Espagne 6,90 €, Grande-Bretagne

Allemagne 7,20 €, Andorre 6,90 €,

Pays-Bas 6,90 €, Portugal cont.

6 £, Grèce 6,90 €, Italie 6,90 €,

Suisse 8,90 CHF, TOM 1150 XPF,

Canada 12 $CAN, DOM 7,30 €,

Tunisie 13 DT Afrique autres

6,90 €, Sénégal 3400 FCFA,
Japon 1700 ¥, Maroc 55 DH,
Cahier 1 du no 1728-1729-1730
du 14 décembre 2023

4600 FCFA
au 3 janvier 2024
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France : 5,90 €

Partout dans le monde, citoyens

et architectes inventent des
modes de vie plus collectifs et
plus durables. Récits dans
la presse étrangère.

HABITER
LE MONDE
AUTREMENT

Avec Courrier
ados, votre num
éro de Courrier inte
rnational
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GAZA — DES DESTRUCTIONS AVEC CE
Cahier
du 14 décembre 2 du n 1728-1729-1730
M 03183 - 1728 - F: 5,90 ¤

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2023 au 3 janvier
Ne peut être vendu 2024
séparément
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AFRIQUE LE BÉRET
DE LA RÉBELLION
DANS LE SECR
MA CHAMET DE
SANS PRÉCÉDENT CHINE — BRE

LA FIN DU CONTRAT SOCIAL?

PRIX OREO, ÇA
PASSE PAS CRÈM
E
Avec les résea
ux socia
n’est plus un espa ux, cette pièce
Mais les paren ce de solitude.
ts n’ont toujours
pas le droit d’y
mettre le nez.
NUMÉRO
2023 : l’année ANTHROPOLOGIE — UNE AUTRE VOYAGE LIBRE
COMME L’AIR S
COURRIER
en cartoons
À TOKYO

HISTOIRE DES CIVILISATIONS ADOS

 4. Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

LES CHOIX
DE “COURRIER” de l’Afrique du Sud, “la sobriété
des modes de vie, la vie en
CLAIRE CARRARD commun dans des villages
urbains et l’agriculture
Habiter le monde autosuffisante à petite échelle
ne sont pas des utopies,
autrement mais la réalité du quotidien”.
Faire famille autrement,
acheter une maison avec des
amis, vivre sous le même toit
que ses grands-parents… : par
choix et parfois par nécessité,
les expériences de cohabitation
se multiplient. Nous en avons
passé le 7 octobre et après,
s’émeut le New York Times.
À Varsovie, Gazeta Wyborcza
raconte l’errance d’un bar
biélorusse, le Karma,
aujourd’hui exilé en Pologne.
À Strasbourg, c’est du temps
tombé amoureux d’un jeune
Mexicain, et qui, depuis sept
ans, retourne sur les lieux
de leur rencontre, à La Havane.
Un récit bouleversant écrit
à la première personne.
Et pour accompagner ce

U
n phalanstère
climatique en Afrique
du Sud, des architectes
qui misent sur la poésie pour
améliorer le quotidien d’un
village du Tessin, en Suisse,
la culture des pavillons
individuels remise en question
au Danemark… C’est à un
voyage plein d’inventivité
que nous vous convions dans
le dossier de ce numéro, le
dernier de l’année avant notre
pause habituelle pour les fêtes.
Il y est question de réinventer
des modes de vie plus
collectifs, comme à Durban,
où la communauté d’eKhenana
rassemble des citoyens engagés
dans un mode de vie durable
et qui ont opté pour une
démocratie égalitaire. Pour
eux, “le futur est déjà là”, écrit la
revue African Arguments.
Dans cette ville de la côte est
Le changement d’échelle,
c’est peut-être l’un des maîtres
mots de ce dossier, à l’heure
où la COP28 peine à parvenir
à des compromis globaux sur
les énergies fossiles. Au
Danemark, ce sont les petites
communes qui s’engagent pour
un habitat moins énergivore,
rapporte Jan Petter, l’envoyé
spécial de Der Spiegel dans la
périphérie d’Aarhus. “Changez
la politique, pas le climat”,
a affiché la responsable
du service d’urbanisme de
Skanderborg dans son bureau.
Dans cette ville qui ambitionne
d’atteindre la neutralité
carbone dès 2025, on parle de
réduire (non sans résistance) la
taille des maisons individuelles
et de privilégier à l’avenir les
coopératives pour accueillir
les familles, avec des espaces
communs partagés (cuisine,
salle des fêtes, atelier…).
recensé un certain nombre que les habitants ont retrouvé, numéro, et comme nous le
dans la presse étrangère. et en cela la ville pourrait faisons depuis trois ans
Au cœur de ces tentatives devenir un modèle, maintenant, nous vous
pour vivre différemment, s’enthousiasme le site proposons une nouvelle édition
il y a le lien social, mais espagnol El Confidencial. de Courrier ados, 24 pages à
également l’architecture : L’hebdomadaire sud-africain destination des plus jeunes
la forme d’une habitation, Mail & Guardian, lui, est allé (mais pas que), avec un dossier
les matériaux employés disent à la rencontre des marins sur le secret des chambres
aussi notre rapport au monde. qui réparent les câbles sous- d’ado, une polémique sur la
Comme les constructions de marins au large de l’Afrique. part de crème dans les biscuits
l’architecte indien Bijoy Jain, Il est ailleurs question Oreo, un article sur la mode
qui s’apparentent à des d’apprenties codeuses du béret rouge en Afrique…
“organismes vivants”. “Ce qui en Mongolie (Nikkei Asia), Notre hebdomadaire reparaît
m’importe, explique-t-il à de la fin du contrat social le 4 janvier. En attendant,
Die Zeit, c’est de rapprocher en Chine (Financial Times), retrouvez toute l’actualité
les choses que nous habitons de nouvelles découvertes vue par la presse étrangère
de notre moi humain.” scientifiques sur l’histoire chaque jour sur notre site.
Courrier international est de l’humanité (New Scientist), Bonne lecture.
une fenêtre sur le monde de la production du mastic,
et nous vous invitons dans ce ingrédient indispensable pour
numéro à un voyage singulier la pâtisserie arabe, sur l’île En couverture :
sur tous les continents. de Chios (Middle East Eye)… Habiter autrement :
À Jérusalem, des nageurs Dans un registre plus illustration de Peter Crowther,
palestiniens et israéliens personnel, le site cubain Associates LTD/Debut Art.
continuent de s’entraîner El Estornudo raconte l’histoire L’année en cartoons :
ensemble malgré ce qui s’est de Manuel, ancien prostitué dessin de Côté, Québec.

Sommaire
2023
en cartoons MOYEN-ORIENT p.24 LES SOURCES

p.9 Israël est-il coupable Chaque semaine, les journalistes

de Courrier international sélectionnent
de “domicide” ?
KAZANEVSKY, UKRAINE

et traduisent des articles tirés de plus

Pas facile de faire sourire avec une
actualité souvent désespérante.
C’est le talent des dessinateurs de
presse du monde entier de savoir
trouver la bonne distance, ironique
de 1!500 médias du monde entier. Voici
la liste exhaustive des journaux, sites
À Gaza, l’État hébreu détruit et blogs utilisés dans ce numéro :
quantité de bâtiments : dommage African Arguments (africanarguments.org)
collatéral de la guerre contre Londres, en ligne. El Confidencial
le Hamas ou stratégie délibérée? 360° p.70 (elconfidencial.com) Madrid, en ligne.

ou grave, face aux événements
qui s’invitent dans notre quotidien.
Géopolitique, climat, sport,
culture… Voici leur regard sur 2023.
Une autre
The Economist Londres, hebdomadaire.
Cela ne constitue pas, pour l’heure, El Estornudo (revistaelestornudo.com)
un crime contre l’humanité, La Havane, en ligne. Financial Times Londres,
rappelle The Guardian.
histoire des quotidien. Gazeta Wyborcza Varsovie,
quotidien. The Guardian Londres, quotidien.

civilisations
Mail & Guardian Johannesburg,
hebdomadaire. Middle East Eye
DAVE GRANLUND, ÉTATS-UNIS/CAGLE CARTOONS

(middleeasteye.net) Londres, en ligne. Neue

AFRIQUE p.38
Il y a 10000 ans,
Les matelots
l’humanité est passée
de l’Internet de l’ère des chasseurs-
cueilleurs à des sociétés
complexes. Mais, selon
À bord du Léon Thévenin,
un équipage africain répare des recherches récentes,
les câbles sous-marins pour que ce ne serait en fait pas dû
le continent reste connecté à la qu’à l’essor de l’agriculture,
Toile, témoigne le Mail & Guardian. rapporte New Scientist.
Zürcher Zeitung Zurich, quotidien. The New
European Londres, hebdomadaire. New
Scientist Londres, hebdomadaire. The New
York Times New York, quotidien. Nikkei Asia
Tokyo, hebdomadaire. Reasons to Be
Cheerful (reasonstobecheerful.world) New
York, en ligne. Il Sole-24 Ore Milan, quotidien.
Der Spiegel Hambourg, hebdomadaire.
Süddeutsche Zeitung Munich, quotidien.
Tama Media (tamamedia.com) Afrique,
en ligne. Le Temps Genève, quotidien.
The Washington Post Washington, quotidien.
Die Zeit Hambourg, hebdomadaire.
 2023 n s
en c a r t o o

Dessin de Côté
paru dans Le Soleil,
Québec.

Guerres, putschs, émeutes, catastrophes naturelles… Pas facile de faire sourire avec une
actualité souvent désespérante, reconnaît à travers ce dessin le Québécois André-Philippe
Côté. C’est tout le talent des dessinateurs de presse du monde entier de savoir trouver
la bonne distance, ironique ou grave, face aux événements qui s’invitent dans notre quotidien.
Géopolitique, climat, sport, culture… Voici leur regard sur 2023. C’est l’année en cartoons.
 10.
janvier Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

FRANCE
Retraites
sans retrait
64 ans, c’est non !
Une quinzaine de journées
de mobilisation, dont
BRÉSIL la première le 19 janvier,
Un air de des records historiques
d’affluence dans les cortèges
Capitole (1,28 million de manifestants,
selon la police, 3,5 millions,
“Une foule de factieux”, décrit d’après les organisateurs
O Estado de São Paulo, soutiens le 7 mars), des grèves dures
de l’ex-président d’extrême et le soutien massif
droite Jair Bolsonaro, prend de l’opinion n’auront pas suffi :
d’assaut, le 8 janvier, le palais la loi sur la réforme
présidentiel, le Congrès des retraites est promulguée
et la Cour suprême, à Brasilia, dans la nuit du 14 avril.
et y fait de sérieux dégâts.
Ils protestent contre le retour ↓ Dessin d’Alex paru
au pouvoir de Lula, élu à la fin dans La Liberté, Fribourg.
de 2022. L’attaque rappelle,
deux ans après, celle
du Capitole, à Washington, par
des partisans de Donald Trump.
Poursuivi dans plusieurs
dossiers, Bolsonaro écope en
juin de huit ans d’inéligibilité.

↗ Dessin de Lauzan, Chili.

CAGLE CARTOONS

ÉTATS-UNIS
La police tue
Arrêté le 7 janvier pour un
simple contrôle routier, Tyre
Nichols, un Africain-Américain
de 29 ans, meurt trois jours
après avoir reçu une pluie
de coups de la part de cinq
agents noirs de la police
de Memphis. Les images
de son tabassage choquent
l’Amérique et relancent
le débat sur le “racisme
systémique” à l’œuvre
aux États-Unis, explique
USA Today.
CHINE
On rouvre!
Trois ans après le premier
confinement de Wuhan, la
Chine rouvre enfin ses frontières
et abandonne sa politique “zéro
Covid”. Depuis le 8 janvier,
c’en est fini des quarantaines
interminables pour les visiteurs
étrangers, mais surtout
les Chinois peuvent eux
aussi à nouveau voyager sans
restrictions à l’intérieur du pays
et hors de ses frontières. Pour
The Economist, “c’est un choc
pour l’économie mondiale”.

↑ Pourquoi ? Dessin de Rivers, → Dessin de Sondron paru

États-Unis. dans L’Avenir, Namur.
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
SYRIE-TURQUIE
Désolation
C’est “le séisme du siècle”, assure
le journal turc Cumhuriyet,
le plus meurtrier dans la région
depuis près de vingt-cinq ans.
Le 6 février, deux violents
tremblements de terre touchent
la zone frontalière entre la
Turquie et la Syrie. La situation
est particulièrement critique
dans le nord-ouest de la Syrie,
dévasté par douze années de
guerre, et où s’étaient réfugiées
des millions de personnes
fuyant le conflit. Le bilan
s’élève à au moins 56000 morts
et plus de 105000 blessés.
↓ Dessin de De Angelis,
Italie.
février 11
UKRAINE
Un an de guerre
L’interminable bataille
pour Bakhmout (“une pure
boucherie”, selon le média
tchèque Voxpot) symbolise
l’enlisement des deux armées
un an après l’invasion russe,
le 24 février 2022. Tout au long
de l’année, elles grignotent
tour à tour quelques villes
et villages de l’Est. Mais
la contre-offensive ukrainienne
n’a pas l’ampleur attendue
au printemps. La guerre
de tranchées et de drones
s’installe.
→ Premier anniversaire.
Dessin de Joep Bertrams
paru dans De Groene
Amsterdammer, Pays-Bas.
ISRAËL ÉTATS-UNIS-CHINE
Contestation Espion ballonné
Une menace pour la démocratie L’apparition d’un “objet volant
israélienne : des dizaines non identifié” dans le ciel de
et bientôt des centaines l’Alaska le 2 février provoque
de milliers d’Israéliens une légère psychose avant
manifestent chaque semaine que le monde ne découvre,
pour dénoncer la réforme stupéfait, qu’il s’agit d’un
judiciaire voulue par Benyamin ballon espion (rapidement
Nétanyahou. Elle prévoit attribué à la Chine).
de brider les prérogatives “Un spectacle hollywoodien”,
de la Cour suprême. sourit le Financial Times, qui
En septembre, la Cour tend un peu plus les relations
a commencé l’examen d’un entre Pékin et Washington.
recours contre le premier volet Un tir de missile le détruira
du projet, adopté en juillet. deux jours plus tard, après
Un examen suspendu depuis une traversée des États-Unis
le 7 octobre. d’ouest en est scrutée par
les médias du monde entier.
↑ Dessin de Ruben Remontés, Américains et
L. Oppenheimer, Pays-Bas. Canadiens repèrent, en moins
de dix jours, trois autres objets
volants qui sont eux aussi
neutralisés.
← Dessin de Schneider,
Suisse.
 12.
mars Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

CHINE
TikTok retoqué
Les États-Unis, le Canada
et l’Union européenne
interdisent à leurs
fonctionnaires d’utiliser
l’application, perçue comme
une menace en Occident.
Washington accuse TikTok
de permettre à Pékin
d’espionner et d’influencer
ses utilisateurs. Et brandit
régulièrement la menace de
bannir l’application
des États-Unis.

← Dessin de Gatis Sluka,

Lettonie.
IRAN-ARABIE
SAOUDITE
CARTOON MOVEMENT

Historique
Après sept ans de rupture, l’Iran
et l’Arabie saoudite rétablissent
leurs relations diplomatiques en
signant un accord historique, le
10 mars, à Pékin. Yémen, Liban,
Syrie, Irak : ce bouleversement
géopolitique pourrait ouvrir la
voie au règlement de plusieurs
dossiers. Et installe la Chine
en “arbitre crédible” du Moyen-
Orient, estime le quotidien
libanais L’Orient-Le Jour.

↑ Dessin de Balaban,
Luxembourg.

CLIMAT
C’est chaud…
Les risques liés au dérèglement
climatique sont plus importants
que ce qui avait été estimé,
concluent les experts du climat
de l’ONU dans leur synthèse
ÉTATS-UNIS publiée le 20 mars, neuf ans
Séisme après la précédente. Pour eux,
la barre des 1,5 °C sera atteinte
judiciaire dès les années 2030-2035.

Pour la première fois de ↖ Dessin de Lauzan, Chili.

l’histoire des États-Unis, un
ancien président est inculpé au
pénal. Et, avec Donald Trump,
c’est plutôt trois fois qu’une : le
30 mars, dans une affaire de
paiement douteux en faveur
d’une actrice de films pornos;
puis en juin, dans l’affaire des
documents classifiés retrouvés
chez lui de Floride; et en août,
pour ses tentatives d’inverser le
résultat de l’élection de 2020.
Mais, candidat à la présidentielle
de 2024, il continue son show.

→ Dessin de Danziger,
États-Unis.
Courrier international
avril

TECHNOLOGIE
IA comme
un problème
Après la fascination, l’angoisse?
Les intelligences artificielles
génératives vont si vite que des
personnalités appellent à un
moratoire sur la recherche. Fin
avril, ils sont plus de 27500 à
l’avoir signé. Au cœur de leurs
inquiétudes : des questions DÉMOGRAPHIE
éthiques, la peur de perdre
le contrôle, d’être remplacés… 1,4286 milliard
Le 19 avril, un rapport
↑ Vous êtes viré! Dessin d’Arcadio de l’ONU a tranché : avec
paru dans La Prensa Libre, 1,4286 milliard d’habitants,
San José (Costa Rica). l’Inde est le pays le plus peuplé
du monde devant la Chine.
Le pays a le vent en poupe
mais des problèmes majeurs
à régler : une pauvreté
endémique, une jeunesse
en mal d’emploi et une
démocratie à la dérive.

↑ Dessin de Chappatte
paru dans Neue Zürcher
Zeitung, Suisse.

TAÏWAN
Simulacre
d’invasion
La présidente taïwanaise, Tsai
Ing-wen, se rend en Californie
le 5 avril, où elle rencontre
le président de la Chambre
des représentants. Le 8 avril,
la Chine riposte et lance trois
jours de manœuvres militaires
simulant une invasion de l’île.
Une opération d’encerclement
qui montre la détermination
de Pékin à anéantir toute
velléité indépendantiste sur
l’île. Mais la Chine “a résisté
à une démonstration de force plus
agressive qui pourrait ternir
l’image de puissance mondiale
bienveillante et responsable qu’elle
cherche à projeter”, analyse
le Wall Street Journal.
SOUDAN
La guerre
des généraux
Le 15 avril, des aff rontements
éclatent, principalement
dans la capitale, Khartoum,
et au Darfour, entre l’armée
et les forces paramilitaires.
Le conflit entre deux
généraux, Abdel Fattah
Al-Burhan, au pouvoir,
et Mohamed Hamdane
Doglo, dit Hemeti, pousse
le pays dans la guerre
civile. En un mois, plus
de 1 800 personnes sont
tuées et plus d’un million
sont contraintes de fuir.
Middle East Eye avertit :
le Soudan pourrait atteindre
“un niveau d’instabilité qu’il
n’a encore jamais connu”.

← Risque de surpêche en mer de ↑ Dessin de Del Rosso,

Chine. Dessin de Bénédicte paru Italie.
dans 24 Heures, Lausanne.
14.
mai Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

CINÉMA
Écran noir
à Hollywood
Le 2 mai, les scénaristes

CARTOON MOVEMENT
américains se mettent
en grève, pour la première
fois depuis quinze ans.
Ils réclament notamment une
meilleure redistribution des
droits d’auteur et s’inquiètent
de l’irruption des intelligences TURQUIE
artificielles. “Le streaming
Vingt ans
CAGLE CARTOONS

a changé la façon dont les films

et les séries télévisées sont
produits et distribués”, rappelle
de pouvoir
Variety. En juillet, les acteurs Plus fort que Mustafa Kemal
rejoignent le mouvement. Atatürk, père fondateur
La grève des scénaristes prend de la Turquie il y a cent ans…
fin en septembre. À 69 ans, Recep Tayyip Erdogan
remporte, le 28 mai, l’élection
↖ “C’est la grève des scénaristes !” présidentielle avec 52,1 % des
Dessin de Bob Englehart, voix. Devenu Premier ministre
États-Unis. en 2003, puis président en 2014,
il est le dirigeant resté le plus
longtemps à la tête du pays.

↑ Dessin de Becs, Argentine.

ROYAUME-UNI
“God save
the king”
À 74 ans, Charles III est
officiellement couronné roi
d’Angleterre, le 6 mai dans
l’abbaye de Westminster,
soixante-dix ans après sa mère,
Élisabeth II. Pour la presse
britannique, ce jour “historique”
annonce le début du renouveau
de la monarchie, avec
une promesse de modernité.
Des milliers de personnes
affluent pour l’événement,
“regardé dans le monde entier
[par plus de 14 millions de
téléspectateurs sur les chaînes de
la BBC]”, selon le Daily Mirror.
CAGLE CARTOONS
MUSIQUE
“Simply
the best”
Elle restera comme
la “reine du rock’n’roll”,
pour le magazine Rolling Stone.
Le 24 mai, Tina Turner
s’éteint à l’âge de 83 ans.
Elle laisse, selon Billboard,
un “héritage qui a influencé
un large éventail de chanteurs,
de Janis Joplin à Beyoncé et
au-delà”. Victime de violences
conjugales, Tina Turner avait
divorcé de son mari Ike pour
entamer une seconde carrière
éclatante en solo en 1984,
avec Private Dancer, l’album
de la résurrection.

← Dessin de Cajas, ↑ Dessin de Jeff Koterba,

Équateur. États-Unis.

TENNIS
Djokovic dans
l’histoire
Le 11 juin, le Serbe s’impose
facilement en trois sets face
au Norvégien Casper Ruud
CARTOON MOVEMENT
en finale du tournoi de Roland-
Garros. C’est sa 23e victoire en
Grand Chelem. Novak Djokovic
devient ainsi le joueur le plus
titré du tennis mondial.
“Djokovic a rabattu le caquet
à ses détracteurs et démontré qu’il
est un champion-né”, s’extasie
le quotidien serbe Blic.
↖ Dessin de Petar
Pismestrovic, Autriche.
ITALIE
Le Cavaliere
à terre
Figure centrale de la politique
italienne des trente dernières
années, l’ancien Premier
ministre, homme d’affaires
et ex-président du club
de football du Milan AC
disparaît le 12 juin à 86 ans.
“Une ère de l’histoire italienne
se termine”, écrit La Repubblica.
“Il y a eu un avant et il y aura
un après Berlusconi. Dans
la société, dans ses goûts,
dans ses mœurs, dans ses
orientations”, abonde Il Foglio.
↖ Dessin de Bénédicte paru
dans 24 Heures, Lausanne.
juin 15
MIGRANTS
Le cimetière de
la Méditerranée
C’est l’un des pires naufrages
en Méditerranée de ces
dernières années. Le 14 juin,
un bateau de pêche parti du
port libyen de Tobrouk coule
en mer Ionienne avec des
centaines de migrants à bord.
La presse grecque est sous
le choc. “L’Europe-forteresse
tue”, résume le quotidien
de gauche I Avgi. Plus
de 25 000 personnes sont
mortes ou ont disparu
en Méditerranée depuis 2014,
rappelle The Guardian.
← Dessin de Kountouris paru
dans Efimerida Ton Syntakton,
Athènes.
FRANCE
Nahel, la mort
de trop
La mort de Nahel, 17 ans,
tué par le tir d’un policier
lors d’un contrôle routier
à Nanterre le 27 juin, relance
le débat sur les violences
policières. Une vidéo publiée
sur les réseaux sociaux
contredit la version des forces
de l’ordre et provoque un
déchaînement de violences
urbaines à Nanterre et dans
de nombreuses villes françaises.
↓ Dessin de Hajo, Liban.
juillet
BANLIEUES
Les racines
de la colère
Après la mort de Nahel, des
émeutes d’une rare violence
embrasent de nombreuses
villes françaises début juillet.
Rien n’a changé depuis 2005
et la révolte des banlieues, écrit
le correspondant à Paris de
La Stampa, qui constate que
le fossé s’est encore creusé
entre les villes et leurs
périphéries et que dans cette
autre France la colère est
montée d’un cran.

← Dessin d’André Carrilho,

Portugal, pour Courrier
international.

AFRIQUE
Coups d’État :
l’épidémie
Le président nigérien,
Mohamed Bazoum, au pouvoir
depuis 2021 et dernier allié
des Occidentaux dans le Sahel,
est renversé le 26 juillet par
des putschistes menés
par le colonel-major Amadou
Abdramane. Très vite, des
manifestations antifrançaises
éclatent. Le 24 septembre,
Emmanuel Macron annonce
le retrait des militaires
français sur place. Un échec
cuisant pour la France dans
CLIMAT son ancien pré carré, analyse
Surchauffe la Süddeutsche Zeitung.

On est entré dans l’“ère de ↙ Démocratie. Dessin

l’ébullition mondiale” : António de Simon Regis, Tanzanie.
Guterres, secrétaire général
de l’ONU, n’a pas mâché ses
mots le 27 juillet. Des mots
repris en une du Toronto Star.
Des États-Unis à la Chine,
les vagues de chaleur étouffent
la planète. Inondations,
incendies, canicules…
“Le changement climatique
n’est plus une menace réelle
mais lointaine, mais une réalité
précise et tangible”, écrit
le journal canadien.

← Dessin de Bado paru

dans Le Droit, Ottawa.
CARTOON MOVEMENT
 août 17

RUSSIE
Prigojine, ESPACE
crash de fin L’Inde décroche
Il avait osé défier Vladimir
Poutine avec une tentative
la Lune
de rébellion vite avortée En parvenant à poser
en juin. Deux mois après, la sonde Chandrayaan-3
jour pour jour, le 23 août, dans une zone encore
un jet privé se crashe inconnue du sol lunaire
au nord-ouest de Moscou, le 23 août, l’Inde réussit
en Russie, dans des conditions un véritable exploit et intègre
encore non élucidées. le cercle très fermé des
Le chef de la milice Wagner puissances spatiales. “Delhi
figure sur la liste des devrait profiter de cet avantage
passagers. Le Kremlin pour se rendre dans d’autres
nie toute responsabilité endroits du Système solaire”,
dans l’accident. se réjouit The Hindu.

↗ Dessin de Chappatte, ↓ Dessin de Curry,

paru dans Le Temps, États-Unis.
Genève.

GABON
Fin de règne
Après le Niger, le Gabon
connaît à son tour un coup
d’État. Le 30 août, des
militaires destituent le
président sortant Ali Bongo,
mettant fin à la mainmise
de ce clan familial sur le pays
depuis un demi-siècle.
Difficile, dans ces conditions,

CARTOON MOVEMENT
de “compatir à la chute
de ce régime”, avance le site
d’information guinéen Le Djely.

↖ Dessin de Ramsès,
Cuba.

GÉOPOLITIQUE
Le Sud global
plus fort
Réuni en Afrique du Sud,
le groupe des Brics (Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique
du Sud) décide d’“étendre
son influence”, explique
Bloomberg, en intégrant
six pays, dont quatre
du Moyen-Orient. Les Brics
espèrent ainsi rivaliser
avec le G7 et proposer
des alternatives économiques
et politiques à un ordre
mondial encore largement
dominé par l’Occident.

→ “Nous sommes contre

les Occidentaux !” “Nous ?”
Dessin d’Oliver paru dans
Der Standard, Vienne.
18.
septembre
HAUT-KARABAKH
La chute
Après des décennies de guerre
et de tensions avec l’Arménie,
l’Azerbaïdjan reconquiert
l’enclave séparatiste
du jour au lendemain, forçant
la population arménienne locale
à plier bagage dans
la précipitation. Un tournant
que personne n’avait anticipé,

CAGLE CARTOONS
raconte The New York Times. En
un peu plus d’une semaine, plus
de 100000 Arméniens, soit la
quasi-totalité de ses habitants,
auraient fui le Haut-Karabakh.

↖ Dessin de Ramsés, Cuba.

MAGHREB AUTOMOBILE
Catastrophes Sortie de route
en série Pour la première fois en quatre-
vingt-huit ans d’existence,
À quelques jours d’intervalle, le puissant syndicat des
le Maroc et la Libye sont travailleurs de l’automobile
frappés par des catastrophes américain déclenche,
naturelles majeures. le 15 septembre, une grève
Le 8 septembre, au Maroc, simultanée chez les Big Three :
un séisme, le plus puissant General Motors, Ford
de l’histoire moderne dans et Stellantis (Chrysler). En
le pays, fait 2900 morts, dont campagne pour sa réélection,
la majorité dans les provinces Joe Biden vient les soutenir sur
d’Al-Haouz et de Taroudant. un piquet de grève dans l’État
En Libye, après le passage clé du Michigan. La grève
de la tempête Daniel, s’achève à la fin d’octobre avec
le 10 septembre, qui a provoqué une victoire historique des
l’effondrement de deux syndicats, qui ont obtenu une
barrages, des inondations hausse des salaires d’environ
dévastent la ville de Derna. 25 % d’ici à 2028.
Plus de 11000 personnes
auraient péri dans la ↑ Dessin de Bill Day,
catastrophe selon l’ONU, États-Unis.
peut-être bien plus en réalité.

↗ Dessin de Tjeerd Royaards,

Pays-Bas.

IRAN
Un an après
Le 16 septembre 2022, la mort
de Mahsa Amini, battue par
la police des mœurs, avait
provoqué des manifestations
sans précédent contre
le pouvoir. Un an après,
le régime durcit la répression
pour éviter une nouvelle vague
contestataire. Malgré tout,
le 16 septembre 2023, des
manifestations et des grèves
ont lieu dans plusieurs villes
du pays, dont Téhéran,
où des slogans tels que “Mort
au dictateur” et “Femme, vie,
liberté” sont scandés.

← Dessin de Heidari, Iran.

Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
octobre 19

ISRAËL
L’état de choc
Le 7 octobre, par terre, air
et mer, le Hamas lance une
attaque sans précédent contre
Israël. À 6 heures du matin,
plusieurs brèches sont
ouvertes dans la clôture
ultrasécurisée qui entoure
Gaza. Pendant des heures
interminables, plus
de 3 000 hommes (selon
des sources citées par
The Guardian) vont semer
la terreur sur les lieux d’une
rave party et dans les localités,
kibboutz et bases militaires
proches de la bande de Gaza.
Bilan : au moins 1 200 morts
et plus de 240 personnes
prises en otage. Le monde
entier est sous le choc.
Le 11 octobre, Benyamin
Nétanyahou promet
d’éradiquer le mouvement
islamiste lors de sa première
allocution officielle depuis
les attaques.

NEWS LICENSING
↗ État d’insécurité.
Dessin de Peter Brooks paru
dans The Times, Londres.

POLOGNE
Renversant!
Une participation record
et le réveil de la jeunesse
polonaise : après huit ans
RUGBY au pouvoir, les nationaux-
Le blues conservateurs de Droit
et Justice (PiS) s’inclinent
des Bleus lors des législatives face
à la coalition emmenée par
Ce devait être leur Coupe Donald Tusk. “C’est une victoire
du monde. C’est raté. historique pour l’opposition
Le 15 octobre, le XV de France démocratique”, applaudit
s’incline d’un petit point l’hebdomadaire Polityka.
(28-29) face aux Springboks
en quarts de finale, le cœur ↓ Dessin de Marian Kamensky,
brisé “en un million Autriche.
de morceaux”, se désole
le site australien Roar. Deux
semaines plus tard, l’Afrique
du Sud conserve son titre.
D’un petit point encore.

↖ “Photo-finish” sur la ligne :

demi-finales “Afrique
du Sud : 29-France : 28”.
Dessin de Rico paru dans
CARTOON MOVEMENT

The Daily Maverick, Le Cap.

20.
novembre Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

ARGENTINE ESPAGNE
À droite toute Amnistie
Le candidat ultralibéral Javier
Milei remporte très largement
en question
la présidentielle en Argentine. Après presque quatre mois
Le virage le plus radical de blocage institutionnel,
en quarante ans le Premier ministre socialiste
de démocratie, commente espagnol Pedro Sánchez
la presse étrangère. est reconduit dans ses
Une “défaite sans précédent fonctions. Mais sa tâche
pour le péronisme et un saut s’annonce rude dans
dans l’inconnu” pour un pays divisé par sa
l’Argentine, estime El País. décision de concéder
une loi d’amnistie
← Dessin d’Alex paru aux indépendantistes
dans La Liberté, Fribourg. catalans. À l’appel
du Parti populaire
(PP, droite), des
centaines de milliers
de personnes
PORTUGAL descendent dans
La fin d’un la rue pour dire
non à cette
modèle mesure, rejetée
par une majorité
L’annonce de la démission d’Espagnols.
du Premier ministre portugais,
cible d’une enquête pour ↖ Dessin
corruption, provoque un choc de Balaban,
au Portugal. Au pouvoir depuis Luxembourg.
2015, António Costa avait

CARTOON MOVEMENT
largement remporté la majorité
absolue au Parlement l’an
dernier avec le Parti socialiste.
Une aubaine pour le parti
populiste Chega, à l’approche
des législatives anticipées
prévues en mars prochain.

↗ Enquête pour corruption

concernant la concession des mines
de lithium. “Je suis tout à fait
disposé à coopérer...” Dessin GAZA
de Paresh Nath, Inde.
Qui pour
arrêter Israël?
Le 9 octobre, le gouvernement
de Benyamin Nétanyahou
impose un blocus total
à la bande de Gaza et appelle
à l’évacuation de plus
de 1 million de civils du nord
du territoire palestinien.
Après avoir intensifié ses
bombardements sur l’enclave,
l’armée israélienne entre
dans la bande de Gaza. L’ONU
dénonce une catastrophe
humanitaire. Selon le Hamas,
plus de 15 000 Palestiniens
auraient été tués, dont
de très nombreux enfants.

← “Nous autoriserons
CAGLE CARTOONS

l’évacuation des civils...”

“Pour où ?” Dessin
de Dave Granlund, États-Unis.
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
décembre 21

COP28
Garder espoir
Contenir le réchauffement
de la planète et en finir avec
les énergies fossiles : la feuille
de route de la 28e conférence
des parties sur le climat
(COP28), qui s’est terminée
à la mi-décembre, ressemblait
furieusement à celle de
la COP27, de la COP26…
Mais il ne faut pas désespérer :
même si elle s’est tenue
à Dubaï, le temple du pétrole,
même si son président s’est
fait rattraper par des propos
climatosceptiques, “je ne vois
pas d’autre enceinte aussi
influente que celle-ci pour faire
progresser la justice climatique”,
note dans Grist Harjeet Singh,
de Climate Action Network.

↗ Dessin de Vincent L’Épée,

Suisse.

VENEZUELA
“Complicado”,
l’Essequibo
Oui à 95,93 %, c’est le résultat
officiel du référendum
convoqué par le président
vénézuélien, Nicolás Maduro,
le 3 décembre, pour approuver
la création d’un nouveau
département, la Guayana
Esequiba. Problème :
ce territoire appartient
à son voisin, le Guyana.
La découverte de
gigantesques gisements
de pétrole en 2015 au large
de l’Essequibo (son nom
guyanien) a relancé une
guerre des frontières qui
GAZA dure depuis près de cent
Rester en vie cinquante ans. Maduro
a ouvert “une voie
Après une trêve de sept jours à très haut risque pour
qui a permis la libération le Venezuela”, estime
de 105 otages du Hamas et celle El País América.
de 240 Palestiniens prisonniers
en Israël, Tsahal a repris ↗ Dessin de Becs,
ses opérations le 1er décembre. Argentine.
Le sud de la bande de Gaza est
CARTOON MOVEMENT

massivement bombardé, zone

où l’armée israélienne
avait demandé aux habitants
de se réfugier. “Rester en vie”,
raconte The New York Times,
est un combat de chaque jour.

↑ Dessin de Tom paru dans

Trouw, Amsterdam.
34. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
↙ À Strasbourg,
en janvier 2021.

france Photo Abdesslam Mirdass/

Hans Lucas

—El Confidencial, extraits

(Madrid)

E n 2013, Strasbourg a été

l’une des premières villes
européennes à promou-
voir le télétravail en permettant
aux employés de ses organismes
publics de travailler de chez eux
dans le cadre d’une expérience
pilote. Cette mesure a été généra-
lisée en 2018. Depuis, Strasbourg
est devenue l’une des villes pion-
nières dans le domaine des poli-
tiques relatives à l’utilisation du
temps et un exemple pour les
autres, d’abord sous le mandat du
socialiste Roland Ries et désor-
mais sous celui de l’écologiste
Jeanne Barseghian.

Environ 40 %
des déplacements
des Strasbourgeois
se font à pied.
“Comme partout dans le monde,
nous avons dû improviser lorsque
la pandémie a frappé”, a expliqué
Julien Defer, collaborateur de
cabinet à la Ville et l’Eurométro-
pole de Strasbourg depuis sep-

Urbanisme. Strasbourg,
tembre 2020, lors de sa visite à
la Time Use Week [“Semaine également innover en mettant
sur l’utilisation du temps”] à en place un congé menstruel.
Barcelone en octobre dernier. Il y a quelques années, Karima

la cité du temps retrouvé

Avec ses presque 1,3 million d’ha-
bitants, l’aire d’attraction de
Strasbourg [en comptant les par-
ties française et allemande] est
l’une des plus grandes métro-
poles de France. Elle est pri-
vilégiée par rapport à d’autres,
mais ses élus ont trouvé que ce
n’était pas suffisant.
La ville a donc décidé de
mettre en œuvre un ensemble
de mesures pour garantir le droit
des habitants au temps libre.
Pour y parvenir, elle a misé sur
des investissements publics et
surtout sur un changement de
mentalité. En 2024, elle sera à
la fois capitale européenne des
politiques du temps et capitale
mondiale du livre, et accueillera
deux événements autour des
Jeux olympiques de Paris 2024.
Les élus strasbourgeois veulent
faire participer les quartiers en
décentralisant les activités cultu-
relles. L’un de leurs objectifs est
que d’ici à 2030 tous les habi-
tants puissent accéder à tout
ce dont ils ont besoin (du tra-
vail aux loisirs en passant par
la santé) en marchant. Environ
Delli, présidente de la commis-
sion des transports et du tou-
risme, avait qualifié Strasbourg
de “modèle pour toute l’Europe
en matière de mobilité urbaine”.
La métropole alsacienne cherche à favoriser un plus grand équilibre Pour faciliter les déplacements
entre la vie privée et la vie professionnelle de ses habitants. Pionnière des habitants, la ville a investi
dans le domaine, la ville fait preuve d’inventivité pour se réapproprier dans des lignes de tramway et
des bus plus rapides et plus fré-
l’espace et le temps. Un modèle qui pourrait être généralisé. quents sur certaines lignes, ce
qui réduira les temps d’attente.
Depuis septembre 2021, les trans-
ports publics sont gratuits pour
les moins de 18 ans, et 100 mil-
40 % des déplacements des de travail de quatre jours. Cette de huit heures et quarante-cinq lions d’euros ont été débloqués
Strasbourgeois se font déjà à décision a été prise en pensant minutes au lieu de cinq jour- pour améliorer le réseau de pistes
pied à l’heure actuelle. Dans aux salariés pour qui elle serait nées de sept heures. “Nous cyclables. Selon la municipalité,
ce but, dix rues desservant des bienvenue, comme ceux qui ont allons également expérimenter environ 10$000 déplacements à
écoles seront rendues piétonnes des enfants, afin qu’ils n’aient la semaine de 32 heures avec cer- vélo sont réalisés chaque jour
chaque année. D’autres petits pas à se rendre au travail tous tains salariés, en particulier avec entre le centre-ville et les quar-
changements seront apportés, les jours. L’idée est de répartir les femmes qui aident les ensei- tiers résidentiels du Sud. Parmi
comme l’allongement du feu vert la durée légale du travail heb- gnants de maternelle”, a déclaré les projets pour les années à
pour les piétons et les cyclistes, domadaire (qui est de 35 heures la mairie. Les postes d’Atsem venir figure la création d’une
ou des informations aux arrêts en France) sur quatre journées [agents territoriaux spécialisés piste cyclable permettant de
de bus sur le temps nécessaire des écoles maternelles], comme contourner le centre-ville, afin
pour rejoindre à pied les destina- “Nous allons tester on les appelle, sont très difficiles de réduire les conflits entre pié-
tions les plus courantes. L’espace, la semaine à pourvoir, et les élus espèrent tons et cyclistes.
c’est du temps. que cette mesure facilitera les L’analyse réalisée, explique
Parmi les mesures que la cité de 32 heures avec recrutements et permettra d’at- Julien Defer, a montré que les
rhénane mettra en application à certains salariés.” teindre l’objectif d’une Atsem services publics et les commerces
partir de janvier figure la semaine LA MAIRIE par classe. L’Eurométropole va de base manquaient cruellement
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
dans certains quartiers, obli-
geant leurs habitants à se rendre
dans le centre-ville. Cela leur
faisait perdre du temps et pri-
vait leur quartier de retombées
économiques.
Les élus ont donc décidé de
fonder le projet de l’Eurométro-
pole sur le principe de Mahomet
et la montagne : investir davan-
tage dans les transports publics
pour rendre le centre accessible,
bien sûr, mais aussi décentrali-
Les élus veulent
faire participer
les quartiers en
décentralisant les
activités culturelles.
ser certains services. “En colla-
boration avec l’État, précise Julien
Defer, nous avons commencé à
renforcer la présence des services
publics dans les quartiers.”
Afin d’améliorer la convivia-
lité, des bancs ont été installés.
“Nous avons donné la priorité aux
rues où il n’y en avait pas, pour-
suit Julien Defer. Les personnes
âgées ou en situation de handicap
n’avaient aucun endroit où s’asseoir
pour se reposer.” Même un banc
peut contribuer à une politique
temporelle en transformant un
élément de mobilier urbain en un
appel à traverser la rue.
L’Eurométropole va également
lancer en 2024 une enquête sur
la façon dont ses habitants uti-
lisent leur temps. “Nous voulons
savoir s’ils le consacrent à la lec-
ture, au sport ou à faire des choses
pour eux, indique Julien Defer,
et si cela change dans les familles
plus pauvres, ou selon le nombre
d’enfants à charge, ou s’ils doivent
s’occuper d’un proche handicapé
ou âgé. Ce que nous cherchons à
déterminer, c’est s’ils ont besoin de
subventions pour ces activités ou
ne pas trop s’éloigner de chez eux.”
La mairie a déjà mis en place
une charte de bonnes pratiques
pour perdre le moins de temps
possible dans les réunions, par
exemple en réduisant leur durée
au strict nécessaire, en encou-
rageant les intervenants à aller
droit au but et en privilégiant
les visioconférences. Le but est
de mieux concilier vie profes-
sionnelle et vie privée et ne pas
allonger les journées de travail.
Ces mesures pourraient-elles
être mises en œuvre de la même
manière dans d’autres villes ?
À la fois oui et non, répond
Julien Defer. Non, parce qu’un
grand nombre de ces mesures
répondent aux spécificités de
Strasbourg, comme la forme
et la longueur de ses rues ou la
façon dont ses quartiers ont été
construits. Les rues du centre
de Barcelone, par exemple, sont
beaucoup plus larges que celles
de Strasbourg, ce qui rendrait
leur piétonnisation plus diffi-
cile mais permettrait l’élargis-
sement des pistes cyclables ou
l’installation de bancs. En tout
cas, des rendez-vous tels que la
Time Use Week permettent de
faire connaître les initiatives qui
fonctionnent dans les villes d’Eu-
rope et d’Amérique latine ainsi
que leurs résultats sans avoir à
mener soi-même l’expérience.
C’est le cas notamment pour la
réduction du temps de travail,
conclut Julien Defer.
—Héctor García Barnés,
publié le 26 octobre
SOURCE
EL CONFIDENCIAL
Madrid, Espagne
elconfidencial.com
Fondé en 2001, ce site
madrilène se définit comme
“le journal [numérique]
qui s’adresse à ceux qui ont de
l’influence”. À l’époque, il ciblait
surtout le monde de l’économie
et de la finance, mais il est
devenu plus généraliste pour
élargir son audience. Il se situe
aujourd’hui au centre droit. Il
a des rédactions décentralisées,
notamment en Catalogne
et au Pays basque.
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TRANSPORTS
C’est plié pour le ticket
de métro parisien
Il va falloir s’y faire : l’emblématique titre
de transport en carton, ce “joli petit bien
culturel”, est sacrifié sur l’autel de la modernité,
se désole un journaliste outre-Rhin.
—Süddeutsche Zeitung
(Munich)
C
’est le moment de donner
dans la nostalgie antici-
pée. Le ticket de métro
parisien rectangulaire dispa-
raît. Par étapes, mais définitive-
ment. Il souffle comme un vent
de promesse perdue.
La Régie autonome des trans-
ports parisiens (RATP) vient d’ar-
rêter, cet automne, la vente du
mythique carnet de 10*. C’est ainsi
que s’appelait ce petit carnet de
dix tickets qui était très appré-
cié des visiteurs, français comme
étrangers. On venait à Paris, on
en achetait un, au guichet ou au
distributeur dans une station de
métro, et on était paré : on plon-
geait, on nageait avec le flux de
la ville, porté par la merveilleuse
activité souterraine de celle-ci.
Et quand on rentrait à la maison
après son séjour, on avait en géné-
ral encore quelques tickets, un
petit capital. Dans le meilleur
des cas, ils garantissaient qu’on
allait revenir, sinon ils consti-
tuaient au moins un souvenir.
On va encore pouvoir acheter
des tickets à l’unité pendant un
moment, moyennant 2,10 euros
la pièce, mais ils disparaîtront
complètement peu après les Jeux
olympiques. La suppression du
carnet* est “le début de la fin”,
écrit un journal, et si ces termes
semblent dramatiques, c’était bien
le but. Le ticket de métro pari-
sien est un joli petit bien culturel.
Mais voilà, la RATP considère
que le papier n’est plus dans l’air
du temps puisqu’on peut avoir ses
tickets sur son téléphone portable
ou sur une carte à puce, le passe
Navigo. Tout ça sans contact. Et
c’est probablement vrai, cette
histoire d’air du temps. La RATP
Contact et devis sur mesure : institutions@courrierinternational.com
FRANCE. 35
↙ Dessin de Falco,
Cuba.
imprimait plus de 500 000 tic-
kets par an, ça fait un beau tas de
carton. Sur dix tickets* – que les
Parisiens prononcent en adoucis-
sant le ck et en supprimant le t –,
il s’en démagnétise en moyenne
au moins un, parce qu’il est entré
en contact avec des pièces de
monnaie ou des clés.
Et pourtant, rien que de l’avoir
dans la main, le ticket de métro
parisien : exactement la bonne
taille (6,5 centimètres sur 3) ;
exactement la bonne fermeté
pour qu’il ne se déchire pas dans
la poche – il faut juste le tenir à
l’écart des pièces de monnaie et
des clés.
Poinçonneurs. Quand le métro
est entré en activité, en 1900, il
y avait des tickets de deux cou-
leurs, parce qu’il y avait aussi
deux classes : rose pour la pre-
mière classe, et beige pour la
seconde. Avant l’automatisation
des contrôles, il y avait à l’entrée
des quais des poinçonneuses* et
poinçonneurs* qui poinçonnaient
les tickets. Ils étaient en général
de très mauvaise humeur, paraît-
il. Serge Gainsbourg leur a consa-
cré une chanson, Le Poinçonneur
des Lilas, qui a été son premier
succès et l’a fait connaître. Avec
les portillons et les systèmes
de validation, les tickets sont
devenus plus petits, et la fraude
plus acrobatique.
Le ticket a souvent changé de
couleur. À un moment, il a été
jaune avec une piste magnétique
marron. Le plus beau, c’était le
vert jade, qui est apparu en 1992.
On y voyait le cours de la Seine au
recto et, si on le tenait verticale-
ment, le fleuve se transformait en
profil de femme. La dernière ver-
sion du ticket de métro parisien,
celle qui est vouée à disparaître,
est tout simplement blanche,
sans grand intérêt. Comme si
on avait voulu faciliter les adieux
aux mélancoliques.
—Oliver Meiler,
publié le 22 septembre
* En français dans le texte.
36. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

↙ Denis Mukwege. Dessin

afrique de Glez, Burkina Faso,

pour Courrier international.

RDC. Le “docteur dévasté. Trois ans plus tard, il crée

l’hôpital et la fondation de Panzi à
Bukavu, où il vit sous la protection

miracle” qui
de soldats de la Mission de l’Orga-
nisation des Nations unies pour la
stabilisation en République démo-

veut soigner
cratique du Congo (Monusco).
Cet établissement de
soins est aussi un lieu de

son pays
reconstruction physique et
psychologique pour permettre
aux femmes d’accoucher conve-
nablement. Le centre devient rapi-
dement un lieu de refuge et une
Denis Mukwege sera bien candidat à l’élection clinique de chirurgie réparatrice
présidentielle du 20 décembre. Surnommé pour les femmes à mesure que le
Kivu sombre dans la deuxième
l’“homme qui répare les femmes”, le gynécologue guerre (1998-2003) et ses viols
entend rétablir la souveraineté intérieure de la RDC. de masse. À l’étranger, il reçoit
de nombreuses distinctions.
Aujourd’hui, à 68 ans
et après plus de vingt
ans d’engagement militant sans
—Tama Media, extraits tranchés et ses prises de position classe politique congolaise dans et à la mauvaise gouvernance. Le relâche et de don de soi, sur qui
(Dakar) sans équivoque prononcés dans les une autre allocution tout aussi corps des femmes est devenu un pourra compter le “docteur

J
provinces du Kivu ou à l’étranger. bouleversante au Parlement véritable champ de bataille, et le miracle” dans son projet politique%?
’accepte d’être votre can- Il y a cinq ans, lorsque le monde européen, qui lui a décerné, en viol est utilisé comme une arme de
didat à la présidence de l’auréole du prix Nobel de la paix, octobre 2014, le prix Sakharov guerre”, a-t-il dit, à Strasbourg, le Appuis politiques. Sur la ligne
la République démocra- les jurés de la prestigieuse récom- pour son action en faveur des 26 novembre 2014, devant les par- de départ, le docteur Mukwege se
tique du Congo.” Le 2 octobre à pense faisaient aussi résonner droits humains. “La région où je lementaires européens. retrouve notamment face à Félix
Kinshasa, deux mois avant l’ou- une voix parmi les plus critiques vis est l’une des plus riches de la pla- “Docteur miracle”, comme le Tshisekedi, candidat à sa propre
verture de la campagne électo- envers le régime du président nète. Pourtant, l’écrasante majo- surnomment affectueusement succession lors du scrutin géné-
rale, le docteur Denis Mukwege d’alors, Joseph Kabila. rité de ses habitants vit dans une ces femmes, a réparé plus de ral prévu le 20 décembre.
annonce officiellement sa candi- “Dans la nuit tragique du extrême pauvreté liée à l’insécurité 50%000 corps mutilés dans l’hô- Outre son parcours militant et sa
dature à la magistrature suprême. 6 octobre 1996, des rebelles ont atta- pital de Panzi, un établissement stature internationale, l’“homme
Prix Nobel de la paix en 2018 pour qué notre hôpital de Lemera, dans le médical et une fondation situés qui répare les femmes” s’est appuyé
son combat contre les violences Sud-Kivu. Plus de trente personnes à Bukavu. sur deux structures pour mener
sexuelles contre les femmes dans ont été tuées. Les patients ont été 40 millions Son combat pour la défense et campagne : la première issue de
l’est de la République démocra- massacrés sur leur lit à bout por- de Congolais la protection des femmes ainsi la société civile, l’Appel patrio-
tique du Congo (RDC), en proie tant. Incapable de fuir, le personnel que des enfants le met en danger tique, et la seconde plus politique,
à des conflits meurtriers, il fait a été tué de sang-froid. Je n’aurais appelés aux urnes à plusieurs reprises. En 2012, il l’Alliance des Congolais pour la
son entrée dans l’arène politique jamais pu imaginer que ce n’était est la cible d’une nouvelle tenta- refondation de la nation (ACRN).
après plus de vingt ans d’enga- que le début. Contraints de quit- ●●● Le 20 décembre tive d’assassinat à son domicile, Le 30 juin, jour anniversaire de
gement militant. ter Lemera en 1999, nous avons se tiendront des élections quelques semaines après avoir l’indépendance du pays, il esti-
Celui que l’on sur- créé l’hôpital de Panzi à générales qui vont renouveler fustigé, à la tribune des Nations mait que, soixante-trois ans plus
nomme l’“homme qui Bukavu, où je travaille le personnel politique unies, les crimes de guerre en tard, la RDC n’était “toujours pas
répare les femmes” encore aujourd’hui en tant congolais avec un triple cours dans son pays et demandé un État réellement souverain” et
a détaillé son pro- que gynécologue-obstétri- scrutin : législatif, provincial que les milices en cause soient appelait dès lors à une “révolu-
gramme, axé sur douze cien. Le premier patient et surtout présidentiel. Élu traduites devant la justice. tion démocratique”.—
piliers, pour convaincre PORTRAIT admis était une victime à la fin de 2018, le président Fils d’un pasteur pentecôtiste, Publié le 26 novembre
ses compatriotes de lui de viol qui avait reçu une Félix Tshisekedi brigue né le 1er mars 1955 dans ce qui
confier les rênes d’un pays de balle dans les parties génitales”, a un second quinquennat. est alors le Congo belge, Denis
2,3 millions de kilomètres carrés un jour raconté Denis Mukwege. Si à la fin d’octobre, rapporte Mukwege a fait ses études de
au cœur de l’Afrique. Lorsqu’il décrit ces horreurs, la BBC, 26 candidats médecine au Burundi voisin. En SOURCE
Dans son allocution, Denis il nomme aussi ceux qui en sont remplissaient, selon la Cour rentrant au pays, il exerce à l’hôpi-
Mukwege promet de “soigner selon lui les responsables : “Ce constitutionnelle, les tal de Lemera, au sud du chef-lieu TAMA MEDIA
son pays” comme il l’a fait avec qui s’est passé à Kavumu et ce qui conditions pour se présenter, du Sud-Kivu, où il découvre les dif- Dakar, Sénégal
les femmes victimes de crimes de se passe encore dans de nombreux plusieurs désistements ont ficultés des femmes, qui, faute de tamamedia.com
guerre. C’est cette bataille contre autres endroits de la RDC, comme eu lieu depuis. Félix Tshisekedi soins appropriés, souffrent régu- Tama Media se présente comme
les violences sexuelles, subies par les viols et les massacres à Béni et aura pour principaux lièrement de complications lors “un collectif de journalistes
des milliers de femmes et d’en- au Kasaï, a été rendu possible par adversaires Martin Fayulu, de leurs accouchements. africains qui propose
fants en RDC, qui va le hisser sur l’absence d’état de droit, l’effondre- candidat malheureux Après une spécialisation en une nouvelle offre de presse
la scène internationale et confor- ment des valeurs traditionnelles et à la présidentielle de 2018, gynécologie-obstétrique à Angers, en ligne pour permettre aux
ter la renommée qui est la sienne le règne de l’impunité, notamment le riche homme d’affaires dans le centre-ouest de la France, opinions publiques africaines
aujourd’hui. pour les personnes au pouvoir.” Moïse Katumbi, ancien il retourne à Lemera en 1989 d’avoir accès à des informations
En réalité, il a toujours eu un Bien avant ce discours aussi gouverneur du Katanga pour diriger le service gynécolo- et des analyses de qualité”.
pied en politique. Il suffit pour s’en puissant qu’émouvant, Denis (Sud-Est), et le docteur gique. Lorsque la première guerre Résolument panafricain, le site
convaincre d’écouter ses discours Mukwege avait déjà dénoncé la Denis Mukwege. éclate, en 1996, l’établissement est propose des articles de qualité.
54. Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024

à la une

Habiter
LE MONDE
Par choix ou par nécessité, de plus en plus de
personnes décident de vivre différemment et
réinventent la notion de collectif. Partout dans
le monde, des architectes, des urbanistes et

AUTREMENT
des citoyens tentent d’inventer de nouveaux modèles,
plus durables pour les humains et moins nocifs pour
IKON IMAGES

la planète. Tour d’horizon avec la presse étrangère.

Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
Bienvenue À EKHENANA,
UN PHALANSTÈRE CLIMATIQUE
Près de Durban, la communauté d’eKhenana rassemble des citoyens
engagés dans un mode de vie durable, avec la démocratie populaire
et égalitaire comme contrat social et politique.
—African Arguments, extraits (Londres)
L
imiter le réchauffement climatique à 1,5 °C
nécessitera d’immenses efforts et transfor-
mations à l’échelle mondiale. Comme l’ont
clairement expliqué les climatologues, les
émissions de gaz à effet de serre doivent
être divisées par deux d’ici à 2030, des bud-
gets à hauteur de milliers de milliards devront
financer de complexes transitions énergétiques,
et quasiment tous les secteurs de l’économie
devront trouver les moyens de réduire leur bilan
environnemental.
S’ils sont moins souvent cités dans les débats
publics sur le climat, nos modes de vie devront
aussi changer. Les logements et autres bâtiments
devront être moins énergivores. Les déplace-
ments devront être repensés pour donner prio-
SOURCE
rité à la circulation à pied, à vélo et en transports
AFRICAN collectifs. Et les systèmes alimentaires devront
ARGUMENTS être radicalement transformés, aussi bien pour
Londres, Royaume-Uni ce qui est des pratiques agricoles que des pro-
africanarguments.org duits que nous consommons. Un monde où près
Cette revue en ligne de 10 milliards de personnes vivent dignement,
est consacrée tout en respectant le budget carbone planétaire,
à l’analyse des enjeux sera forcément très différent du monde actuel.
de l’Afrique
contemporaine. Sobriété. Mais pour les habitants de la com-
Lancée en 2007 munauté d’eKhenana, le futur est déjà là. Là-bas,
et éditée par la Royal à Durban, sur la côte est de l’Afrique du Sud, la
African Society, une sobriété des modes de vie, la vie en commun
fondation britannique dans des villages urbains et l’agriculture auto-
qui promeut le suffisante à petite échelle ne sont pas des uto-
continent, elle est pies, mais la réalité du quotidien.
l’une des plateformes eKhenana a vu le jour en 2018, lorsqu’un
de débat sur groupe a décidé d’occuper des terrains muni-
l’Afrique les plus cipaux abandonnés à Durban. Ces personnes
bouillonnantes. ont commencé à y construire des habitations en
tôle et ont ensuite ajouté des écoles, des maga-
sins et des espaces collectifs. La communauté
fait partie d’Abahlali baseMjondolo (AbM) [“les
gens qui restent dans des cabanes”, en zoulou],
un mouvement social sud-africain qui lutte
pour la terre, le logement et la dignité humaine.
Actuellement, 109 familles vivent à eKhenana,
et la communauté est un modèle d’autonomie
démocratique, populaire et écologique. La com-
munauté a un accès fiable à l’énergie solaire, ce
qui permet de faire bouillir de l’eau, de charger
← Dessin de Thomas les téléphones et d’avoir un éclairage.
Kuhlenbeck, Grâce à leur potager et à leurs coopératives
Allemagne. agricoles, qui visent à assurer leur souveraineté
alimentaire, les habitants se nourrissent de
produits frais locaux, bon marché et nutritifs.
“On ne s’ennuie jamais à eKhenana”, résume
Thozama Mazwi, qui s’occupe des 60 poules
de la communauté.
Selon Christy Bragg, chercheuse sud-afri-
caine sur le changement climatique, les États
et les entreprises font souvent fausse route
lorsqu’ils tentent d’imaginer et de construire
l’avenir. Ils se laissent distraire par des solu-
tions grandioses mais fallacieuses, une critique
qui a notamment été adressée aux négociations
“NOTRE CULTURE CAPITALISTE
ET CONSUMÉRISTE POUSSE
À TOUT VOIR EN GRAND, ALORS
QU’IL FAUT VOIR PETIT.”
Christy Bragg,
CHERCHEUSE SUD-AFRICAINE
en haut lieu comme le Sommet africain sur le
climat [qui s’est tenu en septembre à Nairobi,
au Kenya], principalement orienté sur les mar-
chés de carbone. Christy Bragg affirme que les
décideurs devraient plutôt regarder du côté des
communautés autosuffisantes comme eKhenana.
Quinze ans de recherches sur le développement
durable, l’adaptation au changement climatique
et la gouvernance coopérative permettent à la
chercheuse d’affirmer que “les habitudes durables
se construisent de bas en haut. Notre culture capi-
taliste et consumériste pousse énormément à tout
voir en grand, alors qu’il faut voir petit.”
C’est aussi ce que pense Bobby Peek, direc-
teur de l’ONG groundWork, qui milite pour
la justice environnementale. Selon lui, beau-
coup d’autres populations devraient suivre
l’exemple d’eKhenana, et être non plus de
simples consommatrices, mais bien des créa-
trices d’énergie, en aidant les ménages modestes
à assumer les coûts élevés de l’investissement
initial. “Les classes moyennes ne peuvent pas être
les seules à avoir les moyens de s’équiper de pan-
neaux solaires”, souligne-t-il.
Bobby Peek, par ailleurs membre de la
Commission présidentielle sud-africaine sur
le climat, est convaincu que le rapport d’eKhe-
nana à la terre – utiliser des parcelles en friche
pour instaurer une production alimentaire
locale – est aussi un modèle à imiter.
55
Le système alimentaire mondial serait actuel-
lement responsable de plus d’un tiers des émis-
sions planétaires de gaz à effet de serre. Les
petites fermes coopératives créées par et pour
la communauté, ajoute Bobby Peek, devraient
se multiplier dans “le plus d’endroits possibles”.
“L’idée est de faire usage des terres qui sont dis-
ponibles et inutilisées afin de créer les systèmes ali-
mentaires dont nous avons besoin”, explique-t-il.
Pour Christy Bragg et Bobby Peek, le mot-clé
en matière de communautés locales autonomes
est la souveraineté. Tous deux conviennent que
les populations doivent avoir la main sur leur
alimentation et prendre en charge leurs besoins
sans dépendre de l’État.
Dire qu’eKhenana a prospéré sans l’aide de l’État
ne serait pas tout à fait juste. L’autosuffisance
de la communauté a, en réalité, été arrachée de
haute lutte dans un contexte de violences d’État.
Consensus. Comme la plupart des exemples
d’occupation foncière en Afrique du Sud, les
habitants d’eKhenana ont dû reconstruire leurs
logements plusieurs fois en raison d’innom-
brables tentatives d’expulsion. Ces opérations
souvent violentes, mandatées par les pouvoirs
publics et des milices privées, ont provoqué la
mort d’au moins huit habitants.
Ces actes de harcèlement se sont poursuivis
alors même que la communauté occupe léga-
lement les parcelles depuis 2019. Le gouverne-
ment et la police, affirme le secrétaire général
d’AbM, Thapelo Mohapi, “assimilent AbM à une
organisation criminelle”.
La politique telle qu’elle est pratiquée au sein
d’eKhenana est vraiment opposée à celle de l’État
officiel, qui privilégie l’élitisme et l’exclusion.
Dans la communauté, toutes les décisions sont
prises par consensus lors d’assemblées où est
pratiquée la participation démocratique radicale.
Les habitants se réunissent régulièrement dans
la salle Thuli Ndlovu – nommée en hommage à
l’un de leurs camarades assassinés –, où tout le
monde a l’occasion de débattre de toutes les déci-
sions collectives : l’emplacement des cultures
d’épinards ou encore l’utilisation des équipe-
ments, comme la machine à coudre commune.
Cette autonomie est associée à des responsabili-
tés : tous les membres de la communauté doivent
connaître les projets et les défis d’eKhenana, → 56
ZIMBABWE
BOTSWANA
MO.
NAMIBIE
Pretoria
ES.
TA LU-
NAAZU
L
AFRIQUE
KW
LE.
DU SUD Durban
COURRIER INTERNATIONAL
eKhenana
ES. Eswatini
250 km LE. Lesotho
MO. Mozambique
56. À LA UNE
Et la déco
dans tout ça ?
●●● Si l’urbanisme et l’architecture
affectent directement notre façon d’habiter
le monde, l’aménagement intérieur,
un sujet que la pandémie et les différents
confinements ont rendu très prisé,
a lui aussi un effet sur notre humeur,
notre créativité, notre bien-être.
Après un voyage à Vienne, la journaliste
britannique Joy Lo Dico a consacré
un article à ce sujet dans les pages
du Financial Times. Elle a remarqué
que la décoration Belle Époque de son
hôtel, qui la ramenait à l’âge d’or de
l’Autriche, induisait des comportements
datés chez son mari et elle : “Alors qu’il
est d’habitude une personne plutôt raffinée
et égalitaire, il s’était affalé dans le canapé
profond avec un journal et avait commencé
à ressembler à un petit patricien. Pendant
ce temps, j’ai commencé à ranger les
choses – un devoir de bienséance jusqu’alors
inconnu dans ma vie londonienne.”
Le couple avait-il remonté le temps
pour se fondre dans le décor$? C’est ce
que sous-entend Joy Lo Dico, qui assure
que “l’espace nous affecte”. Elle en veut
pour preuve ce que les architectes
surnomment “l’effet cathédrale” (les hauts
plafonds favoriseraient l’élévation de
l’esprit) et qui a été confirmé par une étude
scientifique de 2007. De là à penser que
le mobilier et la couleur des murs affectent
l’humeur – le bleu serait apaisant et le rouge
énergisant, par exemple – il n’y a
qu’un pas, que franchit allègrement
toute une littérature pouvant remplir
“des étagères de livres de pseudosciences”.
55 ← et y participer activement. “Notre discus-
sion doit aboutir à une réponse, à laquelle nous par-
venons collectivement, souligne Thozama Mazwi.
Personne ne peut nous dire quoi faire, car nous pre-
nons nous-mêmes nos décisions.” Des tueurs à gages
ont abattu Lindokuhle Mnguni [le fondateur de
la communauté] par balles en août 2022.
Comme toutes les antennes d’AbM, eKhenana
pratique l’ubuhlalisme, son interprétation de la
philosophie d’ubuntu [en langue xhosa, le terme
ubuntu désigne l’“humanité”, en kinyarwanda, la
“générosité”]. Contrairement à l’individualisme
néolibéral, un moteur de la crise climatique, ce
mode de pensée défend une vision collective du
monde. “L’ubuhlalisme nous apprend à partager
à bien nous traiter les uns les autres”, poursuit
Thozama Mazwi. La place de cette philosophie
est visible dans les décisions collectives d’eKhe-
nana, comme l’usage de l’énergie solaire, négo-
cié chaque jour après avoir donné priorité aux
activités de la communauté telles que l’élevage
de volailles et les assemblées.
Les panneaux solaires ont été installés en
novembre 2022 grâce au projet Urban Movement
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
Incubator : Energy Democracy [“Incubateur du
mouvement urbain : démocratie énergétique”],
une coalition qui œuvre à l’adoption générali-
sée des énergies renouvelables à l’échelle locale.
À cette occasion, AbM a publié un communiqué
enthousiaste : “C’est une électricité qui sera moins
néfaste pour la planète et qui sera sous le contrôle
démocratique de la communauté, et non sous le
contrôle central d’un État violent et corrompu.”
Les habitants d’eKhenana y voient une “démo-
cratie énergétique” et ajoutent : “Choisir les éner-
gies renouvelables, c’est choisir d’avancer ensemble.”
Souveraineté alimentaire. Malgré toutes les → Le cœur social
initiatives de la communauté pour atteindre l’au- de Monte : le magasin
tosuffisance, elle ne peut s’extraire de Durban du village. Du pain
et du monde en général. Les habitants ne béné- frais est également
ficient d’aucun service public de base ou quasi- disponible après
ment, mais ils s’appuient informellement sur les la fermeture
réseaux nationaux d’approvisionnement en eau du magasin
et en électricité, auxquels ils se connectent eux- dans le placard
mêmes. Selon Thozama Mazwi, la plus grande devant l’entrée.
difficulté qu’eKhenana ne peut résoudre indé- Photo Sven Högger
pendamment est la collecte des déchets, que la
communauté doit souvent incinérer.
Quoique en avance sur leur temps, les méthodes
d’eKhenana ne protègent pas non plus cette der-
nière des phénomènes météorologiques de plus
en plus extrêmes. En avril 2022, par exemple, le
littoral du KwaZulu-Natal, où se trouve Durban,
a reçu plus de 300 mm de précipitations en
vingt-quatre heures. Les inondations catastro-
phiques provoquées par cette “bombe pluviale”
ont fait 459 morts et détruit les logements de
40$000 personnes. Le potager d’eKhenana a été
endommagé, mais la communauté s’en est bien
sortie par rapport à d’autres quartiers informels.
Par solidarité, les habitants d’eKhenana ont
QUAND
organisé des distributions alimentaires et cui-
siné des repas pour leurs camarades d’AbM, L’ARCHITECTURE
la poésie
SE CONJUGUE À
mais aussi celles et ceux qui ne font pas partie
du mouvement. “Les inondations de Durban ont
peu touché eKhenana en raison de notre emplace-
ment, mais nous avons été touchés psychologique-
ment, car nos proches et camarades ont été affectés”,
ajoute Thozama Mazwi.
La solidarité de la communauté dépasse lar-
gement la ville et s’étend aux pauvres du monde
entier, premières victimes des effets du dérègle-
ment climatique. AbM s’inscrit dans de dyna- À Monte, en Suisse, deux
miques réseaux transnationaux et co-organise
avec des militants du monde entier des ateliers
architectes améliorent l’espace
de partage des connaissances. public pour faciliter la vie des
C’est d’ailleurs le Movimento dos Trabalhadores personnes âgées, rapprocher les
Rurais sem Terra, mouvement des sans-terre au habitants, remettre en valeur des
Brésil, qui a fourni à eKhenana les premières lieux délaissés. Des microprojets
graines pour amorcer sa souveraineté alimentaire.
Selon Christy Bragg, “l’occidentalisation nous qui commencent à faire école.
a considérablement isolés… Nous devons renforcer
les capacités au sein de nos communautés.”
Pour eKhenana, ce sens du collectif commence —Neue Zürcher Zeitung (Zurich)
avec ses 109 familles, qui montrent comment
D
des milliards de personnes peuvent mener une ans la petite épicerie de Monte, hameau
vie riche et écologique tout en protégeant la pla- de la vallée de Muggio, dans le Tessin,
nète, mais ces valeurs s’étendent aux popula- les pains attendent sagement les clients.
tions et aux mouvements de tous les continents. La propriétaire des lieux connaît bien
—Helen Aadnesgaard, Rina Rolli et Tiziano Schürch, les archi-
publié le 22 août tectes du cabinet Studioser qui étudient
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
et réaménagent le village depuis maintenant
deux ans. Son commerce a toujours été un lieu
de rassemblement, mais depuis l’arrivée des
deux architectes divers aménagements sont
venus en souligner la fonction sociale.
Les abords du magasin sont désormais pavés SOURCE
et équipés d’un banc. Adossée à la façade, une
petite armoire tient lieu de vitrine [et accueille NEUE ZÜRCHER
du pain en libre-service après la fermeture]. À ZEITUNG
l’intérieur de la boutique, qui fait également Zurich, Suisse
office de café improvisé, des tables et quelques Quotidien, 85 000 ex.
étagères ont été installées. Bien que pratique- nzz.ch
ment imperceptibles, les interventions des Publié dans la capitale
architectes améliorent sensiblement le quo- financière du pays,
tidien des habitants. c’est un titre de
tradition et de
Un brin de candeur. Tout a commencé par référence, à tendance
une étude commandée par trois communes centriste et libérale.
du Tessin et le Conseil suisse des aînés, afin En pointe sur
de trouver des solutions pour faciliter la vie l’international,
des personnes âgées dans les régions reculées il est lu par l’ensemble
du pays. Les experts sollicités ont formulé dix des germanophones.
recommandations, sur les plans social, tech-
nique et architectural. Et la mairie de Castel
San Pietro a fi nalement sollicité le cabinet
Studioser pour intervenir dans le hameau de
Monte, rattaché à la commune depuis vingt ans.
Au total, les architectes ont conduit huit
petits chantiers. Devant l’ancienne mairie,
par exemple, ils ont construit une immense
table en pierre, entourée de chaises métal-
liques, qui invite les habitants à se retrouver.
La revalorisation de l’espace public permet de
HABITER LE MONDE AUTREMENT. 57
compenser l’étroitesse des rues et des maisons
anciennes. Et ces aménagements ne jouent pas
uniquement sur l’atmosphère du village, ils ont
aussi un aspect pratique : les anciens peuvent
désormais prendre appui sur une rampe pour
parcourir les ruelles, et reprendre leur souffle
sur les bancs.
Si les rues étroites et abruptes restent impra-
ticables en fauteuil roulant, ces nouvelles instal-
lations permettent tout de même aux personnes
âgées de rester plus longtemps dans leur vil-
lage. Et les plus jeunes ne sont pas en reste :
“LES AMÉNAGEMENTS
SONT DISCRETS, MAIS
VÉRITABLEMENT UTILES
POUR NOS CONCITOYENS.”
Alessia Ponti,
MAIRE DE MONTE
les rampes, volontairement creuses, font d’ex-
cellents circuits à bille – les billes adéquates
sont en vente dans l’épicerie du village. “Notre
objectif n’était pas d’équiper le village de simples
rampes, mais d’ajouter un brin de poésie et de
candeur à ces commandes politiques et sociales,
comme le faisait l’architecte Lina Bo Bardi [1914-
1992]”, explique Rina Rolli.
Son associé et elle ont rencontré une bonne
partie des quelque cent habitants, qui ont
accepté de partager avec eux leurs albums
de photos et leurs souvenirs. Au fi l de ces
échanges informels, les deux architectes ont
ainsi appris à connaître l’histoire du village,
dont ils se sont inspirés : “Nos projets mettent
en valeur le passé”, détaille Tiziano Schürch.
Leurs aménagements s’apparentent d’ailleurs
parfois à un travail de conservation du patri-
moine. Ils ont ainsi choisi d’installer le pan-
neau présentant les différents projets menés
dans le hameau au niveau d’un ancien séchoir
à châtaignes.
Les deux architectes se sont inspirés de l’ar-
chitecture “silencieuse” de Hermann Czech,
qui ne s’exprime que lorsqu’on l’interroge.
Leurs interventions – même les plus discrètes –
répondent à des besoins du quotidien. À l’entrée
du cimetière, une petite fontaine en marbre,
pierre et béton rend hommage aux matériaux
COURRIER INTERNATIONAL
ALLEMAGNE
SUISSE
AUTRICHE
Berne
CANTON LI.
DU TESSIN
Monte
Carasso
FRANCE Castel San Pietro
ITALIE
50 km
LI. Liechtenstein
qui ont marqué l’histoire de la région. Près de
l’ancien lavoir, dans la forêt, un barbecue se
tient désormais à disposition des habitants.
Juste à côté de la fontaine communale, un
jeune arbre a été planté, et tout autour un
muret flambant neuf invite les passants à s’as-
seoir quelque temps.
Pour Tiziano Schürch et Rina Rolli, l’archi-
tecture est un outil social. Ils tiennent compte
de l’expérience des habitants pour élaborer
des projets très précis, et préparent même
des fascicules explicatifs. Leur approche n’est
pas sans rappeler celle de l’architecte Luigi
Snozzi [1932-2020], qui à partir de la fin des
années 1970 a remodelé le village de Monte
Carasso [dans le Tessin] pour lui redonner vie.
L’échelle de leurs projets et leur mode d’ex-
pression sont toutefois différents : à Monte,
pas de construction en béton apparent, mais
de subtils aménagements utiles au quotidien.
“D’autres villages pourraient apprendre de
l’exemple de Monte, se félicite la maire, Alessia
Ponti. Les aménagements sont discrets, mais véri-
tablement utiles pour nos concitoyens.” Castel
San Pietro souhaite à son tour rénover son
centre-ville sur le modèle du hameau voisin.
Reste à savoir si la population suivra. “Même
les meilleures solutions ne valent pas grand-chose
sans l’implication des habitants.”
Embellir le quotidien. Monte est un petit
village pittoresque niché dans le décor idyl-
lique de la vallée de Muggio. Les architectes
n’avaient plus qu’à faire ressortir ses atouts par
des interventions minimalistes. Dans d’autres
lieux, d’une autre échelle, en revanche, leur
approche poétique atteindrait certainement ses
limites. Mais leur stratégie de lecture et d’amé-
nagement de l’espace public, pour remettre en
valeur des lieux souvent délaissés, s’adresse
précisément aux communes à la population
déclinante et au budget serré.
L’an dernier, les deux architectes ont orga-
nisé un stage d’été dont les participants – des
étudiants – ont conçu et réalisé de petits pro-
jets dans l’ensemble de la vallée. À Monte, la
prochaine étape sera l’aménagement d’une
aire de jeu. Conquise, la commune voisine
de Breggia a elle aussi commandé au cabinet
Studioser une analyse de son espace urbain.
Contrairement à l’“effet Bilbao”, qui vise
à bouleverser le destin d’une ville grâce à un
projet architectural spectaculaire [comme ce fut
le cas pour la cité espagnole après la construc-
tion du musée Guggenheim par Frank Gehry],
l’“effet Monte” se veut plus subtil. Les microa-
ménagements ne peuvent suffire à enrayer le
vieillissement et l’exode qui frappent les vil-
lages, ces phénomènes étant dus à des pro-
blèmes économiques et de vie quotidienne
bien plus vastes – à Monte, la population était
déjà stable avant l’intervention des architectes.
Mais ces petits ajustements peuvent embellir
le quotidien de ceux qui restent et, qui sait,
peut-être attirer de nouveaux venus. De quoi
redonner un peu d’éclat à la vie, à moindre coût.
—Andres Herzog,
publié le 23 août
 58. À LA UNE
Le “coliving”
FAIRE FAMILLE
DIFFÉREMMENT
Aux États-Unis, en Italie,
en Espagne ou encore
au Japon, de plus en plus
de personnes vivent
avec des gens qui ne font
pas partie de leur famille.
Un phénomène qui va bien
au-delà de la simple colocation.
P
artout dans le monde, de nouveaux types
de groupes se mettent à cohabiter, redes-
sinant au passage les structures sociales
traditionnelles. L’ethnographe améri-
caine Kristen Ghodsee, dont le dernier
livre, paru en 2023, s’intitule Everyday
Utopia. What 2"000 Years of Wild Experiments
Can Teach Us About the Good Life (“L’utopie
au quotidien. Ce que 2#000 ans d’expériences
folles peuvent nous apprendre sur la bonne
vie”, inédit en français), explique ainsi dans
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
↑ Certaines fois,
après le travail,
Kaori, 37 ans, passe
du temps sur son
balcon, à bavarder
un podcast du magazine Wired que le modèle en Italie, se sont mêmes spécialisées sur ce cré-
de famille nucléaire traditionnel est en plein neau en proposant des chambres dans des colo-
effondrement et que la vie dans des commu- cations “professionnelles”. Elles s’occupent des
nautés différentes, choisies, constitue une espaces communs et peuvent même intervenir
alternative heureuse, notamment car elle faci- en cas de mésentente entre les locataires. “Le
avec son voisin,
Masatoshi, 80 ans.
Photo Oscar Espinoza
lite le soin et l’entraide. mouvement ne se limite pas aux États-Unis et à l’Ita-
Le site Business Insider remarquait en 2022 lie : il devient une tendance dans l’immobilier mon-
que de plus en plus d’adultes américains vivaient dial, cela est évident au Royaume-Uni et en Asie.”
↗ Atteinte de
démence, Rosa
avec des amis – voire achetaient un loge-
ment avec eux – dans des configura-
tions inhabituelles#: “C’est un modèle
Au Japon, le modèle de foyer traditionnel est
remis en question avec des expé-
riences sociologiques comme celui
Angelica Saldana, de coparents, de coéconomie, et c’est de l’immeuble Nagaya à Kagoshima,
81 ans, habite chez vraiment un modèle formidable pour véritable “tour de Babel” où vivent
sa fille et ses petits- entretenir ses amitiés et avoir du sou- REVUE 43 personnes âgées de 8 à 93 ans et
enfants. Photo Genaro tien”, s’enthousiasmait l’un d’eux. DE PRESSE auquel le quotidien espagnol El País
Molina/Los Angeles La hausse des prix de l’immobilier a consacré un reportage. Cette “com-
Times/TNS et le sentiment d’isolement né au moment de munauté d’entraide sans liens de sang”, avec des
la pandémie ont accentué ce phénomène, qui parties communes et un personnel dédié, s’ins-
a vu le jour au début des années 2010. pirerait, selon un des résidents, “des nagaya de
la période japonaise d’Edo, qui constituaient il y a
Rejet des normes isolationnistes. “Cela plus de cent cinquante ans un mode de vie collectif.
est lié aux difficultés d’accès à la propriété dans Des enfants aux personnes âgées, en passant par
une économie qui exclut de nombreux jeunes de les familles, les célibataires aux occupations diffé-
leurs rêves traditionnels d’acheter une maison, de rentes, tout le monde vivait dans la même maison
rembourser leurs prêts étudiants et d’assurer une longue compartimentée, autour du puits commun,
transmission du patrimoine. Mais il s’agit éga- où ils échangeaient des propos en lavant le linge ou
lement d’un rejet des normes isolationnistes qui en faisant le ménage”.
ont façonné la famille nucléaire américaine – en La communauté, qui abrite un centre pour
particulier les appels à repenser les maisons et enfants mentalement déficients, a été fondée
les moyens de mobilité des Américains”, analyse par un médecin soucieux de combattre l’iso-
Business Insider. lement des personnes âgées et en situation de
Le magazine américain Newsweek évoque handicap, un sujet important dans le pays le plus
même “l’explosion” du coliving, ou vie en com- vieux du monde, selon les chiffres de l’ONU.
munauté, et se demande si cela pourrait être D’ailleurs, selon le magazine Frame, le Japon
la solution moderne aux problèmes urbains de fait figure de précurseur de l’habitat multigéné-
logement, notamment à la flambée des loyers rationnel et peut “servir d’inspiration à d’autres
dans des villes comme New York et Chicago. endroits moins avancés en la matière”.
Certaines entreprises, aux États-Unis mais aussi —Courrier international
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
VIVRE ENSEMBLE
N’EST PAS
TOUJOURS
Aux États-Unis comme en
Europe, la hausse des loyers,
la pénurie de logements et les
difficultés d’emprunt, d’une part,
et les prix de la garde d’enfants
et des maisons de retraite, d’autre
part, forcent de nombreuses
personnes à vivre avec leurs
parents ou en colocation.
V
ivre à plusieurs générations sous le même
toit, partager son logement avec des amis,
habiter avec ses parents alors qu’on tra-
vaille… Cela peut paraître pratique, mais
cela ne relève pas toujours du choix.
Le Los Angeles Times raconte par
exemple l’histoire de la famille Rojas. Les
parents et leurs deux enfants adolescents ont
accueilli Saldana, la grand-mère souffrant
de troubles cognitifs, dans leur appartement
HABITER LE MONDE AUTREMENT. 59
devenu un peu trop exigu. Certes, cela crée du
lien et permet une plus grande entraide, mais
la raison était avant tout financière : “Mariella, La maison balinaise,
48 ans, et sa famille ont brièvement envisagé de
transférer Saldana dans une maison de retraite,
l’habitat vert par
mais le coût à l’époque, qui était au minimum de excellence
5"000 dollars par mois, était inabordable.”
Au Royaume-Uni, de plus en plus de jeunes ●●● Une maison traditionnelle
parents s’installent avec leurs propres parents, ce balinaise se compose de différents
qui leur permet d’économiser des frais de garde pavillons, avec en son centre un jardin
pour les petits. Mais cette solution est aussi par- planté d’hibiscus et de frangipaniers,
fois coûteuse quand il faut réaliser des travaux appelé natah, qui symbolise
d’agrandissement : “Les gens peuvent aspirer à vivre le microcosme. À l’exception de ceux
ensemble, mais réunir deux ménages peut s’avérer qui abritent les chambres,
être une entreprise compliquée et coûteuse”, d’au- Le mot ces pavillons n’ont pratiquement pas
tant plus que l’État accorde peu d’aide, explique de murs, ce qui permet à l’air tropical,
The Guardian. Ceux qui y parviennent doivent MOMMUNE chaud et humide, de circuler librement.
donc investir pour ensuite économiser sur cer- Vivre dans une La fraîcheur provient également des
tains postes. mommune, la toits recouverts d’Imperata cylindrica,
contraction en anglais une plante herbacée poussant en
Baisse des permis de construire. En Espagne de “maman” et de abondance sur l’île des Dieux. Selon
également, la flambée des loyers, d’une part, et “commune”, désigne Ida Ayu Nyoman Ratna Pawitrani,
des taux d’emprunt pour accéder à la propriété, le fait pour des mères directrice du musée Subak à Bali,
d’autre part, contraignent parfois à un regroupe- célibataires de vivre citée par Koran Tempo, le concept
ment intergénérationnel. À 30 ans, parfois même ensemble pour de cet habitat est non seulement
40 ans passés, les salariés peinent à se loger dans partager les tâches bon pour l’environnement,
les grandes villes, souligne, de Madrid, le journal quotidiennes et puisqu’il ne nécessite pas de
El País, qui évoque “la génération qui ne peut pas l’éducation des climatisation, mais aussi excellent
acheter sa maison”. “Les indicateurs de précarité aug- enfants “grâce au pour la santé mentale, car
mentent depuis des années, et cela se traduit dans de pouvoir séculaire de il favorise la convivialité.
nombreux domaines de la vie des jeunes, mais sur- la sororité”, explique Plusieurs familles vivent en effet
tout dans le logement”, résume Jordi Bosch, archi- The New York Times. dans le même complexe, partageant
tecte, professeur à l’Université polytechnique de Le phénomène n’est la cuisine, le jardin, les lieux
Catalogne et expert en logement social. À Séville,
ABC fait le même constat : “Il est de plus en plus
difficile pour les jeunes de quitter le nid familial.”
pas nouveau, mais
depuis la pandémie,
il concerne aux
de prière et de préparation
des offrandes, tout en disposant
chacune d’un espace privé.
Ceux qui y parviennent vivent soit en couple,
soit en colocation, “comme lorsque nous étions étu-
diants”, raconte une jeune femme elle-même dans
États-Unis les femmes
blanches de la classe
moyennes, et plus Espagne
cette situation. Le quotidien conservateur voit
trois raisons à cela : “La hausse vertigineuse du
uniquement les
femmes latinos.
Construire au féminin
prix des loyers ces derniers temps, les bas salaires “Nous voulons que ●●● Et si les questions d’habitat
et l’instabilité des emplois, ainsi que les exigences nos enfants soient enchâssaient des questions de genre$?
accrues en matière de solvabilité financière de la en sécurité et nous Et si l’architecture pouvait aussi
part des propriétaires.” voulons le soutien se déployer au féminin$? C’est
D’autres facteurs plus structurels forcent les que nous méritons l’hypothèse et le pari de Cierto Estudio,
gens à réinventer leur vie quotidienne et à aban- en tant qu’humains. un cabinet d’architecture de Barcelone
donner des types de logement conventionnels. Le pilier économique fondé par six femmes architectes.
En Europe, la pénurie de logements, notamment est l’immobilier”, Pour El País en anglais, elles
d’habitats sociaux, est aussi responsable de la a déclaré l’une d’entre déploient leur vision d’une architecture
pression immobilière, analyse le site américain elles au quotidien. qui, disent-elles, cherche “à changer
Bloomberg. Et “les pays les plus durement touchés “La chose la plus la façon dont nous nous déplaçons
sont parmi les plus riches. Les nouveaux permis de logique au monde, dans l’espace public et privé”.
construire en Allemagne ont chuté de plus de 27 % c’est de partager.” “Nous croyons en l’importance
au premier semestre. En France, les permis ont “Le besoin est de concevoir l’environnement dans
baissé de 28 % jusqu’en juillet, et la construction mondial”, souligne lequel les gens vivent, où leur maison
de logements au Royaume-Uni devrait chuter de d’ailleurs le New York est l’endroit qui doit en même temps
plus de 25 % cette année. La Suède connaît sa pire
Times, qui évoque les protéger et les relier aux autres”,
récession depuis la crise des années 1990, avec des l’ouverture prochaine affirment-elles. Résultat, leurs projets
taux d’intérêt inférieurs à un tiers de ce qui est jugé de “mommunes” pensent l’espace public comme
nécessaire pour répondre à la demande.” en région parisienne. un lieu de rassemblement
Alors que dans ces pays le droit au logement et de rencontres, avec une
est souvent inscrit dans la Constitution et figure végétation dense et très peu
en tout cas parmi les engagements électoraux d’automobiles. Une large place
des partis de gouvernement, cette crise de l’im- est également faite à l’espace
mobilier pourrait se traduire par une crise de la communautaire qui fait lien
démocratie. avant tout, estiment-elles.
—Courrier international
60. À LA UNE
La Tunisie revient à
l’architecture en terre
●●● Sur les hauteurs de Sidi Amor,
à 15 kilomètres de Tunis, s’est ouvert
un vaste chantier où l’on expérimente
une “écoconstruction” responsable.
Comme le note Nawaat, ce “pourrait
être un mot barbare renvoyant
à une activité pour riches désœuvrés”.
Or, pour ces Tunisiens, il s’agit
simplement de redécouvrir
les constructions en terre, pratiquées
de façon traditionnelle dans le pays
et considérées aujourd’hui
comme écologiques. C’est seulement
à partir de l’indépendance, en 1956,
que le ciment a remplacé
les briques en terre compressée,
pourtant parfaitement adaptées
au climat tunisien.
L’expérience menée à Sidi Amor,
dans un atelier ouvert, permet
également à de futurs architectes
de s’initier à ce patrimoine retrouvé :
“Creuser une fondation. Récupérer
la terre. Et construire avec cette terre.
C’est l’une des plus vieilles méthodes
de construction de l’humanité!! ”
s’enthousiasme ainsi l’un des formateurs.
À Timisoara, la nature
est verticalisée
●●● Dans la ville de Timisoara a surgi
une structure éphémère, habillée
d’arbres, de plantes diverses
et de fleurs. Afin de célébrer la ville
roumaine, choisie pour être l’une
des trois capitales européennes
de la culture en 2023, 1#306 plantes
ont été sélectionnées pour orner,
en pleine place de la Victoire,
la construction d’acier, décrit Domus.
Outre une pépinière, la structure abrite
des espaces ouverts conçus comme
des lieux de visite, de rencontre
ou d’activités publiques, poursuit
le site de la revue italienne
d’architecture, de design
et d’urbanisme.
Ce lieu a été pensé pour offrir
une déambulation champêtre
verticalisée et circulaire,
au cours de laquelle sont prodigués
des conseils en botanique.
La hauteur, l’habillage végétal et un jeu
de lumières garantissent en outre
une vue inédite sur la ville entière.
À la fin de l’année, la structure devrait
être démontée, et les 1#306 arbres
et plantes iront habiller les parcs
de Timisoara.
Courrier international — no 1728 Du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
Au Danemark
LA VIE EN PAVILLON DIVISE
Dans les communes danoises, le débat fait rage entre les partisans
de la maison individuelle, symbole de liberté, et les défenseurs
d’un autre type d’habitat moins énergivore et plus respectueux
de l’environnement. Un journaliste allemand s’est rendu sur place.
—Der Spiegel (Hambourg)
L
es rues qui mènent à cette absurdité clima-
tique sont ourlées de buissons d’ornement
et de petits trampolines. Le nouveau lotis-
sement de Kildebjerg, à la périphérie d’Aa-
rhus [sur la côte est du Danemark], est un
ensemble tentaculaire de maisons indivi-
duelles 2.0, distribuées autour d’un golf. Les
jardins sont aussi proprets que l’endroit est
désert. Deux robots de tonte ronronnent sur les
pelouses, des voitures électriques sommeillent
sous les abris installés devant les maisons de
SOURCE briques, grises et brunes pour la plupart. On
ne voit pas âme qui vive, sinon au trou 18, où
DER SPIEGEL
Hambourg, Allemagne
deux jardiniers arrachent des mauvaises herbes.
Une vraie carte postale, à la perfection presque
Hebdomadaire
655!371 ex.
inquiétante. Et très vorace en ressources. Même
les 500 lampadaires ont été conçus spéciale-
spiegel.de ment pour le lotissement et possèdent leur
Un grand magazine propre site Internet. Claus Leick soupire : “C’est
d’enquêtes, lancé en pour dénoncer cette gabegie que je suis entré en
1947, agressivement politique. On ne peut plus continuer comme ça.”
indépendant, et qui
a révélé plusieurs Ostentatoires. Claus Leick est conseiller muni-
scandales politiques. cipal depuis 2017 pour le groupe gauche-vert du
Depuis sa création, Socialistisk Folkeparti [Parti populaire socia-
le Spiegel a choisi liste]. Le lotissement dans lequel il se trouve
la ligne du journalisme est le dernier en date du quartier de Ry, dans
d’investigation. la communauté de communes de Skanderborg,
Il est le magazine dans le Jutland [Danemark continental]. “On n’a
d’actualités allemand tout simplement plus assez de place pour se per-
à la plus large
diffusion.
mettre de construire de nouvelles maisons”, résume
l’homme de 61 ans en montrant du doigt le ter-
rain de golf. Ry et les autres quartiers, environ-
nés de lacs et de bosquets, jouissent d’un cadre
privilégié. Les gens qui travaillent à Aarhus ont
moins de trente minutes de trajet. Pour pouvoir
faire construire ici, de jeunes familles danoises
aux reins solides vont jusqu’à racheter de vieilles
masures qu’ils font démolir. Si ça ne tenait qu’à
Claus Leick et à d’autres élus municipaux, les
nouvelles maisons seraient moins ostentatoires
et moins espacées les unes des autres à l’avenir,
les rues moins clinquantes, le tout plus sobre
et plus ramassé. Car chaque nouvelle maison,
explique l’élu, contribue à détraquer le climat.
Comme les gouvernements rechignent sou-
vent à prendre des mesures de lutte contre
le dérèglement climatique, des métropoles
comme Paris, Copenhague ou Séoul ont pris
les devants. Mais, pour l’heure, il n’y a qu’au
Danemark qu’autant de petites villes et locali-
tés leur ont emboîté le pas : 96 des 98 municipa-
lités [l’équivalent des départements] du pays se
sont engagées à présenter dans l’année un plan
climat visant à atteindre la neutralité carbone
en 2050 au plus tard. Une démarche qui s’ap-
puie sur les normes fixées par le groupe C40,
un réseau de grandes villes qui se sont pres-
crit à elles-mêmes une stratégie ambitieuse de
lutte contre le dérèglement climatique, et dont
le think tank Concito assure le suivi.
Karen Margrethe Hoj Madsen chapeaute
depuis près de deux ans le service d’urba-
nisme de la ville de Skanderborg. Son bureau
se trouve au deuxième étage de la mairie, un
grand bâtiment blanc équipé d’une salle de sport
et d’une cafétéria au mobilier design, acces-
sible au public. Mme Hoj Madsen embrasse
trois domaines de compétences – l’urbanisme,
la technologie et l’environnement –, mais on
comprend vite où elle met l’accent. Dans son
bureau trônent un panneau “chantier” et, non
loin de là, une affiche qui proclame : “Change
the politics, not the climate” (“Changez la poli-
tique, pas le climat”).
D’elle-même, Mme Hoj Madsen admet que
la patience n’est pas son fort. Avec son maire
social-démocrate et des conseillers municipaux
DANS UN PAYS OÙ LE COÛT DE
LA VIE EST ÉLEVÉ ET L’HIVER
EST LONG, CHACUN RECHERCHE
UN LIEU QUI PORTE UNE PROMESSE
DE CALME ET D’ESPACE.
comme Claus Leick, elle aurait aimé écrire une
page d’histoire à Skanderborg. Leur commune a
été la première du Danemark à vouloir limiter à
120 m2 la taille des nouveaux logements. C’était
la recommandation des experts, un compromis
entre les besoins d’une famille de quatre per-
sonnes et la nécessité de réduire les émissions :
le secteur du bâtiment est à lui seul responsable
d’un tiers des émissions à l’échelle mondiale.
Courrier international — no 1728 Du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024 HABITER LE MONDE AUTREMENT. 61

En même temps, l’enseignante est persuadée

que l’espace habitable que l’on recherche existe
déjà. Elle juge presque obscène de démolir des
maisons anciennes pour en construire de nou-
velles. “Rares sont les pays qui consomment autant
de ressources que le nôtre – la vérité, c’est qu’il fau-
drait mettre le holà aux constructions nouvelles.”
On ne devrait cependant pas en arriver là de
sitôt, au vu notamment de la pénurie persis-
tante de logements abordables – un point sur
lequel Jens Szabo juge qu’il faut agir. Après tout,
c’est aussi une forme de liberté que de pouvoir
se payer un logement décent. Il nous fait visi-

“S’IL SE CRÉE DES

LOTISSEMENTS, C’EST PARCE
QUE LES JEUNES FAMILLES
ONT BESOIN D’ESPACE. ”
Jens Szabo,
PARTI LIBÉRAL-CONSERVATEUR VENSTRE

ter un lotissement pour seniors dans son quar-

tier, composé de maisonnettes de brique rouge
de plain-pied, avec jardinet. Elles font partie
d’une coopérative de logements locale, comme
près d’un tiers des logements locatifs du pays.
Jens Szabo ne parle plus de climat et d’inter-
diction, mais d’innovation et d’une nouvelle
La proposition a provoqué un tollé. Des et le vivre-ensemble. Et puis, “la liberté, la liberté, manière d’aborder le troisième âge. À l’avenir,
semaines durant, le conseil municipal a ferraillé, la liberté. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.” Jens il aimerait faciliter le déménagement des per-
d’abord sur les 120 m2, puis sur 150. Finalement, Szabo tient à préciser qu’il croit bien évidem- sonnes âgées afin de libérer de la surface habi-
le texte a dû être assoupli afin que le plan climat ment à la réalité du dérèglement climatique et à table pour les jeunes. Le fait que sa génération
puisse être approuvé à la majorité. Les construc- la nécessité d’agir. “Mais pas comme ça!! S’il se crée approche de l’âge de la retraite est également,
tions de moindre taille sont désormais jugées des lotissements, c’est parce que les jeunes familles à ses yeux, l’occasion d’encourager les gens à
“préférables”, et le service d’urbanisme épluche ont besoin d’espace. Est-ce qu’on veut les interdire en réduire délibérément la taille des logements. Il
les plans de toute construction neuve afin d’en estimant que ça n’a pas d’importance!?” Il évoque nous emmène ensuite dans une coopérative, créée
réduire l’empreinte carbone. Malgré ces com- les rentrées fiscales, vitales pour une commune. par le milieu alternatif de gauche, qui accueille
promis, la ville de Skanderborg reste en avance : Bien sûr, on cherche à séduire les jeunes familles, préférentiellement des familles. C’étaient encore
elle ambitionne d’atteindre la neutralité carbone car les localités voisines sont des concurrentes. ↑ Dessin de des hippies quand les premières maisons sont
dès 2025, 73 bornes de recharge pour les voitures Szabo ne veut pas entendre parler d’interdiction. Joe Magee, sorties de terre en 1985, raconte l’élu. Sur place,
électriques sont en cours d’installa- “Demandez donc à Claus Leick, grince- Royaume-Uni. on trouve une cuisine commune, une grande salle
tion et, d’ici à 2030, 300 hectares de t-il, il vit dans plus grand que moi.” des fêtes et un atelier de menuiserie.
terres auront été reboisés. Pour bon Enseignante à l’université d’Aalborg, Les hippies ont disparu depuis. Il ne reste
nombre de ses collaborateurs, ce n’est Kirsten Gram-Hanssen mène depuis qu’un ingénieur qui a construit des stations-
rien de moins qu’une petite révolu- REPORTAGE plusieurs années des travaux sur l’habi- service jusqu’à sa retraite et un jeune étudiant
tion, commente Mme Hoj Madsen. La tat et la consommation dans la société en histoire de 26 ans, accompagné de ses deux
mairie s’est longtemps vue comme un presta- danoise. Ce débat si passionné ne l’étonne pas. enfants. Pourquoi ce choix de vivre ici#? “Parce
taire de services facilitant l’installation de nou- “Avoir une maison à soi, c’est quelque chose de très que c’est une excellente idée”, s’exclame l’ingénieur.
veaux habitants et d’entreprises, pas forcément important au Danemark”, résume-t-elle. Dans un “Parce que, de toute façon, on n’aurait jamais pu
comme une pasionaria du climat. pays où le coût de la vie est très élevé et l’hi- se payer de maison à nous”, complète l’étudiant.
Jens Szabo porte une part de responsabilité ver souvent long, chacun recherche un endroit Claus Leick, l’élu socialiste, précise que sa
dans le fait que les choses ne sont pas allées qui porte une promesse de calme et d’espace. femme et lui sont, bien sûr, favorables à ce modèle.
aussi loin que Mme Hoj Madsen l’aurait voulu à Ils envisagent d’ailleurs de redéménager. La direc-
Skanderborg. Il préside le groupe local du parti Pénurie. “La plupart des gens ne vont pas sou- trice du service d’urbanisme, Mme Hoj Madsen,
libéral-conservateur Venstre [“La Gauche”] et vent au restaurant. Même avec un salaire de prof, ça voit aussi d’un bon œil ce genre de communau-
s’est prononcé contre le plan climat de la mairie, revient très cher”, confie Kirsten Gram-Hanssen. tés. Elles nécessitent moins d’espace, moins de
malgré les compromis. La limitation de la taille C’est d’ailleurs un mythe de croire que la consom- voirie, offrent aux enfants un environnement
des habitations équivaut à ses yeux à une mise mation grandissante d’espace s’explique unique- sécurisé, et aident à lutter contre le fléau, crois-
sous tutelle. Jens Szabo lui-même vit seul dans ment par des exigences revues à la hausse. “Il y sant, de la solitude. La ville consacre une page
une maison mitoyenne de 95 m2, ses trois enfants a toujours des maisons individuelles qui sortent de de son site Internet à la présentation des coo-
sont partis faire leurs études, et il est divorcé. terre, c’est vrai. Mais le grand changement, c’est que pératives. À l’avenir, ces projets pourraient être
L’homme de 61 ans verse une lichette de Baileys les jeunes partent et que leurs parents restent, même prioritaires. On continuerait donc de construire
dans son café et énumère ce qui, à ses yeux, quand leur conjoint meurt. Nous sommes dans une des logements à Skanderborg. Simplement, ce
caractérise la cohésion sociale à la danoise : société où 40 % des gens vivent seuls aujourd’hui. ne serait plus les mêmes.
la conscience d’un passé paysan, l’amour de la C’est de là que vient le problème de la consomma- — Jan Petter,
nature, un design de qualité, le sens du voisinage tion croissante de surface habitable.” publié le 27 septembre
62. À LA UNE
L’INDIEN BIJOY JAIN ET SON
ARCHITECTURE e!entielle
L’hebdomadaire allemand Zeit Magazin est allé rencontrer
chez lui l’architecte indien Bijoy Jain, auquel la Fondation Cartier,
à Paris, consacre une rétrospective à partir du 9 décembre.
Les maisons qu’il dessine, presque entièrement construites
à la main, selon des savoirs traditionnels, offrent
une alternative radicale à notre époque standardisée.
N
ous aurions pu monter la même expo-
sition avant la révolution industrielle”,
explique Bijoy Jain au journaliste alle-
mand venu le rencontrer dans sa mai-
son-atelier de Bombay. “Nous n’avons
pas besoin d’électricité, ni de colle, ni de
métal. Et ce n’est pas du blabla.”
À partir du 9 décembre, l’architecte et desi-
gner indien fait l’objet d’une rétrospective à la
Fondation Cartier, à Paris. L’occasion pour le
public français de découvrir le travail de celui
que Zeit Magazin présente comme “l’un des
plus grands architectes indiens”. Un homme de
58 ans, pour qui “un bâtiment n’est pas un bloc
de béton ni un assemblage de pierres, mais un
organisme vivant”, résume le magazine publié
à Hambourg. “Les matériaux qu’il utilise, entre
autres terre glaise, bois ou bouse de vache, sont
pour lui une peau qu’il faut entretenir en per-
manence.” Autrement formulé par l’intéressé :
“Les trois principaux matériaux de mon travail
sont l’eau, l’air et la lumière. C’est la base, c’est ce
dont le corps humain a besoin. Ce qui m’importe,
c’est de rapprocher les choses que nous habitons
de notre moi humain.”
Bijoy Jain travaille aux antipodes de la
construction standardisée, soucieux de faire
vivre les savoir-faire traditionnels et d’utili-
ser les matières premières locales afin de ne
pas rompre le fil qui relie l’homme à son envi-
ronnement naturel. “Jain présente un contre-
projet radical à la vie numérisée et automatisée
dans laquelle de nombreuses personnes du monde
occidental – et de plus en plus d’Indiens – s’ins-
tallent en quelques clics chez Ikea et Amazon”,
écrit encore l’hebdomadaire allemand.
Fils de médecins, Bijoy Jain a parachevé sa for-
mation d’architecte aux États-Unis : à l’université
Washington de Saint-Louis, puis à Los Angeles,
auprès de Richard Meier, lauréat du prestigieux
prix Pritzker. En 1995, il décide de revenir à
Bombay pour fonder son cabinet, et “constate que
les ouvriers ne peuvent souvent pas déchiffrer les
dessins et les plans de la maison qu’ils sont chargés
de construire”, rapporte Zeit Magazin. Il adopte
son approche en conséquence. Pas de bureau
dans son atelier, peu de recours à l’ordinateur.
“Il discute avec les artisans de leur travail, il lui
arrive de s’accroupir à côté d’un tailleur de pierre
pour lui montrer le résultat qu’il aimerait avoir.”
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024
Bijoy Jain emploie selon les projets de 30 à
40 artisans et ouvriers, parfois recrutés dans la
rue : maçons, tailleurs de pierre, charpentiers.
Selon Zeit Magazin, il est le “roi de l’arti-
sanat”. Lui se voit plus tôt comme un
chef d’orchestre.
Aujourd’hui, il travaille sur très peu
de projets à la fois (dont un nouveau
chai pour le vignoble Beaucastel, à
Châteauneuf-du-Pape) et consacre
beaucoup de temps à l’enseignement
(à l’Académie royale des beaux-arts
du Danemark, à Yale, à l’Università della
Svizzera italiana…). Il dessine aussi du mobilier et
a été exposé entre autres à la Biennale de Venise
et au Victoria & Albert Museum de Londres.
“Malgré toute sa nostalgie, l’œuvre de Jain est très
moderne. Il construit selon des lignes claires, son
architecture est sobre, mais ses projets ne semblent
jamais terminés”, note Zeit Magazin. Sa maison-
atelier de Bombay est sans cesse retouchée, sim-
plifiée. Confidence de Bijoy Jain : “J’aimerais
m’alléger encore plus, vivre avec encore moins.” Pour
le magazine, il incarne ainsi, à sa façon, une cer-
taine idée du luxe : “Le luxe de pouvoir avoir moins,
le luxe de l’espace ouvert. Et de la joie des sens.”—
L’exposition “Bijoy Jain/Studio Mumbai. Le souffle de
l’architecte” est à voir à la Fondation Cartier, à Paris,
du 9 décembre 2023 au 21 avril 2024.
Forest Bath,
dans un bain de nature
©GAAGA
↓ L’un des projets
©GAAGA
emblématiques
de Bijoy Jain : la
Carrimjee House,
une résidence ●●● Au milieu d’une étendue verte,
privée qu’il l’immeuble apparaît avec ses façades
a conçue en 2014 de verre striées de colonnades
à Alibag, dans de troncs d’arbres et ses panneaux
le Maharashtra, de bois brut. L’immeuble Forest Bath
en Inde. a été pensé et construit au cœur
du parc boisé de Bosrijk, à Eindhoven,
aux Pays-Bas, par le cabinet
d’architecture néerlandais Gaaga.
Selon le magazine britannique Dezeen,
sa conception s’inspire de la pratique
japonaise du shinrin-yoku, ou bain
de forêt, acte thérapeutique centré sur
le temps passé au milieu de la nature.
Cette approche zen se retrouve dans
la construction de l’immeuble avec
des matériaux durables et recyclables,
COPYRIGHT STUDIO MUMBAI ARCHITECTS
censés assurer une harmonie et comme
une continuité avec l’environnement
naturel des résidents. Au sein du
PHOTO NEVILLE SUKHIA
bâtiment se trouve une cour ouverte,
de laquelle serpentent des chemins verts
qui mènent au parc boisé environnant.
L’immeuble se confond alors
parfaitement avec les bois alentour.
Courrier international — no 1728 du 14 décembre 2023 au 3 janvier 2024 HABITER LE MONDE AUTREMENT

Yasmeen Lari, vaincre les flots Ma petite

●●● À 82 ans, Yasmeen Lari n’a rien perdu de son envie
de changer la vie des gens par son approche de
cabane
l’architecture. Le quotidien pakistanais The Nation durable
revient sur le parcours de celle qui reste la première
architecte femme de son pays. au Canada
Tournant le dos à des projets dotés de millions de dollars
à Karachi, elle a décidé de se consacrer à la réalisation de ●●● Comment assurer
maisons pionnières en bambou, qui résistent aux inondations. des logements tout à la fois
Déjà, affirme The Nation, les premières maisons pilotes durables et abordables$?
ont permis de sauver des familles des inondations C’est cette équation insoluble
catastrophiques dues à la mousson, qui sont récurrentes qu’a résolue une société canadienne

© CABN
au Pakistan et ont ravagé un tiers du pays en 2022. lancée en 2021, CABN.
Forte de ce précédent, Yasmeen Lari milite désormais Cette dernière, détaille Toronto Life,
activement pour un projet portant sur un million de maisons propose des maisons préfabriquées,
fabriquées à partir de matériaux locaux abordables. disponibles en quatre superficies
En plus de sauver des vies, ce projet devrait créer différentes. Tous leurs modèles
de nouveaux emplois dans les zones les plus vulnérables. sont en bois lamellé croisé, ce qui
leur confère, affirme le titre canadien,
des allures de “chalets élevés
← Grâce à Yasmeen – des cabanes, vraiment”.
Lari, cette cabane Mais, derrière les façades rustiques,
en construction dans des fenêtres vitrées et un système
le village de Sanjar d’isolation étanche issus d’une
Chang, au Pakistan, technologie de pointe assurent
mettra un foyer aux habitants une température
à l’abri des ravages modérée toute l’année.
de la mousson. Photo La collectivité n’est pas oubliée,
Asif HASSAN/AFP puisque l’excédent de l’électricité
produite par les panneaux solaires
de chaque maison est distribué
dans un réseau communautaire,
créant ainsi des villes propres.

“Le Style
anthropocène”,
SUR NOTRE SITE
courrierinternational.com
de Philippe Rahm
Vagues de chaleur : et ●●● “C’est le CO2
Au Brésil, une villa si l’architecture arabe qui décide aujourd’hui

dans la jungle
traditionnelle était
la solution ?
Moucharabiehs, tours
●●● C’est un jardin extraordinaire au cœur à vent, petites
de la jungle brésilienne. Et, au milieu de ce fenêtres, matériaux
jardin, une villa en surplomb, avalée par une respirants… Plutôt
nature exubérante. Voici le domaine qu’a que de tabler sur
conçu le sculpteur brésilien João Machado la technologie pour
et que nous fait visiter The Guardian. adapter les villes
Ce jardin, perché à plus de 1$000 mètres au réchauffement
d’altitude, abrite plus de 400 espèces climatique, peut-être
végétales venues du monde entier. L’artiste faudrait-il s’inspirer
y sème aussi ses sculptures, de telle façon de l’architecture qui
PHOTO ANDRÈ NAZARETH/LIVING INSIDE
de ce qui est beau
ou pas en architecture,
non plus le pétrole.”
L’architecte vaudois
Philippe Rahm résume
pour le quotidien
genevois Le Temps
son essai Le Style anthropocène, publié
en mars chez Head Publishing.
Il nous invite à revoir notre pratique
de la décoration intérieure, ou plutôt
à nous souvenir de sa dimension utilitaire.
Un tapis évite d’avoir froid aux pieds,

qu’elles s’intègrent dans la végétation.
La maison de João Machado a été
construite avec des pierres de la région
ou du bois récupéré, avec une façade
totalement végétalisée qui invisibilise
la structure “au fil du temps”. La villa
Mandaçaia est autant un lieu de vie
qu’un lieu de création et d’“inspiration
pure”, s’enthousiasme l’artiste brésilien.
s’est développée au fil
des siècles de chaleur
dans le monde arabe.
une tapisserie isole un mur, un miroir
réfléchit la lumière : autant d’évidences
oubliées au xxe siècle, avec l’avènement
d’intérieurs épurés, minimalistes,
ouverts sur les alentours… mais rendus
vivables grâce à la climatisation et au
chauffage – donc aux énergies fossiles –,
et devenus obsolètes à cause
du réchauffement climatique.