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Introduction :
Différents aspects tel que la fierté d’un travail ‘’bien fait’’, d’un ouvrage de ‘’très grande qualité’’ ou
les implications humaines et la notion de satisfaction de l’équipe édificatrice par rapport à l’ouvrage
sont abordés. Mais ces aspects, bien qu’essentiels, ne définissent pas à eux seuls la notion de Qualité
d’un ouvrage.
L’objectif n’est pas de critiquer mais bien de développer des pistes qui définissent la Qualité et
permettent de la mesurer.
La notion de Qualité est intrinsèquement liée à la notion de risques. Effectivement, le risque que
nous acceptons de prendre définit le niveau de qualité qui sera obtenu. Encore faut-il que le risque
soit connu et maitrisé…
Le long processus de construire comprend, du fait des nombreux acteurs impliqués, une
accumulation de risques qui devraient être déterminés et évalués à chaque étape du projet :
architecture, ingénierie, exécution. L’entrepreneur est souvent amené à assumer les risques pris par
d’autres. Malheureusement, ces risques sont généralement soit méconnus soit ignorés 1.
L’étanchéité à l’air représente un enjeu important et est un objectif qui semble parfois difficile à
atteindre. Les essais Blowerdoor effectués en cours ou en fin de chantier peuvent s’avérer
catastrophiques2. Les mesures correctives à prendre sont souvent difficiles à mettre en œuvre. Elles
nécessitent des démontages et créent de l’inconfort pour les occupants de l’immeuble.
Une évaluation du risque préalable à l’exécution et une liste de points d’attention et de contrôle
quant à l’exécution permettent généralement d’éviter la mise en œuvre de solutions coûteuses à
postériori.
Il en est de même pour l’étanchéité à l’eau, avec souvent des dégâts pour les finitions intérieures
des locaux3.
Les performances acoustiques, lorsqu’elles ne sont pas atteintes, sont extrêmement difficiles à
corriger et peuvent nécessiter le remplacement de parties d’ouvrage ou de façade.
En conclusion, au plus le risque pris est important, et il peut l’être par manque d’analyse ou de
connaissance, au moins bon sera le niveau de qualité atteint. Un faible niveau de qualité entrainera
des conséquences sur le long terme en matière de coût et d’image de l’entreprise.
1
‘’Mieux choisir, mieux préparer, mieux exécuter’’ : voir INSIDE n° 111
2
Expérience EJD : réalisation d’essais Blowerdoor sur les chantiers, en cours et en fin de chantier
Audit et méthodologie des essais Blowerdoor pour le chantier EDF à Saclay, France
3
Audit du bâtiment SOFAZ, à Bakou
Le niveau de qualité obtenu est directement lié au niveau de connaissance de l’équipe édificatrice,
tant au sein de l’entreprise que des conseils et du maître d’ouvrage.
Reconnaître nos limites, c’est aussi faciliter l’appel à de l’expertise externe, c.-à-d. savoir où se
trouve les personnes qui sont capables de nous aider.
Notions de Qualité :
Définir le terme Qualité revient à définir des critères objectifs pour concevoir un niveau de Qualité et
imaginer des outils qui permettent d’en mesurer le niveau.
Concevoir la Qualité ?
La Qualité, ou plutôt le niveau de qualité, peut se concevoir en fonction des 3 objectifs suivants :
Le niveau de Qualité idéal serait dès lors celui qui respecte les prescriptions normatives tout en
satisfaisant les utilisateurs pour un prix fixé.
Mesurer la Qualité ?
Le niveau de Qualité d’un bâtiment ou d’un ouvrage, et donc, la mesure de la Qualité, peut
s’apprécier selon les 3 perspectives suivantes :
Pour mesurer le niveau de Qualité, il faut définir des critères objectifs applicables à chaque ouvrage
ou bâtiment et qui permettent une comparaison impartiale. Ces critères peuvent être :
Les aspects normatifs, réglementaires et législatifs définissent des performances obligatoires dont le
niveau est défini soit par une norme soit par un règlement ou une loi. Le niveau de performance
devrait être précisé aux Cahiers des Charges du projet. A défaut, le niveau définit par la norme et le
règlement s’applique.
Un référentiel de performances peut soit figer les performances normatives requises soit déterminer
un niveau de performances différent, supérieur au minimum requis par les normes et règlements.
Dans le cas de performances conformes aux normes et règlements, ces performances sont
obligatoires. Par contre, dans le cas d’un niveau supérieur à celui des normes et règlements, les
performances deviennent volontaires et doivent être reconnues et acceptées par l’exécutant.
Une matrice de risques4 peut intégrer à la fois des performances normatives et/ou volontaires qui
définissent ainsi un niveau de Qualité.
La Qualité ne peut confondre les aspects obligatoires (normatifs et réglementaires) et les aspects
volontaires. Il existe donc une Qualité réglementaire et une Qualité volontaire.
Dans l’Union Européenne, les matériaux, produits et systèmes constructifs destinés à être incorporés
dans un ouvrage en génie civil ou en bâtiment doivent répondre aux exigences du Règlement
305/20115.
A ces 7 exigences s’en ajoute une autre, transversale : la durée de vie raisonnable (Economic
Working Life), c.-à-d. la conservation des performances pour un coût d’entretien et de maintenance
réduit.
Qualité réglementaire :
4
Matrice de risques : voir exemple de Jacques Delens
5
Les Règlements Européens sont publiés au Journal Officiel de l’Union Européenne et sont dès lors applicables
dans tous les pays de l’Union
La Qualité réglementaire peut se définir comme le fait de construire selon les Règles de l’Art en vue
de satisfaire les exigences normatives, réglementaires et/ou légales liées à l’acte de construire.
Les exigences normatives et réglementaires sont données par des normes, des Spécifications
Techniques reconnues (STS en Belgique, DTU en France…), une certification comme par exemple, un
agrément technique européen délivré par l’EOTA6.
Les exigences légales sont quant à elles définies par les réglementations EPB/PEB (Energy
Performances of Buildings/Performances Energétiques des Bâtiments), les lois relatives à la
protection incendie ou celles régissant les contrats entre parties7.
La hauteur de protection des garde-corps est définie par la norme NBN B03-004:2017 : c’est une
exigence normative et légale (sécurité des personnes vis-à-vis de la chute, au sens de la sécurité
définie par le Règlement 305/2011 de l’UE).
Certaines valeurs U de parois définies par des arrêtés ou décrets relatifs à la PEB sont des exigences
légales. Leur non-respect peut entraîner une sanction pénale (amende, emprisonnement).
Qualité volontaire :
La Qualité volontaire peut se définir comme le fait de construire dans les Règles de l’Art en vue de
dépasser les exigences normatives et/ou légales liées à l’acte de construire et en vue de promouvoir
des exigences de préservation de l’environnement, de confort, de qualité de vie et de santé et des
exigences organisationnelles.
La démarche d’une Qualité volontaire apporte aux parties une plus grande confiance quant au bon
déroulement de l’acte de construire : méthodes, produits, délais et contrats.
Les objectifs d’une démarche de Qualité volontaire sont pour l’entreprise une façon de se
différencier de ses concurrents et de valoriser son image d’efficience 8.
Cette démarche contribue à améliorer l’organisation de l’entreprise grâce à la gestion des risques :
identification des risques, mesures correctives, méthodes…, ce qui favorise une prise de décision
objective et un contrôle efficace.
Elle permet également une gestion des expériences et favorise le transfert des connaissances, ce qui
valorise les femmes et les hommes qui y travaillent.
6
EOTA (European Organisation for Technical Approval) : en l’absence de référence normative, l’agrément
technique européen permet de normaliser un matériau, un produit ou un système
7
En Belgique, l’Art. 1134 du Code Civil définit qu’un contrat entre parties doit être considéré comme la loi
entre celles-ci et définit dès lors les obligations et les droits des parties
8
L’efficience est la capacité de parvenir à un résultat avec un minimum de ressources : une action peut être
efficace mais pas efficiente si elle utilise des moyens disproportionnés
Dans le cadre de cette démarche volontaire, l’entreprise investigue et investit dans les matériaux, les
produits et les systèmes afin de les rendre plus efficients. Elle s’investit dans l’Innovation par la
recherche de nouveaux produits et de nouveaux systèmes.
De même, le fonctionnement même de l’entreprise peut être améliorer par les retours d’expérience,
le transfert de connaissances et la gestion des risques.
L’industrie manufacturière :
Dans le cas d’une voiture, chacune des pièces entrant dans sa construction est définie par sa
fonction, ses performances et sa conformité aux spécifications qui définissent à la fois son usage et
ses performances. L’assemblage des composants d’une voiture est défini par un processus industriel
qui définit chaque étape de cet assemblage. Ce processus doit être reproductible afin que chaque
voiture sortant de la chaine de fabrication présente les mêmes caractéristiques et les mêmes
performances.
Des outils de mesures de la qualité des produits manufacturés existent et ces systèmes de Qualité se
fondent sur l’utilisation de normes, de méthodes ou de procédures de travail et sur l’automatisation
des processus afin de minimiser les erreurs humaines10.
Cependant, dans le domaine du bâtiment et du génie civil, si certains éléments d’un ouvrage
peuvent être issus d’un procédé industriel, l’assemblage de ces éléments reste le plus souvent un
processus artisanal qui n’est que partiellement reproductible. La raison en est que chaque bâtiment,
chaque ouvrage de génie civil est un exemplaire unique dont la reproduction n’est pas envisagée. Il
ne paraît dès lors pas nécessaire de développer un système Qualité qui ne sera probablement pas
réutilisable ou reproductible.
Pourtant, des systèmes Qualité existent dans la construction, mais sont peu appliquer. Et s’ils le
sont, ces systèmes sont le plus souvent appliquer aux procédures et méthodologies plutôt qu’au
produit lui-même, le bâtiment, l’ouvrage de génie civil.
En outre, la notion de qualité peut être très différemment appréciée selon les intervenants :
ingénieurs et architectes n’ont pas les mêmes repères quant il s’agit de qualité.
Dans la construction, la notion de Qualité dépend des intervenants et les éventuels systèmes de
Qualité implémentés pour les projets peuvent se révéler très différents selon qui l’implante et selon
le projet. Certains processus existent qui ont principalement pour vocation à vérifier que les
9
Total Quality Management, 3° edition, Pearsons Education International, 2003, D. H. Besterfield, C. Besterfield-Michna, G.
H. Besterfield et M. Besterfield-Sacre, repris par Johanne Guay, La qualité dans la réalisation des projets de bâtiment, Le
Bulletin Revay, Vol. 29, N° 3, Novembre 2010
10
La Qualité dans la réalisation des projets de bâtiments, Le Bulletin Revay, op. cit.
procédures et les méthodologies constructives sont respectées sans nécessairement se préoccuper
du résultat final ou des besoins du client.
Un processus artisanal :
L’intégration de produits issus de l’industrie dans un bâtiment reste un procédé artisanal auquel
certains intervenants restent attachés, dans la tradition des maîtres-compagnons.
Pour l’artisan, la beauté du geste compte tout autant que le produit du geste et en ce sens, l’acte de
construire reste un acte artisanal. L’utilisation d’un référentiel Qualité, dans cet optique, ne se
justifie pas puisque c’est l’acte lui-même qui est un acte de qualité.
La notion de Qualité :
Sans s’attacher à la notion de Qualité volontaire, il est une Qualité qu’il est impératif de respecter,
c’est la Qualité réglementaire définie par des normes, des règlements ou des lois. La Qualité dans ce
cas consiste à construire en respectant les performances requises par l’arsenal normatif et légal.
Ne pas atteindre ces performances, c’est prendre un risque technique, financier et de délai.
Le risque :
L’évaluation des risques d’un projet et le niveau de risques accepté détermine le niveau de Qualité
qu’il sera possible de rencontrer, à condition que les risques techniques soient effectivement
évalués.
Une analyse des risques techniques selon un référentiel est indispensable afin de déterminer le
niveau de qualité du projet. Au plus grand le risque, au moins bon le niveau de qualité.
La connaissance :
En conclusion :
Bien que l’acte de construire reste un procédé artisanal, ou semi-artisanal, ce procédé est soumis à
tout le moins au respect d’une Qualité réglementaire et dans ce cadre, les risques par rapport aux
performances requises doivent être évalués et pris en compte. La prise en compte de ces risques
générera un Plan de Qualité propre à chaque projet et permettra d’atteindre le niveau de qualité
requis pour l’ouvrage.
C’est seulement lorsque la prise en compte du niveau de Qualité réglementaire est intégrée à
l’équipe de projet que ce niveau pourra être dépassé pour obtenir un niveau de Qualité volontaire
nécessairement supérieur au niveau réglementaire.
Références :
La Qualité réglementaire dans les bâtiments neufs d’habitation, Agence Qualité Construction AQC,
www.qualiteconstruction.com
Guide pratique des Règles de l’Art : Contraintes et signes de Qualité dans la construction, Michel
Procès, Olivier Haenecour, Thierry Loth, Editions Larcier
La Qualité dans la réalisation des projets de bâtiment, Johanne Guay, Le Bulletin Revay, Volume 29,
Numéro 3, Novembre 2010