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Esperet Eric. Fayol (Michel). — Le Récit et sa construction : Une approche de psychologie cognitive. In: Revue française de
pédagogie, volume 76, 1986. pp. 94-96;
https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1986_num_76_1_2401_t1_0094_0000_3
Michel FAYOL
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humaines désireux de s'initier aux problèmes de l'étude psychologique du récit. Mais
il devrait aussi jouer un rôle important dans la formation des enseignants ; il arrive
souvent en effet, au long de sa lecture, que l'on se prenne à imaginer les micro-
expénences que l'on pourrait en tirer ; une telle forme de travaux dirigés permettrait
facilement que s'inscrive dans les faits la notion de formation par la recherche. Il faut
enfin ne pas oublier le public de chercheurs lui-même : la dernière partie de
l'ouvrage, en particulier, aborde des questions tout à fait actuelles et qui font l'objet de
développements récents, sinon encore exploratoires.
Précédés d'une préface de J.-P. Bronckart, neuf chapitres composent le livre de
M. Fayol. Les deux premiers exposent les analyses des semioticiens et des linguistes
visant à définir le genre « récit » ; sont d'abord rappelées les conceptions de Genette,
Propp, Greimas ou Barthes, ainsi que les quelques données empiriques qui
tendraient à confirmer les caractéristiques du récit : présence de l'intrigue, structure
interne contraignante, inversion de contenu, etc. Les travaux de Labov et de Van Dijk
sont ensuite l'occasion de présenter les notions maintenant classiques de catégories
narratives (orientation, complication, évaluation, etc.), de micro-, macro- et
superstructures. Ce début d'un ouvrage sous-titré « approche de psychologie cognitive »
ne doit pas surprendre : une grande partie des recherches se sont de fait inspirées
de notions d'abord avancées dans les analyses littéraires ou linguistiques, même si
elles ont cherché par la suite à en tester la validité psychologique (on peut d'ailleurs
noter, avec étonnement, ou regrets, que les chercheurs anglosaxons semblent mieux
connaître, en France, les travaux des analystes littéraires que ceux de leurs
homologues psychologues).
Le bilan des travaux spécifiquement psychologiques constitue le corps des
chapitres III à V. Sous le terme d'« approche empirique », sont exposées les
recherches qui, à la suite du travail de Bartlett (1932 ; souvent cité, rarement
présenté quelque peu en détails, comme ici), ont abordé les phénomènes de filtrage,
de réorganisation, d'abstraction, dont font l'objet les récits lus ou entendus. La
notion de « schéma narratif » est ainsi mise sur la sellette et ses diverses
formulations analysées (schéma canonique, ou grammaire de récit, par exemple). M. Fayol en
examine alors la validité psychologique. Enfin, le chapitre V permet de présenter les
apports de l'intelligence artificielle et le rôle joué par des structures plus générales
que le schéma, comme les scripts ou les plans d'actions, dans le traitement des
informations textuelles.
Le point de vue personnel de l'auteur, en demeurant clairement explicité,
apparaît plus marqué dans les quatre derniers chapitres, ce qui fait bien de ce livre une
« thèse » et non une compilation plus ou moins habile. Les hypothèses concernant
l'acquisition du récit sont ainsi confrontées aux données peu nombreuses
actuellement disponibles ; apparaît alors à nouveau soulevée la question de la pertinence du
schéma narratif et de sa genèse chez l'enfant. Le chapitre VII est entièrement
consacré à un examen critique de ce point, à l'issue duquel M. Fayol conclut à la
nécessité non de rejeter cette notion, mais de la préciser de façon importante. Les
deux derniers chapitres constituent en fait l'aboutissement des interrogations,
évoquées de façon plus ou moins rapide, dans les pages précédentes ; leur lecture est
sans doute plus difficile et nécessite justement la connaissance du reste du livre.
Deux points sont plus à souligner parmi tous ceux abordés ; tout d'abord le
problème de la mise en texte, trop souvent minorée dans les travaux psycholinguisti-
ques ; l'activité de récit, en effet, ne se traduit pas que par une organisation des
informations sémantiques (le narré), elle implique également la traduction en «
surface » des opérations langagières mises en jeu (énonciation, cohérence, progression
thématique, etc. ; la narration). Si l'on désire conserver un rôle de pilotage au
schéma narratif, il convient alors de pouvoir décrire les mécanismes à travers
lesquels ce schéma règle aussi (partiellement) les choix linguistiques effectués par le
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locuteur. Le second point concerne justement les modèles que l'on peut
raisonnablement élaborer pour décrire les activités cognitives de compréhension ou de
production de récits. M. Fayol indique ainsi les voies de recherche qui lui semblent les plus
prometteuses pour atteindre cet objectif. Celles qu'il retient tentent précisément de
concilier à la fois l'intervention de structures cognitives, organisant le contenu, et le
rôle des paramètres contextuels perçus, dans l'élaboration des marques linguistiques
qui vont constituer le discours narratif.
Le ton adopté par M. Fayol dans son livre est celui de la prudence et du respect
constant des données empiriques ; ceci lui interdit sans doute quelquefois d'aller
aussi loin que le souhaiterait le lecteur, dans l'énoncé d'hypothèses plus générales,
que l'on sent pourtant tout à fait émergentes ; par exemple, l'insertion de la conduite
de récit dans une conception plus large du langage, ou l'analyse plus détaillée des
paramètres contextuels, souvent à juste titre évoqués. Mais cette rigueur du propos
fait aussi la force des points qui sont argumentes ; elle découle visiblement de
l'ascèse intellectuelle adoptée par l'auteur comme démarche de recherche dans un
champ complexe, et non d'un refus d'envisager des questions plus générales.
Un dernier point, mineur, est à noter : la présentation typographique adoptée ne
facilite pas toujours la lecture des tableaux et figures, dont les légendes se « noient »
parfois dans le reste du texte. Ce petit problème ponctuel disparaît cependant
devant la qualité du contenu, qualité constante dans les textes publiés depuis
quelques mois dans une collection renaissante.
En résumé, l'ouvrage de M. Fayol va sans doute vite représenter en ce qui
concerne le récit une référence classique auprès des publics désignés
précédemment ; et il apparaît normal qu'il en soit ainsi.
Eric ESPERET
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