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Repères, recherches en

didactique du français langue


maternelle

Narratologie, enseignement du récit et didactique du français


Yves Reuter

Résumé
Cet article propose une réflexion critique sur le passage de la narratologie dans le champ de la didactique du français. Après un
retour sur le contexte de son introduction et les espoirs qu'elle a suscités, il étudie les transformations qu'elle a subies et
propose un bilan hypothétique de ses effets. Il élabore enfin un programme de recherche portant sur l'enseignement-
apprentissage du récit dans un cadre proprement didactique qui ne réduit donc pas ses questions à celles des applications
possibles d'une théorie élaborée dans un autre champ scientifique.

Abstract
-Narratology, teaching the narrative and French didactics.
Yves REUTER, Theodile, University of Lille 3.
This paper puts forward some critical thoughts on how narratology has been incorporated into the field of French didactics. It
first looks back at the context of its introduction and the hopes that this gave rise to. It then studies the transformations which
have been carried out and offers a hypothetical appraisal of the effects its introduction has had. Finally, it develops a research
programme on teaching-learning the narrative in a specifically didactic frame-work which does not limit its questions to those
raised by possible applications of a theory developed in another scientific field.

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Reuter Yves. Narratologie, enseignement du récit et didactique du français. In: Repères, recherches en didactique du français
langue maternelle, n°21, 2000. Diversité narrative. pp. 7-22;

doi : https://doi.org/10.3406/reper.2000.2325

https://www.persee.fr/doc/reper_1157-1330_2000_num_21_1_2325

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NARRATOLOGIE, ENSEIGNEMENT DU RÉCIT
ET DIDACTIQUE DU FRANÇAIS

Université
ÉquipeCharles-de-Gaulle
Yves
THÉODILE
REUTER
- EA 1 -764
Lille III

Résumé : Cet article propose une réflexion critique sur le passage de la narrato-
logie dans le champ de la didactique du français. Après un retour sur le contexte
de son introduction et les espoirs qu'elle a suscités, il étudie les transformations
qu'elle a subies et propose un bilan hypothétique de ses effets. Il élabore enfin
un programme de recherche portant sur l'enseignement-apprentissage du récit
dans un cadre proprement didactique qui ne réduit donc pas ses questions à
celles des applications possibles d'une théorie élaborée dans un autre champ
scientifique.

Depuis quelques années, les critiques se sont multipliées à rencontre de la


narratologie et de ses utilisations dans le champ de la didactique aussi bien de
la part de théoriciens (1) que de formateurs ou d'enseignants. D'une certaine
manière, ce numéro de Repères en constitue un écho. Serait-ce à dire qu'après
une période d'enthousiasme, il serait urgent de jeter le bébé avec l'eau du bain ?
Cela me paraîtrait pour le moins hâtif. C'est donc à un examen critique du pas¬
sage de la narratologie dans l'espace de renseignement-apprentissage que j'in¬
vite le lecteur en me proposant d'étudier les problèmes que cela soulève avant
d'évoquer, de manière prospective, la possibilité de construire autrement les
questions de l'apprentissage du récit dans un contexte didactique qui me
semble en profonde mutation.

1. DE L'ENGOUEMENT AU FIGEMENT

1.1. L'engouement initial : la volonté rénovatrice

Il n'est sans doute pas inutile de rappeler que, dans les années 70-80, la
narratologie a suscité un enthousiasme certain, aussi bien dans le champ des
théories littéraires (voir les revues Littérature, Poétique...) que dans celui de l'in¬
tervention didactique et de la réflexion sur celle-ci (2) à une époque où la didac¬
tique (qui ne s'appelait pas encore ainsi) était en quête d'identité.

Cet engouement se fondait sans nul doute sur des dimensions cognitive,
pédagogique, politique, institutionnelle... inextricablement mêlées. Ainsi, et pour
ne mentionner que quelques éléments de l'état d'esprit de l'époque (3), je note¬
rai :
- un sentiment de convergence avec des configurations épistémologiques
et politiques (structuralisme, marxisme...), voire des disciplines (sociolo-
REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

gie, psychanalyse, sémiotique, linguistique...) ou des pratiques artistiques


(Nouveau Roman...) qui avaient le vent en poupe ;
- un sentiment de convergence avec des théoriciens ou d'autres rénova¬
teurs critiquant l'appareil scolaire, ses contenus et ses formes de trans¬
mission (voir les travaux d'Althusser ou ceux de Bourdieu et Passeron...)
ou, plus précisément, l'enseignement du français (et notamment l'histoire
littéraire, la rédaction...) ;
- des convictions militantes qui établissaient des parallèles très forts entre
espaces politique, théorique et pédagogique (pour le dire d'une façon qui
apparaît aujourd'hui caricaturale), dominaient des idées selon lesquelles
les « avancées » sur chacun de ces terrains pouvaient être bénéfiques, de
manière homologique, pour les autres : ainsi le progrès scientifique était
conçu comme l'allié des forces progressistes dans les espaces politique
et scolaire et, sur ce dernier terrain, de « meilleurs » contenus auraient dû
permettre un « meilleur » enseignement qui aurait dû lui-même permettre
un « meilleur » apprentissage ;
- un sentiment de solidarité, au sein même de l'école, avec d'autres mili¬
tants, centrés sur d'autres objets (pédagogie, jeux poétiques...) ;
- des espoirs d'opérationalisation de la narratologie pour lutter contre
l'échec, socialement marqué, grâce à la mise en œuvre d'un discours
moins légitimant (4) et plus précis sur l'organisation des textes (5), d'une
ouverture des référents textuels (contes, fantastique, Nouveau Roman...)
ainsi que des exercices possibles...

1 .2. Les formes du figement

La volonté rénovatrice évoquée précédemment a dû - comme c'est majori¬


tairement le cas dans les institutions - composer avec d'autres forces, d'autres
courants et d'autres instances. Cela s'est effectué à différents moments pendant
ces vingt dernières années ce qui a sans doute fait subir plusieurs torsions -
outre les dérives déjà inscrites au départ {cf. 1 .3) - au projet initial. Je m'arrêterai
ici, de manière sélective et de façon trop succincte, sur trois de ces dimensions :
l'intégration dans des cadres traditionnels, les compromis institutionnels
(accompagnés de confusions entre les espaces didactiques) et les renforce¬
ments dus à des recherches ultérieures.

1.2. 1. L'intégration dans des cadres traditionnels

Nombre d'éléments de la narratologie ont été en effet - même au prix de


simplifications et de confusions (cf. 1 .3) - récupérés dans des cadres tradition¬
nels : assimilation du schéma quinaire au plan traditionnel préconisé pour la
rédaction (6), transformation de notions qui étaient des outils d'analyse en outils
normatifs, activités d'étiquetage sur le modèle de la grammaire, utilisation des
concepts dans un but évaluatif (réinstaurant les valeurs anciennes pour dépré¬
cier les formes narratives paralittéraires ou orales...), cloisonnement maintenu
entre types de textes, entre approche des textes et des phrases, et occultation
des récits courants ou d'autres disciplines...

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Narratologie, enseignement du récit et didactique du français

On pourrait ici se poser deux questions complémentaires qui mériteraient,


sans nul doute, des études approfondies. La première consisterait à se deman¬
der ce qui, au sein même de la narratologie (comme mode de questionnement
et type d'approche) était susceptible de favoriser cette forme d'intégration. Je
pense, par exemple, au caractère décontextualisé, abstrait, formel et distancié
de l'objet, sans doute proche par certains aspects de tendances scolaires et de
l'idéologie lettrée, évacuant dans un même mouvement les dimensions pragma¬
tiques du récit, certainement plus éloignées de ces types de pensées, sans
doute aussi plus difficilement didactisables, voire potentiellement mieux articu-
lables à des courants novateurs en pédagogie. La seconde question consisterait
à se demander, sur le modèle de ce que Chevallard (1 985) écrivait à propos de
la réforme des mathématiques modernes, si la narratologie - avec les caracté¬
ristiques que nous avons mentionnées précédemment ainsi que son origine
« scientifique » et son aura de nouveauté (7) - n'a pas permis de réinstaurer une
« bonne » distance entre savoirs scolaires, savoirs courants et savoirs savants et
de réévaluer par là même l'autorité (cognitive) des enseignants sur le récit.

1.2.2. Les compromis institutionnels

Il me semble aussi que ces « rencontres » entre volonté novatrice et poids


des traditions ont engendré une dialectique complexe entre diverses formes de
compromis sur le terrain des pratiques et à différents niveaux de l'institution :
instructions officielles, manuels, voire même formation des enseignants.

Il y avait sans doute là des bénéfices de modernité réalisables à peu de


frais, puisque cela ne remettait pas forcément en cause - ce qui est, économi¬
quement et institutionnellement, extrêmement coûteux - les démarches pédago¬
giques et que, de surcroît, cela pouvait s'articuler, à certaines conditions, aux
valeurs les plus classiques (cf. 1.2.1).

Dans cette perspective, les questions liées à la transposition didactique


étaient implicitement résolues sur le mode de la transférabilité directe : les for¬
mateurs et les prescripteurs divers « simplifiant » les savoirs savants pour les
enseignants qui, eux-mêmes, les « simplifiaient » pour les élèves (8). En fait,
dans la mesure où des questions telles que « Quels savoirs pour qui
(chercheurs ? formateurs ? enseignants ? élèves ?) et pour quoi ? » (9) n'étaient
pas réellement explicitées, les contenus de la narratologie ont été simplifiés,
dilués, détournés... dans une confusion entre didactiques - recherches didac¬
tiques, didactique de la didactique (10), pratiques didactiques - sur laquelle Éli-
sabeth Nonnon (1994, 1998) met l'accent à juste titre et qui perdure encore.

1.2.3. L'étayage par des recherches ultérieures

La situation que je viens d'évoquer a encore été renforcée par des phéno¬
mènes d'étayage liés à différents courants de la recherche, par exemple la psy¬
chologie cognitive (voir Denhière et Legros 1 987 ou Fayol 1 985) ou les travaux
autour des typologies de textes (sur ce point, voir aussi Nonnon 1994 : 151 -
152).

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REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

Le premier courant, étudiant les performances des sujets en production et


en réception ou l'évolution de ces performances selon l'âge, a repris - sans for¬
cément les interroger (11) - des notions issues des théories textuelles en général
et de la narratologie en particulier et, ce faisant, les a en quelque sorte naturali¬
sées (12).

Quant au second courant (voir notamment les travaux de Jean-Michel


Adam) - évacuant aussi les dimensions pragmatiques et posant la formalisation
du récit provenant de la narratologie en référence (13) -, il a aussi conforté, voire
naturalisé, ce modèle en rejetant en position dominée narration et mise en texte
et en rigidifiant les cloisonnements entre types (14)...

1.3. Les modalités du transfert de la narratologie

Si l'on veut cependant ne pas en rester à des oppositions qui risqueraient


de tourner à la caricature entre novateurs et traditionnalistes, il convient sans
doute de concevoir que ce que j'ai appelé le figement était inscrit en germes y
compris dans les modalités de reprise de la narratologie chez ses promoteurs
dans le champ de l'enseignement, même s'il a été accentué par la suite. Je me
contenterai de mentionner ici six de ces modalités déjà bien explorées : l'occul¬
tation des débats externes, l'occultation des débats internes, la simplification du
réfèrent, l'accentuation de certains de ses pôles, sa dogmatisation, certaines
confusions notionnelles.

Ainsi, les débats entre approches théoriques du récit (narratologie et autres


(15)) ont été en quelque sorte évacués, hypostasiant ainsi un réfèrent théorique
posé conséquemment comme unique (16). Il en a été de même pour les débats
théoriques internes à la narratologie, occultant divergences synchroniques (voir
les débats entre Brémond et Greimas autour du poids respectif des actions et
des acteurs) et évolutions diachroniques (voir l'histoire des débats sur la notion
de point de vue (17)). Complémentairement, le réfèrent théorique choisi a été
simplifié, non seulement en raison des explications notionnelles destinées à un
autre public que celui des chercheurs mais aussi par toute une série d'opéra¬
tions éliminant tendanciellement les dimensions cognitive ou argumentative des
récits (voir les travaux de Greimas) ainsi que des notions importantes telle que
celle de rôle thématique (18), ou encore minorant d'autres concepts pourtant
pertinents pour l'analyse des récits courants ou scolaires tels ceux de scènes ou
de sommaire (Reuter 1994a).

A ces simplifications se sont ajoutées, dans nombre de manuels et parfois


en formation, des confusions déjà maintes fois relevées entre fiction et narration,
voix et perspective ou encore actants et acteurs... De surcroît, certains pôles
des recherches narratologiques ont été accentués au détriment d'autres. Il en
est ainsi des modèles les plus généraux (le schéma quinaire ou le schéma
actantiel...) au détriment des modèles génériques plus spécifiques (19).

Enfin et fondamentalement, la narratologie - exportée sur une autre scène


que la scène théorique - a été dogmatisée. Le transfert a ainsi érigé en lois et
instruments de prescription, de proscription et de normalisation, ce qui avait à

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Narratologie, enseignement du récit et didactique du français

l'origine, comme tout concept, le statut d'outil heuristique. A des pratiques d'in¬
vestigation ont donc succédé, dans un espace social différent (20), des pra¬
tiques applicationnistes et d'étiquetage.

Ainsi naturalisée et fétichisée, la narratologie est devenue tendanciellement


à l'école - à rencontre du projet de ses fondateurs - le modèle emblématique
du récit, occultant ainsi ses spécificités : clôture et centrage sur l'objet au détri¬
ment des pratiques de lecture et d'écriture, du rapport au contexte et aux fonc¬
tions, des questions de réussite et d'effets (Labov 1978), du poids du référent
sur son fonctionnement (voir Clanché 1988 et 1992, Kaïci 1992 ou Lammertin ici
même) ou des variations selon les espaces sociaux, les disciplines, et les
genres...

2. UN BILAN À QUESTIONNER

Entre engouement et figement, novation et tradition, transfert initial et ins¬


tallation sur la durée, est-il possible d'établir un bilan des usages de la narratolo¬
gie et de ses effets dans l'espace scolaire ? Rien n'est moins sûr...

2.1. Un hypothétique état des lieux

En premier lieu, il convient de noter, me semble-t-il, que l'état des lieux est
particulièrement difficile à dresser. Il s'agit là d'un problème qui n'a rien de spé¬
cifique au récit et que l'on rencontre en didactique quelle que soit la question
prise en considération. On ne peut que le regretter en souhaitant que plus de
programmes de recherches y soient consacrés. A partir de ce manque, on
conviendra donc que ce qui concerne les pratiques effectives dans les points
suivants (2.2 et 2.3) est parcellaire et hypothétique.

2.2. Des bénéfices indéniables

Malgré les analyses précédentes, il me semblerait absurde de ne pas rele¬


ver toute une série d'apports issus de la narratologie (21) (cf. 1.1) même s'ils se
sont sans doute, quantitativement et qualitativement, inégalement réalisés :

- des analyses plus précises (22) des textes donnés à lire, écrire et analyser
aux élèves, ce qui a engendré, potentiellement, de meilleures articulations
dans l'enseignement de certaines pratiques : la production narrative, en
général (Ruellan 2000) ou à partir d'une entrée spécifique (par exemple, à
partir du personnage, voir Glaudes et Reuter 1996 et surtout Tauveron
1995), la lecture (23), le commentaire des textes, l'évaluation des écrits
(Reuter 1 994b et 1 998 et les travaux du groupe EVA) ;

- l'explicitation possible des notions adoptées, sans commune mesure


avec celles utilisées antérieurement (24) ;

- des possibilités de décloisonnement entre analyse des textes et analyse


des phrases ;

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REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

- la prise en compte de textes auparavant minorés (contes, fantastique,


paralittératures...) au sein d'un discours analytique potentiellement indé¬
pendant d'une imposition de valeurs ;

- l'ouverture des exercices possibles par la reprise ou la création d'activités


renouvelant les pratiques d'apprentissage du récit : complètements,
puzzles, choix dans la construction fictionnelle, variations dans les voix ou
dans les perspectives, parodies...

- la mise en relation - à partir de l'image du méccano : le texte que l'on


démonte et que l'on remonte - du récit, et des opérations de lecture et
d'écriture ce qui, à l'époque, non seulement n'avait rien d'évident mais
encore permettait de faire passer les élèves de l'imitation - admiration
imposée de textes modèles à l'utilisation - appropriation de textes
sources...

Comme on peut s'en rendre compte, ces apports sont potentiellement


énormes, hier comme aujourd'hui...

2.3. Des limites certaines

Les limites de la narratologie dans l'enseignement sont non moins cer¬


taines (25). Sans vouloir m'attacher à la tâche impossible de toutes les relever, je
mentionnerai d'un côté les problèmes structurellement hors du champ de la nar¬
ratologie (26) mais néanmoins importants dans l'espace didactique (les relations
à la lecture et à l'écriture, les questions liées au réfèrent, à la fiction, à la créati¬
vité...) et de l'autre, ceux qui sont potentiellement produits par la narratologie
elle-même, au moins dans un usage tendanciellement applicationniste de celle-
ci par exemple, en production, la stéréotypie ou la sous-estimation des ques¬
tions de mise en texte ; par exemple, en réception, la volonté de « retrouver » ce
qui est constitutif des hypothèses de la narratologie (schéma quinaire, schéma
actantiel...) au détriment de leur mise en œuvre heuristique (pour comprendre et
spécifier l'organisation des récits) et de leur mise à l'épreuve (27).

2.4. Retour sur quelques questions didactiques

Que penser de cet hypothétique état des lieux dans une perspective didac¬
tique ? J'avancerais volontiers qu'il est tributaire - entre autres facteurs - de la
configuration de pensée d'une époque « pré-didactique » où l'importation d'un
modèle issu d'un autre espace théorique, sans repenser l'espace théorique spé¬
cifique de la didactique (Reuter 1994 et 2000), ne pouvait qu'engendrer majori¬
tairement de l'applicationnisme. Il s'agissait, en simplifiant toujours à l'extrême,
de transférer sur des objets d'enseignement - apprentissage « classiques » des
théories récentes sur ces objets, indépendamment de leurs relations à l'ensei¬
gnement - apprentissage et sans réfléchir au cadre didactique lui-même, aux
problèmes rencontrés par les élèves, aux objectifs possibles, aux démarches...
Comme je l'écrivais au début de cet article, on a sans doute fonctionné à cette
époque sur l'illusion qu'une « meilleure » théorie engendrerait un meilleur ensei¬
gnement qui, lui-même engendrerait un meilleur apprentissage. Les mécanismes

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Narratologie, enseignement du récit et didactique du français

de la transposition didactique ont donc fonctionné sur le mode (inconscient) de


la didactisation d'une théorie avec une question implicite qui était sans doute
« Comment didactiser le récit ? » et non « Quels modèles didactiques du récit
pour quel enseignement - apprentissage du récit au sein de quelle didactique
du français ? »

Est-il possible, maintenant que la théorisation didactique s'est autonomisée


et construite, de déplacer le questionnement ?

3. PENSER DIDACTIQUEMENT L'ENSEIGNEMENT -


APPRENTISSAGE DU RÉCIT ?

Je poserai d'emblée, en tant que corollaire des analyses précédentes, qu'il


s'agit d'abord d'éviter l'écueil qui consisterait à rejeter la narratologie en bloc en
recherchant dans l'espace théorique extra-didactique une meilleure théorie. Ce
serait à mon sens reconduire les mêmes erreurs en se contentant de changer de
réponse tout en conservant la même question, tout aussi inadéquate qu'aupara¬
vant.

Or, comme j'ai essayé de le montrer ailleurs (Reuter 2000), la didactique


s'est autonomisée et construite, devenant consciente de nombre de phéno¬
mènes et tentant conséquemment de penser la transposition didactique (28) et
de produire ses propres questions. Qu'est-ce que cela peut signifier en l'occur¬
rence ? Quel programme de recherches peut-on tracer pour penser l'enseigne¬
ment - apprentissage du récit dans ces nouveaux cadres ? Je proposerai, dans
cette perspective, toujours provisoirement et trop succinctement, six directions
de travail (29) tout à fait complémentaires dans mon esprit.

3.1. Quel état des lieux ?

La première direction, en relation avec mes analyses antérieures {cf. 2.1),


consiste à dresser un état des lieux des pratiques d'enseignement du récit,
qu'elles impliquent ou non la narratologie, afin de pouvoir élaborer une cartogra¬
phie de ces pratiques, des effets qu'elles provoquent, des problèmes qu'elles
permettent de résoudre et de ceux sur lesquels elles achoppent.

En l'absence d'un tel instrument, nombre de débats me paraissent


condamnés à rester en grande partie spéculatifs. De même, cela condamne les
décisions de changement ou d'absence de changement à être prises indépen¬
damment d'une véritable analyse des intérêts des élèves.

3.2. Quelles pratiques narratives ont les élèves ?

De la même manière, il me semble urgent d'avancer dans la connaissance


des pratiques (et des représentations) des élèves, même s'il s'agit d'un chantier
encore plus important, en tenant compte, autant que faire se peut, de deux
types de données complémentaires, au moins :

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REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

- l'évolution de leurs pratiques, hors école, selon âge, sexe, catégorie


socio-professionnelle des parents et selon le type de réfèrent et le type de
situations ;

- révolution de leurs pratiques, à l'école, selon les mêmes critères et selon


le type d'enseignement - apprentissage {cf. 3.1) en n'évacuant pas, pour
des raisons de commodité méthodologique, ce qui se passe dans des
modes de travail pédagogico-didactiques qui impliquent, par exemple,
projet et multiples réécritures (Ruellan 2000).

L'enjeu est ici double : penser les écarts entre ces deux séries de pratiques
et, conséquemment, ce qui serait susceptible de les aider à s'étayer mutuelle¬
ment ; penser les lieux les plus féconds de l'intervention didactique en précisant
d'éventuels palliers de progression et lieux de résistance.

3.3. Penser le récit au sein de la didactique du français

Il me parait aussi constitutif de la nouvelle configuration disciplinaire que


j'évoquais de penser ce qui a trait à l'enseignement - apprentissage du récit au
sein d'une conception d'ensemble de la didactique du français (30) qui effectue,
plus ou moins consciemment, des choix primordiaux quant aux contenus, quant
à l'articulation entre savoirs et valeurs, quant aux relations entre savoirs et
savoir-faire, quant aux relations entre « français » et autres disciplines, quant au
niveau d'exigence, quant aux finalités, quant aux conditions de l'enseignement
et de l'apprentissage, etc. Il en va non seulement de la cohérence d'ensemble
de l'enseignement - apprentissage du français mais aussi de l'autonomie de la
didactique. En effet, faute de pouvoir théoriser ce cadre général, elle s'expose à
produire des variations sur des objets qui lui sont imposés sans véritablement
se donner les moyens d'objectiver les effets de cette imposition.

3.4. Objectifs et outils

C'est, à mon sens, dans ce cadre global - encore insuffisamment théorisé


et débattu - qu'il est possible de construire, de manière spécifiquement didac¬
tique, les objectifs et les outils dévolus, selon les cas, à l'enseignement -
apprentissage du récit « en tant que tel » ou à l'enseignement - apprentissage
du récit au service d'autres objectifs.

En effet, et pourvu qu'on soumette à un examen critique les objets d'ensei¬


gnement que la tradition scolaire nous a légués, « enseigner le récit » n'a rien de
naturel ou d'évident. S'agit-il de se centrer sur des objets (textuels) ou sur des
pratiques (31) ? S'agit-il d'apprendre à raconter (par écrit ? par oral ? tous les
genres ou certains seulement ?) ou encore à écouter, à lire, à comprendre, à
analyser, à interpréter des récits (auquel cas ces compétences sont relativement
autonomisées ?) ou s'agit-il d'apprendre à dire, écouter, produire, lire, écouter,
analyser, interpréter des discours (auquel cas le narratif est posé comme (sous)
composante de savoir-faire (ou d'objets) plus généraux) ?

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Narratologie, enseignement du récit et didactique du français

Mais on peut aussi viser, via les récits, à développer les capacités à gérer
des référents imaginaires ou réels, à stimuler la créativité, à récapituler le vécu,
voire les aptitudes à la métacognition, à la résolution de problèmes ou aux
démarches heuristiques...

S'agit-il encore d'intervenir sur des difficultés tributaires de l'âge (voir les
analyses de Clanché, 1988 et 1992, sur les positions éthiques des jeunes
enfants réticents devant le « mentir-vrai » de la fiction réaliste) ou liées au niveau
scolaire ou à la catégorie sociale d'appartenance (voir les problèmes de dissy¬
métrie entre force de l'investissement et qualités formelles de l'écrit soulevées
par Kaïci 1992 ou ceux du rapport au langage et aux situations de communica¬
tion soulevées par Bautier et Rochex 1 998 ou Lahire 1 993) ?

A-t-on comme objectif de donner le goût de lire (ou d'écrire) ou d'introduire


aux questions de légitimité littéraire ?

S'agit-il enfin (et la clôture est ici arbitraire) de viser la réalisation de récits
« bien formés » d'un point de vue structurel et / ou correctement écrits (au
regard des normes grammaticales) et / ou contextuellement pertinents et / ou
intéressants (et pour qui ?) ? On conviendra qu'il s'agit là de choix cruciaux
mais complexes sur lesquels les décisions se prennent en général implicitement.
On conviendra encore que, bien souvent, la plupart de ces objectifs sont pré¬
sents mais reliés et hiérarchisés sous des formes différentes assez peu objecti¬
vées, explicitées et justifiées. On conviendra enfin que, selon les objectifs, les
choix concernant la progression, les démarches, les situations de travail, les
textes ressources, etc. seront sans doute fort différents. Et qu'il ne peut en être
que de même pour les théories de référence...

3.5. Les référents théoriques

En effet, selon les questions traitées, il n'est pas possible de faire appel aux
mêmes paradigmes théoriques - ou au moins selon les mêmes modalités (32) -
et pour chacune de ces questions, au sein d'un même paradigme, différentes
théories sont généralement en concurrence, voire en conflit.

Pour toutes ces questions de surcroit - puisqu'on est dans le champ de la


didactique - plusieurs types de référents théoriques doivent être convoqués en
même temps pour articuler les trois pôles en jeu : celui qui concerne les sujets
(leurs pratiques, leurs représentations, leurs opérations mentales...), celui qui
concerne l'objet visé (savoirs ou savoir-faire), celui qui concerne l'enseignement
- apprentissage qui les met en relation.

Il convient encore de remarquer que, sur chacun de ces pôles et plus parti¬
culièrement ici pour ce qui touche au récit, les référents théoriques n'apparais¬
sent pas également didactisables, au moins du point de vue économique (33).

Conséquemment - et toujours en fonction du cadre didactique global et


des objectifs retenus - certaines théories seront sélectionnées ou privilégiées,
au moins en partie, transformées pour être appropriables et articulables avec
d'autres (sur le même pôle ou sur les deux autres), travail complexe qui se situe

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REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

inéluctablement dans la pluralité et non dans l'unicité référentielle et qui - au


moins en recherche - ne peut faire l'économie de la formalisation de la com¬
plexité aussi bien pour des raisons de connaissance que de transférabilité ou
d'efficacité (éviter, par exemple, les dissonances voire les contradictions à pro¬
pos d'un même objet).

Il en va de même de la résolution de problèmes très concrets pour l'inter¬


vention didactique tels que la sélection des contenus et des notions, la progres¬
sion envisagée, les genres et les textes - sources travaillés, les questions
posées, l'évaluation des écrits des élèves et leur acceptabilité... On conviendra
ainsi, à titre d'exemple quelque peu ludique, que les différentes définitions du
récit que je rappelle dans les lignes suivantes, n'ont pas la même pertinence
face aux problèmes évoqués et sont susceptibles de s'articuler à des choix
pédagogiques fort différents :
« La notion de récit minimal pose un problème de définition qui n'est pas
mince. [...] Pour moi, dès qu'il y a acte ou événement, fût-il unique, il y a
histoire car il y a transformation, passage d'un état antérieur à un état ulté¬
rieur et résultant. [...] une histoire n'a pas besoin d'intéresser pour être une
histoire. » (Genette, 1983, 14)
« Nous définirons le récit comme étant une méthode de récapitulation de
l'expérience consistant à faire correspondre à une suite d'événements
(supposés) réels une suite identique de propositions verbales. [...] Le récit
n'est donc qu'un moyen parmi d'autres de récapituler l'expérience passée.
Ce qui le caractérise, c'est que les propositions y sont ordonnées tempo-
rellement, en sorte que toute inversion modifie l'ordre des événements tel
qu'on peut l'interpréter [...] » (Labov, 1978, 295-6)
« Je me suis attardé sur ce sujet [...] pour montrer que l'une des formes les
plus universelles et les plus puissantes du discours dans la communication
humaine est le récit. La structure du récit est même inhérente à la praxis de
l'interaction sociale avant qu'elle ne parvienne à son expression linguis¬
tique. Je voudrais maintenant avancer une proposition plus radicale
encore, en affirmant qu'il existe une « impulsion » vers la construction de
récits, qui détermine l'ordre de priorité dans lequel les formes grammati¬
cales sont maîtrisées par le jeune enfant.
Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, le récit exige quatre
composantes grammaticales pour être effectivement mis en œuvre. Il
requiert d'abord un moyen de mettre en lumière l'action de l'individu ; c'est
l'«agentivité » (une action dirigée vers un but, contrôlée par des agents). Il
faut ensuite qu'un ordre séquentiel soit établi et maintenu (les événements
et les états doivent être « linéarisés » selon certains standards).
Troisièmement, il faut une sensibilité à ce qui est « normal » et à ce qui ne
l'est pas dans l'interaction humaine. Enfin, le récit a besoin de la perspec¬
tive du narrateur : dans le jargon des spécialistes de la narration, il ne peut
être « sans voix ». » (Bruner, 1991 , 89)
« Un texte narratif relate simplement une séquence temporelle d'événe¬
ments ; un récit relate une séquence causale d'événements pertinents par
rapport à un protagoniste qui poursuit un but ou résoud un problème. »
(Black et Bower 1 980, 279)

16
Narratologie, enseignement du récit et didactique du français

« Nous croyons que les récits décrivent des problèmes ainsi que les plans
des personnages pour les résoudre. » {idem, 286)
« Si les récits sont des traces des activités de résolution de problèmes
mises en œuvre par les personnages, alors la représentation de la structure
des récits doivent être similaires à la représentation de la résolution des
problèmes. » {ibidem, 292)
« On peut affirmer que le récit - le texte narratif - possède une structure
globale hiérarchique qui confère aux différents événements (même si leur
ordonnancement chronologique est déconstruit) une certaine valeur diffé¬
rentielle que traduit le schéma de la « super-structure narrative » :

Schéma 1 séquence narrative

Résumé Orientation Complication Action Résolution Morale Chute


ou entrée Situation ou
préface initiale Evaluation Situation Morale
finale
(Pn 0) (Pn 1) (Pn 2) (Pn 3) (Pn 4)

(Adam 1987, 4)
« Somme toute, nouer une intrigue, c'est introduire un événement singulier
qui déclenche l'action (et / ou l'évaluation) et permet de sortir de la situa¬
tion initiale que celle-ci soit problématique ou non. En ce sens, « nouer »
doit être compris comme désignant une opération spécifiquement narrative
de mise en texte, indépendamment de toute dimension sémantique.
L'ultime critère du récit est donc la présence, dans un texte d'action, d'un
Nœud et d'un Dénouement. » (Revaz 1997, 195)

3.6. Distinguer les espaces didactiques

Il me semble que ce programme doit impérativement être complété,


comme je le signalais précédemment (1 .2.2) par des recherches visant à distin¬
guer et à spécifier les espaces des recherches en didactique, de la didactique
de la didactique (en tant que discipline de formation des enseignants) et des
pratiques didactiques (en tant que discipline scolaire), cela afin d'éviter toute
réalisation caricaturale de la transposition didactique les mélangeant (Nonnon
1998 : 166) et de réfléchir aux besoins spécifiques de chacun de ces espaces,
aux savoirs nécessaires pour les chercheurs et / ou pour les formateurs et / ou
pour les maîtres et / ou pour les élèves en fonction des objectifs visés, des com¬
pétences en place, des difficultés rencontrées...

Pour conclure cet article, certainement décevant aux yeux de certains dans
la mesure où il pose plus de questions qu'il n'apporte de solutions, je dirais

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REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

volontiers que la communauté des didacticiens n'a sans doute pas encore pris
la mesure des déplacements de la pensée qu'impose la didactique et qu'elle
construit pourtant avec ténacité. Le cas du récit en est un bon exemple dans la
mesure où l'on voit encore comment des propositions théoriques très intéres¬
santes ou des propositions pratiques très judicieuses peuvent être construites
dans un rapport aveugle à l'héritage d'objets scolaires. Le cas de la narratologie
est complémentairement éclairant quant aux zones de confusion entre espaces
didactiques et aux difficultés à se situer dans une configuration proprement
didactique en « s'accrochant » à des modes de pensée antérieurs liés à une
époque où celle-ci n'était pas autonomisée. Reste maintenant à travailler pour
que des recherches didactiques spécifiques (sur le récit, l'orthographe...) soient
cohérentes avec le projet didactique global qu'elles spécifient en retour...

NOTES

(1) Parmi les critiques les plus intéressantes, voir les analyses de Nonnon 1994 et 1998,
auxquelles cet article est très fortement redevable.
(2) Voir, notamment les numéros 1 -2 (1 974) à 1 4 (1 977) de la revue Pratiques.
(3) Je recommande aux plus jeunes lecteurs, entre autres, la lecture de l'éditorial du
n° 1-2 de Pratiques, suivie de (l'introduction de) l'article initial « Essai d'analyse
structurale du « Chat Noir » d'E. A. Poe. Pour une application pédagogique ».
(4) La narratologie - on l'oublie parfois - ne traite pas des questions de légitimité (ou de
valeurs) accordée aux récits qui, pour elle, relèvent de la sociologie ou de l'ethnolo¬
gie culturelle.
(5) Structures du récit et de la description, « dépassement » de la dichotomie floue entre
fond textuels...
faits et forme, déplacement des questions du « pourquoi ? » au « comment ? » des

(6) Et notamment de l'état initial avec l'introduction et de l'état final avec la conclusion.
(7) Due, au moins en partie, au retard dans les traductions de Propp en France et à la
sous-estimation de travaux tels ceux de Souriau.
(8) Je prie le lecteur de bien vouloir m'excuser pour la simplification extrême à laquelle
je me livre moi-même pour tenter de présenter plus clairement certains problèmes.
(9) Et sous quelles formes ?
(1 0) Ou didactique de la formation disciplinaire (cf. Brassart et Reuter 1992).
(11) Au moins dans un premier temps.
(12) Cela pose d'ailleurs de véritables problèmes d'articulation entre théories du texte et
théories du sujet auxquels la didactique ne peut éviter de se confronter, pas plus
d'ailleurs que les théories du texte ou les théories du sujet...
(13) Pour de multiples raisons parmi lesquelles un effet d'antériorité ou une impression de
plus grande adéquation aux cadres théoriques mis en place.
(1 4) Même au corps défendant de ses promoteurs.
(15) Pour avoir une idée d'autres approches possibles, voir - entre autres - Black et
Bower 1984, Bruner 1991, Debray et Pachoud 1992, Jolies 1930/1972, Labov 1978,
les travaux de Ricœur ainsi que les articles de Nonnon 1 994 et 2000 et de Brassart
1993.

(16) fondamentale.
Or la sélection d'un réfèrent théorique parmi d'autres possibles est une opération

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Narratologie, enseignement du récit et didactique du français

(1 7) Voir les travaux de Rabatel 1 997 et 1 998.


(1 8) Sur l'intérêt de cette notion, voir Glaudes et Reuter 1 996 et 1 998.
(19) On peut se demander, ici encore, si certains de ces choix centrés sur la narrativité
« pré-textuelle » la plus abstraite et la plus générale sont les plus pertinents du point
de vue des pratiques didactiques et de leurs objectifs...
(20) Même si on a pu retrouver aussi, dans certaines publications universitaires, ces
mêmes dérives.
(21) Pour une première approche, voir Reuter 1996 : 28-31 .
(22) Cela concerne plus particulièrement l'organisation de la fiction (actions, person¬
nages...), les distinctions et relations entre fiction et narration (voix, perspectives,
ordre...) et mise en texte (jeux des temps, des désignateurs...)...
(23) Avec, par exemple, pour l'enseignant, des moyens plus précis de justifier le choix
des textes par rapport à ses objectifs et aux difficultés des élèves (voir, sur ce point,
le travail de Catherine Tauveron sur les textes « résistants », Tauveron 1 999).
(24) Ce qui permet d'en favoriser la construction par les élèves eux-mêmes. La « clarté »
des notions n'a donc pas seulement des valeurs scientifique ou magistrale (rendre le
discours du maître plus accessible / plus adaptable), elle est aussi une condition
importante pour changer les démarches pédagogiques en rendant possible la
construction des savoirs par les élèves.
(25) Ce qui est normal dans la mesure où non seulement ce n'est pas sa vocation pre¬
mière mais encore où, comme pour toute autre théorie, cela la distingue de l'idéolo¬
gie qui ne connaît pas de limites...
(26) Même si on peut articuler certains de ses apports avec des problématiques qui pren¬
nent en compte, centralement, ces questions (cf. 2.1 et la note 32).
(27) Ce qui est d'ailleurs un travers très fréquent, quelle que soit la théorie retenue pour
l'approche des textes. Combien d'étudiants, voire de critiques, sont émerveillés dans
le cadre d'une approche psychanalytique des textes, de retrouver des fantasmes ori¬
ginaires sous-jacents ou, dans le cadre d'une approche marxiste, de retrouver des
« traces » des conflits socio-politiques ?
(28) Ce qui ne l'empêche nullement, de continuer à produire nombre de ses effets à l'insu
des acteurs éducatifs.
(29) Ici encore en très forte convergence avec Nonnon 1 994 et 1 998.
(30) Ce qui pose de rudes problèmes pour la pratique didactique et aussi pour la
recherche didactique en raison non seulement de la spécialisation des chercheurs
mais encore des frontières entre recherche et idéologie.
(31) « Le texte n'est pas seulement l'objet d'un corpus de savoirs, de connaissances à
posséder, il renvoie à un ensemble de pratiques, de savoir-faire à mettre en œuvre
(lecture - écriture), et la relation entre les deux ordres de maîtrise ne va pas de soi
[...] » (Nonnon 1998 : 154).
(32) Ainsi la question de l'intérêt produit n'est pas au cœur des préoccupations de la nar¬
ratologie - contrairement à l'approche de William Labov - mais on peut parfaitement
s'en servir pour tenter de rendre compte d'un certain nombre d'effets de lecture.
(33) Élisabeth Nonnon (1998 : 157) remarque à juste titre qu'a priori les réflexions de
nable
Ricœur, surVeyne
le récitouet Bruner
à aucunneexercice.
donnent lieu, immédiatement, à aucun savoir appre-

19
REPÈRES N° 21/2000 Y. REUTER

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