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Billet d’un musulman du Québec

Nationalisme québécois et islamophobie au regard de la motion de la


Chambre des communes contre l’islamophobie du 23 mars 2017

On croyait quelque peu apaisée la fibre islamophobe qui irrigue une grande
partie du mouvement nationaliste québécois. En effet, le désastre de la « Charte
des valeurs québécoises » du Parti Québécois (PQ), avec ses fractures sociales
et la montée d’un certain racisme s’affichant de plus en plus ouvertement - et
visant les musulmans - semble avoir servi de leçon à la classe politique. La
défaite du PQ aux dernières élections législatives a confirmé l’ouverture à la
diversité d’une grande partie de la société québécoise, n’en déplaise aux
adeptes du nationalisme d’exclusion flirtant avec le lepénisme français.

Peut-on affirmer qu’un tel espoir est toujours de mise? Rien n’est moins sûr au
vu du sort réservé au vote, le 23 mars 2017, de la motion parlementaire fédérale
condamnant l’islamophobie et ce, après d’acrimonieuses controverses.

Rares sont les medias du Québec qui ont rapporté que, parmi les opposants à
ladite motion, figurent tous les députés du très indépendantiste Bloc québécois
BQ), dirigé désormais par Mme Martine Ouellet, toujours députée du PQ à
l’Assemblée nationale du Québec. Raison invoquée : rien ne justifie pareille
motion!?! Assurément, on s’accroche au déni de la réalité des musulmans de
Québec et plus encore de celle des 6 veuves, des 17 orphelins de la tuerie du 29
janvier 2017. Le député Xavier Barsalou-Duval – ancien président du Forum
Jeunesse du BQ – a même eu l’outrecuidance d’affirmer : « on s’est toujours
battu contre l’islamophobie. Mais on ne vit pas dans un climat de haine et de
peur ». Qu’il livre donc la liste de ces batailles continues du BQ contre
l’islamophobie et vienne admirer les milices antimusulmanes qui patrouillent en
uniforme dans la vieille capitale!

Tout aussi inquiétant est le rejet de la motion par les députés conservateurs de la
grande région de Québec, qui a été pourtant le théâtre de ce sanglant attentat
terroriste dans la mosquée de Québec, il y a quelques semaines. Mme Sylvie
Boucher, MM. Gérard Deltell, Pierre Paul-Hus, Alupa Clarke, Joël Godin et
Steven Blaney, sans compter le Beauceron Maxime Bernier. On aurait pu
s’attendre à plus de compassion et de solidarité de la part des députés locaux,
dont M. Deltell, que le Club Avenir, association algérienne prestigieuse de
Montréal, lui avait rendu hommage pour les liens de sa famille avec l’Algérie…
Aux musulmans du Québec de dénoncer pareil traitement, de s’en rappeler et de
militer contre le Bloc Québécois et le Parti conservateur du Canada. Pourquoi
pas un « vote musulman », à tous les paliers, pour renverser à jamais ce
confinement dans une sous-citoyenneté?

Il faut se rappeler que la motion parlementaire n’a aucune valeur juridique; elle
est au plus symbolique, mais donne parfois le pouls de la classe politique. En
2015, une motion des plus légitimes contre l’antisémitisme avait été votée à
Ottawa à l’unanimité, dans une symbiose remarquable transcendant les clivages
de toute nature.

Décidément, la tuerie de la mosquée de Québec n’aura pas eu, au regard du


vote, l’effet naïvement attendu, à savoir un électrochoc contribuant à une
meilleure acceptabilité sociale des musulmans et à leur accession à la pleine
citoyenneté, à l’égalité et aux autres droits supposés garantis par les 2 Chartes
des droits et liberté en ce pays de droit.

« Aux urnes, citoyens musulmans! » N’attendez pas qu’on vous accorde des
droits…Exercez-les! Prenez la parole massivement, haut et fort, téléphonez,
écrivez, cessez de raser les murs, sinon la tragédie de Québec, ce « 1/29 », sera
non seulement reléguée au registre des faits divers, mais pourrait se reproduire.
Faites valoir vos voix et vos votes en tant que musulmans, puisqu’on réduit votre
identité à votre seule appartenance religieuse.

À bon entendeur, salut et…Salam!

Touhami Rachid RAFFA, Québec, le 24 mars 2017

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