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Les contrats du commerce international renvoient souvent au droit anglais et aux tribunaux

anglais (ou à l’arbitrage à Londres) pour le règlement des litiges. L’accès du Royaume-Uni à
l’espace judiciaire commun mis en place par l’Union Européenne (UE) a renforcé la place
privilégiée de Londres dans la résolution des litiges commerciaux. Londres est
indubitablement une place privilégiée pour la résolution des litiges commerciaux dans le
monde.
Le 23 juin 2016, les électeurs britanniques ont indiqué leur souhait de quitter L’UE. Bien que
le processus de sortie ne commencera légalement que lorsque le Royaume-Uni aura
officiellement signé un accord de sortie en vertu de l’article 50 du traité de Lisbonne.
L’incertitude engendrée par le résultat du référendum public a déjà eu des conséquences
politiques et économiques profondes.
Le Royaume-Uni devra non seulement établir une relation commerciale avec l’UE, mais
également s’entendre avec les autres pays tiers avec lesquels le Royaume-Uni a déjà échangé
grâce à son adhésion à l’UE.
Le 30 décembre 2020, un accord de commerce et de coopération a été signé entre l’Union
européenne et le Royaume-Uni. Dans l’attente de sa ratification par le Parlement européen, il
a été mis en application provisoire au 1er janvier 2021. Ainsi, depuis 1er janvier 2021, cet
accord détermine les règles applicables aux relations entre le Royaume-Uni et l’Union
européenne dans un certain nombre de domaines. Le droit de l’Union européenne a cessé de
s’appliquer au Royaume-Uni le 31 décembre 2020 à minuit. Bien qu’un accord ait été conclu
entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, les formalités douanières ainsi que les contrôles
sanitaires et phytosanitaires ont été rétablis pour le transport de marchandises. La libre
circulation des personnes n’est plus applicable.
Il est très difficile de déterminer avec certitudes la teneur des futures relations
commerciales entre l’Union Européenne et la Grande Bretagne à la suite du Brexit.
Une période dite de transition s’est ouverte. Si aucun accord spécifique n’est négocié,
le risque est que les accords commerciaux européens ne soient plus applicables au
Royaume-Uni. Les décisions des tribunaux publics britanniques risquent également de
ne plus être automatiquement reconnues au sein de l’Union européenne.
Les jugements rendus au Royaume-Uni concernant des arbitrages pourraient alors se
voir impacter. En effet afin d’être exécutées les décisions devront respecter la
procédure de l’exequatur dans chacun des Etats membres de l’Union Européenne. Cela
rentre en contradiction avec les exigences de rapidité propres au commerce et à la
finance.

Le Brexit soulève de nombreuses interrogations pour les opérateurs du commerce


international. Quel impact aura-t-il sur les contrats et les contentieux en cours ?
Section 1   : L’ accord commercial et de coopération
L’accord commercial et de coopération , publié au Journal officiel de l’Union
européenne du 31 décembre 2020, qui servira de socle à la nouvelle relation
diplomatique et juridique unissant Britanniques et Européens.
L’accord organise tout un panel de mesures régissant les relations
commerciales à venir avec le Royaume-Uni. À ce titre, des mesures d’ordre
général sont prises afin d’organiser une relation de concurrence saine et
équitable.

A : LES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX PROFESSIONS JURIDIQUES

L’accord prévoit des dispositions spécifiques concernant les professions juridiques. En effet,
sont visés les services de conseil juridique et les services d’arbitrage, de conciliation et de
médiation juridiques (deuxième partie, rubrique 1, titre II, section 7).

Il est prévu que les avocats puissent exercer librement leur profession, à condition que leurs
services soient relatifs au droit international public ou au droit de l’État dans lequel il leur a
été octroyé le droit d’exercer.

Concernant les services juridiques, l’accord prévoit l’autorisation aux personnes morales
d’établir sur le territoire d’un État une succursale qui fournirait des services juridiques. Pour
cela, il est nécessaire qu’un certain pourcentage d’actionnaires, de propriétaires, d’associés ou
de dirigeants de la personne morale possèdent les qualifications requises pour exercer ou
exercent une profession particulière (avocat ou comptable par exemple).

Cependant, pour la fourniture de ces services juridiques, il est désormais possible pour les
États de demander l’obtention d’une autorisation ou une licence auprès d’une autorité ou de se
conformer à des obligations en matière d’enregistrement. S’il est demandé à l’avocat de
s’enregistrer sur le territoire pour fournir ses services juridiques, les exigences auxquelles il
sera soumis ne peuvent pas être moins favorables que celles s’appliquant à une personne
physique d’un pays tiers fournissant des services en rapport avec le droit d’un pays tiers ou le
droit international public. De plus, la procédure d’enregistrement ne pourra équivaloir à une
exigence de requalification en profession d’avocat de la juridiction d’accueil ou d’admission à
cette profession.

L’accord prévoit également que la fourniture de certains services juridiques portant sur le
droit britannique peut être soumise à une condition de résidence (présence commerciale) ou
bien encore que les conditions d’admissibilité à remplir pour s’inscrire à un barreau peuvent
comporter l’obligation d’avoir suivi une formation avec un avocat agréé ou d’avoir un cabinet
ou une adresse postale dans le ressort de ce barreau. Ainsi, certains États membres peuvent
imposer d’être habilité en tant que praticien du droit de la juridiction d’accueil.

En conclusion, les professions juridiques devront se conformer aux réglementations


professionnelles propres à chacun des États membres, laissant place à l’harmonie du régime
de reconnaissance mutuelle qui régnait auparavant
B : LA CIRCULATION DES MARCHANDISES ET LES DISPOSITIONS
DOUANIÈRES 

 Si le Brexit signe la fin de la libre circulation des biens et des marchandises telle qu’elle était
consacrée entre le Royaume-Uni et l’UE, l’accord conclu à la veille de Noël ne prévoit pas
pour autant le retour des droits de douane et des barrières non tarifaires.

Néanmoins, les règles issues de l’accord seront moins avantageuses que celles qui existaient
en présence du marché unique. En effet, les marchandises sont maintenant soumises à une
obligation de déclaration ayant pour but de vérifier la provenance des marchandises
échangées, le respect des règles d’origine et les certificats de conformité aux exigences
sanitaires et phytosanitaires. En pratique, ces mesures auront pour effet d’entraîner un surcoût
sur les marchandises en raison du nécessaire accomplissement des formalités administratives
et donc un prix supérieur pour le consommateur.

Pour maintenir la fluidité de circulation des marchandises, la douane française a conçu une
solution technologique appelée « frontière intelligente » ou SI Brexit. Celle-ci a pour but de
préparer en amont les démarches administratives et douanières, afin notamment d’éviter que
les camions soient bloqués à la frontière dans l’attente de l’accomplissement de celles-ci.

Le 4 février 2021, Jean-Michel Thillier, directeur interrégional des douanes et droits indirects
des Hauts-de-France chargé du Brexit, dressait un bilan des conséquences douanières un mois
après l’entrée en vigueur de l’accord. S’il s’estimait satisfait de la mise en œuvre de cette «
frontière intelligente », il regrettait toutefois que nombreux opérateurs aient considéré à tort
que l’accord du 24 décembre les dispensait d’accomplir les formalités douanières avant le
passage de la frontière.

Concernant les prestations de services, l’accord prévoit désormais des restrictions d’accès au
marché européen pour les services financiers. Ceux-ci nécessitent l’obtention d’une
équivalence par l’UE, alors qu’auparavant les professionnels britanniques bénéficiaient du
passeport européen. En outre, la reconnaissance des qualifications professionnelles ne sera
plus automatique

Section 2 : Le Brexit face à l’espace européen de coopération judiciaire

A-/ Conséquences en termes de compétence juridictionnelle

La détermination de la juridiction compétente est actuellement régie par le règlement


Bruxelles I bis concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution
des décisions en matière civile et commerciale.

Au Royaume-Uni, à défaut d’accord, un retour au droit international privé commun


aboutirait à des solutions plus complexes :

• Si le défendeur est domicilié au Royaume-Uni, les juridictions anglaises se


considèreront généralement compétentes.
• Si le défendeur est domicilié en dehors du Royaume-Uni, le demandeur devrait
obtenir une autorisation de la High Court pour attraire le défendeur devant les
juridictions anglaises qui sera accordée si l’action présente une probabilité raisonnable
de succès, que le Royaume-Uni est le for approprié pour en connaître et que chaque
demande relève de l’un des 21 cas d’ouverture. La High Court a ainsi une marge
d’appréciation importante.

• En outre, les juridictions britanniques pourraient se déclarer incompétentes à la


demande du défendeur si elles ne s’estimaient pas les plus appropriées pour trancher le
litige (forum non convenions).

• Les juridictions anglaises retrouveraient la possibilité d’ordonner la cessation d’une


procédure commencée devant une juridiction d’un Etat membre afin de la rapatrier au
Royaume-Uni, devant une cour britannique ou un tribunal arbitral (anti-suit
injunction). De telles injonctions, qui sont interdites dans l’espace judiciaire européen,
pourraient être à nouveau admises dans les rapports franco- britanniques à la suite du
Brexit.

• Enfin, les juges britanniques respecteront en principe la compétence de la juridiction


désignée par une clause de choix de for, qu’il s’agisse des juridictions anglaises ou
non.

B-/ Conséquences en termes de choix de la loi applicable :

Au Royaume-Uni, sauf accord spécifique, les règlements Rome I et Rome II ne


devraient plus être applicables. Le juge anglais appliquerait alors son droit
international privé commun en matière de contrat qui respecte le choix de loi des
parties et prévoit à défaut des règles assez complexes pour la détermination subsidiaire
de la loi du contrat. En matière d’obligations extracontractuelles, le droit anglais
antérieur au règlement Rome II est régi par le “Private International Law Act” de 1995
qui prévoit l’application de la loi du lieu du délit ou de l’élément principal du délit.

Le gouvernement de Theresa May a pris l’engagement d’incorporer au droit


britannique le droit de l’UE déjà en vigueur sur son territoire, ce qui apporterait de la
sécurité juridique dans un contexte incertain.

En matière non contractuelle, le Règlement Rome II est également susceptible de


désigner le droit anglais, notamment lorsqu’un contentieux naît au sujet de la
responsabilité civile (par exemple d’un intermédiaire financier) et que le dommage a
lieu en Angleterre. Selon ce règlement, la loi applicable sera en principe (sauf le jeu de
nombreuses exceptions ou de mécanismes correcteurs) la loi du lieu où le dommage
survient, abstraction faite du lieu de la conduite dommageable ou des suites indirectes
du dommage.

Remarquons que c’est sans doute l’incertitude en matière de loi applicable aux contrats
commerciaux en l’absence de choix de la loi applicable qui explique la
recommandation du Financial Markets Law Committee (FLMC) de maintenir les
dispositions découlant du Règlement Rome I dans le droit interne, allant jusqu’à
suggérer de tenir compte des décisions de la Cour de justice de l’UE sur
l’interprétation de ces dispositions18. On notera à cet égard que le droit commun
anglais a un contenu bien plus libéral et moins protecteur des parties faibles
(consommateurs, travailleurs, assurés, etc.) que le droit international privé de l’UE.

La notification des actes judiciaires en matière civile et commerciale entre Etats


membres de l’UE est facilitée par le règlement (CE) n° 1393/2007. Après le Brexit, si
un accord réciproque de signification des actes judiciaires n’est pas conclu, un
demandeur qui souhaitera signifier à un défendeur situé sur le territoire de l’UE une
assignation à comparaître devant les tribunaux anglais devra probablement obtenir une
autorisation préalable, ce qui rallongerait les délais.

C-/ Conséquences en termes de reconnaissance et d’exécution

La reconnaissance et l’exécution des jugements et autres actes publics au sein de l’UE


est régie par le règlement Bruxelles I bis, qui a supprimé l’exequatur. Ce règlement
cesserait de s’appliquer au Royaume-Uni à la suite du Brexit.

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