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I - PREMIÈRES
PRIVILÉGIÉ
RELATIONS OFFICIELLES. LA FRANCE DEVIENT LE PARTENAIRE
MASCATE (1735-1783)
DE
1. La période postérieure à 1920 est exclue des relations « historiques » qui sont traitées ici.
Après cette date, malgré quelques contacts protocolaires, les rapports franco-omànais perdent
toute substance. Ils cessent sous le long règne du Sultan Sa'id bin Taymur (1932-1970).
Les relations diplomatiques que la France et l'Oman entretiennent depuis 1971 relèvent de
l'actualité plus que de l'histoire. Les archives les concernant ne sont pas du domaine public.
2. Sur cette période, voir Anne Kroell, Louis XIV, la Perse et Mascate, Le monde iranien et l'Is-
lam. Sociétés et cultures, Société d'Histoire de l'Orient, vol. IV, p. 1-78, et ministère des Affaires
étrangères et Ambassade de France à Mascate, L 'Oman et la France, 1978, p. 1-5.
Les incidents provoqués durant la Guerre de sept ans par les cor-
saires français comme d'Estaing qui, en 1759, capturait le bateau
-
anglais « Mary » en rade de Mascate4, entraînant une protestation de
l'Imam - furent, à long terme, moins dommageables aux rapports
franco-omanais que le traité de Paris (1763). En officialisant l'éviction
des Français de l'Inde - à l'exclusion des « cinq comptoirs » -, celui-
ci conférait à la Grande-Bretagne une suprématie que nul ne pouvait
plus lui ravir. Le gouvernement anglo-indien sut pendant près de
deux siècles user de la supériorité stratégique, militaire et écono-
3. L'Ile Bourbon ne joua qu'un rôle secondaire dans les relations franco-omanaisesjusqu'à
1810, date à laquelle la France perdit définitivement l'Ile-de-France.
4. Patricia Risso, Oman and Muscat, an early history, Croom Helm, Londres, 1986, p. 56.
86 Robert Oddos
5. A. Auzoux; Là France et Mascate aux xvIIIe et XIXe siècles, Revue d'Histoire diplomatique, XXIII,
p. 525.
6. Risso, op. cit., p. 143.
7. Aùzôux, op. cit., vol. XXIV, 1910, jj. 235.
8. L'imam avait d'ailleurs usé de représailles. Le capitaine de Kérédan qui, après une cam-
pagne dans ie Golfe, avait jeté l'ancre dans la rade de Mascate, fut attaqué par deux unités orna-
naises. La lutte dura deux heures et se termina par la capture du capitaine et de ce qui restait de
son équipage (Àuzoux; op. cit., XXIII, p. 526). Mais l'imam rendit le navire la Philippine- à ses
-
propriétaires avec une lettre de protestation aux autorités françaises (Habib Malallah bin Ali, Actes
du séminaire France-Oman. Aperçus historiques et culturels, 30-31 octobre 1994, Université Sultan
Qabous, Mascatej p. 8).
9. Ian Skeet, Muscat and Oman, the end ojan era, Faber & Faber, Londres, 1974, p. 41.
Deux siècles de relations franco-omanaises (1735-1920) 87
française et les sujets de Votre Grandeur » 10. Ainsi, malgré leur inca-
pacité à sanctionner l'indiscipline de capitaines irresponsables, les
autorités civiles réussissaient dans une certaine mesure à atténuer les
conséquences de leurs méfaits.
18. Lettre du ministre des Affaires étrangères à Rousseau, n° 139, 19/05/1788. Archives MAE,
ibid.
19. Auzoux, op. cit., vol. XXIII, p. 535.
20. Auzoux, ibid., p. 536. D'après Sylvestre de Sacy, le gouvernementfrançais « acheta d'abord
à cet effet le navire le Courrier de l'Isle deFrance ; on y substitua ensuite la corvette l'Ecureuil ; mais ce
bâtiment ne fut pas plus envoyé que le premier », op. cit., note p. 335. Samuel Miles affirme quant
à lui que le Courrier de l'Isle de France, envoyé à Mascate fut capturé en mer par un croiseur anglais,
The Countries and Tribes ofthe Persian Gulf, Frank Cass & Co, Londres, 1966, p. 278.
21. Noté Gouvernement, Versailles, 1789, Archives du ministère des Affaires étrangères, CCI,
folio 42 et Auzoux, op. cit., XXIII, p. 536.
22. Lettre de Me Nemara au ministère de la Marine, du 13/07/1790, L'Oman et la France, op.
cit., p. 6. Comme Conway, Me Nemara était un Irlandais au service de la France.
90 Robert Oddos
Les relations entre les deux pays étaient à leur apogée. La voie sem-
blait ouverte pour une coopération plus étroite, que les Britanniques
ne paraissaient alors point vouloir troubler. Mais Paris avait bien long-
temps tergiversé. Il était trop tard. Le vent de l'histoire avait tourné.
En France, la Révolution avait éclaté. Le suivi des affaires était
interrompu, la nomination d'un envoyé à Mascate oubliée. En 1793,
la guerre entre la France et l'Angleterre avait de nouveau éclaté. Les
corsaires français s'en prirent au trafic maritime anglais et, occasion-
nellement, aux bateaux omanais. L'Imam riposta en stoppant l'expor-
tation de blé vers l'Ile-de-France24. Celle-ci d'ailleurs, à partir de 1794
(et jusqu'à 1803), se considéra comme plus ou moins indépendante
de la mère-patrie. On y avait très mal accueilli la décision du gouver-
nement révolutionnaire d'émanciper les esclaves25.
23. Lettre d'Hamad à Rousseau de Dhu al-Hijja, 1294 H (août-septembre 1790), Sacy, op. cit.,
p. 304.
24. Risso, op. cit., p. 143.
25. Risso, ibid., p. 142.
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 91
29. Cdt Four, Beauchamp, missionnaire, astronome, diplomate, Bulletin de l'Académie des
Sciences, Belles Lettres et Arts de Besançon, 4e trim. 1932, p. 6.
30. Risso, op. cit., p. 145.
31. Lettre de Beauchamp au ministère des Affaires étrangères, Alep, 26 messidor, an VI
(14/07/1798), Archives du ministère des Affaires étrangères, CCI, folio 235.
32. Lettre de Beauchamp à Talleyrand, Le Caire, 24 vendémiaire an VII (15/10/1798),
Archives du ministère des Affaires étrangères, CCI, folio 236.
Deux siècles de relations franco-omanaises (1735-1920) 93
— Bonaparte et l'Oman
Bien qu'elle fût économiquementprésente à Mascate, l'Angleterre
avait jusqu'alors montré peu d'intérêt pour l'Oman et, comme le fai-
sait observer un courtier indien, « les Français se trouvaient bien plus
haut dans la faveur de l'Imam que les Anglais » 34. Londres changea
d'attitude lorsqu'en juillet 1798 Bonaparte débarqua en Egypte avec
l'éventuel projet de marcher sur l'Inde. Le capitaine S. Wilson, agent
britannique à Moka, intercepta une lettre que, le 6 pluviôse an VII
(25 janvier 1799), Bonaparte avait envoyée du Caire à l'Imam Sultan
bin Ahmad. Wilson la fit parvenir aux autorités de Bombay35. La lec-
ture de ce message incita les Anglais à redoubler de vigilance et à
intervenir plus directement à Mascate. Le général y informait l'Imam
de la présence de son armée en Egypte. « Comme vous avez été de
tout temps notre ami », poursuivait-il, « vous devez être convaincu du
désir que j'ai de protéger tous les bâtiments de votre nation, et que
vous les engagiez à venir à Suez, où ils trouveront protection pour leur
commerce. » Bonaparte demandait enfin au souverain de transmettre
un message à Tippou-Sahib, sultan de Mysore et adversaire des
Anglais36. Celui-ci entretenait d'étroites relations avec Mascate où il
était représenté par un agent commercial. Mysore et Oman s'étaient
mutuellement accordé le traitement de la nation la plus favorisée37.
— La riposte anglaise
La riposte de l'Angleterre ne se fit pas attendre. Le résident de la
Compagnie britannique des Indes Orientales à Bouchir écrivit à Saif
B - Ephémère
dans le
réanimation des rapports franco-omanais
régional.
contexte
Eviction de la France de l'océan Indien (1800-1810)
54. Lettre de Cavaignac au ministre des Relations extérieures, 20 frimaire an XII (12/12/1803),
Archives du ministère des. Affaires étrangères, CCI, vol. 1, folio 280 (193).
55. Auzoux, op. cit., XXIV, p. 246 et s. et Prentout, op. cit., p. 224.
56. Lettre de Cavaignac au ministre des Relations extérieures, citée dans la note 54 ci-dessus.
57. Ou, selon Prentout, op. cit., p. 227, d'origine syrienne.
58. Auzoux, op. cit., XXIV, p. 248 et Skeet, op. cit., p. 44.
59. Auzoux, ibid., p. 256-258.
60. Charles Brunet-Millon, Les Boutriers de la merdes Indes, Editions Pédone, Paris, 1910, p. 71.
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 99
63. Driault, La politique orientale de Napoléon. C. Bastiani et Gardane, 1806-1808, F. Alcan, Paris,
1904, p. 170-342.
64. Miles, op. cit., p. 288 et 315.
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 101
65. Cette opération déplut à Sa'id. Il s'intéressait sans doute lui-même à Nossi-Bé. Cette île
appartenait, selon ses affirmations, à une reine sakalave qui s'était placée sous son autorité. Miles,
op. cit., p. 343.
66. Wasmi, op. cit., p. 140.
67. Miles, op. cit., p. 342-343.
68. Wasmi, op. cit., p. 141-142.
102 Robert Oddos
— Le traité de 1844
Un traité d'amitié et de commerce fut conclu à Zanzibar le
17 novembre 1844 entre l'Oman et la France. Il fut signé respective-
ment par Sa'id bin Sultan et, pour le roi Louis Philippe qui le ratifia
le 4 février 1846, par le capitaine de vaisseau Romain Desfossés, com-
mandant la Station navale de l'océan Indien. Le mêmejour, le consul
français à Zanzibar recevait l'exequatur72. De ce seul fait, l'accord
conclu représentait un succès politique pour la France. Mais surtout
les deux pays s'accordaient réciproquementle traitement de la nation
la plus favorisée et les ressortissants français se voyaient concéder des
privilèges substantiels dans les Etats du sultan : droit de circuler, rési-
der, commercer, d'acheter, vendre ou prendre à bail des terres, mai-
sons, magasins ; privilège de juridiction consulaire, applicable égale-
ment aux sujets omanais au service des Français (sauf, dans ce
dernier cas, pour les crimes ou infractions punissables par la loi) ;
droit pour les Français d'importer ou d'exporter librement des mar-
chandises dans ces états, limitation à 5 % des droits d'entrée appli-
qués à ces marchandises, etc. Un développement notable des rela-
tions entre les deux pays allait s'ensuivre73.
La négociation du traité de 1844 figure sur deux aquarelles du
peintre André Lebreton.
74. Arthur de Gobineau, Trois ans en Asie, NRF, Gallimard, Paris, 1re partie, chap. VI, p. 93.
75. Lettre du ministère de l'Agriculture et du Commerce au ministère des Finances,
13/06/1849,Archives nationales, F12 8972, folio 21838. Lettre du préfet des Bouches-du-Rhône au
ministrede l'Agriculture et du Commerce, 13/06/1849, Archives nationales, F12 8972, folio 18670.
Journal L'Assemblée nationale, 30/08/1649, p. 3.
76. Pierre Aucher-Eloy,Relations de voyages en Orient de 1830 à 1838, Librairie encyclopédiquede
Roret, Paris, 1843, p. 545-578.
104 Robert Oddos
77. L'actuel port somali de Brava, situé à 200 kilomètres au sud-ouest de Mogadiscio.
78. Wasmi, op. cit., p. 143.
79. Instructions du 31/08/1846, Guillain, op. cit., vol. III, p. 158.
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 105
83. Denis de Rivoyre, Obock, Mascate, Bancaire, Bassorah, Pion, Paris, 1883, p. 103-104.
84. Je remercie ici M. Georges Melinant de ses observations sur les périodes respectivement
traitées sous ce titre et dans le chapitre VII.
85. Brunet-Millon, op. cit., p. 85.
86. Traité franco-anglais du 5/08/1890. Dépêche de l'Ambassadeur de France au ministre des
Affaires étrangères, Archives du ministère des Affaires étrangères, Angleterre, vol. 858, p. 175.
87. Plus couramment, mais improprement, dénommée hova.
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 107
VI - BREF
LE
ET BRILLANT RETOUR DE L'INFLUENCE FRANÇAISE EN OMAN.
OTTAVI. INCIDENTS (1894-1901)
CONSULAT FRANCO-ANGLAIS
88. Lors de son séjour en Egypte, et au moment où il invitait le sultan de Mascate à envoyer ses
bateaux à Suez, Bonaparte avait fait étudier par l'ingénieur Le Père un projet de « Canal des deux
mers ». C'est en lisant le rapport de cet ingénieur qu'en 1832 Lesseps, alors vice-consul à Alexan-
drie, avait fait du percement de l'isthme de Suez sa « raison de vivre ».
89. Voir à ce sujet Brunet-Millon, op. cit., p. 139 et R. E. B. Duff, 100 Years oftlie Suez Canal, Clif-
ton Books, Brighton, 1969, trad. Editions Maritimes et d'Outre-mer, Paris, 1971, p. 161-204.
90. G. Robert Landen, Oman since 1856, Princeton UniversityPress, 1967, p. 275.
108 Robert Oddos
— L'alliancefranco-russe
En 1894, Hanotaux, partisan d'un impérialisme offensif, devenait
ministre des Affaires Etrangères.
Si la France avait su maintenir des liens d'amitié et développer les
échanges commerciaux avec le Sultanat d'Oman, sa diplomatie y
demeurait encore timide. Pour lui donner consistance, le Quai d'Or-
say nommait, en 1894, un représentant consulaire à Mascate.
Cette nomination, en gestation depuis deux ans, venait renforcer
le dispositif politique et militaire que la France et la Russie s'effor-
çaient de mettre conjointement en place. Les deux puissances avaient
conclu, la même année, une alliance, précédée d'un accord entre
états-majors signé à l'été 1892. Le Tsar s'intéressait, lui aussi, au
Golfe. Les Russes, dont l'avance était contenue sur les frontières de
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 109
De là, les deux navires poursuivirent leur route vers le Golfe où ils
devaient mouiller dans les principaux ports, avant de revenir à Mas-
cate, terme de leur mission95.
— Paul Ottavi
Le premier représentant consulaire français, Paul Ottavi96, rejoi-
gnit son poste le 8 novembre 1894. Bon connaisseur de la région (il
avait été en poste à Zanzibar), parlant parfaitement l'arabe, il sut agir
avec intelligence et énergie et gagna bientôt la confiance de Sayyid
Faysal qui, par ailleurs, entretenait les relations les plus détestables
avec le consul britannique Fagan. Celui-ci et avec lui la Grande-Bre-
-
tagne - semblait, il est vrai, s'ingénier à jeter le souverain dans les bras
des Français. En 1895, les Anglais, qui avaient dépêché deux canon-
nières en rade de Mascate, ne firent pas un geste pour soutenir Sayyid
Faysal, attaqué dans sa capitale par les tribus d'un cheikh de l'inté-
rieur, Salah bin 'Ali. Ils exigèrent ensuite du sultan qu'il indemnisât
les commerçants indiens pour les dommages causés à leurs biens à
cette occasion97 .
Ottavi proposa à Sayyid Faysal un appui qui se concrétisa, trop tar-
divement, avec l'arrivée d'une unité de la marine française, le
Troude. Ce geste fit naître chez le souverain l'illusion qu'il pouvait
désormais compter sur le soutien de la France98.
En septembre 1896, le sultan donna à celle-ci une belle maison
destinée à servir de résidence et de chancellerie. L'immeuble est
depuis lors désigné sous le nom de baytfaransa (la Maison de France) 99.
107. Dépêche de Montebello à Delcassé, 16/03/1899, Archives du ministère des Affaires étran-
gères, Russie, Dossier 34, vol. 3.
108. Brunet-Millon, op. cit., p. 103 et s., et Archives de la Marine, s. série BB4, 1510.
114 Robert Oddos
La politique de Delcassé
124. Dépêche de Jean Beguin-Billecocq, consul de France à Mascate au ministre des Affaires
étrangères, n° 101 du 9/10/1905, arch. MAE, série D, cart. 18, dossier 3, n° 126.
125. Série de lettres échangées entre le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'In-
dustrie et du Commerce, la Maison Parent et Leroy et son représentant à Mascate, M. Gogoyer,
1907-1908, Archives nationales, F 12 7265, citées dans L'Oman etlaFrance, op. cit., p. 237, et Le Cour-
Grandmaison, Notes de présentation du Musée franco-omanais de Mascate, 4,1.
Deux siècles de relationsfranco-omanaises (1735-1920) 119
CONCLUSION
1) Entrées dans leur phase active vers 1735, les relations histo-
riques » entre la France et l'Oman ont perdu toute substance en
1920. Pendant ces deux siècles, leur évolution fut soumise essentielle-
ment à deux facteurs : le commerce régional franco-omanais et les
conflits entre la France et l'Angleterre.
126. Pierre Loti, En passant à Mascate. Voyages 1872-1913, Robert Laffont, Paris, 1991, p. 869.
On a souligné ajuste titre que l'agriculture rhénane demeure un
sujet mal connu 1. A côté d'un désintérêt manifeste pour ce domaine
de l'histoire rhénane, il faut également déplorer la situation archivis-
tique particulièrement hétérogène, sinon lacunaire, qui ne favorise
guère les études en ce sens. En effet, cette situation est due à l'his-
toire extrêmement mouvementée des pays rhénans d'une part, et à
leur inextricable échiquier territorial qui se composait, au soir de
l'Ancien Régime, de presque 150 Etats de taille fort variable, le plus
grand étant celui de l'archevêché de Trêves (environ 7 500 km2 et
plus de 800 communes), les plus petits n'atteignant même pas l'éten-
due d'une paroisse2. Notre enquête ne porte cependant pas, on s'en
doute, sur l'ensemble des pays rhénans de la rive gauche du Rhin,
mais sur sa partie Nord que l'on appelle le Rhin Inférieur (Nieder-
rhein). Celui-ci n'est autre qu'une vaste plaine alluviale formée essen-
1. Cf. G. Droege, Die Lage der rheinischen Landwirtschaftin der ersten Hâlfte des 19. Jahr-
hunderts, dans G. Droege (Hg.), Landschaftund Geschichte, FestschriftFranz Pétri zum 65, Geburts-
tag, Bonn, 1970, p. 143-156. Volker Henn, Die soziale und wirtschaftliche Lage der rheinischen
Bauern im Zeitalter des Absolutismus, dans Rheinische Vierteljahresblàtter (RhVbll), 1978, p. 240-247.
Sur l'agriculture allemande, v. Wilhelm Abel, Geschichteder deutschen Landwirtschaft vomfrûhen Mitte-
lalter bis zum 19. Jahrhundert, Stuttgart, 1978 ; F.-W. Henning, Landwirtschaft und lândliche Gesellschaft
in Deutschland, 2 vol., Paderborn, 1978-1979 ; E. Ennen, W. Janssen, Deutsche Agrargeschichte,Wiesba-
den, 1979. Sur la condition juridique des paysans, v. Friedrich Lûtge, Geschichteder deutschen Agrar-
verfassung vomfrûhen Mittelalter bis zum 19. Jahrhundert, Stuttgart, 1967. Sur la société agraire de la
Prusse, v. Hanna SchiBler, Preussische Agrargesellschaft im Wandel, Gôttingen, 1978. Heide Wunder, Die
bâuerliche Gemeinde in Deutschland, Gôttingen, 1986.
2. Cf. Franz Irsigler, Herrschaftsgebiete im Jahre 1789, dans F. Irsigler (Hg.), Geschichtlicher
Atlas der Rheinlande, Kôln, 1982, Beiheft V/l, p. 10 et la carte V. 1. On trouve une description plus
précise de l'imbroglio territorial et de la situation démographique en Rhénanie dans J. Smets, Les
pays rhénans à l'époquefrançaise, Frankfurt/M., Bern, New York, Paris, Peter Lang, 1996.
3. Sur l'omniprésence de l'eau, les inondations et la gestion de l'eau par l'homme dans le Rhin
Inférieur, cf. J. Smets, De l'eau et des hommes dans le Rhin Inférieur du siècle des Lumières à la
pré-industrialisation, dans Francia, t. 21/2, 1994, p. 95-127.
Economie paysanne et systèmes familiaux en Rhénanie 127
4. Les géomètres français écrivent en 1803 : « Le morgen ou journal de 150 Ruthes (ou perches)
égale 32 ares 60136. » Cf. Service Historique de l'Armée de Terre, Vincennes (SHAT), MR 1124. Une
ferme de 70 à 80 Morgen s'étend donc sur 22,82 ha à 26,08 ha, une de 50 Morgen sur 16,3 ha, une
de 20 à 30 Morgen sur 6,5 à 9,8 ha et une de 15 Morgen sur 4,9 ha. 1 Morgen de Prusse, divisé en
180 Quadratruten, égale 0,255 ha, comme en Thuringe. Il égale 0,25 ha dans le Hesse-Darmstadt,
0,277 ha en Saxe, 0,262 ha dans le Hanovre, 0,343 ha en Bavière et 0,36 ha dans le Bade. Cf. F. Wie-
land, Mûnzen, Gewichte und Masse bis 1800, dans H. Aubin, W. Zorn (Hg.), Handbuchder deutschen
Wirtschafts- und Sozialgeschichte, 2 vol., Stuttgart, 1971-1976, vol. 1, p. 675-676.
5. Cf. le texte allemand dans J. N. v. Schwerz, Beschreibung der Landwirtschaft in Westfalen und
Rheinpreufsen, Stuttgart, 1836, p. 20-21.
6. Cf. Stadtarchiv Kevelaer (Stak), 05-2-2. Cette statistique, manifestement destinée à dresser
un bilan des pertes après la Guerre de Sept Ans, ne réserve pas de colonne pour les cochons.
Lorsque von Schwerz effectue son enquête agraire en 1816, il constate que l'élevage de porcs n'est
pratiqué que très rarement dans la Gueldres. Cf. J. N. v. Schwerz, op. cit., p. 21.
7. Cf. Horst Cari, Okhupation und Regionalismus. Die preussisclien Westprovinzen im Siebenjàhrigen
Krieg, Mainz, 1993, p. 326.
128 Josef Smets
8. Nous faisons fi aux affirmations d'un manuel statistique consacré à la province rhénane en
1842. Celui-ci déclare en effet que ni les chevaux qu'on utilise aux labours dans les champs mais
aussi au transport, ni les porcs, ni les chèvres ne sauraient renseigner sur l'état de l'agriculture. Par
contre, le nombre du cheptel bovin et ovin donnerait « la plus exacte mesure de l'état de l'agri-
culture et de la richesse du paysan ». Cf. G. Droege, art. cit., p. 145, qui cite la « Statistik und Hand-
Adressbuch der Rheinprovinz fur das Jahr 1842 », p. 9.
9. Cf. J. N. v. Schwerz, op. cit., p.4.
10 Les listes nominatives de la seigneurie de Kevelaer, établies de 1764 et 1794, fixent les
impôts sur le cheptel, payables en Pattacon, Schilling et Stûber. Derrière chaque propriétaire, on
trouve le nombre des vaches (Koeyen), des boeufs (Rinder), des moutons (Schaep), des oies (Gans) et
des ruches d'abeilles (Byen). Les chevaux et les cochons ne sont pas comptabilisés ; v. Stak, 95-9-102.
Pourtant, une autre statistique, établie le 20 avril 1762, mentionne des porcelets (Verkens), à côté
des vaches (Koey), des boeufs (Ossen), des génisses (Rinders) et des moutons (Schaep), en faisant la dis-
tinction entre les bêtes grasses (vette) et maigres (mager) ; v. Stak, 05-3-4. Les statistiques antérieures
ne comptent pas non plus les porcelets, mais seulement les vaches, boeufs, moutons, oies et les
ruches ; v. Stak, 05-3-1 (pour 1724), 05-3-1.1 (pour 1725) et 05-3-2 (pour 1730).
11. La vente des biens nationaux entre 1803 et 1813, mais surtout la vente des biens commu-
naux à partir des années 1820, déclenchent une transformation profonde de l'espace rural due à
une amélioration décisive des terres et des cultures ; v. Th. F. Faber, Sozialgruppen als Tràger der
Allmendteilungen im Amt Kevelaer in der ersten Hâlfte des 19. Jahrhunderts, dans J. Smets,
Th. F. Faber, Kevelaer-Gesellschaft und Wirtschaft am Niederrhein im 19. fahrhundert, Kevelaer : Butzon et
Bercker, 1987, p. 215-219, 226-232, 241-250. Le géographe français, Boucher, ayant visité la mairie
de Kevelaer en 1803, note cependant : « L'agriculture est améliorée et augmentée par les défri-
chemens des bruyères depuis environ 50 années. Ses outils aratoires sont les mêmes que dans l'in-
térieur de la france. On enferme les grains dans des granges. (...) » ; v. Shat, MR 1124 : mairie de
Kevelaer. A Kapellen, à Walbeck et à Issum, « l'agriculture s'améliore chaque jour » aussi. Pour la
Economie paysanne et systèmes familiaux en Rhénanie 129
Veuve Noys
Jacob Bollen
11
14
10
11112 0 1 1 1
1
5
4
2
2
4
4
4
4
15
10
15
10
60
0
60
0
Henrick Roelfs
Peter Hunekens
9
12
9
9110 43044 7700
1 1 2 3 1 1 4 3 14 10 0 12
Henrik Dengeloef
JoharmusVos
12
10 911321133
11
115
1
20133
1
700
800
2 3 2 2 3 3 10
11
10 2 2
MathisVos
DeckersBoer
9 10
112 22233
78111320329900
10 10 00 10
9 10
Clemens Boer
Peter Stenmans 88112022338800
75 110 1203 28700
Derck Dengeloef
Arnold Dyx 7611201133
87112 11132 7700
7700
GuertPuyn
Henrick Plancken 78110510335500
88 00113333 4400
HermanusTreut
JanAlbers 66112200228800
88 113 21022 8800
JanNiben
veuve Holtmans 56011021227722
7811241122 7600
Jan Grutiers
Johannus op Betray 54111001225500
77101221225522
GeratNoyen
JanKerstiens 53110001224400
55112001223300
Johannus Raeff
Peter van Kempen 44110011223300
65111011222200
Gerart Dyx Stecklings
Pouvels Dengeloef 55 111200012500
04101 10101 0600
Henrik Helmins
Maries Jansen 55110 210114400
33110001114400
Maries ter Houven
JanTiefkes 55101111114400
75110120113300
Helman
GertPinders 36111300113300
112 113
JanopWis
Jan Deckers 6711201211
6 8
551101111122003300 0 2 2 3 0 0
Willem Dyx
Peter Grouwels 5511210011
5611011211 2200
2200
Gerardus Pinders
Willem Dyx Venlo 55111011112200
55012200112200
veuve Selders
veuve Peter Nilen 33011100112200
53110001112200
Gert Raeff
HendrikBrux
Mairies Rogmans
4411001111
661113001021002200
Total 280 275 38 39 53 58 49 39 85 82 200 227 64 78
Total à Kevelaer 809 860 194 195 167 172 60 76 85 82 289 303 64 78
mairie voisine, celle de Kervenheim, son collègue, Auguste Pierrepont, recommande vivement le
<
défrichementde quelques bruyères », ce qui n'a pas été fait jusqu'alors, afin d'augmenter la pro-
duction agricole du lieu. Ibid., mairie de Kervenheim. A Weeze, Wissen et Kalbeck, par contre,
l'état de l'agriculture augmente chaque année par les défrichemens des bruyères ; ibid. : mairie de
Weeze. A Bergen, Afferden, Heyen et Well, l'agriculture a peu changé depuis un certain nombre
d'années, selon Boucher ; ibid., mairie de Bergen. W. Abel, op. cit., p. 304, ne nie pas les défriche-
ments entrepris pendant le XVIIIe siècle dans le Sud et l'Ouest de l'Allemagne, mais ils sont d'am-
pleur modeste par rapport aux efforts déployés dans l'Est, notamment dans le Brandebourg.
12. Sur les domestiques dans la Rhénanie du XIXe siècle, notamment sur ceux du Rhin Infé-
rieur, v. Max Matter, Landwirtschafdiche Dienstboten im Rheinland nach der ADV-Umfrage zur
alten bâuerlichen Arbeit, dans Rheinisch-Westfàlische Zeitschriflfur Volkskunde, 22-23, 1976-1977, p. 34-
50. Sur les liens entre la famille paysanne et ses domestiques en Westphalie durant la seconde moi-
tié du XIX' siècle, v. Dietmar Sauermann, Das Verhâltnis von Bauernfamilie und Gesinde in West-
falen, dans NiedersàchsischesJahrbuchfur Landesgeschichte, Nr. 50, 1978, p. 27-43.
13. La statistique de Kevelaer pour 1770 mentionne 5 grandes exploitations, 25 moyennes et
9 petites ; v. Adolf Marx, Kevelaer. Wallfahrt und Wirtschaft, Kevelaer, 1922, réimp. 1979, p. 101.
14. Cf. W. Abel, op. cit., p. 251.
Economie paysanne et systèmes familiaux en Rhénanie 131
nb % 56 62 h fe f fi v s ch ch b b m m
4 chevaux 4 1,7 46 39 3 4 5 9 13 5 16 15 46 42 60 72
3 chevaux 11 4,8 93 90 10 20 20 17 13 33 30 88 82 2
10 2
2 chevaux 10 4,4 58 56 9 9 13 10 8 8 20 20 52 51 4 4
1 cheval 18 7,9 83 90 16 16 15 19 11 13 16 17 44 52 0 0
0 cheval 186 81,2 529 585 156 156 114 114 11 37 0 0 89 76 0 0
Total 229 100 809 860 194 195 167 172 60 76 85 82 289 303 66 78
56 62 h fe f fi v s ch ch b b m m
4 chevaux 5,7 4,51,5 2,1 3,0 5,2 21,7 6,6 18,8 18,3 15,9 13,9 90,9 92,3
3 chevaux 11,5 10,5 5,2 5,2 17,5 17,5 28,3 17,1 38,8 36,6 30,4 27,1 3,0 2,6
2 chevaux 7,2 6,5 4,6 4,6 7,8 5,8 13,3 10,5 23,5 24,4 18,0 16,8 6,1 5,1
1 cheval 10,3 9,4 8,2 8,2 9,0 11,0 18,3 17,1 18,8 20,7 15,2 17,2 0,0 0,0
0 cheval 65,4 68,0 80,4 80,0 68,3 66,3 18,3 48,7 0,0 0,0 30,8 25,1 0,0 0,0
Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Légende : Tôt = Total des ménages détaillés ; h = homme ; fe = femme ; f = fils ; fi = fille ;
v = valet ; s = servante ; ch = chevaux ; b = bovins ; m = moutons ; 56 = 1756 ; 62 = 1762.
15. Les valeurs démographiques dans la rubrique consacrée à la compositiondes ménages sont
légèrement imprécises. La raison de cette imprécision est simple. Les administrateurs locaux ont,
certes, mentionné (presque) tous les chefs de ménage, mais ils n'ont pas jugé nécessaire de
détailler les ménages des plus pauvres d'entre eux. Il en résulte une sous-estimation conséquente
de la population de Kevelaer, tant pour 1756 que pour 1762.
132 fosef Smets
16. Cf. J. Smets, Ecologie, habitat et santé : la mutation lente et difficile de deux sociétés tradi-
tionnelles (xvIIIe et XIXe siècles), dans Etudes sur l'Hérault, 1988, p. 186-187.
Economie paysanne et systèmes familiaux en Rhénanie 133
Kevelaer : cheptel
Légende : va = vaches ; bo = boeufs ; mou = moutons ; ruc = ruches ; moy = moyenne ; max =
maximum ; min = minimum.
Economie paysanne et systèmes familiaux en Rhénanie 135
19. En Allemagne, les efforts pour améliorer l'élevage ovin se situent dans la seconde moitié
du XVIIIe siècle. Certes, on importait les mérinos en petite quantité de la Flandre ou de l'Angleterre
depuis un certain temps, mais le premier grand transport - 92 béliers et 128 brebis - en prove-
nance de l'Espagne n'arrive en Saxe qu'en 1765 ; v. W. Abel, op. cit., p. 325.
20. Cf. J. N. v. Schwerz, op. cit., p. 35.
136 Josef Smets
des 330 à 350 têtes des années 1725-1730. Kevelaer n'appartient pas
au groupe de villages gueldriens foncièrement ruraux, si on le met en
rapport avec le chiffre total du gros bétail dans le duché. Celui-ci
s'élève à 19 440 têtes en 1780 ; les bovins de Kevelaer ne représentent
que 1,44 %, tandis que les 1355 habitants constituent 2,88 % des
47 000 Gueldriens en 1786 et son terroir de 1941 ha quelque 1,59 %
des 122 000 ha du duché.
Le bétail gueldrien ne sert pratiquement pas à la consommation
locale ; c'est généralement en automne qu'on achète les bêtes, en
provenance de la Frise, du Holstein ou du Danemark21, sur les deux
grandes foires à bestiaux, celles de Clèves et de Emmerich, parce que
les prix sont alors très avantageux. Ensuite, on les engraisse dans les
étables durant l'hiver et, puis, sur les rares prés et prairies selon les
observations de Fischbach, et « on en fait un commerce à l'extérieur ».
L'auteur souligne cependant que « l'élevage ne peut jamais fleurir à
défaut de prés », remarque d'autant plus pertinente que les paysans
de l'époque négligeaient l'entretien des prés et prairies et considé-
raient le bétail comme un « mal nécessaire ». Ils en avaient besoin
pour la fumure des champs et pour labourer la terre dont le produit,
les céréales en l'occurrence, rapportaient plus d'argent que la
viande22. En 1816, l'élevage du gros bétail se présente ainsi :
On compte en général 3 vaches pour deux Morgen hollandais
[= 0,652 ha] de prairie... Si la prairie est sèche, on attribue un Morgen à
une vache... On met le bétail destiné à l'engraissement sur la prairie dès
le 1" mai ; il y reste, s'il a été maigre et qu'il doive devenir bien gras, jus-
qu'à la fin d'octobre, jour et nuit.... Une vache qui pesait 400 livres lors-
qu'elle était maigre, pèse généralement de 500 à 525 livres lorsqu'elle est
grasse ; les boeufs de 400 livres atteignent 600 livres. Certains d'entre eux
pèsent de 800 à 900 livres... Le bénéfice de l' engraissement se situe entre
25 et 35 Rthlr. [Reichstaler] pour chaque grande pièce [vache ou boeuf] 23.
21. Vers le milieu du xvii' siècle, les paysans des Provinces-Unies s'approvisionnentégalement
dans les contrées du Nord allemand et au Danemark, mais ils achètent le bétail « incontinent »,
entendez maigre, au printemps, selon les observations d'un Français ; cf. Fernand Braudel, Civili-
sation matérielle, économie et capitalisme, 3 vol., Paris : Armand Colin, 1993, vol. 3, p. 204-205, qui cite
Jean-Nicolas de Parival, Les Délices de la Hollande, 1662, p. 13.
22. Cf. W. Abel, op. cit., p. 250. Michel Péronnet, Le XVIII siècle : des Lumières à la Sainte Alliance
(1740-1820), Paris, 1991, p. 17 : « l'élevage dans le système ancien était directement subordonné
aux cultures céréalières ; on élevait du bétail pour travailler la terre et pour obtenir du fumier ».
Cette observation ne vaut apparemment que pour les régions à prédominance céréalière. F. Brau-
del, op. cit., vol. 1, p.126, souligne avec vigueur qu'il existe de nombreuses régions tant en France
qu'en Europe, où l'herbe l'emporte sur le blé, où le bétail est la richesse dominante qui procure
un surplus commercial dont chacun peut vivre. L'auteur s'inspire de l'article de Jacques Mulliez,
Du blé, « mal nécessaire ». Réflexions sur les progrès de l'agriculture, 1750-1850, dans Revue d'his-
toire moderne et contemporaine (RHMC), 1979, p. 3047.
23. Cf. J. N! v. Schwerz, op. cit., p. 14-15.
Economie paysanne et systèmes familiaux en Rhénanie 137
Jusqu'à présent, nous avons parlé des bêtes, leur nombre reflétant
grossièrement la taille des exploitations agricoles du pays. Il en va de
même pour les hommes. A l'époque, la notion de la famille est tota-
lement différente de la nôtre. Economie de subsistances oblige, la
famille est avant tout une unité de production dans laquelle chaque
individu tient une place précise26. C'est d'ailleurs pour cette raison
que les statistiques de l'époque n'hésitent pas à assimiler les valets et
servantes aux fils et filles de la famille qui sont âgés de 10, voire de
14 ans. Ainsi, notre statistique de 1762 parle textuellement de la com-
position des ménages dans laquelle sont intégrés les domestiques27.
D'ailleurs, ne mangent-ils pas tous à la même table, tout en respectant
scrupuleusement la hiérarchie du travail et de l'âge, à l'instar du
grand ménage de La Bretonne ? Ménage patriarcal oblige, le paysan
préside à la table ; à sa gauche se trouve sa femme suivie des filles,
selon l'ordre décroissant de leur âge, et des servantes. A sa droite, le
premier valet ouvre la file des mâles, suivi du second valet, etc., y com-
pris des fils. Le garçon, âgé de quatorze ans en général et qui garde le
cheptel comme Kuwhard, Schoaphard ou Geithard (gardien de vaches,
moutons ou chèvres), est le dernier des mâles à cette tablée pay-
sanne ; il est assis en face des plus jeunes servantes28. Il est rare qu'on
signale la présence des grands-parents ou des oncles ou tantes. Même
chez les gros paysans, prédomine la famille nucléaire élargie seule-
ment par les domestiques. Inversement, les modestes familles de jour-
naliers et d'artisans, pourvoyeuses des domestiques, ne vivent même
pas sous la forme nucléaire, mais sous une forme éclatée de façon
chronique. Les bouches à nourrir au-delà de quatorze ans doivent
trouver leurs subsistances sur les fermes du lieu, sinon hors du village
natal. L'émigration gueldrienne a bien un fondement structurel donc.
Nous avons présenté plus haut les familles de Kevelaer, proprié-
taires de un à quatre chevaux, sans omettre de préciser la composi-
29. Il est probablement décédé après 1756, puisque le ménage compte onze personnes à cette
date.
140 Josef Smets