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Annexe A : Cadrage macroéconomique en provinces1


Dieudonné Nintunze, Moise Tshimenga Tshibangu, Boulel Touré et Yves Birere

I. Contexte
La mise en place d’un système de fonctionnement de l’administration publique est l’un
des principaux défis de développement en République Démocratique du Congo. À la suite
des progrès réalisés dans la stabilisation du pays et à la réalisation du point d’achèvement
de l'Initiative PPTE, le pays s’emploie à recentrer ses efforts pour l’accomplissement de
ses objectifs de développement ambitieux décrits dans le programme « Cinq Chantiers
» et inscrit dans son document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté
(DSCRP) dont la seconde génération est en ce moment en cours de finalisation. La
réalisation de tels objectifs exige tant au niveau central que provincial :
• des données disponibles à partir desquelles les politiques peuvent être formulées,
suivies et évaluées ;
• des capacités analytiques d’évaluer l’impact des politiques alternatives ;
• une priorisation des politiques et,
• des capacités de mise en œuvre des politiques.
Si le besoin en renforcement des capacités de mise en œuvre des politiques trouve son
début de réponse à travers un certain nombre d’interventions des bailleurs de fonds, dont
notamment la Banque mondiale dans le cadre des projets de renforcement des capacités
en gouvernance et de rajeunissement du secteur public, les données disponibles ainsi que
les capacités d’analyse et de priorisation des politiques existent dans une certaine mesure
au niveau national, mais difficilement au niveau provincial.
Au niveau national un cadre macroéconomique uniforme est établi avec l’assistance
technique du Fonds monétaire international (FMI) et est régulièrement mis à jour. Ses
projections sont discutées avec les missions du département Afrique de cette institution
sur au moins une base semestrielle. Au cours de ces discussions, les capacités techniques
suffisent pour discuter de l’impact éventuel des politiques alternatives.
Il apparaît donc que la situation de la gestion économique et financière en provinces
se caractérise par beaucoup de contraintes et faiblesses de capacités institutionnelles. Ces
faiblesses incluent une insuffisance d’alignement des dépenses publiques aux priorités de
développement exprimées notamment à travers le DSCRP, le faible degré de réalisme
et prévisibilité des ressources budgétaires qui compromettent la crédibilité du budget
provincial. Ces risques à la crédibilité du budget sont mis à surface par le niveau très
faible des taux d’exécution du budget et la déconnection entre les réalisations du budget
et les résultats en termes d’objectifs de développement. Une plus grande prévisibilité des
ressources du budget pourra également renforcer la décentralisation, étant donné que les
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gouvernements provinciaux seront plus redevables des résultats du développement local.


Bien mené, ce processus pourra aider à réduire les disparités entre provinces en matière
de disponibilité des services publics et d’infrastructures physiques de qualité et renforcer
la stabilité politique.
C’est dans ce contexte qu’un cadre macroéconomique devra permettre de préparer
un budget beaucoup plus réaliste au niveau des provinces et mieux apte à répondre
aux objectifs de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté. Le cadrage
macroéconomique est un instrument privilégié pour utiliser et transformer toutes les
informations nécessaires au fonctionnement d’une structure économique, ainsi que
pour analyser leur implication notamment sur le budget, le niveau salarial et sur d’autres
instruments de politique économique. A travers le cadrage macroéconomique au niveau
provincial, tous ces agrégats forment un ensemble cohérent dont la consistance informe
mieux la politique des autorités locales.

II. Approche méthodologique : outils et processus


Le cadrage macroéconomique provincial est un processus qui consiste en la présentation
successive des quatre principaux comptes macroéconomiques pour chaque province
(réel, public, extérieur et monétaire), mettant l’accent surtout sur la détermination du
produit intérieur brut (PIB) au niveau du secteur réel et des opérations financières de la
province au niveau du secteur public, dans un contexte de la décentralisation.
Ces quatre principaux comptes sont élaborés sur base d’un modèle conçu sur
tableur Excel avec de feuilles de calcul les mettant en liaisons les uns des autres. Cet
instrument permet de faire des projections macroéconomiques à partir des données
historiques et des hypothèses qui sont discutées et qui font l’objet d’un consensus avec
les services impliqués. Toutefois, la conception de ce type modèle en province est guidée
par une méthodologie assez simple, évolutive, et facile à appliquer afin de prendre en
considération l’environnement de travail des provinces, notamment la situation limitée
des capacités techniques, d’équipement de travail et des sources d’information de base
devant alimenter le modèle.

II.1. Détermination du Produit intérieur brut (PIB) provincial


Le produit intérieur brut (PIB) provincial est la valeur de ce qui est produit dans une
province donnée du pays. Sa détermination par l’approche production est la première
tâche réalisée dans ce processus. Il s’obtient par la somme des valeurs ajoutées des
diverses activités économiques dans une province. Selon cette approche, la valeur ajoutée
pour chaque secteur d’activité (agriculture, pêche, élevage, mines, industries, commerce,
transports et autres services) est définie comme la valeur de la production moins la valeur
des intrants intermédiaires (consommation intermédiaire). En l’absence des données
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sur la consommation intermédiaire, des informations disponibles sur les quantités et les
prix aux producteurs ont été recueillies pour permettre de calculer la production.4 Cette
production est convertie en valeur ajoutée, en appliquant des coefficients (ratio valeurs
ajoutées/productions) obtenus à partir des données de l’enquête 123 de l’Institut
National de la Statistique (2005/06).
PIB= et VAi = γi*Pi
où PIB : produit intérieur brut, VAi : Valeur ajoutée pour le secteur i, Pi : production
totale du secteur i et γi : le ratio production-valeur ajoutée pour le secteur i.
L’année 2006 a été utilisée comme année de base pour dégager le déflateur de la valeur
ajoutée. Quant aux services de façon générale, seules les valeurs de la production ont pu
être collectées et des taux de croissance des déflateurs relatifs à ces secteurs calculés au
niveau national ont été appliqués.
Une autre approche de l’estimation du PIB est basée sur son utilisation ou « approche
par la demande ». Les raisonnements en termes de demande se placent cette fois-ci du
côté des achats. Cette approche détermine la production en fonction de la demande
adressée à l’économie qui provient de :
• consommateurs locaux (consommation finale des ménages) ;
• entreprises à des fins d’investissement (formation brute de capital fixe) ;
• consommateurs internationaux à travers les échanges extérieurs (importations et
exportations) ;
• l’Etat à travers les dépenses publiques d’investissements et de consommation des
biens et services (consommation et investissements publics).

Cette approche est représentée par l’identité : PIB = C + G + I + X – M


où C : consommation des ménages; G : dépenses publiques (consommation et
investissements publics); I : formation brute de capital fixe (investissements privés);
X : exportations et M : importations.

Il faut toutefois signaler que l’application de cette méthode aux provinces est souvent
butée à la difficulté d’estimer les flux d’importations et d’exportations entre une province
et le reste du pays. A cet effet, l’estimation du PIB par cette approche est obtenue d’après les
informations contenues dans le tableau ci-après :
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Tableau A1 : Modes d’estimation du PIB provincial par la demande

Rubriques Modes ou d’hypothèses d’estimation

Obtenue du tableau des opérations financières de la


province (TOFP) en sommant les salaires et traitements
Consommation publique
des fonctionnaires provinciaux et déconcentrés, les biens
et matériels ainsi que les dépenses de prestations.

Investissement public Egal aux dépenses en capital du TOFP

Estimée sur base des résultats de l’enquête 123 qui a


fourni, pour l’année 2005 et par province, le montant
de la consommation privée par habitant et par ménage.
Consommation privée
Le taux d’accroissement moyen de la population et le
taux d’inflation ont été utilisés pour la projection de la
consommation privée pour 2006-2010.

Investissement total au niveau national et réparti par


province à partir d’une clef basée sur les données de
Investissement privé
l’Agence national pour la promotion des investissements
(ANAPI).

Fournie par le tableau du secteur extérieur et comprend les


Balance commerciale vis-à-vis
valeurs des importations et des exportations par produit
de l’étranger
recueillies auprès de l’Office congolais de contrôle (OCC).

Estimée en équilibrant les ressources et les emplois.


Balance commerciale de la Ces derniers sont constitués de l’absorption interne
province vis-à-vis des autres (consommation + investissement) et la « demande
provinces extérieure nette générale ». Cette dernière est fournie par
le tableau du secteur extérieur.

Source : Auteurs

Une troisième méthode de calcul du PIB consiste à additionner les revenus distribués
par les unités de production résidentes (établissements), notamment la rémunération du
travail, revenu net des entreprises individuelles et excédents bruts d’exploitation, auxquels
s’ajoutent les taxes, moins les subventions, sur la production et les importations. Compte
tenu des difficultés liées à l’appareil statistique national, seules les deux premières
méthodes ont été envisagées.
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II.2. Tableau des opérations financières de la province


Parallèlement au PIB provincial, l’élaboration d’un tableau des opérations financières
de la province (TOFP) constitue l’autre tâche la plus importante. Le TOFP est élaboré
dans le but de préfigurer la situation de la rétrocession aux provinces des recettes fiscales
mobilisées par elles, mais aussi le transfert concomitant de charges. Il tient compte
du budget exécuté de la province et des montants reçus du Gouvernement central à
titre divers. Les provinces font face à trois types des dépenses : (i) rémunération ; (ii)
fonctionnement et (iii) investissement. Quant aux ressources, une distinction est faite
entre les ressources qui sont déjà affectées et celles qui ne le sont pas.
Les ressources mobilisées directement par la province pour son propre compte sont
considérées comme des ressources «ressources non pré-affectées». Elles proviennent :
(i) de la fiscalité locale, (ii) des rétrocessions pour le fonctionnement des services
décentralisés, (iii) des subventions pour le fonctionnement des services déconcentrés, et
(iv) des rétrocessions pour les investissements. Le Gouvernement provincial s’emploie
à rechercher une meilleure allocation de ces ressources en fonction de ses priorités et
entre les dépenses de souveraineté et celles en faveur des trois secteurs décentralisés et des
autres secteurs déconcentrés.
Les «ressources pré-affectées» constituent la catégorie des ressources pour lesquelles
la province n’a que très peu de contrôle pour les affecter à des dépenses précises. Elles
comprennent les rétrocessions au titre des rémunérations en faveur des secteurs
décentralisées (enseignement primaire et secondaire, santé, agriculture et développement
rural)5 ainsi que des services considérés à ce jour comme déconcentrés, les appuis extérieurs
(dons et emprunts) et les budgets annexes. Cette deuxième catégorie est considérée du
côté des recettes comme une subvention «virtuelle» de l’Etat à la province.
L’étude a permis d’introduire tant au niveau des recettes que des dépenses, les
dons et prêts extérieurs selon qu’ils sont supposés financer les dépenses ordinaires ou
d’investissement. La ventilation de ces ressources par province prend aussi en compte les
données sur les ressources extérieures fournies par le Ministère du Plan.

II.3. Balance des paiements


La balance des paiements retrace l’ensemble des opérations entre agents résidents et non
résidents (c’est-à -dire toutes les entrées et sorties de biens, de services et de capitaux).
Elle enregistre donc toutes les relations économiques (commerciales, financières et
monétaires) effectuées pendant une année entre une province et le reste du monde.
Pour le cas d’espèce, la situation du secteur extérieur tient compte des transactions
entre d’une part la province et les autres provinces du pays, et d’autre part entre la
province et l’extérieur du pays. La « demande extérieure nette générale » ou balance
commerciale générale est estimée pour chacune des années en prenant en compte la
balance vis-à-vis de l’étranger et vis-à-vis des autres provinces.
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La balance commerciale vis-à-vis de l’étranger a pu être estimée à partir des chiffres sur
les valeurs des importations et des exportations par produit fourni par l’Office congolais
de contrôle (OCC). Des clefs de partage par produit ont été établies pour dégager les
parts des différentes provinces du pays. La balance commerciale de la province vis-à-vis
des autres provinces, à ce stade, a été estimée en équilibrant les ressources et les emplois.
Ces derniers sont constitués de l’absorption interne (consommation + investissement)
et la «demande extérieure nette générale (balance commerciale générale)». La demande
extérieure nette vis-à-vis des autres provinces est égale à la différence entre cette «demande
extérieure nette générale» et la demande extérieure nette vis-à-vis de l’extérieur du pays.
Si l’on ajoute à ces chiffres les transferts courants nets (en fait, les dons courants tirés
du tableau des finances publiques), on obtient la balance courante provinciale (toutefois,
hors services nets et hors revenus extérieurs nets). Le seul poste de financement du déficit
de la balance courante est celui du financement par les bailleurs de fonds, en excluant les
dons courants, lesquels ont été repris dans les transferts courants nets.

II.4. Secteur monétaire


Les Directions provinciales de la Banque Centrale fournissent les données en rapport
avec la situation monétaire de la province, c’est-à-dire les données relatives aux postes
suivants : Créances nettes sur les pouvoirs publics et Créances nettes sur le secteur privé (dans
certains cas), Billets (FC + US$+Euros) en circulation et les Dépôts à vue et à terme
dans presque la totalité des cas. Cependant, compte tenu du fait que les informations sur
les avoirs extérieurs nets des provinces ne sont pas disponibles, il apparaît difficile de
dégager un lien avec le secteur extérieur.
Toutefois, selon des estimations de la Banque centrale, la situation monétaire à
Kinshasa représente autour de 85% de la situation monétaire au niveau de l’ensemble du
pays. Ce qui implique que les dépôts à vue, les dépôts à terme, la circulation fiduciaire, de
même que les créances nettes sur les secteurs privé et public représentent 85% du niveau
de ces postes pour l’ensemble du pays.

III. Résultats-clés
L’exercice part des données et des estimations des indicateurs macroéconomiques 2006-
2010 compilées par province, notamment le PIB nominal et à prix constant, le tableau
des opérations financières de la province (TOFP), la Balance des paiements, les emplois
du PIB, et quelques éléments de la situation monétaire.
Même si la valeur de ces indicateur macroéconomiques connait beaucoup d’évolution
dans le temps, leur structure est restée la même au cours de ces cinq dernières années.
Les résultats obtenus pour l’année 2010 traduisent la composition et le comportement
de l’économie congolaise telle qu’elle se dégage de l’agrégation de la situation des onze
provinces.
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Secteur réel
Le produit intérieur brut de la province informe sur la participation de chacune de
onze provinces du pays à la production intérieure et présente des activités spécifiques de
production de chacune.
Deux provinces du pays produisent 46 % du PIB national. A elle seule, la province
de Katanga a réalisé la part la plus importante avec 26% en moyenne au cours de la
période 2006-10. Elle est suivie de Kinshasa (20%). Cinq provinces du pays (Equateur,
Bandundu, Kasaï Oriental et Province Orientale) produisent environ 39% du total et se
classent parmi les provinces moyennes avec chacune une production en valeur se situant
dans la fourchette de 7-9% du total. Avec une part moyenne de 2-5% du total, quatre
autres provinces ne produisent que 15 % du total.

Graphique A1 : Structure du PIB provincial

Source : Calculs des auteurs


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Le graphique ci-dessus illustre la part de chaque province dans le total du PIB nominal.
Cependant, une meilleure manière d’évaluer la richesse d’une province est de rapporter
la valeur de son PIB à la taille de sa population. De ce point de vue, c’est bien la province
de Kinshasa qui détient le PIB par habitant le plus élevé du pays avec 630 dollars US
suivie par Katanga (570 dollars US). Ces deux provinces ont un PIB par tête de plus de
500 dollars US et peuvent être considérée comme les plus riches du pays du point de vue
économique. Kasaï Occidental et Maniema sont les plus pauvres avec un PIB par tête de
moins de 200 dollars US. Prenant en compte ce PIB par tête, trois premières provinces
du pays (Kinshasa, Katanga et Bas-Congo) génèrent plus de la moitié de la production
intérieure, soit près de 55%.
Carte A1 : Revenu par tête et croissance par province Graphique A2 : PIB courant et par tête par province

Source : Autorités provinciales et calculs des auteurs

Concernant la structure des économies des provinces, l’on peut observer qu’à l’exception
de Kinshasa et du Nord-Kivu ainsi que dans une certaine mesure les deux Kasaï,
l’économie congolaise reste fortement dominée par le secteur primaire, soit plus de 50%
en moyenne. En 2010, la contribution globale du secteur agricole s’est établi dans une
fourchette comprise entre 81,6% et 8,2%, respectivement pour Bandundu et Kinshasa ;
ce qui situe la contribution globale du secteur agricole autour d’une moyenne de 47,6%.
Avec Bandundu en tête, six provinces peuvent être classées au rang des provinces les
plus agricoles du pays (avec un PIB nominal composé de plus de la moitié des activités
agricoles). Il s’agit de Bandundu, de l’Equateur, Sud-Kivu, Maniema, Bas-congo et
Province orientale, comme le graphique ci-dessous l’illustre.
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Graphique A3 : Composition sectorielle du PIB par province en pourcent, 2010

Source : Calculs des auteurs

Egalement, la province de Katanga, caractérisée par l’importance des industries


extractives, notamment celles des produits tels que le cuivre, cobalt et Zinc, reste
surreprésentée par le secteur primaire qui est passé d’une part de 56% à 70% entre 2006
et 2010. Le secteur minier au Katanga représente près de 85% de la production minière
de l’ensemble du pays. Si la part de ce secteur dans le total du PIB national semble moins
important avec moins de 15%, sa contribution à la croissance sur la période 2006-2010 a
été encore plus importante. Le secteur minier contribue directement au PIB du Katanga
à plus de 50 % et ses effets ont été à la base de l’augmentation de la contribution minière
à la croissance économique dans cette province à près de 90 %.
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Tableau A2 : PIB courant et sa composition sectorielle par province, 2010

Source : Calculs des auteurs

Le secteur secondaire est celui pour lequel aucune province ne semble se retrouver
dans une position dominante pour les activités productives. Ceci serait expliqué par
l’état de délabrement des infrastructures dans les provinces du pays. Dans ce secteur, la
province de Kinshasa est celle qui semble être plus en avance que les autres. Ce qui fait
d’elle la province la plus industrialisée du pays avec environ près de 18% des activités
de production ; alors que pour les provinces de Bandundu et de l’Equateur, le secteur
secondaire représente moins de 5% des activités productives.
De la même façon, la province de Kinshasa enregistre une surreprésentation du secteur
tertiaire qui demeure une spécificité de ladite province, soit 72,3% du PIB provincial. En
2010, la part du secteur des services dans le PIB s’est établie en moyenne pour toutes les
provinces à 31%. Ce secteur caractérise également les activités dans le Nord-Kivu (soit
53,7% du PIB). Les services marchands constituent la branche la plus importante de cette
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catégorie avec principalement le commerce de gros et de détails. Toutefois, les activités


de production dans les deux Kasaï (oriental et occidental) semblent être dominées par
ces deux secteurs (agricole et de services).
Il se dégage de cette situation que la segmentation des provinces en 2006-10, suivant
leur similarité en termes de structure des valeurs ajoutées par secteur, fait ressortir trois
grands secteurs d’activités : agricole, minier et de commerce de gros et de détail.
Tableau des opérations financières de la province (TOFP)
Les ressources des provinces se sont nettement améliorées depuis la mise en place de la
décentralisation en RDC. Plusieurs raisons sont à la base de cette situation. Sur la liste,
il figure notamment l’augmentation du niveau des recettes rétrocédées aux provinces
par le gouvernement central au titre de fonctionnement hors rémunération qui est passé
de 0,8 % du PIB national en 2006 au 1,2% en 2010. Il faut aussi signaler le fait que les
besoins en développement se posent avec beaucoup d’acuité aux autorités provinciales,
plusieurs d’entre elles ont mis en place des agences de collecte des recettes et ont créé
des taxes supplémentaires pour faire face à cette situation. Toutefois cet engouement des
provinces, s’il n’est pas coordonné, pourrait induire à des risques néfastes sur le climat
des affaires en RDC.
Tableau A3 : Ressources des provinces (2007-2010)
Provinces 2007 2008 2009 2010

En pourcentage du PIB

Kinshasa 5,7 6,4 6,5 6,8

Katanga 1,9 2,5 3,1 3,2


Bas-Congo 4,8 5,3 4,1 3,9

Equateur 2,4 3,4 2,8 2,7

Kasaï Oriental 1,9 2,8 2,9 3,1

Bandundu 3,6 4,6 3,7 3,8

Sud-Kivu 2,0 6,1 5,3 4,9

Prov. Orient. 2,5 3,5 4,7 4,9


Nord-Kivu 2,0 3,8 3,5 3,4

Maniema 3,2 5,9 5,3 6,0

Kasaï Occidental 3,0 9,4 8,5 6,6

Source : Calculs des auteurs


280

Graphique A4 : Répartition des ressources des provinces, 2010

Source : Calculs des auteurs

En terme nominal, la ville-province de Kinshasa est celle qui dispose de plus de ressources
que les autres, suivie de Katanga. Les disparités dans les recettes sont expliquées par le
type d’activités dominantes dans les provinces. Kinshasa et Katanga ont mobilisé plus
des recettes dans les activités minières, de services et industrielles. Les activités agricoles
étant essentiellement artisanales, elles n’ont pas permis aux provinces de générer plus
des recettes. Lorsqu’on rapporte les recettes non affectées sur le total des recettes, il se
dégage le niveau d’effort fourni par chaque province pour mobiliser plus des ressources
susceptibles de permettre de faire face au besoin du développement.
De manière générale, les ressources des provinces ont représenté entre 3-7% du
PIB des provinces. Ceci ne constitue peut-être pas le taux de prélèvement effectif des
provinces quand on sait que plus de 60% des recettes mobilisées sont dépensées par le
gouvernement central. La province de Kinshasa a un taux de prélèvement le plus élevé
avec 7% du PIB. Elle est suivie par la province de Kasaï Occidental en dépit du fait
qu’elle a un PIB nominal plus faible.
 281

Tableau A4 : Répartition des ressources des provinces, 2010


Source : Calculs des auteurs

Source : Calculs des auteurs

Graphique A5 : Structure des dépenses moyennes des provinces, 2006-10

Source : Calculs des auteurs


282

Une analyse des allocations de la dépense publique provinciale au cours de récentes années
(2006-2009) montre clairement une structure inappropriée de la dépense publique en
provinces. En moyenne annuelle sur cette période, la souveraineté a consommé 75% des
ressources «non pré-allouées, les secteurs prioritaires (Santé, Education, Agriculture et
Développement rural) ont reçu 15% et les autres secteurs ont bénéficié 10%.
L’introduction d’un CDMT et d’un cadre budgétaire pluriannuel en RDC devrait
permettre plus de visibilité dans la réalisation des objectifs sectoriels prioritaires de
développement et favoriser l’amélioration de la disponibilité des services publics de
bonne qualité offerte à la population. Avec plus de prévisibilité de ressources telles
que préfigurées en fonction de l’évolution anticipée de l’activité économique réelle,
les ministères sectoriels seront mieux armés à s’attaquer aux contraintes et à faire des
progrès dans la réalisation des objectifs sectoriels prioritaires.

Transactions extérieures aux provinces


Les transactions courantes des provinces se sont traduites de manière générale par
un solde compris dans une fourchette entre 25% du PIB pour Katanga et -83% pour
Kinshasa. Les réalités vécues par chaque province témoignent de la forte dépendance à
une activité spécifique. La province de Katanga est celle qui a une balance commerciale
largement positive, à cause de sa production qui est essentiellement orientée vers les
exportations. La production minière de Katanga est presque entièrement destinée aux
marchés internationaux. Ce qui rend cette province plus vulnérable aux chocs s’exerçant
sur la demande internationale des matières premières. Toutefois, cet excédent des
transactions commerciales avec l’extérieur, atteignant 95% du PIB de la province, est en
partie absorbé par les importations des autres produits en provenance des provinces. Son
déficit de la balance commerciale vis-à-vis des autres provinces est le plus élevé que celui
de toutes les autres provinces, soit 66,5% de son PIB.
 283

Tableau A5 : Solde Epargne-investissement, en % du PIB.

Solde Epargne-investissement
En % du PIB prov.

Bal inter-provinciale

Investissement

Solde courant
Provinces

Epargne
Kinshasa -4,7 Bal ext
-80,1 -69,2 13,8 -83,0

Katanga -66,5 95,3 38,6 9,0 29,6


Bas-Congo 3,8 -3,7 37,5 11,6 25,9
Equateur 18,1 -8,1 3,0 2,2 0,7
Kasaï Orient. 0,4 -2,5 6,0 7,6 -1,6
Bandundu 7,0 16,9 12,8 1,7 11,1
Sud-Kivu -12,1 -8,7 -25,7 3,8 -29,5

Prov. Orient. -31,8 -5,3 -17,0 3,0 -19,9


Nord-Kivu -29,0 8,8 4,4 2,1 -6,5

Maniema 11,2 -25,7 -0,3 5,1 -5,3

Kasaï Occident. -10,7 -3,8 0,0 16,1 -16,1

Source : Calculs des auteurs

Kinshasa bénéficie des transferts internationaux et des taxes qui sont administrés par le
gouvernement central au nom des provinces. Sa balance commerciale à 84% de son PIB
souligne donc sa forte dépendance du reste du monde. Les importations de Kinshasa
représente presque la moitié des importations nationales de marchandises, mais génère
moins d’un pourcent des exportations. Les revenus des exportations des ressources
naturelles, produites par le reste des provinces, sont absorbés par les importations
considérables consommées par Kinshasa.
Les provinces frontalières bénéficient des possibilités de commerce transfrontalier
avec les pays voisins, lesquelles se traduisent par certaines taxes et redevances qui sont
prélevées tant à l’entrée qu’à la sortie du territoire. Il s’agit des provinces de Kivus,
284

Katanga et du Bas-congo. Au Katanga, ce commerce est lié au secteur minier. Dans les
provinces du Kivu, les petits commerçants qui traversent la frontière plus d’une fois par
jour sont largement responsables de ces échanges.
Quant au compte financier, celui-ci retrace les échanges de capitaux entre un pays et
l’étranger, il faut relever que les transferts en provenance des provinces plus riches ont été
pratiquement inexistants.

IV. Léçons
L’exercice de cadrage macroéconomique en provinces démontre aujourd’hui qu’il
est possible de partir d’une approche provinciale. Pour un pays à la dimension d’un
continent, une approche plutôt provinciale permettrait de définir plus facilement des
politiques plus réalistes qui tiennent compte des conditions spécifiques de chacune.
Avec l’assistance de la Banque mondiale et le soutien financier du Fonds de partenariat
belge pour la réduction de la pauvreté (BPRP), les autorités ont développé au cours de
2009-10 une base de données de l’évolution économique à l’échelle provinciale pour les
années 2006-10. Cette base de données a permis de définir un cadre macroéconomique
suivant les méthodes développées au sein du FMI, couvrant les 4 secteurs standards
(secteur réel, la balance des paiements, le secteur public et monétaires). Comme on peut
le constater, le mode d’estimation et de calcul des paramètres et variables liés au cadre
macroéconomique en province répond aux mêmes exigences scientifiques que celui à la
base de définition du cadre macroéconomique au niveau national. Un ancien cadre du
FMI (M. Michel Dessart, ancien chef de la Division du Département Afrique du FMI et
de la tête de l’Institut du FMI) a appliqué ce cadre d’abord aux deux provinces (Sud-Kivu
et du Katanga). Par la suite, la même méthode a été appliquée aux provinces restantes
par une équipe nationale, appuyé par des consultants nationaux et internationaux. Après
l’établissement de la base de données des années récentes, les autorités ont procédé à
préparer des projections économiques qui servent de base à l’élaboration du budget
provincial et du DSCRP II en cours de préparation.
Comme souligné plus haut, l’équipe de travail s’est attachée à développer une
méthodologie simple, évolutive, et facile à appliquer en prenant en considération
l’environnement de travail des provinces. Ces instruments sont définis de façon à se
développer graduellement au fil du temps, en fonction des améliorations progressives en
matière de capacités techniques, de bonne gouvernance à tous les niveaux, ainsi que des
progrès dans la mise en œuvre des autres volets du programme de réforme des finances
publiques.
Si en termes nominaux ces résultats peuvent donner lieu à des différences avec le cadre
macroéconomique national, cependant en termes réels, leur comportement présente
une réalité qui laisse transparaître la structure de l’économie congolaise. Contrairement
 285

aux statistiques nationales, il s’observe que les activités agricoles ont été plus importantes
dans la détermination du PIB de beaucoup de provinces. Cet exercice a démontré que les
activités agricoles ont connu une plus rapide accélération au cours de ces cinq dernières
années que les informations disponibles au niveau national.
Dans l’ensemble, cette approche a permis de suivre l’évolution économique dans les
provinces, et à développer les capacités d’analyse pour évaluer les options stratégiques
des politiques au niveau provincial. Toutefois, les progrès sont fragiles. Similaire au cadre
macroéconomique qui est généralement mis à jour au cours de missions du FMI, la mise
à jour du cadre macroéconomique au niveau des provinces dépend typiquement encore
des visites des missions de la Banque mondiale en provinces, en étroite collaboration
avec les autorités nationales.
Pour assurer la pérennisation et l’appropriation de ce processus, l’appui des partenaires
au développement s’avère indispensable en vue de permettre aux autorités nationales
de prendre en charge ce processus et de considérer les résultats de cet exercice dans les
évaluations des effets de leurs politiques sur la situation économique et sociale. Le seul le
défi auquel il faut faire face aujourd’hui est celui d’assurer la disponibilité des données
sur les activités économiques du point de leur origine et de leur destination.

Encadré 1. Découpage des provinces


La Constitution de 2006 avait prescrit l’augmentation de nombre de provinces de
11 à 26. La matérialisation de cette clause devrait avoir lieu dans les trois années
après la mise en place de toutes les institutions politiques, c’est-à-dire trois années
après 2007. Plusieurs contraintes retardent encore la mise en application de cette
disposition. Toutefois, il faut noter que six provinces (Bandundu, Kasaï-Oriental,
Katanga, Province Orientale, Kasaï-Occidental, et Équateur) vont être découpées
pour avoir les 15 autres provinces supplémentaires, soit au total vingt-un provinces
à créer alors que cinq autres demeureraient intactes.

Note :
1. Les résultats de cet exercice seront disponibles sur un site web (en cours de préparation) qui aura un lien avec
le site web de la Banque mondiale.
Tableau A6 : Croissance du PIB réel par province et pour quelques secteurs
286

Croissance du PIB réel (en %) Croissance du secteur agricole (en %) Croissance du secteur minier (en %)
Provinces
2007 2008 2009 2010 Moy 2007 2008 2009 2010 Moy 2007 2008 2009 2010 Moy

Kinshasa 5,7 5,4 5,6 8,1 6,2 66,4 17,2 14,8 12,0 27,6 74,4 26,7 0,3 13,0 28,6
Katanga 22,0 13,3 3,5 25,0 16,0 -22,7 12,8 5,7 5,9 0,4 67,0 74,3 1,3 55,3 49,5
Bas-Congo 6,9 10,1 6,7 7,9 7,9 14,0 17,2 8,3 10,1 12,4 6,6 -5,1 2,4 8,7 3,1
Equateur 8,4 2,1 14,7 4,4 7,4 5,6 5,0 18,4 5,0 8,5 14,6 528,7 822,3 0,5 341,5
Kasaï
1,8 7,1 10,8 10,1 7,4 6,6 8,2 1,7 13,6 7,5 -24,8 -23,1 -33,3 25,3 -14,0
Oriental
Bandundu 0,0 3,9 1,0 1,0 1,5 9,4 3,9 0,2 1,3 3,7 315,8 1,8 180,1 -9,7 122,0
Sud-Kivu 84,2 59,1 55,0 45,3 60,9 54,4 36,8 30,4 27,2 37,2 1,6 1,1 0,8 0,3 0,9
Prov.
2,5 5,7 9,1 9,6 6,7 2,0 4,8 8,3 6,8 5,5 -31,6 -16,0 5,9 -2,1 -11,0
Orient.
Nord-Kivu 17,0 12,5 3,4 4,9 9,5 -3,9 -1,8 3,2 8,2 1,4 47,8 14,0 -32,6 -42,1 -3,2

Maniema 3,4 6,2 14,0 8,5 8,0 0,3 3,9 18,2 13,6 9,0 232,3 21,9 -67,1 17,5 51,1
Kasaï
7,0 8,1 15,1 10,1 10,1 14,5 8,0 9,6 6,7 9,7 3,4 -4,3 -21,9 43,6 5,2
Occidental
Source : Calculs des auteurs

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