. L’objectif du Trophée béton Pro d’AREP, président du jury
est à la fois de sensibiliser le grand public en mettant en valeur des • Agnès Vince, directrice adjointe au directeur général des patri-
réalisations contemporaines en béton, de faciliter le dialogue entre moines, en charge de l’architecture, ministère de la Culture et de
les différents intervenants du projet maîtres d’ouvrage, architectes, la Communication
ingénieurs, entreprises mais aussi de favoriser le développement • Jacques-Franck Degioanni, chef du service « Architecture &
d’une réflexion architecturale innovante pour l’utilisation du béton. Urbanisme », Le Moniteur
• Thomas Corbasson, architecte et vice-président de la Maison
Pour cette première édition, sur 142 dossiers déposés, le jury inter-
de l’architecture en île-de-France
national et pluridisciplinaire a distingué 25 réalisations : 10 lauréats
• Dominique Lelli, architecte, administratrice de la Mutuelle des
et 15 nominés.
architectes français assurances (MAF)
La soirée de palmarès s’est tenue le jeudi 19 octobre 2017 à la Mai- • Paul Chemetov, architecte
son de l’architecture en île-de-France. Monsieur Vincent Lacaille, • Hilda Sebbag, architecte
chargé de mission qualité de la construction et du paysage au minis- • Christian Pottgiesser, architecte
tère de la Culture et de la Communication, annonçait lors de cette • Tarik Oualalou, architecte
cérémonie que le label Architecture contemporaine remarquable a • Antoine Picon, historien de l’architecture
tout à fait vocation à accueillir dans quelques années certains des • Grégoire Douillet, président de Cimbéton
bâtiments distingués par le Trophée béton Pro. • John Hanlon, ingénieur, Terrell
• Vincent Simon, secrétaire général adjoint, Union de la maçonne-
Organisation et coordination : rie et du gros œuvre (UMGO)
Claire Barbou (Bétocib) et Judith Hardy (CIMbéton) • Norbert Métairie, maire de Lorient
Photo : Laurent Thion

En savoir plus : trophee-beton.com

36 Construction moderne / décembre 2017


bibliographie

RENAISSANCE ET BAROQUE ATHÈNES À SOI-MÊME LE SIÈGE DE L’UNESCO


Heinrich Wölfflin ÉTRANGÈRE Christine Desmoulins
Longtemps, le terme baroque fut employé Naissance d’une capitale Fruit du travail commun de trois architectes –
pour décrire le style en lequel la Renaissance se néoclassique le Français Bernard Zehrfuss, l’Américain d’ori-
serait désintégrée. Renaissance et baroque est Yannis Tsiomis gine hongroise Marcel Breuer et l’Italien Pier Luigi
le premier ouvrage d’histoire de l’art à envisa- Étrange destinée que celle d’Athènes chargée Nervi –, le siège de l’Unesco est inauguré à Paris,
ger les choses autrement et à démontrer que le d’histoire mais oubliée durant des siècles qui le 3 novembre 1958 à la suite d’une consultation
baroque, loin d’être réduit à une dégénérescence, devient le cœur d’un État-nation moderne. Ici qui rassembla les plus grands noms de l’architec-
relève au contraire d’une esthétique propre. plus qu’ailleurs, le choix d’une capitale est un acte ture mondiale. Leur réalisation est l’une des plus
À travers l’évolution des styles et des goûts dans décisif, puisqu’il s’agit de rompre avec la longue belles prouesses de l’usage du béton armé. Ce
la peinture et la sculpture, mais surtout dans l’ar- occupation ottomane. Au lendemain de l’indé- livre permet de considérer le siège de l’Unesco
chitecture, c’est l’expression de l’état d’âme de pendance grecque en 1830, il fallut inventer la dans toute sa richesse, et invite à la découverte
la société italienne des xvie et xviie siècles qui est nouvelle capitale de l’ÉTAT grec. Confiée à des de l’histoire de sa construction.
révélée dans cette réédition d’un ouvrage majeur architectes et ingénieurs français, allemands et Collection Regards – Éditions du patrimoine
de l’un des plus grands théoriciens de l’art du xixe grecs formés à Paris, Munich et Berlin, Athènes
et du début du xxe siècle. s’offre à partir de 1833 comme un terrain d’expé-
Collection : Eupalinos – Éditions Parenthèses riences qui incarnera, in fine, l’essence de la capi-
tale moderne.
Collection : Architectures – Éditions Parenthèses
Photo : Jean-Marie Monthiers

exposition
DE L’INTUITION
AU RÉEL VALERO GADAN
Hommage ARCHITECTES
à Jacques Ripault Une amitié architecturale
Jean-François Pousse
Espace culturel Luxembourg, Meaux.
Bernard Valero et Frédéric Gadan ont créé leur
Jacques Ripault (1953-2015) est l’architecte du MAC VAL. Cette exposition lui rend hommage, agence à Paris en 1992. Cet ouvrage présente les
à travers une sélection de 10 projets marquants de 1990 à 2015, couvrant ainsi 25 années d’un personnalités et l’histoire des deux architectes,
parcours architectural sans faille. Maquettes, perspectives, plans, photographies, dessins de ainsi que les caractéristiques de leur œuvre archi-
première main et documents inédits retracent le parcours, l’œuvre et la vision de l’archi- tecturale, à travers un choix emblématique de
tecture de cette figure majeure de la scène architecturale française des années 90 et 2000. réalisations et de projets récents éclairant les
Du 21 octobre 2017 au 28 janvier 2018 savoir-faire de l’agence. Chaque bâtiment fait
MAC VAL musée d’Art contemporain du Val-de-Marne – Place de la Libération, Vitry-sur-Seine (94400) l’objet d’une présentation générale et d’un zoom
Ouvert du mardi au vendredi de 10 h à 18 h – Samedi, dimanche et jours fériés de 12 h à 19 h illustrant un thème précis.
Éditions AAM – Ante Prima

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