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Vers un nouveau catalogue de sismicité pour la France

métropolitaine aux échelles historique et instrumentale :


contributions du projet SIGMA

Kevin Manchuel* — David Baumont ** — J. Benjumea*** — Michel Cara *** — M.


Denieul*** — J. Bonnet**** — Christophe Durouchoux* — Paola Traversa* —
Emmanuelle Nayman *

* EDF-CEIDRE-TEGG, 905 avenue du Camp de Menthe, 13097 Aix en Provence Cedex


** FUGRO-GEOTER, 3 rue Jean Monnet, 34830 Clapiers
*** Université de Strasbourg, EOST, UMR 7516, 5 rue R. Descartes, 67084 Strasbourg cedex
**** Laboratoire de Mathématiques J.A. Dieudonné, UMR 7351 CNRS UNS, Université de Nice Sophia
Antipolis, 06108 Nice Cedex 02

RÉSUMÉ. Les catalogues de sismicité constituent une donnée d’entrée majeure des calculs d’aléa sismique. Dans les zones
présentant des vitesses de déformation faibles l’utilisation des données de sismicité historique est primordiale pour
caractériser au mieux le comportement sismologique des structures tectoniques. Des actions sont menées depuis plusieurs
années, dans le cadre du programme de recherche SIGMA [EDF, AREVA, CEA, ENEL], afin de produire un catalogue de
sismicité de référence en Mw couvrant les échelles historique et instrumentale, qui soit utilisable notamment pour les études
d’aléa sismique en France métropolitaine. Concernant la période instrumentale, le programme de recherche SIGMA a
contribué au travail réalisé dans le cadre du projet SiHex pour produire un catalogue de sismicité homogène sur la période
1962-2009. Pour la période historique, un travail de calibration de modèles d’atténuation en intensité, en Mw, est réalisé,
qui permettra in fine d’estimer les paramètres sismologiques des séismes historiques répertoriés dans la base de données
SISFRANCE [EDF, IRSN, BRGM]. Enfin, l’estimation de la magnitude Mw pour 15 évènements majeurs de la période
instrumentale 1905-1972 est réalisée, dans le but notamment de faire le lien entre les ères historiques et instrumentales.
L’objectif final sera de concaténer ces différentes parties de catalogues pour produire un catalogue unique de référence
couvrant les périodes historiques et instrumentales.

ABSTRACT. Seismicity catalogues are key inputs when dealing with seismic hazard characterization. In regions that undergo
low deformation rates, use of historical catalogue is essential to characterize at best the seismological behavior of tectonic
structures. Work is performed since last years, in the frame of the SIGMA project [EDF, AREVA, CEA, ENEL], in order to
build a reference seismicity catalogue in Mw that will cover both historical and instrumental scales and that will be available
for seismic hazard studies for metropolitan France. Concerning the instrumental times, SIGMA research program has
contributed to the work performed by the SiHex project teams to produce a homogeneous seismicity catalogue for France
between 1962 and 2009. For the historical times, a work is realized to calibrate intensity attenuation models, in Mw, that will
allow at the end to determine seismological parameters of historical earthquakes stored in the SISFRANCE database [EDF,
IRSN, BRGM]. Finally, estimate of Mw magnitude for 15 main events that occurred at early-instrumental times (1905-1972)
is ongoing, with the objective to link instrumental and historical periods. Final goal will be to merge different parts of the
catalogue to produce a unique reference catalogue that covers both historical and instrumental periods.

MOTS-CLÉS : Catalogue de sismicité, France métropolitaine, Sismicité instrumentale, pré-instrumentale et historique, Mw


magnitude

KEYWORDS: Seismicity catalogue, metropolitan France, Instrumental seismicity, early-instrumental seismicity, historical
seismicity, Mw magnitude
1. Introduction

La France métropolitaine est localisée dans un contexte tectonique intraplaque. La grande majorité du
territoire se comporte comme un bloc rigide, où les déformations internes n’excèdent pas 0,5mm/an (Nocquet, J.
-M. and Calais, E., 2004; Walpersdorf, A. et al., 2006) (figure 1). Ces faibles taux de déformation engendrent
une activité sismique faible à modérée. Dans un tel contexte, les études d’aléa sismique, qu’elles soient menées
dans un cadre déterministe ou probabiliste, nécessitent la prise en compte à la fois de la sismicité instrumentale
et de la sismicité historique, dans le but de rendre compte de l’activité sismique des structures tectoniques sur des
échelles de temps plus compatibles avec le cycle sismique.
L’ère de la sismicité instrumentale en France métropolitaine n’a réellement débuté qu’en 1962, avec
l’installation du premier réseau de stations sismologiques par le CEA-LDG. Depuis, plusieurs réseaux
sismologiques ont vu le jour (ReNass, RAP, réseaux des observatoires – SISMALP, OMP, GEOAZUR,
GEOSCOPE –,…), auxquels sont associés différents catalogues de sismicité, pour lesquels les paramètres
sismologiques des séismes sont calculés via des procédures et des techniques différentes. Il en résulte donc une
pluralité de catalogue au sein desquels les paramètres sismologiques des séismes sont déterminés via des
procédures non homogènes, qui constitue une réelle difficulté lors de la réalisation d’études d’aléa sismique
quant au choix du catalogue à retenir. En 2009, le programme Si-Hex (Cara, M. et al., 2015) a été lancé
conjointement par le Bureau Central Sismologique Français (Université-CNRS/BCSF) et le Laboratoire de
Détection de Géophysique (CEA-DAM/LDG). L’objectif était de « créer un catalogue de sismicité de la France
métropolitaine et de la zone exclusive économique en mer (ZEE) sur la période 1962-2009 à partir des données
provenant des observatoires et réseaux sismologiques français, complétées par celles des pays voisins » et « de
fournir à l’utilisateur la meilleure information possible sur la localisation et la magnitude de chaque séisme »
(Cara, M. et al., 2015). Le programme de recherche SIGMA [EDF, AREVA, CEA, ENEL] a contribué à ce
travail collectif, qui a regroupé les observatoires et réseaux sismologiques français, en finançant une thèse sur le
développement et l’application d’une méthode de détermination de magnitudes Mw à partir de la coda des ondes
crustales (Denieul, M., 2014).

Figure 1. Carte schématique de la zone de limite de plaque Afrique-Eurasie en Méditerranée occidentale


(Nocquet, J. -M. and Calais, E., 2004). Les taux de déformation sont indiqués.
Catalogue de Sismicité - France

Dès le début du 20ème siècle, les premiers sismographes sensibles ont été installés en Europe, dans quelques
villes pionnières (Gottingen, Strasbourg, Uppsala par exemple). Les évènements majeurs qui se sont produits
depuis cette période ont donc pu être enregistrés sur papier. Ces données ont dans l’ensemble été bien conservées
et sont aujourd’hui accessibles et utilisables pour des travaux spécifiques de caractérisation de ces évènements
anciens. La base de données EUROSEISMOS (Ferrari, G. and Pino, N. A., 2003) contient par exemple une
grande collection de sismogrammes européens scannés. Les évènements sismologiques de cette période
présentent un intérêt important, puisqu’ils permettent de faire le lien entre les données instrumentales et
historiques et ainsi assurer une continuité et un recouvrement entre ces deux périodes. Quinze évènements
survenus en France métropolitaine ou des les pays voisins, entre 1905 et 1972, ont été sélectionnés dans le cadre
du projet SIGMA, pour lesquels la récupération, la digitalisation, l’analyse et le traitement ont été effectués afin
d’estimer leur magnitude Mw.
Dans l’optique d’améliorer la connaissance des séismes anciens s’étant produits sur le territoire français
métropolitain, EDF, l’IRSN et le BRGM collaborent, depuis 1975 pour la création et le maintient de la base de
données macrosismique SISFRANCE. Celle-ci regroupe plus de 106 000 observations macrosismiques relatives
à plus de 6000 évènements datés entre 217 avant JC et 2007. La base de données SISFRANCE (EDF, IRSN,
BRGM) met à disposition des données macrosismiques de grande qualité permettant d’appréhender l’impact des
séismes anciens et aussi utilisables pour estimer leurs magnitudes et profondeurs, qui constituent les données
d’entrée des études d’aléa sismique. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs modèles d’atténuation de
l’intensité ont pu être développés pour la France métropolitaine (Alasset, Pierre-Jean, 2005; Bakun and Scotti,
2006; Levret, A. et al., 1994; Souriau, A., 2006). Ces lois d’atténuation sont pour la plupart calibrées en M L-LDG.
Celles proposées par Bakun and Scotti (2006) reposent sur des estimations en Mw, toutefois en faible nombre.
Un travail de recherche en cours, utilisant à la fois les données macrosismiques SISFRANCE et les estimations
de magnitudes Mw issues des travaux cités ci-dessus concernant la sismicité instrumentale et pré-instrumentale,
a pour objectif de produire des modèles d’atténuation adaptés au contexte de la France métropolitaine et calibrés
directement en Mw. Ces lois d’atténuation seront par la suite utilisées pour produire un catalogue paramétrique
en Mw des séismes français anciens. L’objectif est ici de procéder à une analyse intégrée allant de la calibration
de nouveaux modèles d’atténuation en Mw pour la France métropolitaine à l’inversion de l’ensemble des
données macrosismiques contenues dans la base de données SISFRANCE [EDF-IRSN-BRGM]. Ces résultats
constitueront une mise à jour de la partie française du catalogue SHEEC (SHARE European Earthquake
Catalogue) (Baumont, D. and Scotti, O., 2011; Stucchi, M. et al., 2012).
L’objectif final poursuivi par le projet SIGMA est d’agréger les travaux menés sur les différentes périodes de
la sismicité identifiées pour la France métropolitaine, afin de produire un catalogue de sismicité homogène en
Mw, pour lequel les procédures de calcul seront clairement identifiées et présentées. Ce catalogue pourra servir
de référence dans les études d’aléa sismique probabiliste pour la France, dans la mesure où les magnitudes seront
exprimées directement en Mw, évitant ainsi les conversions de magnitudes, sources d’erreurs et d’incertitudes
Les études entreprises dans le cadre du projet SIGMA concernant la sismicité instrumentale ancienne (1905-
1972) et la sismicité historique sont à l’heure actuelle en cours de finalisation. Les démarches adoptées pour
mener à bien ces travaux sont développées ci-dessous. Auparavant, la contribution du programme de recherche
SIGMA au projet Si-Hex, concernant le calcul des magnitudes, est rappelée.

2. Sismicité instrumentale ancienne (1905-1972)

Cette période de transition présente un intérêt important puisqu’elle permet de faire le lien et d’assurer un
recouvrement dans le temps entre la sismicité historique et la sismicité instrumentale. Des enregistrements
surpapier sont disponibles pour les séismes majeurs s’étant produits en Europe au cours de la première moitié du
20ème siècle, grâce à la mise en place dès le tout début du siècle dernier de sismographes dans certaines villes du
continent (Ferrari, G. and Pino, N. A., 2003). Afin de tirer profit de ces données existantes, quinze évènements
survenus sur le territoire français ou dans des pays voisins, entre 1905 et 1972, ont été sélectionnés (figure 2),
pour lesquels les traces papier ont été collectées, digitalisées et nettoyées dans le but de les analyser à l’aide de
méthodes numériques actuelles. Des études de ce type ont par le passé été menées, comme ce fut le cas par
exemple pour le séisme de Lambesc (Baroux, 2003).
Pour réaliser ce travail présenté ici, seules les données provenant de sismomètres longue-période Wiechert
pour lesquels les constantes de l’instrument et les polarités sont connues, ont été utilisées. L’objectif était ainsi
de favoriser l’utilisation des ondes de Love et Rayleigh à des distances régionales, via une modélisation de forme
d’ondes et un schéma d’inversion non-linéaire des paramètres de la source (durée de la source, mécanisme au
foyer, moment sismique et la magnitude Mw correspondante).

Figure 2. Carte de localisation des séismes traités (ronds rouges). Le nom de chaque évènement ainsi qu’une
estimation de magnitude de référence issue de la bibliographie sont indiqués. Les points gris représentent la
sismicité de l’EMSC entre 2004 et 2010. (Benjumea, J., 2013 – communication interne au projet SIGMA).

La procédure complète, mise en place à partir des enregistrements digitalisés, suit les étapes suivantes :
– Création d’un modèle de Terre pour chaque trajet source-station. Le modèle de croûte est tiré de
CRUST2.0 ;
– Génération d’un ensemble de Fonctions de Green (points sources), correspondant au trajet définis ci-avant,
pour des profondeurs de 1 à 20 km ;
– Correction des tendances et filtrage (Butterworth) des signaux. La bande passante est définie visuellement
trace par trace entre les bandes de fréquence 0,02-0,05Hz ou 0,02-0,07Hz ;
– Pondération des sismogrammes réels basée sur la qualité du signal et son contenu fréquentiel à la fois sur
les signaux bruts et filtrés (poids de 1,0 pour les signaux propres, 0,6 pour un rapport signal sur bruit moyen et
0,3 lorsque celui-ci est faible) ;
– Détermination manuelle de la fenêtre de temps à modéliser ;
Catalogue de Sismicité - France

– Ajustement des Fonctions de Green en considérant une fonction source triangulaire, la réponse
instrumentale et la bande de filtrage appliquée aux données brutes ;
– Sélection d’une fenêtre de temps élargie pour le calcul, en accord avec la fenêtre définie pour le
sismogramme observé. L’objectif est de permettre à l’algorithme d’explorer plusieurs décalages de temps par
stations.
– Calcul des coefficients de corrélation et écarts dans une exploration de type Grid-Search des paramètres de
la source.
– Sélection des solutions préférentielles issues de l’exploration Grid-Search.
Les analyses menées jusqu’à aujourd’hui ont mis en avant la difficulté de converger vers des solutions
stables et fiables pour des paramètres tels que la profondeur, la durée de la source et le mécanisme au foyer. Ces
paramètres ont donc été fixés en entrée de l’inversion et plusieurs possibilités ont systématiquement été testées
au regard du contexte sismotectonique de la zone de l’évènement. Le résultat principal, issu du calcul réalisé,
concerne l’estimation des magnitudes Mw. Des gammes de magnitudes ont pu être déterminées à ce jour,
associées à chaque séisme, issues d’une analyse des sismogrammes Wiechert en fixant à une série de valeurs
plausibles les mécanismes au foyer et les profondeurs des hypocentres. Un groupe d’expert travaille
actuellement, sur la base des résultats obtenus, pour converger vers les valeurs de magnitudes préférentielles à
retenir pour ces évènements.

3. Sismicité historique

Les séismes historiques sont caractérisés exclusivement par des données d’intensité macrosismiques, qui
représentent les effets et ressentis des populations suite à un évènement sismique. Les paramètres sismologiques
des séismes historiques, qui constituent des données d’entrée de premier ordre pour les calculs d’aléa sismique
déterministes et probabilistes, sont déterminés à partir des informations macrosismiques disponibles, au travers
de l’utilisation de modèles d’atténuation en intensité. La formulation mathématique de ces modèles peut être de
deux formes complémentaires :

Î  C 1  C 2 M w   log 10 (R)   (1)

où R représente la distance hypocentrale en km, β l’atténuation de l’intensité avec la distance, Î un


évaluateur de l’intensité et ε l’erreur sur la prédiction. L’objectif ici est de développer un modèle qui
reproduit au mieux les données d’intensité en fonction de la distance, connaissant la magnitude des
évènements. Cette formulation a notamment été utilisée par Bakun et Wentworth (1997), Musson (2005) et
Bakun et Scotti (2006).

M w  a  b . Î  c . log 10 (R)   (2)

où R représente la distance hypocentrale en km, c la pente de l’atténuation avec la distance, Î un évaluateur


de l’intensité et ε l’erreur sur la prédiction. Dans ce cas, l’objectif est de développer un modèle pour
prédire la magnitude connaissant l’intensité et les distances, le tout en cherchant à minimiser l’écart avec le
set magnitudes de calibration. Afin de n’introduire aucun biais dans cette approche, il est nécessaire de
traiter les données dans le domaine intensité-distance pour identifier les possibles horsains dans la
distribution. Cette formulation a notamment été utilisée par Levret et al. (1994).

Plusieurs modèles d’atténuation sont en cours de développement à l’heure actuelle dans le cadre de l’étude
présentée ici, qui suivent la formulation mathématique (1). Deux stratégies de discrétisation des données
d’intensité sont ainsi considérées : la discrétisation en distance (Iavg) et en intensité (Ravg) (Baumont, D. and
Scotti, O., 2006; Baumont, D and Scotti, O., 2008). La première représente la moyenne pondérée des valeurs
d’intensité au sein d’une classe de distance, alors que la seconde traduit la moyenne pondérée des distance
hypocentrales au sein d’une classe d’intensité donnée. La sensibilité de ces deux approches à la variabilité
intrinsèque de la distribution des IDP (Intensity Data Point) est très différente, ce qui rend ces deux métriques
complémentaires. L’utilisation de l’une ou l’autre des lois, dérivée Iavg ou Ravg, permettra donc de coller au
mieux aux caractéristiques du champ macrosismique à inverser pour calculer la magnitude d’un évènement
ancien. Des stratégies complémentaires sont développées afin de traiter les cas d’évènements pour lesquels le
champ macrosismiques est limité (évènements anciens peu documentés, séismes en mer,…). Il s’agit de lois
utilisant une métrique calée sur un percentile donné de la discrétisation en intensité (50 ème, 84ème et 98ème). Enfin,
des modèles d’atténuation considérant les informations macrosismiques ressenties et les données d’intensité
épicentrale (Io) sont à l’étude, pour les séismes où la seule information disponible est respectivement l’aire des
ressentis et une donnée isolée d’intensité épicentrale.
Le set de séismes de calibration comporte à la fois des séismes français et des séismes italiens (figure 3).
L’objectif, en incluant des séismes italiens au set de calibration, est ici de bénéficier des données
macrosismiques et instrumentales pour des séismes de magnitudes comprises entre 5,9 et 7,2, afin d’accroître le
domaine de validité des modèles d’atténuation produits. La différence en terme d’échelle d’intensité entre les
données macrosismiques françaises (base de données SISFRANCE en MSK [EDF-IRSN-BRGM]) et italiennes
(Base de données DBIM11 (Locati, M. et al., 2011) en MCS) est prise en compte en ne considérant que les
données d’intensité inférieures à VII. Une étude statistique de cohérence l’échelle d’intensité MSK et les
échelles d’intensité utilisées dans les pays voisins a en effet montré qu’il ne semble pas apparaître de biais pour
des intensités en deçà de VII (Traversa, P. et al., 2014). Les différences en termes d’atténuation des ondes
sismiques dans la croûte sont également considérées, en incluant dans l’équation (1) un terme régional
d’atténuation intrinsèque. On obtient alors le modèle suivant :

Î  C 1  C 2 Mw   log 10 ( R )   Région ( R )   (3)

où Î représente un évaluateur de l’intensité, ε l’erreur sur la prédiction, β le terme d’atténuation géométrique


ici considéré identique à l’ensemble des région et γ le terme d’atténuation intrinsèque propre à chaque région.
52
Catalogue de Sismicité - France

50

48

46
Latitude

44

42

40

38

36
-5 0 5 10 15 20
Longitude
Figure 3. Localisation des 40 séismes utilisés pour la calibration des modèles d’atténuation en Mw. Parmi les
80 évènements sélectionnés au départ il s’agit de ceux pour lesquels le champ macrosismique répond aux
critères suivants : distance de complétude supérieure à 30 km et nombre de classes d’intensité supérieur ou égal
à trois.

La France et l’Italie sont chacune divisées en deux régions : l’une présentant une atténuation jugée forte et
une autre pour laquelle l’atténuation est considérée faible. Ce découpage régional se base i) pour la France sur
une analyse, menée dans le cadre du projet SIGMA, de la coda des ondes crustales pour cartographier
l’atténuation en France métropolitaine [Jessie Mayor, communication personnelle], et ii) pour l’Italie sur l’étude
menée par Gasperini (2001).
Les valeurs de magnitude Mw et profondeur retenues en tant que données d’entrée pour les séismes de
calibration sont issues, par ordre de préférence :
 d’études spécifiques (Mw déterminées pour les séismes de la période instrumentale ancienne – cf
§2 ; publications scientifiques) ;
 de catalogues de sismicité nationaux, (pour la France les estimations de magnitudes publiées dans le
catalogue SiHex à partir de l’utilisation de la coda des ondes crustales (Cara, M. et al., 2015;
Denieul, M. et al., 2015); pour l’Italie les données du CPTI11 (Rovida, A. et al., 2011);
 de catalogues internationaux (ISC, catalogue ISC-GEM (Storchak, D. A. et al., 2013),…) ;
 de la conversion de magnitudes Ms pour cinq séismes italiens (Scordilis, E. M., 2006).
L’incertitude sur ces métadonnées est prise en compte dans le schéma d’inversion mis en place (Tarantola,
A., 2005). A noter entre autre que pour la profondeur représente un des paramètres inversés. Une valeur
préférentielle est retenue, issue de l’analyse bibliographique, qui constitue la profondeur de départ de l’inversion.
Cette valeur peut ensuite varier entre deux bornes déterminée suite à l’analyse du champ macrosismique.
Les modèles de prédiction sont dérivés en procédant à une inversion en une étape basée sur une approche de
maximum de vraisemblance. Des analyses sont en cours afin de sélectionner les meilleurs modèles et de
s’assurer de leur robustesse. Il s’agit ici de tester l’impact de l’utilisation de différents jeux d’évènements (en
fonction des distances/intensités de complétude et du nombre de classes disponibles) et de formulations
mathématiques alternatives (i) prise en compte uniquement du coefficient d’atténuation géométrique, ii)
régionalisation à la fois du terme d’atténuation géométrique et du terme d’atténuation intrinsèque, iii) ajout d’un
terme de saturation en distance). Ces analyses consistent à étudier dans le détail les résidus inter- et intra-
évènements.
L’objectif final est ici de pouvoir appliquer les modèles d’atténuation dérivés aux données de la base
SISFRANCE (EDF-IRSN-BRGM) afin de produire un catalogue paramétrique en Mw des séismes anciens
s’étant produits sur le territoire métropolitain. Pour ce faire, nous avons pu bénéficier des travaux récents menés
dans le cadre des programmes de recherche SIGMA et Si-Hex. A noter que des estimations de magnitudes Mw
pour les séismes anciens survenus sur le territoire français métropolitain sont disponibles dans le catalogue
SHEEC (SHARE European Earthquake Catalogue) (Stucchi, M. et al., 2012), qui tiennent compte des travaux
réalisés par Baumont et Scotti (2011) spécifiquement pour la France.

4. Conclusion

Les faibles taux de déformation observés en France métropolitaine nécessitent, dans le cadre de la réalisation
d’études d’aléa sismique, de considérer à la fois les catalogues de sismicité historique et instrumentale.
L’objectif est ainsi d’accroître la fenêtre d’observation sismologique et ainsi mieux rendre compte de l’activité
sismique des structures tectoniques présentes sur le territoire.
Les efforts déployés au cours des dernières années dans le cadre des programmes de recherche SIGMA et
SiHex ont permis d’améliorer la qualité et l’homogénéité des catalogues de sismicité en France métropolitaine,
pour les périodes historique et instrumentale :
– Période instrumentale moderne (1962-2009): le travail mené au sein du projet SiHex (Cara, M. et al., 2015)
a permis de créer un catalogue de sismicité homogène pour la France métropolitaine, sur la période 1962-2009.
Dans ce catalogue, la procédure de localisation est homogène (excepté pour les zones où des études de
localisation spécifiques et précises avaient été menées et pour lesquelles ces dernières ont été retenues) et
l’ensemble des magnitudes est calculé en Mw. Sur ce dernier point, une contribution du projet SIGMA a permis
de développer et appliquer une méthode d’estimation de la magnitude Mw à partir de la coda des ondes crustales
(Denieul, M. et al., 2015).
– Période instrumentale ancienne (1905-1972): dans le but d’accroître la connaissance sur quelques
évènements majeurs s’étant produits dans l’ensemble avant que les réseaux sismologiques n’aient été déployés,
les sismogrammes papier de 15 séismes survenus entre 1905 et 1972 ont été récupérés, digitalisés et traités
numériquement afin d’estimer leur magnitude Mw. La méthode mise en place repose sur la modélisation de
forme d’ondes et une inversion généralisée des paramètres de la source (magnitude, durée de la source,
mécanisme au foyer), par une méthode de grid-search. Les estimations de Mw sont en cours de finalisation.
– Période historique : dans le cadre du programme de recherche SIGMA, un travail de recherche vise à
développer des lois d’atténuation de l’intensité macrosismique, en Mw, pour la France métropolitaine. Les
données macrosismiques issues des bases de données SISFRANCE [EDF, IRSN, BRGM] et DBIM11 (Locati,
M. et al., 2011) et les magnitudes Mw déterminées pour les séismes survenus depuis le début du 20ème siècle ont
permis de créer un set de données de calibration robuste, exploitable pour calibrer les modèles d’atténuation
directement en Mw. La formulation mathématique proposée par Bakun and Wentworth (1997) a été retenue et
adaptée pour calibrer les lois d’atténuation. Au final, l’application de ces modèles d’atténuation permettra de
calculer les paramètres sismologiques des séismes anciens pour lesquels des données macrosismiques sont
disponibles dans la base de données SISFRANCE [EDF, IRSN, BRGM].
La concaténation des résultats issus des différentes études présentées ci-dessus permettra, dans le cadre du
projet SIGMA, de produire un catalogue de sismicité de référence pour la France métropolitaine, couvrant à la
Catalogue de Sismicité - France

fois les périodes historiques et instrumentales. Ce catalogue en Mw pourra être utilisé directement en entrée des
calculs d’aléa sismique probabiliste, sans nécessiter de conversions entre différentes échelles de magnitudes.

5. Contributions

Les résultats et démarches présentés ont été réalisés par différentes équipes dans le cadre d’un travail
collaboratif mené au sein du programme de recherche SIGMA. Le travail sur l’estimation des magnitudes de
coda a été réalisé par Marylin Denieul, Michel Cara et Olivier Sèbe. Juan Benjumea, Michel Cara et Luis Rivera
ont analysé les séismes de la période instrumentale ancienne. David Baumont, Gabriele Ameri et José Bonnet
sont pour leur part impliqués dans la calibration des modèles d’atténuation de l’intensité. Merci à C. Beauval, M.
Nicolas et T. Camelbeeck, C. Martin et Y. Cansi pour les échanges constructifs sur les différentes parties de cet
article.

6. Bibliographie

Alasset, Pierre-Jean, 2005. Sismotectonique et identification des sources sismiques en domaine à déformation lente : cas des
Pyrénées Occidentales et des Alpes du Nord (France). Le Tsunami créé par le séisme de Zemmouri (MW=6.9,
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