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En Europe centrale, il n’y a rien de mieux partagé que la différence, et

jusqu’en 1945 au moins, il n’y a pas de région ethniquement homogène dans


l’Empire [austro-hongrois]. Ce que nous explique ici Xavier Galmiche, lors d’une
séance de présentation de la pensée de Moritz Csáky le 7 avril 2023, c’est que
différences ethniques, et par extension différences culturelles et linguistiques, sont
presque constitutives de l’Empire austro-hongrois.
Cette pensée est également celle de Moritz Csáky, qui, par le prisme de la ville de
Vienne dans « Vienne – paradigme du milieu urbain centre-européen 1 », estime que
la « spécificité » de l’« urbanisation » de cet Empire et donc par extension, de
l’Europe centrale vient de « l’extrême hétérogénéité ethnique et culturelle de la zone
elle-même », c’est-à-dire que le processus d’urbanisation, la construction des zones
urbaines en Europe centrale tire son caractère principal et unique par la diversité et
la juxtaposition d’ethnies et de cultures différentes. Il ajoute que cette diversité et
juxtaposition a un caractère « problématique et menaçant […] dans les grandes
agglomérations urbaines » et ces différences renforçaient « la tendance, favorisée
par la modernisation, à la stratification sociale des mondes urbains, […] contribuant
ainsi à radicaliser la perte des repères ». Ceci signifierait donc que Csáky perçoit la
diversité ethnique, linguistique et culturel comme un réel problème dans le monde
urbain, qui ne peut mener à une paix mais plutôt à des conflits, et les repères, durs à
se faire dans un monde urbain continuellement en mouvement, sont davantage peu
trouvés voire perdus – Csáky parle de radicalité, à cause, derechef, à ces diversités.
Csáky pense donc les diversités dans le monde humain comme uniquement
problématiques, qui ne peuvent mener à l’harmonie, et il semble également,
délaisser les autres espaces : Csáky oublie-t-il les multiculturalités également
présentes dans petites villes et campagne, ou considère-t-il que ces diversités sont
moindres, non problématiques, voire menant à l’harmonie ? En outre, Csáky indique
que les frictions entre diversités culturelles mènent à une « stratification sociale »,
donc, à une hiérarchisation sociale portée par les différences ethniques, linguistiques
et culturelles ; est-ce réellement le cas, et si oui, uniquement dans le domaine urbain,
ou bien également dans le domaine rural ?
Tous ces questionnements nous amènent à nous interroger sur les milieux
représentés dans les œuvres au programme, afin de définir quelles y sont les

1
Moritz Csáky, « Vienne – paradigme du milieu urbain centre-européen », in Villes multiculturelles en
Europe centrale, dir. Delphine Bechtel & Xavier Galmiche, Paris, Belin, 2008.
dynamiques, telles que les possibles synergies, déséquilibres, crises, engendrées
par les oppositions ethniques, sociales et culturelles, et si celles-ci mènent à
l’harmonie ou au conflit.
Afin d’éclaircir ces problématiques et à l’aune de toutes les œuvres au programme,
nous montrerons que la multiculturalité et ses dynamiques apportent la paix entre les
communautés, et que toutes les diversités peuvent vivre ensemble sur le même plan,
ensuite, nous interrogerons et apporterons des détails sur les liens entre
l’industrialisation et espaces urbains et les conflits que ceux-ci peuvent apporter ;
enfin, nous montrerons que ces dynamiques conflictuelles se retrouvent également
dans l’espace rural.

I. Multiculturalité et ses dynamiques apportent la paix entre communautés ;


vivre ensemble sur le même plan.
A. L’espace rural, ou l’entre soi et les mêmes épreuves.
1. Le village ou petite ville, espaces dans lesquelles on reste à jamais.
La plupart des petits bonshommes de Kasrilevkè y restent toute leur vie.
2. Toustes égaux face à la misère. Entraide entre population,
notamment lorsque Hapka décide de vivre avec le vieil homme aveugle dans
L’Ukrainienne et la famine qui touche tout le monde (l’Ukrainienne et La Miséricorde
des coeurs)
3. Lieux communs à toutes les populations. Nous pensons notamment
à l’espace de la taverne dans La Miséricorde des cœurs.

B. Espaces dans lesquelles de nouvelles populations sont plutôt intégrées


1. Ascension sociale, comme en la personne de Nietotchka qui, en
Carinthie, passe de servante de ferme à la fermière dans L’Ukrainienne.
2. Rejet du connu et acclamation de l’inconnu. Dans L’Ukrainienne, les
populations acclament l’arrivée des Allemands, contents que les Russes partent.
3. Réussite économique : déplacement géographique. Réussite
économique est liée à un déplacement géographique pour les habitants de
Kasrilevkè.

C. Espace urbain offre également possibilité d’égalité des chances


1. Multiculturalité et la juxtaposition des cultures, langues et ethnies qui
font l’espace urbain. La promenade du narrateur de « Kafkaesque » à travers la ville
de Prague montre la diversité des personnes et cultures qui vivent dans un même
espace, sans forcément qu’il y ait de lien entre eux. Un des seuls liens est ce
promeneur qui regarde ces disparités, et converse avec ces différentes populations.
2. Multiculturalité qui créé le familier. Dans le recueil de nouvelles Rue
Polanki, le jeune narrateur a grandi aux côtés de ses parents, l’un est plutôt du côté
allemand, tandis que l’autre est plutôt du côté des Polonais, dans univers où se
côtoient les Kachoubes, Polonais, Allemands, Ukrainiens.
3. Echanges interculturelles. Des échanges entre cultures sont alors,
par extension, habituels, comme dans Rue Polanki.

II. Industrialisation et espaces urbains n’apportent pas que des conflits dans la
friction entre diversités.
A. Echanges entre populations et ruptures
1. « Kafkaesque »
2. Nouveauté et mouvement de population. Dans Gens de Kasrilevkè,
le Lituanien, malgré le vol dont il est victime, est accepté dans la communauté dans
le rite religieux.

B. Langues, variantes et incompréhensions


1. Différents accents qui parfois font que compréhension est difficile
entre les personnes.
2. Frictions entre les langues. Apparition de la langue ukrainienne au
sein du roman dans L’Ukrainienne.
3. Des apports ?

C. Cohabitation qui pourrait sembler possible


1. Les couples mix comme dans rue Polanki et La Miséricorde des
cœurs, malgré quelques tensions, ces couples vivent ensemble et ont eu des enfants
ensemble.
2. Les phénomène de l’exode rural. Gens de Kasrilevkè montrent
plusieurs juifs qui restent entre eux, qui donc seraient dissimilés, et d’autres, en
rupture avec eux, qui sont assimilés au reste de la population.
3. Brouillis des cultures qui se ressent dans le texte même. Dans Cette
ville est à la charge de ses habitants, la stratification des textes littéraires, ou plutôt la
juxtaposition de textes, sans séparations précises entre les différents textes, rendant
la lecture et la compréhension ardue.

III. Dynamiques conflictuelles qui se retrouvent également dans l’espace rural


A. Les espaces sont portés par ceux qui y habitent
1. Villes. La vie de la ville est portée par ses habitants, Cette ville est à
la charge de ses habitants, « Kafkaesque » et Pue Polanki
2. Bourgades, Gens de Kasrilevkè.
3. Campagnes La Miséricorde des cœurs et L’Ukrainienne.

B. Stratification sociale reproduit les différences culturelles


1. Dans L’Ukrainienne, cette stratification se retrouve dans les différents
espaces, que ce soit en Ukraine, où, par politique communiste, les anciens riches
sont délaissés et les anciens pauvres paysans prennent l’autorité. En Carinthie, les
personnes déportées, qui viennent d’une culture plus à l’est, se retrouvent en bas de
l’échelle sociale face aux Autrichiens.
2. Dans La Miséricorde des cœurs, c’est l’arrivée chronologique des
immigrants qui définit la hiérarchie sociale dans le village. En haut de la hiérarchie,
ce sont les « Réformés », ensuite les « nouveaux venus », qui sont les roumains
catholiques, et en-dessous les tziganes et les juifs. A cette hiérarchie sociale, qui est
lié à racine historique, dont on ne parle plus. A cela se superpose la hiérarchie
communiste, contrôle de la sphère publique. Communauté déjà marginalisée, et
notre famille l’est encore plus.

Finalement, il semble que multiculturalité, dans nos œuvres, ressort


principalement comme problématique et initiatrice de tensions. Si la pensée de
Csáky attache les problèmes de la multiculturalité uniquement à l’espace de la ville, il
semble, dans nos œuvres, que ces problématiques sont à l’œuvre également dans
l’espace des bourgades, villages et campagnes. Si sur certains points, l’espace
urbain permet une certaine stabilité, lorsque les différentes populations ne tissent
aucun lien entre elles notamment, le village et la campagne sont loin d’être des
espaces qui permet une certaine paix et harmonie entre différentes populations,
ethnies, cultures et langues.

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