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Danzö le Ressuscité

Chapitre 1 : Le Guerrier du clan Sokaï

Les convives étaient effrayés. Tétanisés, même. Personne, dans la pièce n’osait
bouger. La fête s’était arrêté brutalement lorsqu’un invité surprise avait fracassé
la porte d’entrée du Palais de Jade avec une violence extrême, décapitant au
passage l’un des gardes à l’aide de son sabre. Il avait donné le ton de la scène
qui allait se jouer dans la vaste pièce dans laquelle il venait de pénétrer.

Les occupants du palais, tétanisés par la scène, s’étaient montrés très obéissants.
La tête du garde n’avait pas fini de rouler qu’ils s’étaient tous empressés de se
coucher au sol, priant pour ne pas finir dans le même état que celui qui gardait la
porte. La plupart des membres de l’aristocratie de l’île du soleil étaient là. La
crème des dirigeants locaux.

Il y avait même un des conseillers de Yamato Akubo, tout droit venu des Kyotän. Que
pouvait bien faire un des hommes de l’empereur sur cette petite île reculée de
l’archipelle ? N’avaient-il pas à faire dans la capitale ?Danzö était plutôt
surpris de le voir là. D’un pas lourd, l’homme en armure s’avança vers le notable
qui, comme la plupart des autres nobles de la fête s’était recroquevillé au sol en
position fœtal.

Un retour à l’enfance, en somme. Tous ces grattes papiers si fiers d’eux


d’ordinaire n’étaient plus que des ga-mins apeurés. Face contre terre. Le
conseiller Kimshi fermait les yeux, pareil à un petit garçon qui pensait que cela
le protégerait des monstres. Il se disait qu’il était en train de rêver. Que ce
n’était pas possible. Pourtant il était bel et bien en train de vivre un
cauchemar.

Le soldat des légendes, le samouraï des temps an-ciens, l’homme au masque doré
était là. Et il était là pour lui. Seule la lente respiration mécanique de Danzö
perçait le silence de mort qui régnait dans la salle. Une expression bien choisie
puisque celui qui qui s’avançait dans la direction du conseiller était un assassin
redoutable. Les légendes concernant Danzö Sokaï étaient nombreuses. Mais elles
avaient toutes un point commun. Elles disaient toutes que celui que l’on croyait
immortel était mort il y a une bonne dizaine d’années.

— « Conseiller Kimshi, qu’est-ce que vous faites ici, sac à merde ? »

L’aristocrate ne répondit pas.

Il était en état de choc. Lui qui espérait passer inaperçu semblait être une des
cibles de Danzö. Le fonctionnaire tremblait de tout son long.

— « Ne remuez pas trop, Kimshi, Django est très sensible aux vibrations… »

Soudain, un animal imposant passa sa tête à travers la porte défoncée quelques


instants plus tôt par Danzö et commença à s’avancer dans la pièce. Une grande
créature à écailles équipé d’une selle. C’était un Strangolin. Une espèce rare de
Pangolin géant domestique. Celui-ci était particulièrement grand. Django
appartenait à une longue lignée de montures magiques. L’animal s’approcha de Danzö
qui lui caressa la tête en balayant la pièce du regard.

— « Alors, Django… qui est-ce qu’on doit embarquer, déjà ? »

— « Vous n’embarquerez personne ! » S’exclama un jeune homme armé d’un sabre tout
en courant dans la direction de Danzö.
— « Ne fais pas ça, petit… » Murmura le guerrier aux longs cheveux blanc avant
d’armer à son tour son katana. Face à toute cette agitation, le strangolin arma sa
longue queue recouverte d’écailles et l’utilisa pour faire trébucher le jeune
téméraire qui avait eu la folie de défier Danzö.

— « Bien joué, Django. » Lança le guerrier à son animal de compagnie avant de


placer sa lame sous la gorge du jeune homme. C’était la seule personne ici présente
à ne pas présenter de traits Akubiens. Le jeune garçon ne semblait pas être
originaire de l’archipelle.

— « Battez-vous, lâche ! » s’exclama le jeune homme qui ne semblait pas plus


intimidé que ça par l’assassin.

— « Thomas, tais-toi ! Tu vas te faire tuer, imbécile ! » Lança la voix d’une


vieille femme depuis l’autre bout de la pièce. Quand il entendit le nom du jeune
homme, Danzö releva son sourcil gauche. Il enleva son grand chapeau plat et en
sortit un petit bout de papier, qu’il déplia.

— « Thomas et Yalberte Farewell, je présume ? »

— « Qu’est-ce que vous nous voulez ? » Demanda le jeune homme.

— « Vous êtes sur ma liste. Je vous embarque. » Répondit Danzö en retirant son
sabre de la gorge de Thomas.

Ce après quoi il s’approcha de son Strangolin et s’empara d’une fiole qui était
attaché à la selle de l’animal. Il sortit ensuite d’une de ses poches un bout de
tissus qu’il imbiba avec le contenu de la fiole, sous les regards à la fois
inquiets et interrogateurs des otages. Profitant de l’inattention de Danzö, Thomas
se releva brutalement et planta son sabre dans le corps du vieux guerrier.

Un rebondissement qui provoquât un certain entrain auprès des otages. Entrain qui
se changea en sidération quelques instants plus tard.

— « C’est très malpoli d’attaquer par derrière ! » S’exclama l’homme au masque en


se retournant, toujours avec le sabre planté dans le corps.

C’était comme s’il ne ressentait aucune douleur. D’un geste vif, il attrapa Thomas
par le col et plaqua contre son visage le tissus imbibé. Le jeune homme ne tarda
pas à perdre connaissance, tout comme certains des occupants de la pièce, qui ne
comprenaient pas pourquoi Danzö n’était pas blessé alors qu’un katana transperçait
son torse de part et d’autre.

— « Laissez mon petit-fils tranquille ! » S’exclama Yalberte tandis que Danzö


retirait de son corps la lame avant de l’essuyer avec le chiffon. L’arme n’était
que très peu imprégnée de sang.

Juste un léger filet. Danzö, à la fois amusé et blasé s’avança ensuite dans la
direction du conseiller Kimshi et plaqua contre son visage le chiffon. Le notable
tomba dans les pommes. Avec détermination, Yalberte se leva et s’avança vers
Danzö.

— « Hors de question que vous me fassiez renifler cette saleté ! »

— « Allons, ce n’est qu’un peu de sang mélangé avec une potion de sommeil… »
Répondit Danzö sur un ton nonchalant.

— « Ce n’est pas ça qui m’embête. C’est qu’il a touché le visage de ce rat de


conseiller Kimshi. »
— « Vous parlez de ce bon vieux Kimshi en des termes auquel je suis sensible… vous
me plaisez bien, vieille femme… Mais, voyez-vous, en dépit de ce point commun, je
dois tout de même vous endormir… »

Dans un geste aussi puissant que soudain, Danzö se propulsa dans la direction de
Yalberte et plaquât le chiffon imbibé contre son visage. La vielle femme ne tarda
pas à tourner également de l’œil. Le guerrier masqué prit la grand-mère sur son
épaule et la plaça sur le dos de Django. Il en fit de même pour Thomas et le
conseiller Kimshi, ce après quoi le samouraï balaya d’un regard glacial la salle,
l’air de dire « Surtout, ne tentez rien. Ou il vous en coûtera. » Danzö bondit
ensuite sur le dos de Django et la créature s’en alla d’un pas lent, tandis que le
pression retombait dans le palais.

Le questeur Kitano était un des plus fins limiers de la garde impériale. C’était un
enquêteur hors pair. Dès lors que l’enlèvement du conseiller Kimshi était remonté
aux plus hautes instances administratives du pays, Kyotän avait fait dépêcher
Kitano sur l’île du soleil.

Ceux qui connaissaient bien l’appelait le flicard boiteux. Ceux qui le


connaissaient encore mieux le commandant de la flasque. Kitano ne se déplaçait
jamais sans sa canne.

D’aucun disaient qu’elle abritait une lame empoison-née, information que le petit
protégé de l’empereur Yamato n’avait jamais démenti. Kitano avait égale-ment la
particularité de scruter régulièrement sa montre à gousset. C’était obsessionnel
chez lui. Mécaniquement, il sortait à heures fixes de la petite poche intérieure de
sa veste une flasque dont il buvait quelques gorgées du contenu avant de la
replacer dans sa poche.

Les personnes les moins bien informées pensaient que le petit récipient en métal
contenait de l’alcool. C’était faux. Kitano avait une sainte horreur de ce genre de
substance. Dans la charrette qui le conduisant au Palais de Jade, l’inspecteur
faisait face au lieutenant Satoshi, un soldat rattaché à la préfecture de l’île du
soleil.

Contrairement à Kitano, Satoshi était plutôt enveloppé. C’était un bon vivant. Il


adorait faire des haltes dans des échoppes et autres petits restaurants pour se
faire offrir des repas. La population l’appréciait plutôt bien. Sa hiérarchie un
peu moins. Il était plutôt fainéant.

Il lui arrivait parfois de rédiger de faux rapports de mission ou de patrouille, ce


qui lui permettait de prétendre qu’il faisait des choses qu’il ne faisait pas. Mais
un beau jour l’un de ses supérieurs l’avait remarqué. Il avait alors été assigné à
des missions où sa présence et sa rigueur pouvait être vérifiée. C’est pour cela
qu’on l’avait missionné pour accompagner Kitano.

— « Inspecteur, que diriez-vous de faire une petite pause pour déguster quelques
takoyakis chez Moboro ? »

— « Vous êtes suffisamment gros comme ça, Satoshi. » Répondit l’inspecteur du tac-
au-tac sans décoller son nez du journal impérial du jour.

— « Les nouvelles sont bonnes ? »

— « Pas aussi bonnes que vos takoyakis, Satoshi, mais heureusement aucun article ne
fait mention de la petite intrusion surprise d’un homme mort au Palais de Jade… »

— « Il faut croire que la censure fait bien son boulot. L’inspecteur Kitano baissa
son journal et plaça son regard au-dessus des deux petits lorgnons dorés qu’il
portait lorsqu’il lisait. Il lança d’un ton autoritaire typique des hauts-gradés
d’Akubo. »

— « Douteriez-vous de l’efficacité des services impériaux, lieutenant Satoshi ? »

Le soldat dégluti.

— « Non, pas du tout, questeur Kitano. C’est juste que… »

— « Juste que quoi, bougre d’âne ? »

— « Juste que parfois la censure est un peu grossière, monsieur. »

— « Plait-il ? » Demanda Kitano, finalement intrigué.

— « Eh bien, par exemple, lorsqu’il y a eu un tremblement de terre, l’été dernier,


aucun des journaux disponible sur l’île n’en ont parlé. Pourtant il y a eu au moins
six cent morts… »

— « Il ne faut pas décourager la population en temps de guerre... répondit Kitano


en reprenant sa lecture. »

— « Oui, peut-être, monsieur… mais les six-cent morts ont bien été listés dans les
rubriques nécrologiques. Le motif invoqué était généralement « mort au combat sur
le continent pour servir l’empire » ou bien encore « exécuté par les infâmes
Rockwelliens ». »

— « C’est plutôt malin, non ? »

— « Des femmes, des enfants et des vieillards qui n’ont jamais quitté l’île du
soleil ? Morts sur le continent ? »

— « Visiblement ces articles ne ciblaient pas spécifiquement les gens de l’île… »

— « Visiblement, monsieur. Mais tout de même… Kitano poussa un de ses grognements


caractéristiques. »

— « Si vous voulez une carrière et dans une moindre mesure une vie durable,
ne remettez pas trop en cause l’action de l’état. Voyez cela comme un conseil
amical, Satoshi. »

— « Vous êtes bien attentionné, monsieur. »

— « Juste prévoyant. Je n’ai pas envie de finir au bout du corde à cause de l’une
de vos bourdes. »

— « Je peux vous poser une question, monsieur ? »

— « Tentez donc. Poursuivit Kitano en tournant une page du journal. »

— « Comment vous faites pour savoir si ce que vous lisez dans ce journal est vrai ?

— « Disons que je lis entre les lignes… » Répondit le questeur sur un ton
mystérieux. Satoshi pouffa.

— « Allez, sérieusement ? Vous scrutez chacun de ces articles du Quotidien de


l’Empire avec tant de passion…
— « Je compare avec amusement, Satoshi. »

— « Vous comparez ? »

— « Étant donné mon rang dans l’administration j’ai accès aux véritables
informations. Je connais bien le discours officieux et je m’amuse à le comparer
avec le discours officiel. C’est un passetemps. Vous pouvez penser ce que vous
voulez de la censure, mais vous ne m’ôterez pas de la tête que ceux qui y travaille
sont très imaginatifs… »

Sur ces mots, le carrosse s’arrêta et le cocher indi-qua aux deux militaires qu’ils
étaient arrivé au Palais de Jade. Satoshi bondit en dehors du véhicule et pro-posa
son bras comme appui pour l’inspecteur Kitano qui, du fait de son « petit soucis de
jambe », était en difficulté quand il s’agissait de sauter sans se casser la
figure.

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