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De Gaulle et l’Amérique latine - L’image du général de Gaulle à travers ... https://books.openedition.

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de Rennes
De Gaulle et l’Amérique latine | Maurice Vaïsse

L’image du général
de Gaulle à travers
la presse et les
écrivains latino-
américains
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Alvar de La Llosa
p. 235-268

Full text
« Dans mon enfance, ignorer le français c’était
presque être un analphabète. Au fil des années, nous
sommes passés du français à l’anglais et de l’anglais à
l’ignorance, y compris celle du castillan1. »
« La politique générale du gaullisme envers le Tiers
Monde et, plus concrètement, le voyage du général de
Gaulle en Amérique latine, ont plongé la droite latino-
américaine et la gauche européenne dans la confusion
et le désarroi2. »
1 Plus que de parler de De Gaulle et l’Amérique latine, il
conviendra ici de parler de l’Amérique latine et de Gaulle. Il
s’agira en quelque sorte d’inverser les perspectives, afin de
mieux les enrichir pour comprendre comment et pourquoi
l’accueil du général de Gaulle lors de ses déplacements de
1964, a été si triomphal. En somme, il s’agit de voir ce qui a
préparé cet accueil, c’est-à-dire de définir les réseaux latino-
américains qui présidèrent à la création d’une situation
d’attente, d’expectative vis-à-vis du Général.
2 La qualité de l’accueil, sa profondeur n’est ni concevable ni
compréhensible si on ne s’intéresse pas aux réseaux qui l’ont
construite et provoquée en créant dès l’époque de la Seconde
Guerre mondiale, une image de De Gaulle et de la France
Libre, et plus généralement de la France, jusqu’en 1969,
c’est-à-dire pendant presque trente années.
3 La particularité du moment historique latino-américain dans
le cadre de la guerre froide c’est que l’Amérique latine est – si
on nous permet l’euphémisme – déçue par la prestation
étasunienne, alors même que l’URSS est un modèle qui ne
convient pas, et qui de toute façon ne serait pas permis ;
reste donc l’expectative d’une troisième voie, ou plus

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précisément une seconde voie dans le cadre du Monde libre.


4 Le périple du général de Gaulle s’inscrit à la suite d’autres
voyages de personnalités politiques françaises qui, si elles ne
possédaient pas le prestige du Général et si elles
intervenaient uniquement dans le cadre restreint de la
défense de la position française qui refusait l’inscription de
l’affaire algérienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale
de l’ONU, n’en bénéficièrent pas moins de larges
répercussions dans la presse latino-américaine3. De Gaulle
est le premier président de la République française à se
rendre en Amérique latine4.
5 Il est, par ailleurs, intéressant de constater qu’en Amérique
latine, les intellectuels ont joué un rôle similaire à celui de
leurs homologues français. Tour à tour, ils ont pu être
hommes politiques, écrivains-journalistes et diplomates, ou
souvent, les trois à la fois… Les Chateaubriand, Gobineau,
Paul Claudel, Saint-John Perse, Paul Morand, Wladimir
d’Ormesson, Romain Gary eurent leur pendant parmi des
personnalités latino-américaines telles que Rubén Dario,
Alfonso Reyes, ou plus près de nous, Pablo Neruda, Alejo
Carpentier, Asturias, Octavio Paz, Carlos Fuentes. Même
enchevêtrement, donc, entre le rôle d’intellectuel et celui de
diplomate.
6 Les liens intellectuels entre la France et l’Amérique latine se
sont vus renforcés par l’existence d’écrivains français nés en
Amérique latine, tels Lautréamont, Jules Laforgue ou
Supervielle. Quant à l’intérêt latino-américain pour la
France, il passe avant tout par un intérêt pour sa culture,
pour son capital de représentation. L’équation France
= Liberté = Culture exista longtemps.
7 On s’intéressera donc ici tout particulièrement à quelques
moments historiques qui ont facilité l’échange de regards des
deux côtés de l’Atlantique : la Seconde Guerre mondiale, le
retour de De Gaulle aux affaires en 1958-1959, le premier
mandat du Général, la reconnaissance de la Chine populaire,

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les voyages latino-américains de De Gaulle en 1964 et la crise


de l’année 1968.

La Seconde Guerre mondiale


8 Pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment de leur
création, les réseaux de la France Libre bénéficièrent, dans
un premier temps, de l’expérience acquise par les réseaux de
solidarité qui avaient œuvré en Amérique latine pendant la
guerre d’Espagne. La guerre d’Espagne avait connu d’amples
répercussions en Amérique latine puisque les deux aires
géographiques partageaient un même passé historique, une
même langue – et par conséquent une culture commune – et
une même religion. Mais cette guerre avait aussi informé les
opinions publiques locales sur les destructions massives de
la guerre moderne et les dangers que courait la culture
européenne face au totalitarisme fasciste. La défense de la
culture passait donc par l’antifascisme, et vice versa.
Malraux fut un exemple éclairant qui eut tôt fait de
comprendre l’équation moderne. Par ailleurs, pour nombre
d’intellectuels latino-américains, la France restait une
seconde patrie intellectuelle.
9 Des 400 comités qui se formèrent de par le monde, 300
naquirent en Amérique latine. L’émoi provoqué par la défaite
française se lit dans le nombre de comités qui naquirent : 40
en Argentine, 42 au Chili, 35 en Colombie, 18 au Brésil d’où
Georges Bernanos, témoin dénonciateur de la barbarie
franquiste dans les îles Baléares, adressa au monde plusieurs
textes mémorables sur l’avenir du monde et de la culture
après la chute de Paris. Comme le rappelle Jean-Paul
Ollivier, « quelques-uns de ces organismes patriotiques
fonctionnèrent durant toute la guerre sans le concours
d’aucun Français. Nombreux sont ceux qui possédèrent leurs
propres journaux5 ».
10 Les réseaux de la France Libre ne furent pas uniquement
constitués de descendants de Français ou de Français

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résidant en Amérique latine6, mais, puisque, en qualité


d’étrangers, l’activité politique leur était interdite dans leur
pays d’accueil, diverses personnalités latino-américaines
(notamment des intellectuels qui avaient déjà en quelque
sorte « fait » de la politique au moment de la guerre
d’Espagne en exprimant leur solidarité avec la République
espagnole et ses intellectuels) devinrent les têtes visibles des
mouvements de solidarité7. En ayant déjà répertorié les
entreprises nationales qui commerçaient avec l’Allemagne ou
l’Italie – afin de les dénoncer et de les boycotter –, ces
comités avaient amplement avancé le travail. En 1943, ces
mêmes entreprises seront dénoncées par le Journal officiel
de la République française publié à Alger qui représentait la
preuve de la légitimité et de la continuité de la France en
exil8.
11 C’est donc tout naturellement que, quatorze mois après la
chute la République espagnole, les réseaux qui avaient
orchestré la solidarité avec celle-ci, se recyclèrent en prenant
la défense de la France9. Ces Comités auront leur
importance, puisque, comme on le sait, ils contribuèrent
fortement au financement des activités du gouvernement de
la France Libre installé à Londres10.
Carte 1. – « Les Comités nationaux de la France libre
dans le monde (5-20 août 1940) », établi à partir de
ministère des Affaires étrangères, Guerre
1939-1945, Londres-Alger, vol. 31, fol. 3-5, publié
dans «La France libre répond à l’appel. Naissance et
histoire du Comité national français (été 1940-été
1943) », Paris/la Courneuve, ministère des Affaires
étrangères et européennes, dans le cadre de
l’exposition organisée au cours des Journées du
Patrimoine, 17-18 septembre 2011.

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12 L’occupation de Paris, la capitale culturelle de l’Europe, fut


l’élément qui, parmi les intellectuels, déclencha le
mouvement de solidarité avec la France Libre11.
L’effondrement était tel que les intellectuels employèrent
une série d’images spectaculaires destinées à mieux faire
comprendre le cataclysme historique et l’ampleur du
désastre au public latino-américain. L’écrivain et critique
péruvien Luis Alberto Sánchez12 ne craignit pas de comparer
la chute de Paris à l’effondrement de l’empire aztèque ou de
celui des Incas sous l’action des conquistadors13… Vingt ans
plus tard, en 1964, devenu chef de l’opposition au président
péruvien Belaúnde, il reçut – en tant que président du
parlement – le général de Gaulle dans l’hémicycle et, en
réponse au discours du président français, après avoir fait le
panégyrique de la Latinité, il se déclara partisan d’un bloc
latin14.
13 Très rapidement, ces réseaux solidaires créèrent des revues.
Ainsi, dès juillet 1940, on vit paraître à Buenos Aires la revue
Pour la France libre, qui possédait aussi une édition en
espagnol. Elle publia le « programme du Comité de Gaulle »
dont le sous-titre est éloquent : « Le programme de De
Gaulle tient en un mot : vaincre. Le nôtre est : l’aider à

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vaincre ; les moyens : lui apporter le maximum d’appui


moral et matériel15. » Et l’appel concluait : « Jusqu’alors le
Comité de Secours nous demandait des jeux de cartes, des
livres, des ballons de football pour nos soldats. De Gaulle
nous demande des tanks, des avions, des bombes. Nous
préférons sa méthode. » On rappelait les mots de Paul
Reynaud : « La force c’est résister… » Quant à l’Angleterre,
« championne du droit », il convenait de soutenir son effort,
« sa lutte gigantesque », par la parole et la plume. Par la
propagande, il fallait la faire mieux connaître, pour mieux la
faire aimer. Et l’article de conclure : « Notre avenir dépend
de sa victoire, son combat est le nôtre16. »
14 Création de revues donc, mais aussi utilisation de revues
préexistantes en attendant de « s’emparer » de la direction
des revues des colonies françaises installées en Amérique
latine, telles Chantecler ou Francia au Venezuela. Ainsi, dès
le 25 juillet 1940, Adriana Piquet retraçait dans le numéro 21
d’Argentina Libre, la première journée de l’installation du
comité De Gaulle. Elle finissait son long article par un
entretien avec son président, Albert Guérin, échange auquel
finirent par participer d’autres anciens combattants de la
Première Guerre mondiale17.
15 Parallèlement, surgit une série de brochures de propagande,
émanant directement des Comités français, destinées à
prouver l’existence d’une autre France, opposée à Vichy, une
France combattante, capable de relever la tête puisqu’elle
possède la richesse coloniale et une force militaire
conséquente, notamment des blindés. Cette présence
renforce la construction de l’image de De Gaulle, et légitime
la position du Général qui avait servi dans cette arme.
Illustration 1a. – « Las Fuerzas de Francia libre »,
brochure en espagnol, sans date, ni lieu de
publication, 26 p.

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Illustration 1b. – « Las Fuerzas de Francia libre »,


brochure en espagnol, sans date, ni lieu de
publication, 26 p.

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Illustration 2. – « Por la voz del General de Gaulle la


Francia que lucha habla al Mundo » (« Par la voix du
général de Gaulle la France qui se bat parle au
Monde »), double page publiée par le Comité
français de La Havane, Cuba, 1942, imprimerie
« litografía de la calle O’Reilly ».

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16 De sorte que l’on retrouve les signatures des écrivains


argentins Jorge Luis Borges ou Victoria Ocampo dans divers
manifestes destinés à pousser les gouvernements locaux à
rompre avec Vichy et à considérer le gouvernement constitué
à Londres comme le seul représentant légitime de la France.
Les éditions Sur de la même Victoria Ocampo publient une
édition de Vers l’armée de métier sous le titre de El ejército
del porvenir (L’Armée du futur) dès 194018, renforçant par ce

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titre la légitimité de De Gaulle qui avait donc vu juste. Un an


plus tard, l’ouvrage bénéficie d’une édition au Brésil, avec un
titre un peu plus hasardeux : E a França teria vencido (Et la
France aurait vaincu)19. Dès 1941, face aux affirmations
portées par les agences de presse anglo-saxonnes, sous le
couvert des éditions Nivert, Sur se charge de diverses
publications destinées à expliquer le point de vue français
sur certains événements20.
Illustration 3. – El Ejército del porvenir, Buenos
Aires, Sur, 1940, 159 p., traduction de Ricardo Baeza
de Vers l’armée de métier.

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17 Financement, presse, propagande et mondanités allaient


parfois de pair. Ainsi, en février 1942, le club de France de
Mexico organise un banquet pour 3 000 personnes, parmi
celles-ci, le président de la République mexicaine, le ministre
mexicain des Affaires étrangères et le gouverneur du district
de Mexico sont présents. Blasons, ballons, drapeaux et,
comble de la modernité, un immense V de la victoire inscrit
en néons ornent la salle où un énorme portrait du président

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mexicain autographié est offert dans une tombola. La soirée


est suffisamment splendide pour attirer l’attention de la
presse qui y consacre une demi-page, et la liste des
participants, appartenant à la haute société mexicaine,
montre l’importance qu’il faut accorder à la cause. L’argent
recueilli par la vente du portrait et les 5 pesos d’entrée par
participant – coquette somme pour l’époque – est offert à la
cause de la France indomptée, celle qui se bat21.
18 L’action développée en faveur de la France Libre par le
Guatémaltèque Miguel Ángel Asturias est connue22. Député
fédéral chargé de missions diplomatiques, il fonda le Comité
de la France Libre au Guatemala23 et consacra les sommes
recueillies par la vente de l’une de ses plaquettes de poèmes
sortie des presses un 14 juillet 1942 – El rehén entre los
dientes (L’otage entre les dents) – au financement des
activités de la France Libre. Il expliqua, plus tard, que le
III Reich ayant érigé le racisme en doctrine d’État, le
e

Continent métissé ne pouvait que se préoccuper de l’avancée


nazi-fasciste : « Nous aurions été pris comme de la chair à
sacrifier dans les mines, dans les exploitations agricoles,
dans les terrains pétrolifères, dans les constructions
gigantesques conçues par des cerveaux déformés par la
mégalomanie et par le crime24. »
19 À l’instar de Gilbert Médioni, Jacques Soustelle entra en
contact avec le poète et diplomate chilien Pablo Neruda25 qui
venait tout juste d’arriver à Mexico le 16 août 1940 pour
occuper son poste de consul, provenant de Paris après avoir
fait un détour par le Chili, le temps de recevoir les
instructions de sa hiérarchie26. Ainsi, Neruda prit contact
avec les Français libres avant d’avoir eu des contacts officiels
avec ses homologues britanniques et étasuniens, et il facilita
le contact des Français libres avec le président Ávila
Camacho par l’intermédiaire de peintres mexicains, comme
David Álfaro Siqueiros, qu’il avait connu pendant la guerre
d’Espagne, ou de syndicalistes comme « le tout-puissant27 »

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Vicente Lombardo Toledano. En Argentine, les syndicats se


mobilisèrent pour collecter des fonds en faveur de la France
Libre et ils développèrent leur propagande afin que chaque
ville et chaque village nommât une de ses rues « Marinos de
Francia » en l’honneur des marins français qui à Toulon
s’étaient sacrifiés plutôt que d’accepter le déshonneur28.
20 Le rapprochement entre les intellectuels et le CNFL était
parfois éclatant. Manuel Beltrán, directeur de l’École des
beaux-arts et professeur de lettres à l’université, fondateur
de l’Association culturelle péruano-française, demanda au
délégué du comité français d’assurer la présidence d’honneur
d’une organisation qui se proposait de réaffirmer les liens
politiques et culturels avec la France, nation qui avait assuré
au Pérou « les fondements de son organisation politique et
les bases de la vie sociale », aussi était-il « souhaitable de
bénéficier de cet héritage et d’accroître cette influence29 ».
L’étape suivante fut la reconnaissance du gouvernement de
Londres ou d’Alger par les gouvernements latino-américains.
Dès lors, passant par les canaux diplomatiques traditionnels,
les relations d’État à État se développèrent, et les
intellectuels ne jouèrent plus qu’un rôle de propagandistes
dans la presse locale, voire d’appui à la politique officielle de
leur pays.
21 Autant la chute de Paris avait stupéfait nombre
d’intellectuels, autant la Libération de la Ville lumière
provoqua l’enthousiasme, voire l’exaltation. La Libération de
Paris et la victoire de 1945 furent l’occasion de reconstruire
une image de la France très abîmée par la crise de 1929-1931,
la défaite de 1940, l’Occupation et surtout la collaboration du
régime de Pétain. Cette œuvre de reconstruction fut une
tâche qui incomba aux réseaux d’aide à la France indomptée
autant qu’aux intellectuels francophiles. Si la Libération fut
l’occasion de reconstruire une image de la France, elle fut
aussi le moment privilégié de la construction de l’image de
De Gaulle en Amérique latine30. À Buenos Aires comme à

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Montevideo, les scènes de liesse furent nombreuses et


impressionnantes31. En août 1946, l’ambassadeur français
Gilbert Arvengas fut ravi par l’exposition d’une centaine de
dessins d’enfants de six pays sud-américains, présentée à
l’université du Chili autour d’un thème officiel : la Libération
de Paris32. Le poète mexicain Alfonso Reyes souligna que la
libération de Paris avait lieu juste après la libération de
Rome, l’autre Mecque éternelle de la culture, et il exprima sa
dette intellectuelle envers une France où il avait été
ambassadeur entre 1924 et 192733. Dans un long texte, il
invita les Français à ne pas oublier les relations que depuis
longtemps la France et le Mexique avaient tissées.
22 À la même époque, en 1944, le Paraguayen Augusto Roa
Bastos se rendit en Europe sur un Liberty Ship, un de ces
navires ravitailleurs qui depuis l’Argentine transportaient du
blé et de la viande destinés aux armées libératrices et aux
populations affamées du Vieux Monde. L’année suivante, par
l’intermédiaire de Malraux, Roa Bastos obtint un entretien
avec le général de Gaulle qui fut publié dans La Nación de
Buenos Aires34. Mais on ne peut oublier que, dès le 23 février
1942, le Général accorda un entretien au journaliste
mexicain Manuel González Montesinos, fils d’un président
de la République mexicaine, et lui-même ancien combattant
de la guerre de 1914-1918, soldat de Verdun35. L’entretien
semblait, comme on le verra, préparer une visite officielle du
général de Gaulle à Mexico, prévue pour la fin 1942, ou le
début 1943, à la suite de l’invitation faite par Roosevelt…
23 À la Libération, en Amérique latine, les comités propagèrent
une nouvelle image de la France et de sa reconstruction.
À Cuba, la famille Bacardí Moreau, propriétaire des
rhumeries de Santiago de Cuba, et dont un des membres
était alors un des meilleurs historiens de la guerre
d’Indépendance, avait financé les comités de la France Libre.
En septembre 1944, à La Havane, l’avocat cubain Henri
Torres prononça une conférence intitulée « La France

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éternelle », à laquelle assistèrent plusieurs membres du


gouvernement et du corps diplomatique. Il s’attacha « à
détruire la légende de la prétendue décadence de notre
Pays » notait l’ambassadeur français. Torres avait aussi
« exalté la résistance française » et avait dit « son admiration
pour la personnalité du général de Gaulle36 ». La conférence
fut entièrement reprise dans la presse havanaise37. Il en allait
de même au Mexique où le CNFL céda la place à une
Sociedad de Amigos de Francia. Parmi les membres
d’honneur de l’association, on retrouvait les grands peintres
muralistes, des musiciens, des diplomates, des intellectuels
et des syndicalistes38. Partout, le 14 juillet recommença à être
fêté avec éclat, et la presse profitait de l’occasion pour saluer
l’action politique du général de Gaulle qui avait redonné à la
France sa dignité conquise en 1789, au point qu’à La Havane,
El País publia deux années de suite un montage reproduisant
le tableau qui représente la prise de la Bastille et l’arrestation
du gouverneur de Launay, surmonté d’une immense croix de
Lorraine39.

La traversée du désert
24 Dans le courant des années 1950, les intellectuels vont
commenter la publication des Mémoires du Général. En
juillet 1957, elles sont saluées par le romancier et
musicologue cubain d’origine française, Alejo Carpentier, qui
les compare à celles de Stravinsky et de Darius Milhaud40.
Plus étonnant encore, un Colombien, qui ne savait pas qu’il
serait prix Nobel en 1982, Gabriel García Márquez, publia en
septembre 1956, à peine arrivé à Paris, un article au titre
accrocheur : « De Gaulle est-il l’auteur de son livre41 ? »
L’article est, en fait, un prétexte pour passer en revue la
littérature française de l’époque et finalement saluer le style
du Général qu’il considère être exceptionnel, un livre
« extraordinairement bien écrit », dit-il, et il le compare aux
Mémoires de Churchill (il ne sera pas le seul à le faire).

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García Márquez affirme que le style du Général


décontenance, il parle « d’une rédaction simple, directe et
intelligente propre de celle d’un professionnel des lettres »,
et finalement, il compare le style du Général à celui
d’Homère, mais, selon lui, de Gaulle « est un trouvère des
temps modernes », et il ne cache pas son admiration pour
son art littéraire de conter l’Histoire.
25 À Mexico, la publication des Mémoires par le quotidien
Novedades coïncida avec la crise algérienne de février 1960,
ce qui permit de souligner l’œuvre du Général, sa fermeté
envers « les activistes et les fascistes42 », termes qui
curieusement seront repris par la presse de droite comme de
gauche et qui permettront de souligner l’autorité imposée
par le président français sans compromettre pour autant sa
politique d’autodétermination. À Buenos Aires, une grande
plume de la littérature argentine, Ernesto Sábato, préfaça
l’ouvrage de Jean Milleret – compagnon de la Libération, ex-
colonel et dirigeant de la Résistance, et l’un des premiers
biographes de Jorge Luis Borges – affirmant qu’il avait lu
toutes les œuvres du Général qu’il considérait être « une des
personnalités les plus fascinantes de l’histoire de notre
temps43 ».

Le retour de De Gaulle aux affaires en


1958-1959
26 Qu’en est-il lors du retour de De Gaulle aux affaires en
1958-1959 ? Vue de l’Amérique latine, la politique
européenne est illisible, mais plus encore la politique
intérieure de la France de la IV République qui est empêtrée
e

dans l’affaire algérienne. Et cette difficulté de


compréhension augmente plus encore, quand les dépêches
des agences de presse étasuniennes prétendent l’expliquer…
Face à cette difficulté de lecture et de compréhension, les
rédactions des grands journaux latino-américains font appel
à des journalistes espagnols, des républicains exilés qui, de

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par leurs origines, deviennent en quelque sorte des


spécialistes des affaires européennes, et qui s’attachent à
démonter ce que transmettent les agences étasuniennes.
27 L’ancien ministre des Affaires étrangères de la République
espagnole, Julio Álvarez del Vayo, qui avait participé à la
conférence de San Francisco en 1945, devint, de par sa
connaissance des relations internationales, un spécialiste
écouté qui salua le retour de De Gaulle au pouvoir44. Il
expliqua sa politique de décolonisation dans une presse
latino-américaine à laquelle il manquait des éléments
nécessaires pour porter un jugement de qualité, notamment
dans La Nación de Buenos Aires. Ses appréciations furent
saluées par la diplomatie française. Face à l’inconnu de ce
que serait la politique du général de Gaulle dans ce contexte
difficile de la guerre d’Algérie, ces journalistes, en particulier
Enrique Meneses – que les Français connaîtront bien
puisqu’il deviendra grand reporter à Paris Match – et Jaime
Miravitlles – qui dès la fin avril 1958, envisageait « un
possible rappel du général aux affaires », et que l’ambassade
de France à Mexico considérait comme « familier avec nos
problèmes45 » – vont expliquer l’avenir de la France sous de
Gaulle à l’aune de ce qu’a été la politique ou la pensée du
Général.
28 Ainsi ceux qui, selon l’expression employée par les
diplomates français de l’époque, sont des « amis de la
France », vont divulguer la pensée du général de Gaulle,
expliquant ce que sera la politique d’Outre-mer de la France
en se rapportant à ce qui a été dit à Saint-Louis du Sénégal,
et ce que sera la politique intérieure de la V République en
e

citant le deuxième discours de Bayeux. C’est-à-dire, en fait,


expliquer l’avenir par le passé.
29 Et puis, en cette fin des années 1950, il y a toujours la figure
rassurante de Malraux46, qui apparaît comme l’ami du
monde hispanique depuis l’époque de la guerre d’Espagne,
notamment avec son escadrille et L’Espoir, l’homme engagé

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dans la Résistance, et l’ami de l’Amérique latine avec son


voyage précurseur en 1959 et les excellentes relations qu’il
sut maintenir avec l’intelligentsia argentine, notamment par
le biais de la revue Sur et de sa directrice, Victoria Ocampo47.
Il sera aussi l’organisateur des grandes expositions d’art
mexicain, telle celle du Petit-Palais de mars à juin 1963. Dès
le Congrès des Intellectuels antifascistes de Valence en
Espagne, en 1937, Malraux avait été en contact avec nombre
de jeunes écrivains latino-américains qui allaient révéler leur
écriture dans l’après-guerre48. C’est justement en Espagne
que le poète et philosophe mexicain Octavio Paz connut
Malraux. Paz devint diplomate, en poste à Paris en
1948-1949 et à la fin des années 1950. Par conséquent, s’il ne
connut pas le premier gouvernement de Gaulle, il assista à
son retour aux affaires. Il a laissé nombre de dépêches qui
sont empruntes d’une analyse professionnelle de la réalité du
moment, celle d’une France aux prises avec les derniers
soubresauts du conflit algérien. En décembre 1960, il parle
d’un général à « l’action empirique et solitaire », « aux
décisions sinueuses et contradictoires, voire même
incompréhensibles » mais malgré tout cela « l’action du
général de Gaulle possède une cohérence supérieure49 ». Plus
tard, quand il aura abandonné la diplomatie, il s’exprimera
de façon plus libre.

Les années 1960, la reconnaissance de la


Chine populaire et les voyages latino-
américains
30 Au début des années 1960, un fait va attirer l’attention de
l’opinion publique latino-américaine. La Révolution cubaine
et le processus de décolonisation algérien sont
contemporains, de Gaulle entre à l’Élysée exactement le
même jour que Fidel Castro entre à La Havane. Coïncidence
de dates, certes, mais il est indéniable que l’Histoire prend
un tournant et que désormais, des deux côtés de l’Atlantique,

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rien ne sera plus comme avant : le Nouveau Monde fait son


apparition dans un monde nouveau.
31 Par ailleurs, comme le montre alors Paris Match, si la France
possède le problème algérien, les États-Unis possèdent le
problème cubain. Mais, contrairement aux États-Unis qui
rompent les relations diplomatiques et imposent une
politique d’agression et un embargo envers Cuba, la France,
elle, instaure des relations diplomatiques avec Alger et
développe ses relations commerciales avec le nouvel État
indépendant. Différence d’attitude, donc, qui en Amérique
latine augmente considérablement le prestige de la France.
Au milieu de la décennie, condamnant l’intervention
étasunienne à Saint-Domingue, Paris renforcera son aura.
32 Face aux intellectuels admirateurs de De Gaulle, il y eut
cependant des détracteurs. Dès la fin de la guerre, l’action
développée par les ultras aussi peu recommandables que de
Kerillis et le père Jules Meinvielle50 finit par porter ses fruits
en amplifiant son audience de Montréal à Buenos Aires. Au
Chili, un important critique littéraire, Manuel Vega, se rendit
en France après avoir passé de longs mois dans l’Espagne de
Franco. À Paris, il se procura la Lettre à François Mauriac
de Maurice Bardèche. Ce maurrassien chilien publia sur trois
colonnes une critique très favorable de l’ouvrage du beau-
frère de Brasillach dans le non moins conservateur Diario
Ilustrado ; il eut cependant le bon goût de ne pas faire
référence aux propos injurieux à l’égard du Général ni aux
soi-disant atrocités commises par les Résistants, et il rendit
hommage à la liberté de la presse qui régnait à Paris et qui
permettait de publier de tels ouvrages51. Malheureusement,
d’autres intellectuels latino-américains d’extrême droite,
admirateurs de l’autre France diffusèrent l’idée que les
Maquis n’étaient que des ramassis d’anarchistes, à la limite
du banditisme, manipulés par les organisations
communistes qui ne mirent un coup d’arrêt à leurs exactions
que suite aux ordres de… Moscou52.

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33 Dans les années 1960, les antigaullistes furent d’un autre


type et pour des raisons différentes. Le Colombien Germán
Arciniegas, profondément catholique et conservateur, plaça,
en tant qu’atlantiste convaincu, la politique latino-
américaine de la France sur le même plan que la tentative
d’immixtion de l’URSS dans les affaires continentales à
partir de Cuba. Et après le voyage au Mexique, il en arrivera
à affirmer que l’aide financière de la France au Mexique
resterait toujours inférieure à ce que le tourisme étasunien
rapportait au Mexique53.
34 Autre personnalité confuse, qui deviendra le chantre du
libéralisme en Amérique latine après avoir subi une défaite
cuisante aux élections présidentielles au Pérou en 1990,
Mario Vargas Llosa, prix Nobel en 2010, s’exprima sur le
Général en 1965. Il affirma que de Gaulle avait vu naître sa
vocation en regardant le Napoléon d’Abel Gance54 (!) et il
qualifiait sa personne et son « régime » de « difficile à
juger », « complexe et contradictoire », « ambiguë et
contrastée ». La supposée complexité de la personnalité de
De Gaulle, personnage « d’une habilité endiablée », Vargas
Llosa prétendait la retrouver dans les intentions qui avaient
porté le Général au pouvoir, une supposée alliance avec des
militaires d’extrême droite. Passant sous silence le rôle de
dirigeant de De Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale,
Vargas considérait que le personnage historique réussissait à
défier les lois de l’histoire grâce à une arme « une démagogie
au grand style et à la rhétorique implacable, fondée sur un
vice collectif : le nationalisme55 ».
35 De la même façon, à Buenos Aires, le journal conservateur
La Nación avait, dans le but de discréditer de Gaulle,
présenté la reconnaissance du régime de Pékin par Paris
comme destinée à servir l’expansion du communisme en
Asie afin d’affaiblir les États-Unis.

La presse

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36 Le périple latino-américain de De Gaulle provoqua une


avalanche d’articles56 qui rétabliront promptement l’image
du Général dans la presse. Le séjour au Mexique, du 16 au
19 mars 1964, sera en quelque sorte l’occasion d’introduire
de façon plus précise le Général auprès du Continent
américain dont il visita dix pays, au printemps austral 1964,
entre le 21 septembre et le 16 octobre. Si on en croit des
documents diplomatiques mexicains, dès 1942, le général de
Gaulle avait manifesté sa volonté de se rendre au Mexique57.
37 Les articles provoqués par les voyages de 1964, notamment
celui au Mexique, sont nombreux, tant en Amérique latine
qu’aux États-Unis. D’autant que le séjour au Mexique se
déroule dans un contexte particulièrement tendu : quatre
mois après l’assassinat de Kennedy, 17 mois après la Crise
des fusées, trois ans après le lancement de l’Alliance pour le
Progrès, trois mois après qu’à Panama, l’armée des États-
Unis ait ouvert le feu sur les étudiants qui réclamaient que
sur le Canal le drapeau panaméen soit hissé à côté de celui
des États-Unis, et trois mois après la reconnaissance par
Paris du gouvernement de la Chine populaire.
38 Il en résulta par conséquent une vision très différente entre
les mots employés et les images développées aux États-Unis
et en Amérique latine58. Les premières réactions à l’annonce
du voyage de De Gaulle furent d’une rare violence. Le
qualificatif « invasion » fut amplement employé59. Pour sa
part, l’ex-président Harry Truman, installé au bord de la
piscine de l’hôtel où il passait ses vacances en Floride,
déclara à la presse que si de Gaulle venait fourrer son nez
dans les affaires américaines, il faudrait le lui couper60. La
réponse mexicaine fut à la hauteur des circonstances : un
journaliste mexicain affirma qu’il ignorait que le Mexique
appartenait aux États-Unis61…
Illustration 4. – Warren K���, « Voice of the
People » (« La Voix du Peuple »), caricature publiée
dans Daily News, 18 mars 1964, illustrant l’article

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« Tut, tut, general » (« Allons, allons, général »),


p. 47. L’article rabaissait à 75 000 participants
mexicains l’accueil fait au général de Gaulle et
expliquait aux lecteurs étasuniens que,
contrairement aux États-Unis, la France ne pouvait
prétendre accroître l’indépendance du Mexique
puisqu’elle avait installé sur le trône un empereur
marionnette en 1861 alors qu’une fois la guerre de
Sécession finie Washington, avait rappelé la
Doctrine Monroe contre toute tentative coloniale
dans l’Hémisphère. Ironique et vindicatif, l’article
concluait : « N’oublions pas ce petit morceau
d’histoire. »

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39 La presse étasunienne exploita le souvenir de « l’invasion »


française, l’intervention de 1861-1867, l’aventure
malheureuse de Napoléon III et de Maximilien de

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Habsbourg, l’épopée désastreuse qui n’avait pu avoir lieu que


parce que les États-Unis étaient alors empêtrés dans leur
guerre civile62. C’était là une façon de mettre en garde les
Français, en leur rappelant comment avaient fini les rêves de
grandeur sur ce continent protégé par les États-Unis. Au
Texas, certains journalistes rappelèrent même que la France
et les États-Unis étaient les deux seuls pays à avoir, depuis le
conquistador Cortés, foulé en vainqueurs le sol mexicain63.
Loin d’adopter ce ton de supériorité victorieuse, La Prensa
se contenta de rappeler que le dernier général français à
avoir visité le Mexique était Achille de Bazaine, et que de
toute façon, le général de Gaulle n’amenait aucun empereur
autrichien dans ses bagages64… La presse du Nicaragua fut la
seule d’Amérique latine à évoquer l’épopée de Napoléon le
Petit. Par ses photos de presse, la presse étasunienne
privilégia l’image d’un de Gaulle militaire65, ses confrères du
Sud privilégièrent la photo de l’accolade présidentielle,
préférant ainsi un de Gaulle affectueux, ou au milieu des
foules. Celui-là même que, depuis le balcon du Palais
national, López Mateos présenta à son peuple comme « le
héros de la grandeur et de la liberté du peuple français », et
dont on dira aussi qu’il est un « mélange de Napoléon et de
Jeanne d’Arc66 ».
40 Si la presse étasunienne en parla peu, au contraire la presse
latino-américaine commenta dans ses moindres détails la
restitution de trois drapeaux mexicains, pris par les troupes
françaises en 1863 et 1864, et remis le 5 mars 196467. Au-delà
de l’émotion nationale et nationaliste provoquée au Mexique
par cette affaire, il convient de rappeler que les
manifestations, nées du refus des États-Unis de hisser le
drapeau panaméen à côté du Stars and Stripes dans la zone
du Canal, s’étaient soldées par la mort de 21 étudiants et 200
blessés par balle quand l’armée des États-Unis avait ouvert le
feu pour disperser les protestataires. Ercilla rappela qu’après
un an de tractations, la France avait accédé à la requête

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mexicaine. Cela était porté au crédit du Général : « De Gaulle


ajouta, avec une habilité extraordinaire, une touche
sentimentale et patriotique qui a fortement ému le peuple
mexicain68. » À Buenos Aires, on présagea qu’une
chaleureuse bienvenue attendait le « libertador » français69.
Cent ans après, alors même que pour les Étasuniens, l’affaire
de Maximilien et de l’intervention française pesait sur le
voyage présidentiel et le condamnait à l’échec, pour
l’Amérique latine, elle était totalement oubliée et,
contrairement à toute attente, elle avait peut-être même
rapproché les deux peuples70.
41 Le Mexicain José Santos Valdés, qui affirmait que « les
États-Unis n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », se
plaisait à souligner que, pour préparer ses compatriotes à
bien recevoir de Gaulle, « comme auparavant ils n’avaient
reçu personne, pas même Kennedy71 », il avait fallu
soumettre les Mexicains à une préparation psychologique.
Les drapeaux avaient paradé dans toutes les grandes artères
de Mexico, les États-Unis n’avaient rien de tel à offrir72.
42 Affirmant détenir son information de l’ambassade des États-
Unis à Paris, Drew Pearson révéla que lors de son escale
dans les Antilles françaises, il était presque certain que de
Gaulle en profiterait pour rendre visite à Fidel Castro73.
Ainsi, non seulement le général français ne s’arrêtait pas à
Washington, mais il avait l’outrecuidance d’aller à
La Havane. La diffusion par la presse étasunienne de
l’apparition de Castro à la télévision française renforça la
crainte d’une entente entre Paris et La Havane et favorisa
l’opération de discrédit contre le prestige du général
français74.
43 Pour mieux marquer ce qui, selon les États-Unis, allait être
un désastre annoncé par avance, dans un premier temps, la
presse étasunienne se plut à affirmer que l’accueil réservé à
de Gaulle ne serait en rien comparable à l’apothéose réservée
à Kennedy en juin 1962. Certains en arrivaient à affirmer que

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promptement les Français allaient se rendre compte de la


réalité, notamment de l’accueil que les Mexicains
réserveraient à de Gaulle. Cet accueil était qualifié d’avance
d’« ironie gauloise caustique75 ». Assassiné quatre mois plus
tôt dans un état frontalier du Mexique, la comparaison avec
Kennedy s’imposa d’autant plus naturellement que les deux
présidents avaient été placés dans le panthéon emblématique
des grands dirigeants démocratiques du second vingtième
siècle. Aussi, le fait que de Gaulle se déplaçât dans une
automobile décapotable, alors même que l’on craignait un
attentat de l’OAS, provoqua l’admiration de la presse latino-
américaine tant lors du voyage mexicain que lors du périple
sud-américain.
44 Le Wall Street Journal évalua la foule accueillant de Gaulle à
Mexico à 300 000 personnes76, quant au Evening Star, s’il
tablait sur un million d’individus, c’était pour mieux
souligner que cela pouvait « s’expliquer, non par l’intérêt des
Mexicains, mais par les vacances décrétées par le président
López Mateos pour tous les employés fédéraux77 », se
gardant bien de rappeler qu’il en avait été de même pour le
président des États-Unis. En minorant le nombre de
personnes massées tant sur le trajet du cortège officiel, de
l’aéroport au palais présidentiel, que sur la place du Zócalo,
la presse étasunienne tenta d’amoindrir la portée, le succès
et l’éclat de la visite du mandataire français. Pour ce qui nous
concerne, remarquons, simplement et finalement, qu’il
pleuvait sur Mexico lors du séjour de Kennedy et qu’il faisait
un temps radieux quand de Gaulle s’y rendit…
45 La querelle des estimations chiffrées de la foule et la
comparaison entre l’ovation faite à Kennedy et celle rendue à
de Gaulle permettaient de construire une supposée
animosité de la France à l’égard des États-Unis. La presse
étasunienne se remplit d’articles concernant ce voyage qui y
était présenté comme un défi aux États-Unis. Certains
tentèrent de tempérer les craintes, tel le sénateur Hubert

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Humphrey qui déclara que « chaque fois que le général de


Gaulle prend une nouvelle initiative, Washington hisse les
pavillons qui annoncent la tempête et crie : « Charlie remet
ça78 ! » En Amérique latine, seul un journal nicaraguayen
reprenant des articles étasuniens relaya ce type de craintes79.
46 La revue chilienne Ercilla offrit un panorama comparatif des
prises de position très différentes de la France et des États-
Unis en matière de politique internationale80 et affirmait que
la politique gaullienne d’indépendance vis-à-vis de
Washington pénétrait à travers le Mexique dans toute
l’Amérique latine, territoire jusqu’alors interdit aux
puissances européennes ; l’acte de décès de la Doctrine de
Monroe était on ne peut mieux établi. Au contraire, aux
États-Unis, on se plaisait à ne voir dans ce voyage qu’un jeu
de séduction à l’égard des communistes81, ainsi, avec la
reconnaissance de Pékin, « personne n’avait jusqu’alors
donné un tel coup de pouce aux communistes depuis leur
victoire de 194982 ».
47 Très vite, face aux réactions de la presse mexicaine qui se
faisait fort de rappeler que la tradition d’accueil et
d’hospitalité des Mexicains était connue de tous83, la presse
étasunienne dut, face à ce qui n’était plus une attaque contre
de Gaulle mais un mépris à l’égard de leur proche voisin du
sud, ne plus s’aventurer dans de telles prévisions. Minorer
l’enthousiasme mexicain c’était froisser son voisin, affirmer
qu’un président étasunien était mieux reçu qu’un Français
c’était prétendre que la politique extérieure mexicaine était
totalement liée à celle des États-Unis et qu’elle ne jouissait
d’aucune indépendance.
48 Au Nicaragua, un journal lié au dictateur Somoza ne craignit
pas d’affirmer que les États-Unis « avaient dépensé
beaucoup de dollars, mais qu’ils ne les avaient pas investis,
car ils les avaient gaspillés », de sorte qu’« ils ont joué le rôle
de puissance paternaliste qui comme tout improductif,
négatif, tôt ou tard reçoit en retour la désillusion et une

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récolte de réalités objectives qui ne furent pas résolues en


temps voulu84 ».
49 Aux prévisions et à la querelle des chiffres, la presse latino-
américaine préféra les qualificatifs : « Ovaciones
entusiastas85 », « éxito del viaje », « entusiasmo delirante
del pueblo azteca86 ». À Mexico, Jacobo Zabludovsky
supposa que le bain de foule rappellerait au président
français les journées parisiennes d’août 1944, juste vingt ans
auparavant87. L’accueil du président français à la cité
universitaire fut qualifié de « delirio colectivo88 », on parla
de « recibimiento apoteósico e indescriptible89 », de
« cauchemar90 » pour les services de sécurité. Quant au
discours en espagnol – qui en annonçait d’autres –, il
enchanta les Latino-américains ; mais la formule promise à
la postérité de « la mano en la mano » fut généralement mal
retranscrite et tellement mal traduite dans la presse
étasunienne qu’elle perdait de son impact et de sa fraîcheur.
50 L’accueil enthousiaste que la population mexicaine réserva
au président français n’étonna donc pas les Sud-Américains,
le journal panaméen La Estrella, en arriva même à prédire
que ces scènes de liesse « pourraient se répéter avec une
ferveur identique, et avec la même dévotion dans n’importe
quel pays d’Amérique latine que [de Gaulle] visitera91 ».

Les écrivains
51 Les écrivains saluèrent aussi l’arrivée de De Gaulle. Par une
lettre envoyée depuis New-Delhi où il était ambassadeur, le
poète Octavio Paz, futur prix Nobel en 1990, salua
publiquement l’arrivée de De Gaulle dans la capitale
mexicaine : « Charles de Gaulle est un homme de la trempe
de Bolívar et pour le saluer il faudrait ressusciter la voix de
Camoëns ou le vers de Rubén Darío. » Considérant la
personnalité du général de Gaulle, Paz affirmait que si « hier,
il fut l’homme de la Résistance et de la Libération de la
France ; aujourd’hui il incarne un style politique dans lequel

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les hommes de notre civilisation nous nous reconnaissons


avec fierté ». Mais, au contraire d’autres intellectuels qui
voyaient en de Gaulle l’homme qui incarnait une troisième
voie, Paz considérait que sa venue au Mexique marquait un
retour au passé, à des relations anciennes : « Nos nations
commencent une reconquête de leur tradition et le sens de
leur destinée » et il signalait que « la décisive action du
général de Gaulle dans la résurrection politique de l’Europe
occidentale permet désormais à l’Amérique latine de
compter avec un interlocuteur : la France ». Pour Paz, le
« voyage prouvait que la civilisation latine » n’était pas
défunte, qu’une communauté de nations retrouvait son
identité. Et, sans doute imbu de la lecture des œuvres du
Général, Paz concluait qu’« une civilisation est quelque chose
de plus permanent que les philosophies politiques ou les
systèmes sociaux. C’est une vision du monde et une action,
une mémoire et une volonté : une âme92 ». Quant à la
romancière mexicaine Elena Poniatowska, elle fit siens les
mots que Cocteau avaient inventés pour Sarah Bernhardt ;
en se référant à de Gaulle, auquel elle souhaitait la
bienvenue, elle parla « du monstre sacré de l’Occident93 ».
52 En défendant le droit du Mexique à développer sa propre
politique étrangère, l’historien et philosophe mexicain
Leopoldo Zea, directeur général des relations culturelles au
sein du ministère mexicain des Affaires étrangères, saluait
« l’émergence de positions telles que la mexicaine et la
française qui réclament des droits comme ceux à
l’autodétermination et à la non-intervention sans lesquels la
vie internationale serait impossible », face à l’attitude des
États-Unis « qui prétend transformer en chasse gardée
d’intérêts, non seulement l’Amérique latine, mais le monde
entier94 ». Zea considérait que la visite du mandataire
français était de nature à renforcer son image d’homme
indépendant des blocs, prouvant par là même le bien-fondé
de la politique étrangère indépendante du régime mexicain.

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Les dessins de presse


53 Il convient aussi de s’intéresser à une tradition journalistique
du continent, les dessins de presse qui furent nombreux
pendant les visites présidentielles du général de Gaulle.
Illustration 5. – « De Gaulle es así » par Cabral,
Novedades, Mexico, 17 mars 1964, présente un
Général amène et sûr de lui. Le dessin fut publié au-
dessus de l’article de Leopoldo Zea.

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54 Les dessins de presse publiés dans les journaux étasuniens et


latino-américains reflétèrent, eux aussi, la différence de
regard porté sur le voyage de De Gaulle au Mexique. Aux
États-Unis, le général français séjournant au Mexique était
présenté comme rude, violent et entreprenant, alors qu’au
Mexique le même général était représenté comme se laissant
séduire par la douceur, l’accueil aimable et les charmes d’une
China poblana, jeune femme métissée qui, par antonomase,

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représentait toute l’attrayante séduction du Mexique.


Illustration 6. – Harold M�����, « Ah Buenos Días,
Ma Chérie », Fort Worth Star-Telegram, jeudi 17
mars 1964, était censé représenter toute la
(supposée) violence que renfermait la visite
présidentielle française d’un général trop
entreprenant qui « agressait » le Mexique.

Illustration 7. – « – Général… avec moi il n’y a pas de


problèmes ! » : « La China… poblana », par C�����,
Novedades, Mexico, 19 mars 1964. Laisse entendre
que l’élargissement des relations avec le Mexique ne
comportait pas de problèmes, et qu’il ne serait pas
autant critiqué que l’ouverture de relations avec la

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Chine communiste.

55 Nombreux furent les dessins de presse qui prirent pour


prétexte la reconnaissance de la Chine populaire par la
France. Ils se construisirent sur une série de jeux de mots.
Au Mexique, la china était la belle métisse de Puebla (la
china poblana) – on l’a vu précédemment- ; à Cuba, elle
désignait la rougeole.
Illustration 8. – « De Gaulle avec “la Chine”, et le
médecin n’a rien pu faire ! », par P�����,

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Revolución, La Havane, jeudi 30 janvier 1964. Le


docteur Oncle Sam semble bien impuissant quand
de Gaulle est contaminé par la rougeole (« la
china »).

Illustration 9. – « Le dernier coup reçu », par


P�����, Revolución, La Havane, mardi 28 janvier
1964. La reconnaissance de la Chine par Paris
suppose pour l’Oncle Sam un rude coup, ici une
bosse en forme emblématique de Tour Eiffel,
surmontée des drapeaux chinois et français.

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56 Dans les articles comme dans les dessins de presse, on


retrouve par conséquent le même respect à l’égard du
Général dans la presse latino-américaine et l’agressivité
étasunienne à l’encontre du président français. La presse
étasunienne consacra donc un très grand nombre d’articles à
la politique et à la personne du général de Gaulle, mais cette
prose semble avoir peu intéressé les lecteurs étasuniens : sur
10 000 lettres émanant de citoyens étasuniens, relatives à
des problèmes de politique étrangère, et adressées à divers
organes du gouvernement de Washington, seize seulement
concernaient le général français95.
57 Finalement, constatons simplement qu’en juin-août 1999,
lors de la rétrospective de l’œuvre de Gabriel López Quijada,
photographe officiel mexicain de 1953 à 1985, il était
intéressant de remarquer que les trois personnalités les plus
représentées, par le nombre de clichés, étaient, à égalité,
Kennedy et de Gaulle, suivis de Tito. Accompagnant les
photos de la visite du Général, figurait en bonne place la
transcription et la traduction du discours du balcon du Palais
présidentiel sur le Zócalo96. C’était le seul texte historique
présenté.

La tournée sud-américaine
58 La tournée sud-américaine du président de République
française provoqua une série de thèmes que l’on retrouve
dans la presse de plusieurs pays : la résistance physique du
Général, la solidité des institutions françaises qui permettent
au chef de l’État de s’absenter un mois sans mettre en
difficulté le pays, etc.
59 La visite du général français à la première junte militaire
d’Amérique latine fut l’occasion pour les étudiants
équatoriens de dénoncer cette dernière à travers une petite
pièce de théâtre imprimée à Bogotá et distribuée
clandestinement à Quito97. Les militaires de la Junte et leurs
épouses étaient moqués dans leur grossièreté et leur absence

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d’éducation et de savoir-vivre – notamment en ce qui


concernait l’affaire des décorations98. Leur manque de
délicatesse et de politesse ressortait d’autant plus en
présence du couple présidentiel français.
60 D’autres ouvrages eurent une portée plus large et une
répercussion continentale. Car le périple sud-américain de
De Gaulle fut l’occasion de la publication de plusieurs livres.
Le journaliste chilien Santiago Mundt Fierro, plus connu
sous son nom de plume, Tito Mundt, fut un monstre sacré du
journalisme. Attaché de presse de l’ambassade du Chili à
Paris en 1953, il fut introduit dans les cercles diplomatiques
parisiens par Louis Bertrand Ges, l’ex directeur de Havas.
Auteur de cinq ouvrages, dont un entièrement consacré au
Général, De Gaulle le grand solitaire, publié juste avant le
périple présidentiel. Il y définit le Général comme « une
idole de pierre » dont il admire « l’extraordinaire vitalité
pour un homme de 74 ans99 » qui pour lui est celle de la
France. Comme beaucoup, il considère que la reconnaissance
de la Chine par la France provoque, par la division, un
affaiblissement de la menace communiste et que cette
reconnaissance est aussi provoquée par la nécessité de
conquérir de nouveaux marchés, il en ira de même pour
l’Amérique latine. Et cette intégration de l’Amérique latine
aux problèmes mondiaux permettra de sortir du dialogue
trop exclusif avec Washington.
Illustration 10. – Rogelio G����� L���, A qué viene
De Gaulle ? (Que vient faire de Gaulle ?), Lima,
Populibros, 1964, 122 p. et à Buenos Aires, Ed. Jorge
Álvarez, le 10 septembre 1964, 132 p.

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61 Plus intéressant, parce que privilégiant l’analyse face à

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l’anecdote, fut l’ouvrage de l’Argentin Rogelio García Lupo


qui avait été correspondant de France-Observateur. Son
ouvrage A qué viene De Gaulle ? (Que vient faire de
Gaulle ?) bénéficia de deux éditions : l’une fièrement publiée
à Lima en 24 heures et l’autre un peu avant, une vingtaine de
jours avant l’arrivée de De Gaulle, à Buenos Aires100. Signe
des temps, une partie de l’analyse que García Lupo proposa
était déjà contenue dans un long article de l’écrivain
mexicain Carlos Fuentes publié lors du voyage présidentiel à
Mexico. En étudiant les faits économiques et les nouveautés
que la politique gaullienne avait introduits dans les rapports
entre les deux Super-grands, Fuentes observait le
positionnement de la France dans les mutations
qu’induisaient les évolutions de l’économie mondiale. En
cherchant de nouveaux marchés, la France, en pleine
rénovation technique, bousculait la répartition du monde. De
Gaulle avait compris que la saturation des marchés
traditionnels ne tarderait pas ; ainsi la France prenait les
devants : l’URSS, 800 millions de Chinois et l’Amérique
latine étaient les clients de l’avenir101.
62 L’analyse économique que propose pour sa part García Lupo
part de l’idée que, de la même façon qu’il existe une scission
entre Moscou et Pékin, son pendant dans le monde
occidental est la divergence entre Paris et Washington.
Certes, les points de vue convergent sur l’affaire de Berlin et
sur celle de Cuba, mais ils divergent concernant le Viêt-Nam
et l’intégration de la Grande-Bretagne dans le Marché
commun. Ainsi, la saturation des marchés du Premier
Monde oblige à rechercher d’autres marchés ; la division du
monde, la guerre froide, perd ainsi de son intensité de sorte
qu’il existe une brèche à travers laquelle l’Amérique latine
peut s’engouffrer et jouer un rôle plus important dans le
concert des nations et dans le commerce international. Il
convient par conséquent de renforcer le marché commun
latino-américain, à l’instar de ce qu’à fait l’Europe dont les

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deux moteurs sont l’Allemagne et la France. La politique de


De Gaulle servait donc cet intérêt. Et, face à l’intérêt
européen pour l’Amérique latine, inévitablement le conflit
avec les États-Unis surgirait. Déjà Leopoldo Zea avait
souligné qu’en développant une relation avec Pékin, la
France rompait avec les schémas imposés par la guerre
froide et que cela présageait une ouverture commerciale tous
azimuts avec tous les pays, donc avec l’Amérique latine qui
de cette façon sortirait de l’orbite exclusive des États-Unis.
63 À travers toute l’Amérique latine, la reconnaissance du
régime de Pékin par Paris donna lieu à de nombreux dessins
de presse. Cette reconnaissance supposait la fin des aires
d’influence des Superpuissances, la possibilité d’échapper au
diktat de la puissance tutélaire et, surtout, le début d’une
ouverture des relations commerciales qui allaient enfin
permettre l’élévation du niveau de vie des populations
locales.

Les crises de l’année 1968


64 Le cas de Marcha le fleuron de la presse latino-américaine
de qualité est exemplaire à bien des égards. La revue
uruguayenne était d’orientation sociale-démocrate mais
avec, selon les mots de son directeur, Carlos Quijano, une
tendance anti-impérialiste des plus intransigeantes et
absolues. La francophilie de Marcha était immense, au point
qu’en octobre 1958, la revue publia, sur quatre numéros102, la
traduction intégrale de la nouvelle Constitution française, en
déclarant que c’était un exemple, à la fois de régime
présidentiel renforcé et d’équilibre des pouvoirs dont il
conviendrait que les démocraties latino-américaines en crise,
notamment celle de l’Uruguay, s’inspirent. La présence à
Montevideo de De Gaulle fut célébrée par Marcha, d’autant
que l’Uruguay, pays francophile s’il en fût, avait été le
premier d’Amérique latine à reconnaître le gouvernement de
la France Libre, et que, dans les années 1920, Quijano avait

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complété ses études d’économiste à Paris. Le jour « J » de


l’arrivée du président français était désormais appelé « el día
D… G » et Marcha railla l’incroyable inculture des militaires
uruguayens qui avaient eu le mauvais goût de recevoir le chef
de la France Libre en faisant jouer… la marche de Baden
Weiler103…
Illustration 11. – « Cari capturas » par J���, Marcha,
Montevideo, 2 octobre 1964, dernière page.
À gauche, allusion à la petitesse du pays
récipiendaire, au rôle mineur de l’Uruguay sur la
scène internationale qui renforçait l’admiration
pour un de Gaulle qui avait daigné se rendre à
Montevideo, montrant ainsi son respect de tous les
peuples latino-américains mais aussi sa grandeur.
Vignettes à droite, de haut en bas : encore une
plaisanterie sur la grandeur, un des personnages
affirme à son compère son plaisir de ne pas avoir à
porter son fils sur ses épaules. Par sa haute stature,
de Gaulle domine la foule. Celle du bas fait allusion
à la difficulté de prévoir et de préparer un lit aux
dimensions du Général.

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65 La revue reprit en grande partie les analyses de l’un de ses


collaborateurs, García Lupo. Fidèle à son ironie104, le journal
se demandait ce qui valait à l’Uruguay, pays plongé dans une
profonde crise économique, l’honneur de recevoir un hôte
aussi illustre. La grandeur du Général s’accommodait mal
avec l’étroitesse et l’insignifiance internationale de ce pays
du Río de la Plata qui n’était pas à la hauteur. C’est dans ce

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sens que Jess signa dans Marcha un dessin représentant le


ministre uruguayen des Relations extérieures obligé de
grimper sur deux échelles pour atteindre, pour se mettre à la
hauteur du Général. Dans les articles du même numéro, le
respect latino-américain à l’égard du Général, et la
francophilie de Marcha conduisent la revue à réserver ses
critiques au président uruguayen. Là encore, les discours de
De Gaulle furent hautement appréciés. Marcha compara les
discours du président Giannattassio qui lisait son papier et
dont le style était ampoulé, « Mets-y du Platon, mets-y du
Rousseau et un coup de grand Genevois par-ci et du Zénon
de Élée par-là », alors que de Gaulle parlait sans lire : « Il
commence à parler, à parler – pas à lire – une allocution de
dix minutes, sans hésitation, parfaitement articulée, en
faisant son numéro classique de sobriété et de bon sens105. »
Illustration 12. – « Cari capturas » par J���,
Marcha, Montevideo, 16 octobre 1964, dernière
page. Le Général apparaît sous les traits d’un
facteur apportant la bonne nouvelle d’une aide
économique à l’Amérique latine sous le regard
désapprobateur des maîtres de la maison : les États-
Unis. L’Amérique latine est jeune et républicaine
(bonnet phrygien qui souligne le rapport de filiation
historique avec la France). On remarque ici, comme
dans les dessins antérieurs, un excellent emploi de
phrases en français qui prouve combien le lectorat
de Marcha était francophile et francophone.

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66 Marcha célébra la visite de De Gaulle en Uruguay, en


privilégiant l’aspect économique et les retombées que
pouvait entraîner ce voyage. Construisant son dessin à partir
d’une ambiguïté sur l’uniforme, qui symbolisait aussi la
lecture biaisée qu’avaient produite les États-Unis sur la
portée réelle du voyage présidentiel français, Jess signa un
dessin représentant de Gaulle comme le facteur apportant
une bonne nouvelle, celle de l’expansion économique (cela
apparaît inscrit en français sur sa besace postale), pendant
que les maîtres de maison, – le président des États-Unis,
Lyndon B. Johnson en homme et en femme, minorant de la
sorte le rôle réel du président uruguayen, Giannattassio, qui
n’est qu’un double de l’autre – trouvaient que « le facteur est
en train de prendre beaucoup de liberté avec la servante »,
celle-ci étant en l’occurrence, l’Amérique latine, la bonne à
tout faire jusqu’alors habituée à obéir à ses maîtres. Tout cela
était de nature à renforcer l’image d’indépendance vis-à-vis
des blocs que véhiculait le général de Gaulle.
Illustration 13. – (Coca-Cola versus Cognac) par

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Q����, Marcha, Montevideo, 16 octobre 1964. Le


dessinateur argentin Quino, le père de Mafalda,
travaillait pour Primera Plana une revue argentine
d’actualités trop liée à certains secteurs de l’extrême
droite au sein de l’armée argentine, le sector azul.
Toute représentation favorable au général de Gaulle
y était donc bannie. Le dessin finit par conséquent
par être introduit, avec retard, dans la presse philo-
française de l’autre rive du Rio de la Plata. On y voit
un pauvre hère, symbolisant toute la misère du
sous-développement latino-américain, tenté de se
libérer de la domination des États-Unis auxquels il
est enchaîné (ici représentés sous la forme non
moins symbolique d’une sombre bouteille de Coca-
Cola qui le domine) sensible au discours du
président français, et prêt à gouter aux joies de la
grandeur et de la finesse française symbolisées par
le cognac… Napoléon.

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67 Cette même idée concernant la nouveauté qu’avaient


apportée aux peuples latino-américains le voyage et les
discours de De Gaulle, on la retrouve dans un dessin de
l’Argentin Quino106.
68 L’accord de coopération signé entre la France et l’Uruguay
déçut quelque peu les Uruguayens qui l’auraient préféré plus
tourné vers l’économie que destiné à renforcer les échanges
culturels107. Nonobstant, au moment des élections de 1965, à
sa manière, la presse latino-américaine s’invita dans le débat
électoral français. On pouvait ainsi lire dans un article de
Marcha un rappel de la carrière d’un certain Mitterrand, qui
avait été ministre de l’Intérieur au moment de la guerre
d’Algérie, et on comparait sa carrière à celle du
décolonisateur de Gaulle. De sorte que l’article concluait :
« Pour nous, le choix, tel qu’il se présente – de Gaulle ou
Mitterrand – ne laisse aucun doute108. »
69 La francophilie propre à Marcha rendit très difficile la
lecture des événements de mai 1968. La spectaculaire
tournée latino-américaine du général de Gaulle quatre ans
auparavant, son rôle de libérateur pendant la Seconde
Guerre mondiale, mais aussi le rôle qui lui était attribué dans
le processus de décolonisation africaine et sa capacité à
conserver des relations commerciales avec l’Algérie,
contrairement à l’attitude agressive que maintenaient les
États-Unis à l’égard de Cuba, avaient contribué à forger une
image extrêmement favorable du général de Gaulle. Ce
prestige fut raffermi par le discours de Phnom Penh où, le
1 septembre 1966, le Général condamna sans ambages
er

l’intervention des États-Unis au Viêt-Nam109. Ainsi, à la fin


avril 1968, on peut lire : « France : la popularité de De Gaulle
augmente. Sept Français sur dix, consultés par l’institut de
l’opinion publique, se déclarent satisfaits de leur président »,
puis après l’information, l’analyse suit : « Le fait est indicatif
du large appui populaire dont bénéficie la politique
nationaliste et d’indépendance vis-à-vis des États-Unis que

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développe le président de Gaulle110. »


70 Quand les événements de mai éclatent, le pédagogue
uruguayen Campodónico dresse l’inventaire des raisons qui
ont conduit à la crise. Il affirme que, comme beaucoup
d’universités dans le monde, la française est ankylosée
comme la société qui a besoin de valeurs nouvelles ;
cependant il affirme sa confiance en de Gaulle et le
gaullisme, en écrivant « j’estime et admire de Gaulle et je
sais parfaitement que pour la gauche officielle française c’est
un fantoche (mamarracho) ». Sa confiance est telle qu’il
rend responsables des événements les ministres de De
Gaulle, notamment les ministres de l’Éducation et de
l’Intérieur qui ne sont pas à la hauteur de leur tâche. La
conclusion de son analyse montre un aveuglement philo-
gaulliste porté à l’extrême : « En tous cas, De Gaulle, j’en suis
certain, prendra les mesures qui s’imposent, mais il aura
encore payé, une fois de plus, pour certains de ses
subordonnés qui – de bonne ou de mauvaise foi – ne
l’avaient pas informé111. » Ainsi donc, la personne de De
Gaulle était sacrée, il ne portait aucune responsabilité dans la
venue des événements. On passera sur les difficultés de la
presse latino-américaine à traduire le mot « chienlit112 »…
71 Quant à la fausse annonce de la dévaluation du franc ce fut
l’occasion de montrer comment de Gaulle pouvait être
attaqué par une coalition internationale, et aussi d’établir
une réflexion déontologique sur le travail d’information de la
presse et rappeler le jeu de sape des agences de presse
étasuniennes. En novembre 1968, un éditorial de plus d’une
page montra ce travail de sape de l’image de De Gaulle mené
par la United Press et la « maladresse colossale de certaines
publications en France notamment Le Monde et l’Express
qui avaient annoncé l’intention du gouvernement de
dévaluer le franc, mettant de la sorte l’Élysée dans
l’embarras113 ». L’affaire était une occasion de rappeler
pourquoi De Gaulle était sympathique à un courant politique

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latino-américain :
« De Gaulle, comme on le sait, ne jouit pas, en général, d’une
“bonne presse”, pas plus dans son pays que dans le reste du
monde occidental et chrétien. Il attaque les Anglo-saxons, il
donne l’ordre que les casernes de l’Otan sortent de France, il
renoue des relations avec la Chine communiste, il flirte avec
l’Union soviétique, il pratique une politique indépendante.
Pour tous ceux qui sur le plan international sont ses
ennemis, la dévaluation signifiait quelque chose comme une
vengeance, même si l’exécuteur ou le bourreau n’était
personne d’autre que l’Allemagne fédérale114. »

72 Et l’admiration envers De Gaulle restait intacte :


« Un homme qui à 78 ans affronte la ténébreuse conspiration
des spéculateurs, des agences d’information, des organes de
presse, des « techniciens », des puissants et qui défie le
mensonge roi et méprise les calomnies et le ridicule que sur
sa personne, ses rêves et ses ambitions, certains jettent à
pleines mains, celui-là mérite le plus profond respect. C’est
un exemplaire humain hors série, quichottesque et
tragiquement seul dans un monde de bavards, de médiocres
et de pédants115. »

73 Il conviendrait aussi de citer ici les nombreux hommages


produits par des écrivains latino-américains lors de la mort
du Général. Conscient des changements, Octavio Paz
regrettait l’époque de De Gaulle, personnage d’exception :
« Il n’est pas étrange que dans un monde de fonctionnaires le
général de Gaulle était une exception : c’est un survivant de
l’époque héroïque. Loin d’être un révolutionnaire, c’est
l’incarnation même de la tradition… et à sa façon il
représente une rébellion. Un gouvernant avec un style propre
c’est quelque chose d’insolite dans ce monde de
médiocres116. »

74 En 1971, alors que le Chili d’Allende commençait à souffrir de


l’ostracisme international, à Paris, l’écrivain et diplomate
chilien Jorge Edwards rappela à Neruda, avec beaucoup de
nostalgie, l’époque où les relations des puissances

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émergentes avec les Super-grands étaient facilitées par la


politique gaullienne117. En 1990, année où il reçut le prix
Nobel, face à l’effondrement de l’URSS, Octavio Paz rappela
les propos du Général, affirmant que désormais « l’Europe
peut et doit s’étendre de Lisbonne à l’Oural118 ». En 2002, en
évoquant la nécessité de ne pas se laisser embarquer par les
États-Unis dans une guerre contre l’Irak qui à la longue
déstabiliserait tout le Moyen-Orient, le romancier mexicain
Carlos Fuentes se souvint du voyage du président français à
Mexico et il évoqua la politique étrangère indépendante de
De Gaulle119.
75 Mais sans doute on peut (et on doit) citer simplement les
mots d’Asturias qui, en 1972, rendit hommage à un général
qui avait « une certaine idée de l’Amérique latine120 ».

76 De Gaulle résistant, homme de lettres, homme d’État. Ces
images ont successivement occupé l’espace politique français
et international pendant 30 ans. Dès le début de la Seconde
Guerre mondiale, des écrivains, des intellectuels et des
journalistes latino-américains participèrent à la création des
premiers réseaux d’aide à la France Libre. Ces personnalités
intellectuelles sont en grande partie celles qui, en Amérique
latine, tout au long des 30 années à venir, donneront à
connaître la spécificité de la politique française.
77 Le bel accueil fait au général de Gaulle au cours de ses
déplacements en 1964 s’explique en grande partie par la
persistance de réseaux intellectuels qui se mirent en place
dès l’été 1940 et qui se prolongèrent de façon personnelle et
informelle dans les années de l’après-guerre. La presse, les
revues, et plus rarement les livres, furent les vecteurs
privilégiés pour transmettre ces opinions.
78 Pendant la guerre, ces réseaux sont inspirés par la
francophilie traditionnelle des élites intellectuelles latino-
américaines. L’idéal de la France Libre apparaît comme le
seul capable de faire resurgir l’équation France = liberté

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= culture ; à sa façon de Gaulle incarne la Libération et le


retour à cette France. L’intérêt des écrivains latino-
américains pour la personnalité du général de Gaulle et les
idéaux qu’il incarne se construit aussi en fonction des
préoccupations et de la formation intellectuelle propre à la
génération à laquelle ils appartiennent. Ainsi, ceux qui
portent une admiration et avouent une filiation envers la
culture française (Reyes) côtoient ceux qui adoptent un
engagement antifasciste avant et pendant la Seconde Guerre
mondiale (Neruda, Asturias). Finalement ceux dont l’activité
professionnelle se développait au sein de la diplomatie ont
été mieux à même de valoriser la proposition française qui
affirmait une politique d’indépendance vis-à-vis des
Superpuissances dans les années 1960 (Paz, Fuentes). Les
trois options peuvent se confondre dans une même
personne. On retrouve chez ces écrivains un intérêt jamais
démenti pour le style littéraire du Général qui se verra
renforcé par une admiration pour la qualité, la simplicité et
le contenu de ses discours, et la modestie de son art oratoire.
79 Les articles, ouvrages et dessins de presse produits en
Amérique latine sont empreints de respect pour le Général et
d’intérêt pour son action politique. Ils s’intègrent aux débats
complexes qui agitent cette décennie des années 1960 qui est
marquée par l’évolution de la guerre froide. Le respect et
l’admiration pour la personnalité et les options politiques de
De Gaulle telles qu’elles apparaissent formulées dans les
articles et les dessins de presse en Amérique latine
contrastent avec l’appréhension qu’exprime la presse
étasunienne à la suite des déplacements du président
français qui sont l’objet de vives critiques.
80 Paradoxalement, alors que de Gaulle est classé à droite en
Europe, en Amérique latine sa politique reçoit l’admiration
d’écrivains classés à gauche ; la droite latino-américaine
restant plus frileusement pro-étasunienne. Car les élites
libérales les plus modernes de l’Amérique latine voient dans

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la politique étrangère de la France la possible création d’un


espace qui permettrait au sous-continent d’accéder
pleinement à la modernité en réintégrant pleinement le
concert des nations par le biais d’une autre politique au sein
du Monde libre.
81 Pendant une période de plus de 30 ans, on assiste dans la
presse et parmi les écrivains latino-américains à la
construction d’une image de De Gaulle à l’usage de
l’Amérique latine, en fonction des nécessités continentales.
La main tendue par la France représente la possibilité
d’échapper au dialogue trop exclusif et peu fécond avec
Washington, et surtout, elle offre une réponse positive aux
expectatives des élites latino-américaines les plus
conscientes de la nécessité de moderniser un système de
production devenu obsolète et d’élargir le champ des
exportations afin d’échapper à une domination des marchés
traditionnels en augmentant le volume des échanges
commerciaux.
82 La francophilie ne répondait plus tant à un modèle culturel
transmis depuis plusieurs générations, mais à l’attrait que
provoquait une politique renouvelée, dans le cadre des
réalités politiques de l’après-guerre, de la guerre froide.
83 Les quelques articles et dessins de presse utilisés ici ne
doivent pas faire oublier qu’il existe encore de nombreux
éléments qui mériteraient une étude plus approfondie.

Notes
1. B����� J. L., « Préface des préfaces » au Livre des préfaces, Paris,
Gallimard, 1980, p. 12.

2. G����� L��� R., A qué viene De Gaulle ?, Buenos Aires, Ed. Jorge
Alvarez, septembre 1964.

3. Christian Pineau, Maurice Faure, Édouard Ramonet, Arthur Conte,


Gaston Monnerville, Émile Roche, Roger Duchet, Louis Jacquinot,
Jacques Soustelle, André Malraux et Jean-Louis Tinaud furent pressentis
pour se rendre en Amérique latine pour expliquer le bien-fondé de la

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politique algérienne de la France afin que le vote latino-américain à


l’ONU empêche sa mise à l’ordre du jour de l’Assemblée générale à
l’automne 1957 : « Franc-Tireur vous présente les 10 commis-voyageurs
de la loi-cadre » : Franc-Tireur, 27 août 1957, p. 2. Archives MAE,
Amérique 1952-1963, Généralités, Voyages de Personnalités. L���� A.
(de la), « Regards croisés sur l’action diplomatique française en
Amérique latine : le voyage de Louis Jacquinot (1958) », Caravelle (94),
Toulouse, 2012, p. 249-285. Voir aussi dans ce volume la contribution de
P����� H. C., « André Malraux et l’Amérique latine (1959) : un voyage de
propagande ? ».

4. Georges Clemenceau se rendit en Argentine, avant la Première Guerre


mondiale alors qu’il n’était pas encore président du Conseil. René Coty
(1953-1958) eut la velléité de se rendre en Amérique latine. La fin des
causes qui empêchèrent Coty de s’y rendre, permit à de Gaulle de le
faire : la fin de la guerre d’Algérie.

5. O������� J.-P. « L’Amérique latine et la France libre », Espoir (114),


janvier 1998, p. 11. Le Journal Officiel du 28 octobre 1942 relèvera la liste
de ces comités américains.

6. Mention doit être faite des Turcos. Les membres des communautés
syro-libanaises étaient des assistants assidus des célébrations françaises,
notamment du 14 juillet. Ils participèrent généreusement à l’effort de
guerre et de propagande en faveur de la France Libre. Le Mémorial de
Bayeux conserve un parchemin du comité libanais pro-alliés de Mexico.

7. Arch. MAE, Amérique 1944-1952, Mexique 17, f° 75-76, si on s’en tient


aux trois pays où les activités des CNFL furent les plus développées : à
Cuba, la communauté française comptait 400 individus, alors que l’on
comptait 153 649 Espagnols, environ 30 000 Chinois et 12 574
Étasuniens ; en Argentine, en 1946, les Français de souche ne
dépassaient pas 4 000 ; et au Mexique, sur les 350 000 habitants que
comptait Guadalajara, 4 à 500 étaient Français, dont seulement 100 de
souche.

8. Journal officiel de la République française (Alger), juin 1943 à


août 1944, numéros du 28 octobre, des 11 et 13 novembre, 4 décembre
1943 et 1 janvier 1944.
er

9. Un exemple curieux est celui d’un certain Ernesto Guevara dont la


mère, Celia de La Serna avait été active dans le comité de solidarité avec
la République espagnole qu’elle avait fondé à Alta Gracia, dans la
Serranía de Córdoba, en Argentine. Par la suite, elle déploya ses activités

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au sein des Comités d’aide à la France Libre. Ainsi, dans les années 1940,
l’écolier Ernesto rédigeait ses devoirs sous un portrait du général de
Gaulle qui trônait dans la salle à manger familiale. Voir G������ H., El
Che Guevara – La biografía, Buenos Aires, Grupo editorial Planeta-
Argentina, 1996, p. 49. Par ailleurs, le même Ernesto Guevara rapporta
que, dans sa prime jeunesse, l’un des livres qui l’avait marqué (et qu’il
avait lu dans sa version française, langue qu’il parvint à dominer) et dont,
en 1948, il avait traduit des pages lors des cours de français dispensés à
l’université de Buenos Aires fut Le Grand Cirque de Pierre Clostermann.
Le Che s’entretint avec l’auteur à Alger en février 1965, cf.
C���������� P., L’histoire vécue. Un demi-siècle de secrets d’État,
Paris, Flammarion, 1998, p. 201-220.

10. Voir à ce propos, le document 2, « Les Comités nationaux de la


France libre dans le monde (5-20 août 1940) », établi à partir de Arch.
MAE, Guerre 1939-1945, Londres-Alger, vol. 31, fol. 3-5, publié dans « La
France libre répond à l’appel. Naissance et histoire du Comité national
français (été 1940-été 1943) », Paris/la Courneuve, ministère des Affaires
étrangères et européennes, dans le cadre de l’exposition organisée au
cours des Journées du Patrimoine, 17-18 septembre 2011. Il est à
remarquer que, mis à part le Pérou, les pays qui n’étaient pas dotés de
comité de la France Libre (Paraguay, Bolivie, Colombie, Amérique
centrale – à l’exception du Guatemala – et Panamá) recouvrent presque
exactement les pays dont les gouvernements interdirent la création de
comités de solidarité avec la République espagnole, sous prétexte de
« diffusion d’idéologies étrangères ». Les régimes dictatoriaux du
Guatemala, du Salvador et du Nicaragua ayant été les trois seuls pays à
reconnaître le régime du général Franco dès 1937.

11. Voir dans ce volume la contribution de D�����-Q������� J., « La


défaite de 1940 : une étape dans la redéfinition des relations culturelles
entre la France et les intellectuels latino-américains ».

12. Exilé au Chili dans les années 1930, ayant fui la dictature péruvienne
de Benavides, Luis Alberto Sánchez fut le traducteur d’Amérique latine
d’André Siegfried (1935), de L’Espoir de Malraux (1938) et de À travers
le désastre de Jacques Maritain (1941) pour le compte des éditions
Ercilla de Santiago.

13. S������ L. A., ¿ Existe América Latina ?, Mexico, F.C.E., 1945, p. 81,
reprend une série d’articles antérieurs.

14. L’idée d’un bloc latin à l’ONU, évoquée par le Général dans son
discours de réponse à celui de bienvenue du président péruvien, avait été

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mal accueillie par la presse de Lima. Voir dans ce volume la contribution


de T����� M., « L’ambition et les contraintes. Les discours et messages
du général de Gaulle en Amérique latine et leur réception : la voix et les
voies de la politique latino-américaine en France (1964) ».

15. « Programa Comité De Gaulle/El programa de DE GAULLE cabe en


una palabra : VENCER/El nuestro : AYUDARLE A VENCER/Los
medios : LLEVARLE EL MÁXIMO DE APOYO MORAL Y MATERIAL » :
Pour la France libre edición en castellano, n° 1-2-3, juillet-septembre de
1940, p. 17, reproduit dans B���� A. (éd.), El antifascismo argentino,
Buenos Aires, CeDinCi Editores, 2007, p. 139-140.

16. Idem.

17. « El Comité De Gaulle en nuestra república/Un reportage de Adriana


Piquet », Argentina Libre, n° 21, 25 juillet 1940, p. 5, reproduit dans El
antifascismo argentino, op. cit., p. 141-144.

18. El Ejército del porvenir, Buenos Aires, Sur, 1940, 159 p., traduit par
Ricardo Baeza qui fut aussi le traducteur de Roger Callois.

19. À Rio de Janeiro par la Livraria José Olympio en juin 1941.

20. Ces éditions publièrent aussi les témoignages et les lettres de


démission d’Hervé Alphand (juin 1941) et de Raymond Offroy
(septembre 1941) qui, respectivement, seront ambassadeurs de France
aux États-Unis et au Mexique.

21. « Resultó brillante el baile del Comité pro-Aliados – Asistió el señor


general Maximino Ávila Camacho a esta concurridísima fiesta »,
Novedades, Mexico, 23 février 1942.

22. R������ D., Vichy et la France libre au Mexique, guerre, culture et


propagande pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, L’Harmattan,
1990.

23. La liste des personnalités composant les CNFL en Amérique centrale


est contenue dans B����� M., L’Amérique centrale parle à la France,
Vevey, Engler, 1946, p. 185 et suiv.

24. A������� M. Á., « Une certaine idée de l’Amérique latine », Espoir,


n° 114, Paris, janvier 1998, p. 7.

25. Prix Nobel de Littérature en 1971.

26. Remarquons qu’au même moment, les ambassadeurs latino-

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américains avaient refusé de se rendre à Vichy. Parmi eux, notamment


ceux du Chili (González Videla), de l’Uruguay (César Gutiérrez) et du
Mexique (Luis Rodríguez), aidèrent activement la Résistance française en
fournissant des passeports, de l’argent et en facilitant la transmission du
courrier et de l’information via la valise diplomatique. L’armistice de
juin 1940 et l’occupation supposèrent l’invalidation de nombreux accords
internationaux, le séquestre des archives des ambassades à Paris, le droit
des représentants latino-américains de délivrer des visas fut suspendu.
Plusieurs ressortissants latino-américains souffrirent la déportation dans
des camps (Drancy notamment), et la Wilhelmstrasse refusa toute
information quant à leur sort. La rupture des relations entre le Mexique
et l’Allemagne, le 6 décembre 1943 provoqua l’internement des 44
membres de l’ambassade à Godesberg près de Munich jusqu’en 1945
(Archives du ministère mexicain des Affaires étrangères [SRE],
III-609-21). Pétain tenta de passer un accord avec l’Argentine pour
obtenir des denrées alimentaires, mais Berlin considéra que le
développement de la propagande antinazie en Argentine plaçait de facto
celle-ci dans le camp ennemi. Buenos Aires fut pourtant le dernier État
latino-américain à déclarer la guerre à l’Axe…

27. Arch. MAE, Amérique 1944-1952, Mexique 17, f° 35.

28. SRE (Mexico), III-902-4, dépêche n° 1615, Buenos Aires,


18 décembre 1942.

29. O����� R., « De Gaulle et l’Amérique latine », Espoir, n° 61, Paris,


décembre 1987, p. 28.

30. Voir dans ce volume, sur la tournée américaine des représentants du


gouvernement de la France libérée, la contribution de L������ J.-F.,
« La mission Louis Pasteur Vallery-Radot en Amérique latine (1945) ».

31. Argentinos en Francia, franceses en Argentina, una biografía


colectiva, Buenos Aires, Ed. Ciudad Argentina, 1999, p. 405 et suiv. ;
W���� J., Album de là-bas, Paris, La Table ronde, 1974, p. 210-213 ;
R������ D., Vichy et la France libre au Mexique, op. cit. ; Espoir, n° 114,
janvier 1998, p. 25.

32. Arch. MAE, Chili 13, dépêche n° 64 RC, Santiago, 23 novembre 1946,
f° 98-99.

33. R���� A., « La liberación de París », Cuadernos Americanos,


septembre-octobre 1944, p. 913 et suiv. ; réédité dans Posición de
América, Mexico, Ceestem-Ed. Nueva Imagen, 1982, p. 120 et suiv.

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Alfonso Reyes présida la section de l’École libre au Mexique, laquelle


possédait une filiale en Argentine, l’Institut français de Buenos Aires
dirigé par Welbel Richard et Roger Caillois, qui conférait aux étudiants
argentins des diplômes supérieurs de français : L���-S������ C., « La
culture française en Amérique », Le Monde, 4 mai 1945 et dans ce
volume, voir la contribution F������ O., « Les écrivains français exilés en
Amérique latine et la Résistance extérieure : Georges Bernanos, Roger
Caillois, Jules Supervielle… ».

34. M����-D����� R., Quién es quién en el Paraguay, Asunción, s. d.

35. Entretien publié par Novedades, Mexico, 23 février 1942. Consultable


dans G����� C. (de), Lettres, notes et carnets, août 1941-mai 1943, Paris,
Plon, 1983, p. 211-214.

36. Arch. MAE, Amérique, Cuba, 13, f° 4, septembre 1944, propos du


« délégué du Comité National Français Grousset ».

37. El Mundo, 26 novembre 1944.

38. Arch. MAE, Amériques, Mexique 20.

39. El País, La Havane, 13 juillet 1946 et 12 juillet 1947.

40. El Nacional, Caracas, 4 juillet 1957. Craignant la dictature de Batista,


Carpentier s’était exilé au Venezuela. De 1929 à 1939, il avait vécu à Paris
où il assista avec intérêt aux conférences de J. Maritain. Dès les années
1930, Carpentier exalta la figure et le travail de Malraux reconnaissant en
lui sa capacité de valoriser d’autres cultures, notamment Angkor. Sur
Malraux : C��������� A., Chroniques, Paris, Gallimard, coll. « Idées »
(492), 1983.

41. G����� M������ G., Elite, Caracas, 8 septembre 1956 ; repris dans
G����� M������ G., Obra periodística de Europa y América
(1955-1960), Madrid, Narrativa Mondadori, 1992, p. 28 et suiv.

42. Arch. MAE, Mexique 26, télégramme n° 29, Mexico, 10 février 1960,
reçu le 16, p. 2, signé Lagarde.

43. Préface par E. Sábato à l’ouvrage de M������� J., Charles de Gaulle,


prócer y pensador, Buenos Aires, Ed. la Mandrágora, 1964, p. 10.

44. Il conviendrait aussi de citer des personnalités républicaines


espagnoles très philogaullistes, tels Luis Araquistain (socialiste espagnol,
ambassadeur à Berlin en 1932 où il fut témoin et prévint du danger nazi),
Tuñón de Lara (historien et futur universitaire en France), Fernando

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Valera (dernier chef du gouvernement espagnol en exil). Le premier


écrivit dans la presse mexicaine, les autres dans celle du Venezuela. Ou
bien encore Néstor Suárez Feliú personnellement félicité par Malraux
pour la qualité de ses articles et ses chroniques radiodiffusées à Cuba :
Arch. MAE, Cuba 45, f°138 et f°147.

45. Arch. MAE, Mexique 26, dépêche n° 282, p. 2, signé Lagarde.


Pendant la guerre d’Espagne, Miravitlles œuvrait au ministère de la
Propagande, il s’occupait notamment du cinéma, il offrit à Malraux tous
les moyens nécessaires pour le tournage de Sierra de Teruel (L’Espoir).

46. Malraux n’oublia pas les Latino-Américains qui s’étaient engagés


pour la France Libre. En 1964-1965, les services secrets étasuniens
tentaient de placer un citoyen des États-Unis à la tête du Pen-Club, en
l’occurrence Arthur Miller, après que John Steinbeck ait refusé. Les
Français s’opposaient à ce qu’un Étasunien dominât l’organisation
intellectuelle, aussi proposèrent-ils M.-A. Asturias. Le 28 avril 1965, un
membre du comité exécutif du Pen-Club USA déclara que « cette
initiative française est un exemple de plus de l’orgueil démesuré qui
étouffe les dirigeants français », car, pour lui, il ne faisait aucun doute
que le Quai d’Orsay était derrière tout cela… Michael Josselson, président
du Congrès pour la liberté de la Culture, l’organisation chargée de la
guerre froide culturelle, qui méprisait le Guatémaltèque, fit pression sur
Malraux pour paralyser sa candidature, en affirmant qu’il y allait du
prestige de la France dans le monde… Pour solde de tout compte, non
seulement Asturias devint secrétaire général du Pen-Club, en 1966, mais
il reçut le prix Nobel, l’année suivante, en 1967… Voir S�����
S������� F., La CIA y la Guerra fría cultural, Madrid, Ed. Debate,
2001, p. 506-508.

47. Lors de ses derniers séjours à Paris, dans les années 1960, V. Ocampo
résidait à La Lanterne, la résidence de Malraux. Voir L����� P., Espoir
(114), Paris, 1998, p. 13-22 et D����� M-C. et B����� G., « Les lettres
françaises dans la revue argentine Sur (1931-1964) », Cahier des
Amériques latines (16), Paris, IHEAL-CNRS, 1977, p. 153-188 qui
contient la liste des articles de Malraux dans Sur, p. 173, note 44.

48. Parmi les intervenants latino-américains qui participèrent au


Congrès de Valence en juillet 1937, et que par conséquent Malraux,
chargé de la logistique du transport, rencontra, figuraient N. Guillén,
A. Carpentier, O. Paz, P. Neruda, V. Huidobro, C. Vallejo, D. del Carril. Le
lecteur comparera avec les noms des auteurs cités ici.

49. Extrait des dépêches rédigées sous les ordres de Paz lorsqu’il était

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chargé d’Affaires à Paris. Elles sont aujourd’hui conservées dans les


archives de SRE de Mexico, cote III-1983-8. O. Paz fut élève des pères
maristes français de Mexico.

50. Alias Federico Bracht quand il signa des tracts dénonçant le supposé
complot judéo-communiste dont de Gaulle aurait pris la tête au sein de
l’armée argentine lors de sa visite d’octobre 1964. Le journaliste argentin
García Lupo affirma que Meinvielle était lié à Albert Falcionelli, un
journaliste français, ex-collabo et chef de l’agence Havas à Madrid
pendant la Seconde Guerre mondiale et réfugié en Argentine en 1947, où,
depuis la chute de Perón, il travaillait pour le Service d’intelligence de
l’armée argentine…

51. Arch. MAE, Chili 13, dépêche n° 46 AM, Santiago, 18 janvier 1946,
f°150 r° et v°.

52. Chantecler (11), Caracas, 5 mai 1945, citant un article de la presse


argentine non identifié.

53. A��������� G., « ¿ Hacia una organización de Estados


latinoamericanos ? », Cuadernos [del Congreso por la Libertad de la
Cultura] (100), septembre 1965, p. 5-10 ; p. 10, colonne 2.

54. V����� L���� M., « Napoleón en el Támesis », Contra viento y


marea (III), Barcelona, Seix Barral, 1990, p. 70-74. Écrit à Londres en
juin 1983.

55. V����� L���� M., « De Gaulle y el cristal con el que se mira », Contra
viento y marea (I), Barcelona, Seix Barral, 1986, p. 78-87. Écrit à Paris le
31 janvier 1965.

56. Nous avons dénombré jusqu’à 48 articles et photos concernant le


séjour de De Gaulle au Mexique rien que dans la presse de la petite
république centre-américaine du Salvador…

57. Copie du télégramme n° 1579, conservé dans les archives de la


Secretaría de Relaciones Exteriores de México, Acervo Diplomático,
III-6396-24 :
« De Rosenzeig Díaz [ambassadeur du Mexique à Londres] à Relaciones
Exteriores, México :
« London, 16 recibido 17 de diciembre de 1942
1579. – Confidencialmente Jefe Diplomático Comité Francés me ha
manifestado que el General De Gaulle visitará Presidente Roosevelt
próximo mes de enero, agregando General De Gaulle tiene vivos deseos
visitar México y que lo haría con gran placer si fuera invitado. Ruego

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instrucciones esta vía. »


Nous ignorons, malheureusement, quelle fut la réponse des autorités
mexicaines.

58. L���� A. (de la), « Le voyage du général de Gaulle au Mexique : entre


l’hostilité nord-américaine et l’enthousiasme latino-américain, une étude
comparative des discours de la presse écrite du continent américain »,
Crisol (7), Publication du CRIIA, Nanterre, 2003, p. 145-185.

59. « US will watch de Gaulle’s invasion », Denver Post, Colorado,


10 mars 1964. B������� C., « De Gaulle’s Latin American Trip », The
Evening Star, Washington DC, 12 mars 1964, p. A-17. « De Gaulle’s
Hemisferic “Invasion” », Los Angeles Times, Californie, 16 mars 1964.
P������ D., « De Gaulle’s “Invasion” Well Timed », The Washington
Post, mercredi 18 mars 1964. P������ D., « De Gaulle Timed his
“invasion” », The Sacramento Union, Californie, 18 mars 1964.

60. « Truman Has Warning Word For De Gaulle », The Sacramento Bee,
Californie, mardi 17 mars 1964, p. A8 (AP), et Montreal Star (Canada),
17 mars 1964 (UPI).

61. « Antidegolismo de Truman » editorial, Novedades, Mexico, 18 mars


1964.

62. The Washington Post, 16 mars 1964, p. A18.

63. A������� S., « Tactfull Recal », Dallas Morning News, Texas,


16 mars 1964.

64. « Herald Tribune Enfoca Visita de Gaulle », La Prensa, Managua,


18 mars 1964, reprenant une dépêche de l’AP.

65. New York International Tribune, Paris, 16 mars 1964 publie une
photo montrant de Gaulle au départ à Orly accompagné du général Louis
Dodelier, gouverneur militaire de Paris. The Evening Star, Washington
DC, lundi 16 mars 1964, p. A4 (photo AP) publie une photo où de Gaulle,
quittant la France, passe en revue la garde, accompagné du général
Dodelier. Le Washington Post du 16 mars 1964 publie une photo
montrant les trois généraux, puisque l’attaché militaire mexicain à Paris,
le général Alberto Salinas Carranza les accompagnait.

66. Éditorial de l’organe gouvernemental La Nación, Santiago du Chili,


qui développerait un qualificatif de Malraux, 11 mars 1964. Et S����
M������� E., Novedades, Managua, 9 mars 1964, dans l’éditorial « 12
PM ».

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67. P���� J., « Francia devolvió banderas a México », El Litoral,


Concordia, Argentine, 7 mars 1964 (UPI).

68. M��������� M. H., « De Gaulle aprende castellano », Ercilla,


Santiago du Chili, 11 mars 1964, n° 1503. La revue livre trois photos
consacrées à ce thème et le détail des trophées, en livrant le nom des
corps d’armée et le jour de la bataille. Plus complet : « Historia de tres
banderas », El Universal, Mexico, vendredi 6 mars 1964.

69. « De Gaulle Parte Hoy de París en Viaje a México », Clarín,


dimanche 15 mars 1964, p. 7 (AP, AFP, ANSA).

70. R���� N������ S., « Aquella Intervención Francesa », Novedades,


México, jeudi 5 mars 1964.

71. V����� J. S., « De Gaulle y Monroe », El Día, Mexico, lundi 30 mars


1964.

72. Idem.

73. Éditorial : The Washington Merry-go-Round, « US Could Spank


Nkrumah Easily » par Drew P������, The Washington Post, 10 février
1964, p. B 23. En France, Témoignage Chrétien fut victime de
l’intoxication et publia le 2 avril 1964, p. 7, « la traduction de la bande
d’enregistrement que Bernard Labadie », le nouveau correspondant du
journal à New York, s’y était procuré, contenant soi-disant les entretiens,
puisque « le Général de Gaulle a rencontré secrètement Fidel Castro »…

74. Reportage dans l’émission « 5 colonnes à la une », rapporté par The


New York Times (éd. internationale) : « Castro Lauds de Gaulle, Attacks
U.S. on French Television Show », daté de Paris, 6 mars, non signé.

75. « Pungent Gallic irony », The Washington Post, 16 mars 1964, p. A


18.

76. « De Gaulle got a big welcome as began a state visit in Mexico », Wall
Street Journal, New York, mardi 17 mars 1964, p. 30.

77. M����� M., « Million in Mexico City To Welcome De Gaulle », The


Evening Star, Washington DC, lundi 16 mars 1964. Au Mexique, les
critiques émises par le PAN, le parti de droite opposé au parti officiel, le
PRI, ne purent être exprimées qu’à la fin de l’année 1964 – c’est-à-dire
une fois le voyage sud-américain de De Gaulle fini. Le PAN se plaignit
notamment de l’attitude de la police sur les marchés de Mexico et que
l’obligation de fermer les commerces dans le centre-ville le jour de la

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visite de De Gaulle au Zócalo avait fait perdre une journée de travail aux
commerçants…

78. « De Gaulle in Mexico » (éditorial), The New York Times, 16 mars


1964.

79. H�������� J. M. (AP), « Se teme que De Gaulle fomente


antiyankismo », La Prensa, Managua, 18 mars 1964 ; et R��������
M. W. (AP), « De Gaulle trata de atenuar el temor de Estados Unidos »,
La Prensa, 19 mars 1964, voir aussi Buenos Aires Herald (organe de
presse en anglais) du 15 mars 1964.

80. M��������� M. H., « De Gaulle aprende castellano », Ercilla,


Santiago du Chili, 11 mars 1964, n° 1503. Cet influent hebdomadaire
dépêcha au Mexique son propre directeur pour couvrir l’événement et
publia son article sur 11 colonnes et avec 5 photos.

81. B������� C., « De Gaulle’s latin American Trip », The Evening Star,
Washington DC, 12 mars 1964, p. A 17.

82. Post Dispatch, Saint Louis (Missouri), 8 mars 1964.

83. À Buenos Aires, El Mundo, 14 mars 1964, cite l’annonce officielle de


la Préfecture de Mexico par laquelle le ministre de l’Intérieur appelle ses
compatriotes à « que reserven a esos huéspedes ilustres “un entusiasta
recibimiento que honre a la tradición mexicana” ».

84. « De Gaulle y la política exterior de Francia », éditorial de M�������


A����� R., La Nación (quotidien de l’opposition conservatrice),
Managua, 21 mars 1964, p. 4.

85. La Estrella, Panama, 19 mars 1964.

86. El País, Assomption, Paraguay, 19 mars 1964.

87. Z���������� J., « Hoy llega de Gaulle », Novedades, Mexico,


16 mars 1964.

88. La Nación, Managua, Nicaragua, 19 mars 1964 (AFP).

89. Clarín, Buenos Aires, 19 mars 1964, p. 2 : « Cinquante mille


étudiants enthousiastes ont transformé la réception en un cauchemar.
Les vêtements furent déchirés, plusieurs personnes s’évanouirent, les
portes furent brisées et les vitres volèrent en éclats quand, par la force,
les étudiants tentèrent d’être le plus près du général. »

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90. La Nación, Managua, Nicaragua, 19 mars 1964 (AFP).

91. La Estrella, Panama, 19 mars 1964.

92. Lettre d’O. Paz, datée du 13 mars adressée depuis New Delhi à
Ramón Beteta, directeur du quotidien mexicain Novedades publiée le
dimanche 15 mars 1964.

93. Novedades, Mexico, 24 mars 1964. Issue d’une richissime famille


d’immenses propriétaires terriens qui avait fui la Révolution mexicaine
de 1911, Elena Poniatowska naquit à Paris. Descendant du prince
Poniatowski, maréchal de France, son père rejoignit Londres, intégra les
Forces de la France Libre et fit partie des Français libres qui
débarquèrent en Normandie.

94. Z�� L., « De Gaulle y los EEUU », Novedades, Mexico, mardi 17 mars
1964.

95. « Washington n’est pas Mexico », France-Observateur, jeudi 2 avril


1964, p. 12.

96. L’exposition était présentée au Palacio de Correos, Mexico DF.

97. A���, Visita del General Charles de Gaulle (tragedia en 2 actos),


Bogotá, Editorial Progreso, 1964, 24 p.

98. Paris avait décoré de la légion d’Honneur tous les présidents des
Républiques latino-américaines visitées. En Équateur, seul l’amiral
Castro-Jijón, commandant en chef de l’armée, doyen des quatre officiers,
et officier présidant la junte, avait été fait commandant. Les trois autres
officiers en prirent ombrage et… une crise éclata entre Quito et Paris…

99. M���� T., De Gaulle, el gran solitario, Santiago de Chile, Zig Zag,
1964. Il est aussi l’auteur de Las banderas olvidadas (1964), Memorias
de un reporter (1965), Yo lo conocí : 204 personajes en busca de un
autor (1965), De China a Chile (1966), où il consacre plusieurs pages à
caractériser à sa manière, Couve de Murville, Malraux et le Général. On
remarquera la coïncidence des dates avec le voyage présidentiel français.
En Argentine, González Roura – francophile qui avait résidé 30 ans en
France, détenteur de la Légion d’honneur, membre de l’Alliance française
– tenta d’écrire un livre sur le Général afin de contrecarrer l’opinion
émise par la presse argentine sur le mandataire français. Paris craignait
trop l’attitude anti-yanqui du personnage pour l’aider dans sa démarche.

100. L’ouvrage connut donc une édition de chaque côté des Andes : à

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Lima, Populibros, 1964, 122 p. et à Buenos Aires, Ed. Jorge Álvarez, le


10 septembre 1964, 132 p. La différence de pages s’explique par un
chapitre consacré à la politique étrangère de l’Argentine qui n’apparaît
pas dans l’édition péruvienne qui est postérieure à l’argentine. Celle-ci fut
la seule à être publiée avant l’arrivée du Général qui se pose dans la
capitale argentine le 3 octobre.

101. F������ C., « El viejo De Gaulle y la nueva Francia », Siempre !,


Mexico, 18 mars 1964.

102. La Constitution de la V République française fut publiée dans son


e

intégralité sur 4 numéros ; les trois derniers d’octobre et le premier de


novembre 1959. C’est, à notre connaissance, la première publication en
Amérique latine. Elle sera ensuite reprise dans des revues spécialisées en
sciences juridiques.

103. C’est celle-là même que la Wehrmacht fit retentir sur les Champs-
Élysées un funeste jour de juin 1940 sous prétexte qu’elle était la préférée
du Führer… Marcha concluait que c’est ce qu’on appelle « un sentido de
la inoportunidad realmente prodigioso ».

104. La revue rapporta un bon mot attribué au Général qui, face aux
trombes d’eau qui s’abattaient sur Montevideo, en sortant de la Caravelle
présidentielle « Château de Versailles », déclara : « Devant moi, le
déluge. »

105. Signé « M. P. », « El actor del año en TV », Marcha (1227),


16 octobre 1964, p. 8.

106. Illustre alors l’article de G�������� C. M., « ¿ Tercer Mundo o


sectarismo ? », Marcha (1127), Montevideo, 16 octobre 1964, p. 9 et il est
repris dans la même revue (1285), 17 décembre 1965, p. 21, pour illustrer
l’article de G������� M., « Un nuevo método de ayuda para el
desarrollo » (« une nouvelle méthode pour aider au développement »).

107. G�������� C. M., art. cit.

108. « De Gaulle y el Tercer Mundo », Marcha (1284), 12 décembre


1964, p. 6. De son côté Vargas Llosa affirmait que « les ouvriers français
voteraient certainement pour Defferre. Mais si les Latino-américains
nous devions voter dans ce plébiscite, je pense qu’il n’y aurait pas lieu
d’hésiter : nous devrions voter pour de Gaulle » : « De Gaulle y el cristal
con el que se mira », op. cit., 1986, p. 78-87.

109. « On vit l’autorité politique et militaire des États-Unis s’installer à

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son tour au Viêt-Nam du Sud et, du même coup, la guerre s’y ranimer
sous la forme d’une résistance nationale. Après quoi, des illusions
relatives à l’emploi de la force conduisirent au renforcement continuel du
Corps expéditionnaire et à une escalade de plus en plus étendue en Asie,
de plus en plus proche de la Chine, de plus en plus provocante à l’égard
de l’Union Soviétique, de plus en plus réprouvée par nombre de peuples
d’Europe, d’Afrique, d’Amérique latine, et, en fin de compte, de plus en
plus menaçante pour la paix du monde. »

110. Marcha (1399), 26 avril 1968, p. 14, numéro qui a pour titre « La
rebelión de los jóvenes ». Cette francophilie s’accompagne de grandes
publicités pour Moulinex : « día para exaltar con Moulinex la palabra
de amor mamá domingo día de la madre » et de SEB : « calidad
francesa, duración eterna ».

111. « En todo caso, de Gaulle tomará, estoy seguro, las medidas que se
imponen, pero habrá pagado ya, una vez más, por algunos de sus
subordinados que lo tenían – con buena o mala fe- informado »,
C���������� L., « Sangre y fuego en el barrio latino », Marcha (1401),
10 mai 1968, p. 22-23.

112. « ¿ A dónde va Francia ? », Marcha (1405), 7 juin 1968, p. 14.


Reprend la définition du Petit Robert. Et comporte en encadré l’intégrale
du discours de De Gaulle.

113. « Los entretelones de la historia » (editorial), Marcha (1427),


29 novembre 1968, p. 7-8.

114. Idem. Voir aussi « Los entretelones de la batalla monetaria »,


Marcha (1428), 6 décembre 1968, p. 16-17, qui reprend les articles de
Georges Suffert (L’Express) et de Fauvet (Le Monde). Et B������ M.,
« La batalla de las monedas », Marcha (1428), 6 décembre 1968,
p. 20-21, reprend l’article publié dans le numéro du
25 novembre-1 décembre 1968 du Nouvel Observateur.
er

115. « Los entretelones de la historia » (editorial), Marcha (1427),


29 novembre 1968, p. 8. L’admiration gaulliste de Marcha conduit à
informer sur la carrière politique du représentant gaulliste des Hauts-de-
Seine, qui n’est autre que l’ancien ambassadeur de France à Montevideo,
Roger Barberot : Marcha (1430), 20 décembre 1968, p. 18 (Telemundo).

116. Suite de la citation : « Khroutchev parlait à base de proverbes


comme Sancho Panza ; Eisenhower répétait avec difficultés les formules
du Reader’s Digest ; Johnson s’exprimait dans un dialecte hybride,

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mélange de la rhétorique populaire du New Deal et de la brutalité du


shérif texan ; les autres cultivent le jargon impersonnel et bâtard des
experts de l’ONU. Il suffit de regarder derrière soi vers le Tiers monde
pour se rendre compte du contraste. »

117. E������ J., Persona non grata (in epilogo parisino), Barcelone,
Tusquets (ed.), 1991, p. 353.

118. « Europa puede y debe extenderse, como dijo proféticamente el


general De Gaulle, de Lisboa a los Urales », P�� O., « ¿ Fin de
imperio ? », Pequeña crónica de grandes días, Mexico, FCE, 1990,
p. 390 ; écrit à Mexico du 23 décembre 1989 au 5 janvier 1990.

119. Fuentes, fils du conseiller de l’ambassade du Mexique à Washington,


fut élève du collège français de Mexico. « México y Francia, Irak y la
ONU », Reforma, Mexico, 4 novembre 2002. L’article comporte une
série d’inexactitudes chronologiques. Initialement paru dans le Los
Angeles Times, Californie.

120. A������� M. Á., « Une certaine idée de l’Amérique latine », Espoir


(114), Paris, janvier 1998, p. 7.

Author

Alvar de La Llosa
Université Lyon II-Lumière,
professeur des universités.
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DE LA LLOSA, Alvar. L’image du général de Gaulle à travers la presse
et les écrivains latino-américains In: De Gaulle et l’Amérique latine
[online]. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2014 (generated 30
janvier 2024). Available on the Internet: <http://books.openedition.org
/pur/42554>. ISBN: 978-2-7535-5279-1. DOI: https://doi.org/10.4000
/books.pur.42554.

Electronic reference of the book


VAÏSSE, Maurice (ed.). De Gaulle et l’Amérique latine. New edition

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/books.pur.42514.
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This book is cited by
Lillo, Pedro Martinez. Arcos, Javier Castro. (2023) Advances in
Public Policy and Administration Examining Colonial Wars and
Their Impact on Contemporary Military History. DOI:
10.4018/978-1-6684-7040-4.ch013
(2023) Dictionnaire de la guerre d'Algérie. DOI:
10.3917/bouq.queme.2023.01.1359

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