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Notre-Dame Déesse

&
Le féminicide des Héros

« Matricide en plein jour ; le peuple exulte ! »

Une vaste “déconstruction” de croyances archéologiques au long du Fil d’Ariane :


des temples néolithiques de Malte à la Grèce de l’âge du bronze et de l’époque classique.
Un essai & un récit de voyage & un pamphlet tout-terrain, éducatif et rieur.
Bref, un nouveau “format”. À petites doses le soir, il peut être utile contre de vieux maux.

Jean Santilli
https://independent.academia.edu/JeanSantilli
(Version française, traduite par l’auteur.)

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« L’humour est la politesse du désespoir. »
Christian Bouche-Villeneuve, alias Chris Marker.

« La philosophie ne parle pas au coin du feu. Elle doit enquêter, elle doit
inquiéter. C’est le trait qui caractérise tous les philosophes de l’Antiquité.
Socrate n’est pas cette allégorie de l’homme bon et innocent… C’est un enquêteur
très méchant, qui inquiète ses interlocuteurs, qui les pique comme un taon, qui les
surprend à tout moment.
Voilà, c’est le trait fondamental que nous devons considérer typique de notre
civilisation. »
Massimo Cacciari
Première leçon sur le destin d’Europe
(2.10.2016 - Radio3 RAI - Hommes et prophètes, de Gabriella Caramore.)

« ... nous avons parfois besoin de créer des monstres irréels et de malins esprits
pour prendre la place de ce qui nous fait peur dans notre vie réelle : le parent qui
donne un coup de poing à la place d’un baiser .../... le cancer que nous
découvrons un jour alors qu’il vit dans notre propre corps. Si des événements aussi
terribles étaient des actes des ténèbres, ils seraient plus faciles à affronter. Mais au
lieu d’être sombres, ils ont leur propre terrible éclat, me semble-t-il, et aucun ne
brille autant que les actes de cruauté que nous perpétrons dans notre propre
famille. Si nous regardions directement ce qui brille si fort, nous deviendrions
aveugles, alors nous créons toutes sortes de filtres. »
Stephen King
The Shining
(Introduction à l’édition 2001 – Hodder / Hachette UK)

« J’ai fait de mon mieux pour ne pas ridiculiser, pour ne pas déplorer, pour ne
pas détester les actions des hommes, mais pour les comprendre. »
B. Spinoza
Traité politique (I, 4)

« Le terme galaxie vient du grec pour dire lait, et vous appelez votre galaxie Voie
Lactée. Si je vous disais que... Vous ne me croiriez pas. La Voie Lactée tourne
sur elle-même autour de ma... Un trou noir ? Quelle obscénité ! Un horrible
monstre qui dévore tout, même la lumière ? Quelle tristesse. Elle est si affectueuse !
Si seule qu’elle... Laissons tomber. »
Jean-Jeanne de la Lune
Le soleil s’arrête toujours deux fois

1
Aux Trois fils barbelés de Ta longue barrière
Les touffes blondes et noires de ta Tête
File Ta Laine pour qu’elle soit Ton Fil

Deuxième Réponse de la Sybille de Delphes,


interrogée sur le Destin de la Femme.

2
Préambule
Alors qu’il se promenait dans les bois, l’auteur fut l’objet de regards insistants.
Un vertige, une vision… et il fusionna en une seule personne les trois sujets qui le fixaient.
Le premier était une statuette, une des nombreuses représentations d’une femme assise
sur le sol. Très prospère, elle est considérée une Déesse Mère, ou Déesse de la Fertilité.
Le deuxième était un temple mégalithique. Bien que les temples du Néolithique de Malte
soient d’un intérêt extrême et d’une importance évidente, ayant été construits 1.000 ans
avant Stonehenge, l’auteur n’en avait jamais entendu parler, comme la plupart sans doute
de ses semblables de culture moyenne. Tel un enfant, il ne fut pas capable de voir les
habits neufs de l’Impératrice : Elle était nue.
Le troisième était une fresque d’un mètre de haut. Selon l’étiquette, il s’agissait du
bouclier sacré du guerrier grec : le « Bouclier en forme de 8 ». Ayant lu, l’auteur éclata de
rire, attirant une attention non désirée dans le plus important musée d’Athènes.
La séquence de trois photos qui suit permettra au lecteur de rire avec l’auteur, ou de se
concéder un sourire méditatif. À une condition : comme l’auteur, il devra se libérer d’une
certaine attitude victorienne devant les choses de la vie, et utiliser une technique
d’observation appelée rêverie par un philosophe des sciences français : Gaston Bachelard.
Une meilleure connaissance d’un passé archaïque n’est pas si importante, cependant le
rire ne fut qu’une première réaction. L’auteur examina de plus près ces objets & d’autres
objets & leur contexte & leurs relations au travers de lunettes métadisciplinaires décrites
ailleurs, arrivant ainsi à une première conclusion : cette nouvelle connaissance du passé a
une grande importance aujourd’hui, pour nos lendemains. Bien qu’extrêmement
paresseux, il décida de faire un effort pour partager sa vision et sa rêverie.
Sur chacune des questions considérées, d’infinis ouvrages propagent des vérités éternelles
que ce texte démolit avec le sourire. À propos de machisme et féminicide, on pourrait se
demander s’il y a de quoi sourire. Pourtant, la plupart des femmes finiront par sourire;
certaines éclateront de rire, contrairement à certains hommes. Mais les hommes et les
femmes de bonne volonté apprécieront les implications pour un futur meilleur.
Comme dans toute œuvre littéraire, le contenu n’est pas dissociable de la forme. Par le
choix d’un ton léger qui peut devenir intimiste ou ironique et parfois iconoclaste, l’auteur
se propose deux objectifs :
- informer le grand public d’événements archaïques qui conditionnent encore notre
société, empêchant son évolution positive ;
- secouer certains secteurs académiques de leur torpeur suicidaire.
“Analyse” musicale. De nombreuses chansons sont citées dans cette symphonie
classique en trois mouvements. Après un andante simple et un adagio complexe, le scherzo
final s’articule en deux parties : un flashback offrira la réponse choquante et définitive à
une énigme archaïque ; un flashforward ajoutera une cerise sur ce gâteau herméneutique.
“Synthèse” architecturale. Le plan du texte est celui du Palais de Cnossos, considéré
comme le Labyrinthe construit à Crète par Dédale. Certaines pages, certaines phrases,
certains mots, sont autant de portes qui s’ouvrent sur un couloir bordé d’autres portes.
L’auteur propose un fil conducteur. Au terme de la promenade, le lecteur avisé reviendra
sur ses pas pour se perdre en des couloirs inexplorés, qu’il lise pour son plaisir ou pour
une recherche dans un des domaines humanistes traversés en ce voyage.
3
Notre-Dame Déesse & Le Bouclier en forme de 8
Trois objets très différents – Vision d’un seul Sujet

“Déesse Mère” – Malte, de 4.000 à 2.000 av. J.-C.

Temple néolithique de Mnajdra – Malte, ca. 3.000 av. J.-C.

“Bouclier en forme de 8” – Mycènes, ca. 1.300 av. J.-C.


(Musée Archéologique National, Athènes.)
4
Caractéristiques constantes

Personne en forme de 8

La forme en 8 est constante dans de nombreuses figurines maltaises. Selon une notion
courante, le Néolithique associait prospérité physique, fertilité et beauté. Cette figure
humaine est considérée une Déesse Mère ou une Vénus.
Il nous a semblé immédiatement évident qu’Elle fut représentée dans les temples de Malte.
Nous examinerons les arguments en faveur d’une vision qu’aurait pu avoir n’importe quel
autre touriste, confirmée par la poterie archaïque dans laquelle le pot représente la Potière.

Temple en forme de 8

Les trois temples de Mnajdra (Malte)


Chaque “salle” du temple avait un toit constitué de dalles de pierre formant un dôme. Il
semble approprié de dire que les dômes constituaient la troisième dimension de formes
rondes et prospères.

5
Bouclier en forme de 8
Trois objets très différents témoignent une continuité : la représentation symbolique d’un
seul Sujet pendant des millénaires. Nous percevons cette continuité en comparant les deux
premiers objets avec le troisième que les spécialistes appellent Bouclier en forme de 8.
Examinons-le de plus près.

Petits cercles à l’intérieur des silhouettes en 8 de Mycènes et Crète


Dans les deux premiers exemples, les cercles sont regroupés par trois ou sont isolés. Cela
suggère une relation avec des chiffres “sacrés” : 1, 3. Les autres sont en tas désordonnés.
Dans une rêverie dans laquelle ce 8 apparaîtrait comme une Déesse Mère, nous pourrions
percevoir les petits cercles comme étant à l’intérieur du ventre de la Mère.
Quand on a la chance de vivre près de vrais paysans, on n’achète pas de poulet au
supermarché. Dans le ventre des poules, on trouve normalement des boules oranges de
différentes dimensions : le jaune des œufs en cours de développement. Un deuxième
animal apparaît dans la rêverie : un poisson. Son ventre contient souvent des petites
sphères : encore des œufs. La vision se précise : la Déesse de la Fertilité est pleine de petits
œufs, comme une poule en chocolat. La forme en 8 aurait-elle un rapport avec Pâques ?
En son centre, un pointillé ovale semble indiquer un objet vu en transparence. Nous
comprendrons que l’ovale représente la deuxième “porte du temple”.
- Oui mais… que représente cette fente verticale ? La première porte ?
Chaque fente, sur chaque “bouclier”, comporte de courtes lignes, fines comme des
cheveux, le long des lèvres. Que représente la fente ? Un tel mystère, lié à fertilité et à
femme, n’est pas à la portée des pouvoirs herméneutiques de l’auteur. Mais il se souvient de
fentes identiques datant du 20e siècle A.D., associées à des mots hermétiques « Kilroy was
here » : des graffitis, dans les toilettes pour hommes des pubs de Londres.
C’est embarrassant ? Les Grecs n’avaient pas encore été influencés par les bonnes
manières victoriennes. Mais la question est délicate ; étudions un autre objet semblable.
6
Version tridimensionnelle du “bouclier” en forme de 8
Deux ‘boucliers’ en version bijoux et/ou bouton
et/ou amulette porte-bonheurs. (Références, A)
Cette version tridimensionnelle rappelle les
rotondités prospères de la Femme en forme de 8.
Les ‘œufs’ sont regroupés par trois. La fente
verticale est représentée clairement.
Selon une conception commune, il ne semble pas
correct de fendre le corps entier pour en
représenter une petite partie. Ce n’est pas
réaliste ? Picasso aurait aimé cet objet tout
comme il adorait son sujet ; cette coupure aurait
pu inspirer les coups de cutter sur les toiles de Lucio Fontana. Nous devons également
relever que la coupure traverse le 8, comme la lumière du soleil traverse la deuxième
‘porte’ du Temple, aux équinoxes.
- Une représentation aussi crue serait un porte-bonheur ?!
L’échantillon ici représenté, pris dans un vaste catalogue, devrait prouver
que notre interprétation du “bouclier en forme de 8” n’est pas due à un
penchant personnel. Cette partie du corps de la femme était un porte-
bonheur. Avant la Reine Victoria, un rude marin tout comme un
gentleman ou une lady le portaient au cou. Une partie représente souvent
le tout. Cette partie avait inspiré cet objet si réaliste, et un geste : une
main fermée avec le pouce qui passe entre l’index et le médium. Certains
disent que ce geste indique l’acte sexuel ; il ne représente que la vulve,
avec accent sur le clitoris.
Produit depuis les Romains en or, argent, bronze, corail ou bois, c’est le plus classique
des porte-bonheurs méditerranéens. On l’appelle du nom vulgaire italien de l’organe
féminin : fica, ou mano-fica, ou figa par une comparaison avec la figue qui remonte à la
Grèce classique.
Le geste est une expression de dérision utilisée par les hommes comme par les femmes.
Pendant la Renaissance, Rabelais appelle Pape-figues les protestants parce qu’ils auraient
« fait la figue » au Pape, qui aurait répondu du même geste.
Des objets représentants l’organe masculin se trouvent partout. Les gestes relatifs sont
encore très populaires : le doigt d’honneur est peu de chose comparé à la quenelle qui, dans
notre contexte méditerranéen, pourrait s’appeler Galéjade de Priape.
- Mais que dire de ces Héros grecs avec un
bouclier en forme de 8 ?
Le bouclier en forme de 8 était utilisé comme
protection magique : c’était une grande amulette.
Sur ce vase comme sur d’autres, le Bouclier
Amulette semble vaincre le bouclier rond. La
Magie fonctionne, quand elle est sacrée.
Examinons d’autres boucliers magiques de la
même région, à la même époque.

7
Autres Boucliers Magiques ou Sacrés.
La plupart des boucliers grecs n’avaient pas la forme
d’un 8, ni d’un triangle, carré ou rectangle : ils étaient
ronds (hoplon). Ils avaient parfois la forme d’un
croissant de lune (pelta). Le bouclier du soldat romain
était un rectangle, sans pouvoirs magiques mais
hautement protectif. Pourquoi un guerrier grec
aurait-il utilisé un Bouclier Soleil ou un Bouclier Lune?
Disons, pour simplifier, que le guerrier grec
combattait pour son Honneur ; le soldat romain pour
son salaire (Cfr. étymologie de soldat et de salaire).
Certains pourraient objecter que le guerrier persan
aussi était représenté avec un Bouclier Lune. C’est vrai
mais couvrons ce détail d’un voile ; nous ne sommes
pas tout à fait prêts pour ce genre de parenté. Notre
société occidentale est née d’une division du monde
après la bataille des Thermopyles : la conférence de Yalta de notre Époque classique.

Autres objets des temples de Mnajdra


Ballons de foot en pierre
Ces sphères en pierre ont été retrouvées sur le site.
Considérées comme des roulements à bille pour
trainer les dalles de pierre, cette théorie pose problème.
- Pourquoi utiliser des sphères en pierre quand des
cylindres de bois, des troncs d’arbre, sont disponibles ?
- Les sphères ont des diamètres différents. Même si
on en plaçait une douzaine sous une dalle de pierre,
seules les trois plus hautes toucheraient la dalle et
s’enfonceraient sous son poids, cessant de rouler.
- Pour les faire rouler, il faut une surface dure. À
Malte comme ailleurs, il y a des cart rut (traces de roue de charriot), sortes de rails qui
semblent avoir été creusés dans la pierre, mais ils ne vont pas des carrières aux temples.
- Les sphères de pierre n’ont pas été retrouvées dans les carrières ni sur le parcours vers
les temples, mais seulement autour et dans les temples. Aucun travailleur ne laisserait ses
outils sur le chantier. Pourraient-elles avoir une signification symbolique ?
Nous n’avons de réponse qu’à la dernière question. Dans un temple, on demande une
grâce, puis on rend grâce à la Divinité. Si la fertilité est le genre de grâce que l’on demande
à la Déesse de la Fertilité, une sphère de pierre serait un ex-voto de pierre en forme d’œuf.
Surtout dans le temple de la Déesse Mère de Pierre. Vingt siècles plus tard, ces œufs seront
peints sur les “boucliers en forme de 8”, c’est-à-dire dans le Ventre Sacré de la Déesse Mère.
En hommage à ses dieux gréco-latins, l’Académie les appellerait ex-voto litho-ovoïdaux. (Réf. 7)
Pour le moment, nous préférons dire Œuf Magique. D’autres observations porteront à
une théorie générale qui mettra chaque objet à sa place. Ce n’est qu’alors qu’on pourra
donner à chacun le nom juste dans le bon contexte.
En attendant, dans un autre contexte, les houligans du foot peuvent utiliser le ballon de
Mnajdra pour marquer d’une tête. Cela ne peut que leur faire du bien.
8
L’Abeille est un insecte en forme de 8 qui construit des spirales psychédéliques.

Elle – L’Abeille & Marguerite & Soleil & Semences – habite le Temple. Nous la reverrons, à
propos de petites erreurs commises pendant la reconstruction de Mnajdra. “Malte” vient de
melita, abeille en Grec. Nous verrons des murs de l’Abeille de Malte à Mycènes et à Delphes.
Tête et antennes sur nids d’abeilles,
ou double spirale qui émerge d’un
triangle ?
Que représentait la double spirale
néolithique de Malte ?
A-t-elle survécu ? A-t-elle évolué ?
Une réponse nous arrive en un “flux
de conscience”. L’expression naquit
avant que Freud et Jung ne l’utilisent.
Ils auraient pu dire qu’une réponse
remonte en un flux de “sub”- conscience, elle nous tend les bras depuis la préhistoire de
notre première enfance, en un chapelet de mots en liberté :
semences, giron, double spirale, seins, miel, abeille, femme...
Les “boucliers en forme de 8” que nous venons de voir à
Mycène et Crète étaient...
entourés d’une farandole de Spirales qui émergent des Fleurs...
Du Mal ? Baudelaire...
Tous – poètes, psychanalystes, archéologues, entomologistes,
gynécologues, même les femmes, même La Ménagère (1) –
toutes et tous sont bienvenus en cette chasse au Trésor.
9
Forme en 8 d’une… Vénus? Mère ? Madone ? Dame ? Notre-Dame Déesse ?
La Géante est un poème de Charles Baudelaire,
dans Les fleurs du mal. Il décrit une jeune
femme qui ressemble à la plantureuse Femme de
Malte. Nous proposons de l’appeler Madone,
Dame du temps jadis, ou Notre-Dame Déesse. Nous
verrons pourquoi Mère et Venus sont limitatifs.
Le poème de Baudelaire a inspiré une très belle
chanson, La Géante, écrite par Pierre Philippe,
composée et chantée par Juliette (Noureddine).
Elle serait heureuse de s’entendre dire que, dans
son propre physique, elle aussi représente une
parfaite Madone du Néolithique. Ou au contraire,
elle pourrait se vexer si, malgré sa sensibilité et
son talent, elle souffrait de préjugés esthétiques. Dans la mythologie de la chanson,
l’amant de la Géante est rejeté pour l’avoir appelée Queen Kong.
La beauté est dans l’œil de celui qui regarde mais parfois, L’Enfer, c’est les autres.
Ces surnoms, Vénus ou Mère, sont des produits de nos préjugés. Ils trahissent la vraie
personnalité de la femme représentée. Leur révision est utile dans différents domaines :
archéologie, psychologie, activités thérapeutiques, etc.
Nous associons Beauté et Vénus, l’Aphrodite des Romains, comme conséquence d’un
récit mythologique grec connu comme Le jugement de Pâris ou La pomme de la discorde. C’est
le mythe fondateur du Patriarcat, comme nous le verrons.
Notre-Dame Déesse de Malte avait tous les attributs des trois Déesses grecques :
Aphrodite, Héra, Athéna. Notre-Dame Déesse était Une. Puis elle fut divisée. Divide et
Impera. Qui a divisé Notre-Dame Déesse en trois ? Une réponse peut être trouvée dans un
roman d’Albert Gianna. Le titre est une définition de mots croisés : Aimer. Une lettre... (B)
Albert Camus conseillait : « Si tu veux être philosophe, écris des romans. » Dans le roman de
Gianna, une lycéenne, Beba, fait ses devoirs à la maison avec l’aide de son oncle.
Ensemble, ils écrivent Le petit lexique mythologique de Beba. L’extrait suivant est notre
modeste traduction de l’original italien.
P
Pâris
Tu te souviens de la Pomme d’Or que Pâris devait donner à... ? Oui ? Bravo ! On voit que tu
lis les bons livres, les beaux... mais que veut dire ‘beau’ aujourd’hui ? Avant, le Beau était
l’Absolu, que nous ne pouvons imaginer qu’en rêvant à avant, avant le... avant Homère. Il nous
a raconté un bobard, le vieux, quand il a dit que Pâris devait juger qui était la plus belle des trois
Déesses : Héra, Athéna, Aphrodite. On connaît la suite : Pâris choisit Aphrodite, déchaînant la
jalousie furibonde de Héra et Athéna ; Aphrodite nome une remplaçante, Hélène, la
mignonnette que Pâris enlève et porte à Troie et déclenche la fin du monde, d’autres mondes
commencent… C’est ce que dit Homère. C’est des bêtises, typiques du Patriarcat : toujours la
même Histoire de l’Homme racontée par les hommes. La Grande Guerre, la force des
machos, la faiblesse de Pâris : tout ça pour une minette. Je suis vieux, Beba, aussi vieux que
Hermès, donc je me souviens : il ne s’agissait pas de ça. Ce n’était pas un “concours” de beauté,
on ne peut pas, on ne pouvait pas “comparer” un Absolu comme la Beauté. Le choix offert
10
était un piège ! Pâris est une marionnette inconsciente entre les mains de Zeus, le fondateur du
Patriarcat. Au début de notre temps, à la fin d’un autre temps, Zeus n’était pas assez fort pour
dire : C’est moi qui commande, un point c’est tout ! Lâchement, il appelle Son messager, Hermès, et
ordonne : c’est un sale boulot ; que cet idiot de Pâris le fasse.
Hé toi, l’idiot ! Hermès sourit quand il porte la Pomme de la Discorde à Pâris, et prononce des
paroles hermétiques : « à la plus Belle ». Hermès rigole parce qu’il comprend la blague de Zeus :
elle est salée ! Tu te souviens Beba ? Nous l’avons déjà écrit : Hermès a inventé l’herméneutique,
il sait donc interpréter les paroles de Zeus. « À la plus Belle » est un ordre : « indique l’Absolu
féminin », c'est-à-dire « divise la Femme ». C’était un ordre dia-bolique, Beba, de dia : division. Le
Dia-ble di-vise. Grâce aux idiots, le Diable divise et domine : Divide et Impera. Par la main d’un
idiot, l’Homme Dieu divise la Femme Déesse en trois : Hera est la Femme Mère ; La Femme
Instruite & Sage est Athéna, que les sculpteurs habillent en guerrière parce que ces silences
étaient redoutables, dans les batailles dialectiques ; les armes d’Aphrodite sont plus douces.
Pâris ! T’es un crétin ! Il ne fallait pas choisir. Tu ne dois pas choisir qui jeter de la Tour ; à ce jeu, tu dois
abattre la Tour, toujours ! Et si tu n’y arrives pas, jette celui qui essaye de te coincer dans une question sans issue,
ça lui fera les pieds.
Regarde ce que t’as fait! Aujourd’hui, certaines féministes crétines comme toi ont fait un choix ! Pour elle, la
Beauté Suprême n’est plus Aphrodite mais Athéna en sauce Walt Disney : elles ne cultivent pas savoir et
sagesse ; elles collectionnent les médailles en chocolat du Diplomifice et font du bodybuilding en salle de gym.
Pâris ! Bougre de… ! En donnant la Pomme à Aphrodite, tu as condamné la Femme à un destin funeste. Tu
l’as transformée en objet décoratif, un bibelot du Patriarcat qu’un macho quelconque peut palper ou détruire pour
se défouler. Tu n’aurais pas dû choisir, pas dû diviser ! Tu aurais dû Unir, réconcilier Hera & Athéna &
Aphrodite parce que la Femme est Une & Trine comme Dieu, mais elle n’est pas Dieu : elle est Déesse.
Pour apprécier le potentiel de l’interprétation du mythe selon Albert Gianna, et d’autres
passages de notre exposé, il faut garder à l’esprit un aphorisme bien connu :
« Les mythologies racontent des événements qui n’ont jamais eu lieu,
mais qui arrivent chaque jour, partout. »
En divisant la Femme en trois Déesses, Zeus divisa aussi l’Amour. La distinction établie entre
Eros, Philia et Agapè fut adoptée par la tradition chrétienne. Eros est encore l’amour
d’Aphrodite. Agapè, l’amour universel et fraternel selon les Grecs, l’amour paternel de Dieu
selon les chrétiens, pourrait être l’amour maternel de Hera. Philia, un amour mature, illuminé,
proviendrait d’Athéna. Ce nouvel Ordre, un système fondé sur trois amours, est absurde. Les
caresses et les baisers d’une mère à son enfant ne seraient donc pas charnels ? L’union des
amants serait une gymnastique sans tendresse ni spiritualité ? Cet Ordre chaotique est une
conséquence du Big Bang révélé par Albert Gianna. Il fut précédé par l’Amour avec un A
majuscule, l’Amour non divisé irradié par la Femme non divisée : la Déesse Une & Trine.
Le destin commun qui unit la Femme & l’Amour sera examiné au cours de notre voyage.

Noms plus appropriés pour les objets “en forme de 8”


Ce “8” n’est pas un nombre mais la forme de la Femme idéale : la Déesse. Nous pensons
donc que tout objet “en forme de 8” (statuette, peinture, bague, etc.) devrait être appelé
tout simplement statuette en forme de Déesse, bague en forme de Déesse, et ainsi de suite, ou mieux
encore : porte-bonheur en forme de Déesse. Le fait qu’il s’agisse d’une statuette ou d’une bague
n’a pas besoin d’être souligné sans une bonne raison, bien que les musées et les galeries
d’art aiment spécifier ce qui est évident, avec la taille de l’objet. La taille compte.
- Femme nue sur un sofa ? J’aurais deviné tout seul. 51 x 60.5 cm ? Alors là, je note.
11
La double spirale est un symbole très courant.
Elle est représentée en différents objets, des
temps les plus anciens à nos jours. Le fait
qu’elle soit ici constituée d’un long fil
métallique suggère un double labyrinthe dans
lequel on pourrait se perdre. On peut aussi la
décrire comme deux petits cercles : un 8,
entre deux grands cercles. Nous ne sommes pas encore en mesure de proposer un nom
meilleur. Plus tard, quand ce qui est représenté avec précision sera précisément décrit, le
lecteur pourra donner à la double spirale le nom qu’il préfère. L’auteur décline toute
responsabilité. Sur une question aussi scabreuse, il risque son statut social.
Aucun problème de ce genre avec le bouclier, l’instrument de protection magique du
guerrier grec. Nous pensons qu’il devrait être appelé bouclier Mère.
- N’est-ce pas un nom peu viril pour le bouclier d’un guerrier ?
Nous ne connaissons pas les pensées d’un guerrier qui gît mourant sur le champs de
bataille. Nous avons entendu dire que certains soldats, alors qu’ils voyaient arriver le
coup fatal, appelaient leur mère à leur secours. Dans les moments de vérité, les humains
n’ont pas la virilité obtuse d’un héros grec.
Le bouclier Mère avait les mêmes pouvoirs que le porte-bonheur en corail commenté
auparavant et utilisé par les soldats jusqu’à nos jours.
Ces objets furent produits vingt siècles après que la Femme du Néolithique ait été
repoussée en coulisse par les Dieux et les Héros qui conquirent l’avant-scène.
NB. Nous n’avons pas mentionné une société matriarcale ; nous avons commencé à
esquisser la Civilisation de la Femme. Ce point, comme la plupart des autres, sera développé
plus avant.

Question de l’Avocat du Diable, sans réponse pour le moment.


Dans les statuettes de femmes prospères, la poitrine n’est pas représentée. Plus tard à
Rome, le canon de beauté semble avoir préféré les petits seins, les gros étant un signe de
vieillissement ou de maternité passée. La taille est une question de goût. Cependant,
depuis deux siècles, les humains ont été classés parmi les mammifères. L’absence de
seins dans la représentation d’une mammi-fère, d’une porteuse de seins, indiquerait une
continuité entre la civilisation néolithique et la nôtre, grâce à une question : ce pourrait-il
que la poitrine et le lait de la Déesse Femme aient été trop sacrés pour être représentés ?
Une réponse positive expliquerait pourquoi, dans notre société où des femmes nues sont
sur tous les magazines, le téton est caché par une étoile, et une femme allaitant son
enfant en un lieu public suscite un scandale, que d’aucuns se croient autorisés à faire
cesser sous la menace de conséquences légales.
Vingt siècles après Mnajdra, les parties génitales masculines étaient exhibées et objet du
culte public de Priape, alors que les parties féminines étaient un tabou.
- Pourquoi ?
Nous trouverons une réponse dans un sanctuaire du Patriarcat.
12
Plus tard, ailleurs. Mémoire & Oubli
Un vase-Femme : l’image spéculaire de La Potière du Néolithique. Pour
plus de réalisme, le cou du vase est devenu Sa tête.
Dessous, nous voyons un bon exemple de la façon dont Mémoire & Oubli,
un seul concept, est à la base de la créativité à l’Âge du Bronze en Grèce et
ailleurs. D’autres exemples suivront.
Un vase nostalgique, antique.
Cette photo n’a pas été prise du vase original mais
d’une autre photo, sur une publication
académique grecque prêtée à l’auteur par un très
aimable expert du musée de Mycènes. L’auteur
est désolé d’admettre qu’il ne connaît pas le grec,
ni la provenance de ce vase. (A)
Certains considèrent l’Histoire comme une ligne
du Temps, un axe cartésien sur lequel ils voient
des périodes de continuité ou des interruptions.
Nous sentons que ce vase se décrit lui-même
comme Mémoire & Oubli, en une dimension hors
du temps. C’est le cas de presque tous les objets,
qu’ils soient historiques ou d’aujourd’hui. Il faut
connaître leur langage bien sûr, et qui ignore
l’écriture chinoise ne pense jamais qu’elle ne
signifie rien.
La silhouette de ce vase n’est plus l’image
spéculaire de La Potière ; c’est celle du Potier.
Son corps est séparé de la Terre par un pied,
comme une colonne Ionienne, alors que la
colonne Dorique précédente n’avait pas de pied :
elle était en contact direct avec la Terre. Les épaules larges sur un torse bien droit
diffèrent du ventre rond, sans pied, d’un vase-Femme. Le cou est trapu, solide : c’est le
cou d’un champion de bodybuilding ; ce n’est pas l’étroit couloir qui mène au ventre de
certains vases-Femme. (2, 3)
Cet Homme de l’Âge du Bronze est couvert d’une Communauté Néolithique de
Femmes. D’allègres farandoles de Spirales émergent des Fleurs et dansent autour des
Silhouettes en forme de 8. C’est une danse en Cercle que l’on danse depuis, comme nous le
verrons au chapitre Mytho-logique & Magie-logique. La fente verticale est bien visible.
Dans la figure en 8 de gauche, les œufs ont disparu, ou ils ont été amalgamés en une
foule ondulante. Dans le 8 de droite, ils ont disparu ou ils ont été réinterprétés,
ressemblant ici à deux croissants de lune.
Période ? Un temps d’équilibre paisible & de vague angoisse.
Un vase très différent mettait des accents virils dans la voix d’une guide du musée
d’Athènes. Pour des somnambules hypnotisés par l’écran de leur smartphone, elle
chantait la geste des Héros qui s’entretuait sur le petit écran d’un Vase-Homme.
La guide d’Athènes est une femme moderne, nostalgique.
Dans un livre à Mycènes, nous avons trouvé un vase nostalgique, antique.
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Des murs-Fleurs construits par l’Abeille de Malte, à Mycènes et à Delphes ?
Voici deux techniques sur un même monument. À Mycènes comme à Delphes, sur un
mur donné, certaines pierres sont disposées comme des briques, les autres comme des
pétales de fleur. Ces Murs-Fleur sont-ils un écho des fleurs de Mnajdra, à Mycènes 2.000
ans après, 3.000 ans après à Delphes ?

Porte des Lions – Murs extérieurs (Mycènes)

Temple d’Apollon - Trésor Siphnian (Delphes)


Le mur à fleurs a un avantage évident : il peut résister à tout tremblement de terre. Mais
ce genre de logique n’explique pas deux styles totalement différents sur le même mur.
Les bâtisseurs de deux civilisations travaillaient-ils pour la même entreprise ?
- Qui construit cette portion de mur : toi ou moi ?
Quand nous “pensons’, nous utilisons notre intellect “sans y penser” et presque toujours,
nous suivons le modèle aut-aut. Ce n’est qu’une des ‘formes’ possibles de notre pensée. La
disjonction latine aut signifie ou. Elle forme l’injonction aut-aut : ou tu fais ceci ou sinon... C’est
l’attitude typique du macho. Son contraire est la conjonction latine devenue française : et. En
Unissant Deux lettres – e, t – les scribes romains inventèrent un signe ésotérique : &. Il fut
utilisé plus tard par les moines copistes chrétiens, mais pas pour ‘gagner du temps’ comme
disent les modernes. ‘&’ exprime une attitude différente, une autre ‘forme’ de pensée, une
autre forma mentis. Puis la signification réelle de l’esperluette & fut perdue... et récemment
retrouvée, extraite d’une fouille comme tout objet archéologique. (B, 1)
En regardant ces murs, devrions-nous conclure qu’à Mycènes comme à Delphes, deux
civilisations coexistaient ? Après longue réflexion, nous préférons dire que les murs
constituaient une Conjonction, un Trait d’Union, que les pierres parlaient, représentaient
Une nouvelle civilisation : l’UVV, l’Union Vainqueurs & Vaincus.
Mais n’en est-il pas toujours ainsi ? Une œuvre d’art, une technique, une langue et le
visage d’un enfant représentent La Mémoire & L’Oubli de L’Union.
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Le Dauphin : une figure centrale en Grèce.
Un étudiant somnolant voit une ressemblance Delphes/Dauphin. S’il ne demande pas pourquoi
au prof, sa vaine somnolance doit être punie ! Ce n’était pas une vision, ni une rêverie.
L’étimologie de dauphin est un mot grec qui signifie uterus. L’association d’idée peut être
due au fait que l’animal est un mammifère, marin, souriant. Ce mot, au pluriel delphoí, a
donné Delphes. Le nom du sanctuaire du Patriarcat est donc le pluriel de uterus ? Et bien
oui. C’est choquant ? Certains disent que Delphes est le nom du fils d’Apollon, Delphos.
Dieu merci, nous voici rassurés ! Mais… que signifie Delphos ? Adolphus signifie « (frère) issu
de la même matrice ». Adolf serait un gentil petit nom pour un patriote, n’est-ce pas ?
Un marin, sauvé par un dauphin, remercia
avec un important ex-voto à Delphes ; certains
disent qu’il fut le fondateur de Delphes.
Depuis, tout dauphin est sacré pour un marin,
et tous peuvent exhiber un Dauphin porte-
bonheur. Sur les vases grecs, des dauphins
nagent autour des bateaux. Ici, Dionysos
navigue sous un ciel de pampres de vigne. Le
Dieu Joyeux peut boire et conduire, protégé
par les dauphins. Ainsi, le “bouclier en forme de
8” et le Dauphin offraient la même protection,
accordée par la Déesse Femme & Mère.
Le Patriarcat la couvrit d’un voile épais et
sombre. Cela ne serait plus possible
aujourd’hui. Mais regardons sous le voile.
Le Temple de la Femme & Mère à Delphes
À Delphes, notre première surprise fut de découvrir que le sanctuaire d’Apollo avait été
construit en hauteur bien sûr, mais au dessus d’une fontaine sacrée et d’un petit sanctuaire
connu sous le nom de ‘tholos’ ou ‘tombeau’ d’Athéna. Nous pensions avoir mal compris :
cette ‘tholos’ devait recouvrir la tombe d’un roi d’antan. Une Déesse ne peut pas mourir.
Mais les manuels et étiquettes confirmaient sa mort. La tholos de Delphes est le tombeau
dédié à Athéna “Pronaia”: “celle qui était avant”. L’Athéna de Delphes est morte et
enterrée. Mais Elle est folle de rage: Je suis bien vivante, bande d’idiots ! Dans le Verbe au
présent éternel des mythes, Hera la Déesse Mère commente, glaciale comme la Reine
Victoria : « We are not amused - Cela ne Nous égaye point. » À ce stade, cela égaya l’auteur.
Delphes et l’Oracle grec le plus célèbre : la Pythie.
Quand un Grec devait prendre une décision importante, il demandait conseil à une
femme cachée dans une grotte de Delphes : la Pythie. Elle était là depuis des siècles,
depuis bien avant qu’Apollon n’utilise deux aigles comme pigeons voyageurs, comme
nous le verrons. Certains disent que la Pythia était choisie par des paysannes, parmi les
paysannes. L’expérience nous dit que ce système électoral était sage.
Delphes et l’Omphalos : le Nombril, le Centre du Monde.
Un aigle à deux têtes qui regardent en directions opposées est un symbole de l’autorité
impériale. Apollon fit voler deux aigles en directions opposées afin qu’ils se rejoignent au
Centre du Monde. Ils entrèrent en collision au-dessus de Delphes. Le lieu du crash est
marqué par une pierre, l’Omphalos ou Nombril : le Centre du Monde. Il était près de la
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Grotte Sacrée de la Pythie, mais il s’agit d’une coïncidence. Quoi qu’il en soit, un autre
mythe, Apollon et Python, indique que l’Omphalos était à Delphes avant qu’Apollon
n’arrive, comme nous le verrons.
La catastrophe aérienne des deux aigles prouve une chose : les Patriarches savaient que La
Terre est un globe, une sphère, un double dôme ou un double ventre comme un œuf tout
rond dans le Ventre & Œuf du Ciel. Un deuxième point nous vint à l’esprit en
rapprochant la notion d’Oracle Femme et le blasphème de la tombe d’Athéna : les Patriarches
avaient un grand besoin d’éliminer les esprits habitant le Sanctuaire de la Femme. Pour ce
faire, ils leur donnèrent de nouveaux noms : un truc typique de la magie noire.
Deux versions de l’Omphalos

Photo de gauche (musée de Delphes). Cet Omphalos très décoré était placé au sommet
de la colonne corinthienne en second plan. Il était soutenu par trois figures féminines
considérées des danseuses. Elles émergent des foisonnantes feuilles d’acanthe, unies,
comme pour représenter la ré-Union de la Déesse divisée en Trois par Zeus. Elles nous
rappellent aussi ce dessin : la célèbre ‘main’ de Myriam, Marie, Fatima. Une vision
transforme la main en cette même Trinité Divine féminine émergeant des feuilles. Un ‘œil’
est toujours représenté sous les ‘trois doigts de la main’, avec au centre l’iris : une fleur. Iris
est aussi la messagère de la Déesse Mère, une Hermès féminine. Cet Œil n’est pas un œil.
Le lecteur pourra partager notre vision plus avant, et au terme du voyage quand nous
serons en mesure de dévoiler la signification de la Double Spirale. Signalons pour l’instant
que ces feuilles d’acanthe sont courbées de façon excessive pour qui connaît la plante. Ici,
elles esquissent une spirale dynamique, vitale.
Dans la colonne ionienne (dessin), la double spirale avait au contraire une
rigueur géométrique ; elle n’apparaissait pas du tout dans la première
colonne dorique. Plus tard, avec le baroque, ces spirales appelées volutes
par les architectes couronneront façades et colonnes, et le manche
d’instruments de musique dont le corps est incroyablement semblable au
“bouclier en forme de 8”: violon, guitare, etc. Le point rond au centre des spirales ioniennes est
appelé œil. Deux spirales, deux yeux forment un 8, un autre porte-bonheur archaïque : le hibou.
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Photo de droite (sanctuaire de Delphes). Voici un Omphalos clair et net. Sur le fond,
un des nombreux Murs-Fleur de Delphes. Leur présence semble vouloir souligner la
rapport entre l’Omphalos et une civilisation qui vécu 2000 ans av. A. (avant Apollon).
- Que représente l’Omphalos?
On peut le retourner dans tous les sens, l’Omphalos ne ressemble à rien.
- Comme c’est intéressant… Si rarement reproduit et pourtant si célèbre. La Tour Eiffel
ressemble à quelque chose ! Sa “tête” ressemble à l’Omphalos, alors pourquoi ne pas le dire ?
Priape n’est pas tabou !
Certains disent que l’Omphalos représente le nombril protubérant d’une femme
enceinte. Une comparaison entre le Centre du Monde de Delphes et L’Origine du Monde
de Gustave Courbet serait-elle tirée par les cheveux ? Au fond, Omphalos, Nombril,
Centre du Monde, Origine du Monde sont des notions convergentes dans le sanctuaire
de la Femme. Le nombril est une porte fermée sur le couloir qui n’est plus. Nous
retrouverons le nombril et le couloir quand nous découvrirons le rapport entre Notre-
Dame Déesse et le Labyrinthe.
La décoration de l’Omphalos dans la photo à gauche pourrait avoir été copiée par
Fabergé pour certains de ses Œufs. L’orfèvre russe avait été remarqué par le Tsar pour
ses copies de bijoux antiques ; l’artiste avait-il senti un rapport entre l’Omphalos, l’Œuf,
Pâques, la Fertilité, la Femme ?
Pourquoi, alors, le sanctuaire de Delphes a-t-il été dédié à Apollon, le nouveau Dieu du
Soleil Masculin ?
Une révolution cosmique avait eu lieu. Le Soleil avait été conquis par la tribu de
l’Homme & Père. La tribu de la Femme & Mère, vaincue, fut reléguée dans une réserve
indienne : La Lune. Nous verrons qu’une telle évocation des USA et de leur Histoire &
Mythologie & Sociologie & Psychologie n’est pas complètement hors sujet.

Un Vase-femme ventrue & Une Femme-vase ventru


S’agit-il d’un Vase-femme ventrue ou d’une
Femme-vase ventru ? Il est difficile de
distinguer une personne de son image dans un
miroir. Surtout dans le cas de la Femme qui
produisit sa propre image dans le plus ancien
des Miroirs Magiques : Le Vase.
Comme bien d’autres, cette femme & vase
attribue la même importance aux seins qu’au
nombril. Sous ce dernier, un autre ‘objet’
apparaît de façon inhabituelle. Sur de
nombreux vases de la même période
néolithique, il est représenté ailleurs et de façon
différente, comme nous le verrons.
À propos, qu’est-ce qu’un nombril ? C’est la
cicatrice profonde d’une Union Perdue & Séparation
Nécessaire. En cela, le nombril est aussi un symbole
du désir de ré-Union : un symbole de l’Amour,
selon la définition de l’Amour donnée par Aristophane dans Le Banquet de Platon.
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Socrate aussi avait pris la parole. Il avait admis que sa vision de l’Amour était celle que
lui avait expliquée dans sa jeunesse une femme savante : Diotime de Mantinée. Elle lui
dit qu’Amour signifie Beauté et Sagesse portant en son sein le Bien Absolu.
Beauté & Sagesse & Grossesse de Bien Absolu ?
- Aphrodite & Athéna & Hera... ré-Unifiées en Amour...
- Blasphème !
Heureusement, le Banquet s’était tenu en privé. En public, une atteinte au fondement
même du Patriarcat aurait créé à Socrate de très graves problèmes.
Mais voilà, les choses ont mal tourné pour lui de toute façon ; on dit que Judas était un
de ses disciples. L’Évangile selon Platon n’est pas une découverte ; c’est un vieux secret.
Diotime dit autre chose. Ses paroles résonnèrent à Delphes: « Amour est un interprète, un
intermédiaire entre les Dieux et les hommes… » Les Dieux et les hommes, les Dieux & les
hommes… Un lecteur du roman d’Albert Gianna reconnaîtrait Hermès dans
l’intermédiaire interprète évoqué par Diotime ; il comprendrait le titre du roman, en
forme de mots croisés : Amare. Una lettera... – Aimer. En une lettre... (B, 1)

Le Trident de Poséidon, Dieu transgenre.


Chaque nouvelle religion apporte quelque chose de nouveau et recycle tout le reste. La
naissance de Jésus Christ par exemple, dont nous ignorons tout, fut fixée le 25 décembre
pour occuper la case départ sur le Jeu de l’Oie Circulaire, celle du Soleil Renaissant.
D’autres cases restèrent occupées par les précédents vainqueurs.
Les Romains avaient changé le nom d’un mois de l’année pour le dédier à Jules César :
juillet. Puis vint le premier Empereur, Auguste, qui donna son nom au mois d’Août. En
changeant le nom des divinités d’autres peuples, Rome les intégra comme ciment d’un
empire de plus en plus vaste, presque ‘catholique’ : mot grec qui signifie ‘universel’.
Poséidon, un Dieu grec, devint Neptune. Les ancêtres des Grecs arrivèrent du nord ;
changèrent-ils quelque chose eux aussi ? Oui ! Nous voici à un moment critique, charnière
de notre vraie Histoire. Elle ne commence pas à « l’Âge du bronze » ou à « l’invention de
l’écriture ». La période précédente s’appelle « préhistoire » ? Oui, et c’est un scandale ! Une
telle classification, inventée au 18e siècle, est encore utilisée dans les écoles et conditionne
notre perception de la façon la plus négative. Avant les Grecs, comment était représentée
la mer ? Nous l’ignorons. Les Grecs savaient écrire, peindre; ils auraient été capables de
sculpter de belles vagues. Cependant, ils représentèrent la mer comme Poséidon, un
homme d’âge mur, musclé, barbu et colérique : Ulysse en sait quelque chose. Cela ne nous
scandalise pas, bien que nous sentions tous que la Mer est Mère.
Notre sensation est confirmée par la science moderne : c’est dans la mer qu’est née la vie
sur notre planète. C’est dans l’eau que commence la vie qui nous est la plus chère, la nôtre,
dans le ventre d’une mère qui pour l’instant reste une femme malgré les progrès
scientifiques. Et pourtant, Poséidon est indubitablement un homme, et plus : un macho,
qui brandit... un poignard ? un javelot? Non ; il tient Son Trident comme un sceptre.
Comme un harpon ? Non, un harpon n’a qu’une seule pointe. Pourquoi trois pointes ?
Pour éviter que le poisson harponné ne se libère ? Deux pointes auraient été suffisantes.
Mais pour les très gros poissons, ne serait-il pas préférable d’avoir six, huit, dix pointes ?
Oui, en effet, de tels harpons furent trouvés dans les fouilles archéologiques autour du
Fucino, en Italie, aussi appelé lac de Celano, aujourd’hui asséché. Alors, pourquoi
Poséidon s’identifie-t-il avec un harpon à trois pointes, Le Trident ?
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Pour le comprendre, nous devons revenir à un ‘Trident’ vu à Delphes : la
colonne sur laquelle Trois demoiselles soutenaient l’Omphalos. Pourquoi
Trois jeunes femelles fragiles, alors qu’aurait suffit un seul mâle bien
musclé comme Poséidon ? Parce que ce Trio est une représentation
symbolique de la Déesse, un déguisement nécessaire depuis qu’Elle est
devenue une clandestine dans son propre sanctuaire :
Delphes.
Depuis 4.000 ans, un Dieu polymorphe, avec l’aide de Ses
Compagnes, occupe toutes les cases de la Déesse, après
l’avoir chassée de l’Univers. Poséidon est représenté par Le
Trident, sans lequel personne ne Le reconnaîtrait.
Peut-on en conclure que « 3 » est un symbole féminin ?
Nous le pensons en regardant le Vase-Femme avec trois petites boules disposées en
triangle : les mamelons et le nombril d’une femme enceinte, les Trois Pointes de la Vie.

Un triangle différent était taillé entre deux spirales sur une pierre du Temple de la Femme à
Malte ; nous en reparlerons quand tous les éléments du puzzle auront été considérés.
Depuis la victoire de Poséidon, mille divinités mineures continuent à vivre dans les eaux
d’une Mer transgender : des femelles. Parmi elles, un seul mâle émerge et saute gaiement
parce que tout le monde l’aime. C’est le Dauphin, c'est-à-dire l’utérus : un substantif
masculin dans toutes les langues latines, comme l’exige la logique.
Pensons-nous qu’aujourd’hui ou demain, « Déesse » pourrait substituer « Dieu » ?
Observons notre langage ; il n’est jamais innocent. « Sainte Trinité » est un substantif
féminin dans toutes les langues latines qui indique l’Unité de Trois substantifs masculins
dans toutes les langues latines. Mais évitons ce jargon grammatical : pris séparément, le
Père, le Fils et le Saint Esprit forment un trio d’entités masculines ; quand ils sont “Unis”
comme l’exige le dogme, leur composition harmonieuse constitue L’Unité Féminine. Le
Mystère de la Sainte Trinité est ainsi “dévoilé” par la linguistique ? La science du Verbe
offre une promotion à la Déesse ? Peut-être, mais pas au prix d’une nouvelle guerre de
religion. Mieux vaudrait tout oublier, ré-enterrer les découvertes archéologiques, et faire
un feu de joie avec les livres de linguistique et de théologie, autour duquel danser une
farandole.
Les deux objets archéologiques suivants racontent le début de la première guerre de
religion.
Elle se déroula autour de la Méditerranée mais ce fut sans doute la Première Guerre
Mondiale.
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Notre conclusion sur Mycènes, Delphes et le reste.
Le Patriarcat ne pouvait pas émerger et se développer parmi tant de symboles de La
Femme & Mère. Certains furent effacés. Depuis les Pharaons qui effaçaient à coups de
marteau l’image d’un prédécesseur déchu, l’élimination des symboles du passé a occupé
chaque nouveau Pouvoir.
Nous sommes sur le point de mieux comprendre le
saut stylistique stupéfiant que nous avions observé
à la Porte des Lions de Mycènes : une entrée
majestueuse d’énormes pierres carrées et, sur les
cotés, de délicats murs-fleur.
La stèle à gauche fut trouvée à Mycènes, dans le
soi-disant “cercle à tombes B”. Elle représente une
scène de chasse ou de guerre. Elle se déroule sous
un Ciel Supérieur de nombreuses spirales. Le pré de
petites spirales ondoyantes suggère qu’elles
appartiennent aussi à la Terre. Une double spirale
entre dans le ciel du tableau, comme un Soleil &
Lune. La Double Spirale pourrait-elle avoir une
fonction protective ?
In hoc signo vinces? Par ce signe, tu vaincras?

La seconde photo est une dague en bronze incrustée d’or et d’argent, elle aussi de
Mycènes. Les chasseurs de lion n’utilisent pas de bouclier ; nous avons ici des guerriers ; ils
combattent leur ennemi : Le Lion. Ils ne sont pas protégés par la Double Spirale mais par
le Bouclier en 8.
Le premier guerrier est vaincu, mal protégé par
un bouclier rectangulaire. Le deuxième se
cache entre les jupes du Bouclier en 8 et plante
sa lance dans la tête du Lion. Les autres lions
s’enfuient : victoire ! In God we trust.
Nous avons confiance en Dieu, qui est
Déesse.
Nous venons de lire deux récits symboliques écrits sur deux objets d’une même période ;
ils parlent la même langue parce qu’ils proviennent de la même culture. Ils indiquent une
équivalence entre le Bouclier en 8 et la Double Spirale. L’équivalence de Mycènes nous
ramène à Mnajdra. Sur la dague, la moitié seulement du Bouclier en 8 est représentée ;
l’autre moitié est derrière le guerrier vainqueur : le Bouclier l’enveloppe comme le dôme
du Temple en 8 de Mnajdra.
Sur une pierre du temple, une Double Spirale attend encore une interprétation.
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Comme la Croix ou le Croissant de Lune, la Double Spirale et le Bouclier en 8 étaient les
symboles d’une antique religion. Puis de nouveaux constructeurs arrivèrent. À Delphes
et à Mycènes, des murs de pierres carrées substituèrent les murs de pierres en fleur. Sur
le Bouclier en 8 des guerriers grecs, la ‘Fente Verticale’ disparu, comme disparu la ‘Porte’
originale de Mycènes.

À ce stade du récit, nous pouvons dire que La Dame de Mnajdra régnait à Mycènes
avant l’arrivée des Héros proto-grecs. Ils effacèrent Ses symboles de pierre : la “Porte”
Sacrée, une fois conquise, devint la Porte des Lions.

Mais comment effacer les Esprits ?


L’Histoire, lue avec de bonnes lunettes, raconte deux techniques différentes et
complémentaires d’élimination des Esprits : l’assimilation et la destruction.
L’assimilation des Esprits s’opère en changeant leurs noms et attributs.
La Déesse de Mycènes fut vaincue par Le Lion, l’envahisseur proto-grec.
Plus tard Elle fut associée aux lions : il y a « un temps pour la guerre et un temps pour la paix »
(Écclésiaste. 3, 8) parce que « tout est vanité. » (Écclésiaste. 1, 2)
En Anatolie, une Déesse vivait depuis toujours sous des noms différents. Elle fut
assimilée par les Grecs puis par les Romains sous le nom de Cybèle. Comment s’appelait
la Déesse de Mycènes vaincue par Le Lion ? Nous l’ignorons, mais en simple touriste,
nous l’avons découverte sur la lame d’une dague, après l’avoir reconnue sur un type de
fresque appelé Bouclier en 8. On ne sait presque rien de la Cybèle originale de l’Anatolie, à
cause du peu d’intérêt qu’Elle suscite dans les académies patriarcales. À Rome, Cybèle
siégeait sur un trône soutenu par deux lions, et elle conduisait un char tiré par des lions.
Peut-on dire qu’à Rome, Elle commandait au « Lion » qui l’avait soumise à Mycènes ?
On trouve la réponse au Registre de l’état civile : Cybèle était une « Vierge », ce qui
signifiait qu’Elle n’avait pas de mari, ni de patron. On remarque la similitude entre virgo,
vierge, et virago, femme qui ne se laisse pas ‘apprivoiser’, comme la ‘mégère’ de
Shakespeare. Certes, Cybèle était une mère, mais Elle n’était pas seulement Mère. Elle
était encore La Femme, complète, non soumise à la division que Zeus imposa avec la
Pomme de la Discorde, comme nous l’avons vu. Partout, Cybèle fut objet d’un culte
persistant, jusqu’à ce qu’il fusionne avec celui de la Vierge Marie, Mère de Jésus.

La deuxième technique pour effacer les Esprits est plus violente, et cependant sournoise.
Nous observerons cette violence, mais voyons d’abord comment elle se cache.

Nous avons parlé de la continuité entre des objets très différents : une statuette, un
temple, une peinture murale. Ils ont représenté un même Sujet sacré pendant des
millénaires. Cette continuité réunit la préhistoire et l’histoire. Deux périodes, divisées par
notre culture scolaire, structurent notre pensée malgré nous. Cette division fut inventée il
y a deux siècles.
Quand une invention quelconque a un succès durable, on peut se demander pourquoi.
Nous avions un passé ; pourquoi a-t-il été divisé en préhistoire/histoire par l’Académie ?
On confond souvent la connaissance avec les produits de l’analyse, qui est la division d’un
tout en morceaux faciles à manipuler. Après, on est rarement capable d’opérer la synthèse :
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la composition du tout qui porte à la vraie connaissance. Parfois, les parties sont
‘manipulées’ pour rendre impossible la reconstitution du tout. Avec la division
préhistoire/histoire, comme dans d’autres cas, l’Académie exprime une volonté et exerce
un devoir : empêcher la connaissance. Pourquoi ?
Une forte pulsion vient frustrer le désir de nouvelle connaissance ; c’est la volonté et le
devoir vital de maintenir la vieille connaissance. Ajoutons, en défense d’une institution par
ailleurs admirable, que dans son effort de conservation, l’Académie a de nombreux alliés.
La division préhistoire/histoire est signe d’un type de refoulement qui intéresse la
psychologie : ce qui est ‘refoulé’, c’est l’origine de crimes quotidiens et d’un malaise
profond de notre société.
La division préhistoire/histoire cache sous terre la pierre d’angle de notre civilisation : le
processus par lequel nous sommes devenus des êtres “civilisés”, appartenant à une
certaine “civilisation”.
Comme disait Macbeth, notre civilisation n’est qu’une ombre qui chemine ; c’est une fable,
racontée par une idiote : L’Histoire. Elle est pleine de bruit et de fureur, et ne signifie rien si elle est
séparée de la préhistoire.
Admettons, pour un instant seulement, que l’Académie veuille vraiment comprendre le
passé au lieu de le confectionner pour le patron du moment, et demandons-nous : peut-
on comprendre l’arbre si on le divise de ses racines ? Peut-on imaginer une science de
l’arbre étudiée de l’école élémentaire à l’université, qui dédaignerait la fonction
d’hypothétiques racines ?
- Oui, je l’ai entendu dire ; les racines seraient une partie souterraine de l’arbre. Quelle drôle d’idée !
D’innombrables sociétés d’experts parlent des fruits de l’Arbre de l’Histoire. De rares
loups solitaires évoquent une substance bénéfique qui serait contenue dans les racines de
l’Arbre.
Bénéfique ?
À quoi peut bien servir, aujourd’hui, la réunion préhistoire & histoire ? Nous le
comprendrons en examinant la deuxième technique pour effacer les Esprits.
La divinité de la “préhistoire” fut combattue et est combattue chaque jour par la divinité
de “l’histoire” avec la plus meurtrière des armes : le récit mythologique de crimes réels.
Les infos TV n’ont rien inventé.

22
Le Féminicide des Héros

Les Hommes, dans leur Sagesse, créèrent une source d’énergie inépuisable.
Des cadavres infinis pourrissent au fond de l’Eau.
Les Âmes remontent, sphères parfaites, chacune vers Sa propre Étoile.
Passant, approche une allumette.
La Mer prendra feu, illuminant la Nuit.

Première Réponse de la Sybille de Delphes,


interrogée sur le Destin de la Femme.
Écho, Nymphe de la Grotte Sacrée, ajoute
à Sa voix un accent sarcastique.
Mais la Pythie reste indifférente. Elle est
Éternelle.

Quelle coïncidence, Pythie ! J’ai un briquet à gaz.


On va pas tout faire sauter au moins ?

23
Alejandra Glez
Serie Mar de Fondo. Presencia. Ausencia. 2018
https://alejandraglez.com

24
Le deuxième Travail d’Hercule
Frise du théâtre (Delphes).
Héraclès/Hercule tue l’Hydre de Lerne,
accomplissant ainsi le deuxième de ses Travaux.
L’Hydre de Lerne est un monstre horrible,
parfois représenté avec plusieurs têtes sur
des tentacules. Plus on les coupe, plus ils
repoussent, comme l’herbe. Ici, l’Hydre (du
grec pour eau) est représentée comme un
dragon au corps de serpent. Le python, qui
prend son nom de la Pythia de Delphes, est
un serpent non-venimeux : il tue sa victime
d’une embrassade. L’Omphalos était gardé
par un autre monstre, Python, tué par
Apollon. Le Nombril devint propriété du
nouveau Dieu-Soleil. Gaïa est triste ; elle est la Mère de Python.
L’Hydre de Delphes a un ventre protubérant, en forme de 8, patiné comme si des mains
infinies l’avaient caressé pendant des siècles. Le Héros est endommagé.
La tendresse et la rancœur s’exprimèrent discrètement, au sanctuaire du Patriarcat ; il fut
celui de la Femme. Mais au foyer mesdames, dans le seul Temple qui vous reste, respectez L’Ordre
Nouveau. Si vous inversez Bien et Mal, vous serez attachées à un poteau sur un tas de fagots.
C’était notre rêverie : une façon de raconter mythe & faits. Elle vous dit quelque chose ?
- Cette interprétation est tirée par les cheveux, ou pire !
Nous sommes d’accord : elle est tirée par les cheveux, et pire. Tant est que l’experte du
musée, interrogée sur ce dragon au ventre en forme de 8, répondit qu’il s’agissait d’une
coïncidence. Puis elle regarda l’auteur de ces notes – personne âgée mais encore
présentable – comme une chose que le chat vient de ramener à la maison.
Il convient donc de reprendre nos observations.
Sarcophage romain avec Les Douze Travaux
d’Hercule/Héraclès, réalisé environ deux
siècles après le bas-relief de Delphes. (Rome
– Palazzo Altemps) Entre le Premier et le
Troisième de ses Travaux, après avoir
étouffé le puissant Lion de Némée et avant
d’attraper la véloce Biche de Cérynie,
Hercule/Héraclès tue l’Hydre de Lerne : La
Femme. Elle bloque la jambe du Héros avec
le tentacule d’une pieuvre. Ses jeunes seins
sont une tentation...
Cela nous rappelle-t-il autre chose ?
Au loin, une cloche sonne l’alarme.
- Si tôt ? L’Église est en avance ! Nous ne
sommes qu’au 3e siècle Après Jésus-Christ.
Nous avons tous remarqué, bien sûr, que le sexe de la Femme est caché alors que celui
d’Hercule n’a pas peur de lasser, donc la question importante est la suivante.
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Pourquoi la cloche de l’Église devrait-elle perdre son temps à sonner pour un si vieux
péril ? Il est plus probable qu’il s’agisse d’un rappel à l’ordre sur les bonnes manières :
« Tu ne dévoileras pas. »
Le récit mythologique est une des formes les plus anciennes et authentiques de magie.
Un mythe doit dire. Quand on dit, ce qui doit être sera. C’est de la magie ! Un mythe doit dire
de différentes façons, pour sembler différents mythes, pour brouiller les pistes et être
plus efficace : ce qui doit être sera & restera au plus profond. Mais un mythe ne doit jamais se
dévoiler, en aucune de ses formes. Il peut se dire en une fable pour enfants & se cacher dans
des objets domestiques, par exemple un costume, mot qui vient de coutume sociale : ce que
l’on doit faire, suivant l’exemple des Héros & Saints.
- Donc, cette femme nue victime d’Hercule est une erreur grossière ?
Dans un chef-d’œuvre, il n’y a pas d’erreur. C’est plutôt le clin d’œil du psychanalyste au
client en pose sur le divan alors qu’il sculpte son portrait sur un sarcophage à usage
privé. Mais pour le grand public, l’art a une fonction sociale : il doit construire & maintenir
une société. L’art mythologique doit représenter le crime mythologique pour qu’il soit
opérant & le cacher pour en maintenir les effets. Au travers du récit mythologique, Le
Crime construit & Le Voile maintient une société bien réelle.
Ce Crime & Ce Voile a été un aspect fondamental de notre vie personnelle & sociale &
politique & religieuse depuis 40 siècles.
Bonaparte s’exclama : - Du haut de ces pyramides, 40 siècles nous contemplent !
- Et pleurent, murmura une vieille Femme.
Andromède, innocente et belle jeune fille, est punie pour une faute commise par sa mère.
Attachée à un rocher sur la mer, elle doit être dévorée par le dragon de service. Persée tue le
dragon et libère Andromède. Nous verrons bientôt ce que le Héros fait à la Mère. La belle est
libre ? Les cordes invisibles de sa nouvelle contrainte sont plus puissantes de celles qui
l’unissaient au Rocher sur la Mer : deux symboles de la Femme. Nous retrouvons le même
Héros dans une nouvelle religion. Le récit est plus clair sur ce qui doit être & rester dans le profond.
Le Héros tue le Dragon et sauve la Femme de sa propre Nature. Merci Saint Georges ! La
Femme n’est pas toujours représentée avec le Saint Héros terrassant le Dragon, mais le
monstre a des caractéristiques constantes. Du feu sort de sa bouche, et sa queue ressemble à un
fouet. Les paroles prononcées par ce genre de monstre
sont des coups de fouet cuisants. Mais la Femme, quand
elle apparaît sur la photo mythologique, est si faible, si
douce, si belle, si parfaite : une Vierge.
Un autre Georges, Giorgio De Chirico, le dit
clairement. Sa “peinture métaphysique” met La
Femme sur le devant de la scène et le Héros en
arrière-plan. Il tue un dragon qui n’habite plus une
caverne paléolithique mais un Abysse de Mer &
Ciel. Saint Georges travaille dans le Laboratoire
Magique ; un Georges quelconque, Jojo, fera ses
devoirs à la maison.
Dans la vraie vie, La Femme de Mnajdra améliore la situation par la résistance pacifique ; le
Mahatma Gandhi a été éduqué à Son école. Certaines femmes réagissent et se battent,
marquant quelques buts dans un derby infini. Quelques pauvres femmes sont des malades

26
mentales féroces qui essayent de détruire un non-Héros en le frappant avec leur enfant. Les
sœurs jumelles de Médée se comportent comme de vrais monstres, et ne pourraient pas
continuer à le faire sans l’aide d’autres femmes trop frustrées pour les arrêter. (12)
Héros & Femmes Guerrières & Monstres Malades & Complices est un aspect spécifique
de l’Univers Patriarcal, depuis son début.
Tant de violence infligée à la propre espèce n’a rien à voir avec l’instinct. On n’en trouve
aucune trace dans une période précédente qui se perd dans la nuit des temps. Nous y
entrerons par la Porte de Mnajdra. Pour mieux comprendre ce Paradis Perdu, nous
examinerons plus tard la mytho-logique du temple.

Persée & Oedipe & Hercule & Georges - Le complexe du Cauchemar Evergreen
Les Héros ne combattaient pas au passé ; ils sont en train de combattre. Les mythologies
vivent hors du Temps et ne déclinent les verbes qu’au présent.
Dans les mythes que nous examinons, les Héros se battent comme un seul homme.
Malgré la diversité apparente, il y a Un Mythe, Un Héros, et Il combat.
Chaque jour, Persée, fils de Zeus et fondateur de Mycènes, coupe la gorge et décapite
Méduse, en grec Protectrice, ou Mère. Le peuple en liesse salut son exploit. Chaque jour, le
Héros combat pour créer & maintenir le Patriarcat sur les cendres de la précédente
Civilisation de la Femme. En grec, ‘Persée’ signifie Destructeur.
Nous ne sommes plus choqués par le récit d’un jeune homme qui ‘doit tuer’ son Père
pour devenir un homme. Pour le même objectif, il doit aussi ‘tuer’ Mère & Femme.
Ou alors, il doit l’abandonner mais Elle ne veut pas le laisser partir, Elle essaye de le
retenir, avec ces tentacules empoisonnés & doux, et plus le jeune Héros les coupe, plus
ils repoussent. C’est un cauchemar ; c’est Le Cauchemar d’un arbre evergreen qui
fructifie éternellement. Ce pourrait être un olivier, le symbole même de la Paix &
Prospérité.
Justement fascinée par Œdipe, la psychanalyse pourrait avoir ignoré ou sous-estimé un
complexe plus… complexe : le Parricide & Matri-Féminicide de Persée & Oedipe &
Hercule & Georges. Nous proposons de l’appeler Complexe du Cauchemar Evergreen.
Mais comme Freud nous l’a expliqué, notre langue est indépendante de notre volonté et
prononce des lapsus. Notre main prononce des actes manqués, quand elle tient un couteau ou
un revolver. Au lieu de ‘tuer’ en rêve, George tue vraiment, dans la vie réelle. Hoops…
Désolé ! Un coup de couteau manqué, ou une balle perdue sans collier qui rentre à la maison.
C’est une bavure du mythe ; çela arrive tous les jours, et ce n’est pas surprenant.

Que dire de L’Autre Moitié du Ciel ?


Le Parricide & Matricide de l’Héroïne ? Le Double Crime est-il possible, désirable,
nécessaire, pour une jeune Héroïne aussi ? Une psychanalyste et un psychosociologue du
Patriarcat pourraient unir leurs efforts pour répondre que le Double Crime est commis
normalement. Pourquoi est-il resté couvert d’un voile ? Une réponse aiderait à trouver
des solutions aux problèmes qui émergent quand il n’a pas été commis.
En attendant, nous pouvons soulever un autre voile et répondre à une question
précédente à propos de la femme qui ne peut pas allaiter son enfant en public : pourquoi
les parties génitales masculines étaient-elles exhibées et objet du culte public de Priape,
alors que les parties féminines étaient et restent un tabou ?
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À Mnajdra, avec la clarté d’une fresque médiévale, un voile de symboles racontait la
Magie Divine : la capacité de Créer & Nourrir. Vingt siècles plus tard, le voile devint
ceinture et cuirasse de chasteté. N’ayant pas assez de chiens pour surveiller leurs
troupeaux, les patriarches imposèrent à leurs femmes des comportements contre nature
et une forme symbolique de mutilation génitale : une autocastration que nous appelons
pudeur féminine.

“Problème & Solution” : un système fermé, récent.


Après avoir médité ces notes, un archéo-psycho-sociologue pourrait suggérer que le
Double Crime est une solution récente à un problème récent. Pour différentes raisons, les
choses devaient se passer autrement, autour du Temple de Mnajdra et bien avant encore,
autour de la grotte sacré du Paléolithique aux extraordinaires peintures rupestres.
Nous verrons plus avant que le jeune Héros chevauche vers le Soleil Couchant avec un
pistolet qui pendouille de son ventre. Une jeune Héroïne ne le fait pas. Que fait-Elle ?
Quoi & Comment & Pourquoi ? Trouvez la réponse et écrivez un roman : ce sera un
succès pendant des siècles. Ou il a déjà été écrit et refusé par tous les éditeurs parce qu’il
n’entre pas dans la case patriarcat. Ou il est écrit sur tous les murs mais personne ne sait
lire. Pourquoi ? Parce que nous sommes trop différents pour pouvoir le lire. Ou plutôt,
nous sommes & connaissons de façon trop différente. Ce problème, qui concerne notre être
& connaissance, est une variante de la question ontologique classique. Descartes la résolut avec
la célèbre formule Cogito ergo sum, je pense donc je suis, sans trop se préoccuper de qui on
pourrait être. Dans les cercles académiques, notre variante s’appellerait question onto-
épistémologique. Nous l’examinerons pour comprendre le temple de Mnajdra et le Cogito
ergo sum de la Femme Déesse.
En attendant, ne nous inquiétons pas trop à propos des Martiens. Ils sont déjà parmi
nous mais nous ne pouvons pas les voir pour des raisons onto-épistémologiques : nous
sommes & connaissons de façon trop différente. Ils ne peuvent pas nous voir. Notre vanité
nous fait penser qu’ils puissent s’intéresser à nous. En ce moment, les Visiteurs
négocient un traité de paix avec des fourmis. Les Fourmis sont puissantes, énormes, en
nombre infini : rien ne peut leur faire peur. Elles pourraient ignorer l’offre de paix des
Visiteurs mais « On a souvent besoin d’un plus petit que soit. » Les Fourmis accepteront
l’Alliance Sacrée offerte par ces ridicules petits Martiens. L’Union fait leur force.
- Un moment ! Pourquoi le Héros voudrait-il partir et… ? Moi pas !
La réponse est un lieu commun. Le Héros du Patriarcat doit entreprendre son voyage
initiatique. Parfois, il doit partir se venger de quelqu’un qui a gentiment tué Le Père à sa place.
Un voyage semble être son seul moyen de se réaliser, locution parfois prononcée à la légère.
Elle indique une nécessité vitale pour chacun, et doit être prise en son sens le plus littéral.
Nous avons décrit les mouvements de l’âme du Héros Patriarcal. Que Hermès veuille
aider le Lecteur à supporter les exemples suivants. Nous ignorerons les voyages d’Ulysse
qui sont une illustration trop évidente ; voyons plutôt les hauts et les bas : Don
Quichotte et Lucky Luke ; Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone et un western de
série B : John Wayne chevauche dans le désert avec une chemise bien propre et repassée
par Grand-mère Donald. Elle l’attend à la maison : la tarte aux pommes refroidit sur le
rebord de la fenêtre.
Don Quichotte est suivi par Sancho Panza. Dans ce nom de famille, Panza, le français
reconnaît le ventre, la panse. Sa dimension est indiquée par son prénom : en espagnol,
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Sancho renvoie à ancho, large. Le maigre Chevalier Errant chevauche aussi droit que sa
lance toujours dressée. Il est suivi par une ombre qui bougonne et freine ses élans.
L’Ombre s’appelle Large Panse. Sancho ne fait pas rime avec Macho.
L’écho de la faillite finale de Don Quichotte résonne à la fin d’un film de Sam
Peckinpah : un perdant moderne fuit à cheval sa vie médiocre ; la chevauchée dans la
Nature Sauvage finit dans un embouteillage d’autoroute.
L’antihéros n’est pas le contraire d’un héros ; c’est Le Héros dans la vie réelle.

Don Quichotte et sa lance toujours dressée... Cervantes et Shakespeare sont morts le


même jour de la même année, il y a cinq siècles exactement. Il serait donc temps de voir
& dire une simple vérité : l’Âge d’Élisabeth était particulièrement éloigné de l’Âge de
Victoria et de son bloc mental. Au temps joyeux des Joyeuses Commères... Mais qui a osé
traduire par “commères” ?! À Mnajdra, on disait co-Mères ! Qui a trahi la Déesse,
avilissant le nom de la Communauté Sacrée ? Qui a trahi le Barde Immortel ?
Shakespeare a écrit The Merry Wives, Les Épouses, Joyeuses avant de devenir veuves. Mais à
quoi bon s’échauffer ; le mal est fait. Pensons plutôt à voir & dire. Au temps joyeux des
Joyeuses Commères, tout le monde voyait comment un jeune homme appelé “Shakes
(his) spear” pourrait avoir mérité un tel surnom : “Secoue (sa) lance”. Donc personne ne
l’aurait dit, ni n’aurait souri. Sauf un étranger, Cervantes par exemple, ou Hermès.
Notre interprétation est prouvée par un fait historique. Alors qu’il allait de Liverpool à
Londres pour un concert, Paul McCartney traversa Stratford upon Avon, patrie de
Shakespeare. Il éclata de rire sans raison apparente et écrivit une chanson en quelques
minutes : ♫ We can work it out. Try to see it my way... On peut démêler cette embrouille.
Essaye de voir les choses comme je les vois...
- Ce n’est que trop facile. Sans parler de Dreyfus : ‘Trois Pieds’ n’avait pas trois jambes mais une
autre merveille. Sans parler d’Œdipe: ‘Pied Gonflé’ était bien équipé lui aussi ! Et il était
aveugle comme une taupe... ou comme une psy du Tribunal des Mineurs. Compris ? Non ?
Demandez à Hermès. La récréation est finie : au travail.
Une seule et même histoire constitue L’Histoire & La Mythologie des USA. Les ‘Pères’
Fondateurs fuirent les abus de la Marâtre de l’Est & établirent La Terre de Liberté pour
eux & de Réalisation de Soi pour leurs fils : Go West, young man!
Le Matri-Féminicide du Héros de western
Pour un cow-boy, le Paradis de l’Ouest s’évanouit à l’arrivée d’un symbole de l’Est : la
première locomotive, la première automobile, la première jeune fille qui devrait installer une
école dans ce village de cabanes dans le désert. De jeunes et rudes cow-boys rient alors
qu’elle descend de la diligence empêtrée dans sa belle robe et son ridicule petit chapeau.
Le Méchant l’empoigne et la ‘tue’ d’un baiser brutal sur la bouche. Le Gentil intervient.
Un combat délicieux unit Deux Hommes en un moment de félicité éternelle. Ils utilisent
leurs mains seulement. Parfois, leurs pistolets cessent de pendouiller et se dressent d’un
coup : Bang! Quand un groupe de cow-boys tirent en même temps – groupe se dit gang
en anglais - le Duo, ou Pas de deux, devient un Gang Bang.
De toute façon, le Gentil gagne, il épouse la Maîtresse d’École... ou il sauve son âme et
reprend son voyage vers l’Ouest, là où le Soleil se couche.
Comment s’étonner que les Américains d’aujourd’hui protègent leur... droit de porter
une arme. La castration est inacceptable pour un cow-boy. Et la castration chimique ?
29
Dans ce domaine, c’est ce qu’on appelle l’éducation, mais ce n’est plus une solution
suffisante quand une normale tendance infantile est devenue un problème mental.
Lucky Luke est le plus rapide de l’Ouest à dégainer, sans petite pilule bleue. À la fin de
toutes les BD, il chevauche vers un grand Soleil qui se couche. Il chante : « I’m a poor
lonesome cowboy, a long way from home » : je suis un pauvre cowboy solitaire, loin de ma Maison. C’est
un Happy Ending : une fin heureuse. C’est la fin la plus heureuse, dans l’Ouest sans fin.
Une bien meilleure chanson résume le tout : Oregon, de Tucker Zimmerman, chantée par
Derroll Adams. Alors que le banjo de Adams fait résonner les sabots du cheval – clippity
clop, clippity clop – le voyage est raconté par la musique & parole de Zimmerman : chaque
strophe finit & recommence, avançant en spirale : « yes, some got left behind, the others pushed
on to... » : oui, certains furent laissés en arrière ; les autres continuèrent vers... la prochaine étape,
jusqu’à l’Océan Pacifique et la fondation de l’État de l’Oregon.
Le nom Oregon vient d’un verbe grec. Son choix fut inspiré par la première phrase d’un
célèbre traité philosophique de la Grèce classique : Physique, d’Aristote. Cette même
phrase du Maître d’Alexandre le Grand a inspiré la célèbre première phrase de la
Déclaration d’Indépendance des USA. Les Pères Fondateurs des USA firent preuve d’une
certaine logique en s’inspirant d’Aristote, le Fondateur de la Logique. C’est une histoire
trop longue pour être racontée en ce chapitre, mais elle mérite d’être connue. (1)

« A ti digo, ¡oh sol, con cuya ayuda el hombre engendra al hombre! »


Ma prière va à Toi, O Soleil, avec l’aide duquel l’homme engendre l’homme ! Ainsi prie le narrateur
dans Don Quichotte, au début du 45e chapitre (deuxième partie). Comme son Chevalier
Errant, Cervantes souffre d’hallucination : l’homme engendre l’homme, et en plus avec
l’aide du soleil. Curieuse idée... mais au Siècle des Lumières comme note Florencio
Sevilla Arroyo, c’était un lieu commun qui parvenait encore d’Aristote : Physique, II, 2.
Cette idée était plutôt ‘meta’ physique mais deux siècles plus tard, elle galopait dans le
Far West.
Dans certaines églises, on chantait le Gospel, l’Évangile, et on le chante encore: Rock my
soul, in the bosom of Abraham... Laisse-toi bercer mon âme, dans le sein d’Abraham... Le sein du
Prophète est cité dans divers textes sacrés ; les fidèles sont parfois représentés dans ces
entrailles patriarcales. Nous espérons n’offenser personne avec une question qui n’a pas
besoin de réponse: Abraham était-il une Déesse Mère ?
Cervantes sourit mais ne rit pas. Rire de certains sujets était dangereux, quand
l’Inquisition rôdait ; c’est encore dangereux, de bien des façons. Comme Hermès,
Cervantes sourit et nous porte des messages chiffrés. Dans le même chapitre de Don
Quichotte, il tisse l’éloge d’un bon administrateur de l’île, son nouveau gouverneur :
Sancho Panza. Nous désirons signaler au passage que Large Panse administre son Île avec
la sagesse de La Ménagère. (1)
Dans notre Nouveau Monde global, les Européens comme les Américains vivent à
l’intérieur de cette Frontière Mythique où le Soleil se couche : nous sommes la
tribu occidentale. Dans son étymologie, le terme occident unit deux notions : tomber & tuer.
Pour la Tribu Occidentale, l’Homme & Père Soleil tombe chaque soir, tué par la Femme &
Mère Nuit. Chaque matin, Il prend sa revanche. Cependant, The Fatherless Society, La Société
sans Père, est une définition de notre tribu qui n’a été proposée que récemment. Les
experts viennent de découvrir que notre société est caractérisée par La Recherche du Père. Il
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n’est jamais trop tard. Nous vivons en un temps de changement & continuité, comme il
y a 25 ou 50 siècles. Il n’y a rien de nouveau sous le Soleil & Tout change.

Cela rappelle un aphorisme qui résume Lavoisier, fondateur de la chimie moderne :


« Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. » C’est si vrai que 22 siècles avant, un
philosophe grec, Anaxagore, le disait déjà. Tout deux reformulaient la pensée du
Paléolithique : « Sur le Manège du Temps circulaire, nous dansons en cercle en tournant sur nous-
mêmes. » Plus tard, le temple de Mnajdra le répéta, solennellement. Ses paroles de pierre
résonnèrent en de nombreuses langues dans les temples suivants.

Un Voyage de la Femme & Mère à l’Homme & Père.


C’est le destin du jeune Héros Patriarcal. Il est clairement exprimé, par exemple, dans la religion
chrétienne qui a changé au cours des siècles, comme l’interprétation des signes. D’autres
changements viendront.
Le Fil d’Ariane nous a guidé de la culture néolithique de Malte à la Grèce de l’Âge du
Bronze et de la période classique. Certaines croyances archéologiques ont été révisées,
ou plutôt « déconstruites » par nos notes. Leurs développements pourraient être utiles
aujourd’hui, pour demain. Nous espérons avoir convaincu de jeunes chercheurs à
délaisser la chaleur du nid académique pour se lancer dans de nouvelles aventures. Les
moins jeunes savent qu’il n’est jamais trop tard.
Certains pourraient vouloir appliquer nos notes en Littérature ou Sociologie ou
Psychologie. Excellent. Ajoutons Philosophie ou Histoire de l’Art ou… mais encore une
fois, avant toute application disciplinaire, une vision & action métadisciplinaire est le premier
pas décisif. Surtout s’il saute la ridicule di-vision intellectuel ou manuel !
Cette di-vision régit notre système scolaire, notre société et l’idée que nous nous faisons
des êtres humains et de nous-mêmes. (1, 6) Nous reviendrons sur ce point.
Il faut utiliser de bonnes lunettes, quand nous observons « l’étoffe dont les songes sont faits »,
c’est à dire nous-même. Nous devons éviter une approche pseudo-rationnelle, pseudo-
scientifique, comme la peste. Il y a des façons plus utiles d’aborder la matière des songes.
En voici un exemple : un autre extrait du Petit Dictionnaire Mythologique de Beba. (B)
Encore une fois, il s’agit de notre modeste traduction de l’original italien.
G
Jean B comme dans ‘Baptiste’
…/…
La Femme n’est pas un macho conjugué au féminin.
La Femme viendra. Elle reviendra, toujours différente & toujours Elle-même. La Potière reviendra.
La Femme était Le Vase Magique. Pour trop de féministes, elle n’est qu’un pot avec un petit bec.
Les potiers ne connaissent que le cendrier où ils éteignent leur mégot.
Ils ne savent pas Où & Quand se faisait Le Vase.
Ils ne suspectent pas qu’il y ait un Pourquoi.
Ils ne découvriront jamais Comment : ils ne connaissent pas &.
Ils ne peuvent pas imaginer comment il était créé, Le Vase qui créait & se créait & se régénérait lui-même.
Ils ne le croiront jamais : Le Vase reviendra, pour Créer & se Créer, pour régénérer le Tout.

31
Pour comprendre, pour sentir ce qu’était un vase, il suffit observer qu’aujourd’hui
encore, dans les habitations des tribus les plus évoluées, des fleurs semblent sortir, des
fleurs semblent naître, des fleurs semblent être accouchées par un vase plein d’eau.
Ce deuxième extrait permet, par exemple, de répondre à une question qu’on ne pose
jamais.
Les vainqueurs des Jeux Olympiques originaux ne recevaient pas une médaille d’or,
d’argent ou de bronze. Ils étaient couronnés d’un cercle des feuilles d’un arbre toujours
vert, l’olivier, et recevaient un vase d’huile d’olive : l’essence même de la richesse
agricole, nourriture sublime et baume divin. Aujourd’hui, le vainqueur de la plus modeste
compétition reçoit un objet appelé ‘coupe’ alors qu’il ressemble souvent à un vase.
La question qu’on ne pose jamais est simple et pourtant fondamentale en des cas
semblables : pourquoi ?
- Mais parce que c’est comme ça, tout simplement.
Nous évitons les questions qui nous concernent au plus profond. Nous n’aimons pas
suivre la plus célèbre maxime de Delphes : Connais-toi toi-même.
C’était considéré utile, pour changer en mieux, pour vivre un peu plus heureux.
La magie de la maxime fonctionne encore aujourd’hui. Connais-toi toi-même & ta vraie
Histoire serait aussi utile à rendre un peu moins malheureux ce prochain dont parle les
Évangiles, un personnage lointain, hypothétique. Grâce à une autre traduction – celle du
Roi Jacques et de son Scribe Hermès – les Anglais savent, ou savaient, qu’il ne faut pas
aimer son prochain mais son voisin : neighbour.
- Le prochain ? Le suivant ? Au suivant !... Poussez pas, respectez la file, j’étais avant vous...
Le voisin anglais, notion spatiale, est pour nous un prochain temporel qui ne passe jamais,
et qui ne passera pas.
- J’étais ici avant vous alors faite la queue, à la frontière.
Les paroles ont un poids. Mais elles s’usent et perdent de leur poids. Ce n’est la faute de
personne. Quand les paroles sont vides, elles ont un poids négatif. Il s’agit d’une loi
physique. C’est aussi une loi métaphysique qui ne concerne pas seulement la parole prochain.
Les paroles se consument alors que nous les consommons. Les symboles et les rites aussi
s’usent quand on les consomme, et nous mélangeons tout, vases et coupes, consommant
et consumant les fleurs et tout le reste de façon insensée. Nous désirons donc conclure
ce chapitre d’une note optimiste : la réponse à la question précédente, qui redonne du
sens à notre quotidien.
On couronnait le vainqueur des Jeux olympiques d’un cercle magique de feuilles toujours
vertes afin qu’il devienne un Héros Éternel. Pour la même raison technique, quand nous
aimons une personne, nous lui portons une couronne de fleurs le jour de ses funérailles.
- Mais d’où arrivent les fleurs ?
De Mnajdra. C’est le “vase nostalgique, antique”, qui nous l’a rappelé.
D’autres tribus brûlent leurs morts pour les aider dans leur ascension vers la vie
éternelle. Nous les mettons en terre, comme des semences, afin que leur vie continue.
Cette vieille métaphore est utilisée dans le Sermon Académique pour les Morts. Tout le
monde trouve pratique de croire aux promesses des religions, ou de les rejeter. Très peu
essayent de comprendre la logique de la magie religieuse. Elle est simple ; elle pourrait nous
convaincre, quand nous écouterons le Sermon Silencieux pour les Vivants, récité par
Deux Tables de Pierre dans le temple de Mnajdra. Leur sermon parle de semences.
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Certains se moquent des amants romantiques... Amour & Vie est Éternel, c’est bien
connu, depuis l’Origine du Temps Circulaire. Nous retournerons à ce Temps heureux et
à la Dame qui l’a créé.
- A-t-Elle créé aussi l’Amour ?
Nous pensons que c’est une très bonne question. Nous laisserons le lecteur répondre, à
la fin du chapitre sur les “observatoires solaires” de Stonehenge et Mnajdra, quand nous
aurons fini de les démolir.
Mais si La Dame de Mnajdra devait répondre, Elle pourrait observer que ce n’est pas
une bonne question du tout.
- Si j’ai inventé l’Amour aussi ? Il doit s’agir d’un jeu de mot moderne. Aimer & Vivre est Un
verbe, c’est Le Verbe ! Et vous, vous les petits scientifiques modernes, vous avez analysé Un,
vous l’avez divisé en trois verbes - aimer & vivre - sans même vous rendre compte que le verbe le
plus important est celui du milieu : &.
Albert Gianna aurait économisé beaucoup d’énergie s’il avait écouté la Dame de
Mnajdra, au lieu d’écrire un roman entier sur &. (B)
Démolir les “observatoires solaires” de Stonehenge et Mnajdra nous coutera un certain
effort. Pour démolir un Temple d’aujourd’hui, il suffit d’un seul regard clair.

Les Héros du Dimanche


Au septième jour, Dieu se reposa de Sa semaine de travail.
Pour les langues latines, le septième jour est celui du Seigneur, du Domine : Dimanche
Pour l’anglais, de façon tout aussi correcte et claire, c’est le jour du Soleil : Sunday.
Depuis quelques années, on nous impose d’autres dieux : les joueurs de football. Si des
millions de fidèles accourent au Temple pour participer à la Sainte Messe, si des milliards
suivent la Sainte Messe sur leurs Temples virtuels, et s’ils parlent pendant toute la
semaine de leurs Héros du dimanche, ce n’est pas parce qu’ils sont contents de voir
d’autres hommes gagner en un jour ce qu’ils ne gagnent pas tous en un an.
Ce rite a des raisons profondes ; il raconte Le Récit qu’on ne doit jamais cesser de
raconter : ce serait La Fin du Monde !
Il faut tout faire – nous disons bien : tout faire, de licite sur le terrain et d’illicite en
coulisses – pour que le Soleil franchisse le Seuil Sacré et entre dans le Petit Temple.
Alors, dans le Grand Temple, le peuple de Dieu rugit de bonheur ; les démons ennemis
crient leur désespoir.
Au fond, les ex-votos de Soleil en pierre, à Mnajdra, sont bien des ballons de foot.
Ils devaient et ils doivent encore entrer dans ce but que les Italiens appellent La Porte.

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Ébauches & outils pour approfondir & développer
Nouveaux objets pour l’herméneutique
Hermès est un ambassadeur, un intermédiaire qui traduit le langage des Dieux pour les
hommes, et vice-versa. Parfois, il doit cacher une partie de la vérité, ou mentir. On le
voit à Son sourire. Quand Il dit toute la vérité, ou presque, on le comprend à son rire. C’est
un rire cosmique, qui explose, ébranlant l’Univers.
L’herméneutique – l’Art d’Hermès – a longtemps été limitée à l’interprétation des textes
sacrés. Puis elle a été appliquée à tout texte ; enfin à toute autre œuvre d’art.
Peut-on appliquer l’herméneutique à une technique ? Peut-on soumettre une séquence
opérative à une interprétation selon Hermès ?
En effet, une interprétation a déjà été donnée de la technique du potier, qui fut l’Art de
la Potière. Ermeneutica di una tecnica (2) est un petit essai qui s’est démontré utile en de
nombreuses applications de ce qu’on appelle “faire de la poterie” dans l’enseignement,
l’éducation, en situations thérapeutiques, etc.
Une approche visionnaire à la connaissance est à l’origine de notre interprétation de trois
objets reliés entre eux: une statuette, un temple, une peinture murale. La découverte est-
elle originale ? Nous pensons que oui ; la démarche par contre ne l’est pas mais elle nous
donne l’occasion de souligner l’importance d’une herméneutique de tout objet.
En de telles aventures, notre ennemi est le Technicien. Il se révèle en son explication
préférée : c’est comme ça qu’on fait. Après avoir dévoilé une vérité technique, il cite un Dieu
des Techniciens en son Dialecte Sacré. (7)
En de telles aventures, notre meilleur allié est un enfant. Ayant écouté l’explication
préférée du Technicien, il Lui pose une seule question qui ressemble à quatre questions
qui dansent, qui sautillent et se poursuivent en cercle en modifiant les réponses
précédentes à chaque tour de piste : pourquoi & comment & quand & où ? La musique est
entraînante.
Répondre à un enfant peut être fatigant. Mais ce n’est qu’un enfant, donc le Technicien
l’ignore, ou il le fouette de quelques bons gros termes techniques, puis retourne dormir
sur ses lauriers.
Cette attitude est assez courante. Elle cause l’échec professionnel du Technicien s’il n’est
pas un employé de l’État. D’autres Techniciens porteront leur entreprise à la faillite. Si
l’attitude persiste pendant une ou deux générations, elle entraînera une faillite historique :
la disparition de cette Technique. Les trois possibilités se réalisent souvent.
Techniques, arts, artisanats ? Ce sont presque les mêmes concepts, si on considère
l’origine grecque du premier terme. Pour éviter leur disparition, nous devons protéger les
traditions, qui sont les femelles des caméléons. Pour ce faire, les arts, artisanats et
techniques doivent devenir objets d’un audit herméneutique, de la part d’herméneutes
qui ne soient pas seulement des lecteurs de vieux traités et de revues technologiques.
Voyons des exemples typiques.
L’Art de la Potière n’a pas complètement disparu. Il survit dans ce qu’on appelle le hobby
et dans les activités didactiques, éducatives, sociales, thérapeutiques, etc. où l’attention
n’est pas donnée à l’objet seulement mais à Objet & Sujet. C’est un lien avec l’Antique
Déesse ; cette façon de “faire de la poterie” mériteraient donc plus d’attention, et le plus
grand respect. (2, 3, 8)
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L’art du potier survit dans sa fonction apparemment unique : produire des d’objets pour
les vendre. La dimension symbolique a disparu presque totalement des produits ; elle est
restée dans les processus, comme une magie détériorée. Certains gestes sont répétés
comme font les zombies. Une telle rigidité est le signe ultérieur d’une fonction ontologique de
la technique. Qui produit un objet se produit en tant que Sujet. Le Technicien préfère
mourir (de faim) que de changer sa façon d’Être & Agir.

Fonction ontologique & Rigidité est un concept unique qui replace chaque technique dans sa
catégorie originelle : celle des religions. Les Dieux étaient des travailleurs : Vulcain était
maréchal-ferrant, sur l’Etna.
La Religion pourrait servir de pivot entre les deux paragraphes précédents (Art de la
Potière et Artisanat du Potier) ; et les deux prochains (Technicien Intellectuel et
Céramiste Moderne). Chaque cas peut être lu comme métaphore de la religion.
Pour un herméneute, réinterpréter une religion, c’est comme travailler à la maison. Il fera
du bon boulot s’il s’est exercé hors de chez lui sur des objets non-religieux. L’exercice en
plein air fait du bien. Alors l’herméneute pourra réinterpréter tous les aspects d’une
religion considérée. Quand il ne le fait pas, certains fidèles s’en chargent. Cela arrive
couramment.

Ce qui a été dit du Technicien Potier est valable pour le Technicien Intellectuel. De tous les
techniciens, l’intellectuel est le plus réfractaire au changement. Avec lui, la rigidité devient
paralysie. Considérant une quelconque corporation d’intellectuels, on est émerveillé par un
tel patrimoine de paroles fossilisées, d’habitudes mentales exercées par des zombies. (7) Un
tel attachement à son propre langage technique est signe d’un malaise, d’une particulière
fragilité de l’Être, d’une inconsistance fille de l’éloignement du monde physique et d’un
vide spirituel profond. En général, les intellectuels se vantent d’être incapables de toute
activité “manuelle”. C’est un terme à eux, les pauvres...

La paralysie des intellectuels se reflète sur l’Art de l’Édition, qui montre des signes de
fossilisation. Le plus évident est la réduction des frais par la limitation des photos.
Malheureusement, l’économie sur les photos reste la règle pour les publications sur la
toile. Cela prouve que les auteurs sérieux, comme les bonnes ménagères, ne gaspillent rien.
Un autre signe de paralysie éditoriale est moins visible. Dans le texte présent comme dans
les autres du même auteur, les typographes remarquent que le début du paragraphe n’est
pas signalé par un décalage, ou alinéa. L’auteur préfère ajouter un interligne, ou deux, à
son bon plaisir esthétique, parce qu’il ne doit pas économiser le papier : aucun arbre n’a
été coupé pour ses publications sur la toile.

Le Céramiste Moderne a adapté son art aux temps modernes, avec un grand succès,
grâce à un audit herméneutique scientifique. La céramique est maintenant utilisée dans
tous les domaines, du plus bas au plus haut : du carrelage au véhicule spatial.

Nous pouvons donc conclure sur une note optimiste. Un bon élève ne pose jamais de
question : il fait ce qu’on lui dit. Et s’il continue à être sage, quand il sera grand, il sera
Technicien. (1)

35
Mnajdra et Stonehenge
Pour les questions sérieuses, il est toujours prudent de rappeler l’ABC.
Les instruments scientifiques n’existent pas. Ce qui est scientifique, c’est une méthode. Elle
peut caractériser le travail d’une personne qui utilise un instrument quelconque.
L’instrument le plus sophistiqué deviendra un outil stupide, dans les mains d’un idiot. En
d’autres termes, les instruments scientifiques n’existent pas plus que les outils stupides.
Ce qui ne manque pas, ce sont les idiots.
Le Thermomètre est l’Oracle Idiot des Temps Modernes. Il indique quand le roast-beef
est à point et quand une poterie est cuite, quand on est malade et quand on est guéri. Le
Thermomètre est tellement idiot qu’il indique le Temps ! (B, 1)
Et les Sciences Humaines ? Soyons sérieux. Il n’existe pas une seule Science Humaine. Le
terme a été inventé par un humaniste envieux qui espérait obtenir le succès social et
économique d’un scientifique par un procédé magique : adopter le nom du Héros. Cela n’a
pas fonctionné ? Le gouvernement lui a coupé les fonds ? Adopter le nom du Vainqueur
Scientifique ne suffit pas. Il faut aussi revêtir son Voile Sacré : la Blouse Blanche.
Que le Seigneur de Montaigne illumine qui pense qu’humaniste est réductif, amen. (6)
Sciences et Humanités sont deux formes de connaissance & attitude envers la connaissance.
Différentes, elles sont également profondes. Certaines recherches, et nos notes, ont une
approche scientifique & humaniste : un seul concept indiquant une troisième voie.
Quelqu’un pourrait objecter que c’est l’équivalent de Science Humaine. Il n’en est
absolument pas ainsi. La dégradation du mot Humain à simple adjectif de Sciences est une
inversion grossière sur l’échelle des valeurs : c’est très courant et cela comporte des
conséquences catastrophiques. Ou alors la locution Science Humaine exprime un manque
de sensibilité lexicale, intolérable dans les Sciences comme dans les Humanités.
Des jeux de mot ? Nous avons essayé de formuler un défi pour le XXIe siècle.
La question est simple désormais : c’est une simple question de Vie ou de mort.
Maintenant nous pouvons reprendre notre lecture humaniste & scientifique de Mnajdra et
Stonehenge.

Quoi ?! Mnajdra aussi est un « observatoire solaire » ?! Comme Stonehenge ?!


Un bâton planté en terre est un observatoire solaire, et beaucoup plus que cela.
Un bâton planté en terre peut faire naître un nouvel Être & Connaissance.
Le bâton indique le Temps comme instant ‘ponctuel’ : un ‘point’, mais aussi comme
durée ou ‘longueur’ du Temps. Ces notions spatiales à propos de Temps viennent d’une
perception spatiale : l’ombre du bâton qui rejoint un certain point en un instant précis &
qui s’allonge en une ligne perçue comme durée.
En un phénomène unique, un nouvel Être & Connaissance naît (verbe au singulier) en
relation avec le Soleil. Le nouvel Être est La Femme qui voit d’autres objets : la Lune qui
change alors qu’Elle change… et ainsi de suite, comme s’il s’agissait de déductions.
Sherlock Holmes est La Femme Néolithique. L’organe de son cycle menstruel…
- est un observatoire lunaire. Il fonctionne sans qu’on y plante un p’tit bâton !
Stonehenge et Mnajdra sont des observatoires solaires ?! C’est n’im-por-te quoi.

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Pour décrire le temple de Mnajdra de façon plus vraie, pour connaître & expliquer ce
que ce temple est & comment il fonctionne, nous utiliserons une formule, un seul Verbe qui
unifie deux verbes : Représenter & Créer. Cette formule de base de la magie est aussi un
outil. Exerçons-nous à l’utiliser sur le bâton, afin d’être prêt à l’employer sur le temple.
Et si quelqu’un veut se donner des airs académiques, il peut appeler son petit bâton d’un
nom grec : gnomon.
Un bâtonnet planté en terre est une baguette magique : elle représente & crée le Temps
& la Femme nouvelle qui la regarde & naît d’elle & se reconnaît & se crée dans Sa
propre relation avec la baguette & ombre & soleil, comme dans un Miroir Magique. Hier
comme aujourd’hui, la Femme (ou tout autre Être) est sa propre connaissance, Elle est
son propre Miroir Magique. Elle représente & crée Son propre être, Son être nouveau.
Puis Elle Se multiplie en de nouveaux objets, comme par exemple Son Temple. Elle est
différente de nous parce qu’Elle est & vit son Temps Circulaire, alors que nous sommes
& vivons & mourons le long de notre Temps Linéaire. Quel mystère ! Impossible à
décrire dans notre langage qui simplifie, trahit... mais il est clair qu’un bâton était & reste
une arme pour singes & idiots, une arme aussi idiote que l’idée selon laquelle un temple
mégalithique est un observatoire solaire.

Il y a des milliards d’observatoires solaires en ce monde : on les appelle des arbres.


Depuis ‘l’Origine des Temps’, justement, la Femme, entre autres espèces, a utilisé les
arbres, les pierres, et toutes les choses, comme observatoires-officines pour décrire & se
produire Elle-même & des êtres en nombre infini, inconnus de nous aujourd’hui parce
que nous ‘sommes’ d’autres connaissances, de plus en plus nombreuses et accessibles.
Nous sommes en train de créer l’Homme Nouveau. Nous passons des heures chaque
jour à nous contempler dans le nouveau Miroir Magique, un instrument infiniment plus
riche d’informations qu’un bâton planté en terre : le smartphone qui a poussé dans notre
main comme un poil.

Sherlock Holmes nous guide ; à chacun de Ses pas, une observation & création est suivie
d’une déduction & création, puis Elle retourne sur Ses pas jusqu’à l’Induction Suprême.
Elle, Sherlock, nous guide vers Un & Une, un Dieu Neutre.
« Dieu est Père, mais Dieu est aussi Mère » précisa un prophète au sourire maternel, à Rome,
récemment. ‘Ils’ lui ont réservé le sort des prophètes :
- Une tisane, Sainteté ? Vous dormirez mieux…

À Mnajdra, on comprend qu’Elle est Une.


Une comme le Soleil, Une comme la Lune.
Elle est Jour & Nuit.
La nuit Elle est la Lune qui nous contemple comme nous la contemplons & nous
appartenons à ce peuple d’Étoiles qu’Elle héberge en son Ventre de Nuit.
Le jour Elle est Soleil, Elle embrasse son peuple et le réchauffe de son Feu, un feu qui
brûle, s’éteint, et qu’Elle rallume de Sa propre chaleur, au matin de chaque jour & année.
Le Soleil est la Reine du Foyer & La Reine est le Soleil du Foyer.

Pour des raisons que nous préférons ignorer en ce moment, Stonehenge est, à lui seul,
beaucoup plus célèbre que tous les temples mégalithiques de Malte. Certains disent que
37
Stonehenge est un observatoire solaire ; d’autres admettent que c’est un temple mais
précisent qu’il est dédié au Soleil, une divinité masculine selon les Druides du New Age
du Bronze, les Sacerdotes et Prêtresses du culte d’Apollon & Amon-Ra de Disneyland.
Ce sont les fils et les filles d’un vieux couple. Il y a bien des années, en son plus bel habit
sombre, le bon Élève Obtus épousa Pure Bigote.

Stonehenge est essentiellement une aire circulaire avec une seule entrée précédée d’un
couloir. Certains vases de la même période ont la même silhouette : un ventre sphérique
avec un col étroit, dressé : un couloir qui se termine par des lèvres. (2) Nous comprendrons
pourquoi plus avant, grâce à un temple semblable, construit 90 siècles auparavant. Pour
l’instant, nous suggérons de considérer Stonehenge comme un Temple Mère. Nous
pourrions l’appeler un Temple de la Fertilité, ou tout simplement un Temple Femme
dans lequel le Soleil entre en des moments favorables, ignorés du gynécologue japonais
Ogino. Équinoxe du printemps et Solstice d’été sont les noms scientifiques que nous donnons
à ces apogées fertiles. Nous en reparlerons à propos des semences magiques de Mnajdra.

Comme un bâton dans le sol, Stonehenge indique & crée deux types de temps : moment et
durée.
- Il est Temps de mettre les graines en terre, les filles !
Le Temps fleurira et portera ses fruits ; soyez patientes.
Semence du printemps, récolte d’automne : un seul cycle court, en climat froid.
Les Nord-men et les Normandes envoyèrent la fleur de leur jeunesse au Sud. Comme tant
d’autres avant et après elles, ces fleurs du Nord et leurs épines sont devenues ‘nous’. Les
migrations ne sont pas une mode nouvelle.

En des climats plus doux, comme en Méditerranée, toute société agricole est consciente
d’une première période fertile : le Printemps, c’est la Primevère, la première ère, la
première période. Pour la fertilité bien sûr. Diverses graines sont semées au printemps
pour la récolte d’été. En une deuxième période magique, en automne, d’autres semences
seront enterrées. La récolte viendra plus tard, après l’Hiver, si la Magie fonctionne, et nous
verrons comment elle fonctionne. Les deux périodes magiques pour les semailles
correspondent à peu près aux équinoxes de printemps et d’automne.
En Méditerranée, le Cycle de La Vie est composé d’une longue Période Heureuse qui
s’écoule entre deux Moments Magiques : semailles - récoltes d’été - semailles.
En Europe du Nord, un seul Instant d’Allégresse, le solstice d’été, n’a jamais cessé de
déchaîner une joie folle - après une longue Nuit d’Hiver, avant la prochaine - et une
certaine exubérance sexuelle, si nous avons bonne mémoire, non sans rapport avec
semailles et récolte.
Nord et Sud, nous avions tous un autre moment spécial. Le solstice d’hiver, le Fol
Espoir en la Naissance du Nouveau Soleil, est désormais submergé par un tsunami
consumériste : Noël.
Le solstice d’été est encore célébré par certains chrétiens. Ils allument des feux de joie la
veille du 24 juin, la fête de Celui qui Porte La Bonne Nouvelle : Jean Baptiste.

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Les antiques célébrations des équinoxes du printemps et de l’automne revivent en deux
dates fondamentales du calendrier agricole chrétien : Pâques, la Résurrection pour
Homme & Nature, et la Saint-Martin. Le Bon Légionnaire Romain avait partagé son
manteau avec le Mendiant. Pour la St Martin en Europe, le Bon Seigneur Chrétien
partageait sa récolte à la fin de la saison fertile avec son fermier, et lui renouvelait son
bail s’il était content de lui.

Les moments d’Allégresse et d’Espoir vivaient dans un des temples de Mnajdra, à ce


qu’on dit. Nous n’avons pas vérifié cette donnée. Le développement suivant n’est donc
pas fondé sur une expérience personnelle mais sur une information de source officielle.
Il semblerait que dans le troisième temple de Mnajdra, au solstice du...
Une seconde ! Sommes-nous sûrs de savoir ce qu’est un solstice ?
Nous le comprendrons mieux en observant le mot occident.

Occident, occire, choir : même étymologie.


Le mot occident indique l’horizon derrière lequel le Soleil tombe et meurt occis. Cela arrive
chaque jour ; tout le monde le voit. Mais le Soleil meurt aussi chaque année. Pouvons-
nous le voir ? Ce n’est pas facile. Nous devons observer avec plus d’attention ; observer
par exemple le mot solstice. Son étymologie latine indique que le Soleil s’immobilise,
comme s’il mourrait sur le coup. Mais où pourrait bien s’arrêter le Soleil ?
Les spécialistes – les astronomes comme les astrologues – répondent à la question où
comme si elle équivalait à la question quand ? Ils disent qu’un certain jour, le Soleil s’arrête.
Bon, d’accord, on a compris, mais s’arrêter ne peut pas concerner le Temps, qui ne s’arrête
jamais. S’arrêter concerne un mouvement dans l’Espace. Le bus 38 s’arrête à un poteau
avec un écriteau : Bus 38. Comment voit-on le lieu exact où le Soleil s’arrête ? Où doit-on
regarder ? Dans le Ciel ?
Non. Pour comprendre vraiment le mot solstice, et le mot Occident, et certains aspect
fondamentaux de l’anthropologie, qui raconte notre vraie Histoire, nous devons regarder
l’horizon où le Soleil se lève.
Ou écouter un conte de fées.

Intermezzo - La Première Fée


- Tonton c’est quoi un sostiche ?
- Un quoi ?
- Un sostiche, ça parle du soleil, on nous l’a expliqué à l’école mais j’ai rien compris.
- Tu veux dire un solstice ?
- Je crois...
- Un solstice, c’est quand le soleil... Mais tu sais que... Voyons voir... Si je me souviens bien, je
l’avais compris en lisant un conte de fée. Je ne l’avais pas compris tout de suite, bien sûr, mais à
force de repenser à ce conte de fées...
Eh les enfants ! Vous voulez que je vous raconte un conte de fée ?
- Ouiiiiiiiiiiiii !!!
- Voyons voir...

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Il était une fois une femme. Elle voulait se construire une maison sur l’île de Malte, une
belle maison, une villa, à la mer. Elle voulait profiter du soleil. Tous les matins, elle
chantait à son doux ami : ♫ O sole mio sta in fronte a te... Mon soleil est en face de toi...
Et en face de moi, pensait-elle, mais elle s’aperçut que le soleil se levait chaque matin à
un endroit différent. Il ne s’arrête jamais, ce truc ?!
Comment construire une maison avec le soleil ♫ en face de moi ?
Elle envoya sa fille sur la plage pour planter un piquet à l’endroit où elle voyait le soleil se
lever, en regardant l’horizon du point exact où elle voulait construire sa maison.
- Allez, grosse paresseuse ! Lève-toi ; le soleil va bientôt sortir de la mer ! Mais où vas-tu comme
une somnambule ? Prend le piquet. Et n’oublie pas de prendre un marteau.
- C’est quoi un marteau, m’man ?
- C’est un petit bloc de fer avec... Que je suis bête, je n’ai pas encore inventé le fer ! Alors prends
une pierre.
À cette époque, ils faisaient tout en pierre ; ils faisaient même les couteaux en pierre.
Chaque matin, la gamine se leva avant le soleil.
J’en ai assez ! pensait-elle. Mais un beau jour...
Tremblante de froid parce que ce n’était vraiment pas la bonne saison pour les jeux de
plage, elle se préparait à planter un autre piquet quand elle entendit sa maman crier de loin :
- Stop ! Plus besoin ; le soleil est reparti en arrière, au piquet que tu as planté avant-hier.
Ce jour-là les enfants fut un jour mémorable. Ce fut un jour historique ! À partir de ce
jour, votre arrière-arrière-arrière-grand-mère ne fut plus obligée de se lever si tôt tous les
matins et redevint une grosse paresseuse comme vous tous. Par contre, sa maman
continua à observer le soleil sortir de la mer, chaque matin au dessus d’un piquet
différent. Mais pas au hasard. Le Soleil se déplaçait entre les deux piquets plus distanciés
entre eux : aller, retour, aller, retour, très lentement...
Ces deux piquets étaient différents des autres ; c’étaient des piquets spéciaux. Il fallait
leur trouver un nom spécial.
La femme aurait pu les appeler Arrêt de Bus Soleil, ou mieux Arrêt de la Navette Soleil parce
que le soleil ne faisait pas un tour en ville comme le bus ; il faisait un aller-retour comme
la navette qui ne va que de la gare à l’aéroport. Mais personne n’avait encore inventé le
bus, la gare, l’aéroport... Alors, les deux piquets furent appelés solstice parce que la femme
avait étudié le latin et elle en était justement fière. Si elle avait fait semblant de connaître
l’anglais comme les journalistes à la télé, elle les aurait appelés sunstop parce qu’ils
indiquaient le lieu exact où le soleil s’arrêtait – de son point de vue – puis retournait d’où il
était venu, en un aller-retour continuel, comme la navette du métier à tisser que la
femme venait d’inventer.
Quelle grande toile ! Combien mesure-t-elle ? se demanda la femme en regardant
l’horizon entre les deux solstices. Elle trouva la réponse en mélangeant l’Espace et le
Temps : la toile tissée par le soleil mesure six lunes, dit la femme. Pendant le temps de
six lunes, le soleil tisse une toile de coton parce qu’il fait de plus en plus chaud. Puis, au
retour, pendant le temps de six lunes, le soleil tisse une toile de laine parce qu’il fait de
plus en plus froid. En cousant ensemble les deux toiles, la femme se fit une
tunique qu’elle appela une année. Pour faire un cadeau à son doux aimé qu’elle avait

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envoyé à la chasse pour essayer sa dernière invention – un arc et des flèches, elle fit une
tunique identique. Mais son aimé l’appela d’un nom masculin : un an.
- Oui mais comment elle s’appelait, la femme ?
- Voyons voir... On ne connaît pas le nom qu’elle se donnait à elle-même. Plus tard, les autres
femmes l’appelèrent Ariane ; c’est un nom grec qui veut dire Araignée. Elles lui donnèrent ce
nom parce que pour le tissage, la femme de Mnajdra était aussi douée qu’une araignée. Et parce
qu’elle avait copié une toile d’araignée pour inventer le filet de pêche. Elle avait aussi inventé la
grande dentelle qui filtrait le soleil, à l’entrée de chaque maison. La porte fut inventée par son
doux ami, bien plus tard, au temps de la tristesse.
La femme avait aussi inventé la géométrie, donc elle était capable de couper un gâteau en
portions égales. C’est important la géométrie, n’est-ce pas les enfants ? Mais pas seulement
pour couper les gâteaux. Géo-métrie signifie mesure de la terre... Avec la géométrie, la femme
mesura la plage et coupa en deux portions égales l’horizon du soleil. À mi-chemin exact
entre les deux solstices, elle planta un piquet plus haut que les autres.
Toute contente après tant de travail, elle l’indiqua à son doux ami qui étendait une nappe
pour le piquenique : ♫ O sole mio, quand il se lève sur le piquet central, est exactement ♫ en
face de toi, en face de moi...
Le centre de l’horizon délimité par les deux piquets-solstice était indiqué par le plus haut
piquet. En face de lui, la femme construisit l’Entrée. Elle pendit le rideau de dentelles qui
filtrait le Soleil alors qu’il pénétrait droit au plus profond du Palais en forme de 8, en ce
jour si spécial. La femme l’avait construit en forme de 8 parce qu’elle avait la forme d’un 8.
- Ça veut dire quoi, tonton ?
- Ça veut dire que la femme était belle, moelleuse, potelée, comme un nounours. Si tu dessines un 8,
après c’est très facile de le transformer en nounours... ou de dessiner la Dame de Malte.
La femme et son palais solaire avaient la forme d’un 8. Plus tard, d’autres femmes
l’appelèrent le Palais de la Fée parce que la Dame de Malte fut la Première Fée Mère.
- Oooohh...
- Oui mais... mais elle l’avait appelé comment, le plus haut piquet ?
- Bravooo !... C’est une très bonne question ma chérie. Tu es éveillée, malgré l’heure... mais il est
tard les enfants ; je vous dis seulement que le plus haut piquet fut appelé comme une recette de
cuisine inventée par la Première Fée. C’est une recette facile. Il faut mélanger le jour et la nuit en
parts “équitables”, ce qui signifie en parts égales, et donc justes, comme les tranches du gâteau.
Après avoir mesuré le temps en plantant des piquets dans le sable, la Fée mesura la longueur du
jour et de la nuit avec du sable : elle faisait couler le sable de la plage comme si c’était de l’eau,
dans une horloge transparente en forme de 8.
C’est tout pour aujourd’hui. Demain, je vous dirai le nom du plus haut piquet ; il a un nom très
beau, très mystérieux : un nom latin. Bonne nuit les enfants ; faites de beaux rêves.
- Oui mais si c’était la mère première, comment elle était née, elle ?
- C’est simple. Tu as remarqué que les têtards se transforment en grenouilles, n’est-ce pas ? Et
bien Le Grand Serpent Joufflu se transforma en Grand Dragon Joufflu qui se transforma en
Mère Première. C’est tout. Bonne...
- Et la fille ?

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- Tu aurais pu le deviner toute seule. La Petite Chenille Joufflue se transforma en Papillon Joufflu
en Forme de 8 qui se transforma en Première Fille. Maintenant...
- Oui mais la fée elle était de quelle couleur tonton chériii.
- Elle n’était pas bleue.
- Nooon, je veux dire la peau ! Elle était de quelle couleur ?
- Un vrai conte de fée est un miroir magique ; la fée prend la couleur de celui ou de celle qui
l’écoute. Mais ce conte parle d’une vraie fée, sur une vraie île, Malte, au centre de la
Méditerranée. Je pense donc que la Première Mère était... chocolat au lait.
- C’est boooon...
- La Première Fille était pareille, avec moins de lait. Mais elle aurait dit avec plus de chocolat.
Elle adooorait le chocolat.
- Comme moooi...
- Comme toi, elle avait des petites étoiles d’or sur le nez.
- Horriiiible ! Ils se moquent tous de moooi...
- Elles sont si mignoooones tes petites étoiles. Ceux qui te taquinent sont amoureux de toi mais ils
sont trop timides pour te le dire.
- Merci tonton, tu es trooop mignon.
- Je ne suis pas mignon mais je ne suis pas moche non plus. Je suis... café au lait. Cappuccino.
Avec de la crème.
- Je vois bien la crème mais tu n’es pas café au lait.
- Mon café au lait est bizarre parce que je change de couleur dans tous les pays. Comme les
caméléons. À l’origine ils sont verts.
- Je t’ai toujours vu comme ça.
- Tu es très jeune, ma chérie. Donc c’est l’heure de dormir. Bonne nuit.
- Oui mais comment elle s’appelait la fille tontooon ?
- Ça je m’en souviens parce qu’elle s’appelait comme toi : Aube Claire. Elle était brillante et
têtue ! Donc parfois ils l’appelaient Oli, comme la lampe à huile d’olive. Sa petite flamme
tremblante brûlait toute la nuit, combattant les ténèbres.
Cependant, parfois, ils l’appelaient Ali, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu’en italien,
Ali veut dire les ailes. Il serait tout à fait logique que le fille de la Première Fée ait eu des ailes
quand elle était toute petite.
- Oui mais...
- Bonne nuit.

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Le Palais de la Première Fée

Maquette des trois temples de Mnajdra. Selon des sources officielles, le temple à droite
fut construit en premier, puis vint le tour du deuxième au centre et du troisième à gauche.
Il suffit d’observer la maquette pour découvrir cette chronologie, en une évolution qui
confirme notre vision de temples anthropomorphes. La façade du premier temple fut
construite le long d’une ligne droite ; la façade du deuxième fut construite le long d’une
ligne légèrement courbe ; la troisième façade suit une ligne nettement courbée.
En une rêverie, on pourrait remarquer que la façade du dernier temple représente deux
jambes courbées qui s’étirent de chaque coté de… La Porte. Ils sont décrits comme des
bancs, comme si le site du temple était un jardin public. Quel plaisir que de s’asseoir sur
les genoux d’une Déesse si accueillante !
Une autre information officielle soutient notre rêverie. Aux équinoxes du printemps et de
l’automne, le Soleil entre droit au travers de La Porte, traverse la Deuxième Porte, jusqu’à
un Point Central au plus profond du Temple. Efficacité maximum… mais dans quel but ?
Voyons comment fonctionne la Magie de la Première Fée, qui inventa l’Architecture.
Nous croyons savoir pourquoi le soleil est tiède au printemps et tiède en automne ; écoutons
le point de vue de la Communauté locale. Pour eux, le Soleil doit entrer au plus profond du
Temple pour se réchauffer à partir du printemps, puis pour se refroidir à partir de l’automne
parce que Elle-Soleil & Elle-Temple a besoin de se reposer.
À l’aube, tout le monde peut remarquer que le Soleil sort de la mer Mère, grand comme un
ballon de pierre de Mnajdra, orange comme un jaune d’œuf sans coquille dans le ventre d’une
poule. Au début de ce voyage, nous l’avons appelé Œuf Magique. Pourrions-nous lui donner
un nom plus approprié dans le nouveau contexte qui émerge des dernières observations ?
- Œuf de Pâques ?
On se rapproche, mais c’est encore tiède...
- Œuf de poule ?
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C’est presque ça. Les anglais disent chicken egg bien qu’ils sachent presque tous que les
poulets ne pondent pas d’œufs. De toute façon, un œuf de poule n’est pas sphérique
mais ovoïdal, terme technique pour dire qu’un œuf de poule a la forme d’un œuf. (7)
Cependant, chicken egg, œuf de poulet est juste ici pour indiquer ce qui doit sortir de l’œuf :
un poussin qui deviendra poulet rôti. La majorité des britanniques est optimiste et vote
toujours pour cet Eggxit.
Donc, si l’on considère ce qui doit sortir de l’œuf de pierre de Mnajdra, l’Œuf Magique doit
s’appeler Œuf Soleil.

À propos cher Lecteur... Dans notre promenade, nous venons de côtoyer le vieux dilemme
de la causalité linéaire : « Qui est venu en premier, la poule “ou” l’œuf ? » À Mnajdra on le
comprend mieux qu’ailleurs : c’est “ou” qui est venu en premier, et il a créé tout nos
problèmes. Merci Aristote !
Nous y reviendrons. Disons pour l’instant, afin de comprendre ces ballons en pierre, que la
poule ‘et’ l’œuf ne sont pas deux objets ; c’est Un système indivisible, comme une
bicyclette. Si vous enlevez une roue à votre bicyclette... vous devrez continuer à pied.
La poule ‘et’ l’œuf ne sont pas deux êtres venus séparément; c’est un système vital qui est né
puis s’est développé, Un Système de Vie qu’on appelle, dans ce cas, Poule & Œuf, Femme
& Soleil de Mnajdra, Femme Temple de Pierre & Œuf Soleil de Pierre.
Nous avons dit que le dôme, ou le double dôme qui couvrait le temple à l’origine était la
troisième dimension de la silhouette d’une femme prospère. Il apparait maintenant
comme Coquille Protectrice de l’Œuf-Soleil.
- Les ballons en pierre représentent un Œuf Soleil ? Pourquoi pas un Œuf Lune ?
Le nombre d’Œufs Lune serait beaucoup plus élevé : 12 fois plus élevé. C’est pourquoi les
œufs se comptent par douzaine. Mais l’Unité Divine, c’est l’Année, le Cercle féminin de
la Vie. Un Œuf Soleil était sans doute offert comme ex-voto par la Communauté.
Aujourd’hui, on parlerait d’une cause magique pour un effet spécial, comme la Naissance
d’un Enfant très spécial.
- Par exemple ?
Par exemple, la Naissance du Soleil. Cet Enfant doit naître chaque année, pour que
puisse tourner le Joyeux Manège du Temps.
- Ex-voto et cadeau de Noël ?
C’est exact, mais en ce temps-là, en ce Temps Circulaire, la Crèche attendait chaque
année le retour du Bébé Fille, pour des raisons que nous verrons.
Cela ne surprendra pas les nombreuses petites filles qui, comme Beba, ont pleuré parce
que chaque année, dans la Crèche, il y avait toujours un Bébé Garçon. C’est pas du jeu !
Alors, mamma Chiara inventa la Crèche pour Bébé Garçon & Fille. Une révolution
modeste, silencieuse, cosmique. (B)
Grâce à Dieu & Déesse, Chiara et Beba ne sont pas finies sur un bûcher.
- Pas encore !
Elles peuvent être relativement tranquilles, étant deux personnages de roman.
- Pas l’auteur !
Albert Gianna est en sécurité : il ou elle se cache. L’auteur de ces notes se sent tranquille
à 90 %.
- Et pour le 10 % restant ?

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Bien avant que le coq ne chante trois fois, il reniera chaque paragraphe, chaque ligne
qu’il a écrit ici, et brûlera lui-même le manuscrit, le cœur léger.
- Il en a une copie sauvegardée en lieu sûr ?
Bien sûr, mais aussi parce qu’il a déjà vu le film. Le martyre, c’est bien joli, et c’est même
amusant, mais seulement après qu’une idée ait vécu et se soit développée grâce à des
lâches comme lui.

Mytho-Logique & Magie-Logique


Commençons par des faits indubitables. À la campagne, les gens savent que les œufs ont
besoin de la chaleur de leur maman. Il en est de même pour la Soleil, pauvre petite.
Une Œuf Soleil est apportée au Temple quand Elle a besoin de se réchauffer, et “Elle”
signifie Œuf Soleil & Communauté des Femmes. La Soleil se réchauffe à partir du printemps,
Elle s’épanouie en été et se refroidie alors qu’Elle retourne au Sein du Temple, en
automne, pour y passer une bonne nuit. Elle, la Soleil d’hiver, est en pleine forme quand
Elle se réveille et part faire un nouveau tour sur le Joyeux Manège du Temps.
- Vous pouvez le prouver ?
Mais bien sûr. La preuve, que chacun peut vérifier par une observation scientifique
expérimentale, s’exprime en six mots : ça - marche - à - tous - les - coups.
Et pour aider La Temps à tourner comme une horloge Suisse, rien de tel que la bonne
vieille Dance en Cercle de la Communauté. La Vie s’écoule éternellement en Cercle ;
tout le monde le sait. Cette Magie fonctionne aussi dans les temps modernes. Les
Danses en Cercle et les Cercles Magiques sont encore très vivaces en maintes occasions.
Seul un pâtissier brouillon et sans cœur serait capable de faire un Gâteau d’Anniversaire
carré ! Sur le Grand Gâteau d’Anniversaire du Soleil, chaque bougie est un Petit Soleil
qu’il faut éteindre d’un souffle afin que le Soleil Nouveau puisse naître.
Les enfants dansent leur Magie Circulaire à la foire du pays, sur le Manège du Temps
Mécanique. Cette Machine Fantastique et ses effets sur qui la chevauche mériteraient un
chapitre entier dans le contexte qui nous occupe.
Grâce à l’énergie magique accumulée avec toutes ces danses en cercle, nous sommes
prêts à étudier la Mytho-Logique & Magie-Logique. Ou, si vous préférez, la Musique de
la Dance en Cercle.
- Que dire des deux dalles de pierre frappées par le soleil aux solstices de printemps et d’automne ?
Nous les étudierons pour mieux comprendre le fonctionnement de la Magie de la Vie, au
prochain chapitre, à propos de deux petites erreurs faites pendant la reconstruction de ce
temple.
- Mais ne pourrions-nous pas conclure que le troisième temple de Mnajdra est un observatoire
solaire comme Stonehenge ?
Absolument pas, bien sûr. C’est un temple comme les deux autres, mais construit avec
plus de détails dans la Représentation & Création d’Une Chose que nous Représentons & Créons
divisée parce que nous sommes modernes. (1)
Les deux constructions mégalithiques à droite sur la photo furent édifiées pour
représenter Femme & Temple. Le troisième monument est plus complet : Femme &
Temple & Soleil & Cycle de la Lumière & Cycle de la Fertilité & Œuf Soleil…
Les temples de Mnajdra et Stonehenge nous montrent diverses étapes évolutives de
sociétés agricoles semblables, dans différents climats.
45
Un observatoire solaire ? Si les catégories modernes pouvaient s’appliquer à une réalité
du Néolithique, un étudiant en Physique dirait que Mnajdra est une centrale énergétique auto-
fertilisante sans risque pour la population. Un biologiste pourrait décrire la magie du
Néolithique comme autogamie symbolique : un terme Scientifique & Humaniste. Nous en
préférons un autre : Laboratoire d’Art & Magie de la Femme, comme deux des plus
antiques Laboratoires de la Femme : celui de Poterie, et celui de Cuisine. (2, 3)
Signalons qu’au Néolithique, Humanisme se disait Féminisme. Ce n’était pas l’équivalent,
loin de là, du terme qu’on entend à la télé. Aujourd’hui, les femmes de Mnajdra sont
nombreuses mais elles ne sont pas considérées dignes de l’avant-scène.

Peut-on dire que dans ce Temps Circulaire, le Soleil n’était pas le Père mais le Fils de la
Mère ? Ou qu’un Soleil féminin était la Fille de la Mère ? Rien de tout cela.
Elle était Une : Femme & Mère & Soleil & Fille & Fils & Temps & Espace… Puis un
lent processus commença, visible dans les objets de différentes époques. Elle devint
légion. En Égypte, toute Déesse était Dieu et vice-versa. Puis il y eut division par genre.
Et ainsi de suite. Nos sciences modernes continuent sur cette voie et se développent en
divisant à l’infini. Les sciences accumulent des milliards d’analyses – c’est-à-dire de
divisions et d’examens des parties – et un nombre insuffisant de synthèses utiles. Ce qui fait
qu’il est difficile de comprendre comment nous étions, mais ce n’est pas impossible.
Après tant de divisions scientifiques, le rôle de l’humanisme - du Féminisme - est de
réunir. Cela nous aiderait à comprendre qui nous sommes bien sûr, et ce qui se passe,
parce que ce n’est pas très différent de ce qui est arrivé depuis le vrai début des temps,
quand l’humanité était Féminité.

Ralentir : travaux Mytho-Magiques en cours.


Représenter la relation Soleil-Femme dans la structure même d’un temple est l’équivalent
magique de créer cette relation & ses composants. Le procédé est valable pour toute autre
‘réalité’. Représenter & Créer est une seule et même action magique. Cet acte est la
Magie & la Magie est cet acte.
On dit parfois que l’Art a un objectif : l’Harmonie. Harmonie vient d’un verbe médical
grec qui concerne les fractures. Harmoniser signifie unir ce qui a été séparé. Le résultat est
une composition. Composer signifie Harmoniser, apporter l’union perdue, recomposer la fracture
dans un Être, dans une Société, ou dans l’Univers.
Les arabes furent très influencés par les Grecs et les réunirent aux chrétiens d’Europe
qui avaient oublié la Grèce classique pendant des siècles. En arabe, l’équivalent de
harmonie est algèbre, l’art de restaurer l’unité d’un os cassé : les deux termes d’une
équation. Les sciences alors n’avaient pas été divisées. La restauration de l’Unité est
l’essence même du vrai Monothéisme : un type de religion qu’on peut considérer comme
une forme supérieure d’Algèbre les rares fois où les mathématiciens des trois écoles
principales se mettent d’accord sur une règle commune ; un théo-rème.

Représenter & Créer l’Harmonie du Soleil & Femme & Mère en un Temple est une
Magie. Ou c’est un Art. D’ailleurs, Art n’est qu’un mot pour dire Magie, et vice-versa.
Art, artisanat, magie, métier, profession... Tous se Représentent & Créent au moyen d’un
dialecte spécifique appelé langage technique. Chaque langage technique est plus ou moins secret ;

46
chaque Technicien se cache dans son dialecte, pour des raisons bonnes ou mauvaises. On se
demande parfois où est la différence entre Magie Noire et Dialecte de Tribunal. (6)
Mais il y a aussi de nombreux exemples de Magie Blanche. Par exemple, le Vase est la
Représentation & Création d’une femme : la Potière. Son Pot exprime son Verbe ; c’est la
première Écriture Sacrée.

La fabrication du Vase était un rite mensuel. Son cycle est bien décrit par l’expression De
la poussière à la poussière qui existait avant les temps bibliques, sans être prononcée mais
bien vivante dans le rite originel de la Potière quand le Vase n’était pas cuit. Nous
devons le décrire au présent atemporel ; c’est le Temps de la Magie, que le cycle soit
mensuel ou annuel.
La Potière, qui est faite d’Eau & Poussière, donne Sa propre forme à Poussière & Eau. Le Vase vit
Son été, puis se dissout aux pluies de l’automne. Elle retourne à la poussière et dort mais à Son
printemps mensuel son cycle répète son Être.
Poussière à la poussière... Puis une révolution technologique fut un cataclysme : le Feu.
Cuit, le Vase devint plus ‘fort’, mais il se cassa en tessons qui ne pouvaient pas renaître
dans l’eau. Fin du Cycle ? Impossible !
Une nouvelle phase & phrase fut ajoutée à la magie : Cendres aux cendres, poussière à la poussière.
Le Vase cassé fut broyé en un sable d’os qui fut ajouté à la poussière, afin que le Cycle de
la Vie fut respecté, afin que la Vie puisse renaître encore de la vie immobile.
Cendres aux cendres, poussière à la poussière. Mais la Mort n’existait pas.
Nier & Éliminer, c’est une Magie commune, alors comme maintenant. Ou c’est un Art,
ou un métier : Avocat, par exemple, ou Juge.
De rares potiers modernes ajoutent encore de la terre cuite pilée ou d’autres sables à leur
argile ; les autres l’achètent déjà mélangée. Ce n’est plus une exigence vitale de leur art
que de savoir Pourquoi & Comment & Quand & Qui créa & Se créa en cette Magie. Ils ont
un terme technique pour le sable de squelette : chamotte. Le Verbe Technique transmet
l’art magique & le cache aux regards indiscrets. Mais à force de cacher on oublie Pourquoi
& Qui &... (2, 3)

♫ You may trod me down to the very dirt, still like dust I’ll rise (poème I’ll rise, de
Maya Angelou, mis en musique et chanté par Ben Harper.)
Vous pouvez me piétinez dans la boue, comme la poussière je ressusciterai.
Le sable de squelette a une fonction technique & magique pendant le séchage et la cuisson
du vase. La chamotte pourrait raconter une histoire de résilience : un concept qui émerge
récemment d’un lointain passé.
La résilience n’est pas la résistance. La résilience consiste à devenir plus fort chaque fois
que « nous les os devenons cendre et poudre » et que nous ressuscitons. C’est le cycle de
Mnajdra et de la Potière.
Feu & Résilience... comme dans un autre rite. Le fer devient plus fort quand on le
chauffe jusqu’à ce qu’il rougeoie comme le Soleil, quand alors on le frappe à tour de bras
puis on le refroidit brutalement dans l’Eau ou dans l’Huile, et puis on recommence.
Soumis à un tel supplice, un vase de terre cuite tombe en miettes ; une âme de fer
opaque se transforme en acier luisant... pour le Bien, pour le Mal, ou pour le pire.
47
♫ A lu tiempo d''a disperazione
Masaniello se veste 'a lione.
Désespoir vient après affliction
Jacques Bonhomme s’habille en lion

Paisiblement, le Vase et le Temple de Mnajdra opèrent la même Magie, sur deux cycles
périodiques : le cycle de la Lune pour le Vase qui doit être fait chaque mois ; le cycle du
Soleil pour le Temple qui fonctionne sur base annuelle.
Le Vase et le Temple Représentent & Créent la Vie de La Femme qui crée la Vie en Elle
& autour d’Elle.
Représenter & Créer : c’est La Formule des travaux Mytho-Magiques en cour depuis
toujours. La formule fonctionne encore de nos jours, tous les jours, partout et en de
nouveaux nulle-part : elle nage dans les canaux TV et surfe sur la toile.
Représenter & Créer est le processus magique à l’origine de la Vie Humaine. C’est un
secret qui ne devrait pas être dévoilé. Il ne peut être dit qu’en paroles hermétiques, mais
les paroles des Dieux sont traduites par des herméneutes de plus en plus nombreux...
donc l’auteur ne sera pas le seul à avoir des ennuis. Il prie Déesse d’avoir pitié de lui.
- Eh ! C’est faux ! Nous prions Dieu, d’autres prient la déesse ou une déesse.
- Bien sûr que c’est faux, ou c’est un point de vue. Mais étant différent du vôtre, il vous aide à voir
que la Grammaire est une magie théologique : elle produit des réalités divines ou diaboliques avec
des mots.

Grâce de la Magie Sacrée, tout est sacré.


Certains objets sont plus sacrés que les autres.
Les paroles sont particulièrement sacrées.
Certaines paroles sont tellement sacrées qu’elles ne peuvent pas être prononcées.
De façon générale, chaque parole est sacrée parce qu’elle ne représente pas une chose ;
elle ‘est’ la chose même.
Chaque parole est sacrée parce qu’elle Représente & Crée.
Cela a déjà été dit en paroles plus hermétiques par St. Jean l’Évangéliste :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. »

À Mnajdra, la magie fonctionne de la même façon. Cette même magie compénètre nos
vies. Une personne peut rougir, et être heureuse, et fière, ou elle peut se mettre à pleurer,
s’évanouir, devenir folle et tuer, parce qu’une autre personne a murmuré ou crié un seul
mot.
Nous n’irons pas plus loin parce que nous approchons d’un promontoire dangereux.
Ailleurs nous l’appelons Le Saut d’Icare.

48
L’Art est Magie
La rêverie qui suit nous fait mieux comprendre comment le temple “fonctionne”.
Elle suggère une correction (non urgente) aux deux petites erreurs commises dans la
reconstruction du troisième temple de Mnajdra.

« La Fleur-Soleil n’a besoin de la semence de personne pour se reproduire Elle-même.


Pour devenir Mère de fleurs-Soleil, la Fleur-Soleil n’a besoin que de
sa propre Lumière Solaire.
La Fleur-Soleil ne suit pas le Soleil, comme diront plus tard les
Patriarches.
La Fleur-Soleil est le Soleil.

Chaque matin la Fleur-Soleil se réveille, relève la tête et Se


contemple dans Son Miroir Magique.
Puis son alter ego Abeille recueille son propre Miel.
Enfin, fatiguée mais heureuse, Elle s’abandonne au chatouillement d’un papillon…
Les papillons, les faux-bourdons et les bourdons sont inutiles, mais ils sont si beaux et si drôles !
Leur compagnie est un vrai plaisir.
Le plaisir de la Fleur-Soleil est le plaisir de la Femme de Mnajdra. »

Espérons qu’aucun botaniste ne nous fusillera avec le nom latin de la marguerite, qui
n’est pas le tournesol importé plus tard d’Amérique.
Espérons que notre rêverie sur la magie de la Fleur-Soleil et les notes qui suivent ne
seront pas utilisées pour ou contre les nouvelles techniques de reproduction humaine.
Espérons qu’elles ne seront pas l’objet de bavardage pseudo-féministe.
Espérons qu’elles ne deviendront pas une éducation sexuelle “poétique” pour expliquer
aux enfants que Le Soleil est un mâle qui fournit la semence... ou pour le nier platement.

Les rêveries ne s’expliquent pas ; elles se sentent, comme bien des illusions disséminées par
l’école, la TV et le smartphone. Certaines explications rationnelles sont des sensations.
De façons différentes à différents âges, nos notes – forme & contenu – peuvent constituer
un premier pas vers une école métadisciplinaire : Architecture & Philosophie & Cuisine &
Ethnologie & Mathématiques & Sociologie & Poterie & Psychologie & Danse &... (1)
Des exemples infinis indiqueraient que c’est la seule façon sérieuse d’organiser la Recherche
& le Développement en tout domaine et à tout niveau, ou d’étudier, par exemple, une
société différente de la nôtre.
Une civilisation vraiment différente est un Miroir Magique dans lequel découvrir, enfin, la
nôtre.

49
Deux petites erreurs

La table de pierre à gauche est couverte


de trous ; une dentelle revêt la table de
droite et les autres pierres.
Les trous ont été percés sur des lignes
parallèles ; la dentelle, sculptée en spirales,
évoque un nid d’abeilles sauvages et les
semences d’une marguerite.
Les trous à gauche sont trop différents.
La table de pierre à gauche est un faux.
Cette falsification pourrait être l’œuvre
d’un restaurateur bien intentionné,
comme d’autres au cours des siècles, ou
celle des Restaurateurs de la Magie
Perdue : les Druides New Age de
Stonehenge.
Cette erreur nous fait d’abord comprendre “la logique de la vision” de semences et nids
d’abeilles née d’une pierre sculptée et d’une marguerite, puis comment le temple “fonctionne”.
Cette dentelle ne ‘signifie’ pas semences et abeilles : elle “est” Semences & Abeilles.
Tout étudiant de première année de Linguistique a entendu parler de Ferdinand de
Saussure. Le fondateur de la sémiologie s’est occupé lui aussi de semences : semi en italien,
d’un mot grec pour signe. Il a défini ce qu’est un signe (ex. un trou-semence): un signifiant
(un trou) & un signifié (une semence). C’est vrai dans notre civilisation, dans notre magie
de mots. Les trous-semences de Mnajdra ne sont pas des signes. Dans ce cas, la magie de
Mnajdra est (un peu) différente de la nôtre. Comme nous le verrons, les trous sont des
semences & le témoignage vivant de la période à laquelle il faut enterrer les semences
afin qu’elles vivent, germent et poussent.
Un ethnologue, séparant encore signifiant de signifié, pourrait voir dans la pierre
sculptée une représentation de la Nymphe Semence : une Déesse mineure.
- Pourquoi Déesse et non Dieu mineur ?
L’ethnologue sent avec raison que, dans ce contexte, semence est féminin. Mais encore une
fois, à Mnajdra, il n’y pas division : Pierre & Nid & Semence & Spirale & Vie & Abeille
& Déesse est “Une”, et il n’y a pas de divinité mineure. Pas encore.
50
Au solstice d’été, en juin, une table de pierre est touchée par le Soleil : on le comprend
grâce aux Semences-Soleil dont elle est recouverte.
Au solstice d’hiver, en décembre, un Soleil fatigué rejoint l’autre table de pierre qui est
lisse, ou plutôt qui était lisse avant la première petite erreur. Cette surface lisse ne signifie
pas quelque chose. Elle est quelque chose.
Le Silence est une note de musique. La musique n’est pas un art magique quelconque : la
Musique est La Magie, qui compénètre toutes les magies. Elle est toujours présente au
cœur de la magie de tous les temples, en particulier avec cette note très spéciale : Silence.
Lisse est le tempo du Troisième Mouvement, dans la Symphonie de Mnajdra.
Dans le mur externe d’une maison bleue sur l’Etna, il y a une minuscule chapelle votive.
Comme les autres, elle évoque une petite grotte. Une plaque en bronze indique le nom et
la période :
Notre-Dame de l’Absence. 21e S.
La petite chapelle n’est pas vide. Elle est pleine de silence, et de lumière. Elle est Silence.
Elle est Silence & Lumière.
Les Romains mettaient les figurines et images des ancêtres dans cette Edicola : la Petite
Maison. Les chrétiens maintinrent la tradition avec les images et statues de leur religion.
Aujourd’hui, une Edicola, ou niche, contient souvent une statuette de la Madone, avec
une bougie qui brûle son éternité électrique. Une main pieuse ajoute toujours une fleur
en plastique. C’est important une fleur, même si on ne sait plus ce qu’elle ‘représente’ : qui
elle ‘restaure au présent éternel’, ni ce que La Fleur raconte à propos du Temps et de son
contraire : l’Éternité.
Une fleur en plastique est mieux que rien ? Peut-être, mais pas que ce Rien qui habite une
niche dans le mur d’une maison bleue sur l’Etna.
Première conclusion. Celui qui a percé des trous dans la table de pierre à gauche de la
‘deuxième porte’ ne savait pas ce qu’il faisait, donc nous pouvons lui pardonner une
erreur qui peut être réparée avec un enduit imitation pierre.
Deuxième conclusion, à l’opposé. La table d’hiver n’était pas lisse mais couverte des
semences de l’hiver : le blé.
- Mais alors, et les faux trous ?
- Ils sont le chef-d’œuvre du restaurateur à perceuse électrique.
- Écoutez, vous ne pourriez pas choisir entre deux conclusions opposées ?!
- Il n’en est pas question. Elles me plaisent toutes les deux.
Deuxième petit problème
Au solstice d’été, le Soleil frappe à gauche de la ‘deuxième porte’. Donc la table de pierre
recouverte de Semences-Soleil (authentiques), qui se trouve en ce moment à droite,
aurait dû être placée à gauche. Mnajdra suscite de telles émotions que n’importe qui
aurait fait la même erreur, facilement réparable avec une bonne grue.
Mais si nous gardons la deuxième conclusion, les deux tables étaient couvertes de
semences. Alors, l’argent économisé sur la grue sera investi pour trouver un faussaire
capable d’imiter des alvéoles de cire d’abeille disposées en spirales.
Les touristes seraient invités à lire les explications et hypothèses sur le Langage du Temple
grâce à deux étiquettes intrigantes, sur les pierres de gauche et de droite : « Table des Semences-
Soleil d’Été » et « Table du Soleil d’Hiver : nature ou pétillante ? » On apprend plus du sourire d’un
enseignant qui pose de bonnes questions que de la figure grise d’un je-sais-tout.
51
Un pas de plus, un peu plus difficile, pour un groupe d’étudiants.
Certains d’entre vous ont entendu parler de systémie, de pensée systémique. Presque tous ont
entendu parler de holisme, d’approche holistique, en médecine et ailleurs. Ces “religions”,
divisées en sectes, expliquent comment fonctionne la bonne magie, et pourquoi notre
mauvaise magie souvent ne fonctionne pas. Nous divisons, puis nous essayons de voir
comment les parties interagissent, nous inventons le concept de rétroaction, selon lequel ce
qui se passe maintenant à une influence sur ce qui s’est passé avant. Tout cela semble
n’avoir aucun sens parce que nous sommes bloqués par notre Temps linéaire, collés sur la
ligne du Temps comme des mouches sur du papier collant.
Dans le Temple de Mnajdra, le Temps est circulaire. Nous pourrions l’appeler Non-
Temps ; il règne dans tous les temples. Un étudiant sommeille au dernier rang ; rêve-t-il
au Fil qui traverse Temps – Tempo – Temple comme un trait d’Union ? Si son vol le
ramène dans notre salle de classe, il devrait lire, dans le Petit lexique mythologique de
Beba, l’entrée dédiée à Mercure, le Dieu Hermès des Latins :
« ‘TEM’, la division que Mercure tente de recoudre, forme la racine de ‘Temple’ mais aussi de ‘Temps’
qui n’existe que divisé en jours, heures... L’Éternité ne se divise pas. L’Éternité n’a aucun rapport avec
le temps. » (B)
Si nous trouvons que la magie de Mnajdra est difficile à comprendre, c’est notre faute.
Nous n’arrivons plus à unir ce que nous avons divisé. Nous avons commencé enfants,
quand nous démontions nos jolis jouets et n’étions plus capables de les remonter.
Pour comprendre vraiment ce qui se passe, nous devons essayer de percevoir un
phénomène global au travers d’une vision instantanée. Ce n’est qu’après que nous
pourrons essayer de l’expliquer à nous-mêmes et à d’autres. Dans ces notes, nous
expliquons souvent en modalité rêverie, afin de communiquer divers aspects du
phénomène à divers aspects de nous-mêmes : rationnel, émotionnel, conscient,
inconscient, etc. Cette communication tous azimuts essaye d’obtenir une meilleure com-
préhension, une majeure absorption de nouvelles informations qui en réalité changera notre
propre Connaissance & Être, et celle des autres. En cet effort, nous avons utilisé souvent
un symbole : &. (B, 1)
& ré-unit ce qui a été démonté, & restaure l’Harmonie, mais c’est difficile à expliquer
parce que le langage non poétique tend à diviser le tout en mots, phrases…
Essayons avec un exemple.
Il n’est pas correct de dire que la Table des Semences-Soleil d’Été doit être mise là où le soleil
frappe parce que les semences ont besoin de la chaleur du soleil. La ligne sur laquelle ces mot sont
écrits est une limite à leur pouvoir magique. Si nous acceptons de nous faire piéger par
cette ligne, nous ne lirons pas toute l’histoire.
- Mais A cause B, B est l’effet de A, et ainsi de suite, sur une ligne A,B,C,D… C’est la réalité !
Il n’existe rien qui puisse se définir ‘la réalité’. Une autre vision est à l’origine de la causalité
linéaire A,B,C,D ... Il y a peu de temps, nous avons acquis la pensée linéaire de Aristote, et
nous sommes devenus des Êtres différents. Le Maître d’Aristote, Platon, et le Maître de
Platon, Socrate, et la Maîtresse de Socrate, Diotima de Mantinea, pensaient différemment &
étaient des êtres différents. La causalité linéaire d’Aristote ne s’applique pas à Mnajdra, ni en
bien d’autres lieux… par exemple en nous-mêmes. De nombreux scientifiques l’ont déjà
dit. Certains sont appelés scientifiques postmodernes. Leur forme de pensée existait avant les
temps modernes ; elle existe encore aujourd’hui mais nous ne l’utilisons que dans notre
52
vie privée, sans le savoir malheureusement. (1) Si la philosophie de Diotima & Socrate
était étudiée à l’école avec Physique & Mathématiques, nos enfants deviendraient
meilleurs que nous et pourraient préparer un monde meilleur. Bien sûr, la philosophie
devrait cesser d’être ce vain exercice mental enseigné en de vaines académies. Elle
devrait récupérer son statut originel de science bio-logique : une science de la Vie, qui
devrait être enseignée avec d’autres, relatives aux nécessités vitales du quotidien ; la
propreté, une alimentation saine, les bonnes manières, les bases d’une relation entre les
genres au-delà de l’éducation sexuelle, etc.
- Mais c’est le travail d’une mère !
Socrate était aussi une Mère. Un Pape a dit la même chose de Dieu le Père, il n’y a pas
longtemps, et ils lui ont fait le même coup qu’à Socrate. Nous l’avons déjà dit ? Si un
message est envoyé deux fois, il a plus de chances d’arriver à destination.
- C’est faux ! La mort de ce Pape a été naturelle.
- Nous pensons que c’est vrai.
- Vous croyez que c’est vrai !
- Que voulez-vous, il faut bien croire en quelque chose dont on ignore tout, si c’est pour un bien
suprême. Sur ce point au moins nous devrions être d’accord, n’est-ce pas ?

Nous avons uni Être & Connaissance. Encore une fois, nous devons affronter la question
ontologique & épistémologique, qui porte à des changements onto-épistémologiques. Oui, ça sonne
très mal, mais le terme peut être utile en certaines occasions. Dans une conférence par
exemple, on pourrait signaler que Mnajdra offre le témoignage physique d’une
fondamentale différence onto-épistémologique entre… qui ? Leur civilisation et la nôtre ? Sur
la Grande Spirale du Jeu de l’Oie du Temps, les civilisations ne sont pas enfermées dans
des cases. Nous sommes unis à Mnajdra, bien qu’Elle ne soit pas unie à nous. Nous
avons maintenu une partie de Son Être & Connaissance, et nous l’avons unie avec d’autres
Être & Connaissance qui se sont développés au cours des siècles. Aujourd’hui, nous
sommes Eux & Nous.
Nous sommes différents de Mnajdra en un aspect fondamental : nous pensons que
causes & effets ne sont pas Un en un Temps Circulaire, mais séparés en causes qui
génèrent des effets dans les cases du jeu de l’oie. Nous vivons le long de cette spirale de
Temps linéaire, sautant de case en case. Nous sommes & connaissons ce non-système
linéaire seulement. Dans notre Jeu de l’Oie, la Spirale de Cases Fermées forme un
labyrinthe angoissant… ou du moins nous le pensons. Ce labyrinthe existe parce que nous le
pensons en paroles. Ce labyrinthe est le fruit des paroles que nous pensons. C’est de la
Magie Noire.
Nous sommes coincés sur ce non-système linéaire quand nous perdons le contact avec
notre intériorité. Cette division s’opère en général dans la vie professionnelle, quand
nous nous occupons d’objets extérieurs à nous-mêmes. Cela nous arrive moins dans la
vie privée, à la maison où la Vie est très différente, encore reliée en quelque sorte à
Mnajdra. Retrouver le chemin de la Maison est un autre voyage typique de cette
civilisation Patriarcale. La Femme au Foyer Eternel reviendra un jour, comme Diotima
La Maîtresse. Nous avons un besoin urgent de Sa forma mentis, pour résoudre des
problèmes complexes. (1)
53
Dans certains contextes, comme un temple ou un être humain, il n’y a pas de causes qui
génèrent des effets sur la ligne du temps. En ces lieux hors du temps, c’est une autre
illusion qui règne, avec ses règles, ses avantages et ses limites.
Mnajdra représente un phénomène relativement simple, mais il est difficile à exprimer
dans notre langage linéaire. Il est généralement raconté en d’autres langages.
L’étymologie de poésie nous le rappelle : la poésie Raconte & Crée, quand elle est bonne.
La musique est magique, quand elle est bonne. Quand la musique est sincère, la danse ne
ment pas. Mais quand les musiciens se prennent pour des Dieux, la musique perd le
contact avec la Terre ; elle n’est plus que Céleste. Aujourd’hui, les musiciens ont oublié
que les suites de Bach étaient des danses ; un Maître conduisait La Danse : Allemande !
Courante ! Sarabande !... Dans les temples modernes, le peuple écoute assis, ou à genoux.
Debout, s’il se lève, il se retient de bâiller.
Malgré nos jambes paralysées et nos oreilles sales, essayons d’Écouter & Danser la
Poésie & Musique de Mnajdra.

En été, la Semence existe en tant que telle quand la Soleil La touche & la Soleil existe en
tant que telle quand la Semence La touche. Soleil est tout aussi féminin que Semence,
puisqu’Elle ne fait qu’Une avec La Femme. La Vie de la Semence touche le Soleil & la Vie de
la Soleil touche la Semence.
En hiver, la soleil stérile touche la pierre stérile & la pierre stérile touche la soleil stérile.
Un seul phénomène global – Fertilité & non-fertilité – répète son Être dans un temple, un
cirque, un cercle, un anneau que nous appelons un an solaire. Un autre phénomène unique
– Fertilité & non- fertilité – répète son Être sur un rond ovale comme un œuf que nous
appelons un mois lunaire. Elle & Temple le sait mieux que nous parce qu’Elle n’utilise pas
des mots pour sa Magie, mais la Musique de Son propre Temple intime.
- Mais qu’est-ce que vous dites ?! Temple, Cirque, Cercle, Anneau, Rond, Oval, Œuf,
Tambourin, sont des mots masculins !
- Maintenant que vous m’y faites penser...
- Un temple grec est rectangulaire, et même un ‘ring’ de boxe - un ‘anneau’ en anglais - est carré !
- C’est vrai. Dieu sait comment cela a pu se faire.
- Peut-être que les temples circulaires sont devenus des rectangles quand les murs de pierres carrées
ont commencé à substituer les Murs-Fleur ?
- Bravo ! Je n’y aurais jamais pensé. Vous êtes doué à ce jeu. Pas mal, pour un garçon.

Dans un Temple de la Fertilité où une Table de Pierre chante les Semences, la Pierre
Lisse susurre le poème éternel, le dessin archétypal, la musique silencieuse de la vie
immobile. Notre idée, notre illusion de la mort est une autre histoire, une fable bien
différente. L’Art est Magie Vitale.
- Élémentaire, mon cher Watson. Tout était écrit sur les Deux Tables de la Loi de Mnajdra.
Avez-vous remarqué que d’autres religions ont gardé l’habitude d’écrire La Loi sur des tables de
pierre ? Vous êtes allé au Temple de l’École Élémentaire, donc vous devriez vous en souvenir.
La Loi Magique était écrite en frottant une petite pierre blanche sur La Grande Table de Pierre
Noire: le tableau. Et pour répéter la Magie, vous aviez une petite Table de la Loi, votre ardoise,
et une craie. Maintenant, La Loi Magique apparait sur La Tablette ; elle est en plastique
malheureusement, pas en chocolat.

54
Tentons une formulation plus générale. Elle pourrait être utile dans des cas semblables,
et en d’autres contextes.
À propos d’une fonction rationnelle supposée, il a été dit que Mnajdra indique le bon
moment pour les semailles. Ce temple serait une horloge à coucou maltais ? Encore une
fois, nous ne pouvons accepter cette formulation. L’approche rationnelle n’offre qu’une
partie de l’histoire, et une partie n’a rien à voir avec le Tout.

À propos de questions comme « Mnajdra “est” quoi ? », on pourrait tenter de raconter


toute l’histoire en utilisant une modalité scientifique & humaniste : un seul concept, qui
concerne une question rationnelle & magique. (6)
La terminologie est problématique, quand on affronte la question onto-épistémologique.
Voici donc une formule claire : “être & savoir & faire” est Un Verbe.
Reformulons donc notre question sur Mnajdra : Qu’est & que sait & que fait Mnajdra, le
Temple-Femme ?
Un être humain ne “connaît” pas seulement, il ou elle n’est pas un “intellectuel” ou une
“intellectuelle” seulement. Penser que la connaissance humaine est dans l’intellect n’est
pas une illusion de plus, c’est le Péché Mortel généré par Le Diable Dualiste qui a divisé
Corps & Esprit. La Bête Immonde est le Seigneur de nos écoles. (1)

Cependant, comme disait Montaigne « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien
pleine. » Ce qui fait que la forme de la tête compte… ♫ but that’s not the shape of my heart. Ce
n’est pas la forme de mon cœur.
Certaines paroles et certaines musiques sont très significatives, mais paroles & musique –
certains disent chanson – peut signifier plus qu’un traité de philosophie, et apporter le
confort d’une religion perdue. La phrase musicale citée est tirée d’une de ces chansons.
Mais la magie ne fonctionne pas à chaque fois, pour chaque personne. Le tango se danse
à deux... Quand elle fonctionne, ‘Je’ deviens ‘Une’ Chanson & Moi. Pure Magie.
Un moineau le chantait à Paris: ♫ Padam Padam... En argot, moineau se dit piaf. Ce
moineau s’appelait Édith Piaf. Elle enseignait Ontologie à la Sorbonne.

Certains traînent leur Être au long d’une Ligne gluante. D’autres dansent librement sur
un Anneau. Ceux qui voltigent sur une Toile ne doivent pas être appelés artistes, terme
utilisé par trop d’hivers sarcastiques pour nier le Printemps. Des Êtres Mystérieux ont la
forme d’un tissu léger, parfumé, magique... Par millions, ils sont envoyés en un lieu plein
de Monstres et de Déesses. Ils disparaissent, engloutis dans nos écoles.
Quelqu’un parvient à ressusciter en un printemps tardif, réveillé par une des Passantes de
Brassens & Pol. Quand il se souvient de cette vision fugace, il l’appelle son Ange.
Parfois, on représente un système comme une toile d’araignée ou un filet de pêcheur. On
dirait que ses éléments (mais il est absurde de parler des éléments d’un système !)
interagissent & se modifient réciproquement, constamment. Si l’on y pense, cela donne
mal à la tête. Il ne faut pas y penser.
Choisissez une forme d’art qui vous plaise — danse, musique, tricot, poésie, cuisine,
peinture, poterie, mathématiques… — et laissez-vous emporter. Dormez. Quand vous
vous réveillerez, vous saurez & serez quelqu’un d’autre. Vous serez en pleine forme.

55
Certains mots, certains morceaux de musique, de philosophie, de religion, furent
découpés sur un Corps Vivant pour que les perroquets les gobent et engraissent au point
de ne plus avoir envie de voler.
Quand l’Art est Entier, l’Art est Vie, l’Art est Magie.
L’Art peut nous changer en mieux, si nous ne changeons pas l’Art en pire.
La compréhension authentique peut être instantanée ou prendre du temps, mais c’est toujours
une métamorphose.
Comme toute métamorphose, la compréhension authentique apporte douleur & béatitude.

Nous sommes ce que nous savons & ressentons pour nous-mêmes & pour les autres.
Nous prenons la forme de notre connaissance & cœur.
Nous pouvons changer, en mieux.
Changer en mieux est plus facile si nous ne savons pas. Et quand nous pensons savoir,
nous devons faire un effort pour oublier & prétendre que nous ne savons pas.
L’ignorance est une conquête précieuse.
L’ignorance est la Semence Magique du nouveau Savoir & Être.
Ne sachant pas, nous pouvons nous réveiller chaque matin avec des organes tout neufs :
yeux & mains & ventre & …
Ne rien avoir su de Mnajdra et presque rien de la Grèce et de Delphes a constitué une
aide phénoménale pour l’auteur de ces notes de voyage. Cependant, il avait un
avantage injuste sur l’Académie : depuis longtemps, il s’était débarrassé des
contraintes de la scolarité & avait redécouvert la forma mentis de la Femme au Foyer
Éternel : La Ménagère. (1)

Étant donné que ce texte est supposé mettre tout lecteur en condition de savoir, les
propositions précédentes pourraient sembler énigmatiques pour un lecteur en particulier.
Ce lecteur est sur la bonne voie. Il trouvera grand réconfort en lisant les Essais de
Michel de Montaigne, le Socrate de la Renaissance. Sa devise était : « Que sais-je ? ».
Montaigne était Gascon ; nous sommes donc sûr que Michel prononçait sa devise en
ajoutant un point d’exclamation, et un juron bien senti.
Quoi qu’il en soit, les énigmes sont excellentes pour la santé. Elles nous aident à
comprendre que nous n’avons pas la forme d’un interrupteur électrique : allumé/éteint,
oui/non, bon/méchant, etc.

Nous avons de nombreuses positions, entre autres Allumé & Éteint, Oui & Non, Bon &
Méchant, etc.
Nous pouvons changer. Souvent, nous changeons ; parfois nous ne changeons pas,
comme tout enfant qui va à l’École du Temple, comme tout être humain dans Le Grand
Temple, depuis le début des Temps & Temples.

56
Autres Temples, même Temps Circulaire.
Cercle à tombes A. Cercle à tombes B. Tombeau de Clytemnestre. (Mycènes)
Nous préférons les appeler monuments. Dans les trois cas, nous avons un couloir, qui mène
à une porte, par laquelle on accède à une aire circulaire, recouverte d’un dôme. Nous avons
remarqué ces mêmes caractéristiques dans des temples construits 20 siècles avant, ou plus.
À Mycènes, ils sont appelés cercle à tombes ou tombeau parce qu’on y a retrouvé des
sépultures. Cela semble logique, bien que nous n’aimerions pas entendre un visiteur
appeler tombeaux nos cathédrales gothiques parce qu’il y trouve des douzaines de
sépultures. Se pourrait-il que des Visiteurs de l’Âge du Bronze aient colonisé la Grèce
puis construit des cathédrales pour en faire leurs cimetières ? Il est plus probable que des
visiteurs moins civilisés colonisèrent Mycènes, assez récemment, et furent aveuglés par
les reflets de l’or qu’ils trouvèrent dans une tombe. Ils ne s’en sont pas encore remis.
– Mais pourquoi enterrer une personne importante dans une cathédrale ?
– C’est écrit dans le Temple de Mnajdra. Si vous ne savez pas lire le langage des Semences, essayez
l’Épître aux Romains, de Saint Paul. Elle inspira le poème de Dylan Thomas : « And Death shall have
no dominion », « Et la Mort ne régnera plus », sans doute parce que cette lettre évoque une métamorphose,
un changement dans la façon de penser : ‘metanoia’, dans le grec de Paul.
Cavité et pierre ronde. Pour certains, c’est le sépulcre du Christ.
Nous cherchions une explication à l’incroyable erreur de
l’archéologie académique qui appelle un temple « cercle à tombe » ; nous
l’avons trouvée dans cet exemple d’archéologie religieuse. Ici, une foi
boiteuse offre sa béquille à certains textes religieux ; vice-versa, ailleurs,
certains textes académiques plient l’évidence à leur foi inébranlable.

Göbekli Tepe (Turquie)


Une découverte récente (1995) a permis ce dessin. (C)
Il représente un temple vieux de 12.000 ans : le
double des temples de Malte.
Encore une fois, c’est essentiellement une aire circulaire
avec une porte. On accède au Temple par un couloir
qu’on ne peut pas appeler un cul de sac, parce qu’on
doit l’appeler par son nom, le V...
- Tu ne prononceras pas en vain le nom du Vagin du Temple.
Quelle horreur ! En un contexte sacré, utilisons un terme
décent : corridor. Comme toujours, l’étymologie dévoile
l’objet de notre recherche. En italien, un corridor est un coureur. La course est le champ d’action
d’un autre coureur : le curseur qui, on le sait, va et vient. Plus fougueux, l’espagnol se met à
courir, correr, en sa forme réflexive : correrse, qui signifie éjaculer. Prosaïque, le bourgeois français
refuse le corridor de l’aristocrate et dit couloir : ce qui sert à faire couler. Hélas, ce labyrinthe
nous ramène toujours au centre : il est sans issue. Il semble que la linguistique ne parvienne pas
à se maintenir au-dessus de nos misères humaines. Et comme tout cela sonne mal à nos
oreilles modernes ! Mais c’est la faute d’une femme moderne : la Reine Victoria.
Conclusion. Göbekli Tepe est un temple “utero-morphe”, avec vagin. Ou une Église-
Femme, puisque l’Église est Mère pour les chrétiens.
Question sur le double mur circulaire du temple : Göbekli Tepe est-elle enceinte ?
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Labyrinthes
Certains spécialistes disent qu’il y a deux types de labyrinthes. Nous pensons – nous
sentons – qu’ils ont une origine commune.
Le premier type de labyrinthe est le plus connu, le
plus fréquenté, le plus moderne. Dans certains parcs,
on peut se promener et se perdre dans un labyrinthe
de buissons evergreen. Un panneau touristique nous
rappelle le labyrinthe de Cnossos à Crète, construit
par Dédale comme prison pour le Minotaure.
- À propos, c’était un homme taureau ou une femme
vache ?
C’est une très bonne question, nous le verrons
plus tard. Pour l’instant, la seule information
certaine est qu’Ariane donna à Thésée un écheveau de fil afin qu’il puisse retrouver la
sortie après avoir tué le Monstre, dans un des mythes fondateurs du Patriarcat.
On dit aussi que ce premier type de labyrinthe
représentait le palais de Cnossos. Il était immense
et compliqué ; les visiteurs s’y perdaient sûrement.
Étant à la fois palais, temple, etc., il avait plus
d’une porte d’entrée et plus d’un centre d’intérêt.
Donc il ne ressemble pas au premier type de
labyrinthe attribué à Dédale, qui n’a qu’une seule
porte d’entrée et un seul centre. Mais il est vrai que
comme dans le palais, de nombreux sentiers
secondaires, sans issues, sont autant de fausses
pistes où l’on peut errer à l’infini, se perdre pour
toujours, et mourir, de faim... mais quand on
trouve la sortie – enfin ! – on se sent renaître.
Le plan architectural du palais de Cnossos a été
dessiné par l’archéologie moderne. Voici un “plan”
plus petit, sur une paroi de la grotte de Altamira en
Espagne. Ce graffiti fut dessiné au moins 10.000 ans
avant que la civilisation minoenne ne construise le
palais de Cnossos et peigne des “boucliers en 8” à
Crète et à Mycènes, où une dague racontait la saga
de Notre-Dame Déesse.
La grotte d’Altamira est une des chapelles Sixtine
du paléolithique. Elle est célèbre pour ces bisons ;
on remarque rarement que ce sont des femelles.
Une vision associe l’étrange petit “plan” et le bison.
Il nous semble voir un rapport entre
l’épouvantable Minotaure de Crète et ses ancêtres,
les merveilleuses bisons femelles d’Altamira. Elles
vivaient 10.000 ans auparavant, elles aussi étaient
tuées mais à la chasse, et elles étaient l’objet d’une
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sorte de culte dans une sorte de temple : une grotte décorée de fresques. On célébrait aussi
un culte dans le palais de Cnossos ; le Palais était donc aussi le Temple. Puisque nous
pouvons parler du Palais-Temple de Cnossos, comment appeler le “plan” dessiné dans la
grotte ? Le Palais-Temple de Altamira ? Et pourquoi pas Labyrinthe de Altamira ? Quel est le
rapport entre Palais, Temple et Labyrinthe ? Nous trouverons la réponse plus avant.
Charge d’un bison ? Si cette peinture sur une
protubérance bombée de la roche avait représenté
un bébé, nous aurions parlé d’une position fœtale.
Est-ce une Nativité paléolithique?
Nos fouilles oniriques ont-elles découvert de
nouveaux mystères utiles à l’industrie du tourisme et
du livre ? Pas du tout. Nous avons prouvé notre
ignorance. Nous ne sommes pas ignorants parce que
nous ne savons pas : le non-savoir est le terreau de la
connaissance. Notre ignorance est celle des perroquets qui n’utilisent pas ce symbole : ?
Le point d’interrogation, spirale qui se redresse et nous guide vers un seul point, est un petit
labyrinthe. Nous aimons imaginer un moine scribe qui invente ce signe de la ponctuation
moderne alors qu’il pense au labyrinthe, pour lui symbole de mystère et d’enquête spirituelle.
Aujourd’hui, on préfère le point d’exclamation : ! Droit comme une ligne de montage, le
point d’exclamation n’autorise pas à penser. Aujourd’hui, nous savons parce qu’on nous a dit
que. Nous restons ignorants parce que nous ne demandons plus aux choses de nous parler.
Si nous demandions aux labyrinthes qui ils sont, ils nous parleraient du plus grand
mystère qu’un homme doive affronter dans sa vie : une femme.
Le deuxième type de labyrinthe est souvent associé a un lieu de
culte. Nous le trouvons par exemple sur le sol des cathédrales.
Chaque fidèle doit parcourir le labyrinthe ; il ne se perdra pas :
il n’y a qu’une seule voie, et elle ne mène qu’à un seul endroit.
On appelle Paradis, ou Dieu, le Centre où l’on arrive après les
méandres imposés par le dessin du labyrinthe de la cathédrale,
et par la vie. Ce type de labyrinthe est donc devenu le symbole
d’un parcours mystique, dans des contextes chrétiens. Mais
alors, pourquoi une telle urgence de retrouver la “Porte”? Celui
qui sort du Labyrinthe n’est plus celui qui y est entré : cette promesse
ésotérique est facile à comprendre, si on reconnaît la “Porte”.
Superposons deux images mentales : le labyrinthe et la caverne. Écoutons une émotion
double et contradictoire : attraction & angoisse. Il en naît une
nouvelle vision, et une nouvelle rêverie. Elle est reliée à notre
vision initiale de la “double spirale avec un petit 8 au milieu” ;
nous trouverons le moyen de la décrire en termes clairs,
avant la fin de ce voyage.
Nous l’avons dit à Mnajdra à propos de ballons de pierre :
quand on a de vrais paysans comme voisins, on n’achète
pas de poulet au supermarché. Dans les entrailles d’une
poule, on trouve des œufs en cours de formation. Jaunes
comme le soleil levant, ces sphères parlent du mystère

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absolu : l’origine de la Vie. Nous nous étonnons de ce que les antiques romains
cherchaient des informations sur leur vie, sur leur destin, dans des viscères d’animaux.
Cependant, nous envoyons nos vœux ; nous souhaitons qu’une entreprise difficile, ou
une naissance, advienne sous de bons auspices : ce sont les signes que l’Haruspice lisait
dans les entrailles d’une poule. Haru / spice, du latin spex, qui devient spec dans spectacle.
Et Haru ? Quel spectacle, les haru !, c'est-à-dire les veines et les boyaux. Nous avons deux
labyrinthes dans notre corps. Mais un seul nous fascine depuis toujours. Au point que les
peuples qui formaient la Civilisation de la Femme – c’est ce que voit l’auteur dans sa
rêverie – gravaient partout le Labyrinthe de Boyaux ; ils l’avaient toujours à l’esprit parce
que... parce qu’ils n’achetaient jamais leurs poulets au supermarché.
Puis la signification originale du vrai labyrinthe fut oubliée. Les signes restèrent,
transformés par le vent qui change les sociétés. Les douces rotondités devinrent des angles
droits : l’esprit humain toujours métaphorise, dit Plotin. Une fois oublié le dédale de boyaux, le
labyrinthe devint une métaphore matérielle, solide comme le sable mouvant. Les Sages
découvrirent sa signification : comme la Beauté, elle est dans les yeux de celui qui regarde.
Pour l’humanité commune, l’élégance géométrique du labyrinthe évoqua d’obscurs
indicibles, évitant la peine de les expliciter. Seules les émotions restèrent immuables : une
vague angoisse, et une attraction.
Aujourd’hui, de rares connaisseurs savent que cet amas de viscères animales est une
délice culinaire, mais avant de manger les boyaux préparés selon des recettes archaïques,
il faut démêler l’écheveau. Nos ancêtres suivaient le fil d’Ariane qui va d’un point connu,
la porte, à un centre inconnu associé au Mystère par excellence : la Vie.
La Vie commence ici, dans ces entrailles, c’est évident. On le comprend à cause des
jaunes d’œuf en formation ; on le sait par expérience quotidienne : la poule a pondu un
œuf complet ; un enfant est né.
- Il y a-t-il un autre rapport entre un nouveau-né et un labyrinthe ?
- Oui, et après l’avoir découvert, le rapport entre le Labyrinthe et Notre-Dame Déesse deviendra
évident.

1. Labyrinthe et Nouveau-né
L’archéologie romantique préscientifique a appelé bassin lustral un vase ou un bassin dans
un édifice archaïque lié à des rites de purification par l’eau (d’où le terme lustral.) On parla
aussi de rites d’initiation féminine. Des rites semblables se seraient déjà déroulés dans les
cavernes paléolithiques, dans une simple cavité dans le sol rocheux avec l’eau d’une
source qui formait aussi un miroir. Plus récemment, on a remarqué que l’escalier qui
descend dans le bassin lustral esquisse une spirale, ou méandre, comme s’il s’agissait d’une
reproduction architecturale de la grotte du culte. Dans les églises chrétiennes, il y a
toujours des fonts baptismaux et des bénitiers.
- Mais un bénitier n’a rien à voir avec un labyrinthe !
- Tout deux sont dans la même église ; nous verrons leur rapport dans un instant. L’important,
comme disait Thésée, c’est de ne pas perdre le fil.
Un linguiste qui pourrait être sous-estimé, le Prof. Francesco Aspesi, a découvert que
dans différentes langues archaïques de la Méditerranée orientale, le soi-disant bassin
lustral et le labyrinthe se confondaient en une sorte de “nom & archétype” appelé
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« archéonyme ». Il y a d’autres exemples dans lesquels un archéonyme indiquait des
objets sans aucun rapport pour nous. Quel est le rapport entre les images évoquées par
les mots labyrinthe, bassin lustral, fonts baptismaux ?
Quel est le rapport entre les images évoquées par arbre et barre de fer ?
Dans 10.000 ans, dans un musée, une barre de fer rouillée et le graffiti d’un pin sylvestre
– plante frappée d’extinction pour une raison inconnue – seront décrits par la même
étiquette : Arbre (archéonyme). Nos descendants comprendront grâce aux experts d’une
vieille école de linguistes : les aspesiens. Ils expliqueront le rapport entre l’arbre des
forêts (disparues) et l’arbre moteur des voitures (aussi disparues, mais plus tard).
Selon Aspesi, l’archéonyme de labyrinthe et bassin lustral se retrouve dans deux groupes
linguistiques très différents : les langues indo-européennes (grec, linéaire B, etc.) et les
langues sémitiques (hébreu, arabe, etc.). Le fait qu’un même mot religieux se trouve en
deux familles de langues démontre la préexistence d’une source linguistique et religieuse
commune. Elle jaillit du Néolithique, dans une région où se mélangèrent les mondes
hellénique et sémitique : l’Égée et la terre de Canaan. Pendant ses fouilles de ce qu’il
appelle « substrat égéo-cananéen », Aspesi dépoussière des fossiles, des archéonymes : les
pauvres restes d’une religion néolithique. Elle fut la source de certains mots et rites des
religions successives dans la même région. (Réf. D)
Ceux qui cherchent dans le passé des justifications aux divisions d’aujourd’hui seront
déçus ; tant pis. Nous ne nous occupons que de labyrinthes, à propos de nouveau-nés.
- D’accord, mais quel est le rapport entre le labyrinthe, l’eau, et un bébé ?
- L’eau sert à laver le bébé sorti du labyrinthe, et sa maman.
Aussi sale que l’œuf après son voyage dans le labyrinthe de boyaux, le nouveau-né
apparaît couvert de sang et d’excréments maternels. La vida empieza en lágrimas y caca : la
vie commence dans les larmes et le caca. C’est le premier vers d’un poème écrit par
l’immense Quevedo en ce Siècle d’Or qui recouvrait de préciosités spirituelles baroques
le misérable corps humain.
Pour Dieu sait quelle raison, l’eau est considérée un élément féminin. L’eau était utilisée
dans les rites de purification. Un geste quotidien assuma une valeur absolue quand il fut
associé au thème sacré par excellence : la Vie, la Naissance, et donc la Renaissance, un
cycle qui ne laisse aucune place à la mort. Plus tard, l’Éternité sera promise aux “purs”.
- Mais pourquoi cacher une réalité si naturelle sous tant de symboles ?
- La Nouvelle Vague était arrivée ; elle submergea le passé : la mauvaise saison commença.
Pendant l’ère paléolithique, chaque naissance était une démonstration indiscutable de la
centralité de la Femme, Source de la Vie. Les femmes n’avaient donc rien à démontrer ;
le féminisme n’existait pas ; les hommes étaient des membres respectés de la ruche-tribu.
Il y avait bien sûr des formes d’antagonisme interindividuel, mais on n’a jamais trouvé de
trace d’un conflit entre groupes jusqu’à la fin du Néolithique. Entre les humains comme
entre les animaux d’une même espèce, la guerre n’existait pas. La Vie était-elle vraiment
Sacrée ? Nous étions des mammifères pacifiques, mais capables de chasser en groupe et
de nous protéger de prédateurs féroces : les lions, les ours... Quand sommes-nous
devenus des prédateurs féroces pour notre propre espèce ? Quand notre propre Vie a-t-
elle cessé d’être vraiment Sacrée ?
En Méditerranée orientale où la Civilisation de la Femme fleurissait depuis le début des
temps et venait d’inventer l’agriculture, de nouvelles tribus arrivèrent. C’était des

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nomades, des éleveurs, des bons bergers : ils égorgeaient leurs brebis avec un poignard
de bronze. Avec le temps, le bon pasteur réussi à imposer ses bonnes mœurs. Ayant
fermé le temple de la Déesse, il enferma les Prêtresses de l’Amour dans sa nouvelle
bergerie : le bordel patriarcal.
Le Vainqueur mis fin à la ‘préhistoire’. D’un ton solennel, il fonda l’Histoire, en
devenant Source de Mort & Maquereau & Esclavagiste de Sa propre espèce.
Mais on ne pouvait pas le dire. La poussière magique de la Vie fut cachée sous un riche
tapis de symboles, de métaphores, de religions à mystères. ♫Avec le temps va, tout s’en va, et
les courbes moelleuses du premier labyrinthe devinrent des lignes dures, arides : les
angles droits du deuxième type de labyrinthe et des nouveaux temples.
On ne peut toujours pas le dire : chaque soir, la TV cache la Source de Vie sous des
serviettes hygiéniques de plus en plus minces, opaques, invisibles.
- Que peut-on y faire ?
- Rien. Mais nous devons être optimistes ; la bonne saison de la Vie reviendra, tôt ou tard.
En attendant, suivant l’exemple des bonnes ménagères qui ne gaspillent rien, nous devons
juste écouler nos stocks de bombes.
2. Labyrinthe et Femme
Bassin lustral et Labyrinthe sont superposés dans le même archéonyme, mais c’est l’eau qui
est lustrale. Dans ce contexte, nous pouvons considérer que le Bassin représente le Ventre
de la Mère qui contient un labyrinthe, et de l’eau appelée liquide amniotique. On parle
sans y penser des os du bassin. Les plus instruits disent pelvis ? Oui, comme les Latins :
eux aussi disaient pelvis, pour dire bassin.
L’Eau réunit ce que la révolution patriarcale a séparé : Bassin lustral, Labyrinthe, et Femme.
Notre vision est confirmée par d’autres données linguistiques. De son substrat égéo-
cananéen, Aspesi fait émerger d’autres superpositions d’images utiles à notre enquête.
Labyrinthe et palais se confondent dans le même archéonyme ; on a donc pensé que le
palais était le Labyrinthe de Dédale. Aspesi pense au contraire que les constructions de
Cnossos prirent le nom de leur contenu le plus important du point de vue religieux : le
bassin lustral - labyrinthe. Un phénomène similaire, dans lequel le nom d’une partie indique
le tout, se retrouve dans le mot Chancellerie qui vient du Latin pour dire cancer et crabe. Une
Chancellerie n’est pas un palais cancérigène plein de crabes, bien qu’on aurait des raisons
de le penser. C’était un tribunal romain dont les fenêtres était barrées de grilles en forme
de crabe. Un crabe en fer forgé donna son nom à un tribunal. De façon similaire,
l’archéonyme qui recouvre bassin lustral (et labyrinthe) inclut le palais qui le contenait.
Reste à préciser la réalité originelle unique de ce que nous indiquons en deux termes :
labyrinthe et bassin lustral. Nous le ferons grâce à d’autres superpositions d’images.
Selon Aspesi, nymphe, divinité féminine, et labyrinthe, bien que n’étant pas liés au même
archéonyme, sont unis par une forte relation dans ce contexte.
Labyrinthe et danse par contre se retrouvent dans le même archéonyme ; cela ne surprend pas
si on se rappelle les spirales labyrinthiques sur le « vase nostalgique, antique » : c’était des
farandoles de printemps, dansées autour de la Déesse en forme de 8.
Toujours selon Aspesi, cet archéonyme établit aussi une certaine relation entre labyrinthe et abeille.
À Mnajdra, nous découvrons que cette relation est la notion de “femme” : les dentelles de
pierre du temple en forme de 8 ressemblent aux alvéoles construites par un insecte en forme
de 8, qui vit en une société non-patriarcale. (Mais nous n’avons pas dit “matriarcale”.)
62
Nous voici enfin au cœur de la question grâce à la science linguistique de Aspesi. (D)
Le labyrinthe, le bassin lustral, et le palais-temple qui les contenait, et la caverne qui
contenait le bassin lustral primordial, étaient autant d’évocations de l’Absolu.
Pouvons-nous l’appeler Déesse ?
Cet Absolu devint l’Indicible quand prédomina un nouvel Absolu : Dieu.
Les symboles transparents de “Déesse” devinrent d’obscures métaphores de l’Indicible,
puis furent déclassées en des objets matériels quotidiens : un bijou en forme de double
spirale ou de labyrinthe ; une écuelle de marbre pleine d’eau bénite, à la porte d’une église.
Ces images superposées : labyrinthe / bassin lustral / fonts baptismaux / bénitier, nous
semblent si révélatrices que nous nous arrêtons un instant sur le dernier objet, le bénitier,
parce qu’il a souvent la forme d’un coquillage. Un chrétien le reconnaît comme symbole
du pèlerinage à Compostelle. Regardons derrière cet horizon.
« Coquillage avec trois divinités féminines »
Cet objet gallo-romain reprend un thème commun
aux celtes et à d’autres peuples.
Trois femmes tiennent trois cornes d’abondance. La
première à gauche pointe vers le haut comme une
torche; la seconde verse son contenu. La troisième,
desséchée, ressemble à un gourdin et pourrait être
l’origine du bâton des cartes à jouer, parfois dessiné
comme une inexistante branche d’arbre enflée. Ce
bâton est-il une massue ? C’est surtout le signe d’une
Autorité que l’on doit transmettre, comme le Sceptre
en politique et le témoin dans la course de relais.
La Corne d’Abondance n’est pas celle d’un ruminant ;
c’est ce coquillage, appelé comme la divinité marine :
Triton. Avec le Trident, ce Triton est l’autre symbole
d’un Dieu transgenre, Poséidon. Comme le labyrinthe
de l’oreille interne, le boyau du coquillage-Corne
d’Abondance s’élargit et s’ouvre en deux grandes
lèvres qui versent un flux de fleurs et de fruits.
Si le lecteur comprend le double sens, il pensera que l’auteur est un obsédé. L’auteur le
confirme : son obsession est de dévoiler notre identité passée pour comprendre ce que
nous sommes devenus, dans l’intention puérile d’améliorer notre condition actuelle. En
cet effort, il est aidé par un géant de la linguistique, Giacomo Devoto, expert
d’étymologie. Dans sa bible, nous trouvons l’origine du mot porcelaine, que nous utilisons
pour définir la délicate céramique translucide de la tasse de thé sur la table de la Reine
Victoria. Du texte italien de Devoto, nous traduisons que porcelaine (kaolin), dérive du
féminin de porcelet, par une analogie entre l’ouverture du mollusque gastéropode et les
parties génitales d’une jeune truie. (E)
Il faut dire que la comparaison de ce coquillage avec l’anatomie de cet animal fut établie bien
avant l’arrivée d’Extrême-Orient d’une céramique merveilleuse. Elle prit un nom qui ne
faisait plus sourire. Pendant l’ère prévictorienne, l’analogie entre les objets que nous
examinons ici fut renforcées par la poésie symbolique & les perceptions sensibles: le parfum
de la mer et un goût salé. Nous retrouverons la coquille à la “porte” du labyrinthe, dans la
basilique de Saint-Vitale à Ravenne.
63
Enfin, de nombreux coquillages sont des modèles évidents de la
spirale du labyrinthe et des autres rencontrées à chaque pas.
La coquille et la corne d’abondance sont deux symboles
équivalents de la Femme.
La sculpture du coquillage avec trois divinités féminines
représentait L’Unité de la Femme en Ses Trois Saisons : jeunesse -
Beauté / âge ‘mûr’ - Fécondité / vieillesse - Sagesse, symbolisées par
les trois versions de la Corne d’Abondance. Elles deviendront Aphrodite, Héra et
Athéna quand Zeus divisera la Femme en trois pour dominer. Cette révolution sociologique
est racontée par un des mythes fondateurs du patriarcat, La Pomme de la Discorde,
comme nous l’avait expliqué Albert Gianna au début de ce voyage. (B)
Zeus, encore Lui, avait séduit la nymphe Callisto, Très Belle en grec. Callisto avait déjà un
patron dans la hiérarchie patriarcale : Artémis, une Déesse lesbienne qui devait être très
jalouse ou très peu féministe. Quand Artémis s’aperçut que Calliste était enceinte, elle se
fâcha tout rouge et la transforma en ourse. Puis, comme d’habitude, une affaire terrestre
fut transférée à l’étage du dessus : Callisto devint La Grande Ourse. Si on s’intéresse à
peine aux cavernes paléolithiques comme la grotte Chauvet, on remarque une curieuse
cohabitation entre les humains et les ours. Callisto Grande Ourse fait penser à la grand-
mère, la Grande Mère du Paléolithique, mémé. Aujourd’hui, on parle de troisième âge et
on évite de parler de ménopause. Au contraire, dans notre vision paléolithique, nous
souhaitons bonne fête à Mémé Ourse. Elle avait été Callisto La Belle ; devenue La
Fertile, elle avait engendré presque chaque année. Quand Femme et Ourse cessèrent
d’être fertiles, elles n’entrèrent pas seulement dans le troisième âge, mais aussi dans l’Âge
de la Troisième Corne d’Abondance : La Sagesse. Bon Nouvel Âge Grand-Mère !
Bien plus tard, Gros Pipeau changea la musique ; notant que Mère-grand connaissait les
plantes médicinales, il l’appela Sorcière et la brûla sur un bûcher. Sigh

La sculpture des trois divinités féminines, que nous voulons maintenant appeler Les Trois
Cornes d’Abondance de la Femme, a été trouvée à Lyon. Dans le centre historique, à St Jean,
il y a encore une rue des Trois Maries. Parlons donc de Marie et des Trois Sœurs.
Le joli mois de mai est le mois des fleurs et des jeunes filles en fleur. C’est le mois de la
Vierge Marie. L’Église catholique fut malmenée pendant la Révolution Française. Au 19e
siècle, cette religion patriarcale ne confia pas sa renaissance à de nouveaux Héros mais
aux vierges et aux pucelles. La plus célèbre, une bergère, ne s’appelait pas Jeanne d’Arc
mais Bernadette de Lourdes. À la même époque, Marie la Vierge devint l’Immaculée.
Aujourd’hui, les écologistes devraient demander la protection de la Déesse de la Nature :
Elle est Vierge & Fertile. De jolies médailles bio sont déjà disponibles.
En mai, les ‘gitans’ de toute l’Europe partent en pèlerinage. Le 24 mai, Fête de Marie
Auxiliatrice, ils arrivent aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Ces saintes de la mer sont les
Trois Maries qui, dans les Évangiles, trouvèrent vide le tombeau du Christ le matin de
Pâques, Fête de la Résurrection : une re-Naissance. Selon la légende populaire, les Trois
Maries furent persécutées par les Romains ; fuyant de la Palestine, elles traversèrent la
Méditerranée sur un radeau jusqu’à cette côte aujourd’hui française.
« L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », aurait pu dire Karl Marx. Le point culminant du
pèlerinage aux Saintes Maries est la bénédiction de la mer, et le baptême des nouveau-nés.
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En d’autres termes, un Être bicéphale, “Mère & Enfant”, a un rôle central dans un
pèlerinage de la foi chrétienne qui en théorie concerne le Christ. Pouvons-nous ajouter
qu’en cette expression de christianisme populaire, les Trois Maries forment La Déesse ?
Fluctuante en Sa propre Unicité & Trinité, Marie résiste à la misogynie et au féminicide.
Quand les seigneurs, les patrons, les Romains, soumettent une esclave aux pires tortures
publiques, comme dans le cas de Blandine de Lyon, pour le peuple elle devient la sainte
patronne des servantes. Quand les violences sont commises en privé sur une demoiselle,
comme dans le cas d’Agathe de Catane, le peuple la vénère – de Vénus – comme sainte
patronne des victimes de viol. Sainte Agathe est aussi la patronne de Malte, où elle aurait
témoigné de sa foi dans une caverne, comme la Déesse paléolithique de l’île.
Modèle de résilience, vulnérable & invincible, Marie est protégée par la ferveur des
vaincus qui réussissent en cela à s’imposer aux vainqueurs.
Vénus est étendue sur son coquillage préféré,
dans son temple de Pompéi. L’angelot de
gauche chevauche Le Dauphin. À Delphes,
nous avions évoqué l’étymologie commune
de dauphin et Delphes : matrice, utérus. La plus
célèbre variation sur ce thème est La
Naissance de Vénus de Botticelli. Nous
retrouvons partout ce même coquillage, en
particulier dans les fontaines et dans l’iconographie chrétienne. Parfois Saint Jean Baptiste
l’utilise pour verser l’eau du Jourdain sur la tête de Jésus. Pour l’austère prêcheur du désert,
le creux de la main ne suffit pas.
Avertissement. Contre les interprétations psychanalytiques sans fondement, Freud avait
dit que presque toujours, un cigare est seulement un cigare. Indirectement, il confirmait
que dans certains contextes, et dans ces contextes seulement, une bouche n’est pas
seulement une bouche, et un coquillage n’est pas seulement l’exosquelette d’un
mollusque. Nous cherchons la signification d’objets archaïques, loin de la pruderie
victorienne qui couvrait de pantalons les jambes des tables, loin de la Renaissance qui
célébra à nouveau la virilité d’Adam mais ne libera pas Ève de sa feuille de vigne. Nous
devons donc signaler qu’en espagnol, coquillage se dit concha. Vulgairement, concha indique
le sexe féminin (la première syllabe suffit en français) à cause des coquillages symétriques
bivalve qui peuvent faire penser à la vulve, sans compter que vulva en latin signifie matrice.
En outre, la forme triangulaire de la coquille St Jacques peut faire penser au pubis
féminin. En espagnol, ce coquillage est appelé vieira, parole galicienne qui dérive de
Vénus. En Argentine, concha est une exclamation si courante qu’elle a perdu sa
signification anatomique, comme c’est le cas d’autres paroles semblables dans toutes les
langues. C’est pourquoi nous espérons ne pas sembler blasphème à propos du geste
chrétien lié au bénitier. Une goutte d’Eau Sacrée est recueillie d’un objet qui évoque la
Source Sacrée de la Vie et sa lointaine origine. À Malte, 6.000 ans avant que la reine
Victoria n’impose sa loi sur l’île, la Déesse en forme de 8 était représentée avec la main
droite sur le point en question. Ce geste illumine deux images superposées dans le même
archéonyme : le bassin lustral et le labyrinthe.
Ce geste indique la source à laquelle on doit retourner pour la reproduction, comme font les
saumons, des années après en être sorti. Nous l’avons écrit : Celui qui sort du labyrinthe n’est plus
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celui qui y est entré : cette promesse ésotérique est facile à comprendre, si on reconnaît la Porte. Mais
Hermès, l’hermétique plaisantin, n’a jamais dit que c’est la même Porte.

Labyrinthe de Saint-Vital (Ravenne)


Saint Vital fut un des nombreux martyrs
obscures du troisième siècle. Pour une église
si importante, le choix du nom fut plutôt
motivé par son étymologie, liée au concept de
vie. Mais l’étymologie de son nom n’est pas le
seul rapport de cette église avec La Vie.
Cette église n’est pas un rectangle mais
presque un cercle. Elle est octogonale : ses 8
cotés contiennent de nombreuses étoiles à 8
branches, souvent associées au culte de la
Vierge. Avant qu’il ne devienne un chiffre, ce
“8” fut une forme : le point de départ de
notre voyage. Considérée paléochrétienne,
l’église de Saint-Vital est romaine & byzantine,
comme Cybèle qui était Déesse à Rome et
Déesse Mère en Anatolie. Elle date du 6e
siècle. Le labyrinthe aurait été créé au 15e
siècle, ou seulement recréé après une
inondation. Les “flèches” de pierres blanches
triangulaires le disent clairement : ce
labyrinthe n’invite pas vers le Centre, le
Paradis, ou Dieu. Le pèlerin doit rejoindre le
Coquillage, la Sortie: La Porte. S’il continue
tout droit, il sort de la basilique : tout le
monde sait que l’Église est Mère.

Les métaphores analogiques de la Déesse se fossilisèrent en objets quotidiens : coquillage,


source, bénitier, labyrinthe, porte, et donc maison, ou château comme nous verrons.
Leur signification fut alors oubliée, ou dévaluée comme une monnaie qui n’a plus cours.
Ce processus est commun ; en voici un exemple dans le vocabulaire sacré de notre temps.
Un petit disque d’or où on lit Napoléon III et un rectangle de papier vert avec l’inscription
One Dollar sont des objets très différents. Mais ce sont deux représentations ésotériques
d’un même Dieu. Dans 10.000 ans, dans les ruines du Temple de la Finance à Wall
Street, on trouvera l’objet vénéré par un Grand Sacerdote appelé Picsou : Mon Premier
Sou. Retrouvé dans tous les temples, il donnera lieu à des légendes ; des pouvoirs
magiques seront attribués à ses reproductions, comme ce fut le cas pour Le Labyrinthe.
Il ne faut pas s’étonner de la disproportion entre un moyen de propreté & pureté, le
bassin lustral - labyrinthe, et la puissance rejointe au cours des millénaires par un symbole
graphique dont la signification est incertaine : Le Labyrinthe. On retrouve la même
disproportion entre un misérable instrument de supplice et un puissant symbole
graphique dont la signification est incertaine : La Croix.
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L’Eau : Miroir de chaque chose & Source de
chaque vie. Narcisse aurait mieux fait de céder à la
cour que lui faisait Écho, la belle nymphe. Le crime
pour lequel il mourut ne fut pas la vanité mais l’inceste.
L’eau et les rêves... et la puissance de la censure, quand elle
est vêtue par mille poètes, et par Bachelard. Narcisse se
reflète dans l’eau et la caresse de ses yeux. Il caresse
l’eau ou son propre reflet ? Selon Pausanias, sa sœur
jumelle bien-aimée mourut et c’est elle que Narcisse
reconnaît dans son propre reflet. Il caresse sa sœur ? Presque ! Cette variante nous met sur
la “bonne voie” : celle de l’inceste. Mais personne, à ce qu’il semble, n’associe les yeux de
Narcisse à ceux Œdipe, qui s’aveugla. Il se sentit contraint à s’aveugler, et à le faire avec la
broche de sa mère. Pourquoi ? La castration aurait été plus logique, et c’était une pratique plus
courante. Comme toutes les dames de son temps, Jocaste portait une “broche en forme de
∞”, comme deux yeux, et plus précisément en forme de “deux spirales avec un petit 8 au
milieu”. La curiosité du lecteur sera satisfaite avant la fin. En attendant, acceptons-le comme
un fait : l’Eau n’est pas sœur ; l’Eau est Mère. Et c’est dans les profondeurs de l’Eau que se
cache l’origine de la circoncision. Sa surface explique la misogynie et la phobie sexuelle des
religions patriarcales, et l’invention du sexe faible : son Pouvoir Magique fait peur.
La Déesse était vivante dans des réalités pour nous très différentes : bassin lustral, temple,
labyrinthe, palais, flaque d’eau, caverne. Transmis par les religions mystériques, les rites
archaïques se retrouvent dans les religions successives : les ablutions rituelles des juifs, les
utilisations chrétiennes de l’eau bénite, les ablutions quotidiennes des musulmans. L’Eau est
indispensable avant de prier, avant d’entrer dans le temple et en d’autres circonstances de la
Vie, mais aussi de la Mort parce que même les morts se lavent. La Source Miraculeuse prend
naissance dans la Grotte de la Vierge comme dans la caverne paléolithique. De ce temps
obscur, il nous reste le Mystère de la Femme, et notre émerveillement face à la procréation,
et les questions que posent les enfants intelligents.
- Comment ils se forment, les œufs ? Et c’est quoi un nombril ?
Nous nous rappelons le nombril protubérant du Vase-Femme, représenté de la même façon
que ses mamelons. Que nous dit le nombril de la mère, à propos du nombril du nouveau-
né ? Qu’évoquent désormais ces deux portes fermées ? Un autre couloir ? Un autre
labyrinthe qui n’est plus ? Le Nombril du Monde ? Aujourd’hui, l’Omphalos de Delphes
n’est plus qu’un symbole vide parce que nous ne voyons plus le rapport entre le nombril du
nouveau-né, le cordon ombilical, le nombril de la mère, et le Nombril du Monde.
Certains parlent de l’Axe du Monde. Ce n’est pas une ligne droite, un pole ou un lieu en
particulier. L’Axe du Monde est le “Labyrinthe & Fil” qui Unit “Mère & Nouveau-né”. Réel
et métaphorique, le labyrinthe cordonal inspira des utilisations magiques, avant de devenir
un remède miraculeux grâce à la découverte des cellules souches du cordon ombilical.
- Et que dire du cœur, et du foie ? Étaient-ils importants ?
- Cela dépendait du Grand-Prêtre de service.
Un grand-prêtre de notre temps, le psychanalyste, observe le
spectacle de nos expressions primitives – angoisse, attraction,
violence... – devant le labyrinthe, la caverne, la porte.
La porte ?
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La Porte
A man’s home is his castle. Selon ce dicton anglais, Pour un homme, son ‘home’ est son château.
On ne peut s’étonner qu’il en défende la porte, mais comment traduire home, et le dicton ?
Nous disons foyer, dont le feu nous porte au cœur de la question.
Un Français traduirait le dicton anglais en ces mots : La maison est sacrée.
- Pourquoi ?
Merci ! Dans ce contexte, la question est particulièrement importante. Laissons-la flotter
dans l’air... Elle pourrait voler au nord de Malte, jusqu’en Sardaigne. On y trouve de
nombreuses structures du Néolithique, de la même époque de Mnajdra. Vingt siècles
plus tard, la culture de l’âge du Bronze édifia les nuraghi. Ces structures “religieuses” sont
parfois considérées “militaires” ; elles s’élèvent loin de la mer. La côte était constamment
envahie par les touristes d’antan : les Héros de l’âge du Bronze partaient en mer et
vivaient sur le dos de la bête terrestre. Ils suivaient l’antique exemple d’Ulysse, qui
commit des crimes plus graves, comme nous le verrons.
La civilisation nuragique est restée vivante jusqu’à nos jours. Loin de la foule déchaînée
de la Costa Smeralda et de ses night-clubs, des troupeaux de femmes voilées de noir sont
encore gardées par Les Bons Pasteurs : leurs pères, frères et maris sont tous des pasteurs.
Dans ce métier, on est tatillon sur les questions de reproduction et on se souvient de la
loi archaïque : Le Code Barbaricino.
« Voleur est qui vole dans ta maison, ou vient de la mer. »
Dans ces deux cas seulement, il y a délit patrimonial : une offense au Père, et donc à
l’Honneur de la Famille.
Si un voleur vient de la mer et vole n’importe où, tue-le, voilà tout.
Si un collègue pasteur vole ta plus belle brebis alors que tu dors dans les champs à coté
de ton troupeau, tu es un sot, voilà tout.
Mais si un collègue pasteur vole ta plus belle brebis ou autre chose de Ta Maison… Dans ce
cas seulement, ta vengeance est légale : la Vendetta est sacrée ; c’est La Loi.
La Maison était le Temple de la Femme ; elle l’est encore mais maintenant Elle, La Femme
& Temple, appartient au Père, Elle est le ‘patrimoine’ par excellence : La Maison est Sacrée.
La Common Law anglaise, et notre Droit coutumier qui meurt à la Révolution et renaît sous
le nom de Jurisprudence en des pays très démocratiques, remontent à l’âge du Bronze.
Ce qui était juste est juste : ce n’est pas une affirmation absurde ; c’est le Principe même de
la Jurisprudence, connu comme Règle du Précédent, ou Stare decisis dans ce latin que les
hommes parlent encore dans les tribunaux. Comment s’étonner qu’il soit si difficile
d’améliorer le statut social des femmes, en Sardaigne et ailleurs. Mais les hommes ne
sont pas les seuls coupables.
- Encore la Reine Victoria ?!
- Et bien disons… avec ses très nombreuses filles et petites-filles, peut-être.
La maison, le foyer, sont sacrés. La maison archaïque, la hutte, était circulaire, comme le
foyer autour duquel on se ré-unissait. Des cercles magiques de pierres se trouvent partout en
Europe. Il doit y avoir une raison pour laquelle, à la campagne comme à la ville, on se ré-
unissait pour danser en double cercle : le cercle des hommes & le cercle des femmes.
Avec cette magie, la Communauté construisait son Être en un Cercle de Danse.
Certaines le font encore : la musique est moderne, elle n’a pas plus de mille ans, mais les
pas sont certainement bien plus vieux.
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Revenons à Göbekli Tepe et à son corridor d’entrée à une Maison ronde & sacrée. On a
retrouvé des constructions strictement rectangulaires dans la même zone. Elles
remontent à la même « période pré-poterie » quand la poterie n’était « pas encore utilisée » : ce
sont des citations de documents académiques.
De nos jours, le vase est un objet qui appartient à une catégorie scientifique : la poterie.
C’est quelque chose qu’on utilise, comme le temple qui appartient à la catégorie constructions.
Le Vase, ou le Temple, n’est pas une chose que l’on est ; il ne serait pas scientifique de
l’affirmer.
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme… » écrivit Lamartine, qui devait être idiot.
Pendant des siècles, les théologiens ont nié l’existence de l’âme des enfants et des
femmes. Ils ne furent pas considérés stupides, bien au contraire. Ces bienfaiteurs de
l’humanité évitèrent des frais légaux : sans âme, il n’y a pas délit d’homicide. Mais il ne
semble pas nécessaire de convoquer un concile pour reconnaître que Le Vase a une âme,
puisque La Femme en a une aujourd’hui, selon certains théologiens.
Nous désirons cueillir cette opportunité pour rappeler à notre archéologie académique
qu’une grande partie de la poterie qui ait jamais été réalisée ne fut pas cuite, et a donc
disparu. Cette découverte pourrait être faite par un touriste qui rentrerait chez lui avec
un souvenir de vacances africaines : un magnifique vase tribal. Il pourrait le remplir d’eau
pour y disposer des fleurs. Quelques instants après, il retrouverait ses fleurs dans une
flaque de boue. La catégorie scientifique « période pré-poterie » implique qu’à un certain
moment de l’histoire, une personne – un génie – décida de faire un pot et de le cuire.
C’est tout simplement absurde. Il est bien évident que des vases furent faits pendant une
période infinie, bien avant qu’ils ne soient cuits par une âme généreuse pour laisser des
traces utiles à notre archéologie académique.
Le vase de terre qui précède le vase de terre cuite n’est pas en terre crue, tout comme un
vivant n’est pas un non-mort. La poterie de terre n’est pas incomplète, ni inférieure. Un vase
de terre pourrait même être considéré supérieur du point de vue de l’environnement, tout
en remplissant ses fonctions pratiques : il le fait encore en de nombreux pays. Dans
notre société, faire un objet en terre peut remplir une fonction pratique & magique. Une
telle prise de conscience est la prémisse d’importantes applications de ce qu’on appelle
‘faire de la poterie’ dans notre temps libéré, ou dans les activités socio-éducatives et
thérapeutiques. (1, 2, 3, 7, 8)
En de telles situations, l’opérateur ne s’occupe pas d’objets en céramique mais de sujets
humains. S’il est capable de les observer, il se rendra compte que devant la porte fermée
du four, ils ressentent la même attraction & angoisse que devant la porte du labyrinthe.
Que se passe-t-il donc, vraiment, dans le four ? Dans une caverne obscure, qui devient
un ventre de feu, un être est en gestation. Il en sortira, mort ou vif, après un rite de
passage appelé « cuisson de la poterie ». Comment expliquer une telle joie, ou un tel
désespoir, pour la réussite ou la faillite d’une “cuisson” ?
La réponse est à la fois simple et terrifiante : ce qui arrive à l’objet dans le four arrive au
sujet qui l’a créé. Quand nous « faisons de la poterie » dans notre temps libéré, le Créateur
est créature. Nous le disons sans aucune référence à la Genèse biblique, après d’infinies
expériences personnelles. Pour comprendre certains rites archaïques, il est utile
d’observer leurs versions actuelles. Nous avons déjà décrit toutes les phases de ce
phénomène dans Ermeneutica di una tecnica (2).

69
La “préhistoire” est encore bien vivante en de nombreuses parties du monde, et dans le
quartier, et au plus profond de nous-mêmes. Réaliser un objet quelconque était aussi un
rite de réalisation de soi. Aujourd’hui encore, nous nous réalisons par des rites magiques
dont nous n’avons pas conscience. Nous pourrions parler d’autopoièse, comme d’autres le
font. Cela ne signifie que auto création, mais puisqu’il s’agit de créer le Soi & le Monde, un
peu de gréco-latin est le bienvenu. Comme d’habitude, le gréco-latin permet aux
membres de la corporation de se comprendre, et d’exclure tous les autres. (7)
Un rite mensuel de fertilité féminine que nous pourrions appeler « Faire Le Vase » était
pratiqué dans certaines tribus du Brésil. Il a été décrit en partie par Claude Lévi-Strauss,
d’un point de vue différent du nôtre.
Une église catholique ? C’est La Géante de Baudelaire & Juliette !

L’architecture
est une magie...
mais elle n’est pas
mystérieuse
si on la regarde
en rêve.

Les églises ont des architectures diverses. Considérons une église dans laquelle deux
tours puissantes encadrent une façade plus basse ; en son centre, la porte principale. Elle
ne s’ouvre que pour les rites principaux de la Vie : Baptême, Mariage, Funérailles. L’église
est si grande qu’elle contient l’entière communauté en son ventre. Elle culmine en un
dôme sur trois chambres qui ressemblent de façon impressionnante au premier temple
de Mnajdra, donc... Mais non, ce n’est que la vision d’un voyageur. Les trois chambres
sont disposées en croix pour une raison évidente : il s’agit d’un temple chrétien. Bien sûr,
mais... si nous nous laissions emporter par une rêverie, nous pourrions voir au travers du
brouillard des millénaires.
Une Jeune Femme prospère, une Géante, est couchée sur le dos, nue. Ses Jambes
énormes sont repliées ; les Genoux pointent vers le Haut. Les Bras aussi sont repliés,
Mains sous la Tête Ronde. Fermement enracinées sur la Terre, Elle regarde le Ciel.
Perdue dans sa rêverie, elle mâchouille la tige d’une fleur... Une marguerite ? Mais sa
position est aussi celle d’une femme en train d’accoucher.
Elle est ouverte – grande ouverte – au Soleil Levant, aux Équinoxes et aux Solstices du
Soleil, ouverte envers Elle-même : Elle est le Soleil. Elle n’est pas désorientée mais
orientée dans le vrai sens du terme. Certains disent que les cathédrales sont orientées, que
c’est drôle ! La plupart tournent le dos au Soleil Levant et s’ouvrent vers l’ouest, au Soleil
Mourant. Ils disent que les cathédrales tournent la Tête vers le Soleil Levant ? Ils sont
aveugles, en conséquence de leur manipulation stérile des faits de la Vie. C’est le résultat
d’un mensonge répété pendant 4.000 ans.
Pour de nombreux chrétiens de ces derniers siècles, l’Église, en tant qu’institution, est la
Mère. Le Père La survole : Le Pasteur La protège & menace du Ciel.
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La prière est-elle une tentative de ré-Union ? Il semble que oui. En effet, les fidèles
essayent de se ré-Unir à la Divinité. Ils prient pour éliminer la Dia-bolique Di-vision.
Depuis que la Divinité a été Dia-boliquemt Di-visée, ils essayent de la ré-Unir : ils prient
en levant les bras au Ciel avec les genoux à Terre. Ils ne le savent pas ? Non, mais ils le
font depuis des millénaires, comme on respire : sans s’en rendre compte. S’il n’en était pas
ainsi, pour se ré-Unir avec le seul Dieu du Ciel, les monothéistes prieraient en sautant.
- Mais s’agenouiller, se plier, tendre vers la terre, sont des signes de soumission !
Oui, c’est vrai, c’est vraiment vrai. Les Pasteurs du Patriarcat ont calqué certains de leurs
gestes symboliques sur le comportement social des animaux. Depuis, dessus est mieux
que dessous.
Avant le monothéisme Patriarcal, il n’y avait pas de fidèle à ré-Unir, bien au contraire. Le
temple fut créé à l'image et à la ressemblance de la femme parce que La Femme était Le
Temple, le Lieu où ciel et terre s’Unissent en mariage: Ciel & Terre. De tels fidèles
existent encore.
Pour les Quechuas, Pachamama n’est pas la Terre-Mère comme disent les ethnologues
chrétiens. Pachamama est Terre & Ciel, comme la Déesse de Mnajdra.
Après cinq siècles, le Patriarcat n’a pas encore réussi à imposer sa Di-Vision, il n’a pas
divisé le Cœur & Âme de l’Amérique “Latine”.

L’église de la photo est San Isidoro Agricola, c’est-à-dire Paysan en Latin. Elle se trouve à
Giarre, en Sicile, au pied d’un volcan vivant, l’Etna, que les gens du commun appellent
Mamma Etna. Elle garantit la fertilité en déversant ses cendres & eaux sur cette terre
d’Abondance. Mamma Etna est patiente, comme toute Déesse Femme & Mère.
Espérons qu’Elle ne perde pas la patience.
- Pourquoi ?
La Sicile était espagnole. Dans l’Espagne de la Contre-réforme, Déméter et les autres
divinités féminines de l’agriculture était encore trop présentes pour les goûts de la Sainte
Inquisition. On inventa un nouveau saint, un Héros du Prolétariat : Isidro Labrador,
Isidore laboureur. D’un coup de marketing, on imposa à la Terre Mère la Loi du Soc de la
Charrue. Priape était plus amusant.
En outre, Isidoro en grec signifie don d’Isis, la Déesse de la Fertilité et de la Magie. Isis ré-
Unit les morceaux de son mari assassiné Osiris. Elle restaure l’Harmonie en Lui. Isis
redonne la Vie à Osiris... sans obtenir Son éternelle reconnaissance, à ce qu’il semble.
- C’est tout bon, Mamma Etna, i’ sont pas méchants ; ils comprendront, tôt ou tard. Laisse-leur
encore une chance.
Sur certains points, nous n’avons aucun doute.
- Comme les façades de nombreuses cathédrales, celle de San Isidoro de Giarre imite les
façades de temples égyptiens, comme ceux de Amon à Louxor ou Edfou.
- Les deux monuments sont connus avec un nom masculin : Amon et Isidoro.
- Comme font les espagnols avec le double nom de famille de leurs enfants, les deux
monuments devraient porter aussi nom de la Mère : Mut, et Santa Isidora, avec un “a”
final, d’autant plus que toutes deux sont ouvertes aux Solstices du Soleil. C’est le cas de
Stonehenge qui devra donc se trouver un deuxième nom féminin, à moins qu’un
deuxième referendum ne décide en faveur d’un deuxième Brexit de l’Histoire.
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- Amon-Mut en Égypte, Stonehenge-Ladyhenge en Grande-Bretagne, Saint Isidoro-Dora
en Italie, et de nombreuses cathédrales en Europe, sont des imitations récentes de
Mnajdra à Malte.
Saint Isidoro de Giarre
Moitié d’un bas-relief répété quatre fois sur
les façades des deux tours, pour un total de 8
coquilles St.-Jacques.
La base de la coquille est formée par deux
spirales et un triangle bombé. La sculpture
représente les habituelles fleurs et fruits mais
ils ne sont pas versés par une corne
d’abondance, un autre grand coquillage, un
symbole païen suspect aux yeux de
l’Inquisition. Par contre, elle ne voit aucun mal à associer fleurs et fruits avec la coquille
du pèlerinage à Compostelle... où on l’appelle vieira : coquille de Vénus.
Le sculpteur ignorait-il l’ABC de son art, ou était-il un disciple clandestin de la Déesse ?
Son Verbe Divin traverse les barrières de la censure, comme l’Amour. Aucun mur n’a
jamais empêché les amants de se réunir ; ils ne sont pas protégés par une Vierge mais par
Vénus. Nous avons parlé de cette “coquille” à propos du Labyrinthe.

Fact Checking. Regardons mieux le bas-relief. Nous avions parlé de fleurs et de fruits.
Fake news ! Il n’y a que des fleurs.
Pourquoi ? Écoutons Vénus. Elle nous a concédé une interview exclusive.
- Des Fruits ? Serais-je devenue une Déesse Mère par hasard ? Pas encore ! Alors des fleurs
seulement, merci. Mais j’ai moi aussi ma Corne d’Abondance ; elle est à sa place, sous ma
Coquille, et elle versera ses fruits quand ce sera le moment.
Vénus sait se faire comprendre, si on a envie de comprendre.
En toute justice et pour arriver à la conclusion, nous devons compléter ce discours par
une observation et une question. La façade d’une église n’est pas courbée ; à quelques
exceptions près elle est plate. Par contre, le fond n’est pas plat ; à quelques exceptions
près il est courbé. Pourquoi ?
- Notre église a le dos bien droit.
- Et un clocher bien droit lui aussi, érigé vers le ciel ?
- Mais oui.
- Il a de la chance. C’est le signe qu’il est jeune et en bonne santé.
Cherchons une réponse à partir d’une affirmation précédente : « Ils disent que les
cathédrales tournent la Tête vers le Soleil Levant. » En effet, dans presque toutes les
églises, une “abside”, une protubérance “courbée”, prolonge la nef et pointe vers le Soleil
Levant. Dans cette direction, le prête catholique regardait et le peuple regarde encore,
pendant la Messe. Le demi-cercle de l’abside était bordé de sièges réservés à certains
“vir”, les “hommes” en latin. Ces hommes étaient “âgés”, adjectif qui devient “prêtes” et
donne le nom à l’abside : “presbytère”. Ils tournaient le dos à Dieu ? Ils surveillaient le
peuple ? Les deux hypothèses sont complémentaires, si l’on considère que la protubérance
virile de l’église était la partie la plus importante de son corps de pierre. Comme les
dames de Mnajdra, les sieurs du christianisme créèrent le Temple à leur image.
72
Parfois la tête pointe entre deux épaules plus petites. Dans ce cas, on parle d’abside
trilobée : lobe principal au centre, deux lobes latéraux plus petits. Ici, nous devrions parler
du trèfle à trois feuilles du jeu de cartes mais ce serait inutile sans une longue description
du contexte : tous les symboles des cartes, leurs noms, leurs origines lointaines. Elles
expliquent pourquoi le trèfle est le symbole donné à l’Irlande par son évangélisateur,
Saint Patrice. Patrick priait dans une grotte profonde... mais il n’a pas inventé ce trèfle. Il
ressemble à la Croix chrétienne ? La ressemblance est lointaine, vraiment très lointaine,
dans le temps. Si vous coupez la queue du trèfle à trois feuilles, il devient le Triskell, la
triple spirale attribuée aux celtes mais qui précède de beaucoup leur invasion des îles
britanniques. En ce temps-là, la Déesse n’avait pas besoin d’une queue pour générer la
Vie. La fonction de la queue fut expliquée plus tard par les hommes de sciences aux
longues blouses blanches : les Druides. Ils reviennent chaque année au solstice de juin,
pour les mascarades de Stonehenge.
Si la nef est la panse du temple, que signifie la tête qui pointe ? Si le temple pointe un
trèfle à trois feuilles dont la queue serait la nef, représente-t-il... la Croix chrétienne ?
Oui & non. Qui veut comprendre comprendra, s’il observe que le Temple de la Femme
est aussi devenu le Temple de l’Homme.
- Une église comparée au corps nu d’une femme ?! Et d’un homme dont le...
Quel scandale !
Désolé, mais cette vision effectivement scandaleuse n’est pas la nôtre. Pendant un rite
catholique appelé Confession, le prêtre ne manque jamais de mettre en garde les garçons
et les filles contre les manipulations solitaires qui rendent aveugle. Il leur conseille de
respecter leur propre corps parce qu’il est leur Temple : une image du Temple de Dieu.

Un bien plus grand scandale : Ulysse


Raid précolonial et comique troupier dans l’Odyssée
Quand on renifle les traces d’Empédocle, on croise les pas d’Ulysse. Vagabondant sur l’Etna
en Sicile, l’île des Cyclopes, on pense aux pierres qui tombèrent autour du bateau d’Ulysse.
Lancées par Polyphème ou par une éruption ? On peut se souvenir de la grotte fermée par
une énorme porte en pierre, trop lourde pour être déplacée par des hommes. De tels
monolithes furent utilisés pour construire des grottes artificielles sur les îles d’en face : à Malte
les temples de Mnajdra entre autres, et à Gozo, Gigantia : les temples des Géants.
- Les temples mégalithiques seraient des grottes artificielles ? Quelle absurdité !
Bien sûr, bien sûr, ce vagabond divague, mais c’est tout l’intérêt de vagabonder, n’est-ce pas ?
Il suit un fil : une trace de petits cailloux blancs dans le bois, et des pierres énormes avec
lesquelles, pendant le Néolithique, furent recréées un peu partout les antiques demeures de la
Déesse : les grottes du Paléolithique, couvertes de peintures qui auraient émerveillé Michel-
Ange. Pourquoi s’éreinter avec des pierres si grandes, si ce n’est pour imiter la caverne sacrée
originelle ? Mais comme nous l’avons vu auparavant, les copies mégalithiques furent
construites à image et ressemblance de la Créatrice par excellence, la Femme, en relation avec
la dernière créature qu’Elle a “conçu” : le Temps. Nous avons décrit ce Temps encore uni à la
Déesse qui l’inventa, avant que le Tout ne soit mis en pièces comme le corps d’Osiris par nos
pauvres termes dissociés : Soleil, Temps, Temple... Nous réunissons les âges passés en une réalité
que les académies ont coupée en rondelles, comme font les charcutiers.
73
Bien sûr, les grottes naturelles cessèrent d’être des lieux sacrés il y a longtemps. Elles
devinrent des refuges pour les troupeaux des pasteurs – on en trouve partout, même à
Bethléem – ou bien elles devinrent des tombeaux, fermés avec une pierre énorme, comme
celle de nos tombes modernes. Une grotte-tombeau fut trouvée ouverte un beau matin de
Pâques, par trois femmes appelées Marie : le même nom que la Femme qui apparaît de
temps en temps à une petite fille innocente. Innocente et si affamée qu’elle en a des
hallucinations… Mais pourquoi voir une Dame et non un bon repas ? De telles
apparitions sont très rares, alors pourquoi représente-t-on si souvent cette Dame dans une
niche qui ressemble à une grotte ? Grotte de Lourdes ou caverne sacrée du paléolithique ?
La mémoire est un fleuve karstique qui émerge en mille sources. Leurs eaux font des
miracles, dans les grottes dernièrement, et bien avant dans les cavernes.
Lors d’antiques éruptions, de nombreux petits cratères émergèrent du corps d’Etna, du
coté qui fait face à la mer et regarde l’Orient.
Sur Mamma Etna – généreuse Artémis d’Éphèse aux nombreuses mamelles – la grotte n’est
pas habitée par la Sybille mais par un géant, Polyphème, le fils du Dieu de la mer... ou la fille
de la Déesse-Mer ? De tout façon – Dieu avec Trident et coquillage Triton ou Déesse aux
Trois protubérances parfois représentées par Trois spirales unies – Ulysse fut le seul
survivant de la vendetta divine : je n’admets pas qu’on fasse certaines choses à mon fils !
C’était sa fille ? Certes, avec un être gigantesque de sexe féminin, ce récit Fantasy devient un
mythe symbolique aux accents très réalistes.
L’œil unique est un motif décoratif et un bijou que l’on retrouve tout autour de la
Méditerranée ; nous l’avons évoqué à Delphes : il est sous les trois doigts de la main de
Myriam-Marie-Fatima. Elle aussi était un cyclope ? Peut-on émettre l’hypothèse que l’œil
unique représente, sur le Vase-Femme vu auparavant, ce détail sous les trois protubérances :
tétons et nombril. Ou au contraire, quand nous trouverons le courage d’expliquer la
signification de la “double spirale avec un petit 8 au centre”, nous rappellerons-nous que
Ulysse et ses compagnons étaient des marins grecs ? Leur penchant proverbial ne scandalise
plus. À moins qu’il n’y ait violence. De groupe ? S’est-il agi d’une première mondiale, de
l’archétype du viol de groupe ?
Comme tout mythe qui révèle & dissimule quelque chose en un récit symbolique, cet
épisode de l’Odyssée décrit une arme inventée par le patriarcat pour la colonisation du
Monde de la Femme : le viol de groupe. Avec le tronc d’un jeune olivier ? Mais bien
sûr ! Comment défonce-t-on la Porte du Château ? Avec le gros bélier dont est doté Priape.
Ulysse est un guerrier ; pourquoi devrait-il passer ce “jeune tronc” dans le feu ? Pour en durcir
la pointe, afin de pénétrer une substance gélatineuse comme un œil ? Ou pour faire rire un
public adulte ? Ils comprennent de suite que l’on parle du bélier de Priape, qui est naturellement
chaud et dur. Mais les enfants aussi écoutent ; ils propageront la fable. Ils ne comprennent pas
les mots, mais ils intériorisent la leçon symbolique. Un jour, ils répéteront les mots pour
endormir leurs enfants. Quand l’occasion se présentera, les enfants appliqueront la leçon.
Ils s’enfuirent de la grotte, les vaillants guerriers, en étreignant le ventre des brebis...
Le rapt des “brebis” devint un classique. L’amour fut dénaturé par une nouvelle activité
masculine : la guerre. Et la guerre transforma aussi le vin en arme ; l’eau de feu affaiblit
les indiens d’Amérique, l’opium soumit la Chine.

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Nous ne devons pas juger Ulysse. Il a d’autres flèches à son arc, ce que confirment les
prétendants de Pénélope. Un tel Héros de la tradition orale devrait être comparé à un acteur
du cinéma hollywoodien : il reste une star, une étoile de notre firmament, quel que soit le
scénario. Même s’il a la gâchette facile, même s’il se laisse aller à un coup-de-poing futile, à
un baiser fougueux et imposé, la star reste un personnage positif. On ne peut pas dire du
mal d’un Héros mythologique comme John Wayne.
De retour dans sa maison bleue, l’auteur vagabond était troublé. Il fit part de ses
divagations à un ami. En bon professionnel qui vérifie chaque nouvelle – aujourd’hui, on
dit fact checking – Paolo interrogea l’Oracle de Google en termes clairs : Ulysse violeur. La
Sybille WWW émit sa réponse en mentionnant un livre : Demoni, mostri e prodigi de
Giorgio Ieranò, professeur de langue et littérature grecque. Il cite Pausanias, le
géographe écrivain qui, au 3e siècle a. J.-C., recueilli des témoignages sur la Grèce
antique ; certains furent confirmés par l’archéologie moderne. Nous résumons cet
épisode légendaire en l’interprétant parce, que comme nous l’avons déjà rappelé, les
mythes racontent des histoires jamais advenues mais qui arrivent tous les jours, partout.
Cette histoire mérite dix lignes dans les faits-divers, sous un titre : Compagnon d’Ulysse viole
jeune femme à Témésa. C’était une ville de la Magna Grèce, aujourd’hui déclassée en Italie
méridionale. Sans procès humiliant pour la victime, le violeur fut lapidé à mort, mais
avec des pierres bien plus petites que celles utilisées par Polyphème.
Ulysse ne célébra pas les funérailles du compagnon d’armes. En un temps où la bataille s’interrompait
chaque soir par une cérémonie pour convaincre les morts à passer dans l’Au-delà, ce rite
manqué est un lapsus freudien : il indique que le Héros rusé s’enfuit pour sauver sa peau.
L’esprit du lapidé sans sépulture hanta la ville, se vengeant de ses habitants. Il fut
considéré la cause de tant de morts que l’entière population décida d’émigrer dans ce
Nord légendaire où certaines choses n’arrivent jamais. L’exode fut bloqué par la Sybille
de Delphes. Interrogée, la Pythie ou un remplaçant dicta la solution : pour plaquer la
rage du démon, il fallait lui dédier un temple et y présenter des offrandes spécifiques.
Ayant construit l’Enceinte Sacrée à la gloire éternelle d’un violeur connu depuis comme
Héros de Témésa, les habitants livrèrent aux mains du Sacerdote une jeune femme, choisie
chaque année parmi les plus belles du pays. Nous retrouvons la même chronique dans
Strabon, très éminent écrivain et géographe grec qui exerçait deux siècles avant Pausanias.
Apparemment, l’Académie n’a pas saisi le thème central de la fable. Après une lapidation
spontanée, claire, sans appel, un tel changement de comportement social indique un changement d’ère.
Nous l’avons décrit ici comme le passage d’un monde à un autre : la Civilisation de la Femme
fut conquise et subjuguée par le Patriarcat.
On pourrait éclairer la chronique de Pausanias et Strabon d’une proverbe sarcastique comme
le sourire de certains hommes commentant une violence sexuelle au Café des Sports et au
Tribunal. « Une vierge chaque année éloigne le médecin. »
Enfin, nous trouvons un ultérieur indice dans un classique : les Métamorphoses d’Ovide
(L.13, 770-775). Thélème, un devin qui ne rate jamais ses prophéties, avertit Polyphème :
« Cet œil unique que tu portes au front, Ulysse te l’arrachera ! » Le Cyclope rit et répond « une
autre créature m’a déjà aveuglé. » Certains traduisent « Ulysse te le prendra / une autre me l’a déjà
pris ». C’est depuis ce temps que l’amour rend aveugle et ravit les cœurs ?

75
Celui de Polyphème fut ravit par Galatée. On dit ainsi : ravir, verbe qui donne ravissant,
mais aussi ravissement. Les métaphores deviennent innocentes quand elles sont répétées à
l’infini. Le cœur est-il une zone érogène ? L’auteur le pense, sincèrement. Cependant,
dans les journaux, la victime du ravissement est en général une femme qui a été prise, de
force, et le cœur n’y est pour rien.
Les traducteurs trahissent le latin d’Ovide qui spécifie bien rapiet / rapuit, comme dans
rapt, à propos de viol. C’était un sport national à Rome ; après sa fondation, elle fut
peuplée grâce à un rapt avec viol de masse : l’enlèvement des Sabines. Ovide était naïf ? Il était
surtout prudent dans son récit du mythe, plus prudent que l’auteur qui n’a pas peur
d’être exilé comme le fut Ovide. Les mythes étaient la religion et le fondement même de
l’État. Les premiers chrétiens furent martyrisés parce que leur monothéisme blasphème
fut un attentat à la sûreté nationale de Rome.

Ô Muses, Ulysse et ses compagnons auraient donc tenu un comportement si


détestable ?
À leur décharge, rappelons l’entraînement de base du Héros moyen. Informé par les
généraux et les journalistes, le caporal sait tout de l’ennemi qu’il décrit aux recrues :
- Ce sont des monstres ! Vous savez ce qu’ils feront à vos fils et vos compagnes ? Comme à votre
mère ! Et c’est pas tout : ils sont anthropofaringistes !
- Pardon m’sieur l’caporal, mais ça veut dire quoi, tropofrangine ?
- Ça veut dire qu’ils mangent des hommes !
Quelle horreur ! Des barbares ! Les communistes au moins sont de fines bouches :
comme les juifs, ils ne mangent que les enfants. L’académie est la source d’information
des généraux et des journalistes, qui ont fait des études classiques. Homère décrit le
souper de Polyphème – deux compagnons d’Ulysse, dévorés après avoir été battus sur le
sol rocheux pour qu’ils soient bien tendres – et le petit-déjeuner du lendemain matin :
deux autres compagnons, arrosés de lait de chèvre qui est si bon pour les enfants.
Si un ethnologue parlera d’anthropophagie rituelle, rectifiant les informations du caporal,
il sera fusillé pour trahison sans attendre l’aube. Ça arrivait pour moins que ça, à Verdun.
Pour la Cène, le dernier souper du Monstre, Ulysse avait mis de côté le vin fatal.
Mais cet œil unique... Si nous regardons à
nouveau la dague de Mycènes, nous
remarquons que les guerriers, représentés
de profil, ont un œil énorme. L’artiste en
a peut-être exagéré la dimension pour
souligner l’intelligence des guerriers ou
par convention stylistique. C’est ce que
penserait une personne rationnelle. Mais
le caporal, lui, a Le Lion sur son drapeau. Il dit aux recrues que les ennemis sont des
monstres avec un seul œil, et ces pauvres garçons en rêvent la nuit. Dans leurs
cauchemars, ils mélangent l’œil unique avec leur mère violée...
Nous n’avons pas besoin d’un psychananoliste pour expliquer ce qui se passe ensuite dans
une vraie guerre, pas celles des journaux et des livres d’Histoire.
Par exemple, après la bataille du Mont-Cassin en 1944, une légende populaire parle de la
directive d’un général français, un certain Alphonse Juin. Il aurait lancé ses soldats sur les
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Allemands avec une promesse : après la victoire, mains libres pendant deux jours. La suite ne fut
pas une légende. Saint Benoît avait fondé sur le Mont-Cassin le premier monastère
d’Europe. Il était considéré la nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie. De modestes héros en
étaient partis pour fonder partout d’autres monastères, ce pour quoi Benoît devint le
premier saint patron de l’Europe. Autour des ruines fumantes du Mont-Cassin, Ulysse et
ses compagnons pillèrent deux provinces et violèrent 7 - 8.000 enfants, adultes et vieillards
des deux sexes, selon des sources officielles. Où est le mal ? À la guerre comme à la guerre.
Après la guerre, l’Ulysse français fut promu Maréchal de France puis élu à l’Académie
française. Il repose à l’Hotel des Invalides, entouré d’autres Héros Immortels.
Quand on étudie un classique comme l’Odyssée, on découvre les nombreuses
différences introduites par les versions successives.
Pensons à l’Âge d’Or du Septième Art. Ulysse - Kirk Douglas fait du vin pour enivrer
Polyphème. Il foule les raisins avec une ferveur dionysiaque, comme si un jus de fruit
pouvait soûler le géant. Dans l’Odyssée de Homère par contre, Ulysse raconte que
partant explorer l’île, il avait emporté une outre d’un vin très spécial, et si fort que pour
le boire, il fallait l’allonger de vingt mesures d’eau. C’est ainsi que le vin se buvait, mais la
version de Hollywood est plus crédible, comme toujours.
Dans les mythes, la géographie est tout aussi incertaine. Dans Homère, il n’y a pas la
moindre évocation d’un volcan ; l’île des Cyclopes est petite, et proche d’une autre île plus
grande. Au lieu de la Sicile, il pourrait s’agir de Comino, la plus petite des trois îles de Malte.
Ou de Gozo, où se trouvent les temples des Géants, “Gigantia”. On ne peut exclure l’île
principale, avec ses divers temples dont Mnajdra, et des lieux de culte précédents : un
temple souterrain et une caverne paléolithique. Nous n’avons pas d’élément pour trancher,
et c’est tant mieux. Un récit mythologique n’a pas besoin d’un relevé satellitaire GPS pour
exercer sa fonction sociale. Le mythe produit une mémoire commune que certains appellent
subconscient collectif. Chaque grand-mère le raconte en l’illustrant de détails de son pays.
D’autant plus que la “vraie” île des Cyclopes pourrait être en un lieu complètement
différent, comme l’indique un livre sous-estimé : Omero nel Baltico, Homère dans la Baltique.
Avec une démonstration pluridisciplinaire impressionnante, Felice Vinci situe l’Iliade et
l’Odyssée plus au nord, d’où arrivèrent les ancêtres des Grecs. Le livre a reçu l’aval d’experts
des différentes disciplines appliquées, sans effet apparent sur la Vérité de l’Académie, après
plus de vingt ans. Pourtant, une éminente personnalité académique en avait écrit
l’introduction : Rosa Calzecchi Onesti, traductrice de Homère choisie par Cesare Pavese et
pédagogue illustre. La regrettée amie a sans doute voulu protéger qui tente, presque toujours
en vain, de décrotter les pseudo-connaissances fossilisées.
En ce qui nous concerne, il nous semble urgent de souligner que Persée est Le Matricide,
Hercule est Le Féminicide, Ulysse est Le Violeur.
Quand ça se saura, quel scandale à l’Académie ! Ces messieurs, qui chantent la geste des
Héros perpétuant ainsi la société patriarcale d’hier, devront trouver des paroles plus
utiles à la société d’aujourd’hui et à la civilisation de demain, s’il en restera une.
Enfin réunis en un chœur, les femmes et les hommes chanteront la Nouvelle : les
horreurs domestiques et les guerres, l’ordre patriarcal et le désordre global, avec leurs
conséquences sur l’environnement, sont un seul et même phénomène récent : il ne date
que de cinq ou six mille ans. Il est encore temps de changer.
77
Réponse à la question de l’Avocat du Diable
À Malte, nous n’avions répondu qu’en partie à une question gênante.
- Pourquoi une Vénus de Malte ou une Déesse Mère n’a-t-elle pas de seins ?
La question sous-jacente évoque un cataclysme : cette personne prospère – croupe
imposante et thorax plat – pourrait ne pas être une femme ?
Et si c’était un homme ?
À Malte, c’est le musée qui pose la
question, avec une illustration. Elle
rapproche la silhouette que nous
interrogeons de celle d’un lutteur japonais
de Sumo.
La comparaison nous donne l’occasion de
souligner un point fondamental en
herméneutique, l’art de l’interprétation.
Que signifie un mot sans sa phrase ? Que signifie cette phrase sans son texte ? Même ce
texte ne signifie rien, hors de son contexte, ou de son environnement.
Il n’est jamais inutile de le rappeler : texte et tissu ont la même étymologie.
Qu’est-ce qu’un tissu ? C’est un système de fibres & fils & couleurs & trame & ourdi &
sensations tactiles & parfum… mots qui se multiplient & disparaissent en un Tout : ce
tissu, hors duquel ces mots recouvrent des réalités complètement différentes.
Qu’est-ce qu’un texte ? C’est un système de signes qui tous ensemble donnent à chacun sa
propre signification. Un texte, c’est une société harmonieuse dans laquelle, quand tout va
bien, il n’y a que quelques fautes d’orthographe. Mais les erreurs de syntaxe mettent en
péril l’harmonie d’un environnement social & naturel.
- Sans les autres, il n’y a pas de soi, pas de Cogito, mon cher René. Il n’y a pas d’Ego, très cher
Descartes, sans les Romains qui t’ont donné le langage qui précède ta pensée... mais tu n’as
jamais entendu parler de Lacan, n’est-ce pas ?
Les autres, c’est aussi le Paradis, moins cher Jean-Paul Sartre.
On comprend bien, alors, la fonction magique, miraculeuse, Divine, de ‘&’, un signe
cabalistique qui ressemble, lui aussi, à... à quoi ? À un 8 ou à un lutteur de Sumo ?
Nous replongeons ainsi dans la recherche d’un contexte.
Seuls, 8 et & ne ressemblent à rien et n’ont aucun sens.
Mais, par exemple, dans un certain contexte, et pour des raisons sérieuses, fascinantes,
Albert Gianna pense que & ressemble à un scribe accroupi qui tient sa tablette de cire à
la main. (B) Personnellement, nous préférons penser que & est bien un scribe, mais qu’il
tienne à la main son verre d’apéro : notre moment préféré pour la méditation rêveuse.
Quant à 8, nous en reparlerons dans un instant, mais en privé.
Alors, quelle conclusion tirer à propos de cette personne prospère ? Femme ? Homme ?
Lutteur de Sumo du Néolithique, selon l’hypothèse du musée de Mnajdra, ou Femme &
Mère Déesse, comme bien des gens le pensaient avant nos notes de voyage ?
Ce n’est pas à Malte mais en Grèce, dans la deuxième partie du voyage et de nos notes,
que nous avons trouvé la réponse. Elle devint évidente dans un contexte plus large, ce
qui nous rappela un vieux conseil : quand on cherche une solution, il ne faut pas zoomer
sur le problème.
78
L’argument le plus convainquant, c’est le Héros qui nous le donne. Il doit tuer la Femme
pour exister en tant que Héros du Patriarcat.
Patriarcat & Héros & Feminicide existe en Un Tout ou n’existe pas.
C’est lui, le Héros Matri-Féminicide, qui nous donne la preuve par indice que ce qui
précède la révolution du Patriarcat, c’est bien l’Ère de la Femme, la Femme Prospère de
Mnajdra. Elle n’a pas de gros seins parce qu’elle ne se sent pas comme une matrone du
‘matriarcat’, parce qu’elle se sent jeune, parce que c’est ainsi qu’elle préfère se voir,
comme la femme-vase qui attribuait la même importance aux seins et au nombril.

C’est ainsi que nous la voyons à l’heure de l’apéro, après un deuxième verre. D’ailleurs,
même avec un troisième verre, on n’arriverait pas à imaginer un lutteur de Sumo qui
ouvre son intimité fertile au Soleil du Solstice... même en agitant un petit drapeau
japonais avec le Soleil Levant. D’autant plus qu’un lutteur de Sumo fait de tout pour
repousser son prochain en dehors du Cercle Magique, au lieu de l’accueillir chez lui.

À moins que... À Mnajdra, autour du Temple de la Vie, les crimes les plus graves ne
pouvaient pas être sanctionnés par une peine sans aucun sens : la ‘mort’. Donc, le pire
criminel devenait un bandit, un exclu du Cercle Magique de la Communauté. C’est ce que
fait encore le lutteur de Sumo, pour le compte de la Déesse Femme qu’il représente dans
son propre corps. Ils savent maintenir les traditions, au Japon : contrairement au ring
carré de la Boxe, le ring de Sumo est encore Le Cercle, avec tout autour un lieu où aucun
homme ne veut finir, un no man’s land d’exclusion. Ce terrain vague a la forme d’un
carré : le “contraire” d’un cercle. Les deux surfaces sont inconciliables, malgré les efforts
d’étranges mystiques qui tentèrent pendant des siècles de réussir la quadrature du cercle :
les mathématiciens.
À l’apéro, les deux lutteurs de Sumo nous rappellent d’autres jumeaux qui ne
ressemblaient pas du tout à leur Mère: Romulus et Rémus.
- ... nourris aux mamelles multiples de la Déesse Mère, la Louve... le soc d’une charrue se plante
dans la Terre pour tracer le Cercle-Frontière de la Nouvelle Cité... Sa Fondation est une
tragédie biblique en un acte : Le Meurtre du Frère.
Voilà le modèle qu’on nous offre, dans l’Éternel Présent d’un mythe appelé Patriarcat.
À l’apéro, on peut boire non pas pour oublier mais pour se souvenir de l’aphorisme de
Chris Marker : « L’humour est la politesse du désespoir. »

Le lecteur ne devra pas boire autant pour se rendre compte que de nombreux siècles
après Mnajdra, l’obélisque, ou le clocher, ou le minaret qui se dresse pour garder la Porte
du Temple ou dominer sa Coupole, représente cette partie qui est le Tout du Héros,
dans le gigantesque selfie en pierre d’une civilisation en mutation permanente.

79
Hypothèse parallèle - Un outil et une technique néolithiques pour tailler la pierre
À Delphes au coucher du soleil, en ayant vu assez pour
une vie entière, il nous sembla sage de diner tôt.
À l’entrée d’un restaurant, un objet extraordinaire nous
accueillit : des centaines de dents de silex pointaient sous
une luge en bois. Des dents manquantes avaient été
remplacées par des morceaux de lame de scie. Après avoir
pris quelques photos, le conseil de protéger la luge à
l’intérieur fut ignoré par le garçon, un fataliste : « ils ont
déjà essayé de la voler. » Il expliqua que la luge pouvait avoir
plus d’une centaine d’année, mais qu’elle avait été utilisée
jusqu’à nos jours. Il dit qu’on ne battait pas le blé avec un
fléau, on le déchiquetait. Cette machine fabuleuse passait
sur les épis éparpillés, traînée par un âne et un homme.
Sancho Panza ? Il n’y avait pas que des Héros en Grèce,
Déesse merci !
Le joyeux tintement de grelots en silex du traîneau de Delphes célèbre une continuité qui
va du Néolithique à nos jours.
Une vision et une rêverie nous offrirent un outil et une
technique du Néolithique pour couper la pierre. Faire une
corde, tisser des fils, sont des techniques développées très
tôt par l’homme ou mieux par la Femme, la Gardienne du
Feu. Regardons la Cordière accorder sa corde de trois
cordons : une tresse de cheveux avec des perles. À chaque
tour de la tresse, elle colle un silex qui dépasse des deux
cotés. Elle fait une chaîne en silex, pour sa
tronçonneuse néolithique. Le moteur est une équipe de
deux scieurs de long. Pour couper un bloc de pierre selon
un profil précis (droit ou incurvé comme les pierres des
Murs-Fleur), la Cordière positionne deux silhouettes
jumelles de chaque coté du bloc, pour guider le va et vient
de la chaîne. La portion de corde sans dents qui frotte sur
les jumelles est recouverte de cuir, rendu glissant avec un peu de graisse. Pour son usage
personnel, elle tresse une chaîne de silex plus fine, plus courte, tendue sur un arc. Elle
l’utilise d’une seule main, mais elle a aussi un modèle plus grand pour scier du bois avec
sa fille : on est jamais trop jeune pour apprendre les Arts Domestiques. Extraordinaire ?
Ce n’est qu’une des magies de la Femme au Foyer. (1)
Nous avons maintenant un bon programme pour cet été. Chercher des silex, recueillir la
résine à utiliser comme colle, etc. Mais toute l’année, nous continuerons à ne rien produire :
ni objets, ni connaissance. À l’école et à l’université, on consomme de la connaissance
décongelée, et les seules pierres admises sont l’ardoise et la craie.
Voilà le VRAI scandale ! La poussière de craie et les pixels de la Silicon Valley causent la
silicose, une maladie des poumons qui empêche de respirer librement.
La silicose est un cancer ; il se développe des poumons au cœur et remonte au cerveau.
Les enseignants en souffrent; certains se soignent dans un Lab-Oratoire Métadisciplinaire. (1, 10)
80
« La Géométrie sacrée du hasard »
Méditations d’un pèlerin par Hasard & Nécessité

Il distribue les cartes comme un autre médite


Ses compagnons de jeu ne se doutent de rien
Il ne joue jamais pour l’argent qu’il leur gagne
Ni même pour leur respect
Il leur donne les cartes pour trouver la réponse
La Géométrie sacrée du hasard
La Loi restée secrète d’un résultat probable
Les nombres mènent la dance
Sting & Dominic Miller
(Shape of my heart : La forme de mon cœur)
- ♫ I know that the spades are the swords of a soldier...
Oui, ça, je sais : pique, c’est l’arme d’un soldat, mais 8, est-ce bien un nombre ?
Pourrais-tu me le dire, Sting ? Si tu ne sais pas, demande à Pythie. Elle a écrit ta chanson, non ?

Rêverie
Dans une rêverie, une sorte de langage intérieur unit images & mots. Comme un rêve,
mais plus accessible qu’un rêve, la rêverie évite les blocages habituels du langage
conscient.
La rêverie est un ustensile pour creuser dans la matière humaine. C’est une sorte de
sonde qui fournit de façon articulée une longue vision ; ce concept différent sera examiné
plus loin.
La rêverie est un écran pour montrer à soi-même tout ce qui semble intéressant. Elle
n’impose pas un point de vue ; cependant, elle n’est pas vague mais ouverte à d’autres
rêveries.
Rêver sans dormir est une façon s’ex-primer, ce qui signifie pousser à l’extérieur : ex-pulser.
Qui s’occupe d’enseignement et d’éducation devrait laisser les autres s’ex-primer. Quoi
qu’il en sorte, c’est utile et très bon pour la santé. Si quelqu’un a vu un double sens dans
la phrase précédente, il a vu juste. Si la “matière” le préoccupe, il devrait en parler à un
psychanalyste ou à un ami.
Dans le texte présent, il n’y a pas une seule rêverie. On y trouve une tentative de mettre
quelques rêveries en paroles ; d’autres les traduisent en notes de musique. La dernière
affirmation propose une méthode et des exercices pour se laisser aller à la composition
de bonnes rêveries. Elles ne sont pas toutes bonnes, certaines peuvent être mauvaises, ou
même dangereuses.
Un philosophe des sciences, Gaston Bachelard, a écrit des essais fascinants en utilisant la
rêverie comme moyen de recherche & expression. Ses rêveries sont célèbres et ont
influencé de façon positive deux ou trois générations de gens très biens.
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Les rêveries ont un rapport avec la Sybille. Une rêverie apporte une réponse sibylline
sans qu’une question ait été posée. Nous devons l’interpréter, devenir notre propre
Hermès, reliant notre rêverie à notre vie.
La rêverie a aussi un rapport avec Socrate. Les enseignements de « l’homme le plus sage
de la Grèce » étaient fondés sur la maïeutique, un art de femme. La maïeutique est l’action
d’une sage-femme qui aide une autre femme à accoucher.
La technique de Socrate est cachée dans l’étymologie du verbe expliquer : ex-plain en
anglais, s-piegare en italien, ex-pliquer en français. Les trois termes indiquent la même
action : ouvrir une boule de papier et repasser la feuille afin que le texte soit compris par
quelqu’un d’autre. À l’opposé, de nombreux sadiques ‘expliquent’ en utilisant un langage
technique comme une cravache, avec un sourire vaniteux et cruel. (7)
La rêverie, quand elle explique, le fait par analogies. Son langage ne s’adresse pas
seulement à l’intellect du destinataire mais à toutes les dimensions de son Être:
intellectuelle & spirituelle & émotionnelle & physique &...
La rêverie parle des sous-bois secrets où prennent source le plaisir et la souffrance.
La rêverie laisse à l’autre la magie de la Lecture Créative.
Les bons élèves savent qu’il ne faut pas rêvasser, surtout à l’école.
Les bons élèves ne supportent pas le langage systémique des rêveries.
Les bons élèves sont bons parce qu’ils avalent des phrases linéaires et les mémorisent.
La mémoire est l’intelligence des imbéciles.

Méthode
Les rêveries ont un rapport avec une méthode : l’approche métadisciplinaire.
L’approche métadisciplinaire n’a rien à voir avec l’approche interdisciplinaire. Souvent, sinon
toujours, l’approche interdisciplinaire colle ensemble des pièces de bœuf congelées.
Comment s’étonner que ce collage ne devienne jamais la Vache Sacrée qui nous donne
son Lait chaque matin.
Cette mauvaise magie ne fonctionne pas pour une raison simple : contrairement à ce que
disent certains, le Tout n’est pas plus grand que la somme de ‘ses parties’. En fait, le
Tout n’a rien à voir avec ces ‘parties disciplinaires’, et encore moins avec leur somme.
Qui en doute peut demander à la Vache Sacré, ou même à Son veau analphabète.
Cela porte à des questions fondamentales à propos de notre Être & Savoir, appelées
questions onto-épistémologiques. Cela porte aussi à un changement de paradigme fondamental
dans l’éducation & la recherche & le développement. Par exemple, dans l’approche
métadisciplinaire, le chercheur ne sait jamais ce qu’il cherche. Il ne sait jamais ce qu’il fait
& il ne veut pas qu’on le lui dise. Cela prouve qu’il est un vrai chercheur, et non un des
techniciens avec lesquels il collabore. Il en respecte la compétence spécifique quand ils
travaillent comme lui en modalité interrogation. (1, 6)
Avec le présent ouvrage, l’auteur espère être utile à ceux qui creusent en verticale, de
façon séquentielle & rationnelle. Lui s’est étendu en horizontale, de façon analogique &
émotive. Parfois, l’horizontal et la verticale se heurtent ; parfois elles forment un écran
sur lequel projeter de nouvelles visions.

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Pour certains, il pourrait être utile d’abandonner la métaphore des morceaux de bœuf.
Voici un exemple en archéologie, où certains tentent parfois de coller des morceaux de
poulet congelés.
Les Étrusques sont un peuple “mystérieux”, ce qui signifie que nous sommes
“ignorants” : c’est une honte pour tout bon élève ; c’est une solide base de lancement
pour tout chercheur désirant voler haut.
Un objet typiquement étrusque a été appelé bucchero, puis il a été classifié dans une
catégorie : poterie.
Étant conscient qu’il sait bien des choses sur les Étrusques, mais rien sur le bucchero, un
archéologue entraîne d’autres spécialistes en une recherche interdisciplinaire : un géologue, un
chimiste, et un céramiste qui, avant de devenir professeur d’Éducation Artistique au
lycée, avait produit de la faïence toute sa vie sans jamais se poser deux questions :
- Pourquoi cette nouvelle céramique appelée faïence fut-elle développée en un lieu et un temps où
naquit une nouvelle culture appelée Islam ?
- Par quel mystère ce qui était juste dans une école de formation pour les ouvriers de l’industrie du 19e
siècle, ne pouvait pas être juste un siècle plus tard dans l’école professionnelle où il s’est diplômé,
devenue le lycée artistique où il enseigne la céramique depuis que son artisanat de poterie a fait faillite ?
Dans cette recherche interdisciplinaire, quatre formes de connaissance partielle, c'est-à-dire
quatre modalités d’ignorance totale du Tout, furent collées ensemble. Elles ne portèrent
à aucune vision sur l’aspect & la signification originale du bucchero étrusque. De
nombreuses analyses furent accumulées en tas : un obstacle évident à la synthèse.
Émergeant des morceaux de poulet congelés et collés, des petits coqs mécaniques
dressèrent leur crête rouge et chantèrent : des tonnes de relations académiques furent
publiées sur le bucchero, avec de belles images et des données pseudo-scientifiques sans
aucune relation entre elles. Elles appartiennent à la catégorie des connaissances pseudo-
scientifiques parce qu’elles ne constituent pas un corpus, un Être. Elles constituent un
catalogue sans aucun sens : dimensions des objets, température du four, composition de
l’argile, etc. Le tout conduisit à des “expériences scientifiques” risibles, comme la
tentative de faire un bucchero avec un mélange d’argile, miel et vin entre autres, dans un
four presque étrusque avec un “thermomètre scientifique” planté dans le cul ! (4, 5, 6)
Pendant ce temps, une meilleure compréhension du bucchero & des Étrusques fut
possible grâce à une approche métadisciplinaire. Le problème fut résolu en plaçant le
bucchero dans une nouvelle catégorie : céramique & métallurgie & autoportrait. On dévoila
ainsi la spécificité de cette “céramique” étrusque, unique alors à avoir l’aspect d’un
“métal”. Cela permit de répondre à trois questions en une : comment conserver un bucchero
après sa découverte & comment le produire aujourd’hui & pourquoi ?
L’approche métadisciplinaire est utile parce qu’elle ne tente pas une synthèse au travers
d’analyses “objectives”, sans relation avec le “Sujet”: un bucchero dans cet exemple. On
part d’une vision, ou synthèse hypothétique, et on continue avec des analyses strictement
liées à la vision, et ainsi de suite au long d’un parcours circulaire : chaque pas en avant
ayant un effet sur le pas précédent & sur la vision originale, en ce non-lieu hors du temps
qu’on appelle recherche normale. (1, 10)
Un bon instrument métadisciplinaire est l’étymologie : elle permet de belles visions et, en
même temps, elle dévoile les idioties du nationalisme et de la xénophobie.
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Vision
Une vision n’est pas une hallucination.
Une vision est une rêverie instantanée : un flash. Le contraire d’une vision est une division
lente : une analyse.
Chaque vision est la plus vaste synthèse permise à une certaine personne à un certain
moment. Puis, vision & personne se développe comme un seul Être. De nature
métadisciplinaire, chaque vision devrait être soumise à des vérifications disciplinaires, qui
peuvent la réduire à une illusion, ou confirmer son statut, jusqu’à la prochaine
vérification.
Il en est toujours ainsi, pour tout le monde, même pour ceux qui ne savent pas qu’ils
vivent une vision parce qu’ils ont acquis la vision des autres.
Notre vision devient plus large & plus profonde alors que nous démolissons patiemment
les murs nécessaires construits en notre Être par notre famille, par notre scolarité, par
notre communauté et surtout par notre langage, alors que nous construisons des murs
meilleurs pour notre Être.
Dans une page précédente, nous avons reproché à Descartes de ne pas connaître Lacan ;
nous n’avions pas transcrit la réplique de Descartes : « Socrate ne connaît pas moi ! ». Dans
notre temps linéaire, ce qui précède influence ce qui suit. Jacques Lacan aurait dit que
« Le langage précède la pensée ». Nous sommes d’accord, mais cela implique que nous ne
pouvons penser qu’entre les murs de notre langage. Pour être plus libres, nous devrions
écouter le lexique et la grammaire de métiers différents (philosophe, tricoteuse,
laboureur…) et apprendre d’autres dialectes (les langues maternelles d’autres patries)
tout en faisant la connaissance d’autres langages (musique, cuisine, mathématique,
poterie…) pour saisir un reflet de la relation qui les unit, une vision de ce qu’ils cachent &
disent & produisent.
Parler, écrire, cuisiner, chanter, danser... pour écouter enfin le langage intime de notre
corps intérieur ou de celui des autres : il n’est pas silencieux quand il rit. Le corps
extérieur porte les signes de ses cris de colère, de douleur, de désespoir.
Nous sommes arrivés ainsi au cœur de la question onto-épistémologique, intimement
liée au signe &. (B, 1)
À part de grossières motivations classistes, de misérables avantages économiques et de
honteux privilèges sociaux, pourquoi un humain devrait-il accepter de diviser Son Être, et
choisir d’être un travailleur seulement intellectuel & pas du tout manuel ?
Dans le plus riche joyau de sa couronne, Apologie de Raimond Sebond (Essais), Montaigne
nous dit en confidence : « J'ay veu en mon temps, cent artisans, cent laboureurs, plus sages et plus
heureux que des recteurs de l'université, et lesquels j'aimerois mieux ressembler.» Au passage, nous
remarquons le crescendo de sages à heureux, et nous demandons pardon à Michel d’avoir
imité sa voix, ici et ailleurs.
Toute personne saine est le fruit de la multiplication de facultés que nous divisons
stupidement. Physique & Mentale & Émotionnelle & Spirituelle & Culturelle & … Telle
est la forme, bonne ou mauvaise, harmonieuse ou douloureuse, de tout Être humain ou
animal.
- Oui, les animaux aussi ont une culture ; même Montaigne l’a dit.
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Nous devrions promouvoir une Loi Éducative & Sociale & Économique selon laquelle
aucun diplôme dans aucun domaine ne pourrait être délivré sans une expérience de
travail dans un domaine différent, et aucun travail autorisé sans l’étude sérieuse d’une
autre matière, à partir de l’âge de 12 ans. Avant cet âge, une seule activité serait
autorisée : jouer & étudier, ou étudier & jouer ; au choix.

Heureux les pauvres, car ils auront la Connaissance, s’ils ne sont pas trop fatigués pour ouvrir les yeux
pendant qu’ils travaillent à en crever. C’est notre traduction de « Ora & Labora », le latin de
Saint Benoît, Patron de l’Europe et fondateur des premiers monastères. Il leur donna
une Règle complexe plus tard résumée en Ora & Labora, Prie & Travaille, Trois
Verbes qui n’en font qu’Un parce que le verbe plus important est au centre : &, Le
Multiplicateur, Celui qui Unie, appelé aussi Amour, le contraire du Diviseur, appelé aussi
Haine. Il y a longtemps, deux mots furent enterrés dans la philosophie : amour, bonheur.
Elles pourraient ressusciter d’entre les morts, réunies en un nouveau pléonasme comme
Amour & Bonheur, grâce à des incantations de paroles & musique : des chansons. Il y en
a ici, au service de lectrices et lecteurs subtils & entreprenants.

Prie & Travaille n’a rien à voir avec prier ni avec travailler. Prie et travaille, c’est la Règle
pour les esclaves. Prie et laisse travailler les autres, c’est la Règle du Diviseur : Le Dia-ble. (B)
Ora & Labora, c’est la formule magique pour obtenir le bonheur, en harmonie.
Un psychothérapeute et un plombier comprendraient mieux leur propre métier s’ils
combinaient leurs connaissances dans une certaine mesure, surtout s’ils jouaient d’un
instrument de musique, sans jamais perdre une occasion de construire un mur en pierres
sèches...
- avec leurs mains ?!
Oui, fait-main, fait avec leurs mains, comme les intellectuels qui parlent avec leur langue. Ce
serait une façon de produire de nouveaux mots, des mots plus utiles, des paroles plus
belles & de plus belles musiques & de plus beaux murs, puisque les murs sont des
nécessités onto-épistémologiques.
Cela ne signifie pas que nous devons accumuler des expériences superficielles en une
overdose de notions ; on consomme déjà bien trop de ces drogues à l’école et après.
Il n’y a pas de recette sinon celle-ci : il faut vivre avec ses propres yeux grands ouverts,
ayant branché le cerveau & cœur & ventre & âme & mains & pieds & …
- et éteignez ce smartphone de malheur !

Théoriciens et expérimentateurs
La vision de l’humaniste est semblable à l’intuition et à la plus austère hypothèse du
scientifique. Ce sont les occupations des théoriciens. Dans certains domaines comme la
physique des particules, les théoriciens scientifiques ne sont pas des expérimentateurs
scientifiques, lesquels sont méprisés cordialement par certains théoriciens comme étant
plus “matériels”, plus proches de la “réalité” humaine, ou moins divins.
Au contraire, les théoriciens humanistes sont méprisés par de pseudo-expérimentateurs
scientifiques qui s’occupent en réalité de “sciences” “humaines”. Que font ces adeptes des
sciences humaines, pour qu’ils se prennent pour des expérimentateurs scientifiques ? Par
exemple, ils chargent un laboratoire d’établir la composition chimique d’un vase antique ;
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puis, ils utilisent ce genre de “base scientifique” pour parler d’une civilisation du passé.
Mais ils traitent de rêveur un théoricien humaniste qui lit le même vase comme un texte
quelconque écrit en une langue morte, sans se préoccuper de la composition chimique
des vases ni des parchemins.
Les théoriciens sérieux, qu’ils soient humanistes ou scientifiques, soumettent leurs
visions et hypothèses à différents contrôles. Les scientifiques moins sérieux, qu’ils soient
théoriciens ou expérimentateurs, méprisent cordialement leurs collègues humanistes bien
qu’ils fassent presque le même métier, presque de la même façon. Trop de vanité vide, trop
de frustrations immotivées, naissent de deux “presque”.

Métaphore, parabole, mythe.


Nous utilisons une métaphore quand nous disons à un ami que son sourire “illumine”
notre journée ; nous sommes capables de créer de nouvelles métaphores quand les
vieilles ont épuisé leur pouvoir magique.
La parabole est une autre technique de communication magique. Elle est utilisée par un
genre de maître d’école appelé prophète. Le maître laisse à l’élève le rôle de l’interprète,
et transforme un consommateur passif en un producteur de connaissance. L’élève
devient son propre maître, dans un espace structuré et illuminé par un Maître. D’une
certaine façon, nous retrouvons la magie de la parabole dans notre meilleure pédagogie
postmoderne. Elle met de coté la “didactique” qui tourne autour du didaskalos : le maître.
Elle passe à la “mathétique” qui danse autour du mathetes : l’Élève, sur la musique de
divers facilitateurs : parents, enseignants, etc.
Le mythe pourrait être défini comme une parabole sans un prophète. Le mythe nous dit
quelque chose, il veut nous faire comprendre quelque chose, mais le Maître reste dans
l’ombre, pour nous faire croire que le récit éducatif n’a pas été créé par une intelligence
humaine, que ce sont les faits du passé qui s’expriment. Une des formes modernes du
mythe est l’Histoire enseignée dans les écoles nationales. Comme un virus, le mythe
entre en nous. Comme une larve, il peut se transformer en papillon. Une telle
métamorphose s’opère grâce à un catalyseur : Hermès, l’Interprète, inspire le dépositaire
du mythe qui peut en évaluer la leçon, la faire sienne ou la rejeter s’il partage un autre
ordre du monde.
Roland Barthes nous a appris à décrypter les mythologies modernes qui constituent l’ordre
de notre quotidien. Il a ainsi facilité l’interprétation des mythologies antiques, une
démarche nécessaire si on veut découvrir notre “nature” hypothétique, notre éventuelle
essence profonde d’humain, pour la distinguer des vêtements qui nous ont été cousus à
même la peau par les modes passées & présentes. Si l’on creuse suffisamment, on
découvre qu’il n’existe aucune “nature” humaine, qu’on peut choisir qui être, ou plutôt avec
qui être, parce qu’on ne peut pas être en dehors d’une société de personnes & paroles &…
Pour comprendre que le mythe est un manuel scolaire que les anciens récitent au coin du
feu ou devant une assiette de soupe, examinons un mythe grec peu connu : le Lit de
Procuste.
Procuste, “l’étireur” en grec, avait une auberge avec un seul lit, un B & B des temps
héroïques. Si le lit était plus grand que l’utilisateur, Procuste attachait des cordes aux mains
et aux pieds du voyageur pour l’étirer jusqu’à obtenir une correspondance parfaite entre
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son corps et le matelas. Si au contraire le client était plus grand que le lit, il lui coupait les
bras, les jambes et la tête. Procuste était un brigand et un monstre ! Il fut tué – quelle
coïncidence – par Thésée, le Héros qui sauva les enfants portés en sacrifice au Minotaure.
Le Lit de Procuste est un mythe peu connu parce qu’il dénonce l’habitude monstrueuse
d’étirer ou d’amputer les enfants à la mesure du lit unique, à l’Auberge de l’École.

Mensonges historiques & omissions


Dans les notes de couverture de ce texte, le Fil d’Ariane qui va des temples néolithiques
de Malte à la Grèce de l’âge du bronze et de l’époque classique pourrait avoir gêné
quelqu’un. Une continuité ? Certains aiment penser aux civilisations du passé comme si elles
étaient des années : il faut que chacune termine pour qu’une autre commence.
- « Si vous connaissiez le Temps aussi bien que moi, dit le Chapelier à Alice. »
Pour exister, nous avons tous besoin de limites temporelles & spatiales, nous avons tous
besoin de murs. Mais certaines frontières mentales & géographiques, certains murs,
furent inventés par le Patriotisme Patriarcal, puis par le moderne Nationalisme : un plat de
résistance qu’on nous sert depuis la fin du Féodalisme, avec ses deux plats
d’accompagnement : le Colonialisme, facilité depuis quelques siècles par le Racisme.
- Une civilisation mégalithique a fleuri dans le Nord, à Stonehenge et en Bretagne. Le berceau de
la civilisation européenne, c’est la Grèce. Un point c’est tout. Malte ? C’est un pion utile sur
l’échiquier des guerres méditerranéennes. Malte n’est jamais devenue une vraie nation, n’est-ce
pas ? Ils n’ont même pas une langue ! Leur dialecte est un mélange des langues des nations qui
l’ont conquise...
Cependant, une langue nationale n’est qu’un dialecte qui a troqué son âne pour un
cheval, et son gourdin pour une épée.
- ♫ But you’re still fucking peasants as far as I can see. (John Lennon)
Mais pour autant que je puisse voir, vous êtes encore des foutus péquenauds.
En outre, la capacité de maintenir en vie le souvenir des invasions & fusions du passé
peut être préférée à la tendance de les cacher sous une épaisse croûte de mensonges
historiques & omissions.

À partir du 19e siècle, Divide et impera a été complété par Méprise & Colonise. Les Romains
ne méprisaient pas les peuples vaincus ; cela aurait diminué leur gloire et offensé la
Déesse de la Victoire. Ils tiraient des vaincus un butin de guerre, en or et en esclaves. Par
contre, à cause d’on ne sait quel cancer religieux, une civilisation chrétienne pervertie
méprisa sa classe ouvrière plus basse. Elle l’écrasa par une magie noire de faux noms.
Cela commença avec les païens, les pagus ou habitants des terres conquises et
administrées ; puis on continua avec les millions d’indiens habitants l’Amérique, puis avec
les millions de negros, les noirs habitants de l’Afrique quand les esclaves indiens ne
survécurent pas en nombre suffisant pour déterrer notre or et couper nos cannes à
sucre... et nous avons continué encore, et encore, sur toute la surface du Globe : La
Sphère Sacrée.

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Mais il semble que les choses soient en train de changer, très, très lentement. C’est une
Bonne Nouvelle : un nouvel Évangile, bien qu’il ne soit pas tout à fait neuf. Il remonte de la
Terre où Il avait été enfoui, comme une vague Musique sur des Paroles oubliées.
La Bonne Vieille Chanson Oubliée est chantée par un Chœur sur une autre
île à quelques milles au nord de Malte : en Sicile. La multiplicité de
Malte est clairement représentée à Syracuse par un monument, une
composition unique : Temple & Église & Mosquée & Église. Il intègre
le Cœur & Âme & Architecture du peuple, depuis 25 siècles. Ses
colonnes Doriques chantent. Elles marchent très, très lentement, en
procession, montrant la courbe légère de leur jeune ventre sous un fin
péplum. Depuis 25 siècles, ce monument est dédié à Notre-Dame
Déesse. En ce moment, Elle s’appelle Marie : Vierge & Mère & Sage,
comme la Femme Une & Trine dans la coquille de Lyon, comme
Aphrodite & Héra & Athéna avant la Division imposée par Zeus avec
la Pomme de la Discorde.
Si la Magna Græcia – la Grande-Grèce – a existé un jour, elle a été précédée par la Magna
Malte, tout autour de notre Ventre Méditerranéen. Elle existe encore, elle coule comme une
rivière souterraine, alors que le Héros grec, le macho, infeste encore la surface de la Terre.
- Lysistrata… Praxagora… parlez, pour l’Amour de Déesse ! Où êtes-vous passées ?!

Devoir à la maison
Établissez une liste des idéologies à l’origine de pensées, paroles, actions et omissions en
Archéologie, Histoire, etc. Décrivez leurs influences néfastes sur les décideurs
d’aujourd’hui, sur ceux qui croient décider quoi que ce soit, sur ceux qui les élisent, et sur
nous tous quand nous avalons les mots comme du pop-corn. Par exemple, le mot
“Matriarcat”.

“Matriarcat”.? Une bêtise ab-so-lue !


Le Patriarcat, c’est la Loi & l’Ordre d’une oligarchie de pères, frères, beaux-frères, qui
prospèrent à l’ombre d’un patriarche qui n’est pas le père mais le Patron, sur la terre
comme au Ciel.
Quand des sociologues du 19e siècle notèrent de nombreuses statuettes de femmes très
prospères, ils imaginèrent correctement qu’une civilisation pourrait avoir été fondée sur
une Règle autre que celle du Patriarche. Quelle Règle ? Ils l’ignoraient, mais la règle de la
symétrie, appliquée par leur vanité, produisit l’image spéculaire du Patriarcat. Ils
inventèrent le Matriarcat.
Ce fut une erreur. Et plus : ce fut une gaffe, ou pire : une basse manœuvre pour battre
encore une fois l’Antique Déesse en lui offrant le glaive du Patriarche pour qu’Elle se
suicide. Et les pseudo-féministes se saisirent de cette épée.
Ce matriarcat marche sur la musique militaire du Patriarche, au pas de l’oie. Le sexe n’a
rien à voir dans cette question : une épée reste une épée, quelle que soit la main qui la
brandit. Cette Matriarche est une Patriarche femelle. Elle fait partie du système patriarcal tout
comme le Premier Ministre Ombre fait partie de ce qui fut un système démocratique
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admirable (jusqu’au gâchis du Brexit). Le jeu de la mégère qui ne se laisse pas apprivoiser
par le dompteur se joue à Westminster comme dans un système moins démocratique
appelé Patriarcat.
Pour comprendre la civilisation précédente, il faut étudier la vie sociale des abeilles : la
Reine n’est pas “la cheffe”. Dans les sociétés pré-patriarcales, on trouve de nombreuses
références à l’Abeille. Sa valeur de totem est en harmonie avec les données
zoologiques parce que nos ancêtres passaient leur temps à observer la réalité. Il y a
quelques années, nous avons écrit une rêverie sur la guêpe potière : il y a deux millions
d’années, la Potière Volante commença à modeler des vases de terre ; plus récemment,
Elle devint Déesse Maîtresse pour la Femme Potière. (3)

Socrate reconnaîtrait immédiatement la pseudo-femme que nous appelons Patriarche


femelle. Pour son malheur, pour notre fortune, il passait le plus clair de son temps en ville,
à éduquer la jeunesse d’Athènes. Contrairement à ce que font certains pères, Socrate ne
leur interdisait rien. Il ne prohibait pas quelque chose, comme font les amis du Parrain
pour gonfler les prix du marché. Il allait tout le temps en ville pour éduquer les jeunes
comme ferait une vraie Mère parce que chez lui, Socrate devait supporter une Patriarche
femelle : sa femme Xanthippe. C’était une fière squaw : en grec, Xanthippe signifie Cheval
Jaune.
- Socrate aurait dû apprivoiser cette mégère blonde !
Oui, c’est ce que lui répétait un de ses disciples, Antisthène, qui abandonna par la suite
une idée sotte et ouvrit la voie au Stoïcisme. Il devint un philosophe important. Quand il
était jeune, Antisthène n’arriva pas à convaincre Socrate parce qu’aucun des deux n’avait
lu Shakespeare. Cela ne les empêcha pas de faire une belle carrière. Et même si Socrate
avait lu La mégère apprivoisée, et Macbeth par-dessus le marché, l’Homme le Plus Sage
d’Athènes n’aurait pas été d’accord avec le jeune Antisthène : apprivoiser les mégères est
un des Jeux Patriarcaux. Socrate était tout le contraire d’un Héros grec, cependant, il se
montra extrêmement courageux : refuser de participer aux Jeux Patriarcaux pouvait vous
attirer des ennuis très sérieux à l’époque, tout comme aujourd’hui. À Athènes, vous
pouviez finir comme un Pape au Vatican, sauf qu’ils vous laissaient préparer votre tisane.
Les sociologues qui ont inventé le terme Matriarcat n’ont pas compris l’essentiel et ont
créé les conditions pour de nouveaux malentendus. En dehors de l’Univers Patriarcal,
sur une planète bien réelle comme Mnajdra, une femme n’est pas le contraire symétrique
d’un homme. Une femme est une femme. Elle n’a pas besoin de se comparer à qui que
ce soit pour être une femme. Et vice-versa pour un homme. De toute façon, c’est
l’affaire de chaque femme, à laquelle on ne devrait pas suggérer un comportement par
des mots modernes sournois comme Matriarcat. Cela nous semble-t-il important
aujourd’hui parce que les relations entre les êtres humains sont en train de changer ?
Non ; elles changèrent aux temps archaïques aussi, comme elles changent tout le temps,
à échelle historique & au cours d’une vie.

Médée
Médée est la petite-fille du Soleil. On dit qu’elle a tué ses propres enfants pour se venger
de Jason, mari infidèle. Dans la réalité du mythe, Médée ne tue pas ses propres enfants ;
elle tue les enfants du père biologique pour éliminer la semence du Père archétypal. Les
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guerriers rageurs répandent du sel sur les ruines de la ville ennemie pour empêcher
l’herbe de pousser. C’est pourquoi Médée ne devrait pas être définie comme Mère (des
enfants qu’elle a tués) mais comme Fille (du Père, Éternel ou presque.) Médée ne tue pas
le Père comme un Œdipe quelconque ; elle s’attaque au cœur du système, comme
certains “révolutionnaires”. Bravo ! Vive Médée ! En effet, Médée est bien vivante.
Certains êtres de sexe féminin, qui se croient féministes, considèrent Médée comme une
Héroïne de la Résistance au Patriarcat. De temps en temps, on voit Médée à l’œuvre, en
un savant montage d’images TV. Une ombre noire au visage masqué casse des vitrines et
brûle des voitures, alors que défile à visage découvert un cortège de travailleurs, de
travailleuses et de retraités. Inexorables, les CRS ne matraquent que ceux-ci, ignorant
celle-là. Protégée par son masque d’Héroïne de la Résistance, Médée réussit toujours à
échapper. Elle se planque dans les égouts du Pouvoir avec les terroristes et les rats de La
Peste de Camus, prête à en surgir en préparation des prochaines élections. Elles seront
gagnées par le Parti de l’Ordre, voté en masse par les travailleurs, les travailleuses et les
retraités qui ont vu les manif de Médée à la télé.
Ne plaisantons pas avec les choses sérieuses : Médée est une Héroïne du Patriarcat, pas
de la Résistance. On ne se libèrera pas des abus du Patriarcat grâce à un Héro, parce que
c’est lui, le Héro macho, qui a fondé et maintenu le Patriarcat, avec l’aide d’un modèle
femelle qu’il a inventé : le macho avec nichons.
Une vraie prophétesse du féminisme à visage humain chantait : ♫ We don’t need another
Hero... Nous n’avons pas besoin d’un autre Héros. Ses paroles devraient être étudiées à l’école,
où personne n’écoute Tina Turner. (12)

Des boules et des hommes


Les hommes aiment jouer avec des sphères parfaites appelées boules ou ballons. Ce n’est
pas un instinct naturel. Depuis des temps très anciens et dès leur plus jeune âge, ils sont
éduqués au travers de différents types de jeux, qui produisent différents types d’hommes.
Par exemple, dans un jeu pratiqué dans un temple, on doit soulever une grosse boule très
lourde avec Trois Doigts et la faire rouler comme un tank biblique vers un groupe de
figures humaines qui ne peuvent pas s’enfuir. Comme c’est amusant !
Par exemple, un jeu bien plus ancien se pratique le Dimanche matin sur la place du
village, à l’ombre de vieux platanes pansus. Les femmes sont à la maison ou dans un
autre temple, occupées à des tâches sacrées. Les hommes, que voulez-vous, sont des
hommes, alors il sont dehors et ils jouent. Ils forment deux équipes ; chaque homme a
deux boules, grosses comme des oranges. Elles étaient probablement faites en pierre
dans un passé lointain. Maintenant elles sont faites d’un métal brillant qui rappelle l’or,
l’argent ou le bronze. Il y a aussi une petite sphère. Plus délicate puisqu’elle est en bois,
elle est légèrement plus grosse qu’une noix : comme une figue, mais ronde comme la
pleine lune. Quelques paires de boules, une seule petite lune comme objectif… c’est
donc un jeu de compétition mais il n’est joué que par des hommes normaux ; les brutes
ne peuvent ni jouer, ni regarder.
Un cercle est tracé en terre et on jette la lune à petite distance. Les pieds dans le cercle,
chaque joueur essaie de placer ses boules aussi près que possible de la lune. Comme
nous l’avons dit, ce n’est pas un jeu pour des brutes, mais il est permis d’éloigner de la

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lune les boules d’un concurrent, en les poussant avec ses propres boules. À l’apéro, les
vainqueurs ont droit à un pastis gratuit. Au café, sur le mur, il y a l’image de la Fanny,
une jeune fille prospère, souriante : elle montre son derrière nu que les vaincus doivent
embrasser... ou sont-ils autorisés à embrasser la Fanny? Quoi qu’il en soit, punition
supportable ou prix de consolation, c’est un jeu pour de vrais hommes. Ils n’habitent pas
loin de Mnajdra.

La Magie Blanche de Légende


Légende parle sans se dévoiler.
Légende est pudique mais Elle n’est pas frigide, et si on sait La prendre...
Légende connaît un bon massage qu’Elle sait faire au bon endroit, pour soulager une
vieille douleur. Dans certains cas, Elle indique un style de vie plus sain, sans faire de
sermon, sans donner de conseils, disant simplement les choses que seule Légende sait
raconter.
On l’écoute, et on choisit.
Il faut comprendre le langage mythologique bien sûr, mais comprendre ne signifie pas
formuler clairement. L’herméneute, bien qu’il explique, n’est médecin que de lui-même.
Légende peut taper dans le dos de ceux qui n’arrivent plus à respirer, mais chacun doit
cracher son propre morceau de pomme empoisonnée.
Une vieille histoire peut être racontée à nouveau de façon utile.
Par une fissure des volets clos, un rayon de lune se fraye un chemin au travers d’une
vitre embuée ; des rideaux le filtrent dans la chambre. C’est la lumière idéale, pour
dormir. Mais quand on n’est pas bien ? Quand on se retourne dans le lit sans trouver ni
sommeil, ni repos ? Alors, Légende nous aide. Légende, pas le boy-scout qui fait
traverser la rue ou qui ouvre les volets. La pleine lune est si aveuglante que le malade
mettrait la tête sous la couverture.
Si le boy-scout veut être utile, qu’il laisse un bon livre de fables à côté du lit, et un verre
et une bouteille d’eau un peu plus loin, sur la commode, puisqu’il n’y a plus de place sur
la table de chevet. Tôt ou tard, l’ennui poussera le malade à lire autre chose que ses
boîtes de médicaments. Il trouvera un intérêt nouveau pour de vieilles histoires sans
aucun sens. Tôt ou tard, il aura soif ; il faudra bien qu’il se lève. Machinalement, il
pourrait tirer les rideaux ; ouvrir la fenêtre peut-être : un peu d’air frais, c’est agréable, la
nuit. S’il ouvre aussi les volets, il pourra soutenir le regard de la lune, voir les étoiles, et
l’aube, qui arrive même quand il pleut. Au soleil levant, les vieilles cicatrices et les os
cassés apparaissent comme de vilains tatouages. Il suffit de les lire et d’en prononcer le
nom à voix haute pour qu’ils disparaissent, emportés par les démons : ils ne supportent
pas la Magie Blanche de Légende.

Les perles, le collier, et le Fil.


C’est bien joli une perle. On pourrait passer des heures à la regarder. Surtout si on l’a
trouvée au fond de la mer. Dans ce cas, on se reconnaît bien du mérite, oubliant que
c’est l’huître qui l’a fabriquée, mais un peu de vanité ne peut pas faire de mal. Puis on
repose notre perle dans le tiroir, avec un soupir : quel dommage, personne ne pourra
91
l’admirer. Générosité ? Mais non ; vanité, encore, et déguisée, comme toujours. Mais ce
n’est pas la vanité qui nous fait ouvrir les yeux à la recherche d’autres perles dans
d’autres tiroirs ou au marché, ce n’est pas la vanité qui nous pousse à en faire un beau
collier, ne pensant plus qu’à celle pour qui on le fait. Ah, l’amour... C’est l’amour qui
nous fait trouver le vrai, l’invisible auteur du collier : Le Fil.
L’auteur pense qu’il est impossible que ses visions, ses rêveries, et les réflexions
nécessaires auxquelles elles ont portées, soient toutes des perles inconnues, restées au
fond de la mer. En un monde à cloisons étanches, des experts ont peut-être analysé,
écorché et disséqué certaines ‘choses’ examinées ici rapidement.
En nombre infini, de jeunes perles sont en train de grandir au sein des mers. Laissons-les
vivre en paix ; il y a déjà trop de perles ternies ou astiquées qui s’ennuient dans les vitrines
des académies et des musées, délaissées ou incomprises. L’auteur a trouvé des perles
fantastiques dans des huîtres au marché ; les poissonniers ne les avaient pas remarquées ?
Il n’y a pas là de quoi en faire un drame, ni un bouquin. Mais trouver toutes ces perles,
dans le bon ordre, sur trois marchés différents, pendant une ballade imprévue à laquelle
l’auteur a été invité à coup de pieds au derrière par une série improbable de synchronies,
au terme d’une vie occupée à examiner des perles totalement différentes qui toutes
trouvent leur place dans le collier... Voilà de quoi troubler l’esprit le plus rationnel.
Par contre, l’auteur ne trouve rien de surnaturel à une concaténation de visions, rêveries et
réflexions qui ne terminent pas ici. Il l’a obtenue avec son outil préféré. Ce n’est pas le
couteau pour ouvrir les huîtres ni pour couper le saucisson ; c’est la spirale du sarment que
la vigne utilise pour grimper de la terre au ciel, c’est l’esperluette : &.
Il dépose au passage le copyright d’un titre : Le Couteau ou l’Esperluette ? Il faut espérer que &,
la Spirale, le Fil qui unit le hasard & la nécessité, nous aide à sortir du Labyrinthe, pour renaître.
Question de chance & de nez.
Il faut accepter le coté aléatoire de la recherche humaniste & scientifique. Nous l’acceptons
quand nous allons chercher des champignons. Il arrive qu’on ne trouve que des châtaignes,
et du bois mort pour les cuire dans la cheminée , et on sait qu’on risque de se fait piquer par
une vipère.
En outre, la recherche n’est qu’une dimension de la promenade ; l’autre dimension,
simultanée, est la divulgation, envers soi-même pour commencer, en attendant la
divulgation envers les autres si elle semble utile. La divulgation métadisciplinaire est celle du
paysan qui saute du coq à l’âne, parce qu’il n’est ni l’un ni l’autre.
L’auteur de ces notes n’est pas un créateur, un poète, mais un compositeur : un musicien
qui compose, qui réunit les notes d’un accord vaste et harmonieux, éparpillées par
l’Histoire.
L’auteur aurait voulu souligner dans le titre que... mais l’auteur, l’auteur, toujours lui !
Il n’y a pas que lui dans cette histoire de perles et de collier. Il y a aura peut-être un jour
l’Éditeur, et il n’acceptera jamais le titre proposé par l’auteur : Le Fil.

92
Trois citations
&
Un calligramme de la Sybille de Delphes
Por toda la hermosura
nunca yo me perderé
sino por un no sé qué
que se alcanza por ventura
Juan de la Cruz
« Parmi tant de beauté jamais je ne me perdrai si ce n’est pour un je ne sais quoi que l’on
atteint par hasard » Jean de la Croix

Tous les hommes ont le droit de choisir leur futur,


et leur passé.
Nous avons cité ailleurs cette merveilleuse Déclaration d’Indépendance, diffusée par
affiches municipales à Grenade, en Espagne, pour saluer le Troisième Millénaire. (1)

Aucun homme n’est une île, un tout en soi …/… n’envoie jamais
demander pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi.
John Donne - Engagement sur les opportunités émergeantes (Méditation XVII)

- Malte est-elle une île ?


- Bonne question, mon cher Watson. Ma réponse est non : Malte est une Femme. Elle unit les
pensées lumineuses de John Donne et du Maire de Grenade.
Aucune femme n’est une île, un tout en soi.
Toutes les femmes ont le droit de choisir leur futur, et leur passé.

Étends ton linge sur Ton Fil au Soleil Circulaire


Réalise-Toi Toi-même en Terre & Eau
Ne permet pas qu’Ils te cuisent
Tu es le Soleil
Brille
! !
!

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Sieste sur un vol low cost
J’ serais plus content si j’ pouvais étendre mes jambes mais dis donc, quelle ballade !
Une ballade ? Une réaction en chaîne... un pauvre aveugle conduit par un chien dans les...
D’abord la neige sur mes orangers ! y’en avait jamais eu autant, aux pieds de Mamma Etna... pas pu
tailler mes oliviers... mais bon, une p’tite vacance... soldes de janvier sur les low cost... jamais été en
Grèce... Delphes enfin !... c’est moins cher via Malte ? L’Irlandais... il vient de me parler de Malte, de
sa culture... les guerriers chrétiens c’est pas mon truc... mais... mais j’ai une copine chinoise à Malte ! ce
serait gentil de la revoir... elle m’attend à l’aéroport avec un manuel touristique ! non merci, je ne lis pas
ce genre de... mais prends-le, tu verras bien... bon, merci... comment dormir dans des draps humides
glacés... hôtel horrible... sans chauffage... j’ouvre le guide... des temples mégalithiques ? à Malte ?!... j’ai
toute la matinée avant mon vol... tout juste le temps de voir un temple... mais comment y arriver... sur le
port un type me branche... soldes de janvier pour les bus touristiques... désolé pas le temps... on part dans
quelques minutes, trois temples... sans blague ?!... premier coup de poing sur le nez à Tarxien...
deuxième à Hagar Qim... et coup de poing mégalithique dans l’estomac à Mnajdra.

Non, dans le ventre... J’y suis resté quoi ? quarante minutes ? plus que suffisant... et puis Athènes... la
rigolade !... mais ça m’a mis sur la route de Mycènes... et bon, Delphes j’avais prévu, mais comment
imaginer que...
Au fond les mythes, les légendes... les infos à la télé... sont des rêves que les pharaons... on n’a plus envie
d’interpréter... de comprendre ! On écoute, on mémorise, après on sait tout... tout un tas de conneries !
Oui Delphes, connais-toi toi-même, c’est ça... Mais dis-moi Delphes, tu te connais toi-même toi ? T’as
été enfouie sous des dizaines de siècles d’oubli... et sous quelques utiles mensonges... momifiés par une
attaque de paralysie académique !
La connaissance... La connaissance !... Elle est vraie si elle convient à une des mafias... mais une vraie
recherche peut combattre toutes les mafias... d’un éclat de rire cosmique !

Non. Ça ressemblera pas à un essai académique... et le style victorien fait parti du problème.
M’enfin quoi... bouclier en forme de 8 ! Le garde-chasse avait raison... et Lady Chatterley était
d’accord : nous regrettons tous le temps où un homme pouvait porter des pantalons rouges, et parler clair.
Vénus de Malte !... Rien qu’une Vénus ? Alors Maria Callas était une petite chanteuse à la croix de bois.
D’abord le bucchero étrusque... maintenant le bouclier en forme de 8... et Mnajdra, Mycènes, Delphes...
et j’ai même pas étudié le grec ni le latin... ni grand-chose d’autre non plus d’ailleurs... je dois être un
sacré génie ! Mais plus probablement, il y a quelque chose de pourri au Royaume d’Archéologie. Un
problème de forma mentis, encore. Pensée linéaire contre pensée systémique, encore. Sans parler des
censures du subconscient.

Sans parler des selfies ! Le sourire des imbéciles heureux... avec une bouteille de pinard... tous autour
d’une tombe à peine fouillée !
Aucun respect pour... ni pour eux-mêmes... des selfies avec leurs noms sur une revue d’étruscologie !
Si au moins ils avaient lu Albert Gianna... ils sauraient que & est Le Scribe Accroupi.
Ça t’avait bien plus ça, hein M’sieur Albert ? Ou c’est Madame Gianna ?

& est le Ankh moderne. Désolé Albert, mais celui-ci t’as pas pu l’acheter, j’ l’ai trouvé après ah ah...
94
Et avant Malte et Athènes, j’ pouvais pas voir un 8 dans &.
Scribe Accroupi & Déesse Accroupie ? Logique quantique... le photon est ici & là.
Pile & Face, répondit la Sibylle en ramassant la pièce de monnaie.

Les calligraphes appellent & un double nœud.


Les marins aussi aiment bien les nœuds... le premier qu’ils t’enseignent est en forme de 8.
Il faut faire un nœud en 8 pour réunir une corde cassée...
Ce qui nous ramène à &.

Un nœud de marin en 8, bien sûr : Mnajdra prend le Soleil sur la plage de la Mer Mère.
Elle devait être pêcheuse...
Un filet... un hameçon au bout d’un fil... c’est ben des trucs de femme ça... femme-araignée... Ariane.
Un bonhomme costaud a inventé le harpon.
Pile & Face a inventé arc & flèche.

Et le Nœud Gordien... pour unir quoi ?... le timon au chariot...


Gordias devait être un paysan bien riche, pour se permettre un chariot à timon !
Un timon... ça se monte sur un char à deux chevaux... sur une charrette avec une paire de bœufs...
Un char ou une charrette ?
Ma charrette... ma deux-chevaux... pleine de copains copines... on chantaient... mais le Timon qui tire
la Charrette dans une société pré-patriarcale... ne signifie que ce qui est évident... comme le Joug.

Compris ! The Nœud Gordien en forme de 8 maintenait unie une société entière... jusqu’à ce que...
Oui, Alexandre était bien un Héros grec.
Un Héros grec typique, avec son glaive qui lui pendouillait du ventre.
Le Nœud Gordien et Le Glaive. Avec Charlton Heston. Dans le rôle d’Alexandre, bien sûr. Et une
paire de nichons bibliques... vol sans escale du divan du producteur à celui du Héros.
Alexandre? De alex andro: défenseur des mâles... Contre qui ?

Absalom, Absalom ! Qu’est-ce que t’as à pleurer, David ? Fais pas ton théâtre ; nous savons que les
Patriarches n’étaient que des bergers enrichis. Ton fils Absalom a conquis ton troupeau de femmes et de
moutons, mais tu les a récupérés, non ? Alors laisse tomber, David, s’il te plait. Ton temps est fini !
Faulkner a dû ressentir quelque chose comme ça dans son Sud tragique... faut pas que j’aille du coté de
la Bible Belt... la Ceinture de la Bible ne soutient qu’un pantalon avec revolver... ils te tirent dessus pour
moins que ça.

Symbole de l’infini ∞ ... éternité en forme de 8... la vie éternelle.


La Vie Éternelle et le Temple en forme de 8. Celui-ci est pour Martin Scorsese.
♫ Gracias a la vida que me ha dado tanto... Duérmete Violeta, y gracias a ti.

Certains Uroboros forment un cercle, d’autres un 8... l’Infini comme Éternité spatiale... à moins que ∞
ne soit un très vieux modèle de soutien-gorge ! Ah ah... mais c’est pas si tiré par les cheveux...

Une Éternité couchée en forme de ∞ ... l’Éternité dors ? Peut-être, mais moi j’arrive pas à dormir.
L’Éternité est couchée avec moi... une jolie Éternité... et j’arrive pas à dormir parce qu’elle m’excite !
95
Ah ah ah l’Éternité m’excite ! Je dois être un mystique... un mystique un peu cochon mais ne le sont-ils
pas tous ? Les extases baroques sont suspectes, c’est bien connu... si les gens lisaient von Clausewitz...
l’orgasme n’est que la continuation de l’extase par d’autres moyens... les églises seraient pleines tous les
dimanches ah ah ah

Exact ! L’Éternité est Femme parce que le Ciel est le Ventre Infini de Nout.
- ♫ While the memory of it fades. I know that the spades are the swords of the soldiers . ...
♫ Alors que sa mémoire s’estompe. Je sais que pique c’est l’arme d’un soldat...
Ça relaxe... récupérer la mémoire de l’Éternité Infinie de Nout... mais les soldats...
Oui, le ciel bleu étoilé de Nout est la Femme, Éternité Infinie, sans commencement ni fin...
Sans alpha ni oméga ?
La lettre alpha... un ventre avec les jambes ouvertes, comme le troisième temple de Mnjadra... comme
oméga... qui est parfois tracé comme une paire de fesses ah ah ah
La fin et le commencement... n’existent pas, dans le temps circulaire.
Depuis quand y a-t-il une première et une dernière lettre de l’alphabet ?
Dans le temps circulaire, l’alphabet est-il circulaire aussi ?
Poète ou prophète ? Un génie incompris a tenté de rendre circulaire l’alphabet linéaire d’antan en
ajoutant l’esperluette & à la fin, pour qu’il n’y ait ni fin, ni début... xyz & abc... oméga & alfa... le
beau manège... qui me fait tourner la tête...
Que d’histoires oubliées dans les lettres...
Les lettres sont des hiéroglyphes fossilisés...
Comme la lettre grecque phi ? Ça m’fait penser à...
La fente verticale du bouclier en 8... et de la lettre grecque phi... après tout, il faut la lettre phi pour
écrire philosophie... dans lequel philo est le verbe aimer... et la lettre phi est un cercle coupé d’une fente
verticale ! Ah ah ah ! Celle-ci, ils devraient la graver au fronton des Temples Scolaires : tous les
étudiants feraient philo ! Ah ah ah ! Et phi se prononce fi comme figue ! S’ils avaient censuré le grec
ancien à cause de ça, j’aurais passé mes nuits à l’étudier ! Wooaaaahhhh!!! Ça aurait été utile dans cette
ballade... l’école ne sait pas motiver la jeunesse, quel ennui… par contre ils créent et développent l’esprit
de compétition... bande de criminels !... make war not love... c’est ça leur belle philosophie.
Et si la fente sur le O n’était pas une fente ? Alors, O serait... zéro... et la fente serait 1... pour tout
produire, dans le nouveau langage... vieille magie... vieille magie porno avec beaucoup de 0 et de 1...
tellement répétitif que ça devient ennuyeux... les arabes était moins obscènes... leur 1 est modeste, sans tête,
comme une virgule... et une virgule, c’est une petite verge... mais leur zéro n’est qu’un point. Ça colle pas.
Un point, c’est un petit O ? Certains ne mettent pas de points sur les i mais des petits cercles...
Un petit cercle et une petite verge... maintenant, ça colle... et ça se tient. Les arabes ont appris tous ça des
hindous? Leurs temples étaient assez explicites.
Pour les hindous, 6 était une spirale...
6 était une spirale aux Indes mais chez nous, 666 c’est le Diable...
666 ou trois spirales ? J’ai vu des tas de triple spirales... unies... à partir d’un Y...
Le Y original représentait le sexe de la femme ? Non là tu exagères... mais peut-être...
Mais cette fibule à double spirale ?
Et tous ces autres bijoux en double spirale… y’en a de partout.
Une grande double spirale... et au milieu, là où les deux spirales se touchent, un petit 8...
Un grand ∞ et un petit 8...
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Une double éternité... deux temples en forme de 8 ?
Non, un seul temple, avec deux portes...
Deux trous au milieu d’un grand ∞...
La géante en forme de ∞... avec deux trous.
Une femme géante ? Une femme normale ! Deux trous entre deux fesses !
C’est pas croyaaaable !... Je dois être aveugle.
Aveugle ? Comme Œdipe?... La fibule à double spirale est la broche de Jocaste !! C’est dingue...
Et sur la pierre du temple une double spirale... avec un petit triangle au milieu... l’objet de l’adoration !
Et dans la plupart des statuettes, elle allonge la main entre les jambes, au bon endroit... aucun doute :
Époque pré Victorienne.
Puis les trois spirales sont devenues 666... et la Femme Déesse est devenue le Diable; c’est logique.
Mais comment diable expliquer que le 8, dans ce contexte, c’est...
Probablement ailleurs aussi.
Le dire sans expliquer ?
Flux de conscience à la Dos Passos... ou écriture automatique.
Dos Passos & le Surréalisme.
Art néolithique & Littérature du 20e siècle. Tout le monde s’en fout.
Dos Passos, Hermès, et la Chasse au Trésor. Les bons lecteurs le trouveront... il doit bien y en avoir.

Ou une chanson.
Ça devra être une vraie bonne chanson.
De la pure magie.
Pure Union de deux magies absolues : Paroles & Musique.
Faudrait un sacré génie.
Il en reste un ou deux mais ils ne travaillent pas sur commande.
Brassens était un génie... et à sa façon, il a chanté ce que je ne sais pas dire :
♫ Je lui ai dit de la Madone
Tu es le portrait
Le Bon Dieu me le pardonne,
C'était un peu vrai
Qu'il me le pardonne ou non
D'ailleurs, je m'en fous
J'ai déjà mon âme en peine
Je suis un voyou
C’est beau... c’est gentil... mais c’est trop hermétique pour expliquer mon truc.
Bon, on garde la musique de Brassens, et on y va carrément :
♫ Les Deux Spirales sont deux fesses
♫ Deux trous au milieu
♫ Deux Spirales, c’est la Déesse
♫ Le plus ancien Dieu
Pouah ! Dégueulasse ta chanson, tonton Jean-Jean !
Z’avez raison les enfants, mais comment le dire ?!
Y vont croire que j’suis un vrai cinglé... et un vieux cochon !

97
Et bien oui... je suis assez fou-fou parfois... et j’suis pas un vieux cochon mais un cochon d’âge moyen,
s’il vous plaît... mais j’ai raison... vision et interprétation... socialement utiles... aujourd’hui...
♫ la morale de cette morale la rirette la rirette...
Bien sûr, avec le temps... les gens oublièrent ce que la Double Spirale représentait.
C’est comme maintenant. Tous avec une petite croix... collier, boucle d’oreille... plus personne ne sent les
clous.
À part la Croix au dessus de Notre-Dame la Juge, au mur du Tribunal des Mineurs de... avec le
gamin cloué dessus... son père cloué au revers... Croix double-face... horreur absolue.
Le Juge tournait le dos à la Croix... nez dans sa procédure bureaucratique... oreilles aux amies
politiques corrompues qui susurraient... Elle ne pouvait pas voir l’enfant et son père, elle.
Elles ne savent pas ce qu’elles font. Toutes et tous, fous à lier. Aucune poursuite possible… pour des
coupables jusqu’à la moelle.
Je ne sais pas ce que je dois faire... de cette Double Spirale...
Leur pardonner... oui, pour ma sérénité... mais sans oublier...
Mais comment dire au monde... ce que représente la Double Spirale...
Faudra qu’ j’y pense.
Et que je dorme, pour mieux penser.
Hermès, Pythia, s’il vous plaît ! Laissez-moi dormiiiir !!

Un collier de perles.
Je dois offrir à la Déesse un collier de perles.
Noires et blanches, de mer et d’eau douce, des petites bien rondes et des grosses bizarres...
Des perles... j’avais déjà des perles à moi, j’en ai trouvé d’autres, c’est tout... toutes neuves... ou déjà
trouvées par d’autres, comment le savoir... je m’en moque, ce qui compte le plus, c’est Le Fil.
Et le voyage...
De la mère au père et retour... pas de la vie à la mort; la Vie est un voyage circulaire.
Quelle est gentille... la Vie éloigne ses garçons... allez... allez... vous devez devenir pères... elle n’éloigne
pas ses filles... mais personne n’a dit qu’il faut obéir à la Reine des Abeilles... pourvu que les rayons de
miel soient bien pleins... que chaque petit trou soit rempli de miel... comme le cœur de la fleur-soleil... un
grand cœur... grand comme une table de pierre touchée par le soleil...
Les abeilles aussi ont la forme d’un 8.
Le temple en 8 devait avoir deux dômes... un trullo à deux cônes... est un temple en 8 avec des
nichons ah ah ah
Si y’avait pas eu le manque d’eau, je serais en train de retourner dans mon trullo des Pouilles... ou dans
ma borie de Provence, dans le Luberon... dommage... Oli et Leo auraient bien aimé la cabane
néolithique de Tonton Jean-Jean... espérons que les cadeaux grecs arrivent à temps pour le Carnaval.
En chiffres grecs, 8 c’est le H... Non. On ne s’occupe pas d’un chiffre mais de sa forme.
Et pourtant, à un certain moment... les deux notions ont dû se fondre... typique, en numérologie.
Comme on dit : c’est pas vrai mais j’y crois.
C’est ça ! Ils n’ont plus vu la Déesse et ils se sont mis à croire au numéro 8.
Je me demande ce que 8 peut bien signifier dans leur pièges à sous... probablement des tas de bonnes
choses... misez sur le 8 ! Les pauvres... quand ils sont pauvres. Saoulés par le plus petit gain... aveuglés
par l’avidité... Saoulés et aveuglés, comme le Cyclope.
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Cyclope... Étymologie ? Cyclo opos, œil rond... tiens donc...
Ulysse au contraire était comme moi : un bicyclo opos... deux yeux ronds comme des roues de bicyclette,
hypnotisés par Calypso.
Calypso... Étymologie ? Calice de fleur... Le calice de Calypso émanait un parfum magique qui fit
oublier à Ulysse la tasse de bouillon réchauffé qui l’attendait à Ithaque... il en a joui pendant sept ans de
ce calice... sept ans de bonheur... sur les dix du retour au bercail.
Pénélope... épouse et mère exemplaire... comme tu me manques mais comme je suis bien ici dans la grotte
de Calypso... bien mieux que dans la grotte de Polyphème... jusqu’à l’arrivée d’Hermès.
– Assez joué Uly, rentre à la maison, tu dois faire tes devoirs...
Quel casse-pieds ! et je suis poli.
Mais en tout cas, cet œil du cyclope n’est pas important parce qu’il est unique mais parce qu’il est rond.
Si ça avait été un monstre avec un seul œil, ils l’auraient pas appelé Cyclope mais Monope ! Ah ah ah...
Qu’est-ce que ça pouvait bien être ?
Eurêka ! J’ai trouvé... quoi ?
Cet œil rond était... encore ?! Mais c’est une obsession !
Mythe et pornographie ; représentation symbolique de l’obscène... bon titre de thèse de maîtrise. Le tout,
c’est de dire les choses de façon présentable... faut pas choquer les professeurs... si respectables, même
quand leurs étudiantes doivent passer l’examen oral à genoux...

– Messieurs du jury, ayant démontré la signification de la fente verticale sur le bouclier sacré en forme
de 8, nous pouvons affirmer que le nom Cyclope, de par son étymologie, est un euphémisme grivois : il
indique que cet œil rond, ce cercle, est “l’anneau invisible” caché entre deux lèvres que nous n’appelons
pas “paupières” parce qu’elles sont verticales.
– Votre interprétation est hardie, jeune homme ; s’il en était ainsi, Ulysse serait resté sept ans avec la
cyclope Polyphème.
– J’accueille volontiers une objection si pertinente, cher Professeur, et tente une modeste réponse : l’épisode
du Cyclope se déroule au début de l’Odyssée, alors qu’Ulysse n’a pas encore perdu tous ses compagnons.
En bande, les machos ne font pas l’amour ; ils commettent des viols de groupe. Nous devons aussi
considérer, éminents et futurs collègues, que Poly-phème signifie “qui abonde en paroles”. La cyclope était
une pipelette, ce qui justifie le stupre de groupe. Mais si le monstre n’était pas une femme dotée du 8
sacré, c’était nécessairement un homme doté du zéro sacré, le ‘cyclope’, cet unique ‘œil rond’ dont les
machos grecs était si friands dans leur jeux érotiques.
– Vous nous avez presque convaincus, mais votre théorie sur le comique troupier dans l’Odyssée a besoin
d’une référence étymologique plus spécifique.
– Dans une caserne on n’étudie pas le grec, et pourtant même un caporal comprendrait pourquoi le mot
obélisque vient du grec pour dire broche à rôtir. Je ne crois pas devoir expliquer comment on enfile un
petit cochon à la broche.
– Bravo ! Reçu avec les félicitations du jury.
Œil pour œil... le frère doit violer la sœur du violeur... le devoir avant tout.
Mais alors l’Œil dans le Triangle ? Encore un vol aux dépens de la Déesse, source de Vie.
Les mythes, les textes sacrés religieux ou politiques, les fables, les journaux...le Loup ne veut pas manger
le Petit Chaperon Rouge... ou pas comme pensent les enfants... mais les gamines le sentent...
confusément... les plus éveillées... ♫ promenons-nous dans les bois, et sans rien dire à papa... le chasseur
me défendra avec son gros fusil.
Et pour devenir grande, Alice doit manger le biscuit...

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Les fables pour enfants... c’est autre chose que notre brave pornographie entre adultes... pédophilie...
inceste... mais les psychanalystes le savent bien... ils en vivent.
Les bois... comment étaient les bois, avant?... Les Nymphes dansaient dans les bois mais le Loup... pas
question... si ce n’était pas Zeus en personne, le Loup passait son chemin... non merci... les Nymphes
sont belles, aguichantes, sexy... mais c’est toujours des Sirènes... d’ailleurs la bande à Ulysse... une meute
de loups guidée par un renard... prudence... écoute, regarde, mais pas touche !... et si elles se permettent
trop de liberté, on peut toujours les massacrer... mais dans ce cas on les appelle Amazones.
Non mais écoutez-les... tous à parler de foot... comment je fais à m’endormir ?!
Un ballon de foot, tout beau tout rond, d’accord... mais le ballon de rugby... est un œuf... qui doit entrer
où ?... dans le deuxième trou en haut, au dessus de la barre horizontale du H... lettre grecque qui
signifie 8... et le joueur avance en passant le ballon à son prochain resté en arrière... ça c’est des
hommes... des hommes de Mnajdra... ou presque... ils se battent pour prouver... y’a rien à prouver…
c’est un problème de math... on ne prouve que le contraire... ♫ But me myself I got nothing to prove...
Mais moi je n’ai rien à prouver... bonne chanson... vieille histoire... trop de mecs vroom-vroom…

Bouclier en 8 ! Plutôt une guitare... Jimi Hendrix la faisait gémir mais Mark Knopfler est plus
délicat... Andrés Segovia, le Casanova d’Espagne... et Brassens bien sûr.
Une guitare... est aussi une épée... surtout une guitare électrique... Dieu sait si je le sais.
Double signification ? La guitare est hermaphrodite... le fluteau et la lyre ne le sont pas.
Mais les greeeecs ! Ils ne savaient pas lire l’inscription sur le mur?! Leur bouclier sacré était la...
Tous aveugles, comme aujourd’hui.
Non... pas aveugles... de pauvres petits machos... perdus dans leurs visions de machos... au point de
peindre des scènes de guerre sur le ventre stérile d’un champion de bodybuilding... Avant, Le Vase était
La Femme !

Et les femmes les laissaient faire parce qu’elles avaient été battues... longtemps avant.
♫ Que sont devenues les Fleurs, du temps qui passe...
Les machos de bronze avaient battu les pacifiques femmes du Néolithique.
Quel courage, quelle force... arrivés de nulle part... et de l’intérieur de leur propre société.
Cria cuervos : élève des corbeaux, et ils t’arracheront les yeux.
Bah ! ... juste un autre inconvénient de la révolution agricole... la terre de l’abondance...
7 années d’abondance... 7 années de famine.
Les ruches pacifiques essaiment des nuages de jeunes affamés.
Et pour comble de malheur, la première révolution industrielle métallurgique.
♫ Que sont devenues les Femmes, du temps passé.
Non. S’il vous plaît, non. Plus de vengeances. La Femme n’est pas une macho minable... y’en a déjà
trop de ces femmelettes musclées... Sans parler de Médée... l’arme la plus monstrueuse du Patriarcat.
Essayons juste de changer l’échelle des valeurs.
Essayons de ramener à la lumière les simples faits de la Vie... les priorités de la Vie.
Comme allonger les jambes par exemple... j’aurais dû prendre une place sur le couloir... j’arrive pas à
dormir... pieds et poings liés pour le sacrifice...

100
Abraham... Le patriarcat... Abraham y est né, le pauvre... il a amélioré ce qu’il a pu... belle trouvaille,
la Voix qu’entendent les bergers... j’ te crois, c’était la sieste... et ils l’ont cru. Il porta Isaac au sommet
de la montagne, laissant derrière lui les serviteurs et l’âne... Pourquoi ? Parce qu’ils étaient fatigués.
Au fond d’un bois obscur, alors qu’Abraham cherchait un sanglier pour lui arracher le cœur promis à la
méchante marâtre... splash! Il fut inondé de Lumière... envahi par une Voix, suave... effets spéciaux du
ventre pour rendre l’âme sereine sans le dire au cerveau...
L’unité des chrétiens... et l’unité des juifs... qui se méprisent les uns les autres et ne s’unissent que pour
combattre... et l’unité des musulmans... tous en guerre permanente entre eux... Les Trois Mousquetaires
d’Abraham devraient faire comme lui : s’en foutre, de la tradition ! Et grâce aux effets spéciaux, ils devraient
adorer Dieu-Déesse, Mère-Père de tous les Prophètes... pour ne combattre que le Diable : Richelieu.
Richelieu ? Riche-lieu...
La pauvreté... la simplicité... en paix... et la douceur, la fragilité toute puissante de la Femme. C’était
ça, la nouveauté, la révolution du christianisme des origines. Au fond, il a pris la place de la Femme sur
la Croix... de la Femme de Mnajdra.
Les Sibylles... et combien de Cybèle... y’en avait des tas, avant ! Elles se sont fait virer il y a 3.000 ans
en gros... temps bibliques... restructuration d’entreprise... OPA.
Une pagaille de mythes éparpillés... à ‘déconstruire’, comme disait machin, et après... quoi ?
Une mythologie... de la Femme ?
La Femme & L’Histoire! OK mais racontée au féminin cette fois, en commençant par Mnajdra.
Et après ?
Isis ? Cybèle ? Gaïa ?
Cybèle... Cybèle avait un temple à deux pas de chez nous à Lyon... à Lugdunum... et presque dessus, ils
ont construit la basilique de Fourvière dédiée à la Vierge Marie... transformisme conformiste... on dirait
un aphorisme latin.
Fourvière... Forum Vetus, le vieux Forum romain... mais Cybèle vient de Turquie...
Cybèle de Turquie, Marie de Palestine... sales émigrées ah ah
Mais y’avait pas plus d’ Turquie que d’ beurre en broche ! Le bled s’appelait... la Lydie.

La hache lydienne ? La hache lydienne... une hache à double tranchant ?...


Non, elle ne tranchait rien du tout...
Et le double marteau de Thor n’a jamais servi à planter des clous ah ah ah
Ni à casser des têtes, bande de machos !
La hache lydienne avait une forme de 8, comme la Déesse, comme son temple, comme le bouclier, comme
le double marteau...
Comme la guitare... d’ailleurs pour les musiciens Heavy Metal, la hache, c’est la guitare... ils ne savent
pas... ils sentent peut-être...
À Cnossos, la hache lydienne s’appelait labrys... et labrys serait l’étymologie de labyrinthe...
Labyrinthe palais de la hache à double tranchant ?... Non, le palais de la Déesse... puis pour s’en
débarrasser ils l’ont appelée Minotaure... si tu veux noyer ta chienne, tu dis qu’elle a la rage.
Thésée et le Minotaure... première corrida de l’histoire, olé!
♫ olé! olé! olé! Viva el matador!
Sans compter le meilleur ami de l’homme prudent, le bulldog... un monstre... inventé pour combattre le
taureau dans l’arène... un cauchemar.
Et la chasse à courre ? Une douzaine de Héros chevauchent à la poursuite de la pauvre, pauvre Déesse...
Mère Nature doit être sacrifiée sur l’autel de la Culture, avec élégance.

101
Les hommes sont moins cruels à Corfou… le samedi de Pâques, ils jettent par la fenêtre un vase de terre
cuite plein d’eau... les botides... i’ savent pas pourquoi mais ça les amuse comme au Jour de l’An.
Je leur dirai que c’est pas en tuant leur vieille bobonne qu’ils en trouveront une nouvelle.
Avant, oui... mais plus maintenant.
Moi je l’aime bien Thésée, il a sauvé des gosses... mais cette histoire du Minotaure qui mangeait les
enfants d’Athènes... un taureau communiste ah ah
La tête du taureau, c’était la Déesse... ça je l’ai déjà entendu dire... c’est ça, ils disent que les organes
génitaux internes de la femme ressemblent à une tête de taureau... mais un triangle avec deux cornes
ressemble à un pubis avec des moustaches à la Dalí ah ah ah... ou à une tête de taureau, ou à un vase
avec deux anses... et ces cornes sur les casques, au nord... c’étaient les cornes du vase... des porte-
bonheurs... comme le marteau de Thor... comme la hache lydienne... comme le bouclier en 8.

Et maintenant ? ♫ que vais-je faire...


Cybèle ? Isis ? Gaïa ?
Non. Faut se concentrer sur la Sibylle de Delphes.
Elle est dans sa grotte depuis quoi... 20... 30.000 ans... y’a des grottes de Sibylle de partout... une
Femme Déesse de pierre trouvée dans les grottes de Frasassi... mais ce qui compte, c’est que ces grottes
sont à coté des Monti Sibillini : les Monts de la Sybille...
Cependant, la Sibylle de Delphes... Pythie raconte le récit principal dans son nom même. Le reste peut se
déduire, mon cher Watson.

Revisitation, déconstruction du western, des mythes de l’Est... et déductions... utiles pour aujourd’hui et
demain.

Go East, young Woman! Va à Est, jeune Fille ! Ouest Est Nord Sud… ça dépend d’où tu es. Toutes
les routes mènent à Mnajdra.
Vierge ! M’enfin quoi... faut pas tout confondre... y’avait la vierge vigoureuse comme une verge verte en
latin... une virago savait la manier, la verge, si tu essayais sans son consentement... pas confondre avec
l’innocente pucelle... intacte.
Pucelle, et puceau... ça voulait dire jeune, mais pas encore mariés... donc patrimoine du pasteur de la
maison qui pouvait jouer avec... comme il jouait avec ses jeunes chèvres et brebis, le bon pasteur... così fan
tutti... coït fan tutti.
La vraie virginité, la pureté... est dans le regard, pas entre les jambes ! Albert Gianna a dit un truc comme ça.
Le voile... ils parlent tous du voile. D’accord ! Parlons du voile.
Mais pas seulement du voile qui devient rouge sang quand tu l’ouvres... rideau rouge sur le Mystère...
théâtre du Sacré...
Non, il faut dévoiler la conspiration du silence et les vieux mensonges... et une vieille vérité... sous le
même voile. Le silence, les mensonges et la vérité doivent être dévoilés.
Pourquoi pas un Coming Out de la Femme. La Journée de l’Orgueil Menstruel ! Bon sang la fête ! Pas
une fois par an mais chaque mois... suivons la lune.
Ouiii ! Bon Sang, c’est le cas de le dire ! C’est décidé : à la Pleine Lune, on se retrouve à Bon Sang La
Fête pour la Danse en Cercle Magique. ♫Hey miss Tambourine woman play a song for me... Il faut
que la communauté se reconstitue, tous les âges et tous les sexes sont admis. Smartphones interdits.
Entrée gratuite pour enfants, adolescents, et pour les adultes qui achètent une amulette Figa: nous devons
financer notre campagne contre les mutilations génitales.

102
Aphrodite & Héra & Athéna c'est-à-dire Clitoris & Utérus & Cerveau... c’est-à-dire Un Cœur.
La Sainte Trinité est revenue... Elle est revenue... enfin... disons qu’elle est en train de revenir... j’en ai
pas rencontré beaucoup mais il doit bien y en avoir d’autres.
Le patriarcat est venu bien avant le monothéisme, bon sang ! Et ces simplettes attaquent la religion en
croyant attaquer le patriarcat... sous-espèces de macho qui se croient féministes... si vous voulez vraiment
aller à la guerre, étudiez une stratégie... ou au moins une tactique... expliquez aux bigotes que leur
religion est née après leur soumission et peut survivre à leur libération... ça sera utile, à elles et à leur
religion... il serait temps, on est entré dans l’ère post-patriarcale, bon sang ! Bon sang d’bonsoir ? Bon
sang dit bonsoir au patriarcat, justement... et de toute façon, on sait tous que les petits garçons naissent
dans les choux et les filles dans les roses.
Que savaient-elles de sexualité, de reproduction ?...
8... 8... ça va, on a compris ce que ça représente, mais quelle en était la valence, dans cet univers ?...
8 comme symbole d’un double plaisir ?... plaisir plus sensuel que sexuel... sur un lit de fleurs... en une
farandole... à l’Âge de la pierre de l’Innocence, quand l’amour était vraiment libre, pas seulement libéré
de la Faute.
Oui, le Paradis Terrestre, avant la Chute, avant la connaissance du Bien et du Mal dans les questions
sexuelles... avant le SIDA... les hippies dansaient la farandole... un Woodstock néolithique... sans les
Héros armés d’une guitare électrique...
Le Paradis Terrestre... avant la Faute... était le paradis des LGBT et des autres! Si ça se savait !
L’Arbre de la Vie et l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal... la connaissance charnelle... vie et
connaissance...
La Faute d’Ève fut la connaissance... reçue d’une de ses nombreuses Maîtresses... La Grande Serpente
expliqua à Ève comment utiliser le petit serpent d’Adam : comme ça, tu fais comme ça juste avant
l’hiver, puis tu attends le printemps et tu verras... une jolie petite Evita...
Puis quelque chose a fait tilt et une voix électronique dit : Sorry, Game Over.
D’ailleurs, avant de devenir le Grand Méchant Dragon, la Déesse était probablement une Grande
Serpente, gentille... un peu trop gentille, peut-être... assez étouffante, donc... mais mieux vaut le
communisme étouffant de la Mère ou le fascisme macho du Père ? Bof, on verra aux prochaines élections.
De toute façon, l’esclavage sexuel commence avec la connaissance... j’ai toujours dit qu’il fallait fermer les
écoles.
6.000 ans d’esclavage sexuel avant d’arriver à la libération sexuelle : 1968 Wouah ah ah ah ah
Quand? Il y a 6.000 ans ?...
Pour l’hébraïsme, nous sommes à peu près en l’an 5700 depuis le début du monde... ça colle.
Et après ? Qui l’a inventé, ce Mal ? Le même berger qui a inventé ce Bien... les sélectionneurs de la
race... toi qui est beau, avec la plus belle... les autres, à la boucherie.
Agneaux castrés, brebis, femmes, où est la différence ?
Et tu dois faire comme ça, pas comme ça... Il faut de l’Ordre ! Mais si ça me fait plaisir ? Ordre ou
Malédiction !
Mon troupeau sera le plus beau, plus blanche ma tunique de laine...
La terre où coulent le lait et le miel... le premier vrai pasteur créa la première banque du sperme, la
première industrie agroalimentaire, la première colonisation des sauvages... mais les premières productrices
de lait et miel furent les premières ouvrières sélectionnées sur le divan du producteur, les premières esclaves
violées : les brebis et les abeilles.
La Reine fut chassée de la grande Ruche du Ciel.
L’An zéro est le début du règne du Faux Bourdon.
103
Caïn ? Caïn est une femme... une pauvre simplette qui cultive la terre... pauvre idiote ! Elle sourit,
béate, quand elle dit : la Déesse est aussi Père...
Mais qu’est-ce que t’as à sourire ? Tu te fous de nous ? Aussi père, tu dis ? Et tu empêches mes brebis
de paître dans ton jardin ?... Dieu est seulement Père ! Dieu est Un homme qui aime la viande... sur
l’autel tu dois griller de la viande, pas composer un bouquet de fleurs dans un vase, bougre d’idiote !
Abel est la vertu même, comme ses offrandes... Et Caïne...
Caïne... si tu veux noyer ta chienne...
Caïn et Abel... Quel mythe! Prix Nobel! Une fois découverte la fonction sexuelle du mâle, le reste se
déduit... la suprématie de l’éleveur sur l’agriculteur, du bédouin sur le fellah, du cow-boy sur le péon
mexicain, du mâle alpha sur ses copains et sur toutes les femelles... et pour éliminer la concurrence, tout
prétexte est bon pour la guerre !
Simples déductions, mon cher Watson Néolithique... Le Père Fondateur du monothéisme macho est
Sherlock Holmes... pipe à la bouche et main dans la poche : la Déesse de Malte n’est pas la seule qui se
touche en public.

Symposium académique : Origine préchrétienne des chiffres sacrés 1 et 3... pour l’affiche, le vase pansu en
forme de femme... ou plutôt un des autres vases avec 3 protubérances et 1 joli couloir avec des lèvres...
l’affiche suffirait... mais ils sentiront le besoin de noyer la Déesse dans leur argot académique... s’ils
m’invitent je la sauverai... respiration bouche à bouche ah ah ah...
Mais s’il vous plait mes sœurs, jeunes et vieilles comme moi... dans votre temps libéré, occupez-vous de
Médée : elle est malade. Elle tue son enfant tous les jours... elle dévore le cœur de son fils tous les jours
avec d’horribles mensonges sur son père... Héraclès est impuissant, dans tous les sens... il tue le corps de
Médée de temps en temps, et Médée renaît plus puissante à chaque fois.
Un cauchemar réel. Médée... la mythologie... mais cette mère, cet enfant, ce père, sont réels.
Soyez prudentes ! Médée sait comment vous manipuler... folle mais maline... C’est un génie, le Génie du
Mal, elle ressemble à la voisine de palier... normale... certes elle a son caractère, elle peut être de mauvaise
humeur...
Un psychiatre a étudié Médée... il l’a appelée Malicious Mother... peut pas faire grand-chose d’autre que
décrire... ils ont traduit Mère Malveillante... que c’est mignon... qui est Le Malin caché dans Malicious ?
Une femme le sait, le sent...
Seules les femmes peuvent s’occuper de Médée et du Syndrome de la Mère Maligne... comme une
tumeur ? Non, disons Malveillante, soyons gentils, ou Médée se fâche et c’est l’enfant qui trinque.
Seules les femmes... donc Albert Gianna est sûrement une femme.
Arrêter les féminicides, c’est un Labeur pour hommes : il faut un voleur pour attraper un voleur.
Arrêter Médée et qui lui permet d’utiliser son propre fils comme otage, c’est Le Labeur de la Déesse.
Hermès est aussi une Déesse... Thoth est Seshat & Seshat est Thoth
Tirésias est homme & femme... aveugle et voyant des abysses... aveugle mais pas muet.

Seulement alors... mais quel gâchis. Ça dure depuis... combien de siècles ?


Après tant d’horreur... Après la violence, la paix de la vérité. C’est de qui ?... Dieu seul le sait.

Zeus, vieille fripouille, pourrais-tu cueillir d’autres pommes dans le verger, s’il te plait ? Pâris est fort, il
peut nous en ramener un plein panier... nous voulons faire du cidre pour Bon Sang La Fête.

Patriotisme... Matriatisme ? Ça finirait encore en nationalisme... frontières, murs, forteresses...


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À propos, Mnajdra n’est pas construit sur une hauteur... ce n’est pas une acropole.
Sur une pente douce, vers la mer... comme c’est gentil... comme c’est tranquille...
- ♫ When I find myself in times of trouble, Mother Mary comes to me, whispering...
Quand je me retrouve avec un problème, Maman Marie vient vers moi, susurrant...
Mother Mary était une sage-femme, comme Socrate... elle a fait du bon boulot avec son gosse... son
autoportrait d’une certaine façon... une basse en forme de 8, avec une voix d’alto... Mother Mary a dû
être une géante... mère d’un géant.
- ♫ Lady Madonna, children at your feet... who finds the money, when you pay the rent?
Notre Dame Madone, les enfants à tes pieds... se demandent comment tu fais pour le loyer.

Les Géants ont construit les temples de Gigantia ! C’est ce qu’ils disent... mais les Titans ?
Gaïa, Mère des Titans, vaincus par les Dieux de l’Olympe...
Les Titans ont construit les temples de Gigantia sur l’île de Gozo ! C’est évident ! Ils ont fait une petite
maison pour leur Maman, les mignons... C’est bon, on verra ça au prochain voyage.
Ils dissent que Gaïa était la Mère seulement. Encore tout faux. Elle était La Femme.
Mais bon, appelons ça Le Temple de Gaïa & Le Bouclier en 8, ça se vendra bien à Hollywood.
Spielberg ? Indiana est trop occupé à tirer sur les méchants arabes... et le Professeur Jones construit sa
carrière académique à coups de fouet.
Disney ? Pas question ! Il a noyé les Contes de Fées et les Mythes dans du sirop... Albert Gianna l’a
dit et elle a raison. Hollywood, on laisse tomber.
Le Sundance Festival ? Ma foi... si c’est une dance de Soleil & Lune...
Tu sais Gaston, ta rêverie, ou les séances de brainstorming des managers... c’est une façon de déconner en
roue libre... dans ta tête ou avec des potes. Ça devrait devenir une matière obligatoire au lycée. Avec
Math et Philo... et Langages, pour comprendre & raconter une histoire complète... écrire la prochaine
Histoire...
Non.
Non. Il faut ab-so-lu-ment interdire le Déconnage en Roue Libre au lycée. Comme ça les meilleurs s’y
mettront sérieusement.
Et ben dis donc, quel voyage ! Quel trip ! Bien mieux que leurs minables petites pilules.
Faut raconter ça aux media.
Communiqué de Presse :
Une émotion à Malte devient orage à Athènes et tempête à Mycènes.
Un ouragan nettoie Delphes des lambeaux de Patriarcat.
Une découverte archéologique reconstitue Le Grand Puzzle.
Les conséquences, incalculables, émergent avec le sourire d’un petit texte illustré.
C’est ça ! Je dois faire un p’tit truc souriant... pas de conneries académiques… c’est pour des gens réels.
L’archéologie scientifique... Le carbone 14!... Les bras de l’Homme Volant furent sculptés il y a 3200
ans, mais un ingénieur a démontré qu’il s’agit de superstition : on ne peut pas voler dans le ciel à bras
ouverts cloués sur une croix.
La science ! Mais comment est-il possible que personne n’ait rien remarqué ?!
Bah ! Dieu sait combien de manuscrits refusés... ou publiés inutilement... mais je m’en moque... je publie
tout... et si quelqu’un prétend qu’il le savait déjà, il devra préciser qui a dit quoi, exactement, et dans
quel contexte... je les connais ceux-là... pour un os ils aboient tout la soirée à la télé sans rien dire... et
105
puis l’important, c’est que ça se sache... après ils pourront aboyer... ça m’empêchera pas de dormir... ce
qui compte le plus, c’est Le Fil.
Et tout ça à cause des soldes de janvier d’un low cost.
Je devrais porter un ex voto à la Déesse Low Cost.
Elle a des ailes et joue de la lyre, comme Hermès.
Les mensonges utiles de l’Histoire… Les vols low cost dévoilent les mensonges utiles des nations.
Comme cette histoire des anglo-saxons… ils sont saxo-normands !
Non, ils sont un minestrone, comme les italiens ... un pot-pourri, comme les français.
Et pot-pourri n’est que la traduction insipide de la olla podrida cuisinée par les espagnols : le seul peuple
européen qui ne cache pas ses ingrédients persans & arabes & berbères & islamiques.
Les mensonges utiles...
Aux chiottes du Temps, l’Histoire des hommes n’est qu’un torchon merdeux !
Mensonges utiles... pour qui ?!
Pax Romana tout autour de la Méditerranée, ou une petite Pax Europea ?
Pourquoi la Paix devrait-elle respecter les frontières ? La Guerre ne le fait pas.
Pax, pour l’Amour de Déesse, ou Guerre, pour le sale bénef de quelques-uns. À vous de choisir, filles et
garçons.
Votre Histoire sera faite de mariages & divorces, ou de viols & assassinats. À vous de choisir ; c’est
votre Histoire.
T’as dit Troisième Guerre mondiale, François ? C’est ça, et Troisième Suicide de l’Europe.
Il nous faut un Empire en copropriété... appelez-le comme vous voulez, Union, Fédération... Europe est
la Femme de Mnajdra... Europe nous embrasse tous !
Nous devons mettre fin à ce gang-bang sado-maso ! Nous avons urgent besoin d’un Mariage Collectif
Européen.
Et il faudra inviter les voisins à la fête ; ils apporteront des tas de cadeaux de mariage.
Voyager... dévoiler de récents mensonges nationalistes... c’est bon pour la santé. Et faire l’effort de parler
plus d’un dialecte européen est excellent contre l’Alzheimer politique. On ne peut pas comprendre son
dialecte mère sans connaître les dialectes tatan et cousines...
Et moi, je dois absolument apprendre au moins une langue étrangère...
Comment on dit merci en chinois ?
Bon mais là il faut que je me calme... que je dorme...
Je dois être en pleine forme pour ma petite ‘déconstruction’ :
- ♫ Jacques Derrida dirla da da
♫ la la dirla da da.
Ah ah ah ah...
Oh là doucement c’est quoi ce... on a atterri !
Thank you Captain! Parfaitement à l’heure, “comme dans 97% de nos vols”
Clap clap clap clap clap...

106
Weakly Leaks - Transcription d’un enregistrement
Éditeur – Hellooo Jean !
Auteur – …
É. – Jean ?
A. – … j’sais pas. C’est qui ?
É. – Paul !
A. – Paul qui ?
É. – Paul McCartney
A. – Ah salut Paul, ça va vieux ?
É. – Très bien, merci. Ton texte a été accepté par le comité de lecture. À l’unanimité, et c’est bien la
première fois. Félicitations.
A. – C’est bien ça ! Et maintenant ?
É. – On va le publier, mais...
A. – Mais... ?
É. – Mais nous devrons faire quelques changements. Un peu d’editing, comme d’habitude, tu sais...
A. – Oui, ça au moins, je sais.
É. – Nous voulons toucher un plus vaste marché. Les adolescents surtout.
A. – Et ?...
É. – Et nous avons pensé que tu pourrais développer le coté mythologique, les héros...
A. – Ça m’a l’air assez facile.
É. – La chose ne te dérange pas, n’est-ce pas ?
A. – Pas du tout. En fait je suis d’accord. Les adolescents absorbent trop de cochonneries Fantasy. Trop
de ces trucs qui leur rétrécit les méninges. Plus dangereux que l’herbe qu’ils fument !
É. – Oui Jean mais
A. – Le genre Fantasy est presque aussi dangereux que le football professionnel !
É. – Jean ? Qu’est-ce qui ne va pas dans
A. – Ils t’obligent à choisir un camp, ceux-ci ou ceux-là.
É. – Mais oui, c’est un jeu.
A. – C’est une compétition ! Un jeu, c’est une harmonie... Par exemple, prends une chanson triste... et
rends la meilleure ! Take a sad song and make it better... Tu vois ce que je veux dire ?
É. – Pour les chansons, je ne sais pas trop mais
A. –Ils organisent des compétitions même avec la musique, il y a cette ridicule Top Ten... et quand on
étaient gosses, ils nous obligeaient à choisir entre un groupe rock et l’autre !
É. – Ça me rappelle vaguement quelque chose mais
A. – Comme dans leurs enquêtes, comme avec leur référendum !
É. – Là on est d’accord mais le foot !?
A. – Le foot est un entraînement militaire pour le grand public, un lavage de cerveau quotidien Paul,
organisé par ceux qui s’enrichissent avec la vente d’armes !
É. – Il y a des marchands dans tous les temples mais
A. – Mais tu y penses Paul ? 12 héros de chaque côté. 11 jeunes sur le champs de bataille, Arthur sur
son trône en forme de banc, et Merlin qui susurre en coulisse... tous essayant d’enfiler leur truc dans le truc
de... bon, c’est pas une baïonnette... mais le rugissement, Paul ! Un orgasme collectif chaque fois que ça
entre ! Et la frustration quand ça n’entre pas. Et le désespoir, ou la rage violente quand l’ennemi te
l’enfile... Le foot professionnel, c’est de la pornographie de masse Paul, c’est la version totalitaire d’un
conflit théâtralisé. Et les acteurs sont payés une fortune pour une... pour une connaissance biblique de 90
minutes... avec toutes les tricheries que cette montagne de pognon implique à tous les niveaux. Tous mes
107
compliments, c’est très éducatif. I’ pourraient pas s’affronter simplement sur la place du village, comme font
les braves gens ? Je veux dire gratis, et pour une ’tite bouffe et tout ce qui va avec : on gueule, on chante, on
danse... après une douche bien chaude, tout seul ou avec la personne de son choix. Pas tous ensemble !
É. – Jean, est-ce que tu
A. – Dans le temps, leurs douches partouzes étaient appelées Orgies Dionysiaques… ou Bacchanales,
Paul. Leur fédération devrait s’appeler FIFO, Fédération Internationale de Football Orgiastique !
É. – Je ne sais pas si
A. – Et ce n’est pas tout ! Maintenant chaque Héros entre sur le terrain en tenant par la main un enfant
innocent. Ils ont transformé une compétition sociale en un sacrifice archaïque ! Deux par deux en procession,
les adultes entrainent des enfants vers le Labyrinthe du Minotaure ! Écoute bien c’que j’te dis Paul : c’est -
l’in-fa-mie - de - notre - temps ! Comment s’étonner qu’il y ait parmi eux tant de pédophiles criminels... et ils
continuent... et ils s’en sortent pendant des années grâce à ceux qui se taisent pour le bien de leur église !
É. – Mais Jean
A. – Je suis d’accord Paul, idée brillante ! Développons le coté mythologique. Plutôt que de chatouiller
les plus bas instincts des adolescents, nous devons leur dire... expliquer que les mythologies anciennes et
nouvelles racontent toutes les mêmes saloperies. Comme ça ils comprendront ce qui se passe vraiment... en
eux-mêmes... et tout autour : nous sommes submergés par un tsunami de stimulations dégradantes,
Paul ! Le monde en crève.
É. – Oui bien sûr... mais... ce que nous pensions, c’est... dans ton texte... pourrais-tu ajouter quelques
héros celtiques ? Ils sont très à la mode.
A. – Ça m’a l’air possible.
É. – Et transformer le tout en quelque chose... un peu comme un récit, tu vois ce que je veux dire ?
A. – Non Paul, je ne vois pas.
É. – Et bien tu as entendu parler de... hem... du Hobbit... tu connais le Hobbit, n’est-ce pas ?
A. – J’ai dû lire ce truc quand j’étais en troisième mais je me souviens très bien du jeune... machin.
É. – Tu pourrais l’ajouter ? Le genre Fantasy je veux dire le folklore celte se vend très bien et...
pourrais-tu décrire le Hobbit combattant le Mal... tu sais... combattant le Mal avec une épée... le Hobbit
avait une épée, n’est-ce pas ?
A. – Ils lui ont sûrement donné une épée dans un film de série B... mais je ne sais pas pourquoi, je le revois
avec son petit poignard qui pendouillait de... et dans sa main, bien sûr. Les garçons, c’est des garçons.
É. – C’est parfait ! C’est exactement ce qu’il nous faut. Un poignard. Et la Coupe. N’oublie pas de
décrire la quête éternelle de la Sainte Coupe.
A. – Non Paul, le Saint Graal était bien un calice sacré, mais dans une vraie légende, pas dans ce truc
contre l’acné juvénile. Cependant, le Saint Graal et Lancelot s’adapteraient bien à mon texte : un beau
jeune homme, qui s’est débarrassé de son père d’une façon ou d’une autre, élevé au Paradis par la Dame
du Lac... puis d’autres beaux jeunes hommes, Arthur, une Épée, puissante… et si dure qu’elle est
plantée dans la roche, waouh !... puis des aventures... des hauts faits... l’Épée passe de main en main...
et quand les Héros sont fatigués, un d’eux ramène l’Épée d’où elle vient, il la jette dans le Lac, une
main en sort, mystérieuse, délicate, elle chope l’Épée au vol et l’engloutit au fond des Eaux Noires où la
Puissante Épée dort depuis lors, et pour l’Éternité de l’Ennui. Ça s’adapte très bien à mon texte. Mais
pas le Hobbit ! Je ne veux pas de p’tit Hobbit dans mon texte. Je désire le maintenir à un niveau décent,
avec des vraies mythologies.
É. – D’accord, ajoutons Lancelot, mais le Hobbit aussi, s’il te plaît ! C’est une histoire décente, non ?
A. – Disons... que je devrais expliquer, et elle n’aurait plus l’air si décente. Les gens seraient déçus.
É. – Mais comment pourraient-ils l’être ?!

108
A. – Par exemple... De toute façon, le Hobbit cherchait autre chose, avec son p’tit poignard. Tu vois ce
que je veux dire ? Pour déclencher la magie, Paul, il fallait trouver le petit cercle magique, le choper…
É. – Et ?
A. – Tu ne vois pas ?
É. – Je ne vois pas quoi ?
A. – La partie cachée, Paul. Dans une légende, comme dans la vie réelle, le plus important est le plus
secret. Le secret est caché... sous un voile très fin, presque transparent... ou alors il est invisible.
Compris ?
É. – Compris quoi ?
A. – La matière est visible Paul, mais le trou, un trou dans la matière ne l’est pas ; le trou est invisible.
Parfois, il est presque visible... sous un voile léger. Pour déclencher la magie, Paul, tu dois enfiler ton
doigt dans ce trou.
É. – Je dois enfiler mon doigt où ?!
A. – Enfile ton doigt dans l’Anneau !
É. – Dans l’Anneau bien sûûûûr ! Où, sinon ? Comme l’Anneau de Wagner ! Wunderbar ! Ils
peuvent y entrer tous les deux ? Je veux dire dans ton texte... Pourrions-nous avoir le Hobbit et
Wagner ? Pourrais-tu faire ça pour nous, Jean ? S’il - te - plaîîîîît ! Ça aurait un tel
A. – C’était le point suivant Paul. Le Hobbit a déjà pas mal fricoté avec la bande à Wagner à la fin
des années trente, et après. À moins que vous ne vouliez toucher un plus vaste marché de néo-nazis,
skinheads, hooligans et de simplets qui ne savent pas
É. – Mais ils sont beaucoup, non? Donc
A. – Ils sont beaucoup trop ! Mais ils ne savent pas lire. Pas mon genre de truc en tout cas.
É. – Peut-être qu’avec un bon mélange de héros grecs, de druides celtiques, de vikings
A. – C’est déjà tout mélangé Paul; cette marmelade n’a rien de nouveau... mais pourrais-je vous poser
une question, Sir Paul McCartney ?
É. – ... Jean ? Oui Jean... bien sûr que tu peux.
A. – Ne serais-tu pas, par hasard, en train de travailler à ce projet avec la Walt Dis
É. – Qui te l’a dit ?!
A. – Personne. Juste une impression.
É. – Je sais qui ! D’accord, mais avant d’autres fuites, que dirais-tu de signer notre petit contrat ?
A. – Disons...
É. – Disons demain. Demain c’est dimanche mais nous sommes prêts à
A. – Désolé, je ne signe les contrats que le lundi. C’est une question de religion. Tu sais que lundi, c’est
le jour de la Lune, non ? La Lune a une influence positive sur marées et contrats. Lune et marée,
coquillages sans diarrhée. Quand le Sage te montre la Lune avec l’index de sa main droite, fais attention
au médium de sa main gauche, et
É. – C’est parfait ! Ajoutons un horoscope celtique en plus du Hobbit de Wagner. On se voit lundi
dans mon bureau, à dix heures.
A. – Mais lundi, la Lune ne sera pas pleine.
É. – Tu veux dire... pour que tu signes un contrat, la pleine lune doit tomber le lundi ?
A. – C’est exact !
É. – Et depuis quand ?
A. – Depuis Malte, Paul. J’ai eu comme une illumination à Malte. Maintenant, je ne signe mes
contrats que sous la Pleine Lune, le lundi. Et ça doit être... ♫ quand vient la fin de l’été, sur la plage, il
faut alors... que tu signes mon contrat, Paul. Dans le Temple de Mnajdra, j’ai compris que pour les
contrats, les avocats c’est très bien, mais la Lune, Paul, la Pleine Lune...
109
Note finale de l’auteur

Oui, j’ai fait une grosse bêtise. C’est une chose – dangereuse – que de réécrire l’histoire
d’une nation, sourire des malices, combler les omissions, corriger les petits mensonges...
Mais réécrire l’Histoire de notre civilisation ? La dénoncer comme étant fondée sur un
unique énorme mensonge ? Il faudrait être inconscient... ou tout à fait conscient d’une
Histoire de l’Humanité, de la naissance d’une nouvelle civilisation en cours, de la
nécessité d’aider l’accouchement afin qu’il soit moins traumatique.
Mais sans se monter la tête ! À qui voudrait suivre le conseil de Voltaire – cultivons notre
jardin – disons que ce texte est un paquet de sachets de semences, lié d’un bout de ficelle.
Quoi qu’il en soit, c’est une sorte de déclaration préliminaire ; d’autres textes suivront.
Je crois fermement en une retombée positive sur nos sociétés, à longue échéance.
Diffusez la nouvelle, si vous la trouvez bonne.
Pour beaucoup, ce n’est pas une bonne nouvelle.
Pour certains, c’est une mauvaise nouvelle.
Meilleurs vœux à tout le monde.
Merci de votre attention.

Jean Santilli
PS L’auteur prie Sir Paul McCartney d’accepter ses excuses, et d’avoir pitié d’un pauvre
vieux qui s’occupe de recherche & communication métadisciplinaire : il ne sait pas ce qu’il fait.
15 mars - Ides de Mars - sur un volcan appelé Mamma Etna.
Première version corrigée et bouclée le 16 avril : Pâques 2017.

110
13 bonus tracks

1. Feedback (Septembre 2017)

2. Merlin était une Fée (Janvier 2018)

3. Un autre Dieu Transgenre : Océan (Mars 2018)

4. Le Nombril & L’Acanthe (Pâques 2018)

5. Il Néolithique fut Baroque et Dadaïste (Avril 2018)

6. ♫ Bronze and Sex and Rock ’n roll (Mai 2018)

7. Continuité (Mai 2018)

8. L’Oreille de Dionysos (Mai 2018)


Note sur l’archéologie “scientifique” et l’origine des “religions” (Août 2021)

9. La Déesse globale (Mai 2018)

10. La Déesse immobile (Juin 2018)

11. Nomades et paysans – Conjectures sur la genèse de la conscience humaine (Juin 2018)

12. Codicille (28 Juin 2018)

13. Misère & splendeur du chasseur préhistorique (1er Octobre 2019)

111
Bonus track 1 – Septembre 2017

Feedback
Vibrations harmoniques & Ondes sur l’étang

« À mon avis, sa qualité la plus fascinante et originale était justement sa capacité de connecter
passé et présent en une dimension interprétative à la fois dialectique et unitaire. Les archéologues
comme nous sont souvent conditionnés par les limites de notre spécialisation professionnelle. Il est
inutile de dire que ce qui nous manquera de lui, ce sont ses critiques parfois âpres et cuisantes à
l’establishment académique national et international. Ce faisant, il voulait créer des conditions de
recherche en harmonie avec une archéologie moderne, multidisciplinaire, et réellement
interprétative et non-descriptive. »

En fin février 2017, le Prof. Sebastiano Tusa, Surintendant à l’Archéologie Marine de la


Sicile, rendait hommage à Maurizio Tosi : le grand archéologue venait de disparaître,
alors que naissait ce texte.
En ce mois de septembre, à la fin d’un été chaud dans tous les sens, l’auteur découvre
une forte affinité avec deux archéologues. Après les méchancetés qu’il a écrites sur le
travail d’autres archéologues, la chose le surprend et le rend heureux.
D’autant plus qu’il peut mesurer, une fois de plus, l’étendue de sa propre féconde
ignorance. Notre-Dame Déesse voyage depuis trois mois en Europe et aux USA, habillée en
français, anglais et italien. L’auteur reçoit des réactions positives et des doutes déguisés
en questions légitimes.
- Vos interprétations du bouclier en forme de 8 et de la broche à double spirale avec un 8 au
milieu pourraient constituer des découvertes, mais avez-vous lu Marija Gimbutas ? Il y a des
années, elle a reconnu la silhouette de la Déesse dans les temples de Malte.
- Connaissez-vous la culture Cucuteni et la “Matroana de la Poduri” ? Cette Déesse en terre cuite
a été trouvée en Roumanie ; ses hanches prospères s’ouvrent derrière comme le couvercle d’une
boîte : elle est pleine de petites sphères d’argile – ses fœtus – confirmant en quelque sorte votre
théorie sur les boules de pierre de Mnajdra.
- Etc.
Non, l’auteur n’a jamais lu Marija Gimbutas parce qu’elle est souvent citée par de soi-
disantes féministes qui l’utilisent comme une massue. Elles font passer l’envie, dans tous
les sens. La lecture est un rapport érotique hors du temps entre le lecteur et l’auteur.
C’est toujours la même histoire d’amour et de conflit : doute positif, plaisir, bonheur, ou
bien doute négatif, nervosité, colère : fécondation ou rejet, et de vagues contaminations.
Mais maintenant, l’auteur a l’intention de lire Gimbutas. Elle doit avoir été une femme
exceptionnelle. Il essayera d’entrer en contact avec elle, en interprétant les signes qui
recouvrent des produits industriels appelés livres.
Non, l’auteur n’a jamais entendu parler de la culture Cucuteni, et cette Matroana a l’air
vraiment très intéressante. Mais il n’y voit pas la confirmation d’une vision plus
complexe : Ballon de pierre & Soleil & Femme & Temps &...
Ne parlons pas des bons élèves. Ils lisent une longue équation : « .../... X 2 + 2 = 4 Y .../ ... »
et commentent, sarcastiques : « Tout le monde le sait que 2 + 2 = 4 ».

112
Quoi qu’il en soit, l’auteur ne cherche pas de confirmation. Il préfère de loin les
réfutations : elles évitent les pertes de temps. Et il ne cherchera certainement pas des
confirmations ou des réfutations dans les textes académiques qui citent le « Bouclier en
forme de 8 » , la « Tombe Cercle B » et autres inventions farfelues qui recouvrent une réalité
embarrassante.
À Malte, des touristes aussi ignorants que l’auteur ont sûrement vu la ressemblance qui
unit La Femme et Son Temple. Ils auraient pu tirer les conclusions de l’auteur en
observant en Grèce le « Bouclier en forme de 8 » et la « Tombe Cercle B », si l’Académie ne les
avait pas habitués à visiter temples et musées comme on va au cinéma, et à gober les
œuvres et leurs étiquettes comme du pop-corn.
Il a été démontré que la consommation de pop-corn transforme les ignorants lucides en
érudits aveugles.
Sieste sur un vol low cost et d’autres chapitres le disent clairement : les “découvertes” de
l’auteur ne sont pas patent pending, en instance de brevet. D’autres avant lui pourraient
avoir compris tel ou tel détail. L’auteur ne revendique que la partie invisible du récit : le
Fil qui réunit des perles éparpillées en un collier pour la Déesse. Le Fil forme le double
nœud magique : &.
Notre Préambule suggérait dès le début ce que pourrait faire un lecteur avisé. Arrivé à la
fin du récit, il devrait se payer un autre tour de manège. Il entrerait ainsi dans le temps
circulaire du texte, comprenant mieux ce qu’il avait lu au début à la lumière de ce qu’il a
lu après, et ainsi de suite en une progression en spirale. En outre, délaissant le parcours
de l’auteur, le lecteur devrait lorgner à son goût par toute porte ou fenêtre ou fissure
dans les murs, enquêter sur ce chantier archéologique planétaire. Silencieusement, toute
nouvelle connaissance change les vieilles façons d’être. Si le lecteur écoute les rumeurs
du monde, il découvrira que des travaux de restructuration sont en cours, dans le
Temple de son Être individuel & communautaire.
Bien évidemment, à ce stade, l’auteur n’est qu’un lecteur parmi d’autres.

113
Bonus track 2 – Janvier 2018

Merlin était une Fée


Pour le Jour de l’An, l’auteur a reçu un cadeau d’un lecteur : un livre publié en 1976. Le
titre original est The Paradise Papers. Il fut écrit par une femme qui porte le nom d’un
magicien : Merlin Stone. Mais on ne peut exclure que Merlin L’Enchanteur ait été une
Fée, un transgenre comme Poséidon. Le titre français en évoque mieux le contenu :
Quand Dieu était femme.
Le livre a été lu avec des sentiments mitigés.
Tout d’abord une légère satisfaction pour la confirmation de quelques intuitions. Puis la
colère, et le sentiment d’un scandale. Comment est-il possible que l’œuvre de Merlin
Stone, si simple et pourtant si importante, soit ignorée par les femmes et les hommes
engagés pour une égalité des droits ? On pense au silence habituel imposé par les bigots
des trois religions patriarcales et par leurs excroissances académiques. Mais il y a pire.
Les pseudo-féministes et les pseudo-intellectuels semblent refuser une idée simple : une
meilleure connaissance des religions archaïques aurait une influence positive sur nos
sociétés.
Certains enrôlent Marija Gimbutas (1921-1994) dans les rangs des féministes, mais nous
ne trouvons pas la grande anthropologue dans la bibliographie de l’édition française.
Merlin Stone cite par contre Johann Jakob Bachoven (1815-1887), qui pourrait être
considéré le père ou le grand-père d’un spectacle de succès: le match Matriarcat contre
Patriarcat, mais il semble désormais oublié. S’il avait aussi frappé une fausse monnaie, le
Matriarcat, qui finance le pseudo-féminisme, il devrait être trainé devant le Tribunal de
l’Histoire.
À propos de la Déesse, Merlin Stone parle souvent d’une région que les occidentaux
appellent Moyen-Orient. Les journaux surmonteraient leur crise en publiant Quand Dieu
était femme tous les jours comme un feuilleton. Les justifications de la guerre permanente
au Moyen-Orient sembleraient encore plus ridicules. On arrêterait de répéter des bêtises
à propos d’identités éternelles, de droits historiques et de dogmes religieux, en
découvrant qu’ils furent inventés par le cerveau crasseux de quelques richissimes, pour le
lavage de cerveau de milliards de pauvres d’esprits.
Tous devront admettre que les guerres du Moyen-Orient archaïque furent combattues
pour les puits d’eau fraîche, les verts pâturages, les troupeaux de brebis et de femmes.
Tous comprendront enfin que l’actuelle Guerre de Cent Ans ne concerne que le pétrole,
et la géopolitique purulente qu’il engendre.
Un jour, le Diable Noir sera détrôné par des formes d’énergie propres & pacifiques.
Alors, le Moyen-âge du Moyen-Orient sera suivi d’une Renaissance.
Cette vision est exprimée dans L'U.T.P. – Un changement de paradigme pour le Moyen-Orient.
(Réf. 9)

114
Bonus track 3 – Mars 2018
Un autre Dieu transgenre : Océan
Nous avons parlé de Poséidon - Neptune, Dieu transgenre de la Mer. Que dire d’Océan ?
Le Dieu des fleuves était associé à l’océan qui entourait la terre ; celui qui l’aurait traversé
serait arrivé dans l’outre-tombe. On explique ainsi la prudence des capitaines
méditerranéens et la fortune d’un fou : Christophe Colomb.
Ici, Océan a la suffisance
légèrement condescendante d’un
jeune dandy sorti de chez lui avec le
chapeau de sa maman sur la tête.
Il se tourne vers un passant
époustouflé et admet :
– Oui, en effet, je suis remarquable.
Suivait-on la mode de Londres dans
la Rome du 2e siècle a. J.-C. ? Cette
corne d’abondance à la mode de
Priape est trop comique pour
constituer une usurpation de
pouvoir. Elle mérite une visite à la
collection Farnèse du Musée
Archéologique de Naples. Alessandro Farnese – un Pape – a dû se laisser impressionner
par la puissance virile de la corne d’abondance ; a-t-il remarqué deux personnages
mineurs en bas à droite ? Ce sculpteur romain jouait le jeu de son époque, mais il n’était
pas idiot. Le bras gauche d’Océan s’appuie sur un petit monstre pour l’écraser. Un
enfant potelé – un vrai petit ange – console le Dragon. Certains dessins satiriques sont
complétés d’un détail, en bas à droite.
Depuis Delphes, nous avons souvent rencontré cette pauvre madame Dragon : déguisée
en Python tuée par Apollon ; en Hydre de Lerne tuée par Hercule ; en Monstre tuée par
Persée pour ‘sauver’ Andromède ; en Dragon de Saint Georges, et en Femme de Georges.
Georges, Jojo, un médiocre antihéros, est l’interprète moderne du féminicide.
Voici une deuxième sculpture romaine, presque
contemporaine. Nous avons déjà examiné ce bas-
relief des Travaux d’Hercule. Dans le deuxième
dessin d’une BD en marbre, la bulle dit : L’Hydre
de Lerne est La Femme. Le sculpteur révélait un
secret de Polichinelle, enterré depuis.
Comme les sculpteurs romains, nous devons
jouer le jeu mais en bas à droite, nous pouvons
dénoncer discrètement la confusion instaurée de
nos jours entre madame Dragon et Médée. Pour
se venger du Père, Médée massacre chaque jour
ses propres enfants. Son triomphe est souvent
célébré : certaines sentences des Tribunaux pour
Enfants sont des feuilles de vigne sur la mauvaise conscience de petits hommes
médiocres et sur l’agressivité de femmelettes revanchardes. (12)
Connaître le passé est toujours utile ; parfois c’est une nécessité vitale, urgente.
115
Bonus track 4 – Pâques 2018

Le Nombril & L’Acanthe


Regardons mieux les deux versions de l’Omphalos, déjà commentées à Delphes.

À droite, nous avons un Omphalos pur et simple ; on le retrouve peut-être ailleurs,


ignoré parce que sa forme ne signifie rien à nos yeux. L’Omphalos de gauche est “très
décoré”. Il était placé au sommet de la colonne corinthienne au deuxième plan.
L’Omphalos était élevé par des “danseuses”, comme le Calice est élevé par le prêtre
catholique au moment culminant de la messe : l’Élévation. Trois danseuses émergent de
feuilles luxuriantes comme une seule tige de fleur. Au centre, les trois “doigts” de la
“main” de Myriam, ou de Marie, ou de Fatima, émergent de deux doigts recourbés
comme les feuilles d’acanthe du chapiteau.
Examinons la séquence verticale Chapiteau corinthien + Trois danseuses + Omphalos.
Leur continuité physique n’a été découverte que récemment par Jean-Luc Martinez, expert
d’antiquités grecques et président-directeur du musée du Louvre. (Réf. F) Nous ne
l’avons su qu’après avoir écrit le chapitre sur Delphes, auquel manque cette référence.
Nous voulons mettre en évidence la continuité symbolique entre les trois éléments qui
composent la colonne. Elle nous a semblé évidente après d’autres observations. Peut-
être est-elle trop évidente pour être signalée par les experts qui ont commenté la
découverte de Jean-Luc Martinez. Elle sera formulée ici par un non-expert qui s’adresse
à ses semblables. Si ce que nous dirons n’est pas évident, s’il s’agit d’une nouveauté de
quelque importance aux yeux d’un lecteur expert, nous lui rappelons que certaines
découvertes sont le fruit du hasard. Un touriste ramasse un caillou ; rentré chez lui, il
s’aperçoit que c’est un diamant. Fortuna est une Déesse ; Elle sourit aux audacieux,
comme l’auteur qui essaye de regarder le passé avec les yeux du passé mais en pensant au
futur. Fortuna sourira à qui lira jusqu’au bout.
Selon la tradition, le sculpteur Callimaque créa le chapiteau corinthien avec feuilles
d’acanthe après avoir vu, sur la tombe d’une enfant, un panier de ses souvenirs à l’intérieur
duquel avait poussé une plante d’acanthe. La composition printanière de plante, panier et
souvenirs aurait pu inspirer les Métamorphoses d’Ovide. La métamorphose de cette
enfant ne fut pas une punition divine mais une bienheureuse Renaissance. En ce temps-là,
116
avoir des visions n’était pas préoccupant, ni était-ce curieux que de voir – littéralement
voir – une fleur s’épanouir en une enfant et vice-versa. L’acanthe, émergeant luxuriante
de la terre, prit possession des jouets et des colliers, soulevant le panier : telle fut la vision
de Callimaque. La tradition ne dit pas qu’il entendit aussi une voix, la voix capricieuse
d’une jeune fille en fleur : « j’ai été enlevée et emportée aux Enfers, ce sont des choses qui arrivent
dans la Vie, mais ce qui est à moi est à moi ! »
L’auteur ne se moque pas de la sensibilité archaïque. Dans notre monde rationnel, des
milliards de personnes règlent leur propre vie en fonction de visions et de voix qui
sortent d’un écran ; ils n’ont pas l’air plus malin ni plus heureux que leurs ancêtres.
L’acanthe est une métaphore parfaite de la Continuité de la Vie ; la plante se multiplie sous
terre par ses racines. C’était une plante médicinale utilisée pour soigner des maux communs
et pour conserver les aliments, probablement avant la vision de Callimaque.
Dans la vision de l’auteur, les colliers de la jeune fille recouvrent l’Omphalos “décoré”;
leur disposition suit et suggère le treillis du panier traversé par l’acanthe. Acantho est la
Mère du Soleil, alors que le grec ake indique ce qui a une pointe, qui pénètre. On pense à
une épine, qui donne acacia, mais les pointes de la feuille d’acanthe sont trop modestes.
L’auteur pense que l’étymologie de acanthe provient de sa fleur : au mois de mai, le
bourgeon pointu devient une lance, avant que la fleur n’explose comme un feu d’artifice.

La composition printanière de plante, panier et souvenirs aurait pu inspirer Ovide. Des siècles
après Callimaco, l’auteur des Métamorphoses (L. 13, 685-704) décrira des « feuilles d’acanthe
dorées » ; non pas autour d’un Panier mais autour d’un Vase de bronze, décoré avec les scènes
d’un mythe : sous les murs d’une ville sans nom, des bûchers funéraires se consument.
Sautant hors des braises, deux jeunes hommes renaissent des cendres de deux vierges
héroïques : les « filles d’Orion ». Ce changement de sexe – « pour maintenir vive la lignée » dit Ovide
en souriant – mériterait un commentaire mais nous parlons ailleurs des Dieux transgenres. Ici,
remarquons qu’après leur re-naissance, les deux fils guident le cortège avec les cendres de leur
mère. Gentils garçons. Remarquons aussi qu’autour des braises et des cendres des défunts, il y
a des « femmes aux cheveux ébouriffés avec la poitrine découverte. » Pourquoi ?
C’était l’usage. Surmontant la pudeur, les femmes personnifiaient en public le souvenir
intime de la mère de leur enfance, pour donner corps à la Mère qu’elles invoquaient :
« Mamma mia ! ». Personne ne crie « Papa mio ! ». Aujourd’hui encore, dans certains pays,
117
des femmes sont payées pour crier ces lamentations et “s’arracher” les cheveux : pour
être “décoiffées” comme une maman le matin.
La vision de Callimaque, moins moderne, est plus profonde. Avant de se fossiliser
autour du Vase en bronze d’Ovide et ailleurs, l’acanthe de Callimaque était plante-Mère &
fleur-Fille née de ses propres cendres. Callimaque décrivait La Continuité de la Vie dans la
relation Mère-Fille. Nous la voyons dans la colonne de Delphes ; nous la reverrons dans
une petite ville à deux pas d’Athènes, Éleusis, célèbre pour ses Mystères. Ont-ils été
dévoilés ? Transformés ? Recyclés ? René et Renée sont des noms courants, donnés aux
enfants même par des parents sceptiques.
« .../... mes vers seront lus ; et, si les pressentiments du poète ne sont pas trompeurs, par la gloire dans
toute la durée des siècles, je vivrai. »
Je vivrai, en latin vivam, est la dernière parole prononcée par Ovide à la fin des quinze
livres des Métamorphoses. Comme les Héros, il espérait que la Gloire – une Déesse – lui
concède la continuité vitale parfois appelée Éternité. Son symbole pour Callimaque était l’Acanthe.
« ... si les pressentiments du poète ne sont pas trompeurs ... » L’auteur de ces notes n’est pas un
“poète” ; cependant il a eu un “pressentiment” qui n’a pas été “trompeur”. La vérification
sur une version papier des Métamorphoses aurait duré un an ; quelques minutes suffirent
pour tamiser deux versions en deux langues sur l’Internet.
Sur les 116.815 mots d’un chef-d’œuvre qui parle en long et en large de chaque plante
significative de la Méditerranée – un texte fondamental pour la culture européenne depuis
deux mille ans – le nom d’une plante fondamentale pour la culture Classique, l’acanthe, le
symbole même de la continuité vitale que Ovide décrit dans chaque métamorphose, apparaît
une seule fois : dans notre citation « feuilles d’acanthe dorées ». Ovide ne parle jamais de la
fleur. Il parle des feuilles une seule fois bien qu’elles soient omniprésentes sur les
monuments, sculptures, céramiques, peintures, tissus et partout où l’on regarde. On ne
peut pas dire qu’à Rome la Grèce était passée de mode. Ovide aurait fini d’écrire les
Métamorphoses quand Jésus de Nazareth avait huit ans ; dans un procès pour omission
blasphème de l’Acanthe de la re-Naissance, personne ne pourra accuser le Christ Ressuscité.
Souvent, le mot clef est celui qui n’est pas prononcé. Voici donc un nouveau Mystère, avec
majuscule. On pourrait l’éclaircir en répondant à une question : blasphème pour qui ?
L’auteur demandera des explications en famille. Nous sommes originaires de Secinaro,
sur le Mont Sirente, à 20 km de muletière de la ville natale d’Ovide : Sulmona, la capitale
mondiale dei dragées pour cérémonies de mariage et baptême. Une fois par an, nous
descendions à pied pour vendre trois brebis au marché et payer les taxes impériales ;
nous rentrions le soir même à la maison – ouf ! –, rue de Rome. Tonton Ovide était
surnommé Nasone, Gros-Nez. Son profil est l’héritage dont ses descendants sont le plus
fiers. Pour fouiner et comprendre certaines choses, il faut du nez.
Ovide ignorait-il l’importance de l’acanthe ? Il est plus facile d’imaginer qu’il fut prudent
pour des motifs politico-religieux. On ne plaisante pas avec la religion de l’État ; nous
l’avons vu avec Socrate. Nous n’avons pas de réponse mais dans la famille, une mauvaise
langue murmurait que le nez du célèbre tonton était bouché. Elle avait une dent contre
lui parce qu’elle était une sicinara. Elle dansait comme la nymphe Sicina en l’honneur de
Notre-Dame Déesse, déclassée à Rome en une des nombreuses Déesses : Cybèle. À
Secinaro, toutes les femmes étaient des sicinare. Elles donnèrent le nom au village, plus
tard déformé au masculin par on ne sait quel macho romain.
118
Callimaque traduisit sa vision en un nouveau chapiteau avec feuilles d’acanthe. Il est dit
corinthien, de Corinthe, la ville natale de son auteur.
Question. Dans la colonne de Delphes, pourquoi les feuilles de pierre esquissent-elles
une spirale, alors que les vraies feuilles sont à peine courbées ?
Dans la partie haute de certains chapiteaux corinthiens, on retrouve un autre
thème fossilisé : la double volute du précédent chapiteau ionien. Nous voulons
l’appeler double spirale, parce que nous avons des motifs de penser que son
origine est une autre double spirale. Cette caractéristique fondamentale du chapiteau ionien,
et la feuille d’acanthe recourbée de Delphes, viennent de Malte comme d’autres symboles de
la culture grecque déjà commentés ici. Au cours des siècles, ils sont devenus des
représentations hermétiques de La Vie, c’est-à-dire de Notre-Dame Déesse.
Dans ce chapiteau corinthien, du cœur de la plante d’acanthe
émergent les spirales préhensiles de la plante de pois. Au printemps,
elle rampe et grimpe partout comme un serpent. La cosse
mériterait un développement ; son contenu de semences – les pois –
était représenté avec un réalisme parfait deux mille ans avant
Callimaque. Au centre, une fleur complétait le bouquet. Puis le
chapiteau corinthien se fossilisa lui aussi mais à l’origine, il
représentait l’explosion de la Vie au printemps.
La colonne de Delphes est un feu d’artifice, une fusée à trois étages, un chœur de pierres
qui chantent la ritournelle de la re-Naissance, l’Hymne de l’irréfrénable Continuité de la
Vie. Émergeant de l’Acanthe comme une seule tige de Fleur, trois jeunes filles en fleur
s’élèvent : elles célèbrent l’Élévation du Nombril du Monde. La composition verticale est
caractérisée par une unité non seulement stylistique ; c’est un unique symbole de La
Continuité. La Colonne de Delphes est une symphonie en trois mouvements : « À la Vie ».
Le compositeur pourrait avoir travaillé dans l’atelier de Callimaque.

Notre interprétation de la colonne de Delphes trouve une


confirmation indirecte dans un porte-bonheur de la tradition
méditerranéenne : les “pignes”, de pin. Une mini-colonne – une
coupe – élève une “pigne” qui sort de feuilles d’acanthe. On n’a
jamais vu une telle “pigne” couchée sur des feuilles d’acanthe. Ces
“pignes” sont produites encore aujourd’hui en céramique ou en
ciment. Dans les palais de l’aristocratie, elles sont placées en hauteur
comme des paratonnerres : aux angles des toits, sur les balcons et sur les
colonnes du portail. Dans les maisons plus modestes, elles sont disposées de chaque côté de
l’entrée, comme des gardes armés de magie. On fait cadeau de ces “pignes” de céramique
comme porte-bonheur.
Tout le monde connaît le pin parasol ; rares sont ceux qui recueillent encore les semences
des pommes de pin : de minuscules noisettes ovales qui contiennent les pignons de mille
recettes de cuisine et de pâtisserie. Chez les Grecs et les Romains, les pignons étaient
considérés des aphrodisiaques.
L’amour érotique a-t-il un rapport avec La continuité de la Vie ? C’est ce qu’on dit, mais on
ne le dit pas assez souvent, ou on le dit mal.
- Un exemple ?
119
Une “pigne” gigantesque – un bronze de quatre mètres de haut –
s’élève dans une cour du Vatican. Le Pignone proviendrait du
temple de Cybèle ou d’Isis – les deux hypothèses seraient
conformes à notre interprétation – ou du Mausolée d’Adrien, ou
encore du Panthéon, selon diverses études.
- Un porte-bonheur ? Quel bonheur peut bien porter une pomme de pin ?
Nous le comprendrons en observant que, comme bien d’autres, la
grande “pomme” de pin du Vatican a perdu ses feuilles d’acanthe.
- Pourquoi ?
Nous l’expliquerons plus loin en observant brièvement comment
fonctionne la magie du langage.
Nous voyons ici des “pignes” différentes. Elles sont lisses. C’est un
porte-bonheur traditionnel des Pouilles, en face de la Grèce. Les
feuilles embrassent le bouton de fleur d’acanthe, qui se libère et se
dresse au-dessus de la plante. Cette synthèse entre les deux Omphalos
vus à Delphes – celui qui est lisse et l’autre posé à l’origine sur la
colonne émergeant des feuilles d’acanthes – ne s’appelle pas “pigne”
mais “pumo” ou “pomo”, c'est-à-dire “pomme.” La Pomme d’Ève ?
La tradition populaire est un melting pot.
Le premier artisan qui a créé cette “pomme” a-t-il cédé à un instinct
ou écouté sa Muse ? Quoi qu’il en soit, la tradition authentique a été redécouverte, sans
qu’on se pose la question fondamentale mais interdite à l’école : pourquoi ?
- Pourquoi diable une “pomme”, de pin ou autre, devrait-elle émerger de feuilles d’acanthe qui
caractérisent le chapiteau corinthien et d’autres objets et décorations depuis 25 siècles ?!
Ce doute nous était venu quand, dans une vision éthylique, nous avions vu deux
Omphalos en haut des deux colonnes de Delphes, au portail d’un palais. Les vapeurs
d’alcool ne s’étaient pas dissipées quand nous avons vu une courte colonne élevant un
gigantesque Omphalos au Vatican.
Le mystère s’évanouit en regardant le premier bouton de la fleur d’acanthe dans la
séquence de quatre photos vues auparavant. Le bouton ressemble à l’as de pique, ou à
l’Omphalos lisse ; il se libère de l’embrassade des feuille quand il est “élevé” par la tige.
De même, les trois vestales s’allongent en une unique colonne, pour l’Élévation de
l’Omphalos à Delphes.
FLEUR PIGNE
Malentendu & Révolution
La Fleur-Fille renaissait de la Terre-Mère.
Le Pin-Père renaît de Sa semence et pointe au Ciel.
Dévoilons maintenant le tour de passe-passe qui a fait disparaître les feuilles d’acanthe de
tant de pignes ou “pommes” de pin, comme celle du Vatican où, d’ailleurs, une re-
Naissance est procurée par une autre Élévation pendant la messe.
Magie créatrice & destructrice du langage
Dans leur antre plein de chaudrons fumants, les alchimistes et autres sorcières préparent
des métamorphoses suspectes. Leur sauce tomate serait faite avec une pomme d’or...
L’auteur est trop rationnel pour le croire, même si la chose est confirmée par une vieille
chanson égyptienne : ♫ Chérie je t’aime, chérie je t’adore, comme la salsa del pomodoro.
120
En espagnol, l’ananas s’appelle pigne, comme la pomme de pin. L’ananas pousse sur les
pins ? Bien sûr que non, mais aux yeux des conquistadores qui le voyait pour la première fois
en Amérique, il ressemblait à une pigne de pin, et le nom est resté : piña. La vérification,
souvent incertaine avec les dictionnaires, peut se faire au bar en demandant une piña colada,
qui n’a pas un goût de jus de pommes de pin, à moins qu’on en boive trois ou quatre.
D’autres barbares arrivèrent en Méditerranée ; l’un d’eux aurait pu voir un Omphalos et
l’appeler pigne, terme accepté par qui avait des motifs politico-religieux de faire disparaître
la Fleur d’Acanthe. Cela arrive souvent ; il y a des barbares partout.
Prenez un bouton de fleur, ou un enfant, et donnez-lui un surnom : il ressemble à ceci, à une
espèce de cela... Sous ce sortilège, l’Omphalos devient une pigne de pin et perd ses feuilles.
Et l’enfant ? L’enfant... Il poussera, lui aussi, comme il pourra, modelé par les paroles qui
ont bercé son enfance, pour le meilleur et pour le pire, en commençant par son nom.
Jacques devient James dans l’Angleterre de Shakespeare, ou bien Iago : un nom lourd à
porter, à moins d’être en Espagne où il est vénéré comme Santiago.
Pourquoi trois femmes s’unissent-elles dans la tige du bouton d’acanthe-Omphalos, alors
que suffirait une seule cariatide ? Est-ce pour le plaisir de tourner autour en procession
et de contempler toujours un beau visage ? Une seule Aphrodite Callipyge n’aurait pas
déplu. Le sculpteur avait quelque chose à dire, mais il était prudent. À Athènes, à la
même époque, un autre subversif était mort pour avoir assumé ses propres
responsabilités.
- Où était le risque ?
Vous avez déjà oublié ? Pendant le Banquet, Socrate, à propos de l’Amour, recompose la
Déesse divisée en trois par Zeus avec sa maudite Pomme de la Discorde. En réunissant
Aphrodite & Hera & Athéna, Socrate attaque le fondement du Patriarcat. Répétons-le :
le langage n’est pas innocent, mais quand il est coupable aux oreilles des Censeurs, il est
prudent d’écrire les Mystères en forme de sculptures : les censeurs sont analphabètes.
Combien de prêtres orthodoxes barbus se sont aperçus qu’une matriochka représente
l’axe Mère-Fille ? La poupée plus grande est babouchka, grand-mère ; la plus petite, qui n’a
pas de ventre, est appelée semence. La matriochka se passe du patriarche. Peut-on être
plus blasphème ?
L’Axe du Monde est la continuité Mère-Fille, c'est-à-dire la Vie, qui toujours resurgit
dans la méditation de Callimaque sur la tombe d’une jeune fille. Pour son sculpteur,
quel qu’il soit, l’Omphalos évoque la dernière Séparation & Union avec la Terre. La
Vie en resurgit avec toute la puissance de la Déesse Une & Trine, comme la plante
sacrée de l’Acanthe. Notre nombril est le souvenir physique, qui nous suit toute la
vie, de la première Union & Séparation. Dans la plante sacrée de l’Acanthe –
Feuilles & Fleur – nous voyons de nouveau unies Mère & Fille.
- Mais c’est de la mythologie fiction ! Qui vient d’un autre monde !
Oui, merci : un autre monde. Mais passé seulement ou aussi futur ? That is the question.

« M’man ?... Pourquoi tu mets l’ pain dans un panier et pas dans une assiette m’man ? »
Le Panier plein de jouets de Callimaque semble un écho de la précédente Ciste ou Kyste, la
corbeille avec couvercle qui cachait les objets sacrés des Mystères d’Éleusis. Le contenant, le
panier, la Ciste sacrée, couronnait la tête de Déméter, Déesse Mère de la Terre. La Ciste
couronnait aussi la tête du contenu, la Déesse Fille Perséphone – ou Kora, jeune fille en grec –
121
qui fut enlevée par Hadès et portée sous terre. Plus tard, Hadès enleva la jeune fille dont la
tombe inspira Callimaque. C’était un tueur en série ? Non ; Hadès était le Dieu des Enfers,
et non de la « mort ». Ce qui n’est dit dans aucun langage n’est pas.
Cette « cariatide avec panier sur la tête » (sic) est exposée au musée
d’Éleusis, la cité des Mystères, ou rites. Elle soutient une Ciste,
ou mieux Elle procède au rite de l’Élévation de la Ciste. De même,
l’Omphalos était élevé par la colonne de Delphes. Cette
cariatide pourrait s’appeler Déméter ou Perséphone. Dans les
infinies terres cuites produites par l’industrie religieuse, la Mère
et la Fille ont sur la tête une Ciste basse, comme un prototype
de couronne mais lisse, comme l’autre Omphalos de Delphes.

Le nom Perséphone est expliqué par Socrate dans le Cratyle de


Platon : il signifie « sagesse qui dérive du contact des choses qui
changent. » La sagesse de la mère Déméter fut attribuée à la fille
Perséphone. Aujourd’hui, une continuité mère-fille concerne
l’héritage identitaire : dans la religion hébraïque, on est juif si on a
une mère juive. Il en est de même pour nos nationalités sacrées.
La continuité verticale de la « cariatide avec panier sur la tête » devient l’Acanthe Sacré, pour
Callimaque. Dans l’acanthe au printemps, le sculpteur reconnaît L’Axe du Monde : c’est
L’Axe de la Vie. La continuité mère-fille, le contenant-contenu, évoque La Vie comme Entité
Unique. Une mère et sa fille sont communément vues comme un ensemble statique de deux
personnes. Dans la Vérité du mythe, la mère ne donne pas la vie à la fille sur l’axe de
notre Temps Linéaire. Dans le Temps Circulaire du mythe, Mère & Fille est un système
dynamique, comme Poule & Œuf.
Il s’agit d’un système global, totalisant : Mère & Fille est La Vie.
Dans ce système, la mort n’est pas. Alors pourquoi s’exclamer « O mort, où est ta victoire ? »
comme Saint Paul dans sa première Lettre aux Corinthiens... Aux Corinthiens ?!
- Quelle coïncidente, cher Callimaque ! Et sais-tu d’où il a posté sa lettre, notre Paul
évangélisateur et vagabond ? Il l‘a envoyée d’Éphèse, la cité de Cybèle la Grande Mère, et
d’Artémis dont le corps est recouvert de seins. Paul a failli s’y faire lapider par des enragés qui
criaient « Grande est l’Artémis des Éphésiens ! »
Bien plus tard, grande devint Marie, Mère de Jésus : « Si tu ne peux les battre, fais-en tes alliés. »
Après avoir traversé trois millénaires, mémé Battistina descend du train et pose en
équilibre sur sa tête une valise lourde de cadeaux, trop lourde pour les petits-enfants
venus l’accueillir et l’aider. La gare de Perrache ne lui semble pas un lieu sûr, alors elle
prend la main du plus petit qui en a un peu honte ; aujourd’hui, il a terriblement honte
d’avoir eu honte. Sur le quai, la foule s’ouvre devant l’apparition qui avance : deux
chaussures noires dépassent à peine de la robe noire ; un voile noir, épais, tenu fermé sur
un visage par une bouche, fait un coussin à La Valise Noire. La Déesse défile à Lyon sur
la passerelle de l’Histoire, avec l’allure et l’élégance d’un mannequin de Paris.
Enfant, elle descendait de son village perché et rejoignait la fontaine dans la vallée, pour le
ravitaillement quotidien. Une esclave ? Le langage n’est pas innocent et il produit ce que l’œil
veut voir. Les vestales chantaient en procession, remontant au village avec sur la tête la
Conca de l’Eau, comme Nout la Déesse égyptienne. Mais à Lyon, dans sa nouvelle maison,
122
notre père organisa une fête quand il apprit que grâce à la Magie Blanche du Tube, une
Fontaine Miraculeuse jaillissait dans chaque maison de Secinaro. Sa vision aussi était juste.
Perséphone devient Proserpine pour les Latins. Son nom est lié au verbe proserpere,
“pousser” comme une plante : une métaphore classique de la Vie. Cependant,
Proserpine était crainte des Romains comme des Grecs.
Une plante qui pousse fait peur ? Cela dépend des associations d’idées. Proserpine est un
nom de femme : dans pro-serpere, un Romain voyait une plante grimpante qui rampe
comme Le Serpent, biblique pour nous, mythologique pour les Romains et les Grecs. Ils
avaient moins peur des vrais serpents que des serpents mythologiques. Ils avaient besoin
de Héros pour se défendre du Dragon ; nous l’avons vu avec Hercule et les autres.
Socrate au contraire, dans le Cratyle, nous invite à ne pas avoir peur de Perséphone -
Proserpine. Il était grec, mais il avait été éduqué à l’Amour par une femme, Diotime, et il pensait
avec sa propre tête. Il ne vivait pas sous le joug des mythes de l’Olympe et de la Genèse.
À Secinaro, on ne danse plus avec la nymphe Sicina en honneur de la Déesse. Mais dans
les environs, les serpari restent fidèles à la Déesse Serpente. Au printemps, ils portent en
procession des grappes de serpents vivants et inoffensifs autour du cou. Mais ils sont
prudents ; ils disent qu’ils le font en l’honneur de Saint Dominique.
Le Panier sacré, ou Cista, se retrouve ailleurs, toujours lié à la Vie qui émerge avec une
puissance irrésistible, en particulier dans les rites dionysiaques. La Cista était pleine de
connaissances secrètes et sacrées qui disparaissent quand on les formule. Les mystiques
disaient que Dieu disparaît quand on prononce Son nom. Ils écrivaient le moins possible,
ou pas du tout. Très différent d’eux, l’auteur désire écrire encore un peu : de colonnes et
de femmes, de vases et paniers, de nombrils et serpents...

La partie de la colonne formée par Trois Femmes est semblable à


la Colonne des Trois Serpents, elle aussi à Delphes. Chacune des deux
colonnes élevait un objet très significatif : un Nombril-Panier et un
Ventre-Vase, ou bassin votif.
Pouvons-nous aussi établir une équivalence entre Trois Femmes et
Trois Serpents ? Oui. Loin de la Genèse, l’association Femme / Serpent
était commune et avait une connotation positive, reflétée dans le Serpent
de Moïse et le Caducée d’Hermès.
Ce bâton vertical magique signifiant Connaissance & Sagesse & Guérison
& Vie exprimait les qualités de la Déesse primordiale, détrônée mais
encore active dans la clandestinité.
Aujourd’hui, le Caducée est le symbole de la science médicale et
pharmaceutique, renforcé par un autre bâton vertical magique : la Croix.
S’agit-il d’une plaisanterie blasphème ? Bien sûr que non. Nous faisons
juste un peu de sarcasme à propos de la science des marchands qui
vendent l’opium au peuple.
Mais voulant être positif, disons que nous avons dévoilé le double
symbole d’un syncrétisme millénaire. On lit Caducée et Croix, on prononce Déesse &
Dieu, Femme & Homme, Marie & Jésus... Dommage qu’il ne soit pas utilisé comme
enseigne d’une auberge mais d’un bazar.
Au fond, c’est peut-être juste ainsi : le consumérisme est la nouvelle religion.
123
Considérant le contenu symbolique de la colonne des trois danseuses, nous souhaitons
l’appeler La Colonne de la Vie. De part son thème et sa datation, nous aimons l’attribuer
à Callimaque en personne.
Notre interprétation ne veut pas ôter à la vraie pomme de pin sa valeur de bon augure :
de ses petites graines émergent des arbres majestueux. Quand on aime un arbre, on
l’embrasse, discrètement. Certains, moins discrets, expliquent qu’ils le font pour se
charger de l’énergie de l’arbre : ils l’utilisent comme prise électrique.
Quand Callimaque sculptait l’Acanthe, énergie était un mot grec qui signifiait force vitale. Il
fut un temps où une fleur, un arbre, étaient un miroir ; on y contemplait sa propre vitalité
qui vibrait en harmonie avec la vitalité de l’arbre, de la fleur. C’était un beau concert, l’union
de deux voix : deux vies devenaient La Vie.
À partir du 19e siècle, l’énergie est la force qui produit du travail. Elle réside dans la
puissance d’un moteur à vapeur : le corps & âme du matérialisme industriel. Depuis, l’énergie est
devenue une priorité absolue, un facteur géopolitique plus important que La Vie. Amen.
Dans un tel panorama historique et international,
comment s’étonner que tous voient une chose qui n’est
pas: trois épis de blé sur l’emblème de la Sicile. Qu’il y a-t-
il de plus important que le blé dans la vie ? La V... ?
- La vue ?
Voyons voir. Bien sûr, Déméter, Déesse de la fertilité
selon certains, a un rapport avec le blé. Mais ce visage
serait celui d’une Gorgone : Méduse.
- Les épis sont les serpents sur la tête de Méduse ?
On y est presque ! Nous avions signalé au début que Méduse
en grec signifie Protectrice. Méduse est, et protège, la V... ?
- Les épis de blé !
Bon, recommençons. Nous avions dit que Persée n’est pas un Héros féminicide quelconque
comme Hercule ou Saint Georges. Persée est Le Matricide qui a mérité notre couverture.
Dans certaines versions du mythe, Hermès donne à Persée la Faucille Adamantine...
- Persée coupe la gorge du blé avec sa faucille ?!
Exact ! Comme la Mort avec sa Faux. Mais ceux qui répètent les yeux fermés qu’il y a
des épis de blé sur le blason de la Sicile devraient les ouvrir sur un champ de blé mûr et
se demander : où est la ressemblance ? Dans l’Empire Romain, la Sicile était un grenier à
blé ; elle l’est encore. Nous inviterons un paysan à la conférence pour qu’il enseigne aux
docteurs de l’Académie comment est fait un épi de blé.
Non, s’il vous plaît, ne citez pas la Loi n° 1 de la Région Sicile du 4 janvier 2000. Elle
ouvre le troisième millénaire en instituant le drapeau et l’écu « con il gorgoneion e le spighe »,
avec le gorgonéion, image d’une gorgone, et les épis.
Deux mots. Deux mots seulement pour décrire l’âme de la Sicile : le mot savant est
trompeur, comme d’habitude, mais pour une fois le mot populaire est trompeur aussi.
Remédions de suite.
Libérons-nous de l’horrible gorgone en résumant la deuxième partie du récit. De nombreux
mythes racontent une révolution sociale archaïque – le passage de la Civilisation de la
Femme au Patriarcat – comme s’il s’était agi d’une conquête coloniale, avec ses peurs
ancestrales. L’Ordre fut imposé au Chaos : la Nature Sauvage Femme fut soumise et
124
civilisée par le Héros. La Gorgone fut une des formes de la Femme et Mère ; d’autres
épouvantables monstres primordiaux furent associés à la Terre et à l’Eau d’où ils sortaient :
le Dragon de la Caverne, le Léviathan de la Mer, etc.
Nous trouvons une confirmation dans le langage, dans ses strates, dans ses fossiles.
La Terre-Mère peut-elle susciter la peur ? Selon Giacomo Devoto, l’étymologie de terreur
remonte à terre au travers de la racine TER qui renvoie à trembler. En Méditerranée, il est
facile de penser au tremblement de terre.
Conclusion sur la gorgone des armoiries de la Sicile. L’artiste qui a transformé l’horrible
monstre en ce joli petit visage a bien fait : c’est plus juste ainsi, c’est plus philologique. La
plante aussi est représentée fidèlement. Hélas, elle est trahie par le Verbe de la Loi : épis.
La question est beaucoup, beaucoup plus sérieuse. Voulons-nous y réfléchir un
moment ? On se concentre mieux les yeux fermés. Voulons-nous y penser les yeux
fermés, jusqu’au prochain mois de mai, et les ouvrir sur les fleurs de... ?
Mais normalement, les gens n’ont que peu de temps, et aucune raison d’aller à la
conférence académique s’ils ne font pas partie du club. Dans ce cas, ils peuvent observer
la prochaine photo. Elle a été prise dans une cité grecque de l’époque de Callimaque, au
sud-est de l’Etna. Dans le prologue, nous avions récupéré les yeux d’un enfant qui,
regardant le cortège, exclame : l’empereur est nu ! Cet enfant voit l’Habit fabuleux de la
Déesse, omniprésente en Sicile au Printemps.
Dans le parc archéologique de Morgantina, le solitaire Gardien du Phare présenta ses
excuses : il n’avait pas eu le temps de couper l’herbe. Occupé qu’il était à nourrir les
chiens perdus, il avait l’air trop bon pour manier la Faucille Adamantine.
Espérons que bientôt, la Loi de la Sicile
interdira de couper « l’herbe » ici, afin que
chaque visiteur puisse se faire une idée du
monde archaïque au Printemps. En une
coudée de Terre qui vibre de bonheur et ne
tremble à faire peur que rarement, on trouve
Le Trésor de la Déesse de la Vie :
- Un bouton d’acanthe surgit et s’élève,
irréfrénable, pas jaloux du tout de ses
feuilles plus célèbres.
- Un épi de blé sauvage se penche pour
être sur la photo.
- Les fleurs du pois sauvage. Il ne faut
pas sous-estimer une petite fleur dans un
contexte mythologique : à Delphes, en
arrière-plan de l’Omphalos lisse, le mur-
Fleur a résisté à mille tremblements de
terre. Les fleurs du petit pois sont un
baume pour le cœur, mais l’auteur
comprend qu’on puisse préférer la cosse.
- Les mains du petit pois, ou spirales
préhensiles.
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* * *
(Bonus Track 4 – Pâques 2018) Insert de mars 2019
Cet objet mesure une dizaine de centimètres de hauteur. Comprend-on
ce qu’il représente ? Oui, pour le lecteur qui vient d’observer une plante
de pois. Non, pour deux grands archéologues qui furent les premiers à
découvrir des objets semblables.
Est-ce important ? Oui, mais pas pour l’objet en lui-même.
Nous devons examiner le motif pour lequel encore aujourd’hui, les
experts n’en savent pas autant que les lecteurs d’un récit de voyage
moins influencé par les soi-disantes disciplines scientifiques que par
l’humanisme.
Schliemann était sûr d’avoir découvert Troie; qui peut en douter. Paolo
Orsi, ignoré par les publications à sensation, découvrit de vraies
merveilles : les portillons de pierre de Castelluccio, près de Syracuse.
Deux fondateurs de l’archéologie “moderne” ne pouvaient pas
reconnaître une simple cosse. Dans 5.000 ans, si elle ne change pas,
l’archéologie ne saura pas expliquer pourquoi, dans les dessins de notre
20e siècle, le croisé baisait son épée en forme de croix alors que le cow-
boy ne baisait jamais son revolver, et pourtant tous deux tuaient les
indiens pour coloniser le West et l’Est.
Nous ferions donc mieux d’écouter un lecteur :
- Ce ne sont pas des perles, ni un collier, c’est une cosse, l’esprit de la Cosse, le totem-Cosse...
Bref, c’est des petits pois.
Un totem ? Le Conservateur du musée Paolo Orsi de Syracuse doit le penser parce qu’il
l’expose en verticale. Dans sa vitrine, une pierre dressée, un menhir, un obélisque, un
gnomon projette son ombre pour nous dire l’heure qu’il est. La cosse est debout ; les
petits pois nous regardent droit dans les yeux et nous demandent :
- Qui êtes-vous ?
Nous avons compris l’objet en le libérant de sa cage. D’un cadre plus vaste émerge une
nouvelle vision. En un flash, ce produit d’une pensée archaïque a illuminé le principal
produit de la pensée “moderne” : un nouvel être humain, et son malaise. Une rêverie nous
racontera l’origine de la cécité de Schliemann, de Orsi et, à ce que nous en savons, de
leurs collègues jusqu’à nos jours.
L’archéologie “moderne” distingue les âges et sépare les cultures. C’est logique : la division
est le paradigme de la “modernité”, à commencer (ou à finir ?) par la division scientifique
du travail. Les Temps Modernes est un film, un récit mythologique du présent. Charlot
souffre parce qu’il serre un boulon à la chaîne de montage. Quand le rythme accélère, il
devient fou. Les humains comme lui étaient le fruit de la pensée “systémique” – on dit
aussi “holistique”– alors que son contraire, la pensée “linéaire”, a créé la chaîne de
montage et son produit le plus utile à l’économie néo-industrielle : l’homme “moderne”.
Chaque jour le nouvel homme doit être son propre boucher, sélectionner les pièces de
viande de première qualité, ignorer le reste et renoncer à son propre Tout qui était vivant.
Il souffrirait moins en acceptant, comme beaucoup, de n’être qu’un morceau de lui-
même : une pièce de viande à l’étalage, en vente, de moins en moins fraîche, jusqu’à la
prochaine crise du marché quand personne ne l’achètera plus et les vers commenceront à
grouiller.
126
L’archéologie ne reconnaît pas la cosse du petit pois parce qu’elle la regarde dans une
cage, une vitrine de musée : la chaîne de montage du passé. Si elle la libère, et se libère,
l’archéologie verra un objet sacré à la Déesse, au Printemps, à la Vie telle qu’elle était ;
elle verra l’Histoire de l’Humanité. L’archéologie verra-t-elle aussi notre présent ?
Examinant le chemin parcouru, conseillera-t-elle un choix entre les futurs chemins
possibles ? Bien sûr que non ! Ce n’est pas son boulot, ni son boulon, à la chaîne de
montage académique. Le passé n’est pas présent, la jeunesse ne fait pas partie de la
vieillesse. Ce qui fut n’a aucune importance pour nos jours ni pour demain.
- En effet, ils ont coupé les financements pour la recherche ; le peu qui reste ira aux musées qui
font partie de l’industrie du tourisme et du spectacle.
- Allons bon ! Vous vous étiez aperçu que... Savez-vous pourquoi ? Quel est le fond de la question ?
Quand il commence ses fouilles, l’archéologue élimine les fleurs, les mauvaises herbes et
la terre : ce qui est vivant ne le concerne pas. Il ne s’occupe pas de botanique. Certains
inventent une nouvelle “discipline” – une de plus ! – comme l’ethnobotanique mais
personne ne renonce à sa propre discipline qui est, littéralement, un “point de vue” qui
empêche le spécialiste de voir l’objet entier. Après, dans les congrès, on parle d’approche
inter ou trans ou pluri disciplinaire. On tait l’évidence : l’objet de l’archéologie fut une
réalité vivante, et il est impossible de recomposer une réalité vivante comme on construit
une automobile à la chaîne de montage. Un tel processus mental n’est pas humain.
D’ailleurs, aujourd’hui, les automobiles sont assemblées par des robots.
Un processus mental que tout le monde utilise chaque jour est oublié au travail... Non,
travail est devenu un vilain mot, il faut dire “dans la vie professionnelle”, qui n’est pas la
Vie. Dans les congrès, les spécialistes n’examinent pas une réalité vivante ; ils encensent
une Idole, une Discipline. Dans un congrès, chacun pense à sa propre carrière, de prêtre
à Grand Prêtre, et personne ne parle d’approche métadisciplinaire parce qu’elle n’existe
pas et n’a jamais existé.
Certains sentent, voient, signalent un danger mais tous continuent comme au 19e siècle,
quand le système “école & industrie & pensée” fut organisé comme une seule chaîne de
montage. À l’époque c’était logique, pour rejoindre les objectifs de ce temps-là, quand on
avait des objectifs clairs, et pas la moindre idée de leurs conséquences. À quoi sert
l’Histoire ? Si elle n’est pas capable de voir des futurs possibles et de choisir le meilleur ou
le moins pire, à qui sert la Philosophie ? À personne, depuis que ces deux dimensions de la
connaissance et de l’être ont été réduites à des “disciplines” distribuées à heure.
Donc ils ont bien fait de les éliminer de l’école-industrie encore active en notre siècle
postindustriel. (Réf. n° 1)

Quelle belle coïncidence ! Paolo Orsi a trouvé l’objet de la photo en un lieu appelé
Carrière de la Dame, à Castelluccio, près de Syracuse. Le grand archéologue nota sa
ressemblance parfaite avec des objets que Schliemann venait d’extraire des fouilles de
“Troie”. Identifiant l’objet par sa matière, ils l’appelèrent en italien osso a globuli et en
anglais bossed bone plaque : plaques d’os bosselées. (Réf. I)
Dans 5.000 ans, notre civilisation sera connue grâce à un objet en or vénéré comme
symbole algébrique de l’accumulation de richesses : une croix. Attribuer une certaine
valeur à la matière d’un objet peut en fausser l’interprétation. Cette erreur peut porter à
une vérité plus grande, ou à un contresens.
127
L’os, un symbole de mort pour notre temps, empêcha Schliemann et Orsi de voir
qu’alors, la Vie renaissait de l’os lui-même. À quoi sert un spécialiste ? Par exemple à
nous dire à quel animal – ours, humain ou autre – appartenait cet os, entaillé “à pois”
pour protéger la vie de l’artiste ou de son client, et pour garantir la vie prochaine,
logiquement, avec Le Porte-bonheur de La Vie.
- C’était l’équivalent de la Croix ?
- Peut-être, pour ceux qui la porte au cou ; pas pour ceux qui la porte sur l’épaule.
Un spécialiste est utile, mais s’il ne creuse qu’en verticale et jamais de façon latérale comme
la pensée prémoderne, ses collègues moins obtus cueilleront les fruits de son travail.
Dans cette cosse sculptée, les pois sont 12 ; est-ce un nombre significatif ? Peut-être,
mais dans d’autres cas les pois sont moins nombreux, se rapprochant du modèle naturel.
Ou bien ils sont plus nombreux, peut-être pour une raison pratique, comme s’il s’agissait
d’un boulier, ou pour une magie non-mathématique : chapelet, misbaha, komboloï...
Deux “yeux” donnent un visage à certains pois. D’autres ont une seule cavité; un
nombril ? D’autres encore sont lisses comme les œufs en pierre du temple de Mnajdra,
mais moins ronds, légèrement aplatis, comme de vrais pois tassés dans la cosse mûre
quand elle est sur le point d’exploser et de répandre sa charge de Vie.
Des cosses semblables ont été trouvées à Troie, Lerne, Castelluccio, Tarxien... mères de
nombreux cousins qui furent divisés par des pères autoritaires, les États modernes :
Turquie, Grèce, Italie, Malte... Il y a 5.000 ans, la Mère Méditerranée n’avait pas encore été
dépecée, donc Elle ne pouvait pas être « unie » par le commerce comme disent certains
archéologues. Ils ne se lassent pas de découvrir les preuves de communication archaïque,
sans doute parce qu’ils habitent dans un immeuble où les voisins ne se parlent pas. Ils
devraient savoir que s’ils vont en voiture de l’université au supermarché, d’autres peu de
temps avant traversaient normalement l’Europe à pied, pas seulement pour les pèlerinages,
et ils n’avaient même pas leur baccalauréat.
Sans le vouloir, ces archéologues démontrent que les croyances actuelles sont absurdes,
mais ils oublient d’indiquer leur origine : la transcendance de deux idées modernes – la
Nation et le Progrès – qui engendrèrent le racisme culturel, qui produit des scènes tragi-
comiques : « Regardez ! Je suis un Ph. D. et pourtant j’ai du mal à faire du feu avec deux silex, donc
les Troglodytes n’étaient pas des imbéciles. »
Il se sent supérieur ; il se croit évolué. Ce “Docteur” en “Philosophie” confond une idée du
début du 19e siècle – l’évolution – avec une idée différente qui mûrit cinquante ans plus tard
dans l’esprit de Darwin : la sélection naturelle.
Les espèces ne vivent pas, n’évoluent pas ; certains individus le font pendant leur vie. Une
espèce, un groupe, ne change et résiste qu’au travers d’individus qui résistent en s’adaptant
& en changeant, pour le meilleur et pour le pire, ou bien l’espèce, le groupe disparaît avec
eux. L’évolution de l’espèce est une illusion d’optique. La notion même d’espèce serait à
revoir. Pour lui enlever un relent vaguement totalitaire, espèce avait été associée à évolution,
qui a le même goût à la fraise de progrès, la même démarche linéaire, modérée. La Vie est
révolutionnaire, et anarchique.
- Encore la question onto-épistémologique ?!
- Oui, bien sûr, mais avec le sourire.

128
Si un Ph. D. prend en main deux silex pour allumer un feu, une étincelle changera-t-elle sa
façon de penser, ou s’écrasera-t-il les doigts ? L’extinction de cette espèce de Ph. D. ne sera
pas causée par un astéroïde venu du ciel mais par une panne de courant qui durera un hiver.
Ce Ph. D. n’a pas lu ou pas compris la valeur universelle d’une célèbre pensée de Camus sur
la Guerre Civile : « C’est en Espagne que ma génération a appris que l’on peut avoir raison et être vaincu,
que la force peut détruire l’âme et que, parfois, le courage n’obtient pas de récompense. »
Vae Victis, malheur aux vaincus, à ces vaincus. Leur âme noble ne fut pas victime d’une
évolution ni d’un progrès, mais d’une forme de sélection naturelle qu’on appelle la guerre.
L’archéologie semble ignorer que notre idée de commerce est “moderne” et donc fruit de la
division, comme la guerre. Il fut un temps où l’on comprenait pourquoi marchandise,
commerce, merci, ont la même étymologie que Mercure, un Dieu “moderne”. Le Messager
avait une mission : ré-Unire ceux qui furent séparés. Mais il est aussi vrai que peu avant,
quand il s’appelait Hermès, il avait aidé à diviser la Déesse en trois – nous l’avons vu –
avec la Pomme de la Discorde. D’ailleurs Mars aussi divise et unit, mais à sa façon.
Avant ces Dieux, et depuis toujours, la Méditerranée était un grand parc avec des villas :
une copropriété de luxe. On s’y rencontrait pour quelques querelles et de nombreuses
fêtes où chacun apportait une spécialité à goûter ensemble ou à échanger, avec la recette.
La Méditerranée était un espace open source.
Selon trois chercheurs de l’Université de Grenade, une analyse spectrographique indique
que l’unique ornement trouvé dans une grotte “sépulcrale” de l’Andalousie est une
ambre arrivée de Sicile dans le quatrième millénaire a. J.-C., soit 2.000 ans avant les
grandes pyramides d’Égypte. (Rif. J)

Résumons 14.000 années en 7 lignes. L’Harmonie de la Déesse fut dérangée par la


surproduction agricole et industrielle. Puis Hermès devint Mercure qui se recycla comme Agent
de Commerce. Ce charlatan avait pour collègue un Dieu moins bavard : Mars. La guerre est la
continuation du commerce par d’autres moyens. L’épée de Mars touillait le bouillon de culture
dans le melting pot. Un réfugié troyen devint le père fondateur des Latins. En ce temps-là, la
Méditerranée était un système ouvert, vivant... comme aujourd’hui. Sauf que maintenant Mars a
mieux qu’une épée, et en échange de sa marchandise Mercure veut ton âme.

Les peuples archaïques aimaient la plante de pois. Ses


spirales préhensiles, mélangées aux feuilles d’acanthe,
arrivèrent jusqu’à nous dans la colonne corinthienne
et de mille autres façons. Personne ne voit plus les
spirales parce qu’elles sont de partout, comme dans
cette porte en fer forgé. Si on tape “porte en fer
forgé” sur un moteur de recherche, on note que la
plupart ont des spirales semblables. Elles furent un
symbole de la Déesse, c'est-à-dire de la Vie.
Les spirales du pois étaient un thème “religieux”
prépondérant ; elles sont restées un thème
“décoratif” important, pour on ne sait quelle raison.
Les cosses par contre ont disparu.
Nous verrons pourquoi.
129
Les gens aimaient cette plante qui naît, pousse, grimpe, fleurit, produit une semence
délicieuse à la forme parfaite, avec laquelle elle se reproduit sans apport extérieur, en pleine
autonomie. En notre langage “moderne” fait de concepts divisifs, disons que la plante de
pois doit être apparue comme un être sacré, un esprit, une puissance, une divinité. La
cosse était La Partie qui représente Le Tout : la Déesse, la Vie. Mais qui découvrit que la
Déesse n’était pas autonome ? Encore un savant fou ? Ce sorcier aurait considéré la cosse
comme un attribut viril, après avoir eu la vision de l’indispensable semence masculine. Il
aurait ainsi transformé le Pois de la Vie en plante hermaphrodite, fils & fille d’Hermès et
d’Aphrodite, comme Eros à l’origine. Ce serait du cerveau d’un shaman, embrumé par
quelque plante hallucinogène, qu’auraient émergé d’étranges divinités de sexe masculin.
Puis, accouplements et querelles mélangèrent et divisèrent les divinités majeures des
mineures et des humains, animaux et plantes, selon une hiérarchie absente dans une
conscience primordiale dont les lambeaux survivent de nos jours.
Les spirales préhensiles du pois se fossilisèrent en différents objets ; les cosses
disparurent pour au moins deux raisons conjointes : la quantité disponible et la valeur
perçue. L’abondance transforme tout symbole transcendant en pacotille. L’idée qu’une
cosse puisse représenter la Vie nous semble ridicule parce que nous achetons les petits
pois en boîte.
Il y a quelques siècles, une nouvelle plante transcendante arriva des Indes américaines : le
haricot. La plante du haricot elle aussi naît, pousse, grimpe, fleurit, produit une semence
délicieuse... mais nous avons aussi oublié la transcendance du Haricot. Ce Dieu aussi est
mort ; il a été enterré dans une boîte de conserve.
Les haricots – si bons, si beaux, si parfaits ! – étaient dignes de former le chapelet avec
lequel la paysanne priait non pas Dieu mais Déesse, non pas le Seigneur mais la Dame
qu’elle appelait Madone. Pour les humbles, les autorités suprêmes au Palais du Ciel étaient
nombreuses, et il était conseillé de faire à toutes la révérence. Mais en cas de besoin, la
Dame semblait mieux disposée, et c’est pour d’adresser à Elle correctement que fut inventé
le Saint Chapelet. Le curé n’hésita pas à bénir ce chapelet fait à la maison, dont chaque
haricot magique était une prière. Aujourd’hui, si la paysanne prie encore, elle utilise un
chapelet de perles en plastique.
Pour un seul haricot, un enfant donna toute sa richesse : la jeune vache qui le nourrissait
chaque matin de son lait. Le haricot, jeté par la vieille mère en colère, germa et poussa
jusqu’au Ciel où l’héroïque enfant vainquit l’Ogre et rentra chez lui avec le trésor de son
innocence.
Tous les enfants s’émerveillent devant un autre haricot magique. Il dort sur un coussin
de coton humide. Un beau jour il s’éveille, son ventre gonflé s’ouvre comme un livre de
fables d’où sort un drôle de petit bonhomme sans tête mais avec deux grandes oreilles.
Ses petits pieds pénètrent dans le coton alors qu’il pousse, pousse... comme tout enfant,
qui finit par oublier.
Aujourd’hui, les fleurs se mettent encore dans les vases mais personne ne sait plus qui
sont les Fleurs, qui est Le Vase, qui est L’Eau.
Personne ? Quelqu’un redécouvre, à un âge plus ou moins avancé, le trésor de son
innocence : il ne voit pas les habits neufs de l’Impératrice quand elle apparaît, nue. Alors
que l’auteur écrivait cet ajout sur la cosse du petit pois, en mars 2019, une agence de
presse italienne signala la découverte évoquée auparavant : un ambre qui voyagea de la
130
Sicile à l’Andalousie il y a 6.000 ans. Examinant les publications des trois chercheurs,
l’auteur fit une “découverte”. Comme il l’avait imaginé au paragraphe Les perles, le collier et
le Fil, et au chapitre Sieste sur un vol low cost, écrit en 2017, d’autres que lui ont vu la Déesse
Nue. D’autres avant lui ont décrit, en vain, certaines constructions néolithiques comme
représentations du vagin et de l’utérus.
Rafael Mª Martínez-Sanchez émettait prudemment cette hypothèse dans un essai publié
en 2008, développant un de ses travaux d’étudiant de 2003. (Tiempo circular y
ancestralización entre el IV y III milenio antes de nuestra era. Propuesta de lectura interna de un
sepulcro de cámara y corredor en el mediodía peninsular. - Réf. K).
En 1955, alors que la moindre pierre dressée était décrite comme un symbole phallique,
alors que l’expression Terre Mère était une banalité, un certain Do Paço avait dessiné une
« tombe hypogée » de Cascais, au Portugal. Elle est si semblable à un vagin avec utérus
qu’il semble impossible de ne pas les reconnaître dans un tel contexte. Le dessin de Do
Paço, reproduit dans l’essai, illustre à la perfection la vision du jeune Rafael. Le plus mûr
Martínez-Sanchez minimise son interprétation comme « proposition de lecture ». Par
contre il n’hésite pas à appeler « sépulcre » la réalité magico-gynécologique qu’il décrit :
così fan tutte.
Martínez-Sanchez décrit aussi un cercle de pierres : la “tombe hypogée” XVI de la
“nécropole” de Los Millares en Andalousie. Elle est en tout point semblable à la “tombe
hypogée” de Murgia Timone dans les Pouilles, en Italie. Bien qu’il s’agisse d’un cercle de
pierres / avec un couloir pour entrée / orienté au Levant, l’essai ne signale pas
Stonehenge. Il ne veut pas choquer les Druides New Age : la comparaison avec d’autres
cercles de pierres les vexerait parce que les leurs sont plus grosses. La taille compte. Ils
distinguent, analysent, divisent. Ils discriminent les petites pierres des grosses ; ils séparent
les humains hauts et blancs d’autres êtres bas et noirs : les pygmées sont des martiens verts
brulés par le soleil. Nationalisme & racisme s’unissent à la perfection en une
caractéristique de la science “moderne” : la division.
Les druides de l’opérette de Stonehenge n’ont raison que sur un point : ils disent que leur
cercle de pierres forme un “temple”, non une “tombe”. En effet, la notion de “mort” ne
pouvait pas exister dans le Temps Circulaire signalé dans le titre de l’essai de Martínez-
Sanchez. Immergé comme nous sommes dans notre Temps Linéaire, il serait plus juste
de dire que dans le Temps “Circulaire”, ce qui revient, c’est la Vie.
Mais quelle vie ? Pas la nôtre, finie comme notre temps. Que serait la vie, sans la mort ?
Si nous nous immergeons en ce temps que nous appelons circulaire, notre notion de
“temps” disparaît aussi. En ce temps, la Vie “est”, mais sans être reconnue comme “vie”,
puisque dans le Temps Circulaire, la “mort” n’est pas. Que reste-t-il, donc ?
- Allez ! Tu l’as sur le bout de la langue... vas-y, dis-le : la Vie... Éternelle !
Et oui ; tu parles d’un cadeau ! Quand surgit l’insupportable conscience de tant de
merveilles printanières, il fallut les justifier par les divinités. Elles donnaient beaucoup,
elles donnaient tout, mais elles aussi avaient des exigences.
Une dégénérescence de cette vision aurait porté à des rites étranges, monstrueux pour
certains d’entre nous : les sacrifices humains. Une condamnation à mort est acceptable, de
temps en temps, pour maintenir l’Ordre, Cosmique ou tribal, mais si les sacrifices humains
deviennent trop nombreux, ils affaiblissent la communauté qui les pratique. On
131
expliquerait ainsi la prédominance historique de communautés moins sanguinaires, du
moins vis-à-vis de leurs propres membres. C’est Abraham qui nous l’a dit.

Partout furent construits les Cercles Magiques de la Vie, constructions mégalithiques et


humbles cabanes. La Vie en sortait par un couloir monumental ou par une simple porte,
“sacrée” comme le Cercle lui-même, comme le Foyer lui-même.
Partout, on représentait la Source de Vie ; nous l’avons reconnue dans le “bouclier en
forme de 8“ de Mycènes et Crète. Partout ensuite, elle fut cachée. Dans l’Europe du
Moyen-âge, une représentation populaire était restée trop explicite. Pour la misogynie et
la sexophobie pseudo religieuses, elle représentait un péché
spécifique et le Mal en personne. On le dit encore aujourd’hui
d’autres pierres qui avaient été taillées pour protéger châteaux et
cathédrales par une magie populaire archaïque.
D’ailleurs, le peuple continua d’accueillir cette Source de Vie. Les
Irlandais l’appelèrent Sheela-Na-Gig.
Qui a lu notre chapitre sur les labyrinthes comprend pourquoi ces
pierres étaient souvent placées près d’une “porte” ou d’une fenêtre “à
meurtrière”. La vision est confirmée par son nom irlandais. Sa
traduction plus probable est amusante : la Sheila aux seins. On parle
d’autre chose mais on se fait comprendre, si on dit le Priape au nez. De
nombreuses photos de Sheela-Na-Gig authentiques se trouvent sur la
toile ; les plus mauvaises imitations sont en vente dans les sex-shops.
Partout nous avons vu les “temples” de la Déesse Nue, et remarqué que partout on les
appelle “tombes”. Une telle bévue n’aurait aucune importance si elle ne concernait que le
passé. Dans le Préambule, nous avions précisé que si nous nous sommes décidé à raconter
notre parcours, c’est pour une seule raison : comprendre son importance aujourd’hui &
comment nous sommes devenus aveugles & où nous allons les yeux fermés.

L’excellent et très sensible chercheur espagnol, sans doute encore trop jeune pour défier
tout seul les fossiles de l’Académie, chercha et trouva de nombreux alliés. La
bibliographie qui conclut son essai est remarquable mais, comme pour toutes les
bibliographies, dix essais ne suffiraient pas à préciser le contenu de chaque œuvre
évoquée. Il cite Marija Gimbutas ; elle aussi aurait remarqué la forme gynécologique de
ces “tombes”, évidente pour qui n’est pas aveuglé par la morale victorienne et par le
conformisme. Tellement évidente que la question fait partie du Quiz pour guide
touristique qui termine notre récit.

Nous n’avons aucun doute : un jour, Martínez-Sanchez sera considéré comme un grand
archéologue espagnol, mais il minimise sa vision. C’est l’usage dans les académies ; la
modestie est une qualité des forts, ou un truc pour apparaître fort. Dans ce cas, un futur
grand archéologue exprime une modestie authentique mais il le fait à propos d’une délicate
question épistémologique : il observe que sa proposition est « ascientifique ».
Dire que 2 + 2 = 4 serait donc une proposition a-humaniste ?
Vole, cher Rafael, vole au-dessus de ce nid de coucou ! Et essaye de débrancher le pilote
automatique
132
Pour l’Académie, la photo de l’Impératrice Nue ne suffit pas à prouver sa nudité. Ils ont
besoin d’une analyse spectrographique du spectre de ses habits.
Pas nous. Comme beaucoup, nous pensons que si le laboratoire médical fait l’analyse, il
faut toujours un médecin pour interpréter les données. Quand le scientifique en blouse
blanche a décrit un aspect de l’objet archéologique, sa totalité ne peut être interprétée que
par un humaniste qui devrait avoir le courage de porter sa veste de velours côtelé. Il ne
devrait pas usurper, comme font certains médecins, la blouse blanche du chimiste : sa
blancheur n’atteste qu’une pureté chimique. Malheureusement, à cause d’une tare
héréditaire – son affectivité – l’humaniste est « a-scientifique ». C’est un péché, dans la
religion Moderniste. Pour cette raison, les Modernes de deuxième classe inventèrent un
cocktail : les “sciences humaines”, locution démolie auparavant parce qu’elle déclasse le
Sujet humain au rôle d’adjectif, de vassal de la Science.
Nous ne voulons pas répéter le “discours sur la méthode” tenu dans différentes étapes
du voyage, mais seulement rappeler l’exigence d’une « archéologie moderne,
multidisciplinaire, et réellement interprétative et non descriptive » comme écrivait en février
2017 un grand archéologue et grand réorganisateur de l’archéologie. Nous avions déjà
cité Sebastiano Tusa dans notre Bonus Track 1. Il écrivait l’éloge funèbre d’un autre
grand archéologue, Maurizio Tosi.
Malheureusement, en ce même mois de mars 2019, il l’a rejoint.
Sur un Boeing 737, un savant fou avait substitué un homme par un robot.
Après cette parenthèse sur la cosse du petit pois et ses alentours, retournons dans la
Sicile de 2018, à Pâques.
* * *
Méditons un instant sur les trois fleurs-
filles d’acanthe et les trois jambes des
armoiries de la Sicile, sur les trois spirales
préhensiles du petit pois unies en un
centre triangulaire : le Triskèle. Il est
gravé partout sur des rochers, au
Néolithique. Bien plus tard, il sera peint
sur le bouclier des guerriers grecs, comme
protection magique semblable à celle du “bouclier en forme de 8” qui a marqué le début
de ce voyage. Même en guerre, la Maman protège Son chiot. Si quelque chose va de
travers, d’un rite Elle l’accueille à nouveau en Son sein, dans la terre comme au ciel, avant de le
faire renaître au Printemps comme une fleur.
Confusément, une connaissance nous arrive de loin. Notre vocabulaire ne peut que la
trahir d’un vilain mot: la mort n’existe pas, elle n’est pas.
Cette connaissance était sous-entendue dans une pensée attribuée à Parménide, qui ne
disait jamais de vilains mots : « L’être est ; le non-être n’est pas. »
Les armoiries de la Sicile le disent mieux. Derrière un visage féminin énigmatique, d’un
point imprécisé et indicible entre Ses Cuisses Sacrées, c'est-à-dire du centre du Triskèle,
émergent trois symboles de la vie qui renaît toujours : Trois Boutons de Fleur d’Acanthe,
la plante symbole de La Vie. Mais non pas la vie éternelle, statique comme la mort.
Si on regarde fixement le Triskèle, un vertige le transforme en un drone à trois hélices qui
tournent en spirales et vont au-delà... sans l’aide d’aucune drogue.
133
L’axe MèreFille est une Union dynamique, c’est l’axe vital autour duquel tourne le
Temps Circulaire, c’est l’axe vital FeuillesFleur d’Acanthe représenté à Delphes par la
Colonne de l’Omphalos que certains appellent l’Axe du Monde : Mère & Fille.
L’Axe du Monde Mère  Fille fut substitué par un nouvel axe : Père  Fils.
L’Unité “Temps Linéaire & Vie & Mort & Éternité” est le nouveau système.
Sans vie ni mort, le Temps Circulaire n’a aucun besoin d’éternité.
En une période de transition semblable à celle que nous vivons aujourd’hui, la Colonne
de Delphes émergeait des feuilles d’acanthe et s’élevait : le Phare tentait d’illuminer le
monde classique de la Lumière de la Déesse Primordiale. Le monde classique réagit avec
l’ostracisme de la Fleur d’acanthe, mais les Feuilles réussirent à se maintenir partout.
L’Axe Vital du Monde – Mère  Fille / Feuilles  Fleur – fut brisé par le Patriarcat
alors qu’il occupait toutes les cases de la Déesse, à Delphes et ailleurs, pour faire échec à
la Reine. Ce combat motiva l’omission de l’Acanthe dans les Métamorphoses d’Ovide.
Un duel en coulisse justifiait le langage crypté des Mystères : il nous raconte la relation
entre l’Omphalos sur la Colonne et le Panier sur la tête de Déméter à Eleusi. On
comprend alors le geste du prête chrétien à l’Élévation : partout, toujours, la Vie renaît.
La Vie renaît sur les armoiries de la Sicile, en trois boutons de fleurs d’acanthe.
- Encore des fake news !
- Tu causes amerloque p’tit gars ?! Tu veux faire du fact-checking ? Regarde la photo, avec l’épis
de blé et le bouton de fleur d’acanthe. Lequel vois-tu sur les armoiries de la Sicile ?
Tôt ou tard, quelqu’un dessinera trois épis de blé sur les armoiries de la Sicile. L’antique
source d’inspiration doit être sauvée ; modifions la Loi : « avec la gorgone et les épis »
deviendra « avec La Déesse et Ses Fleurs d’Acanthe ». La réforme ne coûtera rien, si on évite
conférences et buffets. On pourrait ainsi lancer la Renaissance – si quelqu’un en ressentait
le besoin – de la Sicile et de la Méditerranée avec un programme pour le Troisième
Millénaire. Dans le monde entier, L’Espoir pourrait resurgir avec la Fleur d’Acanthe.
Par contre, nous pouvons nous passer d’un certain patrimoine patriarcale. Peut-être faut-
il nous en passer. Il pourrait même être urgent de s’en débarrasser.

Dans mille contextes, mille interprétations attribuent à mille triskèles les caractéristiques
de la Déesse.
Personne n’ose parler de la Source de la Vie, au centre des Cuisses Sacrées de la Déesse.
Nous l’avons fait.
Tôt ou tard, nous parlerons de la célèbre Cuisse de Jupiter, divine “Mère porteuse
gestationnelle”. Pour l’instant, deux Dieux transgenres – Poséidon et Océan – sont
suffisants pour notre revisitation de l’Olympe et des Héros semeurs de Mort.

Mais grâce à Dieu, c'est-à-dire grâce à la Déesse de la Vie, peut-être que demain, il se
pourrait que, sait-on jamais...
Bah, nous verrons... Vous verrez : nous devons céder la place aux enfants aux yeux
innocents. Puis nous renaîtrons nous aussi. N’est-ce pas ?

134
Bonus track 5 – Avril 2018

Le Néolithique fut Baroque et Dadaïste

Non, le Baroque était néo-Néolithique, mais le Dadaïsme fut Baroque.


On peut tout dire parce que la seule opération qu’on a appris à l’école est La Division. Puis on
a appris par cœur le nom académique de chaque morceau de viande d’un Tout Vivant.
Devenus grands, nous avons pu diviser encore, cataloguer et ranger les morceaux du Cadavre
dans un meuble à tiroirs si vaste qu’il recouvre les quatre murs de notre prison mentale.
La Mythologie est un autre monde, c’est le vrai monde dans lequel nous sommes immergés,
malgré l’école. Quand, à un certain âge, on se libère des notions scolaires, d’un soupir de
soulagement, on s’envole... Le dernier soupir ? Ça y est, nous voici retombés dans la séquence
temporelle, malédiction ! Les mythes vivent hors du Temps.
Chaque mythe vit à tout instant, partout. Il ne vient pas d’un autre temps, d’un ailleurs. Le
lecteur entend une voix qui vient de l’écran, du papier, de la toile, de la terre cuite, de la
pierre... La voix est vivante, elle vient d’ici. Même si l’auteur se tait depuis des siècles, il
n’est pas mort. Pure magie !
Le lecteur qui n’entent pas la voix ne sait pas lire ; il ne devrait pas écrire.
Les mythes vivent en nous, émergeant parfois avec une étrange clarté.
Nous avons vu des résurgences épouvantables ; voici une goutte d’eau polluée.
Nous avions reconnu la Femme de Mnajdra et Son Temple en
forme de 8 dans le bouclier en forme de 8. Nous La voyons dans
le violon et autres instruments baroques. Leurs ouïes, ou ff, sont
sur le ventre, pas dans le dos comme sur la photo. L’artiste capte
des ondes lointaines et les retransmet comme il peut. Nous avons
vu de nombreuses spirales dans notre voyage ; celles-ci ne sont pas
différentes si nous refusons la logique des tiroirs.
Cette œuvre “dadaïste” de Man Ray est appelée Le violon
d’Ingres. Le peintre ne jouait du violon que pour son plaisir,
devenu proverbial. Il avait peint une odalisque ottomane ;
elle est évoquée par le turban de ce violon. Notre voyage
nous a emmené dans ce même Orient, mais nous n’avons pas suivit la Femme en
reniflant le terrain comme des chiens. Nous avons volé sur les ailes du Mythe ; il nous
a offert une vision du Monde Humain. En volant bas, très bas, nous pouvons
comprendre que, comme Ingres, Man Ray ne jouait de ce violon que pour son seul
plaisir. Elle s’appelait Kiki de Montparnasse.
“Man” Ray deviendra-t-il un nom proverbial ? Pour dire hobby, dira-t-on un Macho Ray ?
Kiki n’était peut être pas un Stradivarius, mais un violon vaut souvent plus que le violoniste.
Modèle, peintre, actrice, maîtresse d’elle-même, Alice Prin était aussi appelée la Reine.
Le violon était considéré l’instrument di Diable. Nous avons vu que le diable-dragon des temps
archaïques était Notre-Dame Déesse. Man Ray fut rejoint par une association d’idées. Elle
arriva d’une époque aussi proche de nous que Malte l’île de la Déesse est proche de Crémone la
ville des luthiers. À coté de la cathédrale, le baptistère est une grotte à 8 côtés qui conserve
l’Eau Sacrée.
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Bonus track 6 – Mai 2018
♫ Bronze and Sex and Rock ’n roll
Une confusion mentale bien organisée
Nous savons que la meilleure façon de ne pas voir une personne, ou le passé, c’est de
l’utiliser comme un écran sur lequel projeter notre image. Cependant nous le faisons, de
façon innocente, en utilisant un langage qui n’est pas innocent. Nous l’avons vu avec le
mot matriarcat ; nous allons le voir avec d’autres mots qui tirent des charrettes pleines de
nos idées. Elles sont vieilles, mais elles n’existaient pas au temps considéré ici. Nous
tenterons de faire taire nos habitudes mentales et de laisser parler les objets.
Portillon 1. Pierre verticale (Musée de Syracuse)
Scripta manent. Ce qui est écrit se maintient, surtout dans
la pierre ; c’est le lecteur qui change, puis il écrit, à son
image et ressemblance.
Aujourd’hui comme il y a cent siècles, nous érigeons des
pierres verticales dans certains champs ; nous y couchons
aussi des pierres horizontales. Elles semblent vouloir
empêcher que de la terre puisse pousser le moindre fil d’herbe
et sa petite fleur. Puis, logiquement, nous déposons des Fleurs
sur la Pierre. Nous avons vu pourquoi nous disposons ces
fleurs dans un Vase ou en Cercle : une couronne.
La pierre de la photo est appelée Portillon. Ce nom est juste
parce que la pierre ouvre & ferme une cavité dans le rocher, à
Castelluccio, en province de Syracuse. La cavité est
appelée tombe : un nom erroné ; nous verrons pourquoi.
Le nom du village est désormais associé à une “culture”, la culture de Castelluccio. Des
“cultures” semblables fleurissaient partout en Sicile, une vieille dame qui ne vit pas isolée.
Elle a deux voisines, deux commères : Malte et Sardaigne. Nous en avions parlé à propos
des temples “néolithiques” et autres imitations des temples précédents : les “grottes”.
On dit que la pierre de la photo est “sicilienne” ; elle pourrait être “maltaise” ou “sarde”.
Elle vient d’une civilisation sans frontières. Nous avons suivi ses traces de “Malte” en
“Grèce”, malgré le rideau de fumée de “cultures ” plus ou moins nationalistes et
patriotardes.
La mer Méditerranée – la mer au milieu de la terre, la Terre & Eau – était une civilisation. Ses
familles étaient-elles plus unies ? Il n’y a aucun besoin d’union quand il n’y a pas eu division.
Le clocher phallique et le chauvinisme ont été inventés par un animal territorial : le
macho de Bronze. En effet, notre passé n’a pas été divisé seulement en cultures mais
aussi en âges. Comme les âges humains, chaque âge historique se charge d’une valeur
implicite : Fer (âge classique, adulte) Bronze (âge héroïque, adolescent), Pierre (âge
primitif, caca boudin.)
Et notre portillon de pierre ? De modernes moyens scientifiques fournissent la datation ;
une certaine archéologie en déduit que la “tombe” de Castelluccio appartient à l’âge du
Bronze. C’est une pierre très rocheuse mais le radiocarbone ne ment jamais : bronze.
Dans l’Évangile de Luc, les pierres crient ; à Castelluccio comme ailleurs, les pierres
136
parlent, du bronze. Le mécénat touristique explique-t-il la manie des musées pour les
métaux précieux ? Ils dédaignent ces pierres parce que leur poussière cause la silicose ou
parce qu’elles viennent de la Civilisation de la Femme ?
Nos visages sont tous différents, mais nous sommes tous des humains. Des églises très
différentes appartiennent à la chrétienté : un arbre millénaire aux branches nombreuses,
aux racines profondes. Cependant, l’Église Catholique préfère l’inhumation à la crémation.
En 2016, Elle a établi que les cendres aussi doivent être inhumées, et non dispersées ou
gardées en souvenir.
Pourquoi un chrétien doit-il être inhumé ? De humus, en latin la terre, humide donc fertile. Le
latin associe homme et terre : homo et humus, comme l’hébraïque associait l’homme par
définition, Adam, et la terre avec laquelle il fut créé : adamah.
Bien avant Adam, la Potière utilisa de la terre pour créer son propre avatar : le Vase. (2, 3)
La terre ne parle que de Vie, mais du cimetière chrétien – dortoir en grec – personne ne sortira
vivant à cause d’une dalle en pierre sur laquelle le juif ajoute une petite pierre à chaque visite.
Pour éviter les mauvaises herbes, il aurait suffi d’un peu de ciment ou de goudron. On ne
comprend pas non plus pourquoi le cimetière des évêques de Rome est appelé basilique de
Saint-Pierre. Un court-circuit de symboles ou une bouillabaisse ? À Castelluccio, on a
découvert un cimetière creusé dans une paroi en pierre. Néolithique ? Non, c’est un
cimetière en pierre de l’âge du bronze. C’est ce qu’ils disent, innocemment, et le langage est
aussi innocent qu’une chansonnette : ♫ Bronze & Death & Rock ’n roll is very good indeed.
Si le lecteur est arrivé à cette page après avoir lu notre récit de voyage, il est invité à
observer le portillon de Castelluccio et à le décrire. Il devrait utiliser des mots à lui, si
possible moins vulgaires que ceux utilisés par un petit vieux somnolant au chapitre Sieste
sur un vol low cost, à propos de la double spirale avec un 8 au centre. Le lecteur devra tenir
compte du fait que le portillon de pierre ouvre & ferme le Ventre de la Roche Femme. Ce sont des
mots de l’auteur, des termes non-académiques mais appropriés et spécifiques. Semblable à
Ventre du Vase Femme, l’expression Ventre de la Roche Femme – une grotte artificielle ou
naturelle – nous semble plus correct, plus philologique, que temple, basilique, église ou
chapelle. Nous excluons ca-té-go-ri-que-ment les termes “tombe” et “cimetière” : ils
évoquent une invention plus moderne.
Il n’y avait pas de “tombe” à Mnajdra et ailleurs, où régnait le Temps Circulaire.
Le “cadavre” – le contenu de la “tombe” – est né récemment, dans le Temps Linéaire.
La “tombe” naît avec une nouveauté devenue une mode, une manie : la Mort.
Dans le Temps Circulaire, il n’y avait que la Vie, et elle naissait et renaissait logiquement
dans le Ventre de Pierre ou de Terre. Le Feu était le moyen le plus commode, à l’époque,
de s’envoler vers le Ventre du Ciel.
Dans le Temps Circulaire, à Castelluccio comme ailleurs, il y avait une maladie plus grave
que les autres. On pouvait la soigner en mettant le malade en un certain endroit. Nous
devrions l’appeler “hôpital” ou “centre de réanimation”, et non “cimetière” ou “tombe”.
Le langage n’est pas innocent, il n’est pas au-dessus de la réalité.
Les langages ne décrivent pas la réalité ; nos langages produisent notre réalité.

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Voilà énoncé le fondement d’une philosophie des langages. Un anthropologue qui
l’ignore est un chirurgien qui opère sans désinfecter son bistouri parce qu’il ignore
l’existence des microbes. Répétons-le : au 19e siècle, le mot matriarcat ne décrivit pas une
réalité archaïque ; il produisit un phénomène moderne. En inventant une antagoniste
“historique”, le patriarcat justifia son propre rôle de protagoniste. Le mot matriarcat
organisa un derby pour deux perdants. Dans la civilisation de la Femme, il n’y avait pas
de derby ; aucun jeu n’était fondé sur la compétition. Même pas peut-être dans les jeux
sexuels, ce qui prouverait que les humains, alors, étaient supérieurs aux animaux.
Un point semble certain : dans la civilisation de la Femme, il n’y avait même pas de
guerres. Le Dieu de la Guerre commença une brillante carrière avec des armes de bronze ;
la diffusion de sa religion fut facilitée par la nouvelle thérapie de Sa divine sœur : la Gloire,
qui concédait la Vie Éternelle aux Héros qui méprisaient la Mort. C’est ce que chantaient
les bardes qui arrivaient après la bataille parce qu’eux ne la méprisaient pas.
Notre parole tombe produit notre parole mort, et vice-versa : elles forment un système qui
produit une réalité. D’autres que nous, en creusant le rocher, produisent un autre
système, une autre réalité – le ventre-temple-hôpital de la Vie – dans un langage de pierre.
Notre langage, Créateur & Créature de notre réalité, est incapable de décrire une réalité si
différente de la nôtre. Nous pouvons seulement tenter de ne pas trop la dénaturer, si
l’objectif est une connaissance utile. Traduttore traditore : traduire, c’est trahir. Nous
devons traduire le passé, en le trahissant le moins possible, si nous espérons découvrir
une éventuelle sagesse antique utile à résoudre les problèmes d’aujourd’hui. Mais s’il ne
s’agit que d’entasser un peu de mots difficiles à faire réciter aux étudiants, tout est bon.
Les études humanistes ont été dévaluées. À l’école, la philosophie se meurt, étouffée sous
un tas de notions disciplinaires. Pourquoi réanimer cette vieille dame ? Pourquoi reporter la
philosophie chez elle, où elle étudiait chaque phénomène d’un point de vue métadisciplinaire,
pour rendre les humains un peu moins malheureux. A-t-on besoin d’un autre grand mot ?
Archéo-ethno-philosophie ? L’ethnologie n’étudie pas les religions mais les “cultes” : ce sont les
religions auxquelles les hommes ne croient plus, à moins qu’ils ne soient inférieurs.
L’ethnologie est une “science” jeune ; la demoiselle méprise de vieilles philosophies qui
pourraient être “utiles & bonnes” aujourd’hui, et non pas “vraies” : autre mot venimeux.
Seuls les Grecs étaient philosophes ? Oui, c’est vrai, et seuls les Héros yankee sont des
cow-boys ; les autres sont des vachers. Répétons-le : le langage n’est pas innocent.
Usant d’un sarcasme facile, nous avons commenté une certaine façon de regarder le
passé et d’en parler ; regardons à nouveau le portillon de Castelluccio. Si le lecteur devine
quel geste est gravé dans la pierre, il recevra une médaille gravée dans le chocolat. S’il est
également capable d’expliquer pourquoi, sur une “tombe”, le Génie du Temps
Circulaire sentait le besoin de parler de ces choses que l’on tait dans un salon, il
découvrira le thème central de notre récit de voyage : La Vie.
À quel âge appartiennent les peuples de l’Amazonie ? À l’âge du plomb. De ce plomb
qu’ils reçoivent des cow-boys d’aujourd’hui et des planteurs de soja pour “bio” diesel.
Castelluccio et les autres villages de la même civilisation s’installaient près de grottes,
même sur des hauteurs incommodes pourvu qu’elles soient loin de la mer et des pirates
aux armes de bronze. Dire que Castelluccio appartient à l’âge du Bronze équivaut à dire
que le ghetto de Varsovie appartient à l’âge du Nazisme : c’est une généralisation injuste.
Le 20e siècle a connu d’autres écoles de pensée – le nationalisme obtus, la religiosité
138
fanatique, le chauvinisme xénophobe, le monolinguisme hautain – encore très
dynamiques, souvent associées.
Pouvons-nous dire qu’un masque Aztèque appartient à l’âge des Conquistadores ?
Où serait l’erreur ? Veut-on sauver la civilisation de Castelluccio du “Néolithique”, la
promouvoir au “Bronze” lié à nos Héros ? Ce “Bronze Héroïque” fait émerger une
fonction de l’Histoire de l’Art : l’autosatisfaction du macho. Cette pratique solitaire sévit
de l’école primaire à l’université puis éjacule dans les musées, contaminant notre société.
Comment peut-on se faire une idée de l’âge du Bronze et de ses Héros ? Comment
dénoncer certains aspects de leur civilisation, restés vivants dans notre société ?
Comment imaginer les futurs possibles ?
Observons une “culture” de l’âge de la Vidéo. Ses crimes sont chantés par la propagande
de “l’État Islamique”. Pouvons-nous exclure que de semblables méfaits deviendront les
hauts faits de récits mythologiques ? Une confusion est cultivée entre “État Islamique”
et Islam. Puis, une propagande irresponsable associe l’Islam à une inexistante invasion de
migrants. En réalité, elle prépare la canonisation de Héros Islamistes de l’âge du Pétrole,
dans un ailleurs si proche que nous en faisons partie.

Portillon 2. Castelluccio. Même “culture”?


Si nous avons compris l’action qui se déroule sur la première
photo, la seconde devient moins cryptique si le lecteur se
rappelle un bloc de pierre trouvé dans un temple, à Malte. On
y voyait gravée une double spirale avec un petit triangle au
milieu. Nous la retrouvons ici, dans la partie basse du
portillon 2 de Castelluccio, en Sicile. Nous présentons les
deux portillons dans cet ordre parce que nous voulons
pousser le lecteur à une conclusion. La bonne ?
Deux portillons représentent-ils la même scène ? Sur le
portillon 2, la femme est-elle dessous ? Le réalisme stylisé du
portillon 1 est-il en contraste avec le symbolisme hermétique du
portillon 2 ? Cela arrive souvent. Dans le dessin de tels sujets,
les simplifications successives ont porté à l’écriture, avec des
signes graphiques d’abord, puis avec les lettres d’un alphabet.
De tels passages peuvent être saisis aujourd’hui.
En une vision, en un éclair, on peut reconnaître le “6” indo-arabique comme
simplification de la spirale. On peut comprendre le rapport entre 666 et trois spirales unies en
un centre triangulaire : le triskèle, symbole de bon augure de Femme & Vie. Dans un différent
contexte social, le porte-bonheur 666 devient le nombre et le symbole du Diable, du Serpent
et autres promesses de mort éternelle: un porte-malheur, une malédiction. Mais nous ne
voulons pas répéter ce que nous avons dit sur la triple spirale dans Le Nombril & L’Acanthe,
ni reparcourir les pensées somnolentes d’un petit vieux pendant la Sieste sur vol un low cost.
Nous avons déjà soufflé la réponse au problème du premier devoir :
« À l’aide de symboles gravés sur la pierre, démontrez que 3 = 8 = 666 »
Celui qui trouve la réponse gagne une poule en chocolat pleine de petits œufs.
Pourquoi ? D’une certaine manière, le portillon 2 représente La Poule, la Source des
Œufs dont nous avons parlés à propos du “bouclier en forme de 8” . Si on veut
139
comprendre le portillon 2, il ne faut pas penser à 8 comme nombre mais comme forme,
qui peut être horizontale – ∞ – comme le signe mathématique. Ici, il ne signifie pas un
Infini-Éternité Linéaire ; il dessine l’Espace-Temps Circulaire de la Déesse.
Nous avons essayé de tromper le lecteur avec la présentation en séquence des deux
portillons. Il pourrait avoir vu ici une scène qui n’y est pas. Le portillon 2 n’est pas une
variante du rapport sexuel femme / homme du portillon 1. Ici il n’y a qu’un seul sujet :
en bas, la double spirale (avec triangle) représente le fessier ; en haut, deux spirales
séparées sont les seins. Une femme, seule, est représentée ici. Qui est cette Dame ?
- Les enfants ! Avez-vous remarqué le lit sur lequel est couché la Dame de Castelluccio?
Non ? Tant pis pour vous ; voici le deuxième problème.
« Dans le portillon 2, le fond derrière le sujet est-il un “bouclier en forme de 8”, ou un instrument de
musique baroque, un violon aussi grand que le temple en forme de 8 de la Déesse de Malte ? »
La réponse est facile, si le lecteur voyage avec nous depuis le début.
Nous avons vu La Poule, mais les Œufs ? La réponse, plus difficile, suppose des
informations longtemps interdites à l’école. Elles furent introduites avec une nouvelle,
une révolutionnaire matière d’étude et d’éducation : le sexe. Il faut en conclure que les
hommes et les femmes qui ont décrits les portillons de Castelluccio sont allés à l’école il
y a très longtemps, comme l’auteur qui a dû étudier tout seul les choses de la vie. Pensée
amère, à l’origine du troisième problème.
« La double spirale du portillon 1 est-elle identique à celles du portillon 2 ? Dans le portillon 2, la double
spirale d’en haut a-t-elle la même signification que la double spirale d’en bas ? »
Deux questions, une seule réponse : bien sûr que non ! Les doubles spirales sont
graphiquement identiques, mais un certain signifiant produit un signifié différent dans
chaque différent contexte.
Le contexte fait l’objet & le sujet qui “observe”, et vice versa: cette trilogie est indissociable,
comme le sont les trois dimensions qui participent à un Tout appelé Volume.
Nous venons de formuler le deuxième fondement d’une philosophie des langages.
Ici elle devient une onto-épistémologie.
Expérience de laboratoire
Ignorons le sujet; ôtons-le de la scène. Nous reste-t-il deux dimensions indépendantes : un symbole
et un contexte ? Oui, pour l’observateur actuel, pour le sujet actuel qui crée un nouveau système.
Voici donc la question onto-épistémologique. L’observateur d’aujourd’hui et le sujet de
l’époque n’existent pas hors de leur propre Système : sujet & objet & contexte.
On voit l’enjeu en substituant contexte par environnement.
Exemples. Longueur & Largeur & Géomètre. Espace & Temps & Homme Moderne.
Père & Fils & Saint-Esprit. Mère & Fille & Vie.
Exemples plus faciles. Enfant & Jeu & Enseignant. Bison & Prairie & Chasseur.
En modifiant une dimension, on change le Tout.
Si Buffalo Bill confirme notre théorie, conservons cet instrument dans un tiroir de
l’esprit. Certains outils magiques restaurent le meuble où on les range ; d’autres sont
pires que les termites.

140
Exemple d’application. Celle-ci est bien connue des bons éducateurs : si tu penses qu’il y
a quelque chose à améliorer dans un sujet, avant d’intervenir sur lui, observe ses objets et son contexte et
essaye de les améliorer dans l’intérêt de ce sujet.
Maintenant nous pouvons observer comment deux doubles spirales sont identiques &
différentes, dans deux différents contextes.
Exemple d’un contexte qui change tout.
Dans le portillon 1, le contexte au-dessus de la double spirale
est en relief. Il forme un cadre avec une pointe triangulaire au
milieu. Dans les peintures qui viendront des millénaires plus
tard, le cadre représente l’ici de l’observateur. À l’intérieur du
portillon 1, le cadre avec une pointe triangulaire représente le
premier plan, la peau du ventre. Il repousse la double
spirale qu’il encadre dans un ailleurs, dans un second plan, à
l’intérieur du corps représenté dans cette “peinture”.
En une telle optique, et dans ce contexte précis seulement,
quelle est la signification gynécologique de cette double
spirale ?
C’est à nouveau le contexte qui nous le dit. Dans la partie
basse du tableau, les deux petites boules ovales en sont le
“pendant”, terme qui indique une symétrie et ce qui pendouille. C’est un bon mot anatomique ?
Bien sûr. Il nous a semblé nécessaire d’introduire un demi-sourire dans une question très
sérieuse : dans un système, de façon instantanée et réciproque, chaque Un est le contexte de
l’Autre & chaque Un est le signifiant de l’Autre & chaque Un signifie l’Autre.
Les implications sont évidentes, n’est-ce pas ?

Examinons le moins connu des deux sujets : la Femme. Dans


le portillon 2, la double spirale en haut représente les seins,
celle du bas le fessier. Comment reconnaître le haut du bas ?
C’est le triangle du pubis qui nous le dit.
Nous avons écrit pubis et fessier. Abdomen et dos sont les vagues
zones du corps humain où les doubles spirales furent placées
par une grande anthropologue. Était-elle encore sous
l’emprise de la morale victorienne, à la fin du 20e siècle,
après la “révolution sexuelle” ? Fut-elle censurée par son
éditeur américain ?
Cette censure est l’Omertà, le loi du silence des criminels. Elle
devient la Moralité quand son silence couvre la Vitale
Sexualité, afin que s’élève le Cantique de la Mort.
Les films de guerre ne sont jamais interdits aux mineurs.

Marija Gimbutas reconnut le profile de la Déesse dans le plan du temple de Mnajdra ; la


ressemblance est assez évidente. Nous trouvons surprenant que la grande anthropologue
n’ait pas reconnu le même plan en forme de 8 dans le “bouclier en 8”, autre objet sacré
qui montre clairement la silhouette de la Déesse et Son sexe.
141
Cécité, pudeur ou censure, une anthropologue recouvrit des objets archaïques de dentelles :
« Le vieux phallus européen [sic] est bien loin du symbole obscène de nos jours [sic]. Il se
rapproche plutôt de ce que l’on trouve encore en Inde, le lingam, une colonne cosmique
sacrée [sic] héritée de la civilisation néolithique de la vallée de l’Indus. »
Une grande anthropologue est devenue la référence de pseudo-féministes phallophobes.
Elles lui sont reconnaissantes ; elle leur a aussi fourni une massue : le mot matriarcat, qui
sonne en français comme matraque.
Ce matriarcat est une arme impropre que a été détruit ici, en même temps que le patriarcat
des phallocrates et des Héros, par un vieil Européen, à mains nues, sans l’aide de son
vieux phallus cosmique. Mais l’auteur ne se fait pas d’illusion : il ne mettra pas fin à un
ennuyeux derby : Phallocrates contre Phallophobes. (Ne cherchez pas ce terme sur Wikipedia ;
c’est son copyright.)
Sur la même page, l’anthropologue des féministes tente de soustraire aux femmes
d’aujourd’hui un antique instrument d’indépendance :
« Cette statuette féminine a une tête phallique dont la partie basse pourrait être modelée
en forme de testicules. »
Pourrait ?! Sa forme laisse-t-elle l’ombre d’un doute? La grand-mère de l’auteur aurait été
plus affirmative : « Cette Vierge Marie a de bien larges flancs. », mais mémé Giovina n’était
pas anthropologue.
D’autres données sont précises : la statuette vient de Hongrie (5.600 – 5.300 av. J.-C.) ; elle
mesure 19 cm. La taille compte. Mais l’anthropologue ne commente pas les petits seins
en gentil relief sur la statuette, ronds et lisses pour stimuler sans blesser la femme qui
l’utilisait. L’honorable disciple de la Déesse Indu célébrait un rite avec un lingam ; ce
n’était pas une obscène femelle accro du sexe qui maniait son dildo.
Si l’anthropologue, ou le rédacteur, ou l’éditeur, avait utilisé des termes plus proches de
la réalité et des exigences humaines, bien des gens se seraient lancés dans les études
humanistes. Ne serait-ce que pour se documenter et créer une chaîne de magasins : The
Flintstones Sex Shop. Le succès aurait été assuré à l’époque : Marija Gimbutas écrivait
quand une joyeuse, innocente, libératoire, vitale révolution sexuelle avait déjà été gagnée,
dépassée, et trahie. (Réf. G)
Certains euphémismes sont lourds ; un langage châtié peut faire naître mille images. Un
langage châtré est stérile ; son usage rend aveugle, comme d’autres pratiques.

Dernière nouvelle ! Scandale a Castelluccio !


Sur le portillon 1, la double spirale représente les ovaires de la Déesse de la Vie.
Le fait que les testicules soient en bas et les ovaires en haut peut être commenté de
différentes façons, selon les significations actuelles de “dessus” et “dessous”. Nous
n’avons pas assez d’information pour nous exprimer sur les métaphores spatiales
utilisées à l’époque.
L’interprétation des portillons de Castelluccio a été plus facile que notre explication,
longue et ennuyeuse. Pour rendre plus léger le discours sur symbolisme & éducation,
nous réécrirons ce récit de voyage. Au lieu de partir du “bouclier en forme de 8” et des
142
mythes héroïques, nous revisiterons une fable : Le Petit Chaperon Rouge. Le Loup ne
voulait pas la “manger”, ou pas seulement. Presque toutes les filles ont compris la fable,
contrairement à bien des garçons qui sont les destinataires de notre prochain récit
éducatif.

Portillon 1 : trois petites magies.


La première est une incantation : la re-Naissance assurée dans le Ventre Sacré.
La deuxième est le pur plaisir érotique.
La troisième magie dérive de la deuxième et confirme la première. C’est une formule
magique si commune qu’elle est devenue invisible, comme le sont les vraies magies.
Pour prolonger la vie des grands-parents ou pour la leur restituer, leur nom est donné
aux petits-enfants par les parents. Une version égocentrique de la troisième magie est
pratiquée aux USA. Certains pères certifient leur paternité en donnant leur propre nom
au premier fils, qui à son tour fera de même. Cette coutume crée des brochettes
typiquement américaines : John Smith généra John Smith Junior qui généra John Smith
Troisième, etc. La Vie Éternelle est ainsi concédée au Premier Patriarche promu Roi et
fondateur d’une dynastie de série télévisée.
Il n’existe pas de Mary Smith Junior ou Troisième. La fille perd le nom de son patriarche en
épousant le fils d’un autre patriarche. Le nom possessif est typique de la Grammaire
patriarcale, une institution phallocrate de bien d’autres façons.
Ni Mary, ni sa fille, ne seront immortelles. C’est un paradoxe : nous avons vu à Mnajdra
que le cycle de la femme a permis à la Déesse d’inventer Son propre Temps Circulaire &
Sa Vie Éternelle.
Dans la Civilisation de la Femme, la Vie Éternelle était concédée à tout le monde.
Comme l’âme : elle a été concédée aux femmes depuis quelque temps par l’Église.
Comme le Paradis : il ne fut concédé aux enfants non baptisés qu’en 2007, avec
l’abolition des limbes.
Dans la Civilisation de la Femme, la Vie Éternelle était un droit démocratique comme le
droit de vote qui fut concédé aux esclaves libérés. Et récemment, même aux femmes.
Un portillon de pierre sur un ventre de roche guérissait quiconque entrait malade en salle
de réanimation. Une paroi rocheuse, ou l’entière montagne, était un hôpital. Dans le
parc, les parents et amis séjournaient avec les malades. Aujourd’hui, ce n’est possible que
dans des cliniques spéciales, pour l’élite.
Mais soyons honnêtes. Nous ne sommes pas sûrs qu’à Castelluccio, les Portillons du
Paradis de Pierre s’ouvraient pour les prolétaires.
Reste une double question. Elle glace le sang et fait trembler les os mais elle est
incontournable, si nous pensons au titre de ce récit de voyage. Dans les pays soi-disant
celtiques, on trouve souvent le Triskèle, la triple spirale symbole de la Femme, gravé sur les
rochers. C’est bien, mais quel Héros celtique a planté son Épée dans le Ventre de Roche, et
pourquoi ? Oedipe était-il celte ?

Éros “et” Thanatos ?


Avec les mots Éros et Thanatos, Freud a tenté de formuler un problème fondamental. Il a
donné le nom de deux Dieux grecs – Éros, Thanatos – à deux “pulsions” humaines. Pour

143
éviter les malentendus causés par une formule malheureuse, nous utilisons un autre
vocabulaire mystique ; celui créé par les mathématiciens archaïques : Union contre Division.
On sous-estime les mots courts. Que signifie la conjonction “et” entre ces Dieux ? La
formule Éros “et” Thanatos indique-t-elle L’Union de l’Amour et de la Mort ?
Malheureusement, nombreux sont ceux qui le pensent et agissent de conséquence. Éros
“et” Thanatos est une invitation subliminale. Nous l’avons remarqué : le langage ne décrit
pas la réalité ; il la produit. Éros “et” Thanatos est une formule de magie noire qui produit
les féminicides et des formes criminelles de sadisme.
Si nous devons utiliser les Dieux grecs, tachons de ne pas être blasphèmes ; “et” doit être
substitué par “contre”: Éros contre Thanatos.
Le portillon 1 représente trois Dieux. Quelqu’un voit Éros seulement ? La myopie se
soigne très bien. Avec de bonnes lunettes, il verra aussi les autres Dieux : Thanatos, la
Mort; Nike, la Victoire.
L’artiste sicilien du portillon 1 a sculpté La Victoire de Éros contre Thanatos.
C’est la vraie formule du thème grec, mais la Victoire fut célébrée d’abord en Sicile, et
bien plus tard en Grèce (à l’époque province de la Magna Sicilia).
À Castelluccio sur le portillon 1, Éros bat Thanatos 3 à 0.
À Castelluccio, chaque Dimanche est Pâques.
En ces Pâques Joyeuses, l’Amour est une pratique sexuelle. Le portillon 1 de Castelluccio
marque un tournant fondamental dans la vraie Histoire des Humains.
Par exemple, les célèbres “temps bibliques” commencent avec le portillon 1.
Avant, dans l’ère du Plaisir Innocent, cet acte n’était pas plus “sexuel” qu’une caresse ou
un baiser. Il ne constituait qu’une des expressions physiques d’un rapport amoureux
entre humains. L’acte n’était pas limité aux organes ici représentés. Nous le comprenons
en considérant un tabou : la sodomie. Ce fut une innovation socio-religieuse, comme le
patriarcat, comme l’autre tabou : l’inceste. Certains humains avaient compris les
conséquences d’une des modalités de ce plaisir, mais ils voulaient en sélectionner les
fruits. L’art mystérieux de l’éleveur s’unit à la magie de la paysanne.
Deux tabous fondamentaux engendrèrent la condamnation de l’homosexualité
masculine. L’homosexualité féminine ne gênait pas parce que dans la nouvelle logique
utilitariste, la tendresse, le plaisir et la joie n’avaient aucun sens. Seule la pénétration
comptait, et elle n’était légitime que pour la procréation physique & métaphysique.
Les raisons de cette limite sont restées mystérieuses à nos jours. La pensée moderne, soi-
disant non religieuse, ne fournit qu’un seul bon motif : l’hygiène. Il n’existait pas dans les
formes d’aujourd’hui. L’hygiène moderne est un couteau suisse : il sert à bien des choses,
et il peut faire du mal. La pensée moderne explique que les tabous de l’époque étaient les
conseils du médecin. Ces généralistes primitifs se soumettaient aux ordres du Sacerdote,
non à ceux du Pharmacien. Mais comment expliquer l’homophobie, aujourd’hui, dans
l’ère de l’hygiène moderne ? Tout le monde sait qu’unir l’utile à l’agréable est chose
bonne. L’utile, la procréation, c’est bien. Mais on ne comprend pas pourquoi l’agréable seul
serait une faute, si on pense aux folles énergies dépensées pour un utile seul qui n’est pas
hygiénique du tout : le travail séparé du plaisir, quand on n’aime pas son travail.
- Mais pourquoi parler de travail à propos du portillon 1 ?!
Parce que cette pierre marque la fin de l’Amour Innocent et le début des temps bibliques.
144
L’esclavage – le Travail sans Amour – commence avec la Genèse. (Gen. 3, 17-19) Bien des
siècles plus tard, quelqu’un proposa une re-composition, une formule magique prébiblique,
“néolithique” : Ora & Labora. Prie & Travaille, un nouveau programme sans aucune relation
avec prier ou travailler, tout comme la Surface est un Être nouveau sans relation avec la
longueur ou la largeur. Ce prophète ne fut pas compris. (Réf. B) Le re-Compositeur ne fut
pas brûlé comme une sorcière quelconque, au contraire ; il fut fait Saint. Benoît a eu de
la chance : nomen omen, puisque Benoît signifie bénit en français.

Ce n’est pas par hasard que la Malédiction de l’Homme a été lancée seulement après la
Malédiction de la Femme, protagoniste pour la dernière fois dans la Première Sentence du
Tribunal Suprême. Elle fait jurisprudence : depuis Gen. 3, 16, la Femme est soumise à l’Homme.
Gen. 3, 16, marque le début du Deuxième Acte dans une comédie & tragédie intitulée
Histoire de l’Homme. La “pré” histoire est une invention récente ; nos notes de voyage
concernent l’Histoire de l’Humanité.
Si on n’est pas créationniste, le mythe biblique implique qu’avant la Genèse, au Premier Acte,
la Femme n’était pas soumise, l’Homme ne la dominait pas, et il n’était pas soumis au
travail sans amour.

Travail & souffrance : ce fut tout un pour la Femme, dans le travail de l’accouchement.
Gen. 3, 16 instaure l’accouchement dans la douleur, une horrible nouveauté du Deuxième
Acte, causée par Dieu sait quel changement physiologique, dû à Déesse sait quelle
nouveauté socioculturelle ou environnementale. On ne peut que l’imaginer, en pensant
aux petites chinoises dont on bandait les pieds pour les atrophier, aux pieds déformés par
les chaussures à pointe, aux chevilles et genoux torturées par les talons hauts. Nous
portons des chaussures toute l’année et non en hiver seulement comme c’était l’usage à la
campagne avant le Progrès Industriel Citadin. La mode aussi est un langage, et elle n’est
pas innocente non plus.
Le portillon 1, dans lequel un acte de plaisir est finalisé à la re-Naissance, devrait s’intituler
La Perte de l’Innocence. Avant, c’était l’Âge d’Or : l’âge de la pierre. Ce sont les Sages auteurs
du Livre de la Genèse qui l’ont dit. Le Nouvel Ordre – le Deuxième Acte – commence
par l’expulsion du Paradis Terrestre.

Nous avons parlé des dégâts causés par la division du passé en “âges” ; nous avons vu
que sur l’essentiel, les “cultures” ne sont pas si divisées. Ceux qui ont de bonnes raisons
de préférer l’union à la division sont invités à plonger avec nous, au large, pour découvrir
le fond de la mer. Il explique bien des petites choses qui flottent dans les tempêtes.
Certaines arrivèrent sur nos plages. Réunies par le hasard, elles formèrent des “cultures”.
Parmi ces restes de vies passées, on peut choisir ce qui est utile à notre projet, laissant
que la marée emporte ce qui est inutile ou dangereux.
Mais c’est plus difficile qu’il n’y paraît.
La capacité de choisir parmi les choses est exprimée par l’étymologie du mot intelligence.
Sur la plage, l’intelligence choisit & unit les épaves en fonction d’un projet.
Sans éthique, l’intelligence sert à diviser : par la supercherie, la soumission, le crime, etc.
Tout projet éthique se heurte à deux catégories d’antagonistes. Les voici, en crescendo :
145
- quelques personnes, ayant un vieux projet pour chaque domaine : diviser & régner ;
- les nombreuses éponges, qui n’ont aucun projet.
Voici définis trois groupes humains. Tous sont capables de choisir le groupe auquel
appartenir, selon les catégories antiques du Bien ou du Mal. Tous sauf les éponges qui ne
choisissent pas ; elles absorbent.
Les éponges ne sont pas produites par la mer mais par l’Académie. Dans un monde
vivant dont chaque aspect change à tout moment, l’Académie développe la mémoire des
élèves et des étudiants en leur faisant réciter des catalogues produits par des divisions
absurdes: les “âges”, les “cultures”, les “dates des batailles”, les “températures de
cuisson” et autres notions vides. Elles nourrissent l’organe principal des éponges : la
mémoire, déjà signalée ici en un aphorisme : La mémoire est l’intelligence des imbéciles. Ajoutons
maintenant que les imbéciles sont infiniment plus dangereux que les méchants parce
qu’ils sont infiniment plus nombreux.

Cependant l’union n’est pas toujours possible. Au restaurant, le repas est divisé en plats.
Les invités ont chacun une chaise. Mais quand ils mangent de façon insensée, boivent
trop et en viennent aux mains, l’addition est salée.
Nous devrions participer à l’Histoire de l’Humanité de façon plus éduquée ; nous avons
eu l’honneur et le privilège d’être invités au Dîner de Gala de la Vie.
Mais il s’agit peut-être d’une pièce de théâtre...
Ce soir, le spectacle était une expérience unique mais nous sommes arrivés en retard.
Le Premier Acte racontait une obscure Civilisation de la Femme.
Nous sommes arrivés à la fin du Deuxième Acte : La Lumineuse Civilisation de l’Homme.
Le Troisième Acte, Harmonie, doit être écrit par le public : la comédie est de Pirandello.
Il concerne les trois dimensions de notre planète : sujets & objets & environnement.
Tous, dans le public, veulent éviter un final tragique. Notre récit de voyage espère y
contribuer, en observant mieux le passé et en fournissant quelques instruments pour le
présent : des trucs et des conseils de plombier. Nos plaisanteries pour rendre la comédie
plus légère ne font pas sourire tout le monde, donc nous devrions être sur la bonne voie.

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Bonus track 7 – Mai 2018
Continuité
Insectes. Du latin insecta: (animaux) divisés.
Giacomo Devoto
Une petite ballade imprévue a produit un long récit de voyage parce que nous avons vu
la continuité qui unit une statuette, un temple, et le “bouclier en forme de 8”.
Cette continuité est importante pour résoudre des problèmes d’aujourd’hui.
Dans le précédent Bronze and Sex and Rock ‘n Roll, nous nous sommes libérés d’un catalogue
académique du 18e siècle qui empoisonne encore écoles et musées. Ainsi, nous avons été en
mesure de voir l’âme des portillons 1 et 2 de Castelluccio, exposés à Syracuse au Musée
intitulé à Paolo Orsi qui les a découverts. On y conserve deux autres trésors semblables.
Pour simplifier, nous les appellerons portillons 3 et 4, mais comment les décrire en paroles ?
Après ce que nous avons appris dans le précédent bonus track, nous pouvons donner de
chacun une définition claire, indiscutable.

Portillon 3
Homme et Femme

Portillon 4
Femme

Réunis, les objets s’expliquent réciproquement : chaque objet devient le contexte de l’autre.

P.1 Femme et Homme P.3 Homme et Femme P.2 Femme sur lit en forme de 8 P.4 Femme
Les portillons 1 et 2 expliquent les portillons 3 et 4. Nous ne précisons pas que dans le
portillon 3, “la femme est dessous”, métaphore spatiale d’une hiérarchie. Nous ignorons si à
Castelluccio, la femme était déjà devenue inférieure, si supérieur signifiait déjà meilleur. Nous
essayons d’éviter les messages implicites dans notre langage ; ils ne décrivent pas l’objet ;
ils expriment les évaluations de l’observateur et ne décrivent que lui.
147
Le portillon 3 n’est pas une pierre unique comme le portillon 1. Pourquoi les deux sujets
ont-ils été divisés ? Un seul bloc aurait-il été trop lourd ? Dans la représentation d’un
homme et d’une femme, la division en deux pierres indique-t-elle une “liberté dans
l’union” ? Quoi qu’il en soit, le portillon 1 est un exemple d’écriture ou de dessin ; le
portillon 3 est une sculpture. Le genre d’un humain n’est pas indiqué par des signifiants
gravés mais par des volumes : deux protubérances pour la femme, une protubérance pour
l’homme. Nous ignorons si ce type d’écriture-dessin précède ou suit cette sculpture.
Ce symbolisme est-il compréhensible aujourd’hui ? Peut-être, parce que l’anatomie est
plus constante que les symboles. Plus loin, nous devrons nous occuper du signe “1” et de
son signifiant “un” ; ils ont de nombreux signifiés qui sont les fondements invisibles de notre
civilisation.
En comparant les portillons 1 et 3, 2 et 4, nous ne devons pas parler d’une évolution des
symboles ; le terme fausserait la description avec une évaluation implicite : le progrès, un
changement positif sur l’axe du Temps. Parlons plutôt de changement de signifiant dans la
continuité des signifiés. La formule nous aidera à comprendre l’origine de nos symboles,
notre proximité à leur origine, leur signification profonde : aussi profonde que la flaque
d’eau tachée de sang de notre inconscient.
D’autant plus que, comme nous l’avons dit à propos des portillons 1 et 2, les quatre
portillons pourraient avoir été produits la même année.
- Mais ils sont trop différents, et l’analyse de la kryptonite prouve que...
L’idée qu’une “culture” soit “homogène” par définition, la recherche à tout prix de
l’homogénéité, la persécution de ceux qui ne se laissent pas homogénéiser, caractérisent
le centralisme d’un État nouveau-né, conscient de sa faiblesse. Cette idée politique a la
dignité d’un pot de nourriture homogénéisée. Par exemple, même en admettant que
l’Europe soit chrétienne et la Turquie musulmane, n’aurait-on pas mieux fait d’accepter
l’entrée de cette dernière dans l’Union, dans la perspective d’une “culture” de paix et
prospérité ? On a préféré une autre “culture”. Alors que nous écrivons, nombreux sont
ceux qui souffrent des conséquences de tant de faiblesse malveillante, et l’U. E. a perdu
un autre train. L’Europe aurait perdu de son homogénéité ? On ne trouverait pas quatre
pèlerins de la même religion parmi ceux qui habitent au Vatican.
La “simplification stylistique” des portillons de Castelluccio n’est pas l’effet du temps.
Comme l’espace, le temps n’a aucun effet et il ne cause rien du tout. C’est l’effet de la
Vie, qui change tout. Le changement du produit que nous lisons comme simplification peut
être causé par une moindre habilité du travailleur, une majeure rapidité d’exécution, des
moyens économiques différents, une nouvelle connaissance, par l’union de toutes ces
causes et par la capacité de synthèse symbolique qui en dérive. Nous remarquons cette capacité
chez les jeunes qui inventent des écritures pour leur smartphone. De la même façon, la
Femme, représentée par quatre spirales et un triangle sur le portillon 2, est toute entière
dans le X du portillon 4. L’Homme, représenté par deux testicules et leurs canaux
confluant dans le phallus sur le portillon 1, est tout entier dans la protubérance du
portillon 3. Les représentations, stylisées à l’extrême en 3 et 4, pourraient sembler plus
primitives que celles en 1 et 2 ; pourtant, elles nous semblent plus récentes si nous
pensons aux tendances de notre art moderne. “Donc” elles pourraient tout aussi bien

148
avoir été produites à la même époque, comme nous l’avons déjà dit. Mais encore une
fois, la datation du signifiant nous importe moins ici que la continuité du signifié.
Dans le portillon 3, le genre est indiqué par deux dimensions des protubérances : nombre
& forme.
Deux & rondes signifie Femme ; une & allongée signifie Homme. Il s’agit d’un système binaire
signifiant & signifié fondamental. Dans les millénaires suivants, il sera La Règle Grammaticale &
Mathématique qui distingue, et divise, les humains dans leurs relations entre eux.
Depuis lors, dans certains contextes, le nombre Deux est féminin ; Un est masculin. Le sexe
des nombres est connu depuis des millénaires, alors que les disputes sur le sexe des
anges n’ont duré que quelques siècles. Une fable dévoilera la hiérarchie sexuelle et sociale
cachée dans les lettres de notre alphabet.
« Il était une fois une femme analphabète. Pour signer chez le notaire, elle traçait
humblement un “X”. Ce n’était pas une lettre mais une photo d’identité sexuelle et
sociale. Monsieur le Notaire signait d’un coup sec comme un coup-de-poing, avec son
gros “I”: un sceau allongé à la tête de bronze. »
La fable est une caricature ; le lecteur l’a comprise grâce à la continuité de notre système
symbolique mais pour certains, l’Histoire doit être divisée de la préhistoire à l’apparition
de l’écriture. Les humains ont toujours “écrit” d’une façon ou d’une autre. Si nous ne
sommes pas capables de lire l’écriture des autres, ce n’est pas une raison pour les appeler
analphabètes. Surtout quand leurs connaissances pourraient être d’une importance vitale
aujourd’hui. Un quelconque objet, concept, sentiment, peut être représenté en d’autres
objets et dans leurs relations, puis dans leurs dessins qui deviennent symboles, puis
lettres d’un alphabet. Les experts de langues archaïques le savent ; la maîtresse l’explique
aux écoliers en visite au musée égyptien.

Problème. (Éducation sexuelle & histoire & langues vivantes. Cfr. Notre visite au
musée archéologique Paolo Orsi de Syracuse.) À l’aide de deux signes seulement du
clavier de votre smartphone, traduisez en langage actuel le langage antique des portillons
1 et 3 de Castelluccio.
Solutions. Voici deux bonnes réponses.
Une élève a écrit “: -”
Un élève a écrit “- :”
Une élève d’origine chinoise a écrit “o –”
Quand le prof a dit que c’était faux, elle a murmuré quelque chose à son oreille, les deux
ont ri, puis le prof a admis devant tous les élèves que c’est lui qui s’était trompé parce
qu’en chinois traditionnel, “o –” signifie “zéro 1”.
Puis le prof a expliqué en quoi il s’était trompé : le problème était mal formulé. Il aurait
dû limiter les solutions aux combinaisons de signes qui peuvent exprimer le genre sexuel des
nombres 2, 1. Hors de cette limite, le clavier offre d’autres signes qui, dans un certain
contexte linguistique, peuvent acquérir une identité de genre. Par exemple, le signifiant du
nombre zéro : 0, ne signifie pas zéro seulement dans le contexte vu ici. On pourrait faire
d’autres exemples parce que l’anatomie et les nécessités humaines sont plus stables et
simples que les langages.

149
Ceux qui ne sont pas capables de lire et d’écrire ainsi sont des analphabètes du Troisième
Millénaire, a. J.-C. et ap. J.-C.
Ceux qui organisent de tel jeux métadisciplinaires aujourd’hui sont des éducateurs du
Troisième Millénaire ap. J.-C., restés aussi éveillés que leurs élèves malgré des années d’études
disciplinaires.
Revenons au portillon 1 et à sa fonction magique.
Nous avons vu comment, dans un contexte sacré, la froide définition rapport sexuel est
devenue une légende plus poétique : La Victoire d’Éros sur Thanatos. Ce thème grec existait
en Égypte, sous d’autres noms, symboles et rites. La continuité Sicile - Grèce - Égypte
indique qu’il n’existait qu’un seul monde, qui fut divisé pour différentes raisons. Nous le
découvrirons quand nous réussirons à démolir nos cloisons mentales.
Les subdivisions facilitent la compréhension ? On le pense à cause d’une métaphore
catastrophique : « les nourritures de l’esprit. » Une cuisse de poulet rôti n’aide pas à
comprendre la ferme. À cet effet, on doit partir d’une vision globale des fermes, ce qui est
facile si on a lu La ferme des animaux de George Orwell. Après avoir observé les systèmes-
ferme, on pourra étudier un système-ferme en particulier, et chaque détail de chaque
dimension de ce volume complexe, en fonction d’un projet dans un contexte éducatif,
économique, politique, criminel... Tout est possible. Apparemment, les pires instincts
sont capables d’une vision globale. S’agit-il de la vision naturelle ? Ou plutôt une culture de
la division fait obstacle à la civilisation, qui est le fruit d’une culture de l’Union ?

Continuité d’un symbole utile de nos jours.


Certains symboles fondamentaux pour l’humanité ont été déclassés à camelote de
cartomanciennes. Nous en verrons un exemple plus loin.
D’autres symboles sont devenus si communs qu’ils sont invisibles.
Par une heureuse coïncidence, le symbole de la Femme de Castelluccio, X, devient le signe
moderne de la fondamentale Multiplication. Grâce à cette opération magique, on obtient un produit
plus important, en quantité et/ou en qualité, que ses facteurs qui convivent au même niveau dans la
hiérarchie algébrique et géométrique. Les facteurs sont les “faiseurs” en latin ; ce sont les ouvriers.
Exemples.
- 5 X 5. Deux nombres, égaux en quantité et qualité, s’unissent et deviennent 52, un
nombre plus grand et un chiffre de qualité ou nature différente, grâce à X.
- Longueur X Largeur. Deux lignes disparaissent dans la Surface. Il s’agit d’Un Être
nouveau qui est né grâce à X. Voilà pourquoi nous substituons X par &. (Réf. 1)
Comment s’étonner que dans l’antiquité, on était mathématicien & philosophe & mystique ?
On s’étonne au contraire que certains mathématiciens ignorent un simple fait : une des
fonctions des mathématiques est de prédire le futur. Ils participent aux talk-shows comme
les vestales de la Déesse Rationalité pour nous convaincre que leur vision aride est plus belle
et plus utile. Puis ils se plaignent de ce que les élèves vivent les mathématiques comme une
torture, dans les élevages de perroquets.
Dans les vraies écoles, on raconte aux enfants Les Magies de La Fée Multiplication.
Ce faisant, on lance un programme de sciences & philosophie, en économisant du temps
sur les heures de religion et d’éducation sexuelle. Ces deux dernières matières pourraient être
unifiées ; elles le sont déjà dans chaque catéchisme, selon chaque vision religieuse. Certaines
semblent inspirées par L’Horrible Sorcière Division.
150
Pendant ce temps, en Égypte...
Pour examiner un symbole égyptien, nous avons besoin d’un résumé sur les portillons de
Castelluccio. Leurs variantes n’en modifient pas la fonction magique. Deux portillons
génèrent la renaissance par la seule présence d’une Madone de Pâques. Dans les deux
autres, la renaissance est assurée par le Rapport Sexuel Sacré que les Grecs appelaient
comme une fable pour enfants : La Victoire d’Éros sur Thanatos. Alors, tout le monde
voyait clairement le rapport entre l’Éros et la Vie, qui naissait et renaissait au printemps.
Le thème existait en Égypte à l’époque des portillons de Castelluccio.
Les scribes égyptiens exprimaient la Continuité de la Vie en un seul symbole : l’Ankh, la
croix ansée. Le mot ankh est normalement traduit par le mot vie. Certains le traduisent
par le mot immortalité, qui introduit notre notion de mort, absente en Égypte comme à
Castelluccio. Donc leur vie était différente de la nôtre.
- Le célèbre Ankh égyptien aurait la même signification que le portillon 1 de Castelluccio ?
S’il en était ainsi, en quoi cela nous concerne-t-il aujourd’hui ?
Nous le verrons avec la deuxième signification de ankh, un passage obligé pour arriver
au cœur d’une question qui nous occupe depuis le début : Éducation formative &
Recherche scientifique & Développement technologique, dans le contexte d’un nouvel
Humanisme, qui change tout.
Malgré les différences entre les écritures personnelles et typographiques, “a” et “A” sont
la même lettre.
Nous verrons une continuité entre X multiplicateur, Ankh, et un troisième symbole
fondamental : des signes différents pour un seule signifié, qui doit être formulé correctement.
Dans ce ankh, une gamine voit une poupée, un gamin voit un cow-boy.
Pour les adultes occidentaux, l’Ankh est la croix ansée parce qu’ils ne
connaissent que la croix catholique ou protestante, sans “anse”. Les adultes
soulignent la différence entre leur croix à eux, la vraie croix qui n’a pas
besoin d’autre spécification, et une croix étrangère. Seuls les enfants ont
vraiment compris l’Ankh. Pour eux, l’anse est le visage d’un petit être avec
lequel jouer, même tout seul, pendant l’Éternité d’un instant, pendant le
Temps libéré par le jeu qu’ils ont inventé. Les Sages de l’antiquité la plus lointaine
inventèrent un jeu semblable, pour se libérer du même Temps, pour vivre la même
Éternité : leur jeu s’appelle religion.
L’Égyptologue fronce les sourcils, mais l’Éducateur approuve. Si le monologue de
l’enfant ne dure pas trop, son union sereine et solitaire hors du Temps avec un alter-ego
facilitera sa rencontre avec les autres enfants, dans notre Temps. Nous le remarquons à
propos de l’Ankh parce que le passé ne nous intéresse que comme ressource pour le présent. On
n’est pas à l’académie ici ! La connaissance pour la connaissance est une forme de
masturbation. Mais, en éducateur, l’auteur autorise cette forme de monologue, à
condition qu’il prépare aux rapports avec les autres. Ces remarques sont choquantes ?
Avoir perdu tout contact avec la réalité est le motif pour lequel des montagnes d’articles
académiques ne voient pas l’évidence, et ignorent les plus antiques et actuelles
préoccupations humaines. Un nouvel humanisme devrait être promu de toute urgence.

Certains experts interprètent le signifiant “anse ovale” comme sexe féminin ou ventre
maternel, mais sans un contexte précis, aucune signification ne peut être attribuée au signe.
151
Dans le signifié habituel de Ankh, nous voyons une continuité de la civilisation des
Pharaons avec la civilisation chrétienne. Leurs croix signifient La Vie.
Certains chrétiens pourraient rectifier, précisant que leur Croix n’est pas le symbole de la
Vie mais de l’Amour qui est plus fort que la Mort. Les yeux voilés par une légère
cataracte sexophobe, ils ont oublié le rapport entre Vie et Amour, avec et sans
majuscules. Ces étourdis nous renvoient en Grèce et à Castelluccio où d’autres
célébraient la Victoire d’Éros sur Thanatos. La cataracte se soigne très bien de nos jours ;
ces chrétiens pourraient ainsi améliorer la vision qu’ils ont de leur Croix.
Aujourd’hui, les descendants des Pharaons, les chrétiens d’Égypte appelés coptes,
utilisent Ankh comme Croix. “Copte” signifie égyptien, en grec.
Division, où est ta victoire ?...

En remontant le fleuve...
L’auteur a peut-être redécouvert le jeu d’un petit moine du Mont-Cassin. Un crayon et
du papier suffisent pour tracer le signe &, en un jeu aux implications surprenantes dans
un certain contexte. L’été sur la plage, on peut tracer du doigt le signe & sur le sable. En
d’autres temps, un Doigt traçait des signes dans la poussière devant une femme ; de
saints hommes – ou des héros ? – voulaient la lapider.
Nous devons donner au jeu un contexte alphabétique.
T est la dernière lettre de l’alphabet hébraïque et d’autres langues sémitiques. Dans la Bible, T
est le signe sur le front qui sauve les élus de la punition divine. Pour les Romains, T
indiquait un instrument de mort : la croix, sans pointe à l’origine. Elle était formée par
un poteau planté dans le sol, vertical comme une antenne de radioamateur, et par une
traverse horizontale amovible. On comprend donc l’importance du T dans le monde
chrétien. En tant que symbole préféré de Saint François, le T est devenu la Croix des
franciscains.
& est la dernière lettre de l’alphabet de nos grands-parents. & représente deux lettres : E , T.
Entrelacées, enlacées de nombreuses façons, elles forment ET, la conjonction latine. Ce
terme grammatical a un poids énorme en tout contexte religieux. Dans ces contextes
seulement, la Conjonction exprime le souci constant de rétablir la communication
interrompue entre Terre et Ciel. À cette besogne titanique furent destinés des hommes
exceptionnels, des Dieux, et depuis peu des extraterrestres. Dans notre jeu, nous
pensons bien sûr à l’extraterrestre préféré des enfants : ET.
Problème. Pour participer au jeu, il faut répondre aux quatre questions suivantes,
posées en ordre croissant d’importance et de difficulté.
- Pourquoi, dans son commentaire à la lettre T, l’auteur a-t-il écrit « vertical comme
une antenne de radioamateur » et non plus simplement “vertical comme une
antenne” ou mieux encore “vertical”?
- Quel verbe se cache dans le mot composé “radioamateur”?
- Pourquoi ce verbe se cache-t-il, ici et ailleurs ?
- Ce verbe peut-il être écrit en une seule lettre ?
Qui n’a pas trouvé la réponse aux questions plus importantes et difficiles ne peut pas
jouer avec nous ; il doit jouer, pour son bien.
Et maintenant, nous pouvons jouer avec le petit moine du Mont-Cassin.
152
Sur le papier, entrelaçons e, t pour former &, plusieurs fois. Il faut partir de la pointe en
bas à droite et remonter le long de la diagonale, sans soulever le crayon du papier avant la
fin de chaque &. En écrivant de plus en plus vite, la diagonale devient une verticale. En fin
de course, il faut tracer soigneusement le trait horizontal du T original ; il est omis dans
certains fonts typographiques. Tôt ou tard, la vitesse nous fera tracer un trait horizontal
plus long.
Tôt ou tard, la vitesse et le manque d’habilité transformerons & en Ankh.
Une coïncidence ? Peut-être, mais le petit moine rit, heureux d’avoir compris avec un jeu
- les discours arides des théologiens,
- les métaphores de mysticismes millénaires,
- la clef de questions onto-épistémologiques fondamentales en Éducation formative
& Recherche scientifique & Développement technologique, du point de vue d’un
nouvel Humanisme environnementaliste.
Certains égyptologues remarquent que le mot ankh signifie aussi les lanières des sandales
égyptiennes. Le cordonnier précise que l’ankh est l’empeigne : la partie supérieure de toute
chaussure. Dans la sandale égyptienne, on enfile le pied dans l’anse ; les bras de la croix
descendent se fixer latéralement à la semelle ; la verticale passe entre les orteils, comme
font les tongs.
Les calligraphes et les typographes adorent la lettre &. Ils la proposent de mille façons ;
ils la décrivent parfois comme double liaison ou nœud double. Ce sont des métaphores
appropriées pour la conjonction latine, alors que pour un Égyptien, l’ankh est le lien
concret, matériel, qui unit le pied et la semelle, le haut et le bas. Pour les Ptoléméens, les
Grecs qui gouvernèrent l’Égypte d’Alexandre le Grand jusqu’à Cléopâtre inclue, le Dieu
égyptien Thoth était le Dieu grec Hermès. Tous deux unissent le Haut et le Bas, le Ciel
et la Terre, comme les anges — messagers en grec — qui se cachent dans le mot Évangile.
Le nom anglais de &, ampersand, cache le “Volume” produit par les trois dimensions de
& : mathématique, philosophie, mysticisme. (Réf. 1) Ce sont les trois dimensions de
l’Ankh, symbole sublime utilisé aujourd’hui par des chacals analphabètes qui abusent de
la crédulité des faibles.

Montecassino, sur le Mont-Cassin.


En visitant le monastère, on remarque que l’église est un amas de symboles égyptiens.
Un lien invisible semble unir Montecassino aux premiers monastères d’Orient et à
diverses expressions religieuses, philosophiques, ésotériques, souvent préchrétiennes. Le
monastère conservait des manuscrits très antiques ; il était considéré la nouvelle
bibliothèque d’Alexandrie. Il fut fondé par Benoît, le Saint Patron de l’Europe. Notre
quartier du monde a un urgent besoin de &.
- Alors là, je ne vois pas le rapport !
Notre petit moine est un Européen. Il nous rappelle que & représente deux lettres : E, T,
enlacées en une Union indissoluble pour former ET, les premières lettres de Éros contre
Thanatos. C’est seulement une coïncidence ? Oui, répond l’Inquisition, mais le petit moine a
compris que la Victoire d’Éros sur Thanatos est La Victoire de l’Union sur la Division. Il ne
connaît pas les portillons de Castelluccio mais, comme scribe, il utilise & avec révérence à la
153
place des lettres e, t, même quand elles sont au milieu d’un mot. Il ne le fait pas pour gagner
du temps, comme disent les Modernes qui projettent sur le moyen-âge leurs obsessions de
révolution industrielle. D’autant plus que le petit moine, étant scribe, peut passer une
journée entière à dessiner et colorer la première lettre de sa page.
Avec la révérence du scribe chrétien traçant & comme si c’était la Croix, des scribes
d’autres religions traçaient d’autres symboles. Peut-être le Ankh ?
Répondant à l’appel d’Hermès l’Herméneute, le petit scribe remonta le fleuve souterrain
du Mont-Cassin à Alexandrie. La conjonction latine & devint la conjonction égyptienne
Ankh. Le petit scribe devint Thoth Le Scribe, mais sans se monter la tête. D’ailleurs, il
ne le dit à personne, ou presque. (Réf. B)

Histoires de cartomanciennes ou Histoire de la révolution post-industrielle ?


Les gens ne voient plus le rapport entre Éros et Vie, ni entre vie et union, au sens le plus
courant. « Division est la Déesse des Temps Modernes. » (B) Elle gouverne la division
scientifique du travail, et surtout une division appelée analyse, celle des problèmes, servie
à tous les repas en sauce scientifique. La synthèse, qui porte à la solution, est rarement au
menu ; elle est plus difficile.
Pour qui s’occupe d’éducation formative & recherche scientifique & développement
technologique, et doit donc s’occuper d’épistémologie, la question fondamentale est la suivante :
dans toute la scolarité, on n’utilise jamais le signe &. La Longueur et la Largeur sont
deux matières différentes. On les étudie le lundi pendant l’heure de Longueurologie et le
vendredi pendant l’heure de Largeurologie. Pour le titulaire de licence avec mention, il
est difficile de gérer une Surface, de découvrir un Volume, d’imaginer des systèmes à
peine plus complexes qui seraient des solutions aux problèmes les plus communs de la
“réalité”. Le manager dit oui, ou non. C’est suffisant pour exercer un pouvoir et faire
payer une faillite à ceux qui n’ont aucune responsabilité. La créativité est laissée aux
artistes. Pendant l’heure d’éducation artistique, ils ont appris les “techniques artistiques” :
les solutions à des problèmes qui n’existent plus depuis des siècles. Ces fossiles sont
appelés “la tradition”. Tout le monde trouve cela normal. On devient bon dans une
matière parce qu’un prof s’est moins fait haïr que les autres, ou il s’est fait aimer sans
rien faire de particulier, en apparence. Peut-on refonder l’école sur l’Union, sur l’Amour,
sur & ? Ne faisons pas rire les académiciens ; une triste trogne prouve la compétence
professionnelle.

L’organisation scolaire et la chaîne de montage sont comme la poule et l’œuf. Qui est
venu en premier ? Au début du voyage, nous avons dû montrer que la poule et l’œuf
sont nés et se sont développés ensemble comme tout système : poule & œuf.
Dans un système appelé Surface, longueur & largeur “naissent ensemble” et changent,
si la Surface change. Un autre système important est un Volume aux trois dimensions
Bio-logiques : Mère & Père & Fils. Tous les trois “naissent ensemble” et changent alors
que le Volume change, avec l’Environnement.
Une solution à un dilemme ne doit pas être cherchée dans un contenu de notre
connaissance mais dans sa forme, qui a souvent été déformée. Privés de &, nous ne
trouverons jamais la solution à aucun dilemme. Avec &, il n’y a pas de dilemme. Voilà
l’objet de l’épistémologie telle que nous l’entendons ici.

154
Comment les humains peuvent-ils vivre avec des instruments intellectuels si gravement
endommagés par l’école ? Ils y arrivent grâce à la forma mentis qui précède la science &
technologie & révolution industrielle. Les humains survivent, comme l’environnement.
Le plus petit artisan savait tout de sa matière & de ses instruments & de ses produits &
de ses marchés : il aimait son travail. Il était son travail. Avec le verbe être, ou le verbe ne
pas être & ne pas aimer, nous faisons le pas suivant : l’onto-épistémologie.
L’ouvrier de la chaîne de montage ne doit connaître que son boulon. Charlot doit serrer
son boulon, l’étreindre sans amour. N’ayant pas une vision du tout, sa connaissance est
aussi vide que la connaissance scolaire. Les robots ont substitué les ouvriers ; la structure
de l’école est restée en harmonie avec l’exploitation industrielle du travail humain,
dépassée depuis des décennies dans certains domaines.
Depuis des décennies, certaines écoles essayent de suivre la mode ; le maquillage
s’appelle approche interdisciplinaire. C’est souvent une faillite à cause d’une rouille disciplinaire
explicable par la médiocrité, l’ontologie et la psychiatrie.
Une réforme radicale, en harmonie avec la révolution post-industrielle, est devenue
urgente ; nous l’appelons Projet d’école métadisciplinaire (Réf. 1)

En remontant la rivière du Temps de hier à avant-hier, nous avons remarqué une


continuité de signifié. & serait-il un descendant de Ankh ? Pour prouver une telle dynastie,
nous devons trouver une continuité de signes de Ankh à &, d’avant-hier à hier. Ce serait
utile aujourd’hui.

En descendant le fleuve...
“A” devient “a” dans l’écriture cursive : l’écriture rapide comme la course. Comment s’est
transformé le symbole ankh en cursive ? Il pourrait être important de le savoir, en
relation avec les concepts de Vie, d’Amour, d’Union, mais seulement pour rejoindre les
objectifs précisés en chemin. (Cartomanciennes s’abstenir, merci).
Quand le scribe égyptien dessinait rapidement un ankh, il ne traçait pas un &, bien
évidemment. Les experts distinguent deux écritures égyptiennes cursives, rapides. La
première dérive des hiéroglyphes ; on l’appelle écriture hiératique (du grec hierós, sacré). La
deuxième écriture rapide, plus populaire, plus démocratique, s’appelle démotique. Comment
écrivait-on ankh en hiératique et en démotique ?
Bien avant le voyage raconté ici, l’auteur cherchait un lien entre Ankh et &. Lors d’un
échange épistolaire en août 2014, le Prof. Franco Crevatin, de l’Université de Trieste,
confirma indirectement une hypothèse.
Crevatin répondit « ci-joint ankh hiératique (le démotique est pratiquement identique). »
Nous voyons ici le signe fourni par un expert éminent. Sa forme est très
différente de la croix ansée ; il reste la jambe verticale, l’anse s’est atrophiée, les
bras ont disparu. Le signifiant est très différent, le signifié est resté ; il a galopé
jusqu’à nos jours sur une jument arabe : l’algèbre. Pour l’auteur, l’anneau
manquant entre deux signifiés – Ankh , & – se trouve dans le signifiant ankh écrit en
hiératique. Dans notre contexte, dans lequel nous parlons d’Union, on voit une
ressemblance évidente entre le ankh hiératique et le signifiant 1, qui signifie le nombre Un.
- Il y aurait donc une relation entre 1, Un, Unité, et Union, Amour, Vie ?
155
Dans ce contexte précis, nous répondons que oui. Il convient donc de continuer la
recherche mais ce sera facile : dans l’école de notre enfance, nous avons démoli les
cloisons qui la divisaient comme une chaîne de montage industriel ; nous avons rétabli la
communication entre les classes de mathématiques et de philosophie, et la chapelle.

Considérons “1, Un” dans les pays méditerranéens, à partir de l’Égypte antique. Le
chiffre “1” le plus rigide est aussi la lettre “I” des Romains. Les différentes écritures
arabes, utilisant un signe indien, ont maintenu le moelleux de l’ankh hiératique. Il faut
aller en Extrême-Orient pour trouver un différent “1, Un”, avant la globalisation
numérique. En Chine, comme nous l’avons vu, mais aussi au Japon ou en Corée, le signe 1
n’est pas vertical mais horizontal. Un effet de l’opium ? Une mauvaise plaisanterie
souligne une question fondamentale que personne, jamais, ne pose : pourquoi ?

Depuis toujours, on compte sur ses doigts et en touchant d’autres parties de son propre
corps ; une main ouverte signifie un nombre : “cinq”. Certains utilisent une longue ligne
horizontale pour signifier “un” ; pourquoi d’autres utilisent-ils un court trait vertical?
Sans hésiter, un lecteur de Rabelais donnerait un nom à ce court trait vertical ; il aurait tort.
Il tuerait une bonne question avec le plomb d’une seule petite réponse, ignorant la
question implicite dans la longue ligne horizontale : à qui appartient ce corps au repos ?

Si le saut de l’Égypte antique au Mont-Cassin est trop


grand, voici une étape intermédiaire : Pompéi.
À gauche la & d’un graffiti mural de Pompéi : dos
courbé sur sa tablette de cire, un scribe latin utilise deux
lettres : E, T, pour faire son autoportrait. À droite, voici
un copiste moyenâgeux, un moine paillard digne de Rabelais. Les deux scribes semblent
très conscients de leur origine égyptienne : les deux autoportraits sont des hiéroglyphes
européens. Ils constituent l’exergue de Amare. Una lettera... (Aimer. Une lettre...) de Albert
Gianna, cité plusieurs fois ici. Dans son roman, Gianna signale un énorme Ankh en bois,
l’unique objet dans une pièce vide à l’entrée d’un petit monastère catholique, perdu dans
les bois derrière l’imposant Monastère du Mont-Cassin. Nous avons vérifié ce détail
aussi. Dans le titre du roman, nous n’avons pas un substantif statique, Amour, mais un
verbe aussi dynamique que la Vie elle-même : Aimer.
Ce verbe s’exprime en un symbole : &, l’esperluette, qui fut la dernière lettre de
l’alphabet, comme Dimanche devint le dernier jour de la semaine. (Réf. B)

Deux symboles fondamentaux : Ankh, &, provenant de deux “cultures” différentes,


coïncident non seulement par la forme qu’ils prennent en calligraphie rapide – ce pourrait
être un hasard – mais surtout dans la signification.
En remontant plus loin encore, avant les égyptiens, nous pourrions arriver à un substrat
linguistique et un archéonyme pour Ankh et &, comme celui indiqué par le Prof. Aspesi
pour Labyrinthe et Bassin lustral. (Réf. D)
Comme s’il s’agissait d’une racine étymologique, un archéonyme indique une signification
profonde et son origine.

156
Certains historiens, ou plutôt certains lecteurs de livres d’histoire, ont inventé la
préhistoire et l’ont définie période sans écriture. La préhistoire est le temps sans “livres”,
selon les rats de bibliothèque. Il serait donc absurde de chercher des archéonymes à
l’origine de Ankh et de &.
Cependant, nous en avons trouvés dans le musée de Syracuse, exprimés en hiéroglyphes
siciliens de pierre. Leur poids n’est pas seulement matériel.
Les portillons 1 et 3 sont deux calligraphies d’un archéonyme fondamental. Il recouvre le
même champ sémantique que Ankh et &, il en combine toutes les significations : Union,
Amour, Vie, indiquant ainsi la thérapie pour les conséquences d’un accident grave ou
d’une crise d’adolescence que nous appelons vieillesse.
Les portillons 2 et 4 sont deux calligraphies d’un archéonyme fondamental précédant,
quand la guérison était assurée par l’Amour Vital de Notre-Dame Déesse.
Les quatre pierres de Castelluccio sont des substrats de notre être ; elles appartiennent à
notre géologie intime.

Au début du voyage, nous avions lu deux panneaux de pierre dans le temple de Mnajdra.
Pour notre “culture”, l’écriture est importante ; certains textes sont sacrés, et la première
chose que doit faire un enfant à l’école est d’apprendre à lire le papier. Dans les
“cultures” archaïques, ceux qui ne savaient pas lire la pierre étaient des analphabètes.
Nous sommes tous analphabètes dans un champ ou dans un autre, mais apprendre à lire
de nouvelles langues peut aider à vivre plus heureux. Ce n’est pas urgent.

Voici une vision qui complète les portillons 1 et 2. Il faut observer leur forme
rectangulaire, mince, puis fermer les yeux pour les rouvrir au bar à l’heure de l’apéritif.
À une table, quatre retraités jouent aux cartes. Chacun tient cinq ou six portillons de
Castelluccio d’une seule main. Les Géants...

Quelle vision ! Mais à propos de l’abside trilobée et du trèfle de Saint Patrice, nous
avions déjà dit que les signes “néolithiques” sur les cartes à jouer mériteraient un
développement impossible ici. Nous invitons chercheuses et chercheurs à écrire ce livre.
Les Dieux sont propices, et quand la dernière librairie aura fermé ses portes, leur livre
sera vendu par les cartomanciennes et les magiciens qui ouvrent des boutiques partout.

157
Premier épilogue, triste.
Le petit moine riait, heureux d’avoir découvert la continuité entre & et Ankh. Il riait de
l’embarras suscité par sa conviction ingénue que & était le nouveau symbole de l’Union,
de l’Amour, de la Vie...
Il ignorait que le monde se fiche complètement de l’Union, de la Con-jonction ; il
ignorait que tous préfèrent la Di-vision dans toutes ses formes Dia-boliques.
Il ne rit plus, le petit moine. Il gît sous les décombres de son monastère, rasé par les
bombardements de la bataille de Montecassino en 1944 et partout aujourd’hui au
Moyen-Orient et ailleurs.

Deuxième épilogue, bio.


En ce mois de mai, l’auteur découvre les portillons de Castelluccio alors que les fleurs
d’acanthe s’élancent partout dans le parc archéologique. Dans le théâtre grec, des abeilles
avec un casque sur la tête préparent la ruche. En mai, les tragédies classiques
refleurissent à Syracuse.
En regardant la scène du haut des gradins, on se sent serré aux épaules par l’hémisphère
rupestre : il embrasse l’hémisphère théâtral. Une demi-douzaine de petites grottes sont
creusées dans le rocher. Taillées sur les parois, des dizaines de petites empreintes
rectangulaires prennent le soleil : ce sont les fantômes de plaques avec inscriptions,
devenues trophées dans les villas de dignes barbares. Au centre de l’amphithéâtre de
roche, là d’où sortirait la source de lumière si nous étions au cinéma, une source d’eau
naît de la paroi d’une grotte et remplit un bassin de pierre.
Après avoir vu les portillons de Castelluccio, il est impossible de décrire ceci comme un
“théâtre” dans une “nécropole rupestre”.
Ici, nous sommes au-delà de ces pauvres mots.
Une voix nous arrive de loin ; celle de notre professeur du lycée, brisée par l’émotion :
« La tragédie grecque n’était pas un spectacle ; c’était un rite ! »
Il avait fallu des années pour comprendre que tout spectacle, toute fête, tout repas, est
un rite.

Comme sur le portillon 1 de Castelluccio, hier et aujourd’hui, religion et pornographie se


mélangent à l’écho de rites assoiffés de sang. Sacrifiés & sacrifiants s’Unissent en un
Symbole Sacré vendu au bazar. L’anthropophage émerge dans la morsure d’un baiser ;
un coup de couteau peut être un acte manqué freudien.

Impossible ici ne pas penser aux concerts de rock. Un peuple entier chante en chœur
avec l’Idole sur scène ; des milliers de bras levés ondoient comme le blé mûr au vent : ils
illuminent la nuit de la flamme de mille briquets et de dix mille smartphones.

Impossible ici ne pas se souvenir de l’enfance. Psalmodiant des paroles


incompréhensibles, un pasteur guidait un troupeau de moutons immobiles au-delà de
l’Autel du Sacrifice, au-delà des coulisses, vers l’Invisible. À l’apogée du rite, tourné vers
l’Infini, pour résoudre les problèmes du monde, le Magicien sortait de son haut-de-
forme le Deus ex machina, à l’Élévation.

158
Sur la route du retour, Mamma Etna était bien visible à l’horizon. Ralentie par la
circulation, l’automobile passa à coté d’un panneau publicitaire. Deux petits pots
représentaient le produit, mais à la place de la Vénus sans cellulite, il y avait une gamine
plus petite que les deux pots de... yaourt ? Elle était assise sous un arbre prospère. Une
phrase – Pépé tu me racontes une fable ? –- accompagnait la marque : Bio quelque chose.
L’auteur n’a pas besoin de yaourt bio pour régler son intestin mais étant grand-père, il
pensa au problème de son petit-fils. Le soir, revivant les émotions de la journée, il versa
le yaourt dans les ventres de pierre qui couronnent le théâtre grec de Syracuse, fermés
par les portillons de Castelluccio et illuminés par les étoiles : des centaines de sites
anonymes – villages de gens comme nous – sur une carte de la Sicile.
Une nouvelle marque de yaourt ?... À moins que, sur une île qui vibre de Vie depuis des
milliers d’années, quelqu’un n’ait compris les temps archaïques mieux que l’Académie, et
le temps présent mieux que le Palais et le Temple.
L’Oracle de Google confirma l’hypothèse : une entreprise de pompes funèbres a trouvé
la synthèse parfaite entre les exigences d’aujourd’hui et d’il y a 10.000 ans. Elle propose
une urne biodégradable dans laquelle déposer les cendres de la crémation, en y ajoutant
des graines au choix. Enterrée dans le jardin de la maison, l’urne bio est aussi magique
qu’un portillon de Castelluccio ; sa magie est concrète, réaliste ; elle soigne une âme
triste. Qui a aimé une personne vivante dans le souvenir est un peu moins triste de la
voir vivre dans une plante, comme dans la vision de Callimaque où la fleur d’acanthe
s’élève dans la Colonne de l’Omphalos de Delphes.
Il y a une cerise sur le gâteau, si l’on peut dire. La marque a un slogan qui semble écrit
pour ce Monologue sur la Continuité : « Bio urne – La vie continue. »
L’auteur fait tous ses compliments à l’inventeur du produit, mais il maintient son
copyright sur un vieux projet : instaurer un nouveau rite archaïque. Dans ce récit de
voyage, nous avons souvent parlé du Vase. Pour le rite de la Continuité de la Vie, que
certains appellent funérailles, nous proposons un vase de terre non cuite. Il est plus
écologique que le vase cinéraire en terre cuite du pépé villanovien. D’un point de vue
philologique, notre vase est plus correct que le petit pot simil-yaourt : le carton
biodégradable est moins noble que la terre. Notre vase Terre à Terre® redécouvre une
formule magique antique qui n’impliquait pas une acceptation de la mort inéluctable,
bien au contraire. La formule garantissait la renaissance à partir d’une matière très
fertile : « Les cendres aux cendres, la poussière à la poussière. »
Le tri sélectif des déchets suit le même schéma dans un autre Temps Circulaire : la Vie
Cyclique des produits est demandée par la Déesse Industrie Écologique et offerte par
des fidèles qui La servent librement. Ils ne sont pas esclaves du Dieu Consumérisme,
n’est-ce pas ?

On explique ainsi l’antique coutume de la crémation. Les pasteurs brûlent les champs
pour faire renaître l’herbe jeune qui donne le meilleur lait. La crémation offre un bonus :
alors que les cendres préparent la renaissance à partir de la Terre, la fumée de la bonne
âme caresse parents et amis pendant qu’elle monte au Ciel. Elle reviendra ; elle est déjà
revenue les autres fois : les visages des enfants le disent ; ils sont semblables à ceux des
parents et grands-parents, sans autre explication plausible.
159
On comprend alors l’importance des rites du rebord de fenêtre, dédiés à une plante dans
un Vase : la couronne de Déméter. L’officiant, jeune ou vieux, est toujours archaïque : il
parle avec une fleur pour l’inciter à vivre. Si la Magie du Verbe est impuissante, il la
plante à nouveau. C’est la Loi d’un Dieu cruel : Le Vendeur de belles esclaves en fleur. Il
spécule sur la peur d’un dénouement tragique qu’Il a prévu, programmé et annoncé en
termes hermétiques dès le premier acte du drame.
Sur l’avant-scène d’une fenêtre, parmi les fumées de la circulation, on récite des tragédies
antiques.

Insecta, éntoma: les Latins et les Grecs signalent des animaux divisés : les insectes.
Isis, La Déesse, colle les morceaux du Dieu Divisé, Osiris, avec l’Ankh.
N’ayant pas de pouvoir divin, nous réunissons ce que nous pouvons avec &.
D’autres petits humains l’ont fait ailleurs.
- Qui ? Où ? Pourquoi ?
Par exemple les Grecs d’Alexandrie d’Égypte. Pour unir et gouverner une populace divisée
par les religions, ils collèrent les morceaux de leurs divinités.
Ils inventèrent le Dieu Pizza & Coca-Cola : Sérapis, chargé du
rayon “La Belle Vie Ne Finit Jamais”.
Barbe de Zeus et Panier-Vase de Déméter sur la tête, le Sérapis
du Vatican est un chef-d’œuvre de syncrétisme, à mourir de
rire pour renaître le sourire aux lèvres, prêt pour un nouveau
tour sur le manège du Temps Circulaire.

Les fleuristes se plaignent : le 8 Mars, la Fête des Mères et la


Toussaint ne suffisent plus. Pourquoi ne pas lancer la Fête de
Sérapis ? Plus abordable qu’un diamant, une fleur en pot est
éternelle. La date sera choisie en fonction d’exigences
boutiquières. Tous les jours sont bons quand il s’agit de rire.
Un fait est incontestable ; un arbre mort, un figuier en particulier, renaît de ses racines.
“Donc”, la Vie vient de la Terre.

Gaston Bachelard a écrit La Psychanalyse du feu. Nous avons utilisé sa méthode de


recherche & divulgation : la rêverie. L’auteur de L’eau et les rêves était un épistémologue et
un philosophe des sciences. Il avait commencé sa carrière comme employé de la Poste,
en France. À la fin de notre Monologue sur la Continuité, écoutons la voix d’un autre
philosophe, stoïque employé de l’État à Rome :
« La perte de la vie n’est qu’une transformation
agréée par la Nature universelle
qui fait naître chaque chose. »
Marc Aurèle, Empereur (Pensées pour moi-même – IX, 35)

160
Bonus track 8 – Mai 2018
L’Oreille de Dionysos
Dans le Prologue, nous avons mis en garde contre la morale victorienne : une magie noire qui
rend invisible ce qui est humain. Nous avons rappelé que, selon la linguistique, la
signification d’un symbole dépend de son contexte. Qui a suivi notre voyage de Malte à
Athènes et de Mycènes à Delphes pourra venir ici à Syracuse et contempler l’Invisible.
Derrière le théâtre grec, une dépression rocheuse est appelée Latomia del Paradiso : carrière
de pierre du Paradis. À Rome pendant la Renaissance, le Colisée était devenu une carrière
de pierre ; on aurait pu l’appeler Latomie de l’Enfer.
Le Caravage baptisa Oreille de Dionysos une “grotte-carrière de pierre” de la Latomie du
Paradis. Après notre voyage, nous pouvons l’appeler Temple du Paradis Perdu.
À 9 heures du matin dans l’antre, on sent la présence d’une nymphe : Écho. À 9.30 il faut
se sauver : les touristes ne crieraient pas comme cela pour écouter l’écho dans une église,
mais ce lieu n’est pas sacré, n’est-pas ? Cependant, il suffit d’un instant de silence pour
entendre murmurer la Sybille de Syracuse, dont aucune chronique ne parle. Il y a déjà tant à
raconter sur la Sicile : les Grecs, les Romains, les Arabes, les Normands, les Espagnols...
– Notre industrie touristique n’a aucun besoin d’une Sybille paléolithique !
L’écho, l’air plus frais font venir à l’esprit une cathédrale. On croit voir pour la première
fois, comprendre pour la première fois, l’arcade gothique, après avoir compris la porte du
temple de Mnajdra. Les deux parois de pierre se rejoignent en une ogive à 18-20 mètres
de hauteur. La nef, large 5-6 mètres, ne continue pas tout droit mais en un méandre en S,
long 50-60 mètres, interrompu brusquement par une paroi rocheuse verticale,
péremptoire. Étrange. À mi-chemin à droite, un renfoncement creusé, rectangulaire, fait
penser à une utilisation, à une fonction. Un rite ? Le S ne suffit pas à évoquer une
spirale, ni à appeler ce temple Ventre de la Déesse Serpent.
À l’entrée, il y a deux anneaux de pierre creusés dans le
rocher, l’un en face de l’autre. Un seul anneau était creusé
dans une pierre à l’entrée de pauvres maisons de
montagne ; on y attachait la corde de l’âne. Chez les
grands-parents de l’auteur, dans les Abruzzes, une
fonction si humble ne justifiait pas la dépense d’un anneau
de fer. Ici, les deux anneaux de pierre sont trop élevés
pour un âne : trois mètres environ. Ils seraient parfaits
pour y tendre la corde d’où pend le rideau de scène. Nous
sommes dans un théâtre où tout spectacle est un rite,
comme dans le théâtre grec, là-haut.
La porte de ce temple de la Déesse de Syracuse à une
forme différente de la porte de Ses autres temples :
Mnajdra à Malte et Giarre sur l’Etna. Le signifiant est
différent mais, dans le même contexte, le signifié est le
même : abc = Abc.
Cette porte nous rappelle d’autres printemps, il y a 50
ans. Les Vestales de la Déesse chantaient, en cortège.
Elles élevaient les mains au-dessus de leur tête. Les pouces et index unis formaient une
arcade gothique. Il y a 5.000 ans, bien avant qu’elles ne brûlent leur soutien-gorge, leur
geste signifiait... l’Oreille de Dionysos. (*)
161
(*) Note sur l’archéologie “scientifique” et sur l’origine des “religions” (Août 2021)
Avons- nous exagéré ?
- Pour assimiler l’entrée d’une grotte à une vulve, il faut une preuve scientifique !
Ainsi-soit-il. Voici donc une preuve vraiment scientifique, sur Mediterranean Archeology.
« Un archéologue découvre qu’au 19e siècle, le pain, les spaghetti et le couscous avaient la même
composition chimique. Donc, à l’époque, trois mots différents indiquaient le même aliment. »
C’était une plaisanterie bien sûr, mais tous les jours nous lisons ce genre de bêtise : une parodie
de méthode scientifique appliquée à un domaine humaniste ; la confusion habituelle, et fatale,
entre connaissance disciplinaire et compétence systémique.
Comment démontrer que la grotte de Syracuse était une cathédrale paléolithique, un temple de
roche de l’âge de la pierre dédié à la Femme Mère ?
On ne le démontre pas, justement. On observe qu’une cavité rocheuse naturelle fut modifiée par
des humains pour représenter l’organe génital féminin, fermé par un voile puis par un mur, en une
conscience “préscientifique & humaniste”.
Les humains préhistoriques étaient des humanistes ? Oui, à leur façon. La réalité humaine était pour
eux au centre d’un Tout dont ils n’avaient pas encore été séparés. La Femme était au centre de la
Communauté. Le Centre du centre était l’Absolument Sacré, le Sancta Sanctorum du Temple.
Mais Sacré, Déesse, Temple, Religion, Mort, et donc Vie, sont des mots et des réalités à nous.
L’archéologie doit recueillir des données objectives pour l’herméneutique, mais l’interprétation est
toujours subjective. Elle peut être correcte si on adopte le point de vue de cette époque au cours
d’une observation humanistique métadisciplinaire.
Au début de ce voyage, nous avions découvert que l’organe génital féminin était représenté dans
le temple de Mnajdra et sur les “boucliers en 8” de Mycènes et Crète. Dans les deux cas, le vagin
était clairement distinct de l’utérus. À Syracuse, une paroi rocheuse verticale sépare la première
partie de la grotte d’une cavité onirique fondamentale : les coulisses du Théâtre de la Vie.
Ce “mur” pourrait représenter la division naturelle derrière laquelle se réalise la Magie de la Vie. Ce
n’était pas un secret ; c’était un “Mystère”.
Questions, réponses et déductions.
Existe-t-il ailleurs d’autres grottes dans lesquels un long couloir – le vagin – serait interrompu par
des pierres dont la disposition transformerait le fond de la grotte en une poche – l’utérus – où se
réaliserait cette magie secrète ?
Quels objets significatifs pourrait-on trouver derrière ce muret, dans cette poche ?
Réponse : oui. On a découvert des grottes semblables avec un muret derrière lequel se
trouvaient des ossements humains.
Déduction de l’archéologie “scientifique” : le mort avait été l’objet d’un rite funéraire.
Pourrions-nous dire au contraire que le “mort” était un “vivant” avec un problème, résolu en (re)mettant
son corps dans l’utérus de la Roche Mère ou de la Terre Mère ? Cela aurait été logique dans leur
Temps circulaire, si semblable au manège des jours, des mois et des fêtes de notre Temps linéaire.
Non, nous ne pouvons pas le dire. Il manque la preuve décisive, l’analyse chimique, le pourcentage
de kryptonite dans les restes de… soupe populaire d’une certaine archéologie “scientifique”.
Avons-nous encore exagéré ? Voyons un autre exemple, plus subtile cette fois, et authentique. (**)
Un archéologue décrit la scène de sa découverte: « grotte », « mur grossier qui divisait
partiellement en deux la cavité, assez étroite en elle-même .../... derrière lequel étaient déposés
les ossements humains cités.»
Pour ce tableau, il envisage une « fonction incubatrice », comme pour les œufs et les bébés.
Il évoque des « enterrements à l’intérieur des grottes » et « dans des cavités artificielles .../... qui
veulent d’une certaine façon reproduire, selon une interprétation, l’“utérus” de la Terre Mère. »
L’archéologue conjugue ses verbes au dubitatif. Veut-il suggérer le manque de preuves scientifiques ?
Essaye-t-il de se protéger de la Sainte Inquisition ?
Il a écrit “utérus”, entre guillemets, mais pour les avoir omis sur Mère, il finira sur le bûcher.
Ce sera une peine légère, pour qui décrit l’origine des religions mais refuse de la voir.

(**) Le grotte dell’Etna nella Preistoria, Francesco Privitera (Academia.edu)


162
Bonus track 9 – Mai 2018
La Déesse globale
Il fut un temps où certains occidentaux allaient en Extrême-Orient pour des raisons
spirituelles. C’est ce qu’ils disaient. Puis les spiritualités orientales ouvrirent des missions en
Occident. La globalisation est un processus réciproque qui concerne finance et marchandises,
modes et religions. Les influences sont réciproques ; les invasions barbares aussi.
Observons cinq groupes religieux, en ordre chronologique : Indouisme, Hébraïsme,
Bouddhisme, Christianisme, Islam. Nous remarquons qu’ils sont semblables dans leurs
aspirations. Ils diffèrent dans les rites et le comportement quotidien, qui sont l’habit
solennel et le corps malodorant de l’âme. Certains notent les liens entre les cinq groupes
cités ; d’autres en plus grand nombre observent les différences avec un plaisir vaniteux.
Sadiquement, certains soulignent les différences par le fer et par le feu. Le Dia-ble di-vise.
Rappelons quelques liens bien connus. Siddharta, le Bouddha – vu parfois comme un
précurseur de Jésus, le Christ – est un contemporain de Socrate dont l’enseignement, aux
accents évangéliques notés ici, culmine dans une tasse de tisane amère acceptée comme
la Croix. Alexandre le Grand, arrivé en Extrême-Orient, influence le drapé du Bouddha,
parfois sculpté à la mode de Phidias et de Callimaque. L’Eau se sépare en cours d’eau :
enfants de la Montagne qui les allaite. Comme la Vache sacrée hindoue ? Peut-être. Les
humains naissent-ils tous de la même façon ? Peut-être.
Sur l’étagère d’un antiquaire, il y a une personne en
céramique blanche. Elle sourit, béate au milieu du
fourbi, consciente d’une situation ridicule qu’Il
accepte. Qui est-ce ? Homme ou femme, Dieu ou
Déesse, elle porte une corne d’abondance en forme de
lotus... Ou un lotus en forme de corne d’abondance ?
Une brise légère anime son habit ; elle souffle de
l’Orient vers l’Occident, où les Lotophages offraient
aux visiteurs un don divin : l’oubli.
La corne d’abondance est un symbole de Notre-Dame
Déesse ; le lotus est associé au Bouddha, qui n’est pas
un Dieu mais un homme. Un homme très spécial mais
quand même un homme. À moins que... Serait-il
blasphème de dire que le Bouddha est aussi femme ?
Un Pape a osé dire que Dieu le Père est aussi Mère ;
ses successeurs l’ont confirmé, plus discrètement. La
vraie divinité n’est pas une question d’organes génitaux.
Mille images et sensations associent le Bouddha à une douceur féminine, dans un contexte de
violences masculines, et vice versa. Certains bouddhistes vénèrent une Déesse d’origine
Hindou, Tara, Mère de tous les Bouddhas. Comme Notre-Dame Déesse ? L’auteur ne sait rien
des religions et philosophies orientales ; et trop peu des occidentales. Il n’affirme pas, il n’exclut
pas, il ne sait pas. Il suggère de regarder le monde avec les yeux accueillants de l’Espérance. Ce
sont les yeux de l’antiquaire alors qu’il définit la petite statue couleur lait : « Chine ; années ’50. »
Pour ne pas impressionner le possible acquéreur, il ne précise pas la période : Dynastie Mao.
Le prix n’est qu’une hypothèse. C’est un petit prix, trop petit pour tant de grâce.
L’auteur n’est pas un kidnappeur. Il salue et laisse l’apparition à sa place : entre le
vagabond et l’Horloge qui conjugue le temps présent au mode éternel.
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Bonus track 10 – Juin 2018

La Déesse immobile

J’ai été un potier.


J’aimais ma terre, sur le tour.
J’adorais monter un vase de terre et d’eau.
La terre tournait, primordiale, informe. Elle avait besoin de mes caresses, qui se faisaient pressantes ; elles
devenaient indiscrètes quand entrait en action le doigt du milieu de la main gauche.
Effleuré, le mont de Vénus s’ouvrait tout seul, enivré par la valse.
J’ajoutais un peu d’eau ; la bouche buvait, en aspirant le doigt.
Alors, l’index et l’annulaire aussi entraient dans la danse.
Trois doigts unis, élargissant la porte, envahissaient la grotte primordiale.
La main gauche dans le ventre suivait la droite montante : une caresse nouvelle poussait le vase à se lever.
Et le vase se levait, lentement, comme une fille de son lit, à moitié endormie.
Puis elle prenait la forme qui lui faisait plaisir parce qu’un bon potier n’est pas un bon amant.

Ma tête aussi tournait, emportée par la musique irrésistible de la roue.


C’était une roue pesante. À la base de l’axe vertical, le maréchal-ferrant du village avait soudé douze
rayons dans un cercle : une roue de bicyclette épaisse comme la roue d’une charrette. Je l’avais remplie de
ciment. J’avais besoin d’une roue pesante.
Elle partait lentement, poussée par mon pied droit.
Avec un premier, un deuxième, un troisième coup de pied, la roue prenait de la vitesse et ne s’arrêtait plus.
Elle me donnait le temps.
Elle me donnait le temps de former le vase, en pressant la terre sans arrêter la Danse du Derviche.
Quand elle ralentissait, un seul coup de talon donnait à la roue la force d’un cheval.

Après des heures de travail heureux, mon pied arrêtait la roue mais pour mes yeux hypnotisés – saoulés ! –
le vase continuait de tourner.
Je devais attendre un instant.
Quand le vase s’était arrêté lui aussi, je pouvais descendre du tour et sortir de mon ‘labeuratoire’ – ainsi
l’appelait Nicolò, étymologiste à 4 ans – comme un marin qui a le mal de terre après la traversée.

Un soir, j’inventais un jeu gentil pour nous deux : pour ma terre et moi.
Après le dernier vase, j’arrêtais la roue en traînant du pied droit ; Nicolò arrêtait ainsi son tricycle.
Un pied disait que la roue était immobile ; deux yeux affirmaient que le vase tournait.
D’un petit coup de talon, en arrière, le vase continuait de tourner en avant mais plus lentement.
Au deuxième petit coup, mon pied droit disait que la roue tournait plus rapidement en arrière.
Menteur...
Les yeux disent toujours la vérité : pour eux, mon vase – La Déesse – était immobile.

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Bonus track 11 – Juin 2018

Nomades et paysans
Conjectures sur la genèse de la conscience humaine
La vie n’est qu’ombre qui chemine...
W. Shakespeare (Macbeth, V, 5)

Dans les domaines humanistes et scientifiques, le chercheur n’est pas un artisan qui
connaît la matière qu’il travaille ; c’est un nomade chasseur-cueilleur. Il suit de vagues
traces, il cueille des racines et des fruits au hasard ; il les goûte avec prudence. Ils
nourrissent une nouvelle connaissance des choses et une nouvelle conscience de soi,
semences d’un monde nouveau. Quand il est rassasié, le chercheur s’arrête et devient
artisan ; le nomade devient un paysan. Sa recherche n’avait été qu’une réaction à une
attaque de fringale, ou à une question brutale comme la suivante.
Comment diable a bien pu commencer l’histoire des Dieux ?! Et avant, l’histoire de la
Déesse ? Et avant encore, l’histoire et la préhistoire de la conscience, de soi et du monde ?
Narcisse inventa le selfie, mais fut-il aussi responsable du Péché Originel : la prise de
conscience de soi ?
On peut imaginer que le nomade chasseur-cueilleur primordial n’avait pas un point de vue
parce qu’il se déplaçait. Il ne pouvait pas avoir un point de vue parce qu’il en avait trop : il
nageait dans un Tout fluide, son Tout à lui, un élément obscur pour nous. Cela n’empêchait
pas une accumulation de compétences et connaissances qu’on pourrait définir “souvenirs
atemporels”, associés à des actions complexes et à une vie sociale, comme chez d’autres
espèces. Pourtant, la conscience des animaux n’est pas semblable à la nôtre, ni à celle de nos
ancêtres. Chacun de nous est une certaine conscience de soi & de son propre monde.

Toute conscience est une surface. Grâce à La Multiplication, une longueur et une largeur
disparaissent dans une Surface : un Être différent, nouveau. Les mathématiciens mystiques du
passé devaient être fascinés par une opération algébrique qui produit un objet géométrique :
- Multiplication est le nom secret de la Déesse...
Ils pourraient l’avoir pensé. L’auteur les imite et propose une autre multiplication dans
laquelle deux facteurs disparaissent en un produit : un Être nouveau.
- Un monde sensible & Un monde linguistique = Une Conscience
Voici donc exprimée la genèse de la Conscience en une formule qui explique notre
aphorisme initial : toute conscience est une surface. Avec la prudence de Dédale, nous évitons
de noter que le monde sensible, la “réalité”, est le produit de nos sens : ce sont des langages
eux aussi. Unis à d’autres langages, les sens sont des langages qui produisent ce qu’ils
prétendent décrire. À moins que quelqu’un ne croie vraiment que la couleur bleue
appartient à la mer, le blanc à la peau des justes et le rouge à leur pinard, pour citer les
couleurs du drapeau d’êtres humains qui croient vraiment être Français, un mot d’origine
allemande. Le monde sensible est produit par nos cinq sens. D’autres sens existeront quand
nous leur donnerons un nom. Les sens sont des langages communs mais la sensibilité de
chaque sens – sa grammaire, son vocabulaire, etc. – est différente pour chaque humain. Les
mots nous manquent pour les sens des autres vivants, végétaux compris.
165
La formule devrait donc être réécrite :
- Une Conscience est le produit de la multiplication de tous ses langages.
Paternel, Dédale insiste : tenez-vous-en à ces deux dimensions de votre conscience :
votre monde sensible et vos langages. Contentez-vous de votre Surface.
Et la troisième dimension ? Une multiplication successive transformerait-elle la Surface
en Volume ? Ou produirait-elle un nouvel Être Supérieur sans nom ?
Dédale émet un grand biiip ! et descend en vol plané. Il atterrit en un lieu sûr où
pleurer son fils, puis il reprend son travail, comme un brave artisan.
Dédale est L’Artisan ; il travaille au temps présent éternel du mythe.
Il construit le Labyrinthe comme prison pour le Minotaure. Il y est maintenu
prisonnier avec Icare par une force naturelle et culturelle. Il échappe à la gravité
grâce à la légèreté des plumes, fixées par la cire d’une collègue : Abeille. Il prend
son envol mais il sait que le Monstre Obscur qu’il fuit a un contraire tout aussi
dangereux : la Lumière Absolue.
Dédale est L’Artisan Pragmatique : il ignore la composition chimique et la
température de cuisson qui occupent les pensées de certains archéologues quand
ils regardent un vase, mais il sait bien comment & pourquoi & quand faire Le
Vase et il le fait, toujours différent et toujours utile.
Au début du voyage, nous avons examiné le Labyrinthe primordial ; il n’avait
aucun rapport avec Dédale. Comment cela est-il possible ? La réponse nous vient
de la genèse des mythes.
Un mythe peut-il avoir été créé par quelqu’un? Quel que soit l’auteur, le mythe est
vrai, en cours de validité, riche de substances actives, bref le mythe est vivant
quand il a été intériorisé de mille façons par les gens et retransmis, avec des
changements. Le mythe n’est pas une langue morte. Cependant, s’il était licite
d’établir un classement, on pourrait dire que les mythes les plus importants sont
les plus stables. Malgré quelques changements, ils se reconnaissent dans des
contextes différents. Les grands mythes sont des caméléons ; leur interprète
devrait être aveugle aux couleurs ; il devrait regarder les formes, voir les relations
et reconnaître les structures.
- - Donc l’herméneute devrait être un structuraliste.
Oui professeur, merci de l’avoir souligné de façon si docte, mais à propos de la
genèse du mythe, nous cherchons un boulanger, pas un critique gastronomique.
Comment crée-t-on un mythe, et qui le crée ? Un poète ? Un prophète ? Un
philosophe ? Un romancier ? Un historien ? Un journaliste ? Un apparatchik ?
Dans tous ces cas, l’auteur du mythe récupère de vieilles briques linguistiques et,
ajoutant un peu de ciment frais, il construit un nouvel édifice de paroles qui
produisent un nouveau monde. Les mythes héroïques grecs utilisent du matériel
mythologique dénaturé.
Par exemple, la Femme Serpent, dégradée à Hydre monstrueuse, est tuée par
Hercule. Les Héros combattent une guerre civile et imposent une révolution sociale
et religieuse. Les mythes héroïques grecs décrivent & produisent & maintiennent le
Patriarcat & démolissent la Civilisation de la Femme, chaque jour. La marche sur

166
Rome des fascistes italiens en 1922 fut un remake hollywoodien de la marche sur
Delphes des Héros grecs.
Le mythe de Dédale et Icare a une fonction différente et contraire, mais sa genèse
est similaire. Chaque jour, le mythe de Dédale et Icare décrit & produit & maintient
la philosophie : un pléonasme qui indique l’Amour de la Sagesse & La Sagesse de l’Amour.
La vraie philosophie naquit dans la Méditerranée nord-orientale où avait existé le
vrai Labyrinthe. C’était une caverne, l’image spéculaire de la Femme Mère, avec un
bassin d’eau, le premier miroir pour les femmes qui s’y contemplaient alors qu’elles
célébraient les rites de la Déesse : des ablutions, probablement, comme aujourd’hui.
La vraie philosophie nous éloigne du Monstre Obscure et nous rapproche du Soleil. En
nous élevant au dessus de ce nouveau Labyrinthe qui empêche toute vision et impose ses
parcours, la vraie philosophie nous guide vers un Ciel sans frontières qui nous laisse libres
comme l’air... mais le philosophe Dédale conseille de rester à bonne distance des deux.
Une boussole guide Dédale alors que la Vie s’écoule comme un arc-en-ciel
tourbillonnant, loin des pôles – le Noir, le Blanc – qui hypnotisent tant de gens.
Par exemple, Sartre a écrit Le Diable et le Bon Dieu, pièce dans laquelle le Héros
choisi d’être un criminel, puis il choisit d’être un saint. Comme beaucoup, Sartre
semble utiliser la conjonction latine Et, qui s’écrit & sans souligner, comme s’il
s’agissait de la disjonction latine Aut qui signifie “ou”: on est un criminel, “ou” on
est un saint. Dédale réécrirait le drame en l’intitulant Le Diable & Bon Dieu, parce
que & souligné change tout. Rappelons que longueur & largeur = Volume, le
Produit qui n’a aucun rapport avec ses facteurs. Dédale conjugue le Verbe caché
dans la dernière lettre de l’antique alphabet : &. (B)
Suivant l’aiguille de cette Boussole, Dédale sait presque toujours comment il
devrait voler, et pourquoi, et pour qui.
À quoi sert la philosophie ? La vraie philosophie sert à mieux voler.
Bras dessus bras dessous avec Dédale – un père très maternel – nous reprenons
nos divagations sur le Volume sans nom.
Si cet Être Supérieur avait un nom, il serait produit par son propre nom comme dans un
miroir, parce que les langages ne décrivent pas, ne représentent pas. Nos langages
produisent le réel & l’irréel, l’être & le non-être, contribuant à notre conscience.
Le Volume ne peut même pas être évoqué, comme font les mystiques, par une note
musicale spéciale: silence. Un silence n’est qu’un autre produit de l’union entre un monde
sensible & un monde linguistique.
« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » écrivit Pascal.
Ce silence ne fait pas peur à l’auteur parce que, comme Pascal, il écoute donc il produit un
silence & un temps éternel & des espaces infinis. Il y en a d’autres.
Une oreille & un silence = une conscience, produite par cette oreille & ce silence. Il y a
d’autres consciences.
Nous voici donc revenus à la case départ.

En passant, nous avons presque répondu à la question fondamentale que Roland Barthes
ne se pose pas quand il observe que « les hommes veulent sans cesse représenter (le réel) par des
mots ». Il parlait de littérature. Voici notre question :

167
- Pourquoi tout Être tente-t-il sans cesse, obstinément, de représenter le réel, non seulement par des
mots mais par d’infinis langages ?
Au début du voyage, nous avions conseillé de ne pas trop s’approcher du promontoire que
nous appelons Le Saut d’Icare. En commentant les portillons de Castelluccio, nous avons
énoncé le fondement d’une philosophie des langages : « Les langages ne décrivent pas la
réalité ; nos langages produisent notre réalité. » Imprudents, nous nous sommes pousser jusqu’à
évoquer la mécanique quantique, pour laquelle l’observateur modifie la matière “existante”
d’un regard.
Nous existons sur une strate d’un millefeuille appelé Univers, à mi chemin entre
des particules subatomiques et des milliards de galaxies. L’Univers existe : il fut
produit par nos langages passés et présents. Nos langages futurs produiront de
nouveaux univers. Comment exclure qu’un jour, un mathématicien démontre que
les particules subatomiques sont des galaxies, ou qu’elles sont ces mêmes galaxies
et vice-versa, dans l’Espace-Temps Circulaire ? Chaque religion, chaque science,
est une iconoclaste qui produit des images. Le plus grand mystère, qui fait en sorte
que chaque chose existe, peut s’exprimer avec un verbe et un substantif : Vivre,
Vie. Deux paroles à nous suffisent pour produire la magie de notre Vivre, la réalité
de notre Vie. Il y en a d’autres.
Voilà qui peut suffire pour entreprendre une exploration personnelle au bord de l’Abysse.
L’extrême variété des mondes sensibles et des mondes linguistiques explique l’extrême
variété des consciences : elles peuvent être humaines, animales, végétales, ou toute autre
combinaison de telles catégories humaines qui, dans ce contexte, sont assez ridicules.
La conscience du petit pois
Semez un petit pois et, à 50 centimètres, plantez un bâton.
Ayant germé, le petit pois cheminera sans aucune hésitation vers le bâton sur
lequel il grimpera comme le Serpent sur le Caducée.
Antonio Machado a écrit : Caminante no hay camino, el camino se hace al andar – Routard,
il n’y a pas de route ; la route se trace en marchant.
Pas pour les petits pois.
Les humains observent depuis des millénaires leurs petits frères les pois, des parents
eux aussi du Totem vertical qui unit la Terre au Ciel avec lequel ils tentent de se
réunir. C’est du moins ce qu’il semble aux humains, pas aux petits pois qui sont une
autre conscience de soi & un autre univers.
Les petits pois ne mangent pas les humains, qui mangent les petits pois depuis le
début des temps parce qu’ils sont anthropophages – toujours, et de bien des
façons – à cause de la conscience qu’ils ont d’eux-mêmes et des choses : ils les
dévorent avec les quelques sens à leur disposition afin de se réunir avec l’univers,
et les humains en sont pleinement conscients. Ou plutôt les vrais humains le sont;
pas les petits pois.
Pour les humains “modernes”, et seulement pour eux, la conscience est produite par la
somme de deux dimensions linguistiques : religion + science. On ne peut pas faire la somme
des pommes et des poires, mais c’est ce que font les “modernes”. Cette réflexion offre un
nouveau contenu au terme “postmoderne”. Une quelconque ré-Union de religion &
science, qui ne soit pas une variante du fatras religion + science, rapproche la conscience
168
“postmoderne” de la conscience “préhistorique”. Ce disant, nous ne voulons pas
promouvoir un retour à la préhistoire ou dénigrer la postmodernité ; nous essayons de
décrire différentes formes de conscience humaine en relation avec diverses forma mentis. (1)
Quand commence la modernité qui divise, et quand finira-t-elle ?
Qui a divisé les animaux des plantes parce qu’elles ne bougent pas? Ce mauvais
observateur est un des fondateurs de la science “moderne”: Aristote. L’inventeur de la
logique identifia la mobilité comme différence entre plantes et animaux, puis il eut
recours à d’autres mauvaises observations pour distinguer les animaux des hommes.
D’autres criminels avaient divisé les humains des divinités.
Et pourtant elles bougent, les plantes, observent les Galilée postmodernes. Les vrais
philosophes d’aujourd’hui s’occupent de comportement végétal & animal & humain : ils
trouvent des points de rencontre, des vibrations harmoniques, des traits d’Union. Le
regard tourné vers le futur, ils sautent 25 siècles en arrière pour embrasser Diotime de
Mantinée &... Qui d’autre, avant ? On ne les connaît pas, mais on sent leur présence.
La forma mentis et la conscience ne sont pas fixes. Elles évoluent ? Le terme évolution
contient une idée vieille et trompeuse : le Progrès, un mythe à vapeur du 19e siècle.
Disons alors que la forma mentis et la conscience changent, au cours d’une journée, d’une
vie, et au long de l’Histoire qui contient la préhistoire.
Dans un environnement donné, des individus avec une certaine conscience &
forma mentis survivent, qu’ils soient meilleurs ou pires à nos yeux. Leurs groupes
ou espèces survivent ou disparaissent avec eux. Nous rejoignons ainsi Darwin qui
ne parlait que de sélection naturelle. L’évolution est l’illusion d’optique préférée de la
religion Moderniste. Le vrai titre de l’œuvre de Darwin n’est pas « De l’évolution
des espèces » comme on le laisse croire, mais « De l’origine des espèces au moyen
de la sélection naturelle ». Plus modestement, nous venons d’écrire un paragraphe
qui pourrait s’intituler : « De l’origine des espèces d’analphabètes qui écrivent mais
ne savent pas lire ».
Chaque conscience, chaque subconscient, chaque conscience supérieure, est une des
surfaces d’un petit Millefeuille appelé Marie Durand ou Paul Dupont.
Chaque conscience est une Surface et il n’y a pas de conscience collective.
Les points communs à deux ou plusieurs consciences sont utilisés pour justifier des
idéologies collectivistes.
Les points communs peuvent former une ligne, à l’intersection de deux Surfaces.
Plus rarement, et par une coïncidence incroyable, deux Surfaces peuvent correspondre
en tout point, pour un instant, mais on ne peut pas parler d’un cas de conscience
collective. Ce phénomène fugace & éternel est décrit par un substantif statique : Amour.
Très différent, le verbe dynamique suivant ne suppose aucun point commun : Aimer.
Il convient parfois d’écrire ce Verbe sublime d’une seule lettre : &.
Longueur & largeur = Surface.
Il n’y a aucun point commun entre une longueur et une largeur, mais quand elles s’aiment
parfois assez pour oublier leur ego, elles disparaissent un instant pour former une Surface
contenant un infini hors du temps. (B)

169
Quand les nomades s’arrêtèrent, ou presque, ils devinrent paysans, ou presque, et développèrent
une conscience nouvelle, une nouvelle vision sensible & linguistique. Par exemple, les chasseurs
nomades suivaient des ombres que nous appelons des traces d’animaux. Ces traces
constituèrent « le premier texte non écrit mais lu » (2). N’étant plus nomades, les paysans lurent
le premier texte sacré non écrit mais révélé : ils suivirent pendant une année entière l’ombre vivante,
immense, de la montagne immortelle où ils avaient fait leur nid...
... et la Femme appela Déesse cette Montagne, et Année cette ombre, et...
Il n’est pas opportun de réécrire la Genèse. À moins que ce ne soit utile à résoudre
quelques petits problèmes actuels. Dans ce cas, tenter ne coûte rien (si on reste caché
pour ne pas risquer sa peau.)

Rien n’est plus relatif que le Temps, qui se confond avec la conscience fluctuante de Soi et
du Monde. Rien n’est lié plus que le Temps à des points de vue que nous appelons
religieux ou scientifiques.
Diverses religions et diverses sciences produisent diverses formes de Temps, et de
conscience d’un soi & de son monde. Elles produisent aussi un Être Suprême – Dieu, ou
la Vérité Scientifique – ou plusieurs Dieux et plusieurs Vérités.
Chaque Être Suprême ou Vérité Scientifique garantit l’être du Monde et l’être du Soi,
tout comme chaque Banque Centrale garantit l’existence de chaque monnaie et la valeur
de chaque pièce.
Un jour, pour résoudre ses problèmes, l'astrophysique théorique pourrait adopter une
catégorie paléolithique & postkantienne : l’Espace-Temps Circulaire. En attendant,
certaines sciences ont substitué la Vérité Objective avec l’Intersubjectivité. Elles se
rapprochent ainsi de la vieille invitation mystique à dépasser le Soi & le Temps. C’est le
signe d’une nostalgie de l’Infini Éternel, l’expression d’une volonté de retourner à se
fondre dans le Tout, dans lequel nager et voler sans le savoir, comme font les poissons et
les oiseaux, comme faisaient les humains aussi avant le Septième Jour. On s’en rapproche
pendant la somnolence de la sieste, sans les effets collatéraux de certaines pilules.

À un certain point de la vie et de l’Histoire, le Temps change. Il cesse d’être un instant qui se
répète à l’infini en une conscience primordiale ; il devient durée finie qui structure une
existence consciente. Dans l’Histoire, le changement pourrait être advenu en un phénomène
à deux dimensions : la sédentarité & religiosité.
Le passage de la cueillette du nomade à la culture du paysan pourrait avoir été la
conséquence ultime d’une sédentarité “rituelle” dans un utérus symbolique, simple abris
sous roche ou grotte labyrintique. En d’autres termes, la permanence dans une caverne et
ses alentours a probablement été causée par des exigences “non-matérielles mais
spirituelles”, comme disent les Modernes. À un certain moment, le lieu associé au “culte”
devint plus important que les sources de subsistance, illimitées pour les premiers nomades
“athées”. Ils seraient devenus sédentaires avec une nouvelle prise de conscience, le premier
grand changement de paradigme : ils devinrent “religieux”.
Citons à nouveau Albert Gianna. Ayant observé que le Temple est la Frontière, lieu &
symbole de Division & Rencontre, Gianna observe que Temps et Temple ont la même
racine étymologique : «‘TEM’, la division que Mercure tente de recoudre, forme la racine de ‘Temple’
170
mais aussi de ‘Temps’ qui n’existe que divisé en jours, heures... L’Éternité ne se divise pas. L’Éternité n’a
aucun rapport avec le Temps. De la même façon, l’Infini ne se divise pas ; il n’a aucun rapport avec l’espace,
même sidéral. Éternité et Infini sont deux métaphores, l’une spatiale et l’autre temporelle, de la même
Irréalité. » (B)
Cette Irréalité, si obscure pour nous, était la mer d’instants dans laquelle nageait le nomade
chasseur-cueilleur primordial. Puis, la fréquentation d’un lieu “sacré” fut l’occasion de
développer les premières formes d’agriculture. Il y eut une expansion du Temps Circulaire
grâce à de nouvelles divisions : un an de saisons agricoles s’ajouta aux mois lunaires et aux
jours solaires. Le nomadisme perpétuel et infini laissa la place à un nomadisme régional et
saisonnier, une errance cyclique rendue nécessaire par un nouveau facteur :
l’appauvrissement des ressources locales. Il fut suivi par le retour éternel à la terre semée
rituellement pour la récolte rituelle, dans les parages de la grotte-temple : l’Utérus.
La première sédentarité, seulement saisonnière et “rituelle”, causa la première famine,
résolue par un nomadisme saisonnier et régional. Son rayon limité causa la deuxième
famine, résolue par la deuxième agriculture, “rituelle” & alimentaire. Comme aujourd’hui.
Mais la première agriculture, née au temps de l’abondance illimitée, fut exclusivement
rituelle : un système de rites ontologiques, comme les rites de la Potière qui précèdent les rites
de la Paysanne de dizaines de milliers d’années. (2, 3)
Deux systèmes de rites produisaient et reproduisaient et maintenaient une nouvelle conscience :
la vision d’un Soi dans le Temps, mensuel pour la Potière, annuel pour la Paysanne.
Quel prophète athée inventa Chronos ? Le Dieu du Temps dévore ses propres
enfants, les Fils du Temps. Quelle vision ! Seul un prophète athée peut avoir “vu”
l’après et l’avant : sa conscience de Soi dans le Temps, et la conscience d’autres
humains qui vivaient hors du Temps, qui n’étaient pas encore dévorés par Le
Monstre. Il l’appela Chronos. Cette vision en fit surgir deux autres, sur lesquels il
mit deux autres noms, deux substantifs insaisissables et fondamentaux : le Paradis
et l’Éternité, deux royaumes hors du Temps. Le Paradis était/est sur terre, avant le
Temps. l’Éternité était/est le non-Temps du Paradis.
Quel prophète ou prophétesse ? À Mnajdra, nous avons senti que seule une
femme – La Femme – avec ses rythmes, ses cycles, peut avoir pris conscience du
“temps”, cette irréalité qui n’existe que si elle est divisée. Albert Gianna a lu
l’étymologiste Giacomo Devoto, pour qui la racine “tem” indique une coupure,
une division. (E)
Prophétesse ou poétesse ? La poésie est poiêsis, création, linguistique ou autre. Dans
un domaine où les sciences postmodernes rencontrent la spiritualité, on parle de
l’autopoïèse. Adoptons ce terme pour indiquer le phénomène physique & spirituel
plus antique qui soit : l’autopoïèse primordiale. En se créant, La Poétesse, Maîtresse
des Néologismes, et mille poétesses avec elle, créèrent les mondes des humains.
Une d’entre elles était La Potière. (2, 3)
Poétesse & Mère ? Elle avait observé que les enfants passent du Paradis hors du
Temps à d’autres mondes successifs, à chaque rite de passage jusqu’au rite final : la
garantie que le jeu recommencera grâce au Temps Circulaire, qui n’est pas un
“temps” parce qu’il n’est pas divisé. Mais dans une de ses visions – un cauchemar –
la Poétesse & Mère vit surgir Le Monstre, Chronos. Il dévora les enfants du Temps
Linéaire.
171
Bien plus tard, de rares mystiques auraient redécouvert l’Harmonie avec le Tout hors du Temps.
Ils retournèrent à la vie de caverne avec la cueillette d’aliments d’origine naturelle, ou
d’origine sociale avec la mendicité rituelle. Les gens du commun partaient plutôt en
pèlerinage : une ritualisation du deuxième type de nomadisme, cyclique et religieux.
- La première agriculture était donc un rite religieux ?
C’est le moderne en nous qui le dit. À une époque indéterminée, notre Être fut divisé en
spirituel et matériel, la prière fut séparée du travail et vice-versa. « Il y a quinze siècles, quelqu’un
s’était aperçu que ça clochait. Il avait suggéré ora et labora : prie et travaille. Il avait peut-être
écrit prie & travaille, en soulignant pour les plus obtus : prie & travaille, mais rien à faire. Ils n’ont
pas compris, ils l’ont fait Saint et bien le bonjour. » (B)

L’homme moderne oppose deux autres termes problématiques : gratuit et intéressé, utilisés par
ceux qui cherchent le spirituel dans des domaines matériels, et par ceux qui nient toute
dimension spirituelle. Avec la notion de “prévalence du spirituel sur le matériel”, les
Modernes justifient l’énorme énergie dépensée pour construire les grottes artificielles que
nous appelons temples mégalithiques et pyramides. Nous devrions nous en rappeler, dans un
pèlerinage de Malte au Caire, puis de Jérusalem à Rome. Au retour, si nous nous regardons
dans un miroir, nous découvrirons qu’aujourd’hui, dans les sociétés les plus athées, la
“prévalence du spirituel sur le matériel” justifie des milliards d’efforts qui se somment en
dépenses énergétiques absurdes : nous portons des vêtements malgré la douceur de l’été.

À Mnajdra, puis à propos de labyrinthes, nous avons vu que les notions de temps, cycle, semailles,
grotte, ventre... se fondaient en une attention, en une révérence, en un “culte” de la fertilité humaine,
et donc de la Déesse : la Femme qui peut devenir Mère. L’homme n’avait pas encore un rôle
officiel, c'est-à-dire un rôle religieux avant que biologique, dans la Magie de la Vie. Donc, le
rapport entre activité sexuelle et procréation n’était pas clair pour la femme non plus. Tant est que
dans le vase-Femme vu précédemment, le Triangle Sacré de la Vie est formé par les
seins – source de lait – et par le nombril, souvenir éternel de maternité & filiation. Son sexe est à
peine représenté ; il n’était qu’une source de plaisir et ce n’était pas la seule comme nous l’avons
observé en différents contextes. La “porte de sortie seulement” dans la filiation ne méritait pas
plus d’attention. Elle occupa une place plus importante sur le “bouclier en 8”. Dans le brouillard
qui enveloppait La Magie Fondamentale, les vieilles habitudes de pensée se mélangeaient aux
nouvelles découvertes... mais il en est ainsi aujourd’hui encore dans les sciences de pointe.
Les poules aimaient bien les coqs : ils sont inutiles mais si beaux ! Elles ignoraient les
conséquences de plaisirs trop rapides, trop rares. Puis la recherche scientifique et
la conscience de soi firent des pas de l’oie de géant et un beau jour de malheur,
Monsieur Le Coq – probablement un gaulois – régna sur les poules.
Un grand changement arrive avec le troisième type de nomade. Ce n’est plus un chasseur-
cueilleur ni un paysan du Dimanche : c’est un éleveur de bétail. La mythologie du Far-West
lui a réservé le rôle du protagoniste, comme dans la Bible. Abel, Favori de Dieu grâce à des
offrandes de viande, fut victime de la jalousie de son frère ainé Caïn, dont les sacrifices de
fruits et légumes étaient dédaignés. Ce Dieu n’était pas équitable, ni végétarien.
Dans la hiérarchie du Patriarcat, une telle humiliation du fils ainé est un contresens. Ce
mythe, comme toujours, raconte & se tait ; il parle & il ment. Le mythe de Caïn et Abel
172
parle de la fin de la Civilisation de la Femme & ment sur l’identité de Caïn, parce que cette
révolution socioreligieuse fondamentale ne pouvait pas être racontée en clair. Elle devait
être dite & cachée dans un mythe, comme celui de La Pomme de la Discorde.
Caïn n’était pas le frère ainé mais la sœur ainée d’Abel : Caïne, la fille ainée d’Ève, et
d’Adam.
Au bord d’un désert traversé par des troupeaux affamés, Caïne travaillait son champ. L’humble
paysanne en avait assez de ce vagabond fainéant, de ce cow-boy arrogant qui menait paître ses
horribles bestioles au beau milieu de son jardin. Un beau jour, elle le tua à coup de pioche,
comme aurait fait un péon mexicain, avant qu’Abel ne puisse dégainer son Colt 45. Les récits
du Far-West font revivre une bonne vieille guerre, commencée ailleurs entre bédouins et fellahs.
Les deux castes sont encore bien distinctes au Moyen-Orient, aujourd’hui.
Au Mali, pour les raisons habituelles, on alimente encore un conflit ancestral entre une
communauté de paysans et une communauté d’éleveurs nomades : les Dogons et les
Peuls.

Caïne est-elle la première criminelle? Il serait plus juste de dire que Caïne est la figure
allégorique de l’Homicide, comme sa mère Ève est la figure allégorique de la Chute, du
Péché, de la Mort contre laquelle il n’y aura aucun remède jusqu’à... jusqu’à la fin des
temps, au Paradis, ou jusqu’à l’arrivée providentielle de la cavalerie, ou du Rédempteur :
un Héros qui ne tue personne pour une fois. Toutefois, Lui aussi résout le problème de
la Mort avec la mort : la sienne. C’est logique puisque tout le monde sait, ou savait, que
le venin du Serpent est un pharmakon : poison et remède. En outre, le pharmakos est le
Bouc Émissaire des Grecs. Les rares fois où le bouc ou la chèvre est un volontaire, il ou
elle devient Saint/e. Il ou elle mérite ce statut divin, de par sa conscience de la Vie. Mais
sa Lumière brille à des années Lumière du mythe de Caïne et Abel.
La Genèse est la tragédie primordiale. Le deuxième acte reproduit le schéma du premier.
Après Adam et Ève, Caïne et Abel remettent en scène le coupable féminin et la victime
masculine. Comme dans toute tragédie, le premier acte contient l’annonce chiffrée du
drame à venir. L’Arbre de la Connaissance produit un fruit empoisonné, une pomme
infestée par une larve qui la divise en deux parties, une bonne et une mauvaise : la
conscience de la vie et la conscience de la mort.
La Genèse inventa aussi notre temps moderne, linéaire, indissolublement lié à notre
mort et donc à notre vie. Caïne et Abel forment le nouveau cadre existentiel : on est
vivant ou on est mort ; on n’en sort pas. Dans un autre univers, dans le Temps
Circulaire, la Pomme n’est pas gâtée, corrompue, divisée ; la Pomme est saine, entière,
intègre. Dans le Temps Circulaire il n’y a que Vie, grâce à la certitude du Printemps, du
prochain tour sur le Manège Astral, du réveil après une nuit auprès du foyer. Si nous
pouvions voir avec les yeux du Temps Circulaire, si nous avions l’auto-conscience du
Temps Circulaire, nous serions immergés dans la Vie : un environnement si total qu’il
n’y aurait aucun besoin de l’exprimer, il n’y aurait pas un mot pour dire la Vie, et donc
pour la créer. Nous pourrions être, sans la conscience de l’Être ni de la limite du temps.

Cette Innocence primordiale – un mythe persistant – est une réalité qui peut être saisie
dans les yeux des chiots du genre humain : ils sont & ils ne savent pas qu’ils sont.
173
Avec les nouvelles religions, le temps linéaire naît et, vice-versa, avec le temps linéaire
naissent les nouvelles religions. Chacune se croit différente parce que le credo secret établit
que pour être, il faut se diviser. De qui, Dieu seul le sait.
Cela est confirmé par l’étymologie de “religion” : ré-unire pour les chrétiens, re-lire pour
Cicéron. (Le Robert)
Cela est confirmé par l’étymologie du mot temps : de “tem”, qui signifie divisé. Le temps et la
température n’existent que parce qu’ils ont été divisés pour être mesurés, comme l’espace. (B)
Immergés comme nous sommes dans l’espace-temps linéaire, nous parlons du Temps
Circulaire mais il ne s’agit pas d’un “temps” au sens propre, étymologique, ni d’un “espace”.

Les nouvelles religions ont toutes la même foi, la même espérance en une deuxième vie
séparée pour toujours de la mort à la fin des temps. Dans ces religions salvifiques, le
temps mourra un jour et ce jour, même la mort mourra. Quel capharnaüm ! C’est bien le
cas de le dire, si on sait que dans ce village de la Galilée, la maison où se trouvait Jésus
fut assaillie par une foule chaotique qui voulait être sauvée. (Marc, II, 1-4)

Curieux destins ; la Femme-Déesse et la Pomme semblent unies par le mauvais sort :


l’épiphanie du mâle humain. Avant, le Femme était seulement la Vie, la Pomme n’était
que le Bien, la Beauté, la Bonté, la Santé... La Pomme portait en elle toutes les
bénédictions de la Déesse. Et si un archéologue objecte qu’il ne s’agissait pas d’une
pomme mais d’une figue, c’est qu’il ignore que ces deux fruits ont le même sexe parce
qu’il n’a jamais possédé un disque avec le logo de la vraie Apple : celle des Beatles.

Curieuse synchronie : la découverte du rôle biologique du mâle est contemporaine d’un


Bigbang qui pulvérisa l’univers de la Femme. Le noyau Femme-Vie explosa. L’Espace &
Temps Circulaire fut divisé en deux : l’espace et le temps, l’ici et l’Au Delà, le maintenant et
l’Éternité. Ce Bigbang est bien représenté par un autre capharnaüm typique de l’argot
grammatical : la « conjonction disjonctive et », qui est le contraire de &. (1)
Dans le magma d’une nouvelle conscience, l’inimaginable non-Vie devint l’explicite
mort. La Vie avec un V majuscule fut substituée par une illusion cauchemardesque : la
capacité de “donner la vie”, et donc de l’ôter. Un gouffre s’ouvrit au milieu du chemin de
notre vie – ce sont les premières paroles de l’Enfer de Dante. Les Gardiens de la Paix
signalèrent le gouffre d’un panneau : Tabou !

Que personne ne tue Caïne ! La fille ainée fut chassée. Où ? À l’est du jardin d’Éden, pour la
deuxième fois : telle mère telle fille. La Punition de Caïne fut le remake de La Faute d’Ève,
après laquelle Dieu « chassa Adam ; et il mit à l’orient du jardin d’Eden les chérubins qui
agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de la vie. » (Genèse 3: 24)
D’abord Ève, puis Caïne, furent envoyées là où naissait Mère Soleil avant qu’Elle ne fut
transformée par les Patriarches en Père Soleil.

Au fond, le Père est une découverte récente. Son jeune âge, cause de l’insoutenable légèreté
de son Être, explique tant de violence pour s’affirmer. Ce Père est un adolescent frustré qui
n’a pas plus de 6 ou 7.000 ans. Entre temps, de nombreux pères sont devenus des adultes
de façon presque clandestine. Un bon exemple pourrait être Joseph de Nazareth.

174
Épée Flamboyante... On dirait le nom du Héros dans un film fantasy, ou de l’Héroïne, selon
le marketing. Ce qui compte au fond, c’est l’Épée.
À quoi sert-elle ? L’Épée sert à « garder le chemin de l’arbre de la vie. » On ne saurait être
plus clair, et puis on se demande d’où viennent les psychoses sexuelles, avec ou sans
violences et crimes.
-Mais ça n’a aucun rapport ! Et puis c’est quoi, l’arbre de la vie ?
- C’est une très belle plante ; ces racines descendent dans les profondeurs de la terre, pour nourrir
sa chevelure qui monte haut dans le ciel. Ses fleurs sont parfumées, ses fruits succulents...
- Je ne peux pas...
- Et ben tu vois que t’as compris mon grand! Tu ne peux pas. Et si tu essayes, avec son Épée
Flamboyante, l’Ange te la coupe.

175
Bonus track 12 – 28 juin 2018

Codicille
Un codicille ? Le récit a siffloté mains dans les poches pendant toute la traversée, il a
chanté et il s’est mutiné dans les tempêtes et maintenant qu’il entre au port, il se donne
des airs ? Monsieur Le Loup de Mer se prend pour un acte de notaire, avec un codicille ?
Veut-il rester dans notre mémoire ?
Ah, la mémoire... L’auteur a déjà cité un aphorisme :
La mémoire est l’intelligence des imbéciles.
Tout le monde sait que sans mémoire historique, nous n’avons pas de futur. Notre futur est
compromis par la cantine académique : on y sert l’Histoire en tranches, comme le jambon.
À l’école, nous devions apprendre par cœur les dates des batailles, et plus on s’en rappelait,
plus on devenait imbéciles. Ils le faisaient exprès. Il était interdit de comprendre les raisons
ridicules, scandaleuses, des guerres. Comprendre aurait créé des tensions quand, à 18 ans, les
garçons seraient devenus chair à canon, les filles repos du guerrier.
En France, nous savions tous la réponse à une question : – Marignan ? – 1515 !
Personne en France ne sait où se trouve Marignan, bien que ce fut une “victoire”. Donc
ne demandez pas à un français où se trouve Trafalgar.
Sur le seuil d’une petite mer – la Méditerranée – les anglais conquirent la suprématie sur
tous les océans. Britannia rules the wave, dit un chant patriotique ; Britannia gouverne les
vagues, comme Neptune. Britannia gouverna le plus grand empire de l’Histoire après la
“défaite” à Trafalgar d’un petit empereur avec un rêve européen en sauce romaine.
Trafalgar est un mot arabe : Tarf al-gharb, le “cap ouest” de l’Andalousie, al-Andalus, la terre
des Vandales qui avaient vandalisé les restes d’un empire romain remontant à... etc., etc.
Ils moururent par millions à la bataille de Trafalgar en 1805, par dizaines de millions au
Traité de Paix de Versailles en 1919, qui continue de ravager le Moyen-Orient.
L’incendie permanent en Afrique est plus discret. On n’en sait rien, on imagine
vaguement, quand des épaves finissent sur les plages de l’Europe et dérangent les
baigneurs. Alors la Presse Libre fait un titre : Invasion ! Elle ne parle jamais de la Sainte
Alliance entre Corrupteurs et Corrompus. Ce n’est pas la faute des journalistes ; eux aussi
ont étudié l’Histoire à l’école, donc ils ne peuvent pas savoir que quiconque tente
d’administrer l’Afrique pour les africains est éliminé par la Sainte Alliance parce qu’il viole
le Traité de Paix de Versailles de 1919.
Aujourd’hui, ce vieux Traité a encore une énergie explosive.
Aujourd’hui, 28 juin 2018, le Traité de Paix de Versailles a 99 ans. Il faut fêter ça.
- Garçon ! Un sandwich d’Histoire en tranches bien fines, et une bouteille de Champagne.

Ré-unir l’Histoire ? Dans les écoles de pseudo-nations composées par cent peuples de
cent “cultures” – l’Espagne, l’Italie, la France, l’Allemagne, le Royaume “Uni” ! – l’Union
est seulement Sacrée & Contre. Contre qui ? Mais contre l’ennemi bien sûr. L’ennemi est
un fantôme, un être sans “culture” à part le vice de manger les enfants. Ou d’égorger nos
fils et nos compagnes. Madame la Marseillaise est trop bien élevée pour dire que
l’ennemi est un lâche sans Dieu et sans papiers qui viole nos mères et nos sœurs. Nos

176
vaillants soldats ne le feraient jamais parce qu’ils sont fidèles à leur fiancée, à leur Patrie,
à leur religion, et parce qu’ils ont des papiers.
En grattant ce maquillage de crasse, en lisant les rides du Temps comme nous l’avons fait
ici, on peut s’apercevoir que les “cultures” ont toutes le même visage. On dévoile aussi une
vérité honteuse : sous leurs drapeaux bariolés, les patries cachent toutes le même cul
cradingue.
Les peuples ont les mêmes besoins ; ils ont des goûts différents, va-t-on en faire un drame ?
Oui, les drames plaisent, vus d’un fauteuil. Les patries sont des équipes de foot. Pour limiter
les dégâts de compétitions insensées, la fédération mondiale fait beaucoup pour gêner les
petites équipes, et rien contre les clubs puissants qui tirent les ballons de foot au canon.
Au début du Troisième Millénaire, le sort des peuples est décidé par des pulsions
acéphales au-dessus des États. Il nous est semblé utile de redécouvrir, dans le passé
éternel de l’humanité, d’autres entités acéphales à l’origine de bien de nos maux : les
Héros.
Nous avons trouvé les traces d’une pulsion bénéfique et d’une entité acéphale plus douce...
Il faut ôter à l’idiot du village global la tronçonneuse avec laquelle il coupe la branche sur
laquelle il est assis.
Il faut ôter des mains de la technologie le sceptre avec lequel elle gouverne le genre
humain.
Il faut redonner à l’humanisme le contrôle des sciences. À cette fin, les humanistes devront se
libérer de leur fétichisme bibliophile et recommencer à observer le monde.

L’anthropologie culturelle, l’ethnobotanique, la psychosociologie, parmi d’autres


néologismes, essayent de recoller les morceaux avec le pot de colle interdisciplinaire. Ce
sont d’excellentes tentatives, mais elles ne sont plus suffisantes pour affronter le défi
environnemental global, les guerres locales, les drames personnels.
Par où commencer ? Une profonde réforme ne peut qu’être culturelle, et elle ne peut que
commencer à l’école. À la maternelle, des opérateurs illuminés font déjà du très bon
travail. À partir des classes élémentaires, la situation s’aggrave à chaque pas.
En creusant à peine dans notre récit de voyage, on trouve une tension humaniste vers
une connaissance authentiquement scientifique & responsable. On peut la résumer en de
grands mots qui ont l’air de gros mots : onto-épistémologie metadisciplinare.
Ils sont moches ces mots, n’est-ce pas ? Ils sont horribles ! Mais la locution entière peut
être substituée par &, le verbe en bleu sur la couverture. Parfois, on ne comprend le titre
qu’à la fin. Nous avons expliqué que & “change tout”; nous l’avons comparé à l’Ankh.
- C’est des vieux trucs tout rouillés. On les vire à la poubelle ?
C’est déjà fait depuis longtemps, mais si on les récupère des poubelles de l’Histoire, si on
astique &, si on frotte l’Ankh, la lampe d’Aladin pourrait libérer...

177
Bonus Track 13 – Premier octobre 2019

Misère & splendeur du chasseur préhistorique

Cherchez la femme !
L’homme préhistorique se sentait misérable. Nous voyons, nous reconnaissons sa misère
dans une misère actuelle : elle émerge de deux exemples.
Gravure rupestre. Suède
Cette reproduction apparaît sur la couverture
d’un livre publié en Italie en 1995. Dans un
article écrit par le même auteur en 2015, elle
illustre une information précise que nous
traduisons de l’anglais :
« Dans les figurations rupestres post-
paléolithiques d’au moins trois continents,
une ligne associée à la figure humaine indique
le genre masculin, un point le genre
féminin. »
Oui, peut-être, normalement... La ligne qui traverse le personnage de gauche représente bien
un sexe masculin, et la queue d’un loup ou d’un autre animal totémique. Mais le point, gros et
rond comme un “ballon” de pierre de Mnajdra, n’indique pas la femme. Un signe, un
signifiant, n’a de signification, de signifié, qu’en relation avec son contexte. Et dans ce contexte, la
femme est indiquée par la silhouette du sein droit, en relation avec la position des jambes qui,
en relation avec ce “ballon”, indique clairement sa nature. C’est presque un Soleil de pierre de
Mnajdra ; c’est presque la Lune : c’est surtout le nouveau-né que la femme vient
d’accoucher. La main centrale commune à l’homme et à la femme complète un exemple
rare, peut-être unique, de Sainte Famille préhistorique. Conclusion du premier exemple de
problème actuel : une “magie” réservée à la femme a été ignorée par un spécialiste de
préhistoire. Nous ne citerons pas son nom : en Italie, on nomme le péché, pas le pécheur.
L’omission ou la négation de la centralité de la femme dans les sociétés préhistoriques
reflète la centralité de l’homme dans les sociétés modernes.
Omission ou erreur, elle fut commise ici par un homme, mais nous devons être équitable
et considérer dans le deuxième exemple ce dont une femme d’aujourd’hui est capable.
Claude Lévi-Strauss a écrit La potière jalouse. En anglais, le titre a été traduit The Jealous
Potter : le potier jaloux. La translation, l’élévation du féminin au masculin pourrait être un
choix de marketing de l’éditeur américain. À moins qu’une femme, spécialiste de
traductions du français à l’anglais, puisse ignorer le terme Potteress.
Ignorance, erreur, omission, acte manqué, pudeur, pudibonderie victorienne, paternalisme,
misogynie latente, machisme sournois... La misère de la femme moderne est l’image spéculaire
de la misère du Chasseur en cette “préhistoire” appelée Civilisation de la Femme aux chapitres
précédents. Les “féministes” modernes s’inventent de nouvelles fonctions sociales ; nous verrons que
des “hoministes” préhistoriques inventèrent la Chasse.
La préhistoire que nous observerons précède de beaucoup cette gravure rupestre où un
homme est devenu – enfin ! – père, de famille.
178
Misère du chasseur préhistorique
Dans la préhistoire, une relation existe entre une très vieille magie féminine que nous
appelons “poterie’ et une nouvelle magie masculine que nous appelons “chasse’. Nous
verrons que la première “chasse’ fut pratiquée par des végétariens.
Le vase préhistorique de terre, dont personne ne parle parce qu’il a disparu, précède bien
évidemment le vase de terre cuite. Ce dernier monopolise l’attention de l’archéologue
sans dévoiler le secret de la Potière primordiale qui produisait le Vase une seule fois en
trois jours, chaque mois. Claude Lévi-Strauss l’a dit autrement parce qu’il avait un
propos différent du nôtre.
En créant une simple écuelle avec de la terre et de l’eau, la Potière se représente elle-même.
Elle sent que le rythme mensuel de son incantation a un rapport avec le cycle lunaire.
Récemment, à son échelle temporelle, elle commence à cuire le Vase. Comme nous l’avons
expliqué dans Ermeneutica di una tecnica, la cuisson du Vase est un rite de passage de l’enfance
à l’âge adulte ; il prolonge le premier rite de passage que nous appelons naissance. La
cuisson rend le Vase “éternel”, comme un os. (2, 3)
D’ailleurs, suivant la logique de sa magie, la Potière utilise un os comme instrument dur et
lisse avec lequel frotter son Vase presque sec pour le rendre brillant. (4, 5)
Utilise-t-elle aussi un galet à cet effet ? Certes, mais la distinction entre os et galet n’est
pas si nette pour elle : dans sa magie, un galet est un os. Comme l’eau où elle le prend, le
galet appartient à la montagne, sa Mère, dont le ventre l’abrite encore.
La Potière primordiale est la femme préhistorique. Si elle ne “chasse” pas, ce n’est pas à
cause de la faiblesse qu’on lui attribue. D’autant plus que la “chasse” est question
d’observation, de patience, d’astuce, avant la scène finale qui monopolise notre attention
mais demande plus d’adresse que de force, grâce aux armes de jet, entre autres trucs.
La Potière ne chasse pas parce qu’elle n’a pas besoin d’un tel succédané. Elle est le modèle
archétypal de l’homme préhistorique, le pauvre, qui se considère incapable de faire le Vase
rituel à chaque Lune.
En un nouveau rite tout masculin, la Chasse, un homme végétarien commencera la construction
de son amour-propre. Ce sera une œuvre laborieuse, jamais satisfaisante ; elle portera à la
seconde moitié de notre titre : Le féminicide des Héros.
Mais avant, dans la “préhistoire”, la Chasse fut un drame religieux articulé en actes
rituels, comme la Sainte Messe.
L’Homme Nouveau, le Chasseur, transféra la magie fondamentale de la Femme dans la
Chasse afin de pouvoir lui aussi générer la Vie en faisant naître et renaître.
Voilà, tout est dit.
- Quoi ?! La Vie ? Mais voyons, les chasseurs donnent la mort !
Oui, c’est ce qu’on répète sans y penser, dernièrement, depuis 3 ou 4.000 ans, et c’est ce
que font certains pseudo-chasseurs aujourd’hui. Mais vous avez raison ; on ne devrait
pas commencer un récit par le flash final : la vision. Nous allons donc reconstituer la
rêverie précédente, qui mène à un paradoxe illuminant. Elle fut nourrie par un texte très
convainquant : Autres regards sur la chasse préhistorique, de Marcel Otte. (L)
Du même auteur au même lien, une autre pierre d’angle, Le serpent et la pomme – Illustration
de la préhistoire religieuse, étaye nos notes de voyage.
179
L’anneau manquant
Ce 13e bonus track à Notre-Dame Déesse & Le féminicide des Héros a certainement été inspiré
par Autres regards sur la chasse préhistorique. Mais Marcel Otte, professeur de préhistoire de
l’Université de Liège, poète de la paléoanthropologie et philosophe, ne partage pas
forcément notre vision. Elle constitue l’anneau manquant entre la Civilisation de la
Femme (que nous avons redécouvert dans notre parcours ici en démolissant au passage
le terme “matriarcat”) et ce que nous refusons d’appeler la Civilisation de l’Homme. Le
Patriarcat, surface tumultueuse d’une mer profonde, n’a que 5 ou 6.000 ans de vie. Son
jeune âge n’est pas une excuse pour des excès qui l’ont vieilli prématurément et qui
préparent sa fin.
La démarche du vagabond
Nous n’avons pas suivi un parcours, nous faisions une promenade. Nous ne cherchions ni
champignons ni fraises des bois, ni rien, ni ce rien qu’on appelle Absolument Rien. Mais
nous avons bien été obligés d’observer, de constater, que dans le passé le plus lointain, on
trouve les clefs du présent. Cela permet d’imaginer un futur souhaitable et possible pour nos
sociétés : c’est une activité mentale légère, typique du vagabond.
Science ou humanisme ? Une question de méthode.
Pour comprendre les sociétés du passé, le paléoanthropologue interroge des témoins
matériels tels que des os, humains et animaux. Ses observations scientifiques sont suivies
d’hypothèses et de déductions qui ne sont pas scientifiques parce qu’il ne peut pas les confirmer
selon la méthode scientifique. Il s’agit donc de spéculations et de conjectures, mais elles naissent
des sentiments les plus profonds d’un humaniste. Il ne se sent pas inférieur à un scientifique, au
contraire. Un humaniste met sa connaissance du cœur et de l’âme au-dessus de la
connaissance scientifique qu’il utilise souvent. Nous avons déjà développé la question ici
dans une critique de l’expression “sciences humaines”. Les spéculations et conjectures d’un
humaniste sont le fruit de capacités affectives & logiques intimes, subjectives, mais qui
s’exercent sur des indices externes, objectifs. Pour un détective, trois indices font une
preuve, mais les jurés ne changent pas si facilement leurs vieilles opinions.
Dans de nombreuses “tombes” archaïques, on trouve des os et des vases de terre cuite. Ignorant
un instant la fable de la vaisselle pour l’au-delà, nous parlerons d’un plus ancien rapport symbolique entre les
vases et les os. Il ne sera pas nécessaire de distinguer entre os humains et os animaux.
Au chapitre Labyrinthes, nous avons examiné le vase de terre que personne ne peut voir
aujourd’hui parce qu’il a disparu. Il eut une importance fondamentale pendant cent mille ans
et plus, avant le vase de terre cuite. La Maîtresse de la Potière primordiale existe encore : La
Potière Volante fait ses petits pots de terre depuis deux millions d’années. (3)
Par contre, d’innombrables os d’animaux nous furent laissés en héritage par le Chasseur. Ils
sont décrits scientifiquement par le paléoanthropologue. Ses interprétations tentent de reconstituer
les sociétés des chasseurs, comme il le fait avec les tessons de terre cuite. Nous verrons le
rapport entre les os de l’animal chassé, le Chasseur et le Vase invisible de la Femme invisible.
Notre civilisation a de sérieux motifs de ne pas voir les traces de la femme préhistorique.
Grâce aux mathématiques, les physiciens voient l’invisible, mais la mathématique de
l’humaniste – la rêverie – n’est pas admise dans les académies, qui tolèrent tout juste Gaston
Bachelard. Tant pis pour elles. Au cours de la rêverie qui suit, nous chercherons la Femme
préhistorique pour mieux comprendre “L’Homme visible” : le Chasseur.
180
Cherchez la femme !… au Paradis Terrestre, avant la Division.
Marcel Otte résume ainsi des observations personnelles et celles d’autres experts : « La
mentalité primitive n’établit pas de distinction nette entre le monde animal et l’humain. »
Paraphrasant, résumons nos observations sur la femme préhistorique : la mentalité
primitive n’établit pas de distinction nette entre le monde du Vase et celui de la Femme.
Auparavant, nous avons rappelé que la “poterie” fut d’abord un rite de fertilité. (2)
Résumons d’autres données du texte de Otte, utiles ici. Les humains étaient végétariens.
Dans un milieu où les aliments végétaux désirés étaient très abondants, on trouve des traces
de chasse habituelle. Les proies étaient choisies selon des critères symboliques qui guidaient
aussi une consommation magique, non-nutritionnelle. La distribution des os dans
l’environnement semble indiquer un rite ayant pour but de redonner la vie à l’animal.
Ce dernier concept s’explique : les spécialistes croient en la mort.
- Comment ça ?! Vous n’y croyez pas ?
N’étant pas un spécialiste, la question ne se pose pas. Mais au lieu de jouer aux Indiens
comme d’habitude, nous jouerons aux Troglodytes, pour récupérer avec bonheur notre
âme troglodyte. Nous comprendrons ce que signifie la sépulture d’un être, qu’il soit humain,
animal ou végétal, par exemple une semence. Seuls les “modernes’ associent la sépulture à
la mort ; c’est inconcevable, si on croit que la Vie et le Temps ne sont pas linéaires mais
circulaires. Nous pensons bien évidemment à nos frères troglodytes anthropophages : ils
mangent le corps et boivent le sang d’un Homme-Dieu vénéré. Il naît chaque année au
solstice d’hiver dans une grotte, puis s’endort comme un ours d’un sommeil comateux
dans une caverne d’où Il renaît au Printemps. (Cfr. chapitre Continuité)
La proie était donc choisie selon des critères symboliques. Est-ce aussi le cas des
“aliments” végétaux ? Les Modernes divisent la chasse de la cueillette parce que Aristote a
officialisé la division entre hommes, animaux et plantes. Ce n’était pas évident, en ce
temps-là. Plus inspiré par Les Métamorphoses d’Ovide que par Aristote, l’auteur, comme
son alter ego troglodyte, ne divise pas nettement l’animal du végétal : le serpent et la
plante de pois rampent et grimpent tout deux. On peut donc penser que les humains
préhistoriques choisissaient leurs “aliments” végétaux selon des critères aussi
symboliques. Les critères médicinaux sont plus évidents ? Peut-être pour les Modernes,
mais que signifie “médecine”, pour une conscience qui n’a pas encore divisé l’Être
humain en corps et âme, ni l’humain de l’animal et de la plante ?
Au chapitre Nomades et paysans, nous avons vu que la première agriculture fut une activité
“religieuse” : un rite de fertilité. Ailleurs, nous avions noté qu’une corne d’abondance qui
verse ses fruits n’était pas seulement un cliché de générosité de la Nature. La Corne
d’Abondance était la représentation plastique de la Source au centre de l’attention du
gynécologue. Nous avons aussi parlé des spirales préhensiles du pois que personne ne
remarque dans le chapiteau corinthien ; nous devons ajouter maintenant une vision
troglodyte : quand un petit pois germe, la tête d’un nouveau-né émerge de deux lèvres.
Au chapitre Le Nombril & L’Acanthe, notre lecture des plaques d’os bosselées de Schliemann
et Orsi a confirmé l’importance du pois sauvage. Fut-elle une des premières plantes à être
cultivée ? Ce serait logique pour les raisons symboliques suivantes. Une plaque d’os
bosselée représente les petits pois dans la cosse : un phallus plein des semences qui évolue
d’une fleur évoquant une vulve.
181
L’Androgyne n’est pas seulement un mythe. La prise de conscience d’un rôle masculin
dans la procréation a dû être une révolution, avec ses habituelles restaurations. Choisissant
le pois comme plante totem, une Femme-Pois pourrait avoir voulu restaurer une fertilité
indépendante de l’homme. Aujourd’hui, elle sait à qui s’adresser. La science médicale doit
répondre à une autre exigence de fertilité indépendante : certains hommes voudraient que
leur corps puisse générer un enfant. Ce caprice exprime-t-il une envie profonde? Pourquoi
pas. Freud a bien parlé de l’envie du pénis de la part de la femme.

La femme moderne et le chasseur préhistorique : deux misères spéculaires.


Dans nos villes de millions d’habitants, la fertilité de la Femme n’est plus la
préoccupation majeure. Dans la préhistoire, la survivance d’une communauté n’était
garantie que si ses membres rejoignaient un nombre minimum. Nous parlons de tous les
membres de la communauté, unis & interdépendants : humains & animaux & plantes. Le
monde physique n’avait pas encore été victime de la di-vision d’Aristote. La pensée
écologique pourrait avoir sous-estimé cet ennemi mortel.
On sait qu’Aristote fut le maître d’Alexandre le Grand, qui étendit son empire jusqu’en
Inde. Des nouvelles sur l’Hindouisme pourraient avoir poussé le philosophe à diviser, une
bonne fois pour toutes, les hommes des animaux. Selon un oracle, la domination de
l’Asie était promise à celui qui aurait délié le nœud gordien. L’élève, Alexandre, trancha le
nœud d’un seul coup épée. Le maître, Aristote, ne fut pas moins violent ; il élimina la
vision unitaire d’un seul mot : division. Comme disent les Romains : Divide et impera.
La civilisation fondée par Aristote a divisé les humains des animaux et des plantes, mais
aussi des objets. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force
d’aimer ? C’est vrai, cher Lamartine, dans le cas des cavernes, naturelles ou creusées dans la
roche et dans la terre. L’eau aussi a une âme, objet des rêveries de Bachelard.
De telles divisions et unions plus ou moins marquées, et la Division, et l’Union, sont des visions
culturelles qui concernent l’humaniste, non le scientifique. Cependant, la science médicale parle de
la vie végétative d’un humain dans le coma, le sommeil profond en grec. Sans intervenir dans un débat
actuel d’une extrême délicatesse, écoutons le point de vue préhistorique.
« Ce frère humain se comporte comme un frère végétal ? C’est naturel. Restons donc tranquilles
comme lui, et chantons tous ensemble pour qu’il nous parle, et dansons pour qu’il se lève et
marche, ici ou ailleurs. »
Parfois, cela fonctionne. En Afrique, on chante et on danse encore des jours entiers pour
célébrer un rite oublié dans les pays civilisés : les funérailles.

Dans la préhistoire, les relations entre humains, animaux, plantes et choses étaient
réglementées. Des lois non écrites étaient codifiées en récits que nous définissons légendes
ou mythologies, et en rites que nous disons magiques ou religieux. Il s’agissait de questions
ontologiques qui se traduisaient en des choix existentiels. C’était les Lois
Constitutionnelles de ré-publiques, dans lesquelles presque toutes les “ré” – les “choses” en
latin – étaient encore publiques, où presque rien n’avait encore été divisé du Tout pour le
faire devenir privé.
Nos philosophies judiciaires, économiques, politiques, ainsi que nos armées, s’affrontent
sur ce seul mot : presque. Nous comprenons la pensée préhistorique parce que nos
religions, traditionnelles ou scientifiques, nous disent encore aujourd’hui ce qu’il faut
manger ou pas, c'est-à-dire ce qui il faut être ou ne pas être.
182
Les végétariens pratiquants ont un nouveau problème : la découverte scientifique d’une
conscience des plantes. Voilà encore un pont lancé entre les sociétés archaïques et
postmodernes. Ailleurs, nous avons décrit une forme de pensée “pré & postmoderne”
utilisée par l’Indien, par la Ménagère et par le vainqueur du Nobel de physique : trois
scientifiques & humanistes. (10)

Du silex au silicium
Il n’est pas indispensable d’établir une chronologie scientifique des formes de pensée
parce que, par exemple, la “préhistoire” existe encore ; les ethnologues le savent bien.
Divers auteurs littéraires d’Amérique Latine ont observé que dans leur continent, les âges
de l’humanité sont contemporains, du silex biface au silicium de la puce électronique.
Dans le roman Les pas perdus, Alejandro Carpentier décrit comme dans un cauchemar
une tribu indigène traitant en esclaves subhumains les membres d’une autre tribu. Ce
pourrait être une métaphore de notre société. Carpentier a décrit la Révolution Française
dans les Antilles ; le titre du roman exprime un sarcasme féroce : Le siècle des Lumières.
Le Temps Linéaire est une vision et son fils moderne, le Progrès, est une illusion.
Le géomètre n’aime pas l’astrophysicien qui démontre qu’à une certaine échelle, la ligne
droite est une illusion elle aussi. Une fusée semble monter bien droit dans le ciel, mais
c’est aussi une illusion parce que la Terre tourne et parcoure une ellipse, comme chaque
objet dans l’univers. Comme par exemple une comète qui passe et repasse semant la Vie
comme un paysan aveugle, sur la terre fertile et sur les cailloux.
Le Progrès… Quand on regarde les infos et quand on écoute leurs silences, on trouve
chaque jour une nouvelle raison de grandir pour devenir un troglodyte.

Comment devenir un troglodyte aujourd’hui, et pourquoi.


Il suffirait, par exemple, de suivre les traces de Montaigne. Il pensait comme un
troglodyte : il écrivit que les animaux aussi ont une culture. Ce n’était pas encore la
mode, au contraire ; c’était risqué pendant les guerres de religion. Mais pouvons-nous
suivre l’exemple d’un géant ? Imitons plutôt l’humble potière.
Aujourd’hui encore certaines potières produisent des vases qu’elles ne cuisent pas, bien
qu’elles sauraient le faire. Ailleurs, la “poterie” est devenue un hobby. La pire blessure
que puisse infliger le potier de l’association culturelle à son élève est de ne pas mettre son
œuvre dans le four : il lui refuse la vie éternelle. (2, 8)
Pendant vingt ans, une organisation fondée par l’auteur de ces notes a facilité la pratique de
la poterie dans des contextes culturels, éducatifs et sociaux-thérapeutiques. Un four portatif
super-rapide inventé et produit à cet effet était moins important que la méthode, nouvelle
dans ces milieux non-industriels où on vénère la tradition. La Méthode du Club Poterie
Sauvage était fondée sur l’observation d’un système “sujet & objet & environnement”, avant la
déduction d’une technique spécifique à chaque objectif déclaré et à chaque environnement. Certains
humains le font depuis des milliers d’années. Leurs techniques sont apprises puis
enseignées par des humains très différents, qui respectent la tradition comme font les bons
élèves et les belles académies. (10)
Faut-il toujours cuire une céramique, aujourd’hui ? « Je ne sais pas, donc j’observe. » C’était le
début de notre Discours sur la Méthode. Aux participants du séminaire qui se définissaient
artisans ou artistes s’ajoutèrent bientôt des enseignants, des éducateurs, des psychologues,

183
mais on fit en sorte de toujours inclure le Phare vivant de la Méthode: une ménagère. Elle
disait respecter la tradition mais elle était trop intelligente pour le faire, à propos du
pourquoi et du comment cuire ou ne pas cuire. (10)

Cuire ou ne pas cuire une céramique ? Sommes-nous en train de “faire de la céramique” ou


de “faire faire de la céramique”. En observant bien chaque variable, en fonction des besoins
d’une certaine personne, à un certain moment, on arrive parfois à la considération suivante.
Avant la cuisson – le rite final – une écuelle ou un petit chat peuvent se reposer un mois sur
une étagère de la cuisine. Si le mois suivant on l’aime encore, on peut lui donner l’éternité en
le mettant dans le four, ou on peut attendre un mois encore si on n’est pas sûr ou si, pour
une raison obscure, on a peur de le “cuire”.
Si on n’aime plus “l’objet”, on le dépose dans une écuelle pleine d’eau. On voit alors la
magie de l’éternel retour : petit chat ou vase, on redevient la même boue. Il suffit de se
sécher un peu pour devenir un autre – une écuelle plus ronde, un chat plus beau, ou un
chien, pourquoi pas ? – afin de repartir d’un bon pied sur le cycle lunaire préhistorique,
pour se payer une autre virée sur le Grand Manège du Temps Circulaire.
Ce rite de renaissance, de régénération mensuelle, n’est pas réservé au genre féminin. Il
peut être désagréable au début, comme un sirop amer, mais après quelques mois, il peut
devenir profondément positif, et libérateur. Sans compter qu’on se passe du potier
moderne et de son four : un ventre cubique, quel blasphème ! Il le gère en exclusivité,
comme le prêtre son autel, sans trop comprendre comment il fonctionne. Pour suivre un
dogme, il suffit d’avoir la foi.
- Quand mon petit chat a explosé, il a dit que c’était la faute de la bulle d’air, et quand une fêlure
ha traversé mon écuelle, il a haussé les épaules en disant: « Que voulez-vous, la poterie est pleine
de mystères... »
C’est une bonne excuse pour un potier, qui n’est souvent qu’un céramiste. Il ne peut pas
connaître ni guider un rite de régénération ; il ne s’occupe que des objets ; il les croit séparés
du sujet qui les a créés pour se réaliser. Certains professionnels pensent déprécier un hobby en
le définissant d’une locution révélatrice : activité ré-créative. La magie de la Potière n’est pas le
seul exemple mais son hobby est vieux de 100.000 ans. C’est pourquoi il faut être
particulièrement prudent quand on joue avec le feu, la terre et l’eau, sans oublier l’air, invisible
et déterminant à tous les stades de la magie. Il faut être prudent parce que le meilleur
médicament peut devenir un poison si on se trompe de dose, de moment, de personne.
Dans ce domaine, la cuisson est toujours préoccupante. Le potier et son élève ouvrent la
porte du four comme celle du service de maternité : le grand-père et le père espèrent que
tout s’est bien passé. Sans une préparation spécifique, sans un parcours de maturation,
observer un alter ego se dissoudre dans l’eau ne porte ni libération ni régénération. Cela
cause une angoisse profonde, et peut provoquer une crise cardiaque. (2, 8)
Voyons une autre magie à base de terre et d’eau : la lecture, inventée par le chasseur “préhistorique”
des milliers d’années avant l’écriture qui marque le début de “l’Histoire”, selon certains.

La lecture précède l’écriture.


Des compositions de gestes, sons, ultrasons, odeurs, couleurs et d’autres signes impensables
pour nous... Les animaux savent “lire” tous les langages de leur propre espèce et certains
langages d’autres espèces qui les intéressent. La chose est bien connue de sauvages comme
184
Montaigne qui disait que les animaux ont une culture. Ils ne savent “écrire” que leur propre
nom ? C’est ce qui nous semble à nous, parce que nous ne savons “lire” que certains
langages des espèces qui nous intéressent. Nous avons commencé à écrire depuis peu, mais
depuis quand les langages des animaux nous intéressent-ils, et pourquoi ? La question nous
renvoie à notre Chasseur végétarien.
« Le langage précède la pensée » est un aphorisme attribué à Lacan ; il nous a été utile ici.
Maintenant nous devons formuler un aphorisme semblable mais paradoxal : La lecture
précède l’écriture. Il évoque une autre relation entre la Potière et le Chasseur.
Pour ce dernier, la Chasse consiste tout d’abord à sélectionner un autre soi-même.
Quand son alter ego est ailleurs, il le cherche en suivant ses traces : déjections, poils dans
les branches… D’autres traces changeront le cours de l’Histoire : le Chasseur les trouve
dans la boue. La même matière est utilisée par la Potière pour produire son alter-ego.
Citons un passage de Ermeneutica di una tecnica. (2)
« L’argile mole enregistre chaque geste de façon “immédiate”, c’est-à-dire sans la
médiation d’un instrument. Cette “immédiateté” est agréable : la terre, comme l’eau, est
un miroir qui renvoie au Sujet une image objective, si importante, si agréable, que le
Sujet peut en être englouti, comme Narcisse. Quand on fait de la poterie, le premier
signe est l’empreinte des doigts dans l’argile : “ma trace”. C’était la voix d’un homme, d’un
Chasseur archaïque. Le premier signe dans l’argile fut la trace de l’animal suivit : le
premier texte, non-écrit mais lu par le Chasseur. Beaucoup plus tard, il développera
l’écriture, une “magie masculine”, des signes de lui-même imprimés dans l’argile avec un
instrument alter-ego : une canne pointue. »
Écrit il y a trente ans, le texte parlait de l’écriture cunéiforme. L’extrait continuait ainsi:
« Le premier objet est presque toujours une écuelle ; ce n’est pas un signe mais un
symbole, un récit : “l’écuelle-ventre contient et protège ; quand je vais cueillir des baies et des herbes,
elle reste au point focal, le foyer, le centre du monde, où elle me représente. Chaque objet issu de l’argile
informe rappelle mon existence…”. C’était la voix d’une femme ; nous retrouverons plus tard
sa “magie féminine”. »

Innocents petits meurtres et petite renaissance


Les enfants des pauvres vivaient dans un « Il a existé un peu partout en Sibérie, des
paradis terrestre où les petits tricots emplacements sacrés .../... où étaient réunis
devenaient grands. Après un soupir, il les restes des animaux tués à la chasse.
fallait trouver le courage de tuer les petits Crânes et ossements étaient suspendus ou
et de les dépecer en longs cheveux bouclés entassés, suivant un certain ordre. Tantôt un
de laine. endroit était réservé à chaque espèce, tantôt
Alors, le grand tricot pouvait naître sur la les proies de terre et de mer voisinaient
pointe de deux baguettes magiques ensemble. De là à admettre que ces offrandes
guidées par des mains fripées qui sentaient avaient pour objet de ramener à la vie ces
bon l’eau de javel. animaux, il n’y a qu’un pas. »
(Souvenir personnel de l’auteur) Lot-Falck, 1953, citée par Otte (L)
Ramener des animaux à la vie suppose qu’ils soient morts. Lot-Falck a raison, de notre
point de vue, mais le Chasseur, de son point de vue, ne tuait pas. Nous disons que la
Potière faisait des vases en terre crue parce que les vases sont en terre cuite, aujourd’hui.
185
De son point de vue, la Potière se réalisait avec Terre & Eau. Le Chasseur ne tuait pas
l’animal : tuer, éliminer la vie, était aussi inconcevable que d’éteindre le Soleil. Tout le monde
pouvait observer que l’éclipse était un passage.
La Vie & la Mort constitue une structure binaire indissociable, comme Le cru et le cuit, titre de
Lévi-Strauss. L’anthropologue structuraliste avait observé les langages des peuples qui ne
mangent pas cuit, découvrant l’absence d’un mot pour dire cru. On en déduit que les
habitants du Temps Circulaire n’avaient pas de mot pour dire mort, ni pour dire vie. C’est
nous qui avons pollué leurs langages matériels avec nos mots à nous. Nous avons inventé
la tombe ; c’était le temple, nous l’avons découvert à Mycènes. Avec de telles étiquettes, nos
musées semblent des camps de rééducation pour extraterrestres.
La vision qui habite le Temps Circulaire est inconcevable aujourd’hui parce que nous ne
comprenons plus le vocabulaire des religions et des mythes. Ces récits génèrent des attitudes
jumelles : croyance et scepticisme. Deux mots, une autre structure binaire : deux barreaux à la
fenêtre. On peut s’évader en cherchant à comprendre ces récits. Certaines personnes
distinguent le temporel du spirituel comme ils divisent le corps de l’esprit, la vie mortelle de la
vie éternelle : ce sont les structures binaires des tribus monothéistes. Emprisonnés dans la
structure binaire mort / vie, les théologiens veulent éliminer le cuit en promettant le cru. Toute
solution à la mort confirme son existence. Ces techniciens ignorent la logique d’outils
quotidiens qui viennent de loin : le calendrier des fêtes, les heures, les prières, arrivent d’un
univers où leur expression, “vie éternelle”, serait un pléonasme. Ces outils rouillés arrivent
du monde du Temps Circulaire : la “préhistoire”.
Soyons logiques. Puisque nous avons choisi de vivre dans le Temps Linéaire, abandonnons
le calendrier cyclique et inventons le calendrier linéaire. Au fond, nous en avons déjà un :
c’est l’axe du temps cartésien. Il faudra interdire ces points qui indiquent les années, les
mois, les jours, les heures, et ne garder que les minutes. Le nouvel outil sera utile dans nos
voyages interstellaires, quand nous ne serons plus esclaves du Soleil et de la Lune.
En attendant, les traces du Temps Circulaire sont restées bien visibles dans nos villages
durant ces fêtes cycliques qui furent des holidays : les jours sacrés des Anglais. Nous avons
trouvé une trace importante à Delphes, du temps de Socrate et d’un sculpteur, Callimaque.

Le détective et le majordome
Le chapiteau corinthien fut créé par Callimaque. Nous l’avons soupçonné d’être l’auteur
de la Colonne des Danseuses qui élèvent l’Omphalos, le Nombril du Monde, à Delphes.
Nous avons redéfini ce groupe de marbre au chapitre Le Nombril & L’Acanthe grâce à
une expression courante : l’Axe du Monde, c’est l’axe Mère-Fille. Les feuilles d’acanthe
représentent la Mère. De ces feuilles, trois “danseuses” émergent comme une seule
colonne qui élève l’Omphalos comme la tige élève le bouton de la fleur avant qu’elle ne
s’épanouisse : la fleur représente la Fille. Des photos éloquentes illustrent cette vision.
Tout le monde connaît les feuilles d’acanthe et les reconnaît partout ; personne ne
semble remarquer l’absence de la fleur. La Fille a été éliminée, et sans Fille, pas de Mère.
Qui est l’assassin ?
- Cherchez la femme !
Non ; cherchez l’homme. Cette fois encore, l’assassin est le majordome ; il s’appelle
Hermès. Nous l’avons vu ; au service de Zeus, Hermès livra la Pomme empoisonnée de
186
la Discorde qui divisa la Femme en trois : Aphrodite, Athéna, Héra. Le fondateur du
Patriarcat, Zeus, divisa la Femme en trois pour mieux régner. Elle fût effacée par la
Trinité suivante. L’axe Mère-Fille fut substitué par l’axe du nouveau monde : Père-Fils.
Mais on trouve encore partout des feuilles d’acanthe et des images de la Sainte Vierge.
Nous ne sommes donc pas arrivés à « la fin de l’Histoire. »

La préhistoire permanente
Le Chasseur aimait certains animaux comme des semblables. D’autres étaient ignorés. Les
animaux tabous étaient-ils exécrés ? Aujourd’hui, nous parlerions peut-être d’espèces non-
comestibles. Pourtant, dans les supermarchés de notre monde global, on trouve des cafards
caramélisés, de la viande de chien, et même des morceaux de cochon que certains
mangent crus, séchés dans du sel.
Réfléchissons au bon animal : l’alter-ego, l’élu, le Dieu du Chasseur, celui dont l’Être
garantit son Être.
Dans un brouillard, nous entrevoyons le rapport archaïque entre aimer / sacrifier / manger
notre alter-ego, notre Totem, notre Dieu. On le voit plus clairement dans notre langage
gestuel. Nous le signalions dans Funzioni ed usi del linguaggio tecnico. (7)
« Le dialogue, aujourd’hui symbole de paix, est depuis toujours une transposition
symbolique du combat corps à corps. Un éthologue dirait que l’Homme a inventé une
façon de défouler une “compétition intraspécifique” en un duel ritualisé qui protège
l’espèce de l’auto-extermination. .../... L’étymologie, comme un fil d’Ariane, nous aide à
relier les mots .../... Un éthologue signalerait que sympathie-compréhension-
communication-communion-absorption s’expriment par le langage gestuel : la poignée
de main, l’embrassade, le baiser. Les Dieux de l’Amour et de la Guerre, et des monstres
anthropophages, et de suaves esprits, sont encore actifs dans les coulisses de notre
théâtre quotidien. »
Dans la pratique rituelle qu’on appelle “la chasse”, “tuer” ou “sacrifier” n’était pas le
contraire de “donner la vie”, “accoucher”. C’était un rite équivalent compensatoire, spécifique
d’un sous-groupe humain de sexe masculin : les chasseurs. Ce rite était probablement
célébré en des moments précis, comme aujourd’hui mais pour des raisons légèrement
différentes. Comme dans nos fêtes religieuses, la “chasse” était probablement l’occasion
de festins : une exhibition “d’abondance”, de “fertilité” sans proportion avec des
exigences alimentaires. Une telle joie & folie semble liée à la satisfaction momentanée
d’un besoin qu’on ne peut pas assouvir ; il faudra donc la répéter de façon cyclique.
On entrevoit le rapport avec des rites orgiastiques. Les descriptions traditionnelles plus ou
moins oniriques mêlent les notions de “manger”, “aimer”, “tuer”. Ces fantasmes ne semblent
pas émerger du monde féminin archaïque ; ils ne semblent plus réservés au monde masculin.

La Chasse, d’hier à aujourd’hui.


Par une association d’idée typique des rêves, le Chasseur substitua l’animal chassé par un
alter-ego plus semblable : un autre humain. Le but était moins égoïste : la transposition de
la magie féminine de naissance ou renaissance ne profitait plus à l’individu masculin mais à
son Communauté, qui en était régénérée. Cela conféra probablement au Chasseur un
statut social plus élevé. Chasseur-Sacrificateur ? Seules les tribus devenues nombreuses
pouvaient se permettre le luxe des sacrifices humains.
187
Comme pour les animaux sauvages, le choix des humains à sacrifier fut défini par des
règles, différentes pour chaque groupe. Quand les groupes se mélangèrent, les règles se
sommèrent probablement. Cela augmenta le nombre des sacrifiés. Pour protéger leurs
tribus, des prophètes mirent fin aux sacrifices humains religieux. Dans la Bible, un agneau
substitua un enfant sur l’Autel du Sacrifice. L’animal domestique avait un ancêtre, un
animal sauvage que le Chasseur avait capturé vivant : ainsi commença l’élevage.
La confusion persistante entre Prêtre et Pasteur nous pousse à une petite déduction, en
passant. Dans la préhistoire, tout comme les pratiques agricoles furent des rites de
fertilité féminine, les pratiques d’élevage constituèrent un nouveau rite compensatoire masculin,
comme la Chasse. Un homme pouvait exprimer son côté féminin. Il s’occupait de ses
enfants animaux avec une attention maternelle, avant l’acte considéré fatal aujourd’hui
par ceux qui croient à la mort. C’était un bon pasteur.
Abraham et d’autres sages éleveurs furent écoutés parce qu’entre temps, le chasseur-
éleveur-sacrificateur était devenu un guerrier ne chassant que des proies glorieuses. Le
guerrier devint un soldat avec un salaire : un mercenaire qui ne tuait que pour manger.
Enfin un homme normal, moderne !
Plus tard, d’autres éleveurs prophétiques signèrent des conventions à Genève : en 1864, en
1906, en 1929, en 1949, en 1977... Admirable persévérance à mettre un peu d’ordre dans les
sacrifices humains belliqueux.
Nous ne sommes plus des sauvages mais dans certains pays, on célèbre encore des
sacrifices humains pour régénérer la Vie de la Communauté. Le rite s’appelle Peine de Mort.
Le rapport entre “aimer” et “tuer” est horriblement évident si on a lu Sade, ou un article
de journal sur un féminicide. Nous avons évoqué pudiquement le rapport entre “aimer”
et “manger” en parlant de baiser. Quand tout va bien, l’Amour préside encore nos rites
quotidiens : les repas. Mais pour comprendre leur rapport avec le Chasseur
préhistorique, donc pour nous comprendre nous-mêmes, il faut étudier le menu.

Nous sommes ce que nous mangeons


La magie que nous examinerons peut faire penser au cannibalisme rituel, avec lequel on
acquiert les qualités du défunt. Nous éviterons une simplification verbale si désolante.
Nous partirons d’une observation aussi évidente qu’indispensable ici: chez les
mammifères, la mère allaite l’enfant. Un sujet et un verbe et un complément ? Grammaire
superficielle, misérable, criminelle ! Il y a Un Être : Verbe & Sujet: « aimer & nourrir &
devenir (la mère) & aimer & se nourrir & devenir (l’enfant) ».
Ce phénomène quotidien depuis toujours fut transposé symboliquement dans un
nouveau rite : la Chasse. Le rite commençait par une forme d’amour qui unissait le
Chasseur & l’Animal jusqu’à les confondre ; il se concluait par une forme de nutrition
que nous devons examiner plus attentivement.
Selon Lot-Falck citée par Otte, les populations primitives sibériennes mangeaient la viande
surtout bouillie. Pour certaines d’entre elles, la même viande grillée était un tabou.
- Pourquoi ?
La réponse arrivera après la deuxième question : qui a inventé l’eau chaude ?

188
L’eau chaude fut inventée par les humains de l’âge de la Terre & Eau, avant l’âge de la
Terre Cuite (deux âges snobées par la chronologie académique). Il faut le remarquer parce
que pour bouillir de la viande, pour faire un pot-au-feu, on n’a pas besoin d’un pot en terre
cuite (et nous sommes encore loin de l’âge des casseroles en bronze). Ce qui est
indispensable, c’est l’Eau.
Décrivons une “technique” qui fut un rite de fertilité aux retombées incalculables.
À côté du Feu, on creuse dans la Terre un Ventre ; on le remplit d’Eau, après l’avoir
recouvert de la peau d’un animal choisi selon des critères oubliés.
Autour du feu, de l’énergie est accumulée en d’étranges batteries paléolithiques appelées
pierres. Elles sont mises dans l’eau qui se met à bouillir avec une rapidité qui ne doit pas
étonner : le Feu, caché dans la Pierre, est entré dans le Ventre d’Eau. Pour maintenir
l’ébullition, il suffit de changer les piles. Résultat ? Nous n’avons pas bouilli seulement de la
viande. Un beau jour, ou un triste jour, on fait une découverte : sous les traces de feu
délavées par les pluies, la Terre aussi est cuite.
La Terre Cuite est plus forte que l’Eau, plus forte que le Feu.
Un jour, un Ventre creusé dans la Terre contiendra le Vase de Terre et le Feu.
Bien plus tard, le Ventre surgira de la Terre et la surmontera comme un Temple. Il sera
appelé four. Sa base sera d’abord circulaire puis rectangulaire.
Poterie & Cuisine & Architecture... Pour la conscience humaine primordiale, chaque
action était rituelle. Ces “techniques” étaient des séquences d’actions symboliques
convergeant en un seul rite ontologique. Sa fonction était d’affirmer l’Être.
Le Rite fut divisé plus tard par des observateurs non-troglodytes appelés spécialistes. (2)
Les techniques évoluent & les rites changent & vice-versa. Cette considération nous
permet de répondre à la question initiale à propos de la viande grillée. La manger était un
tabou parce que mettre la viande de l’animal sur le feu n’était pas une cuisson finalisée à
son assimilation, à le rendre semblable en le mangeant. Bien au contraire, brûler la viande
était finalisé à faire renaître l’animal hors de soi, donc sans le manger. Plus tard, le rite signifia
garantie de Vie Supérieure. Il n’était pas réservé aux animaux ; aujourd’hui, ce rite est
réservé aux humains. L’incinération a été commentée ici au chapitre Continuité. Une autre
façon de retourner dans le Ventre Céleste était l’exposition du corps aux oiseaux.
Nous n’examinons pas des techniques ritualisées ; nous décrivons un rite que la vision
moderne considère comme un ensemble de techniques. La Communion n’est pas une
technique mais un rite. Aujourd’hui, un spécialiste pourrait dire que l’Ostie est produite
en ritualisant la technique du boulanger. Un jour, il écrira que l’Ostie était une petite
pizza sans sauce tomate. Il publiera son essai sur une revue spécialisée, au 21e siècle
après la naissance de Notre Seigneur Smartphone.
Pour mieux comprendre le rite du Chasseur, il faut comprendre un aspect du rite de la
Potière. Ce pourrait être utile, pour certains problèmes d’aujourd’hui.
Avant la création du Vase, la Potière doit unir Terre & Eau.
Après la création du Vase, la Potière doit diviser la Terre de l’Eau, afin que la Terre se renforce.
Le processus est douloureux. La perte d’Eau se traduit en une perte de volume qui cause des
tensions, des déformations, et même des fêlures. Mais c’est un passage indispensable : tout le
monde sait que le (vase) nouveau-né doit être séparé de l’eau où il a grandi.

189
Un jour, le Vase de Terre ne fut plus considéré parfait, qui signifie accompli. Il fut donc
soumis donc à un deuxième rite de passage : la cuisson.
Avant de cuire le Vase, on doit être sûr qu’il est parfaitement sec. Personne ne demande
jamais pourquoi. Voyons la question d’un point de vue moderne, pour autant que
possible.
Tout le monde devrait savoir que dans certains environnements, l’eau est un explosif. Si le
lecteur le découvre en versant une cuillérée d’eau dans une casserole d’huile de friture
bouillante, il s’en souviendra toute sa vie grâce aux cicatrices des brûlures.
Pour sécher son Vase, la Créatrice, la Démiurge, ne souffle pas sur sa Créature comme dans
la Genèse ; elle s’assoit et attend. Au travers de ses mains, elle a déjà conféré au Vase son
propre Esprit, c’est-à-dire son souffle, et son Âme, c’est-à-dire son vent. Les latinistes le
confirment.
En anglais, âme se dit soul. Notre Potière peut expliquer l’origine d’un concept
insaisissable. Pour certains étymologistes, soul vient du proto-germanique saiwaz, qui
indique eau, puis lac et mer. Tant que la terre contient de l’eau, elle reste fertile et
malléable ; si elle est abandonnée par l’âme-eau, la terre de l’abondance devient un désert
stérile, et le corps d’argile devient rigide. En résumé, notre âme est Eau pour les Germains,
Air pour les Latins. Les deux visions sont acceptées par la sage Potière : elle veut éviter
une autre guerre de religion.
Une deuxième division de L’Eau de la Terre advient au début de la cuisson-
métamorphose. Le phénomène est mystérieux parce qu’il est (presque) invisible. Ce
passage est un gué qu’il faut traverser lentement. Plus l’objet est épais, plus cette phase doit
se prolonger. Si le feu n’est pas trop vif en début de cuisson, on évite l’explosion du vase de
terre dans le four.
Selon le céramiste, le coupable est « La bulle d’air ! L’argile a été mal pétrie. »
Pour le céramiste, ôter la bulle d’air est un rite de purification.
Tous doivent pétrir le pain d’argile comme fait le céramiste : religieusement.
Le céramiste se trompe ; le potier a raison : il enlève les grosses bulles d’air qui le gênent,
mais seulement s’il utilise un tour.
Pour le vérifier, il suffit d’insérer de nombreuses bulles d’air dans l’argile encore fraîche
de dix objets; si un seul explose pendant la cuisson, ce n’est pas la faute des bulles d’air.
Un vase peut exploser à cause d’un reste d’humidité ; il fallait le sécher mieux.
- Mais mon vase était resté sur le radiateur pendant un mois !
Donc il était sec. La matière qui a fait exploser le vase dans le four est son eau moléculaire.
Elle ne peut sortir de l’argile qu’au début de la cuisson, quand une plus grande chaleur
casse ses molécules hydratées. L’eau en sort à l’état de vapeur, la même qui peut déplacer un
train. Elle doit donc sortir lentement. Si la cuisson est trop rapide, si une flamme s’allonge
trop tôt, on entend une explosion dans le four : un coup de tonnerre souterrain, annoncé
par l’éclair de la flamme.
Comment décrire le résultat ? On pourrait dire que la terre crue est devenue cuite.
Chacune de ces notions est objective & subjective. On décrirait mieux ce phénomène

190
physique & psychologique en disant que le Vase qui a résisté au Feu ne sera plus désagrégé
par l’Eau, comme les os.
On confond souvent la résistance avec la résilience, terme qui vient de la métallurgie ; il
s’adapte bien à l’art de la Potière. Comme le fer battu, le vase de terre cuite a subi des
épreuves initiatiques épouvantables. Avant la cuisson, il était assez fort pour exister.
Dans le four, il a souffert horriblement, mais au travers d’une épreuve, il a prouvé sa
résilience : il est devenu plus fort qu’avant, plus fort que l’Eau, plus fort que le Feu sur
lequel le vase pourra retourner pour cuire à son tour quelque chose dans son propre
ventre.
Le rite de la Potière est circulaire. La distinction entre le sujet et l’objet n’est claire que
pour l’observateur moderne qui ignore que ce rite circulaire est un système. Il ne voit qu’un
ensemble de personnes, choses, techniques.
Les techniques existent pour lui parce que l’observateur moderne appartient au Système
Moderne.
Les techniques n’existent pas pour la Potière ni pour le Chasseur qui appartiennent au
Système Préhistorique.
Une telle relativité Sujet-Système est admirablement illustrée par un petit livre amusant et
fondamental : Flatlandia, de Edwin A. Abbott (1884). Il unit un récit fantastique sur la vie
dans un monde à deux dimensions & un manuel philosophico-scientifique & une satire
très subtile de la société victorienne.
La Poterie était un rite féminin ; est-elle devenue un rite aussi masculin ? Les torrents se
mélangent, les eaux du fleuve coulent en surface, en profondeur et sous terre, comme
l’Histoire de l’Homme & la non-Histoire de la Femme.
Le céramiste n’a pas su expliquer l’explosion d’un vase parce qu’il n’a pas compris une leçon
de chimie au lycée, distrait par un ami devenu archéologue. Les mêmes statuettes de terre
cuite, issues du même site, sont rouges, roses ou grises parce qu’elles furent réalisées avec
des argiles différentes, dit l’archéologue. S’il a vu cuire des crevettes, il n’a rien observé
parce qu’il méprise l’antre des femmes : la cuisine n’est pas un laboratoire scientifique. À
l’université, il a lu des livres sur la céramique mais, pour un projet interdisciplinaire, il a invité
son ami céramiste ; on ne sait jamais... L’article publié sur ce projet est risible parce qu’il
exprime des notions pseudo-scientifiques gribouillées au tableau par le professeur du lycée,
incapable de faire vivre les sciences en des activités métadisciplinaires. Par exemple la
“cuisson” des “aliments”. (1, 4, 6, 7)
Une pensée & action métadisciplinaire caractérise l’humanisme authentique. Le scientifique
doit se spécialiser et donc diviser ; l’humaniste unit ce qui a été divisé et tente de s’exprimer
dans cette Union. Quand le scientifique tente une approche interdisciplinaire, il tend vers
l’humanisme. Quand l’humaniste a recours à des connaissances scientifiques, il ne tend pas
vers les disciplines scientifiques, et, s’il ne se laisse pas engloutir par le tourbillon du Tout, il
reste un humaniste. Illustrons cette digression sur la méthode avec un exemple.

Les rites du Sculpteur


Revenons sur ce que nous avons dit : « Après la création du Vase, la Potière doit diviser la
Terre de l’Eau, afin que la Terre se renforce. Le processus est douloureux. La perte
d’Eau se traduit en une perte de volume qui cause des tensions, des déformations et
191
même des fêlures. Mais c’est un passage indispensable : tout le monde sait que le (vase)
nouveau-né doit être séparé de l’eau où il a grandi. »
Tout le monde ? Le Sculpteur n’est pas d’accord. Il utilise la même Terre & Eau pour faire
le même Vase et il fait en sorte qu’il ne sèche jamais. Il le recouvre religieusement d’un voile
humide avant d’aller dormir, ou quand il est fini. C’est ce que répètent religieusement tous
les livres d’Histoire de l’Art. Il faut respecter les plus petits gestes des rites, surtout quand
on ne les comprend plus, même quand, à la place d’un tissu humide qui risque de sécher,
on pourrait utiliser une pellicule de plastique.
Sans tensions ni déformations ou fêlures, et après d’autres passages, le Vase de Terre &
Eau du Sculpteur deviendra le Vase Eternel en Bronze... mais c’est une autre histoire : c’est
une autre discipline.
Rappelons que dans l’approche métadisciplinaire que nous suivons ici, on ne part pas des
disciplines comme dans l’approche interdisciplinaire. On observe les éléments
fondamentaux d’un système : l’Homme, et donc la Femme, et ici terre, eau, feu, et des
phénomènes qui naissent de leurs interactions, le tout dans un certain environnement
historique, social, économique, culturel... En combinant ces données, on redécouvre les
techniques traditionnelles et leur logique, mais surtout, on invente des techniques nouvelles en
fonction des nouveaux objectifs dans un environnement qui change sans arrêt. Seulement après
un tel processus créatif, on doit inventer un nouveau langage technique, parce que tout vieux
langage technique est l’obstacle principal à la créativité. (7, 10)
Ce n’est pas ce que font les spécialistes : ils ne sont pas payés pour (re)penser.
C’est ce que font les experts, après s’être débarrassés d’une culture scolaire à base de quiz
écrits en jargon fossilisé.
C’est ce que font l’Indien et la Ménagère depuis toujours, pour vivre ou survivre. (4, 10)
C’est ce que nous avons fait ici à propos des rites de la Potière et du Sculpteur, pour
comprendre le rite du Chasseur, et nos rites à l’école et ailleurs.

Non merci, pas de steak tartare ; je prendrai le pot-au-feu.


Pourquoi le Chasseur de la préhistoire mangeait-il de la viande bouillie, et non crue
comme tout le monde, c’est-à-dire comme ses semblables animaux ?
Nous sommes cela même que nous mangeons et comment nous le mangeons. Des variations
infinies forment nos cultures : nos Constitutions existentielles.
Le Chasseur est un homme ; son ventre n’est pas fertile, le pauvre. Pour que la viande
choisie soit assimilée, pour que cet animal devienne semblable au Chasseur comme son propre
enfant, il faut qu’il passe par Le Ventre d’Eau Chaude. Le rite fut-il célébré par la
Sacerdotesse au Foyer qu’on appelle ménagère ? Il se pourrait que dans la cuisine
préhistorique, le Chasseur soit devenu le premier Chef ; au fond, il s’agissait de son Ventre.
Tout cela est bien irrationnel, n’est pas? Le rêve a ses raisons que la raison ignore. Une
rêverie à la Bachelard sur les objets du passé démolit des murs d’habitudes et de censure, en
un voyage hors du Temps. Les psychanalystes connaissent des parcours ; ils invitent au
départ et vendent les billets.
Voici une généalogie biblique : Zelenin, cité par Lot-Falk, citée par Otte, écrit que bouillir
la viande était une façon de garantir la renaissance de l’animal. Nous n’avons rien dit
d’autre, puisque “animal & chasseur” est un même Être unique qui naît & renaît dans le
192
Ventre d’Eau Chaude, en un Temps Circulaire. Zelenin émet l’hypothèse que manger de la
viande rôtie était tabou parce qu’il ne fallait pas faire rencontrer l’animal avec son ennemi,
le feu. Nous avons dû rectifier sa vision en observant ce tabou à la lumière d’un rite bien
connu : “brûler”, c'est-à-dire “incinérer la viande” d’un frère animal ou humain qui doit
revivre ailleurs. Manger ceux qu’on incinère est donc un tabou. Par contre, il est juste de
manger le frère animal sorti de notre utérus plein d’eau chaude. Certains ont besoin d’un
chaudron magique ; l’auteur troglodyte préfère un pot de terre cuite bien ventru.
Évidement, le Chasseur ne “chasse” pas tous les animaux qu’il observe. Parfois, il ne
mange pas son père-frère-fils totémique (le loup ?). Dans ce cas, il mange le même animal
que le loup (le cerf ?). Il le mange pour le faire naître à nouveau, parce que le Cerf est un
père-frère-fils & parce que le Loup doit continuer à “manger”.
L’enfant échappe au loup & poursuit le cerf, sur le plus beau cheval du manège, à la Foire
du Printemps, quand rien n’est mort. Le manège tourne si vite qu’ils se confondent.
Répétons-le : le chasseur préhistorique ne tue pas l’animal qu’il a choisi comme
partenaire dans son drame en cinq actes. Il cherche ses traces, il le poursuit, mais dans le
troisième acte, il ne lui prend pas la vie, et il ne lui donne pas la Vie Éternelle. Il ne s’agit
même pas d’une vie en plus ni d’une vie autre. L’essence même de l’Unité fut exprimée
en une tautologie : « l’Être est ». Parménide n’était pas un chasseur mais un philosophe
préhistorique, comme Socrate. Aristote mit fin à une belle Histoire. Il est aussi
responsable de la traduction moderne de la tautologie de Parménide, en forme de
question : « Dieu existe ? ».
On reproche parfois au chasseur d’aujourd’hui de ne pas chasser pour se nourrir. C’est
son seul point commun avec le chasseur préhistorique, qui est végétarien et vit au Paradis
Terrestre des végétariens. L’abondance règne aussi pour les animaux carnivores, ce qui
facilite un niveau de socialisation du Chasseur avec son animal préféré, qui est souvent
repus. Certes, le Chasseur ne s’approche pas trop d’un gros carnivore, mais assez
cependant pour l’observer, et pour l’admirer, avant de l’assimiler de différentes façons.
Pour le Chasseur, manger l’animal choisi est une façon de le faire (re)naître comme un
père fertile et, en même temps, de devenir son fils nouveau-né. Le Chasseur désire être le
Père totémique qu’il admire, mais le manger, comme font les anthropophages, n’est pas la
seule façon de devenir le Père. L’habit fait le moine et le loup. Le déguisement n’est pas une
forme d’imitation – terme sur lequel nous reviendrons – mais une vraie et complète
assimilation, une forme de travestisme : ludique ou non, cela n’a aucune importance si on
considère le jeu comme une expression qui émerge des profondeurs.
Au quatrième et cinquième acte du drame intitulé La Chasse, le protagoniste fait un bon
repas, puis il se déguise. Pour le Chasseur, une fourrure est toujours écologique. Elle est
toujours bio : elle donne la Vie. Loup ou lapin, on s’habille selon un modèle idéal ou
acceptable. Tous se déguisent, même les nudistes, et les autres, ceux qui s’habillent en plein
été, ou ceux qui choisissent de se mettre un uni-forme. L’objectif est toujours le même : « être
un autre plus fort, pauvre de moi, afin de faire autre chose, justifié à le faire par des frères
d’armes qui appartiennent à mon corps. Ce corps militaire porte souvent le nom d’un animal,
et on peut entendre un hominidé musclé se vanter : « Je suis un aigle ; je suis un tigre. »

193
Quand un homme se prend pour un loup, il mange comme un loup. Ce végétarien devient
carnivore par un processus d’assimilation de type religieux, ou plutôt ontologique : on est ce
que l’on mange, ce que l’on fait, etc.
L’ex végétarien devenu carnivore dans la préhistoire n’est pas différent de l’ex carnivore
devenu végétarien aujourd’hui. Tout deux ont assimilé un modèle qu’ils croient meilleur,
comme les enfants que nous sommes tous à tous les âges, quand tout va bien.
Nous concevons difficilement l’union Chasseur-animal parce que nous ne voyons que la
(leur) division. Au même moment, dans le même rêve, grâce à la même initiation,
Wolfgang est devenu Le Loup & Le Loup est devenu Wolfgang, nom qui signifie Marche
comme Le Loup. C’est facile à comprendre, pour l’enfant de la ville qui chasse le cerf la
nuit avec la meute des loups, ses frères indiens. Mais l’adulte a du mal. Il a fait des
études, au pluriel : ce qu’il a étudié est divisé en disciplines, en cours, et chaque diplôme
est une plume de plus dans sa coiffe, une cicatrice de plus après une autre initiation
douloureuse. (Est-ce pour cela qu’on les appelle disciplines ?) Son langage précède sa pensée
et il ne possède que des mots contradictoires – la vie, la mort – avec lesquels il n’arrive
pas à opérer une fusion qui élimine la Division, la Catastrophe : la perte de l’Innocence
paradisiaque qui mit fin à l’Union hors du Temps. Il n’y arrive pas malgré les efforts
millénaires des Dieux Messagers, des Anges et des re-ligions.

La Chasse préhistorique est un rite de Communion. Le Chasseur “aime & tue & mange &
devient” son modèle idéal, son animal totémique. Nous voici encore confrontés avec
l’aspect linguistique de la question onto-épistémologique : il faut lire un seul Verbe en quatre
verbes unifiés par &. Ne les considérer qu’un à la fois serait de la boucherie de supermarché,
où un Tout est divisé et proposé en barquettes de polystyrène : c’est si pratique !
Un homme nouveau naît d’un rite nouveau : la Chasse. Le Chasseur imite la magie
réservée à la Potière. Mais la femme préhistorique aussi entretient des relations intimes
avec le monde défini come animal par l’inventeur de la modernité, Aristote, pour le
diviser du monde humain. Le totem de la Potière est la guêpe potière ; nous l’avons
appelée La Potière Volante. (3) Sa cousine construit des petits nids de cire pour ses enfants
qu’elle nourrit du lait le plus doux qui soit : le miel. La récolte de miel sauvage apparaît
sur des dessins rupestres qui datent de dizaines de milliers d’années. Cela nous rappelle la
Terre Promise, où coulait le lait et le miel...
- Oui mais qui produisait le lait ?
Et qui produisait le Miel ? L’auteur troglodyte l’ignore, englouti qu’il est par l’Union
humain & animal, mais suivons un bref raisonnement.
Grâce à Francesco Aspesi (D), nous savons que abeille et labyrinthe étaient liés dans « le
substrat linguistique égéo-cananéen » : antiques restes de langages dans ce Nord-est
méditerranéen où la géographie est chargée d’Histoire. Dans cette région et en cette
période – disons prébiblique – l’Abeille était un symbole de la Femme. Au chapitre
Labyrinthes, nous avons observé qu’à la même époque, le labyrinthe en spirale gravé sur
un rocher représentait le ventre créateur féminin.
Ainsi, l’expression « le lait et le miel » pourrait avoir été un pléonasme symbolique pour
évoquer la Déesse et ses dons paradisiaques, dans le monde égéo-cananéen, avant
l’occupation de ces territoires par des immigrés venus d’un Sud qu’on appelle Égypte.
194
Mais pour ces ex-Égyptiens, que pouvait signifier « lait et miel » ? Seulement un excellent
petit déjeuner? Ou aussi l’Union idéale : « Lait & Miel » ? Dans ce cas, « le pays du lait et
du miel » n’était pas seulement un mirage d’abondance vu par des fugitifs affamés perdus
dans le désert, mais aussi et surtout le lieu idéal où un groupe de réfugiés pourrait naître
comme peuple : la Terre Promise.
- Tout le monde sait qu’Israël est la Terre Promise !
Tout le monde le dit, sans se demander ce qu’était le Miel, pour les anciens Égyptiens.
Quand vous le découvrirez, dans un instant, ne vous exclamez pas « pourquoi n’y ais-je pas
pensé plus tôt ?! » Les écoles, les temples et les supermarchés ne servent pas à faire penser.

Le cerf, l’arbre et le miel.


El ciervo, el arbol y la miel est un article publié sur Cuadernos de Arte Preistórico (2/2016).
Son auteur, Juan Francisco Jordán Montés, commente un dessin rupestre dans l’abri de
La Higuera, à Alcaine, Teruel (Aragon). Pour l’admirer, il suffit d’utiliser la magie de
l’Internet. (M)
Jordán Montés cite d’autres experts d’art rupestre ibérique : la chercheuse C. Olaria et les
auteurs de la découverte du dessin, A. Beltrán et J. Royo. Ils pourraient accepter notre vision
de la “chasse” préhistorique comme “rite de fertilité masculine” parce qu’ils interprètent le
dessin comme un rite de fertilité. D’autres l’appelleraient “Chasse au cerf avec cueillette de
miel sauvage” sans définir ces termes ni le contexte. Nous pensons que le dessin mérite un
titre articulé : “Hymne allégorique de la fertilité indistincte dans une société holistique”.
Le dessin peut être lu comme un seul accord musical : des notes différentes s’unissent et
s’élèvent en une harmonie solennelle et joyeuse. Nous voyons, nous sentons, nous
écoutons la composition d’un grand cerf avec un arbre, des abeilles à miel autour de leurs
nids, diverses figures humaines stylisées et une représentation de « femmes enceintes » (dit
Juan Francisco Jordán) ou de « deux femmes » en train de « concevoir des êtres humains »
(précise Carme Rosa Olaria).
Nous devons remarquer une relation spéciale entre deux sujets, bien qu’ils soient
clairement séparés dans le tableau : les femmes enceintes sous le cerf et, au sommet de l’arbre,
les abeilles. Elles voltigent autour de deux nids qui pendent des branches (anthropomorphes)
d’un arbre associé aux cornes (anthropomorphes) d’un grand cerf.
Jordán Montés décrit ainsi les nids : « Deux cavités ovales, peintes en rouge, dans lesquelles on voyait
jusqu’à cinq petits hommes minuscules. »
Dans un tel contexte, si on a vaincu la pudeur victorienne qui
offusque le cerveau de l’Académie, on peut associer les deux nids
ovales aux testicules du Grand Cerf.
Cette vision donne à ce miel un caractère précis, en thème de
fertilité.
La vision se précise si on remarque que La Higuera se trouve au
pays de la corrida. Après la Fiesta de los toros, les boucheries
exposent en vitrine les testicules des animaux sacrifiés. Ils sont
destinés à une consommation humaine propitiatoire qui est
tellement banale qu’on ne la remarque pas. L’augmentation de
virilité imaginée par le Consommateur est l’équivalent magique
de la fécondité féminine rêvée par le Chasseur.
195
Cette permanence d’un rite préhistorique est-elle digne de respect ? Nous ne saurions en
juger, mais nous remarquons que d’autres rites semblables nous arrivent de la même
période. Ils assurent une “fertilité non-génitale” en ce qu’ils produisent & maintiennent un
Être individu & communauté, comme le font tous les langages. (7)
Deux de nos rites font tourner la Roue du Temps Circulaire préhistorique : la Fête sacrée
et le Festival civil qui reviennent fidèles, et le Chant choral. Ils assurent la perpétuelle
Re-Naissance, la continuité de l’Être Communauté. Temps & Fertilité sont unis dans
chaque Fête et dans chaque Chant choral au bénéfice de la Communauté : un être
collectif féminin, maternel. Quand on la trouve étouffante, on chante en solo, ou on
s’éloigne en sifflotant. Les hommes sifflotent-ils plus souvent que les femmes ?
- Le temps et la fertilité sont aussi unis par la lune. Mais pour les hommes, le chant choral fonctionne-t-il ?
Il fonctionne pour tout le monde. De nombreux travaux étaient accompagnés par un
chant choral parce qu’ils étaient vécus comme des rites communautaires. Il ne serait pas
surprenant de découvrir que pendant qu’ils construisaient les pyramides sacrées, les
libres travailleurs égyptiens chantaient des Spirituals, comme les afro-américains
enchaînés à la queue leu leu pour les travaux-forcés sur les routes de campagne aux USA.
En Italie, on ne se souvient que du chant des sarcleuses : le mondine. Dos courbé le jour
entier, en file, le peigne de leur chant mettait en ordre la rizière. Ailleurs, des hommes
courbés sous le soleil remontaient les collines plus pauvres : en un chœur d’espérance,
une file de pioches ouvrait la terre à la semence. L’été d’après ils devenaient faucheurs :
un chœur plus fier de dos bien droits moissonnaient le blé.
Pour le Patron, le chant soutenait le rythme de la chaîne de montage. Le Syndicaliste
savait que le chœur est une assemblée puissante. Le Général se lissait la moustache,
satisfait de la manœuvre de la troupe. Contemplant son troupeau, les yeux du Pasteur du
village se remplissaient de larmes, à la vision mystique de ce Pain obtenu par un travail
trop sacré pour lui. Les hommes, eux, travaillaient, souvent trop pour s’offrir le luxe
d’une opinion sur eux-mêmes. Mais quand ils travaillaient & chantaient en chœur,
chacun d’eux se sentait plus homme que tous les patrons, syndicalistes, généraux et
curés. Peut-être parce que, magiquement, l’homme qui travaillait & chantait & gagnait
chaque jour le pain quotidien se sentait un peu Dieu, ou un peu femme fertile nourricière.
De ces rites, il nous reste les fossiles ; nous les époussetons de temps à autre. La chasse
préhistorique était-elle un rite de groupe ? Elle était probablement précédée et suivie par
des chants coraux et par d’autres expressions collectives, fonctionnelles à la magie de
fertilité nourricière & renaissance, avec l’aide de substances psychotropes. Aujourd’hui, les
chasseurs boivent & chantent des chœurs que nous voulons ignorer. À propos des pouvoirs
magiques du chant, unis à la consommation de bière, de vin et d’autres substances utiles
à la renaissance magique de l’individu & du groupe, nous pourrions évoquer à nouveau
les concerts de rock où les fans chantent avec leur idole, ou les matchs de foot quand les
fans entonnent des chœurs qui mêlent autocélébration et injures. Nous préférons les
humbles comptines enfantines. Elles nous semblent belles et, sans l’aide d’autres
substances, leur magie est plus puissante. Elles sont un enchantement.
Dans Frère Jacques, trois voix s’unissent, différentes pourtant, et tournent avec bonheur :
la musique semble ne jamais pouvoir s’arrêter. C’est peut-être pour cela que Gustav
Mahler l’a utilisée dans sa problématique symphonie n°1, pour le troisième mouvement :
une marche funèbre. Triste mais serein, l’hiver se souvient de son enfance. Tant est que
196
le premier mouvement s’intitule « Printemps sans fin ». La symphonie se conclut par un
triomphe aux accents militaires. On célèbre la Victoire, mais s’agit-il du retour du
Printemps ou de l’arrivée au Paradis ? Cela dépend de la civilisation à laquelle on
appartient. Mahler choisit la sienne : une préhistoire romantique mélangée à un monde
germanique à son apogée, à la fin du 19e siècle. Par déférence à la caste militaire
omniprésente & par opportunisme religieux et commercial, il intitula le dernier
mouvement « De l’Enfer au Paradis », d’un léger sarcasme. Enfin, avec sens du
marketing, Mahler rebaptisa la symphonie Le Titan : un nom romantique au relent
pangermaniste. L’Être Suprême naît de l’Union magique des langages : parole & musique.
La première Sym-Phonie de Mahler est un chant choral préhistorique & romantique.
Le chant solitaire n’est pas le contraire du chant choral. Comme la communauté se crée & maintient
dans un chant choral, le chant solitaire crée & maintient un Être : le Moi-même. Ce Moi évanescent
a besoin de se rassurer sur sa propre existence quand il se croit divisé de la communauté humaine
et quand il a peur d’être englouti par le Tout : un monstre social & naturel. La magie du chant
solitaire – Je chante donc je suis – est l’écho de la Grande Magie : nous chantons donc nous sommes. Ainsi,
le chant solitaire peut être considéré comme un rite préhistorique d’auto-fertilité. Le plus commun
s’élève de la douche, après l’effort, quand on renaît sous les caresses de l’Eau.
Le Feu lui aussi arrive de la préhistoire et donne à la communauté l’occasion de se ré-unir.
En demi-cercle devant la cheminée, nous écoutons une voix qui se souvient & unit la famille d’un
récit : il devient connaissance commune. Nous sommes ce que nous savons de nous-mêmes.
En cercle autour d’un grand feu, nous dansions tous ensemble – pas en couple, quelle
obscénité ! Alors, la joie explosait. Mais désormais, des chants choraux qui se voudraient
joyeux le sont rarement. Souvent, ils sonnent faux : dans les églises, les fidèles ne
forment pas un cercle ni un demi-cercle, et le Feu, évoqué en des termes savants et des
métaphores usées, semble tiède.
Pour en revenir à La Higuera, notons que l’association miel - semence masculine - abeille trouvait
peut-être une “confirmation scientifique” dans la pollinisation des fleurs par les abeilles.
Rappelons que la rose est la plus banale métaphore du sexe féminin. Une fleur visitée par une
abeille, dont le dard procure un gonflement, est une des fables gentilles qu’on raconte aux
enfants pour répondre à leur question préférée : « mamie comment i’ naissent, les bébés ? »
- Mais alors à La Higuera, l’abeille était masculine, comme dans l’Égypte ancienne ! Elle était
associée au Dieu Rê : le Soleil, jaune doré comme le miel, qui devient Amon-Rê quand il est
caché, sous terre, avant de se lever...
Bravo ! Je l’attendais depuis un moment, mais mieux vaut tard que jamais. D’autant plus
que les anciens Égyptiens pratiquaient l’apiculture, une variante de l’élevage. Pour leurs
abeilles, ils ne construisaient pas des ruches en forme de chalets suisses ou de huttes
circulaires. Ils choisirent un style en rapport avec les deux nids d’abeille de La Higuera en
forme de... ballons de rugby. Avec la même terre utilisée par la guêpe potière, les Égyptiens
modelaient un nid comme celui de la guêpe maçonne mais plus gros. (3) Il avait la forme d’un
cigare, ou mieux d’un cartouche de hiéroglyphe. Ce cylindre, fermé par un nœud, contenait les
semences de la sémantique : les signes formant le nom d’une personne, en particulier du
Pharaon ; Roi Soleil (comme Louis XIV) & Roi Abeille (ou Empereur Abeille comme
Napoléon), mais tout divin qu’il était, il se reproduisait comme le commun des mortels.
Cela confirme la double essence du miel, en Égypte et à La Higuera. Sans parler de la
197
Louisiane où Slim Harpo écrivit et chanta un blues repris par B. B. King, The Rolling
Stones, The Doors, etc. : «I’m a king bee / buzzing around your hive / Yeah, I can make honey
baby / Let me come inside.» Je suis un abeille roi / bourdonnant autour de ta ruche ma chérie /
oui, je peux faire du miel... Le double sens final serait trop choquant pour le public
victorien qui nous lit, malgré tout.
Merci, cher ami, d’avoir évoqué le Soleil. Mais quand l’Astre du Ciel émerge de la Terre
ou de la Mer, il nous rappelle que pour les Égyptiens, chaque Dieu avait un double
Déesse, et vice-versa : Roi-Abeille & Reine-Abeille. Un autre couple divin nous vient en
aide : Seshat & Thoth, La Scribe & Le Scribe, équivalent d’Hermès. Il-Elle nous guide
dans ce voyage herméneutique jusqu’à une...
Conclusion ?
L’incertitude sur le sexe des anges et des abeilles nous fait comprendre que La Higuera
photographie une bataille en cours. Pour un spectateur comme Fabrice del Dongo à
Waterloo, la situation est confuse et le résultat incertain.
Nous sommes à un tournant de la vraie Histoire.
Une nouvelle conscience de la Magie de la Vie prend forme. De la primordiale Unité, deux
rôles émergent. Ils sont liés à des attributs aujourd’hui appelés “sexuels”. Leur relation
suit peut-être déjà une hiérarchie symbolique : haut / bas. Les “abeilles” et le “miel” sont
en haut, à la sommité du Grand Cerf-Arbre ; les femmes enceintes sont en bas, sous le
Cerf. S’agit-il de l’esquisse de la division sociale & religieuse Ciel / Terre ? L’auteur
ignore la date de naissance de notre symbolisme spatial. Cela ne l’empêche pas de
dormir : il rêve ce temps où de telles divisions n’existaient pas & n’existeront plus.
Au temps de La Higuera, l’homme a découvert un rôle dans une magie exclusivement
féminine. Des millénaires auparavant, la femme recevait toutes les attentions. Déprimé par
le manque de considération sociale, l’homme végétarien avait développé une magie
compensatoire, un rite de fertilité substitutive : la Chasse. Ce rite était-il devenu superflu ?
Bien sûr que non : « rien ne se perd, tout se transforme », même les rites, et le nouvel
homme n’arrêta pas de chasser , au contraire. La Chasse était devenue une habitude : une
seconde nature. Une précédente habitude, la première nature, n’était qu’une source de plaisir,
comme manger en solitaire ou s’épouiller les uns les autres ; elle devint expression d’une
fertilité masculine, la fin d’une impuissance & la conscience d’un pouvoir. Aujourd’hui on
parlerait d’un empowerment.
Ce n’était qu’une magie complémentaire, mais elle se démontra aussi indispensable à la
Grande Magie de la Vie que la pincée de sel dans le pot de soupe.
C’est pourquoi le Sel devint le symbole de la Puissance divine. À cette supériorité
masculine, on donna un nom féminin : Sagesse, fille de Savoir, petite-fille de Saveur e
arrière petite-fille de Sel. Roland Barthes s’était limité à observer que « savoir et saveur ont la
même étymologie » mais il était ému en ce 7 janvier 1977 : il donnait sa première Leçon au
Collège de France, qui n’est pas une institution de bonnes sœurs.
Une pincée de sel... La poudre à canon, la dynamite, la bombe atomique sont peu de chose,
comparées à cette pincée de sel. Le Savoir, la Sagesse, le Pouvoir, entre les mains du
Chasseur, provoquèrent une mutation de comportement dans le mâle humain.
Nous voulons exprimer ce changement d’une formule dramatique.

198
La Sexualité Masculine est la continuation de la Chasse, par d’autres moyens.
Une banale vantardise machiste...
- Vous pourriez la maquiller comme font les intellectuels. Ils citent un chasseur de femmes, Don
Juan, et précisent toujours qu’avant Mozart et Molière, Tirso de...
Pas du tout ! Notre formule indique un passage fondamental dans l’Histoire de l’humanité.
Du plaisir innocent à l’idée fixe du pouvoir : genèse de l’égo fertile.
En outre, cette obsession ne concernait pas seulement le rapport sexuel entre homme et
femme. La recherche de la fertilité était un moteur aussi puissant que le recherche
aujourd’hui de son contraire. Dans cet univers magique, le mâle découvrait un petit rôle
dans la fertilité de la femelle “donc” il découvrait une autre voie à sa propre fertilité, en plus
de la Chasse. Voici donc une réponse à l’origine des rapports homosexuels masculins. Elle est
différente des élucubrations “scientifiques” d’une certaine médecine. Qui cherche aussi une
justification à l’homosexualité devra se contenter de la sérénité émotive, du plaisir physique, de
la passion amoureuse, pour ne rien dire de la dimension spirituelle de tous les “rapports
sexuels” humains.
Espérons que, dans le futur, tous puissent vivre chaque relation amoureuse, sans que les
ex opprimés sentent le besoin d’imiter les rites religieux des ex oppresseurs. L’origine
d’infinies polémiques sur le “mariage homosexuel” se trouve dans la contradiction
originelle de l’expression “mariage civil”. Les sociétés post-théocratiques pourraient être
plus créatives, linguistiquement parlant, ou plus sobres : le terme “Union” semble
suffisant, dans la République, où toutes les religions sont libres d’appeler leurs propres
rites comme elles l’ont toujours fait.
- Elles devraient nommer leurs rites en langue originale – hébreu, grec, latin, arabe – et préserver
ainsi la pureté de leur foi.
Vous êtes bien sarcastique mon amie, mais vous avez raison : on peut recourir au
sarcasme, dans les cas désespérés.
Espérons que l’origine prébiblique de Sodome la protège, désormais. Sa destruction par le feu
et le soufre est interprétée comme un interdit biblique. Dans une société d’éleveurs de bétail,
la première leçon de zootechnie devint un code moral universel. Le Livre parle de feu et de
soufre ; cela semble logique parce qu’une odeur de soufre accompagne la chute de la foudre.
- Du soufre ? Mais ne suffisait-il pas d’évoquer les foudres divines ?
Bravo ! Voulez-vous écrire un article à ce sujet ? Utilisez l’interprétation des symboles 8 et
∞ donnée ici dans Sieste sur vol un low cost, pour expliquer le symbole alchimique du soufre.

Cette double croix – qui n’est pas chrétienne en ce qu’elle pointe tout azimut sa
flèche, sa lance, et nous n’en dirons pas plus – se dresse sur les deux … Mais ne parlons
que d’un 8 couché, symbole désormais d’éternité et d’infini. Si votre article conclut que
le symbole du soufre satanique représente la domination de l’homme sur la femme, vous
aurez un trône dans l’Olympe du féminisme. Mais avant, vous serez brûlée comme
sorcière pour avoir contredit la Bible, démontrant que le Feu qui détruisit Sodome n’était
pas divin mais diabolique.

199
Dans son combat pour l’égalité avec la femme, l’homme nouveau préhistorique fut
soutenu par divers idéologues. Bien qu’opposés entre eux, par exemple le Cerf et le
Loup, ils étaient si éminents qu’il les divinisa. Aidé par des modèles divins, utilisant
l’énergie inépuisable de son malaise existentiel, le mâle humain entreprit son escalade
sociale. Elle dura longtemps. Elle fut inscrite dans les annales préhistoriques comme la
Longue Marche. La guerre civile révolutionnaire culmina par la victoire du Patriarcat sur
la Civilisation de la Femme, thème central de notre récit de voyage.
On a écrit que l’Histoire est finie ; ceux qui l’espèrent doivent être contents du résultat.
À La Higuera, deux rôles dans la fertilité humaine esquissent deux genres distincts. Par contre,
les espèces restent indistinctes, confondues en une harmonie holistique paradisiaque : humains &
animaux & plantes &... Mais il est légitime d’y voir le chaos pré-aristotélique. L’auteur, un
troglodyte postmoderne, apprécie ce paysage comme un cocktail : harmonie & chaos.
Jordán Montés signale d’autres grottes dont les dessins associent Cerf & cueillette du
“miel” sauvage. Cette union était donc un thème canonique. (D’autres textes parlent de
“chasse” au miel.) Il cite aussi la description faite par Carme Olaria d’un dessin rupestre
à La Roca dels Moros, dans lequel des femmes entourent une biche enceinte et dansent
autour d’un “varón itifálico”, une sorte de Priape.
- Typique représentation du chaman autour duquel les femmes se réunissent.
Vous trouvez cher ami ? On pourrait aussi penser aux abeilles qui voltigent autour du nid de
“miel” de La Higuera. Mais le dessin de La Roca dels Moros représente-t-il les phases d’un
rite de fertilité, ou les jeux préliminaires d’une fécondation, ou encore un ordre social ? Est-ce
une nouvelle vie qui naît, ou c’est La Vie ? Le nouveau-né est-il un animal ou un humain, un
individu ou une communauté ? Une société se représente-t-elle comme étant de ce monde, ou
se veut-elle divine ? Comme d’habitude, l’auteur substitue chaque “ou” par “&”.
Au contraire, vous avez projeté sur l’écran rocheux une diapositive vieillotte : un totem-
croix avec un chamane-prêtre entouré de femmes-béguines dont l’adoration est ambiguë.
Votre cliché, votre instantanée d’une réalité complexe en mouvement comme le
christianisme, n’a aucun rapport avec l’Évangile du Christ. Ni avec la conscience
humaine préhistorique : une vision que les Modernes considèrent une confusion primitive. La
fusion primordiale constitue l’objectif idéal des mystiques ; elle est combattue par le
dogmatisme religieux, avec l’aide récente du notionisme “scientifique”. La bio-logie n’est
pas le logos sur la Vie, mais une série de belles diapositives en couleur, utiles aux
chamanes modernes qui ne soignent que le corps.
Jordán Montés et les auteurs qu’il cite sont de vrais experts. Pensant aux spécialistes qui
croient “décrire l’art rupestre” avec des analyses chimiques, des pourcentages statistiques
et autres données “scientifiques”, nous signalons que le géomètre ne “décrit” pas le
terrain, il le mesure pour le compte de l’architecte, un rêveur avec les pieds sur terre.
Rappelons que la rêverie est une méthode de recherche & divulgation inventée par un
philosophe des sciences : Bachelard. (Gaston était un neveu français d’oncle Carl, Jung.)
Pour d’autres exemples de l’union spécifique entre Arbre & Cerf & Miel & Homme, et
plus en général entre humains, animaux et plantes dans les mythologies archaïques & les
religions récentes, nous conseillons la transcription d’une conférence extraordinaire

200
tenue en 1915. The Origin of the Cult of Dionysos, de James Rendel Harris (1852-1941), est
disponible sur plusieurs sites en ligne.
Pourrions-nous émettre l’hypothèse que l’animal représenté à La Higuera n’est pas un
cerf mais une biche avec des cornes ? Son énorme ventre blanc est vide ; indique-t-il un
potentiel de fertilité féminine ? Bref, sommes-nous en présence d’un cerf, d’une biche,
ou d’un animal androgyne ?
Certaines questions valent mieux que toute réponse. Notre description & interprétation
essaye d’analyser sans donner de définitions trop étroites, pour traduire une non-division
qui caractérisait la conscience humaine primordiale.
La non-division perdure dans certaines circonstances de nos jours, et chaque nuit dans
nos rêves. Pour limiter les effets négatifs d’une division qui n’existait pas dans la
préhistoire, des rites religieux et civils sont encore célébrés en de nombreux pays. Nous le
verrons en examinant mieux le dessin du début.
Il semble représenter trois personnes seulement :
un homme, une femme et un nouveau-né.
La main gauche de l’homme et la main droite de
la femme, confondues, indiquent l’union du
couple, motivée par la naissance de l’enfant.
Le contraste entre les parties proportionnées du
dessin et la disproportion absolue des mains exige
une explication.
Ayant décodé ce message, nous pourrons raconter
un rêve antique.
Commençons par le plus simple. Bras élevés, mains ouvertes... Un ethnologue
reconnaîtrait la posture de l’orante : une personne qui prie. Mais dans un contexte
préhistorique, des termes comme prière, religion, ne semblent pas appropriés. Mettons
notre observation de coté, pour qui voudrait enquêter sur les origines plus lointaines de
l’orante. Pour l’instant, une observation génère une vision : ces mains énormes, avec de
tels doigts, ne sont pas seulement des mains.
Essayons de rêver comme ces humains pour les comprendre et comprendre nous-mêmes.
Si la queue endossée par l’homme est celle d’un loup, il est Le Loup, à ses yeux et aux
yeux de la femme. L’admiration, l’identification de l’homme avec un animal chasseur est
le corollaire d’une forme d’amour de cet homme pour la proie de l’animal : le Cerf.
Le drame est-il joué par trois, quatre ou cinq personnages ? L’homme, la femme,
l’enfant... et le Loup ? Mais où est le Cerf, dans ce dessin scandinave ?
La proie est commune, l’amour est partagé, nous ne sommes plus cinq, c’est le grand amour...
En Amour, nous sommes Un.
Arrivons-nous à sentir, maintenant, que les mains énormes sont les bois du Grand Cerf ?
- Nous ne sommes pas à La Higuera !
Vous avez raison. Mais relaxez-vous. Endormez-vous, et regardez : voici une paire de
bois différents.

201
Ils sont aplatis comme les paumes de deux mains,
mais avec plus de doigts. Le dessin nous vient de
Scandinavie, où le Grand Cerf de La Higuera
devient le Grand Élan. Les trois mains seraient
donc trois bois de deux élans. Pour que deux
élans aient trois bois, il faut qu’ils s’unissent
comme dans le dessin.
- Mais la femelle d’élan n’a pas de bois !
Si vous voulez à tout prix introduire votre logique
dans un rêve, dans une rêverie, mettez en compte
que chez ces animaux, c’est la femelle qui choisit le mâle. Et pour régler la question,
rappelez-vous que le rêve est le lieu des fusions, que l’élan est souvent confondu avec le
renne, dont la femelle porte aussi des bois. Regardez le dessin ; entendez-vous les
clochettes ? L’Enfant vient de naître ! Les rennes de Maman & Papa Noël sont gravés sur
ce rocher. Tout autour, on devine de vastes forêts de sapins de Noël, comme en Palestine.
Sans le rêve, la réalité n’existe pas.
L’Animal transforme un homme et une femme en un Couple humain : Homme & Femme.
Vice-versa, le Couple confère à l’animal un genre supérieur, divin : Cerf & Biche.
On l’avait bien senti à La Higuera où les bois, un attribut masculin chez le cerf, étaient
accompagnés d’un attribut féminin dans ce contexte : un énorme ventre vide, en attente
d’un contenu vital. Cette union totale peut être évoquée par une formule : Homme &
Femme & Cerf & Biche attendent l’Enfant. Si nous ne voyons que des éléments séparés,
c’est parce que nous refusons de rêver. Nous restons à la frontière du Pays de l’Union.
Malgré la magie de &, nous voyons encore des espèces divisées et deux genres sexués
distincts, enchaînés par des anneaux d’or dans le cas d’un couple humain, ou collés avec
du scotch bureaucratique.
Le pire, c’est que l’Enfant a disparu de nos photos de mariage. Il était le point focal de
cette photo préhistorique. Elle n’avait été prise que pour l’Enfant, représenté
logiquement par un gros point rond, sans aucune référence sexuelle : c’était un Être
supérieur. Alors, un enfant et un cercle étaient tout aussi divins. Aujourd’hui, les cercles
avec une flèche ou une croix représentent des humains divisés par un attribut sexuel.
Aujourd’hui, les enfants aussi sont divisés par sexe, avant de naître. Mais ils n’ont même
pas un nom quand ils se noient dans la Méditerranée et dans une mélasse narcotique de
pseudo-information & pure propagande.
En ce temps-là, il n’y avait que des jeux bien plaisants entre adultes, avant une naissance.
Mais « lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille » se formait, librement, sans l’analyse de
l’ADN inventée par des gardiens de moutons pour la défense de la race. Deux personnes
disaient : « notre enfant » et tout changeait, et il fallait respecter le pacte gravé sur un
rocher en Suède, pour sa défense seulement.
En était-il ainsi en Russie, en 1944 ? Dans le roman Maintenant ou jamais de Primo Levi,
une jeune résistante juive, endurcie par l’horreur, ne prend la parole qu’une seule fois
dans son groupe de maquisards juifs. Sur un ton de reproche, elle revendique son
indépendance érotico-sexuelle. Chez elle, en Russie, l’amour était libre jusqu’au mariage,

202
en accord avec la Bible. Selon elle, bien entendu ; Line n’était pas rabbin. D’autres femmes
sont devenues rabbines ; elles devraient écouter Line, et Primo Levi, traducteur et ami de
Claude Lévi-Strauss.
En Scandinavie dans une tribu préhistorique, les bois de l’Élan veillaient sur une Famille,
comme s’ils étaient sur la cheminée dans la maison d’un chasseur “moderne”. Ailleurs,
plus tard, un nouveau-né sera veillé par un bœuf et un âne. Voilà qui éclaircit
ultérieurement une Union examinée ici : Homme-Loup “chasseur” & Cerf “chassé”.

Les autres grottes signalées par Jordán Montés sont proches de La Higuera (Aragon), dans
une zone que nous appelons “hispano-catalane” pour ne fâcher personne (ou en fâchant
tout le monde ?) On y trouve les dessins d’autres biches enceintes. Cela est stupéfiant, si
on pense aux différences évidentes entre Aragón, Catalunya et Comunitat Valenciana.
D’autant plus qu’Altamira se trouve sur une autre planète, en Euskadi. Au chapitre
Labyrinthes, nous avions parlé de la grotte d’Altamira et de deux bisons rouges célèbres.
Presque personne ne remarque qu’il s’agit d’une femelle de bison et d’un fœtus de bison
peint sur une roche pansue. Mais un bison n’est pas un cerf, qui n’est pas un élan ni un
renne ou un caribou. Aucune relation ne peut unir des animaux divisés par les définitions de la
Science Moderne. La nouvelle Déesse les appelle avec des noms latins distincts afin que
les spécialistes se mettent d’accord au moins sur un point. Utiliser une langue morte est la
meilleure façon de mettre tout le monde d’accord. C’est sans doute pour cela que des mots
incompréhensibles apparaissent sur les blasons d’états modernes, par exemple E Pluribus
Unum : « Issu de plusieurs : Un ». Un comme l’Enfant du Rocher, qui est issu d’une
femme, d’un homme, d’un loup, d’un cerf, d’une biche, d’un rocher, ...

Nous, l’auteur, refusons la vision moderniste fondée sur la division. Nous préférons
observer les humains comme des fluides, et décrire leurs courants comme fit un
ethnologue martien quand il observa que tout coule : Panta rei. Par exemple, nous
pouvons confirmer la centralité du genre féminin en époque préhistorique & une
importance progressive du genre masculin officialisée par un mythe existentiel du 19e
siècle : le Progrès. Ah ah ah !
Le petit dessin de La Higuera a la valeur d’une gigantesque fresque historique. Elle enseigne
que les Modernes se trompent quand, pour parler d’un autre monde, ils divisent un tout avec
des termes comme “chasse”, “cueillette”, “fertilité”. Ce dessin est un récit dans lequel une
société holistique se crée & maintient en un seul rite propitiatoire multiforme : un système qui
produit l’Être Conscient.
Pour comprendre la “préhistoire”, et surtout pour comprendre les malaises modernes, nous
devrions abandonner l’expression “rite de fertilité”. Elle nous vient de sociétés obsédées par
les organes sexuels, si utiles pour élever les moutons et diviser les humains selon un ordre
hiérarchique. Des comportements spontanés complexes furent réduits à expressions sexuelles,
afin de réprimer par la Loi celles qui ne semblaient pas utiles à cet Ordre. Les métaphores des
premiers prophètes furent transformées en dogmes par les bergers du Patriarcat. Ces porteurs
d’un sexe mâle étaient semi-analphabètes parce qu’ils avaient « trop étudié, ou pas assez ». (10)
Dans une édition future de la Genèse, les éleveurs de moutons deviendront machinistes
de locomotives à vapeur. Ils diront que Dieu créa le monde pendant la révolution

203
industrielle et divisa l’humanité en deux genres : les vis, et les écrous qui les reçoivent en
douceur, mais qui doivent être forcés quand leur filetage est imparfait.
Dans l’édition suivante, des nerds californiens diront que le monde fut créé par le Verbe
numérique : il divisa les humains en 0 et 1.

La Higuera nous dit qu’un repas partagé autour du feu de camp ou de la nappe du pique-
nique, à la table ronde ou autour de la table rectangulaire, assis sur une chaise ou sur un tapis
– deux symboles de royauté –, n’est pas un “rite gastronomique” séparé d’un “rite de
fertilité” et d’autres rites. Ce repas vital, parfois appelé la Cène, est une des formes du Rite
propitiatoire unique qui crée & maintient la communauté & l’individu. Aujourd’hui, nous
sommes divisés de mille façons. Par exemple par la “nationalité”, qui nous rappelle de plus
en plus le National-socialisme. Nous sommes divisés par le “genre”, cousin de la génétique
qui fascinait les savants fous du nazisme. Un dicton humaniste italien devrait être sculpté au
fronton de tous les Temples et sur la porte de chaque Maison : « Prima mangiamo; poi
parliamo. » Mangeons ensemble d’abord ; après on parlera.

Dans la préhistoire, un système produisait & maintenait l’Être de communautés si petites


qu’elles étaient toujours sur le bord de l’extinction. Ce péril est encouru aujourd’hui par
la tribu Humaniste : des hommes et les femmes trop occupés à se diviser sur tout pour
imaginer un rite utile à leur multiplication. Devons-nous en suggérer un ?

En résumé, nous pourrions dire qu’à La Higuera, une société en harmonie avec le monde
exprima une vision d’elle-même. Ce thème artistique fut repris par Picasso. Lui aussi
exprima une vision de sa propre société. Le tableau s’appelle Guernica, du nom d’une
charmante petite ville à quelques kilomètres d’Altamira. L’union de trois œuvres,
Altamira & La Higuera & Guernica, résume notre rêverie sur notre société dont la
disharmonie, le désaccord avec le monde fut codifié sinon inventé par Aristote.

Le Maître d’Alexandre accéléra une dynamique existentielle. L’Être se croit singulier, il


souffre de se sentir divisé mais il tend à se séparer, à émerger. Il se bat pour dominer le
Tout mais devenu Tyran, il pleurniche sur sa solitude. Cette contradiction est le premier
aspect du Péché Originel : la Conscience de Soi.
- Où est le mal ? Comment la conscience peut-elle être un péché ?
La conscience ne fait pas le bonheur. Le Péché Originel est un mythe, donc il raconte un
problème permanent. Parlons-en au présent : Lucifer est malheureux ; il se sent inférieur.
Le Mal naît d’un sentiment d’infériorité. On dit que « Les peuples heureux n’ont pas
d’Histoire ». Il serait plus utile d’observer que La Misère produit l’Histoire. Nous avons vu
que l’Histoire commence avec la misère existentielle du Chasseur. Le deuxième aspect du
Péché Originel est la conscience d’un malheur sans motif : La Jalousie de Lucifer. La
femme primordiale n’était pas malheureuse, ni jalouse de l’homme primordial. Elle fut
vaincue et soumise dans l’Histoire de l’Homme; elle a de bonnes raisons de se sentir
malheureuse maintenant.

La misère de la Femme produira-t-elle une nouvelle Histoire ou un copié-collé


symétrique ? Nous l’ignorons. Nous avons seulement signalé la Jalousie de Lucifer
envers la Fertilité de la Femme “préhistorique”. La Femme “moderne” a voulu se libérer
204
de cette entrave et poursuivre la carrière du Macho Vainqueur ? C’est son affaire. Mais si
la Femme “postmoderne” n’émerge pas rapidement des brouillards prophétiques de
Virginia Woolf & Johann Wolfgang von Goethe, pauvres de nous !
- Allons bon ! Que viennent faire ici Virginia Woolf et Goethe ?!
Un peu de patience.

Épilogue de La misère du Chasseur


Comprendre la conscience des humains préhistoriques est facile si on pense à la
conscience des humains modernes quand ils rêvent.
On le comprend mieux en considérant que conscience éveillée et conscience onirique
forment la Conscience.
Certains tentent de la récupérer toute entière. Ils consomment certaines substances et
pratiquent des gymnastiques physiques et/ou intellectuelles et/ou spirituelles.
Parfois, chez les plus sensibles, la persistante, insupportable sensation de séparation
pousse à s’unir au Tout par le suicide.
La thérapie de l’animal de compagnie, ou pet therapy, est un bain de préhistoire.
Alors, les humains ne se distinguaient pas nettement des animaux.
Quand la population augmenta suffisamment, le Chasseur inventa une variante de la
Chasse : le Sacrifice humain.
Puis le Chasseur devint le Guerrier qui chassait des hommes dans les autres groupes. Il
choisissait le frère ennemi plus digne de lui, le plus beau, le plus fort, le plus glorieux, à la
lumière du Soleil. L’Iliade nous rappelle que le coucher du Soleil concluait le combat, mais
non le drame. Les actes nocturnes suivaient. Le vainqueur assimilait le vaincu en s’habillant
de ses dépouilles : non plus la fourrure et les cornes, mais le casque et l’armure. Les frères
moins chanceux étaient envoyés dans l’autre monde sur le bûcher funéraire. Auprès du
grand Feu, le Banquet unissait les vivants, les trépassés et les Dieux.
Le chœur chanta les plus petites victoires pendant des générations, construisant ainsi un
passé commun, une maison commune, une histoire légendaire. Mais la vraie Histoire
resta bien cachée dans les mythes héroïques que nous avons relus ici avec des lunettes
neuves ; ils racontent la victoire de l’Homme sur la Femme, dans le brouillard qui
recouvre tous les crimes d’État.
Plus tard, de nouveaux prophètes proposèrent un autre Homme Nouveau, un de plus.
Ils tentèrent de le définir en trois mots, unis dans leur intention. Ce projet fit naufrage
dans une mer de sang, parce qu’ignorant la magie de &, un Tout fut dépecé en trois
morceaux vendus en barquettes de polystyrène très pratiques :
« liberté & égalité & fraternité ».
Ces projets d’Homme Nouveau forment les chapitres d’un feuilleton historique.

À suivre

205
Splendeur du chasseur préhistorique
(en Technicolor®)
La Chasse au Trésor
Les trésors sont toujours enterrés ou cachés dans une caverne. Nous ignorons pourquoi,
donc nous ne parlerons que d’animaux, peints dans une tiède caverne pendant la
dernière glaciation.
Pour peindre un animal en mouvement avec un réalisme parfait, il faut l’observer
longuement. L’animal sera-t-il “chassé” ? L’animal a déjà été “mangé avec les yeux”,
comme le prouve un croquis bien croqué. Une vision habite alors l’observateur, jour et
nuit. Le rêve sera peint sur les parois de la caverne, mais si l’observateur-rêveur et le
peintre doivent être une même personne, il n’est pas dit qu’il s’agisse du Chasseur, qui
est un homme. L’Artiste des Rêves pourrait-elle être la Maîtresse de la Caverne ? Comme
le Chasseur, elle observe les animaux qu’elle admire. Sans les chasser, elle les imite,
devenant la Potière, la Fileuse, la Tisseuse... Est-elle aussi l’Artiste ?
Aujourd’hui, dans l’occident opulent, tous les enfants sont invités à gribouiller et à
dessiner dès le plus jeune âge. Dans la nouvelle version d’un rite magique archaïque, nos
enfants expriment, affirment leur propre être, dans leur propre monde de rêves & réalités.
Les fillettes semblent souvent plus précoces que les garçonnets. Avec le temps – c’est
toujours la faute ou le mérite du Temps – les différences disparaissent, ou augmentent.
- À cause de l’environnement ?
Peut-être, mais certaines personnes semblent avoir un talent supérieur, de façon tout
aussi indiscutable qu’inexplicable. Avant que son école et son monde ne l’éteigne, une
gamine de cinq ans peut être une artiste consommée, comme on le verra en appendice.
Le Portrait de l’auteur est une représentation symbolique et réaliste de cinq personnages et
de leurs relations émotives, sur un thème et avec une dynamique qui font penser à Chagall.
Ce dessin rejoint le niveau des peintures rupestres de Altamira, Lascaux et Chauvet.

Symbiose mimétique entre un homme préhistorique et un animal


Évitons un malentendu. La misère du Chasseur ne se traduit pas seulement par l’imitation
d’un animal, comme le fait la Femme avec ses “arts”, mais aussi par une symbiose.
Ce terme exprime son désir d’union indissociable (sym) avec la vie (bio) d’un animal.
Cette symbiose est mimétique parce que le Chasseur essaie de ressembler physiquement à
l’animal. Pour voir & sentir un tel phénomène, nous pouvons observer aujourd’hui la
même symbiose mimétique entre un homme et un animal, à cause d’une misère différente.
Dans une des nombreuses, des trop nombreuses grottes de l’immeuble d’en face, il y a
un vieil homme qui n’aboie jamais, comme le vieux chien qui sort le promener matin et
soir. Personne ne sait qui des deux se laissera mourir sur la tombe de l’autre, pour
continuer la promenade ensemble.

Imitation, éducation, rite substitutif.


La Dame de la Caverne imite les animaux qu’elle admire, sans les chasser. Elle fait un vase
come la guêpe potière. Elle entortille les herbes pour produire un fil comme fait
l’Araignée Arachné, appelée Ariane à Crète,. Puis elle tisse une toile, ou un Vase végétal :
un panier. Elle tresse des fils et forme une corde. Elle l’utilise de mille façons, et presse sa
206
corde sur l’argile fraîche, laissant ainsi des empreintes de la corde & d’elle-même sur son
vase, comme de profondes empreintes digitales. On sait que les termes presser, imprimer,
empreinte appartiennent à la même famille. Cependant, les spécialistes disent que
l’empreinte de la Corde de la Potière sur le Vase est une décoration. Une décoration ?!
Une décoration comme un tatouage tribal sur son propre visage ? Une décoration comme un
cartouche de hiéroglyphe sur un obélisque ? Pauvres de nous.
Parfois, l’empreinte de la corde recouvre tout le vase : une écuelle ressemble ainsi à un petit
panier (qui contient le pain, en latin). Il fait penser à la Ciste, le panier sacré sur la tête de
Perséphone et de Déméter à Eleusi, que nous avions associée à l’Omphalos de Delphes. Il
nous explique surtout l’origine de tout panier : Le Nid de l’Oiseau, qui contient La Nouvelle
Vie, comme le Vase-Femme. S’il existe des peintures rupestres d’araignées, de guêpes
potières, d’oiseaux communs ou d’oiseaux tisserins, nous nous demandons pourquoi on en
parle moins que des animaux grandioses, nobles, qui font la fierté du Chasseur. Si elles
n’existent pas, on se demande pourquoi des animaux aussi influents ne furent pas
représentés. Peut être parce que dans les films d’Hollywood, le Héros conduit un SUV, pas
une bicyclette.
Quoi qu’il en soit, le genre des abeilles de La Higuera est masculin, celui du bison rouge
d’Altamira est féminin, et notre question sur l’auteur des peintures rupestres reste sans
réponse. Le genre de l’être représenté n’indique pas le genre de l’Artiste.
La Femme qui imite le Travail (sacré ?) de la Guêpe ou de l’Araignée se laisse éduquer,
elle se laisse créer. Elle créera et éduquera à son tour. Sa façon d’imiter et de se faire
imiter est le fondement même de l’éducation des enfants et de chaque apprentissage,
depuis toujours.
L’imitation éducative caractérise les mammifères, les animaux dotés de mamelles nourricières.
Cette forme d’imitation est une communication-communion qui n’a rien à voir avec la
peinture d’un rêve.
- La Dame de la Caverne imite certains animaux mais elle pourrait en peindre d’autres.
Elle serait capable de le faire, de façon réaliste ou symbolique. Donc la question reste :
l’Artiste est la Dame ou le Chasseur ? Le débat est en cours parmi les spécialistes.
La vision suivante d’un non-spécialiste naît de la thèse qu’il a exposé ici sur la fonction
magique de la Chasse.

Capacité, magie, tabou.


Un homme préhistorique aurait été capable de faire le Vase de la Femme, comme une
femme moderne serait capable de célébrer la messe du prêtre catholique. Notre question
ne concerne pas une capacité de genre, ni une époque historique.
Nous avons montré que la Chasse est un rite. Si le Chasseur était aussi l’Artiste, sa peinture ne
serait pas seulement une forme d’imitation de l’animal, ni n’exprimerait seulement admiration et
désir. Pour le Chasseur, l’action de peindre constituerait une phase du rite de la Chasse.
- Quelle phase ? Le croquis d’un projet ou la photo d’une réalisation ?
Dans le contexte préhistorique, nous appelons Chasse le rite magique imaginé par un
végétarien de genre masculin : le Chasseur. Pour lui, la Chasse est le succédané de la

207
magie fertile de chaque femme ; donc, s’il est le peintre, sa peinture d’un animal chasseur ou
d’un animal chassé serait la phase magique initiale de ce rite.
- Dans la Caverne, le songe se fait chair et sang...
Vous pouvez le dire bien fort... mais pas trop fort.
D’ailleurs, un chapitre précédent s’intitule L’Art est Magie.
La Dame de la Caverne n’a aucun besoin de semblables artifices ; elle se contente de sa
propre Magie naturellement fertile.
Quant à ses arts, il s’agit d’artisanats. Avec une "technique & objets", le sujet-artisane ne
produit pas seulement une image symbolique de Soi & de nombreuses représentations-
créations de son Être. Elle produit aussi des "biens de première nécessité" pour une
communauté. Ils deviennent "l’âme visible" de la Communauté. (Merci Lamartine !)
L’Artisane continue ainsi le rôle de Créatrice-Nourrice de la Dame de la Caverne.
Conclusion : l’Artiste & Prestidigitateur de Chauvet, Lascaux et Altamira est le Chasseur.
- Je le savais ; encore un machiste !
Laissez-moi terminer, s’il vous plaît. Avez-vous entendu parler d’Artémis, Déesse de la
Chasse ? Les Romains l’appelait Diane Chasseresse ; il serait plus juste de l’appeler
Déesse Chasseur, mais procédons par étapes.

Dans les questions qui concernent le genre d’un humain, la réalité sociale peut être
différente de la réalité biologique. En outre, les visions religieuses précèdent les projets sociaux-
politiques. Les communautés tentent d’influencer & canaliser les préférences érotiques des
individus en brandissant des arguments discutables. Les plus hautes institutions culturelles
– qu’elles soient religieuses ou civiles – opposent un “ choix contrenature ” (donc un choix
culturel) à un “ choix naturel ” (contradiction). On peut sourire, si on aime la logique, ou
pleurer si, comme Camus, on préfère les humains.

Limiter les préférences érotiques au choix d’un genre est une généralisation ridicule. Mais
en ignorant les autres critères – âge, aspect, etc. –, quel serait le nombre de genres parmi
lesquels choisir ?

La distinction masculin ou féminin ne suggère que deux genres possibles. Voici une autre
structure binaire à laquelle il semble impossible d’échapper ; un autre dia-bolique di-lemme,
comme cuit ou cru, duquel nous avons été sauvés auparavant par le prophète Lévi-Strauss.

En attendant, on parle beaucoup d’un troisième genre. Il apparaît dans la mythologie et dans
la philosophie grecques, comme l’Hermaphrodite ou l’Androgyne. C’est aussi une réalité
sociale qui présente parfois des aspects biologiques : masculin & féminin. Chaque Dieu
Égyptien était aussi Déesse et vice-versa. Notre civilisation a tout fait pour le cacher, mais la
langue anglaise nous le dit chaque jour avec le pronom personnel de la troisième personne
“it”. Il n’indique pas nécessairement un objet ; un Anglais l’utilise aussi pour un être divin :
le nouveau-né humain. “ It ” n’est pas “ neutre ”, comme on nous l’a dit à l’école, mais
androgyne, comme bien des animaux et des plantes. En anglais, la mer et le vent ne sont pas
respectivement féminin et masculin : chacun d’eux a le tempérament de Mère & Père. Ils
sont donc tout deux indiqués par “ it ” : le troisième genre. Pour un Anglais cependant,
208
certains objets ont un genre seulement. Par exemple, tout bateau est une femme indiquée
par “ she ”, mais il serait plus juste de dire mère. Les marins savent pourquoi.

Existe-t-il un quatrième genre ? Nous le trouvons dans le refus de la division par genre :
« Je ne pense pas au sexe, donc je suis. » Une telle condition concerne les anges et la
première enfance. À l’âge adulte , il peut s’agir d’un choix conscient : la libération d’un
conditionnement social « plein de bruit et de fureur, se signifiant rien ». Ce choix peut
constituer une brève vacance. Le quatrième genre redevient normalement une condition
permanente positive, dans un quatrième âge serein qui a parfois la sagesse de ne pas
poser comme modèle de sagesse.

Artémis hier & aujourd’hui


De nombreuses féministes se reconnaissent en Artémis ; d’autres en Médée. Cette
dernière est l’Horreur en personne. Nous devons nous en débarrasser tout de suite.
Dans des chapitres précédents, nous avons vu que Médée, qui semble se rebeller au
système, est au contraire un pilier du Patriarcat, une de ses infrastructures : elle renforce
le système de l’intérieur, en générant des anticorps antiféministes, comme si le Patriarcat
était un corps en bonne santé. Le féminisme est-il un cancer ? Ils sont nombreux à le
penser. Les machos sont les meilleurs alliés de Médée. Elle manipule les machos et
provoque les hommes, à son bon plaisir diabolique. Elle en a besoin pour se justifier,
afin d’utiliser ses propres enfants comme otages et extorquer de l’argent au-delà de ce
qui est légitime, avec l’aide des tribunaux : la Justice doit compenser les injustices qu’Elle
laisse commettre aux machos. Mais l’argent n’est pas la motivation première de Médée.
En empoisonnant ses enfants de baisers sonores et de mensonges susurrés, Médée les
détruit psychologiquement pour se venger de leur père biologique. Dans son délire, elle
se prend pour une amazone en guerre contre le Père archétypal. Comme beaucoup
d’hommes et de femmes, elle confond le père avec le Patriarcat. Elle contribue au succès
d’un derby – Hommes contre Femmes – qui ne se dispute pas que le Dimanche.
On peut décrire les comportements criminels de Médée & leurs conséquences sur les victimes
principales, ses enfants, comme un système de deux systèmes, deux “syndromes”: MMS &
SAP, c’est-à-dire le Syndrome de la Mère Malveillante (Malicious Mother Syndrome MMS) & le
Syndrome l’Aliénation Parentale. Médée agit aussi dans les coulisses du Syndrome de Münchhausen
par Procuration. Nous avons réuni ces contenus en un seul terme : médéisme.
Dans ce domaine, la recherche “scientifique” semble freinée par des forces obscures.
D’autant plus que dans certains cas, Médée est un homme, ou plutôt un macho. Cela
nous a fait dire, ailleurs, que le cancer de notre société devrait s’appeler machisme-médéisme.
Il s’agit d’un système fermé qui se nourrit de lui-même. Pour ne pas encourager le derby
Hommes contre Femmes, le machisme devrait être combattu seulement par les hommes,
le médéisme seulement par les femmes. (12)
Médée est une magicienne, une prestidigitatrice. D’un geste, elle transforme son bâton
noir en un foulard de soie colorée. L’enchantement agit sur les parents, les amis, les
voisins et les autorités. Quand ils découvrent la supercherie, il est trop tard. Alors ils se
taisent. Les plus coupables écrivent des rapports légaux ou scientifiques : ils parlent du
foulard de soie mais n’ont vu aucun bâton. Ils cachent le Silence sous un langage
technique. (7)
209
Du Tribunal pour Mineurs, le débat se déplace dans le talk-show : le champ de bataille
préféré des spécialistes. Pour la joie des supporters, les hampes des drapeaux pseudo-
féministes s’entrechoquent avec les gourdins des machos ; leurs armes retombent
ensemble sur les enfants. Aucun arbitre ne semble capable d’arrêter ce jeu de massacre :
c’est le jeu de prestige de la Magicienne. Il ne fonctionne pas seulement sur des milliers de
familles ; il hypnotise notre société entière, que Médée empoissonne avec ses filtres. (B)

Artémis par contre est sincère. Ce n’est pas une femme lucidement folle comme Médée
mais une Déesse, une grande Déesse. Quel est son rôle social ?
Dans la grande propriété Patriarcale, Artémis s’occupe des zones boisées. Gardienne et
Videur, elle décide quelle femme peut entrer dans son parc naturel et laquelle doit être
expulsée comme une Ève quelconque.
Artémis est une Déesse très spéciale : bien que femme, elle se comporte comme un
homme. Elle chasse dans la mythologie comme le Chasseur dans la préhistoire, pour le
même objectif : cette forme de fertilité lui convient tout à fait.
La Déesse Chasseur avait-elle décidé de rester vierge ? On peut en douter. Il se pourrait
qu’ayant constaté que, comme certains humains, elle ne gênerait aucune vie nouvelle, elle
en adopta l’activité spécifique : la Chasse.
Après tout, la découverte de la fertilité masculine s’accompagna nécessairement de la
découverte de l’infertilité de certaines femmes : un nouveau drame. Il fut affronté par de
nouveaux expédients, comme le recours à la Déesse Mère. Fut-elle inventée à cet effet ?
Acceptant sa condition, Artémis prétendait l’abstinence de ses servantes, les Nymphes.
Ovide raconte sa colère quand elle découvrit que Calliste, sa servante plus belle, était
enceinte. Elle avait été séduite par le père d’Artémis : Zeus.
- Encore Zeus !
Oui. Calliste fut punie. Elle dut laisser ses chères compagnes. Elle erra de par le monde,
transformée en ourse par Artémis, ou par Zeus, ou par son épouse jalouse Héra, selon
les différentes versions. Toutes s’accordent sur un point : elle ne fut pas transformée en
truie ou en chienne, parfois symbole péjoratifs de fertilité ou promiscuité, mais en une
ourse. Cet animal est presque aussi cher à Artémis que le cerf ; il n’y avait donc aucune
intention péjorative dans ce choix, qui mérite une explication.
Selon la logique mythologique, normalement appliquée par Ovide dans Les Métamorphoses,
la plus belle Nymphe, devenue mère, aurait dû être transformée dans la plus belle fleur
d’eau, la nymphe justement, puisque l’Eau est l’élément maternel. Pourquoi un animal
sauvage fut-il choisi pour la métamorphose de Calliste ?
- Artémis était aussi la Déesse de la nature sauvage.
- La fleur nymphe aussi est sauvage et naturelle. Et pourquoi en ourse et non en biche ?
- …?
La réponse arrive d’une discipline : la paléontologie & ethnologie & mythologie & zoologie.
Paléontologie. Il y a 30.000 ans, des ours et des humains occupèrent au même moment
la grotte Chauvet, en France.

210
Ethnologie. Sur la côte Ouest de l’Amérique du Nord, jusqu’au siècle dernier, les
indigènes étaient fiers de se comporter comme les ours, de diverses façons, par
exemple dans l’attitude d’une mère envers ses enfants. L’hibernation de l’ours et sa
“renaissance” au printemps doit avoir eu un rôle dans son statut totémique ou divin.
Pour un humain, la “mort de froid” et la successive “résurrection” dans un milieu plus
chaud est un évènement connu, objet d’études de la part de scientifiques sérieux. Le
phénomène peut être associé aux rites antiques relatifs à ce que nous appelons “la
mort”, un concept aussi insaisissable que “la vie”.
Mythologie & zoologie. Certaines légendes européennes parlent du risque, pour une
femme, d’être enlevée par un ours. Aujourd’hui aux USA, patrie de la recherche
scientifique, on susurre que le risque est plus grand pour une femme ayant ses règles. En
défense du tourisme écologique, les spécialistes du Yellowstone National Park écrivirent
un rapport rassurant : ce n’est pas vrai. Ou plutôt, la statistique ne le confirmait pas pour
les ours bruns du parc de Yellowstone.
Pour les ours blancs le doute restait, “donc” on procéda à une expérience scientifique
avec quatre ours blancs et des tampons périodiques usagés. Le résultat positif fut atténué
par une considération : les ours polaires étaient affamés. À cause de la fonte des glaces ?
Certains scientifiques sont féministes : la Faute n’est plus attribuée à la Femme Impure
mais au CO2. (11)
Peur télécommandée ou rêve secret ? Fake-news ou mythe ? La réponse est simple : &.

Fake-news & mythe


Quand le prince troyen Pâris était encore un nouveau-né, il fut nourri au sein par une
ourse parce que sa mère, Hécube, épouse du roi Priam, l’avait abandonné dans les bois
pour conjurer le présage funeste et sauver la ville de Troie. La précaution fut aussi cruelle
qu’inutile : l’ourson grandit et enleva la plus belle, Hélène. La suite est bien connue.
Tout cela indique que pour Artémis, une ourse était une femme commune, fertile. Sa
décision s’explique, comme toujours, par la morale victorienne : le patron Zeus a mis
enceinte la servante, donc elle doit être punie et renvoyée chez elle. Dans bien des
domaines, notre connaissance est restée formatée par les académiciens du 19e siècle. Ces
messieurs distingués ne se posent pas la question suivante : à partir du moment où
Calliste est enceinte, où est sa maison ? Pour la morale victorienne, ce détail est
insignifiant ; pour nous, c’est le point fon-da-men-tal !
Artémis remet Calliste à sa place : dans la “préhistoire”. Sur le Grand Jeu de l’Oie, elle la
rétrocède de la case Temple à la case Caverne où elle redevient Mère Ourse. Au temps des
Héros féminicides du Patriarcat, la servante de la Déesse Chasseur devient mère, donc
elle perd sa supériorité masculine.
- Comme maintenant ?
- Je te trouve bien mûre pour ton âge, ma chérie.
Puis, raconte Ovide, pour la soustraire à la rancœur des braves gens contre les exilés,
Zeus installe la plus belle femme, Calliste, dans la plus belle caverne qui soit : la voute
céleste, où on l’appelle la Grande Ours.
- Maintenant tous au lit les enfants ; faite de beaux rêves.
- La Grande Ourse c’est comme la Grande Mère ?
211
- Bravo ma chérie ! Et à coté de la Grande Ourse, il y a la Petite Ourse, mais c’est un garçonnet :
Mère et Fils. Le Nounours s’appelle Arcas. Le pépé d’Arcas, le papa de Calliste, est Lycaon,
l’Homme-Loup. Il avait été transformé en Loup par Zeus après une faute très grave : il lui avait
sacrifié son propre enfant. Tu comprends maintenant pourquoi Abraham... Bon, ce sera pour
une autre fois. Bonne nuit.
Il faudrait remonter aux origines des mythes, et lire les récits transcrits avant l’invention
de l’écriture. À La Higuera, le sujet principal du dessin rupestre est l’animal préféré
d’Artémis : le Cerf.
La vraie mythologie grecque est distante des fables romaines d’Ovide comme la
mythologie romaine des films d’Hollywood.
Avant que les mythes fondamentaux ne disparaissent complètement, il faudrait relire les
aventures d’Artémis et de son frère Apollon, à la lumière du passage de la Civilisation de
la Femme au Patriarcat, thème central de notre récit de voyage. Ne serait-ce que pour
comprendre le passage inverse, en cours.
- Artémis était lesbienne ?
Les enfants dorment ; parlons-en librement.

Le cinquième genre humain : un mythe grec sur une question actuelle.


Au début du voyage, nous avions lu certains mythes grecs comme des reportages sur la
“préhistoire”, cette Civilisation de la Femme qui précède le Patriarcat et à l’intérieur
duquel elle survit, de différentes façons, jusqu’à nos jours.
Nous avons compté jusqu’à quatre genres humains ; le cinquième caractérise le mythe
d’Artémis.
Pour les experts, un aspect de la préhistoire est la faible distinction entre l’humain et
l’animal, comme dans nos rêves. Dans la publicité et dans le spectacle, le manque de
distinction entre humain et animal a fait la fortune de Walt Disney et de bien d’autres.
Tous se sont nourris de fables antiques, sans les digérer. Cette fluctuation d’espèce – de
l’animal qui se fait humain et vice-versa – fait penser à une cinquième possibilité pour le
genre du Peintre de la Caverne que nous tentons d’épingler comme un papillon.
Le cinquième genre est la fluctuation de genre en époque préhistorique. Le genre
variait selon le centre d’intérêt de l’observateur. Le principe d’indétermination de genre
gouvernait le physique humain préhistorique, comme le principe d’indétermination
gouverne la physique quantique. Nous pourrions dire plus simplement que dans la
préhistoire, le genre n’était pas aussi important qu’aujourd’hui, quand sans genre il n’y a
pas de hiérarchie, et sans hiérarchie il n’y a pas d’Ordre. Pauvres de nous.
Dans la préhistoire comme aujourd’hui, la magie fertile de la Femme n’était concédée
qu’à la majorité des femmes. La stérilité d’une minorité de femmes, si elle était remarquée,
était probablement acceptée comme une normale fluctuation de genre : une femme stérile
était une sorte d’homme, comme Artémis. Dans cette condition d’indivision
paradisiaque, l’appartenance à une minorité, si la statistique existait, n’était pas considérée
un défaut. Aujourd’hui par contre, on croit encore en une normalité psychophysique
fondée sur l’identité de genre, et en une identité culturelle attestée par des documents
bureaucratiques nationaux. Bref, on croit encore en un Dieu National Socialiste.

212
Le nazisme n’existait pas dans la préhistoire. L’ethnologie le prouve. Chez des peuples
primordiaux survécus à l’Holocauste de la Modernité, un épileptique est un être spécial,
visité de temps en temps par un Dieu spécial : le sien.

Maintenant, nous pouvons répondre à la question : oui, absolument, Artémis est


lesbienne, sans problème ni besoin de nier ou d’affirmer quoi que ce soit. C’est le mythe
qui le dit, indirectement : pour séduire Callisto, Zeus assume l’apparence d’Artémis.
Mais nous nous éloignons du sujet, qui est le suivant : dans le mythe d’Artémis, à part la
banale fluctuation d’espèce entre humain et animal, il y a deux cas de fluctuation de genre. La
première concerne Zeus: le Dieu devient Déesse. La seconde concerne Artémis: la
Déesse est un Chasseur. Cet échange croisé dans le même mythe résume notre propos.
Au temps des Héros, les habitants de l’Olympe jouissaient encore d’une liberté
préhistorique : la fluctuation de genre. Dans la préhistoire, une femme stérile pouvait récupérer
sa fertilité de la même façon qu’un homme pouvait acquérir une fertilité féminine : avec un
rite substitutif, ou soin palliatif, que nous appelons Peinture & Chasse. Voilà donc un
autre sujet de film tiré de notre journal de voyage ; celui-ci est sur la préhistoire
d’aujourd’hui. S’il y a un scénariste dans la salle, qu’il en prenne bonne note (et dise au
producteur de se préparer à une addition salée).
Donc une femme aussi pouvait devenir l’artiste des cavernes, et chasser, mais une telle
possibilité n’affaiblit pas notre raisonnement et n’altère pas la logique d’un rêve de fertilité. Ce
rêve contribuait à la santé mentale d’un être fragile, sensible : le Chasseur, artiste dans une
caverne ou sous les toits de Paris.
Grâce aux récits mythologiques, les rêves deviennent réalités. La réalité est une forme sociale
de connaissance : un rêve commun. Les sorciers le savent bien, et nous les écoutons, quand ils
apparaissent magiquement dans la caverne de notre TV.
Désormais, nous acceptons les fluctuations d’espèce entre humains et animaux : le Loup
Garou et Spiderman, la Femme-Guêpe et la Mère l’Oie. On peut se demander où &
quand & pourquoi est né le tabou de la fluctuation de genre, & pourquoi elle est restée un
tabou.
- Aristote ? Encore lui ?!
Aristote ne fut que le notaire, ou le fossoyeur. Le mal avait commencé bien avant.
Aujourd’hui, un cours d’eau resté sous-terrain depuis longtemps est en train d’émerger
comme une petite source, mais elle ne coule pas encore dans tous les déserts.
Par exemple, dans les rapports humains, certains ont été éduqués dès leur plus jeune âge à
être aveugle à la couleur de leur peau et de celle des autres : ils sont “color blind”. Ceux qui
n’arrivent pas à rejoindre cette harmonie devraient changer la couleur de leur propre peau
en rougissant de honte.
Avec le même esprit humaniste, nous devrions devenir indifférents au genre des autres dans
les rapports quotidiens. Nous naissons tous “gender blind”, mais nos familles sont influencées
par toutes sortes d’écoles, et presque toutes les écoles sont dirigées par des éleveurs de
moutons et des sélectionneurs-entraîneurs de boucs héroïques.

213
L’Annonce faite au Chasseur : un rêve prémonitoire.
Un rêve réaliste ne se produit qu’après une rencontre avec l’objet rêvé. Ce rêve précède
donc la prochaine rencontre, crainte et/ou désirée. Si elle advient, le rêveur dit qu’il a fait
un rêve prémonitoire. Il peut le dire de diverses façons : ses langages créent sa propre
puissance magique & la puissance génératrice de ses rêves.
Le Chasseur a appris à lire des signes. Une empreinte dans la boue signifie la proie désirée au
point d’être la semence de l’animal qui pénètre le Chasseur. Ses deux yeux forment son “8”, et
nous avons vu ce que 8 ou ∞ représentaient. Rappelons que chaque signe est une
semence, pour la sémantique : la science du “sperme”, en grec. L’Artiste accouchera de son
œuvre dans la tiédeur du Nid-Caverne de la Femme, comme le coucou.
La première écriture fut un dessin, mince, rapide et précis comme une flèche. Il deviendra
hiéroglyphe. Un jour le Chasseur sera écrivain ; pour l’instant, il est peintre.

Nous pourrions dire que la grotte fut peinte pour la même raison que les vases grecs :
pour conquérir un lieu symbolique – la Grotte, le Vase – qui représentait la Femme au
point d’être confondu avec l’univers féminin, avec l’Univers. Mais pourquoi l’aurait-il fait ?

Pour le Chasseur, le manque de fertilité est L’Absence, la cause d’angoisse et le moteur de


recherches dans toutes les sciences possibles, dans tous les arts possibles, dans toutes les
amours possibles. Oui, c’est un crescendo. On repense à la maisonnette bleue sur l’Etna,
avec sa chapelle votive : un temple, minuscule et “vide”, dédié à Notre-Dame de l’Absence. Il
est plein de Lumière & Silence. Ceux qui le voit vide souffrent, comme le chasseur
préhistorique, de l’Absence de Connaissance & Beauté & Amour. Non, ce n’est pas un
crescendo cette fois, mais un seul sentiment tragique.
26-09-2021
Dans La Pesanteur et la Grâce, Simone Weil écrivit : « Dieu ne peut être présent dans la
création que sous la forme d’absence. »
L’auteur lit aujourd’hui cette pensée d’une intellectuelle & ouvrière & militante syndicaliste &
résistante antinazie & philosophe & humaniste & mystique chrétienne sans Dieu ni Déesse :
une Femme, la deuxième qu’il rencontre cette année après la plus humaine Natalia Ginzburg
qui a écrit Les Petites Vertus. C’est une bonne année. Il a même rencontré un Homme,
enterré par les libraires dans les étagères Écrivains chrétiens ou Romans d’espionnages :
Graham Greene. Ailleurs, un deuxième Homme appelé Premier, Primo Levi, était cloué sur
une Étoile de David barrée d’un bandeau noir : “Écrivain de la Shoah”, mot hébraïque qui
se traduit Nakba en arabe : catastrophe.
Bouclons la boucle de cette note, peut-être de ce journal de voyage, avec Simone Weil :
« Un esprit enfermé dans le langage est en prison. »

Comme la magie de la Femme qui l’inspire, la magie du Chasseur est à base de sang.
Le nouveau rite est-il célébré chaque mois ?
Ou plus rarement, comme l’accouchement de la Femme ?
Dans la préhistoire, le Chasseur végétarien chasse, il a besoin de chasser. La Femme est.
Elle n’a aucun besoin de preuve ontologique. La Potière fait son Vase mensuel comme elle
ajoute du bois dans la cheminée, afin que le Feu du Temple continue de brûler.

214
Who’s Who de la Préhistoire et de l’ère victorienne.
La Dame de la Caverne n’est pas la matriarche inventée par la sociologie du 19e siècle. Elle
règne discrètement, par sa seule présence, et attire comme la Lumière dans l’obscurité.
Elle attire comme Mrs Ramsay dans Vers le Phare, de Virginia Woolf.
Dans To the Lighthouse – Vers la maison de la Lumière – Mrs Ramsay est Maison & Lumière. Sa
Caverne secrète a produit huit enfants. Elle anime son petit monde d’une magie
incompréhensible aux adultes qui l’observent : elle tricote des chaussettes pour un enfant
pauvre, fils du gardien du Phare (avec une majuscule dans tout le roman). Tous respirent ce
que Madame Ramsay émane : une substance invisible et indispensable comme la Lumière.
On ne la voit que la nuit, le jour elle fait voir, en projetant des ombres qu’on préférerait
ignorer. “Donc” Notre-Dame Ramsay n’a pas besoin d’un succédané de fertilité comme la
Chasse, ni d’une sublimation compensatoire comme la Peinture.
Le Chasseur préhistorique peignait au fond de sa caverne obscure. Si nous lisons
attentivement le roman, nous verrons que Virginia Wolf écrivait dans son smog.
Examinons ce trait d’union entre des temps qui ne sont pas si lointains.

Cherchez la femme !
Cette enquête est La Recherche de Virginia Woolf, qui a lu Proust attentivement et n’aime pas
Freud parce que ses interprétations simplifient trop, dit-elle dans un essai. Deux ans après
avoir écrit Mrs. Dalloway en un style direct, elle trace le portrait de son contraire, Mrs.
Ramsay, dans un roman entièrement écrit en style symbolique.
Le lecteur anglais était entrainé aux doubles sens, aux devinettes, aux énigmes, mais bien peu
avaient saisi la riche complexité d’une “ fable pour enfants ” : Alice au Pays des Merveilles de
Lewis Carroll. Le trésor fut découvert un siècle plus tard, dans les versions éditées par un
auteur de livres de divulgation scientifique : Martin Gardner.
À première vue, Vers le Phare aussi se présente comme un récit tranquille : une belle
famille de la bourgeoisie intellectuelle de Londres, en vacances à la mer avec des amis...
L’indicible victorien apparaît en filigrane dans Alice, mais Gardner n’en dit rien, et il
n’était pas aveugle. Entre les lignes, Virginia Woolf semble faire allusion à des questions
très personnelles. Elle offre au lecteur des indices évanescents et des symboles plus ou
moins hermétiques. Elle les offre peut-être aussi à elle-même, inconsciemment.
Madame Ramsay est aimée et admirée par une jeune protégée qui ne la considère
cependant pas comme un modèle existentiel. Lily Briscoe est une artiste. Au début du
roman, elle essaye de peindre Madame Ramsay, à la fenêtre avec le petit James qui rêvait
d’aller au Phare.
Dix ans après, à la fin du roman, une Lily Briscoe fanée et seule reprend ce projet
abandonné mais ne peint qu’une « tentative de quelque chose. »
Ce même jour, Monsieur Ramsay organise enfin la traversée en bateau jusqu’au Phare. Il
emmène James, qui n’a plus aucune envie d’y aller, et sa sœur Cam. James la croit son alliée
contre les « ailes noires » et le « bec dur » du père ; il rêve de l’éliminer d’un coup de couteau en
plein cœur alors que, au contraire, Cam aime et admire son père.

215
Du Cerf au Bélier, de la fin de la préhistoire aux temps bibliques.
Madame Ramsay aime et admire son mari, elle n’a pas de mots pour le lui dire, seulement des
gestes quotidiens pour le servir, mais elle le déteste aussi. Monsieur Ramsay est un macho
intellectuel, toujours plein de mots sauf quand il explose de colère et fait voler les assiettes : un
docte tyran qui aime sa femme mais n’arrive pas à le lui dire. Ce Chasseur poursuit des idées
même à table avec sa grande famille : c’est un professeur de philosophie très connu, athée
militant et rationnel rabat-joie.
Si on connaît un peu la vie de Virginia Woolf, les interrogations qui l’habitaient, on peut
remarquer que Monsieur Ramsay est le seul personnage du roman à ne pas avoir de
prénom, avec sa femme qui n’a même pas un nom. L’absence totale d’une identité sociale
pour une femme est une touche subtile dans ce roman ; elle sera développée deux ans plus
tard dans Une chambre à soi. Mais que dire de Monsieur Ramsay ? Quel est son nom, son vrai
nom dans un roman hautement symbolique, vu qu’il n’a pas de prénom ?
Ram signifie bélier. Le macho autoritaire qui défonce la Porte est le mâle de la brebis.
La laine est utilisée dans l’art d’Ariane, pratiquée par la Maîtresse de Maison. Peut-on
conclure que pour Virginia Woolf, le nom du Maître, Ram-say, signifie Le Dit du Bélier ?
Ce serait bien trouvé, pour un nom de Patriarche.
Avec les premiers mots du roman, la Mère avait accédé à la demande du petit James :
« Oui, bien sûr, s’il fait beau demain. » Le Monstre ailé du Patriarcat avait démoli le rêve de
son fils: « mais il ne fera pas beau », empêchant ainsi le voyage initiatique vers le Phare. Un
père qui entrave son fils dans cette conquête (en forme de tour ici) était déjà un cliché.

Dans le roman et au long de l’Histoire, la Civilisation de la Femme et le Patriarcat se


superposent, générant des tensions sociales, des contradictions personnelles intimes, des
drames et des tragédies familiales.
La sœur de Virginia Woolf est peintre, comme Lily Briscoe qui ressasse souvent un
commentaire des hommes : « les femmes ne savent pas peindre, ne savent pas écrire ». Pourtant Lily
Briscoe n’écrit pas. À la fin du roman, Lily et Virginia ont au moins trois points communs : au
même âge, elles doutent de leur talent et souffrent d’un blocage sexuel. Les violences
sexuelles subies par la petite Virginie dans son entourage familial sont connues.

Dans la scène finale, d’une densité extrême, Lily Briscoe peint dans son brouillard en
présence d’un vieux monsieur. La maison est vide. L’Ombre de la Lumière ayant disparu
des escaliers, Lily peut admettre désormais qu’elle est jalouse de Madame Ramsay et attirée
par Monsieur Ramsay. Elle vient de céder à son propre désir, en pensée.
« Quelle que soit la chose qu’elle avait voulu lui donner, quand il l’avait laissée ce matin, elle
la lui avait enfin donnée. “Il a débarqué”, dit-elle à voix haute. “C’est fini.” Alors, se soulevant
en haletant un peu, le vieux Mr Carmichael se tint à son coté, avec l’air d’un vieux Dieu
païen, ébouriffé, avec des algues dans les cheveux et le trident …/… à la main. »
Mais le trident était seulement “a French novel”, précise la voix narrante.
Un détail douloureusement sarcastique arrive de l’enfance trahie de Virginia Woolf. Ce
nom, Carmichael, évoque un Saint Michel Archange qui n’avait pas l’intention de terrasser
le Démon : il était en train de lire “a French novel”. En cette Angleterre, ce n’était pas un
roman français mais un roman cochon.
Autour de Lily Briscoe, le brouillard devient du smog. Elle pense, elle voit le vieux
Carmichael comme une présence bénéfique qui surveille de haut leur destin commun,
216
laissant tomber une guirlande de fleurs : des violettes et des asphodèles. Une jeune romantique
connaît le langage des fleurs. La violette est l’amour innocent.
Mais en anglais, violet se prononce comme le verbe violer.
Dans la mythologie grecque, bien connue de Virginia, l’asphodèle est la fleur des morts.
Le rythme accélère ; un destin précipite. Lily sent l’urgence de retourner à son tableau.
À un instant culminant, la peinture lui apparaît floue mais « avec une soudaine intensité,
comme si elle la voyait clairement pendant une seconde », Lily Briscoe termine sa toile en
traçant « un trait, là, au centre » : un coup de couteau dans le ventre. C’est la faillite d’une
vie : un harakiri.
Le Japon était à la mode, et l’allié militaire de la Grande Bretagne en des rapines
orientales.
Il est des conclusions ouvertes ; les derniers mots du roman le verrouillent pour toujours.
Après la touche finale, de sa peinture et de son duel avec elle-même, Lily épuisée pose son
pinceau et dit « I have had my vision » : j’ai eu ma vision.
C’est une illusion et un mensonge, le contraire de la vision conquérante du Chasseur préhistorique :
sa peinture sur roche n’est pas floue et il ne veut tuer personne, encore moins se suicider.
L’Histoire du Patriarcat précède les temps bibliques. Le Chasseur préhistorique deviendra le
Héros et triomphera de la Déesse. Notre-Dame Ramsay meure « assez soudainement » au milieu du
roman, au début de la Première Guerre mondiale, sans cesser de projeter sa lumière sur une petite
société d’intellectuels victoriens, avec l’intermittence d’un phare.
Pour capturer l’essence du féminisme passionné et désespéré de Virginia Woolf, il faut
lire Three Guineas (1938). On en trouve une goutte, une goutte salée, à la fin de notre
récit, dans Épilogue de Virginia Woolf & Antonio Machado.
To the Lighthouse fut écrit juste après la Première Guerre mondiale. Au fil de ces pages qui
s’écoulent calmement, chaque personnage observe les autres et soi-même avec des phrases
qui s’allongent en sinueuses spirales : les moulinets d’un fleuve tranquille naissent d’un
obstacle profond et peuvent engloutir qui s’y abandonne.
Trop consciente de la misère des hommes, des femmes et du monde en 1941, Virginia Woolf
décide de mettre fin à sa douleur. Elle bourre ses poches de cailloux avant d’entrer dans une
rivière aux eaux immobiles. Froide détermination à se dissoudre & vague désir de renaître, autre ou
ailleurs... comme dans notre jeu à base de terre & eau.
L’Eau était au centre de la Civilisation de la Femme. Nous avons vu Sa caverne au
chapitre Labyrinthes : un ventre de roche où une flaque d’eau était Son miroir magique, à la
lueur rouge d’une torche que le Chasseur Artiste utilisait pour... Flash !

Le chasseur d’images
Après avoir observé sa proie, il l’immobilise avec une arme magique, silencieuse comme
lui. Puis le chasseur entre dans sa caverne où, à la lueur rouge d’une torche, il la fait
renaître dans l’eau et il la contemple, sur le papier.
FIN
217
Postface de
Virginia Woolf & Antonio Machado

Les choses qui doivent passer


Ne sont que symboles ;
Ici chaque faillite
Deviendra réalisation,
Ici, l’Indicible
Travail sera accompli.
Que la femme dans la femme
Guide en avant pour toujours.
The things that must pass
Are only symbols;
Here shall all failure
Grow to achievement,
Here, the Untellable
Work all fulfillment.
The woman in woman
Lead forward for ever.
Johann Wolfgang von Goethe
Extrait de Faust, cité par
Virginia Woolf dans Three Guineas.
&

J’adore les mondes délicats,


immatériels et gentils,
comme des bulles de savon.
J’aime les voir se colorer
de soleil et carmin, voler
sous le ciel bleu, trembler
soudain avant d’éclater.

Yo amo los mundos sutiles,


ingrávidos y gentiles,
como pompas de jabón.
Me gusta verlos pintarse
de sol y grana, volar
bajo el cielo azul, temblar
súbitamente y quebrarse.
Antonio Machado – Campos de Castilla

Dimanche 2-02-2020.
Dédié à mes voisins d’en face, de l’autre coté de la route : Lina Ben Mhenni & Mohamed Bouazizi.
218
QUIZ à choix multiples
Vérification des connaissances acquises dans le cours Notre-Dame Déesse & Le féminicide des Héros
Niveau 1
(Guide touristique professionnelle en Sardaigne et dans les autres Républiques Méditerranéennes)
N.B. Les questions portent sur des monuments non étudiés en cours mais de catégorie semblable.
En cas d’échec, nous n’accepterons ni réclamation, ni demande de remboursement.
 Fortification de l’âge du bronze, avec puits à eau pour
résister en cas de siège, utile aussi en temps de paix.
 Temple, semblable à Göbekli Tepe. (Réf. C) OK
 Bassin lustral-labyrinthe dans un temple-palais. (Réf. D) OK
 Puits sacré, différent qu’en Sardaigne, Bulgarie etc. (Réf. H) OK
 Lieu des rites féminins liés à la naissance. OK
 Je ne sais pas. OK
 Autre ? Je ne sais pas mais j’y pense. L’aspect le plus
important est l’absence d’angles et de lignes droites,
comme dans le labyrinthe primordial inspiré par
l’anatomie féminine. OK

Sur le périmètre extérieur, par contre…


Dans la Manche où errait Don Quichotte, ceci est l’île
“Motilla” del Azuer (Castilla-La Mancha)
gouvernée par “Sancho Panza”: la Grande Panse. OLÉ!!!

 Une des nombreuses tombes des


géants ; un ossuaire de l’âge du bronze.
 Lieu des rites féminins liés à la OK
re-naissance.
 Je ne sais pas.
 Autre ? La façade semi-
circulaire représente les jambes de
la Déesse couchée, comme dans le
troisième temple de Mnajdra à
Osono (Sardaigne) Malte. Cela explique que la porte
soit si petite. Le début du couloir
Es Tudons (Minorque)
est donc le vagin. Une discontinuité
dans le couloir du premier
monument, un net élargissement
dans le deuxième, indiquent
l’utérus : comme dans la deuxième
“porte” de Mnajdra, mais ici il ne
servait pas à la re-naissance du
OK
Soleil mais des personnes, comme
à Castelluccio en Sicile.

Coup de pouce !
La première définition proposée, bien qu’officielle, est toujours fausse. Pourquoi ?
 Les définitions officielles ne sont pas écrites par des spécialistes, archéologues ou intellectuels.
 Les définitions officielles sont écrites par des spécialistes, archéologues ou intellectuels.
 Les définitions officielles sont écrites par des gamins qui lisent trop d’histoires de châteaux, héros et géants. OK
 Je ne sais pas.
 Autre ? Comme on l’a dit en cours, « ils achètent leurs poulets au supermarché », donc ils
ignorent que la coquille de l’œuf est un temple de pierre que la mère construit autour de ses
enfants pour les faire naître. Pour les faire re-naître quand ils sont grands, le temple est
logiquement plus grand. OK

Verdict de l’Inquisiteur et tampon-signature.


Bravo ! Reçue.
219
La preuve

La photo, prise le 7 janvier 2017, démontre la véridicité – la Vérité ! – de la circonstance qui


poussa l’auteur à la ballade en Grèce via Malte dont il parle au chapitre Sieste sur un vol low cost :
« D’abord la neige sur mes orangers ! Y’en avait jamais eu autant, aux pieds de Mamma Etna... pas
pu tailler mes oliviers... mais bon, une p’tite vacance... »
Un des orangers se trouve au premier plan à droite ; la maison bleue est celle dont on
parle ailleurs. La Méditerranée ne peut que se deviner devant la maisonnette, comme
Mamma Etna sous le tout.
Il y a aussi deux figuiers de Barbarie, contre le mur et au premier plan à gauche. Ils
constituent une preuve de plus que nous ne sommes pas sur les Alpes. Nous invitons
Saint Thomas à les toucher du doigt ; il verra la Lumière !, en sentant les épines.
Alors, un plus vaste horizon s’ouvrira à ses yeux. Il comprendra, grâce à une mystérieuse
propriété transitive, que tout ce qui a été écrit ici est rigoureusement exact,
modestement.
Cependant, certains académiciens collègues de Saint Thomas restent réfractaires à cette
croyance parce que selon eux, un style enjoué ne peut pas être associé à la redécouverte
de connaissances fondamentales. Nous devons donc conclure avec la sagesse de
Salomon. Dans une société équilibré, les deux attitudes sont nécessaires : le sourire
malicieux utilisé ici pour dévoiler d’antiques vérités, et la cravate amidonnée que d’autres
exhibent pour répéter impunément de vieilles bêtises.

220
Portrait de l’auteur
L’Amour avec un A majuscule n’est pas
partagé, pourtant il est heureux.
(Pensée 333/Z/148)

Le seul portrait officiel de l’auteur est un chef-d’œuvre d’Olivia, 5 ans, Oli pour ses amis.
Après papa et maman cachés en de robustes symboles, elle se représenta avec son petit-
frère Leonardo (Leo) alors qu’il faisait… bon, on le voit, mais c’est pas grave, dit-elle avec
son petit accent de Provence.
Ce jour-là, la pluie avait
interrompu la récolte des
olives. Les historiens du
climat peuvent vérifier :
c’était le lundi 16 octobre
2015, un an et trois mois
avant le voyage raconté ici.

Oli fit des douzaines de


dessins – des éruptions
multiples sur l’Etna, un ciel
bleu avec Leo représenté
derrière un hublot de
l’avion qui l’emporte – avec
une rapidité d’exécution
rare, ralentie seulement par
Leo. Il ne s’était pas envolé
mais c’est pas grave.

Quand Oli et Leo


retournèrent chez eux,
mercredi 21, Mamma Etna
exprima sa tristesse en un
orage d’une violence
exceptionnelle.
Un journaliste qui voudrait
construire sa carrière sur la
vérification des sources devrait confronter ces deux noms, Oli et Leo, avec un passage
du chapitre Sieste sur un vol low cost. Ils constituent une autre preuve irréfutable que ce
monologue est rigoureusement authentique, donc digne de l’attention des media.

Le portrait de l’auteur était une commande. Elle fut exécutée sur promesse d’un échange
jugé avantageux par l’artiste, trop jeune pour être consciente de sa valeur. Un examen
attentif du portrait contredit la théorie d’un chercheur universitaire du Middle West. Le
nom du personnage central, Jean, n’est pas le même que celui de la regrettée Norma
“Jean”, connue comme Marilyn Monroe, dont le sexe était féminin.
221
Remerciements
Je désire remercier le Prof. Massimo Cacciari, le Prof. Marcel Otte et le Prof. Sebastiano
Tusa pour les citations, autorisées avec des paroles d’encouragement.
Je remercie Sony-ATV pour la courtoisie avec laquelle ils ont immédiatement concédé la
citation extraite de Shape of my heart de Sting & Dominic Miller.
Je ne remercie pas l’agent littéraire de Stephen King. Incapable de me dire le nom de l’éditeur
titulaire du copyright de The Shining, il m’a ordonné d’ôter la citation. Je l’ai maintenue parce
qu’il a ainsi confirmé ce que Stephen King a écrit à propos des agents littéraires.
Je remercie la Prof. Maria Bonghi Jovino, l’illustre étruscologue, pour les gentilles
expressions qui m’incitent à poursuivre une œuvre de stimulation des institutions académiques.
Je remercie aussi la Dr Marylène Patou-Mathis, du CNRS, Responsable de l'équipe
"Comportements des Néandertaliens et des Hommes anatomiquement modernes
replacés dans leur contexte paléoécologique". Je viens de découvrir l’existence de son
texte de vulgarisation : Préhistoire de la violence et de la guerre. Le peu que j’en sais pour
l’instant confirme une vision fondamentale qui sous-tend mon texte, et le peu qu’elle
savait de mon texte a motivé un premier commentaire positif.
De même, je remercie Patrick Ferryn, Daniela Orlando, Daniela Rossini, Nicolò Santilli,
Patrizia Schettini-Natrella, Daniela Thomas et Paolo Alberto Valenti pour des
commentaires utiles.
Une grande partie de ma reconnaissance va à Mike Andolfo, Marie Bolliand et Daniella
Conti pour leurs corrections à la première version en anglais, français et italien. Un
remerciement spécial va à Tucker Zimmerman : l’ayant informé qu’il était cité comme poète
& compositeur de Oregon, il a spontanément révisé le texte anglais, pour aplanir les bosses du
chemin – dit-il – qui ralentissent le lecteur. Depuis, j’ai ajouté du texte et des bosses.
Le Prof. Salvatore Arcidiacono de Catane a été une source d’information précieuse pour
le Bonus Track 4 : Le Nombril & l’Acanthe. Dans une conférence pour la présentation de
son livre Etnobotanica Etnea, j’ai rencontré pour la première fois la fleur de l’acanthe. Ce
fut fondamental pour expliquer le succès millénaire de la feuille d’acanthe, qui m’avait
toujours laissé perplexe.
Je remercie le Prof. Franco Crevatin de l’Université de Trieste, pour une confirmation
illuminante pour moi. Elle est citée et longuement commentée dans le Bonus Track 7:
Continuité.
Le dernier n’est pas le moindre : je désire remercier un éminent expert de langues
archaïques méditerranéennes, le Prof. Francesco Aspesi, de l’Université de Milan. Ayant
examiné mon manuscrit de son point de vue, il a exprimé surprise et approbation avec
des mots qui m’ont touché profondément.
Et pourtant, je suis convaincu que tout le mérite aille à un Dieu, Mercure-Hermès-
Thoth, qui m’a prêté son sourire, et à Notre-Dame Déesse, intervenue personnellement
parce qu’Elle ne supporte plus le présent état de choses. J’ai eu le plaisir et l’honneur de
La rencontrer, dans Ses personnifications actuelles. Ces Femmes étaient toutes de
parfaites et différentes compositions d’Aphrodite & Héra & Athéna, toutes cachées sous
des noms inusuels ou communs : Honorine ou Marie, Mimma ou Adriana, et encore Beatriz,
Lidia, Elisa, Roberta, Daniela... toutes parfaitement invisibles comme La Déesse, ou
comme La Ménagère, parce que La Déesse peut être la ménagère d’à coté.
222
Références et liens

A.The Eight-Shaped Shield in the 2nd Millennium BC Aegean - Despoina Danielidou - Athens
1998 - Academy of Athens - Research Center for Antiquity Monographs, N° 5.
B. Amare. Una lettera... - Albert Gianna https://independent.academia.edu/AlbertGianna
C. Dessin de Fernando Baptista pour National Geographic Magazine.
D. Au chapitre Labyrinthes, nous avons utilisé les découvertes du Prof. Francesco
Aspesi, dans ses textes : Il sostrato linguistico sacrale egeo-cananaico (dans Gli uccelli del
Faro) - Il labirinto all’Amnisos - La denominazione del labirinto: un archeonimo - Greco
labyrinthos, ebraico debir - L’ape e il labirinto ; un possibile nesso lessicale nell’ambito del
sostrato egeo-cananaico: https://unimi.academia.edu/FrancescoAspesi )
Archeonimi del labirinto e della ninfa (L’Erma di Bretschneider, 2011).
E. Avviamento alla etimologia italiana. Giacomo Devoto - Oscar Mondadori.
F. La colonne des danseuses de Delphes. Jean-Luc Martinez. Comptes rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1997
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1997_num_141_1_15701
G. The Language of The Goddess. Marija Gimbutas - Thames & Hudson, p. 231.
H. I pozzi sacri in Sardegna e in Bulgaria. Massimo Rassu
http://www.massimorassu.it/portal/secondo/13Bulgaria.htm
I. Bossed Bone Plaques of the Second Millennium. John D. Evans (www.cambridge.org)
https://doi.org/10.1017/S0003598X00028283 Le ossa a globuli – Un feeling culturale tra
Sikelia e Troia. Italo Russo https://www.academia.edu/11867901
J. El ámbar de la Cueva de los Cuarenta . M. Murillo-Barroso, R. Mª Martínez-Sanchez, J. C.
Vera-Rodríguez - Trabajos de Prehistoria, Vol 75, n° 2 (2018)
http://tp.revistas.csic.es/index.php/tp/article/view/786
K. Tiempo circular y ancestralización entre el IV y III milenio antes de nuestra era. Propuesta de lectura
interna de un sepulcro de cámara y corredor en el mediodía peninsular. R. Mª Martínez-Sanchez - –
Arte Arqueología Historia n° 15 (2008) https://www.academia.edu/673663/Ensayo.
L. Autres regards sur la chasse préhistorique et Le serpent et la Pomme. Marcel Otte
https://independent.academia.edu/marcelotteulgacbe
M. El ciervo, el árbol y la miel. Juan Francisco Jordán Montés
https://independent.academia.edu/JORDANMONTESJUANFRANCISCO

Textes de l’auteur https://independent.academia.edu/JeanSantilli


1. The Metadisciplinary School Project
2. Ermeneutica di una tecnica
3. La Vasaia Volante
4. The Etruscan Bucchero Iron Luster
5. Ragazzi facciamo... un bucchero etrusco!
6. Introduzione a “La Vasaia Volante” e a “Ragazzi facciamo... un bucchero etrusco”
7. Funzioni ed usi del linguaggio tecnico
8. Ceramica e handicap
9. L'U.T.P. – Un changement de paradigme pour le Moyen-Orient.
10. The Oregon Vision – An Educational Approach to the New Frontier
11. Le Mur de Trump arrêtera le changement climatique (ou) Pour un environnementalisme plus intelligent (que...)
12. Médée & Le Macho – Un succès evergreen du Patriarcat
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TABLE DES MATIÈRES

Deuxième Réponse de la Sybille de Delphes


Préambule
Notre-Dame Déesse & Le bouclier en forme de 8
Trois objets très différents – Vision d’un seul Sujet
Caractéristiques constantes
Personne en forme de 8
Temple en forme de 8
Bouclier en forme de 8
Autres objets des temples de Mnajdra
Ballons de foot en pierre
L’Abeille est un insecte en forme de 8 qui construit des spirales psychédéliques.
Forme en 8 d’une... Vénus? Mère ? Madone ? Dame ? Notre-Dame Déesse ?
Noms plus appropriés pour les objets en forme de 8
Question de l’Avocat du Diable, sans réponse pour le moment.
Plus tard, ailleurs. Mémoire & Oubli
Bouclier en forme de 8 & Femme en forme de 8
Un vase nostalgique, antique.
Des murs-Fleurs construits par l’Abeille de Malte, à Mycènes et à Delphes ?
Le Dauphin : une figure centrale en Grèce.
Le Temple de la Femme & Mère à Delphes
Delphes et l’Oracle grec le plus célèbre : la Pythie.
Delphes et l’Omphalos : le Nombril, le Centre du Monde.
Un Vase-femme ventrue & Une Femme-vase ventru
Le Trident de Poséidon, Dieu transgenre.
Notre conclusion sur Mycènes, Delphes et le reste.

Le Féminicide des Héros


Première Réponse de la Sybille de Delphes
Le deuxième Travail d’Hercule
Persée & Oedipe & Hercule & Georges - Le complexe du Cauchemar Evergreen
Que dire de L’Autre Moitié du Ciel ?
Problème & solution: un système fermé, récent.
Un moment ! Pourquoi le Héros voudrait-il partir et... ? Moi pas !
Le Matri-Féminicide du Héros de western
Les Héros du dimanche

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Ébauches & outils pour approfondir & développer
Nouveaux objets pour l’herméneutique
Mnajdra et Stonehenge
Quoi ?! Mnajdra aussi est un « observatoire solaire » ?! Comme Stonehenge ?!
Occident, occire, choir : même étymologie.
Intermezzo : La Première Fée
Le Palais de la Première Fée
Mytho-Logique & Magie-Logique
Ralentir : travaux Mytho-Magiques en cours.
L’Art est Magie
Deux petites erreurs
Autres Temples, même Temps Circulaire.
Tombe Cercle A. Tombe Cercle B. Tombeau de Clytemnestre. (Mycènes)
Göbekli Tepe (Turquie)
Labyrinthes
La Porte
Une église catholique ? C’est La Géante de Baudelaire & Juliette !
Un bien plus grand scandale : Ulysse
Réponse à la question de l’Avocat du Diable
Hypothèse parallèle - Un outil et une technique néolithiques pour tailler la pierre
« La Géométrie sacrée du hasard »
Méditations d’un pèlerin par Hasard & Nécessité
Rêverie
Méthode
Vision
Théoriciens et expérimentateurs
Métaphore, parabole, mythe.
Mensonges historiques & omissions
Devoir à la maison
« Matriarcat » ? Une bêtise ab-so-lue !
Médée
Des boules et des hommes
La Magie Blanche de Légende
Les perles et Le Collier
Trois citations & Un calligramme de la Sybille de Delphes
Sieste sur un vol low cost
Weakly Leaks - Transcription d’un enregistrement
Note finale de l’auteur
13 bonus tracks
Postface de Virginia Woolf & Antonio Machado
Quiz à choix multiple
La preuve
Portrait de l’auteur
Remerciements
Références
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L’auteur

Jean Santilli sait lire et écrire. Certains lisent et écrivent des livres ; il lit les personnes,
leurs habitudes, leurs objets, puis il en parle, par écrit. Sa plume manque d’imagination ;
elle ne sort pas des cases préétablies : fiction, non-fiction littéraire, essais. Vagabond
pantouflard, il n’utilise que les dialectes de chez lui : le français, l’anglais et l’italien. Il
réserve l’espagnol à des mots d’amour ressemblant à des poèmes. Il n’écrira pas son
épitaphe, ayant adopté celle de La Fontaine : « Jean s’en alla comme il était venu... etc. »
Après une licence d’anglais à l’Université Lyon II, il enseigne pendant deux semestres
comme lecturer dans le département d’anglais de la California State University San José.
Ayant rapidement fait le tour de la question académique dans deux pays, il s’installe en
Italie. À Urbin, ville natale de Raphaël, il entreprend sa propre petite ‘renaissance’ en
créant un centre de recherche & formation pour enseignants et éducateurs.
Le ‘Lab-Oratoire Métadisciplinaire’ s’adressait à un grand public sous le nom de Club
Poterie Sauvage (Club Ceramica Selvaggia). Son action était amplifiée par un
département interne, les éditions “Terra & ...” (textes et vidéos en cinq langues,
distribués en Europe par le réseau du Club).
Le Club Poterie Sauvage a évolué, devenant un réseau conversationnel mondial ‘engagé’
sur des activités éducatives, sociales et culturelles de type profit & non profit.
Cette expérience fut résumée en un essai hautement cohérent avec le texte proposé ici :
The Oregon Vision – An Educational Approach to the New Frontier. Le manuscrit fut enregistré
par la Bibliothèque Nationale de l’Oregon avec les remerciements du Gouverneur, après
avoir été envoyé à La Maison Blanche (en 2009).
Quelques autres publications. Voir la page de l’auteur sur un site académique de San
Francisco : https://independent.academia.edu/JeanSantilli

Dernière révision 1.10.2022 dédiée à une Dame qui a 103 ans aujourd’hui.
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