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Séance 1 : le portrait fixe : Aramis

« N’est-ce pas, Aramis ? » dit Porthos se tournant vers un autre mousquetaire.


Cet autre mousquetaire formait un contraste parfait avec celui qui l’interrogeait et qui venait de le désigner sous le
nom d’Aramis : c’était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans à peine, à la figure naïve et doucereuse, à
l’œil noir et doux et aux joues roses et veloutées comme une pêche en automne ; sa moustache fine dessinait sur sa
lèvre supérieure une ligne d’une rectitude parfaite ; ses mains semblaient craindre de s’abaisser, de peur que leurs
veines ne se gonflassent, et de temps en temps il se pinçait le bout des oreilles pour les maintenir d’un incarnat
tendre et transparent. D’habitude il parlait peu et lentement, saluait beaucoup, riait sans bruit en montrant ses dents,
qu’il avait belles et dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre le plus grand soin. Il répondit par un
signe de tête affirmatif à l’interpellation de son ami.

Exercice : accorder les adjectifs de ce texte


Mme Bonacieux était une (charmant) femme de vingt-cinq à vingt-six ans, (brun) avec des yeux (bleu), ayant un nez
légèrement (retroussé), des dents (admirable), un teint (marbré) de rose et d’opale.
Anne d’Autriche avait alors vingt-six ou vingt-sept ans, c'est-à-dire qu’elle se trouvait dans tout l’éclat de sa beauté.
Sa démarche était celle d’une reine ou d’une déesse ; ses yeux, qui jetaient des reflets d’émeraude, étaient
parfaitement (beau), et tout à la fois pleins de douceur et de majesté. Sa bouche était (petit) et (vermeil), et quoique
sa lèvre (inférieur), comme celle des princes de la maison d’Autriche, avançât légèrement sur l’autre, elle était
éminemment (gracieux) dans le sourire, mais aussi profondément (dédaigneux) dans le mépris. Sa peau était citée
pour sa douceur et son velouté, ses mains et ses bras étaient d’une beauté (surprenant) et tous les poètes du temps les
chantaient comme (incomparable). Enfin ses cheveux, qui, de (blond) qu’ils étaient dans sa jeunesse, étaient devenus
(châtain), et qu’elle portait (frisé), très (clair) et avec beaucoup de poudre, encadraient admirablement son visage.

Accordez les adjectifs comme il convient dans les phrases suivantes :


a) Elle fronçait le pli d’entre ses (noir) ………………… sourcils sur ses yeux (bleu clair)…………………, en
faisant siffler une fine cravache.
b) Sa peau se colorait de tons (doré)……………… et (fauve)……………… comme celle d’une gitana.
c) Les deux enfants, du reste gracieusement (attifé)…………………, et avec quelque recherche, rayonnaient ; on eût
dit deux roses dans de la ferraille ; leurs yeux étaient un triomphe ; leurs (frais)……………… joues riaient. L’une
était (châtain)……………, l’autre était (brun)……………. Leurs (naïf)……………… visages étaient deux
étonnements (ravi)……………….
d) Une redingote (bleu foncé)…………………… une cravate (noir)…………… à pois dont le nœud n’avait rien
d’(apprêté)……………… ni de (négligé)……………… non plus, un gilet de même dessin que la cravate, un
pantalon (gris clair)……………………, tombant sur une botte (fin)………………, composaient sa toilette.

Exercice bilan sur les expansions du nom sur le portrait de Milady


Son interlocutrice, dont la tête apparaissait encadrée par la portière, était une femme de vingt à vingt-deux ans. Nous
avons déjà dit avec quelle rapidité d’investigation d’Artagnan embrassait toute une physionomie ; il vit donc du
premier coup d’œil que la femme était jeune et belle. Or cette beauté le frappa d’autant plus qu’elle était
parfaitement étrangère aux pays méridionaux que jusque-là d’Artagnan avait habités. C’était une pâle et blonde
personne, aux longs cheveux bouclés tombant sur ses épaules, aux grands yeux bleus languissants, aux lèvres rosées
et aux mains d’albâtre.
1. relever un adjectif épithète 4. relever une proposition subordonnée relative
2. relever un adjectif attribut 5. quel est le groupe nominal minimal dans la dernière
3. relever un complément du nom phrase

Exercice : Bien employer les pronoms relatifs. Transformez les couples de phrases simples en une phrase
complexe en remplaçant le nom en gras par le pronom relatif qui convient.
1. La fillette avait un visage ingrat. Son visage inspirait de la répulsion. 2. Jean Valjean s’adressa à l’évêque. On lui
avait recommandé l’évêque. 3. On lui montra le bagnard. Chacun dans le village parlait du bagnard. 4. Victor Hugo
a écrit un roman sur les misérables. Toute sa vie, il s’est intéressé aux misérables. 5. Ses sourcils assombrissent son
regard. L’arcade de ses sourcils est proéminente.
Séance 2 : Le portrait par touches successives : D’Artagnan

Un jeune homme… – traçons son portrait d’un seul trait de plume : figurez-vous don Quichotte1 à dix-huit
ans, don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissards, don Quichotte revêtu d’un pourpoint de laine dont la
couleur bleue s’était transformée en une nuance insaisissable de lie-de-vin et d’azur céleste. Visage long et brun ; la
pommette des joues saillante, signe d’astuce ; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible
auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d’une espèce de plume ;
l’œil ouvert et intelligent ; le nez crochu, mais finement dessiné ; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un
homme fait, et qu’un œil peu exercé eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans sa longue épée qui, pendue à un
baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il
était à cheval.

Car notre jeune homme avait une monture, et cette monture était même si remarquable, qu’elle fut
remarquée : c’était un bidet du Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe, sans crins à la queue, mais non
pas sans javarts aux jambes, et qui, tout en marchant la tête plus bas que les genoux, ce qui rendait inutile
l’application de la martingale, faisait encore également ses huit lieues par jour. Malheureusement les qualités de ce
cheval étaient si bien cachées sous son poil étrange et son allure incongrue, que dans un temps où tout le monde se
connaissait en chevaux, l’apparition du susdit bidet à Meung, où il était entré il y avait un quart d’heure à peu près
par la porte de Beaugency, produisit une sensation dont la défaveur rejaillit jusqu’à son cavalier.

Et cette sensation avait été d’autant plus pénible au jeune d’Artagnan (ainsi s’appelait le don Quichotte de
cette autre Rossinante), qu’il ne se cachait pas le côté ridicule que lui donnait, si bon cavalier qu’il fût, une pareille
monture ; aussi avait-il fort soupiré en acceptant le don que lui en avait fait M. d’Artagnan père. Il n’ignorait pas
qu’une pareille bête valait au moins vingt livres : il est vrai que les paroles dont le présent avait été accompagné
n’avaient pas de prix. (…)

Avec un pareil vade-mecum, d’Artagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du héros
de Cervantes, auquel nous l’avons si heureusement comparé lorsque nos devoirs d’historien nous ont fait une
nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des
armées, d’Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en résulta qu’il eut
toujours le poing fermé depuis Tarbes jusqu’à Meung, et que l’un dans l’autre il porta la main au pommeau de son
épée dix fois par jour ; toutefois le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et l’épée ne sortit point de son fourreau.
Ce n’est pas que la vue du malencontreux bidet jaune n’épanouît bien des sourires sur les visages des passants ;
mais, comme au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et qu’au-dessus de cette épée brillait un œil
plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou, si l’hilarité l’emportait sur la prudence, ils tâchaient
au moins de ne rire que d’un seul côté, comme les masques antiques. D’Artagnan demeura donc majestueux et intact
dans sa susceptibilité jusqu’à cette malheureuse ville de Meung. (…)

Cette fois, il n’y avait plus de doute, d’Artagnan était réellement insulté. Aussi, plein de cette conviction,
enfonça-t-il son béret sur ses yeux, et, tâchant de copier quelques-uns des airs de cour qu’il avait surpris en
Gascogne chez des seigneurs en voyage, il s’avança, une main sur la garde de son épée et l’autre appuyée sur la
hanche. Malheureusement, au fur et à mesure qu’il avançait, la colère l’aveuglant de plus en plus, au lieu du discours
digne et hautain qu’il avait préparé pour formuler sa provocation, il ne trouva plus au bout de sa langue qu’une
personnalité grossière qu’il accompagna d’un geste furieux. (…)

Questions :
1. Relevez toutes les expressions qui donnent des indications sur l’âge du personnage.
2. A qui le personnage est-il comparé ? Cette comparaison le met-elle en valeur ?
3. La description de D’Artagnan est-elle précise ? Comment est-elle organisée dans le premier
paragraphe ?
4. Quelle impression générale ce portrait donne-t-il sur le personnage ?
5. Que signifient les nombreux points de suspension entre parenthèses à la fin des paragraphes ?

Séance 3 : le portrait en actes : D’Artagnan


1
Don Quichotte, héros d’un roman de Cervantès au XVIe siècle, est un petit noble espagnol qui décide de devenir chevalier.
Accompagné de son écuyer, le fidèle Sancho Panza, il part sur les routes d’Espagne pour des exploits héroïques… mais il prend
les moulins à vent pour des géants et rien ne se passe comme prévu. Le roman, Don Quichotte, est une parodie des romans de
chevalerie.
Quant à d’Artagnan, il se trouva lancé contre Jussac lui-même.
Le cœur du jeune Gascon battait à lui briser la poitrine, non pas de peur, Dieu merci ! il n’en avait pas
l’ombre, mais d’émulation ; il se battait comme un tigre en fureur, tournant dix fois autour de son adversaire,
changeant vingt fois ses gardes et son terrain. Jussac était, comme on le disait alors, friand de la lame, et avait fort
pratiqué ; cependant il avait toutes les peines du monde à se défendre contre un adversaire qui, agile et bondissant,
s’écartait à tout moment des règles reçues, attaquant de tous côtés à la fois, et tout cela en parant en homme qui a le
plus grand respect pour son épiderme.
Enfin cette lutte finit par faire perdre patience à Jussac. Furieux d’être tenu en échec par celui qu’il avait
regardé comme un enfant, il s’échauffa et commença à faire des fautes. D’Artagnan, qui, à défaut de la pratique,
avait une profonde théorie, redoubla d’agilité. Jussac, voulant en finir, porta un coup terrible à son adversaire en se
fendant à fond ; mais celui-ci para prime, et tandis que Jussac se relevait, se glissant comme un serpent sous son fer,
il lui passa son épée au travers du corps. Jussac tomba comme une masse. (…)
D’Artagnan, selon les lois du duel de cette époque, pouvait secourir quelqu’un ; pendant qu’il cherchait du
regard celui de ses compagnons qui avait besoin de son aide, il surprit un coup d’œil d’Athos. Ce coup d’œil était
d’une éloquence sublime. Athos serait mort plutôt que d’appeler au secours ; mais il pouvait regarder, et du regard
demander un appui. D’Artagnan le devina, fit un bond terrible et tomba sur le flanc de Cahusac en criant.

Exercice sur Porthos


Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande taille, d’une figure hautaine et d’une
bizarrerie de costume qui attirait sur lui l’attention générale. Il ne portait pas, pour le moment, la casaque
d’uniforme, qui, au reste, n’était pas absolument obligatoire dans cette époque de liberté moindre mais
d’indépendance plus grande, mais un justaucorps bleu de ciel, tant soit peu fané et râpé, et sur cet habit un baudrier
magnifique, en broderies d’or, et qui reluisait comme les écailles dont l’eau se couvre au grand soleil. Un manteau
long de velours cramoisi tombait avec grâce sur ses épaules découvrant par-devant seulement le splendide baudrier
auquel pendait une gigantesque rapière.
Ce mousquetaire venait de descendre de garde à l’instant même, se plaignait d’être enrhumé et toussait de
temps en temps avec affectation. Aussi avait-il pris le manteau, à ce qu’il disait autour de lui, et tandis qu’il parlait
du haut de sa tête, en frisant dédaigneusement sa moustache, on admirait avec enthousiasme le baudrier brodé, et
d’Artagnan plus que tout autre.
Relever les expansions du nom « baudrier » ligne 4.

Exercice : 1.Dites si les phrases suivantes contiennent des métaphores ou des comparaisons.
2. Précisez quel est le comparé et quel est le comparant dans chaque phrase.
1. Les passants réprimaient leur hilarité, ils tâchaient au moins de ne rire que d’un seul côté comme les masques
antiques.
2. D’Artagnan voyait dans ces hommes des demi-dieux et dans leur chef un Jupiter olympien armé de toutes ses
foudres.
3. Aramis et Porthos se tenaient raides et muets comme à la parade.
4. Les mousquetaires tremblaient devant M. de Tréville comme des écoliers devant leur maître.
5. Le roi a dit qu’il recruterait désormais ses mousquetaires parmi les gardes de M. le Cardinal parce qu’il voyait
bien que sa piquette avait besoin d’être ragaillardie par un mélange de bon vin.
6. Si le cardinal m’a envoyé ce jeune renard…

Exercice : Décrire un visage. Complétez les phrases à l’aide des mots suivants, en faisant les accords
nécessaires : arcade, bombé, broussailleux, busqué, crochu, favori, galoche, pommette, proéminent, saillant,
tempe.
De ses … descendaient des … roux qui lui mangeaient les joues. Son front, … et … , faisait penser à l’homme de
Cro-Magnon. Des sourcils … surmontaient des … sourcilières … . Son nez, … et … , lui donnait un air sournois.
Seules ses … rouges et rebondies adoucissaient l’impression désagréable de son visage. Mais le menton en …
achevait ce tableau peu séduisant.

Séance 5 Le vocabulaire valorisant et dévalorisant : portrait d’Athos


Portrait _____________________
De tous ses amis, Athos était le plus âgé, et partant le moins rapproché en apparence de ses goûts et de ses
sympathies.
Cependant, il (d’Artagnan) avait pour ce gentilhomme une préférence marquée. L’air noble et distingué
d’Athos, ces éclairs de grandeur qui jaillissaient de temps en temps de l’ombre où il se tenait volontairement
enfermé, cette inaltérable égalité d’humeur qui en faisait le plus facile compagnon de la terre, cette gaieté forcée et
mordante, cette bravoure qu’on eût appelée aveugle, si elle n’eût été le résultat du plus rare sang-froid, tant de
qualités attiraient plus que l’estime, plus que l’amitié de d’Artagnan, elles attiraient son admiration.
En effet, considéré même auprès de M. de Tréville, l’élégant et noble courtisan, Athos, dans ses jours de
belle humeur, pouvait soutenir avantageusement la comparaison ; il était de taille moyenne, mais cette taille était si
admirablement prise et si bien proportionnée, que, plus d’une fois, dans ses luttes avec Porthos, il avait fait plier le
géant dont la force physique était devenue proverbiale parmi les mousquetaires ; sa tête, aux yeux perçants, au
nez droit, au menton dessiné comme celui de Brutus, avait un caractère indéfinissable de grandeur et de grâce ; ses
mains, dont il ne prenait aucun soin, faisaient le désespoir d’Aramis, qui cultivait les siennes à grand renfort de pâte
d’amandes et d’huile parfumée ; le son de sa voix était pénétrant et mélodieux tout à la fois, et puis, ce qu’il y avait
d’indéfinissable dans Athos, qui se faisait toujours obscur et petit, c’était cette science du monde et des usages de la
plus brillante société, cette habitude de bonne maison qui perçait comme à son insu dans ses moindres actions.
S’agissait-il d’un repas, Athos l’ordonnait mieux qu’aucun homme du monde, plaçant chaque convive à sa
place et au rang que lui avaient faits ses ancêtres ou qu’il s’était faits lui-même. S’agissait-il de science héraldique,
Athos connaissait toutes les familles nobles du royaume, leur généalogie, leurs alliances, leurs armes et l’origine de
leurs armes. L’étiquette n’avait pas de minuties qui lui fussent étrangères, il savait quels étaient les droits des grands
propriétaires, il connaissait à fond la vénerie et la fauconnerie, et un jour il avait, en causant de ce grand art, étonné
le roi Louis XIII lui-même, qui cependant y était passé maître.
Comme tous les grands seigneurs de cette époque, il montait à cheval et faisait des armes dans la perfection.
En outre, sa probité était inattaquable, dans ce siècle où les hommes de guerre transigeaient si facilement avec leur
religion et leur conscience, les amants avec la délicatesse rigoureuse de nos jours, et les pauvres avec le septième
commandement de Dieu. C’était donc un homme fort extraordinaire qu’Athos.

Portrait _____________________
Et cependant, on voyait cette nature si distinguée, cette créature si belle, cette essence si fine, tourner
insensiblement vers la vie matérielle, comme les vieillards tournent vers l'imbécillité physique et morale. Athos,
dans ses heures de privation, et ces heures étaient fréquentes, s'éteignait dans toute sa partie lumineuse, et son côté
brillant disparaissait comme dans une profonde nuit.
Alors, le demi-dieu évanoui, il restait à peine un homme. La tête basse, l'oeil terne, la parole lourde et
pénible, Athos regardait pendant de longues heures soit sa bouteille et son verre, soit Grimaud, qui, habitué à lui
obéir par signes, lisait dans le regard atone de son maître jusqu'à son moindre désir, qu'il satisfaisait aussitôt. La
réunion des quatre amis avait-elle lieu dans un de ces moments-là, un mot, échappé avec un violent effort, était tout
le contingent qu'Athos fournissait à la conversation. En échange, Athos à lui seul buvait comme quatre, et cela sans
qu'il y parût autrement que par un froncement de sourcil plus indiqué et par une tristesse plus profonde.
D'Artagnan, dont nous connaissons l'esprit investigateur et pénétrant, n'avait, quelque intérêt qu'il eût à
satisfaire sa curiosité sur ce sujet, pu encore assigner aucune cause à ce marasme, ni en noter les occurrences. Jamais
Athos ne recevait de lettres, jamais Athos ne faisait aucune démarche qui ne fût connue de tous ses amis.
On ne pouvait dire que ce fût le vin qui lui donnât cette tristesse, car au contraire il ne buvait que pour
combattre cette tristesse, que ce remède, comme nous l'avons dit, rendait plus sombre encore. On ne pouvait
attribuer cet excès d'humeur noire au jeu, car, au contraire de Porthos, qui accompagnait de ses chants et de ses
jurons toutes les variations de la chance, Athos, lorsqu'il avait gagné, demeurait aussi impassible que lorsqu'il avait
perdu. On l'avait vu au cercle des mousquetaires gagner un soir mille pistoles, les perdre jusqu'au ceinturon brodé
d'or des jours de gala ; regagner tout cela, plus cent louis, sans que son beau sourcil noir eût haussé ou baissé d'une
demi-ligne, sans que ses mains eussent perdu leur nuance nacrée, sans que sa conversation, qui était agréable ce soir-
là, eût cessé d'être calme et agréable.
Ce n'était pas non plus, comme chez nos voisins les Anglais, une influence atmosphérique qui assombrissait
son visage, car cette tristesse devenait plus intense en général vers les beaux jours de l'année ; juin et juillet étaient
les mois terribles d'Athos.
Pour le présent, il n'avait pas de chagrin, il haussait les épaules quand on lui parlait de l'avenir ; son secret était donc
dans le passé, comme on l'avait dit vaguement à d'Artagnan.
Cette teinte mystérieuse répandue sur toute sa personne rendait encore plus intéressant l'homme dont jamais
les yeux ni la bouche, dans l'ivresse la plus complète, n'avaient rien révélé, quelle que fût l'adresse des questions
dirigées contre lui.
Séance 6 Un personnage, plusieurs points de vue
Milady décrite par Lord de Winter :
- Maintenant, dit le baron, regardez cette femme : elle est jeune, elle est belle, elle a toutes les séductions de la terre,
eh bien ! c'est un monstre qui, à vingt-cinq ans, s'est rendu coupable d'autant de crimes que vous pouvez en lire en un
an dans les archives de nos tribunaux ; sa voix prévient en sa faveur, sa beauté sert d'appât aux victimes, son corps
même paie ce qu'elle a promis, c'est une justice à lui rendre, elle essaiera de vous séduire, peut-être même essaiera-t-
elle de vous tuer. Je vous ai tiré de la misère, Felton, je vous ai fait nommer lieutenant, je vous ai sauvé la vie une
fois, vous savez à quelle occasion ; je suis pour vous non seulement un protecteur, mais un ami ; non seulement un
bienfaiteur, mais un père ; cette femme est revenue en Angleterre afin de conspirer contre ma vie ; je tiens ce serpent
entre mes mains ; eh bien, je vous fais appeler et vous dis : Ami Felton, John, mon enfant, garde-moi et surtout
garde-toi de cette femme ; jure sur ton salut de la conserver pour le châtiment qu'elle a mérité. John Felton, je me fie
à ta parole ; John Felton, je crois à ta loyauté.
- Milord, dit le jeune officier, en chargeant son regard pur de toute la haine qu'il put trouver dans son coeur ; milord,
je vous jure qu'il sera fait comme vous désirez.
Milady reçut ce regard en victime résignée : il était impossible de voir une expression plus soumise et plus douce
que celle qui régnait alors sur son beau visage. A peine si lord de Winter lui-même reconnut la tigresse qu'un instant
auparavant il s'apprêtait à combattre.

Milady décrite par son geôlier, Felton, et par le narrateur :


Ce couplet, dans lequel la terrible enchanteresse s'efforça de mettre toute son âme, acheva de porter le désordre dans
le coeur du jeune officier ; il ouvrit brusquement la porte et Milady le vit apparaître pâle comme toujours, mais les
yeux ardents et presque égarés.
- Pourquoi chantez-vous ainsi, dit-il, et avec une pareille voix ?
- Pardon, monsieur, dit Milady avec douceur, j'oubliais que mes chants ne sont pas de mise dans cette maison. Je
vous ai peut-être offensé dans vos croyances ; mais c'était sans le vouloir, je vous jure ; pardonnez-moi donc une
faute qui est peut-être grande, mais qui certainement est involontaire.
Milady était si belle dans ce moment, l'extase religieuse dans laquelle elle semblait plongée donnait une telle
expression à sa physionomie, que Felton, ébloui, crut voir l'ange que tout à l'heure il croyait seulement entendre. (…)
Cette fois Felton, tout impassible qu'il était ou qu'il faisait semblant d'être, ne put résister à l'influence secrète qui
s'était déjà emparée de lui : voir cette femme si belle, blanche comme la plus candide vision, la voir tour à tour
éplorée et menaçante, subir à la fois l'ascendant de la douleur et de la beauté, c'était trop pour un visionnaire, c'était
trop pour un cerveau miné par les rêves ardents de la foi extatique, c'était trop pour un coeur corrodé à la fois par
l'amour du Ciel qui brûle, par la haine des hommes qui dévore.
Milady vit le trouble, elle sentait par intuition la flamme des passions opposées qui brûlaient avec le sang dans les
veines du jeune fanatique ; et, pareille à un général habile qui, voyant l'ennemi prêt à reculer, marche sur lui en
poussant un cri de victoire, elle se leva, belle comme une prêtresse antique. …
Felton s'arrêta sous cette étrange apostrophe, et comme pétrifié.
- Qui êtes-vous, qui êtes-vous ? s'écria-t-il en joignant les mains ; êtes- vous une envoyée de Dieu, êtes-vous un
ministre des enfers, êtes-vous ange ou démon, vous appelez-vous Eloa ou Astarté ?

Milady décrite par D’Artagnan :


« Oh ! oh ! pensa d'Artagnan, elle n'a jamais été si charmante, défions nous. »
Milady prit l'air le plus affectueux qu'elle put prendre, et donna tout l'éclat possible à sa conversation. En même
temps cette fièvre qui l'avait abandonnée un instant revenait rendre l'éclat à ses yeux, le coloris à ses joues, le carmin
à ses lèvres. D'Artagnan retrouva la Circé qui l'avait déjà enveloppé de ses enchantements. Son amour, qu'il croyait
éteint et qui n'était qu'assoupi, se réveilla dans son coeur. Milady souriait et d'Artagnan sentait qu'il se damnerait
pour ce sourire….
- Hélas ! n'aimez-vous que cela en moi ? demanda d'Artagnan.
- Je vous aime aussi, vous, dit-elle en lui prenant la main.
Et l'ardente pression fit frissonner d'Artagnan, comme si, par le toucher, cette fièvre qui brûlait Milady le gagnait lui-
même.
- Vous m'aimez, vous ! s'écria-t-il. Oh ! si cela était, ce serait à en perdre la raison.
Et il l'enveloppa de ses deux bras. Elle n'essaya point d'écarter ses lèvres de son baiser, seulement elle ne le lui rendit
pas.
Ses lèvres étaient froides : il sembla à d'Artagnan qu'il venait d'embrasser une statue.
Il n'en était pas moins ivre de joie, électrisé d'amour ; il croyait presque à la tendresse de Milady ; il croyait presque
au crime de de Wardes. Si de Wardes eût été en ce moment sous sa main, il l'eût tué.

Evaluation : Rédaction sur Jussac


Faire le portrait de l’adversaire de D’Artagnan : Jussac.
Vous ferez dans un premier paragraphe son portrait physique puis, dans un deuxième paragraphe,
son portrait en actes.
Vous veillerez à utiliser des expansions du nom variées.
Critères d’évaluation :
Caractéristiques du portrait physique respectées /4 Utilisation de propositions subordonnées relatives. /1
Caractéristiques du portrait moral respectées /4 Présence d’une comparaison ou d’une métaphore /1
Caractéristiques du portrait en actes respectées /4 Grammaire / Orthographe / Conjugaison /4
Utilisation d’adjectifs épithètes et attributs. /1 Qualité du vocabulaire employé.
Utilisation de compléments du nom. /1

Exercice objectif brevet : Remplacez « Milady » par « Charles ». Réécrivez ce texte en faisant toutes les
modifications nécessaires.
Cependant Milady, ivre de colère, rugissant sur le pont du bâtiment, comme une lionne qu’on embarque, avait été
tentée de se jeter à la mer pour regagner la côte, car elle ne pouvait se faire à l’idée qu’elle avait été insultée par
d’Artagnan, menacée par Athos, et qu’elle quittait la France sans se venger d’eux. Bientôt, cette idée était devenue
pour elle tellement insupportable, qu’au risque de ce qui pourrait arriver de terrible pour elle-même, elle avait
supplié le capitaine de la jeter sur la côte.

Evaluation finale

Debout devant la cheminée était un homme de moyenne taille, à la mine haute et fière, aux yeux perçants, au
front large, à la figure amaigrie qu’allongeait encore une royale1 surmontée d’une paire de moustaches. Quoique cet
homme eût trente-six à trente-sept ans à peine, cheveux, moustache et royale s’en allaient grisonnant. Cet homme,
moins l’épée, avait toute la mine d’un homme de guerre, et ses bottes de buffle encore légèrement couvertes de
poussière indiquaient qu’il avait monté à cheval dans la journée.
Cet homme, c’était Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, non point tel qu’on nous le représente,
cassé comme un vieillard, souffrant comme un martyr, le corps brisé, la voix éteinte, enterré dans un grand fauteuil
comme dans une tombe anticipée, ne vivant plus que par la force de son génie, et ne soutenant plus la lutte avec
l’Europe que par l’éternelle application de sa pensée ; mais tel qu’il était réellement à cette époque, c’est-à-dire
adroit et galant cavalier, faible de corps déjà, mais soutenu par cette puissance morale qui a fait de lui un des
hommes les plus extraordinaires qui aient existé ; se préparant enfin, après avoir soutenu le duc de Nevers dans son
duché de Mantoue, après avoir pris Nîmes, Castres et Uzès, à chasser les Anglais de l’île de Ré et à faire le siège de
La Rochelle.
Questions :
1. Qui est le personnage décrit dans ce portrait ?
2. Ce portrait est-il fixe ou en actes ? Justifiez.
3. Ce portrait est à la fois physique et moral. Relevez trois éléments du portrait physique et trois éléments du
portrait moral.
4. Réduisez la première phrase pour ne laisser que des groupes nominaux minimaux. Quelle remarque pouvez-
vous faire sur la nouvelle phrase ainsi obtenue ?
5. Relevez dans le premier paragraphe les expansions du nom suivantes :
- un adjectif dont vous donnerez la fonction
- un complément du nom et une apposition
- une proposition subordonnée relative dont vous donnerez la fonction
6. Relevez un adjectif mis au superlatif. Vous préciserez s’il s’agit d’un superlatif de supériorité ou d’infériorité.
7. Dans le début du deuxième paragraphe (jusqu’à « mais »), le portrait présenté est-il mélioratif ou péjoratif ?
Justifiez votre réponse à l’aide de quelques mots.
8. Qu’en est-il de la fin du deuxième paragraphe ?
9. Relevez un mot ayant un suffixe péjoratif.
10. Quelle est l’opinion du narrateur sur le personnage qu’il décrit ?
11. Ce portrait est-il subjectif ou objectif ? Justifiez votre réponse.
12. Relevez dans le deuxième paragraphe une comparaison que vous découperez en comparé ; comparant ; outil de
comparaison.

1
Toupet, petite barbe laissée sous la lèvre inférieure

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