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Sorbonne Université Initiation à l'étude du droit

Année universitaire 2023-2024 Cours de M. Arnaud Latil


LEA – Deuxième année de licence Chargé(e)s de TD : Margaux Trubert, Constantin
Deuxième semestre Buchholz, Sarah Ahmed-Yahia, Camille Heissat

Fiche n° 1 : Initiation au cas pratique

Documents

 Document 1 : La méthode du cas pratique

 Document 2 : Cas pratique de découverte

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Document 1: La méthode du cas pratique

Le cas pratique permet de vérifier l'aptitude de l'étudiant au raisonnement juridique. En bref, cet
exercice se présente sous la forme d'une petite histoire qui met aux prises plusieurs protagonistes et
qui débouche sur un problème juridique qu'il faut résoudre, à travers le syllogisme utilisé aussi par
les juges (v. cours du premier semestre).
Le cas pratique constitue un exercice délicat, car il faut, d'abord, bien connaître les règles de droit
applicables exposées dans le cours et, ensuite, savoir les appliquer en utilisant la méthodologie du
cas pratique.
Trois étapes doivent nécessairement jalonner la résolution d'un cas pratique.

1. Première étape : l'énoncé abstrait de la règle de droit (majeure du syllogisme)


Il s'agit d'indiquer la règle de droit applicable au cas d'espèce. Ici, il ne s'agit pas encore de donner
la solution du problème juridique que pose le cas pratique, mais de formuler la règle abstraite qui
permettra de le résoudre.
2. Deuxième étape : la qualification juridique des faits (mineure du syllogisme)
Il s'agit de comprendre les enjeux juridiques des faits présentés dans le cas pratique. Il n’est pas
nécessaire de recopier l’énoncé, que le correcteur connaît parfaitement, et il ne faut pas se limiter à

1
décrire la situation qui en fait l'objet, mais il est nécessaire de mettre en exergue les différents points
qui soulèvent des questions juridiques et qui devront être mis en lien avec les règles de droit
précédemment énoncées. Là encore, il ne s'agit pas de donner la solution du problème, mais de se
focaliser sur les éléments importants pour l'atteindre.

3. Troisième étape : la solution concrète du problème (conclusion du syllogisme)


Cette dernière phase de l'exercice consiste à appliquer au cas d'espèce la solution juridique abstraite
précédemment énoncée, en expliquant et en justifiant les réponses que vous préconisez. On tire les
conséquences de la qualification. Il est important de comprendre que ce qui importe à ce stade, c'est
moins l'exactitude de la réponse qui est proposée (il peut d’ailleurs y avoir matière à débat, parfois)
que la qualité de l'argumentation et la cohérence de la démarche intellectuelle. L'essentiel n'est pas
d'affirmer une solution, mais de l'expliquer et de la justifier par un raisonnement rigoureux et une
argumentation précise. A tel point qu'il est opportun, si du moins le cas d'espèce le permet,
d'envisager les diverses solutions qui peuvent être apportées, en discutant du bien-fondé de chacune.
En définitive, la démarche du cas pratique consiste en un ou plusieurs syllogisme(s), selon le
nombre de problèmes juridiques soulevés, qui, à partir d'une situation de fait et en passant par une
règle de droit, conduit à la solution du cas concret.
Dans la solution du cas pratique, il suffit de suivre les trois étapes de cette méthode, sans y ajouter
ni une introduction générale, ni une conclusion.

Exemple
Victoria Garcia, une femme espagnole, s'est mariée avec François Ruis, de nationalité française, en
décembre 2020 à Paris. Ils ont déménagé à Madrid il y a un an, en février 2023. Quand et à quelles
conditions Victoria Garcia peut-elle acquérir la nationalité française ?

Première étape – Explicitation de la règle de droit pertinente1


L'article 21-2 du Code civil dispose que :

“L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après
un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à
condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait
pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration,
soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en
France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français
a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis
hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription
préalable sur les registres de l'état civil français.

Le conjoint étranger doit également justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la
langue française, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil
d'Etat.”

1
Les règles sont légèrement simplifiées, pour l’exercice.

2
A titre préliminaire, on remarque que, dans tous les cas, l’acquisition de la nationalité française par
un étranger au titre du mariage est conditionnée :
- au fait que la communauté de vie tant affective que matérielle n’a pas cessé entre les époux
depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité
- au fait que l’étranger dispose d’une connaissance suffisante du français, dans des conditions
fixées par un règlement.

Si ces conditions sont remplies, le délai à l’issue duquel la nationalité peut être demandée est de
quatre ou cinq ans, selon les cas.

Il est de quatre ans dans le cas où l’une ou l’autre des conditions suivantes est remplie :
- l'étranger qui demande la nationalité ait ou non, au moment de la déclaration, résidé de
manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du
mariage
- ou son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger
au registre des Français établis hors de France.

Si aucune de ces deux conditions n’est remplie, le délai est porté à cinq ans.

Deuxième étape – Application de la règle au cas d’espèce

S’agissant des deux premières conditions, qui concernent tous les cas :
- il conviendra de vérifier avec Victoria quel est son niveau de français
- rien dans l’énoncé ne semble indiquer que les époux soient séparés ou que François ait
perdu sa nationalité française depuis le mariage.

Sous réserve de confirmation et de preuve, ces deux premières conditions semblent donc remplies.

S’agissant de la condition de délai, on observe que le mariage a eu lieu fin 2020, soit il y a plus de
quatre ans, mais moins de cinq ans. Il faut donc vérifier si :
- Victoria a ou non, au moment de la déclaration, résidé de manière ininterrompue et régulière
pendant au moins trois ans en France à compter du mariage
- ou si François a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au
registre des Français établis hors de France.

Sur le premier point, l’énoncé indique que les époux ont déménagé à Madrid il y a un an, soit en
février 2023. Si l’on suppose que Victoria a résidé en France avec son mari de manière
ininterrompue (sans périodes de résidence à l’étranger) et régulière (en bénéficiant d’un titre de
séjour) depuis le mariage en décembre 2020, il en résulte que Victoria a bien résidé au moins trois
années complètes en France depuis son mariage (décembre 2020 à décembre 2023).

La condition de trois ans de résidence ininterrompue et régulière posée par le texte étant bien
remplie, le délai d’acquisition de la nationalité française pour Victoria est de quatre ans.

Le mariage ayant eu lieu en décembre 2020, la nationalité française peut donc être acquise par
Victoria à compter de cette date.

3
Troisième étape - Conclusion

Sous réserve des hypothèses et vérifications indiquées ci-dessus, Victoria est désormais en droit
d’acquérir, du fait de son mariage avec François, la nationalité française.

Elle devra déposer une déclaration auprès du consulat français à Madrid et se soumettre à l’examen
de langue.

L’article 21-1 du Code civil prévoit que l’étranger « peut, après un délai de quatre ans à compter du
mariage, acquérir la nationalité française par déclaration ». Il s’agit donc bien d’un droit et
l’administration ne peut pas lui refuser le bénéfice de la nationalité si toutes les conditions posées
par le texte sont bien remplies.

Document 2 : Cas pratique de découverte


Olivia Foschi est enceinte depuis sept mois. Elle connaît son droit de bénéficier d'un congé de
maternité pendant la grossesse et après la naissance de l'enfant. Elle sait qu'elle aurait droit à son
congé pour une période de six semaines avant la date présumée de l'accouchement, lequel est prévu
pour le 8 mars 2021. Néanmoins, son état de santé est plutôt bon et elle aimerait pouvoir reporter
une partie de son congé pré-natal après l'accouchement, pour pouvoir passer plus de temps avec le
nouveau-né. Le 1er février 2021 elle demande à la Caisse d'Assurance Maladie de son département
de pouvoir bénéficier d’un report d’une partie de son congé pré-natal sur le congé post-natal. Le 4
février, elle reçoit un courrier dans lequel la Caisse lui refuse le report du congé, au motif qu'elle n'a
pas fait parvenir la demande avant la date à laquelle le congé aurait normalement dû débuter. Mme
Foschi est très déçue de cette réponse et se rend dès le lendemain dans les locaux de la Caisse pour
demander des explications. On lui explique à cette occasion qu'une « lettre réseau » de la Caisse
Nationale d'Assurance Maladie dispose que les demandes de report du congé doivent être
présentées avant la date à laquelle le congé devrait normalement commencer. Elle s'adresse donc à
son ami François, qui travaille dans le domaine de la sécurité sociale, qui lui explique que les lettres
réseaux sont des documents internes à la Caisse, qui sont utilisés pour fournir aux Caisses
départementales le "mode d'emploi" des démarches à accomplir, mais n’ont pas de valeur juridique
contraignante. Elle ne sait pas quoi faire, parce que la responsable de la Caisse à laquelle elle s'est
adressée lui a semblé très sûre d'elle, quand elle a affirmé que sa demande était tardive. Mme Foschi
vous interroge sur les démarches à accomplir et sur ses chances de succès.
Pour résoudre ce cas pratique, vous utiliserez notamment les documents suivants.

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Code de la sécurité sociale (Extraits)

Art. L331-3

Pendant une période qui débute six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se ter-
mine dix semaines après celui-ci, l'assurée reçoit une indemnité journalière de repos à condition de
cesser tout travail salarié durant la période d'indemnisation et au moins pendant huit semaines.

Lorsque des naissances multiples sont prévues, cette période commence douze semaines avant la
date présumée de l'accouchement, vingt-quatre semaines en cas de naissance de plus de deux en-
fants et se termine vingt-deux semaines après la date de l'accouchement. En cas de naissance de
deux enfants, la période d'indemnisation antérieure à la date présumée de l'accouchement peut être
augmentée d'une durée maximale de quatre semaines ; la période d'indemnisation de vingt-deux se-
maines postérieure à l'accouchement est alors réduite d'autant.

Quand l'accouchement a lieu avant la date présumée, la période d'indemnisation de seize ou de


trente-quatre semaines, quarante-six semaines en cas de naissance de plus de deux enfants n'est pas
réduite de ce fait.

Quand l'accouchement intervient plus de six semaines avant la date initialement prévue et exige
l'hospitalisation postnatale de l'enfant, la période pendant laquelle la mère perçoit l'indemnité jour-
nalière de repos est augmentée du nombre de jours courant de la date effective de l'accouchement
au début de la période de repos mentionnée aux alinéas précédents et à l'article L. 331-4.

Art. L331-4

La période d'indemnisation prévue au premier alinéa de l'article L. 331-3 est portée à huit semaines
avant la date présumée de l'accouchement et à dix-huit semaines après celui-ci, lorsque l'assurée
elle-même ou le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants dans les conditions prévues
aux premier et quatrième alinéas de l'article L. 521-2, ou lorsque l'assurée a déjà mis au monde au
moins deux enfants nés viables. La période d'indemnisation antérieure à la date présumée de l'ac-
couchement peut être augmentée d'une durée maximale de deux semaines ; la période d'indemnisa-
tion postérieure à l'accouchement est alors réduite d'autant.

Quand la naissance a lieu avant la date présumée de l'accouchement, la période d'indemnisation de


vingt-six semaines n'est pas réduite de ce fait.

Art. L331-4-1

Par dérogation aux articles L. 331-3 et L. 331-4, la durée de la période de versement de l'indemnité
journalière à laquelle l'assurée a droit avant la date présumée de l'accouchement peut être réduite à
sa demande, sur prescription médicale, dans la limite de trois semaines. La durée de la période de
versement postérieure à l'accouchement est augmentée d'autant.

Toutefois, en cas de prescription d'un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présu -
mée de l'accouchement dont l'assurée a demandé le report, celui-ci est annulé et l'indemnité journa-
lière de repos est versée à compter du premier jour de l'arrêt de travail jusqu'à la date de l'accouche-
ment. La période initialement reportée est alors réduite d'autant.

CA Versailles, 16 décembre 2010, n° 09/03492 (extraits)

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Motifs de la décision,

Considérant que pour faire droit au recours de Madame Zeddam contre la décision de la Caisse lui
refusant le report de trois semaines de l'expiration du congé de maternité observé à compter du 26
mars, les premiers juges ont retenu que le législateur n'a pas enfermé la demande de report dans des
formalités substantielles, assorties de sanctions alors qu'il a voulu permettre aux femmes enceintes,
en bonne santé, de reporter une partie du congé afin de prolonger leur intimité avec leur enfant nou-
veau-né ;

Que selon l'article L.331-4-1 du code de la sécurité sociale, et par dérogation aux articles L.331-3 et
L.331-4, la durée de la période de versement de l'indemnité journalière à laquelle l'assurée a droit
avant la date présumée de l'accouchement peut être réduite à sa demande, sur prescription médicale,
dans la limite de trois semaines ; que la durée de versement postérieure à l'accouchement est aug-
mentée d'autant ;

Qu'il est établi que Madame Zeddam s'est fait délivrer le 28 février 2008 un certificat médical d'une
sage-femme, daté du 4 mars 2008, selon lequel sont état est compatible avec la poursuite de son ac-
tivité professionnelle au delà du 5 mars 2008 ; que la sage-femme a attesté le 27 mars 2008 que Ma-
dame Zeddam a débuté son congé prénatal le 26 mars 2008 ;

Que Madame Zeddam justifie d'une prescription médicale attestant d'un état de santé compatible
avec la poursuite de son activité professionnelle au delà du début de son congé prénatal ; qu'il est
établi par le certificat médical du 27 mars qu'elle a poursuivi cette activité pendant une durée de
trois semaines ; qu'elle remplit dès lors les conditions prévues par la loi pour bénéficier du report de
son congé prénatal sur son congé postnatal et du versement d'indemnités journalières afférentes ;

Que la Caisse qui indique n'avoir reçu que le 2 avril la seule attestation du 27 mars, n'est pas en me -
sure d'établir, en l'absence de tampon de réception, les documents qu'elle a reçu et à quelle date ;

Qu'une lettre réseau de la Caisse nationale d'assurance maladie du 11 juin 2007 précise certes que
l'assurée transmet à sa Caisse, au plus tard au début de son congé prénatal, sa demande de report ac-
compagnée de la prescription médicale laquelle fixe le nombre de jours que l'assurée est autorisée à
reporter de son congé prénatal sur son congé postnatal, dans la limite de trois semaines ;

Que cependant cette lettre se borne à fixer les modalités de la demande de report du congé prénatal
sur le congé postnatal dont la loi n'avait pas prévu qu'elles soient précisés ; que ces modalités ne
sauraient dès lors constituer une condition de l'octroi de ce report et du versement des indemnités
afférentes ;

Que dès lors que Madame Zeddam remplit les conditions prévues par la loi pour bénéficier du re-
port de son congé prénatal sur son congé postnatal, dans la limite de trois semaines même si les mo-
dalités de la demande qu'elle a formée ne répondent qu'imparfaitement aux exigences de la lettre ré -
seau qui n'a au demeurant aucune valeur normative, il y a lieu de considérer que la Caisse n'était pas
fondée à lui refuser le bénéfice de ce report et le versement de d'indemnités journalières afférentes ;
[…]

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