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Revue française de pédagogie

Fayol (Michel). — Le Récit et sa construction : Une approche de


psychologie cognitive
Eric Esperet

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Esperet Eric. Fayol (Michel). — Le Récit et sa construction : Une approche de psychologie cognitive. In: Revue française de
pédagogie, volume 76, 1986. pp. 94-96;

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du fait de la convergence (signalée p. 312) entre les travaux de psychologie cognitive
et ceux relevant de l'intelligence artificielle ; convergence qui s'y trouve explicitement
abordée. En choisissant de retenir cette contribution, Denhiere a fait perdre un peu
d'unité à son ouvrage ; il a dû aussi, nécessairement, éliminer d'autres textes
auxquels on pouvait s'attendre (par exemple des extraits de Schank & Abelson,
1977; ou l'article de Bower, Black & Turner, 1979, concernant les «scripts»; ou
enfin, la recherche «critique» de Rubin, 1978, mettant en évidence l'impact —
aujourd'hui encore un peu oublié — des « marques de surface »). Et, en
conséquence, un spécialiste du récit peut, dans une certaine mesure, estimer que certaines
« écoles » se trouvent ainsi sous-estimées ou sous-représentées.
Il reste que le texte de de Beaugrande présente un intérêt suffisant pour justifier
la légère distorsion thématique que fait subir Denhiere à son ouvrage en l'y incluant.
Il se trouve en effet que la lecture en général et celle des textes en particulier posent
les problèmes de la compréhension en temps réel, de l'intégration sémantique et du
souvenir ultérieur (cf. Frochot & Fayol, 1985). Une présentation critique des modèles
disponibles assortie d'une grille d'évaluation ne peut donc qu'être bienvenue.
Grâce à l'ouvrage de Guy Denhiere, les étudiants avancés, les chercheurs mais
aussi les praticiens disposent d'un recueil de textes bien choisis et bien traduits
auxquels s'ajoutent : un lexique très utile pour ceux qui souhaiteront poursuivre plus
avant les lectures en langue anglaise (p. 381-382), et une bibliographie thématique,
bien conçue et complète. Que la présentation typographique soit très aérée et
permette donc une lisibilité facile constitue une qualité supplémentaire.
Il reste à réaliser, dans les années à venir, un travail équivalent pour ce qui
concerne la genèse et la production de textes.

Michel FAYOL

FAYOL (Michel). — Le Récit et sa construction : Une approche de psychologie


cognitive/ Michel Fayol. — Neuchâtel : Delachaux-Niestlé, 1985. — 159 p.; 22 cm.

Dans le champ de la psychologie du langage, la conduite de récit a connu sans


conteste un engouement important depuis une dizaine d'années. Des centaines de
recherches ont ainsi été menées afin de préciser les mécanismes mis en jeu dans la
compréhension, la mémorisation ou la production de récits. Ces recherches
s'inscrivent dans des courants théoriques divers, qu'il n'est pas toujours facile d'identifier,
et de différencier, voire de critiquer ; par ailleurs la multitude des données
disponibles peut masquer les questions centrales qui se posent dans ce domaine. L'ouvrage
publié par M. Fayol permet d'accéder, de façon claire et organisée, à cet ensemble
de travaux. Construit sur une documentation importante (plus de 600 références), il
constitue sans doute la synthèse la plus complète et la plus didactique, disponible à
cette date en français. La présentation des différents courants qui structurent l'étude
du récit, ainsi que l'analyse critique des résultats qu'ils ont suscités, traduisent bien
la familiarité de l'auteur avec des questions qu'il a par ailleurs lui-même abordées, en
tant que chercheur.
Le texte proposé ici est clair et recourt à de nombreux exemples ; ceux-ci
viennent concrétiser des notions parfois complexes pour le lecteur qui serait peu
habitué aux concepts actuels de la psychologie cognitive. L'information fournie n'en
reste pas moins dense et ne fait aucune concession à une vulgarisation par trop
simplifiante. Cet ouvrage s'adresse donc en priorité aux étudiants en sciences

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humaines désireux de s'initier aux problèmes de l'étude psychologique du récit. Mais
il devrait aussi jouer un rôle important dans la formation des enseignants ; il arrive
souvent en effet, au long de sa lecture, que l'on se prenne à imaginer les micro-
expénences que l'on pourrait en tirer ; une telle forme de travaux dirigés permettrait
facilement que s'inscrive dans les faits la notion de formation par la recherche. Il faut
enfin ne pas oublier le public de chercheurs lui-même : la dernière partie de
l'ouvrage, en particulier, aborde des questions tout à fait actuelles et qui font l'objet de
développements récents, sinon encore exploratoires.
Précédés d'une préface de J.-P. Bronckart, neuf chapitres composent le livre de
M. Fayol. Les deux premiers exposent les analyses des semioticiens et des linguistes
visant à définir le genre « récit » ; sont d'abord rappelées les conceptions de Genette,
Propp, Greimas ou Barthes, ainsi que les quelques données empiriques qui
tendraient à confirmer les caractéristiques du récit : présence de l'intrigue, structure
interne contraignante, inversion de contenu, etc. Les travaux de Labov et de Van Dijk
sont ensuite l'occasion de présenter les notions maintenant classiques de catégories
narratives (orientation, complication, évaluation, etc.), de micro-, macro- et
superstructures. Ce début d'un ouvrage sous-titré « approche de psychologie cognitive »
ne doit pas surprendre : une grande partie des recherches se sont de fait inspirées
de notions d'abord avancées dans les analyses littéraires ou linguistiques, même si
elles ont cherché par la suite à en tester la validité psychologique (on peut d'ailleurs
noter, avec étonnement, ou regrets, que les chercheurs anglosaxons semblent mieux
connaître, en France, les travaux des analystes littéraires que ceux de leurs
homologues psychologues).
Le bilan des travaux spécifiquement psychologiques constitue le corps des
chapitres III à V. Sous le terme d'« approche empirique », sont exposées les
recherches qui, à la suite du travail de Bartlett (1932 ; souvent cité, rarement
présenté quelque peu en détails, comme ici), ont abordé les phénomènes de filtrage,
de réorganisation, d'abstraction, dont font l'objet les récits lus ou entendus. La
notion de « schéma narratif » est ainsi mise sur la sellette et ses diverses
formulations analysées (schéma canonique, ou grammaire de récit, par exemple). M. Fayol en
examine alors la validité psychologique. Enfin, le chapitre V permet de présenter les
apports de l'intelligence artificielle et le rôle joué par des structures plus générales
que le schéma, comme les scripts ou les plans d'actions, dans le traitement des
informations textuelles.
Le point de vue personnel de l'auteur, en demeurant clairement explicité,
apparaît plus marqué dans les quatre derniers chapitres, ce qui fait bien de ce livre une
« thèse » et non une compilation plus ou moins habile. Les hypothèses concernant
l'acquisition du récit sont ainsi confrontées aux données peu nombreuses
actuellement disponibles ; apparaît alors à nouveau soulevée la question de la pertinence du
schéma narratif et de sa genèse chez l'enfant. Le chapitre VII est entièrement
consacré à un examen critique de ce point, à l'issue duquel M. Fayol conclut à la
nécessité non de rejeter cette notion, mais de la préciser de façon importante. Les
deux derniers chapitres constituent en fait l'aboutissement des interrogations,
évoquées de façon plus ou moins rapide, dans les pages précédentes ; leur lecture est
sans doute plus difficile et nécessite justement la connaissance du reste du livre.
Deux points sont plus à souligner parmi tous ceux abordés ; tout d'abord le
problème de la mise en texte, trop souvent minorée dans les travaux psycholinguisti-
ques ; l'activité de récit, en effet, ne se traduit pas que par une organisation des
informations sémantiques (le narré), elle implique également la traduction en «
surface » des opérations langagières mises en jeu (énonciation, cohérence, progression
thématique, etc. ; la narration). Si l'on désire conserver un rôle de pilotage au
schéma narratif, il convient alors de pouvoir décrire les mécanismes à travers
lesquels ce schéma règle aussi (partiellement) les choix linguistiques effectués par le

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locuteur. Le second point concerne justement les modèles que l'on peut
raisonnablement élaborer pour décrire les activités cognitives de compréhension ou de
production de récits. M. Fayol indique ainsi les voies de recherche qui lui semblent les plus
prometteuses pour atteindre cet objectif. Celles qu'il retient tentent précisément de
concilier à la fois l'intervention de structures cognitives, organisant le contenu, et le
rôle des paramètres contextuels perçus, dans l'élaboration des marques linguistiques
qui vont constituer le discours narratif.
Le ton adopté par M. Fayol dans son livre est celui de la prudence et du respect
constant des données empiriques ; ceci lui interdit sans doute quelquefois d'aller
aussi loin que le souhaiterait le lecteur, dans l'énoncé d'hypothèses plus générales,
que l'on sent pourtant tout à fait émergentes ; par exemple, l'insertion de la conduite
de récit dans une conception plus large du langage, ou l'analyse plus détaillée des
paramètres contextuels, souvent à juste titre évoqués. Mais cette rigueur du propos
fait aussi la force des points qui sont argumentes ; elle découle visiblement de
l'ascèse intellectuelle adoptée par l'auteur comme démarche de recherche dans un
champ complexe, et non d'un refus d'envisager des questions plus générales.
Un dernier point, mineur, est à noter : la présentation typographique adoptée ne
facilite pas toujours la lecture des tableaux et figures, dont les légendes se « noient »
parfois dans le reste du texte. Ce petit problème ponctuel disparaît cependant
devant la qualité du contenu, qualité constante dans les textes publiés depuis
quelques mois dans une collection renaissante.
En résumé, l'ouvrage de M. Fayol va sans doute vite représenter en ce qui
concerne le récit une référence classique auprès des publics désignés
précédemment ; et il apparaît normal qu'il en soit ainsi.

Eric ESPERET

PROST (Antoine). — Eloge des pédagogues/Antoine Prost. — Paris: Seuil, 1985. —


220 p. ; 21 cm.
Il est intéressant que ce soit Antoine Prost qui, après avoir présidé le groupe de
travail national sur les seconds cycles et publié son rapport sur Les Lycées et leurs
études au seuil du XXIe siècle ressente la nécessité d'écrire ce livre dont le but, dit
l'auteur, « n'est pas d'ajouter de l'huile sur un feu toujours vif, mais de mesurer
l'ampleur, la difficulté, la complexité des problèmes que rencontre aujourd'hui notre
enseignement ».
Ce livre n'est donc ni un pamphlet, ni un réquisitoire. Il est en totale rupture avec
les nombreux ouvrages parus depuis trois ans, qui accablent tantôt le système
éducatif dans son ensemble, tantôt les enseignants jugés responsables de tous les
maux. Cette rupture avec la facilité se manifeste également par la volonté d'échapper
à tout schématisme réducteur et par la rigueur intellectuelle de la démarche qui se
traduit par le souci constant de définir avec précision les termes de la problématique
et le point de vue choisi. Redonner aux mots leurs véritables sens, réfuter les
arguments des détracteurs autrement qu'en les récusant a priori pour leur
appartenance idéologique ou politique, remettre en cause les idées reçues, asseoir la
réflexion sur des bases solides, historiques notamment, voilà quelques-unes des
exigences que s'impose constamment A. Prost. Enseignement, vie scolaire et études
constituent la triple problématique qui sert de schéma directeur aux analyses et aux
propositions d'actions concrètes qu'il formule.

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