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Chapitre 7

Analyse hilbertienne

7.1 Espaces pré-hilbertiens


Définition 7.1. Etant donnés un espace vectoriel X sur K = R ou C, et une
application (·, ·) : X × X → K, on dit que (·, ·) est un produit scalaire sur X si
(i) ∀ u, v, w ∈ X, ∀α, β ∈ K,

(αu + βv, w) = α(u, w) + β(v, w)

(linéarité par rapport à la première composante)


(ii) ∀ u, v ∈ X,
(v, u) = (u, v)
(hermitivité)
(iii) ∀ u ∈ X \ {0},
(u, u) > 0
(positivité).

Un espace vectoriel muni d’un produit scalaire est appelé un espace pré-
hilbertien.

Lemme 7.2 (Inégalité de Cauchy-Schwarz). Soit X un espace pré-hilbertien,


alors
|(u, v)| ≤ (u, u) (v, v), ∀u, v ∈ X.

Démonstration. Si u ou v est égal à 0 l’inégalité est immédiate. Sinon, on pose

(u, v)
w := u − v
(v, v)

et par positivité on doit avoir (w, w) ≥ 0. En développant on obtient

|(u, v)|2 |(u, v)|2


0 ≤ (w, w) = (u, u) + 2
(v, v) − 2
(v, v) (v, v)

de sorte que (u, u) ≥ |(u, v)|2 /(v, v), ce qui entraı̂ne la conclusion.

69
Proposition 7.3. Si X est un espace pré-hilbertien alors l’application

· :X → R+
u→ (u, u)

définit une norme sur X.


Démonstration. Il est immédiat que λu = |λ| u quels que soient λ ∈ K et
u ∈ X, et que u = 0 si et seulement si u = 0. Pour l’inégalité de Minkowski,
notons que
2 2 2
u+v = (u + v, u + v) = u + v + 2Re(u, v)
2 2
≤ u + v + 2|(u, v)|
2 2
≤ u + v +2 u v
2
=( u + v ) ,

où l’on a utilisé l’inégalité de Cauchy-Schwarz pour la deuxième inégalité. La


conclusion suit.

Dans la suite, les propriétés topologiques relatives à un espace pré-hilbertien


sont entendues, sauf mention contraire, pour la norme associée définie ci-dessus.
Voyons quelques propriétés utiles liées à la notion de produit scalaire.

Proposition 7.4. Soit X un espace pré-hibertien. Alors


(i) Identité du parallélogramme :
2
u+v 2 u−v 2 u v 2
+ = + ∀u, v ∈ X.
2 2 2 2

(ii) Identités de polarisation :


Si K = R,
1 2 2
(u, v) = u+v − u−v ∀u, v ∈ X.
4
Si K = C,
1 2 2 2 2
(u, v) = u+v + i u + iv − u−v − i u − iv ∀u, v ∈ X.
4
Démonstration. Il s’agit d’un simple calcul où l’on remplace les carrés des
normes par les carrés scalaires.

Remarquons qu’il suit des identités de polarisation que la connaissances des


normes de tous les vecteurs de l’espace implique la connaissance de tous les
produits scalaires entre deux vecteurs quelconques de l’espace. Ceci est parfois
bien utile.

Corollaire 7.5. (i) Tout espace pré-hilbertien X est lisse et uniformément


convexe.
(ii) Le produit scalaire est une application continue de x × X → K.

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Démonstration. Soit u ∈ X \ {0} et v ∈ X. Pour ε ∈ R,
2 2
u + εv = u + 2εRe(u, v) + ε2 v 2 .

Dès lors, l’application ε → u + εv est dérivable en ε = 0 et


u
d · (u)(v) = Re( , v).
u

(notons qu’il s’agit toujours d’une application R-linéaire mais en aucun cas C-
linéaire) Il s’ensuit que X est lisse.
Pour l’uniforme convexité, il suit de l’identité du parallélogramme que si
u = v = 1 et u − v ≥ 2ε alors
u+v 2
≤ 1 − ε2 ,
2
d’où la conclusion.
Enfin, la continuité du produit scalaire découle par exemple de la continuité
de la norme et des identités de polarisation. En effet, si un → u et vn → v dans
X, alors un + vn 2 → u + v 2 , un + ivn 2 → u + iv 2 et ainsi de suite, ce
qui permet de conclure.

L’orthogonalité joue un rôle important dans l’étude des espaces pré-hilbertiens.

Définition 7.6. Une famille {ej }j∈J dans X est dite orthonormée si

(ej , ej ) = 1 ∀j ∈ J,
(ei , ej ) = 0 ∀i = j ∈ J.

Lemme 7.7 (Egalité de Pythagore et Inégalité de Bessel). Soit X un


espace pré-hilbertien et {en }n∈N une suite orthonormée dans X. Alors
(i)
k k
2
u = |(u, en )|2 + u − (u, en )en 2
∀u ∈ X, ∀k ∈ N.
n=0 n=0

(ii)
|(u, en )|2 ≤ u 2 , ∀u ∈ X.
n∈N

Démonstration. L’identité de Pythagore s’obtient simplement en développant


k
le terme u − n=0 (u, en )en 2 comme un carré scalaire. L’inégalité de Bessel
se déduit de l’inégalité de Pythagore par passage à la limite lorsque k → +∞
k
et en minorant le terme u − n=0 (u, en )en 2 par zéro.
k
Remarquons qu’en général le terme u − n=0 (u, en )en 2 ne tend pas vers
zéro lorsque k tend vers l’infini. Pour cela, il faut que la famille (en )n∈N “visite”
en quelque sorte toutes les dimensions de l’espace. Nous reviendrons plus loin
sur ce point en le précisant.

71
7.2 Espaces de Hilbert
Définition 7.8. Un espace de Hilbert est un espace pré-hilbertien complet.

Théorème 7.9 (Riesz-Fisher). Soit X un espace de Hilbert et (en )n∈N une


suite orthonormée dans X. La série n∈N αn en converge dans X si et seule-
ment si la suite (αn )n∈N des coefficients appartient à l2 (N, K), c’est-à-dire si
2
n∈N |αn | < +∞.
Démonstration. Puisque X est complet par hypothèse, la série considérée est
convergente si et seulement si elle est de Cauchy. Pour 0 ≤ m < p ∈ N, par
l’identité de Pythagore on a
p m p
2
α n en − α n en = |αn |2
n=0 n=0 n=m+1

de sorte que la série est de Cauchy si et seulement si la série réelle n∈N |αn |2
à termes positifs est de Cauchy. La conclusion suit de la complétude de R.
Etant donné une suite orthonormée (en )n∈N dans X Hilbert, on note Φ
l’application qui à u ∈ X associe la suite des produits scalaires (en dimension
finie on dirait des “composantes”) ((u, en ))n∈N , suite qui appartient à l2 (N, K)
par l’inégalité de Bessel. Il suit de la continuité du produit scalaire que si u =
n∈N αn en dans X alors Φ(u) = (αn )n∈N .

Définition 7.10. Une suite orthonormée (en )n∈N dans un espace de Hilbert X
est appelée une base hilbertienne, ou encore une suite totale, si
∀u ∈ X, si (u, en ) = 0 ∀n ∈ N, alors u = 0 ,

autrement dit si Φ est une injection de X dans l2 (N, K).

Théorème 7.11. Soit (en )n∈N une suite orthonormée dans X espace de Hilbert.
Sont équivalentes :
(i) (en )n∈N est totale.
(ii) ∀u ∈ X, u = n∈N (u, en )en .
(iii) ∀u ∈ X, u 2 = n∈N |(u, en )|2 .
La dernière identité est appelée l’identité de Parseval.
Démonstration. Supposons (en )n∈N totale. Comme par continuité du produit
scalaire et le caractère orthonormal de la suite (en )n∈N on a
∀u ∈ X, ∀j ∈ N, (u − (u, en )en , ej ) = (u, ej ) − (u, ej ) = 0.
n∈N

Puisque (en )n∈N est supposée totale, cela implique que u − n∈N (u, en )en = 0.
Dès lors, i) implique ii).
Supposons ensuite ii). Alors par l’identité de Pythagore,
k
2 2 2
u = (u, en )en = lim (u, en )en
k→+∞
n∈N n=0
k k
2
= lim (u, en )en = lim |(u, en )|2 = |(u, en )|2 ,
k→+∞ k→+∞
n=0 n=0 n∈N

72
c’est-à-dire iii). Enfin, si ii) est vérifiée et si (u, en ) = 0 pour tout n ∈ N, alors
par iii)
u 2= |(u, en )|2 = 0
n∈N

de sorte que u = 0.

7.3 Projection sur les convexes fermés


Le théorème qui suit est d’une grande utilité dans les applications, notam-
ment en optimisation.
Théorème 7.12. Soit X un espace de Hilbert et C ⊆ X une partie convexe
fermée et non vide. Quel que soit u ∈ X il existe un unique élément de C, noté
P u qui réalise la distance de u à C, autrement dit qui minimise la fonction

C → R,
v → v−u .

De plus, P u est caractérisé par les propriétés

P (u) ∈ C
Re(u − P u, v − P u) ≤ 0 ∀v ∈ C.

De manière géométrique, la deuxième propriété qui caractérise P u ci-dessus


signifie que l’angle entre les vecteurs u − P u et v − P u est obtus.
Démonstration. Soit (vn )n∈N ⊂ C telle que vn − u → d(u, C) lorsque n →
+∞. Par l’identité du parallélogramme on a, quels que soient n, m
(vn − u) − (vm − u) 2 (vn − u) + (vm − u) 2 1 2 2
+ = vn − u + vm − u
2 2 2
ou encore
(vn − vm 2 1 2 2 vn + vm 2
= vn − u + vm − u − −u
2 2 2
1 2 2
≤ vn − u + vm − u − d(u, C)2 ,
2
2
car par convexité de C, (vn + vm )/2 ∈ C. Dès lors, comme vn − u → d(u, C)2
lorsque n → +∞, on obtient que
(vn − vm 2
lim sup = 0.
n,m→+∞ 2

Il s’ensuit que (vn )n∈N est une suite de Cauchy dans X, et par complétude de
ce dernier qu’elle converge vers un élément que nous notons P u. Comme C est
fermé et que vn ∈ C pour tout n, on a aussi que P u ∈ C et par continuité
de la norme que u − P u = d(u, C). L’unicité de P u suit une nouvelle fois
de l’identité du parallélogramme, car si P u et P ′ u étaient deux minimiseurs du
problème ci-dessus, alors on aurait
P u + P ′u 2 1 2 1
−u = Pu − u + P ′u − u 2
− P u − P ′u 2
< d(u, C)2 ,
2 2 4

73
ce qui est impossible puisque (P u + P ′ u)/2 appartient à C.
Enfin, étant donné v ∈ C, pour chaque λ ∈ (0, 1) le vecteur (1 − λ)P u + λv
appartient à C de sorte que
2 2
0 ≤ (1 − λ)P u + λv − Pu − u
2 2
= (P u − u) + λ(v − P u) − Pu − u
= −2λRe(u − P u, v − P u) + λ2 v − P u 2 .
En faisant tendre λ vers 0+ on en déduit que
(Re(u − P u, v − P u) ≤ 0.
Inversement, si pour un certain P ′ u ∈ C on a Re(u − P ′ u, v − P ′ u) ≤ 0 pour
tout v ∈ C, alors par le même développement que ci-dessus et en prenant cette
fois λ = 1 on obtient
2 2
v−u − − P ′u − u 2
≥ v − P ′u 2
∀v ∈ C,
et par conséquent P ′ u réalise la distance de u à C.
Dans le cas particulier où C est un sous-espace vectoriel de X, les angles ne
sont plus seulement obtus mais droits.
Théorème 7.13. Soit X un espace de Hilbert et Y ⊆ X un sous-espace vectoriel
fermé. Il existe une application linéaire continue de X sur Y , appelée projection
orthogonale sur Y et notée ici P , telle que
∀u ∈ X, uP u = min v − u .
v∈Y

De plus, pour u ∈ X, P u est caractérisé par


P (u) ∈ Y
(u − P u, v) = 0 ∀v ∈ Y.
Démonstration. L’existence de P est assurée par le théorème précédent, et sa
linéarité découle facilement de la caractérisation qu’il nous reste à démontrer.
Pour cela, remarquons que si v ∈ Y, alors v + P u ∈ Y et par la caractérisation
du théorème précédent on a Re(u − P u, (v + P u) − P u) ≤ 0, c’est-à-dire Re(u −
P u, v) ≤ 0, et ce quel que soit v ∈ Y. En remplaçant v par −v, puis iv et encore
−iv, on aboutit à la conclusion que (u − P u, v) = 0 quel que soit v ∈ Y.
Ensuite, si P ′ u ∈ Y est tel que (u − P ′ u, v) = 0 quel que soit v ∈ Y , alors
toujours par stabilité de Y par addition on a que (u − P u, v − P ′ u) = 0 quel que
soit v ∈ Y et il suffit alors d’utiliser la caractérisation du théorème précédent.
Enfin, comme 0 ∈ Y on a u − P u ≤ u − 0 et donc P est linéaire
continue.

Exercice 7.1. Démontrer que si P désigne la projection orthogonale sur un


sous-espace vectoriel fermé comme ci-dessus, alors
P u ≤ u ∀u ∈ X.
Plus généralement, si P désigne la projection orthogonale sur un convexe fermé
non viode quelconque, alors
P u − P v ≤ u − v ∀u, v ∈ X.

74
Définition 7.14. Soit X un espace pré-hilbertien et S ⊆ X un sous-ensemble.
L’orthogonal de S, note S ⊥ , est par définition l’ensemble des éléments de X
qui sont orthogonaux à tous les éléments de S, autrement dit
S ⊥ = {u ∈ X t.q. (u, v) = 0 ∀v ∈ S} .

Il suit de la continuité du produit scalaire que S ⊥ est toujours un sous-espace


vectoriel fermé de X. D’autre part, si S1 ⊆ S2 dans X, alors on a S2⊥ ⊆ S1⊥ .
Lemme 7.15. Soit X un espace de Hilbert et Y ⊆ X un sous-espace vectoriel
fermé. Alors X est égal à la somme directe de Y et de Y ⊥ , i.e.
X = Y ⊕ Y ⊥.
Démonstration. Si u ∈ Y ∩ Y ⊥ alors par définition de Y ⊥ on obtient (u, u) = 0
de sorte que u = 0 et par conséquent la somme est directe. Ensuite, pour u ∈ X
on écrit u = P u+(u−P u) et par le théorème précédent on sait que u−P u ∈ Y ⊥ ,
ce qui termine la preuve.
Corollaire 7.16. Soit X un espace de Hilbert et Y ⊆ X un sous-espace vecto-
riel. Alors Y est dense dans X si et seulement si son orthogonal Y ⊥ est réduit
à zéro.
Démonstration. On applique le lemme précédent à Ȳ , de sorte que
X = Ȳ ⊕ (Ȳ )⊥ .
Par continuité du produit scalaire, on a toujours d’autre part
(Ȳ )⊥ = Y ⊥
(cette dernière égalité est valable pour un sous-ensemble quelconque). Ainsi,
X = Ȳ ⊕ Y ⊥
et la conclusion est maintenant immédiate.

7.4 Dualité et convergence faible


Dans le cadre hilbertien, la dualité et la convergence faible (que nous n’avons
abordée dans ces notes que dans le cas du dual d’un espace de Banach) prennent
une forme particulièrement simple.
Commençons par l’important
Théorème 7.17 (de représentation de Riesz). Soit X un espace de Hilbert
et f ∈ X ′ , alors il existe un et un seul u ∈ X tel que
f (v) = (v, u) ∀v ∈ X.
De plus, u est l’unique point de minimum de la fonction
X → R,
1 2
v→ v − Ref (v).
2
Enfin, l’application f → u de X ′ dans X est une bijection anti-linéaire isométrique.

75
On dit qu’une forme φ sur X est anti-linéaire si φ(αf + βg) = ᾱφ(f ) + β̄φ(g)
quels que soient α, β ∈ K et f, g ∈ X.

Démonstration. Si f ≡ 0 on peut choisir u = 0 pour ce qui concerne l’existence.


Sinon, Ker(f ) est un sous-espace vectoriel fermé et propre de X. Par le Lemme
7.15 on a
X = Ker(f ) ⊕ (Ker(f ))⊥
et il existe donc u′ = 0 dans (Ker(f ))⊥ . Pour chaque v ∈ X,

f f (u′ )v − f (v)u′ = f (u′ )f (v) − f (v)f (u′ ) = 0,

donc f (u′ )v − f (v)u′ ∈ Ker(f ) et donc aussi

(f (u′ )v − f (v)u′ , u′ ) = 0.

Autrement dit,
f (u′ )u′
f (v) = v, ∀v ∈ X,
u′ 2
et l’existence est par conséquent établie en choisissant u := f (u′ )u′ / u′ 2
.
Pour ce u, on a pour v ∈ X quelconque
1 2 1 2 1 2 1 2
v − Ref (v) = v − Re(v, u) = v−u − u
2 2 2 2
et la dernière expression est minimale si et seulement si v = u.
Le caractère anti-linéaire de l’application f → u est une conséquence de
l’hermitivité du produit scalaire. Son injectivité est immédiate et sa surjectivité
tient au fait que quel que soit u ∈ X l’application v → (v, u) est linéaire conti-
nue par l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Finalement, toujours par l’inégalité de
Cauchy-Schwarz

f = sup |f (v)| = sup |(v, u)| = u


v ≤1 v ≤1

de sorte que f → u est isométrique.


Le théorème précédent permet d’identifier un espace de Hilbert X de manière
canonique avec son espace dual X ′ . La définition suivante est alors compatible
avec celle déjà présentée dans le cas du dual d’un espace de Banach quelconque.

Définition 7.18. Soit X un espace de Hilbert. On dit que la suite (un )n∈N ⊂ X
converge faiblement vers u ∈ X, et on note u ⇀ u, si

∀v ∈ X, (un , v) → (u, v)

lorsque n → +∞.

Il suit des résultats du Chapitre 5, et plus particulièrement du Théorème de


Banach-Steinhaus que

Théorème 7.19. Toute suite faiblement convergente dans un espace de Hilbert


est bornée.

76
et que
Proposition 7.20. Toute suite bornée dans un espace de Hilbert séparable
possède une sous-suite faiblement convergente.

Il se fait que le caractère séparable peut être omis ici, et nous allons montrer
le

Théorème 7.21. Toute suite bornée dans un espace de Hilbert possède une
sous-suite faiblement convergente.

Démonstration. Soit (un )n∈N une suite bornée dans X. Le sous-espace vec-
toriel Y := sev {un }n∈N est fermé et séparable pour la topologie induite
(sevQ {un }n∈N en est un sous-ensemble dénombrable et dense), il s’agit donc
d’un espace de Hilbert séparable. La proposition précédente utilisée dans Y
garantit qu’il existe u ∈ Y et une sous-suite (unk )k∈N tels que

∀w ∈ Y, (unk , w) → (u, w)

lorsque k → +∞. Soit v ∈ X quelconque. On écrit v = P v + (v − P v) où P


désigne la projection orthogonale sur Y et comme (v − P v) ∈ Y ⊥ et que unk et
u appartiennent à Y , on a

(unk , v) = (unk , P v) + (unk , (v − P v))


= (unk , P v)
→ (u, P v) lorsque k → +∞ car P v ∈ Y
= (u, P v) + (u, v − P v)
= (u, v),

ce qui termine la preuve.

7.5 Convexité et optimisation


La convergence faible et la convexité se combinent de manière fructueuse
dans beaucoup de problèmes d’optimisation.

Théorème 7.22 (Banach Saks). Soit X un espace de Hilbert et (un )n∈N une
suite dans X convergeant faiblement vers u ∈ X. Alors il existe une sous-suite
(unk )k∈N qui converge fortement vers u au sens de Cesaro, c’est-à-dire telle que
un0 + · · · + unk
→u
k+1
fortement dans X lorsque k → +∞.

On remarque que
1 1 1
un0 + un1 + · · · + un
k+1 k+1 k+1 k
est une combinaison convexe des éléments un0 , · · · , unk .

77
Démonstration. Quitte à remplacer la suite (un )n∈N par la suite (un − u)n∈N
nous pouvons supposer que u = 0. On choisit premièrement n0 = 0. Ensuite,
soit k ≥ 1 fixé et supposons avoir construit nj pour 0 ≤ j ≤ k − 1. Comme
un ⇀ 0 par hypothèse, pour chaque j ∈ {0, · · · , k − 1} il existe mj ∈ N tel que

1
(unj , un ) ≤ ∀n ≥ mj .
k
On pose
nk := max (n0 , · · · , nk−1 , m0 , · · · , mk−1 ) + 1.
Par construction, la suite (nk )k∈N est strictement croissante et de plus
1
∀k ∈ N, ∀0 ≤ j < k, (unj , unk ) ≤ .
k
Nous allons vérifier que la suite des sommes de Cesaro associées à la sous-suite
(unk )k∈N converge fortement dans X vers 0. Pour cela, remarquons d’abord, cela
est une conséquence du Théorème de Banach-Steinhaus, que puisque (un )n∈N
est faiblement convergente,

sup un =: K < +∞.


n∈N

Ensuite, on développe
k k k
unj 2 unj unl
= ,
j=0
k+1 j=0
k+1 k+1
l=0
k 2 k j−1
unj (unl , unj )
= +2
j=0
(k + 1)2 j=1
(k + 1)2
l=0
k j−1
K2 2 1
≤ +
k + 1 (k + 1)2 j=1 l=0
j
2
K 2(k − 1)
= +
k + 1 (k + 1)2

et le dernier terme tend effectivement vers 0 lorsque k → +∞.

Nous avons alors les importants deux théorèmes suivants.

Théorème 7.23. Soit X un espace de Hilbert, C ⊆ X un sous-ensemble


convexe et fermé de X. Alors C est séquentiellement faiblement fermé au sens
où
X
un ⇀ u avec (un )n∈N ⊆ C ⇒ u ∈ C .
Démonstration. Par le Théorème de Banach-Saks, il existe une sous-suite (unk )k∈N
qui converge au sens de Cesaro vers u. Comme les termes de la suite de Cesaro
correspondante sont des combinaisons convexes des termes de (unk )k∈N et que C
est convexe par hypothèse, on déduit que cette suite de Cesaro est entièrement
contenue dans C. Comme par ailleurs cette dernière converge fortement vers u,
et que C est fermé pour la topologie forte, on déduit que u ∈ C.

78
Théorème 7.24. Soit X un espace de Hilbert, C ⊆ X un convexe fermé, et
f : C → R une fonction convexe et continue. Alors f est séquentiellement
faiblement semi-continue inférieurement, au sens où
X
un ⇀ u avec (un )n∈N ⊆ C ⇒ f (u) ≤ lim inf f (un ) .
n→+∞

En particulier, si C est borné ou si f est coercitive, au sens où f (u) → +∞


lorsque u → +∞, alors f atteint sa valeur minimale sur C. Si de plus f est
strictement convexe, alors cette valeur minimale est atteinte en un et un seul
point.
Démonstration. Par définition de la lim inf, il existe une suite (vn )n∈N extraite
de (un )n∈N et telle que

lim f (vn ) = lim inf f (un ).


n→+∞ n→+∞

Clairement, vn ⇀ u lorsque n → +∞. Par le Théorème de Banach-Saks, il existe


une suite (wn )n∈N extraite de (vn )n∈N telle que
w0 + · · · , w k
→u lorsque k → +∞.
k+1
Par continuité de f , on a donc
w0 + · · · , w k
f( ) → f (u) lorsque k → +∞.
k+1
Par convexité de f , on a par ailleurs
k
w0 + · · · , w k 1
f( )≤ f (wj ).
k+1 k+1 j=0

Comme limj→+∞ f (wj ) = lim inf n→+∞ f (un ), il est aisé de montrer que
 
k
1
lim  f (wj ) = lim f (wj ) = lim inf f (un ).
k→+∞ k + 1 j=0 j→+∞ n→+∞

Par passage à la limite dans les inégalités ci-dessus on aboutit ainsi a

f (u) ≤ lim inf f (un ),


n→+∞

ce que nous voulions démontrer.


Supposons maintenant que C soit borné ou bien que f soit coercitive sur C.
Dans l’un et l’autre cas, si (un )n∈N désigne une suite minimisante quelconque
pour f sur C alors nécessairement (un )n∈N est bornée dans X. Quitte à passer
à une sous-suite, nous pouvons donc supposer qu’il existe u ∈ X tel que un ⇀ u
lorsque n → +∞. Par le théorème précédent on déduit d’abord que u ∈ C, et
par le point précédent on déduit ensuite que

f (u) ≤ lim inf f (un ) = inf f (v).


n→+∞ v∈C

Par conséquent, u réalise le minimum de f sur C.

79
Finalement, si f est strictement convexe et si u1 et u2 sont deux points
distincts de C où f atteint sa valeur minimale alors (u1 +u2 )/2 ∈ C par convexité
de C et f ((u1 + u2 )/2) < 21 f (u1 ) + 12 f (u2 ) par convexité de f , ce qui contredit
le fait que f soit minimale en u1 et u2 . Par conséquent dans ce cas le minimum
de f sur C est unique.

Exercice 7.2. Montrer (cela a été utilisé implicitement dans la démonstration


précédente) que si (αn )n≥1 est une suite réelle convergente, dont on nomme α
n
la limite, alors la suite (βn )n≥1 définie par βn := n1 j=1 αj converge elle aussi
vers α.

7.6 Decomposition spectrale des opérateurs sy-


métriques compacts
Le but de la théorie spectrale est de décomposer un opérateur linéaire A :
X → X en une somme ou une séries d’opérateurs linéaires élémentaires, par
exemple des compositions d’homothéties et de projections orthogonales. Nous
nous restreignons ici à l’analyse des opérateurs symétriques compacts sur un es-
pace de Hilbert, la situation y est assez semblable à celle retrouvée en dimension
finie pour les matrices carrées symétriques.

Définition 7.25. Soit X un espace pré-hilbertien et A ∈ L(X, X). On dit que


A est symétrique (on dit aussi auto-adjoint) si

∀u, v ∈ X, (Au, v) = (u, Av).

Remarquons que si A est symétrique, alors quel que soit u ∈ X on a (Au, u) ∈


R. D’autre part, par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, pour une opérateur linéaire
quelconque A ∈ L(X, X) on a

|(Au, v)| ≤ Au v ≤ A u v ∀u, v ∈ X,

de sorte que
sup |(Au, v)| ≤ A .
u = v =1

Au
Par ailleurs, en choisissant v := Au lorsque Au = 0, et v quelconque de norme
1 sinon, on obtient

sup |(Au, v)| ≥ sup Au = A .


u = v =1 u =1

En résumé
A = sup |(Au, v)|.
u = v =1

Lorsque A est symétrique, on a la caractérisation plus forte suivante :

Lemme 7.26. Soit A ∈ L(X, X) avec X pré-hilbertien et A symétrique. Alors

A = sup |(Au, u)|.


u =1

80
Démonstration. Au vu du paragraphe précédent l’énoncé, il suffit de démontrer
que
α := sup |(Au, u)| ≥ sup |(Au, v)| =: β.
u =1 u = v =1

Soient u, v ∈ X avec u = v = 1. Quitte à multiplier u ou v par un scalaire


de module unité, on peut supposer que (Au, v) ∈ R+ sans changer la valeur de
|(Au, v)|. Dès lors, on a
1
|(Au, v)| = [(A(u + v), u + v) − (A(u − v), u − v)]
4
1 1
≤ |(A(u + v), u + v)| + |(a(u − v), u − v)|
4 4
α 2 2
≤ u+v + u−v
4
α
= 2 u 2+ v 2
4
= α,

où on a utilisé l’identité du parallélogramme. La conclusion suit en prenant le


supremum sur u et v de norme unité dans X.

Définition 7.27. Soit X un espace vectoriel notmé et A ∈ L(X, X). On dit que
λ ∈ C est une valeur propre deA s’il existe v ∈ X \ {0} tel que

Av = λv.
L’ensemble de toutes les valeurs propres de A est noté σp (A) et se nomme le
spectre ponctuel de A.

Proposition 7.28. Soit X un espace vectoriel normé et A ∈ L(X, X). Alors


(i) ∀λ ∈ σp (A), |λ| ≤ A .
(ii) Si X est pré-hilbertien et A symétrique alors σp (A) ⊂ R.
Démonstration. Pour i). Si v = 0 est tel que Av = λv alors
Av
= |λ|
v
et par conséquent |λ| ≤ A par définition de A .
Pour ii), si v = 0 est tel que Av = λv alors

λ(v, v) = (λv, v) = (Av, v) = (v, Av) = (v, λv) = λ(v, v)

et par conséquent λ = λ.
La caractérisation du Lemme 7.26 nous fournit un moyen élémentaire de
construire une suite de quasi vecteurs propres pour un certain λ1 = ± A :
Lemme 7.29. Soit X pré-hilbertien et A ∈ L(X, X) symétrique. Il existe λ1 ∈
{− A , A } et une suite (un )n∈N avec un = 1 pour tout n ∈ N t.q.

Aun − λ1 un → 0

quand n → +∞.

81
Démonstration. Soit (un )n∈N une suite maximisante pour le quotient de Ray-
leigh
sup |(Au, u)| = A .
u =1

Quitte à passer à une sous-suite, on peut supposer que

(Aun , un ) → λ1 ∈ {− A , A }.

Dès lors, on a
2
0 ≤ Aun − λ1 un = (Aun − λ1 un , Aun − λ1 un )
2
≤ A − 2λ1 (Aun , un ) + λ21
2
→ A − 2λ21 + λ21 = 0

lorsque n → +∞, d’où la conclusion.


En général, la suite de quasi vecteurs propres (un )n∈N peut ne contenir
aucune sous-suite convergente. La situation s’améliore dans le cas des opérateurs
compacts.

Définition 7.30. On dit que A ∈ L(X, X) est compact si l’image par A de la


boule unité de X est relativement compacte dans X. En particulier, l’image par
A de toute suite bornée dans X admet une sous-suite convergente dans X.

Proposition 7.31. Soit X pré-hilbertien et A ∈ L(X, X) symétrique et com-


pact, alors il existe λ1 ∈ { A , − A } qui soit une valeur propre de A.
Démonstration. Par le lemme précédent, il existe λ1 ∈ { A , − A } et (un )n∈N
t.q. un = 1 et Aun − λ1 un → 0. Comme A est compact et un = 1, la
suite (Aun )n∈N possède une sous-suite convergente. Comme Aun − λ1 un → 0,
la suite (un )n∈N possède elle-même une sous-suite convergente. Soit u une telle
limite. Par passage à la limite et continuité de A on obtient

u =1 et Au = λ1 u.

Lemme 7.32. Soit X pré-hilbertien et A ∈ L(X, X) symétrique. Soit e1 , · · · , en


une famille finie de vecteurs propres de A correspondant à des valeurs propres
λ1 , · · · , λn . Alors le sous-espace vectoriel fermé Y := (sev e1 , · · · , en )⊥ est
stable par A.
Démonstration. Soit u ∈ Y et e = α1 e1 + · · · + αn en ∈ sev e1 , · · · , en . Par
symétrie de A, on a
n
(Au, e) = (u, Ae) = αi (u, Aei )
i=1
n
= αi λi (u, ei )
i=1
= 0.

Il s’ensuit que Au ∈ Y.

82
Le principe de Poincaré consiste à construire les valeurs propres successives
de A par restriction à l’orthogonal des espaces propres déjà construits.
Théorème 7.33 (Principe de Poincaré). Soit X pré-hilbertien et A ∈
L(X, X) symétrique, compact et de rang infini. Alors il existe une suite de va-
leurs propres (λn )n≥1 et une famille orthonormée des vecteurs propres corres-
pondants (en )n≥1 t.q.
(i) La suite (|λn |)n≥1 est strictement positive et décroissante.
(ii) limn→+∞ λn = 0.
(iii) ∀n ≥ 1,
|λn | = max |(Au, u)|.
u∈X, u =1
(u,ej )=0 ∀j<n

Démonstration. La construction de λ1 et de e1 suit de la Proposition 7.31.


Supposons ensuite avoir construit λ1 , · · · , λn−1 et e1 , · · · , en−1 . Par le Lemme
7.32 la restriction de A à Yn−1 := (sev e1 , · · · , en−1 )⊥ envoie Yn−1 dans lui-
même. Par la Proposition 7.31 appliquée à la restriction de A à Yn−1 , il existe
une valeur propre de cette restriction, qui est bien sûr aussi une valeur propre
de A, que nous notons λn , et un vecteur propre correspondant, que nous notons
en et que nous pouvons supposer de norme unité. Par construction, en ∈ Yn−1 ,
de sorte que (en , e1 ) = · · · = (en , en−1 ) = 0. De plus, comme la suite (Yk )k≥1
est décroissante (au sens ensembliste), et que |λk | = A|Yk−1 , on déduit que
la suite (|λn |)n≥1 est décroissante. Comme A est de rang infini, A|Yk−1 ne peut
être identiquement nul et par conséquent chaque |λk | est strictement positive.
Pour terminer, il nous reste à vérifier que λn → 0 lorsque n → +∞. Si
ce n’était pas le cas, comme d’autre part (|λn |)n≥1 est décroissante, la suite
(λ−1 −1
n )n≥1 serait bornée, et il en irait donc de même pour la suite (λn en )n∈N .
−1
Comme A est compact, la suite (A(λn en ))n≥1 = (en )n≥1 devrait donc contenir
une sous-suite convergente. Mais √ puisque (en )n≥1 est orthonormée, par l’identité
de Pythagore on a en − em = 2 quels que soient n = m ≥ 1.
Nous en déduisons la décomposition spectrale :
Théorème 7.34. Soit X un espace pré-hilbertien et A ∈ L(X, X) compact
symétrique de rang infini. Alors avec les notations du théorème précédent, on a

A= λ n P en dans L(X, X),


n∈N

où Pen désigne la projection orthogonale sur la droite vectorielle sev en . Au-
trement dit,

Au = λn (u, en )en ∀u ∈ X.
n=1

Si de plus X est hilbertien, alors



u− (u, en )en ∈ Ker(A), ∀u ∈ X.
n=1

En particulier, si A est supposé de plus injectif, alors (en )n∈N est une base
hilbetienne de X.

83
Démonstration. Soit k ≥ 1. En reprenant les notations du théorème précédent,
on a
k−1
u− (u, en )en ∈ Yk−1 ,
n=1

et donc
k−1 k−1
Au − λn (u, en )en = A(u − (u, en )en )
n=1 n=1
k−1
≤ A|Yk−1 u− (u, en )en
n=1
≤ |λk | u

où on a utilisé la définition de λk et l’identité de Pythagore pour la dernière


inégalité. La conclusion suit en faisant tendre k vers +∞ et en utilisant le fait
que λk → 0 lorsque k → +∞. Si X est hilbertien, alors par l’inégalité de Bessel
la suite ((u, en ))n≥1 appartient à ℓ2 (N∗ , C) et par conséquent par le Théorème
de Riesz-Fisher la série n≥1 (u, en )en converge dans X. Par continuité de A,
on obtient

A( (u, en )en ) = (u, en )A(en )


n≥1 n≥1

= λn (u, en )en
n≥1

= Au

où on a utilisé la première étape pour la dernière égalité. Dès lors,



u− (u, en )en ∈ Ker(A).
n=1

Enfin, si Ker(A) = {0}, on obtient donc


+∞
u= (u, en )en , ∀u ∈ X,
n=1

c’est-à-dire que la famille orthonormée (en )n≥1 est une base hilbertienne de
X.

84

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