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09.02.24, 12:30 Géographes et voyageurs au Moyen Âge - Benjamin de Tudèle, géographe ou voyageur ?

yageur ? Pistes de relecture du Sefer massa’ot - Presses univ…

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Géographes et voyageurs au Moyen Âge | Henri Bresc, Emmanuelle
Tixier du Mesnil

Benjamin de Tudèle,
géographe ou
voyageur ? Pistes de
relecture du Sefer
massa’ot
Juliette Sibon
p. 207-223

Texte intégral
1 La renommée de Benjamin de Tudèle n’est pas à défendre. Fils du rabbin
Jonah, il serait né à Tudèle au xiie siècle1. Depuis 1121, Tudèle était une ville
chrétienne, reprise aux musulmans par Alphonse le Batailleur. La
communauté juive de la cité, que l’on sait par ailleurs prospère sur les plans
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économique et intellectuel, avait alors obtenu des fueros, complétés en 1170


par Sanche le Sage2. Certes, la Navarre n’avait plus de frontières avec
l’Islam. Mais elle fut, sans nul doute, traversée par le souffle de messianisme
engendré par les poussées almoravide et almohade (à partir de 1086, puis de
1146)3, perceptible dans l’œuvre d’un autre juif originaire de Tudèle, Juda
Halévi (v.1075-1141), d’ailleurs évoqué dans le récit de Benjamin4. C’est dans
ce contexte, à la fin de l’année 1165 ou au début de l’année 1166, que
Benjamin aurait entrepris le tour du bassin méditerranéen, avant de rentrer
dans sa cité d’origine, où il mourut en 1173, après avoir achevé le récit de ses
pérégrinations, intitulé Sefer massa’ot ou Livre des voyages, et considéré
comme authentique5.
2 Plusieurs éléments le laissent penser, en effet. Tout d’abord, Benjamin ne
cite aucune source livresque et souligne explicitement que son récit est le
résultat de son observation personnelle. À la fin du préambule, le livre
commence comme suit : « Je suis parti de ma ville natale6 ». Ensuite, son
itinéraire est cohérent, alternant routes terrestres et voies maritimes.
Depuis Tudèle, Benjamin se serait rendu en Catalogne, dans le Midi de la
France, dans la péninsule italienne et en Sicile. Il aurait ensuite traversé
l’empire byzantin, le Levant et la Perse. Avant d’atteindre l’Égypte, il
mentionne l’Inde et la Chine. Puis il termine son voyage en repassant par la
Sicile, pour franchir les Alpes et se rendre en Rhénanie (Ashkenaz) et dans
le royaume de France (Tsarfat). En troisième lieu, la majorité des
toponymes mentionnés existent (ils sont près de 300 entre Saragosse et
Paris) et peuvent être localisés7. En outre, on le verra, il n’y a aucune
incohérence dans la chronologie du voyage.
3 De tous les voyageurs juifs médiévaux, Benjamin est considéré comme le
plus illustre8. Il précède de quelques années Pétakhia de Ratisbonne, qui
voyagea entre 1175 et 1185. Parti de Prague, il visita également Bagdad,
Damas et Jérusalem, mais rédigea son récit à la troisième personne. S’il
semble avoir essayé de dresser un tableau de la condition des juifs à travers
le monde, la différence fondamentale avec le Sefer massa’ot est l’absence de
mise en scène du voyageur9. Quant à Natanaël Hacohen, il rentra de son
périple en Terre sainte en 1187. Pour sa part, il rédigea, à l’instar de
Benjamin, un récit à la première personne. Mais Natanaël et Pétakhia ne
connurent jamais une telle postérité, sans doute parce que l’aire embrassée
par leurs pérégrinations était plus circonscrite, et parce qu’il ne reste que
des fragments de leurs écrits10, tandis que l’œuvre de Benjamin a été
conservée dans son intégralité, preuve, peut-être, de l’aura exceptionnelle
dont elle a toujours bénéficié au sein du monde juif. En effet, le Sefer
massa’ot a connu un succès immédiat et une diffusion rapide, large et
durable, au point de constituer parfois la source principale des chroniqueurs
juifs de la fin du Moyen Âge et de l’aube des Temps modernes, tel Salomon
ibn Verga (v. 1450-1520) et Joseph ha-Cohen (1496-1575)11.
4 Aujourd’hui encore, le récit de Benjamin reste considéré comme bien plus
factuel et nettement moins « imaginaire » que ceux de ses prédécesseurs. Le
Sefer massa’ot est comparé à un ouvrage de géographie, inspiré des modèles
arabes connus à l’époque12. Force est de constater néanmoins que si la forme
l’en rapproche, le scribe tudélan s’intéresse peu aux sociétés des pays

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traversés, qu’il s’agisse de leur histoire, de leur économie ou de leur


géographie. Il décrit les communautés juives visitées, pour lesquelles il
donne des données chiffrées, mais en omettant le plus souvent les aspects de
leur vie quotidienne et de leurs activités économiques. Il ne se préoccupe
guère des interactions entre l’homme et son milieu, non plus qu’il ne fasse
de la Méditerranée le cœur de son récit.
5 Il y eut bien une période de doute quant à l’authenticité du périple de
Benjamin. Les premières attaques visèrent les données démographiques du
Sefer massa’ot, d’autant plus discutées que les chiffres sont fournis en
caractères hébraïques dont la transcription peut varier d’une édition à
l’autre. Ils sont parfois étonnants, en effet, lorsqu’il est question, par
exemple, de 1 500 juifs à Palerme, 2 000 à Thèbes, 5 000 à Alep ou encore 7
000 à Mossoul13. Ainsi, Jean-Philippe Baratier, auteur d’une édition
commentée du Sefer massa’ot publiée en 1734, avança que Benjamin n’avait
jamais voyagé et que son ouvrage n’était qu’une compilation truffée
d’erreurs parfois grossières, preuves de son ignorance et de son inculture14.
Accusés de vouloir dénigrer la contribution des juifs à la géographie
médiévale, voire à la science médiévale en général, les détracteurs de
Benjamin furent rapidement démentis, en particulier par Adolph Asher,
auteur d’une nouvelle édition du texte hébraïque en 184115. En effet,
l’admiration pour Benjamin de Tudèle trouva au xixe siècle un second
souffle, dont les deux principaux artisans francophones furent, sans
conteste, Eliakim Carmoly et Joachim Lelewel. Ardents défenseurs de la
bonne foi de Benjamin, ils fondèrent leur plaidoirie sur l’identification
précise des noms de lieux qu’il rapporte, preuve irréfutable, selon eux, de
l’authenticité du voyage16.
6 Face aux critiques émises par les philologues et les traducteurs non juifs
soupçonnés d’antisémitisme, les défenseurs de Benjamin développèrent un
arsenal d’arguments positifs, à visée apologétique. Dès lors, il devenait
difficile d’émettre le moindre doute sur la qualité scientifique du Sefer
massa’ot. L’Editio princeps d’Eliezer ben Gershon publiée à Constantinople
en 1543, dont les nombreuses erreurs sont aujourd’hui largement
soulignées17, a servi de base aux premières traductions, latine puis anglaise
et française, et a prolongé, au-delà du Moyen Âge, la postérité et la diffusion
de l’œuvre de Benjamin, aujourd’hui traduite dans toutes les langues
européennes. Ces publications sont de qualité inégale, et la plus sûre est
restée, pendant longtemps, celle de Marcus Adler, publiée à Londres en
1907, qui contient une édition hébraïque du plus ancien manuscrit du Sefer
massa’ot conservé au British Museum, datant du xiiie siècle18, ainsi que sa
traduction anglaise enrichie par un dense apparat critique19. Depuis, il faut
signaler la traduction castillane annotée de J. R. Magdalena Nom de Déu,
réalisée à partir des manuscrits complets et fragments conservés à ce jour20.
7 En dépit de la multiplicité de ces travaux, le questionnement sur le texte et
son auteur n’a jamais vraiment été renouvelé. Au bout du compte, l’unique
problème régulièrement soulevé est celui de l’objectif du voyage de
Benjamin. Et les hypothèses vont bon train ! Pour les uns, il serait un
marchand accomplissant le double pèlerinage à Jérusalem et à Bagdad21. À
ses préoccupations mercantiles, se serait ajoutée la volonté de recenser des

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lieux d’asile potentiels pour les juifs d’Occident, en danger au lendemain de


la deuxième croisade (1147-1148). Pour d’autres, il n’a rien d’un homme
d’affaires, mais serait plutôt un étudiant vagabond ou un collecteur de fonds
pour les écoles talmudiques de Tudèle, qui aurait cherché à maintenir les
contacts et à vivifier les liens entre les communautés juives du bassin
méditerranéen22.
8 L’interprétation de Carmoly retient davantage l’attention, dans la mesure où
elle s’attache moins à comprendre les objectifs qui auraient présidé au
voyage, que la nature de l’œuvre de Benjamin. Ce dernier aurait dressé « un
état moral et religieux de ses frères dispersés23 ». L’hypothèse mérite d’être
étayée et argumentée. Pour ce faire, il faut de nouveau se pencher sur la
construction du récit, sur les sources mobilisées et les destinataires de
l’œuvre, afin d’en cerner la véritable nature. Remettre en question le
postulat de départ quant à l’authenticité du périple de Benjamin de Tudèle
et quant à l’originalité de son œuvre, sans pour autant sous-entendre qu’il
fût un imposteur et un escroc, ouvre de nouvelles perspectives à
l’exploitation historique et littéraire du Sefer massa’ot24. On se bornera, ici,
à esquisser quelques pistes de recherche.

Une ou plusieurs mains ?


9 Il est impossible d’échapper à la question de savoir si Benjamin eut un
continuateur ou non. L’ajout posthume du préambule, répandu au Moyen
Âge, pose d’emblée la question du nombre de rédacteurs du texte. On y
trouve les seuls éléments biographiques livrés sur l’auteur dans l’ouvrage.
Natif de Tudèle, Benjamin est loué pour sa connaissance de la Torah et de la
Halakha. Il s’agit sûrement de le poser en homme « digne de foi » (auctor).
Il est également authentifié comme étant l’unique auteur de l’ouvrage, fruit
de ses voyages (actor). Mais si le récit amorcé à la fin du préambule est écrit
à la première personne, l’intervention de l’aventure personnelle est très
discrète tout au long du texte. L’aspect vécu du périple n’est mis en relief
qu’exceptionnellement. La seule mise en scène de Benjamin par lui-même
apparaît au terme du passage consacré à Jérusalem. Il clôt l’anecdote des
tombeaux de la Maison de David par : « Ces propos m’ont été rapportés par
le dit Rabbi Abraham25. » Le « je » semble donc purement rhétorique,
destiné à affirmer la vérité de ce qui est écrit.
10 De même, on admet traditionnellement que la fin de l’ouvrage, qui relate les
dernières communautés que Benjamin aurait visitées entre la Sicile et Paris,
serait d’une autre plume. Ce dernier épisode ne figure d’ailleurs ni sur la
carte de synthèse publiée par Adler, ni sur celle de Haïm Beinart26. J. R.
Magdalena Nom de Déu suggère que les passages consacrés à la Rhénanie
seraient le fruit de l’imagination de l’auteur du manuscrit du British
Museum, un copiste d’origine ashkénaze27.
11 Certes, l’itinéraire suivi est cohérent et confère une unité à l’ensemble du
récit. Les éléments de datation distillés dans le récit ne sont jamais
contradictoires. Le voyage a été effectué dans la décennie précédant la mort
de Benjamin, probablement à partir de 1165-116628. Benjamin se serait
rendu à Rome sous le pontificat d’Alexandre III (1159-1181). Il aurait
traversé Bari avant 1169, date de la reconstruction de la ville qui avait été
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entièrement rasée en 1156 par Guillaume Ier de Sicile. Il aurait séjourné à


Constantinople sous le règne du basileus Manuel Ier Comnène (1143-1180),
et à Antioche tandis que la ville était en partie soumise à Bohémond le
Bègue, soit après 1163, mais avant le tremblement de terre de 1170 que
Benjamin ne mentionne pas non plus dans le récit de son étape à Tripoli. À
Damas, il évoque l’empire de Nûr-al-Dîn (1146-1174), mais il ne nomme pas
le calife abbasside en place au moment où il visite Bagdad, qu’il désigne
seulement par son titre d’ « émir des croyants ». Il s’agit probablement d’Al-
Mustanjîd, qui régna à partir de 1160, et qui fut démis de ses fonctions en
1170 par son fils Al-Mustadî (1170-1180). Enfin, il achève son périple dans le
royaume de France sous le règne de Louis VII (1137-1180).
12 Les événements relatés confirment que quel que fût le nombre de mains, on
a toujours pris garde aux impossibilités chronologiques. Ainsi, la guerre
qualifiée de « permanente » entre Gênes et Pise, ou encore celle qui
opposait Byzance aux Seljoukides sous le règne du sultan Kiliç Arslan (1156-
1192), qui porte le nom de son père Mas’ûd Ier, participent à la cohérence du
récit29. Nul doute que le Sefer massa’ot était destiné à un lectorat exigeant et
averti.
13 Néanmoins, le style de la rédaction n’est pas uniforme et la structure de
l’œuvre mérite un examen attentif. Hormis le préambule, on ne délimite pas
clairement des parties supposées écrites successivement. En effet, plusieurs
ruptures scandent régulièrement le texte et l’hypothèse que nous avançons
ici est que si Benjamin eut un continuateur, ce dernier a plutôt effectué des
insertions dans le texte, en ajoutant des boucles de voyage. Nous n’excluons
pas non plus l’idée que Benjamin a pu être son propre continuateur, en
opérant lui-même des ajouts. En effet, le texte se présente comme une
succession de notices qui suivent la chronologie du voyage, et il autorise
aisément les compléments postérieurs.
14 Plus sûrement que des parties de texte rajoutées successivement, on peut
donc distinguer des « séquences », interrompues par six « insertions » dont
le style et la thématique tranchent nettement avec le passage qui précède. La
première insertion est le développement étoffé consacré à Rome, introduit
après la séquence de notices brèves décrivant l’itinéraire suivi entre
Saragosse et Lucques. Le fil du récit reprend ensuite sous sa première forme
pour relater le voyage de Capoue à Abydos30. Il est interrompu par une
seconde insertion consacrée à la description de Constantinople. Celle de
Jérusalem est le troisième ajout qui rompt le rythme du voyage repris de
Rhædestus à Naplouse. La séquence de Bethléem à Okbara est close par le
chapitre sur Bagdad, celle de Resen au Tibet par le récit sur la Perse, et,
enfin, celle de Katifa à Kutz par l’insertion sur l’Égypte, qui inclut deux longs
développements sur le Nil et sur Alexandrie. La dernière séquence décrit la
fin du voyage, de Messine à Paris, notice brève sur laquelle le livre s’achève
brutalement.

La part de réalité
15 Les séquences prennent donc la forme d’une succession de notices courtes.
Concise et répétitive, la narration révèle le peu d’intérêt pour la géographie
et pour les caractères physiques des pays traversés, et encore moins pour la
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société non juive, hormis quelques exceptions. Entre Tudèle et Rome, par
exemple, chaque cité traversée fait l’objet de quelques lignes, dont les seuls
aspects géographiques évoqués sont destinés à localiser les lieux : l’Èbre
pour Saragosse, le littoral pour Tarragone, Barcelone, Marseille et Gênes, le
Rhône pour Saint-Gilles31. Les activités commerciales à Barcelone,
Montpellier et Marseille sont à peine effleurées. L’intérêt pour l’architecture
est quasi nul. Au cours de cette première partie du voyage, Benjamin ne
s’arrête que sur les monuments dits d’époques cyclopéenne et grecque de la
ville antique de Tarragone32.
16 La thématique principale qui semble servir de fil directeur est l’estimation
démographique de la plupart des communautés de la diaspora, à laquelle
s’ajoute la mention d’une liste des rabbins et sommités talmudiques des
communautés visitées. Toute l’attention de l’auteur se reporte sur
l’indication de données démographiques : Gérone est qualifiée de petite
communauté sans plus de précision, mais Narbonne, Lunel et Marseille
auraient alors compté 300 juifs, Arles 200, Saint-Gilles 100, Posquières et
Lucques 40, et Pise 20. Ces données sont complétées par l’indication d’au
moins trois noms, parfois quatre ou plus, de personnalités réputées pour
leur connaissance de la Torah et du Talmud. Parmi ces noms, on notera
notamment Judah ibn Tibbon (1120-1190), né à Grenade et venu
s’implanter à Lunel vers 1150. Ces rabbins sont qualifiés de « sages » et
d’hommes éclairés dans la connaissance de la Torah et de la Halakha.
Benjamin s’arrête sur le caractère « saint » de certaines communautés.
Barcelone est dite kahal kadosh (« sainte communauté »), sans doute pour
son attachement au savoir et à l’enseignement. De même, Narbonne est
saluée comme un haut lieu d’étude de la Torah, renfermant une yeshiva
(« école » ou « académie »). Montpellier compte des maisons dédiées à
l’étude du Talmud. La communauté juive de Lunel favorise l’étude de la
Torah « jour et nuit », et attire à elle des étudiants étrangers venus « de près
et de loin », sans plus de précision, entretenus par la communauté33.
17 La seconde séquence développée entre les passages consacrés à Rome et à
Constantinople est identique sur la forme. Là encore, les notices sont brèves
et répétitives et relèvent des mêmes préoccupations. Quelques anecdotes
enrichissent la narration néanmoins, tel la notoriété des eaux thermales de
Sorrente, prisées l’été par les habitants de Lombardie, ou encore les razzias
effectuées en Grèce par les peuples de la montagne de Valachie, dont
Benjamin indique qu’ils étaient dirigés par un khan, qu’ils portaient des
noms juifs et qu’ils appelaient les juifs « leurs frères34 ».
18 Pour les autres séquences, dès lors que Benjamin traverse la Terre sainte,
une nouvelle thématique émerge. Il s’attache désormais à localiser et décrire
les lieux de pèlerinages : par exemple, les tombeaux d’Abraham, d’Isaac, de
Jacob, de Sarah, de Rébecca et de Léa à Hébron ; la tombe de Samuel le
Ramathite à Ramleh, le sépulcre d’Ezékiel au bord de l’Euphrate, et d’autres
encore, à Tibériade notamment35. En outre, plus le voyageur s’éloigne de
l’Occident, plus les anecdotes et les légendes se multiplient et alimentent le
texte. À Gebal36, Benjamin s’arrête sur la secte des Assassins, alors en guerre
avec les Francs de Tripoli. À Chypre, il évoque les juifs hérétiques appelés
Epikursin. À Naplouse, il décrit les Samaritains, qui formaient une

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communauté distincte au sein du judaïsme depuis le viiie siècle. À Amadia,


en Irak actuel, il s’attarde sur le pseudo-messie David Alroy, qui vécut à
Bagdad vers 116037. Mais en dépit de ces quelques anecdotes rapidement
relatées, ce sont les six insertions identifiées précédemment qui constituent
les témoignages les plus étoffés transmis par Benjamin.
19 Elles comptent plusieurs folios, contre quelques lignes pour la plupart des
notices relevées dans les séquences. On écarte d’emblée l’hypothèse
communément admise selon laquelle Benjamin y aurait fait des séjours
prolongés. On ne trouve pas plus d’anecdotes personnelles dans ces
passages que dans les autres séquences du texte. Il semble plus probant que
son inspiration ait été nourrie par l’abondance de sources sur ces lieux et
par la place qu’ils occupent dans son univers mental.
20 Parmi ces six insertions, on retient d’abord les quatre grandes capitales,
Rome (3 folios), Constantinople et Jérusalem (5 folios chacune), et surtout
Bagdad38. Avec 11 folios, cette dernière bénéficie du plus long
développement de l’ensemble de l’ouvrage. La thématique principale qui
court tout au long du récit, à savoir l’indication de la taille des communautés
juives et la mention des hommes de savoir, est conservée. Les communautés
juives de Rome et de Jérusalem auraient alors compté 200 personnes, celle
de Constantinople 2 500 et celle de Bagdad 40 000. À Rome, Benjamin
évoque la présence de Nathan ben Jehiel (1035-1106), auteur du ’Aruch,
dictionnaire talmudique considéré comme un monument de la culture juive,
comparable à l’œuvre de Rashi de Troyes (1040-v.1105), et qui connut une
diffusion rapide et large dans tout le monde juif. À Constantinople, il cite
Salomon l’Égyptien, médecin de Manuel Ier Comnène. Mais l’essentiel des
développements réside tout d’abord dans la place accordée aux chefs du
pouvoir spirituel et politique en chrétienté et en Islam, à savoir le pape, le
basileus et le calife abbasside. En second lieu, les fontaines, les jardins, mais
aussi les colonnes, l’or, l’argent et le marbre de Sainte-Sophie et du Palais
des Blachernes à Constantinople, des forums impériaux, du Colisée ou
encore de Saint-Jean de Latran à Rome, éblouissent Benjamin, qui
témoigne de sa sensibilité au luxe et à l’esthétique de l’urbanisme des quatre
villes.
21 De ce point de vue, Jérusalem souffre de la comparaison. Elle est décrite
comme une ville cosmopolite, dans laquelle la présence des chrétiens est
soulignée, à travers la mention des chevaliers francs, des Hospitaliers et du
Saint-Sépulcre notamment. Or elle fait bien pâle figure à côté des merveilles
d’urbanisme que recèle Damas, ville à laquelle Benjamin consacre pourtant
beaucoup moins de lignes39. L’essentiel de l’insertion sur Jérusalem vise à
décrire les vestiges juifs, les cimetières et les tombeaux. Haut lieu de
pèlerinage, elle reste surpassée par Bagdad, la grande ville de l’Islam qui
brille de mille feux, loin devant Constantinople, que Benjamin qualifie
pourtant de « ville exceptionnelle ». Le calife, son palais, son pouvoir, les
rites qui lui sont rendus, ainsi que sa charité envers les malades pauvres,
occupent la première partie de l’insertion. Les juifs de Bagdad apparaissent
dans un second temps, en la personne de Daniel, fils de Hasdaï, Exilarque
ou Naguid, terme biblique généralement traduit par « prince » ou « chef de
la diaspora ». Le titre était porté par le chef des juifs de Babylone aux temps

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de l’Exil (viiie-vie s. av. JC) et on en retrouve de rares mentions aux xiie et xiiie
siècles, d’abord chez Abraham ibn Ezra (1092-1167), puis, après Benjamin,
chez Pétakhia de Ratisbonne et chez Judah al-Harizi (1165-1225). Samuel
ibn Nagrila, vizir juif de Grenade, le portait vers 1027. Ces mentions
interpellent, dans la mesure où les données historiques sont minces. D’après
les documents de la Geniza du Caire, il semble qu’une tentative de
restauration de l’antique dignité fit long feu en Égypte à la fin du xie siècle,
ouvrant la voie à d’autres candidats à Bagdad40.
22 Quoi qu’il en soit, les données relatées dans le Sefer massa’ot sont
révélatrices des représentations culturelles de son auteur et du public à qui
l’œuvre était destinée, dans lequel la réalité du xiie siècle côtoie le mythe et
l’imaginaire.

La part d’imaginaire
23 Benjamin et son lectorat partagent des sujets d’émerveillement avec leurs
contemporains chrétiens et musulmans. En dépit des données sûres quant à
la réalité du xiie siècle des pays traversés, tout porte à croire à une
construction sédentaire du texte, rigoureuse toutefois, à savoir carte et
chronologie en main, comme l’atteste le soin avec lequel les insertions ont
été faites dans un état du texte supposé antérieur. Le nombre des notices
rapporté à l’espace foulé s’affaiblit considérablement à la fin de l’ouvrage. Il
est alors tentant de croire que l’entreprise est restée inachevée. Dans les
derniers folios de l’ouvrage, en effet, Benjamin passe sans transition de
l’Égypte à Messine, laissant possible l’insertion de boucles supplémentaires.
Si le Livre des voyages n’est pas le fruit d’un périple, il s’agit d’une
construction savante, élaborée sur un socle de connaissances largement
diffusées et admises, qui dévoile la richesse des sources mobilisées par son
auteur. Elles ont assurément une incidence sur l’évolution des thématiques
tout au long de l’ouvrage.
24 L’absence d’unité dans la toponymie renforce l’idée que le récit des
pérégrinations est avant tout le fruit d’une culture livresque diversifiée plus
que d’une expérience personnelle vécue. Le nom hébraïque ou biblique d’un
lieu est, en général, complété par le nom en usage dans la langue locale. Par
exemple, Montpellier est aussi appelée Har Gaash, l’Apulie Pul, ou encore
Fayoum Pithom. En revanche, Rhædestus est seulement indiquée par le
toponyme grec que l’on trouve chez Procope, tandis que le nom grec de
Gebal, Byblos, n’est pas mentionné. La connaissance de Procope ou encore
d’Hérodote est sans doute indirecte, par le bais des auteurs arabes, desquels
Benjamin tire l’essentiel de sa science sur le Levant et la Perse. On citera
notamment Muqaddasî, pour la description d’Acre, de Jérusalem et de la
mosquée de Damas, ou encore Idrîsî, dont les passages sur Tibériade, sur
Bagdad, sur la vallée du Nil et sur la pêche des perles à Katipha – cette
dernière étant elle-même peut-être inspirée de la description de Mas’ûdî –
concordent pleinement avec ceux de Benjamin. Il passe ainsi pour le
premier auteur non arabe à évoquer les Druzes à Sidon, par exemple41.
25 Mais les sources sont aussi et d’abord juives. Les responsa rabbiniques ont
sans doute été utiles à l’énumération des sommités talmudiques des
communautés évoquées. Surtout, l’essentiel des descriptions et récits sur
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Jérusalem et l’Égypte proviennent de la Torah. Bien que les sources


d’informations directes sur le Levant ne manquent pas dans le contexte des
croisades, les conceptions mythifiées conservent une bonne place42. Par
exemple, sur les Samaritains, Benjamin n’ajoute rien de plus que ce que l’on
peut lire dans le second livre des Rois43. Il enrichit les épisodes en Orient de
références à des anecdotes bibliques : la grotte de Macpéla, où Abraham
ensevelit Sarah, la Tour de Babel, la descendance de Sem, et en particulier
Térah, père d’Abram, ou encore la déportation d’Israël en Assyrie par le roi
Salmanasar44. Les Écritures sont parfois explicitement citées, dans le
passage sur l’Exilarque de Bagdad, en référence au sceptre de Juda,
notamment45.
26 Quant aux textes de l’exégèse, à savoir le Talmud et le Midrash, ils ont servi
à nourrir les passages sur la Mésopotamie, en particulier sur Soura, siège de
l’une des écoles qui participa à l’élaboration du Talmud de Babylone, dont le
chef Rav Ashi (352-427) amorça la mise en forme progressive, et sur Damas,
dont le palais comptait parmi ses merveilles la côte du roi géant Abramaz46.
27 Benjamin puise aussi dans la littérature juive, dans l’œuvre d’Abraham ibn
Ezra en particulier, pour le passage sur la secte des Epikursin à Chypre,
ainsi que dans celle de Flavius Josèphe, pour une partie de ses descriptions
de Rome et du phare d’Alexandrie. Mais il a aussi emprunté de nombreux
passages au Sefer Yossipon, attribué à Flavius Josèphe et considéré, tout au
long du Moyen Âge, comme un livre d’histoire, une source savante, et aussi
une source d’exégèse pour les derniers livres du Tanakh47. En réalité, il a
probablement été rédigé dans les Pouilles au ixe ou au xe siècle48. Benjamin y
satisfait, entre autres, son intérêt pour les sectes juives. Parmi les courants
« hétérodoxes » du judaïsme, le karaïsme a connu un souffle en péninsule
Ibérique au xiie siècle49. Il a suscité une levée de boucliers, dont on retrouve
l’écho dans le Sefer ha-kaballah ou Livre de la tradition d’Abraham ibn
Daud de Tolède (1161)50, ainsi que dans le Kuzari, ouvrage d’apologie du
judaïsme que Juda Halévi a achevé à Cordoue en 1140.
28 Dans ce dialogue imaginaire qui met en scène le roi des Khazars, Juda
développe une vive critique des Karaïtes, qui préconisaient la libre exégèse
personnelle51. Surtout, il fut le premier à développer une réflexion sur le
phénomène de l’exil52. Il connaissait les doctrines visant à expliquer l’essor
et le déclin des peuples par leur poids démographique et politique, ainsi que
par l’union de leurs diverses composantes. Mû par un souffle messianique, il
exposa sa conception du pèlerinage en Terre sainte, proche du modèle de
l’hégire d’Ibn Jubayr (1145-1217), conçu comme une entreprise de
restauration du judaïsme parfait53. S’il est fort probable que Benjamin et son
lectorat connaissaient ces textes, soulignons que le ton du Sefer massa’ot ne
trahit jamais de prise de position personnelle explicite et qu’il ne ressortit
jamais à la polémique. Benjamin souhaite, avant tout, plaire et divertir.

Conclusion
29 La démonstration selon laquelle le récit de Benjamin ne serait le fruit ni de
ses voyages ni de son observation personnelle, mais bel et bien la synthèse
ou compilation d’une culture riche et étendue, n’est pas destinée à établir la
preuve d’une duperie ou d’une imposture. Elle vise à nourrir l’idée que cet
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assemblage d’itinéraires et d’étapes soigneusement suturés, produit de


différentes strates de savoirs réalisé par une ou plusieurs mains, est d’une
autre nature que celle qu’on a bien voulu lui accorder jusqu’à présent.
Benjamin de Tudèle doit continuer à être pris au sérieux, mais au crible
d’une autre lecture, libérée des thèses apologétiques élaborées par
l’historiographie du xixe siècle. Le Sefer massa’ot est d’abord une
élaboration livresque adaptée aux besoins intellectuels et pratiques des juifs
de son temps.
30 Il n’évoque que secondairement l’actualité politique, pour inscrire
l’imaginaire dans le temps de la réalité. Il se préoccupe peu du contexte de la
croisade, tant surestimé par les éditeurs modernes et contemporains, qui
ont même cru y voir son principal moteur. Aussi écarterons-nous aisément
l’hypothèse farfelue et anachronique de Sandra Benjamin, selon laquelle
Benjamin aurait été tout aussi attentif aux événements qui se passaient en
Israël qu’un juif en diaspora au tournant du xxie siècle54 !
31 Le silence sur les juifs du Maghreb, chassés par les Almohades qui, à partir
de 1160, ont abrogé la djîzya, impôt en échange de la dhimmâ, est
significatif. Le Sefer massa’ot ne contient qu’une seule évocation de leur
exil, avec la mention de Rabbi Samuel et de son frère, fils d’un juif originaire
de Ceuta réfugié à Gênes55. Dans la première moitié des années 1160, en
effet, la famille de Maïmonide, qui fuyait Cordoue, ne resta que quelques
années à Fès, avant de partir s’implanter en Égypte en 1165 ou 1166. L’exil
des juifs du Maghreb vers Gênes, la Sicile, l’Égypte et Jérusalem a d’ailleurs
commencé quelques années avant l’ère almohade56. En le passant sous
silence, Benjamin n’entretient pas chez ses coreligionnaires le moindre
sentiment de vivre dans un monde dangereux, dans lequel le judaïsme
aurait été voué à disparaître.
32 Il ne s’intéresse pas plus à l’actualité économique. Contrairement à ce qui
est le plus souvent admis, Benjamin n’est pas un marchand. Il ne se
présente jamais comme tel, et il n’en a pas les préoccupations. Les
informations sur les produits échangés, sur les monnaies ou sur les relations
avec la clientèle locale sont inexistantes. S’il a utilisé les écrits des
négociants, ce n’est que pour indiquer les distances entre les lieux visités, en
parasanges ou en journées de voyage57, dans le seul but de renforcer la
crédibilité de son itinéraire. D’ailleurs, ses rares mentions relatives à la vie
commerciale ne résistent pas à la confrontation avec les documents de la
pratique, et en particulier avec ceux de la Geniza du Caire, d’après lesquels
les marchands juifs originaires d’Islam ne fréquentent plus du tout l’Europe
du Nord, contrairement aux dires de Benjamin. Si, au xiie siècle, le grand
marchand juif égyptien Halfon ibn Nethanel voyage et fait des affaires en al-
Andalus et au Maghreb et se rend en Inde avant de revenir en Occident
musulman, il ne séjourne pas une seule fois en chrétienté latine58. Enfin, il
est évident que le Sefer massa’ot n’a rien d’une œuvre poétique.
33 Au bout du compte, Benjamin a l’ambition de livrer une récapitulation de
l’étendue du monde juif, un tableau de la diaspora, de ce qui fait l’unité et la
pérennité du judaïsme, à savoir l’étude de la Torah et du Talmud. La mise en
scène du voyage a donc pour but, non de leurrer le lecteur, mais de se
présenter comme le narrateur du monde juif dans sa globalité, l’auteur de la

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mise en récit de sa réalité et de son unité. Sur la forme, son récit s’inscrit
dans la tradition arabe des traités de géographie conçus comme une
énumération de noms et de lieux dont il est rarement possible de se faire
une idée. Le Sefer massa’ot n’est pas une géographie descriptive. Il se
présente comme une géographie des itinéraires et des étapes, ainsi qu’une
géographie du dénombrement, dont le but est de souligner la pérennité du
monde juif en dépit de sa dispersion et de ses développements culturels
régionaux originaux. C’est un inventaire du connu, destiné à divertir et à
émerveiller le lecteur juif, en mobilisant le folklore et les légendes puisées
dans le patrimoine culturel juif, et dont Benjamin se fait le transmetteur.
34 Les déviances au sein du judaïsme ne sont pas niées, au contraire, mais elles
sont perçues comme marginales. Bien que le récit n’ait aucune dimension
polémique, Benjamin incarne implicitement le judaïsme rabbinique,
orthodoxe, qui se bat sur deux fronts depuis le xe siècle : à l’extérieur face
aux autres religions, et à l’intérieur face au karaïsme. De ce point de vue,
Benjamin s’inscrit dans le sillage de Saadia Gaon (882-942), dont l’œuvre
majeure, le Livre des croyances et des opinions, rédigé en arabe, est une
défense et une illustration des principes du judaïsme, ainsi que dans celui de
Juda Halévi.

Notes
1. Le fait qu’il ait grandi et qu’il ait été formé à Tudèle est considéré comme indiscutable.
Voir notamment Leroy Béatrice, Les Ménir. Une famille sépharade à travers les siècles
(xiie-xxe siècle), Anglet, Atlantica, 2001, p. 19.
2. Baer Yitzhak, A History of the Jews in Christian Spain, vol. 1., From the Age of
Reconquest to the Fourteenth Century, Philadelphie, The Jewish Publication Society of
America, 1966, p. 52-53 ; Leroy Béatrice, Le Royaume de Navarre. Les hommes et le
pouvoir, viiie-xve siècle, Biarritz, J & D éditions, 1995, p. 137-161 ; Carrasco Juan, Míranda
García Fermín et Ramírez Vaquero Eloísa, Navarra judáica, t. 1, Los Judíos de Navarra.
Documentos, 1093-1333, Pamplona, Gobierno de Navarra, 1994.
3. Baer Yitzhak, A History of the Jews in Christian Spain, op. cit., p. 65-66
4. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, Londres, Oxford University Press,
1907, p. 455. Graboïs Arieh, Les Sources hébraïques médiévales. Chroniques, lettres et
responsa, in Typologie des sources du Moyen Âge occidental, vol. 1, Génicot Louis (dir.),
Turnhout, Brepols, 1987, p. 27-28, qui classe le Sefer massa’ot au nombre des « récits de
voyages » ou itineraria juifs médiévaux.
5. Graboïs Arieh, Les Sources hébraïques médiévales. Chroniques, lettres et responsa, in
Typologie des sources du Moyen Âge occidental, vol. 1, Génicot Louis (dir.), Turnhout,
Brepols, 1987, p. 27-28, qui classe le Sefer massa’ot au nombre des « récits de voyages » ou
itineraria juifs médiévaux.
6. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., p. 1
7. Ce fut le travail réalisé au xixe siècle par Eliakim Carmoly et Joaquim Lelewel. Voir infra.
8. Zafrani Haïm, Juifs d’Andalousie et du Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, p.
52-53, bien qu’il fût précédé par le voyageur juif Eldad ha-Dani (880-940), dont l’œuvre a
pourtant connu une large diffusion, y compris en dehors des cercles juifs, et par Abraham
ibn Ezra (1092-1167).
9. Carmoly Eliakim, « Tour du monde ou voyage du Rabbin Pétahchia de Ratisbonne, dans
le xiie siècle », in Nouveau journal asiatique, VIII, 1831, Paris, p. 257-353.
10. Beazley Charles, The Dawn of Modern Geography, New York, Paul Smith, 1949, vol. 2,
et Harboun Haïm, Les voyageurs juifs du xiie siècle. Benjamin de Tudèle, Pétahia de

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Ratisbonne, Natanaël Hacohen, Aix-en-Provence, éd. Massoreth, 1986, vol. 1.
11. Wiener Meir, Das Buch Shevet Yehuda von Salomon Aben Verga, Hanovre, Carl
Rumper, 1855-1856, réimp. 1924, et Joseph Ha-Cohen, La Vallée des Pleurs. Chronique des
souffrances d’Israël depuis sa dispersion jusqu’à nos jours, Osier Pierre (dir.), Paris,
Centres d’études Don Isaac Abravanel, 1981.
12. Notamment les œuvres d’Ibn Jubayr (1145-1217) et Idrîsî (m. après 1154). Pour une
recension exhaustive avant 1050, Miquel André, La Géographie humaine du monde
musulman jusqu’au milieu du xie siècle, Paris, Éditions de l’Ehess, 2001.
13. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., respectivement p. 78, p. 10
et p. 32-33
14. Baratier Jean-Philippe, Voyages de Rabbi Benjamin, fils de Jona de Tudèle, en Europe,
en Asie et en Afrique, depuis l’Espagne jusqu’à la Chine, Amsterdam, Aux dépens de la
Compagnie, 1734.
15. Asher Adolph, The Itinerary of Rabbi Benjamin of Tudela, Londres/Berlin, A. Asher,
1840-1841, 2 vol.
16. Carmoly Eliakim, Notice historique sur Benjamin de Tudèle, suivi de Lelewel Joachim,
De l’examen géographique de ses voyages, Bruxelles et Leipzig, Kiessling et Cie, 1852.
17. Magdalena Nom De Deu José Ramon, « Testimonios arqueológicos del Oriente Próximo
reflejados en el Séfer-Massa`ot de Benjamín de Tudela (Siria-Palestina, Mesopotamia y
Egipto) », in Arbor, CLXXX, 711-712, mars-avril 2005, p. 465-488.
18. British Museum, Mss 27 089, acquis en 1865, qui contient, outre le Livre des voyages,
des écrits de Maïmonide, quelques midrashim, un commentaire de la Hagaddah de Joseph
Gikatilia et un extrait du commentaire d’Isaïe par Isaac Abravanel.
19. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela (op. cit.) qui servira de référence
tout au long de cet article.
20. Magdalena Nom De Déu José Ramon, Libro de Viajes de Benjamín de Tudela. Versión
castellana, introducción y notas, Barcelone, Riopiedras Ediciones, « Biblioteca Nueva
Sefarad », vol. VIII, 1989.
21. C’est l’hypothèse la plus communément admise, retenue notamment par Adler et
Magdalena Nom De Déu.
22. Harboun Haïm, Benjamin de Tudèle, 1165-1166/1172-1173, Aix-en-Provence, Éditions
Massoreth, 1998.
23. Carmoly Eliakim, Notice historique sur Benjamin de Tudèle, op. cit., p. 9
24. En vertu de la démarche prônée par Gautier Dalché Patrick, « Sur l’“originalité” de la
“géographie” médiévale », in Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans
l’écriture médiévale, Zimmermann Michel (dir.), Paris, École des Chartes, 2001, p. 131-143.
25. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., p. 25
26. Ibid., et Beinart Haïm, Atlas of Medieval Jewish History, Jérusalem, Carta, 1992, p. 44
27. Magdalena Nom De Deu José Ramon, Libro de Viajes de Benjamín de Tudela. Versión
castellana, introducción y notas, op. cit., p. 470
28. La datation et la durée du voyage restent néanmoins impossibles à préciser. David
Romano le situe entre 1159 et 1173 (Gran Enciclopèdia Catalana, Barcelone, vol. 3, p. 440)
et Cecil Roth estime sa durée entre cinq et quatorze ans (Encyclopedia Judaica, Jérusalem,
1972, vol. 4, p. 535).
29. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., p. 5 et p. 13
30. Aujourd’hui Nagara-Bouroun, sur la rive asiatique des Dardanelles
31. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., p. 2 et p. 4
32. Ibid., p. 2
33. Ibid., p. 3

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34. Ibid., p. 8 et p. 11
35. Ibid., p. 25 et p. 28
36. Ibid., p. 17, p. 15 et p. 20-21 ; la Byblos des Phéniciens et des Grecs, aujourd’hui Jbeil,
située à environ 40 km au Nord de Beyrouth.
37. Ibid., p. 54-55, et Goïtein Shelomoh, A Mediterranean Society, vol. 5, The Individual,
Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1971, p. 400-406
38. Ibid., p. 5-7, p. 11-14, p. 22-25 et p. 35-42.
39. Ibid., p. 29-30
40. Goïtein Shelomoh, A Mediterranean Society, op. cit., vol. 2, The Community, p. 23-40
41. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., p. 18
42. Cette tendance persiste même au-delà du Moyen Âge, en Italie en particulier, comme l’a
noté Fabrizio Lelli. Voir notamment « La percezione di Gerusalemme nel pensiero ebraico
italiano di età savonaroliana », in Vivens homo, 9/2, 1998, p. 331-349, et « Gerusalemme e
Terra Sancta : messianismo e luoghi sacri nell’immaginario ebraico agli inizi dell’età
moderna », in Amicizia Ebraico-Cristiana, 36, 2000, p. 30-42.
43. 2 Rois XVII, 29
44. Genèse XXIII, 9, Genèse XI, 1-9 et 26, 2 Rois XVIII, 9-11.
45. Genèse XLIX, 10
46. Midrash Raba XVI
47. Acronyme qui désigne la Bible juive, forgé à partir des titres de ses trois parties, à savoir
la Torah, les Nevi’im (Prophètes) et les Khetouvim (Livres historiques).
48. Flusser David (éd.), Jossipon. The Original Version. Ms Jerusalem 8°41280 and
Supplements, Jérusalem, Zalman Shazar Center, 1978.
49. Baer Yitzhak, A History of the Jews in Christian Spain, op. cit., p. 65
50. Cohen Gerson (éd.), A Critical Edition with a Translation of the Book of Tradition
(Sefer ha-Qabbalah) by Abraham ibn Daud, Londres, Routledge & Kegan, 1967.
51. Touati Charles, Le Kuzari. Apologie de la religion méprisée, Paris, Verdier, « Les Dix
Paroles », 2006.
52. Itzhaki Masha, Juda Halévi. D’Espagne à Jérusalem (1075-1141), Paris, Albin Michel,
« Présences du judaïsme », 1997, Baer Yitzhak, Galout. L’imaginaire de l’exil dans le
judaïsme, Paris, Calmann-Lévy, « Essai judaïsme », 1984, p. 88-90, et Zafrani Haïm, Juifs
d’Andalousie et du Maghreb, op. cit., p. 107-108 et p. 155-157.
53. Juda Halévi, Diwan, Arroche Yaacov et Valensi Joseph (éd.), Montpellier, Éditions de
l’Éclat, 1988.
54. Benjamin Sandra, The World of Benjamin of Tudela. A Medieval Mediterranean
Travelogue, Cranbury-Londres-Mississauga, Associated University Presses, 1995.
55. Adler Marcus, The Itinerary of Benjamin of Tudela, op. cit., p. 5
56. Hirschberg Haïm, A History of the Jews in North Africa, vol. 1, From Antiquity to the
Sixteenth Century, Leyde, Brill, 1974, p. 120, p. 137-139 et p. 165.
57. Pour un point sur les poids, monnaies et mesures évoqués dans le Sefer massa’ot, voir
notamment Magdalena Nom De Deu José Ramon, Libro de Viajes, op. cit., p. 41.
58. Goïtein Shelomoh, A Mediterranean Society, op. cit., vol. 1, Economic Foundations, p.
213.

Auteur

Juliette Sibon

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Consilium quaeritur a perito, , 2012
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Itineraria juifs du xiie siècle in Ritus
infidelium, , 2013
Tous les textes
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence
OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Référence électronique du chapitre


SIBON, Juliette. Benjamin de Tudèle, géographe ou voyageur ? Pistes de relecture du
Sefer massa’ot In : Géographes et voyageurs au Moyen Âge [en ligne]. Nanterre : Presses
universitaires de Paris Nanterre, 2010 (généré le 09 février 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pupo/1593>. ISBN : 978-2-8218-2682-3. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pupo.1593.

Référence électronique du livre


BRESC, Henri (dir.) ; TIXIER DU MESNIL, Emmanuelle (dir.). Géographes et voyageurs
au Moyen Âge. Nouvelle édition [en ligne]. Nanterre : Presses universitaires de Paris
Nanterre, 2010 (généré le 09 février 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pupo/1566>. ISBN : 978-2-8218-2682-3. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pupo.1566.
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Géographes et voyageurs au Moyen Âge


Ce chapitre est cité par
Fauvelle, François-Xavier. (2019) L'Exploration du monde. DOI:
10.3917/ls.bertr.2007.01.0061

Ce livre est cité par


Соuhаult, Pіеrre. (2020) Les hérauts d’armes et le savoir géographique (xve-xvie
siècles)1. Revue de géographie historique. DOI: 10.4000/geohist.1568
Čelkis, Tomas. (2019) Traveling in the Grand Duchy of Lithuania in the 16th–17th
Century. Mobility Conditions and Travellers’ Everyday Life. The Romanian Journal
for Baltic and Nordic Studies, 11. DOI: 10.53604/rjbns.v11i2_6
Соuhаult, Pіеrre. (2020) Les hérauts d’armes et le savoir géographique (xve-xvie
siècles)1. Revue de géographie historique. DOI: 10.4000/geohist.288

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