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Pierre-Antoine PLAQUEVENT

Youssef HINDI

Notre-Dame, Al Aqsa et le troisième Temple


La géopolitique des religions

I - L’incendie de Notre-Dame et la crise de la République

Incohérences techniques et projet de remodelage de l’île de la Cité

Une diversion politique en pleine révolte populaire ?

Quelques parallèles historiques

Persécution de la religion et manipulation du sacré : l’exemple soviétique

La destruction du catholicisme et des églises : une tradition républicaine

Subvertir l’Église pour mieux la faire haïr

Le sacrifice propitiatoire de Notre-Dame pour régénérer la République

Destruction de la cathédrale et construction d’un temple maçonnique

II - De la destruction de Notre-Dame à la reconstruction du Temple de Jérusalem

L’incendie de Notre-Dame, un châtiment divin contre le christianisme ?

L’incendie de la Mosquée d’Al Aqsa et le Troisième Temple de Jérusalem

L’Évangélisme sioniste et la fin de l’Histoire

Le Troisième Temple et la guerre mondiale des religions

III : Les étapes du judéo-christianisme, du Moyen-Âge à nos jours


Quand l’Église réhabilite les pharisiens, ennemis du Christ

La kabbale chrétienne, une arme de subversion de l’Eglise

Un kabbaliste au Vatican
Le frankisme comme prolongement de la kabbale chrétienne

De Jacob Frank à Jean-Paul II via Adam Mickiewicz

La Franc-Maçonnerie et l’Église conciliaire

Vatican II et le judéo-christianisme

Jésus et la Vierge Marie dans la littérature juive et le Talmud

Jésus et la Vierge Marie dans le Coran

Jésus et les pharisiens dans les Évangiles

I - L’incendie de Notre-Dame et la crise de la République


« En politique, rien n’arrive par hasard. Chaque fois qu’un événement survient, on peut être certain
qu’il avait été prévu pour se dérouler ainsi. »

Franklin Delano Roosevelt (1882-1945), 32e président des Etats-Unis

Depuis l’incendie tragique de la cathédrale Notre-Dame survenu au début de la Semaine sainte, le 15


avril 2019, de nombreux doutes ont émergé quant à la version officielle d’un départ de feu
accidentel. Comme toujours en la matière, douter c’est déjà blasphémer pour la médiacratie et on a
ainsi pu voir deux des principaux candidats aux dernières élections européennes être suspectés
de « complotisme »1 pour avoir seulement demandé d’attendre la fin de l’enquête avant de conclure
hâtivement à un simple accident. Mais selon la novlangue dont nous sommes désormais
quotidiennement abreuvés, réfléchir en la matière est déjà suspect ; réfléchir c’est déjà
comploter contre le politiquement correct en quelque sorte… Il est pourtant des pays comme la
Russie où le doute sur la version officielle a fait rapidement l’objet de nombreux débats et reportages
télévisés2. Chez nous il n’a pas fallu vingt-quatre heures au procureur de la République, Rémy Heitz
(qui a été nommé à la suite d’une intervention du président Emmanuel Macron3) pour affirmer que
l’incendie qui a ravagé Notre-Dame était un accident :

« Rien ne va dans le sens d’un acte volontaire… Une enquête a été ouverte pour destruction
involontaire par incendie. La thèse accidentelle est privilégiée. » 4

1
https://www.lexpress.fr/actualite/politique/notre-dame-bardella-revendique-le-droit-de-s-interroger-
sur-l-origine-de-l-incendie_2074250.html
2
https://tvzvezda.ru/schedule/programs/content/201808241352-z30e.htm/201904180908-8yd3.htm
3
https://francais.rt.com/france/54274-macron-accuse-dintervenir-dans-choix-futur-procureur-paris-opposition-
insurge
4
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/incendie-de-notre-dame-la-piste-accidentelle-est-
privilegiee_2073282.html
Ces conclusions ont été confirmées par le laboratoire central de la Préfecture de Police le 19 juin
2019 dernier qui affirme :

« Les décombres ne contiennent aucune trace d’hydrocarbures ou de produits accélérateurs de


flammes ». Aucun indice ne permet d’accréditer l’hypothèse d’une intrusion extérieure . » 5

Les enquêteurs privilégient la piste d’un départ de feu depuis une installation électrique de chantier
défectueuse :

« Les enquêteurs se sont aperçus qu’un coffret électrique était resté sous tension le jour du sinistre
après le départ des ouvriers. Il était fixé sur une poutre de la charpente près de l’endroit où le feu
s’est déclaré. Les salariés d’Europe Échafaudage pensaient l’avoir coupé. Les disjoncteurs installés
n’ont pas fonctionné suite à une erreur de montage électrique. Selon Le Canard enchaîné, le boîtier
électrique aurait par ailleurs été monté clandestinement par la société Europe Échafaudage. Le
responsable chargé de vérifier les installations électriques du chantier aurait affirmé à la police
n'avoir jamais eu connaissance de ce coffret électrique. » 6

Incohérences techniques et projet de remodelage de l’île de la Cité


Pourtant douter semble légitime au regard des interrogations d’ordre technique qui existent quant à
la version d’un accident qui nous est présentée dès le départ. Par exemple
l’intervention7 de Benjamin Mouton8, ancien architecte en chef des Monuments historiques en
charge de Notre-Dame jusqu’en 2013, qui a ainsi expliqué9 dès les jours suivants l’incendie :

« La protection incendie mise en place dans la cathédrale était à son plus haut niveau (…) En
quarante ans d’expérience, je n’ai jamais connu un incendie de la sorte. (…) Lorsque je me suis
occupé de la détection incendie, qui a été un dispositif très onéreux, il fallait très peu de minutes
pour qu’un agent aille faire la levée de doute, nous avons fait remplacer de nombreuses portes en
bois par des portes coupe-feu, nous avons limité tous les appareils électriques, qui étaient interdits
dans les combles. (…) L’incendie n’a pas pu partir d’un court-circuit, d’un simple incident ponctuel. Il
faut une vraie charge calorifique au départ pour lancer un tel sinistre. Le chêne est un bois
particulièrement résistant. (…) En 2010, on a remis à plat toutes les installations électriques de
Notre-Dame, donc il n’y a pas de possibilité de court-circuit. On a remis à plat, et aux normes
contemporaines, même en allant très loin, toute la détection et protection incendie de la cathédrale :

5
https://www.atlantico.fr/pepite/3574673/notre-dame-de-paris--l-incendie-aurait-ete-cause-par-une-
serie-de-negligences-canard-enchaine-drac-elytis-europe-echafaudage
6
https://www.atlantico.fr/pepite/3574673/notre-dame-de-paris--l-incendie-aurait-ete-cause-par-une-
serie-de-negligences-canard-enchaine-drac-elytis-europe-echafaudage
7
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Notre-Dame-Un-expert-de-la-construction-Il-faut-une-vraie-
charge-calorifique-au-depart-pour-lancer-54404.html
8
https://www.breizh-info.com/2019/04/19/116977/larchitecte-de-notre-dame-de-paris-ne-croit-pas-a-
la-these-de-laccident-video
9
https://www.batiactu.com/edito/notre-dame-apres-incendie-rien-n-est-fini-selon-ex-56147.php?
avec des éléments de témoins de mesure, d’aspiration etc., qui permettaient de détecter un départ
de feu. Et en bas de la cathédrale, il y a deux hommes en permanence, qui sont là jour et nuit pour
aller voir dès qu’il y a une alerte et appeler les pompiers (…) Dans ce genre de chantier, et en
particulier à Notre-Dame, il y a un encadrement technique, normatif, de contrôle etc., qui est
considérable, qu’on ne voit nulle part ailleurs. Donc là, je dois dire que je suis assez stupéfait. » 10

D’aucuns diront qu’en tant qu’ancien responsable, il cherche logiquement à se couvrir, toujours est-il
que son expertise qualifiée ne peut être écartée par les autorités dans leur enquête si elle se veut
honnête et plausible. Suite à ces remarques, dans le cadre d’un débat public, le journal Marianne
interrogera11 à son tour un autre ingénieur, le professeur d’ingénierie mécanique à l’université de
Versailles Paolo Vannucci, auteur d’un rapport classé « confidentiel défense »12 : « qui a effectué une
recherche sur les risques d’attentat et la sécurité de la cathédrale Notre-Dame de Paris dans laquelle
il évoquait aussi les risques d’incendie en raison du manque de dispositifs de sécurité ». Le Professeur
Vannucci avance au contraire l’idée que le système anti-incendie aurait été quasiment absent de la
toiture de Notre-Dame : « En vérité, il n’y avait pratiquement aucun système anti-incendie,
notamment dans les combles où il n’y avait aucun système électrique pour éviter les risques de court-
circuit et d’étincelle. J’imagine qu’on avait installé quelque chose de provisoire dans le cadre des
travaux de réfection, mais je n’en suis pas sûr. Au niveau de la charpente, lorsque nous avons fait
notre recherche, il n’y avait aucune protection. »13

Il y a là un débat technique qu’il conviendrait de trancher avec le droit d’évoquer toutes les
hypothèses. Cette latitude semble être systématiquement retirée au débat public.

On notera aussi l’étrange première alerte incendie14 de 18h20 qui n’a pas été prise en compte, soit
avant celle de 18h43 qui signalera réellement l’incendie. Entre les deux alertes, 23 précieuses
minutes s’écouleront.

Mais surtout ce sont les vastes projets de restructuration de l’Île de la Cité et des alentours de Notre-
Dame élaborés au cours des dernières années qui sont de nature à semer le doute dans les esprits.
Parmi ces projets une opération de grande envergure planifiée depuis 2016 et concernant le site de
Notre-Dame de Paris et de l’Île de la Cité est de nature à retenir notre attention. Un dossier récent
publié sur le site Katehon résume les grandes lignes de ce projet :

« L’incendie de Notre-Dame est une véritable aubaine pour ses partisans (…) Avez-vous entendu
parler du rapport Perrault et Bélaval ? Ce rapport a été commandé par François Hollande et Anne
Hidalgo en décembre 2015.
10
http://www.comite-valmy.org/spip.php?breve1704
https://www.batiacthysu.com/edito/notre-dame-apres-incendie-rien-n-est-fini-selon-ex-56147.php

11
https://www.marianne.net/societe/notre-dame-de-paris-nous-avions-alerte-le-cnrs-sur-les-risques-d-
incendie
12
https://www.batiactu.com/edito/lanceur-alerte-notre-dame-s-exprime-sur-consequences-56219.php
13
https://www.batiactu.com/edito/lanceur-alerte-notre-dame-s-exprime-sur-consequences-56219.php
14
https://www.liberation.fr/checknews/2019/04/17/notre-dame-pourquoi-la-premiere-alarme-incendie-
n-a-pas-permis-de-reperer-le-depart-de-feu_1721925
En Décembre 2016, un projet de refonte globale de l’Île de la Cité a été présenté au président
François Hollande. Ce rapport prévoit :

• 100.000 m² créés – (ayant une valeur foncière dépassant le milliard d’euros),

• La privatisation du patrimoine publique (47% de foncier est détenu par le public) –


(plusieurs centaines de millions d’euros),

• Monétisation du flux du premier site touristique de France – (plusieurs centaines de


millions d’euros pour 15 millions de visiteurs annuels),

Comme le souligne le rapport dont vous allez lire quelques extraits, un tel projet n’a aucune chance
de voir le jour (…) Cependant, depuis le drame du 15 avril au soir, où le monde entier a vu en
quelques heures des poutres de 800 ans brûler comme de la paille, nous assistons à un véritable bal
de coïncidences. » 15

On découvre ainsi les projets grandioses prévus depuis plusieurs années par l’architecte Dominique
Perrault qui proposait dès 2016 une refonte complète de l’Île de la Cité d’ici à 2040. Citons ici la
vision du bâtisseur/démolisseur que résumait le Journal du Dimanche16 en 2016, puis en 2017 :

« Le parvis de Notre-Dame recouvert d’une immense dalle de verre au-dessus de la crypte


archéologique ; aux pieds de la cathédrale, un débarcadère et des plates-formes flottantes
accueillant piscine, cafés, restaurants, salles de concert ; le long de la Seine, une longue promenade
végétalisée, débarrassée des voitures, reliant les pointes aval et amont de l’Île ; deux nouvelles
passerelles qui franchissent le fleuve ; un peu partout, des verrières, des passages couverts, des
galeries souterraines, des atriums en sous-sols. (…) Voilà quelques-unes des 35 propositions –
spectaculaires – contenues dans le rapport remis vendredi soir au président de la République et à la
maire de Paris dans les salons de l’Élysée. (…) Ce document de 56 pages a été rédigé par l’architecte
Dominique Perrault (le concepteur de la BNF, à Paris) et le président du Centre des monuments
nationaux, Philippe Bélaval. »17

Et la vision d’avenir de se préciser :

« Après plus d’un millénaire de présence humaine, le centre névralgique de la capitale se trouve face
à une opportunité unique d’écrire une nouvelle page de son histoire. Le Palais de justice

15
http://katehon.com/fr/article/un-projet-foncier-de-plusieurs-milliards-entoure-notre-dame-de-paris-depuis-
2016

16
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/A-Paris-un-projet-spectaculaire-pour-l-ile-de-la-Cite-
833143?fbclid=IwAR3yX1ZUjTrg8o4wfzFvLbObzVNrDFvQDIcxrHIzLxJev0fUkjPlEyKUvpI
17
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/A-Paris-un-projet-spectaculaire-pour-l-ile-de-la-Cite-
833143?fbclid=IwAR3yX1ZUjTrg8o4wfzFvLbObzVNrDFvQDIcxrHIzLxJev0fUkjPlEyKUvpI

Sur l’architecture post-moderne et son idéologie voir :


· L'Effondrement de la Très Grande Bibliothèque nationale de France : ses causes, ses conséquences, Paris,
Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, 1999 (ISBN 2910386104)
· Après l'effondrement : notes sur l'utopie néotechnologique, Paris, Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances,
2000 (ISBN 2910386139)
déménagera en 2018 aux Batignolles (17e) – sauf la cour d’appel et la Cour de cassation ; de même,
la PJ quittera le 36 quai des Orfèvres en 2017 ; les prérogatives de la préfecture de police doivent
changer avec la réforme du statut de Paris ; et l’Hôtel-Dieu est en pleine restructuration. La
piétonnisation des berges rive droite aura un « impact considérable » sur l’« île monument » en vis-à-
vis. Sans oublier la possible organisation des JO en 2024 et de l’Exposition universelle en 2025. »18

Un rapport qui rappelle que « la dernière intervention d’ensemble des pouvoirs publics sur l’île est
celle du baron Haussmann ». Rappelons ici que pour certains chercheurs – souvent marxistes –
l’haussmannisation de Paris du fait de sa « destruction créatrice »19 architecturale accélérée
modernisera un Paris souvent insalubre mais génèrera aussi une forme de « ségrégation spatiale »20
des classes pauvres qui préparera le terrain pour le déclenchement de la Commune de Paris en 1871.
Une situation qui évoque la situation insurrectionnelle actuelle des Gilets Jaunes face à la relégation
en périphérie des classes populaires contemporaines. En restructuration permanente, déjà
lourdement abîmé par les manies égyptiennes archéo-futuristes de l’époque Mitterrand, Paris doit
muter sans cesse et devenir aujourd’hui le « Grand Paris » avec ses projets démesurés tels la tour
Triangle21 soutenue par l’association « Vision Grand Paris », une tour qui projettera son ombre
glacée sur l’avenir de notre capitale à nouveau mutilée.22

Un autre article du JDD23 du 10 janvier 2016 commençait d’habituer l’opinion publique à ces
changements architecturaux. L’article au titre évocateur « L’île de la Cité va-t-elle se réveiller ? »
expliquait ainsi :

« Une mission d’étude et d’orientation sur l’avenir de cette « île-monument » vient d’être
commandée par François Hollande, à l’architecte Dominique Perrault et au président du Centre des
monuments nationaux, Philippe Bélaval. Le duo qu’il a missionné doit « penser l’île dans sa globalité,
comme un quartier vivant et ouvert (…). L’objectif : « transformer » ce site d’ici à 2040 « en un réel
lieu de vie, plus intégré encore au reste de la capitale » 24

18
Ibidem

19
« La ‘’destruction créatrice’’ désigne le processus continuellement à l'œuvre dans les économies et qui voit
se produire de façon simultanée la disparition de secteurs d'activité économique conjointement à la création
de nouvelles activités économiques. L'expression est associée à l'économiste Joseph Schumpeter (1883-1950)
qui en assure une large diffusion avec la parution de son livre Capitalisme, Socialisme et Démocratie publié en
anglais aux États-Unis en 1942, traduit en français en 1951. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Destruction_cr%C3%A9atrice
20
https://www.metropolitiques.eu/Haussmann-de-la-modernite-a-la.html
Sur l’histoire de Paris voir aussi Claude Mignot et Pierre Pinon, Paris pour mémoire. Le livre noir des
destructions haussmanniennes, Paris, Parigramme, 2012, VIII + 575 p.

21
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_Triangle
22
https://lafabrique.fr/de-la-banlieue-rouge-au-grand-paris/
23
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/L-ile-de-la-Cite-va-t-elle-se-reveiller-767799
24
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/L-ile-de-la-Cite-va-t-elle-se-reveiller-767799
Et le JDD d’expliquer :

« L’île est en effet en train de se figer en un joli décor de vieilles pierres quadrillé par les touristes :
plus de quatorze millions de visiteurs par an pour la cathédrale et ses gargouilles – ce qui en fait le
premier monument français en termes de fréquentation – et plus d’un million pour les merveilleux
vitraux de la Sainte-Chapelle. Sans parler de la Conciergerie et son demi-million de visiteurs annuels,
des tours de Notre-Dame (600.000) ou de la crypte archéologique (170.000) (…) Bref, un flot de
touristes sur un confetti de dix-sept hectares, par ailleurs très peu habité. En 2007, l’Insee y recensait
encore mille habitants. Selon une étude de l’Association pour un hébergement et un tourisme
professionnel (AhTop), rendue publique en décembre, seuls 650 des 1.800 logements de l’île sont
occupés par leurs propriétaires. Et au moins 300 biens (17 % des appartements) ont été repérés par
cette association de professionnels du tourisme comme mis en location temporaire, sur des sites
comme Airbnb.» 25

Il faut donc ouvrir l’Île de la Cité encore trop inadaptée à la manne du tourisme universel ; il faut
briser son architecture classique et la reconfigurer pour la soumettre aux normes et aux flux de la
globalisation. Le changement c’est maintenant, le changement c’est tout le temps, société ouverte
oblige !

Cet article de 2016 expliquait aussi que c’est tout un ensemble touristique qui est ainsi prévu dans
cette restructuration : « Pour réfléchir à l’avenir de ce site en mutation, le Centre des monuments
nationaux est sans doute le mieux placé : l’institution est en effet chargée, sur l’île de la Cité, des
tours de Notre-Dame, de la Conciergerie et de la Sainte-Chapelle. Ces deux monuments royaux sont
séparés justement par… le palais de Justice et pourraient gagner en cohérence en récupérant peut-
être un passage direct (via la cité judiciaire). » 26

L’enquête publiée sur le site Katehon résume ce plan d’ensemble :

« Le rapport est remis en décembre 2016 et fait les constats suivants :

• ‘’ centre névralgique au cœur de Paris – dans toutes les acceptions du terme : géographique,
historique, administrative, patrimoniale, touristique, spirituelle – l’Île de la Cité ne parvient
pourtant pas à incarner cette fonction de cœur battant de la ville, et encore moins de la
métropole’’. ‘’ L’île de la Cité n’est plus qu’un labyrinthe de citadelles administratives ‘’.

• ce territoire insulaire de 22 hectares est le moins dense de Paris si on considère son nombre
d’habitants. ‘’Sur un millier d’habitants, à peine 300 sont des résidents permanents. Les
autres sont des occupants de passage car l’effet Airbnb ici joue à plein’’, souligne Philippe
Bélaval.

• ‘’Notre-Dame de Paris reçoit aux alentours de 13 à 14 millions de visiteurs par an, ce qui fait
par conséquent d’elle le monument le plus visité de Paris. Les tours de Notre-Dame et la
Conciergerie avoisinent ou dépassent les 500 000 visiteurs annuels tandis que la Sainte
Chapelle est découverte par plus d’un million de personnes chaque année.’’ L’architecte

25
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/L-ile-de-la-Cite-va-t-elle-se-reveiller-767799
26
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/L-ile-de-la-Cite-va-t-elle-se-reveiller-767799
déplore surtout que les quatorze millions de touristes qui visitent chaque année la
cathédrale (non sans avoir fait la queue sur le parvis, mesures de sécurité obligent) ne soient
pas véritablement accueillis.

Comprenez, ce flot humain échappe complètement à toute logique marchande… C’est moche !

• l’État est propriétaire de 57 % des espaces tandis que la Ville de Paris possède quant à elle 43
% du site.

• l’emplacement stratégique et la rareté des fonciers de l’île permettent d’envisager des


projets uniques et ambitieux, capables de contenter si bien le privé que la personne
publique.

Aussi, les deux architectes proposent de « créer environ 100.000 m² nouveaux ayant une valeur
foncière dépassant le milliard d’euros, sans transformation radicale ». Comment ? En construisant
une dizaine de couvertures de verre et d’acier au-dessus des nombreuses cours intérieures.

Parmi les 35 propositions du rapport, ils avancent notamment un projet révolutionnaire. Une
gigantesque dalle transparente à la place du parvis de Notre-Dame !’’ »27

Mais de l’aveu même des auteurs du rapport, sans un coup de pouce du destin, ce projet mirobolant
aurait peu de chance d’aboutir. Un coup de pouce du destin qui prendra, après l’incendie,
rapidement la forme d’une loi d’exception :

« (…) Seulement voilà, l’Île de la Cité renferme une trentaine de biens protégés au titre des
monuments historiques. De plus, ce site de 22 ha est classé au patrimoine mondial de l’Unesco… (…)
Par conséquent, il faudrait vraiment un événement impromptu et très ‘’volontariste’’ ou ’’inattendu
et improbable’’ 28 pour que des travaux d’une telle ampleur puissent être autorisés dans un des sites
architecturaux les plus protégés de France (…) Mais le hasard fait parfois bien les choses ! Depuis le
drame du 15 avril, le gouvernement a préparé une loi d’exception pour accélérer la reconstruction
de Notre-Dame. Le texte permettrait notamment de déroger au code du patrimoine29. En effet, le
texte, rédigé en quelques heures, proposerait de s’affranchir des procédures en vigueur en matière
de monuments historiques sur un site qui n’en compte pas moins de 35… Plus inquiétant, ce projet
de loi autoriserait à déroger à un certain nombre de règles, comme le code des marchés publics. » 30

27
http://katehon.com/fr/article/un-projet-foncier-de-plusieurs-milliards-entoure-notre-dame-de-paris-depuis-
2016
28
https://www.vanityfair.fr/culture/voir-lire/story/un-miroir-de-verre-pour-reflechir-notre-dame/5552#1
29
http://premium.lefigaro.fr/vox/societe/alexandre-gady-reconstruire-notre-dame-un-projet-de-loi-express-qui-
pose-de-tres-graves-questions-20190422
30
http://katehon.com/fr/article/un-projet-foncier-de-plusieurs-milliards-entoure-notre-dame-de-paris-depuis-
2016#_ftn6
Code des marchés publics en France :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_des_march%C3%A9s_publics_(France)
Un projet de loi qui a occasionné une confrontation politique et juridique entre le Sénat et le
gouvernement au sujet des mesures dérogatoires prévues par le texte que le gouvernement
cherchait à faire passer dans l’urgence. 31

Tout suit donc son cours, ainsi après l’évacuation des institutions judiciaires dans de nouveaux locaux
déracinés à l’architecture très Meilleur des mondes, c’est maintenant le cœur sacré de Paris et donc
de la France qui doit être repensé suite à l’incendie de Notre-Dame. À l’image de ces ignobles églises
en béton armé que l’on a vu fleurir à partir des années soixante et qui vieillissent très mal, on peut
penser que ces restructurations post-modernes de l’architecture classique de l’île de la Cité vont être
rapidement désuètes et démodées. La temporalité de l’architecture contemporaine semble être celle
d’un éternel présent poursuivi par le démon du « bougisme » permanent là où l’architecture
traditionnelle vise, quant à elle, à refléter et à incarner sur terre les vérités et les idées intangibles qui
sont aux cieux. L’architecture religieuse traditionnelle est régie quant à elle par des principes
immémoriaux que se transmettaient les véritables bâtisseurs de l’architecture sacrée, comme
l’évoquait magnifiquement le documentaire de Paul Barba-Negra Paris, arche du temps. Un film dans
lequel l’Île de la Cité est justement présentée comme l’omphalos sacré de Paris, un centre spirituel
consacré à la protectrice de la France, Notre-Dame, la Vierge Marie, Mère de Dieu.

On comprend mieux dès lors les projets fous32 de doter Notre-Dame d’une flèche en carbone et
autres délires post-modernes que l’on voit poindre depuis le drame, ainsi l’architecte Jean-Michel
Wilmotte33 qui explique : « Elle peut être reconstruite avec des matériaux actuels (…) J’aime l’idée de
stratification dans les bâtiments du patrimoine, les époques qui se superposent. Il serait intéressant
que cette flèche ait une nouvelle histoire ; pourquoi ne pas la construire en carbone ? Cela serait un
très beau signal. »34

Ce qui est sûr, c’est que l’incendie de Notre-Dame tombe à point nommé pour faire passer en force
un projet dont les Français et les Parisiens ne mesurent pas à quel point il risque de dénaturer le
cœur de leur patrimoine et d'altérer l'âme de la spiritualité chrétienne au nom d'un aggionarmento -
maître-mot du concile de Vatican II - où le progressisme des idées doit se couler dans l'innovation des
techniques.

Depuis l’incendie la curée immobilière a commencé, un tiers de l’Hôtel-Dieu ayant été cédé au
promoteur immobilier Novaxia pour 144 millions d’euros via un bail de 80 ans. 35

31
https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201905/restauration_et_conservation_de_la_cathedrale
_notre_dame_de_paris.html#c647116
32
https://fr.sputniknews.com/amp/france/201904181040790502-notre-dame-paris-reconstruction-
nouvelle-apparence/?__twitter_impression=true
33
https://www.batiactu.com/edito/notre-dame-architectes-prennent-position-fleche-et-56176.php
34

https://www.batiactu.com/edito/notre-dame-architectes-prennent-position-fleche-et-56176.php
35
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Apres-l-incendie-de-Notre-Dame-un-tiers-de-l-Hotel-Dieu-
cede-a-un-promoteur-pour-80-ans-et-144-54829.html
Le président de Novaxia, Joachim Azan, se voulant par ailleurs le chantre de l’ « urbanisme
transitoire ». 36

L’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) réalisera au passage sa plus grosse recette
financière en échange d’une transformation du tiers de la surface de l’Hôtel-Dieu par Novaxia. Le
projet hybride de Novaxia prévoyant d’y intégrer « de l'habitat, des commerces et autres espaces de
restauration » afin que la mixité ne se heurte pas « aux salles blanches du milieu hospitalier » d’après
le site Batiactu. L’Hôtel-Dieu doit s’ouvrir à son tour aux injonctions de la société mutante et
mouvante contemporaine : « avec une forte dynamique de recherche, il va devenir au cœur de l’Île de
la cité un hôpital plus ouvert sur la ville et sur les grands sujets de société. »37

Nous avons affaire là à des opérations pensées bien en amont de l’incendie de Notre-Dame, comme
il ressort du commentaire à chaud de l’économiste Charles Sannat :

« Quant au futur de l’Île de la Cité, vous l’avez en image sur le site Missioniledelacité.paris.
Ce futur architectural et fondamentalement très commercial a déjà été pensé et imaginé. Tous les
détails sont connus et les choses progressivement se mettent en place pour permettre la réalisation
de la plus colossale opération immobilière au centre de Paris, dans « le cœur du cœur », un endroit
où le prix du mètre carré peut se négocier 20 000 euros au moment où vous lisez ces lignes, mais
quel sera le prix futur de ces m2 là où les quatorze millions de touristes qui passent chaque année,
sont une ressource extraordinaire de profits potentiels ? Ce mètre carré se négociera peut-être 40,
50 ou même 60 000 euros … » 38

Car au-delà de Notre-Dame et de l’Hôtel-Dieu, c’est toute l’Île de la Cité qui regorge d’un patrimoine
immobilier d’une grande valeur. Un patrimoine qui appartient en grande partie à l’État comme le
rappelle Charles Sannat :

« Par exemple sur l’Île de la Cité vous trouvez l’ancien Palais de Justice, classé évidemment aux
monuments historiques, et… qui ne sert plus à grand-chose depuis l’entrée en service du nouveau
Palais de Justice dans le nord de Paris (…) Il y a aussi le célèbre 36 quai des Orfèvres (…) presque vide
lui aussi (…) L’État est propriétaire de la Conciergerie… Vous savez l’ancienne prison où Louis XVI fut
retenu avant de se faire raccourcir la tête. C’est beau la conciergerie et c’est grand. Je me demande

36
Interview de Joachim AZAN - Présidant fondateur de NOVAXIA, à l'occasion de l'AMIF 2019.
https://www.youtube.com/watch?time_continue=47&v=-T0FUpkVbIU
37
http://www.lefigaro.fr/societes/paris-une-partie-de-l-hotel-dieu-cedee-pour-80-ans-contre-144-
millions-d-euros-20190517
https://www.batiactu.com/edito/partiellement-cede-hotel-dieu-va-se-refaire-sante-56461.php
https://www.techopital.com/ap-hp--le-projet-parvis-notre-dame-de-l-hotel-dieu-confie-a-novaxia,-
pour-144-millions-d-euros-NS_4330.html

https://www.egaliteetreconciliation.fr/Apres-l-incendie-de-Notre-Dame-un-tiers-de-l-Hotel-Dieu-
cede-a-un-promoteur-pour-80-ans-et-144-54829.html
38
http://www.missioniledelacite.paris/

https://insolentiae.com/ile-de-la-cite-vers-la-plus-grosse-promotion-immobiliere-grace-a-letincelle-
qui-a-mis-le-feu-aux-poutres-ledito-de-charles-sannat/
ce que l’on va bien pouvoir faire de cet immense et superbe bâtiment (…) il y a aussi le Marché aux
fleurs et le Marché aux oiseaux… Ils sont grands, très grands ces deux marchés… Je me demande ce
que l’on va bien pouvoir faire de ces immenses et superbes espaces…

(…) Il y a aussi l’imposant Tribunal de Commerce… qui occupe une grande partie de l’île. De sublimes
mètres carrés que l’on pourrait également sans doute occuper à des choses tellement plus rentables
qu’à rendre des jugements ou des arbitrages sur des affaires commerciales triviales… » 39

À terme, c’est bien toute l’Île de la Cité qui doit être restructurée dans le cadre d’un immense projet
immobilier post-moderne à l’horizon des Jeux olympiques de 2024 afin d’être à même d’accueillir le
flux de touristes hébétés qui viendra alors se déverser sans discontinuer sur Paris ville ouverte. L’Île
de la Cité, berceau de la ville de Paris, lieu de l’antique Lutèce40, sera ainsi définitivement absorbé et
digéré par le « Grand Paris ». Un néo-Paris qui doit lui-même s’inclure dans la ville mondiale du
projet cosmopolitique globalitaire en marche41. Cette île de la Cité que le chroniqueur Gui de
Bazoches décrivait au douzième siècle comme « La tête, le cœur, la moelle de la ville entière ». 42

L’Île de la Cité représente le cœur sacré de la capitale de la France. L’Hôtel-Dieu, fondé en 651,
illustre aux côtés de Notre-Dame deux des trois vertus théologales du christianisme : la charité et la
foi. Aujourd’hui remplacées dans la « France d’après » par la « mixité », le « vivre-ensemble »,
l’« ouverture » et le culte de Mammon roi. Ainsi, pendant que le Léviathan macronien-républicain
fait crever les yeux de sa population par sa police et révèle sa véritable nature, le patrimoine sacré de
la nation est livré en pâture aux promoteurs immobiliers qui comptent bien se goberger aux dépends
du bien commun et de l’héritage national. Dans la même séquence, un pouvoir illégitime réprime sa
population durant plus de six mois, vend les biens de la nation et mutile ce qui restait encore de
manifestation dans la pierre du sens de l’invisible que possédaient nos aïeux. « En même temps »
comme dirait Macron…

Une diversion politique en pleine révolte populaire ?

39
https://insolentiae.com/ile-de-la-cite-vers-la-plus-grosse-promotion-immobiliere-grace-a-letincelle-
qui-a-mis-le-feu-aux-poutres-ledito-de-charles-sannat/
40
http://editions.bnf.fr/les-plans-de-paris-histoire-d%E2%80%99une-capitale
41
https://www.lagazettedescommunes.com/469450/les-metropoles-sont-des-citadelles-imprenables-
christophe-guilluy/

https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2015-2-page-3.htm
42
https://francearchives.fr/en/article/163529389
La Tribune de l’art réalisée par un seul homme, Didier Rykner, a fourni un travail considérable sur
l’incendie de Notre-Dame :
https://www.latribunedelart.com/spip.php?page=recherche&recherche=Notre-Dame
Sur le Grand Paris : http://www.economiematin.fr/news-le-grand-paris-une-catastrophe-a-30-
milliards-d-euros
La précipitation avec laquelle les grandes fortunes oligarchiques43 vont se ruer sur l’événement et le
concert des médias qui voulait faire de Macron l’héroïque sauveur de Notre-Dame (qui peut
reconstruire la Cathédrale en cinq ans !)44 sont aussi des éléments de nature à susciter des doutes.
Pour beaucoup de Français, l’impression d’avoir assisté à une opération de diversion et d’unité
nationale de type « Charlie » fut en fait très grande. La cathédrale a commencé de brûler juste avant
l’allocution d’Emmanuel Macron qui devait clore le débat national et apporter une réponse à la crise
des Gilets jaunes. L’intervention annulée à la dernière minute par l’exécutif. Le samedi 20 avril
s’annonçait aussi depuis plusieurs semaines comme un acte important des Gilets jaunes. Éric Drouet
et les autres porte-voix du mouvement appelaient à une action massive dans Paris pour répondre à
la fumisterie prévisible de l’issue du grand débat. Avant et après l’allocution annulée d’Emmanuel
Macron, un certain nombre de journalistes ont eu accès au contenu du discours. L’Élysée affirme que
la fuite provient de « sources audiovisuelles », car l’allocution a été filmée par TF1 et envoyée à
France Télévisions, de même que le texte du discours de Macron a été envoyé aux principales
rédactions du pays.

L’Élysée avait appelé les deux chaînes pour les prévenir de l’annulation du discours, elle leur a
également rappelé que le contenu de cette allocution était sous embargo « jusqu’à nouvel ordre »45.
Mais cela n’a pas suffi à empêcher les fuites. L’Élysée a ainsi peut-être volontairement fait fuiter le
discours de Macron pour sonder la population sur les réformes prévues par le président.

Quoi qu’il en soit, les principales mesures qui figuraient dans le projet d’allocution sont les suivantes :
plan fiscal avec une baisse d’impôts en faveur des classes moyenne et suppression de certaines
niches fiscale, mais en demandant aux Français de travailler davantage, sans préciser de quelle
manière (moins de jours fériés ? revenir sur la durée de travail hebdomadaire ? retarder l’âge de
départ à la retraite ?) ; réindexation des retraites de moins de 2 000 euros sur l’inflation ; suspension
de toutes les fermetures d’écoles et d’hôpitaux jusqu’à la fin du quinquennat ; instauration partielle
du Référendum d’initiative citoyenne (qui concernera uniquement les sujets locaux) ; et la
suppression de l’école de la haute administration (ENA)46.

Le pouvoir a par la suite opportunément interdit aux Gilets jaunes de manifester le samedi 20 avril
autour de Notre-Dame (ce qui peut se comprendre), mais également sur les Champs-Élysées et aux
abords du palais de l’Elysée chaque samedi, comme il l’interdisait déjà depuis plusieurs semaines47.
Profitant ainsi de l’incendie pour tenter de faire baisser la température de l’insurrection qui dure
depuis novembre dernier, une crise politique inédite dans l’histoire de la France contemporaine.

43
http://www.fdesouche.com/1192407-incendie-de-notredame-la-famille-pinault-debloque-100-
millions-deuros-pour-la-reconstruction-de-la-cathedrale
44
« On doit pouvoir reconstruire cette charpente et ce plafond en cinq ans »
https://twitter.com/BFMTV/status/1118379993522950145
45
https://www.liberation.fr/checknews/2019/04/17/comment-le-contenu-de-l-allocution-annulee-d-emmanuel-
macron-s-est-il-retrouve-dans-les-medias_1721718
46
https://www.rtl.fr/actu/politique/allocution-d-emmanuel-macron-ce-qu-aurait-du-annoncer-le-president-
7797440820
47
https://www.bfmtv.com/police-justice/gilets-jaunes-les-manifestations-interdites-sur-les-champs-elysees-et-
autour-de-notre-dame-samedi
1676061.html?fbclid=IwAR1mRHwJ4jM0gYVTprB8T2D0bMKKCjg8urtqa4XAn3BWOMKiwLmBRULQAf
U
Quelques parallèles historiques
Les attaques contre des édifices religieux, des bâtiments officiels et les attentats, pendant les
périodes de crise politique sont courants et leur utilité bien identifiée.

En Iran, par exemple, la Révolution (qui débute le 7 janvier 1978 et se termine le 11 février 1979)48
démarre dans un contexte qui a quelques similitudes avec celui de la France contemporaine. Dans
l’Iran des années 1970, le mécontentement et la révolte partent, comme dans la France actuelle, de
l’Iran « périphérique », c’est-à-dire de la population défavorisée, majoritairement rurale et qui habite
dans les quartiers pauvres des grandes villes.

La population, de même que le clergé chiite et les grands propriétaires, ont très mal réagi à une série
de réformes (appelée « la Révolution blanche ») lancée par le Shah à partir de 1963, réformes qui
comportaient un volet agraire. Par ailleurs, dans le cadre de ces réformes, le pouvoir du Shah remit
en cause les biens fonciers du clergé chiite, dans le but évident de l’affaiblir ; et ce sur le modèle de la
loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État en France, dont l’article 2 prévoyait la confiscation
des biens de l’Église catholique.

En juin 1963, des émeutes sont déclenchées par le clergé dans la ville de Qom, où l’agitation a
débuté au mois de mars. Parmi les meneurs se trouve alors l’Ayatollah Khomeini, qui est arrêté le 3
juin sur ordre du Premier ministre Assadollah Alam. En 1964, l’Ayatollah Khomeini est expulsé vers la
Turquie (ensuite Nadjaf, en Irak) après avoir pris la tête de la contestation d’une loi qui, votée par le
Majlis (parlement iranien), met les soldats américains séjournant en Iran à l’abri de toute poursuite
devant la justice locale.

Trois ans avant le début de la Révolution islamique, le 2 mai 1975, le Shah instaure un parti unique
(le Rastâkhiz ou Parti de la Rénovation).

En 1976-1977, les réformes continuent et produisent leurs effets catastrophiques : l’inflation


augmente et l’exode rural entraîne la formation de nombreux bidonvilles à la périphérie des grands
centres urbains, ce qui engendre une situation sociale tendue dans un pays en pleine explosion
démographique, alors que l’autoritarisme du régime est dénoncé par les intellectuels, les étudiants
et des leaders religieux comme l’ayatollah Taleghani. Sans parler de la corruption répandue dans les
cercles du pouvoir contre laquelle la population est critique.

Corruption, rigidification du pouvoir et appauvrissement de la population, sont trois des principales


causes du déclenchement de la révolution iranienne, comme de la révolte des Gilets jaunes (dans le
cas de la France, la rigidification du pouvoir49 n’était pas perçue avant la répression violente contre
les manifestants).

48
https://fabiendany.com/index.php/chronologie-de-la-revolution-iranienne/

49
Une rigidification au pouvoir annoncée dès décembre 2015 par Youssef Hindi. Voir : Du Brexit aux Gilets
jaunes, février 2019, Sigest et Christophe Guilluy : Atlas des fractures françaises, Éditions L'Harmattan, 2000.
En novembre 1977, des manifestations hostiles au Shah éclatent lors de son voyage officiel à
Washington.

En janvier 1978, des manifestations éclatent à Qom en faveur de l’Ayatollah Khomeini qui a été
attaqué par la presse gouvernementale. Et dans les semaines qui suivent, des émeutes éclatent (à
Tabriz et Yazd, puis de nouveau à Qom). La répression fait, à chaque fois, des dizaines de tués.

En juillet 1978, des affrontements font deux cents tués à Meched. Le Shah annonce alors, le 5 août,
son intention d’organiser des élections générales ouvertes à plusieurs partis. Le 11 août, la loi
martiale est décrétée à Ispahan.

Et le 19 août 1978, le cinéma d’Abadan est incendié faisant 377 morts. Le régime du Shah accuse
alors les militants religieux d’avoir commis cet acte, alors que l’on soupçonne fortement la SAVAK,
police politique du Shah créée en 1957 sous les auspices du Mossad50. Sous le Shah, l’Iran, à l’instar
de la France contemporaine, entretenait de bonnes relations avec Israël depuis les années 1950 –
Tel-Aviv et Téhéran, opposés au nationalisme arabe (tout particulièrement à l’Irak et à l’Égypte), avait
conclu un pacte stratégique qui se transforma en coopération militaire – le Shah avait envoyé ses
généraux en Israël pour s’inspirer de leurs méthodes d’instruction et discuter des modalités d’un
soutien militaire israélien à l’Iran51.

On peut faire le parallèle entre l’incendie du cinéma d’Abadan, qui a eu lieu en pleine période
révolutionnaire, et celui de Notre-Dame, sans oublier l’attentat de Strasbourg, qui a eu lieu le 11
décembre 2018, trois semaines après le début du mouvement Gilets jaunes…

On peut aussi faire le parallèle entre la Macronie et le régime du Shah qui avait atteint un niveau
d’impopularité record mais qui s’acharnait sur la voie de réformes improductives et impopulaires
soutenues par l’étranger comme aujourd’hui celles de Macron le sont par l’U-E. Des régimes et des
dirigeants aveuglés par leur péché d’hybris qui tenteront chacun à leur manière de faire passer en
force un projet rejeté par la population, là où la logique politique la plus élémentaire conseillerait
plus de souplesse et de stratégie. Deux régimes et deux types de dirigeants que distinguent aussi un
grand narcissisme et une volonté d’étaler aux yeux de tous leur projet de refonte de la société sans
se soucier du scandale public et de ses conséquences sur l’opinion de la population. Là où le Shah
Mohammed Reza Pahlavi se faisait appeler « Roi des Rois » ou encore « Lumière des Aryens »,
Macron se veut quant à lui « jupitérien »…

Là où le Shah organisait la célébration du 2 500ème anniversaire de la fondation de l’empire perse


dans un faste et une pompe obscène eu égard à la grande pauvreté d’une partie importante de sa
population, Macron scandalisera, quant à lui, la décence commune française lors de la Fête de la
musique qui portera le festivisme homosexualiste métissophile en plein cœur de l’Élysée.

Persécution de la religion et manipulation du sacré : l’exemple soviétique


« Plus nous fusillerons de clercs, mieux ce sera » Lettre du 19 mars 1922 de Lénine (Vladimir Ilitch
Oulianov) à Trotski (Lev Davidovitch Bronstein)

50
Télégramme diplomatique (290/291) du 23 juillet 1960, de Henri Roux, ambassadeur de France en Iran. Cf.
Eurorient, L’Iran paradoxal, 2008, L’Harmattan, p. 26.
51
Eurorient, L’Iran paradoxal, p. 25.
L’idée d’un incendie volontaire de Notre-Dame peut apparaître comme sidérante à première vue,
mais on verra ici que les persécutions religieuses et les manipulations autour de la perception du
sacré sont choses courantes lorsqu’un pouvoir politique se sait menacé par la population sur laquelle
il s’exerce.

La période de l’histoire contemporaine où l’élément religieux fut persécuté et manipulé avec le plus
de cynisme par un pouvoir politique, fut peut-être l’époque de la répression religieuse en Union
Soviétique. Comme nous allons le voir, le Parti communiste soviétique a tenté non seulement
d’extirper la religion du peuple mais aussi de la reconfigurer d’une manière conforme à l’idéologie et
au projet de société communistes, élaborant ainsi une paradoxale « religiosité de l’athéisme ».

De 1917 à 1939 le pouvoir soviétique mènera une implacable politique de répression contre l’église
russe, persécution qui fera d’après certaines estimations entre cinq cent mille et un million de morts
chez les seuls orthodoxes52. Cette époque fut marquée par une intense politique de répression de
l’État contre le christianisme orthodoxe mais aussi contre le catholicisme, l’islam et les religions
animistes des peuples sibériens. Une politique qui visait à extirper la religion de la vie sociale et à la
remplacer par un rationalisme et un athéisme d’État :

« Les structures ecclésiastiques furent presque totalement anéanties, les séminaires, les écoles
théologiques et les monastères, liquidés. Dans l’ensemble de l’Union soviétique, il ne restait en 1939
qu’à peine mille églises consacrées : 97,6 % de celles actives en 1916 avaient été
fermées. L’ensemble du corps de l’Église patriarcale ne comptait plus que quatre évêques libres
d’exercer leur ministère. (…) Le projet bolchevik de liquidation totale des institutions ecclésiastiques,
mais aussi de la dimension religieuse comme composante fondamentale de la société et de la
personne, demeurait, même après 1939, l’objectif ultime auquel continuait de tendre le pouvoir
soviétique en matière religieuse. » 53

Comme régulièrement dans l’histoire, lors des périodes de changements idéologiques violents, cette
persécution prit aussi la forme d’un iconoclasme d’État contre l’Église. On profana ainsi des reliques
de saints pour les autopsier au nom de la science, on vendit les objets de culte dérobés dans les
églises et surtout, on détruisit purement et simplement les temples de Dieu :

« Les persécutions sanglantes, la liquidation systématique des règles qui avaient régi la vie de la
société russe depuis des siècles, la destruction massive d’édifices et d’objets du culte, un discours
public monopolisé par la propagande, le plus souvent agressive, de l’athéisme étaient autant de faits
qui avaient bouleversé la vie religieuse des citoyens soviétiques. » 54

Une campagne de destruction des édifices religieux qui culmina avec la destruction le 5 décembre
1931, de la cathédrale du Christ Sauveur, construite entre 1837 et 1883 avec l’argent du peuple russe
en souvenir de la victoire de 1812 contre Napoléon :

52
Adriano Roccucci, « Le tournant de la politique religieuse de Staline. Pouvoir soviétique et Église orthodoxe
de 1943 à 1945 »,
https://journals.openedition.org/monderusse/9913#xd_co_f=M2RkYTRjMmYtNzIwZS00MzY2LTlmOWItYT
MxNTg5NmY1NzI5~
53
Ibidem.
54
Ibidem.
« À sa place on planifia de construire le palais des Soviets, mais les fondations ne cessaient de
s’effondrer (alors que l’Église du Christ Sauveur n’avait pas eu ce problème). On décida d’y aménager
une piscine, dans laquelle se noyèrent beaucoup de nageurs. » 55

On assista aussi durant cette période à des tentatives de transfert du sacré et de la piété populaire
vers certains éléments du communisme revêtant une valeur cultuelle. Ainsi le culte de la
personnalité de Lénine puis de Staline prit souvent des aspects parareligieux alors même que la
propagande athéiste faisait rage. L’exemple le plus connu de ce culte en était le fameux mausolée de
Lénine qui attend toujours de nos jours la résurrection et l’immortalité par la science que promettait
le cosmisme56 soviétique, comme aujourd’hui le transhumanisme57. Comme le peuple russe était
encore tout imprégné de religiosité et de sens du sacré, le pouvoir devait réorienter cette dévotion
vers des objets compatibles avec la foi nouvelle du communisme. Un processus dans lequel l’ancien
séminariste Staline jouera un rôle essentiel comme le rappelle son biographe Robert C. Tucker :

« Il faudrait alors voir dans le culte de Lénine, ses symboles religieux et son cérémonial élaboré, le
reflet de la tradition byzantine et orthodoxe grecque, et en Staline marxiste oriental et produit du
séminaire théologique de Tiflis le principal agent de ce processus d’assimilation. » 58

Staline jouera aussi un rôle décisif dans la décision d’embaumer Lénine et de préserver son cadavre
des ravages inexorables du temps afin de créer une ambiance et une aura religieuse autour de la
personne de Lénine59.

Durant la période de la Seconde Guerre mondiale, menacée directement sur son propre territoire par
son concurrent idéologique national-socialiste, l’URSS va officiellement mettre un terme à la
politique de répression de l’Église orthodoxe. C’est là une décision dictée par le réalisme politique et
l’urgence de la situation, car les nationaux-socialistes étaient de leur côté en train de favoriser la
reprise du culte religieux sur les territoires qu’ils occupaient :

« En 1939, tous les monastères avaient été fermés (en 1917 ils étaient plus de mille) ainsi que plus de
60 000 églises. L’office n’était célébré que dans une centaine d’églises. En 1939-1940, la Baltique fut
annexée à l’URSS, ainsi que les régions de l’ouest de l’Ukraine et de la Biélorussie, le nord de la
Bukhovine et de la Bessarabie. L’URSS compta de nouveau une grande quantité d’églises et de
monastères orthodoxes. Le 22 juin 1941, l’Allemagne déclara la guerre à l’URSS. Pourtant, ni le début
de la guerre, ni la défaite des premiers mois, ni la perte de grands territoires au profit de l’ennemi ne
changèrent l’attitude hostile du gouvernement envers l’Église Orthodoxe Russe et ne conduisirent les
autorités à faire cesser les persécutions. Les autorités ne modifièrent leur position que lorsqu’elles

55
http://www.orthomonde.fr/index.php/journal/item/49-persecution-contre-l-eglise-orthodoxe-dans-l-union-
sovietique
56 e
Juliette Faure, Le Cosmisme, une vieille idée russe pour le XXI siècle, https://www.monde-
diplomatique.fr/2018/12/FAURE/59320
57
Francesco Dimitri - Comunismo magico. Leggende, miti e visioni ultraterrene del socialismo reale - 2004
58
Robert C. Tucker, Staline révolutionnaire 1879-1929, Paris, Fayard 1975.
59
Robin Régine. « Le culte de Lénine. Réinvention d'un rituel. » In : Annales. Économies, sociétés, civilisations.
40ᵉ année, N. 4, 1985, pp. 805-809.
apprirent que les Allemands avaient permis la réouverture de 3732 églises sur les territoires occupés,
c’est-à-dire plus que dans toute l’URSS. » 60

Face à l’urgence de la situation, le 4 septembre 1943, Staline rencontra les plus hautes autorités
orthodoxes encore existantes après deux décennies de persécution :

« Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1943, se tint au Kremlin une rencontre singulière et paradoxale
entre les autorités suprêmes de l’État et les autorités de l’Église orthodoxe russe. Staline reçut dans
son bureau le métropolite de Moscou et de Kolomna, Sergij (Stragorodskij), locum tenens du trône
patriarcal, le métropolite de Leningrad et de Novgorod, Aleksij (Simanskij), et le métropolite de Kiev
(…) en présence de Molotov, du chef du NKGB, Vsevolod N. Merkulov, et du colonel Georgij G.
Karpov, responsable du cinquième département de la deuxième section du NKGB, chargé, entre
autres missions, du contrôle et de la répression des organisations religieuses. C’est une entrevue
cordiale, presque surréaliste, qui se déroule entre celui qui avait violemment poursuivi
l’anéantissement total de l’Église et celui qui en avait subi les persécutions et avait vu mourir des
centaines de milliers de fidèles sur ordre du premier. » 61

Staline savait bien que les Russes ne combattraient pas avec la même résistance sans le recours à la
religion, au patriotisme et à l’idée de Russie éternelle. La Russie se remettait difficilement des trois
décennies les plus violentes de son histoire et le pouvoir soviétique reposait sur des bases fragiles, il
ne fallait surtout pas que le peuple commence à percevoir l’envahisseur comme un potentiel
libérateur religieux. L’idée d’utiliser la charge sacrée dont dispose le christianisme après l’avoir
persécuté est une constante dans l’histoire des régimes révolutionnaires. L’URSS s’était construite
contre la religion mais la foi athée du socialisme scientifique devenait insuffisante face à l’épreuve
historique qui s’annonçait. Menacé par une invasion sans précédent, mais surtout par un concurrent
idéologique sur son propre territoire, le pouvoir soviétique risquait de perdre le soutien d’une partie
importante de sa population persécutée. En réprimant la religion nationale qui fondait l’ancien
régime tsariste, le pouvoir soviétique avait créé un vide qui menaçait maintenant d’emporter le
régime avec l’ancienne religion. Ainsi Staline choisit de réintroduire juste assez de religion pour
galvaniser la Russie dans son combat et sauver le régime communiste mais il ne renonçait pas pour
autant aux persécutions et à l’idée d’éradiquer à terme le christianisme62 de la vie nationale
soviétique.

Une situation qui peut être rapprochée de celle de la République française : en détruisant le
catholicisme, la République détruit les assises sur laquelle repose la société française pour les
croyants comme pour les athées. La République et son projet cosmocratique universaliste radical
n’existe qu’en négatif par rapport au catholicisme comme hier l’URSS face à l’orthodoxie. Pour se
maintenir il lui faut donc réintroduire du sacré dans la société comme le fit Staline face à la menace
d’une victoire fatale de l’Allemagne national-socialiste. Persécuter l’Église pour ensuite manipuler sa
charge sacrée et revêtir sa puissance symbolique face à un danger mortel nous semble être la
méthode qui est employée aussi contre l’Église catholique. Même déchristianisée, la société

60
http://www.orthomonde.fr/index.php/journal/item/49-persecution-contre-l-eglise-orthodoxe-dans-l-union-
sovietique
61
Adriano Roccucci, « Le tournant de la politique religieuse de Staline. Pouvoir soviétique et Église orthodoxe
de 1943 à 1945. » https://journals.openedition.org/monderusse/9913#bodyftn5
62
http://www.orthomonde.fr/index.php/journal/item/49-persecution-contre-l-eglise-orthodoxe-dans-l-union-
sovietique
française repose encore sur l’ancienne morale chrétienne. Ainsi l’idée de régénérer la République par
une sorte d’holocauste public (terme qui désigne un sacrifice à Dieu par le feu) en détruisant puis en
reconstruisant le symbole le plus important du catholicisme en France nous apparaît fidèle au
rapport qu’entretient la République au christianisme depuis ses origines.

La destruction du catholicisme et des églises : une tradition républicaine


La guerre contre l’église et le catholicisme est une tradition républicaine, qui démarre par la
Révolution française, notamment, avec le vote par l’Assemblée constituante le 12 juillet 1790 de la
Constitution civile du clergé à laquelle les curés et les évêques étaient contraints de prêter serment63.

Une guerre continue, ponctuée de moments clés, dont la loi de 1905 qui finit de mettre à genoux
l’Église en France. Cette loi, qui a fait suite à l’action de Jules Ferry consistant à chasser l’Église de
l’école, est une réaction à la consolidation du catholicisme tout au long du XIXe siècle dans certaines
régions64. Sa puissance retrouvée a fait peur aux républicains qui ont décidé d’accomplir en 1905, la
séparation des Églises et de l’État.

Cette loi avait pour objectif de réduire à néant l’influence de l’Église en France, par des mesures
d’ordre financier (article 2) et particulièrement par la confiscation de ses biens.

Cet affaiblissement du catholicisme fut achevé par le concile Vatican II (1962-1965), qui a conduit à la
crise terminale, au déclin du catholicisme en Occident. Le concile Vatican II aura été la soumission
finale de l’Église à la Révolution, comme l’a été l’acceptation, par une partie des prélats de France, de
la Constitution civile du clergé, mais cette fois à l’échelle internationale. Dans l’esprit mondialiste
l’Église doit ainsi devenir un simple organe d’accompagnement spiritualiste de l’émergence d’une
gouvernance globale et à terme d’un État mondial.

Après la soumission de l’Église à la modernité et aux valeurs de la Révolution de 1789, l’étape


suivante semble être aujourd’hui la destruction pure et simple de ses édifices ou bien leur
transformation et leur intégration aux projets architecturaux délirants du festivisme athée, ce
« totalitarisme du bien-être » comme le définissait le philosophe chrétien Augusto Del Noce. La
sécularisation totale de la religion et sa dilution définitive dans le social devenu le lieu d’un sacré
immanent et non plus transcendant constitue la fin d’un long processus historique entamé en
Occident à la Renaissance et qui se radicalise au fil du temps jusqu’à nos jours. Un processus qui a vu
se succéder différentes phases de la subversion de l’ordre théopolitique classique de la chrétienté :
Réforme, Lumières, socialisme utopique, marxisme théorique, communisme réel, marxisme culturel
et freudo-marxisme après 1945 et enfin de nos jours libéralisme-libertaire et société ouverte
intégrale. En attendant la révolution transhumaniste qui constituera la forme finale de cette rébellion
pluriséculaire contre la loi et l’ordre naturels. Chaque étape de cette chute historique vertigineuse du
corps social vers un matérialisme toujours plus radical est jalonnée par des persécutions anti-
chrétiennes : Chouans français, Cristeros mexicains, paysans chrétiens de Russie et d’Ukraine,
chrétiens japonais d’Hiroshima et de Nagasaki etc. Face à la montée de l’athéisme sous ses
différentes formes dans l’histoire, la liste du martyrologue chrétien s’égrène sans discontinuer.

63
Cf. Timothy Tackett, La Révolution, l’Église, la France, Éditions du Cerf, 1986, p. 70.
64
Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008, p. 23.
De nos jours, dans une France que nos gouvernants veulent post-chrétienne, c’est sur les vestiges et
la mémoire de ce qui fut que s’acharne encore la frénésie des déconstructeurs. Ainsi, depuis l’année
2000, une quarantaine d’églises ont été détruites par les pouvoirs publics, par le régime
républicain65. Entre 2016 et 2019, quinze églises ont été réduites en poussière à coup de bulldozer.

À cela s’ajoutent les églises régulièrement vandalisées. Pour le seul mois de février 2019, quatre
églises ont été profanées en France, en une semaine66.

En mars dernier, un mois avant l’incendie de Notre-Dame, un feu a été allumé dans l’église Saint-
Sulpice à Paris. Une enquête a été ouverte, et une source proche du dossier a indiqué que « l’origine
accidentelle d’une défaillance électrique ou technique ou d’une négligence est écartée. Il s’agit
maintenant de savoir si l’auteur de cet incident est ou non une personne qui a toute sa tête ou s’il
s’agit d’un déséquilibré ». Selon un témoignage, un événement du même ordre était survenu
quelques jours avant l’incendie à Saint-Sulpice, rapporte la même source : « Il nous a été rapporté
qu’un chiffon avec du produit inflammable qui avait été mis à feu avait été jeté contre un des murs de
l’église, là encore rue Palatine. Le feu avait été facilement éteint. Il pourrait s’agir du même
individu. » 67

Mais toutes ces destructions d’églises ont produit peu d’émoi dans l’opinion et dans la classe
politique. Cette absence de réaction n’a, au fond, rien d’étonnant, la société française étant très
largement déchristianisée.

Par conséquent, la vive émotion, à l’échelle nationale, qu’a entraînée l’incendie de Notre-Dame n’est
pas à rechercher uniquement dans un attachement au christianisme et au sacré, mais s’explique
essentiellement par un mécanisme psychosociologique expliqué et théorisé par Gustave Le Bon
(1841-1931) en 1895 :

« Tout ce qui frappe l’imagination des foules se présente sous forme d’une image saisissante et
nette, dégagée d’interprétation accessoire, ou n’ayant d’autre accompagnement que quelques faits
merveilleux : une grande victoire, un grand miracle, un grand crime un grand espoir. Il importe de
présenter les choses en bloc, et sans jamais en indiquer la genèse. Cent petits crimes ou cent petits
accidents ne frapperont aucunement l’imagination des foules ; tandis qu’un seul crime
considérable, une seule catastrophe, les frapperont profondément, même avec des résultats
infiniment moins meurtriers que les cent petits réunis. La grande épidémie d’influenza qui fit périr, à
Paris, cinq mille personnes en quelques semaines, frappa peu l’imagination populaire. Cette véritable
hécatombe ne se traduisait pas, en effet, par quelque image visible, mais uniquement par les
indications hebdomadaires de la statistique. Un accident qui, au lieu de ces cinq mille personnes, en
eût seulement fait périr cinq cents, le même jour, sur une place publique, par un événement bien

65
https://reinformation.tv/destruction-eglises-france/
66
https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/France/En-France-quatre-eglises-vandalisees-semaine-2019-
02-10-1201001519
67
https://www.lci.fr/police/video-incendie-eglise-saint-sulpice-est-un-acte-delibere-la-these-de-l-accident-
exclue-2115777.html
visible, la chute de la tour Eiffel, par exemple, aurait produit sur l’imagination une impression
immense. La perte probable d’un transatlantique qu’on supposait, faute de nouvelles, coulé en
pleine mer, frappa profondément pendant huit jours l’imagination des foules. Or les statistiques
officielles montrent que dans la même année un millier de grands bâtiments se sont perdus. Mais, de
ces pertes successives, bien autrement importantes comme la destruction de vies et de
marchandises qu’eût pu l’être celle du transatlantique en question, les foules ne se sont pas
préoccupées un seul instant.

Ce ne sont donc pas les faits eux-mêmes qui frappent l’imagination populaire, mais bien la façon
dont ils sont répartis et présentés. Il faut que par leur condensation, si je puis m’exprimer ainsi, ils
produisent une image saisissante qui remplisse et obsède les esprits.

Connaître l’art d’impressionner l’imagination des foules c’est connaître l’art de les gouverner. » 68

Le parallèle avec la destruction continue des églises dans l’indifférence générale et l’incendie de
Notre-Dame qui est immédiatement devenu un drame national – du fait de l’image saisissante et
impressionnante de l’incendie – et les exemples donnés par Gustave Le Bon sont frappants.

Au-delà des aspects immobilier et financier que nous avons déjà évoqués, l’influence symbolique et
psychologique de cet incendie sur les foules est tout aussi important. Nous allons voir dans quel
contexte politique la mise en scène d’un tel « spectacle » peut s’avérer utile afin d’orienter la
population et de générer ainsi une catharsis sociale à même d’exorciser la crise politique que
traverse la République.

Subvertir l’Église pour mieux la faire haïr


« Celui qui est un scandale, une occasion de chuter, pour un seul de ces petits qui croient en moi,
mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le
jette à la mer. » (Mc 9,42)

Comme nous l’avons déjà évoqué, l’incendie de Notre-Dame a été précédé d’une vague de
vandalismes contre les églises ainsi que d’une destruction de nombreux édifices religieux dont l’État
a la charge (conséquence des persécutions de 1905 justement !). Mais surtout l’Église est l’objet
d’une persécution publique constante au travers des accusations de pédophilie de certains de ses
clercs, pédophilie dont on découvre peu à peu qu’elle est un fléau qui touche une grande partie du
monde politico-médiatique et de la culture mais qu’une propagande constante ne cesse d’attribuer à
la seule Église catholique. Cela au travers de tous les vecteurs médiatiques et culturels possibles et
sans discontinuer.

Par une inversion de sens typique, on inocule dans l’esprit public l’idée que la pédophilie serait
naturellement présente dans l’Église et qu’elle serait due au fait que l’Église commande à l’homme
de maîtriser ses pulsions et de soumettre le plaisir sexuel à la nécessité de la reproduction. Selon le
raisonnement freudo-marxiste habituel, on accuse l’Église de réprimer l’éros et de favoriser ainsi des
comportements sexuels déviants dissimulés. Dans la réalité, c’est tout l’inverse, c’est justement la
révolution freudo-marxiste dans l’Église à partir des années soixante et même avant qui a pourri de

68
Gustave Le Bon, La Psychologie des foules, 1895, PUF, 2013, p. 37.
l’intérieur la formation d’un certain nombre de séminaires. Surtout, face à la chute des vocations
consécutives à l’abandon du catholicisme traditionnel pour une forme moderniste édulcorée et
hypocrite de religiosité, les séminaires se montrent toujours moins regardant dans la sélection des
aspirants prêtres et ne leur délivrent plus la formation classique toute empreinte de stoïcisme qui
était celle de l’Église traditionnelle. Il arrive alors ce qui arrive dans toute structure humaine, la
brebis galeuse amène d’autres brebis malades et finit par contaminer une partie importante du
troupeau. On conclura donc que la responsabilité des dérives sexuelles de certains clercs est plus à
chercher dans son aile moderniste que dans son aile Traditionnaliste. Une situation qu’a exposée
récemment le Pape émérite Benoît XVI dans une étude sur les origines des abus sexuels dans l’Église.
Il explique dans ce texte de quelle manière la manière la révolution freudo-marxiste des années 60 a
subverti les conceptions classiques de la morale chrétienne dans certains séminaires et chez certains
théologiens modernistes et l’impact dévastateur de ces conceptions sur la vie de l’Église moderne :

« Comme j’ai essayé de le montrer, le processus de dissolution de la conception chrétienne de la


morale, préparé depuis longtemps et en cours de réalisation, a connu une radicalité sans précédent
dans les années 1960. Cette dissolution de l’autorité de l’Église en matière de morale devait
nécessairement avoir des conséquences sur les différents domaines de l’Église. (…) Dans divers
séminaires, des clubs homosexuels ont été mis en place, qui ont agi plus ou moins ouvertement et
qui ont considérablement modifié le climat dans les séminaires. Dans un séminaire situé dans le sud
de l’Allemagne, des candidats au sacerdoce et à la présidence du ministère laïc vivaient ensemble.
Les séminaristes partageaient les repas communs avec des partenaires pastoraux mariés, eux-mêmes
parfois accompagnés de leurs épouses et de leurs enfants, et dans certains cas, de leurs petites
amies. Le climat dans le séminaire n’aidait pas à préparer les vocations sacerdotales. (…) Des
évêques — et pas seulement aux États-Unis — ont rejeté la tradition catholique dans son ensemble
et ont cherché à instaurer une sorte de nouvelle « catholicité » moderne dans leurs diocèses. Il
convient peut-être de mentionner que, dans de nombreux séminaires, les étudiants surpris en train
de lire mes livres étaient considérés comme inaptes au sacerdoce. Mes livres étaient cachés, comme
de la mauvaise littérature, et on ne les lisait que sous la table. » 69

Une position qui prend le contre-pied du pape François en la matière et qui a bien sûr été attaquée
par l’aile la plus moderniste de l’Église et par ses relais médiatiques comme La Croix. Rappelons
qu’avec le départ de Benoît XVI, l’Église a connu un pape qui a renoncé à sa charge pour la première
fois de son histoire. Un départ que Mgr Luigi Negri expliquait par des pressions internes et externes
au Vatican afin de faire renoncer Benoît XVI70. La révolution-conservatrice que le Pape Benoît XVI
avait commencé de mener à l’intérieur de l’Église et ses positions marquées par une volonté de
réorienter progressivement l’Église à la dérive vers des principes plus réellement catholiques ont été
combattues avec acharnement par l’aile la plus moderniste de l’Église.

On comprend dès lors que l’Église a subi en son sein la même révolution freudo-marxiste que la
société civile depuis les années soixante. L’Église a laissé pénétrer dans ses rangs des brebis galeuses
qui ont joué un rôle trouble similaire à celui des Cohn-Bendit et autres soixante-huitards marxistes-

69
https://fr.aleteia.org/2019/04/12/document-lintegralite-du-texte-du-pape-emerite-benoit-xvi-sur-les-abus-
sexuels/
70
https://www.riposte-catholique.fr/archives/137426
https://www.lifesitenews.com/news/italian-archbishop-pope-benedict-retired-due-to-tremendous-pressure
culturels. De nos jours le mal est fait et une grande partie de la population déchristianisée associe
désormais l’Église catholique aux abus sexuels et à la pédophilie. Les chrétiens sont ainsi livrés
quotidiennement en pâture à des campagnes médiatiques de haine organisées et autorisées. Une
situation délétère qui ne fait qu’accélérer la déchristianisation de la société et éloigne la population
d’une Église dont l’image est volontairement souillée. L’Église catholique est attaquée car elle est l’un
des derniers remparts face à la culture de mort contemporaine (avortement, euthanasie, dictature
écologique, New-Age pseudo-religieux etc.).

À terme la convergence de la subversion interne de l’Église avec les accusations médiatiques finiront
peut-être par faire plus de ravages que les persécutions directes de type stalinien qui, d’une certaine
manière, renforcent la foi des vrais croyants selon le mot bien connu de Tertullien : « Le sang des
martyrs est la semence du christianisme. »

Le sacrifice propitiatoire de Notre-Dame pour régénérer la République


Comme durant la période soviétique mais de manière infiniment plus subtile, l’Église est présentée à
la population comme un repère de pédophiles et de dépravés qui sont tels car ils refouleraient leurs
pulsions sexuelles. C’est par exemple la thèse centrale du livre à charge récemment paru contre
l’Église : « Sodoma »71. Une fois l’Église et les chrétiens ainsi présentés à la population, le
christianisme devient de fait un bouc émissaire contemporain idéal. Un bouc émissaire que notre
société à la dérive peut dès lors charger de toutes ses fautes avant de le sacrifier pour purifier et
régénérer le corps social républicain menacé d’éclatement. La crise des Gilets jaunes, telle une
jaunisse sociale, ne constitue que le symptôme le plus extérieur de la crise ontologique de la
République française athée. La République, pour se sauver de la conflictualité qui la mine de
l’intérieur, pour se sauver des inimitiés internes et de l’archipellisation72 du corps social qu’elle a elle-
même contribué à créer, se doit de trouver une victime expiatoire à livrer en holocauste pour
conjurer les forces de la stasis73et de la guerre civile qui la minent.

La logique du bouc émissaire tire sa nécessité des tréfonds de l’âme humaine. Toutes les sociétés
humaines, tous les groupes humains, toutes les collectivités, lorsqu’elles rencontrent une crise
majeure dans leur existence peuvent avoir recours au sacrifice d’un bouc émissaire.

Ici, un détour par la pensée de René Girard éclairera plus à fond notre propos. René Girard est le
célèbre anthropologue, théoricien du « désir mimétique » et de la violence sacrificielle dans les
sociétés humaines. La thèse de René Girard sur la violence sacrificielle peut être résumée très
succinctement ainsi :

« Quand une société ne va pas, elle cherche un responsable, une victime, un bouc émissaire.
Lorsqu'elle l'a trouvé, elle focalise l'attention du peuple sur ce bouc émissaire. Il est coupable, il doit
être sacrifié. On sacrifie la victime. Sans même se demander si la culpabilité est là. (…) Cette violence

71
https://www.hommenouveau.fr/2776/religion/sodoma--de-frederic-martel---un-livre-de-combat-contre-la-
tradition-de-l-eglise-bret-ses-defenseurs-comme-le-cardinal-burke.htm
Frédéric Martel, Global Gay, Paris, Flammarion, 2013
72
https://www.seuil.com/ouvrage/l-archipel-francais-jerome-fourquet/9782021406023
73
https://fr.wikipedia.org/wiki/Stasis
a pour fonction de contenir la violence. Le christianisme vient mettre un terme à ce jeu. Il plaide
pour le droit de parole. La victime peut et doit se défendre. La victime a des droits. Elle peut crier son
innocence. » 74

Après deux cents ans de déchristianisation ininterrompue, la logique du bouc émissaire, que le
sacrifice perpétuel du Christ avait en partie écarté de la vie sociale occidentale, revient au-devant de
la scène de l’histoire comme une implacable nécessité. Enlevez le Christ et vous aurez le retour du
sacrifice païen. Écoutons ici ce que nous dit René Girard :

« Lorsque la crise paraît menacer de nouveau, on recourt aux grands moyens et on imite ce que la
victime a fait, semble-t-il, pour sauver la communauté. Elle a accepté de se faire tuer. On va donc
choisir une victime qui lui sera substituée et qui mourra à sa place, une victime sacrificielle : c’est
l’invention du rite. Enfin, on va se souvenir de cette visitation sacrée : cela s’appelle le mythe. (…) Les
ethnologues n’ont jamais compris pourquoi tant de communautés dans leurs rites déclenchent
volontairement le type de crise qu’elles redoutent le plus. C’est pour arriver plus vite à l’immolation
de la victime dont on pense qu’elle va ramener une fois de plus l’ordre et la paix. (…) Si cette
réconciliation est assez forte, si le malheur qui a précédé, si la souffrance était assez grande, le
saisissement doit être tel que la communauté va s’interroger sur sa bonne fortune. (…) L’expérience
lui a montré qu’elle est incapable de surmonter ses divisions par ses propres moyens, incapable de
rafistoler toute seule son contrat social si vous voulez. Elle va donc se tourner à nouveau vers un
bouc émissaire. Elle va le rendre lui-même responsable de son efficacité en tant que bouc émissaire.
À l’idée qu’il peut détruire la communauté s’ajoute désormais celle qu’il peut la reconstruire. C’est
l’invention du sacré dont la vieille ethnologie avait compris qu’il existe dans toutes les cultures.

La sacralisation fait de la victime le modèle d’une imitation et une contre-imitation proprement


religieuse. On demande à la victime d’aider la communauté à protéger sa réconciliation, à ne pas
retomber dans la crise des rivalités. » 75

Appliquée à la séquence historique en cours, la victime expiatoire c’est la chrétienté elle-même et


son symbole le plus éclatant, Notre-Dame de Paris. Ainsi après avoir chargé l’Église de tous les maux,
de tous les vices et surtout après lui avoir fait porter la responsabilité collective de la pédophilie (le
pire des crimes), la chrétienté devient alors la victime toute désignée pour épouser le rôle du bouc
émissaire propitiatoire apte à apaiser les mânes de la République.

La République s’est construite contre la religion nationale de la France. Sous sa forme actuelle elle ne
propose pas de contenu positif sauf une autonomie radicale de l’individu, qui, portée à ses
conséquences les plus ultimes, contribue à accélérer le délitement de la société. La République est en
guerre permanente contre la religion mais en détruisant son ennemi elle perd aussi ce sur quoi elle
s’appuyait et dont elle tirait sa légitimité en le combattant. Surtout en évacuant complètement le
sacré de la société elle crée un vide spirituel et moral qui génère à terme de graves conséquences
politiques et sociales, car aucune société humaine ne peut durer dans le temps sans un principe

74
https://www.erudit.org/fr/revues/hphi/1996-v6-n2-hphi3183/801020ar/

75
René Girard, Quand ces choses commenceront, Paris, Arléa, 1994.
religieux qui la fonde, la soutient et la justifie. Il lui faut donc, comme l’avait fait Staline à l’heure
fatidique, réintroduire assez de sacré pour mobiliser l’esprit public mais dans des proportions qui lui
permettent de ne pas être débordé par un excès de catholicisme qui risquerait de mettre un terme
au projet parareligieux qui sous-tend la République et dont nous reparlerons plus loin.

Des déclarations de personnalités politiques et médiatiques connues pour leur anticléricalisme


semblent aller dans ce sens. Elles sont nombreuses à voir dans l’incendie l’occasion de relancer la
République qui, tel le phénix, doit renaître des cendres de Notre-Dame afin de clore l’insurrection
des Gilets jaunes et d’ouvrir peut-être la page d’une sixième République.

Destruction de la cathédrale et construction d’un temple maçonnique


Par exemple Jean-Luc Mélenchon, franc-maçon notoire (membre du Grand Orient76) et anticlérical
virulent, a bizarrement été très « ému » par l’incendie à Notre-Dame. Il s’est fendu d’un tweet le 15
avril :

« Je suis comme, sans doute, la totalité de tous ceux qui vivent dans ce pays et dans le monde qui
voient ce spectacle sidérant, abominable.

Tout va au grand corps qui est là et qui brûle sous nos yeux. #NotreDame »

Sans entrer ici dans des détails ésotériques, le grand corps auquel Mélenchon fait allusion à une
croyance gnostique (le gnosticisme a très largement irrigué les loges maçonniques) selon laquelle
Dieu aurait créé l’Univers par des émanations, faisant de son « corps » le corps du Cosmos. Les
gnostiques (notamment le gnostique helléniste Marc, au IIe siècle) parlaient de « corps de vérité » 77.

Sur son site internet, Jean-Luc Mélenchon a publié un texte qu’il a écrit et titré « Notre cathédrale
commune », qui commence par cette phrase « Athées ou croyants, Notre-Dame est notre cathédrale
commune » et se termine par celle-ci « Je me dis qu’elle ne brûlera jamais tout à fait. Il en restera
toujours un morceau qu’un être humain voudra continuer vers le ciel. »

Deux jours plus tard, le représentant d’une autre loge maçonnique a déclaré qu’il voyait dans cet
incendie une opportunité. Il s’agit de Jean Luc Tinland, grand-maître de la Grande Loge Européenne
de la Fraternité Universelle, qui a tweeté le 17 avril 2019 :

« Pour nous, francs-maçons, comme tout humain mais aussi par notre lien avec les bâtisseurs
européens de cathédrales, nous étions dans cette sidération de voir ainsi cette œuvre en proie aux
flammes.

La franc-maçonnerie, c’est aussi ce mythe fondateur de la construction, destruction, reconstruction,


‘‘du temple’’. Quel[le] que soit notre tristesse de ce soir, voyons-y une opportunité de nous

76
http://www.francesoir.fr/politique-france/les-francs-macons-ont-finalement-pas-exclu-melenchon-du-grand-
orient-de-france

77
Voir : Gnose et manichéisme, conférence de Jean-Daniel Dubois, École Pratique des Hautes Études, 2008, pp.
209-215 : http://asr.revues.org/234
galvaniser dans cette fraternité qui symboliquement et pratiquement a fait construire ces
cathédrales dans l’ensemble de l’Europe et les reconstruire malgré les assauts divers.

C’est ainsi que j’invite chaque loge à procéder à une cagnotte exceptionnelle pour participer à la
reconstruction du Temple. » 78

La « reconstruction du Temple » renvoie à la tradition juive qui a également été intégrée à ces
mythes fondateurs de la Franc-maçonnerie, mais nous y reviendrons plus bas.

Cet enthousiasme des francs-maçons qui veulent, non pas restaurer, mais reconstruire Notre-Dame,
rebaptisée là « le Temple », doit être mis en relation avec les projets architecturaux pour Notre-
Dame et l’Île de la Cité que nous avons déjà évoqués ; projets remis au précédent Président de la
République, François Hollande, en 201679.

Ce projet de transformation des églises et des cathédrales en temples maçonniques est aussi ancien
que la République française. En effet, les révolutionnaires français – qui étaient pour bon nombre
d’entre eux francs-maçons80 – ont transformés, durant l’automne 1793 jusqu’au printemps 1794,
nombre d’églises et de cathédrales en temples de la Raison (conformément aux maçonneries
athéistes), puis, du printemps 1794 à l’été 1794, en temples de l’Être suprême (conformément aux
maçonneries déistes).

Parmi les nombreuses églises transformées en temples maçonniques, on peut compter l’église Saint-
Sulpice qui a été récemment incendiée (en mars 2019) et la cathédrale Notre-Dame qui est devenue
un temple de la Raison par décret le 10 novembre 179381.

Cela s’explique par le double projet révolutionnaire, à savoir la destruction du catholicisme et et le


remplacement de celui-ci par une religion de la République qui a été forgée dès la Révolution de
1789 (cf. Y. Hindi, La Mystique de la Laïcité : Généalogie de la religion républicaine, 2017).

Un des derniers artisans de la religion républicaine, Ferdinand Buisson (1841-1932) – qui fut, entre
autres, président de la Ligue de l’Enseignement (1902-1906), directeur de l’Enseignement primaire
(1879-1896) sous la présidence de Jules Ferry, et en 1905, président de la commission parlementaire
chargée de la séparation des Églises et de l’État – avait confié à Victor Hugo dans une lettre du 10
juillet 1869 qu’il voulait :

« Créer une vaste franc-maçonnerie au grand jour »82

78
https://www.medias-presse.info/pourquoi-ils-parlent-de-reconstruction-de-notre-dame-de-paris-le-plan-
maconnique/107500/
79
https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/A-Paris-un-projet-spectaculaire-pour-l-ile-de-la-Cite-
833143?fbclid=IwAR3yX1ZUjTrg8o4wfzFvLbObzVNrDFvQDIcxrHIzLxJev0fUkjPlEyKUvpI

https://www.latribunedelart.com/ile-de-la-cite-l-hidalgoisation-des-esprits
80
Voir : Maurice Talmeyr, La Franc-Maçonnerie et la Révolution française, 1904, Kontre Kulture, 2012.
81
Décret du 20 brumaire an II (10 novembre 1793) portant que l'église métropolitaine de Paris est maintenant
le temple de la Raison, dans Jean-Baptiste Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances,
règlements, et avis du Conseil d'État, t. VI, Paris, A. Guyot et Scribe, 1825 [1re éd.], p. 281.
Pour comprendre ce que cache cette formule énigmatique, il faut revenir aux débuts de la
Révolution, après l’arrestation du Roi Louis XVI. L’abbé Barruel (1741-1820), témoin oculaire,
raconte :

« Aussitôt le séjour du Roi au Temple [il s’agit de la Tour du Temple, une forteresse construite par les
Templiers au XIIIe siècle et qui a servi de geôle à Louis XVI] décidé, un grand nombre de francs-
maçons se répandent dans Paris, et crient partout, à la stupeur générale, en se livrant à des
transports de joie : ‘‘Le Roi est arrêté, tous les hommes sont maintenant égaux et libres ! Nous
n’avons plus de secret ! Nos mystères sont accomplis ! La France entière n’est plus qu’une grande
Loge ! Les Français sont tous francs-maçons, et l’univers entier le sera bientôt ! »83

Le projet de Ferdinand Buisson est donc l’établissement d’un régime politique qui serait l’extension
de la franc-maçonnerie. Et sur le chemin menant à cet accomplissement politico-religieux et
messianique, Ferdinand Buisson avait fondé une Église ouverte à tous (croyants, athées, rationalistes,
protestants…). Et il fut soutenu par Jules Michelet, Edgar Quinet (son maître) et Victor Hugo84.

L’objectif des républicains, depuis la Révolution, est certes de détruire le catholicisme, mais
également de combler le vide religieux provoqué par cette destruction, lui trouver une religion de
substitution. C’est le fond de l’histoire de l’humanité, et parce qu’il n’y a pas d’exception, c’est
également le fond de l’histoire de la République française : tout l’enjeu historique et politique est en
réalité religieux, c’est une guerre religieuse permanente qui a débuté en 1789. Et cette guerre n’est
pas terminée. C’est la raison pour laquelle les héritiers de Ferdinand Buisson, à commencer par
Vincent Peillon, militent depuis bien des années pour une VIe République. Arnaud Montebourg,
soutenu par Vincent Peillon, avait créé en 2001 La convention pour la VIe République. Cette idée de
rénovation de la République a été reprise par le franc-maçon Jean-Luc Mélenchon85.

Vincent Peillon, véritable continuateur de l’œuvre de Ferdinand Buisson – auteur des ouvrages Une
religion pour la République et La Révolution française n’est pas terminée – ne cache pas son projet :
« Face à du positif, il faut du positif. La laïcité est du positif, pas du neutre ! La République laïque
n’est pas neutre. Elle est offensive, conquérante. Elle l’est d’autant plus qu’elle se situe dans un
champ historique et politique où elle sait qu’elle a des ennemis, qu’elle est contestée et fragile, que
les retours en arrière sont toujours possibles, que la neutralité n’existe pas et est donc
impossible. »86

Quant à la nature de la Révolution de 1789 et de religion républicaine, Peillon affirme :

« Avec la Révolution, la Providence a fait sa part de l’œuvre, et c’est du côté humain qu’elle n’est pas
encore accomplie. Ce thème du concours de l’homme à la création de Dieu fait jonction entre la

82
Youssef Hindi, La Mystique de la Laïcité : Généalogie de la religion républicaine, 2017, Sigest, p. 103.
83
Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, Hambourg, 5 vol., P. Fauche, 1798-1799.
Cité par Maurice Talmeyr, La Franc-Maçonnerie et la Révolution française, 1904 p. 38.

84
Y. Hindi, Op. cit. p. 103.
85
Y. Hindi, Op. cit. p. 22.
86
Vincent Peillon, Une religion pour la République, Le Seuil, 2010, p. 194.
Kabbale juive, l’illuminisme et les philosophies de l’histoire républicaine qui vont conduire à la
laïcisation de l’histoire. »87

L’incendie de Notre-Dame serait-il l’occasion pour les fanatiques maçons et kabbalistes de


parachever leur multiséculaire projet politico-religieux et messianique ?

II - De la destruction de Notre-Dame à la reconstruction du Temple


de Jérusalem
L’incendie de Notre-Dame, un châtiment divin contre le Christianisme ?
Plusieurs rabbins, notamment israéliens, ont vu dans cet incendie une punition infligée à la France et
au catholicisme. À l’instar du Rav Ilaï, rabbin du groupe Yavneh, responsable du collège religieux Rach
Hasadeh, enseignant au cours préparatoire Tzahali et au Matan, qui a déclaré :

« Ce n’est pas le premier incendie au sein de la Cathédrale Notre Dame de Paris. En effet, il y a 777
ans, dans la cour de ce magnifique bâtiment, les chefs de l’Église catholique ont rassemblé environ
1200 manuscrits du Talmud et les ont brûlés, ce qui est considéré comme l’un des événements
antisémites les plus célèbres de l’histoire.

Au même moment, les Juifs de Paris ont été obligés de porter un écusson spécial sur leurs vêtements
(si cela peut vous rappeler l’étoile jaune). Quelques années plus tard, inspirés par l’événement, les
Juifs de Paris ont été expulsés de chez eux.

L’incendie d’aujourd’hui est un événement bouleversant, les images sont regrettables et l’incendie
criminel est une véritable horreur. Et en plus de tout cela, cela me fait peur d’entendre les Juifs se
plaindre de la perte d’un lieu qui était un repère de l’antisémitisme, pour la haine des Juifs et pour
les blesser… »88

Le rabbin israélien d’origine française Shlomo Aviner a affirmé qu’il est possible de dire que l’incendie
à Notre-Dame est un châtiment divin sanctionnant « Le premier important autodafé de textes du
Talmud qui s’est déroulé à Paris, sur la place de la cathédrale Notre-Dame » en 1242 à la suite de ce
que les historiens ont appelé le « Procès du Talmud ». Et d’ajouter :

« Ils doivent être punis. Le christianisme est notre ennemi numéro un à travers l’histoire. On a
tenté de nous convertir, que ce soit par la parole ou par la force, nous avons été les victimes de
l’Inquisition menée contre nous, on a brûlé des Talmud, il y a eu des expulsions, des pogroms.
L’antisémitisme occidental est né de la haine des ‘assassins de Dieu’. Tout cela a aussi eu un rôle dans
la Shoah. Les Français ont remis les Juifs aux camps d’extermination… »89

D’ailleurs, on peut remarquer que « le hasard » a fait que le Mémorial des martyrs de la
Déportation90, construit en 1962, se trouve sur l’île de la Cité, à quelques mètres de Notre-Dame. Ce

87
Vincent Peillon, Op. cit. pp. 63-64.
88
https://infos-israel.news/il-y-a-777-ans-dans-la-cour-de-la-cathedrale-notre-dame-12-000-manuscrits-du-
talmud-ont-ete-brules/
89
http://fr.timesofisrael.com/le-feu-a-notre-dame-un-chatiment-de-lautodafe-des-talmud-au-13e-siecle-rabbin/
90
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/memorial-des-martyrs-de-la-deportation
mémorial a été construit à l’initiative du Réseau du souvenir, qui a été fondé, entre autres, par Paul
ARRIGHI, Annette Christian-LAZARD, Germaine AYLÉ, Gilbert DREYFUS, Maurice AZOULAY91.

Interrogé sur l’attitude à adopter face à l’incendie qui a touché la cathédrale, le rabbin Shlomo Aviner
a répondu :

« Ce n’est pas notre travail pour le moment. Il n’y a pas de mitzvah (commandement) de se réjouir
des incendies des églises chrétiennes à l’étranger. Dans notre terre sainte, le sujet est plus
compliqué. En effet, le Satmar Rebbe a écrit une de ses raisons pour ne pas immigrer en Israël, car ici
c’est une mitzvah (commandement) de brûler des églises, et comme ils ne le font pas, ils violent
également l’interdiction. »92

Effectivement, les destructions d’églises sont monnaies courantes en Palestine occupée : une église a
été incendiée le 18 juin 2015, une maison du Patriarcat a été délibérément détruite en novembre
2013 à Jérusalem93, le 20 septembre 2017, l’église Saint-Étienne de Bet Gemal, à 30 kilomètres de
Jérusalem, a été saccagée. Les attaques ciblant directement les chrétiens défraient souvent la
chronique, comme récemment l’agression survenue en juin 2019 contre des séminaristes et un
prêtre arménien :

« Alors qu’une vingtaine de séminaristes accompagnés par leur prêtre doyen, quittaient le Séminaire
théologique arménien pour se rendre, comme chaque semaine au Saint-Sépulcre, trois juifs
extrémistes accompagnés d’un chien muselé, leur ont craché dessus et les ont verbalement insultés
en hurlant : « Que meurent les chrétiens ! » et « Nous vous chasserons hors du pays ! ». Ils ont
ensuite enlevé la muselière de leur chien et l’ont lancé à l’attaque du doyen. Les séminaristes ont
alors ôté leurs soutanes pour protéger le doyen des morsures et les ont agitées pour distraire
l’attention du chien. Les trois extrémistes sont alors passé à l’attaque contre les séminaristes dont un
a eu la main cassée, puis ils ont pris la fuite pour se rendre au commissariat de police de la Vieille ville
afin… de porter plainte contre les Arméniens qui auraient tenté de les lyncher ! Le Patriarcat
arménien a porté plainte contre ces agresseurs et appelle à leur condamnation. Ce type d’incidents
antichrétiens est malheureusement très fréquent à Jérusalem. » 94

Et le site du Patriarcat arménien de préciser :

« L'article de la presse juive sur l'attaque est un pur mensonge et une calomnie malveillante, qui
porte atteinte à notre réputation et porte atteinte à la réputation exceptionnelle du patriarcat
arménien. Les réactions dans la presse juive et leur page Facebook sur cet article diffamatoire et
véhiculent la haine. »95

La volonté israélienne d’affaiblir, voire de faire disparaître la présence chrétienne en Palestine


occupée est une réalité. Il y a, dans la tradition juive – comme dans la tradition républicaine française

91
https://francearchives.fr/fr/facomponent/0ddaa4dc25a807b7fcbe59784a0d79069a93c3ef
92
https://infos-israel.news/leglise-catholique-est-en-feu-est-ce-triste-ou-joyeux-reponses-du-rav-shlomo-aviner/
93
https://www.medias-presse.info/israel-detruit-une-propriete-du-patriarcat-latin-avec-laide-de-larmee/3469/
94
https://www.christianophobie.fr/carte/seminaristes-armeniens-attaques-par-des-extremistes-juifs-a-jerusalem
http://armenews.com/spip.php?page=article&id_article=14749
95
https://armenian-patriarchate.com/saturday-june-8-2019-jerusalem-old-city/
– le projet de destruction du christianisme, mais également de l’islam. La destruction de ces deux
religions étant un préalable à l’avènement des temps messianiques96.

Mais, la tradition juive talmudique propose aux non-juifs une religion de substitution, une religion de
secours en quelque sorte : le noachisme97 ; un judaïsme édulcoré et adapté pour les goyim (les non-
juifs) qui vise à les inféoder à la prêtrise juive.

De ce point de vue-là, le républicanisme est le pendant « laïque » du judaïsme, car il a le même


projet : la destruction des religions orthodoxes, et la substitution à celles-ci d’une religion
œcuménique.

Un œcuménisme que l’on a vu s’exprimer tout près de Notre-Dame, alors qu’elle était encore en
flammes.

Le site d’information Le monde juif.info a rapporté :

« Des dizaines de chrétiens sionistes, rivés en face de la cathédrale Notre-Dame en feu, ont entonné
une prière dont la mélodie est celle de Hatikvah, l’hymne israélien.

‘‘Oh ! prends mon âme, aussi intitulé Ô prends mon âme’’, est un cantique du milieu du XXe siècle,
aux paroles écrites par le compositeur protestant évangélique français Hector Arnera (1890-1972),
sur l’air de Hatikvah, hymne sioniste composé par Samuel Cohen, devenu par la suite hymne national
israélien. »98

L’incendie de la mosquée al Aqsa et le troisième Temple de Jérusalem


Peu d’observateurs l’ont noté, mais, de manière significative, au moment même où brûlait Notre-
Dame, un feu s’est déclaré dans la mosquée al Aqsa, à Jérusalem99. Le feu a endommagé une loge de
garde au-dessus d’une salle de prière, selon le Waqf, la fondation islamique sous contrôle jordanien,
qui gère le site. Il a été rapidement éteint. D’après cette organisation, l’incendie aurait été provoqué
par des enfants en train de jouer, sans plus de précisions100.

La mosquée al Aqsa se trouve précisément à l’endroit où les Israéliens veulent « reconstruire » le


Temple. Et ils ne cachent pas leur volonté de détruire la Mosquée101. L’Institut du Temple102 a été
créé en 1987 par le rabbin Yisrael Ariel, en vue de ce projet de construction du Troisième Temple.

Tous les objets liturgiques du futur temple sont prêts103. En novembre 2016, le rabbin Hillel Weiss,
porte-parole du Sanhédrin, interpelant Vladimir Poutine et Donald Trump, déclarait :

96
Voir : Y. Hindi, Occident & Islam – Tome I : Sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015.
97
Voir : Talmud, Mas Sanhedrin 59a ; et Maïmonide, Mishneh Torah, « Idolâtrie » 10, 6.
98
https://www.lemondejuif.info/2019/04/video-incroyable-des-chretiens-prient-devant-notre-dame-avec-la-
melodie-de-lhymne-israelien-chant-despoir/
99
https://www.newsweek.com/notre-dame-fire-aqsa-mosque-1397259
https://www.europe-israel.org/2019/04/video-jerusalem-un-incendie-sest-declare-dans-la-mosquee-al-
aqsa-en-meme-temps-que-notre-dame-de-paris/
100
https://francais.rt.com/international/61088-esplanade-mosquees-jerusalem-victime-d-incendie
101
http://www.alterinfo.net/L-institution-d-Al-Aqsa-les-israeliens-se-preparent-pour-demolir-la-mosquee-d-Al-
Aqsa_a7995.html
102
http://www.templeinstitute.org/
« Nous sommes prêts à reconstruire le Temple. Les conditions politiques actuelles, dans lesquelles les
deux dirigeants nationaux les plus importants dans le monde soutiennent le droit juif à Jérusalem
comme leur héritage spirituel, sont historiquement sans précédent. »104

La pression exercée en ce sens sur le site de la Mosquée d’al-Aqsa est constante. Ainsi le 09 mai
2019, des dizaines de colons, escortés par la police israélienne, faisaient irruption sur le site de la
mosquée al-Aqsa : « Firas al-Dis, responsable de la communication au sein de l’autorité des Wakfs
islamiques de Jérusalem, a déclaré que ‘‘137 extrémistes ont envahi la mosquée al-Aqsa aujourd’hui’’
». 105

Début juin 2019, environ 1200 militants sionistes religieux s’introduisaient sur l'esplanade des
Mosquées durant la fin du ramadan, une période où il leur est théoriquement interdit de visiter
l’esplanade. Une intrusion qui a eu lieu avec l’aval de la police israélienne à l’occasion des festivités
du « Jour de Jérusalem », une journée qui commémore la prise de la vieille ville de Jérusalem, alors
sous contrôle jordanien, lors de la guerre des Six Jours en 1967.106

S’en suivront des heurts violents entre les fidèles musulmans qui défendaient leurs lieux saints et les
militants sionistes venus faire le coup de poing pour commémorer le jour où selon eux le destin
messianique d’Israël a été freiné. Les sionistes religieux n’ont effectivement jamais admis le statu
quo imposé en 1967 par Moshe Dayan lors de la guerre des Six Jours. À cette époque, le général puis
ministre de la défense, Moshe Dayan se serait exclamé face à l’idée de s’emparer de force de
l’esplanade des Mosquées : « Pourquoi aurions-nous besoin d’un tel Vatican ? ».107

Moshe Dayan se ravisera et enverra ses parachutistes s’emparer de l’esplanade des Mosquées mais il
placera ensuite lui-même l’administration de ce site très sensible sous la responsabilité du Wakf,
l’administration des biens musulmans, et évitera les provocations et vexations supplémentaires de
son aile droite. Allant jusqu’à déclarer à la radio israélienne : « Nous ne sommes pas venus conquérir
les lieux saints des autres, ni pour restreindre leurs droits religieux, mais pour assurer l’intégrité de la
ville et y vivre avec d’autres dans la fraternité. ».108

L’esplanade des Mosquées constitue le troisième lieu saint de l'islam, après La Mecque (où se trouve
Masjid al-haram, la mosquée sacrée) et Médine (où est située Masjid al-Nabawi, la mosquée du
Prophète). S’y trouvent le dôme du Rocher et la mosquée al Aqsa, la plus grande de Jérusalem. Pour
les musulmans, le Prophète Muhammad, accompagné de l’Ange Gabriel, s’éleva sur le dos d’une
monture appelée « Bouraq » depuis La Mecque jusqu’à la Mosquée al Aqsa, et de là il traversera les
sept cieux avant de recevoir de Dieu l’ordre pour les musulmans de prier cinq fois par jour.

Les juifs quant à eux appellent l’esplanade des Mosquées le mont du Temple. Il constitue pour la

103
https://www.youtube.com/watch?v=F6prYdPPPaQ
104
https://www.breakingisraelnews.com/78372/bin-exclusive-sanhedrin-asks-putin-trump-build-third-temple-
jerusalem/#3vwbci6oekLjVXjL.97
105
https://www.trt.net.tr/francais/moyen-orient/2019/05/09/des-dizaines-de-colons-envahissent-la-mosquee-al-
aqsa-1198231
106
http://www.lefigaro.fr/international/jerusalem-sous-tension-apres-des-heurts-sur-l-esplanade-des-mosquees-
20190602
https://fr.timesofisrael.com/260-000-musulmans-prient-a-jerusalem-apres-une-attaque/
107
https://www.letemps.ch/opinions/israel-victoire-messianisme-juif
108
Charles Enderlin, Au nom du Temple. Israël et l'irrésistible ascension du messianisme juif (1967 - 2013), Seuil,
avril 2013.
religion juive le lieu le plus sacré du judaïsme. Sur le mont du Temple se trouvait durant l’Antiquité le
Temple de Jérusalem qui fut détruit en 70 après Jésus-Christ par les légions romaines de Titus lors de
la première guerre judéo-romaine où l’Empire écrasa la révolte des juifs de la province de Judée.
Pour les sionistes religieux (toujours plus influents en Israël), la reconquête intégrale du mont du
Temple et à terme la reconstruction du troisième Temple constituent des objectifs stratégiques
centraux de leur vision du monde et de leur idéologie messianique. Pour eux, Israël ne sera
réellement Israël que lorsque les juifs pourront à nouveau se rendre au Temple pour y exercer les
sacrifices rituels décrit dans l’Ancien Testament.

Le reporter franco-israélien Charles Enderlin a étudié en profondeur l’impact du sionisme religieux


sur la société israélienne ; il explique de quelle manière la reconquête du mont du Temple obsède et
galvanise l’aile la plus religieuse du sionisme politique et militaire. Il montre comment le messianisme
religieux a fini par prendre le pas sur le sionisme laïc et a fait pression dès 1967 pour reprendre le
mont du Temple aux musulmans. Cela notamment au travers de rabbins ultra-militants tel Shlomo
Goren, général et aumônier-rabbin militaire de Tsahal. Il décrit l’exaltation qui s’est emparée du
rabbin suite à la prise du mont du Temple par les parachutistes de Tsahal en 1967 :

« Je n’ai pas dormi pendant trois nuits et le trajet du musée Rockfeller, je l’ai parcouru en courant
avec mes dernières forces sous les tirs et les bombardements. Dès la porte des Lions, j’ai commencé
à sonner le Shofar (la corne de Bélier) en priant à voix haute ainsi que la Halakha l’exige en temps de
guerre. Arrivé au centre du mont du Temple, j’ai sonné à nouveau le shofar et lu la proclamation que
j’avais préparée quelques jours plus tôt, déclarant tous les lieux saints en Israël ouvert à toutes les
religions du monde. Je suis ensuite descendu devant le Mur occidental devant lequel se trouvaient de
nombreux parachutistes … À midi vingt, j’ai dit la prière du Minkhah. J’ai envoyé une jeep chercher le
rabbin Zvi Yehouda Kook. Ils sont arrivés au Mur occidental en passant par le montant. » 109

Plus connu sous le nom de « Mur des lamentations », le « Mur occidental » désigne pour le judaïsme
le mur occidental du Temple d’Hérode. Shlomo Goren qui affirme dans ses mémoires avoir déclaré
que tous les lieux saints d’Israël seraient ouverts à toutes les religions du monde, aurait en fait
fomenté la destruction pure et simple du troisième lieu saint de l’islam en 1967. Charles Enderlin
rapporte ce dialogue entre Goren et le général Uzi Narkiss :

« Goren n’évoque pas la discussion qu’il a eu avec Uzi Narkiss. Ce dernier en révélera le contenu, des
années plus tard, à un journaliste du quotidien Haaretz. Goren voulait tout simplement faire place
nette :

Goren : « Uzi ! C’est maintenant ! Fait mettre cent kilos d’explosif dans la mosquée d’Omar et on en
sera débarrassé une fois pour toutes !

Narkiss: « Rabbin ! Suffit ! »

Goren: « Uzi ! Ton nom entrera dans l’histoire ! »

Narkiss : « Mon nom est déjà inscrit dans l’histoire de Jérusalem ! »

109
Charles Enderlin, Au nom du Temple. Israël et l'irrésistible ascension du messianisme juif (1967 - 2013).
Goren : « Tu ne réalises pas quelle portée cela aurait ! C’est l’occasion qu’il faut saisir maintenant à
cet instant ! Demain il sera trop tard ! »

Narkiss : « Rabbin ! Si tu n’arrêtes pas je te ferai mettre au cachot ! » 110

Un double discours habituel, qui vise à faire accroire aux non-juifs qu’une entente est toujours
possible et que, derrière les avancées de l’agenda communautaire, ce sont en fait des objectifs à
portée universelle et humanitaire qui sont visés.

Charles Enderlin rapporte dans son enquête les propos d’autres ultras de la destruction des
mosquées comme par exemple le rabbin Gershon Salomon, le président des Fidèles du Temple, qui
explique sans détours : « La mission de cette génération est de libérer le Mont sacré, d’en finir avec
la domination qui s’y trouve. Plus de dôme ! Plus de mosquée mais l’emblème d’Israël et le Temple !
Assez des rêves d’un Temple qui descendrait du ciel ! » 111

Cette pression permanente qu’exerce le lobby messianique en Israël est certes dangereuse pour les
populations de la région, mais elle concerne en fait le monde entier si l’on prend en compte
l’implication américaine dans la région. Surtout les proximités de vues qui existent entre certaines
tendances extrêmes du protestantisme politique américain comme le courant des « sionistes
chrétiens » est de nature à inquiéter quant au maintien des équilibres géopolitiques instables du
Proche-Orient.

Au début du XVIIe siècle, des théologiens protestants anglais ont commencé à défendre l’idée de
réimplantation des juifs en Terre sainte afin de hâter le retour de Jésus et ainsi convertir les juifs au
christianisme. Parmi ces théologiens protestants ayant promu cette idée, se trouvent Joseph Mede
(1586-1635), Richard Baxter (1615- 1691) et un parlementaire anglais, Sir Henry Finch (1558-1625),
qui rédigea un ouvrage d’exégèse dans lequel il « prédit » le retour des juifs en terre sainte : The
World’s Great Restauration, or the Calling of the Jews.

Cette vision messianique originellement juive, devenue (judéo)-protestante, va s’implanter dans


l’Amérique colonisée par les Anglais, qui se considéraient comme le nouveau peuple élu, l’Amérique
comme la nouvelle terre promise, terre des origines du monde, et les Indiens…, une race inférieure à
exterminer, suivant le modèle du récit biblique de la conquête de la terre promise par Josué :

« Et l’on appliqua l’anathème à tout ce qui était dans la ville ; hommes et femmes, enfants et
vieillards, jusqu’aux bœufs, aux brebis et aux ânes, tout périt par l’épée. » (Josué, 6:21)

« Josué battit tout le pays, la montagne, le midi, la plaine et les coteaux, et il en battit tous les rois; il
ne laissa échapper personne, et il extermina tout ce qui respirait, comme l’avait ordonné Yahvé, le
Dieu d’Israël » (Josué, 10:40)

110
Charles Enderlin, Au nom du Temple. Israël et l'irrésistible ascension du messianisme juif (1967 - 2013).
111
Charles Enderlin, Au nom du Temple. Israël et l'irrésistible ascension du messianisme juif (1967 - 2013).
John Locke, dans le second de ses Deux Traités de gouvernement (1690), donne à l’Amérique son
statut et sa fonction : « Au début, écrit-il, le monde était l’Amérique »112

De terre origine du monde, l’Amérique est devenue, au XVIIIe siècle, une annonce prophétique de
l’avenir. Dans la conscience d’une certaine élite européenne et plus particulièrement anglaise,
l’Amérique était liée à l’espérance messianique de la rédemption, en grande partie sous la pression
du mouvement évangélique qui fait de l’ancienne terre de mission un foyer missionnaire.

Au XIXe siècle, Alexis de Tocqueville avait bien perçu cette transformation :

« Il me semble voir toute la destinée de l’Amérique renfermée dans le premier puritain qui aborda
sur ses rivages, comme toute la race humaine dans le premier homme. »113

En 1781, un homme visionnaire, l’abbé Guillaume-Thomas Raynal, a perçu le danger que présentait
l’Amérique, à savoir la possibilité d’une colonisation à rebours de l’Europe par l’Amérique :

« On va jusqu’à craindre que l’Europe ne trouve un jour des maîtres dans ses enfants. »114

Parallèlement, dans l’Angleterre des XVIIIe et XIXe siècles, le mouvement proto-sioniste protestant,
aussi appelé « restaurationnisme », se prolonge, et il est représenté par des personnages comme
Thomas Newton, évêque de Bristol, et Anthony Ashley Cooper, comte de Shaftesbury

Finalement, ces différentes branches du judéo-protestantisme convergeront et guideront la politique


étrangère américaine, en définitive au profit d’Israël.

Il existe en effet, depuis 1967, des lobbies évangéliques sionistes qui agissent essentiellement au sein
du parti républicain, comme le National Christian Leadership Conference for Israel (fondée en 1967),
l’Ambassade chrétienne internationale à Jérusalem (fondée en 1980), le Christian Zionist Congress
(fondé en 1996), Voices United for Israel (organisation judéo-évangélique) ou encore le Christian’s
Israel Public Action Campaign (CIPAC)115.

L’engouement de la droite américaine pour Israël s’est alors développé dans les années Reagan, avec
l’émergence de prédicateurs influents tels Jerry Falwell, qui ont profondément modifié le Parti
républicain. En 1979, Jerry Falwell fonde la Moral Majority (Majorité morale), une organisation
politique réunissant des catholiques, des protestants et des évangélistes. Elle compta jusqu’à 6,5
millions de membres et a contribué à l’élection à la présidence des États-Unis de Ronald Reagan, et
plus tard de Georges W. Bush116. Pour ses bons et loyaux services, l’influent prédicateur protestant
Jerry Falwell a reçu en cadeau de la part du gouvernement israélien un jet privé117.

C’est d’ailleurs à l’initiative des lobbies évangéliques sionistes qu’a été voté en 1995 le Jerusalem
Embassy Act, loi qui prévoit le déplacement de l’ambassade américaine de Tel Aviv vers la ville
sainte.

112 e e
Bernard Cottret, Histoire de la réforme protestante XVI -XVIII siècle, Perrin, 2001, p. 209.
113
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1986, I, p. 414.
114 e
G. Esquier, L’anticolonialisme au XVIII siècle, Paris, PUF, 1951, p. 290.
115
Sébastien Fath, Le poids géopolitique des évangéliques américains : le cas d’Israël :
https://www.cairn.info/revue-herodote-2005-4-page-25.htm
116
Cf. Brian Steensland, Philip Goff, The New Evangelical Social Engagement OUP USA, USA, 2014, p. 111.117
117
cf. Sébastien Fath, op. cit.
En 1980, pour préparer l’avènement de l’ère messianique, d’influents intérêts évangélistes
américains ont fondé l’Ambassade chrétienne internationale à Jérusalem. Cette « ambassade »
s’attache, depuis, à exercer une action de lobbying en direction du Département d’État en faveur des
intérêts d’Israël118.

Influents et très organisés, les chrétiens sionistes américains savent placer leurs hommes aux
endroits clefs du pouvoir. Ainsi le « faucon » Mike Pompeo, nommé secrétaire d’État du
gouvernement américain par Trump au printemps 2018, ou Mike Pence – c’est Jared Kushner (lié aux
milieux judéo-sionistes, lui-même religieux juif et proche de la communauté orthodoxe loubavitch),
beau-fils de Donald Trump, qui aurait aussi conseillé à ce dernier de prendre Mike Pence comme
colistier à la place de certains fidèles de la première heure119) – le vice-président américain, ancien
catholique devenu évangéliste très pro-israélien.

De fait, avec Pence et Pompeo, les évangélistes sont revenus en force et exercent une pression
constante au sein de l’administration Trump. Une pression qui rappelle l’époque où le think-tank
néo-conservateur PNAC - Project for the New American Century – influait sur la politique étrangère
américaine et poussait Bush à en finir avec l’Irak de Saddam Hussein.

L’Evangélisme sioniste et la fin de l’Histoire


Comme nous l’avons écrit précédemment, l’origine du sionisme chrétien remonte au courant dit du
« restaurationnisme », dans l’Angleterre du XVIIe siècle. À la même époque, en France, le huguenot
Isaac de Lapeyrère écrivit son Du rappel des Juifs120, ouvrage dans lequel il explique comment la
conversion des juifs au christianisme se ferait concomitamment avec leur retour en Terre promise.

Aux États-Unis ce courant existe depuis le XIXe siècle et trouve un écho particulier du fait des idées
d’élection et du concept de destinée manifeste121 qui nourrissent chez certaines élites américaines le
sentiment que les États-Unis auraient une mission spécifique dans l’histoire : le rôle messianique
d’instaurer une paix universelle pour le monde entier. Ce courant chrétien-sioniste prendra
réellement son essor après la Seconde Guerre mondiale avec l’instauration d’un État israélien en
Palestine, événement perçu comme un signe annonciateur du retour prochain du Christ par le
courant évangéliste sioniste.

De fait, on retrouve une convergence frappante entre l’idéologie du sionisme religieux contemporain
américain et les vues des chrétiens sionistes que l’on devrait appeler de manière plus exacte des
« évangélistes sionistes ». Les évangélistes sionistes interprètent de manière littérale la Bible, ce sont
en fait des millénaristes. Ils pensent que le Christ reviendra sur terre instaurer un royaume de justice
universelle pour une période de mille ans une fois que les juifs seront tous rassemblés en Terre
sainte et qu’une partie d’entre eux se sera convertie afin d’affronter l’Antéchrist.

118
Sébastien Fath, op. cit.
119
http://www.atlantico.fr/decryptage/normalisation-forcee-comment-donald-trump-est-en-train-revenir-bien-
sagement-dans-rang-parti-republicain-jean-eric-branaa-3012759.html
120
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8608258x
121
https://fr.wikipedia.org/wiki/Destinée_manifeste
Pour l’évangélisme sioniste l’histoire humaine est divisée en périodes qui correspondent aux
différentes Alliances avec Dieu. Ces périodes appelées « dispensations » donnent son nom au
courant du « dispensationnalisme » :

« Les dispensationnalistes122 pensent qu’ils vivent la dernière dispensation, celle qui précédera le
retour du Christ. Plus précisément, ils pensent que les vrais chrétiens doivent se préparer à l’Extase
(Rapture en anglais), c’est-à-dire à être enlevés (de leur vivant ! NDA) de la sphère humaine pour
rejoindre le royaume de Dieu. De là, ils seront en sécurité pendant les Tribulations, sept années de
désastres et de guerres. Quant aux Juifs, ils retourneront en Israël avant l’Extase, où ils
reconstruiront leur État ainsi que le Temple. Ayant refusé de reconnaître le Christ et d’être sauvés
pendant l’Extase (à l’exception de 144 000 d’entre eux), ils se soumettront à l’Antéchrist, et seul un
tiers d’entre eux survivra aux Tribulations, qui se termineront lors de la bataille de Megiddo (dans le
nord d’Israël) ou Armageddon. Le Christ reviendra alors pour vaincre Satan, et instaurera un règne de
mille ans. Les Juifs qui auront survécu reconnaîtront le Christ comme leur Sauveur, et répandront sa
parole à travers le monde. À la fin des mille ans, Satan parviendra à se rebeller et sera cette fois
vaincu définitivement. Des changements cosmiques auront alors lieu, les morts se lèveront et seront
jugés, et le Royaume de Dieu sera établi pour l’éternité. »123

Cette interprétation littérale, naïve et finalement assez grossière des événements décrits dans
l’Apocalypse de Jean a par ailleurs été condamné par des représentants du christianisme oriental qui
ont publié en août 2006 un texte désignant le sionisme chrétien comme : « (…) une doctrine fausse,
contraire à l'esprit du christianisme. La déclaration est signée par Mgr Michel Sabbah, patriarche latin
de Jérusalem, Mgr Swerios Malki Mourad de l'Église syriaque orthodoxe, Mgr Riah Abu El-Assal,
évêque anglican de Jérusalem, et Mgr Munib Younan, évêque luthérien de Jérusalem. » 124

Cette lecture matérialiste et hétérodoxe de l’Évangile est désormais très répandue dans la culture
populaire aux États-Unis :

« Surprenant ! Des millions d’Américains attendent aujourd’hui d’être « enlevés » (rapture) par
Jésus-Christ lorsque celui-ci reviendra sur terre pour établir son Royaume terrestre. Cette croyance
est propagée par de nombreux livres à succès, des romans mais aussi des ouvrages « hétéroclites »
c’est-à-dire qui mêlent la fiction et l’exégèse. Citons Hal Lindsey et son best seller « The Late Planet
Earth ». Avant d’être enlevés et d’échapper ainsi aux calamités qui vont s’abattre sur la terre (guerre
atomique, règne de l’Antéchrist), ces chrétiens encouragent vivement le retour des juifs en Palestine,
car c’est seulement par la restauration pleine et entière du Royaume d’Israël que les juifs pourront se
convertir et reconnaître enfin Jésus comme messie. (…) À l’heure du Seigneur, les vivants sont
« ravis » par Jésus qui les soustrait au monde et les transforme en leur octroyant un corps de
lumière. Les élus, non seulement ne vont pas subir les épreuves de la tribulation, mais seront

122
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dispensationalisme
123
Perani Prisca. « Les Chrétiens sionistes aux États-Unis. » In : Matériaux pour l'histoire de notre
temps, n°75, 2004. Religion, société et politique aux États-Unis, pp. 76-85
124
http://theologie-et-questions-disputeses.blogspot.com/2011/08/declaration-de-jerusalem-sur-le_22.html
« changés » sans avoir à connaître la mort et la résurrection. À l’heure du Seigneur, il y aura des
vivants qui ne mourront jamais.» 125

L’actuel secrétaire d'État des États-Unis, Mike Pompeo, a lui-même déjà fait allusion à cette doctrine
irrationnelle de l’enlèvement des justes durant l’Armageddon : « Alors simple membre du Congrès, il
avait déclaré lors d’un sommet ecclésiastique à Wichita : « Nous continuerons à mener ces batailles.
C’est une lutte sans fin... jusqu’au Ravissement. Faites partie de ce combat. Participez à la lutte. » 126

De nombreux Américains pensent qu’encourager le retour des juifs en Palestine est en fait un acte de
foi évangélique qui permet de hâter le retour du Christ et de son règne millénaire qui surviendra
après une période de chaos. Dans une étude parue il y a une dizaine d’années, Guy Mosjoen a
parfaitement résumé, les visées géopolitiques de l’évangélisme sioniste :

« C’est alors que le Seigneur se souvient de la promesse faite au peuple juif. Promesse de retour et
de puissance retrouvée. Avec le système des dispensations, l’Église n’a jamais été qu’une parenthèse.
Israël et l’Église sont restés distincts. La Nouvelle Alliance n’a pas annulé la Première, de sorte qu’une
fois le temps de l’Église révolu, Jésus-Christ peut littéralement restaurer Israël. Le Royaume de Dieu
n’est donc pas l’Église mais le Royaume de David. La grande tribulation n’a pas vu la disparition du
genre humain. Il reste des juifs et des païens. Il reste aussi une capitale (Jérusalem), un temple
reconstruit (car il a fallu le reconstruire pour que l’Antéchrist puisse le profaner), des lévites (des
prêtres pour sacrifier de jeunes taureaux), et des nations à asservir puisque, dans les temps
messianiques, le roi gouvernera avec une main de fer .

Certains millénaristes, appelés théonomistes, sont même en faveur d’une civilisation chrétienne
régie par l’application intégrale de la loi d’Israël.

Voici donc le millénium « chrétien » des fondamentalistes millénaristes, qu’ils soient


postmillénaristes ou prémillénaristes, et s’ils sont prémillénaristes, qu’ils soient pré-tribulationnistes,
mi-tribulationnistes, post-tribulationnistes ou encore pré-coléristes (…) On pourra s’étonner de lire
encore le mot « chrétien » alors que c’est très explicitement d’un millénium juif qu’il s’agit. »127

Un catastrophisme théopolitique qui prend racine dans une lecture littéraliste de la Bible spécifique
au monde protestant. Une interprétation des textes sacrés du christianisme qui met l’accent sur la loi
vétérotestamentaire et le rôle providentiel des juifs dans l’histoire. Un rôle que n’annule pas la
nouvelle alliance scellée par la première venue du Christ pour les évangélistes, d’où leur sentiment
d’une proximité avec le judaïsme inconnue dans les mondes catholiques et orthodoxes traditionnels.
L’interprétation évangéliste des textes bibliques aura pour effet de ramener au sein du christianisme
évangélique des éléments de millénarisme qui furent en leur temps rejetés par les premiers conciles
chrétiens :

« Le millénarisme désigne la croyance en la venue d’un règne de Dieu sur terre qui instaurera son
royaume de justice universelle pour toujours ou pour une période de mille ans. C’est le “millénium”
chrétien dont certains courants paléochrétiens pensaient qu’il adviendrait après le retour du Christ

125
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-sionisme-chretien-essai-d-interpretation-theologique-3.html
126
http://www.afrique-asie.fr/lemprise-evangeliste-sur-ladministration-trump/
127
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-sionisme-chretien-essai-d-interpretation-theologique-3.html
pour une période déterminée de mille ans et dont les Églises catholiques et orthodoxes ont défini
qu’il est déjà advenu et que le retour et la victoire du Christ seront dès lors définitifs. (…) Les églises
catholiques et orthodoxes ont expliqué que le “millénium”, l’âge d’or qu’attendent les millénaristes,
a déjà eu lieu dans le temps. Il s’agit en fait du millénaire chrétien qui commence aux débuts de la
chrétienté en tant que religion protégée par l’État à partir de Constantin le Grand jusqu’à la chute de
Constantinople. »128

Un millénarisme qui porte en lui un catastrophisme théopolitique intrinsèquement lié à la religion


juive comme l’expose le professeur Michael Löwy, chercheur et enseignant à l’École des hautes
études en sciences sociales :

« Selon G. Scholem, pour le messianisme juif la rédemption est un événement qui se produit
nécessairement sur la scène de l’histoire, publiquement pour ainsi dire, dans le monde visible ; elle
n’est pas concevable comme processus purement spirituel situé dans l’âme de chaque individu et
résultant dans une transformation essentiellement interne. De quel type d’événement visible s’agit-
il ? Pour la tradition religieuse juive l’arrivée du Messie est une irruption catastrophique : Le
messianisme juif est dans son origine et dans sa nature – on ne saurait jamais assez insister – une
théorie de la catastrophe. Cette théorie insiste sur l’élément révolutionnaire cataclysmique, dans la
transition du présent historique à l’avenir messianique. »129

Doctrine catastrophiste qui était aussi celle des néo-conservateurs réunis au sein du PNAC – Project
for the New American Century –, néo-conservateurs pour la plupart anciens trotskystes d’origine
juive.130

L’évangélisme sioniste place le troisième Temple au centre de son système religieux. Pour les
évangélistes sionistes, la reconstruction du Temple est une condition au retour du Christ et à la
conversion des justes parmi les juifs, ceux qui reconnaîtront le Christ comme leur messie lors de son
second avènement. Les derniers rapprochements entre l’administration Trump et Israël ont été une
illustration géopolitique éclatante de cette convergence de vue et d’intérêt entre la droite religieuse
israélienne et l’évangélisme politique américain. Pour la première fois dans l’histoire, un secrétaire
d'État américain visitait la Vieille Ville de Jérusalem en compagnie d'un haut responsable politique
israélien. Une visite historique qui venait conforter les attentes israéliennes et une reconnaissance
tacite de la souveraineté israélienne sur le site du mont du Temple et de l’esplanade des Mosquées :

« Ce geste apparaît surtout comme une nouvelle étape dans la révision de la position américaine à
l'égard de Jérusalem engagée par Donald Trump, qui avait lui-même été en 2017 le premier

128
Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société ouverte : Métapolitique du globalisme, Le Retour aux Sources
2018.

129
Löwy Michael. Messianisme juif et utopies libertaires en Europe centrale / Jewish Messianism and
Libertarian Utopias in Central Europa. In : Archives de sciences sociales des religions, n° 51/1, 1981. pp. 5-47.
Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société ouverte : Métapolitique du globalisme, Le retour aux sources
2018.
130
Voir : Y. Hindi, Occident & Islam – Tome I : Sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015. Et :
Stephen Walt et John Mearsheimer, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte,
2009.
président des États-Unis en exercice à se rendre au Mur des Lamentations. Ce site se trouve en effet
à Jérusalem-Est, dont Israël s'est emparé en 1967 avant de l'annexer. La communauté internationale
juge illégale cette annexion, et renvoie le statut final de la Ville sainte à des négociations de paix. »131

Durant cette visite, Mike Pompeo, accompagné du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de
l’ambassadeur américain en Israël David Friedman ont visité aussi le tunnel du Mur des lamentations
ainsi que la synagogue située sous terre, à l’endroit supposé du sanctuaire du Temple. Là ils ont pu
« observer une reconstitution en réalité virtuelle du temple juif qui surmontait autrefois le mont du
Temple » ainsi qu’une maquette très détaillée du futur temple présentée par l'Institut du Temple
(The Temple Institute). 132

Suite à ce voyage, Mike Pompeo a diffusé une vidéo officielle censée résumer son séjour peu avant le
déclenchement de la crise iranienne actuelle. On peut y voir une maquette du Temple associé à des
images du Mur des lamentations, là où les lieux saints islamiques sont quant à eux ignorés
sciemment. Dans la même vidéo sont aussi montrés le Saint-Sépulcre comme pour signifier l’alliance
naturelle qui unirait Israël et la chrétienté face aux mêmes menaces.133

Durant ce séjour en Israël, Pompeo a donné toutes les assurances possibles à l’exécutif israélien et à
la droite religieuse quant au soutien américain face à l’Iran. Les références bibliques furent
nombreuses et appuyées durant les allocutions ou interviews accordées par le secrétaire d’État
américain pendant et autour de ce voyage :

« Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a laissé entendre dans une interview que le président
Donald Trump avait peut-être été envoyé par Dieu pour sauver le peuple juif et qu'il était confiant
dans le fait que le Seigneur est au travail ici ». 134

Comme cette visite officielle avait lieu durant la fête juive de Pourim, Pompeo fit un parallèle
historique puissamment ancré dans la mémoire juive :

« Les Juifs du monde entier et ici à Jérusalem parlent du fait qu’Esther a sauvé le peuple juif il y a
2500 ans avec l’aide de Dieu de Haman » 135

Haman, est une référence de la Bible qui apparaît dans le Livre d'Esther. Il évoque un archétype de
l’ennemi du peuple juif dans la mémoire collective juive. Vizir de l'Empire perse sous le règne
d'Assuérus (Xerxès Ier), Haman ourdit le projet de faire tuer tous les juifs installés dans l'Empire. Il fait
alors passer un décret qui sera signé par le roi afin d’ordonner l'extermination de la population juive.
Son plan sera déjoué par la reine Esther qui tenait sa judaïté secrète et qui la révèle à ce moment-là

131
https://www.lepoint.fr/monde/au-mur-des-lamentations-pompeo-offre-a-netanyahu-une-image-symbolique-
21-03-2019-2303058_24.php
132
https://fr.timesofisrael.com/pompeo-en-visite-historique-au-mur-occidental-aux-cotes-de-netanyahu-et-
friedman/
https://www.timesofisrael.com/in-significant-first-pompeo-joins-netanyahu-for-western-wall-visit/
133
https://sputniknews.com/world/201903231073479183-mike-pompeo-jerusalem-third-temple-model/
134
https://www.timesofisrael.com/pompeo-says-trump-may-have-been-sent-by-god-to-save-jews-from-iran/
135
https://www.timesofisrael.com/pompeo-says-trump-may-have-been-sent-by-god-to-save-jews-from-iran/
au roi Assuérus. Esther arrive alors à convaincre le roi perse d’épargner son peuple. Haman et ses dix
fils seront pendus par les Juifs avec l'aval du roi Assuérus.

Des références vétérotestamentaires que Pompeo a réitéré devant l’un des médias évangélistes les
plus influents :

« Pompeo répondait à des questions lors d'une interview à Jérusalem avec le Christian Broadcasting
Network, fondé par le télévangéliste Pat Robertson, et dont l'auditoire est vaste. Quand on lui a
demandé si Trump était une nouvelle Esther, il a déclaré: En tant que chrétien, je crois que c’est
certainement possible. » 136

Dans leur déclaration conjointe durant ce voyage officiel, Benjamin Netanyahu a lui aussi évoqué ces
références en les citant dans une perspective anti-iranienne :

« Le Président Trump vient d'entrer dans l'histoire. Je lui ai téléphoné. Je l'ai remercié au nom du
peuple d'Israël. Tout d’abord, il a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et y a installé
l’ambassade américaine. Ensuite, il s’est retiré du désastreux traité avec l’Iran et a imposé de
nouvelles sanctions. Mais aujourd’hui, le Président Trump a fait quelque chose d’une égale
importance historique – il a reconnu la souveraineté d’Israël sur les hauteurs du Golan, et cela, à un
moment où l’Iran tente d’utiliser la Syrie comme plate-forme pour attaquer et détruire Israël. Et le
message que le président Trump a transmis au monde est que les États-Unis se tiennent aux côtés
d’Israël. Nous célébrons Pourim, quand, il y a 2 500 ans, d’autres Perses, menés par Haman, ont
tenté de détruire le peuple Juif. Ils ont échoué ; et aujourd'hui, 2 500 ans plus tard, une nouvelle fois,
les Perses dirigés par Khamenei tentent de détruire le peuple Juif et l'État Juif. » 137

Cette référence au Vizir Haman de l’ancienne Perse, n’est pas juste rhétorique dans la bouche du
Premier Ministre israélien, elle renvoie en fait à cette « plus longue mémoire » juive, une mémoire
collective qui vit comme une réalité présente les persécutions, les guerres et les avanies historiques
survenues (ou fabulées, telle l’histoire du livre d’Esther, entièrement mythique)138 même il y a très
longtemps. Une perception hypermnésique de son propre passé historique et communautaire que le
professeur de psychologie Kévin Mac Donald a étudié en profondeur :

« Dans son tréfonds, l’ethnocentrisme juif est intimement lié à un sentiment de persécution
historique. La mémoire juive est une mémoire de la persécution et de la catastrophe imminente, une
mémoire qui justifie n’importe quelle réponse, parce que, au bout du compte, c’est la survie du
peuple juif qui est en jeu. (…) Les juifs ont une très longue mémoire historique, des événements qui
se sont produits il y a des siècles influencent encore leurs perceptions actuelles. Ce sentiment

136
https://www.washingtonpost.com/religion/2019/03/22/pompeo-perhaps-trump-is-like-bibles-esther-meant-
save-jewish-people-iran/?utm_term=.65425dab232a
137
https://embassies.gov.il/paris/NewsAndEvents/Pages/Declarations-communes-du-Premier-ministre-
Netanyahu-et-du-secr%C3%A9taire-d'%C3%89tat-des-%C3%89tats-Unis-Mike-Pompeo-suite-%C3%A0-la-
declarati.aspx
138
https://books.google.co.ma › books
Figures mythiques: fabrique et métamorphoses, Véronique Léonard-Roques, Université de Clermont-Ferrand II.
Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines - 2008 - Jewish mythology
Qui veut se pencher sur l'histoire d'Esther se trouve donc en présence d'un scénario mythique assez clairement
identifiable.
profond de mise en danger du groupe et d’injustice historique est associée à ce style hyperbolique de
la pensée juive qui transparaît à maintes reprises dans le discours juif. »139

Pour cette « longue mémoire » juive, la référence au Vizir Haman ne renvoie pas seulement à
l’antique Perse et donc à l’Iran actuelle mais aussi à l’ennemi ontologique d’Israël, Amalek, roi des
Amalécites, ce peuple ennemi juré d’Israël d’après la Bible. Pour les juifs religieux, Amalek serait en
fait un ancêtre du Vizir Haman, comme le développe le Rav Ron Chaya :

« Le nom de Haman est Haman Haagagui, c'est-à-dire descendant de Agag, or Agag était le roi du
peuple Amalek à l'époque du roi Chaoul. » 140

La figure d’Amalek convoque dans la mémoire juive un archétype intemporel, celui d’un ennemi qui
prend différentes formes dans l’histoire et qui se réactualise perpétuellement. Pour les sionistes
religieux, l’une des formes les plus virulentes d’Amalek est actuellement constituée par l’Iran. La
situation géopolitique qui se dessine est tout sauf rassurante, les représentations et croyances
religieuses des membres influents de l’administration américaine convergent dangereusement avec
la religiosité apocalyptique de l’exécutif israélien.

Le Troisième Temple et la guerre mondiale des religions


Cette infatigable et intraitable mémoire explique aussi la volonté actuelle de reconstruction du
Troisième Temple à l’identique. Ainsi l'Institut du Temple (The Temple Institute)141 travaille-t-il à
préparer et à reconstituer jusque dans ses moindres détails l’architecture et le culte qui seront
exercés dans le Temple reconstruit. Que ce soit les objets qui serviront aux sacrifices, les vêtements
des prêtres, les prêtres eux-mêmes ou encore la fameuse vache rousse142 nécessaire à certains rituels
de purification spécifique, tous les éléments du culte que les sionistes religieux cherchent à
reconstituer sont étudiés scrupuleusement. Le directeur pour l’Europe de l’Institut du Temple est le
Rabbin Jean-Marc Rosenfeld, un membre actif et important de sa communauté comme il le dit lui-
même : « J’ai été directeur de différentes sociétés dans le textile. Sur le plan communautaire, j’ai été
président de communauté et président d’associations, puisque j’ai fondé le B'naï Brith sur la Côte
d’Azur, à Antibes où je résidais ; j’ai également fondé France-Israël dans la même ville et j’ai été
président de la LICRA-Côte d’Azur pendant neuf ans. » 143

Dans un long entretien accessible sur Internet, il livre des détails très instructifs sur les travaux de
recherche et les préparatifs autour de la reconstruction du Temple de Jérusalem et de son culte.
Surtout il expose très sereinement des conceptions qui peuvent sembler surréalistes et qui seraient
sûrement taxées de « complotistes » si elles étaient énoncées par un non-juif :

139
Kevin MacDonald, “Background Traits for Jewish Activism”
https://nationalpolicy.institute/2004/10/08/background-traits-for-jewish-activism/
140
« Quel est le lien entre Haman et Amalek? » http://www.leava.fr/questions-reponses/explications-sur-la-
bible/12926_question-noa.php
141
https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_du_Temple
142
Lire à ce propos : Youssef Hindi, « Poussée de fièvre messianique en Israël », bvoltaire.fr, 05/08/2015 :
https://www.bvoltaire.fr/poussee-de-fievre-messianique-israel/
143
« Rebâtir le Temple ? Une rencontre au cœur du judaïsme contemporain »
http://www.revue-kephas.org/02/2/Rosenfeld73-85.html
« Revue Kephas : Pour que le Temple puisse fonctionner, il faudra que des prêtres et des lévites
reprennent du service, si j’ose dire. Comment pourra-t-on faire pour savoir qui est légitimement
prêtre ou lévite dans le Peuple juif d’aujourd’hui ?

Jean-Marc Rosenfeld : Voilà une question sur laquelle nos maîtres se sont penchés plusieurs fois.
Effectivement, un Cohen ou un Lévi d’aujourd’hui peut ne pas être un cohen ou un lévi : des
mésalliances ont eu lieu, des tribus sont parties … De plus, ne peut l’être que quelqu’un qui connaît
le fonctionnement, et qui applique la Loi que Dieu a donnée. Donc on ne peut pas se réveiller un jour
en disant Tiens, maintenant je suis cohen, je suis lévi ! Selon nous, le Temple sera reconstruit et
ensuite, le Messie arrivera pour nous donner toutes ses directives. Il nous dira alors qui est
réellement cohen ou lévi. Aujourd’hui cela nous dépasse – même si on a des analyses de groupes
sanguins qui commencent à se faire, et qui permettent de voir quelle est la descendance cohen et la
descendance lévi dans ces groupes sanguins, c’est encore très, très aléatoire et ce n’est pas une
science toraïque exacte. »144

Le Rabbin Jean-Marc Rosenfeld évoque aussi les sacrifices d’animaux qui auront lieu dans le Temple
comme au temps du paganisme antique :

Revue Kephas : Envisagez-vous, dans ce Temple à venir, une reprise du régime des sacrifices ?

J.-M. R. Effectivement, nos maîtres nous enseignent que les sacrifices auront à nouveau lieu. C’est
pourquoi l’Institut du Temple reconstitue aussi des objets, que vous voyez ici, qui pourront peut-être
servir dans le prochain Temple. Les sacrifices doivent reprendre parce qu’ils nous ont été ordonnés
par Dieu. L’homme doit exécuter ce que Dieu a dit – même s’il ne le fait pas toujours,
malheureusement, car si les religions se sont multipliées c’est par le fait des hommes, et pas de Dieu,
qui dit au contraire : « Réunissez-vous ensemble car Je suis Dieu Un ». Le moment venu, Dieu nous
éclairera : le Messie nous donnera exactement les fonctions à faire. Les sacrifices se referont, pas
tous comme à l’époque – c’est marqué, d’ailleurs, dans la Torah – certains sacrifices ne se feront
plus. Par exemple, savez-vous qu’à l’époque de la Délivrance, tout le monde apportera un sacrifice
expiatoire ? Imaginez : tous les gens apportant des sacrifices pour l’expiation de leurs fautes, c’est
écrit ! Et il y aura également l’offrande des parfums, c’est évident.

Revue Kephas : Et des sacrifices sanglants d’animaux ?

J.-M. R. Oui, ces sacrifices vont revenir : si Dieu nous a indiqué que ce sont des odeurs qui Lui sont
agréables, comment le défier en disant « je ne ferai pas de sacrifices, parce que moi, tuer une bête,
je ne suis pas d’accord » ? Pourquoi Dieu nous les demande-t-il ? Parce qu’en nous il y a une sorte
d’être bestial depuis toujours ; et si l’animal a été créé, c’est pour l’expiation de la faute de l’homme :
c’est quelque chose que nous pouvons difficilement comprendre… C’est comme la vache rousse :
pour purifier un cohen il faut les cendres d’une vache rousse, pourquoi une vache rousse ? Aucun
maître n’a pu le savoir, mais nous croyons qu’un jour le Messie nous le dira. »145

Une reconstruction du troisième Temple qui va bouleverser les équilibres religieux précaires de la
région et qui peut conduire à un embrasement généralisé :
144
« Rebâtir le Temple ? Une rencontre au cœur du judaïsme contemporain »
http://www.revue-kephas.org/02/2/Rosenfeld73-85.html
145
« Rebâtir le Temple ? Une rencontre au cœur du judaïsme contemporain »
http://www.revue-kephas.org/02/2/Rosenfeld73-85.html
Revue Kephas : La première question qui vient à l’esprit, c’est celle du lieu du Troisième Temple :
pensez-vous qu’il doive et qu’il puisse être construit à l’emplacement des deux Temples précédents,
qui est actuellement occupé par des mosquées célèbres dans tout le monde musulman ?

J.-M. R. Si on a compris le message que je viens de vous donner et que nos maîtres nous enseignent,
l’emplacement que Dieu a choisi est la pierre de fondement du monde, la pierre où eut lieu la
ligature d’Isaac[ou sacrifice d'Abraham N.d.A.], le rêve de Jacob, la naissance d’Adam et d’Ève – nos
père et mère à tous, de tous les peuples … on ne peut concevoir que le troisième Temple
n’apparaisse pas au même endroit. Et ce n’est pas seulement une vue de l’esprit, c’est marqué dans
les prophéties, qui disent que « le Premier Temple sera construit et sera démoli, le Deuxième Temple
sera construit et sera redémoli, et le Troisième Temple sera reconstruit et ne sera plus jamais
redémoli »… C’est quelque chose que nous attendons : si les deux autres prophéties se sont avérées
exactes, nous sommes sûrs que la troisième prophétie se réalisera également …

Revue Kephas : Concrètement, avec les mosquées sur l’Esplanade, comment envisagez-vous les
choses ?

J.-M. R. Moi je n’envisage rien, simplement je transmets ce que les prophètes ont écrit … C’est qu’il y
aura un phénomène surnaturel à cet emplacement. Je ne sais s’il faut en parler ou non, car ce n’est
pas l’objet de notre approche qui est une approche de paix, de shalom, mais… c’est quelque chose
qui va se passer : les troubles actuels marquent le début de la guerre de Gog et Magog, qui va,
malheureusement, faire de nombreuses victimes – c’est marqué dans cette prophétie, qui dit
également que la pierre de fondement va jaillir de l’eau et va submerger l’Esplanade du Temple. À ce
moment-là, le Temple va se reconstruire, purifié, pour la paix et le bien du monde entier ; alors, les
Justes des nations se réveilleront en disant « mais c’est la seule solution », puisque nous n’avons pas
trouvé jusqu’à présent de solution politique… Nous, nous ne sommes pas dans une impasse parce
que nous savons qu’il n’y a qu’une solution, et je pense que les Justes des nations vont se réveiller, et
à ce moment-là, le Messie nous indiquera le chemin à suivre … »146

Le message est à peine voilé : nous irons jusqu’au bout car telle est la volonté de Dieu et la prophétie
qu’annonce nos écritures. Reste donc aux israéliens de détruire la mosquée al-Aqsa afin de
reconstruire le Temple et de réaliser enfin la « prophétie » biblique que juifs et francs-maçons (cités
dans les pages qui précèdent) attendent et appellent de leurs vœux :

« De nombreux peuples et de puissantes nations viendront rechercher Yahvé à Jérusalem et rendre


hommage à Yahvé." Ainsi parle Yahvé : "En ces jours-là, dix hommes de toute langue, de toute
nation, saisiront le pan de l'habit d'un seul individu yehoudi (Juif) en disant : Nous voulons aller avec
vous, car nous avons entendu dire que Dieu est avec vous !’’ » (Zacharie 8, 22-23)147

Si une part significative des évangélistes semblent prête à suivre les religieux israéliens jusqu’aux
conséquences ultimes de leur hybris théologique et téléologique, qu’en sera-t-il des catholiques La
tentative actuelle d’infliger une distorsion au catholicisme pour lui donner une inflexion judaïsante

146
« Rebâtir le Temple ? Une rencontre au cœur du judaïsme contemporain »
http://www.revue-kephas.org/02/2/Rosenfeld73-85.html
147
La Bible, traduction intégrale hébreu-français par les membres du Rabbinat Français, sous la direction du
Grand-Rabbin Zadoc Kahn, Éditions Sinaï, Tel-Aviv/Israël, 1994.
aura-t-elle l’agrément des autorités catholiques ? Une future reconstruction du Temple de Jérusalem
et la reprise des sacrifices sanglants en son sein sont-ils acceptables ? Des sacrifices sanglants que
l’Eucharistie vient remplacer selon la théologie chrétienne. Dans les dogmes catholique et orthodoxe
le sacrifice du Christ sur la Croix vient clore l’ère des sacrifices de l’Ancien Testament.

Quand les sacrifices sanglants offerts à Yahvé reprendront dans la ville sainte de Jérusalem, que
feront alors les autorités catholiques ? Diront-elles aux chrétiens de tolérer ce que Saint Irénée,
Évêque de Lyon et Martyr (120-202) condamnait par avance comme d’essence diabolique dans son
« Contre les hérésies » (livre 5, troisième partie) :

« C’est précisément dans ce Temple (de Jérusalem) que siégera l’Adversaire148, lorsqu’il tentera de
se faire passer pour le Christ, selon ce que dit aussi le Seigneur : Quand vous verrez l’abomination
de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, dressée dans le lieu saint — que celui qui lit
comprenne ! » 149

Et Saint Irénée d’expliciter plus encore :

« C’est ce que fera l’Antéchrist au temps de son règne : il transportera sa royauté dans Jérusalem et
siégera dans le Temple de Dieu, persuadant insidieusement ses adorateurs qu’il est le Christ. (…)
C’est cela même que dit l’Apôtre [Saint Paul vers 51, dans l’épître aux Thessaloniciens] : Quand ils
diront : Paix et sécurité, c’est alors qu’une ruine soudaine fondra sur eux. » (1 Th 5,3) »150

Ces temps de ruines semblent venir à grand pas, l’incendie de Notre-Dame et celui de la mosquée al-
Aqsa survenus au même moment en sont un possible prélude.

III : Les étapes du judéo-christianisme, du Moyen-Âge à nos jours


Nous avons vu de quelle manière l’idéologie irrationnelle et jusqu'au-boutiste de la droite religieuse
israélienne converge avec l’aile belliciste de l’évangélisme sioniste, deux forces qui veulent pousser
Trump à sortir de ses promesses électorales d’isolationnisme et de retrait du Moyen-Orient.

Sur cette voie vers la guerre, il reste un obstacle majeur en Occident : l’Église catholique. Malgré les
modifications historiques survenues lors du Concile Vatican II, la théologie et les dogmes de l’Église
catholique continuent de différer sensiblement de ceux des évangélistes sionistes et plus encore du

148
N.d.A. : « L’Adversaire » se traduit en hébreu par « Satan ».
http://projetbabel.org/forum/viewtopic.php?t=19007
149
https://catholicapedia.net/Documents/saint_irenee-de-lyon/St.Irenee-de-Lyon_Traite-Contre-les-
Heresies_Livre-5.pdf
http://christroi.over-blog.com/2018/12/la-reconstruction-du-troisieme-temple-de-jerusalem-a-debute.html
https://catholicapedia.net/Documents/saint_irenee-de-lyon/St.Irenee-de-Lyon_Traite-Contre-les-Heresies_Livre-
5.pdf
150
http://christroi.over-blog.com/2018/12/la-reconstruction-du-troisieme-temple-de-jerusalem-a-debute.html
https://catholicapedia.net/Documents/saint_irenee-de-lyon/St.Irenee-de-Lyon_Traite-Contre-les-Heresies_Livre-
5.pdf
http://thomiste12.over-blog.com/article-s-irenee-la-fin-des-temps-et-l-antechris-99407388.html
messianisme des sionistes religieux. Ainsi, pour amener progressivement l’Église catholique à
accepter des conceptions qui lui sont étrangères et qu’elle a combattues tout au long de son histoire,
la bataille pour pousser l’Église catholique à modifier son enseignement et ses dogmes bat son plein.

Quand l’Église réhabilite les pharisiens, ennemis du Christ


Dans cet esprit le 9 mai 2019 se tenait à l’Université pontificale Grégorienne à Rome, un congrès sur
le thème « Jésus et les pharisiens, une révision interdisciplinaire » 151 . Un colloque organisé
par l’Institut Biblique pontifical avec l’appui de la Conférence Épiscopale Italienne et de l’American
Jewish Committee, le célèbre organe de pression communautaire américain qui avait aidé l’École de
Francfort à s’installer aux États-Unis dans les années trente.152

Comme le précise les sites Vatican Insider et medias-presse.info : « Le dernier jour du colloque, les
participants catholiques, protestants et juifs, seront reçus par le pape François en audience
privée. Parmi eux, des figures importantes du monde juif actuel, les rabbins David Rosen, Riccardo Di
Segni et Abrhama Skorka, ce dernier ami de longue date du Pape argentin. » 153

En mai 2019, un congrès d’érudits juifs et chrétiens s’est ainsi réuni pendant trois jours à Rome dans
une atmosphère cordiale pour partager leurs recherches sur « Jésus et les pharisiens ».

L’objectif étant, à terme, d’interdire aux papes et aux catholiques de continuer à réciter les passages
des Évangiles où le Christ polémique avec les pharisiens.

Dans une homélie matinale d’octobre 2018, le pape François décrivait ainsi les pharisiens :

« Il leur manquait la vie. Ils étaient pour ainsi dire inanimés. Ils étaient rigides… Les gens ne
comptaient pas pour eux. Ce qui importait c’était la Loi. »

Les rabbins se sont alors dit « troublés par les citations sans nuance du pape tirées du Nouveau
Testament, où Jésus traite d’hypocrites les membres de ce petit groupe religieux et politique,
dénonçant leur grande rigidité sur la Loi juive et opposant son propre message d’amour. »154

Pour le rabbin David Rosen, directeur des affaires interreligieuses du Comité juif américain (AJC) qui a
participé aux congrès, la mention isolée du mot pharisien « ne transforme pas quelqu’un en
antisémite », mais « c’est clairement un élément de l’antisémitisme ». Pour le rabbin, toute
référence aux pharisiens doit être contextualisée. Et on devrait dire « ces » pharisiens ou « ces »
Juifs. Et d’ajouter :

151
https://www.lastampa.it/2019/04/04/vaticaninsider/ipocriti-e-venali-un-convegno-per-superare-i-pregiudizi-
sui-farisei-DnS1uXoNL33U8EhDqZmaGP/pagina.html
152
Pierre-Antoine Plaquevent. SOROS et la société ouverte : Métapolitique du globalisme, Le Retour aux
Sources, octobre 2018.
153
https://www.medias-presse.info/negationnisme-conciliaire-rehabilitation-des-pharisiens-au-vatican/107117/
https://www.lastampa.it/2019/04/04/vaticaninsider/ipocriti-e-venali-un-convegno-per-superare-i-pregiudizi-sui-
farisei-DnS1uXoNL33U8EhDqZmaGP/pagina.html
154
https://actu.orange.fr/monde/le-pape-ami-des-juifs-prie-d-adoucir-ses-homelies-sur-les-pharisiens-
CNT000001fDnNN/photos/le-pape-francois-le-8-mai-2019-sur-la-place-saint-pierre-du-vatican-
f25f536209c07cbfa49ef0b3e1ba833a.html
« Nous avons soulevé la question auprès de la conscience du pape. Je ne crois pas qu’il utilisera ce
terme d’une manière aussi cavalière à l’avenir. »155

Un sentiment confié à l’AFP par le rabbin argentin Abraham Skorka, ami du pape, jugeant que
François, désormais conseillé, saura « comment bien présenter les pharisiens ». Le rabbin se réjouit
de constater que « le pape multiplie les déclarations sur la proximité entre judaïsme et
christianisme »156

Amy-Jill Levine157, féministe américaine de confession juive, présentée comme spécialiste du


Nouveau Testament et professeure d’études juives, a déclaré (sur le ton de la plaisanterie) :

« Ça serait une bonne idée qu’un juif assiste à chaque messe dans le monde pour corriger les
préjugés, mais nous ne sommes pas assez nombreux ! »

« Il revient donc au pape de montrer l’exemple », ont jugé les 400 universitaires reçus le jeudi 9 mai
2019 au Vatican. L’organisateur du congrès – l’Institut biblique pontifical, vieux de 110 ans,
chapeauté par des jésuites – a transmis ses suggestions pour inspirer le discours du pape.

Le pape François s’est alors exécuté, déclarant :

« Le mot pharisien signifie souvent ‘‘personne hypocrite’’ ou ‘‘présomptueuse’’. Pour beaucoup de


Juifs, cependant, les pharisiens sont les fondateurs du judaïsme rabbinique et donc leurs ancêtres
spirituels. »

Là, le pape dit vrai, les pharisiens sont effectivement les ancêtres spirituels des juifs, les fondateurs
du judaïsme et les pères du Talmud. Et puisqu’on ordonne aux chrétiens de revoir leur jugement sur
le judaïsme, nous examinerons en fin de chapitre ce que la tradition juive et le Talmud disent de
Jésus et de la Vierge Marie.

Mais si l’on veut comprendre l’origine réelle de la subversion dans l’Église, il nous faut remonter en
fait beaucoup plus loin et suivre le long fil d’Ariane qui conduit de l’Église moderniste aux origines
médiévales de la subversion religieuse.

La kabbale chrétienne, une arme de subversion de l’Église


On peut faire remonter l’origine de la kabbale chrétienne à l’Espagne du XIIIe siècle, période et lieu
de la maturation de la kabbale juive, qui coïncide avec celle de l’activité du grand rabbin kabbaliste
Moïse Nahmanide (1194-1270), le père du messianisme actif158.

C’est durant cette séquence historique, en Espagne, que le missionnaire catholique Raymond Martin
écrit dans son traité Pugio fidei (« Le poignard de la foi ») que la Aggadah (enseignements et récits

155
https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/le-pape-ami-des-juifs-prie-d-adoucir-ses-homelies-sur-les-
pharisiens_2077604.html
156
https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/le-pape-ami-des-juifs-prie-d-adoucir-ses-homelies-sur-les-
pharisiens_2077604.html
157
https://en.wikipedia.org/wiki/Amy-Jill_Levine
158
Voir : Youssef Hindi, Occident et Islam – Tome I : Sources et genèse messianiques du sionisme, chap. I, Sigest,
2015.
rabbiniques) talmudiques, et le Midrash (exégèse et interprétation biblique) portent déjà la marque
du christianisme159.

Gershom Scholem, historien du judaïsme et éminent spécialiste de la kabbale, remarque à ce


propos :

« Il est curieux de noter que Raymond Martin vécut précisément dans le pays (la Catalogne) et à
l’époque où eut lieu la première cristallisation de la littérature kabbalistique au sein du cercle des
penseurs juifs qui entourait Nahmanide (1194-1270), et que néanmoins il ignorait tout de son activité
missionnaire, il avait fait confisquer tous les livres appartenant aux communautés juives de
Catalogne. Il lui fallait donc s’en tenir au Talmud pour faire jouer à celui-ci le rôle de témoin capital
de la doctrine chrétienne – un rôle historique pour lequel le Talmud était manifestement aussi peu
fait que la kabbale, choisie plus tard, pour tenir ce même rôle, par Pic de la Mirandole et ses
héritiers. »160

C’est dans la période d’activité d’Abraham Aboulafia161 (1240-1291) que l’histoire de la kabbale
chrétienne démarre véritablement, du moins selon le plus ancien témoignage (d’Aboulafia lui-même,
qui évoque dans un texte quelques-uns de ses élèves qui se sont convertis au christianisme). En effet,
certains élèves d’Abraham Aboulafia, qui avaient étudié sous sa direction vers 1280 – année où
Aboulafia tenta de rencontrer le pape Nicolas III pour obtenir sa soumission162 et la libération des
juifs de l’exil afin de les rapatrier en Terre sainte – à Capoue, se convertissent au christianisme et
tentent d’y faire pénétrer la kabbale.

Par ailleurs, rapporte Scholem, on a essayé de prouver qu’Aboulafia avait exercé une certaine
influence sur Arnaud de Villeneuve (1240-1311), célèbre médecin espagnol qui se fit franciscain et
qui, après avoir appris l’hébreu, crut pouvoir, par la kabbale, convaincre les juifs de la véracité de la
Trinité163. S’il n’y a vraisemblablement pas de preuve qu’Arnaud connût les écrits d’Aboulafia,
l’historien et spécialiste de l’histoire des juifs d’Espagne, Ytzhak Baer (1888-1980), rapporte toutefois
qu’Aboulafia, qui avait vécu en Italie, avait été en rapport avec des joachimites (mouvement
millénariste issu des franciscains) et des franciscains italiens164.

Le premier juif converti au christianisme qui se soit explicitement référé à la kabbale (en utilisant à la
manière d’Aboulafia des combinaisons de lettres hébraïques) est Abner de Burgos, converti en 1320,
qui prit le nom d’Alphonse Valladolid165.

Un kabbaliste infiltré au Vatican

159
Gershom Scholem, Considérations sur l’histoire des débuts de la kabbale chrétienne in Pic de la Mirandole et
la cabbale, Paris-Tel Aviv, Éditions de l’éclat, 2007.
160
Gershom Scholem, op. cit. pp. 435-436.
161
Sur le rôle et l’importance d’Abraham Aboulafia dans l’histoire du messianisme actif, voir Y. Hindi, Occident
et Islam : Sources et genèse messianiques du sionisme.
162
Sabbataï Tsevi fera la même tentative en 1666 à Constantinople avec le sultan, de même que David Reuveni
et Solomon Molcho le feront avec le pape Clément VII, le roi du Portugal Jean III et l’empereur Charles Quint,
entre 1525 et 1532. Cf. Youssef Hindi, op. cit. chapitres I et II.
163
Gershom Scholem, op. cit. p. 449.
164
Yitzhak Baer, A history of the Jews in Christian Spain (première édition en hébreu : 1945), Philadelphie, 1961,
vol. I, p. 438.
165
Gershom Scholem, op. cit. p. 451.
Au XVe siècle, peu avant l’entrée de Pic de la Mirandole (1463-1494) sur la scène de l’histoire, des
kabbalistes juifs convertis au christianisme manipulèrent des sources kabbalistiques pour les faire
converger avec les dogmes chrétiens. Parmi ceux-ci, on peut mentionner l’ouvrage rédigé en 1450
par le juif marrane Pedro de la Caballeria et qui a pour titre Zelus Christi (« Le zèle du Christ ») dans
lequel il fait une interprétation du Trisagion (invocation liturgique, Isaïe, 6,3)166. D’autres textes
kabbalistiques falsifiés au début du XVIe siècle en Espagne ont été mentionnés par l’historien
Heinrich Graetz167.

Le maître de Pic de la Mirandole, Flavius Mithridate, se situe dans cette lignée de juifs kabbalistes
convertis au christianisme qui manipulèrent les textes kabbalistiques pour les faire converger avec
les dogmes chrétiens afin d’installer la kabbale au cœur du christianisme, au Vatican même. C’est
cette kabbale chrétienne qui ouvrira la voie à la fondation du judéo-christianisme pa phases
successives.

Flavius Mithridate est un kabbaliste juif converti au christianisme et qui devint prêtre. Il fut le
professeur d’hébreu et de chaldéen de Pic de la Mirandole. C’était un juif sicilien du nom de Samuel
ben Nissim Abu’l Faradj, originaire d’Agrigente. À partir de 1467, il prend le nom de Guglielmo
Raimondo Moncada et plusieurs autres noms par la suite. Il avait dû fuir Rome pour un crime (non
spécifié) dont il était accusé. Avant sa fuite, il jouissait d’une certaine influence au Vatican168.

Le théologien et spécialiste de la kabbale au Moyen-Âge et à la Renaissance, Chaïm Wirszubski (1915-


1977), rapporte que cinq ans avant d’exécuter ses traductions kabbalistiques pour Pic de la
Mirandole, Flavius Mithridate prononça un sermon (Sermon sur la Passion du Seigneur) au palais du
Vatican, devant le pape et les cardinaux, le jour du Vendredi saint 1481.

Chaïm Wirszubski rapporte et explique :

« Durant ce sermon, il invoquait de prétendues preuves juives secrètes, tirées d’un « ancien
Talmud » préchrétien, confirmant les mystères de la Passion du Christ. Quand on voit combien de
fois et avec quelle dextérité Mithridate s’arrange au cours de son sermon pour faire dire en latin à
ses citations ce que, même trafiquées, elles ne voulaient pas toujours dire en hébreu, la présence
dans ses traductions kabbalistiques d’interpolations et de notes visant à rattacher la kabbale au
dogme chrétien n’a rien d’étonnant. »169

Si Pic de la Mirandole est identifié comme étant le père de la kabbale chrétienne, c’est parce qu’on
ignore qu’il eut un maître juif converti ; il y avait d’ailleurs eu des discussions à la maison de Pic avec
d’autres érudits juifs proches de Mithridate170.

La singularité de Pic de la Mirandole est d’avoir été le premier véritable kabbaliste chrétien non-juif.
Il fut utilisé comme cheval de Troie à Rome en particulier et dans l’Europe catholique en général. Car
il faut souligner que son fameux ouvrage kabbalistique, Neuf cents conclusions ou thèses, basé sur les
textes kabbalistiques traduits par Mithridate171 et qui parut en 1486, proposa un syncrétisme

166
Gershom Scholem, op. cit. p. 457.
167
Henrich Graetz, Geschichte der juden, t. IX, p. 174.
168
Gershom Scholem, op. cit. pp. 443-444.
169
Chaïm Wirszubski, Pic de la Mirandole et la cabbale, p. 163.
170
Gershom Scholem, op. cit. p. 472.
171
Gershom Scholem, op. cit. p. 444.
chrétien de toutes les religions et de toutes les sciences, incluant la kabbale, ouvrage que Pic
entendait soumettre auprès de Rome à une discussion générale172.

C’est là une première étape, philosophique celle-là, précédant l’étape politique dont l’initiative
revient à David Reuveni et Solomon Molcho au XVIe siècle (cf. Youssef Hindi, Occident & Islam – Tome
I : Sources et genèse messianiques du sionisme), de l’édification du judéo-christianisme.

Pic de la Mirandole avancera que :

« Nulle science ne nous apporte davantage de certitude au sujet de la divinité du Christ que la magie
et la kabbale. »173

Au XVIe siècle, le penseur, orientaliste et diplomate Johann Albrecht Widmannstadt (1506-1557),


avait perçu le danger que présentait cette kabbale chrétienne, d’autant plus qu’il fut un temps le
secrétaire du pape Clément VII et de l’Empereur Charles Quint, lesquels furent tous deux approchés
par David Reuveni et Solomon Molcho (épisode historique éminemment important dans l’histoire
des débuts du judéo-christianisme, du sionisme et de la stratégie du choc des civilisations174).

Johan Albrecht Widmannstadt, écrivit avec une grande lucidité, après avoir répertorié et décrit
quelques éléments conceptuels de la kabbale :

« Tout ceci, je l’ai cité pour montrer comment certaines opinions absolument monstrueuses
surgissent de la kabbale des Juifs, comme d’un cheval de Troie, pour s’attaquer à l’Église du
Christ. »175

Pic de la Mirandole n’est en définitive que la passerelle entre kabbale et chrétienté qui aboutit à faire
passer cette idée cultivée par les kabbalistes juifs convertis au christianisme depuis le XIIIe siècle : le
judaïsme ésotérique s’identifie au christianisme et le confirme176.

Cette kabbale chrétienne se répandra par la suite, dès les XVe et XVIe siècles, en Italie et en France,
puis, à partir du début du XVIIe siècle, le centre de la kabbale chrétienne se déplacera en Allemagne
et en Angleterre177, deux pays protestants.

Le frankisme comme prolongement de la kabbale chrétienne


Le messianisme juif, qui a muté à partir de la fin du XVIIe siècle sous l’impulsion du sabbataïsme, a
donné naissance au frankisme au XVIIIe.

Jacob Frank (1726-1791), un rabbin kabbaliste polonais, se prétendant messie, a entraîné avec lui des
milliers de disciples dans de fausses conversions au catholicisme178. Tout comme celui dont il
prétendait être la réincarnation, Sabbataï Tsevi (1626-1676), qui s’était, lui et nombre de ses

172
Gershom Scholem, op. cit. p. 435.
173
Gershom Scholem, op. cit. p. 447.
174
Youssef Hindi, Occident & Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme, chap. I.
175
Cité dans : Gershom Scholem, op. cit. p. 438.
176
Gershom Scholem, op. cit. p. 435.
177
Gershom Scholem, La Kabbale, une introduction, origines, thèmes et biographies, Gallimard, 2003, p. 316.
178
Voir : Charles Novak, Jacob Frank, le faux messie, L’Harmattan, 2012.
sectateurs, faussement converti à l’islam (en vue de sa destruction de l’intérieur) en se rapprochant
du sultan ottoman Mehmed IV179.

Dans la continuité de la kabbale chrétienne, Jacob Frank et ses proches (dans les années 1750) vont
se rapprocher et nouer des liens avec les autorités chrétiennes, notamment avec l’évêque
Dembowski, en reconnaissant Jésus comme le Messie, ainsi que la Sainte Trinité.

En 1759 et 1760, les frankistes se convertissent massivement au catholicisme. Jacob Frank se fait
baptiser le 18 novembre 1759 par l’évêque Zaluski, parrainé par Auguste III de Pologne et de Saxe, le
grand-père du futur roi Louis XVI180.

En cela, les sabbatéens et les frankistes n’innovent en rien ; ils sont les continuateurs de ces
kabbalistes chrétiens contre lesquels a mis en garde au XVIe siècle Widmannstadt.

On retrouvera dans le frankisme, et notamment avec le petit cousin de Jacob Frank, Junius Frey
(voir : Y. Hindi, La Mystique de la Laïcité), ce fameux syncrétisme religieux d’apparence chrétienne
que prônait Pic de la Mirandole, consistant à détruire toute orthodoxie, toute église, tout dogme,
pour révéler la « véritable » religion de Jésus.

De Jacob Frank à Jean-Paul II via Adam Mickiewicz


Dans sa biographie de Jacob Frank, Charles Novak explique que « pour bien comprendre les
frankistes, il nous faut insister sur le fait que le frankisme transgresse le judaïsme et le christianisme.
Il est divisé entre convertis au christianisme et non convertis … Les frankistes de Bohême-Moravie ou
d’Autriche viennent de familles aisées et ne se convertissent pas au christianisme, alors que les
frankistes polonais issus des pauvres Shtetls ou bourgades, se convertissent et connaissent des
ascensions sociales fulgurantes. Les premiers prépareront le terrain au judaïsme réformé, et les
seconds à un conservatisme teinté de réforme, mais les deux resteront constamment en parallèle…
Les descendants de la famille Brandeis adhèrent au judaïsme réformé américain, pendant qu’au
même moment un Iwaskiewicz devient écrivain célèbre en Pologne où il prône un catholicisme plus
ouvert et plus tolérant… »181

Parmi ces juifs issus des frankistes convertis au catholicisme, l’on trouve Adam Mickiewicz, dont
l’abbé Francesco Ricossa a retracé avec précision le parcours édifiant182 :

« Né en Lituanie le 24 décembre 1798 (200 ans avant l’élection de K. Wojtyla), sous la domination
tzariste, il fonde à l’Université de Vilna, en 1815, la Société des Philomathes (puis Philarèthes, puis
Rayonnants) “à des fins apparemment littéraires (...) en réalité politiques”, motif pour lequel il est
arrêté et exilé en Russie, d’où il est expulsé en 1829. Il se rend alors à Rome : “Il avait eu une
formation spirituelle illuministe et voltairienne ; à Rome il retrouvait la conscience de la puissance
créatrice supérieure de la foi face à la seule raison ; et c’est de ce concept que devait désormais
s’inspirer toute sa poésie”. “En 1831, après avoir tenté en vain de rejoindre sa patrie insurgée,
Mickiewicz partit pour Paris”. Là il fréquente les milieux de l’émigration polonaise… »

179
Voir : Gershom Scholem, Sabbataï Tsevi, le messie mystique, Verdier Poche, 1983.
180
Charles Novak, op. cit. p. 77.
181
Charles Novak, op. cit., pp. 86-87.
182
Dans la revue Sodalitium, « Karol, Adam, Jacob », N° 48, avril 1999, Édition française.
C’est dans cette période, après 1831, que Mickiewicz fonda l’ordre religieux des Résurrectionnistes.
Dès son élection au Pontificat Suprême, rapporte Buttiglione (cité par l’abbé Ricossa), le premier lieu
où Jean-Paul II s’est rendu en pèlerinage a été le sanctuaire de la Mentorella, près de Rome, tenu par
les Résurrectionnistes.

En outre, le père De Lubac rapporte :

« Au soir de son élection, le 16 octobre 1978, du balcon de Saint-Pierre de Rome, le cardinal Karol
Wojtyla, devenu Jean-Paul II, saluait Mickiewicz, témoin de la foi catholique et de la liberté. Et dans la
lointaine Cracovie, que le poète exilé n’avait jamais pu voir, cette nuit même, les cortèges qui
fêtaient l’élection pontificale en honorant les héros de l’histoire polonaise nous signifiaient que
d’Adam Mickiewicz à Karol Wojtyla s’est poursuivie la continuité d’une même espérance à laquelle
paraît enfin répondre un sourire de l’histoir ’ (La Croix, 27/10/1978) »

L’abbé Ricossa expose ensuite les origines frankistes de Mickiewicz :

« L’Encyclopedia Judaica est explicite : dans le drame intitulé Dziady (1832), Mickiewicz “trace un
portrait du futur sauveur de la Pologne, personnage en qui l’interprétation a cru voir l’auteur lui-
même. Selon la vision de l’un des personnages, ce sauveur serait “un fils d’une femme étrangère; son
sang serait celui d’anciens héros ; et son nom serait Quarante-quatre. La mère de Mickiewicz,
descendante d’une famille frankiste convertie, était une “étrangère”; et son nom à lui, Adam, ( ) si
l’on omet le “A” non prononcé a la valeur numérique 44. Ces notions cabalistes avaient été glanées
dans les écrits du mystique français, Louis-Claude de Saint-Martin”.

La même Encyclopédie, mais à la rubrique ‘Frank’, ajoute ce qui suit: “...Le poète lui-même témoigne
clairement de cette affiliation [frankiste] (du côté de sa mère) (...) Les origines frankistes de
Mickiewicz étaient bien connues de la communauté juive de Varsovie dès 1838. Les parents de la
femme du poète [Céline Szymanowska qu’il épousa en 1834] provenaient également de familles
frankistes”. La mère et la femme de Mickiewicz étaient donc issues de familles juives frankistes. »

Mickiewicz défend l’idée frankiste que la religion véritable, en l’occurrence celle du Christ, est cachée
par le catholicisme et l’Église. Ainsi il écrit :

« Il ne s’agit pourtant, qu’on le sache bien, ni de réformes, ni d’innovations, ni de révolutions


religieuses, mais on s’attend à une nouvelle manifestation de l’esprit chrétien. Le papillon qui, au
lever d’un soleil printanier, s’élève sous le ciel, n’est pas une chrysalide réformée, révolue ou
innovée ; c’est toujours le même être, mais élevé à une seconde puissance de vie ; c’est une
chrysalide transfigurée. L’esprit chrétien est prêt à sortir de l’Église catholique : seulement le clergé
officiel n’a pas assez de lumière et de chaleur pour le faire éclore… »183

L’abbé Ricossa pose, à raison, cette question : Vatican II ne fut-il pas « le printemps de l’Église » et sa
« nouvelle Pentecôte » ?

Cet esprit de subversion sous couvert de révélation de la véritable religion cachée, nous allons le
retrouver précisément dans le concile de Vatican II. C’est ce qu’affirmait explicitement Jean-Paul II
lorsqu’il déclarait que :

183
Rapporté par De Lubac, cité par l’abbé Ricossa, op. cit.
« Vatican II a vu la naissance d’une nouvelle figure de l’Église restée cachée pendant deux millénaires
dans l’Église préconciliaire. »184

Or, la conception selon laquelle la religion n’est que l’écorce de la véritable religion, écorce qui doit
être détruite pour révéler la religion vraie, est purement kabbalistique et frankiste. Comme l’explique
Gershom Scholem, cette religion vraie est, dans la conception frankiste, « recouverte par les diverses
législations et religions, donc il faut, pour parvenir à la source du bien, revêtir tous les vêtements et
les mépriser tous, passer par toutes les religions et les abroger toutes. Ce sont autant d’écorces qu’il
faut briser. »185

Car Jacob Frank « espère des bouleversements politiques et la chute de l’Église au sein de laquelle il a
amené un millier de ses sectateurs. »186

De plus, le Pape Jean-Paul II, originaire de Cracovie – haut lieu du frankisme – fut ordonné prêtre par
le Cardinal-archevêque de Cracovie, descendant de la famille frankiste Komorowski (convertie au
catholicisme en 1759). Ce à quoi il faut ajouter, qu’un descendant des frankistes Turoski, Jerzy
Turowicz, était son conseiller et ami intime187.

On peut, dans le même ordre d’idée, on peut établir un autre lien entre le frankisme et Jean-Paul II
qui passe par Mickiewicz, en citant à l’appui le jésuite P. Henri Brouillard, qui avait fréquenté la
même école que l’un des pères de la réforme de l’Église par Vatican II, qui affirmait que « quand
l’esprit évolue, une vérité immuable ne se maintient que grâce à une évolution simultanée et
corrélative de toutes les notions… Une théologie qui ne serait pas actuelle serait une théologie
fausse »188. Une théologie progressive et progressiste en quelque sorte…

Jean-Paul II affirma sans détour son lien avec les juifs et le judaïsme lorsqu’il raconta (c’est nous qui
soulignons) :

« Élu au Siège de Pierre, je conserve au fond de l’âme ce qui a des racines très profondes dans ma
vie. À l’occasion de mes voyages apostoliques dans le monde, je cherche toujours à rencontrer les
représentants des communautés juives. Mais la visite à la synagogue de Rome a été pour moi sans
aucun doute une expérience tout à fait exceptionnelle. (...) Lors de cette visite mémorable, j’ai défini
les juifs comme frères aînés dans la foi. Ces mots résument ce qu’a dit le Concile et ce qui ne peut
pas ne pas être une conviction profonde de l’Eglise. (...) Ce peuple extraordinaire porte toujours en
lui les signes de l’élection divine. (...) Il est vrai qu’Israël a payé bien cher son ‘élection’. C’est peut-
être grâce à cela qu’il est devenu plus semblable au Fils de l’homme (Jésus)... »189

Les propos de Jean-Paul II se situent dans la droite ligne des convictions que défendait celui qui
exerça manifestement une grande influence sur lui, Adam Mickiewicz. Ce dernier avait écrit :

184
Cf. L’Osservatore Romano, 03/08/1979.
185
Gershom Scholem, Aux origines religieuses du judaïsme laïque, Calmann-Lévy, 1999, p. 213.
186
Gershom Scholem, Op. cit., p. 215.
187
Charles Novak, Op. cit. pp. 78, 80.
188
Cf. Conversion et grâce chez Saint Thomas d’Aquin, 1944, p. 219 : cit. in Garrigou-Lagrange, La nouvelle
théologie, où va-t-elle ? In Angellicum n° 23, 1946, p. 126.
189
Jean-Paul II avec Vittorio Messori, Varcare la soglia della speranza, Mondadori, Milano, 1994, pp. 111-112.
« Le privilège unique de la révélation faite au peuple hébreu fut qu’elle préparait la révélation
définitive. Mais une empreinte en est demeurée dans ce peuple, qui lui assigne un rôle pour
l’avenir… Mais dans les contrées habitées par notre race (la Pologne) les parcelles de vérité qui nous
arrivent ont été conquises à la sueur de l’esprit. Là demeurent des millions d’hommes appartenant à
un peuple bien connu, à un peuple qui est l’aîné de l’Europe, l’aîné de tous les peuples civilisés, le
peuple juif qui, du fond des synagogues, ne cesse depuis des siècles de pousser des cris auxquels rien
dans le monde ne ressemble, de ces cris dont l’humanité a perdu la tradition… »190

Une tradition que toute l’Humanité aurait perdue et dont les juifs seraient les seuls et derniers
porteurs. Par conséquent et en définitive, nous devons tous, l’Humanité entière, aller vers le peuple
élu et nous soumettre à ses rabbins pour revenir à la tradition.

La Franc-Maçonnerie et l’Église conciliaire


Si de l’appartenance de Mickiewicz à la maçonnerie proprement dite nous n’avons pas de preuve
formelle, l’abbé Ricossa rapporte toutefois que Mickiewicz fonde en 1817 la société secrète des
Philomathes, et en 1820 il fait partie d’une autre société secrète, celle des Philarèthes. Par la suite, il
est initié au martinisme par Josef Oleszkiewick (peintre, mystique et disciple de Saint-Martin).

Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) est le porte-drapeau de l’Illuminisme. Ce courant


illuministe, appelé « le martinisme », a été fondé, non pas par Saint-Martin, mais par le théosophe et
thaumaturge juif marrane Martinès de Pasqually191 (1727-1774) – fondateur, en 1761 du rite
initiatique illuministe L’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Cohen de l’Univers. Martinès influença
Saint-Martin qui fut d’ailleurs son secrétaire.

En 1780, le petit cousin de Jacob Frank (cité plus haut), Moses Dobruska (1753-1794) alias Franz-
Thomas von Schönfeld alias Junius Frey (converti au catholicisme) et les frères Ecker von Eckoffen ont
fondé sur la kabbale et les secrets sabbataïstes l’importante loge maçonnique judéo-chrétienne de
L’Ordre des Frères de Saint-Jean l’Évangéliste d’Asie et d’Europe.

Cette loge rassemblait l’élite de l’époque qui allait de certains disciples de Saint-Martin, appartenant
à la noblesse autrichienne, au rabbin d’Ukraine Barouch Ben Jacob de Skhlov, en passant par
Beethoven, le Prince du Liechtenstein, le ministre autrichien de la Justice, le comte de Westenburg,
le futur Roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, des révolutionnaires et de grands banquiers juifs comme
Isaac Oppenheimer ou Eskeles192.

Comme l’a expliqué Charles Novak, cette loge frankiste amène les chrétiens à :

« Revenir aux racines juives pour casser le dogme de l’Église catholique qui n’a de cesse de séparer
juifs et chrétiens »193

A cette loge succéder la loge du Grand Orient, dont les membres sont majoritairement des athées
militants mais dont le cérémonial est empreint de mysticisme juif et chrétien194.

190
Rapporté par l’abbé Ricossa, Op. cit.
191
Charles Novak, op. cit., p. 132.
192
Youssef Hindi, op. cit. pp. 109-110.
193
Charles Novak, op. cit. pp. 123-132.
Ce même Grand Orient a voulu conférer le prix maçonnique Galileo Galilei à Jean-Paul II (qui l’a
refusé), affirmant que « les idéaux promus par ce dernier sont les mêmes que ceux de la Franc-
Maçonnerie »195.

Le Grand Maître du Grand-Orient d’Italie rendit d’ailleurs hommage à la mémoire de Jean-Paul II en


ces termes :

« Pour nous, c’est la mort de celui qui a fait tomber la condamnation de la Franc-Maçonnerie par
Clément XII et ses successeurs. C’est la première fois, dans l’histoire de la Franc-Maçonnerie
moderne, que le chef de la plus grande religion occidentale meurt sans être en état d’hostilité avec
les francs-maçons… Pour la première fois dans l’histoire, les francs-maçons peuvent rendre
hommage au tombeau d’un pape, sans ambiguïté ni contradiction. »196

Vatican II et le judéo-christianisme
Parmi ceux qui travailleront dans le cadre du Concile Vatican II à achever de soumettre l’Église au
judaïsme, se trouve Jules Isaac (1877-1962), un français de confession juive, qui est un des pionniers
des Amitiés judéo-chrétiennes.

Ce à quoi travaillera entre autres choses Jules Isaac, c’est à extirper de l’Église le ressentiment contre
les juifs pour le crime de « déicide ». Il écrivit à ce propos dans son ouvrage L’enseignement du
mépris (1962) :

« L’accusation chrétienne portée contre Israël, l’accusation de déicide, accusation de meurtre elle-
même meurtrière, est la plus grave, la plus nocive, elle est aussi la plus inique. »197

En 1956, il écrivait dans son livre Genèse de l’antisémitisme (1956) :

« On doit le reconnaître avec tristesse, presque tous les Pères de l’Église ont participé de leur pierre à
cette entreprise de lapidation morale (non sans suites matérielles) : saint Hillaire de Poitiers comme
saint Jérôme, saint Ephrem comme saint Grégoire de Nysse et saint Ambroise et saint Epiphane –
celui-ci juif de naissance –, et saint Cyrille de Jérusalem, et j’en passe… »198

Il est rapporté dans l’ouvrage collectif « Vatican II : L’Église à la croisée des chemins, Tome I : Les
pionniers du concile » que :

« Jules Isaac a lancé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale des réunions internationales et
œcuméniques pour lutter contre ce qu'il appelait "l'enseignement du mépris" dispensé par l'Église.
Avec des amis catholiques et protestants, il a fondé l'Amitié Judéo-chrétienne et a même réussi à se
faire recevoir par Jean XXIII à la veille du concile, le 13 juin 1960. Il suggéra au Pape la création d'une
commission chargée d'étudier ce problème. Détail curieux, le groupe de travail fondé pour s’occuper
de la réhabilitation du judaïsme ne dépendra pas du Secrétariat pour les non-chrétiens, mais du

194
Thierry Zarcone, Secret et sociétés secrètes en Islam, Archè Milano, 2002, p. 130.
195
Cf. Il Giornale, 22/12/1996, p. 10.
196
Cf. Giordano Gamberini, éditorial paru dans la Rivista Massonica, 1978, n° 5, p. 290.
197
Jules Isaac, L’Enseignement du mépris, Fasquelle, 1962, p. 141. Cité dans : Vatican II, l’Église à la croisée des
chemins, Tome I : Les Pionniers du concile, Éditions du MJCF, 2010, p. 196.
198
Jules Isaac, Genèse de l’antisémitisme, Calmann-Lévy, 1956, p. 161. Cité dans : Vatican II, l’Église à la croisée
des chemins, Tome I, p. 197.
Secrétariat pour l’unité des chrétiens. Comme pour mieux souligner que le but, à plus ou moins long
terme, était de réussir à faire l’unité avec le judaïsme.

Le 18 septembre 1960, Jean XXIII demanda au cardinal Béa d'introduire dans le document sur
l'œcuménisme un schéma sur les juifs. Immédiatement, des rencontres secrètes avec les
représentants du judaïsme furent organisées. L'activisme pro-juif du prélat fut si intense qu'il finit
par attirer l'attention. Des libelles circulèrent à Rome, l'accusant d'être un agent secret du B'naï
Brith, une organisation maçonnique réservée aux juifs. Le quotidien égyptien Al Gomhuria accusa
Augustin Béa d'être un juif du nom de Béhar infiltré dans le catholicisme. D'autres insistèrent sur
l'origine juive de ses adjoints (Mgr Baum et Mgr Oesterreicher). D'autres encore s'étonnèrent de
l'installation à Rome de Chaïm Wardi, envoyé par l'État d'Israël pour suivre les travaux du concile, qui
laissa entendre par la presse qu'il pourrait assister en qualité d'observateur aux sessions du concile,
alors que le Secrétariat pour l'unité n'avait rien annoncé de tel. »199

La rencontre secrète entre les représentants juifs et un envoyé du Pape fut révélée par un des
participants, Lazare Landau, en 1987 (dans : Tribune Juive, n. 1001, du 25 au 31 décembre 1987. Cf.
Itinéraires, seconde série, n. III, automne 1990, pp. 1 à 21).

Le 20 juin 1962, le cardinal Béa a rencontré à Rome le président du Congrès Juif Mondial, le
professeur Nahum Goldman. Le 15 février 1963, il rencontra deux dirigeants du B'naï Brith : le
docteur Label Katz et le docteur Saul Joftes (rencontres signalées par le Giornale d'Italia, 16 février
1963).

Le directeur pour l'Europe de l'American Jewish Committee a déclaré le 12 novembre 1963 :

« Sans crainte de se tromper, on peut affirmer qu'il n'y a pas une seule communauté juive, une seule
tendance juive, un seul penseur juif renommé qui n'ait pu exposer son opinion aux autorités
romaines, à qui en revenait l'initiative. »200

Le 8 novembre 1963, un communiqué du Secrétariat pour l'Unité des chrétiens annonça que le
chapitre 4 du texte sur l'œcuménisme, Unitatis redintegratio, serait consacré à l'attitude des
catholiques envers les juifs. Or, à peine dix jours plus tard, on apprit qu'un texte à ce sujet avait été
rédigé par le B'naï Brith et remis au Secrétariat pour l'unité des chrétiens.

Une dépêche de l'AFP, datée du 17 novembre 1963 et envoyée de Washington, citait une déclaration
du docteur Label Katz, qui disait :

« L'organisation juive a exprimé le désir d’établir des rapports plus étroits avec l'Église catholique et a
présenté au concile œcuménique une déclaration dans laquelle est affirmée la responsabilité de
toute l'humanité dans la mort du Christ. »201

Le texte fut critiqué par les évêques des pays arabes redoutant que les musulmans ne soient
mécontents de cette faveur faite aux juifs, et que les minorités chrétiennes des pays musulmans en

199
Vatican II, l’Église à la croisée des chemins, p. 202.
200
R. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, p. 166.
201
Cf. Fideliter, n° 48, novembre-décembre 1985, p. 48. Rapporté dans : Vatican II, l’Église à la croisée des
chemins, p. 204.
souffrent. Il fallut donc compenser le passage sur le judaïsme par un passage sur l’islam, s’en est
suivie une proposition sur le bouddhisme, l’hindouisme …202

Vatican II ne fut qu’une étape, certes très importante, d’un mouvement continu de subversion qui a
commencé au Moyen-Âge avec la kabbale chrétienne en vue d’aboutir à la formation d’un judéo-
christianisme.

Ce profond et vaste mouvement messianique qui a travaillé à la subversion du catholicisme est entré
dans sa dernière phase : la dissolution complète des grandes spiritualités dont résulterait la
naissance d’une religion mondiale dont la caste sacerdotale devrait être le rabbinat.

Un projet déjà en gestation comme en témoigne la déclaration du représentant du judaïsme au


Congrès Mondial des Religions, le rabbin ashkénaze d’Israël Yona Metsger :

« Mon rêve est de construire quelque chose de similaire à ce que sont les Nations Unies pour les
diplomates, il s’agirait d’unifier les religieux, les dignitaires de chaque nation, de chaque pays, y
compris ceux qui n’ont pas de relations diplomatiques. »203

Jésus et la Vierge Marie dans la littérature juive et le Talmud


Il n’est pas aisé de retrouver les passages talmudiques mentionnant Jésus et la Vierge Marie, en
raison de la censure rabbinique de certaines éditions du Talmud – dans le but évident de se prémunir
des représailles venant des autorités chrétiennes (États chrétiens et Église).

Des passages du Talmud que les rabbins ne diffusent pas en dehors des yeshivot (écoles religieuses
juives).

Un passage important concernant Jésus se trouve dans le traité talmudique Sanhédrin 43a. Le texte
non censuré204 dit de Jésus qu’il était un sorcier et un séducteur qui a tenté d’égarer Israël :

« On rapporte : la veille de la Pâque on pendit Jésus. Quarante jours auparavant le héraut le


précédait en annonçant : On emmène Jésus de Nazareth pour le lapider en châtiment des chefs
suivants : sorcellerie, séduction et égarement d’Israël. Quiconque a connaissance de quelque chose
qui soit à sa décharge, doit se présenter et plaider en sa faveur ! Mais on ne lui trouva rien qui soit à
sa décharge et on le pendit la veille de la Pâque. Ulla dit : Croyez-vous que Jésus de Nazareth était de
ceux dont on recherche ce qui peut leur être à décharge ? C’était un séducteur ! et la Torah dit : ‘‘Tu
ne l’épargneras pas et tu ne l’excuseras pas’’ (Deutéronome XIII-8) ... »

Dans le traité Sanhédrin 106a, la Vierge Marie y est dépeinte comme une prostituée (dans ce texte, le
nom de Jésus est remplacé par « Balaam »205) :

202
Vatican II, l’Église à la croisée des chemins, p. 205.
203
Euronews, Kazakhstan : une quête d’unité spirituelle, 04/06/12.
204 e
Tel qu’il a été reconstitué à partir de l’édition Bomberg, célèbre imprimeur vénitien du début du XVI siècle.
205
D’après le spécialiste de la littérature juive et du Talmud, Robert Travers Herford (1860-1950), « Balaam »
est fréquemment utilisé dans le Talmud pour désigner Jésus. Cf. R. T. Herford, Christianity in Talmud and
Midrash, 1903, pp. 48, 64-70.
Sur la signification du nom Balaam : « qui détruit le temple », « qui avale », « devin, fils de Béor, il habitait la
ville de Pethor sur l'Euphrate en Aram (Mésopotamie). Balak, roi de Moab, lui envoya des anciens de Moab et
« Baalam (Jésus) fils de Beor, le devin, (que les Fils d’Israël ont tué par l’épée)206. Un devin ? Mais il
était aussi un prophète ! – R. Johanan a dit : Au début il était un prophète, mais par la suite un
devin207.

R. Papa a observé : C’est ce que les hommes disent (à propos de Marie), ‘‘Elle (Marie), qui était la
descendante de princes et de gouverneurs, a joué la prostituée avec des charpentiers’’ »

Le Talmud rapporte que Jésus était alors reconnu comme prophète par les prêtres juifs. Or, s’il était
prophète, il ne pouvait devenir un sorcier, un devin, car c’est par la volonté de Dieu qu’un prophète
est prophète, et la volonté de Dieu est irrévocable. Il y a donc là, dans le Talmud, une contradiction
flagrante concernant Jésus.

Aux calomnies talmudiques se sont ajoutées, dans la littérature juive, des légendes scandaleuses sur
Jésus et Marie, laquelle aurait été répudiée et qui aurait conçu Jésus avec un soldat romain appelé
Pantherus.

Des juifs rédigèrent un pamphlet (remontant au IIe ou IIIe siècle) injurieux envers Jésus, le Sefer
Toledot Yeshou (Livre des engendrements de Jésus), dont le contenu circulait déjà (avant sa
rédaction) oralement au cours du IIe siècle : vers l’an 200, Tertullien reprochait déjà aux juifs les
blasphèmes anti-chrétiens qui se retrouveront dans le Toledot Yeshou208. Ce pamphlet contenait
l’histoire du soldat Pantherus et les légendes représentant Jésus comme un magicien.

D’ailleurs, cette littérature antichrétienne a ressurgi aux XVIIe et XVIIIe siècles. À ce propos, l’écrivain
français juif Bernard Lazare (1865-1903) rapporte :

« Dans tout le terrible antichristianisme du XVIIIe siècle, il importerait d’examiner quel fut l’apport, je
ne dis pas du Juif, mais de l’esprit juif. Il ne faut pas oublier qu’au XVIIe siècle, les savants, les érudits
comme Wagenseil, comme Bartolocci, comme Buxtorf, comme Wolf, firent sortir de l’oubli les vieux
livres de polémique hébraïque, ceux qui attaquaient la Trinité, l’Incarnation, tous les dogmes et tous
les symboles, avec l’âpreté judaïque, et la subtilité que possédèrent ces incomparables logiciens que
forma le Talmud. Non seulement ils publièrent les traités dogmatiques et critiques, les Nizzachon et
les Chirzuk Emuna, mais encore ils traduisirent les libelles blasphématoires, les vies de Jésus, comme
le Toledot Yeshou, et le XVIIIe siècle répéta sur Jésus et sur la Vierge les fables et les légendes
irrespectueuses des Pharisiens du IIe siècle, qu’on retrouve à la fois dans Voltaire et dans Parny, et
dont l’ironie rationaliste, âcre et positive, revit dans Heine, dans Börne et dans Disraëli, comme la
puissance de raisonnement des docteurs renaît dans Karl Marx et la fougue libertaire des révoltés
hébraïques dans l’enthousiaste Ferdinand Lassale. »209

de Madian qui lui offrirent une grande récompense, à condition qu'il maudit les Israélites. L'Éternel l'obligea en
réalité à bénir le peuple qui devait être maudit. Balaam demeure le type du faux prophète, ami de l'argent et
des honneurs, dont l'attitude douteuse conduit au relâchement de l'enseignement et de la conduite. »
Voir par exemple : https://emcitv.com/bible/strong-biblique-grec-balaam-903.html
206
Joshua XIII, 22.
207
En tant que punition pour avoir souhaité maudire Israël, Jésus a été, par les tenants du judaïsme, dégradé
du rang de prophète à celui de devin.
208
Tertullien, Les Spectacles (De Spectaculis), ch. 30, § 6, texte latin et traduction de Marie Turcand, éd. du
Cerf, 1986, pp. 324-327.

209
Bernard Lazare, L’antisémitisme, son histoire et ses causes, 1894, 2012, Kontre Kulture, p. 190.
Jésus et la Vierge Marie dans le Coran
Le Coran pointe directement et précisément ces accusations du Talmud en maudissant leurs auteurs
et les propagateurs de ces calomnies (c’est nous qui soulignons) :

« Donc nous les avons maudits, pour leur rupture de leur engagement, pour leur déni des signes de
Dieu, pour leur assassinat de prophètes à contre-vérité, pour leur parole : ‘‘Nos cœurs sont
opaques’’…

Non pas ! Seulement Dieu y posa le sceau de la dénégation, et ils ne sont pas croyants, ou si peu !

Pour avoir dénié, pour avoir proféré sur Marie une calomnie énorme

Pour avoir assuré : ‘‘Nous avons tué Jésus le Messie fils de Marie’’, l’Envoyé de Dieu !... Ils ne l’ont
pas tué, ils ne l’ont pas crucifié, mais l’illusion les en a possédés. Ceux qui là-dessus controversent ne
font qu’en douter, sans avoir en l’espèce d’autre science que de suivre la conjecture… Ils ne l’ont pas
tué en certitude mais Dieu l’éleva vers Lui. Dieu est Tout-Puissant et Sage. » (Sourate 4, 155-158) 210

Bien que le Coran rejette la croyance en la crucifixion et la mort du Christ – Dieu l’ayant sauvé –, il
n’en demeure pas moins que la Révélation coranique affirme que Dieu a maudit les tenants du
judaïsme pour avoir, entre autres choses, comploté pour le faire mourir, pour s’en être vantés et
pour avoir gravement calomnié la Vierge Marie.

Par conséquent, du point de vue du christianisme et de l’islam la malédiction divine pèse sur les
pharisiens, et par suite, sur tous ceux qui s’en revendiquent et se réjouissent du meurtre du Christ et
perpétuent les calomnies contre lui et la Vierge Marie.

Et à l’accusation de sorcellerie proférée à l’encontre de Jésus dans le Talmud, le Coran répond :

« Lors Dieu dira (au Jour de la Résurrection) : ‘‘Jésus fils de Marie, rappelle-toi Mon bienfait sur ta
mère et sur toi, quand Je te confortai de l’Esprit de sainteté, te faisant parler dès le berceau comme à
l’âge adulte ; que Je t’enseignai l’Écriture et la sagesse, la Torah, l’Évangile ; et que tu créais d’argile,
avec Ma permission, comme une forme d’oiseau qui devint sous l’effet de ton souffle un oiseau
vivant ; et que tu guérissais l’aveugle et le lépreux avec Ma permission ; que tu ressuscita les morts
avec Ma permission. Et quand J’éloignai de toi les fils d’Israël qui s’écriaient après que tu leur aies
produit tous ces signes : ‘‘Ce n’est là que sorcellerie flagrante’’. » (Sourate 5, verset 110)

Quant aux statuts respectifs de Jésus et Marie dans le Coran, ils sont au degré le plus élevé. Marie est
placée, dans le Coran, au-dessus de toutes les femmes :

« Lors les anges dirent : ‘‘Marie, Dieu t’a élue et t’a purifiée : Il t’a élue sur les femmes des univers… »
(Sourate 3, verset 42)

Et Jésus est le Messie, Verbe de Dieu, né miraculeusement de la Vierge Marie, et un des rares
rapprochés de Dieu :

210
Traduction de Jacques Berque, Le Coran, essai de traduction, édition revue et corrigée, Albin Michel, 1995.
« Lors les anges dirent : ‘‘Marie, Dieu te fait l’annonce d’un Verbe de Lui venu. Son nom est le Messie
Jésus fils de Marie, prodigieux (ou illustre) dans cette vie et dans l’autre, et du petit nombre des
rapprochés (de Dieu)

Il parlera aux hommes du berceau comme à l’âge adulte, et sera du nombre des gens pieux’’.

‘‘Mon Seigneur, dit-elle, comment enfanterais-je sans qu’un homme ne m’ait touchée ? – C’est
ainsi’’, dit-Il

Dieu crée ce qu’Il veut. S’il décrète une chose, il Lui suffit de dire : ‘‘Sois’’, et elle est. » (Sourate 3, 45-
47)

Jésus et les pharisiens dans les Évangiles


Toujours dans le contexte du congrès sur « Jésus et les pharisiens », le pape François a déclaré :

« L’histoire de l’interprétation a favorisé des images négatives des pharisiens, même sans une base
concrète dans les récits évangéliques, et cette vision a été attribuée par les chrétiens aux Juifs en
général. »211

Examinons donc les bases concrètes des Évangiles…

Les chapitres 26 et 27 de l’Évangile de Matthieu relatifs à la condamnation du Christ qui a été exigée
expressément et exclusivement par ceux qui l’ont fait arrêter, à savoir les pharisiens, nous éclairera
sur l’origine de cette vision négative que les chrétiens ont de ceux que Jésus appelait lui-même
« races de vipères » et « engeance de serpents ».212

Allons maintenant au texte. Commençons par l’arrestation de Jésus menée sur ordre des prêtres
juifs, et non sur ordre des Romains :

« Il parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une troupe nombreuse de gens
armés d’épées et de bâtons, envoyée par les Princes des prêtres et les Anciens du peuple.

Le traître leur avait donné ce signe : ‘‘Celui que je baiserai, c’est lui, arrêtez-le.’’
Et aussitôt, s’approchant de Jésus, il dit : ‘‘Salut, Maître’’, et il le baisa.
Jésus lui dit : ‘‘Mon ami, pourquoi es-tu ici ?’’ En même temps, ils s’avancèrent, mirent la main sur
Jésus et le saisirent.
Et voilà qu’un de ceux qui étaient avec Jésus, mettant l’épée à la main, en frappa le serviteur du
grand prêtre et lui emporta l’oreille. » (Matthieu 26, 47-51)213

« Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe, le grand prêtre, où s’étaient assemblés
les Scribes et les Anciens du peuple. » (Matthieu 26, 57)

211
https://actu.orange.fr/monde/le-pape-ami-des-juifs-prie-d-adoucir-ses-homelies-sur-les-pharisiens-
CNT000001fDnNN/photos/le-pape-francois-le-8-mai-2019-sur-la-place-saint-pierre-du-vatican-
f25f536209c07cbfa49ef0b3e1ba833a.html
212
https://www.levangile.com/Bible-CRA-40-23-33-complet-Contexte-non.htm
213
La Sainte Bible, Nouveau Testament, d’après les textes originaux, Traduction du Chanoine Augustin
Crampon, Edition 1923, Imprimatur, Tornaci, die 1a Septembris 1930.
Là le simulacre de jugement débuta, avec deux faux témoins que les Princes des prêtres et tout le
Conseil firent venir contre Jésus afin de le faire mourir. Puis, le grand prêtre s’adressant à Jésus, lui
demanda s’il était le Messie (« Christ » étant la traduction grecque de « Messie »).

« Et le grand prêtre lui dit : ‘‘Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de
Dieu ?’’
Jésus lui répondit : ‘‘Tu l’as dit ; de plus, je vous le dis, dès ce jour vous verrez le Fils de l’homme
siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel.’’
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : ‘‘Il a blasphémé, qu’avons-nous encore
besoin de témoins ? Vous venez d’entendre son blasphème :
Que vous en semble ? ‘‘Ils répondirent : ‘Il mérite la mort.’
Alors ils lui crachèrent au visage, et le frappèrent avec le poing ; d’autres le souffletèrent en disant :
‘‘Christ, devine qui t’a frappé.’’ » (Matthieu 26, 63-68)

Selon le grand prêtre, le blasphème, dont Jésus serait coupable, est de s’être déclaré Messie. Les
pharisiens, ne lui reconnaissant pas publiquement ce statut, la peine requise pour un tel crime (se
déclarer mensongèrement prophète ou Messie) est la mort. Mais nous avons constaté
précédemment que le Talmud admet que Jésus était prophète, et un prophète ne saurait mentir ;
par conséquent, si Jésus, vrai prophète, affirme être Messie, il l’est. De plus, il est rapporté dans le
Talmud que Jésus fut tué, non pas pour s’être déclaré Messie et prophète, mais pour avoir pratiqué
la sorcellerie ; il serait devenu devin après avoir été prophète. La déduction est que les pharisiens
l’ont condamné à mort à contre-vérité.

Ils décidèrent ensuite de l’emmener devant le gouverneur romain pour qu’il exécute pour eux la
sentence.

« Dès le matin, tous les Princes des prêtres et les Anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour
le faire mourir.

Et, l'ayant lié, ils l'emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce Pilate.

Alors Judas, qui l'avait livré, voyant qu'il était condamné, fut touché de repentir, et rapporta les
trente pièces d'argent aux Princes des prêtres et aux Anciens, disant : "J'ai péché en livrant le sang
innocent." Ils répondirent : "Que nous importe ? Cela te regarde. "

Alors, ayant jeté les pièces d'argent dans le Sanctuaire, il se retira et alla se pendre. Mais les Princes
des prêtres ramassèrent l'argent et dirent : "Il n'est pas permis de le mettre dans le trésor sacré,
puisque c'est le prix du sang."

Et, après s'être consultés entre eux, ils achetèrent avec cet argent le champ du Potier pour la
sépulture des étrangers. C'est pourquoi ce champ est encore aujourd'hui appelé Champ du sang.
Alors fut accomplie la parole du prophète Jérémie : "Ils ont reçu trente pièces d'argent, prix de celui
dont les enfants d'Israël ont estimé la valeur ; et ils les ont données pour le champ du Potier, comme
le Seigneur me l'a ordonné."

Jésus comparut devant le gouverneur, et le gouverneur l'interrogea, en disant : "Es-tu le roi des Juifs
?" Jésus lui répondit : "Tu le dis."
Mais il ne répondait rien aux accusations des Princes, des prêtres et des Anciens.
Alors Pilate lui dit : "N'entends-tu pas de combien de choses ils t'accusent ?"

Mais il ne lui répondit sur aucun grief, de sorte que le gouverneur était dans un grand étonnement.

À chaque fête de Pâque, le gouverneur avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que demandait
la foule.
Or ils avaient alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.
Pilate, ayant fait assembler le peuple, lui dit : "Lequel voulez-vous que je vous délivre, Barabbas ou
Jésus qu'on appelle Christ ?"

Car il savait que c'était par envie qu'ils avaient livré Jésus.
Pendant qu'il siégeait sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : "Qu'il n'y ait rien entre toi et ce
juste ; car j'ai été aujourd'hui fort tourmentée en songe à cause de lui."
Mais les Princes des prêtres et les Anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas, et de
faire périr Jésus.

Le gouverneur, prenant la parole, leur dit : "Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ?" Ils
répondirent : Barabbas."
Pilate leur dit : "Que ferai-je donc de Jésus, appelé Christ ?"
Ils lui répondirent : " Qu'il soit crucifié ! "
Le gouverneur leur dit : " Quel mal a-t-il donc fait ?"
Et ils crièrent encore plus fort : "Qu'il soit crucifié !"
Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte allait croissant, prit de l'eau et se lava les
mains devant le peuple, en disant : "Je suis innocent du sang de ce juste ; à vous d'en répondre."
Et tout le peuple dit : "Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !"
Alors il leur relâcha Barabbas ; et, après avoir fait battre de verges Jésus, il le livra pour être crucifié. »
(Matthieu 27, 1-26)

Et le gouverneur romain Ponce Pilate et les prêtres juifs, qui commandaient le peuple, savaient alors
que Jésus était innocent des chefs d’accusation, ils savaient qu’il était un juste. Et comme nous
l’avons démontré, si tous savaient que Jésus était innocent, cela indique qu’ils savaient qu’ils
condamnaient à mort un prophète et Messie. C’est la raison pour laquelle le peuple, sous les ordres
des prêtres, dit « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! », car par définition seul le sang d’un
innocent peut retomber sur ceux qui le tuent, pas celui d’un coupable.

Notons par ailleurs que le passage du Coran cité précédemment indique que les pharisiens se sont
vantés d’avoir tué Jésus bien qu’ils aient su qu’il s’agissait du Messie ; en effet, ce verset du Coran
nous dit que Dieu a maudit les tenants du judaïsme « Pour avoir assuré : ‘‘Nous avons tué Jésus le
Messie fils de Marie’’ » (Sourate 4, verset 157).

Puisque « pour beaucoup de Juifs, les pharisiens sont les fondateurs du judaïsme et donc leurs
ancêtres spirituels », comme l’a affirmé le pape François, tous ceux qui se réclament du judaïsme
rabbinique et talmudique, sont les héritiers spirituels de ces pharisiens qui ont fait tuer un juste, LE
juste.

Jésus a été désigné comme bouc émissaire, tué par les autorités religieuses et politiques ainsi que
par le peuple pour rétablir la cohésion sociale, l’ordre établi que le Christ avait remis en question.
Mais à la différence du bouc émissaire, la culpabilité de Jésus n’a pas été reconnue ; tous savaient
qu’il était innocent. Par définition, il ne peut donc tenir le rôle de bouc émissaire, c’est-à-dire être
celui par lequel la communauté va surmonter ses divisions et se reconstruire.214

La culpabilité se retourne alors contre les accusateurs, qui deviennent les coupables, voire les boucs
émissaires au regard du reste de l’humanité et de l’histoire universelle.

214
Sur le rôle du bouc émissaire voir : René Girard, Quand ces choses commenceront, p. 45.

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