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Agone

Le Masque et l'Art
En regardant les peintures expressionnistes (oula l'intro qui se la joue… on m'a obligé je vous dit
!) il me vient une idée : et si les Inspirés étaient la source d'une certaine forme de fascisme ?
Après tout, les arts les plus courants de l'Harmonde sont des œuvres répondant à des critères
de beauté assez arbitraires. C'est un peu comme si les Inspirés, sous prétexte de défendre l'art,
se faisaient les forces de police d'un académisme suranné. Après tout, les hommes ont droit à la
diversité.
Devant la mort les humains réagissent de différentes manières. L'art est bien souvent le vecteur
de leurs pensées.
On peut y voir l'amour de la mort, le refus et le désespoir de la fin proche. Le refus de la mort
est celui qui se retrouve le plus souvent chez les Inspirés. Ces derniers montrent dans leurs
œuvres le triomphe de la vie sur la destruction. Après tout, l'art en soi n'est il pas un moyen de
vaincre le néant en perpétuant le souvenir ?

Plus particuliers sont l'amour ou le désespoir face à la mort. Le désespoir nous montre des
œuvres hantées par la fin prochaine. L'artiste constate la vanité des hommes qui ignorent que
tous leurs actes ne sont en fait que des futilités. A quoi bon construire une société condamnée
au déclin ? Pourquoi laisser à ses enfants une terre, si le fin mot de l'histoire n'est que la mort,
toujours la mort.
L'amour de la mort est déjà une forme plus avancée. Elle peut vite sombrer dans la perversion la
plus sinistre. Les poètes maudits la chérissent, au même titre que les assassins fous. La
différence est énorme entre eux deux, mais le pas à franchir est bien petit.
Les Inspirés courent après les moindres manifestations de la perfidie. Aussi, dès qu'un auteur,
qu'un sculpteur exécutent une œuvre au caractère un peu trop morbide, dépressif, il est assuré
de voir se manifester dans les jours qui viennent quelques personnages étranges, venus voir
juste au cas où. Si le jeune homme s'enfonce un peu trop dans le mal, alors ils s'en occupent
rapidement.

Synopsis :
Un peintre de Lorgol se manifeste. Ses toiles révèlent un trait morbide au delà de toute
conception. Les nobles de la ville s'arrachent bien vite ses toiles et sa réputation n'est plus à
faire. Un Inspiré se persuade de l'aspect néfaste des œuvres du peintre et entreprend de saper
son entreprise maléfique. Si l'artiste est bien sensible à la perfidie, il n'en est pas pour autant un
agent du Masque et est bien innocent. Aux joueurs de faire la différence.

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1) Un beau jour à Lorgol
Notre histoire commence par un bel après-midi de printemps, dans la ville de Lorgol. Les
Inspirés sont en ville pour une raison quelconque, pour faire quelques courses ou bien pour la
simple et bonne raison qu'ils vivent dans la ville aux mille tours.

Les voilà donc dans la rue commerçante de la cité. Comme à son habitude, l'endroit est
extrêmement agité : les foules se pressent devant les boutiques, les agitateurs et les crieurs
publics charment les foules de leurs voix passionnées, les voleurs à la tire pressent les bourgeois
insouciants, les charrettes tentent en vain de se frayer un passage au travers des hommes… Au
dessus du brouhaha ambiant s'élèvent les airs de fliote des mendiants qui bordent la rue, et se
mêlent aux cris des marchands dans une joyeuse cacophonie. Les joueurs vaquent à leurs
occupations quant se font entendre des cris de colère. Rapidement la foule autour d'eux se
dirige vers l'origine de la turbulence : un peu plus loin se trouve la galerie d'art tenue par maître
Voltefait, mécène bien connu des peintres d'Urguemand. Un spectacle assez pittoresque semble
avoir lieu dans la galerie : ouverte sur la rue, elle laisse entrevoir plusieurs hommes se livrant à
une sorte de pugilat, en s'invectivant de tous les noms d'oiseaux existant. Il y a au milieu le
pauvre maître Voltefait, agressé par trois artistes furieux. Les agresseurs ne sont que de faible
combativité, et leur maigreur et l'état de leurs habits vont de pair pour provoquer la pitié des
autres hommes ; notre mécène quant à lui porte ostensiblement sa bonne chère en la personne
d'un ventre rebondit. Leur combat s'enlise dans une sorte de lutte figée, tant et si bien que le
groupe ne ressemble plus qu'à une masse humaine dont s'échappent quatre faces rubicondes.
Voltefait étant un bourgeois de bonne charpente et bien nourri, ses adversaires plutôt maigres
ont toutes les peines du monde à le faire rendre grâce. Si nul n'intervient, le groupe reste un
moment figé ainsi, jusqu'à ce que le videur de la galerie, un solide mercenaire n'intervienne et ne
fasse déguerpir les assaillants. Le brave bourgeois s'essuie alors un instant, se tourne vers la
foule et fait signe à son défenseur de faire déguerpir les curieux. Le guerrier s'avance, fait mine
de saisir son épée, et déjà la foule entière a disparu.
Si les joueurs tentent d'entrer dans la galerie, il leur faudra s'acquitter du droit de passage qui
s'élève à quelques pièces d'or, puis tenter de retrouver maître Voltefait.

2) La galerie
L'endroit dans lequel pénètrent les Inspirés est tout à fait étrange. Ceux d'entre eux, habitués
des arts, ont certainement par le passé visité l'honnête établissement de maître Voltefait et
jamais l'endroit ne leur avait paru si effrayant, même lorsque le pauvre mécène avait accepté la
tristement célèbre exposition du peintre Bongeoir dont la spécialité était alors la peinture
vivante, enfin passons…

Les murs sont ici recouverts de toiles sombres, représentant des chauve-souris immenses, des
dragons verdâtres et des démons aux tons acides dévorant dans leurs gueules immenses des
hommes émaciés, maigres à en mourir. Les couleurs criardes dégueulent sur le tableau, le
décors se mélange aux êtres qui le peuplent, et tout n'est que cauchemar révélé. Sans cesse au
cœur de ces horreurs revient la Mort, sorte de femme aux os saillants, juchée sur une monture
en flammes et brandissant devant elle une longue lame noire, fauchant à l'aveuglette et les
hommes et les bêtes.

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Tout Inspiré voyant ces œuvres se doit d'effectuer un jet d'intelligence + peinture Df. 25
(modifiable selon le tempérament de l'Inspiré). Une réussite permet à l'individu de saisir dans
l'œuvre la volonté de l'artiste, sa détresse. Un échec critique est sans équivoque : une telle
horreur ne peut être que l'œuvre du Masque.

Voltefait
Voltefait est comme je l'ai décrit plus avant, un bourgeois portant sur lui les stigmates de la
profession : un ventre bien rond, un visage aux joues rebondies cachant de petits yeux pétillant
de suffisance, des vêtements de grand prix et une bourse bien remplie. Il est connu dans le
milieu de l'art comme un mécène de la peinture qu'il adore, mais ses goûts vont le plus souvent
vers l'extravagance, tant et si bien que les artistes désirant se faire un peu d'argent n'hésitent
pas à produire des œuvres insensées pour pouvoir les lui vendre.
Sa femme semble tout aussi bien vivre et nombreux sont les pauvres gens à l'appeler 'le garde
manger' pour son extraordinaire capacité stomacale.

Quant les personnages arrivent dans la galerie, maître Voltefait est en train de se faire penser
ses blessures par quelques domestiques bien attentionnés. Chaque pansement lui arrache un cri
de douleur tel que c'est à douter que le pauvre homme ne souffre que de quelques écorchures.
Voyant les potentiels acheteurs, le brave marchand se lève malgré la douleur, suivi de sa
cohorte de serviteurs, en se frottant déjà les mains.
Questionné sur la nature de la querelle, il avouera avoir été la victime d'artistes de piètre talent
et surtout d'une ouverture d'esprit consternante. Ces derniers, furieux, ont traité les œuvres
exposées sur place d'horreurs sans nom, de crachats à la face de l'art, et d'autres noms encore
moins acceptables. Maître Voltefait, malgré son âge raisonnable, a jugé bon à son tour de
mettre en doute leurs talents et la dispute a bien vite dégénéré en pugilat. 'De toute façon, ils
ne sont pas prêts de revenir exposer ici !' conclut le marchand d'un air pincé.
Pour ce qui est de l'exposition actuelle, il conçoit que le grand public puisse mal réagir à la
nature… particulière des œuvres exposées. Il croit pourtant fermement au talent de son
nouveau protégé, et prendra mal toute réflexion désobligeante concernant le talent de sa
peinture. L'artiste à la thématique si sombre se nomme Aldion Voilenuit. C'est un homme
méconnu dont le talent évident a subit l'opprobre de ses pairs bien trop coincés. Voltefait
possède un certain nombre de contacts dans le milieu des arts et il a pu repérer Aldion lorsque
celui-ci a cherché à se faire connaître auprès des différents mécènes de la ville. Le bourgeois a
ensuite contacté le jeune homme et lui a demandé de lui montrer ses toiles. Au départ assez
sceptique sur la qualité, il a ensuite changé d'avis en écoutant l'auteur lui parler de son
inspiration. Ce garçon a au fond de lui une sorte de tristesse, un malheur profond. Il a une
véritable conscience de la mort, de la vanité. Le bourgeois n'a pas tout compris mais il l'a trouvé
tellement convaincu qu'il s'est laissé entraîner. Maintenant qu'il a choisit, il ne se laissera pas
insulter.
Si les Inspirés se montrent respectueux, il leur livrera sans problème les renseignements qu'il
possède. Voilenuit vit dans les bas quartiers, bien que son adresse exacte soit inconnue. Le
jeune homme passera de toute façon voir l'accueil que lui a réservé le public.

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3) Les réceptions de l'ambassadeur.
Sans autre solution que d'attendre la venue du jeune homme, ou bien encore ne souhaitant pas
donner de suite à leurs recherches, les Inspirés vont devoir attendre. Une semaine passe sans
que rien ne change dans la belle ville de Lorgol. A la galerie les affaires suivent leur chemin ; les
toiles de Voilenuit ont acquis une certaine renommée. Déjà une dizaine de membres des hautes
sphères se sont portés acquéreurs de certaines peintures, dont le fameux Erich Tranchegond,
grand admirateur des arts et Chevalier de la Palette Dorée. Déjà la réputation du jeune
Voilenuit enfle tant et tant qu'il est devenu le sujet unique de conversation des salons mondains
des beaux quartiers.

D'ailleurs il s'avère qu'un(e) ami(e) des Inspirés se trouve invité(e) à une de ces soirées. Politesse
aidant, elle leur transmet le message. Ce sera assurément une des réceptions les plus
importantes de la saison. Elle aura lieu le soir même dans la demeure de maître Tranchegond.
Les rumeurs assurent que le jeune Voilenuit sera là, pour la première fois face à son public. Peut
être ira-t-il jusqu'à gratifier son hôte d'une toile récente de son cru ?
La villa des Tranchegond se situe dans les beaux quartiers de la ville. Les jardins sont pour
l'occasion occupés par un groupe de musiciens jouant des airs classiques, tels que le requiem
'Voile d'automne' de Chopelin ou bien encore l'œuvre pour Violes de Barcha. Les buissons taillés
de la demeure sont éclairés à l'aide de Follets cueillis spécialement pour l'occasion dans les
marais de Rochronde.
A l'intérieur la magnificence atteint son apogée ; le marbre vert du sol s'accorde avec de grands
piliers blancs s'élevant sur des plafonds aux lignes aériennes. Pas un mur sans bas-relief, pas
une salle sans piano pour jouer les traditionnelles œuvres de Bémolin.

Enfin, dans une grande salle circulaire au centre de laquelle s'élève une statue du propriétaire
effectuée par le maître sculpteur Corodin en personne, se trouve la pièce d'exposition. A cette
occasion le Chevalier de la Palette Dorée n'a reculé devant aucune dépense et ce ne sont pas
moins de quinze tableaux de Voilenuit qui se trouvent ici, sous le regard médusé des
spectateurs.
Tranchegond et Voilenuit ne sont pas là. On raconte que tous deux seraient en train de
s'entretenir en privé avant de rejoindre la réception. Mme Tranchegond fait tout son possible
pour éviter les racontars et autres suspicions. L'artiste et le maître des lieux n'étant pas encore
présents, tout le beau monde rassemblé ici discute sans fin des arts majeurs d'aujourd'hui, de la
place de la peinture dans la société et des évolutions que semble prendre celle-ci. La plupart des
personnes présentes semble accorder du crédit à ces œuvres d'un genre nouveau. On s'accorde
à penser que face à une société faisant preuve d'une certaine décadence les artistes puissent
produire des œuvres enfiévrées comme celles-ci. L'art serait-il en train de devenir le reflet de son
époque ? Assurément, c'est là son rôle, d'avantage que de divertir.

Ainsi vont les discussions lorsqu'arrivent enfin ceux que tous attendaient : maître Tranchegond
descend lentement les escaliers, solide seigneur en costume de soie dorée, arborant fièrement
un ruban carmin sur sa poitrine, symbole de son appartenance à l'ordre des Chevaliers de la
Palette, grande caste de mécènes plus riches les uns que les autres. A ses côtés, vêtu de gris,
grand, trop grand pour son âge, les épaules voûtées, à demi rougissant, timide face à tous les
regards dont il est la cible, Voilenuit le suit. Le pauvre garçon est littéralement écrasé par son
auguste compagnon et fait bien pâle figure à côté du beau linge. On le dirait bien incapable de

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concevoir des œuvres aussi malsaines tant il inspire la pitié.
Rapidement, les convives les plus admirés (les plus riches) se pressent autour de maître
Tranchegond. Ce dernier leur narre la conviction profonde de Voilenuit, ses pensées intimes, le
grand chamboulement qui s'est opéré en lui à la mort de sa mère… A ses côtés, l'artiste ne dit
rien, et regarde tristement autour de lui.
La soirée se déroulera ainsi sans heurt. Le garçon sera questionné par toute une série de
convives, et ne répondra la plupart du temps que par l'intermédiaire de son bienfaiteur. Aux
alentours de trois heures du matin, la bienséance fera partir les derniers invités, et Voilenuit
sera raccompagné chez lui par quelques gardes. Il se couchera ensuite chez lui et dormira d'un
sommeil agité.

Voilenuit
Le jeune homme est hanté par des cauchemars atroces, ses visions artistiques lui parviennent de
ces rêves qui le marquent jusqu'au matin. Il y voit des entités démoniaques, des créatures
néfastes, des monstres s'abreuvant de sang humain… Aldion est très sensible à la Ténèbre. Sa
mère est morte, quand il était tout jeune, de la tuberculose. Il a été très marqué par cette mort
et a développé un aspect morbide depuis. Son frère et son père ont été tués par un voleur qui
s'était introduit par effraction chez eux. Ce genre de chose arrivent tous les jours dans les bas
quartiers. Aldion s'est peu à peu refermé et a laissé son art parler pour lui jusqu'à en devenir
presque autiste. Il a pour le moment survécu en utilisant les économies de sa famille mais,
l'argent disparaissant peu à peu, il se voit aujourd'hui forcé de vendre ses toiles pour pouvoir
vivre et continuer à peindre.
L'empêcher de poursuivre son œuvre est assurément la pire chose qu'on puisse lui faire. Sans sa
peinture il se met à déprimer et devient vite apathique jusqu'à dans les derniers stades adopter
un comportement presque suicidaire (ou à se laisser mourir). Si d'aventure les joueurs
souhaitaient l'emprisonner ou l'empêcher de peindre, ils auraient assurément tous les hauts
bourgeois de la ville sur le dos. Après tout, rien ne prouve sa culpabilité !

4) Minuit sonne
Le lendemain, les choses ne sont pas aussi claires. Maître Tranchegond a été victime d'une
tentative d'assassinat ! C'est le bruit qui coure dans les hauts quartiers. Bien entendu, certaines
personnes parlent d'un meurtre qui aurait eu lieu dans la demeure, un serviteur tué dans la nuit.
Le seul moyen est là encore de se rendre sur place.

Rencontrer maître Tranchegond quand on a le prestige des Inspirés est chose aisée. Ce dernier
les reçoit chez lui sans problème. C'est un homme prétentieux et égoïste ; il révélera sans état
d'âme la mort d'un de ses plus vieux domestiques. Il semblerait qu'une personne se soit
introduite dans la demeure et ait tenté de dérober quelques uns des œuvres uniques de la
collection du Chevalier de la Palette. Le corps du vieil homme a été retrouvé dans la salle ronde
où se trouvaient les toiles de Voilenuit, la poitrine perforée par une dague. L'adversaire était
assurément un assassin expérimenté, le coup en plein cœur n'a laissé aucune chance à la
victime.
Sur les lieux une fouille rapide ne révélera pas grand chose. Le voleur s'est introduit par une
fenêtre dont il a brisé un carreau sans un bruit, après avoir bien entendu passé un jardin truffé
de gardes et de chiens. Une des toiles de Voilenuit a été déplacée et se trouve maintenant au
sol. Elle représente la mort fauchant un pauvre homme maigre et vêtu de haillons.

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Un jet de Int + Fouilles Df. 20 permet de voir là un vol tout à fait ordinaire. Le cambrioleur
semblait savoir ce qu'il voulait car rien d'autre n'a été déplacé. Le domestique a été tué par
surprise, l'assassin dissimulé a bondi au dernier instant et lui a planté sa dague au travers du
corps. Un échec critique permet de découvrir au sein de la toile déplacée comme le motif d'une
lame frappant le vieil homme représenté, comme une troublante reproduction du meurtre ayant
eu lieu sur place. Le tableau est en vérité tout à fait ordinaire et n'a absolument rien à voir
directement avec le crime. Voilenuit est resté chez lui toute la nuit.

Que s'est - il passé ?


Un Inspiré du nom de Sangleterre s'est mis en tête que les tableaux de Voilenuit avaient quelque
chose d'étrange. La perfidie n'étant pas loin, il a essayé tout d'abord de retrouver la piste de
l'artiste pour l'interroger plus en avant. Pour cela il a utilisé ses dons de démoniste pour
invoquer un Obsidien afin de retrouver sa trace. Le démon a joué sur la connivence pour
tromper son maître. La Ténèbre s'intéresse en effet beaucoup au jeune talent et désire le
protéger des autres factions. L'Obsidien s'est donc attaché à convaincre son maître de la nature
perfide du jeune artiste. Le monstre s'est efforcé de décrire au conjurateur un Félon de grande
stature, dont les pouvoirs inhumains étaient bien au delà de ceux des faibles agents du Masque.
Jouant sur la peur, Sangleterre s'est laissé convaincre de se livrer à une action moins téméraire
qu'un simple affrontement avec le peintre, affrontement qui selon les dires du démon scellerait
le sort de l'Inspiré. Il a donc décidé de détruire systématiquement les œuvres du Félon afin
d'empêcher la corruption de gagner les hommes. Après deux essais réussis, il manque le
troisième en étant découvert par un domestique. La peur encore une fois prend le dessus et il
tue le pauvre homme avant de prendre la fuite.
Accablé, se ressassant sans cesse son crime, il se laisse d'avantage séduire par les paroles
fielleuses de son démon et lentement sombre dans les plans de l'Ombre. Assurément les
possesseurs des œuvres maudites sont déjà corrompus. Comment un esprit sain peut-il en toute
conscience acheter une œuvre pareille ?
Le salut des hommes passe alors par la disparition de quelques uns…

5) Mécènes
Pendant la journée aucun événement ne viendra troubler l'ordre habituel de Lorgol. Les joueurs
peuvent en se renseignant apprendre l'identité des différents acheteurs des toiles de Voilenuit :

Isangre Hornéton : bourgeois insipide et capricieux ; il désire acquérir toutes les œuvres de
Voilenuit et ne supporte pas l'idée que Tranchegond, ce 'vieux singe en costume doré', l'ai
découvert avant lui.

Kostiar De Gedelon : noble vivant des rentes d'un domaine de province, il est froid, hautain,
méprisant et n'apprécie l'art que parce qu'il lui permet de briller en société. Il se croit bon juge
en la matière, et n'hésite pas face à des profanes (tous les roturiers le sont) à inventer des
qualificatifs afin de se faire mousser.

Selkia Ardalande : ancien commerçant késhite, il s'agit là de l'homme le plus sympathique du


lot. Nain rond à la moustache impressionnante, il ne peut s'empêcher encore aujourd'hui de
mêler les affaires à ses conversations, et on le surprendra bien souvent à décrire comme par

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réflexe les qualités de tel thé importé directement du désert ou bien encore de tel tapis tissé
dans la grande ville de Mésirah…

Faldam Loisin : riche homme d'affaires, toujours vêtu de teintes sombres, c'est un homme
abject et cruel que l'appétit vorace de pouvoir a conduit à se faire bien des ennemis et à s'en
défaire de manière violente. Il aime à sous entendre sa puissance quand on le menace. Son
garde du corps qui semble être un ogre du nom de Fléau est en fait un draconien. Faldam est
un suppôt du Masque que l'appât de la puissance a conduit sur les routes dangereuses de la
perfidie. Sa force en soi n'est pas dangereuse mais ses contacts sont légions. Il s'intéresse
beaucoup à Voilenuit et compte bien trouver sa demeure et ajouter à ces toiles si appréciables
le don de la Flamme Noire… Dès que les Inspirés le rencontrent il n'aura de cesse de les
envoyer à la mort et les fera suivre par Fléau en permanence.

6) Art vivant et art de mort.


Le lendemain les choses s'aggravent. Tranchegond est retrouvé mort chez lui. La nouvelle
traverse rapidement toute la ville. L'homme était un des mieux gardés de Lorgol ! Le cadavre a
été retrouvé au matin par sa femme, dans le bureau. La victime travaillait visiblement sur des
essais littéraires (de piètre qualité d'ailleurs). Quelqu'un l'a égorgé sans bruit, puis l'a barbouillé
de peinture aux teintes acides en une hideuse imitation des toiles de Voilenuit avant de le laisser
là. Aucun vol n'a été commis.

Une fouille rapide des lieux (Df. 15) montre que le tueur a dû passer par la fenêtre du bureau.
Le lierre grimpant le long du mur semble légèrement abîmé ce qui corrobore cette théorie. Le
secrétaire où travaillait Tranchegond se trouvait sur le côté, si bien qu'il est difficile de croire
que la victime n'ait pu voir son agresseur et se laisser ainsi surprendre. L'assassin devait être
vraiment doué pour passer devant les gardes sans problème. La bougie sur la table s'est éteinte
d'elle même. Les écrits semblent pourtant ne pas avoir été arrêtés en plein milieu d'une phrase,
bien que la plume repose dans la main de la victime.
En réalité Sangleterre a utilisé la magie du Cistre pour passer avec l'aide de la végétation. Les
plantes du jardin l'ont aidé à semer les gardes, ont attiré leur attention et l'ont caché des
regards indiscrets. Lorsqu'il est arrivé à la fenêtre, sa victime dormait, couché sur son bureau.
Les gardes du dehors admettent avoir eu une soirée agitée. De nombreuses fausses alertes, des
bruits suspects qui ne menaient à rien, une atmosphère pesante, et cet air de cistre qui flottait
dans l'air, dans le lointain, sans raison aucune, si beau et si étrange à la fois…

Au vu de l'absence d'indices, la veuve éplorée laissera rapidement le capitaine des gardes lancer
une récompense pour toute personne pouvant apporter un éclairement sur l'affaire.

Un témoin : bien sûr, au beau milieu de l'après-midi se présentera tout un groupe d'hommes, de
femmes, pour la plupart assez pauvres, prétendant avoir vu un homme louche traîner dans le
quartier. Si les Inspirés ont pris les choses en main grâce à leurs charges, ils vont devoir faire un
tri entre le vraisemblable et l'ahurissant :

- Plusieurs personnes affirment avoir vu une personne dans la nuit ; selon que l'heure du crime a
été divulgué ou pas, une bonne partie de ces gens pourra être évincée.
- Une petite vieille (insomniaque) affirme avoir aperçu un petit démon juste à côté de la maison

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de Tranchegond ; ce dernier a voulu la tuer, et elle n'a dû son salut qu'à la fuite (l'Obsidien de
Sangleterre qui montait la garde a préféré la faire fuir)
- Les gardes n'ont rien vu ; un d'eux croit cependant avoir entendu plusieurs fois des bruits
étouffés aux alentours de l'heure du meurtre.
- Quelques domestiques sont formels : il n'y a jamais eu de lierre à cet endroit ; ce serait une
invitation au meurtre et au cambriolage !
- Les plantes près des lieux du crime semblent plus développées, leur croissance est plus
importante ; voir elles vont jusqu'à réagir violemment à une tentative de coupe. N'importe quel
inspiré qui pratique la viole reconnaîtra l'œuvre de son instrument, dans sa forme la plus simple.
Pas de perfidie derrière.

Il n'y a pas vraiment d'autres preuves. L'utilisation de sorts de la Geste pour voir dans le passé
permet simplement de découvrir le visage de l'agresseur : un homme vêtu de sombre, une
grande cape noire entourant son corps, grimpant au lierre en se servant de sa viole ; un visage
sombre, fermé et froid.

7) Comment trouver l'assassin ?


Il peut y avoir plusieurs façons de traquer l'assassin. La plus simple est de se cacher chez l'un
des acheteurs de tableaux ; la plupart seront difficiles à convaincre : ils pensent avoir
suffisamment de miliciens pour pouvoir les protéger. Bien sûr, le Damné refusera encore plus
catégoriquement d'avoir les Inspirés (qu'il aura au bout d'un temps sans doute reconnus comme
tels) dans sa demeure. A moins qu'il ne veuille faire d'une pierre deux coups, et que cela ne soit
en vérité qu'un piège pour se débarrasser des personnages. Dans ce cas si le groupe survit à
l'attaque Loisin mettra cela sur le dos de l'assassin, et l'affaire se compliquera.

Sangleterre envisage de se rendre chez Ardalande, puis Hornéton, puis Gedelon et enfin Loisin.
Ses attaques sont variables, dépendant des défenses et des recherches mises en œuvre contre
lui. S'il voit un important cordon de sécurité chez un homme, il peut aussi se rendre chez un
autre moins bien gardé… Pour s'introduire chez quelqu'un, il utilise l'Accord afin de
s'harmoniser avec les plantes qui peuplent le jardin. Celles-ci le cachent des regards, voir
étranglent les vigiles ou les empoisonnent (cela dépend du type de végétation mis en place). Il
est probable que les inspirés se feront avoir une fois lors d'une de leurs planques. Sangleterre ne
désire pas tuer des hommes qui ne font que leur travail, mais il est suffisamment à cran pour se
sentir vite agressé et alors employer toute sa magie. Toutefois, si un de vos inspirés maîtrisent
la Viole il pourra reconnaître le son de l'instrument, voir s'efforcer de le contrer par sa propre
musique.

Le scénario idéal serait celui-ci : les joueurs font la planque devant une des maisons ;
Sangleterre pendant ce temps en attaque une autre. Puis ils recommencent leur surveillance.
Sangleterre en attaque encore une autre. Les personnages se découragent, commencent à
monter une garde de principe, juste au cas où il décide d'attaquer la même maison qu'eux, ou
bien se dispersent. Cette fois ils sont attaqués : une étrange mélopée leur parvient depuis le
fond des rues ; totalement concernés par cette musique, ils ne prennent pas garde aux plantes
qui lentement se resserrent sur leurs chevilles ; un coup sec et tout est fini. Sangleterre peut
alors tranquillement assassiner l'acheteur de tableaux pendant que son démon garde un œil sur

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les captifs. Si les inspirés se battent d'arrache-pied, ils peuvent le faire échouer et le forcer à
fuir.

Il est important de garder le magnat nommé Loisin pour le final. Ce dernier n'est pas comme
tous les acheteurs de tableaux, et le combat ne sera pas aussi aisé pour Sangleterre. De plus,
les inspirés déjà vaincu par l'assassin auront sans doute mis au point une stratégie plus ou
moins valable. Sachez cependant que Loisin a pleinement confiance en ses talents et en ceux de
ses défenseurs et qu'il voit d'un mauvais œil l'intrusion d'autre gardiens dans sa demeure.
Certains secrets ne doivent pas être dévoilés. Si les inspirés se montrent convaincants il les
acceptera dans son jardin, avec la ferme interdiction de pénétrer dans sa villa. Il possède en
effet une très belle maison tout de marbre blanc (j'ai un faible pour le marbre blanc) et de pierre
de taille de couleur identique (pour éviter l'éboulement de tout ça). L'intérieur est empli
d'œuvres d'art d'un goût particulier, étrange. Une salle contient même d'antiques ustensiles de
torture depuis longtemps oubliés… Louche, très louche. Voilà pourquoi il ne veut pas que les
gens entrent, mais faisons confiance à nos inspirés.

Si Sangleterre a déjà été vaincu par eux, il s'efforcera cette fois de ne pas refaire les mêmes
erreurs. Observant la défense, il frappera à l'endroit le plus affaibli tandis que ses plantes
occuperont le groupe d'un autre côté. Un coup d'arbalète pour se débarrasser du premier vigile,
puis le couteau pour le dernier. Il n'a plus le temps d'en perdre ; tant pis pour les serviteurs du
Masque ! (oui il commence à devenir vraiment fou). Puis il entre par une fenêtre grâce au lierre
poussant par la magie de l'Accord contre le mur. Seulement cette fois il se trouve réellement
dans la demeure d'un Félon. Des peintures sont disposées sur tous les murs, des anciens
bourreaux, des comtes sanglants, qui regardent et suivent des yeux les pauvres marcheurs…

Pendant ce temps les inspirés sont venu à bout des plantes assassines. Laissez leurs un ou deux
gardes pour plus tard, héhéhé. L'Obsidien n'est pas loin et n'est pas très courageux : capturé il
dira tout, quitte à révéler son rôle dans toute cette histoire. Il ne veut pas être tué, c'est tout.
Ils n'ont plus le choix ; pour sauver Loisin, il faut entrer dans la demeure.

Ils parcourront des couloirs et des couloirs, devant des centaines d'œuvres anciennes. Ils se
trouvent chez un collectionneur forcené, fou de tous ce qui peut rappeler la démence, la
souffrance, la mort. Partout ce ne sont qu'illustrations de fins des temps, de peuples entiers
pliant sous un ciel couvert par l'ombre d'une dame cruelle et de sombres silhouette se détachant
sur un ciel de sang, engoncées dans de lourdes capes nocturnes.
Au bout d'un moment, un des gardes disparaît. Sans laisser de trace. Il se tenait simplement là,
près de cette toile, les inspirés ont tourné la tête, quand il se sont retournés il n'y était plus.
Curieux : sur la peinture se trouve un homme de la milice là où il n'y en avait aucun, dévoré vif
par des femmes à moitié louves, l'éclat du sang dans leurs yeux, une horreur indescriptible dans
ceux de leur victime…

Certains des tableaux étaient à l'origine des sortes de tableau-monde pervertis, logeant de
terribles créatures assoiffées du sang des vivants. Cachées dans l'immensité des galeries de
Loisin, elles cherchent à dévorer les visiteurs, à les saisir de leurs bras maigres et décharnés, de
les mordre et d'arracher leurs chairs…

Quelques mètres plus loin, des bruits de déglutition se font entendre, des soupirs, des cris
étouffés. Sangleterre est là, tiré inexorablement vers l'une des ces œuvres maudites, lentement

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digéré par un immense reptile noir, des flammes dans les yeux. Ses dents sont fermement
plantées dans la chair de l'inspiré dont il suce le sang avec délectation. Quelques coups sur le
monstre le feront repartir dans son marais imaginaire tandis que se dévoile l'horreur des reste
de Sangleterre…
Ce dernier peut tout juste parler ; ses derniers souffles s'échappent en quelques mots.
'Je….savais'. Déjà ses membres se raidissent et le voile passe sur son visage. Quelle cruauté ce
serait de ne pas lui accorder le repos dans l'état qui est le sien, non ?

Il reste à détruire le Félon, caché dans son château. Lui non plus n'est pas immunisé aux toiles
maudites, même s'il prend grand plaisir à leur échapper, connaissant chacune d'elle. Si les
inspirés font mine de le chercher, il se trouvera forcé de les entraîner dans des recoins plus
dangereux, où il pourra tirer avantage de leur nombre. Si les inspirés l'assaillent sans réfléchir,
ils risquent bien d'être à leur tour dévorés par des créatures d'une force inimaginable. En
observant bien les gestes de Loisin, il est possible de deviner quelles sont les toiles piégées. Le
Félon en lui-même n'est pas dangereux, il sait tout juste se battre mais sait comment faire
tomber un ennemi dans son piège mortel. S'il n'est en apparence qu'un vieil homme de la
soixantaine, sec et dur comme la pierre, son sang a depuis longtemps été transformé par sa
nature. Chaque coup dans ses vines fait jaillir un flot de peinture rouge, tandis que son
'maquillage' dégouline, dévoilant un visage blanc, lisse, sans aucun relief. Au bout du compte il
n'est plus qu'un être vierge de toute substance, mourant lentement sur le sol, étouffant sous la
toile que son maître avait tissée…

8) Conclusion
Aux inspirés de conclure ce qu'ils peuvent conclure. Une visite à Voilenuit s'imposant, celle-ci ne
révélera que le fait que le peintre semble innocent. Retrouver l'Obsidien de Sangleterre peut
s'effectuer par le recours à l'invocation d'un autre démon ou du même. Ainsi les raisons de
Sangleterre seront-elles dévoilées (l'inspiré possédait des encres sur lui, ce qui peut amener à la
conclusion qu'il était connu des abysses, d'où recours à un Advocatus du coin qui le connaissait
effectivement).
Il leur faudra mettre la mort de Loisin sur le dos de quelqu'un, à moins de montrer les toiles et
ainsi dévoiler une partie de l'existence du Masque au peuple de l'Harmonde. Accuser Sangleterre
et brûler la maison reste à mes yeux la meilleure solution.
Voilenuit peut être affecté selon ce que les personnages lui révéleront ; ils peuvent aussi
l'accuser d'être perfide, le priver de sa liberté de peinture, tenter de le remettre sur le droit
chemin… plus ou moins heureuses.

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