Vous êtes sur la page 1sur 21

Langue française

Champ, schéma, sujet : les contributions de Biihler, Bartlett et


Benveniste à une linguistique du texte
Brigitte Nerlich, David D. Clarke

Abstract
Brigitte Nerlich et David Clarke : Champ, schéma, sujet ; les contributions de Bühler, Bartlett et Benveniste à une linguistique du
texte
This article is a contribution to an international and interdisciplinary history of text linguistics. It focuses on the works of three
authors who have influenced text linguistics in various ways : Bühler, through his theory of four modes of language, his organon
model, his theory of anaphora and deixis and his theory of language understanding influenced by Gestalt psychology ; Bartlett,
through his theory of schemata or mental models that structure the understanding and memorisation of stories, a theory that had
a direct influence on all later models of text comprehension based on schemata, frames, scripts and plans ; and finally
Benveniste, through his theory of pronouns and indexicals and his discussion of two broad types of enunciation or genres of text
: the story and the discourse.

Citer ce document / Cite this document :

Nerlich Brigitte, Clarke David D. Champ, schéma, sujet : les contributions de Biihler, Bartlett et Benveniste à une linguistique
du texte. In: Langue française, n°121, 1999. Phrase, texte, discours. pp. 36-55;

doi : https://doi.org/10.3406/lfr.1999.6278

https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1999_num_121_1_6278

Fichier pdf généré le 05/05/2018


Brigitte NEKLÍCÍ! & David D. CLARKE
Departement de Psychologie, Université de Nottingham

CHAMP, SCHEMA, SUJET :


LES CONTRIBUTIONS DE BŮHLER, BARTLETT ET
BENVENISTE À UNE LINGUISTIQUE DU TEXTE

1 . Introduction

Dans cet article nous voulons retracer l'histoire d'une théorie du texte d'un
point de vue interdisciplinaire et international. Les trois coins pour la
reconstruction d'une histoire des théories du texte ont été choisis d'une part du point de vue de
l'espace géographique et de l'autre du point de vue des domaines ou disciplines. Les
trois coins géographiques sont l'Allemagne, l'Angleterre et la France, et les trois
coins disciplinaires sont la psychologie du langage, la psychologie de la mémoire et
la linguistique. On aurait certes pu trouver d'autres repères pour retracer
l'histoire « d'autres » théories du texte, mais il nous semble que les trois œuvres
choisies, celles de Frédéric Charles Bartlett (1886-1969), de Karl Buhler (1879-
1963) et d'Emile Benveniste (1902-1976) nous permettent de redécouvrir les bases
historiques d'une théorie de la compréhension et de la construction des textes.
Bartlett a fourni les fondements pour une analyse des modèles mentaux qui
nous aident à construire et comprendre certaines macro-structures textuelles ;
Buhler nous a fourni à la fois une théorie de la compréhension des textes, une
théorie des fonctions des textes et une théorie de la micro-structure interne,
c'est-à-dire de la cohésion des textes, à travers ses travaux sur les anaphores et les
déictiques. De même que Buhler peut être considéré comme la contrepartie
allemande d'une théorie de la compréhension des textes proposée en Angleterre par
Bartlett, Benveniste peut être considéré comme la contrepartie française des études
buhleriennes sur la cohérence et la cohésion des textes à travers ses études des
pronoms et des déictiques. En plus, Benveniste a indiqué comment une théorie des
temps et des pronoms peut nous aider à distinguer entre deux grands genres de
textes et leur compréhension : le récit et le discours.
Buhler, Bartlett et Benveniste partagent une conception pragmatique d'une
théorie du texte, regardant le texte avant tout comme une forme d'action ou
d'interaction langagière ou le produit d'une telle interaction. Notre article ne
contribue donc que marginalement à l'histoire d'une théorie du texte fondée sur un

36
effort de trouver les structures internes des textes qui seraient en quelque sorte
analogues aux structures des phrases, c'est-à-dire une théorie de la syntaxe ou de la
grammaire des textes. Cette histoire commençait à la fin des années 1960 quand on
voulait aller d'une part au-delà de la phrase comme objet de recherche par
excellence imposé par Chomsky, et d'autre part employer les méthodes de l'analyse
syntactique pour l'analyse des unités linguistiques plus grandes que la phrase : à
savoir le texte (cf. de Beaugrande 1996 : 536-44). Un résumé de cette histoire se
trouve dans Clément & Grunig (1972). Nous nous concentrons ici sur les travaux de
ceux qui, avant Chomsky, prenaient le texte comme objet d'études psychologiques
et linguistiques.
Comme avec tant d'autres domaines de la science du langage, la linguistique
textuelle a une courte histoire et une longue tradition (cf. Knobloch 1990). Une
théorie du texte à face moderne fut d'abord conçue dans les années 1960 comme
contre-courant à une linguistique formaliste qui avait oublié le sujet parlant comme
vecteur du sens dans le langage. Mais bien avant cette amnésie causée par la
linguistique transformationnelle, le texte avait été exploré dans nombre de
disciplines qui cerclent la linguistique en tant qu'étude de la langue en elle-même et pour
elle-même. L'étude du texte fut au cœur de la stylistique, de la philologie, de la
science de la littérature, mais également de l'anthropologie sociale, et de la
sociologie (cf. de Beaugrande & Dressier 1981 : 14-30, où on peut trouver une foule de
références secondaires). Toutes ces disciplines approchent le langage à travers sa
relation avec les autres faits humains et toutes sont enracinées en dernière analyse
dans l'ancienne rhétorique en tant qu'étude du discours humain (cf. Koppersch-
midt 1990).
C'est pourquoi une renaissance de la rhétorique dans les années 1970 est à
corréler avec une éclosion de la linguistique textuelle d'une part (cf. p. ex. les
travaux du Groupe \l en Belgique et en France, les travaux de Leech en Angleterre
et ceux de Plett en Allemagne), et de la pragmatique de l'autre, toutes les deux des
disciplines linguistiques ayant des liens interdisciplinaires et intertextuels très
forts. La linguistique textuelle et la pragmatique se fondaient toutes les deux sur un
rejet du postulat chomskien que la linguistique devrait s'occuper uniquement des
phrases et là encore uniquement de leur structure syntaxique interne, laissant donc
de côté le co-texte, le contexte et les interlocuteurs. Tout au début de ces
insurrections textuelles et pragmatiques en linguistique on peut citer ce paragraphe très à
propos de Todorov :
On pourrait présenter schématiquement l'histoire de la linguistique depuis
Saussure comme un rétrécissement et une homogénéisation de son objet. À
l'exception de quelques chercheurs, les linguistes se sont préoccupés de ce que
Saussure appela la langue, c'est-à-dire un code abstrait, composé de règles,

37
qui nous permet d'émettre et de comprendre les phrases d'une langue. Mais la
parole ou le discours ont aussi besoin d'une science, car il ne relèvent pas,
comme le croyait Saussure, d'une activité purement individuelle. Cette science
du discours a déjà existé, bien avant la linguistique, et elle portait le nom de
rhétorique. Il est temps aujourd'hui de refaire la rhétorique ; si les
explications que donnaient les anciens rhéteurs ne peuvent plus nous satisfaire, il ne
faut pas écarter par là même les problèmes qui les préoccupaient. La
rhétorique a sa place parmi les sciences d'aujourd'hui et de demain. (Todorov
1967 : 265)
En 1968 Genette rééditait les Figures du discours d'un Fontanier et déclarait ;
qu'« [i]l est peu d'héritages qui nous concernent plus directement et dont il soit
plus urgent de dresser l'inventaire » (Genette 1968 : 6). Depuis les années 1970 on
peut observer un tournant pragmatique et communicatif en linguistique. On se
détourne de la linguistique du système et de la langue vers une linguistique de la
communication et de la parole. Ce changement de perspective a permis la
construction de nouvelles disciplines comme la linguistique du texte, la pragmalinguistique
et la théorie des actes de langage (voir Helbig 1986 : 13).

2. Le§ racines de la linguistique textuelle : Humboldt et au-delà

Dans cet article, on ne va pas remonter jusqu'à l'antiquité grecque ou latine


pour trouver les racines de la linguistique textuelle. Le XIXe siècle nous suffira.
Pour l'Allemagne, longtemps à l'avant-garde des théories du texte modernes,
l'œuvre de Humboldt fut d'une importance cruciale comme point de départ d'une
longue tradition souterraine de la Textlinguistik. Humboldt postulait que la parole
(Rede) (le discours ou le texte) fut le résultat toujours renouvelé de l'activité
linguistique (energeia) qui emploie la langue (ergon) dans le dialogue (Wech-
selrede).
Dans cette conception active et dialogique du langage les pronoms jouaient un
rôle à la fois ontologique et épistémologique. C'est à travers les pronoms que le sujet
parlant construit soi-même et le monde en même temps qu'il construit son texte, et
c'est à travers l'étude des pronoms que le linguiste peut élucider l'agencement des
textes par lesquels ce monde se construit. Cette conception dynamique du langage a
laissé des traces dans l'œuvre de linguistes comme Paul, von der Gabelentz,
Brugmann et Wegener. Brugmann, par exemple, approfondit la réflexion sur les
pronoms et les déictiques et son œuvre inspira la théorie des déictiques et des
anaphores élaborée par Buhler. Mais les pensées de Humboldt et de ses
continuateurs influencèrent également des linguistes français de Bréal à Benveniste, étu-

38
diant les marqueurs de la subjectivité dans le langage, aussi bien que ce que
Benveniste appela plus tard « l'appareil formel de renonciation », enraciné dans le
moi-ici-maintenant de Г interlocution.
Dans le domaine de la syntaxe Paul, Wegener, et von der Gabelentz
contribuèrent également au débat sur la distinction entre sujet (psychologique) et prédicat
(psychologique) et par cela même à la discussion du problème thème-rhème dans le
structuralisme pragois, si important pour une théorie du texte. Wegener faisait une
distinction entre exposition (ce qui est donné), et communication (prédicat) (ce qui
est dit), qui va au-delà de la discussion prédominante autour du problème sujet-
prédicat et thème-rhème. Il analyse les mécanismes qui sont à l'œuvre quand le
texte (l'exposition) remplace la situation interactionnelle du discours, un sujet que
Biïhler explora plus tard dans ce qu'il dit à propos du champ déictique et du champ
symbolique. Wegener déclare qu'on a besoin de l'« exposition » (linguistique) dans
tous les cas où la situation actuelle du discours (extralinguistique) ne contient pas
les éléments expositionnels nécessaires pour comprendre une phrase. Et plus
l'exposition sera détaillée, moins les éléments de la situation sont connus de
l'auditeur. La situation ou l'exposition ou le sujet (« the given ») nous permettent
de comprendre le prédicat (« the new »). Et moins nous savons de la situation, plus
nous avons besoin d'exposition, à savoir de texte (voir Wegener 1911 : 6).
Buhler continua l'œuvre de Wegener dans ses études de la compréhension du
langage, mais il contribua également aux travaux du Cercle linguistique de Prague
de par sa théorie des fonctions du langage. Il popularisait une tripartition des
fonctions du langage ou des emplois des textes en représentation, expression et
appel, une schématisation des fonctions qui fut élaborée par Jakobson et plus tard
par Halliday.
En même temps que Humboldt écrivait une déclaration d'indépendance pour
le sujet parlant en Allemagne, la subjectivité s'infiltrait dans la linguistique
française à travers les travaux philosophiques des spiritualistes comme Cousin et Biran
(cf. Formigari 1993) et les travaux linguistiques d'un Weil (cf. Nerlich & Clarke
1996 ; Delesalle & Chevalier 1986). Ce fut Weil qui inaugura vraiment la théorie de
renonciation française et qui contribua de par ses réflexions sur l'ordre des mots à
une théorie future du texte. L'ordre des mots y fut examiné dans une perspective
quasi fonctionnaliste de la phrase qui anticipe sur la « functional sentence
perspective » de l'école de Prague. Weil distinguait entre l'ordre des mots au niveau
syntactique et l'ordre des mots au niveau du discours ou de renonciation, bref du
texte. A ce niveau-là c'est le sujet parlant qui exprime sa subjectivité dans le
langage.
Entre Weil et Benveniste il faut situer Bally, qui adaptait la théorie médiévale
du modus et dictum à une théorie de renonciation moderne. Cette distinction aussi

39
bien que ses études sur la stylistique en général et les embrayeurs ou actualisateurs,
les modalités et l'expression de la subjectivité dans le langage en particulier,
établissaient les bases pour les théories de renonciation comme l'engendrement
d'un texte par un sujet parlant élaborées par Benveniste et Ducrot. Dans cette
entreprise Benveniste demeure plus fidèle à la théorie saussurienne du langage (et
donc assez Limité dans ses choix de théorèmes) ; Ducrot par contre fut directement
influencé par la philosophie analytique et la philosophie des actes de langage
anglosaxonnes. Avec une théorie des indices de la subjectivité laissés dans les textes,
des considérations pragmatiques entrent dans la linguistique textuelle, surtout en
ce qui concerne une théorie de la cohérence des textes {cf. Plett 1975 : 67).

Comme on le sait bien, Humboldt avait élaboré sa théorie du langage dans le


sillon de la linguistique kantienne qui s'était établie malgré le fait que Kant
lui-même n'avait accordé au langage qu'un intérêt passant. Kant fournissait
pourtant à ceux qui lisaient son œuvre philosophique les instruments pour établir des
théories du langage les plus diverses. L'un de ces instruments fut le concept
important de « schéma » qu'on retrouve par exemple dans la théorie
herméneutique du langage postulée par Schleiermacher, aussi bien que dans la théorie dialo-
gique et pragmatique du langage de Wegener {cf. Nerlich 1986).

Ce concept de schéma fut également à la base d'une nouvelle conception de la


pensée élaborée par les psychologues gestaltistes allemands, comme proposée par
Selz, de la compréhension de langage, comme proposée par Biihler, aussi bien que
d'une nouvelle conception de la mémoire, comme élaborée par l'Anglais Bartlett.
Ce dernier travaillait dans le domaine de la psychologie sociale presque en même
temps que Biihler travaillait dans la psychologie du langage, et tous les deux
publièrent leurs œuvres dans les années 1930, l'un son livre Remembering (1932),
l'autre sa Sprachtheorie (1934). Tous les deux exploraient des voies qui les
éloignaient à la fois aussi bien de la psychologie expérimentale traditionnelle de Wundt
que de la psychologie expérimentale moderne d'un Ebbinghaus. Wundt avait étudié
le sens dans l'ancien paradigme de la psychologie des associations ; Ebbinghaus
avait orienté le problème du sens dans une psychologie de la mémoire fondée sur des
expériences qui employaient des syllabes dénuées de sens. Buhler et Bartlett
reconnaissaient l'importance du sens, de sa construction et de sa compréhension,
pour l'étude de l'interaction entre les hommes aussi bien que pour l'étude de la
pensée et de la mémoire. Bartlett empruntait, mais transformait, la notion de
schéma de Kant et l'employait pour sa recherche sur la mémoire en conjonction
avec la notion de sens, deux notions qui furent d'une importance considérable pour
une linguistique du texte prenant les schémas et les cadres de la mémoire comme
point de départ.

40
Dans la suite on va discuter les trois théories dans un ordre quasi
chronologique, Biihler d'abord, suivi par Bartlett, suivi par Benveniste.

3. Biihler
La nécessité de concevoir une nouvelle linguistique a été soulignée en
Allemagne dans les années 1930-40 : elle avait pour objet de définir une théorie de la
littérature, fondée sur des concepts linguistique rigoureux.
Dans les années 60 et 70, l'on voit apparaître des descriptions détaillées de
différents phénomènes linguistiques de la cohérence textuelle. C'est dans cette
optique que les problèmes des temps et aspects verbaux sont traités par
Weinrich dans son livre Tempus paru en 1964, où il porte l'analyse linguistique
des régularités de distribution des temps au niveau du texte. (Lundquist 1994 :
1-2, italiques nôtres)
L'un des textes fondateurs de cette nouvelle linguistique élaborée en même temps
qu'une nouvelle théorie de la littérature (Vossler, Croce, Bakhtine, Richards etc.)
dans les années 1930, fut le livre que Biihler publia en 1934 sur la théorie du
langage. П y traitait aussi bien des déictiques, des anaphores, donc de la cohérence
des textes, que des fonctions du langage et donc des textes : la fonction émotive,
conative et référentielle . Comme on sait, Jakobson a ajouté trois fonctions
supplémentaires à ce modèle, à savoir poétique, phatique et métalinguistique (cf.
Lundquist 1994 : 205-206, note 44), et Halliday & Hasan ont fondé une partie de leur
théorie du texte comme phénomène socio-sémantique sur ce type de
fonctionnalisme (Halliday & Hasan 1985).
Dans la suite on parlera d'abord de ces influences connues, puis on reviendra
en arrière pour discuter un article assez inconnu de Biihler sur la compréhension
du langage, un texte qui est pourtant d'une actualité surprenante.
Une théorie du texte peut trouver quatre inspirations dans l'œuvre de Biihler,
et avant tout dans sa Sprachtheorie. Ce sont :

(1) Le schéma des quatre façons selon lesquelles le langage peut se manifester.
Le langage peut se manifester, selon Biihler, en tant qu'activité langagière (Spre-
chhandlung) ; en tant qu'œuvre linguistique (Sprachwerk) ; en tant qu'acte de
langage (Sprechakt) ; et en tant que forme ou structure linguistique (Sprachge-
bilde) (Biihler 1934 : 48ff). Cette distinction entre quatre aspects du langage a ses
sources dans la distinction saussurienne entre langue et parole, dans celle de
Humboldt entre ergon and energeia, dans la phénoménologie husserlienne et sa
conception de l'acte signifiant, et finalement dans l'herméneutique de Dilthey qui
nous donne une méthode pour l'interprétation des textes. Selon Biihler l'homme

41
crée les textes (qui sont ou bien des Sprechakte ou des Sprachwerke, ce que
Benveniste appelle des discours ou des récits) dans un acte significatif du langage
dans lequel l'activité de parole utilise les structures linguistiques données par la
langue maternelle. À la fin de ce chapitre nous reviendrons à la façon selon laquelle
les textes créés de telle sorte sont interprétés et compris.

(2) Le modèle de Vorganon linguistique. Dans ce modèle Buhler distingue


entre trois dimensions sémiotiques et fonctionnelles du langage. Il dit que le signe
linguistique est un symbole à force de se référer à certains objets ou états de choses ;
il est symptôme parce qu'il exprime l'intériorité du sujet parlant ; et il est signal
parce qu'il fait appel à l'auditeur, dont il guide le comportement interne et externe
(cf. Buhler 1934 : 28ff). Donc les signes sont symboles, symptômes et signaux selon
leur relation avec le monde, le locuteur et l'auditeur. Buhler distingue également
trois fonctions du langage, fondées sur ce triangle sémiotique : la fonction de
représentation, la fonction d'expression et la fonction d'appellation. On représente
le monde, on exprime sa subjectivité et on fait appel à l'autre.
Cette conception fut plus tard appliquée par d'autres à une théorie du texte où
le texte est regardé comme signe global. Comme le disait Plett en 1975, comme signe
linguistique le texte existe sur trois niveaux : sur celui de la relation entre signe et
signe, sur celui de la relation entre signe et interprétant, et sur celui entre signe et
objet (voir Plett 1975 : 52). C'est pourquoi Plett, amalgamant la distinction de
Morris entre syntactique, sémantique et pragmatique avec le modèle de Buhler,
distingue entre une syntactique du texte, une pragmatique du texte et une
sémantique du texte (cf. Lundquist 1994 : 195, note 11).

(3) Les deux champs du langage. Buhler distingue entre deux champs dans
lesquels chaque signe linguistique s'insère (cf. Buhler 1934 : 79ff ; 149ff) : le
champ symbolique et le champ déictique. Le signe s'insère dans le champ déictique
comme chaque acte de langage s'accomplit dans une situation discursive actuelle, ce
que Benveniste appelle « l'instance de renonciation ». Le signe s'insère dans le
champ symbolique comme il se trouve d'autre part intégré dans un contexte
linguistique propre (un contexte grammatical et sémantique). Benveniste fait une
distinction semblable quand il distingue entre la sémantique et la sémiotique.
Selon Buhler on ne peut comprendre un texte que si l'on se fonde sur ces deux
sources du sémantisme, le champ déictique et le champ symbolique. Pour qu'un
signe puisse remplir sa fonction de communication, il doit se trouver dans au moins
l'un de ces champs et ce champ doit être partagé par les interlocuteurs. Le champ le
plus primitif est celui de la situation donnée, qui nous permet par exemple de
comprendre directement les déictiques comme moi, ici, et maintenant. C'est la
situation de discours enracinée dans Yorigo discursive. Dans l'interprétation d'œu-

42
vres linguistiques écrites la situation concrète est remplacée par le champ
symbolique lui-même et doit être construite dans l'interaction entre texte et interpréla-
teur, comme l'avait déjà indiqué Wegener.
Malgré le fait que l'ostension et la dénomination soient toutes les deux à
l'œuvre dans les quatre modes du langage énumérés sous (1), on peut dire que
l'influence du champ déictique prédomine dans l'action linguistique et l'activité
langagière, et que le champ symbolique prédomine dans l'œuvre linguistique et la
forme du langage. Le champ symbolique fournit les coordonnées grammaticales, le
champ déictique les coordonnées situationnelles pour la production et la
compréhension des textes.

(4) La distinction entre déictiques et anaphores. Les déictiques structurent les


relations entre interlocuteurs engagés dans une interaction directe, dans une
situation de discours concrète qui est le champ déictique. Ils sont donc liés
étroitement avec la fonction d'appel : « Viens ici ! » « Ramène-moi ça de là-bas ! » etc.
Les anaphores par contre structurent les relations entre phrases et sont liées plus
directement à la fonction de représentation. Elles ne peuvent fonctionner que dans
le champ symbolique si particulier au langage humain. Les anaphores nous
permettent d'anticiper et de revenir sur des points précis dans un texte (cf. Buhler 1934 :
122-123 ; 385ff). Leur fonction est de transformer le co-texte linguistique dans un
champ déictique d'un nouvel ordre. Dans cet ordre nouveau les mots déictiques du
premier ordre (les pronoms et les déictiques) sont toujours utilisables, mais s'y
ajoutent d'autres moyens de référence intra-textuelle : « Pierre est un homme.
Donc il est mortel. Par conséquent il doit mourir un jour, mais peut-être pas
aujourd'hui »... etc. Les anaphores sont les moyens par excellence de tisser la
cohésion dans les textes.
Ayant brièvement résumé les aspects de l'œuvre buhlerienne qui sont
traditionnellement regardés comme étant compatibles avec une théorie du texte, nous
voulons maintenant revenir sur le sujet de la compréhension des textes.

Il y a une vingtaine d'années Schank & Abelson pouvaient dire : « Linguists


have almost totally ignored the question of how human understanding works »
(1977 : 8). Depuis lors le sujet de la compréhension des textes par les êtres humains
et les ordinateurs s'est installé au cœur des recherches psychologiques,
linguistiques et d'intelligence artificielle. Il faut souligner pourtant que, bien que la
compréhension fût oubliée par ceux travaillant dans la tradition de Chomsky, cela
n'était certainement pas le cas pour les linguistes travaillant dans la ligne qui mène
de Wegener (qui avait dévolu un chapitre entier de son livre de 1885 à la question
« Wie verstchen wir Sprache ?» à Buhler, et pour les psychologues travaillant dans
la tradition de Bartlett en Angleterre et de Binet et de Ribot en France. Une

43
linguistique de la compréhension (Verstehen) fut au centre des recherches
sémantiques, herméneutiques et psychologiques de la fin du siècle. L'un des articles les
plus importants publié dans ce domaine fut celui de Biihler, intitulé : « Uber das
Sprachverstândnis vom Standpunkt der Normalpsychologie » (Buhler 1909).
Dans cet article, Buhler s'oppose à la fois à l'ancienne théorie associationniste
selon laquelle comprendre un mot c'est l'associer avec un objet ou une idée et
comprendre une phrase c'est associer les mots entre eux, et contre la thèse wund-
tienne selon laquelle comprendre (une « impression ») (Eindruck) c'est
simplement prendre la route inverse de celle de l'expression (Ausdruck) de la pensée par
le langage. Selon Buhler par contre, comprendre le sens d'une phrase ou des
phrases c'est suivre les instructions données dans la phrase ou dans le texte (à
comparer à Ducrot 1980 : 12, p. 17). Dans cette construction du sens, le sujet
parlant et le sujet interprétant collaborent et ils peuvent employer des instruments
linguistiques et extralinguis tiques. Le sujet parlant ne doit pas exprimer linguisti-
quement tout ce qu'il veut dire (la phrase peut être elliptique), et l'auditeur n'est
pas obligé de suivre point pour point l'ordre des mots donné par la phrase (cf.
Buhler 1909 : 113). Tous les deux, le locuteur et l'auditeur, se fondent dans cette
construction convergente du sens sur ce qui est fourni linguistiquement, mais
également sur ce qu'ils savent du monde dans lequel ils vivent et parlent. Ce qui
importe c'est que les interlocuteurs partagent certaines structures mentales.
Comprendre c'est en premier lieu intégrer le nouveau dans des structures cognitives
données : « der neue Gedanke wird durch das BewuBtwerden einer bestimmten
Bezichung zu einem anderen, schon bekannten, ideell eingeordnet, et erhàlt,
bildlich gesprochen, seinen logischen Platz in der Gedankenwelt des Horers, und
dadurch wird er verstanden » (p. 117) '.
Dans sa seconde thèse ( Habilitationsschrift) , dévouée à la psychologie de la
pensée, Buhler avait déjà écrit : « Die Wasbestimmtheiten in den Akten des unmit-
telbaren Wissens um etwas sind Platzbestimmtheiten innerhalb einer bewuBten
Ordnung » (Buhler 1907 : 357). Cette idée fut à la base de ce que Buhler disait à
propos du champ déictique et du champ symbolique dans sa Sprachtheorie. Et
cette idée avait des liens directs avec ce qui se faisait à cette époque dans le domaine
de la psychologie gestaltiste et de la psychologie de la mémoire.
En 1913 Selz a écrit par exemple que les dispositions de la connaissance sont
des unités complexes relativement closes. Elles peuvent former des associations en
tant que totalités et c'est en tant que totalités qu'elles peuvent devenir les éléments

1 . « La nouvelle pensée est intégrée dans la totalité des idées par l'aperception d'une relation
entre cette pensée et une autre ; c'est dans ce processus qu'elle obtient sa place logique dans le monde
des pensées de l'auditeur, et c'est comme cela qu'elle est comprise. »

44
ou les membres d'autres dispositions de connaissances. Et c'est en cela qu'elles
facilitent la reproduction consciente d'états d'affaires complexes qui contiennent
d'autres états d'affaires comme leurs membres (voir Selz 1913 : 175).
Les psychologues gestaltistes proposaient l'hypothèse que les éléments d'un
champ perceptuel sont synthétisés par la pensée pour former un patron ou une
Gestalt, à savoir que la perception totale est plus que la somme de ses parties
individuelles et que l'organisme percevant ajoute toujours un surplus de
signification. Cela a des échos dans la théorie des scripts et des plans de Schank & Abelson,
évoquée plus haut :
The meaning of a text is more than the sum of the meanings of the individual
sentences that comprise it.
People, in speaking and writing, consistently leave out information that they
feel can easily be inferred by the listener or reader. (Schank & Abelson
1977 : 22) 2

L'un des instruments pour la construction réussie du sens entre locuteur et


auditeur c'est, selon Biihler, l'anticipation de l'auditeur sur ce que le locuteur va dire.
Un autre instrument est le savoir partagé de certains schémas syntactiques. Comme
on sait, la notion de « schéma » fut employée en philosophie par Kant, mais adaptée
à la linguistique par Schleiermacher et plus tard Wegener (1885) que Buhler
mentionne dans son article de 1909 (Wegener parlait de certains schémas
syntaxiques, mais également de schémas internalises suivant lesquels doivent se dérouler
certaines actions [Handlungsfolgen] , et qui nous permettent de comprendre des
récits d'actions, cf. Wegener 1885 : 131). Cet héritage kantien fut également de
première importance pour la psychologie gestaltiste. De nouveau on peut voir des
parallélismes directs entre ce que Buhler écrivit à propos de la compréhension
langagière il y a 90 ans et ce que nous écrivons aujourd'hui à ce sujet :
The reader brings a large repertoire of knowledge structures to the
understanding task. Elsewhere these structures have been called « frames » (Minsky,
1975) and « schemata » (Rumelhart, 1976). Rumelhart puts the matter very
well when he says . « The process of understanding a passage consists in finding
a schema which will account for it. » (Schank & Abelson 1977 : 10) 3

2. « Le sens d'un texte est plus que la somme des significations des phrases qu'il comprend. En
parlant et en écrivant les locuteurs omettent de façon logique ces éléments d'information qui,
pensent-ils, peuvent être déduits assez facilement par l'auditeur ou le lecteur. »
3. « Le lecteur apporte à la compréhension du texte un large répertoire de structures cognitives.
On a appelé ces structures des « cadres » (Minsky, 1975) et des « schémas » (Rumelhart, 1976).
Rumelhart l'a exprimé assez bien quand il écrit : « Le processus de comprendre un passage de texte
consiste dans la découverte d'un schéma qui en rend compte ». »

45
Biihler avait seulement parlé de schémas syntaetiques dans son article, mais il avait
souligné que comprendre des textes, c'est plus que décoder le sens des mots et le
sens des phrases, c'est employer activement notre savoir linguistique et
extralinguistique, à savoir ce que Wegener avait appelé en 1885 le savoir de la situation
visuelle, mémorielle et culturelle partagée (Wegener 1885 : 7 ; 22ff). Cet emploi
actif de notre savoir extralinguistique pour la compréhension et la mémorisation
d'histoires fut au centre de l'œuvre de Bartlett.

3. Bartlett

Ce n'est pas par hasard que l'œuvre d'un Bartlett fut redécouverte dans les
années 1970 dans les pays anglosaxons, comme le fut l'œuvre d'un Biihler en
Allemagne à la même époque. En quelque sorte, les années 1970 continuent des
traditions de pensée linguistiques et psychologiques interrompues par la seconde
guerre mondiale et oubliées dans l'enthousiasme engendré par les behaviourismes
et les structuralismes.
Dans les années 1930, Bartlett s'était insurgé contre les expériences d'un
Ebbinghaus qui avait essayé de débarrasser la psychologie de la contamination du
« sens ».
In his book « Remembering » , published in 1932, Bartlett attacked the
Ebbinghaus approach to memory, which had dominated psychology for 50 years. He
argued that the study of nonsense syllabe learning merely told one about
repetition habits ; by excluding meaning Ebbinghaus had excluded the most
central and characteristic feature of human memory. (Baddley 1993 : 93) 4
Dans les années 1970 les psychologues commencèrent à attaquer les
expérimentations influencées par le behaviorisme qui, n'étant pas aussi triviales que celles
fondées sur les syllabes dénuées de sens, n'étaient pas moins sans importance pour
ceux qui y participaient. Comme Schank & Abelson le disent dans leur livre devenu
classique, ces expériences ne nous révélaient rien sur la compréhension du discours
naturel en contexte (Schank & Abelson 1977 : 6-7) 5. Cette compréhension du

4, « Dans son livre « Remembering », publié en 1932, Bartlett a attaqué l'approche de


Ebbinghaus de l'étude de la mémoire qui avait dominé la psychologie pendant 50 ans. Il arguait que l'étude
de la mémorisation des syllabes sans signification peut bien nous apprendre quelque chose sur les
habitudes de répétition, mais rien d'autre ; en éliminant le sens, Ebbinghaus avait éliminé le trait le
plus central et le plus caractéristique de la mémoire humaine. »
5. François Rastier vient de remarquer récemment : « les deux courants [la sémiotique et les
sciences cognitives] se sont emprunté plus qu'on ne le croit : en sémantique, la théorie des primitives
de Schank, et sa théorie des scripts viennent de Greimas (qui développait la théorie des sèmes de
Pottier et Coseriu, et d'autre part la théorie de la catalyse chez Hjelmslev) ; la théorie du texte de Van

46
discours en contexte devint par contre l'objet de la psychologie expérimentale dans
les années 1970 avec les travaux de Bransford et Johnson (1972), Kintsch (1974),
Frederikson (1975), Thorndyke (1977) et autres.
Cela veut dire qu'en même temps que la linguistique devint « pragmatique » et
« textuelle » , la psychologie et les sciences cognitives se tournaient elles aussi vers la
compréhension de structures linguistiques plus grandes que la phrase et vers le sens
de ces structures. On se rendait compte, en linguistique comme en intelligence
artificielle, que comprendre c'est plus que décoder les mots dans une phrase ou les
phrases dans un texte, c'est imposer des structures de notre savoir
extralinguistique, comme par exemple les cadres, les scripts, et les schémas conceptuels
et narratifs {cf. Kintsch 1976). Mais, comme le disait l'un des fondateurs d'une
théorie des cadres, Minsky : « The frame idea is not particularly original — it is in
the tradition of the « schema » of Bartlett » (Minsky 1975 : 213). Ainsi que le
rappelait l'un des fondateurs de la linguistique des textes, van Dijk :

Bartlett [...] gilt als Begriinder der psychologischen Behandlung von Texten
(Erzahlungen) und ihrer Verarbeitung (Gedàchtnis, Erinnerung, Reproduk-
tion). (van Dijk 1980 : 193, note 25) 6.

L'importance de la contribution de Bartlett fut également reconnue par le


linguiste allemand Quasthoff qui soutenait que le concept fondamental qui sous-
tend aujourd'hui le traitement automatique des textes, la recherche dans
l'intelligence artificielle et la Linguistique (en tant qu'elles revendiquent une « réalité
cognitive »), est emprunté à la psychologie et se trouve dans le livre de Bartlett
publié en 1932, Remembering. Dès 1932 Bartlett avait reconnu que le traitement
d'information linguistique par la mémoire n'est pas un processus d'enregistrement
passif, mais plutôt une organisation active d'informations par l'organisme (voir
Quasthoff 1985 : 206).
Dans son étude de la mémoire, Bartlett examinait de quelle manière la
mémoire pour les histoires peut être affectée par les attitudes, les croyances, les
motivations, etc. de la personne qui se souvient. Bartlett présentait une petite
histoire à ses sujets et après un certain délai il leur demandait de reproduire cette
histoire. Il s'aperçut que les sujets tendaient à modifier l'histoire de telle sorte que
l'histoire s'adaptait à leurs propres cadres de référence.

Dijk et Kintsch reprend également, en l'appauvrissant d'ailleurs, la théorie narrative de Greimas »


(Rastier 1996 : 19, note 9).
6. « Bartlett [...] est reconnu comme le fondateur du traitement psychologique des textes
(histoires) et de leur analyse cognitive (mémoire, souvenir, reproduction). »

47
If this view is correct, however, memory is personal, not because of some
intangible and hypothetical « self », which receives and maintains
immeasurable traces, re-stimulating them whenever it needs ; but because the
mechanism of adult human memory demands an organisation of « schemata »
depending upon an interplay of appetites, instincts, interests and ideas peculiar
to any given subject (Bartlett 1932 : 213) 7.
Se souvenir ne se réduit donc pas simplement à réactiver des souvenirs enfouis dans
la mémoire, mais c'est un processus actif influencé par les attentes des sujets, leur
vie antérieure et leurs inferences privilégiées.
Mais le concept de « schéma » n'est pas essentiel seulement pour comprendre
comment fonctionne la mémoire, également pour saisir comment nous comprenons
des histoires, bref des textes. Notre savoir quotidien des schémas nous aide de
diverses façons à comprendre et à interpréter des textes et des discours et donc à
apprendre des choses nouvelles. Un schéma est, en quelque sorte, le pont qui joint
le texte au contexte et il a les fonctions les plus diverses : il nous donne accès à
Г arrière-plan, au contexte nécessaire à la compréhension d'un texte ; il nous
permet de faire des inferences nécessaires et pertinentes ; il engendre des attentes
appropriées ; il guide l'attention de l'interprète ; et finalement, il lui permet de
corriger et de rajuster les buts et les résultats de l'interprétation par un processus
continuel de feedback (voir Clifford 1991 : 405).
Le linguiste du texte de Beaugrande a fait une distinction utile entre cadres,
schémas, plans et scripts, une distinction trop idéalisée peut-être, étant donné
l'usage presque arbitraire de ces termes, mais néanmoins utile : le terme « cadre »
se réfère à un arrangement d'éléments de connaissance d'une entité concrète ou
abstraite (le « cadre » de la maison embrasse par exemple les parties, les matières
etc. dont se constitue une maison) ; le terme « schéma » se réfère à la progression de
ces éléments, leur actualisation (le « schéma » de la maison embrasse donc l'ordre
ou la séquence des actions selon laquelle une maison est construite) ; le terme
« plan » se réfère à ce que nous connaissons d'une entité en relation avec un but à
achever (le « plan » de la maison embrasse par exemple les étapes nécessaires pour
acheter une maison) ; et finalement le terme script se réfère à ce que les participants
dans une activité scriptée doivent faire dans leurs rôles respectifs, comme dans un
restaurant (cf. de Beaugrande 1980 : 164).

7. « Si, pourtant, ce point de vue est correct, la mémoire est très personnelle, non pas à cause
d'un « moi » intangible et hypothétique, qui reçoit et maintient des traces immenses, et les restimule
à besoin : mais parce que le mécanisme de la mémoire adulte demande une organisation de «
schémas » qui dépendent de l'interaction entre les appétits, les instincts, les intérêts et les idées qui sont
particuliers au sujet en question. »

48
Ces quatre perspectives structurent notre connaissance de certaines entités et
activités, elles nous aident à faire sens du monde et de nos interactions dans le
monde, et finalement elles nous aident à comprendre des textes dans lesquels des
entités et activités ainsi mises en perspective sont évoquées, fût-ce de manière
obscure ou elliptique. Ces plans, cadres et schémas font partie du savoir culturel et
historique partagé par le sujet parlant ou écrivant et le sujet écoutant ou lisant.
Celui qui construit un texte doit calculer les proportions exactes entre ce qu'il doit
dire dans le texte et ce qu'il peut laisser sous-entendu, c'est-à-dire laisser à
l'auditeur à construire lui-même étant donné sa connaissance de la situation du
discours et des cadres et schémas partagés. L'auditeur de son côté apporte son
savoir des schémas, cadres, plans et scripts à son interprétation d'un texte.
Comme van Dijk l'a montré dans ses recherches, la compréhension d'une
histoire se fonde d'une part sur la construction d'une macro-structure thématique
du texte et de l'autre sur notre connaissance de l'organisation du monde dans lequel
nous vivons et des actions que nous y accomplissons de façon routinière (cf. van
Dijk 1979). Ces schémas, cadres, plans et scripts nous aident à établir la cohérence
des textes que nous interprétons.

5. Benveniste

Les débuts d'une histoire moderne des textes se confondent en France avec les
débuts d'une théorie moderne de renonciation. Cette théorie de renonciation
s'établit en France entre la fin des années 1950, ou plus précisément la publication
de l'article de Benveniste sur la « subjectivité dans le langage » en 1958, et la
publication en 1970 du numéro 17 de Langages dirigé par Todorov et contenant le
dernier article de Benveniste concernant renonciation portant sur « l'appareil
formel de renonciation ». Après 1970, les avancées en Allemagne dans le domaine
de la Textlinguistik commencent à influencer les théories des textes développées en
France et ailleurs. En 1972, Langages publia donc un article rédigé par Clément et
Grunig sur « la grammaire de texte en pays de langue allemande » à l'intérieur d'un
numéro consacré à La linguistique generative en pays de langue allemande.
On y trouve un résumé des efforts faits en Allemagne et ailleurs à fonder une
linguistique textuelle sur une extrapolation des résultats achevés dans l'analyse des
phrases, une extrapolation des microstructures phrastiques sur les
macrostructures textuelles. Ce fut un temps pendant lequel on se rendait compte qu'il y avait une
foule de phénomènes linguistiques qui devraient faire partie d'une théorie du
langage, mais ne pouvaient pas être étudiés au niveau de la phrase isolée, comme le
fonctionnement des pronoms, des articles et des temps. Ces phénomènes ne peuvent
être analysés qu'au niveau du texte comme unité linguistique dépassant la phrase.

49
En France, l'analyse des pronoms, des articles et des temps avait été au cœur
de la théorie de renonciation, à cette époque à la fois textuelle et pragmatique, étant
donné la réception des recherches en linguistique textuelle qui se faisaient en
Allemagne et la traduction des textes-clé de la pragmatique anglo-saxonne pendant
les années 1970.
Une nouvelle étape fut atteinte et marquée explicitement par le numéro 70 de
Langages publié en juin 1983 par Parret :
Depuis que Langages a publié son numéro spécial sur « L'énonciation » en
1970, l'attention pour le phénomène énonciatif n'a fait que s'accroître. Nous
présentons, après treize ans, un nouveau recueil d'articles consacrés à
renonciation, sous l'angle particulier de « la mise en discours » (Parret 1970 : 5).

Comme l'a souligné Lita Lundquist, Benveniste, en se fondant sur la distinction


saussurienne entre langue et parole, distingue entre deux sortes de linguistique,
celle de la langue comme système de signes et celle de la langue comme instrument de
communication. Le concept dénonciation est employé pour construire un pont
entre les deux. L'énonciation est donc conceptualisée comme « cette mise en
fonctionnement de la langue par un acte individuel d'utilisation » (Benveniste
1974 : 80). Les « instances de discours » sont les « actes discrets et chaque fois
uniques par lesquels la langue est actualisée en parole par un locuteur »
(Benveniste 1966 : 251).
Le concept de discours, en quelque sorte un synonyme ď énonciation, fait son
apparition chez Benveniste comme « la manifestation de la langue dans la
communication vivante » (Benveniste 1966 : 130), mais, cela est important, non pas
comme unité linguistique. Lundquist souligne encore que l'unité « supérieure reste
pour lui la phrase » (Lundquist 1994 : 4 ; Benveniste 1962 : 128). Et pourtant :
La linguistique textuelle se situe précisément à la croisée des deux linguistiques
différentes évoquées par Benveniste, étant donné qu'elle opère à la fois dans
une optique phrastique et dans une optique textuelle (Lundquist 1994 : 4).

Dans ce refus de transgresser les limites de la phrase, Benveniste contraste avec les
chercheurs allemands qui, à la même époque que Benveniste publie son dernier
article sur l'énonciation, publient des déclarations en faveur des analyses « trans-
phrastiques ». Dressier, l'un des premiers et l'un des plus fameux linguistes du
texte en Allemagne, disait par exemple que le texte est le signe linguistique par
excellence, l'élément fondamental du langage. Selon lui on ne s'exprime pas par
phrases, mais par textes (cf. Dressier 1972).
L'influence de la Textlinguistik allemande et du concept de texte comme unité
linguistique de base eut pour résultat une redéfinition du concept de discours en

50
France. Maingueneau définit cette notion de trois façons, en tant que résultat global
des actes d'énonciation, en tant que suite cohérente de phrases, et en tant que
mécanisme discursif :
Le discours [...] [est] considéré comme une unité linguistique de dimension
supérieure à la phrase (transphrastique), un message pris globalement, un
énoncé.
Le discours est proprement intégré à l'analyse linguistique puisqu'on
considère l'ensemble des règles d'enchaînement des suites de phrases composant
l'énoncé.
Le discours, c'est l'énoncé considéré du point de vue du mécanisme discursif
qui le conditionne [ . . . ] une étude linguistique des conditions de production
d[u] texte en fera un discours. (Maingueneau 1976 : 11 ; cité par Lundquist
1994 : 11-12)
La contribution de Benveniste à une théorie du texte ne se situe donc pas
directement dans une définition du discours comme texte, mais dans sa reconnaissance du
sujet parlant comme producteur du texte, un sujet qui s'approprie la langue (ce
que Buhler avait appelé Sprachgebilde) et qui l'emploie dans l'acte d'énonciation
(Sprechakt) pour créer d'une certaine manière l'énoncé linguistique qui en résulte
(Sprachwerk). Cette activité de la parole sur la langue par un sujet parlant laisse
des traces, des indices dans la construction du texte. Les marques les plus visibles
sont celles laissées par l'emploi des pronoms et des déictiques.
D'un autre point de vue, ces « traces » sont les instruments mêmes que nous
avons à notre disposition pour transformer le système virtuel de la langue en texte
actuel. L'appareil formel de renonciation donne à chaque locuteur la possibilité de
s'approprier la langue et de dire quelque chose à quelqu'un. Il met à sa disposition
les indicateurs de personne, de temps, de lieu, les modalités marquant l'attitude de
l'énonciateur envers son énoncé (les modes, les adverbes tels que peut-être, etc.), et
il permet en cela d'instaurer une relation avec l'autre (Benveniste 1974 : 84,
p. 87). L'énonciation devient allocution, suscitant une autre énonciation.
Ce qui en général caractérise renonciation est V accentuation de la relation
discursive au partenaire, que celui-ci soit réel ou imaginé, individuel ou
collectif.
Cette caractéristique pose par nécessité ce qu'on peut appeler le cadre^gura-
tif de renonciation. Comme forme de discours, renonciation pose deux «
figures » également nécessaires, l'une source, l'autre but de renonciation. C'est
la structure du dialogue (Benveniste 1974 : 85).
C'est ici que la théorie de renonciation développée par Benveniste transgresse le
cadre de la phrase et joint une théorie moderne du discours comme dialogue.

51
Dans un texte écrit dès 1946, Benveniste fait une distinction entre discours hic
et nunc et le récit ou renonciation historique. Le discours et le récit sont deux
modes d'énonciation, deux genres de « texte » caractérisées par un emploi
spécifique des temps et des pronoms. Le discours se déroule dans ce que Biihler avait
appelé le champ déictique, le récit dans le champ symbolique. Naturellement, on
peut trouver des intrusions du discours dans le récit et des cas où récit et discours
s'enchevêtrent, comme dans le discours indirect (cf. Benveniste 1966 : 240,
note 3). Le récit et le discours peuvent tous deux se manifester par des genres
textuels les plus divers. Benveniste donne d'abord la définition du discours avant
d'énumérer les genres du discours. Le discours c'est
toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier
l'intention d'influencer l'autre en quelque manière. C'est d'abord la diversité
des discours oraux de toute nature et de tout niveau, de la conversation triviale
à la harangue la plus ornée. Mais c'est aussi la masse des écrits qui
reproduisent des discours oraux ou qui en empruntent le tour et les fins :
correspondances, mémoires, théâtre, ouvrages didactiques, bref tous les genres où
quelqu'un s'adresse à quelqu'un, s'énonce comme locuteur et organise ce qu'il
dit dans la catégorie de la personne (Benveniste 1966 : 242).
Le récit historique par contre n'est pas organisé autour de la catégorie de personne,
« il n'empruntera jamais l'appareil formel du discours, qui consiste d'abord dans
la relation de personne je : tu. » (p. 239) Le récit est strictement une forme de
troisième personne. Les genres du récit sont aussi divers que la littérature humaine.
Le discours et le récit constituent tous deux les objets d'une linguistique textuelle.
Cette linguistique du texte prenait un vrai essor dans l'Allemagne des années
1970. Mais la France elle aussi continuait sa réflexion sur les textes, soit dans la
tradition d'un Benveniste, soit dans le cadre d'une sémiotique greimas sienne, soit
dans une herméneutique du discours, de la métaphore et de la narrativité d'un
Ricceur, soit dans le cadre d'une réflexion moderne sur la relation entre langage et
cognition, signes et textes, et textes et genres (cf. Rastier 1989 ; Adam 1990 ; 1992 ;
Branca-Rosoff 1998 ; Bouquet 1998).

6. Conclusion

Biihler, Bartlett et Benveniste ont mis au jour des concepts et des méthodes de
première imporance pour une linguistique du texte. Buhler et Benveniste initièrent
une analyse approfondie de la cohérence et de la cohésion du texte du point de vue
de sa structure linguistique interne à travers l'étude des déictiques et des anapho-
res. Buhler et après lui Jakobson contribuèrent à une étude de la cohérence externe

52
du texte à travers l'analyse des fonctions diverses qu'un texte peut avoir. Bartlett,
lui, contribuait directement à une étude de la cohérence interne et externe du texte
à travers l'analyse des modèles mentaux construits dans la lecture du texte mais
fondés eux-mêmes sur les modèles mentaux que nous avons de la réalité dans
laquelle nous vivons. Tous les trois ont contribué à une théorie de la compréhension
des textes de toute sorte, compréhension qui porte sur notre savoir linguistique,
notre savoir du monde et de l'autre, et sur notre savoir de certains genres textuels.

Références

ADAM, Jean-Michel, 1990 : Eléments de linguistique textuelle. Paris : Mardaga.


ADAM, Jean-Michel, 1992 : Les textes : types et prototypes. Paris : Nathan.
1ÎADDELEY, A., 1993 : Your Memory — A User's Guide. London : Prion.
BARTLETT (Sir), Frederic С, 1932 : Remembering. Cambridge, England : Cambridge University
Press.
BENVENISTE, Emile, 1966 et 1974 : Problèmes de linguistique générale. 2 vols. Paris : Gallimard.
BOUQUET, Simon, 1998 : « Linguistique textuelle, jeux de langage et sémantique du genre »,
Langages 129, Paris ; Larousse.
BraNCA-ROSOFF, Sonia, 1998 : « Les genres entre langue et discours », Les genres du discours,
Langage et société (à paraître).
BRADFORD, J.D. & JOHNSON, M.K., 1972 : « Contextual prerequisites for understanding: Some
investigations of comprehension and recall » . Journal of Verbal Learning and Verbal Behaviour
11,717-726.
BiJHLER, Karl, 1907 : « Tatsachen und Problème zu einer Psychologic der Denkvorgànge. I : Uber
Gedanken. » Archiv fur die gesamte Psychologie 9, 376-386.
BÛHLER, Karl, 1909 :« Cber das Sprachverstàndnis vom Standpunkt der INormalpsychologie aus »,
Bericht uber den 111. Kongrefi fur experimentelle Psychologie vom 22.-25.4.1908 in Frankfurt,
éd. par Friedrich Schmann. Leipzig : Barth, 94-130.
BÚHLER, Karl, 1934 : Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache. Jena : Fischer.
CLÉMENT, Danielle & Blanche-INoëlle GRLMG, 1972 : « La grammaire de texte en pays de langue
allemande ». Langages 25, Paris, Larousse.
CLIFFORD, Brian, 1991 : « Memory ». In : A Textbook ofPsychoogy. Éd. par John Radford & Ernest
Govier. London and New York : Routledgc, 377-406.
DE BEAUGRANDE, Robert, 1980 : Text, Discourse, and Process. Norwood, N.J. : Ablex ; London :
Longman.
DE BEAUGRANDE, Robert, 1996 : « Textlinguistics ». In : Manual of Pragmatics, edited by Jef
Verscheuren et al. Amsterdam : Benjamins, 536-544.
DE BEAUGRANDE, Robert & Wolfgang DRESSLER, 1981 : Introduction to Text Linguistics. London
and New York : Longman.
DELESALLE, Simone & Jean-Claude CHEVALIER, 1966 : La linguistique, la grammaire et l'école
175-1914. Paris : Colin.
DlJK, Teun A. van, 1977 : Text and Context. London : Longman.
DlJK, Teun A. van, 1979 : Macro-structures. Hillsdale, N.J. : Erlbaum.

53
DíJK, Teun A. van, 1980 : TextwLssenschaft. Eine interdisziplinare Einfuhrung. Deutsche Uber-
setzung von Christoph Sauer. Tubingen : Max Niemeyer.
DRESSLER, Wolfgang, 1972 : Einfuhrung in die Textlinguistik . Tubingen : Niemeyer.
DLCROT, Oswald, et al., 1980 : Les mots du discours. Paris : Minuit.
FORMIGARI, Lia, 1993 : Signs, Science and Politics. Philosophies of language in Europe 1700-1830.
Amsterdam/Philadelphia : Benjamins.
FREDERIKSETV, C.H., 1975 : « Effects of context-induced processing operations on semantic
information acquired from discourse ». Cognitive Psychology 7, 139-166.
GENETTE, Gérard (1968) : Figures 1. Paris : Seuil.
HalLIDAY, M.A.K. & Ruqaiya HASAN, 1985 : Language, Context, and Text : Aspects of language in
a social-semiotic perspective. Victoria : Deakin University Press.
HELBIG, Gerhard, 1986 : Geschichte der neueren Sprachwissenschaft. Hamburg : Rowohlt.
KlNTSCH, Walter, 1974 : The Representation of Meaning in Memory. New York : Wiley.
KlNTSCH, Walter, 1976 : « Memory for Prose ». In : The Structure of Human Memory, ed. by C.N.
Gofer. San Francisco : Freeman, 90-1 13.
K.NOBLOCH, Clemens, 1990 : « Zum Status und zur Geschichte des Textbegriffes. Eine Skizze ».
Zeitschrift fur Literatuwissenschaft und Linguistik (LIU) 77, 66-87.
KONERDING, Karl-Peter, 1993 : Frames und lexikalisches Bedeutungswissen. Untersuchungen zur
linguistischen Grundlegung einer Frame-Theorie und zu ihrer Anwendung in der Lexikogra-
phie. Tiibingen : Narr.
K.OPPERSCHMIDT, Josef (éd.), 1990 : Rhetorik. Bd. 1. Rhetorik als Texttheorie. Darmstadt : Wis-
scnschaftliche Buchgesellschaft.
LlNDQl 1ST, Lita, 1994 : La Cohérence Textuelle : Syntaxe, sémantique, pragmatique. Fredcriks-
berg, C. : Samfundslitteratur.
Mai^GUENEAU, Dominique, 1976 : Initiation aux méthodes de l'analyse du discours. Paris :
Hachette.
MINSKY, Marvin, 1975 : « A Framework for Representing Knowledge. » In : The Psychology of
Computer Vision, éd. par P. II. Winston. New York, 21 1-278 (Réimprimé et abrégé dans : Frame
Conceptions and Text Understanding, ed. par Dicter Metzing, Berlin : de Gruyter, 1-25.)
NerliCH, Brigitte, 1986 : « La linguistique de Philipp Wegener — une théorie du dialogue ».
DRLAV. Revue de linguistique 34/35, 301-15.
NERLICH, Brigitte & David D. CLARKE, Language, Action, and Context. The early history of
pragmatics in Europe and America, 17801930. Amsterdam/Philadelphia : Benjamins.
PARRET, Herman, 1983 : « Avant-Propos », Langages 70, Paris, Larousse : 5-7.
PLETT, Heinrich, 1975 : Textwissenschaft und Textanalyse. Heidelberg : Quelle und Meyer.
PbETT, Heinrich, éd., 1977 : Rhetorik : Kritische Positionen zum Stand der For schung. Miinchen :
Fink.
QLASTHOEF, Uta M., 1985 : « Textverstchcn und Textproduktion ». In : Kiinstliche Intelligenz.
Representation von Wissen und ISatiirlichsprachliche Système, éd. par Ch. Habel. Friihjahrss-
chule Dassel (Soiling), Márz 1984. Berlin : de Gruyter, 184-248.
Rastier, François, 1989 : Sens et textualité. Paris : Hachette.
Rastier, François, 1996 : « Problématiques du signe et du texte ». Intellectica 2 : 23, 11-52.
RUMELHART, David, E., 1976 : « Understanding and summarizing brief stories ». In : Basic
processes in Reading : Perception and comprehension, éd. par David Laberge & S. Jay Samuels.
Hillsdale, N.J. : Lawrence Erlbaum.
SCHA\K, Roger С & Robert P. ABELSON, 1977 : Scripts, Plans, Goals and Understanding. An
Inquiry into Human Knowledge Structures. New York ; Toronto ; London ; Sydney : Lawrence
Erlbaum.

54
SELZ, Otto, 1913 : Uber die Gesetze des geordneten Denkverlaufs. Stuttgart : W. Spemann.
THORNDYKE, P.W. , 1977 : « Cognitive structures in comprehension and memory of narrative
discourse ». Cognitive Psychology 9, 77-110.
TODOROV, Tzvetan, 1967 : « Les registres de la parole ». Journal de Psychologie 64, 265-278.
Wegkinkr, Philipp, 1885 : U ntersuchungen iiber die Grundfragen des Sprachlebens. Malle a.d.S. :
JNiemeyer. (Nouvelle éd. par E.F.K. Koerner avec une introduction par Clemens Knobloch,
Amsterdam/Philadelphia : Benjamins, 1991.)
WegENKR, Philipp, 1911 : « Exposition und Mittcilung : Ein Beitrag zu den Crundfragen des
Sprachlebens ». Geschichte des Gymnasiums und der Realanstalt zu GreifswaMvon 1861-19] J ,
éd. par Dr Max Schmidt, Partie : Wissenschaftliche Aufsatze, 1-21. Greifswald : Julius Abel.

55

Vous aimerez peut-être aussi