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58 | 2008
Aspects de comme
Marianne Desmets, Antoine Gautier et Thomas Verjans (dir.)
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/linx/316
DOI : 10.4000/linx.316
ISSN : 2118-9692
Éditeur
Presses universitaires de Paris Nanterre
Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2008
ISSN : 0246-8743
Référence électronique
Marianne Desmets, Antoine Gautier et Thomas Verjans (dir.), Linx, 58 | 2008, « Aspects de comme » [En
ligne], mis en ligne le 07 juillet 2011, consulté le 02 octobre 2020. URL : http://
journals.openedition.org/linx/316 ; DOI : https://doi.org/10.4000/linx.316
SOMMAIRE
I. Synchronie
II. Diachronie
Compte rendu
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1 Ce numéro, intitulé « Aspects de comme », est issu de travaux menés dans le cadre du
projet Gram-M1. L’objectif initial de ce groupe de recherche fut double. Ce fut, d’une
part, d’établir un état des connaissances sur comme afin d’obtenir une vue globale de ce
terme si labile, en confrontant à la fois différentes études descriptives existantes, et en
produisant un certain nombre d’études originales visant à éclairer des aspects moins
bien repérés dans la littérature. D’autre part, l’originalité du projet fut de réunir des
chercheurs provenant de plusieurs horizons théoriques ; la confrontation critique des
modèles convoqués (grammaire syntagmatique, approche constructionnelle,
psychomécanique du langage) permettant de saisir en quoi leur exploitation permettait
de rendre compte des multiples aspects du mot comme, de situer celui-ci dans
l’ensemble plus vaste des systèmes auxquels il appartient, tant du point de vue interne
que du point de vue externe.
2 Le présent recueil se veut ainsi complémentaire des études contemporaines 2 qui visent
à recenser les différents types d’emploi assumés par comme. Dans la perspective
d’appréhender un large spectre du fonctionnement de ce terme, nous avons regroupé
les travaux en deux ensembles, selon que la perspective des contributions est
synchronique ou diachronique, chacun des deux ensembles étant ouvert par une
synthèse générale constituant un état des lieux des principaux travaux menés sur la
question. En outre, nous avons délibérément choisi des contributions d’arrière-plans
théoriques variés, et qui portent un intérêt tout particulier à comme en regard des
relations systématiques qu’il entretient non seulement entre ses différents emplois,
dont l’emploi comparatif, que l’on peut à bon droit tenir pour prototypique, mais aussi
avec d’autres marqueurs, conjonctions ou proformes.
3 Dans la perspective synchronique, Antoine Gautier propose un parcours de l’ensemble
des travaux de façon à isoler les principaux problèmes suscités par comme, et tout
particulièrement le problème de son appartenance catégorielle et le problème de la
possibilité d’une description unifiée de ses valeurs d’emploi. La section consacrée aux
contributions diachroniques se fonde principalement sur une périodisation des emplois
de comme, et s’ouvre à une réflexion épistémologique sur les mérites et manques d’une
telle démarche.
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NOTES
1. Groupe de travail réunissant jeunes chercheurs et chercheurs confirmés, créé par A. Gautier et
Th. Verjans, affilié à l’équipe Sens, Texte, Informatique et Histoire (Paris-Sorbonne), et consacré à
l’étude des mots grammaticaux.
2. Notamment Flaux & Moline (2008).
AUTEURS
MARIANNE DESMETS
Université Paris-Ouest-UMR 7110-LLF & UMR 7114-MODYCO
ANTOINE GAUTIER
Université Paris-Sorbonne-EA 4089-STIH
THOMAS VERJANS
Université Paris-Sorbonne-EA 4089-STIH
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I. Synchronie
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1 Les éléments de synthèse qui suivent se proposent d’offrir une lecture globale des
derniers travaux sur le mot comme en soulignant les grandes problématiques qu’a
favorisées le récent regain d’intérêt pour ce morphème. Cet état de l’art se veut un
prolongement de la présentation de Flaux & Moline (2008), axé en priorité sur les
problèmes méthodologiques que soulève l’étude particulière du morphème comme.
2 On observera d’abord que les études sur comme adoptant une perspective
morphosyntaxique traditionnellese heurtent à un problème qui est d’abord
taxinomique : dans quelle(s) catégorie(s) grammaticale(s) faut-il classer ce mot ? Par
ailleurs, doit-on postuler que la pluralité des emplois de comme correspond aux facettes
d’une même entité lexicale (hypothèse polysémique) ou bien à des unités distinctes
(hypothèse homonymique) ? Et quels sont du reste les présupposés et les implications
de ces différentes hypothèses ? Ce sont là les problèmes que doivent résoudre les études
grammaticales et linguistiques du mot comme – quitte à ménager de nouvelles places
dans les nomenclatures.
3 D’une part, dans des travaux relevant essentiellement de la sémantique ou de la
stylistique, comme est souvent évoqué dans les champs onomasiologiques de la
manière, du degré et de la comparaison. L’un des attraits de ces approches est de dégager
la valeur de comme par opposition à celle de morphèmes sémantiquement voisins ou
concurrents formant système ; mais à leur tour les notions de manière, de degré et de
comparaison appellent un effort définitoire. D’autre part, un second ensemble de
contributions cherche explicitement à pallier l’un des défauts majeurs de l’approche
sémasiologique – qui est aussi son principal atout, à savoir l’adoption d’un simple
signifiant pour point de départ. Ces travaux s’attachent à distinguer les propriétés qui
sont attribuables au seul morphème, c’est-à-dire à un élément objectivé et isolé de tout
contexte, et celles qui ne le sont pas, étant au contraire liées à ce qu’on peut appeler
des « effets contextuels ». Cela peut en particulier conduire à l’identification de
constructions, dotées de propriétés non compositionnelles, par conséquent non
observables à partir du seul morphème comme.
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19 Ces proformes sont définies par un faisceau de traits assez réguliers (qui peuvent être
neutralisés selon les contextes) : au plan sémantico-référentiel, l’indéfinition affectant
les traits ± animé (que, qui), lieu (où), temps (quand), manière (comme, comment), etc. ; au
plan syntaxique, l’instauration d’un rapport de « dépendance par cosaturation »,
associé au marquage fonctionnel du rôle joué dans la prédication intégrée (fonction
proforme) (Pierrard, ibid. : 239).
20 Malgré ces propriétés qui l’intègrent de droit à l’ensemble des proformes, comme se
distingue de celles-ci par des aspects importants (Pierrard & Léard, 2004 : 270 et sqq.) :
en premier lieu, il refuse les emplois interrogatifs, étant remplacé à ce poste par
comment ; deuxièmement, son sémantisme ne différencie pas toujours la qualité et la
quantité ; enfin, il ne tolère pas la réduction propositionnelle (Muller, 1996) à la
proforme « nue » (ou sluicing) : « *je ne sais pas comme » vs. « je ne sais pas comment ».
21 De toute évidence, la catégorie proforme est d’une grande plasticité. C’est sans doute là,
du reste, que réside son principal intérêt : dans la déformabilité acquise par l’appareil
descriptif. En effet, l’ensemble des critères définissant la catégorie n’a pas à être
intégralement réalisé dans un objet particulier pour qu’il soit intégré à celle-ci. En
somme, les problèmes rencontrés par l’approche traditionnelle ont trouvé des amorces
de solutions dans l’hypothèse polysémique, qui a permis des descriptions unifiées du
morphème via un signifié fondamental associé au signifiant, ainsi que dans la classe des
proformes, qui a mis en lumière d’importantes parentés syntactico-sémantiques entre
des formes jusque là séparées (parenté confortée par l’étymologie, qui plus est).
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Ouvertures
28 Les points abordés dans ces quelques pages n’ont pas l’ambition de constituer la
synthèse complète des études relative au morphème comme : la brève étude qui vient
d’être proposée ne vise qu’à poser un regard prospectif sur les problématisations à
venir.
29 En premier lieu, la question de la polysémie ou de l’homonymie de comme semble
devoir se résoudre à l’avantage de la première hypothèse, ce à quoi l’influence du
paradigme cognitiviste et, avant cela, celle de la psychomécanique du langage, ne sont
sans doute pas étrangères. Mais les théories mentalistes de comme 14 doivent proposer
une description plus précise du signifié fondamental de comme au sein du lexique
mental mais aussi une simulation du fonctionnement cognitif du morphème. Quoi qu’il
en soit, faute de données neurolinguistiques, cette question relève encore d’un parti
pris méthodologique et ne se résoudra sans doute pas par l’observation empirique des
faits linguistiques. Il reste que l’hypothèse polysémique apparaît en outre plus élégante
par son économie – et par le fait qu’elle masque partiellement (ou du moins qu’elle
retarde) la répartition des occurrences en classes artificielles.
30 Ensuite, le problème de la catégorie de comme ne sera sans doute pas tranché sans une
résistance des tenants de la nomenclature traditionnelle des parties du discours. Fort
heureusement, la possibilité d’une autre typologie demeure, une typologie ayant acquis
les propriétés de déformabilité nécessaires à la prise en compte d’objets complexes.
Mais acceptera-t-on de parler de mots plus ou moins conjonctifs ou prépositionnels ? Se
résignera-t-on aux comportements adverbiaux ? Rien n’est moins sûr. En somme, la
remarque très pertinente de Culioli peut paraître optimiste :
Pendant longtemps et de façon, au reste, inévitable, on a insisté sur les propriétés
classificatoires des phénomènes linguistiques. D’où un travail fondé sur des
étiquettes, des propriétés en tout ou rien, des identifications stables et prises dans
des hiérarchies rigides […]. Grâce à une solide division disciplinaire (phonétique ;
syntaxe ; sémantique ; pragmatique), on n’avait pas à aborder de front la question
de la complexité des phénomènes. (Culioli, 1990 : 128)
31 Pourtant, la plupart des études récentes du morphème comme semblent avoir pris acte
de ces nouvelles exigences, que ce soit par l’intermédiaire de classes aux contours flous
ou à travers la notion de proforme, dont les traits définitoires prototypiques relèvent
de niveaux d’analyse différents (syntaxe, sémantique). Mais il n’est pas exclu que cette
classification prenne pour objets les contextes où apparaissent les morphèmes, et non
les morphèmes eux-mêmes : la classification réductionniste des unités lexicales doit
être complétée par une typologie holiste des structures fondée sur la mise en évidences
de contraintes globales correspondant aux différents paliers de complexité (Rastier
2001).
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BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
1. L’ habitus des « grammaires traditionnelles » se compose d’un certain nombre de traits
réguliers : observation exclusive des réalisations écrites et littéraires de la langue, caractère
normatif, absence de cadre théorique de référence, travail descriptif et taxinomique ne
distinguant pas les niveaux d’analyse (Lerot apud Lauwers & Neveu, 2007 : 13).
2. C’est ce que défendent notamment certaines grammaires de notre corpus, telles Arrivé et al.
(1986 : 110) ou Gardes-Tamine (1998 : 52).
3. Grevisse (1993 : 1626 sqq., §1078-1079) distingue trois propositions adverbiales en comme sans
lien entre elles.
4. Défini comme un « mot invariable qui sert à introduire un mot, un syntagme, une phrase »
(Grevisse-Goosse 1993 : 1558 sqq., §1043-1044).
5. Comparer « Je l’ai aimée comme [aime] un fou » et « *Je le considère comme [je considère] (un)
fou ».
6. Chez G. Guillaume, les classes de parties de langue se définissent par la prévision de leur
mécanisme d’incidence. La distinction entre catégorie et fonction se trouve donc partiellement
revue : l’adverbe, en l’occurrence, se définit par son incidence externe du second degré,
autrement dit par le fait qu’il constitue un apport de sens à un autre apport de sens, par exemple
de l’adjectif au nom (un enfant très pâle) ou du verbe au nom sujet (il dort beaucoup) (Moignet
1981 : 50 sqq.). On peut voir dans cette incidence le trait fondamental de la fonction adverbiale.
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7. Opérant par exemple sur un attribut : « J’en suis resté comme abasourdi » (Riegel et al., 1994 :
515) ou sur un adjectif apposé : « Il se tut encore quelques instants, comme désireux de plonger
plus avant » (Monneret & Rioul, 1999 : 267).
8. Gardes Tamine (1998 : 76), Riegel et al. (1994 : 515), Monneret & Rioul (1999).
9. Mais Gardes-Tamine (1998 : 75) d’une part, et Desmets (2001 : 54) d’autre part, ont pu faire état
de comme homonymes.
10. C’est-à-dire d’adverbes dont le contenu sémantique est ténu et/ou abstrait : au contraire de
courageusement, qui est prédicatif, ainsi ou ailleurs ont des signifiés « dématérialisés » (Moignet,
1981 : 196).
11. Ce qui peut s’illustrer ainsi : Il ment comme il respire > « la manière (indéfinie) dont il ment est
identique à la manière (indéfinie) dont il respire. »
12. Autrement dit, une relative ayant pour antécédent non pas un nom mais une relation
prédicative. Cette analyse va dans le sens de Sandfeld (1965 : 428), Moignet (1981 : 198), Monneret
& Rioul, 1999 : 263). Mais aucun d’entre eux ne se résolvait à faire explicitement état de
« relative ».
13. Cf. la contribution de Tobback et Defrancq dans ce volume.
14. Entre autres Léard & Pierrard (2003) et Fuchs & Le Goffic (2005).
RÉSUMÉS
Cette contribution constitue une synthèse des principaux problèmes théoriques liés à l’étude du
morphème ’comme’. Dans un premier temps, nous nous interrogeons sur les réponses apportées
dans la littérature au problème de la classification du mot au sein des catégories
morphosyntaxiques traditionnelles, puis nous examinons les études ayant choisi de s’affranchir -
ou au moins de s’écarter - de ce problème en adoptant une lecture polysémique du morphème.
Enfin, nous rendons compte des travaux attachés à l’analogie, ou à la comparaison, qui inscrivent
le morphème dans des systèmes fonctionnels beaucoup plus vastes. Nous concluons en évoquant
quelques scénarios possibles de la recherche sur le morphème “comme”.
This paper summarizes current trends in the linguistic study of the french “comme” morpheme.
At first, we take a look at the strong categorization issue involved by “comme”, and then we
examine other ways to deal with this word, so as to avoid such syntactic categorization issue.
Lastly, we take a look at global studies on analogy or comparison, for which “comme” is a simple
way, amongst others, to express semantic relationships. We conclude the paper by sketching a
prospective scenario of future research about “comme”.
AUTEUR
ANTOINE GAUTIER
Paris IV – Sens, Texte, Histoire
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Introduction
1 Cette étude est consacrée à quelques aspects de l’utilisation exclamative de la proforme
qu- de manière comme. Dans la première section, les emplois exclamatifs de comme
seront comparés à ceux des autres morphèmes exclamatifs qu-, à savoir que, combien, ce
que, qu’est-ce que, comment et quel, ce qui permettra d’en dégager les spécificités. Dans la
deuxième section, je replacerai comme dans le contexte plus général des proformes qu-,
qui apparaissent dans différentes constructions, parmi lesquelles les constructions
exclamatives. En effet, comme et comment constituent, dans certains de leurs emplois
tout au moins, deux réalisations de la proforme qu- de manière, et l’interprétation
sémantique relève à la fois de mécanismes communs à tous les emplois de la proforme
de manière (intégratif, interrogatif et exclamatif notamment) et de paramètres
spécifiques à chacun d’entre eux. Dans la troisième section, je m’attacherai plus
spécifiquement à l’interprétation sémantique de comme exclamatif incident à un
prédicat verbal. Je montrerai que l’interprétation strictement qualifiante du morphème
est en fait beaucoup plus répandue que ne le laissent supposer les quelques exemples
régulièrement cités dans la littérature. En effet, s’il a été bien noté qu’un degré
particulièrement (i. e. anormalement) élevé est susceptible de provoquer une
exclamation, le fait qu’une « manière remarquable » (Fuchs & Le Goffic 2005, p. 285)
parce qu’inhabituelle et/ ou inattendue permet tout aussi bien de s’exclamer est
généralement passé inaperçu. Je montrerai également en quoi les propriétés syntaxico-
sémantiques du prédicat verbal auquel comme est incident contraignent les
interprétations possibles du morphème. La majorité des exemples utilisés dans cet
article relève de l’exclamation directe, ce qui résulte du fait qu’en construction
indirecte, les interprétations exclamative, interrogative, voire simplement indéfinie, ne
sont pas toujours aisément dissociables1.
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13 De plus, Gérard (1980, p. 37), Bacha (2000, p. 69) et Rys (2006, p. 218) indiquent que les
exclamatives en comme ne permettent pas l’inversion du sujet.
14 Enfin, comme étant essentiellement un adverbe, il n’est pas susceptible d’entrer en
relation paradigmatique avec quel (Quel remord vous vous prépareriez !, Montherlant, cit.
Grevisse (1986, p. 661) ; De quelles vertus elles ont enrichi le capital moral des hommes, De
Gaule, (Ibid., p. 661) ; Quel idiot !).
15 Comme exclamatif partage donc avec comment certaines caractéristiques qui distinguent
ces deux morphèmes des autres marqueurs exclamatifs situés en tête de phrase. A la
suite de Bacha 2000, comme exclamatif sera analysé ici comme étant un adverbe de
manière. Bacha 2000 utilise deux arguments pour étayer cette hypothèse : d’une part,
les emplois spécifiques de comme dans les constructions attributives (cf. (5)) et avec des
verbes qui sous-catégorisent un complément de manière (cf. (6)), d’autre part, la quasi-
impossibilité de quantifier un N comptable (cf. (8) et (9)). A ces arguments, on peut
ajouter que l’interprétation strictement qualifiante de comme exclamatif est
relativement fréquente (cf. infra 4.), et que le comportement du morphème est très
proche de celui de l’adverbe bien, qui outre ses emplois d’adverbial de manière stricto
sensu (Il travaille bien) est tout à fait susceptible, en fonction des propriétés syntaxico-
sémantiques du terme auquel il est incident, de recevoir une interprétation intensive (Il
est bien gentil), voire quantifiante (Je vous souhaite bien du courage) 9.
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proposées par Le Goffic (1994 ; 2002 ; 2007 ; 2008), l’emploi intégratif est issu de l’emploi
percontatif. Cette évolution n’est guère perceptible en synchronie, dans la mesure où
elle concerne l’étymon latin quomodo, qui, après des emplois interrogatifs puis
exclamatifs en latin classique a connu des emplois intégratifs en latin très tardif 13.
19 A la différence de Fuchs & Le Goffic 2005, je défendrai l’hypothèse d’une conception
homophonique de comme et, dans une moindre mesure, de comment : ces deux
morphèmes correspondent à la proforme qu- de manière dans une partie seulement de
leurs emplois14. A l’heure actuelle, les deux proformes connaissent des emplois
spécifiques – seul comment est susceptible d’apparaître en tête d’une interrogative
directe (cf. (14)), tandis que seul comme est utilisé en construction intégrative (cf. (15))
–, et apparaissent toutes les deux dans les autres cas de figure, i. e. dans les
exclamatives directes (cf. les exemples donnés supra), les concessives (cf. (16)) et en
position argumentale, ces dernières constructions étant susceptibles de donner lieu à
différentes interprétations, (cf. (17) et (18)) :
[14] Comment vas-tu ?
* Comme vas-tu ?
[15] Il chante comme un canard.
* Il chante comment un canard.
[16] a. Comment qu’on joue, quoi qu’on joue, c’est toujours le salut qui perd. (Péguy,
Myst. de la charité de J. d’Arc, Grevisse 1986, p. 1676)
b. Comme qu’on retourne le problème, seul le oui permet de sauvegarder l’unité.(Le
Jura Libre, 12 Juin 1974, Ibid., p. 1676)
[17] a. il eut une curiosité passionnée de savoir comme serait son visage si elle
cédait (Montherlant, Le songe)
b. Se sachant de connivence, elle aurait affiché une froide indifférence tandis qu’il
n’aurait pas ignoré, lui, et lui seul, comme cette attitude glacée et feinte cachait une
sensualité propre à s’embraser. (Fajardie, Quadrige)
c. Elle remarqua comme ce sergent, qu’elle voyait de dos, rattrapait une situation
délicate, et le trouva intelligent (Fajardie, Un pont sur la Loire)
d. Voilà comme on succombe lorsque le cœur n’est pas armé pour se défendre des
passions abruptes ! (Fajardie, Confidence pour confidence)
[18] a. J’ignore comment je suis arrivé ici […] (Fajardie, Adieu Alice, Sweatheart)
b. Tu as vu comment ils sont tous sapés ? ricana Arkady. On pourrait les envoyer
dès maintenant creuser des tranchées, si les Allemands revenaient, ou droit dans les
camps, ils n’auraient même pas besoin de se changer. (Makine, La femme qui
attendait)
c. Caro, tu ne sauras jamais comment ça m’a fait mal de te voir partir. (Oppel,
Réveillez le président)
d. Voilà comment il avait été élu. (Fajardie, Square des 13-Mais)
20 Les emplois des deux termes fluctuent au cours du temps. Ainsi, comme a-t-il été utilisé
dans les interrogatives directes jusqu’à la fin du XVIIe siècle15 :
[19] Las ! comme me doy je conduire ? (Viel Testament, cit. Martin & Wilmet 1980, p.
40)
21 De même, comment a connu des emplois intégratifs :
[20] Et, à la porte du moustier, l’evesque du Don les print par les mains et les
espousa comment il les avoit fiancez. (Jouvencel, cit. Martin & Wilmet 1980, p.
240-241)
22 Les emplois exclamatifs de comment, attestés en Moyen-Français :
[21] a. Comment nous serons festoyez de noz femmes, quand nous retournerons a
l’ostel ! … (Les cent nouvelles nouvelles, cit Martin & Wilmet 1980, p. 39)
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[24] a. Denise, qui écoutait comme on écoute un conte de fées, eut un léger frisson.
(Zola, Au bonheur des dames)
b. Comme elle écouta, les premières fois, la lamentation sonore des mélancolies
romantiques se répétant à tous les échos de la terre et de l'éternité ! (Flaubert,
Madame Bovary)
c. Comment il a henni, mon cheval !
d. Comment as-tu fait ?
26 Geuder (2000 ; 2006) a montré la corrélation entre la structure conceptuelle du prédicat
verbal et les adverbiaux de manière susceptibles de modifier ce prédicat. Selon cet
auteur en effet, un adverbial de manière active un argument (sémantique) de la
structure sémantique du prédicat verbal. Les adverbiaux de manière qu-, en raison de
leur indéfinition fondamentale, ont semble-t-il, moins de latitudes que les adverbes en
–ment, et ne peuvent activer que les types de manière les plus saillants associés au
prédicat en question. Les possibilités combinatoires des prédicats verbaux
interviennent donc de manière cruciale dans l’interprétation de comme et de comment.
Par exemple, mourir est une situation télique non reproductible, d’où l’interprétation
nécessairement qualifiante de Il est mort comme on ne meurt plus, tandis que chanter un
refrain est une situation télique reproductible, d’où la possibilité d’une interprétation
itérative de Comme il a chanté ce refrain l’été dernier !. Dans le même ordre d’idées, les
interprétations « manière » (Comment s’est passé ton séjour ?) ou « moyen » (Comment as-
tu fixé l’étagère ?) de comment interrogatif sont étroitement corrélées aux propriétés
sémantiques du prédicat verbal20. De même, l’interprétation nécessairement
quantifiante de Comment ça coûte ?, formule tout à fait habituelle en français
québécois21, est fortement contrainte par la sémantique du prédicat. L’interprétation
sémantique de comme et comment relèvent de mécanismes communs aux constructions
intégratives, exclamatives, interrogatives, et aussi de contraintes spécifiques à chacune
de ces constructions. Par exemple, si les verbes de sentiment à degré d’intensité sont
compatibles avec l’exclamation, laquelle peut porter aussi bien sur le degré d’intensité
que sur le ressenti de l’experiencer (Comme il regrettait aujourd’hui son désintéressement !,
Zola, Le docteur Pascal, Comme il souffre !), ces mêmes verbes ne sont pas compatibles avec
l’interrogation, ni sur le degré d’intensité, ni sur le ressenti de l’experiencer (* Comment
le regrette-t-il ? ; * Comment souffre-t-il ?)22.
27 En sus de ces emplois d’adverbiaux de manière stricto sensu, comme et comment
connaissent des emplois attributifs :
[25] a. Je suis comme je suis
b. Tu es comme ton père.
c. Comment tu es, toi !
d. Il est comment, le nouveau ?
28 Les adverbes de manière en –ment ne connaissent pas de tels emplois, à la différence
d’adverbes de manière comme bien ou ainsi. Dans ces constructions, comme et comment
reçoivent nécessairement une interprétation qualifiante.
29 Comme bien et comme certains adverbes en – ment, comme et comment peuvent
également être incident à un adjectif :
[26] a. Les pupilles de ses yeux gris étaient minces comme celle d'une chatte
arrivant du plein jour. (Zola, Au bonheur des dames)
b. Elle est belle comme sont tentantes les illusions. (Khahra, Les agneaux du Seigneur)
c. Comme je vais être belle ! Comme je vais être belle ! (Zola, Le docteur Pascal)
d. Comment c’est lourd !
e. – Est-ce que tu me trouves beau ?
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24
– Oui.
– Mais beau comment ?
– Ecoute, Boris, je ne sais pas, moi ! Très très beau.
(Schreiber, Un silence d’environ une demi-heure)
f. – Maman, la croissance dure jusqu’à quel âge ?
– Elle peut durer jusqu'à vingt-huit ans.
– Tu crois que j’atteindrai la taille de Tchérépennikoff ?
– Il est grand comment ?
(Schreiber, Un silence d’environ une demi-heure)
30 Dans ce cas, même si comme l’a montré Fohlin (2006 ; 2008) un adverbe de manière
peut modifier un adjectif en conservant son sens intrinsèque (cf. Il avait l’air si
sincèrement triste que j’aurais presque pu jurer qu’il l’était, cit. Fohlin 2006, p. 2), comme et
comment sont plutôt interprétés comme portant sur le degré de l’adjectif. Malgré tout,
certaines nuances sémantiques demeurent entre Comme c’est gentil ! et Qu’est-ce que c’est
gentil !23
31 En construction exclamative, et plus rarement en construction interrogative, comme et
comment peuvent être incidents à un adverbe :
[27] a. Ce pauvre Raymond, comme il l’aurait embrassé volontiers ! (Zola, Le docteur
Pascal)
b. La consigne devrait être : faire différemment ; différemment de la version longue
(et de la version brève aussi, cela va sans dire). Différemment comment ? (Roubaud,
La Bibliothèque de Warburg : version mixte)
32 Comme précédemment, comme et comment seront plutôt interprétés comme portant sur
le degré de l’adverbe, même si, comme l’a également montré Fohlin (2006, 2007), un
adverbe de manière en –ment peut modifier un autre adverbe de manière sans
nécessairement perdre sa valeur intrinsèque (cf. Ils entrèrent volontairement lentement,
cit. Fohlin 2006, p 4).
33 Enfin, dans les constructions dites comparatives et dans une moindre mesure en
construction exclamative ou interrogative, comme et comment peuvent être incidents à
un syntagme nominal :
[28] a. Les hommes portaient des redingotes dont la couleur était devenue
problématique, des chaussures comme il s’en jette au coin des bornes dans les
quartiers élégants, du linge élimé, des vêtements qui n’avaient plus que l’âme
(Balzac, Le père Goriot)
b. Comme tu as de la chance !
c. Comment il a du fric !
d. – Qu’est-ce qu’il a volé ?
– Sans doute pas grand-chose : il avait juste un petit paquet dans les mains.
– Un paquet comment ?
– Un sac en plastique jaune à rayures noires.
(Dorin, Les vendanges tardives)
34 Comme et comment ont une valeur qualifiante dans les constructions comparatives et
interrogatives, quantifiante dans les constructions exclamatives.
35 A eux deux, les morphèmes comme et comment remplissent donc l’ensemble des
fonctions caractéristiques des proformes qu-, et sont analysables comme deux
réalisations de la proforme qu- de manière. Leur interprétation relève à la fois de
mécanismes généraux, corrélés notamment aux propriétés syntaxico-sémantiques du
terme auquel le morphème est incident, et spécifiques à chaque type de constructions.
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25
38 Ces verbes étant incompatibles avec un quantifieur adverbial (cf. Nojgaard 1995,
p. 12-13), comme exclamatif reçoit alors une interprétation nécessairement qualifiante :
[29] Comme tu me traites ! (repris de Milner 1978, p. 266)
39 En raison de la neutralité de comme du point de vue axiologique, seul le contexte
situationnel permet de déterminer l’orientation de l’échelle axiologique (Tu me traites
remarquablement bien ou Tu me traites remarquablement mal).
40 Mélis 1983 a noté que certains emplois non spatiaux du verbe aller imposent la présence
d’un complément de manière. Tel est le cas en (30) :
[30] Voyons… Ne t’emporte pas ainsi… Eh bien, oui... j’ai eu tort… J’aurais dû le voir
tout de suite, ce corset… Ce très joli corset… Comment ne l’ai-je pas vu, tout de
suite ?… Je n’y comprends rien !… Regarde-moi… Souris-moi… Dieu, qu’il est joli !…
Et comme il te va !… (Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre)
dans lequel le co-texte permet d’inférer ce corset te va remarquablement bien. L’exemple
(31) est légèrement différent :
[31] Comme vous y allez, cher Monsieur ! se contenta de répondre le baron
Hartmann. Quelle imagination ! (Zola, Au Bonheur des dames)
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41 Il existe en effet peu d’adverbiaux de manière compatibles avec y aller : y aller fort, y aller
doucement, voire les plus récents y aller mollo et y aller mou. Le co-texte permet de choisir
parmi ces différentes valeurs : Vous y allez remarquablement fort.
42 Enfin, certains verbes essentiellement attributifs (être et devenir) sont compatibles avec
une exclamative en comme :
[32] a. Comme tu es !
b. Comme tu deviens !
tandis que d’autres (rester, demeurer, avoir l’air, sembler, paraître) ne le sont pas 25 :
[33] a. * Comme tu (restes + demeures) !
b. * Comme tu (sembles + parais + a l’air) !
43 En position attributive, comme exclamatif réfère également à la manière, et le contexte
permet l’interprétation de l’orientation axiologique.
2. Les activités
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3. Les accomplissements
51 Les accomplissements partagent avec les activités les traits « dynamique » et « non
ponctuel »28 ainsi qu’un sujet fréquemment agentif : ils admettent donc sans difficulté
d’être qualifié par un adverbial de manière. De plus, dans certaines conditions
rappelées ci-dessous, ils sont compatibles avec un quantifieur. Or, associé à une
situation télique, un quantifieur reçoit nécessairement une interprétation comptable,
i. e. itérative (cf. Borillo 1989). Par conséquent, les interprétations quantifiante (cf. (39))
et qualifiante (cf. (40)) seront clairement dissociées :
[39] a. Comme il a écouté ce disque !
b. Comme il a chanté ce refrain !
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[40] a. Comme elle écouta, les premières fois, la lamentation sonore des mélancolies
romantiques se répétant à tous les échos de la terre et de l'éternité ! (Flaubert,
Madame Bovary)
b. Comme elle chassait les chèvres qui venaient marcher sur son linge étendu sur le
sol ! (Musset, cit. Riegel et al. 1994, p. 404)
52 Dans ce dernier cas, la valeur exacte de comme reste largement indéterminée, et
correspond à une manière remarquable parce qu’inattendue
53 Borillo 1989 a décrit les conditions dans lesquelles la quantification d’un
accomplissement est possible : « une situation peut être soumise à la répétition si elle
manifeste le trait de reproductibilité » (Il a beaucoup joué cette pièce ; Il a beaucoup écouté
ce disque ; Il a beaucoup chanté ce refrain, Ibid , p. 228). En revanche, « si l’objet disparaît
ou s’il est substantiellement modifié au cours de l’action, il est pratiquement impossible
de répéter la situation avec le même objet » (Ibid., p. 228), ce qui se produit lorsque
« l’argument représente un objet dont l’existence même est liée à l’action exprimée par
le verbe » (Ibid., p. 226), ce qui est le cas de « verbes comme fabriquer, produire, créer,
construire… […] consommer, détruire, anéantir… » (Ibid., p. 226), ou encore « manger un N,
écrire un N, supprimer un N […] fumer une cigarette, éteindre un incendie, peindre un portrait
» (Ibid., p. 226). Ces prédicats ne donc pas compatibles avec un quantifieur (*Il a
beaucoup produit ce film, * Il a beaucoup supprimé toute concurrence, * Il a beaucoup éteint
l’incendie), et les énoncés du type Il a beaucoup mangé cette pomme, Il a beaucoup tricoté ce
pull, Il a beaucoup fumé cette cigarette ne sont acceptables que si l’argument interne
désigne non pas un objet, mais un type d’objet (Ibid., p. 226), en l’occurrence une
variété de pommes, un modèle de pull ou une marque de cigarette.
54 Comme exclamatif à valeur quantifiante est compatible avec les accomplissements dans
les mêmes conditions (cf. Comme il a joué cette pièce ! ; Comme il a écouté ce disque !; Comme
il a chanté ce refrain ! vs * Comme il a produit ce film ! * Comme il a éteint l’incendie ; ? Comme il
a mangé cette pomme ! ; ? Comme il a tricoté ce pull ! ; ? Comme il a fumé cette cigarette !). Une
interprétation qualifiante est également tout à fait possible ((Tu as vu) comme il a éteint
l’incendie ; (Tu as vu) comme il a fumé cette cigarette ; (Tu as entendu) comme il a chanté cet air
29).
55 Enfin, les accomplissements qui décrivent un processus (vieillir, grossir, maigrir, grandir,
changer, pousser, fondre, etc.)se construisent sans difficulté avec comme exclamatif :
[41] a. Comme il grandit !
b. Comme il a grandi !
56 L’aspect lié au temps grammatical a alors une incidence sur l’interprétation : du fait de
l’aspect accompli qui lui est associé, le passé composé met davantage l’accent sur le
résultat, tend à induire une lecture quantifiante (Il a beaucoup grandi), tandis qu’en
raison de son aspect inaccompli, le présent souligne davantage le processus et comme
est plutôt interprété comme référant à la vitesse (Il grandit rapidement). Ces deux
notions sont d’ailleurs très proches, la vitesse pouvant être interprétée comme un
forme de quantification dans le temps (vite = beaucoup en peu de temps).
4. Les états
57 Les états étant des procès « non dynamiques » et « non bornés » 30, ils décrivent une
situation qui se maintient dans le temps, mais qui, à proprement parler, ne se déroule
pas dans le temps. De plus, le sujet syntaxique peut difficilement être qualifié d’agentif.
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29
Par conséquent, il n’est guère surprenant que les états soient peu compatibles avec un
adverbial de manière. En fait, les états ne se comportent pas de façon homogène quant
à la compatibilité tant avec un adverbial de manière qu’avec un adverbe quantifieur.
Certains états, notamment les habituels31, sont incompatibles avec ces deux types de
modification adverbiale. D’autres états sont incompatibles avec un quantifieur (cf. La
fenêtre donne sur la cour, * La fenêtre donne beaucoup sur la cour ; Le repas consiste en un seul
plat, * Le repas consiste beaucoup en un seul plat, la maison domine la plaine, * ? La maison
domine beaucoup la plaine) et compatibles avec des adverbes en –ment dont le statut
d’adverbe de manière ne va pas de soi (La fenêtre donne (royalement + partiellement) sur la
cour, Le repas consiste généreusement en un seul plat, La maison domine (magistralement +
largement) la plaine)32. Ces prédicats semblent peu compatibles avec comme exclamatif
(cf. * Comme la fenêtre donne sur la cour ! ; * Comme le repas consiste en un seul plat !) 33.
D’autres états qui ne sont compatibles ni avec un adverbial de manière ni avec un
quantifieur, se construisent néanmoins avec comme exclamatif. Tel est le cas
notamment d’avoir raison (cf. * avoir sincèrement raison et * avoir (beaucoup + très) raison)
dans l’exemple (42) :
[42] Et comme tu as raison de dire que l’unique bonheur est l’effort continu ! car,
désormais, le repos dans l’ignorance est impossible. (Zola, Le docteur Pascal)
58 Dans ce cas, comme peut être interprété comme un « adverbe de complétude » (Moliner
& Lévrier 2000, p. 209-214), proche de entièrement (avoir entièrement raison), lesquels
« accompagnent des verbes et des adjectifs non gradables » (Ibid., p. 189).
59 D’autres encore, comme connaître, sont compatibles avec un adverbe de manière (bien
connaître) mais pas avec un quantifieur (* connaître beaucoup). Comme exclamatif ne peut
alors recevoir qu’une interprétation qualifiante :
[43] Comme ce gaillard-là connaît les filles de Paris !, dit Arnoux. (Flaubert,
L’éducation sentimentale)
60 Enfin, les verbes de sentiment à degré d’intensité (aimer, plaindre, regretter, souffrir, etc.)
admettent aussi bien un adverbial de manière qui qualifie le ressenti de l’experiencer
(aimer passionnément, regretter sincèrement) qu’un quantifieur portant sur le degré
d’intensité (souffrir beaucoup). Ces prédicats sont pleinement compatibles avec comme
exclamatif :
[44] A. Mais comme il était lâche et comme elle le méprisait maintenant ! (Zola, Au
bonheur des dames)
b. Hein, ce pauvre Maurice, comme je le plains, dans ce Paris sans gaz, sans bois,
sans pain peut-être !… (Zola, La débâcle)
c. Comme il regrettait aujourd’hui son désintéressement ! (Zola, Le docteur Pascal)
d. Mais ce besoin du bonheur, ce besoin d’être heureuse, tout de suite, d’avoir une
certitude, comme j’en ai souffert ! (Zola, Le docteur Pascal)
61 L’interprétation de comme reste alors largement indéterminée, ce qui provient de
l’interprétation nécessairement massive d’un quantifieur associé à un prédicat atélique,
et par conséquent de la difficulté à distinguer clairement les interprétations
qualifiantes et quantifiante de comme exclamatif.
5. Les achèvements
62 Les achèvements sont réputés peu compatibles avec les adverbes de manière en –ment
qualifiant le déroulement du procès34, ce qui résulte de leur trait « ponctuel »35. Ils se
construisent néanmoins régulièrement avec de tels adverbes (Il a rapidement trouvé la
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30
solution) ainsi qu’avec divers adverbiaux de manière (Il a atteint le sommet (en boitillant +
sans hâte)). Dans ce cas, d’aucuns considèrent que ce n’est pas le procès lui-même qui
est qualifié, mais les événements qui ont conduit à sa réalisation. Associé à un
achèvement, comme exclamatif peut recevoir une interprétation qualifiante ((Regarde)
comme il tombe ; (Tu as vu) comme il a (atteint le sommet + trouvé la solution)), laquelle reste
largement indéterminée, quoique contrainte par le sémantisme du prédicat verbal (les
différentes « manières d’atteindre un sommet » ne sont pas identiques aux différentes
« manières de trouver une solution »). Comme exclamatif peut également recevoir une
interprétation quantifiante (Comme il est tombé pendant cette période !), laquelle, en raison
du caractère télique des achèvements, est nécessairement itérative (cf. Borillo 1989).
Comme dans le cas des accomplissements, la possibilité de quantifier un achèvement
est corrélée au caractère reproductible de la situation décrite (cf. Il est beaucoup tombé
vs * Il est beaucoup mort ; * Il a beaucoup atteint un sommet). Du fait de l’interprétation
nécessairement comptable du quantifieur, les deux interprétations possibles de comme
exclamatif sont clairement distinctes.
Conclusion
63 L’analyse de comme exclamatif comme étant fondamentalement un adverbe de manière
permet de rendre compte des spécificités du morphème en regard des autres
marqueurs exclamatifs qu- (combien, que, ce que, qu’est-ce que, quel), ainsi que de l’emploi
de plus en plus répandu en français contemporain de comment exclamatif. Loin d’être
résiduelle, l’interprétation « manière » de comme exclamatif est en fait largement
répandue. Quoique contrainte par les propriétés sémantiques du prédicat verbal auquel
le morphème est incident, elle reste largement sous-déterminée, et le contexte permet
non pas d’identifier LA bonne interprétation, mais seulement d’éliminer certaines
interprétations, non pertinentes en l’occurrence, mais qui auraient pu l’être dans
d’autres circonstances. Cette valeur fondamentale de comme, conforme à l’étymologie
du morphème, est analogue dans tous les emplois de la proforme qu- de manière, à
savoir dans les emplois dits « comparatifs » de comme, les emplois exclamatifs et
concessifs de comme et de comment, ainsi que les emplois interrogatifs de comment.
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NOTES
1. Cf. par exemple (a) :
(a) Si on m’y avait autorisé, j’aurais pris plaisir à lui démontrer comme sa guerre mécanisée lui
préparait une paix qui ne l’était pas moins. (Fajardie, Frivolités d’un siècle d’or).
2. Sur ce point, cf. Moline 2009.
3. Sauf indication contraire, les exclamatives en comment ont été relevées lors de conversations
informelles.
4. Exemple construit. Cf. cependant, en construction indirecte :
(b) Tu as vu comment il se comporte, tu as vu comment il en veut. (France Info)
5. Cf. Rys 2006, p. 233 : « comme a maintenu quelques emplois propres, qui révèlent ses origines
d’adverbe de manière » […] « le plus souvent, cependant, comme a perdu cette nuance de manière
pour ne plus indiquer que l’intensité ».
6. Sur ce point, cf. Obenauer 1983.
7. Exemple construit.
8. « Avec comme, ce que, qu’est-ce que, l’adjectif ou l’adverbe auxquels ils se rapportent occupent
toujours la place qu’ils auraient eue dans une phrase énonciative et sont donc séparés de
l’adverbe exclamatif » (Grevisse 1986, p. 661).
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31. i. e. Il fume au sens de il est fumeur ou Il chasse au sens de il est chasseur. La présence d’un
adverbial qualifiant ou quantifiant provoque un changement de catégorie : dans il fume (beaucoup
+ élégamment), fumer ne correspond pas à un état, mais à une activité. Il en est de même, dans
Comme il a fumé dans sa jeunesse !
32. Les adverbes en –ment utilisés dans ces exemples ne répondent pas de façon homogène aux
tests habituellement utilisés pour définir les adverbiaux de manière (question en comment, foyer
de la négation et de l’interrogation, etc.).
33. Dans Comme la maison domine la plaine !, l’exclamation porte sur le degré d’assertabilité de la
proposition, ce qui est glosable par « A quel point il est vrai que P », plutôt que sur le procès lui-
même.
34. Cf. entre autres Van Voorst 1995.
35. Auquel il faut ajouter les traits « dynamique » et « borné » (cf. Fuchs 1991, p. 12).
RÉSUMÉS
Cette étude est consacrée à comme exclamatif, en regard des autres morphèmes qu- exclamatifs
(section 1) d’une part, des autres proformes qu- d’autre part (section 2). L’exclamation peut être
provoquée par un degré anormalement élevé, ou par une « manière de faire » inhabituelle et/ ou
inattendue. Dans ce dernier cas, les propriétés syntaxico-sémantiques du prédicat verbal auquel
comme est incident contraignent les interprétations possibles du morphème (section 3).
This paper aims at describing the exclamative uses of comme (« how »). The first part compares
them to the exclamative uses of other wh- words. The second part establishes the wh- status of
comme and comment. Exclamation can be brought about by an unusual high degree or by an
unexpected manner. In this case, the predicates’ semantic properties restrict the interpretation
of comme, as shown in the third part.
AUTEUR
ESTELLE MOLINE
Université du Littoral – Côte d’Opale
Grammatica, JE 2489
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1.1. Distribution
3 Les séquences fragmentaires ou phrastiques en comme connaissent la même
distribution. Elles se rencontrent en fonction d’ajout modifieur de Adj/SA (1), de V/SV
(2), ou de complément de manière d’un V (3) :
(1) a. il était donc convenable qu’il y eût des canaux et des ruisseaux visibles pour
apporter ces grâces à chacun en particulier, visibles comme avait été visible la
personne de l’homme-dieu. DICT. DE THEOLOGIE CATH. T.14 / 1938 : 537
b. tu seras laide comme les quatorze péchés capitaux ! COLETTE.G / CLAUDINE A
L’ECOLE / 1900
(2) a. Mais Ladourd retombe sur sa chaise, secoue la tête comme le taureau qui
compte ses banderilles, mugit son indignation. BAZIN.H / LA MORT DU PETIT CHEVAL / 1950 :
105 / XIII
b. ... brave homme, très serviable... C’est drôle, mais quand j’entends ce mot dans
la bouche de l’un des nôtres, il sonne exactementcomme le mot serviette et donne
l’impression d’être aussi facile à jeter dans le sac à linge sale. BAZIN.H / LA MORT DU
PETIT CHEVAL / 1950 : 69 / VII
(3) a. Il le traita comme il aurait fait de ses propres enfants.
b. 25 avril—J’apprends que les danois, dans les rues de leurs villes, se
comportent exactement comme les voitures dans les rues de Paris. BLOY.L / JOURNAL T.
1 / 1900 : 320 / MON JOURNAL
4 Elles peuvent également être ajout modifieurs (i.e., épithète) de N/SN (4), ou attribut
(5) :
(4) a. ... dans ce trou de province, avec une pimbêche comme est ma nouvelle
maîtresse, je n’ai pas à rêver de pareilles aubaines, ni espérer de semblables
distractions... je ferai du ménage embêtant... de la couture qui m’ assomme... rien
d’autre... ah ! MIRBEAU.O / JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE / 1900 : 54 /
b. Je regrette la bague comme avait mon amie Maud. HAMP.P / MAREE FRAICHE VIN DE
CHAMPAGNE / 1909 : 231 / VIN DE CHAMPAGNE 1909
c. Avec des yeux comme les tiens, on ne prend pas de rubans bleus, ça fait
grincer des dents. (exemple modifié, d’après COLETTE.G / CLAUDINE A L’ECOLE / 1900 : 255)
(5) a. Paul est bien comme était ton père au même âge : toujours à lambiner.
b. vous êtes comme Achille, qui s’emporte contre la gloire, et comme le père
Malebranche, dont l’imagination brillante écrivait contre l’imagination. GUEHENNO.J /
JEAN-JACQUES T.2 /
5 Les comparatives ont toujours la possibilité d’être modifiées par un adverbe de manière
(6a), ou d’être coordonnées à un autre ajout de manière (6b), et ce, quelle que soit leur
forme :
(6) a. Il m’aime, celui-là, précisément comme le chacal aime la panthère : pour les
charognes qu’elle lui abandonne. BAZIN.H / LA MORT DU PETIT CHEVAL / 1950 : 257 / XXXI
b. … un petit bonnet de linge fin... par exemple, des dessous riches : ça oui... mais
écoutez bien... signez-moi un engagement de trois mois... et je vous donne un
trousseau d’ amour, tout ce qu’ il y a de mieux, et comme les soubrettes du théâtre-
français n’ en ont jamais eu... ça, je vous en réponds... MIRBEAU.O / JOURNAL D’UNE FEMME
DE CHAMBRE / 1900 : 293 /
6 En fonction adverbe de phrase, on observe les deux types de séquence. Le cas d’un ajout
à la phrase, sémantiquement parenthétique et prosodiquement incident (au sens de
Bonami et al. 2004), est illustré en (7) par une comparative dite « d’analogie » (qui met
en relation deux propositions) ; on note la mobilité dans la phrase caractéristique des
adverbes de phrase :
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38
d. La répartition des importations par origine révèle en 1937, comme pour les
années précédentes, la part prépondérante des pays étrangers INDUSTRIE CONSERVES EN
FRANCE /
1.2. Interprétation
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39
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40
14 Dans les cas que nous étudions, l’ellipse intervient minimalement mais obligatoirement
sur le verbe tête de la séquence fragmentaire (Q)8:
(14) *Jean mange des pommes et Marie mange (des pommes).
Ce n’est pas la catégorie verbale en soi qui est sensible au phénomène, mais la fonction
tête. Ainsi, dans le cas d’un verbe à un temps composé, l’auxiliaire peut seul être omis :
(15) a. P [Jean a bu un fond de champagne] et Q [mangé le gâteau qui restait].
b. P [Jean a plus aimé la pièce] que Q [détesté].
c. P [Jean a grimpé], comme Q [descendu les pentes à vive allure].
De même, lorsque le verbe tête de Q sous-catégorise un complément verbal à l’infinitif,
ce dernier peut être réalisé si la tête verbale, elle, ne l’est pas (16a,c,e) ; en revanche, si
la tête verbale est réalisée, son verbe infinitif complément, lui, ne peut pas être
ellipsé (16b,d,f) :
(16) a. Marie se débrouille pour aller au marché le mercredi et Pierre pour y aller le
samedi.
b. *Marie se débrouille pour aller au marché le mercredi et Pierre se débrouille
le samedi.
c. Marie aime plus aller au marché le mercredi que Pierre y aller le samedi.
d. *Marie aime plus aller au marché le mercredi que Pierre aime le samedi.
e. Marie aime aller au marché le mercredi, tout comme Pierre y aller le samedi.
f. *Marie aime aller au marché le mercredi, tout comme Pierre aime le samedi.
Une conséquence de l’absence obligatoire du verbe tête de Q est que l’ellipse ne peut
apparaître dans une phrase enchâssée à l’intérieur de Q9 :
(17) a. *Marie va au marché le mercredi et Q[ je crois que [ Pierre le samedi ]].
b. *Marie va plus souvent au marché le mercredi que Q[ je crois que [ Pierre le
samedi ]].
c. *Marie va souvent au marché le mercredi, tout comme Q[ je crois que [ Pierre
le samedi ]].
15 Il peut y avoir plus d’un constituant résiduel dans les phrases elliptiques, et les
catégories réalisées sont diverses : syntagmes nominaux, prépositionnels 10, adjectivaux,
adverbiaux, et verbes non tensés. Les pronoms personnels faibles sont évidemment
exclus11. Il s’agit d’éléments clitiques nécessitant la présence contiguë d’un verbe ; à la
place figurent des pronoms forts.
(17) a. Nous sommes allés au cinéma, Paul et *je/moi.
b. J’aime plus repasser que *tu/toi.
c. J’adore aller au cinéma, comme *il/lui.
Des liens syntaxiques sont actifs dans la séquence elliptique : la fonction des éléments
résiduels s’interprète comme s’il s’agissait d’une séquence verbale finie : en (18a), sujet
et complément direct ; en (18b), sujet et complément oblique ; en (18c), complément
direct et SP oblique et SP ajout ; en (18d), sujet et SN ajout ; en (18e), sujet et N’
quantifié complément direct ; en (18f,g), sujet et attribut ; circonstancielles ajouts en
(19)12.
(18) a. et je l’ai obtenue contre une boule de pain, une bougie, et une pièce de vingt
sous neuve dont la clarté a dissipé, comme le soleil un brouillard, les hésitations
dernières de la vieille. GENEVOIX.M
b.Cette année, Jean a plus souvent rendu visite à Marie à Paris que Pierre à
Bologne.
c. Cette année, les gens pourront voir l’exposition à Rome en juillet comme à
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Paris en septembre.
d. Celle qui court le long de votre vie comme le feu le long d’un cordon Bickford,
qui ne sait allumer que des coups de tête, de pauvres et bruyants pétards? BAZIN.H /
LA MORT DU PETIT CHEVAL / 1950 : 24 / II
e. Jean gagne plus de coupes que Pierre de médailles.
f. Jean est plus agréable que Marie serviable.
g. Jean est agréable comme intelligent, et serviable par dessus tout.
(19) a. Il m’a parlé comme si c’était la première fois.
b. Ferme la porte comme quand tu pars en vacances.
c. Pierre était autant embarrassé que si on lui avait découvert une maîtresse.
d. Pierre était autant gêné que quand on l’a rencontré chez Claire l’autre jour.
L’ordre linéaire (20a,b), la catégorie (20c,d), le nombre exact des constituants (20e,f) ne
sont pas obligatoirement identiques à ceux des constituants de la phrase antécédent.
Abeillé & Godard (1996), puis Mouret (2006) l’ont montré pour la coordination ; il en est
de même pour les constructions comparatives :
f. Paul a écrit des petits mots doux à sa mère, comme des poèmes de grande
valeur.
En revanche, les constituants réalisés doivent correspondre à une valence possible du
verbe antécédent.
(21) a. *Paul pratique autant le golf que Marie faire les magasins. (Mouret)
b. *Paul pratique le golf comme Marie faire les magasins.
Ainsi, les séquences elliptiques de (21) sont rejetées parce que le V antécédent pratiquer
ne sous-catégorise pas de SV infinitif complément ; les phrases obtenues en réalisant le
matériel manquant seraient agrammaticales.
Linx, 58 | 2008
42
propriétés, deux événements, deux états, deux entités, etc.). Excepté si la comparaison
porte sur le procès lui-même (ce qui n’engendre pas d’ellipse), la relation prédicative
principale de la comparative est identique à celle de la phrase source (qui construit la
description de l’élément comparé).
19 Les comparatives en comme possèdent en propre des contraintes de parallélisme qui
proviennent directement de leur structure syntaxique13. Ces dernières s’analysent, en
effet, comme des relatives sans antécédent (Desmets 2001, ou « intégratives » pour Le
Goffic 1991). Il s’agit d’une structure à dépendance non bornée qui enregistre
l’extraction d’un adverbe (de type manière), arrêtée par comme, adverbe qu-. Comme
assume deux rôles, celui de borne pour la dépendance et celui de tête d’un syntagme
adverbial. Le parallélisme provient d’une tendance bien connue des relatives sans
antécédent, qu’on nomme « coïncidence fonctionnelle » (Bresnan & Grimshaw 1978), et
qui s’exprime ici par le fait que l’adverbe manquant (extrait) a en général une fonction
similaire à (ou en correspondance avec) la fonction de la relative dans son ensemble. La
répétition du même lexème assure cette similarité fonctionnelle.
5B comme un éléphant (se comporterait_) dans
(22) a. Chez Marie, Paul se comporte F0
une boutique de porcelaine F0
5D .
b. ?Chez Marie, Paul se comporte F05B comme un éléphant marcherait_ dans une
5D .
boutique de porcelaine F0
c. Dans cette situation, Jean est gêné F0 5B comme parfois les gens sont ?
5D .
embarrassés/gênés_ devant trop de générosité F0
d. */??Dans cette situation, Jean est gêné F0 5B comme parfois les gens se
En (22), les phrases dans lesquelles la coïncidence fonctionnelle n’est pas respectée
(22b,d) ont une acceptabilité dégradée par rapport à celles où la coïncidence est là :
comparative complément de V avec extraction d’un adverbe complément de V en
(22a) et comparative ajout modifieur d’A avec extraction d’un adverbe modifieur d’A en
(22c).
20 Bien qu’elles offrent toutes deux la possibilité d’une séquence elliptique, les
constructions comparatives ne sont pas des constructions coordonnées, contrairement
à ce qui est parfois admis14. Elles montrent des différences syntaxiques importantes,
concernant l’ordre des mots et les conditions sur l’extraction, qui modifie la
distribution de leurs phrases elliptiques.
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43
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44
25 En français, les comparatives (en que ou en comme) sont des îlots pour l’extraction (i.e.,
a priori, on ne peut pas extraire de constituant en dehors de ces constructions,
cf. Desmets, à paraître). Mais, cette contrainte est levée dans les cas limités où un
constituant extrait est en relation avec un constituant manquant de la phrase matrice,
c’est-à-dire, dans les cas d’une extraction parasite (parasitic gap). Contrairement à
l’anglais, l’extraction parasite est assez restreinte en français. Elle donne lieu à des
jugements variables selon les locuteurs avec des infinitives (cf. 31a,b) ; mais elle est
habituellement interdite (pour tous les locuteurs) lorsque l’ajout contient une phrase
finie (cf. 31c,d) :
(31) a. %C’est un livre qu’il a soigneusement rangé_ après avoir lu_ .
b. %Voici un homme dont la femme_ est partie sans prévenir_.
c. *C’est un livre qu’il a soigneusement rangé_ après qu’il a lu -.
d. *Voici un homme dont la femme_ est partie sans qu’elle prévienne_.
L’extraction parasite dans les comparatives fragmentaires est un argument en faveur
de l’hypothèse qu’une phrase elliptique ne contient pas de verbe (vide) dans sa
structure syntaxique, et qu’il ne s’agit donc pas d’une phrase finie – ce que nous
soutenons. Elle donne de mauvais résultats lorsque la comparative ajout présente une
phrase finie17 :
(32) a. ??Voilà un auteur dont le dernier roman_ s’est vendu comme les nouvelles_
qu’il a publiées l’année passée s’étaient vendu, c’est-à-dire absolument pas.
b. Voici un vieillard dont le teint_ est blanc comme (*sont) les cheveux_.
c. Un couteau dont la lame_ est coupante comme (*est) la pointe_.
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45
le plus souvent compléments ou ajouts (ou un mélange des deux), du V/SV du premier
conjoint. Pour Mouret (2006), à la suite de Zribi-Hertz (1986) et de Gardent (1991), il
s’agit d’une coordination de constituants sœurs partageant le même verbe. L’analyse
conclut donc qu’il n’y a pas d’ellipse phrastique dans cette séquence de constituants.
29 Les constituants résiduels d’une ACC correspondent obligatoirement à des constituants
sœurs du verbe antécédent (i.e., de même niveau syntagmatique), mais ne sont pas
obligatoirement des constituants dits « majeurs » de la phrase source, c’est-à-dire
immédiatement dominés par le nœud phrase, par le SV racine ou par un SV lui-même
immédiatement dominé par le SV racine (contrainte de constituance repérée par
Hankhamer 1971). En (33a) les constituants résiduels sont majeurs, non en (33b) :
(33) a. Jean dit de rester chez elle à Marie et ??(de rester) ici à Paul. (Abeillé &
Godard 2002)
b. Paul a donné les jouets de sa fille à Marie et *(les jouets) de son fils à Jean.
(Mouret 2006)
Dans les constructions comparatives fragmentaires qui présentent des constituants
résiduels s’interprétant comme des dépendants du verbe absent, la sororité des
syntagmes n’est pas contrainte19 :
(34) a. J’ai plus souvent essayé de réviser l’Histoire avec Paul que la Géo avec sa
sœur.
b. J’ai souvent essayé de réviser l’Histoire avec Paul, comme la Géo avec sa sœur.
En interprétant la séquence elliptique en (34) avec le prédicat révisé (que je n’ai révisé la
Géo avec sa sœur), les constituants la Géo et avec sa sœur sont moins enchâssés que ne le
sont leurs correspondants dans la phrase matrice avec le prédicat essayé de réviser ; les
constituants parallèles ne sont donc pas sœurs, ils ne ‘partagent’ pas le même prédicat.
Les exemples (34) montrent qu’il n’y a pas de structure réduite en comparatives.
30 Les phrases trouées sont une forme de phrase elliptique, que l’on nomme
traditionnellement gapping, qui réalise au moins deux éléments résiduels, dont l’un
s’interprète comme le sujet du verbe syntaxiquement absent.
31 Hankhamer (1971), puis Gardent (1991), montrent que les éléments résiduels d’une
phrase trouée en structure coordonnée doivent correspondre à des constituants
majeurs de la phrase source, comme en (cf. 35a). En (35b), en revanche, le constituant
de Pierre n’est pas un constituant majeur au sens défini plus haut.
(35) a. Paul a promis d’essayer d’apprendre le latin et Marie le grec.
b. Paul admire le courage de Marie, et Jean *(le courage) de Pierre. (Mouret
2006)
Les constituants résiduels de la phrase trouée, s’ils doivent être majeurs, ne sont en
revanche pas obligatoirement sœurs, ainsi en (35a), on peut interpréter l’ellipse verbale
comme étant a promis d’apprendre, les constituants le latin et le grec ne sont alors pas
sœurs puisqu’ils sont régis par des prédicats distincts (Marie est moins enchâssé que le
grec).
32 En comparatives, l’ellipse des phrases trouées présente la même contrainte que celle
repérée en coordinations : lorsqu’un sujet est réalisé, les éléments résiduels sont
obligatoirement majeurs, comme l’illustrent les mauvais résultats de (36) :
Linx, 58 | 2008
46
(36) a. *Paul a plus souvent donné les jouets de sa fille à Marie que Pierre de son fils
à Jean.
b. *Le président a rejeté des propositions du ministre de la justice, comme le
vice-président du ministre de l’économie.
De façon intéressante, cette contrainte est également active lorsque seuls des
dépendants de V (compléments ou ajouts) sont réalisés (cf. 37) 20 :
(37) a. *Paul a plus souvent donné les jouets de sa fille à Marie que de son fils à Jean.
b. ??Il y a eu plus de propositions du ministre de la justice que de l’économie qui
ont été rejetées.
c. *Paul a souvent donné les jouets de sa fille à Marie, comme de son fils à Jean.
b. ??Il y a eu des propositions du ministre de la justice, comme de l’économie
qui ont été rejetées.
Là aussi, les constituants résiduels ne correspondent pas obligatoirement aux
constituants sœurs d’un V de la phrase source ; ce qui est attendu dans le cas où un
sujet est réalisé, comme en (38)21,
(38) a. Jean dit qu’il voit plus souvent sa mère que Paul la sienne.
b. Jean dit qu’il voit souvent sa mère, comme Paul la sienne.
33 Ainsi qu’il a été signalé par Tassin (1998), le gapping en construction coordonnée
n’autorise pas l’antécédent d’un constituant résiduel à être un pronom clitique (39a).
Une telle contrainte ne s’observe pas en constructions comparatives (39c-e) :
(39) a. Il y a des pommes sur la table. *Paul les mange et Marie les poires.
b. Le paysage le pénétrait comme le soleil cette eau. (Grevisse 12 ème éd. : 170)
c. Gaston, je lui ai parlé aussi souvent que Marie à Paul.
d. Je lui ai plus souvent parlé que Marie à Paul.
e. Paul a acheté des grany, il les aime plus que Marie les golden.
Portée de la négation
Linx, 58 | 2008
47
38 L’ellipse est un phénomène complexe qui crucialement met en jeu plusieurs niveaux de
représentation linguistiques. Pour les besoins de l’exposé, nous rappelons les formes les
plus fréquentes : omission du verbe (43a), du V et de ses dépendants (43b), du sujet et
du verbe (43c).
(43) a. La clarté dissipe les hésitations dernières de la vieille, comme le soleil dissipe un
brouillard.
b. Marie se décide à mettre des bottes aujourd’hui, comme Paul se décide à mettre des
bottes aujourd’hui
.
c. Paul aime les longues soirées entre amis, comme Paul aime les heures à méditer
en pleine nature, d’ailleurs.
39 Une grande part des difficultés de traitement de l’ellipse est constituée par
l’identification puis l’appariement entre le matériel linguistique de la phrase source
utilisé pour interpréter la phrase cible et le matériel fourni par la séquence elliptique
(i.e., les constituants résiduels). Syntaxiquement, il faut pouvoir rendre compte de la
combinatoire des éléments résiduels (leur linéarisation), leur attribuer une identité
fonctionnelle, vérifier qu’ils correspondent (catégoriellement) à une réalisation
possible de la valence du verbe omis et s’assurer que les constituants omis et les
résiduels sont compatibles. Sémantiquement, il faut construire une proposition en
utilisant une relation sémantique verbale associée à un des lexèmes V fournis par la
phrase matrice qui soit compatible avec la sémantique des constituants résiduels. Il
faut également avoir accès aux arguments du verbe antécédent qui seront utilisés dans
les cas où (cf. b,c) sujet ou dépendants sont absents. Pragmatiquement, pour respecter
le sens global associé à la construction elle-même (coordination, comparaison, etc.), il
faut identifier les informations pertinentes données par la phrase antécédent (i.e., les
Linx, 58 | 2008
48
informations anciennes) et les associer aux informations nouvelles données par les
résiduels.
40 Une autre source de difficultés pour modéliser le phénomène provient de l’absence du
verbe tête. Les langues dans lesquelles l’ellipse a été le plus étudiée sont largement
configurationnelles (au sens de Bresnan 2000) et endocentriques. Or, le phénomène
viole les règles d’organisation canoniques, puisque certaines informations liées à la
constituance sont conservées (par exemple, la fonction des résiduels, ou le fait que
seuls des constituants majeurs sont résiduels) alors que le recteur principal (la tête
verbale) est obligatoirement absent.
41 Enfin, l’appariement est rendu plus délicat encore lorsque le parallélisme structurel (ou
linéaire), catégoriel et/ou morphosyntaxique entre les termes des phrases source et
cible n’est pas strictement observé.
45 La gestion de l’appariement entre phrase source et phrase cible est un enjeu pour tous
les modèles. Dans cette section nous rassemblons les aspects empiriques les plus
problématiques. Les données qui suivent montrent en particulier qu’on ne peut inscrire
Linx, 58 | 2008
49
Propriétés structurelles
46 Ainsi que nous avons pu l’observer, il arrive que les constituants résiduels et leurs
correspondants dans la phrase source n’aient pas de propriétés syntaxiques identiques.
Par conséquent, on ne peut pas s’appuyer sur la structure syntaxique de la première
phrase pour générer celle de la séquence elliptique (cf. Culicover & Jackendoff 2005,
pour l’anglais). Ci-après, nous rappelons les faits.
47 Tout d’abord, la catégorie des constituants mis en parallèle peut ne pas être la même ;
comme ici un SN et un SV compléments (44).
(44) Paul aime les longues soirées entre amis comme passer des heures à méditer en
pleine nature.
Les propriétés structurelles des constituants peuvent être distinctes, comme ici,
lorsque le verbe antécédent enregistre l’extraction d’un complément du N du SN objet
sans qu’il y ait d’extraction correspondante dans la phrase cible (si l’on devait la
reconstruire syntaxiquement) :
(45) a. Un auteur dont on vend mieux les romans __que la Bible. ( F0
23 qu’on ne vend la
vend)
L’ordre des constituants résiduels peut être différent de celui des constituants
correspondants de la phrase source ; SN objet – SP locatif /SP locatif – SN objet en
(46a) ; SN sujet – SP locatif / SP locatif – SN sujet (46b) :
(46) a. On a plus promu la voiture à Paris qu’à Londres les transports en commun
b. Le dynamisme des entreprises attire les investissements à Londres, comme à
Paris l’industrie du luxe.
Le nombre des constituants peut être différent, les valences peuvent ne pas
être identiques ; SN objet – SP à complément/ SN objet (47) :
(47) a. Paul a écrit des petits mots doux à sa mère, comme des poèmes de grande
valeur.
b. Paul a plus souvent écrit des petits mots doux à sa mère que des poèmes de
grande valeur.
Les constituants mis en correspondance peuvent être sous-catégorisés par des
prédicats structurellement différents : en (48), le prédicat antécédent est a promis
d’essayer d’apprendre le latin alors qu’on pourrait reconstruire la phrase comparative
avec le prédicat a promis d’apprendre le grec.
(48) a. Paul a plus souvent promis d’essayer d’apprendre le latin que Marie le grec.
b. Paul a souvent promis d’essayer d’apprendre le latin, comme Marie le grec.
Enfin, la mobilité de la comparative d’analogie dans la matrice pose une difficulté
supplémentaire aux modèles qui ne dissocient pas constituance et linéarisation des
constituants. Non seulement il faut pouvoir traiter les cas d’antéposition, comme en
(49a), mais encore, il faut autoriser les cas de ‘scramble’, c’est-à-dire d’insertion
incidente, comme en (49b) :
(49) a. Tout comme son frère, Paul est grand.
b. Paul, comme son frère, va être très grand.
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50
Propriétés morphosyntaxiques
48 Il n’y a pas toujours identité de forme entre le verbe antécédent et celui qui serait
réalisé, dans l’hypothèse d’un effacement ultérieur, dans la séquence elliptique. Un
modèle dérivationnel se trouve face à un problème d’indécision, qui ne peut être résolu
pour chaque cas de figure que nous citons, que par une multiplication de règles
particulières pour obtenir la forme verbale cible attendue.
49 Ainsi, dans les constructions comparatives suivantes, le mode des verbes peut être
différent. En (50a,b) la présence de l’ajout hypothétique impose un verbe tête au
conditionnel. En (50c,d), la séquence manquante est soit au présent générique soit au
conditionnel22, et peut même présenter une modalité (pouvoir, avoir l’habitude, etc.) qui
n’était pas présente en phrase source :
d. Manger comme un cochon, ça ne lui ressemble vraiment pas. comme un cochon
mange / mangerait / pourrait manger, etc.
D’une part, il n’y a pas duplication du verbe tel qu’il est instancié dans la phrase pleine,
d’autre part, l’idée même d’une reconstruction syntaxique se heurte à l’aléatoire de la
forme que peut prendre le verbe ; il n’est pas possible de prédire quelles/toutes les
modalités réalisables dans cet environnement.
50 Le temps grammatical du verbe, également, peut varier23, modulo certaines contraintes
pragmatiques qui doivent être satisfaites pour motiver l’association entre les situations
décrites dans la phrase source et la phrase cible. En (51a-c), le temps grammatical est
imposé par la présence d’un adverbe temporel ; en (51d,e), il est pragmatiquement
justifié parce que le comparant véhicule une vérité établie ou une connaissance
générale24:
(51) a. (Amy n’a pas assez répété son examen) – Rassure-toi, Amy travaillera plus
longtemps chez elle demain que chez toi hier.
b. Paul va de mieux en mieux, demain, il mangera comme avant.
c. L’aptitude de l’ancêtre à grimper dans les arbres devait le mettre à l’abri,
comme aujourd’hui les singes, des grands prédateurs. LE MONDE : 08/02/01 : 25
d. La salle entière chavira sous ses yeux, glissant avec lenteur de droite à gauche
comme le pont d’un navire sur une mer démontée. GREEN.J / MOIRA / 1950 : 42 / PREMIÈRE
PARTIE
e. Tu seras laide comme les quatorze péchés capitaux !
51 En structures coordonnées, comme en comparatives, on assiste à une neutralisation des
phénomènes d’accord ; le verbe de la séquence source et celui que l’on restituerait dans
la séquence elliptique ne portent pas obligatoirement le même nombre :
(52) a. Demain au restaurant, Paul mangera des lasagnes et les enfants des panini.
b. Demain au restaurant, Paul mangera autant de lasagnes que les enfants de
panini.
c. Demain au restaurant, Paul mangera des lasagnes, comme les enfants des
panini.
52 Quel que soit le modèle, il faut pouvoir associer (ou générer) des verbes dont la
réalisation morphosyntaxique en termes de valence présente des différences. En
imaginant que l’on reconstruise le verbe manquant, on observe en (53) une forme
verbale ‘prodrop’ (impératif) ou une forme non finie (infinitif) dans la phrase matrice et
une forme avec un pronom personnel sujet (clitique) dans la comparative :
(53) a. Ferme la porte comme *(tu) fermes la porte quand tu pars en vacances.
b. J’ai essayé de danser comme toi tu danses, ça ne marche pas.
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51
55 Des travaux plus récents ont été menés dans un cadre non dérivationnel, en HPSG en
particulier. Ce type de cadre est a priori plus adapté pour rendre compte du phénomène
de l’ellipse dans sa globalité. Il permet d’articuler des niveaux de représentations
respectivement associés à un type d’information linguistique (linéarité, fonction,
sémantique, pragmatique) au moyen de traits. On peut ainsi sélectionner et associer
certaines informations, et pas d’autres. Les opérations se font simultanément en
prenant la forme de contraintes de bonne formation sur des types d’objets
linguistiques. Les représentations ne rendent compte que des réalisations de surface, il
est impossible de construire des syntagmes vides.
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52
56 Dans le champ des travaux sur l’ellipse, nous choisissons de retenir la proposition de
Ginzburg & Sag (2001) qui autorise, sous certaines conditions, l’existence de catégories
syntagmatiques fragmentaires. Ceci ouvre la possibilité, contre l’idée même d’une
reconstruction syntaxique, qu’une séquence elliptique puisse être intégrée comme une
catégorie syntaxique à part entière, bien que très contrainte et présentant une
constituance non canonique. La mise en œuvre de fragments est rendue possible grâce
à l’approche constructionnelle que le modèle intègre qui brise l’univocité stricte entre
les niveaux d’analyse linguistique. On peut dès lors envisager qu’une séquence non
phrastique possède une sémantique propositionnelle.
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53
Figure 1 : Structure de traits pour (Jean mange des bananes et) Marie des pommes (in Abeillé et al.
2008).
62 A priori le traitement proposé par Abeillé et al. (2008) utilise principalement les
informations sémantiques pour identifier et vérifier la compatibilité des résiduels avec
une relation verbale de la phrase antécédent, ce qui présente l’avantage de ne pas avoir
à gérer les disparités formelles (catégorielles). On regrette toutefois que le détail de la
règle d’appariement ne soit pas donné. En particulier, que se passe-t-il lorsque le
nombre des arguments dans la phrase cible est différent de celui de la phrase source ?
63 Pour l’essentiel, un traitement du même ordre peut être développé pour les séquences
fragmentaires des comparatives en comme, modulo certains aménagements pour
intégrer les contraintes propres à la construction.
64 Le traitement de l’ellipse par fragment peut être intégré de façon cohérente à l’analyse
HPSG des comparatives en comme et à celle des relatives sans antécédent. Ceci étant, les
comparatives présentent des particularités et des variétés qui rendent le traitement
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sémantique des fragments plus complexe que ne l’est celui des coordinations de
propositions. Plusieurs remarques peuvent être faites à ce sujet.
65 Une première observation est que les éléments de la phrase source qui permettent
l’interprétation de la proposition cible varient selon le type de comparative, ou plus
précisément, selon l’élément avec lequel la comparative en comme se combine. On
distingue ainsi les comparatives qui se combinent avec un constituant à tête verbale,
autrement dit une phrase, dans le cas d’un ajout d’analogie, ou un V/SV dans le cas
d’un modifieur ou d’un complément de V, des comparatives prédicatives, qui se
combinent avec un adjectif (A/SA) ou avec un nom (N/SN).
66 Dans le premier cas, à l’instar de ce qui se passe avec les ellipses en coordonnées, la
proposition de la séquence fragmentaire se construit en utilisant une relation verbale
(assortie de ses arguments si nécessaire) fournie par la phrase source. En ce qui
concerne l’ajout d’analogie (60), il n’y a pas d’indication syntaxique du verbe qui doit
être utilisé. En revanche, les comparatives modifieurs ou compléments de V (61)
utilisent la relation sémantique du V avec lequel elles se combinent. Afin de rendre
compte de l’interprétation, nous transcrivons en petits caractères le verbe et les
arguments manquants –dont l’adverbe de manière extrait– ; mais, il ne s’agit en aucun
cas de reconstruction syntaxique.
(60) a. Paul adore la peinture, tout comme sa femme adore la peinture d’ailleurs.
b. Paul adore la peinture, tout comme Paul adore les arts en général.
c. Paul adore la peinture, tout comme sa femme adore les arts en général.
d. Paul a souvent promis d’essayer d’apprendre le latin, comme Marie a promis
d’apprendre
le grec.
(61) a. Il sonne exactementcomme le mot serviette sonne d’une x manière.
b. Celle qui court le long de votre vie comme le feu court d’une x manière le long d’un
cordon Bickford.
c. Ma voisine parle aux gens comme ma voisine parle d’une x manière à son chien.
67 Le cas des comparatives prédicatives, modifieurs de A/SA ou de N/SN, est remarquable
en ce que l’interprétation de la séquence fragmentaire est toujours une structure
d’attribution, et qu’aucune relation sémantique verbale propre n’est fournie par la
phrase source.
68 Les comparatives modifieur d’adjectif (ou de SA) présentent deux types de séquences
fragmentaires : ou bien, la séquence ne contient qu’un fragment qui correspond
(toujours) au sujet (cf. 62a,b,c), ou bien, moins fréquemment, elle contient un fragment
sujet et un fragment qui correspond à un attribut (cf. 62d,e). Dans tous les cas, la
relation sémantique à reconstituer est une prédication simple ; intuitivement, on utilise
le verbe copule pour l’interprétation de la séquence fragmentaire, et ce,
indépendamment du verbe utilisé dans la phrase matrice. Lorsque seul un fragment
sujet est réalisé, l’attribut manquant correspond à celui utilisé dans la phrase source, le
constituant même qui se combine avec l’ajout comparatif. L’adverbe de manière extrait
est un modifieur de l’attribut.
(62) a. Tu sera laide comme les quatorze pêchers capitaux sont x laids .
b. Je l’ai trouvé intelligent comme son frère est x intelligent .
c. Un homme honnête comme toi tu es x honnête ne peut pas mentir.
d. Jean est intelligent comme Paul est x adroit.
e. J’ai trouvé Jean intelligent comme Paul est x adroit.
Les séquences qui sont constituées d’un unique fragment s’interprétant comme un
attribut ne relèvent pas de la même analyse. Ou bien, on a affaire à une coordination
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55
d’attributs (cf. Mouret & Desmets, ce numéro), comme en (63a), dans laquelle il n’y a
pas de restitution possible de la phrase pleine. Ou bien, on est face à une comparative
d’analogie qui utilise l’ensemble de la relation sémantique du verbe de la phrase source
(cf.63b)
(63) a. J’ai toujours aimé cet homme intelligent comme bien élevé
b. Je l’ai trouvé intelligent, comme je l’ai trouvé maladroit
69 L’interprétation des comparatives fragmentaires modifieurs de N/SN ne s’appuie pas
non plus sur un verbe réalisé dans la phrase source. Dans tous les cas, il s’agit d’une
attribution de propriété simple (avec une copule, s’il fallait reconstruire un verbe) et le
N modifié est utilisé comme un des éléments de la relation prédicative. Soit il fournit
l’attribut, et l’adverbe extrait s’interprète alors comme un spécifieur du N attribut,
comme en (64a,b) ; soit le N modifié fournit le sujet de l’attribution et l’adverbe extrait
s’interprète comme l’attribut (64c,d).
(64) a. Paul adorerait avoir une voiture comme la tienne est une x voiture.
b. Marion a de la chance d’avoir une amie comme Agnès est une x amie.
c. J’ai trouvé des pâtisseries comme les pâtisseries sont xchez Mazet.
d. J’ai mangé un ragoût comme les ragoûts sont x chez la cousine Aline.
70 Une autre particularité des comparatives en comme, et qui peut être problématique
pour le traitement tel qu’il est proposé par Abeillé et al. (2008), concerne une possibilité
liée à leur fonction : la mobilité.
(65) a. Le monde social est parsemé de rappels à l’ordre qui ne fonctionnent comme
tels que pour les individus prédisposés à les apercevoir, et qui, comme le feu rouge
le freinage, déclenchent des dispositions corporelles. Bourdieu (Méditations
pascaliennes : 210)
b. L’aptitude de l’ancêtre à grimper dans les arbres devait le mettre à l’abri,
comme aujourd’hui les singes, des grands prédateurs. LE MONDE : 08/02/01 : 25
c. Dans la nôtre F0
5B la société 5D , et même si ces dessins danois sont d’une navrante
F0
platitude, la caricature est un art ancestral, issu des grotesques, des gargouilles et
des masques médiévaux, et un art du peuple, conquis, comme le journal, de haute
lutte. (LM - portail web du 11/04/2008)
d. Comme Paul les jours de pluie, Marie se décide à mettre des bottes
aujourd’hui.
71 Les cas d’insertion et d’antéposition illustrés en (65) montrent que le calcul sémantique
de la séquence fragmentaire est résolu une fois que l’ensemble de l’énoncé est effectué.
Autrement dit, la liste des éléments du domaine de la phrase matrice (du trait SALIENT-
UTTERANCE) qui est utilisée pour opérer la substitution ne doit pas être limitée aux
éléments précédemment énoncés. L’appariement doit être réalisé au niveau du nœud
mère du syntagme tête-ajout(parenthétique) pour avoir accès à l’ensemble des
éléments à substituer.
72 Enfin, la dernière remarque porte sur la catégorie avec laquelle comme comparatif se
combine. Les exemples (70) montrent que la comparative n’accepte pas l’ellipse du
sujet27 .
(66) a. *Jean écoute la radio, comme lit le journal d’ailleurs.
b. *Ces dessins déstabilisent, tout comme désavouent la suprématie du pouvoir
religieux d’ailleurs.
73 On peut en déduire deux choses. D’une part, lorsque la comparative est finie, elle l’est
au sens stricte, c’est-à-dire qu’elle comporte un verbe tête conjugué qui réalise
obligatoirement un sujet syntaxique28 ou clitique (pronom personnel). D’autre part, on
confirme le fait que si la phrase est elliptique, elle omet obligatoirement le verbe tête,
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56
c’est-à-dire qu’elle doit être strictement sans tête, soit non finie. On pourrait faire
l’hypothèse que lexicalement comme comparatif se combine toujours avec un
constituant de catégorie Phrase, même lorsque la réalisation de cette dernière est
fragmentaire. Le problème est qu’une catégorie phrase possède obligatoirement une
tête. Pour Abeillé et al (2008), fragment est une valeur catégorielle (une valeur pour le
trait HEAD). Il faut donc spécifier au niveau de la construction comparative que la
catégorie avec laquelle comme se combine est soit une phrase (finie) – ce que propose
Desmets (2002) –, soit un fragment. Par ailleurs on peut ajouter, suivant une des
dimensions d’organisation des syntagmes en HPSG, que les fragments de type gapping
sont des clauses, en ce qu’ils possèdent le même type de sémantique que les phrases
finies.
Conclusion
74 En étudiant les séquences fragmentaires des comparatives en comme, nous avons pu
confirmer que l’ellipse est un phénomène trans-constructionnel, qui n’altère pas (ou
peu) les propriétés externes des constructions dans lesquelles elle apparaît. Sa présence
est un corollaire à la redondance informationnelle, laquelle résulte de parallélismes
sémantiques et syntaxiques ; cependant le phénomène n’est pas toujours optionnel.
L’ellipse est sensible à l’environnement syntaxique dans lequel elle apparaît (ce qui
peut expliquer la proximité de l’ellipse des constructions comparatives en comme et
celle des comparatives scalaires), ce dont témoigne la comparaison avec l’ellipse en
structures coordonnées. Enfin, le phénomène est difficile à modéliser, pour des raisons
tant empiriques que théoriques et la réponse théorique la plus adaptée à ce jour semble
être une approche par fragment. La phrase elliptique est vue comme une phrase
fragmentaire, syntaxiquement non finie, dont la sémantique propositionnelle est
reconstruite à partir de la phrase source. Cette approche répond favorablement aux
propriétés de l’ellipse des comparatives en comme que nous avons étudiées. La
formalisation d’une telle analyse, intégrant les observations du présent article,
constituera l’objet d’un travail ultérieur.
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NOTES
1. Je tiens à remercier A. Abeillé, P. Amsili, K. Baschung, L. Roussaire et F. Mouret pour leurs
précieuses remarques. Toute erreur restant mienne.
2. Toutes les comparatives en comme ne permettent pas l’ellipse du verbe tête. Ainsi, l’ajout
reportif, ajout incident à la phrase matrice qui permet la mention d’un discours (cf. Desmets &
Roussarie 2001) requiert obligatoirement la présence du verbe de discours ou de « pensée » :
(i) En reconnaissant Koupriane, les deux nihilistes pouvaient, comme l’avait dit le reporter, se
croire découverts, et précipiter la catastrophe. LEROUX.G
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(ii) Il n’était surtout pas question de porter le voile, ce « symbole de la répression patriarcale »,
comme elle le qualifie. LE MONDE DIPL.
Nous signalons également que les comparatives ajouts, quand elles sont antéposées à la phrase,
reçoivent de meilleurs jugements d’acceptabilité lorsqu’elles sont fragmentaires. C’est le cas des
comparatives d’analogie en comme, dont l’interprétation peut parfois entrer en collision avec
celle d’un ajout causal, qui lui ne connaît pas de forme elliptique (phénomène également signalé
dans Moline 2007) : Comme Paul va au foot le mercredi soir, Marie va au tennis tous les samedis.
Le même phénomène s’observe avec les comparatives scalaires incidentes, qui présentent des
difficultés à être antéposées lorsqu’elles ne sont pas fragmentaires (cf. Amsili & Desmets, 2008b) :
Plus que des subventions aux cités, il faut donner du travail aux jeunes vs *Plus qu’il faut donner des
subventions aux cités, il faut donner du travail aux jeunes.
3. On distinguera de ce fait les coordinations en comme, dont le conjoint ne s’interprète pas
toujours de façon propositionnelle (cf. Mouret & Desmets, ce numéro) : La France comme
l’Angleterre ont accepté de signer le traité.
4. On peut expliciter la relation sémantique associée à comme dans la phrase il est grand comme son
frère est petit par le schéma suivant (d’après Desmets 2001) : il existe deux états, s1 et s2, ayant
chacun une propriété, appelons-là « Qualité », respectivement Φ et Ψ, et Φ et Ψ sont identiques,
ou encore s1 et s2 sont Φ -comparables. On pourra formaliser l’interprétation de la relation de
comparaison (de Qualité d’états) de la manière suivante : grand (s1, x) & petit (s2, y) & Φ(s1) &
Ψ(s2) & λs Φ(s) = λsΨ(s) ; l’abstracteur rend compte du fait que Φ et Ψ sont des prédicats
appropriés au type de variable s (« s » étant une variable associée au type « état »).
5. Pour une présentation générale des phrases elliptiques et fragmentaires, se reporter à Abeillé
(à paraître).
6. A titre indicatif, le prédicat que l’on peut interpréter à partir de la phrase antécédent est écrit
en italique indicé. Il ne s’agit pas d’une reconstruction syntaxique.
7. Les ambigüités en comparatives sont celles repérées depuis longtemps pour les coordinations
(Hankhamer 1971) : (a) identité souple vs stricte : ou bien Pierre donne des roses à sa femme
(identité souple) ou bien Pierre donne des roses à la femme de Jean (identité stricte).
(i) Jean donne plus de roses à sa femme que Pierre.
(ii) Jean donne des roses à sa femme, comme Pierre.
(b) ambiguïté de fonction du constituant résiduel : En (iii), ou bien Marie connaît mieux Sarah ou
bien Jean connaît mieux Marie ; en (iv) avec une prosodie continue sur l’ajout comparatif, on
obtient une lecture de type coordination (cf. Mouret & Desmets, ce numéro) : Jean connaît Sarah
et Marie, en (v) avec une prosodie détachée on rétablit l’ambigüité sur la fonction du constituant
Marie qui peut être sujet ou objet.
(iii) Jean connaît Sarah mieux que Marie.
(iv) Jean connaît Sarah comme Marie.
(v) Jean connaît Sarah, comme Marie.
(c) ambiguïté sur l’antécédent : ou bien l’ellipse correspond à la phrase « Paul dit qu’il va à la
montagne » ou bien à la phrase « Paul va à la montagne ».
(vi) Jean dit qu’il va à la montagne plus souvent que Paul.
(vii) Jean dit qu’il va à la montagne comme Paul.
8. Les dépendants de V ont fréquemment une réalisation non canonique, une omission : (i) Jean
mange plus de pommes que Marie ne mange. ; (ii) il est arrivé comme c’était prévu. Ou bien une
forme de résomption : (i) Idiot comme il l’est.
9. Il est en revanche possible de trouver une ellipse dans une enchâssée si le SN résiduel apparaît
avec un adverbe additif (je crois que Paul aussi), ou polaire (Paul viendra mais je pense que Marie pas/
non), qui semblent fonctionner comme une anaphore prédicative semblable aux formes so ou do
so de l’anglais (voir Miller 1992 et plus largement l’ensemble de la littérature sur l’ellipse du SV
en anglais).
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60
10. Il est à noter que le constituant résiduel peut également être une préposition forte seule : Plus
de personnes ont voté pour la proposition que contre ; Difficile de tenir cette boîte fermée, qu’on la prenne
par dessus comme par dessous.
11. En anglais, les pronoms personnels sujets, qui ne sont pas faibles, ne sont pas exclus. Dans :
Who wants to answer ? – Not I/me.
12. En outre, la forme de l’ellipse est insensible au type de fonction qu’occupe l’ajout comparatif
en comme ou en que.
13. Il existe également un effet de parallélisme syntaxique dans les comparatives scalaires, dans
la mesure où l’adverbe de degré extrait de la phrase en que a une fonction similaire à celle de
l’adverbe de degré réalisé dans la phrase matrice (cf. Amsili & Desmets, 2008a) : Pierre a plus
aimé les acteurs que Sarah n’a (x)aimé la mise en scène.
14. On n’inclura donc pas ici la coordination en comme présentée dans Mouret & Desmets (ce
numéro).
15. On signale que les comparatives scalaires modifieurs présentent leurs propres contraintes de
placement (cf. Amsili & Desmets, 2008b). En revanche, les scalaires parenthétiques ajouts à la
phrase matrice peuvent être antéposées :
(i)a. Plus que Betty, Anne a eu peur de l’accident
b. ?Plus que Betty la vitesse, c’est le choc qui a bouleversé/surpris Amy.
c. Plus que des subventions aux cités, il faut donner du travail aux jeunes.
d. Il faut, plus que des subventions aux cités, donner du travail aux jeunes.
e. Certains invités ont, moins que d’autres, apprécié le repas de ce soir.
16. Ainsi que l’a noté Williams (1977) pour l’anglais, les comparatives ne seraient pas un contexte
de type across the board pour l’extraction.
17. Par ailleurs, les comparatives en comme compléments de V ne présentent pas de contrainte
sur la double extraction (cf.i,ii), ce qui confirme bien que le phénomène observé est une
contrainte sur l’extraction parasite réservée aux ajouts : (i) Un immeuble dont la voisine de Paul
se comporte comme la gardienne_ lorsqu’un livreur se présente.
(ii) Un secret dont la cousine de Paul se comporte comme une dépositaire illégitime_ sur le point
d’être dénoncée.
18. Nous laissons pour une étude ultérieure l’analyse des mises en facteur (Righ node raising
(RNR), cf. Hudson 1976), présentes dans les constructions coordonnées et les comparatives, qui
réalisent un verbe fini mais ellipsent un dépendant (complément ou ajout) du verbe de la
première phrase. Il n’est pas sûr qu’elles soient disponibles pour la comparaison (de manière) en
comme, et elles ne semblent possibles qu’avec les comparatives scalaires parenthétiques.
(i) a. Jean apprécie plus qu’il n’aime le théâtre.
b. Jean aime, autant que Marie déteste, les haricots.
c. Jean aime, comme Marie déteste, ces magazines. (coordination en comme vs *manière)
d. Certains souhaitent, comme d’autres redoutent, la mise en place de ces réformes.
19. Les mêmes exemples en coordination (i,ii) ne semblent pas franchement exclus, alors qu’ils
devraient l’être selon une analyse ACC. On peut penser que les séquences réalisées ici ne
répondent pas à une analyse ACC mais à un cas de gapping, ce qui doit de toutes façons être
envisagé pour les cas où l’analyse ACC est exclue parce que les constituants ne peuvent être
analysés comme étant sœurs, par ex. en (iii) où le SP extrait du V du premier conjoint rend
caduque l’analyse ACC :
(i) ??J’ai proposé à Marie de lui apprendre le grec et à son frère le latin.
(ii) ??Jean dit de réviser son Histoire à Marie et sa Géo à son frère.
(iii) A Marie, Paul donnera un livre demain et un disque à Paul aujourd’hui.
20. On ne peut tester de séquences de constituants sœurs compléments ou ajouts de V qui ne
soient pas majeurs selon la définition énoncée plus haut : ils sont obligatoirement directement
dominés par le SV racine ou un V enchâssé sous le SV racine.
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61
21. En (38) si l’ellipse du V s’interprète comme voit, alors les constituants sa mère et la sienne ne
sont pas sœurs.
22. Ce sont des modes caractéristiques de la construction à parangon (Milner 1973). En outre, si
un opérateur de négation est présent sur le verbe de la principale, il peut ne pas être repris ou
interprété dans la subordonnée ajout.
23. La coordination montre des contraintes d’identité plus stricte en ce domaine (cf. Mouret
2007).
24. Sur la valeur générique des ajouts d’analogie, voir Moline (à paraître).
25. Les réponses fragmentaires constituent le problème linguistique à l’origine duquel Ginzburg
& Sag (2000) ont proposé l’existence de fragments.
26. La résolution sémantique de l’ellipse proposée dans Abeillé et al. (2008) s’inspire largement
des travaux de Sag (1976), puis Gardent (1991), qui, alternativement aux travaux en grammaire
générative et transformationnelle, ont proposé un traitement centré sur la résolution
sémantique de l’ellipse, par l’intermédiaire d’une duplication de la structure sémantique de la
phrase source, puis une règle de substitution permettant d’instancier les arguments résiduels de
la phrase cible. De là est dérivée la structure syntaxique. Cette approche a l’avantage d’être
moins soumise aux contraintes dues à la copie structurale de la phrase source mais conserve les
problèmes liés à un traitement par dérivation (i.e., la nécessité d’ordonner les opérations).
27. Une contrainte identique pèse sur les comparatives scalaires : *Jean écoute plus la radio que ne
lit le journal ; *Ces dessins déstabilisent plus que (ne) désavouent la suprématie du pouvoir religieux.
28. En outre, le sujet de la phrase se combinant avec comme ne peut être extrait.
RÉSUMÉS
La construction comparative en comme présente tantôt une phrase pleine, tantôt une phrase
elliptique, mais cette variation interne ne change ni sa distribution (fonctions et placements dans
la phrase matrice) ni sa sémantique. Bien qu’elles connaissent des contraintes de parallélisme
syntaxiques et sémantiques similaires, les phrases elliptiques des constructions comparatives,
montrent des propriétés distinctes de celles des constructions coordonnées. Enfin, contre une
approche par copie et effacement, qui se révèle inadéquate, nous montrons que les contraintes
liées à la résolution de l’ellipse nécessitent un traitement qui dissocie les informations
fonctionnelles, catégorielles et sémantiques, et qui autorise des syntagmes phrastiques constitués
de syntagmes fragmentaires, aboutissant ainsi à la linéarisation requise.
Comparative constructions introduced by comme present either a full clause, or an elliptic clause,
but these internal variations do not change their possible functions, places, or their semantics.
Although both comparative constructions and coordinations show similar syntactic and semantic
parallelism constraints, their ellipsis have different properties. And, contrary to a copy-deletion
approach, which turns to be inadequate, we show that a proper treatment for ellipsis phenomena
must dissociate functional, categorial and semantic information, and must allow clausal phrases
formed with fragments, which gives rise to the required linearizations.
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62
Introduction
1 C’est un fait bien repéré dans les grammaires que le mot comme peut, lorsqu’il relie
deux SN sujets, donner lieu à deux types d’accord (voir par exemple Grévisse & Goosse
2008, §454). Le verbe s’accorde avec le premier sujet réalisé lorsque la séquence
introduite par comme est prosodiquement « incidente » au sens de Bonami et al. (2004),
c’est-à-dire non intégrée à la mélodie de la phrase (1a), tandis qu’il s’accorde, semble-t-
il, avec la construction SN comme SN dans son ensemble lorsque la séquence est au
contraire prosodiquement intégrée (1b), à l’image d’une coordination additive (1c) 1.
(1) a. La France, comme l’Angleterre, est favorable à ce projet.
b. La France comme l’Angleterre sont favorables à ce projet.
c. La France et l’Angleterre sont favorables à ce projet.
2 Les tours incidents du type (1a) ont été bien étudiés : il s’agit de constructions
comparatives elliptiques ajouts à la phrase (sans conséquence de fait sur l’accord du
verbe avec le sujet) appelées « comparatives d’analogie », parce qu’elles établissent une
relation d’analogie, ou encore de similarité, entre deux propositions (cf. Le Goffic 1991,
Desmets 2001, Moline 2008). Les tours intégrés du type (1b), en revanche, soulèvent
plus de questions : l’accord au pluriel, qui est bien attesté (cf. (2)), constitue-t-il un
simple effet d’intégration sémantique dû au parallélisme des sujets des deux
propositions de la comparaison ou bien faut-il admettre l’existence d’une structure
coordonnée et réanalyser, dans ce cas, le mot comme, le tour dans lequel il entre et la
contribution sémantico-pragmatique de l’un et de l’autre ?2
(2) a. Chez Renault, la direction comme les syndicalistes reconnaissent que,
l’automne dernier, le conflit de Cléon et du Mans avait révélé l’urgente nécessité de
donner « de la chair » à un « accord à vivre », certes novateur, mais ressenti comme
trop abstrait. (LM)
b. Un professionnel « incontestable » serait nommé à la tête de la Cinq et la
société des journalistes comme l’association des téléspectateurs y seraient
associées. (LM)
c. Le Maroc comme la Tunisie entrent en effet dans la phase finale de leurs plans
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d’ajustement qui doit conduire à une libéralisation plus complète de leurs échanges
et à la convertibilité de leurs monnaies. (LM)
d. Il reste un bon moyen de s’attacher de la main-d’oeuvre quand la pénurie
sévit, et le bâtiment comme les travaux publics ont pour cette raison renoncé à
leurs projets de réforme. (LM)
3 Nous voudrions argumenter dans cet article en faveur d’une analyse intermédiaire. Sur
le plan syntaxique, les tours intégrés doivent bel et bien être considérés comme des
structures coordonnées avec une recatégorisation de l’adverbe comme en conjonction
(§1-2). Sur le plan interprétatif, en revanche, la construction coordonnée conserve
certains traits sémantiques de l’ajout comparatif. La différence se situe au niveau
pragmatique : alors que la contribution comparative relève du commentaire en arrière
plan, la contribution de la coordination appartient au contenu principal asserté (§3). De
façon intéressante, ce double fonctionnement ne s’étend pas tel quel aux autres formes
similatives (ainsi que, de même que). Nous en faisons brièvement la démonstration (§4)
avant de conclure.
1. Propriétés lexicales
4 Considérons d’abord la catégorie du mot comme. Nous admettons sans discuter ici qu’il
s’agit d’un adverbe qu- dans les constructions comparatives, dont relèvent les tours
incidents du type (1a) (voir Desmets 2001). Outre le contraste d’accord, plusieurs
propriétés confirment bien qu’il s’agit en revanche d’une conjonction de coordination
dans les tours intégrés du type (1b). Nous en retiendrons trois ici, qui concernent la
combinabilité des conjonctions entre elles, la position de certains adverbes et l’ordre
des mots.
5 Il est bien connu que les conjonctions telles que et, ou, ni ne sont pas combinables entre
elles, sauf cas de lexicalisation (et/ou) (cf. Bègue 1977). C’est ce qui explique par
exemple qu’à côté de (3a), qui met en jeu une coordination disjonctive enchâssée dans
une coordination conjonctive, on n’a pas (3b). On vérifie en (4) que le mot comme se
comporte de façon analogue dans les tours intégrés : il ne se combine pas avec une
autre conjonction.
(3) a. Nul doute que la France d’une part et l’Angleterre ou l’Espagne d’autre part
sont favorables à ce projet.
b. *Nul doute que la France d’une part et l’Angleterre ou et l’Espagne d’autre part
sont favorables à ce projet.
(4) a. Nul doute que la France comme l’Angleterre et l’Espagne sont favorables à ce
projet.
b. *Nul doute que la France comme l’Angleterre et comme l’Espagne sont
favorables à ce projet.
6 La situation est différente dans les tours incidents, où comme se comporte exactement
comme les autres adverbes que l’on rencontre à l’initiale de la phrase : il peut être
précédé d’une conjonction (5b-6b) et ne peut (à la différence des complémenteurs, voir
Desmets, 2001 : 54) être remplacé par que (5c-6c)3:
(5) a. Nul doute que la France, comme l’Angleterre et l’Espagne, est favorable à ce
projet.
b. Nul doute que la France, comme l’Angleterre et comme l’Espagne, est
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favorable à ce projet.
c. *Nul doute que la France, comme l’Angleterre et que l’Espagne, est favorable à
ce projet.
(6) a. Il ne peut plus bouger, tellement / tant il a peur et il est fatigué.
b. Il ne peut plus bouger, tellement / tant il a peur et tellement / tant il est
fatigué.
c. *Il ne peut plus bouger, tellement / tant il a peur et qu’il est fatigué.
7 Une autre propriété typique des conjonctions, notée notamment par Piot (1993), est
qu’elles peuvent être suivies mais jamais précédées par certains adverbes focalisants
(aussi, seulement, ...), mais aussi énonciatifs (en effet, d’ailleurs, ...) ou encore connecteurs
(ensuite, alors, ...) :
(7) a. La France et en effet l’Angleterre sont favorables à ce projet.
b. *La France en effet et l’Angleterre sont favorables à ce projet.
8 Aucune restriction de ce type ne pèse en revanche sur les adverbes, comme l’illustrent
les exemples suivants :
(8) a. Il ne peut plus bouger, tellement / tant en effet il a peur.
b. Il ne peut plus bouger, en effet tellement / tant il a peur.
9 À nouveau, on observe un fonctionnement différentiel du mot comme suivant que le
syntagme qu’il introduit est prosodiquement intégré ou non. Il se comporte comme les
conjonctions dans le premier cas (9) tandis qu’il se comporte comme un les adverbes
dans le second cas (10)4.
(9) a. La France comme en effet l’Angleterre sont favorables à ce projet.
b. *La France en effet comme l’Angleterre sont favorables à ce projet.
(10) a. La France, comme en effet l’Angleterre, est favorable à ce projet.
b. La France, en effet comme l’Angleterre, est favorable à ce projet.
10 Considérons enfin certaines contraintes d’ordre. On sait que les syntagmes introduits
par une conjonction ne peuvent jamais être antéposés à l’initiale de la phrase (cf. (11)) 5,
à la différence des syntagmes introduits par un adverbe qui le peuvent parfois. Par
exemple, les formes introduites par tant ou tellement considérées supra sont assez
mauvaises dans cette position (12a,b), mais non les comparatives scalaires incidentes
étudiées par Amsili et al. (à paraître) (cf. (12c,d)).
(11) a. La France et l’Angleterre sont favorables à ce projet.
b. *Et l’Angleterre, la France sont favorables à ce projet.
(12) a. Il ne peut plus bouger, tellement / tant en effet il a peur.
b. ? ?Tellement / tant il a peur, il ne peut plus bouger.
c. Il faut donner du travail aux jeunes, plus que des subventions aux cités.
d. Plus que des subventions aux cités, il faut donner du travail aux jeunes.
11 À nouveau, le mot comme se comporte comme une conjonction dans les tours intégrés,
mais non dans les tours incidents6 :
(13) a. La France comme l’Angleterre sont favorables à ce projet.
b. *Comme l’Angleterre, la France sont favorables à ce projet.
(14) a. La France, comme l’Angleterre, est favorable à ce projet.
b. Comme l’Angleterre, la France est favorable à ce projet.
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12 Nous concluons qu’il faut effectivement distinguer deux entrées lexicales suivant que la
prosodie est intégrée ou incidente : un comme conjonctif et un comme adverbe
introducteur de comparative.
2. Propriétés de structure
13 Nous avons établi la nécessité de recatégoriser l’adverbe comme en conjonction additive
dans les tours intégrés. Partant, il est naturel de penser qu’on a affaire dans ce cas à
une construction coordonnée distincte des tours incidents qui fonctionnent comme des
ajouts à la phrase. Nous présentons deux arguments syntaxiques confirmant cette
analyse avant d’examiner plus en détail les structures internes en jeu.
14 Considérons d’abord la distribution des SN sans déterminant. On sait que ces derniers
sont exclus de manière générale en fonction sujet ou objet à moins d’être coordonnés
(cf. Blanche-Benveniste & Chervel 1966, Curat 1999, Roodenburg 2005) 7 :
(15) a. [Médecins et infirmiers] sont prêts à venir travailler le dimanche.
b. Il faut disposer d’un compte bancaire pour toucher [salaire ou retraite].
c. *[Médecins] sont prêts à venir travailler le dimanche.
d. *Il faut disposer d’un compte bancaire pour toucher [salaire].
15 Il s’agit là d’une propriété attachée à la construction coordonnée. La présence d’une
conjonction ne constitue en effet ni une condition nécessaire pour légitimer cet emploi
particulier du SN, puisqu’il est autorisé dans les juxtapositions (cf. (16a) ni une
condition suffisante, puisqu’il est exclu lorsque le syntagme introduit par la
conjonction fonctionne comme un ajout incident au sens d’Abeillé (2005) (cf. (16b,c)).
(16) a. Médecins, infirmiers, aide-soignants sont prêts à venir travailler le
dimanche.
b. Les médecins sont prêts, et les infirmiers aussi, à venir travailler le dimanche.
c. *Médecins sont prêts, et infirmiers aussi, à venir travailler le dimanche.
16 Or, les SN sans déterminant sont autorisés dans nos tours intégrés en comme, tandis
qu’ils sont exclus dans les tours incidents correspondants :
(17) a. Médecins comme infirmiers sont prêts à venir travailler le dimanche.
b. *Médecins, comme d’ailleurs infirmiers, sont prêts à venir travailler le
dimanche.
17 Ce contraste s’explique naturellement si la structure s’analyse comme une construction
coordonnée dans le premier cas mais non dans le second.
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22 Ayant montré que nous avons affaire à deux constructions distinctes, le détail de leur
structure interne constitue un problème relativement orthogonal, dans la mesure où
l’analyse des structures coordonnées comme celles des constructions comparatives ont
déjà fait l’objet d’études indépendantes. Nous nous limiterons donc à en signaler les
points les plus essentiels. Nous suivons Abeillé (2005) en ce qui concerne les
coordinations, que nous analysons comme des constructions sans tête avec un sous-
constituant [conj + X] de type tête-complément (cf. figure 1). Nous suivons par ailleurs
Desmets (2001) en ce qui concerne la structure interne des ajouts comparatifs non
elliptiques, que nous analysons comme des relatives sans antécédent de catégorie SAdv
dont la tête, l’adverbe qu- comme, borne la dépendance déclenchée par l’extraction d’un
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Figure 1
Figure 2
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24 Par ailleurs, on observe les mêmes contraintes distributionnelles. Ainsi sont autorisés
les phrases, les SN, les SA, les SP, les SAdv et les catégories verbales non conjuguées (cf.
23), mais non les catégories verbales conjuguées (cf. (24) :
(23) a. [Paul dit ce qu’il fait] (,) comme [il fait ce qu’il dit]. (Ph)
b. La mesure concerne [les professions salariées] (,) comme [les professions
libérales]. (SN)
c. Il était [fort en français] (,) comme [fort en physique]. (SA)
d. L’hôpital a besoin [de moyens] (,) comme [de personnel]. (SP) e. Il se croit
[légalement] (,) comme [moralement] (,) responsable. (Sadv)
f. Elle adore [recevoir] (,) comme [être invité]. (SV infinitif)
(24) h. *Paul [dit ce qu’il fait] (,) comme [fait ce qu’il dit]. (SV conjugué)
i. *Paul [lit] (,) comme [parle] l’anglais couramment. (V conjugué).
25 On sait que le matériel manquant doit obligatoirement inclure le verbe fini dans une
structures à ellipse, ce qui explique immédiatement la restriction observée lorsque la
séquence introduite par comme s’analyse comme une comparative. On ne voit pas en
revanche ce qui interdit cette combinatoire lorsque la séquence s’analyse comme un
conjoint sans ellipse. Nous admettrons ici qu’il s’agit d’une restriction lexicale propre à
la conjonction comme, à l’image de ce que l’on observe avec la forme car, (cf. (25a), qui
présente bien par ailleurs les propriétés caractéristiques des conjonctions (cf. 25b,c,d) :
(25) a. Paul pleure car *(il) est triste.
b. Paul pleure car il est triste et il est fatigué / *car il est triste et car il est
fatigué.
c. Paul pleure car précisément il est triste / *précisément car il est triste.
d. *Car il est triste, Paul pleure.
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Adjectif Propriété Degré, qualité de Paul est grand comme son frère est
réalisation, intensité laid.
Paul est intelligent comme quelqu’un
qui a fait de longues études, mais
c’est tout.
Phrase Proposition Valeur modale Pierre fait son marché tous les jeudis,
(degré de certitude) comme Paul tous les lundis.
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32 Les comparatives d’analogie en comme sont des ajouts parenthétiques 13 (au sens de
Jayez & Rossari 2004, Bonami & Godard 2004, Potts 2005) 14, c’est-à-dire qu’ils n’entrent
pas dans les conditions de vérité de la proposition dénotée par la phrase matrice, et
inversement, la contribution de la proposition principale est indépendante de celle
véhiculée par l’ajout. Typiquement, la construction échappe à la portée des opérateurs
sémantiques. Dans les exemples suivants, la phrase matrice est vraie dans les mêmes
conditions en (a) et en (b) :
(27) a. Comme sa sœur, Gaston n’est pas silencieux.
b. Gaston n’est pas silencieux.
En (27), l’interprétation de (a) peut être glosée par : il n’est pas vrai que l’individu
‘Gaston’ a la propriété ‘d’être silencieux’, de même qu’il n’est pas vrai que l’individu ‘sa
sœur’ a la propriété ‘d’être silencieux’. Bien que l’ajout contienne également une
négation, il n’a aucune contribution au fait que l’individu ‘Gaston’ n’a pas la propriété
‘d’être silencieux’. De la même façon, en (28a), la proposition d’analogie n’appartient
pas au contenu questionné ; seule, la proposition principale est sous l’opérateur. Pour
que la comparative soit également questionnée, il faudrait utiliser un opérateur qui
porte sur l’énoncé lui-même, soit : est-il vrai que (de même que/comme) son oncle est
déprimant, Jean est déprimant ?
(28) a. Comme son oncle, Jean est-il un garçon déprimant ?
b. Jean est-il un garçon déprimant ?
33 Le contenu de l’ajout d’analogie appartient à l’arrière plan, il n’est pas intégré au
niveau de l’assertion principale, c’est-à-dire au niveau de ce qui est en discussion (ce
que Potts 2005 appelle le contenu « at-issue »). Sa contribution, a lieu au niveau des
relations de discours, autrement dit, au niveau de l’énoncé même. Plusieurs propriétés
empiriques, typiques des éléments assertés en arrière plan, témoignent du fait que son
contenu n’est pas directement accessible15. On signale ici l’impossibilité de remettre en
cause le contenu de l’ajout incident dans le dialogue :
(29) A : la France, comme d’ailleurs l’Angleterre, a voté ce projet.
B : # Non, l’Angleterre n’a pas voté ce projet.
C : Parce que l’Angleterre était impliquée dans le projet ? Je ne le savais pas.
Pour accéder au contenu de la proposition véhiculée par la comparative, il est
nécessaire de procéder à une rupture discursive (Jayez 2004), ce que réalise (29c).
34 De même, il est assez difficile d’inclure l’ajout incident dans l’interprétation d’une
reprise anaphorique de la phrase matrice. En (30), l’interprétation la plus saillante est
que le pronom anaphorique le n’inclut pas l’ajout en comme.
(30) Comme son oncle, Paul est un garçon déprimant ; il l’est depuis l’enfance.
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même que (cf. 40). L’accord au pluriel est certes plus naturel avec la première forme (et
du reste bien attesté, cf. (41)), mais il ne semble pas cependant exclu avec la seconde
(avec des variations dans les acceptabilités). Nous montrons brièvement que les tours
intégrés en ainsi que / de même que se comportent comme ceux en comme. Les tours
incidents doivent, en revanche, recevoir une autre analyse.
(40) a. La France, ainsi que l’Angleterre est favorable à ce projet.
b. La France ainsi que l’Angleterre sont favorables à ce projet.
c. La France, de même que l’Angleterre, est favorable à ce projet.
d. La France de même que l’Angleterre sont favorables à ce projet.
(41) a. Cette annonce ainsi que la promesse d’organiser un référendum le 28 janvier
prochain sur le rétablissement éventuel de la peine de mort sont intervenues à la
suite d’une journée de folie qui aurait dû en principe être consacrée à rendre
hommage à la mémoire des victimes de la révolution roumaine. (LM)
b. Pour mettre en relief le caractère communautaire de l’entreprise, la
Commission européenne ainsi que la Banque européenne d’investissement LRB
BEIRB ont été invitées en tant que telles à la réunion de Paris. (LM)
c. Le premier producteur mondial, Inco, ainsi que Falconbridge ont d’ores et déjà
procédé à des réductions de production pour s’adapter à la nouvelle physionomie
du marché. (LM)
d. « La pérennité de chacun des sites industriels ainsi que leur vocation
respective sont confirmées » conclut le texte du gouvernement. (LM)
46 On vérifie aisément que les tours intégrés en ainsi que / de même que fonctionnent
comme ceux en comme. D’abord, la forme similative se comporte comme une
conjonction de coordination : elle ne peut pas être combinée à un autre coordonnant
(42a), peut être suivie mais non précédée d’un adverbe connecteur tel que en effet (42b)
et ne peut être antéposée à l’initiale de la phrase avec le syntagme qu’elle introduit
(42c).
(42) a. La France ainsi que / de même que l’Angleterre et (*ainsi que / *de même
que) l’Espagne sont favorables à ce projet.
b. La France (*en effet) ainsi que / de même que (en effet) l’Angleterre sont
favorables à ce projet.
c. *Ainsi que / de même que l’Angleterre, la France sont favorables à ce projet.
47 Par ailleurs, la construction présente les mêmes propriétés syntaxiques que nos tours
intégrés en comme. Sur le plan combinatoire d’abord, les possibilités et les restrictions
sont les mêmes, comme l’illustrent les exemples suivants qui reprennent en tous points
ceux examinés supra :
(43) a. Paul aime [les week-end à la campagne] / [se balader en ville].
b. Paul aime [les week-end à la campagne] ainsi que / de même que [se balader en
ville].
c. Paul aime [les week-end à la campagne] / [se balader en ville].
d. *Paul apprécie [les week-end à la campagne] ainsi que / de même que [se balader
en ville].
(44) a. [Paul dit ce qu’il fait] ainsi qu’ / de même qu’ [il fait ce qu’il dit]. (Ph)
b. La mesure concerne [les professions salariées] ainsi que / de même que [les
professions libérales]. (SN)
c. Il est [fort en français] ainsi que / de même que [fort en physique]. (SA)
e. L’hôpital manque [de moyens] ainsi que / de même que [de personnel]. (SP)
d. Elle adore [recevoir] ainsi qu’ / de même qu’ [être invitée]. (SV infinitif)
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51 L’analyse des tours incidents en ainsi que / de même que est plus délicate. D’un côté, les
contraintes lexicales sont les mêmes que dans les tours intégrés (50), ce qui apparente à
nouveau la forme similative à une conjonction. En particulier, l’antéposition du
syntagme introduit par ainsi que / de même que à l’initiale de la phrase reste exclue pour
la plupart des locuteurs lorsque la séquence est incidente et que le verbe est au
singulier (voir cependant Piot 1993, 1995 pour un jugement différent), ce qui constitue
un trait typique des coordonnants.
(50) a. La France, ainsi que / de même que l’Angleterre et (*ainsi que / *de même
que) l’Espagne, est favorable à ce projet.
b. La France, (*précisément) ainsi que / de même que (précisément) l’Angleterre,
est favorable à ce projet.
c. *Ainsi que / de même que l’Angleterre, la France est favorable à ce projet.
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52 D’un autre côté, la construction dans son ensemble ne se comporte pas comme une
coordination : les données de l’extraction sont les mêmes que dans les structures tête-
ajout (51), de même que les données combinatoires (52-54), les SN sans déterminant
étant exclus (55).
(51) a. Reste donc une entreprise dont [le président –], ainsi que / de même que [le
vice-président –], se plaît à vanter le chiffre d’affaire.
b. Reste donc une entreprise dont [le président –], ainsi que / de même que [son
vice-président], se plaît se à vanter le chiffre d’affaire.
c. *Reste donc une entreprise dont [son président], ainsi que / de même que [le
vice-président -], se plaît à vanter le chiffre d’affaire.
(52) a. [Paul dit ce qu’il fait], ainsi que / de même que d’ailleurs [il fait ce qu’il dit].
(Ph)
b. La mesure concerne [les professions salariées], ainsi que / de même que
d’ailleurs [les professions libérales]. (SN)
c. Il est [fort en français], ainsi que / de même que d’ailleurs [fort en physique].
(SA)
e. L’hôpital a besoin [de moyens], ainsi que / de même que d’ailleurs [de
personnel]. (SP)
d. Elle adore [recevoir], ainsi qu’ / de même que d’ailleurs [être invité e]. (SV
infinitif)
f. Il se croit [légalement], ainsi que / de même que d’ailleurs [moralement],
responsable. (Sadv)
(53) a. *Paul [dit ce qu’il fait], ainsi que d’ailleurs [fait ce qu’il dit]. (SV fini)
b. ? ?Paul [lit], ainsi que d’ailleurs [parle] l’anglais couramment. (V fini).
(54) a. Paul aime [les week-end à la campagne] / [se balader en ville].
b. Paul aime [les week-end à la campagne], ainsi que / de même que d’ailleurs [se
balader].
c. Paul apprécie [les week-end à la campagne] / *[se balader en ville].
d. *Paul apprécie [les week-end à la campagne], ainsi que / de même que d’ailleurs
[se balader en ville].
(55) *Grève nationale : professeurs, ainsi qu’élèves d’ailleurs, sont invités à se
joindre à la manifestation générale à Paris réunissant fonctionnaires de l’éducation
nationale et syndicats.
53 Une solution a été proposée pour rendre compte de ce paradoxe apparent (cf. Abeillé
2005) : elle consiste à admettre qu’un syntagme introduit par une conjonction n’est pas
nécessairement coordonné (56a) ; il peut alternativement être ajout incident à la
phrase (56b-f).
(56) a. La France et l’Angleterre sont favorables à ce projet.
b. La France est favorable à ce projet, et l’Angleterre aussi.
c. La France est favorable, et l’Angleterre aussi, à ce projet.
d. La France est, et l’Angleterre aussi, favorable à ce projet.
e. La France, et l’Angleterre aussi, est favorable à ce projet.
f. *Et l’Angleterre aussi, la France est favorable à ce projet.
54 C’est l’analyse que nous admettrons ici : ainsi que et de même que sont ainsi recatégorisés
comme des conjonctions dans tous leurs emplois non phrastiques, mais ils peuvent, à la
différence de comme, fonctionner aussi bien comme membre coordonné que comme
ajout incident.
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Conclusion
55 Nous avons montré que les cas d’accord sujet-verbe de certaines suites en SN comme SN
ne sont pas un simple effet du parallélisme sémantique entre deux propositions mais
correspondent à l’existence d’une construction coordonnée en comme, où l’adverbe
connaît une recatégorisation en conjonction. Si la sémantique de cette coordination et
celle la comparative d’analogie présentent des similarités, en revanche, il existe un
contraste pragmatique et prosodique net entre les deux constructions. Ce double
fonctionnement est propre à comme et ne se retrouve pas tel quel avec les locutions
similatives ainsi que / de même que qui fonctionnent comme des coordonnants dans tous
leurs emplois non phrastiques.
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NOTES
1. Nous ne chercherons pas à préciser davantage ici les propriétés phonético-phonologiques de
l’incidence. Voir notamment Delais-Roussarie (2005, 2008). Nous régularisons dans cet article
l’usage écrit en encadrant systématiquement par des virgules le constituant incident.
2. Les exemples suivis de la mention LM proviennent du journal Le Monde. Ils ont été extraits du
Corpus Arboré de Paris 7 (Abeillé et al. 2003). Nous remercions à cet effet Clément Plancq pour
son assistance technique.
3. On utilise ici une forme syntaxiquement proche des ajouts comparatifs en comme : il s’agit
d’une subordonnée causale ajout à la phrase matrice ; c’est aussi une phrase à extraction qui
comporte un adverbe de degré extrait (cf. Desmets, à paraître).
4. Concernant les adverbes, on ajoutera un contraste supplémentaire qui distingue nettement les
deux tours. La comparative incidente, qui s’analyse comme un syntagme adverbial (Desmets
2001), peut être modifiée par l’adverbe tout, ce qui n’est pas de cas du conjoint en comme (cf. ia vs
ib) :
(i) a. La France, tout comme l’Angleterre, est favorable à ce projet.
b. *La France tout comme l’Angleterre sont favorables à ce projet.
5. Nous considérons qu’il s’agit là d’une propriété attachée aux conjonctions et non à la structure
coordonnée dans son ensemble. En effet, on observe le même blocage lorsque le syntagme
introduit par la conjonction fonctionne comme un ajout incident à la phrase (cf. Abeillé 2005 et
ici même, section §4) :
(i) Paul a, et tout le monde le sait, échoué à l’examen.
(ii) *Et tout le monde le sait, Paul a échoué à l’examen.
6. La mobilité de la comparative d’analogie dans la phrase matrice (cf. 14) est typique de sa
fonction d’ajout à la phrase.
7. Nous simplifions ici quelque peu la distribution. Outre leur emploi dans les coordinations, les
SN sans déterminant sont possibles en fonction argumentale dans les citations (i), les
constructions à verbe support (ii), les contructions N prep N (iii), ainsi qu’avec un mot comparatif
dans les contextes à polarité négative (iv).
(i) « Soleil » est un mot masculin en français.
(i) Décision a été prise d’abandonner ce projet.
(iiii) Il a bu bière sur bière.
(iv) Vous ne trouverez pas hôtel plus chic dans la région.
8. On sait que cette contrainte peut être violée en anglais lorsque la coordination met en jeu une
relation de discours causale avec un effet contraire aux attentes (i), une relation de conséquence
(ii) ou une relation de succession (iii) (cf. Ross 1967, Goldsmith 1986, Lakoff 1986 et plus
récemment Kehler 2002).
(i) How much can you [drink _ ] and [not end up with a hangover the next morning] ? (Goldsmith
1986 : 135)
(ii) That's the stuff that the guys in the Caucasus [drink _] and [live to be a hundred]. (Lakoff
1986 : 156)
(iii) Here's the whiskey I [went to the store] and [bought _ ]. (Ross 1967 : 94)
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La situation est différente en français, comme l’illustre l’acceptabilité dégradée des exemples
suivants (cf. Mouret 2007) :
(iv) ??Je me demande combien de bières on peut boire et quand même rester sobre.
(v) *C'est le genre de régime que Marie aimerait bien [faire _ ] et [enfin rentrer dans sa robe].
(vi) *Voici le whisky que Paul [est allé au supermarché] et [a acheté _ ].
9. Cette dernière possibilité, connue sous le nom d’extraction parasite, est contrainte en français.
Elle est soumise à variation dans les infinitives (i) et interdite (pour tous les locuteurs) lorsque
l’ajout est non fini (ii).
(i) %C’est un livre qu’il a soigneusement rangé - après avoir lu -.
(ii) *C’est un livre qu’il a soignement rangé - après qu’il a lu -.
10. Nous reprenons brièvement dans cette sous-section les généralisations de Desmets (2001,
chp. 4). Pour une approche différente, voir Moline (2001, 2008b).
11. Ce calcul diffère légèrement de l’analyse de Desmets (2001) qui propose que comme mette en
relation deux propriétés respectives des éléments comparé et comparant. On maintient ainsi
l’idée d’une relation de similarité entre les deux propriétés ; alors que pour Amsili et al. (2008) il y
a identité. Nous ne tranchons pas ici cette question qui n’a pas d’incidence majeure sur les
analyses présentées.
12. Au delà de la sémantique propre à comme, qui associe deux arguments de même type
sémantique, ajoutons que le parallélisme est une caractéristique constructionnelle générale, à
l’œuvre tant dans les comparatives (scalaires et non scalaires) que dans les coordinations de
propositions (cf. Amsili et al. 2008). Il impose une structure de dépendance du verbe similaire,
voire identique, dans chacune des propositions. Cette contrainte explique en particulier la
possibilité d’avoir des réalisations fragmentaires dans la seconde phrase, elle en est la condition
nécessaire. Elle expliquerait peut-être également le fait que les cas d’analogie comme en (i), où
un événement est comparé à un état, soient sémantiquement mal formés :
(i) #Dans cette famille, le père est français, comme la mère a éternué bruyamment.
13. Il existe une autre forme parenthétique de comparative en comme, appelée ajout reportif,
utilisée pour mettre en mention ou rapporter un énoncé (La bourse s’est effondrée, comme l’avait
prédit Le Monde ; des discours « politiquement corrects », comme disesnt les Américains).
Sémantiquement, la relation permet de mettre en conformité deux actes de langages (celui de
l’énoncé rapporté et celui qui le rapporte) Les propriétés de l’ajout reportif sont semblables à
celles de l’ajout d’analogie : il n’y pas de contribution au niveau de la proposition dénotée par la
phrase matrice (le contenu de l’ajout n’entre pas dans ses conditions de vérité), mais la
contribution se fait au niveau de l’énoncé et des relations de discours. Pour plus de détails voir
Roussarie & Desmets, 2003.
14. Si la comparative d’analogie est parenthétique, toutefois, elle n’est pas « speaker oriented », à
la différence des adverbes d’énoncés (cf. Bonami & Godard 2006, Potts 2005).
15. Nous citons ci-après la remarque qu’un relecteur nous a faite (qu’il en soit ici remercié) à
propos des effets d’ironie découlant de l’utilisation d’une proposition comparante fausse, et qui
confirme notre analyse sémantique de la comparative d’analogie :
(i) Tu parles, ce type est mexicain, comme moi je suis russe !
En (i), il y a un décalage entre le contenu de la comparative, qui n’est pas asserté, et le contenu de
la principale, qui lui l’est. En « disant « p, comme q » le locuteur affirme que p est vrai et suggère
que p et q ont les mêmes conditions de satisfiabilité—ce faisant il suggère donc que q est vrai. Et
c’est précisément cela qui provoque l’effet d’ironie en (i). Si (i) était un acte illocutoire sincère F0
5B
« ce type est mexicain » est vraie, et suggère d’autre part que cette proposition a le même degré
de satisfiabilité que « je suis russe ». Or, dans le contexte, il est clair que le locuteur n’est pas
russe, il ne peut donc pas être sincère quand il affirme « ce type est mexicain ». »
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16. On fait l’hypothèse que cette propriété provient de la sémantique du comme comparatif,
puisque discriminer deux éléments est une condition inhérente à la sémantique de la
comparaison.
17. Ce type de résolution est l’analyse « standard » proposée pour la sémantique des
coordinations (cf. Gazdar 1980, Partee & Rooth 1983).
18. On notera toutefois que la négation et l’interrogation sont parfois délicates à obtenir dans ces
phrases.
RÉSUMÉS
Le mot comme peut, lorsqu’il relie deux SN sujets, donner lieu à deux types d’accord : dans le cas
d’une comparative elliptique dite « comparative d’analogie » ajout à la phrase, le verbe s’accorde
avec le premier sujet réalisé et la séquence introduite par comme est prosodiquement
« incidente ». Dans le cas d’un accord avec la construction SN comme SN dans son ensemble, la
séquence est au contraire prosodiquement intégrée ; nous montrons qu’il s’agit là d’une structure
coordonnée, avec une recatégorisation de l’adverbe comme en conjonction. Sur le plan
interprétatif, en revanche, la construction coordonnée conserve certains traits de l’ajout
comparatif. La différence se situe au niveau pragmatique : la contribution de la comparative
d’analogie relève du commentaire en arrière plan alors que la contribution de la coordination
appartient au contenu principal asserté. Ce double fonctionnement ne s’étend pas tel quel aux
autres formes similatives du français (ainsi que, de même que).
When it links two NP subjects, the French word comme may trigger two kinds of agreement: in
the case of an elliptic comparative clause, called « comparative of analogy », which is an adjunct
to the main clause, the verb agrees with the first subject, and the comme-phrase is prosodically
incidental. In the case of an agreement with the whole NP comme NP construction, the comme-
phrase is prosodically integrated; we show that it must be analyzed as a coordinate construction,
with the adverb comme recategorized as a conjunction. At the semantic level, however, the
coordinate construction still displays some comparative features. The difference takes place in
pragmatics: the semantic contribution of the comparative of analogy construction is understood
as a background comment (i.e., it is a parenthetical phrase), whereas the contribution of the
coordination construction belongs to the content of the main assertion. This double behavior
does not extend straightforwardly to the other similative forms available in French (ainsi que, de
même que).
AUTEURS
FRANÇOIS MOURET
Université Rennes 2— UMR 7110- LLF
MARIANNE DESMETS
Université Paris Ouest-Nanterre—
UMR 7110- LLF & UMR 7114-Modyco
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I. Introduction
1 L’intervention de comme devant l’attribut de l’objet (AO) a bénéficié d’assez peu
d’attention dans la littérature sur la prédication seconde. Cela ne manque d’ailleurs pas
d’étonner, dans la mesure où le français a souvent recours à cet élément, plus souvent
que d’autres langues en tout cas (cf. Defrancq 1995). Son fonctionnement est par
conséquent assez mal connu. Jusqu’il y a peu, la communis opinio – exprimée entre
autres dans Guimier (1999) – le classait parmi les éléments à valeur sémantique nulle.
2 Or, cela est peu probable pour plusieurs raisons : premièrement, il y a de nombreux cas
où comme n’est pas admis dans une structure à attribut de l’objet. Des verbes comme
croire et rendre ne l’admettent pas :
(1) Pratiquement tout le monde la croyait morte. (LM 30/03/1994, p.12)
# Pratiquement tout le monde la croyait comme morte.
(2) La perspective de telles pertes le rend ombrageux et batailleur. (LM 12/01/1994,
p. 2)
# La perspective de telles pertes le rend comme ombrageux et batailleur.
3 Si comme ne fait aucune contribution sémantique à la phrase, cette résistance est
inexplicable.
4 D’autre part, il ressort très clairement des données que nous avons analysées dans le
cadre d’autres publications (Defrancq, 1996 ; Willems & Defrancq, 2000 ; Tobback, 2005 ;
Tobback & Defrancq, 2008) que comme n’intervient pas arbitrairement. Son
intervention est au contraire déterminée par la présence de certains traits au niveau de
la structure à attribut de l’objet. Ces traits, dont la corrélation avec la présence de
comme a été démontrée, sont assez divers : il peut s’agir d’un type spécifique d’attribut
(Willems & Defrancq 2000 ; Tobback 2005), d’un sens verbal particulier (Willems &
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83
(6) SN V SN AO
(7) SN V SN comme AO
11 Nous verrons que la situation est en fait plus compliquée, mais la simplification est
destinée à faciliter l’exposé théorique.
12 Cette position, qui est pour la grammaire constructionnelle ce qu’était la position
lexicaliste pour les générativistes, est contestée par certains. S’agissant des
constructions à particule, Cappelle (2006) propose un modèle constructionnel dans
lequel des structures alternatives seraient à ramener à une seule construction dont
certaines propriétés seraient sous-spécifiées. Cette construction se manifeste alors sous
différentes instanciations. Dans le cas des structures à particule, la construction
proposée par Cappelle intègre l’objet et la particule sans préciser l’ordre interne des
deux. Cet ordre est précisé au niveau des deux instanciations (« allostructions ») de la
construction2. Allostructions et constructions sont liées par des liens d’héritage, comme
ceux qui, dans la version standard de la théorie, lient des constructions à leurs
instanciations incorporées dans d’autres constructions.
13 Outre la simplification descriptive et l’avantage manifeste que présente une approche
qui lie des structures qui partagent un grand nombre de propriétés, Cappelle invoque
un argument acquisitionnel important pour défendre son orientation : la notion de
negative evidence, proposée par Goldberg (1995). La negative evidence réfère à l’absence de
données linguistiques d’un type particulier dans un contexte où l’enfant pourrait les
attendre lors de son apprentissage. Ce concept est introduit pour expliquer que les
enfants, quand ils apprennent leur langue, évitent d’étendre l’usage d’une construction
à des cas où celle-ci n’est pas présente dans le stimulus linguistique, quand bien même
les conditions sont appropriées pour son apparition. Plus concrètement, l’on constate,
dans le cas de la construction à particule, que l’ordre objet-particule est fixé pour
certains verbes et que l’on ne trouve donc qu’une des deux variantes. Pour expliquer
que le processus d’apprentissage ne donne pas lieu à une généralisation des deux
ordres pour tous les verbes concernés, il ne suffit pas d’admettre que ce processus est
conditionné par l’exposition de l’enfant à la construction admise. Il faut en même
temps admettre qu’intervient aussi la non-exposition de l’enfant à la construction non
admise (negative evidence) dans des circonstances pourtant appropriées pour l’usage
de celle-ci. Cette absence de données d’un type spécifique permet à l’enfant de faire des
inférences sur l’impossible linguistique. Or, pour que les données négatives relatives à
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l’une des constructions puissent avoir un impact sur l’autre construction, il faut que
l’enfant ait établi un lien entre la construction admise et la construction non admise. Si
ces deux constructions sont des entités entièrement différentes, il est difficile de
rendre compte de ce lien établi.
14 Même si des différences existent entre la structure à particule et la structure à AO au
niveau du rapport entre les deux structures en jeu, l’approche de Cappelle semble
pouvoir être appliquée aux cas qui nous concernent. Concrètement, une telle
application consisterait à préconiser l’existence d’une construction à AO sous-specifiée
pour la forme qu’adoptera l’AO (avec ou sans comme, indiquée ici par le truchement
d’un X puissance AO) et d’analyser la version sans comme et la version avec comme
comme deux allostructions de la construction sous-spécifiée :
(8) N V SN XAO
> SN V SN AO
> SN V SN comme AO
15 Un obstacle éventuel à une telle description réside dans le statut de comme. L’approche
de Cappelle s’applique en effet à des structures dont seul l’ordre interne de deux
constituants est différent. Dans le cas qui nous concerne, la différence formelle entre
les deux structures est moins anodine, puisqu’une des structures fait intervenir un
élément dont l’autre ne se sert pas. Il suffit toutefois de pousser la réflexion de Cappelle
un peu plus loin pour rendre compte de cette intervention. Cappelle assimile le rapport
entre allostructions à celui qui existe entre des allomorphes (d’où le nom
« allostructions » d’ailleurs). Or, comme Cappelle le suggère lui-même, dans des paires
d’allomorphes, il y a souvent un membre marqué et un membre non marqué, la
différence entre ces deux se reconnaissant à des restrictions d’usage (et une moindre
fréquence) ou à la complexité du morphème. Si tel est le cas dans les structures
examinées ici, la structure avec comme constituerait sûrement l’allostruction marquée,
parce qu’elle est plus complexe et parce qu’elle est moins fréquente (Willems &
Defrancq 2000 ; Tobback 2005 ; Tobback & Defrancq 2008). Comme ne fait plus alors
obstacle à une description en termes d’allostruction. Il renforce au contraire une telle
analyse, dans la mesure où c’est lui qui sert de marque au membre marqué de la paire
d’allostructions.
16 Dans ce qui suit, nous allons examiner laquelle des deux analyses est la plus plausible
dans le cas des structures à attribut françaises : l’analyse en constructions différentes
ou celle en allostructions. Pour ce faire, nous allons d’abord examiner les propositions
qui ont été faites en grammaire constructionnelle en rapport avec la description des
structures à AO. Celles-ci portent exclusivement sur la structure sans comme.
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1. La construction résultative3
Présentation
19 La construction résultative qui nous intéresse est celle qui est appelée “causative
property resultative” (CPR). Elle fait l’objet de recherches intensives dans le cadre de la
grammaire constructionnelle (cf. Goldberg 1991, 1995 ; Goldberg & Jackendoff 2004 et
les références citées dans ces travaux). La CPR est extrêmement productive en anglais
et dans d’autres langues germaniques. En anglais du moins elle fait partie de ce que
Goldberg & Jackendoff (2004) proposent d’appeler une “famille de constructions
résultatives”, c’est-à-dire un ensemble de “sous-constructions” relevant d’un sens
résultatif commun. Le sens de la CPR peut être glosé de manière rudimentaire comme
suit :
(9) ‘subject makes object become AP by V-ing it’ (Goldberg & Jackendoff 2004 : 533)
Son intérêt réside avant tout dans sa capacité à rendre compte de structures
résultatives qui ne sont pas encodées telles quelles dans le lexique verbal. Il s’agit,
notamment, pour l’anglais, de structures transitives, complétées d’un syntagme
résultatif (10) ou de structures transitives dotées d’un “fake object” et d’un syntagme
résultatif (11) :
(10) The gardener watered the flowers flat. (=(7a) in Goldberg & Jackendoff, 2004 :
536)
The gardener makes the flowers become flat by watering them
(11) They drank the pub dry (= (8a) id.)
They make the pub become dry by drinking
Le sens de la construction peut être vu comme le résultat de l’union de deux sous-
événements : le sous-événement verbal (“verbal subevent”), déterminé par le verbe de
la phrase, et le sous-événement constructionnel (“constructional subevent”), qui est
déterminé par la construction elle-même. Dans la plupart des cas, le sous-événement
verbal dénote le moyen (“the means”) par lequel l’événement constructionnel se
réalise. L’exemple (10) se laisse paraphraser comme suit : ’The gardener made the
plants flat BY watering them’. De manière plus schématique, cette construction peut
être représentée de la manière suivante :
(12) Causative property resultative (CPR)
Syntax : NP1 V NP2 AP3
Semantics : X1 CAUSE [Y2 BECOME Z3]
MEANS : [VERBAL SUBEVENT]
20 Dans cette description, le sujet (NP1) occupe le rôle d’agent qui est de préférence un
être animé, instigateur de l’action dénotée par le verbe. L’objet (NP2) détient le rôle de
patient. Ce qui importe le plus pour le terme NP2, c’est qu’il fonctionne comme un
argument de la construction elle-même (et pas nécessairement du verbe) et qu’il
correspond à un argument susceptible de subir un changement d’état. L’attribut (AP3),
quant à lui, est décrit comme un syntagme adjectival (AP) non introduit, les études ne
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86
faisant pas état de la possibilité pour le syntagme résultatif d’être introduit par un
élément tel que as (’comme’). Les adjectifs admis dans la construction ont pour
propriété essentielle qu’ils impliquent la présence d’une borne initiale clairement
délimitée et ils ne peuvent de ce fait en principe pas être gradables. Des adjectifs tels
que asleep/awake (’endormi/ réveillé’), open/shut (’ouvert/fermé’), full/empty (’plein/
vide’) sont par exemple tolérés, contrairement à des adjectifs du type funny/happy
(’drôle/heureux’) :
(13) * He drank himself funny/happy. (Goldberg 1995 : 195)
De plus, les adjectifs ne peuvent pas être dérivés de participes présents ou passés :
(14) She painted the house red.
* She painted the house reddened.
* She painted the house reddening.
21 La construction résultative est, enfin, soumise à une restriction aspectuelle : l’action
dénotée par le verbe doit causer immédiatement le changement d’état exprimé par le
syntagme résultatif : le changement d’état doit intervenir simultanément avec la borne
finale de l’action dénotée par le verbe (Goldberg 1995 : 193-194).
Application au français
22 Goldberg & Jackendoff affirment que beaucoup de langues, telles que le français et le
japonais n’ont pas la construction résultative proprement dite. Dans ces langues,
l’usage de la structure à AO ne s’étendrait pas au-delà du cercle restreint de verbes dont
le sens est résultatif, tels que make ou render. Il est vrai que les équivalents français des
verbes anglais dont la compatibilité avec la CPR est notoire, refusent tous l’AO :
(15) He rubbed the plate dry (Aarts 1995 : 77)
Il a frotté l’assiette sèche
(16) Harry shot Sam dead. (Golberg 1995 : 194)
* Harry a tiré sur Sam mort.
(17) This nice man probably just wanted Mother to ... kiss him unconscious.
(Shields, in Goldberg 1995 : 181)
* Ce gentil monsieur voulait probablement que maman l’embrasse inconscient.
Plusieurs auteurs (Nilsson-Ehle 1953 ; Olsson 1976 ; Riegel 1996 ; Muller 2001)
mentionnent cependant la possibilité pour des verbes non résultatifs d’entrer dans une
structure résultative. Au vu des exemples suivants, ces structures semblent
généralement bien correspondre au sens constructionnel proposé pour la CRP :
(18) Viens que je te coiffe belle (Nilsson-Ehle 1953, Olsson 1976)
je te rends (fais devenir) belle en te coiffant
(19) Ton costume, il te l’a taillé trop large (Riegel 1996)
il a rendu (fait devenir) ton costume trop large en le taillant
Ceci dit, nous ne disposons pas de données nous permettant de vérifier si ce type de
structures est fréquent en français. Les exemples cités sont des exemples forgés par les
auteurs et certains paraissent plutôt recherchés. De plus, il s’agit de verbes à
signification spécifique dont la compatibilité avec des syntagmes résultatifs semble
plutôt restreinte. Il serait donc nécessaire d’effectuer des recherches plus approfondies
sur ce type de structures, mais il n’est pas improbable qu’elles s’avèrent, en fin de
compte, nettement moins productives que dans les langues germaniques.
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2. La construction subjective-transitive4
Présentation
23 Gonzálvez-García (2003, 2006 & à par.) traite les structures espagnoles et anglaises avec
AO descriptif (“depictive predicate”) du type suivant :
(20) Encontré la silla bastante incómoda
’I found the chair quite uncomfortable’ (Gonzálvez-García, 2006 : 10)
(21) The audience considered the proposal (to be) interesting (Gonzálvez-García à
par. : 6)
L’auteur les analyse comme des exemples d’une construction appelée “subjective-
transitive construction” (CST). Le sens constructionnel décrit par Gonzálvez-García est
comme suit :
(22) “X (NP1) expresses a direct personal and categorical involvement over Y (NP2
XPCOMP” (Gonzálvez-García, 2006 : 10)
24 Par “categorical”, Gonzálvez-García (2006) réfère à “a forceful rather than a tentative
or conjectural stance on the part of the subject/speaker towards the content of the NP
XCOMP” (note 12, p. 39). Les termes “direct” et “personal” ont trait, d’après Gonzálvez-
García (à par.), au fait que l’état de choses exprimé par le prédicat second (XPCOMP) est
le résultat d’une expérience directe éprouvée par le sujet en rapport avec l’entité
encodée par le terme NP2 (i.e. l’objet de la proposition) et que le sujet exprime un haut
degré de prise en charge (“commitment”) par rapport à l’état de choses exprimé par
XPCOMP. Comme il ressort des inférences sous (23), il est en effet impossible pour le
sujet de dire qu’il ne s’agit pas d’une opinion personnelle forte (23a) ou que le contenu
de la prédication [NP XCOMP] ne repose pas sur une expérience directe qu’il a éprouvée
(23b). Le haut degré de prise en charge se déduit de (23c) : l’opinion du sujet n’est pas
influencée par l’opinion d’autres personnes.
(23) I find her so sweet (BNC HGK 2426)
a. # but in fact I do not personally think that she is sweet at all
b. # although I haven’t actually had any direct experience with her, nor have I
met her in person – this is just an inference that I have drawn on the basis of what
people say about her.
c. although some of her colleagues think that she is a bit of an old dragon
(= (16) in Gonzálvez-García à par. : 10)
25 Gonzálvez-García soutient que la CST est sujette au phénomène de la “polysémie
constructionnelle” (cf. Goldberg, 1995) : le sens constructionnel général subit certaines
modifications sous l’influence de la sémantique verbale. Gonzálvez-García (2006 & à
par.) distingue quatre classes sémantiques différentes donnant lieu à quatre variantes
de la CST :
• les verbes de perception sensorielle ou cognitive (ex. consider, think, believe, find, see pour
l’anglais ; considerar, pensar, creer, encontrar, ver, pour l’espagnol) donnent lieu à la
construction subjective-transitive évaluative. L’exemple (23) précité est un exemple de
cette construction.
• les verbes d’appellation, de (dé-)nomination et de communication officielle (ex. call,
name, label, declare, pronounce pour l’anglais ; llamar, denominar, decir, pour l’espagnol)
apparaissent dans la construction subjective-transitive déclarative.
• les verbes causatifs ou de volonté (ex. want, order, need, pour l’anglais ; querer, ordenar,
necesitar, pour l’espagnol) figurent dans la construction subjective-transitive manipulative.
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• les verbes exprimant une appréciation ou une préférence (ex. like, wish, prefer pour l’anglais
; gustar, desear, preferir pour l’espagnol) donnent lieu à la construction subjective-transitive
générique.
26 Les différents composants de la construction subjective-transitive sont dotés des
propriétés sémantiques et pragmatiques suivantes, toujours d’après Gonzálvez-García
(2006) et à par. :
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par. : 12). De manière plus concrète, la CST (évaluative) n’admettrait pas en fonction
d’AO les SPrép. ayant une lecture locative littérale, les participes présents à caractère
verbal clair ou à caractère dynamique, les SAdv. et les SN identificationnels.
30 L’analyse de Gonzálvez-García a certainement l’avantage de réunir un grand nombre de
cas dans un cadre descriptif unique et de rendre compte des parallélismes et des
différences entre les types. Il reste bien sûr des zones d’ombre qu’il serait peu utile
d’explorer toutes ici. L’une d’entre elles a, toutefois, retenu notre attention, parce
qu’elle est importante pour la suite : dans la classe des verbes d’appellation, de
(dé)nomination ou de communication figurent des éléments tels que denominar, titular
et label, name, nickname, pronounce tag, title. Certains de ces éléments régissent toutefois
une structure au sens nettement résultatif, ce qui les rangerait plutôt du côté des CPR.
Dans l’exemple suivant, il est indéniable que le procès dénoté par pronounce mène à un
état résultant dénoté par l’AO. :
(24) The reverend pronounced them husband and wife.
31 Dans ce qui suit, nous limiterons dès lors la catégorie des verbes “d’appellation, de
(dé)nomination et de communication officielle” aux seuls éléments qui soient
susceptibles de dénoter une communication (officielle ou non) sans donner lieu à un
sens résultatif. Les verbes de nomination et d’appellation entraînant un sens résultatif
seront regroupés dans la catégorie des constructions résultatives.
Applicabilité au français
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90
(27) Heureusement, les militaires sont bruyants, ils les entendent arriver. (LM
31/01/1994, p. S25)
(28) Avant un discours, elle l’a vu “ silencieux… terriblement pâle, tout le sang
affluait au coeur”. (LM 24/01/1994, p. 2)
36 Ce problème se pose d’ailleurs aussi pour l’espagnol et l’anglais. Dans des énoncés
comme les suivants, la signification subjective-évaluative ne semble en effet pas
présente :
(29) Pues he pasado bastantes veces por delante y no lo he visto muy lleno
(www.halaunion.com, ’je suis passé plusieurs fois (devant ce restaurant), et je ne l’ai
pas vu très plein’)
(30) “I didn’t even know he was drunk until I saw him sober,” said Edna, Finley’s
wife of 46 years. (http://sobersources.blogspot.com, ’je ne savais même pas qu’il
était ivre, jusqu’au moment où je l’ai vu sobre’)
37 Pour d’autres types de verbes, tels que savoir ou découvrir, l’idée de la prise en charge
catégorielle et personnelle de la part du sujet paraît difficilement compatible avec la
présupposition qui est attachée à la prédication seconde :
(31) On les savait talentueux, mais trop esseulés. (LM 23/02/1994, p. 12)
(32) Souvent, cette matière mal dégrossie suggère une idée brillante, qu’on prend
plaisir à découvrir aussi vivante et indomptée. (LM 08/02/1997, p. 29)
38 De manière plus générale, Tobback (2005) a relevé la présence de plusieurs éléments
liés à la structure elle-même ou à son contexte d’énonciation qui tendent à contredire
l’idée d’une prise en charge personnelle forte de la part du sujet. Les éléments invoqués
ont trait, entre autres, à la présence importante des sujets on et à l’absence d’éléments
contextuels référant à des divergences de vue entre les différents participants au
contexte d’énonciation (le sujet, le locuteur et d’autres participants éventuels). Il
semblerait donc qu’une formulation plus neutre du sens soit nécessaire pour le
français. Cette formulation aurait intérêt à s’inspirer de la description qu’Achard (1998)
propose pour ce qu’il appelle “conceptualizing subject constructions” (CSC), dans la
mesure où les verbes qu’il étudie correspondent plus ou moins à ceux qui sont cités par
Gonzalves-García. Selon Achard, la CSC a pour fonction de décrire la
“conceptualisation” par le sujet de la “scène” dénotée par le complément : “the main
clause subject conceives that event for the specific purpose of reporting it, expressing
her perception, belief, desire of it, or voice her feelings about it. This purpose can be
viewed as the expression of the specific way in which [the subject] conceptually relates
to the event profiled in the complement […]” (Achard 1998 : 177).
39 Cette description globale convient parfaitement pour les structures à AO qui nous
concernent ici. Dans tous les cas, il est possible de dire, en effet, que le sujet principal
[SN1] “conceptualise” le contenu de la relation prédicative seconde d’une certaine
manière, tandis que le verbe dénote la nature précise du rapport existant entre le sujet
et le contenu de la prédication seconde. Dans la suite de l’exposé, nous remplacerons
dès lors le sens constructionnel proposé par Gonzálvez-García 2006 (cf. 22) par le sens
neutre suivant :
(33) “X (NP1) conceptualise Y (NP2 XPCOMP)”
40 2. Certaines des propriétés décrites comme prototypiques de la structure subjective-
transitive sont trop restreintes pour les structures à AO françaises. Nos données de
corpus contiennent, en effet :
41 – des AO adverbiaux dont certains renvoient d’ailleurs à un lieu au sens littéral :
(34) On la croit ici, elle est ailleurs. (LM 10/02/1994, p.R05)
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3. Bilan
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1. Le lexique verbal
50 La distribution sur le lexique verbal des attributs avec comme et celle des attributs sans
comme est différente. Projetée sur les différents types présentés sous 3, la situation est
la suivante :
SN V SN AO + + + + + +
SN V SN comme AO - + + + + +
51 Pour la CPR, l’AO en comme est seulement attesté pour le type ’nomination’, les verbes
causatifs tels que rendre n’admettant pas la présence de comme :
(44) Par appel nominal des 163 conseillers, et à bulletin secret, l’assemblée
municipale devait élire Jean Tiberi comme maire de Paris. (LM 23/05/1995, p. 7)
(45) Interpréter Beethoven sur des cordes en boyau et sur des instruments à vent
d’époque, forcément plus périlleux, revient à le rendre (*comme) le plus vivant
possible. (LM 13/01/1994, p. R01)
52 Pour la CST, l’AO en comme se retrouve dans toutes les classes sémantiques distinguées
pour les structures sans comme :
– verbes de perception sensorielle ou cognitive :
(46) Il suffit d’oser les approcher, de ne plus les considérer comme lointains,
inaccessibles, forcément réservés à ceux qui savent. (LM 28/01/1994, p. R09)
(47) D’un côté, les Grecs ne peuvent s’empêcher de mettre le conflit aux origines, et
de penser le politique comme conflictuel. (LM 13/09/1994, p. 2)
– verbes de communication (officielle) :
(48) Mais si la santé des femmes a été affirmée comme une préoccupation centrale
des politiques de population, le plaidoyer en faveur de leur émancipation s’est
heurté à de fortes résistances [...]. (LM15/09/1994, p. 1)
– verbes causatifs ou de volonté :
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2. La sémantique verbale
55 Lorsque les deux structures co-existent pour un même verbe, elles sont en général
difficiles à distinguer sur le plan sémantique. Les deux exemples suivants décrivent en
effet rigoureusement la même réalité :
(54) Le président de l’Union européenne, Lamberto Dini, a jugé les arrestations de
Radovan Karadzic et du général Mladic comme “hautement désirables” [...]. (LM
15/06/1996, p. 3)
(55) Pierre Guillen (qui dirigeait la délégation du CNPF), a jugé ce compromis
“coûteux pour les entreprises” [...]. (LM 11/02/1994, p. 15)
56 Willems & Defrancq (2000) signalent cependant un certain nombre de cas parmi les
verbes de perception où la structure en comme ne s’interprète jamais comme une
instance de perception. Le contraste entre les deux phrases de l’exemple suivant est
éloquent :
(56) Il faut voir les poches de pauvreté de nos banlieues. Il ne faut pas voir nos
banlieues comme des poches de pauvreté (Le Monde, 08.03.1994 = (32b) dans Willems
& Defrancq, 2000)
57 Dans la première phrase, voir est utilisé comme verbe de perception, alors que, dans la
deuxième, le procès qui est décrit s’oriente plutôt vers l’opinion. Obtenir un sens
perceptif en présence de comme semble impossible. Ceci serait un argument en faveur
d’une description de la structure en comme en termes d’une construction à part
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entière : un sens particulier associé à une propriété formelle distincte doit en principe
donner lieu à une construction distincte. Seulement, d’après Willems & Defrancq, le
même glissement sémantique peut être observé dans une structure à AO sans comme :
(57) Dans la vie comme dans les albums de bandes dessinées, les hommes, ils les voit
plutôt amers, dupés, comme les personnages de Céline [...]. (Le Monde, 08.01.1994, =
(21) dans Willems & Defrancq, 2000)
58 Autrement dit, les propriétés sémantiques particulières des structures en comme font
partie de la gamme qu’offrent aussi les structures sans comme. Plutôt que d’être un
argument en faveur de la constitution d’une nouvelle construction, elles plaident donc
en faveur d’un rapport étroit entre les deux structures. Que la structure en comme soit
parfois soumise à des restrictions sémantiques est tout à fait attendu, si l’on admet
qu’elle est la variante marquée.
59 Plusieurs études ont relevé des différences catégorielles au niveau de l’AO selon que
celui-ci est accompagné ou non de comme (cf. Defrancq, 1996 ; Guimier, 1999 ; Willems &
Defrancq, 2000 ; Tobback 2005 ; Tobback & Defrancq, 2008). La tendance globale qui se
dégage est que l’AO en comme est un syntagme nominal, alors que l’AO sans comme est
un adjectif, un syntagme prépositionnel ou une forme verbale (infinitif, participe
passé). Ceci vaut avant tout pour les structures du type CST, les CPR n’offrant
généralement pas le choix entre deux catégories.
60 Comme indiqué, il s’agit de tendances, la seule combinaison réellement exclue étant
celle où comme accompagnerait un infinitif :
(58) Comme on fait un vœu en regardant passer une étoile filante, il a dit qu’il était
“convaincu qu’en France, on peut changer la vie”. (LM 01/03/1994, p. 8)
* Comme on fait un vœu en regardant comme passer une étoile filante...
61 Ces tendances dépendent vraisemblablement de la mesure dans laquelle il y a
compatibilité entre la fonction de l’AO, qui est une fonction prédicative, et les
catégories grammaticales impliquées. Les catégories Verbe et Adjectif sont plus
compatibles avec la fonction de prédicat que la catégorie Nom (cf. Croft, 1991). Les
premières auront donc moins de chances de recevoir une marque spéciale en tant
qu’AO (Tobback, 2005).
62 Ce point de vue est conforté par des micro-variations au niveau de la catégorie
nominale : si l’AO est un nom, il sera plus souvent marqué par comme quand il est
accompagné d’un déterminant que quand il est seul (Tobback, 2005 et Tobback &
Defrancq, 2008):
(59) Des militaires syndiqués, il est permis de l’être ici, ont, peu charitablement,
accueilli son départ comme “un cadeau de Saint-Nicolas”. (LM 10/12/1994, p. 4) 5
63 Or, plusieurs auteurs ont souligné la proximité sémantique entre les noms non
déterminés et les adjectifs (Van Peteghem, 1993 ; Goes, 1999).
64 Vu leur nature, les différences catégorielles au niveau de l’AO ne semblent pas justifier
un traitement qui consisterait à distinguer deux constructions à part entière. Reposant
essentiellement sur des tendances, les différences ne permettent pas de dresser des
profils définitoires distincts pour les deux structures. D’autre part, si l’intervention de
comme peut être liée localement aux propriétés catégorielles inadaptées de l’AO,
l’hypothèse de la variante marquée gagne du terrain.
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65 Tobback (2005) a relevé des différences entre la structure en comme et la structure sans
comme au niveau de la structure informationnelle des énoncés concernés. L’objet direct
d’une structure sans comme est plus souvent topical, alors que l’AO est focal. Dans les
structures en comme, l’objet direct est plus souvent focal et l’AO présupposé.
Concrètement, cela se traduit entre autres par une proportion plus importante d’objets
pronominaux en l’absence de comme et par une proportion plus importante d’AO
antéposés à l’objet en présence de comme (voir aussi Tobback & Defrancq, 2008) :
(60) On les connaissait studieuses ou musicales, théâtrales ou chorégraphiques,
bibliques ou archéologiques. (LM 09/07/1994, p. R02)
(61) La NRA milite pour l’annulation des restrictions imposées à l’achat et au port
d’armes, et elle identifie comme “ennemies” les agences fédérales dont la
mission est de faire respecter la législation dans ce domaine. (LM 27/07/1995,
p. 3)
66 Les différences sont observables aussi bien dans le cas des CPR ‘nomination’ que dans le
cas des CST.
67 Ces configurations s’expliquent une fois de plus si l’on admet que la structure en comme
est la variante marquée de la structure sans comme. La configuration ‘sujet topical –
prédicat focal’ est la structure informationnelle par défaut dans beaucoup pour ne pas
dire toutes les langues (Lambrecht, 1994). Transposée au domaine de la prédication
seconde, la configuration ‘objet topical – AO focal’ est donc la structure par défaut. C’est
celle précisément qui est normalement dépourvue de comme. La configuration ‘objet
focal – AO présupposé’ est marquée, ce qui peut se traduire sur le plan formel par
l’intervention de comme.
68 Quant à savoir quelle est la meilleure façon de formaliser ces données, l’approche
semble devoir être la même que dans le cas précédent : il est peu adéquat de formaliser
par des constructions différentes des configurations qui ne reposent que sur des
tendances et, l’intervention de comme étant clairement liée à une configuration
marquée, il semble plus approprié d’envisager la description en termes de membres
marqué et non marqué d’un couple de structures.
V. Conclusion
69 Tout porte à croire qu’une description en termes d’allostructions serait plus productive
dans le cas qui nous concerne qu’une description en termes de constructions
différentes : les arguments invoqués pour défendre la thèse des deux constructions se
sont avérés caducs et les données observées privilégient une description en termes de
variantes marquée et non marquée d’une construction de base.
70 Concrètement, comme il y a deux cas différents, ce qu’il convient de proposer est
l’existence en français de deux constructions de base. Ces constructions sont sous-
spécifiées quant à la forme que prend l’AO et quant aux propriétés sémantiques et
pragmatiques de l’objet et de l’AO :
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La CPR
72 Pour le français, la CPR est essentiellement valable pour les verbes de nomination. Le
sens constructionnel des deux allostructions de la CPR est identique :
(62) ‘SN1 fait devenir SN2 AO en le V-ant’
73 Les propriétés formelles et pragmatiques diffèrent selon que l’AO comporte comme ou
non. La différence essentielle concerne le statut informationnel des termes de la
construction : sans comme, SN2 est de préférence topical tandis que l’AO est focal ; en
présence de comme, l’AO tend plus souvent à faire partie du domaine de la
présupposition tandis que SN2 fournit le focus argumental de l’énoncé. Une autre
différence a trait à la catégorie grammaticale de l’AO, celui-ci étant dans la quasi-
totalité un SN non introduit par un déterminant en l’absence de comme, alors qu’il se
voit plus souvent accompagné d’un déterminant en présence de comme.
La CST
Tout comme pour la CPR, le sens constructionnel général est identique pour les deux
variantes de la CST :
(63) ’SN1 “conceptualise” le contenu propositionnel Y [SN2 – AO]’
74 La différence la plus importante entre les deux allostructions a trait ici à la catégorie
grammaticale de l’AO : en l’absence de comme, l’AO appartient dans la majorité des cas
aux catégories prédicatives du verbe (infinitif, participe passé, participe présent) et de
l’adjectif ; accompagné de comme, en revanche, l’AO privilégie de manière très nette la
catégorie du nom, celui-ci étant dans l’immense majorité des cas introduit par un
déterminant indéfini. Les différences informationnelles observées pour la CPR sont ici
moins prononcées, même si l’on observe une part plus importante de topiques continus
(i.e. SN2 pronominaux) au sein de la CST non marquée.
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NOTES
1. Dans les deux cas, l’objet est un SN défini et l’attribut un SAdj. ; le sujet et le verbe prennent
également des formes très comparables. La seule chose qu’il faudrait regarder de plus près (ainsi
que nous l’a suggéré le comité de lecture de la version précédente de l’article), c’est l’impact que
pourrait avoir l’éloignement de l’attribut par rapport à la tête du SN objet sur l’emploi de comme.
2. Tout en n’étant pas en distribution complémentaire, les deux allostructions ne peuvent pas
être décrites comme des variantes libres de la construction : le choix d’une des deux
allostructions est déterminé, en partie, par des facteurs liés à l’organisation informationnelle des
énoncés (cf. Capelle 2006).
3. Goldberg (1991, 1995), Goldberg & Jackendoff (2004).
4. Gonzálvez-García 2003, 2006 & à par.
5. La présence de comme est obligatoire : * Des militaires syndiqués ... ont peu charitablement accueilli
son départ un cadeau de Saint-Nicolas.
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RÉSUMÉS
Cet article examine les structures à attribut de l’objet en comme et sans comme dans le cadre
théorique de la grammaire constructionnelle. Il évalue, plus précisément, deux solutions qui ont
été envisagées dans ce cadre pour rendre compte du problème de l’existence de structures
minimalement différentes : la première analyse chacune des structures comme des constructions
différentes ; la deuxième consiste à les considérer comme des instanciations (ou “allostructions”)
d’une seule construction. Au terme d’une étude lexicale, sémantique, catégorielle et
informationnelle des structures attributives concernées, c’est l’analyse en termes d’allostructions
qui l’emporte, la structure sans comme étant la variante non marquée et celle avec comme la
variante marquée.
This paper examines resultative and depictive object complement structures with and without
comme (’as’) within the framework of construction grammar. It compares and evaluates, more
specifically, two solutions which have been proposed to tackle the existence of slightly different
structures : the first analyzes each structure as a distinct construction, whereas the second
solution consists in analyzing them as instantiations (“allostructions”) of one single construction.
Our lexical, semantic, syntactic and informational account of the object complement structures is
supportive of the second solution, the structure without comme (’as’) being the unmarked and the
comme structure the marked form.
AUTEURS
ELS TOBBACK
Université de Gand
BART DEFRANCQ
Haute École de Gand
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Introduction
1 Ainsi que l’ont montré un certain nombre d’études récentes (parmi lesquelles Fuchs,
1999 ; Léard & Pierrard, 2003 ; Fuchs & Le Goffic, 2005), le mot comme soulève des
questions à la fois distributionnelles et sémantiques : la grande diversité de ses
contextes d’emploi, alliée à un sens des plus ténus, en font une unité difficile à analyser.
Dans cette étude, nous nous concentrons sur une des constructions faisant intervenir
ce morphème, comme suivi d’un nom sans déterminant, afin d’analyser en détail les
interactions dans la construction du sens entre les propriétés du seul segment comme N
et celles qui relèvent de facteurs contextuels, en particulier de propriétés non
compositionnelles liées à la position du segment dans la phrase ; cette question est
d’autant plus intéressante qu’elle étend les données du problème aux dimensions du
texte et à sa structuration informationnelle.
2 Sauf mention contraire, les faits observés sont tirés d’un corpus écrit, ce qui confère
une importance particulière aux notions de périphérie et de détachement. On sait que la
première est à manier avec prudence dans la mesure où elle inscrit les faits dans un
repère spatial : ici, il s’agit de la phrase, délimitée par des frontières graphiques. Quant
au détachement, on s’accordera à dire avec Neveu (2003) qu’il ne peut « marquer une
identité fonctionnelle », pas plus qu’un trait sémantique régulier 1. Dans le cas des
segments en comme N, il est notable que l’absence de marque graphique de
détachement n’entraîne pas nécessairement une interprétation « intégrée »
(comparer (1) vs. (2)). Tout se passe comme si la virgule n’était nécessaire que dans le
contexte où constructions liée et détachée sont en réelle concurrence. Il faut noter
enfin que la virgule apparaît très peu dans les contextes de production où la norme
pèse faiblement, comme les forums et discussions en ligne.
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5 Le sémantisme du segment comme N n’est pas toujours facile à gloser. Cependant, une
première distinction se laisse observer à partir des exemples suivants :
(3) Et Charlotte Gainsbourg, vous aimez ? - Comme actrice elle se défend bien.
Comme fille à voir comme ça et à entendre elle est nulle. (Seguin, L’arme à gauche)
(4) Le patron d’l’auto-tampon Qui était très gentil, Comme musique de fond Y nous
a mis Johnny (Renaud, Mistral gagnant)
6 La commutation entre comme et en tant que est possible en (3) mais pas en (4) :
(3’) En tant qu’actrice elle se défend bien.
(4’) *En tant que musique de fond Y nous a mis Johnny.
7 Elle trahit une différence d’orientation de la prédication seconde PRED(comme N) :
en (3), celle-ci peut être glosée par « X est N » (« elle est actrice ») alors qu’en (4) la
glose sera « le N, c’est X » (« la musique de fond, c’était Johnny »). En (3), le locuteur
caractérise le référent de X en disant qu’il appartient à la catégorie désignée par N ; il
s’agit d’une opération de catégorisation de l’entité X. En (4), il indique quel référent
vérifie la propriété être N, il effectue l’extraction d’un élément X dans la catégorie {N}.
8 On peut décrire plus précisément cette différence comme une différence de structure
informationnelle3 de PRED(comme N) :
En (3) la structure est : [elle]TOPIQUE [ est actrice]FOCUS (autrement dit : X TOPIQUE [est
N]FOCUS) ; PRED(comme N) est donc une prédication à focus prédicatif (c’est le
prédicat qui est le focus).
En (4), le prédicat comme N/être N appartient à la présupposition, et c’est l’argument
X qui est le focus, l’information nouvelle ; PRED(comme N) est alors une prédication
à focus argumental4.
9 En résumé, on peut établir les structures informationnelles suivantes :
Catégorisation de X dans {N} :
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2. Position de comme N
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argumentatif, qui « concerne toujours le dire sous-jacent au dit » (Ducrot, 1980 : 126),
en l’occurrence le présupposé véhiculé par la phrase :
(6’/7’) a. #Non, il n’est pas maçon.
b. Mais il n’est pas maçon !
En (7), l’appartenance de mon voisin à la catégorie {maçon} est connue grâce au cotexte
explicite. En (8), l’appartenance de Salif à la catégorie {artiste} est inférée à partir du
cadre (album > son > artiste)
(8) Je pose en exclu un extrait de ce futur album C’est un son de Salif (que je kiffe
trop comme artiste) (Google – Comlive.net)
En (3), enfin, le locuteur suppose connue l’information [Charlotte Gainsbourg est une
actrice] en jugeant qu’elle fait partie des connaissances encyclopédiques partagées.
14 Cependant, si le respect de la maxime de qualité est la norme, l’exploitation des
infractions qui y sont faites est fréquente, et constitue même une source d’effets variés.
En premier lieu, la catégorie définie par N peut convenir plus ou moins bien à l’entité
dénotée par X (ou inversement, selon l’orientation de PRED(comme N)). Pour
appréhender ces faits, il faut adopter une approche prototypique (Rosch, 1973) qui
envisage l’appartenance à une catégorie de manière scalaire. Dans une telle
perspective, la catégorie la plus pertinente est celle qui est la plus fréquemment admise
pour une même entité X6. Ce serait par exemple le cas de {femme} pour Charlotte
Gainsbourg, pertinent par nature – mais on admettra qu’{actrice} est une catégorie
essentielle au même degré sans être une catégorie naturelle 7. Au fur et à mesure que
l’on s’éloigne de cette universalité du jugement d’appartenance, les catégories
deviennent de plus en plus contingentes, jusqu’au seuil de la non-pertinence, qui
relève généralement d’une infraction aux catégories naturelles (Joseph Staline et
{demoiselle} p.ex.). En figure :
Catégorie(s) essentielle(s) |—catégories contingentes—| Catégories non pertinentes
15 Le statut informationnel de N, qui est une propriété de structure du discours, peut
prévaloir sur sa pertinence. Ainsi, une catégorie fortement contingente qui a été
évoquée auparavant est active lorsqu’elle apparaît dans le segment comme N
(9) Tu savais que Chateaubriand nageait ? – Oui, et il était excellent, comme nageur.
16 Moins la catégorie sera effectivement accessible (catégorie contingente non
récupérable à partir du contexte), moins la présupposition semblera pragmatiquement
anodine. Si, visitant le nouvel appartement d’une connaissance (masculine), on affirme
par exemple :
(10) C’est charmant, comme garçonnière/taudis/cagibi.
17 on fait jouer à plein la discordance entre un jugement subjectif et son inscription forcée
dans les connaissances partagées. À cet égard, en faisant usage d’une catégorie peu
accessible, on augmente la quantité d’information nouvelle véhiculée par la prédication
seconde, jusqu’à en faire paradoxalement le véritable objet de la communication. C’est
ce procédé qui est mis en œuvre en [11], où le locuteur ne suppose pas connue la
prédication évaluative [les paroles de l’ancien ministre Jobert sont un aveu] mais la
présente pourtant comme telle grâce à la position périphérique de comme N.
[11] Le journaliste lui lance : « Mais enfin, à cette époque-là, vous étiez ministre des
Affaires étrangères ! » Et Jobert répond : « Pardon, j’étais l’illusionniste qui était
ministre des Affaires étrangères ! » C’est joli, comme aveu, non ? (Gary, Au-delà de
cette limite votre ticket n’est plus valable)
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Positions de comme N
Intégré au noyau
[13] Elle lui disait qu’elle travaillait comme repasseuse. (Blier, Les valseuses)
[14] Avec un front inaltérable, je prétendis que les légionnaires utilisaient ces
initiales comme abréviations. (Tournier, Le roi des aulnes)
N désigne le rôle, la fonction ou le statut avec lequel l’argument X participe au procès.
Ce support X est le plus souvent humain (13), mais peut être inanimé (14) ; le prédicat
est souvent un prédicat d’activité.
19 La prédication principale et la prédication PRED(comme N) sont interdépendantes d’un
point de vue vériconditionnel. D’une part, comme N contribue à la construction
sémantique de la prédication principale : si l’on supprime comme repasseuse ou que l’on
le remplace par un autre comme N, ses conditions de vérité sont modifiées. D’autre part,
la PRED (comme N) « elle est repasseuse » ou « ces initiales sont des abréviations » est
présentée comme étant vraie seulement dans le cadre du procès elle travaillait/les
légionnaires utilisaient ces initiales : le référent de elle en (13) peut très bien ne pas être
repasseuse de métier, et les abréviations de (14) peuvent faire l’objet d’une autre
utilisation.
20 Le segment comme N est présenté comme un choix dans un paradigme [fonctions] ;
comme N est un foyer au sens de H. Nølke (1994 : 129). Les autres éléments du paradigme
sont la plupart du temps sous-entendus, le paradigme étant à rétablir par le récepteur
[13’], mais ils peuvent aussi être donnés (15).
(13’) Elle lui disait qu’elle travaillait comme repasseuse. (s-e et non comme cuisinière)
(15) Elle travaillait comme repasseuse chez les Dupont le matin, et comme
cuisinière chez les Durand l’après-midi.
Nous utiliserons le terme paradigmatique plutôt que foyer pour éviter la confusion avec
la notion de focus de K. Lambrecht. En effet, un élément focus est toujours un foyer/
paradigmatique, mais l’inverse n’est pas vrai : en (16), Pierre et Paul sont deux éléments
topiques d’un même paradigme mis en contraste.
(16) [Pierre]TOP, il est gentil, mais [Paul]TOP, je ne l’aime pas.
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Périphérie Droite
21 Comme nous l’avons signalé, la localisation d’un segment comme N dans la périphérie
droite de la phrase ne s’appuie pas sur le seul marquage graphique du détachement, qui
n’est pas toujours discriminant8.
(17) Nous fîmes l’énuméré de tous les gens possibles parmi nos connaissances
communes. On ne trouvait pas. D’ailleurs ça ne tenait pas debout comme
accusation. (Céline, Voyage au bout de la nuit)
(18) il est vraiment génial comme acteur ! (Google –forum Allocine.fr)
22 Les segments comme N de la périphérie droite se caractérisent par un certain nombre de
propriétés communes, qui les opposent aux segments comme N intégrés au noyau :
23 (i) la prédication PRED(comme N) appartient toujours à la présupposition ;
24 (ii) elle est hermétiquement séparée de la prédication principale et ne joue aucun rôle
dans son interprétation, ce qui se vérifie par la possibilité d’une paraphrase avec
relative du type (19)a ou au moyen d’un SN muni d’un démonstratif (19)b 9 ;
(19) a. C’est bon, comme dessert. = C’est un dessert qui est bon
b. C’est bon, ce dessert.
25 (iii) comme N n’est pas paradigmatique, il n’apparaît pas comme un rôle, une facette du
support opposé à un(e) autre, ce que montre l’impossibilité de le mettre en contraste
explicite avec un autre comme N (20).
(20) Tenez, c’est bien curieux comme rencontre. (*mais comme N2…) (Goncourt,
Journal)
En outre, on remarque que comme N ne commute pas avec en tant que N lorsqu’il est en
périphérie droite, contrairement à comme N intégré :
(13’’) Elle disait qu’elle travaillait en tant que repasseuse.
(20’) *Tenez, c’est bien curieux en tant que rencontre.
Il s’avère donc que en tant que N ne peut être que paradigmatique 10.
26 Dans son étude consacrée aux segments comme N détachés à droite (2004), K. Lambrecht
relève ces propriétés comme étant caractéristiques d’une construction, appelée Right-
Detached Comme N (RDCN), à laquelle il prête les traits suivants :
• (i) Présence d’un verbe copule (ou assimilé11) dans la prédication principale
• (ii) Support Sujet clitique (démonstratif ou autre pronom)
• (iii) Nom nu détaché à droite du noyau verbal et précédé de comme ; l’ensemble est
inaccentué et extra-prédicatif
• (iv) Comme instaure une relation prédicative ayant le sujet du noyau verbal pour support et
la catégorie dénotée par le nom pour apport.
27 Un bon exemple de ces constructions serait (21) :
(21) C’est pas marrant, comme histoire. (Lambrecht, 2004)
28 Selon nous, cette définition mérite une discussion, car elle fait du RDCN une
construction trop spécifique. En premier lieu, on rencontre dans le noyau d’autres
types de verbes que les verbes copules et assimilés, même si ceux-ci sont plus
fréquents :
(22) C’était poisseux, ça collait comme atmosphère, ça dansait autour des becs...
c’était hagard comme sensation. (Céline, Mort à crédit)
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Périphérie gauche
30 Lorsqu’il est situé dans la périphérie gauche15, le segment comme N présente des effets
de sens plus variés qu’en périphérie droite. La présupposition de la PRED(comme N)
demeure cependant une constante sémantique :
(31) Et Charlotte Gainsbourg, vous aimez ? - Comme actrice elle se défend bien.
Comme fille à voir comme ça et à entendre elle est nulle. (Seguin, L’arme à gauche)
Alors que comme N en périphérie droite n’intervient pas dans la construction du sens de
la prédication principale, en (31) comme actrice limite la validité de la prédication elle
se défend bien. Comme N est de plus paradigmatique. Il est le plus souvent mis
explicitement en contraste avec un autre élément (comme actrice et comme fille à voir
comme ça et à entendre, mais on peut trouver un seul comme N, le paradigme devant alors
être rétabli par le récepteur. On pourrait ainsi avoir :
(32) Et Charlotte Gainsbourg, vous aimez ? - Comme actrice elle se défend bien. (s-e
mais sous d’autres aspects, je ne la trouve pas terrible)
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31 Comme N peut être opposé à un autre comme N2, mais aussi à un circonstant d’une autre
forme exprimant un point de vue (biologiquement, dans cette dimension en (33),) ou un
domaine notionnel (au ski en (34), rayon ampleur, noblesse, etc. en (35)) 16.
(33) Des « grandes années » pour moi, j’en compte... Voyons... à partir de l’âge de
vingt ans ?... Sept. Dans cette dimension, j’ai sept ans. - L’âge de raison. -
Biologiquement, c’est autre chose. Comme écrivain, j’ai vingt-cinq ans. (Gracq,
Lettrines)
(34) Et lui, il m’épatait au ski, mais seulement au ski, comme homme je le trouvais
plutôt vieux et moche au fond. (Anouilh, Chers Zoizeaux)
(35) Comme clown, il se défendait bien, mais rayon ampleur, noblesse, élans,
machins grandioses et inoubliables, il ne valait pas un pet. (Vergne, L’innocence du
boucher)
32 La facette N2 opposée à N peut apparaître dans une autre construction que comme N,
dans un SN attribut par exemple (36). Elle peut aussi ne pas apparaître explicitement,
mais être déductible du contexte : en (37), la danse espagnole en tant que spectacle est
mise en contraste avec la danse espagnole en tant qu’activité non professionnelle de
divertissement dansée dans les villages et les bals. En (38), Lyon comme port fluvial est
mis en contraste avec Lyon comme centre régional.
(36) Berthold était un chirurgien prodigieux. Mais comme professeur, il vidait les
amphithéâtres aussi sûrement qu’un bon typhus. (Pennac, La petite marchande de
prose)
(37) On danse encore la sevillana dans des villages très isolés, comme la bourrée en
Auvergne, mais à Séville on danse le fox-trot dans des bals électriques. Comme
spectacle, la danse espagnole a évolué du côté du music-hall. (T’Serstevens,
L’itinéraire espagnol)
(38) Comme port fluvial, son rôle a été dépassé, il l’est aujourd’hui de beaucoup par
Paris, Berlin, Mannheim. Mais l’originalité de Lyon est dans les multiples attaches
qui lient son développement à celui des contrées voisines. (Vidal de la Blache,
Tableau géographie France 2)
33 Mais comme N en périphérie gauche ne limite pas toujours la validité de la prédication
principale. En (36), par exemple, comme professeur ne restreint pas la validité de la
prédication il vidait les amphithéâtres aussi sûrement qu’un bon typhus, puisque celle-ci ne
peut être vraie que pour Berthold professeur (ce n’est que comme professeur qu’il peut
se trouver dans un amphithéâtre, non comme chirurgien). PRED(comme N) et la
prédication principale ne sont pas interdépendantes d’un point de vue
vériconditionnel ; les deux prédications sont liées par un simple rapport de pertinence,
comme N a une simple fonction de repérage de la prédication principale (à propos de
Berthold comme prof…).
34 Le test du déplacement de comme N en position intégrée met en évidence la différence
entre (31) et (36) : (31’) est possible mais (36’) est inacceptable, parce qu’un élément en
position intégrée, position des éléments focus, limite toujours la validité de la
prédication dans laquelle il apparaît.
(31’) Elle se défend bien comme actrice. (mais) elle est nulle comme fille à voir
comme ça et à entendre.
(36’) *Berthold était un chirurgien prodigieux. Mais il vidait les amphithéâtres aussi
sûrement qu’un bon typhus comme professeur.
35 Notons que les occurrences avec comme N restrictif sont souvent des prédications
d’évaluation ou de caractérisation, comme les occurrences avec comme N à droite. Dans
celles avec comme N non restrictif, les prédications sont beaucoup plus variées.
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36 Enfin, dans certaines occurrences, comme en (39], comme N en périphérie gauche, non
restrictif, n’est pas interprété comme paradigmatique, comme comme N en périphérie
droite. (39) semble équivalent de (39’) :
(39) Pendant que vous dormez, je lis vos livres, grand paresseux. Comme monument
c’est assez moche, n’est-ce pas ? (Proust, La Prisonnière) (*mais comme document, c’est
intéressant)
(39’) C’est assez moche comme monument.
37 Cependant, les deux sites ne sont pas totalement équivalents : il s’avère en effet que les
catégories les plus essentielles sont peu recevables en comme N détaché à gauche, d’où
le très discutable [40a] :
(40) a. ?Comme fille, elle est magnifique.
b. Elle est magnifique, comme fille.
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porte toujours sur l’activité N de l’individu et non pas seulement sur la période au cours
de laquelle il effectuait cette activité. Ainsi en [41], il est question du comportement de
M. Gladstone dans ses activités politiques.
(46) J’ai été chroniqueur à L’Équipe, puis journaliste au magazine Elle. Quand j’étais
chroniqueur à L’Équipe, j’habitais à Paris./ #Comme chroniqueur à L’Équipe,
j’habitais à Paris.
43 Certains segments comme N peuvent recevoir une interprétation causale. Comme
tendent à le montrer les exemples (42) et (43), il ne semble pas y avoir de solution de
continuité entre cette dernière et l’interprétation temporelle. En [42], la relation
existant entre la perception d’un salaire et le statut de nounou n’est pas une pure
concomitance, de même qu’en (43) le voyage est en partie motivé par la qualité de
chroniqueur du journal L’Équipe ; dans l’un et l’autre cas, toutefois, cet effet de sens
n’est pas prioritaire.
44 Par ailleurs, on peut légitimement supposer que la nuance causale émerge à partir de
l’effet de sens temporel – elle en serait en quelque sorte un après de la chronologie
notionnelle (voir Joly & Boone, 2004). Mais il faut pour cela que le contexte permette
d’établir une relation de motivation entre l’appartenance à la catégorie {N}, c’est-à-
dire PRED(comme N), et la prédication principale. Ainsi, en (47), c’est bien
l’appartenance à la catégorie {maire de la commune} qui induit la possibilité de
verbaliser, mais, à cela, la concomitance des deux prédications demeure encore une
condition nécessaire.
(47) Il l’arrêta avant que le dommage fût considérable […] et ne put lui arracher des
mains le fer et le feu qu’en lui remontrant que cette bibliothèque était une
propriété confiée à sa garde, qu’il en était le responsable, et que, comme maire de la
commune, il était d’ailleurs autorisé à verbaliser même contre un archevêque
dilapidateur. (Sand, Histoire de ma vie)
45 D’un point de vue topologique, les segments comme N à sens causal se rencontrent
insérés en trois sites de la phrase : en position initiale (47), où ils activent également
une interprétation temporelle ; entre le sujet non-clitique et le verbe (48) ; et enfin dans
l’amas verbal (49).
(48) Napoléon III, comme empereur, avait droit au tonnerre, mais pour lui le
tonnerre a été infamant […]. (Hugo, Histoire d’un crime)
(49) Il défendait, comme avocat, un de ces pauvres niais qui se mêlent de conspirer
[…]. (Stendhal, Souvenirs d’égotisme)
La position périphérique droite semble en revanche proscrite si l’on souhaite conserver
le sens causal17 :
(48’) ?Napoléon III avait droit au tonnerre, comme empereur.
46 Peut-on rencontrer ces occurrences en position intégrée et dotées du même sens
causal ? Lorsqu’elle n’est pas impossible, leur réintégration au sein du noyau entraîne la
disparition du sens causal :
(50) a. Yves souffrait. Il s’évanouit et nous dûmes nous retirer. Comme infirmière,
j’obtins de rester. (Drieu la Rochelle, Rêveuse bourgeoisie)
b. ? J’obtins comme infirmière de rester.
c.≠ J’obtins de rester comme infirmière.
47 En outre, certains emplois isomorphes, dotés d’un sens causal, sont trompeurs :
(51) Tu vas voir qu’un beau jour on te brûlera comme sorcier, et t’auras ce que tu
mérites ! (Vincenot, Le pape des escargots)
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48 Ces derniers, que l’on pourrait étiqueter régulièrement comme des attributs de l’objet,
ne sont pas déplaçables en périphérie, ils tolèrent l’ajout du participe étant, et leur N
peut alterner avec une autre catégorie : Syntagme Adjectival, Participe ou SN
déterminé.
49 Les syntagmes comme N détachés en périphérie gauche, eux, ne commutent pas avec
étant N ni puisque P car ils introduisent une causalité posée et non présupposée.
(51’) On te brûlera comme étant (un) sorcier/ coupable de haute trahison (SA).
(48’’) *Napoléon III, comme étant empereur, avait droit au tonnerre
2. Extraction
(52) Le patron d’l’auto-tampon Qui était très gentil, Comme musique de fond Y nous
a mis Johnny. (Renaud, Mistral gagnant)
(53) L’écriture était limpide ; comme signature, une sorte d’étoile. (Bianciotti, Le pas
si lent de l’amour)
[54) Comme chaussures, j’hésitais entre des mocassins en lambeaux, des espadrilles
ou des « Weston » presque neuves mais à épaisses semelles de crêpe. (Modiano, Villa
triste)
Dans les occurrences (52) à (54), PRED(comme N) est interprété comme « le N, c’est X »
(extraction d’un élément X à partir d’une catégorie N) : « la signature, c’était une sorte
d’étoile » ; « les chaussures, ce seront des mocassins, des espadrilles ou des Weston ».
L’élément X apparaît comme le focus de PRED(comme N).
50 Le prédicat est souvent un prédicat d’existence (il y a) ou de sélection. On trouve aussi
des phrases averbales (53), comme N précédant un SN1 support seul, à valeur de
prédication existentielle.
52 Le support peut être un SN, un pronom non clitique (un clitique ne peut être à lui seul
le focus (55]), mais aussi des équivalents de SN (Ginf (56], etc.), ou même la prédication
principale dans sa totalité (57] (une phrase pouvant être entièrement focale, toute
l’information est nouvelle). Le support peut aussi être sous-entendu (58].
(55) *Comme secrétaire, je l’ai engagée. *la secrétaire, c’est l’/la.
(56) Comme pénitence, François Besson décida de mendier. (Le Clezio, Le déluge)
« La pénitence, c’est de mendier. »
(57) Je vous dis que je ferais n’importe quoi pour vous et comme remerciement vous
me foutez en caisse. (Hanska, Les amants foudroyés) « Le remerciement, c’est que
vous me foutez en caisse. »
(58) Comme panorama, on peut trouver mieux [s-e que ça]. (Beauvoir, Les
mandarins)
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111
53 Les occurrences dans lesquelles le support X est une proforme indéfinie, en emploi
interrogatif, exclamatif ou relatif sans antécédent, relèvent aussi du type « extraction »
car une proforme indéfinie ne peut être topique d’une prédication ; elle est donc
toujours focus de la PRED(comme N).
(59) Ça doit aller chercher quoi, comme prix, d’après toi ? (Lambrecht, 2004 :177)
(60) Ce qui lui traverse la tronche, au Norbert, comme comparaison ... des revenez-y
de films populistes... de romans d’Auguste le Breton. (Boudard, Les enfants de chœur)
(61) Fais ce que tu veux comme métier.
En [59], le locuteur interroge sur la valeur de X (« le prix, c’est quoi ? ») ; dans le cas
d’une exclamative (directe (60) ou indirecte), la valeur de X n’est pas non plus spécifiée,
mais elle est présentée comme une valeur remarquable (« la comparaison qui lui
traverse la tronche, c’est Y » (Y étant une valeur remarquable de la catégorie
{comparaison})) ; dans le cas d’une relative sans antécédent (61), le locuteur indique
que la valeur de X qui satisfait la prédication exprimée par la subordonnée satisfait la
prédication exprimée par la principale (« le métier que tu dois faire, c’est Y » (Y étant le
métier que tu veux faire)).
54 Il faut selon nous distinguer les occurrences (59) et (62) que K. Lambrecht cite côte à
côte (2004 : 177) :
(62) C’est quoi, comme film, ça ? (Lambrecht 2004)
En (62], le support de comme film n’est pas le pronom quoi (focus), mais c’ (topique). La
prédication seconde est « c’est un film » (où c’est l’entité à propos de laquelle je pose
une question). Cet exemple relève donc du type « catégorisation » avec comme N non
paradigmatique (RDCN de K. Lambrecht).
55 L’indéfinition impliquée par la proforme peut toucher à l’extension ou à l’extensité du
N (Wilmet, 1986 : 41 sq.) : dans le premier cas, elle concerne l’identité du sous-ensemble
ou de l’entité à prélever dans {N}, sans égard à la quotité [63) ; dans le second cas, elle
concerne le nombre effectif d’éléments de {N}, sans égard à leur espèce (64).
(63) A : Qu’est-ce que vous avez vu comme exposition ?
B : Une exposition de peinture. (sous-catégorie)
B : L’exposition Matisse qui est au Grand Palais. (élément)
(64) Qu’est-ce que t’as comme fric ?
56 Cette interprétation en extension ou extensité dépend avant tout du type de N :
l’interprétation quantitative n’est possible qu’avec un N dense, comme fric en (64), ou
discret au pluriel, elle est impossible avec un N compact ou discret mais au singulier,
comme exposition en (63). Quand N est un substantif dense ou discret pluriel, il semble
que la perspective de la prédication, interrogative ou exclamative, intervienne : dans le
cas d’une interrogative, l’interprétation est plutôt par défaut qualitative (65), alors que
l’interprétation quantitative semble privilégiée dans l’exclamation (66).
(65) Alors, qu’est-ce que vous avez vu comme expositions ?
( = Quelles expositions… ? / ?Combien d’expositions… ?)
(66) Eh bien ! qu’est-ce que vous avez vu comme expositions !
( = le nombre d’expositions… !/ ?Quelles expositions… !)
Position de comme N
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112
3. Conclusion
60 Dans cette étude, nous avons tenté de réintégrer dans l’économie générale de la phrase
et du texte les types et les effets de sens de comme N déjà isolés par d’autres travaux
(Right-Detached Comme N, Role-specifying comme N et interrogative type de K.
Lambrecht (2004), interprétation temporelle-causale, etc.).
61 Nous suivons K. Lambrecht dans son approche constructionnelle du morphème comme :
l’interprétation du segment comme N résulte de l’interaction de ses propriétés micro-
sémantiques avec différents facteurs contextuels au premier rang desquels on trouve la
structuration informationnelle et la position du segment dans la phrase.
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Paradigmatique
Paradigmatique Non paradigmatique
Comme N (contrastif) non
(contrastif) restrictif non restrictif
restrictif
Intégré (appartient à la
présupposition ou à x
l’assertion)
Périphérie droite
(appartient à la x
présupposition)
Périphérie gauche
(appartient à la x x x
présupposition)
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l’adjectif détaché. » in Fuchs, C. et C. Marchello-Nizia, Les opérations de thématisation en français,
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NOTES
1. Ainsi, pour K. Lambrecht (2004 : 157), la virgule précédant un comme N détaché à droite n’est
pas même le marqueur prosodique d’une pause, mais la limite droite de la clause, autrement dit
une démarcation topologique, à la fois syntaxique et informationnelle.
2. On peut également faire état d’un article zéro traduisant le « non-engagement du mécanisme de
régulation d’extensité » (Soutet, 1989 : 24). Il en résulte que le nom « renvoie à un ensemble en
passant par le palier de son extension » (Kupferman, 1991 : 61).
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3. Nous utilisons les concepts de K. Lambrecht (1994, 2004), désormais partagés par de nombreux
linguistes.
4. Les différences de structure informationnelle des relations prédicatives secondes ont été mises
en évidence par E. Tobback (2005), dont nous nous inspirons largement : elle s’en sert pour
expliquer l’opposition entre l’attribut direct de l’objet, qui coïncide avec une lecture de la
prédication seconde comme une prédication à focus prédicatif, et l’attribut de l’objet comme N,
qui correspond presque toujours, selon elle, à une prédication seconde à focus argumental. Nous
montrons que la construction avec comme N s’interprète aussi souvent comme une prédication
seconde à focus prédicatif (X est (det) N).
5. B. Combettes (1998) a montré qu’on peut classer les éléments non référentiels d’un énoncé
(comme une catégorie N) sur une échelle de degrés d’activation, ou degrés de connaissance
partagée, aussi bien que les éléments référentiels.
6. Si l’on retient ce seul critère quantitatif, c’est qu’une catégorie peut être fréquemment
mentionnée pour des raisons diverses : notamment la représentativité de l’entité X (typicalité) ou
l’association de celle-ci à un stéréotype culturel (Lakoff, 1987).
7. À cet égard, nous ne suivons pas K. Lambrecht lorsqu’il affirme que le type est activé en même
temps que l’occurrence (« [E]very time a token is activated, its type becomes active too. »
(Lambrecht 2004 : 182). En effet, l’activité de catégorisation est en partie assujettie au contexte, et
par conséquent potentiellement variable pour une même entité. Autrement dit, des contextes
différents peuvent favoriser l’activation de facettes différentes d’une même entité.
8. En (13), le détachement de comme repasseuse aurait un effet incongru (sauf tour exclamatif : elle
travaillait, comme repasseuse !). Il n’y a pas davantage de virgule en (17) ou (18), mais celle-ci peut
être aisément rétablie sans changement interprétatif notable. Pour ces deux exemples, on a
même du mal à proposer une interprétation intégrée. Tout se passe comme si l’interprétation
périphérique du segment comme N était suffisamment pertinente pour être dispensée de
marquage.
9. Cette transformation n’est possible qu’avec un support à la P3 (sauf effet plaisant) : *t’es fou, ce
type !
10. L’anglais as a/the N fonctionne comme le français en tant que N et non comme comme N : il ne
peut s’employer pour l’extraction de X d’une catégorie (*As the music, he put Johnny Halliday) et est
toujours paradigmatique (*He is talented (,) as a guy).
11. « [C]omme-N can only follow a limited number of verbs, i.e. those that may be followed by a
predicate nominal. For example, comme-N could not cooccur with a verb like venir ».
(Lambrecht, 2004 : 170). Il considère que, dans Il faisait pas joli comme temps, faire est assimilé par
son fonctionnement à une copule (2004 : note 29).
12. La possibilité d’une transformation exclamative ou d’une transformation en complétive régie
par trouver que seraient des indices de la non-classifiance de la propriété (Milner 1978), d’où
l’impossibilité de *Qu’est-ce qu’il est carnivore ! ou *Je trouve que ce chat est carnivore.
13. En revanche, ce sous-ensemble, représenté par un SN, ne peut pas être l’objet de la
prédication elle-même. Ainsi nous ne suivons pas K. Lambrecht lorsqu’il accepte l’exemple C’est
un polar comme film (2004 : note 22). La paraphrase la plus juste serait donc du type X est un élément
de la catégorie {N} qui a la propriété p.
14. D’une manière générale, un prédicat exprimant une action dont le support X est agent peut
difficilement caractériser ce dernier, sauf lorsque le verbe est au présent atemporel de
caractérisation ou au présent accompli, qui occupe un stade intermédiaire entre procès et
propriété (Moignet, 1981).
15. C’est-à-dire à gauche du noyau fortement cohésif que constituent le verbe et les clitiques.
16. Sur les circonstants de domaine/point de vue, voir notamment Mélis (1979), Molinier
&Levrier (2000).
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17. En (48’), en effet, pour peu que l’on écarte la possibilité de l’épexégèse (« rajout »), on
comprend – à grand peine – « Napoléon, dans la catégorie {empereur} était de ceux qui avaient
droit au tonnerre ».
18. Cet exemple montre une fois de plus l’ambiguïté de la marque graphique de détachement, la
virgule : comme contrepoison pourrait être interprété comme un constituant intégré focus
« rajout/ réparation », qui serait accentué à l’oral. Étant donné qu’il est question de poison dans
le contexte précédent, on interprète plutôt comme contrepoison comme un élément thématique,
non focal, inaccentué à l’oral.
RÉSUMÉS
La présente contribution a pour objet les syntagmes périphériques en COMME N où N est un nom
nu, éventuellement accompagné d’une expansion. A la suite de Lambrecht (2004), nous avançons
que le calcul interprétatif de ces structures s’appuie tant sur la prise en compte de leurs
propriétés intrinsèques que sur celle des caractéristiques syntaxiques et informationnelles du
contexte. Aussi analysons-nous ces segments comme faisant partie de constructions. Nous
proposons sur cette base un classement des constructions en comme N périphérique, qui
distingue deux types fondamentaux de fonctionnement sémantique, et nous expliquons la
diversité des effets de sens observés par le jeu combiné de ces propriétés et de facteurs
contextuels tels que la place du segment dans la structure d’accueil ou le degré d’activation des
référents en jeu dans l’énoncé.
This paper deals with ’comme N’ detached phrases, where N is a bare noun with an optional
complement. These structures may be studied as constructions (Fillmore), for both internal and
contextual properties seem to influence global interpretation. At first, we sketch a typology
based on the informational and cognitive features of these constructions, and then we analyze
several contextual meanings by taking into account, notably, the position of the Comme-N
phrase and the cognitive degree of activation of the referents.
AUTEURS
ANTOINE GAUTIER
Paris IV – Sens, Texte, Histoire & ENS-LSH (Lyon) – ICAR
MÉLANIE MORINIÈRE
Paris IV – Sens, Texte, Histoire & ENS-LSH (Lyon) – ICAR
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II. Diachronie
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Introduction
1 Les études synchroniques portant sur le morphème comme se sont récemment
multipliées, notamment sous l’influence du développement des études liées aux
proformes indéfinies. En revanche, la dimension diachronique est demeurée quelque
peu négligée, malgré l’engouement suscité par les interrogations touchant au problème
du changement linguistique. Pour autant, la question de l’évolution et de la filiation des
diverses valeurs de comme a toujours fait l’objet d’une attention particulière et de
nombreuses études l’évoquent de façon plus ou moins explicite. Les travaux menés sur
comme peuvent se répartir en quatre ensembles, lesquels organiseront les subdivisions
de cette présentation : d’abord les travaux qui concernent l’époque romane, c’est-à-dire
le passage du quomodo latin au comme1 de l’ancien français ; puis ceux, assurément plus
nombreux, qui portent sur la valeur subordonnante (ou conjonctive) assumée par ce
morphème ; ceux qui concernent ses autres valeurs, c’est-à-dire non subordonnantes 2 ;
et enfin, les travaux à visée plus synthétique, qui s’attachent à ordonner l’ensemble des
valeurs dans le cadre d’une perspective évolutive plus générale. Nous comprenons donc
ici le terme « diachronie » au sens large, puisque nous intégrons aussi dans cette
présentation les études portant sur le morphème dans tel ou tel état ancien de langue,
c’est-à-dire, à strictement parler, des études synchroniques. Toutefois, lorsque cela sera
possible, nous essaierons de conserver la perspective diachronique, c’est-à-dire
évolutive, en rendant compte de la filiation des valeurs postulée par les auteurs
évoqués. Une limite doit néanmoins être posée : dans cette synthèse ne seront
considérés que les ouvrages ou articles spécifiquement consacrés à comme ou, à tout le
moins, comportant une analyse exclusive et détaillée. Sont donc écartés les ouvrages de
référence, tels les grammaires usuelles et les dictionnaires, dont les analyses sont en
outre le plus souvent reprises par les travaux dont nous rendons compte.
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c’est-à-dire les verbes de perception et de propos. Cette valeur serait plus tardive (à
partir du IVe s.) et résulterait d’une grammaticalisation de l’emploi interrogatif indirect,
grammaticalisation par ailleurs favorisée par le fait que
la langue vulgaire n’a jamais été conséquente dans l’emploi du subjonctif en
interrogation indirecte (…), ce qui contribuait à rendre la limite incertaine entre
interrogation indirecte et complétive simple, d’autant plus que, dans ces dernières,
le subjonctif et l’indicatif alternaient également sans régularité rigoureuse (…).
[HERMAN 1963 : 45]9
Quoi qu’il en soit de l’acquisition de ces dernières valeurs, comme connaît donc déjà, à
cette époque, l’ensemble de ses valeurs de base.
5 Étudiant ensuite « les descendants romans de quomodo » (1963 : 166-174), J. Herman
montre que « dans le cas de cette conjonction, le problème de la transition entre la
structure latine et les structures romanes se pose donc presque uniquement sur le plan
des fonctions » (1963 : 166), c’est-à-dire de ses valeurs d’emplois. Or, le point qu’il nous
semble intéressant d’évoquer ici tient aux premières attestations de valeurs dans
certaines langues romanes. Si elles connaissent toutes une valeur comparative
généralement présente dès les premiers textes, l’on peut remarquer, en revanche, que
les valeurs ‘secondaires’ se génèrent différemment. Ainsi, à l’inverse de l’ancien
français, qui voit la valeur temporelle attestée dès les premiers textes et la valeur
causale plus tardivement10, le vieil espagnol et le vieux portugais connaissent un
cheminement inverse : la valeur causale y est en quelque sorte première, et la valeur
temporelle n’y apparaît que plus tard (1963 : 167-168). Cela introduit un certain
flottement dans la filiation des valeurs, du moins telle que l’expose J. Herman. Selon lui,
en effet, la valeur temporelle aussi bien que la valeur causale peuvent désormais être
toutes deux issues de la valeur comparative, ce qui s’accorderait mal avec l’hypothèse
avancée précédemment, originant la valeur causale de quomodo dans sa valeur
temporelle.
6 À cela s’ajoutent les emplois en corrélation, brièvement évoqués pour le latin (1963 :
98), mais un peu plus détaillés pour les langues romanes (ibid. 248-253). Pour ces
dernières, J. Herman distingue trois types en fonction des catégories grammaticales des
termes mis en jeu :
1. Type « adverbe ou pronom + quomodo », la plus fréquente étant formée à partir « d’un
continuateur roman de l’adverbe sic et de come, com etc. comparatif ; plus rarement, on
rencontre aussi comme corrélatif de come etc. comparatif un des pronoms tantum ou
talem » (1963 : 248) ;
2. Type « préposition + quomodo », « locutions [qui] se rencontrent dans les langues romanes
de la Péninsule ibérique et dans le Sarde » (1963 : 251) ;
3. Type « préposition + pronom + quomodo », limité au catalan (1963 : 253).
Le terme quomodo se répand ainsi dans l’ensemble des langues romanes, où il est
largement attesté, et participe le plus souvent au système primaire des conjonctions de
subordination. Le roman connaît donc en quomodo un terme potentiellement pourvu de
l’ensemble de ces valeurs, même si celles-ci n’apparaissent pas toutes également dans
chacune des langues qui lui succèderont. Or, c’est à étudier précisément cette période
transitoire que s’attache R. de Dardel dans son Esquisse structurale des subordonnants
conjonctionnels en roman commun (1983), en rappelant tout d’abord que
le roman commun est une abstraction. Nous voulons dire par là que le roman
commun est une langue qui n’existe qu’en vertu de postulats fondés sur une série
d’extrapolations à partir des parlers romans. [DARDEL 1983 : 38]
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Mais il n’en propose pas moins une étude fondée sur une stratification de cette période
en une succession de cinq synchronies, principalement distinguées à partir d’un critère
géographique. Dès lors, les recherches et les reconstructions postulées lui ont permis
d’établir la répartition suivante de l’évolution des emplois de quomodo :
QUOMODO a pour fonctions primaires l’introduction des comparatives d’égalité
(3.1./4) et des complétives modales ‘comment’ (12.2./1) ; de ces fonctions paraissent
issues, dans des aires assez étendues mais contenues dans celles des fonctions
primaires, l’emploi de QUOMODO comme subordonnant de temporelles de
simultanéité (9.1.2./2), de complétives subjectives et objectives (12.3/2), de
comparatives hypothétiques d’égalité (3.3.1./1), de causales (1./4), de finales (2./2)
et de comparatives proportionnelles (3.4./3). [DARDEL 1983 : 65]
Le détail de ces évolutions retrouve globalement les hypothèses traditionnelles à ceci
près, d’une part, qu’il résout en quelque sorte par l’alternative le dilemme manifesté
dans l’analyse de J. Herman, en posant que
en français comme causal peut être théoriquement issu soit de QUOMODO
comparatif soit de QUOMODO temporel. [DARDEL 1983 : 28] ;
et, d’autre part, que les différentes synchronies postulées offrent une hypothèse
explicative aux divergences d’attestations entre les différentes langues romanes. Ainsi
l’hypothèse de la séparation précoce du sarde se justifie-t-elle négativement par la
présence, partout ailleurs,
de fonctions que (…) QUOMODO (…) n’avai(…)t pas encore en roman commun
moyen, à savoir (…) les fonctions causale (1./4), finale (2./2), comparative
hypothétique d’égalité (3.3.1./1) et superlative (4./2) (…). [D ARDEL 1983 : 52]
De la même façon, concernant l’emploi des tours corrélatifs :
Un peu plus récents (roman commun tardif B), parce qu’absents à la fois du sarde et
du roumain, (est) l’emploi (…) de SI1-QUOMODO dans les identifiantes (8./3) et les
temporelles (9.1.2./7) (…). Dans cette synchronie apparaissent aussi (…) quelques
locutions subordonnantes (…) à radical QUOMODO (3.1./9). Plus récent encore
(roman commun tardif C), selon le critère spatial (est) l’emploi de QUOMODO dans
les proportionnelles (3.4./3). [DARDEL 1983 : 53]
Enfin, la diversité d’emplois manifestée par les différentes synchronies du roman
s’explique également par la notion de syncrétisme. Ainsi dans le cas de quomodo :
Les syncrétismes ont dû affecter en roman commun des particules originairement
différenciées, mais, dans la plupart des cas, proches par la forme phonique et
susceptibles de se joindre par évolution phonétique ou morphologique, comme
dans (…) QUO / QUOD / QUOMODO (…). [DARDEL 1983 : 57]
Par ailleurs, R. de Dardel postule une coexistence, au moins à la fin de la période
classique, des futures formes romanes et des anciennes formes latines, ce qui peut
expliquer le chevauchement des différentes valeurs au cours du latin vulgaire (1983 :
54-55) et, par conséquent, certains des glissements sémantiques à l’origine de ces
valeurs.
7 Dès le latin et les premières strates romanes, quomodo est donc pourvu d’un sémantisme
comparatif qui évolue vers d’autres valeurs circonstancielles : temps, cause et finalité.
L’ensemble de ces valeurs sera attesté, à un moment ou à un autre dans l’histoire du
français, ensemble auquel il faudra cependant ajouter les valeurs non subordonnantes,
notamment adverbiales et, parfois même prépositionnelles, le cas de l’emploi relatif, au
sens où l’entend Pierrard (1998), étant le plus généralement inclus sous la notion plus
large de subordonnants. Les deux sections suivantes sont consacrées aux travaux
amorçant plus spécifiquement les différentes étapes de l’évolution de comme en
français, la section II. étant centrée sur les emplois subordonnants, et la section III. sur
les emplois non subordonnants.
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D’autre part, cet emploi fréquent d’un comme temporel proche de quant (l’adverbe de
reprise y est souvent un adverbe strictement temporel comme lors ou dunc) dans
certains textes très anciens ou textes de traducteurs et auteurs savants, semble être
influencé par l’analogie avec la conjonction latine temporelle cum. L’auteur note aussi
que jusqu’en français classique, comme et ses composés, tout comme quant, peuvent être
suivis de tous les temps narratifs (passé simple, présent historique, futur, etc.). Mais on
peut remarquer dès l’ancien français le début de la différenciation entre comme
temporel et quand par la spécialisation de comme dans l’introduction d’une action
passée (exprimée par un verbe à l’imparfait) au cours de laquelle surgit un événement
nouveau (rendu par un verbe à un temps narratif), valeur que ne peut exprimer quant/
quand :
Si com dedens leur nef entroient
Un biau jovencial venir voient. (Image du Monde, cité par P. Imbs, p 137)
« Comme ils entraient dans leur navire, ils voient venir un beau jeune homme »
12 P. Imbs consacre quelques pages à la fin du chapitre aux autres emplois des
subordonnées en comme. Il propose une triple origine au comme causal du français
moderne, très rare en ancien français : le latinisme comme suivi du subjonctif, calqué
sur le latin cum + subjonctif ; un comme qui n’est qu’une interprétation en contexte
d’une circonstance temporelle concomitante ; une variante du comme de comparaison,
comme…aussi. Comme complétif, lui, serait dérivé de l’interrogatif de manière. Quant à
comme final, il souligne que les grammaires n’en citent qu’un exemple, extrait de la
Cantilène de Sainte Eulalie, dans lequel il propose de voir un calque du latin quomodo +
subjonctif « pour que de cette manière… », où quomodo a une valeur de manière, le sens
final venant du mode subjonctif de la relative.
13 L’ouvrage de P. Jonas (1971), Les systèmes comparatifs à deux termes en ancien français est
également une étude essentiellement synchronique de l’ancien français (IX e – XIII es.),
basée sur un large corpus d’exemples. Consacré aux structures comparatives, il est
complémentaire de l’ouvrage de P. Imbs pour l’étude du fonctionnement de comme
puisqu’il approfondit la question des emplois comparatifs du morphème 11. L’auteur met
en évidence cinq structures formelles distinctes exprimant un rapport comparatif entre
deux termes. Dans quatre de ces structures (A1-A4), les deux termes sont liés par un
morphème « articulant », dans la cinquième (B) ils sont articulés seulement par la
mélodie :
14 (A1) 1er terme – articulant – 2 e terme (avec un articulant simple com(e) ou que, ou
composé si com(e), si que, ensi com(e), etc.)
15 (A2) 1er terme + marque – articulant – 2 e terme : plus / tans / moins / autre / autresi / si /
etc. (marque) riche que /de/com(e) (articulant))
16 (A3) 1er terme + marque – articulant -2 e terme + marque (plus…com(e)/ que / quant plus…
etc.)
(Le diable à propos des hommes)
Plus les fait de mal faire con plus ont d’abundance. (Poème moral, cité par Jonas, p
320)
« Il leur fait faire d’autant plus de mal qu’ils ont de richesses. »
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déjà évoqué par P. Imbs et P. Jonas de la substitution de que à comme, laquelle, dans ce
cas et par rapport au corpus utilisé par O. Soutet, semble intervenir au « milieu du XV e
siècle avec, comme texte charnière dans notre corpus, Artois » (ibid. : 67).
27 Par la suite est explicitement posée la question d’un comme à valeur concessive à partir
d’occurrences dans lesquelles celui-ci est suivi d’un verbe au subjonctif (ibid. : 145).
Pour rare qu’il soit, cet usage n’en apparaît pas moins comme un usage savant qui se
rencontre notamment dans les traductions de textes de latin. Il n’est pas inintéressant,
à cet égard, comme le note O. Soutet (ibid. : 145, n. 1), de remarquer, outre la graphie
cum du texte français, le fait que ce soit également un cum latin qui soit traduit de la
sorte. Enfin, cet emploi serait « à rapprocher de l’emploi, sans doute plus fréquent, d’un
comme + subjonctif, tout autant démarqué du latin mais de sens causal » (ibid. : 145).
28 Le dernier emploi à être mentionné par O. Soutet est celui de la locution comme que,
« de sens équivalent » aux suites comment que et combien que, « mais d’emploi
rarissime » (ibid. : 194). Les occurrences recensées se répartissent cependant de façon
tout à fait sporadique entre le XIIIe et le XVIe siècles, pour finalement céder le pas devant
l’usage de comment que, mais, surtout, devant celui de combien que.
29 Quoique très limité dans le temps aussi bien qu’en nombre d’occurrences, comme
connaît donc un usage concessif rare et tardif. De la même façon, l’emploi causal de
comme, étudié par A. Bertin (1997 : 121-124), est un emploi relativement tardif, très
ponctuellement attesté au cours de l’ancien français (essentiellement « dans des textes
didactiques d’origine savante » ou dans « des traductions » (1997 : 121)). Cette valeur
causale proviendrait, comme le proposait déjà P. Imbs, aussi bien de sa valeur
comparative que de sa valeur temporelle :
Malgré sa double filiation temporelle et comparative, come n’affirme sa valeur
pleinement causale qu’à partir du XIIIe siècle, dans des textes particuliers et selon
des contraintes syntaxiques rigides. D’après P. Imbs cet essor correspond, à
l’inverse, à la disparition du quant causal. [BERTIN 1997 : 124]
Les configurations syntaxiques dans lesquelles comme manifeste cette valeur se
distinguent d’autant plus nettement de son usage en français contemporain que, si la
proposition y est généralement antéposée, elle est également le plus souvent au mode
subjonctif. L’expression causale apparaît « très nettement liée à un discours
argumentatif, l’enchaînement étant parfois souligné par » doncques, en tête de l’autre
membre propositionnel (ibid. : 122), ou encore par le sémantisme des verbes recteurs.
Ce n’est cependant qu’à partir du moyen français que se développera de façon plus
massive l’usage de cette valeur, aboutissant par la suite à l’emploi que l’on connaît
aujourd’hui.
30 L’article d’A. Kuyumcuyan (2006) « Comme et ses valeurs : le point de vue historique
(XIVe-XVIe siècles) » met en avant l’importance de la dimension pragmatique, évoquée
dans les remarques d’A. Bertin (1997), pour l’étude de l’évolution des valeurs
circonstancielles de comme. Après une section assez générale sur la filiation des valeurs
à partir du sens de manière, section reprenant dans une perspective diachronique large
les idées de C. Fuchs et P. Le Goffic (1993, 200513), A. Kuyumcuyan s’intéresse plus
particulièrement à l’interprétation causale de la proposition comme P antéposée, à
partir d’un corpus d’occurrences de moyen français. Elle reprend en la développant
l’idée de P. Imbs d’un faisceau de facteurs concordants aboutissant à l’attribution d’une
valeur causale à comme. Cette valeur pourrait venir d’une part d’une interprétation
argumentative de certaines propositions comparatives. L’opération de comparaison est
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devient progressivement un introducteur de discours indirect (Ce que je peux faire, c’est
mettre comme quoi (*comment) elle a eu la mention TB (énoncé entendu cité par F.
Lefeuvre 2003 : 456)). Cette évolution présente selon F. Lefeuvre les caractéristiques
d’une grammaticalisation : d’une part, le morphème perd son sens de manière pour
acquérir une valeur sémantique plus ténue de marqueur énonciatif ; d’autre part, d’un
point de vue morpho-syntaxique, il subit une recatégorisation, son fonctionnement
interrogatif/ percontatif se modifiant pour se rapprocher de celui d’un complétif, avec
toutefois des caractéristiques distributionnelles et une valeur énonciative particulières.
Pour F. Lefeuvre, dans la locution comme quoi, comme est un adverbe intégratif.
35 Un autre emploi non subordonnant de comme a attiré l’attention de plusieurs
linguistes : comme dit parfois « prépositionnel », suivi d’un SN, d’un SAdj., ou d’un
équivalent. Ces auteurs se sont intéressés en particulier au rapport en synchronie et en
diachronie entre le syntagme comme SN comparatif (« échantillant », dans la
terminologie de Damourette & Pichon14) et le syntagme comme SN/SAdj./ etc
« attributif » ou « qualifiant ». On présentera ici les travaux de V. Väänänen (1951) 15, de
Ph. Ménard (1994), d’E. Tobback (2003) et de M. Morinière (2008a et 2008b).
36 Un des premiers à étudier spécifiquement le syntagme qualifiant/attributif introduit
par comme, et ses liens avec la valeur comparative de comme, est V. Väänänen (1951),
dans une monographie diachronique sur les tours du type Il est venu comme ambassadeur
ou Il agit en soldat en français, en italien et en espagnol, depuis leurs origines en latin. Il
y distingue, parmi les éléments qui « indiqu[ent] l’état, la situation ou la qualité qui
revient au sujet ou à l’objet », le « prédicatif » (Il fut nommé ambassadeur), complément
indispensable au verbe, de « l’apposition circonstancielle » (Il est venu comme
ambassadeur), « sorte de prédicat secondaire et tenant du circonstanciel ». Dans cette
opposition on reconnaît la distinction entre attribut accessoire et attribut essentiel des
linguistes français actuels. L’un et l’autre peuvent être réalisés en latin et dans les
langues romanes par un SN ou un SAdj. (« apposition ou prédicatif pur(e) et simple »),
un syntagme introduit par le morphème employé pour la comparaison (lat. ut/sicut/
quasi/tamquam16, fr. comme, it. come, esp. como) ou un syntagme introduit par une
préposition (fr. en, pour, etc.). L’auteur étudie l’origine de cet emploi de ut/comme/etc. et
des prépositions par rapport à leurs valeurs premières, morphème de manière/
comparaison ou préposition spatiale, puis la concurrence, en diachronie, entre les
différents procédés (pour le français, attributs directs et attributs introduits par comme,
pour, de, à, en tant que, à titre de, etc.).
37 Sur la question des liens entre comme « qualifiant » et comme comparatif, l’intérêt de
cette étude est de montrer que parmi les occurrences dans lesquelles le SN/SAdj./etc.
qui suit comme est interprété comme un prédicat second appliqué au sujet ou à l’objet, il
y en a où comme SN/SAdj. désigne aussi une manière ou une conformité (« comparaison
qui implique l’identité » p. 26) comme dans Cunseilez mei cume mi savie hume
(« Conseillez moi, vous, (comme) mes hommes sages ») (Chanson de Roland, cité p. 26). Il
nous semble même que comme a sa valeur première de conformité dans beaucoup des
exemples pourtant cités par l’auteur comme désignant « l’identité sans plus ».
38 V. Väänänen est par ailleurs l’un des premiers à signaler le développement en français
moderne d’un emploi nouveau de comme N paraphrasable par en fait de N, comme dans
Comme ( = en fait de) chasseur de casquettes, Tartarin n’avait pas son pareil (Daudet, cité
p. 29), emploi qu’il distingue à juste titre de comme N équivalent de en tant que N (*En
tant que chasseur de casquettes, Tartarin n’avait pas son pareil.) 17.
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homme comme je considère un héros (CdM verbal). E. Tobback montre qu’en français
moderne en tous cas, la CAO en comme n’est plus analysable comme un CdM, puisque
dans de nombreux exemples attestés de CAO on ne peut reconstituer une proposition à
partir du segment introduit par comme comme on peut le faire avec un CdM averbal.
44 Prolongeant les réflexions d’E. Tobback (2003), dans un article sur « l’ellipse dans les
constructions en comme en diachronie du français », M. Morinière (2008a) interroge
aussi le rapport entre le syntagme comme X adverbial de manière averbal et le
syntagme comme X attributif, mais dans une perspective évolutive, depuis l’ancien
français jusqu’au français moderne. Si le recours à l’ellipse a fréquemment cours dans
les interprétations de comparatives, tant à des fins interprétatives qu’à des fins
métalinguistiques, sa systématisation masque parfois des réalités empiriques distinctes,
qu’un retour à la diachronie peut contribuer à mettre en lumière. Dans une première
partie, M. Morinière propose une étude des segments comparatifs verbaux et averbaux
comme X en ancien français qui conforte l’analyse des segments comparatifs par le
recours à la notion d’ellipse pragmatico-sémantique proposée par M. Desmets (2001) 20
pour le français moderne :
l’interprétation propositionnelle de la séquence non phrastique de droite X se fait
par récupération dans la séquence de gauche non de formes, mais de notions
sémantiques, entités et prédicats. [MORINIÈRE 2008a]
M. Morinière remarque cependant quelques différences dans le fonctionnement de
l’ellipse entre l’ancien français et le français moderne, notamment l’apparition en
français moderne de l’obligation pour comme d’être suivi d’un constituant dit
« majeur ».
45 Dans une seconde partie, elle s’intéresse aux syntagmes dits « attributifs » introduits
par comme, et à leur évolution en diachronie large. En français moderne, les syntagmes
attributifs de forme comme + SN sans déterminant, avec N désignant une fonction ou un
statut, comme dans Jean travaille comme maçon, ne peuvent être analysés comme des
syntagmes elliptiques avec la même définition de l’ellipse que dans les syntagmes
comparatifs : ils ont les propriétés d’un syntagme prépositionnel. En revanche,
prolongeant les remarques de Väänänen (1951) sur la « comparaison impliquant
l’identité » et de Ménard (1994) sur « com(me) faisant référence à une qualité », M.
Morinière montre qu’en ancien français, tous les syntagmes comme SN/SAdj./SPrep de
sens attributif (c’est-à-dire dans lesquels le SN ou le SAdj. désigne une propriété
attribuée à un objet) peuvent être analysés comme des adverbiaux de manière
propositionnels elliptiques. Ayant recours aux concepts des théories de la
grammaticalisation, elle propose une hypothèse selon laquelle la construction comme +
N (rôle/fonction) du français moderne serait le résultat de la réinterprétation
sémantique et de la réanalyse en diachronie de l’adverbial de manière/comparaison
elliptique comme + N dans certains contextes.
46 Un autre article de M. Morinière (2008b), toujours en diachronie large, replace
l’apparition des syntagmes attributifs introduits par comme dans l’histoire des
constructions à attribut de l’objet en général. L’auteure y montre en effet que, alors que
l’attribut était toujours construit directement en latin classique, apparaît entre le latin
et l’ancien français une nouvelle catégorie grammaticale, les « indices de l’attribut » a,
por, puis en, issus de la grammaticalisation des prépositions latines ad, pro et in dans
certains contextes. Parallèlement, les syntagmes comme SN/SAdj. adverbiaux de
manière à sens attributif (manière ou procès conforme à une qualité d’un objet) sont
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beaucoup plus fréquents que l’équivalent latin ut SN/SAdj. Au XIVe siècle, comme
apparaît même en concurrence avec les « indices » a et por avec certains verbes comme
réputer, tenir (au sens de « considérer ») : comme SN/SA s’éloigne du circonstant de
manière, il assume un rôle véritablement attributif, notamment marqué par
l’impossibilité de le supprimer. Ce type de constructions va alors gagner d’autres verbes
au cours des siècles suivants, éventuellement en fonction de leurs propres
modifications sémantiques (passage de la perception à l’opinion pour un verbe comme
regarder, par exemple). Dès lors, parallèlement à la généralisation de la construction
attributive directe, comme devient l’indice privilégié des constructions indirectes
persistantes ou nouvellement créées, l’emploi de à en tant qu’indice d’attribut ayant
presque disparu et pour n’étant plus productif dans cet emploi.
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entre propositions » (1998 : 131-132), laquelle inclut leur identité faible (analogie) ou
forte (égalité). Ce recours aux « articulants analytiques »21 avec comme en second
élément témoignerait ainsi d’une avancée relative dans la grammaticalisation du
morphème indéfini, et, par conséquent, les changements affectant l’élément source
auront également « une influence déterminante sur la réorganisation des emplois de
comme » (1998 : 136). Le passage du fonctionnel au pragmatique dans le cas des
éléments sources entraînant le recours à des formes plus marquées et l’élimination de
la valeur de conformité autant que le caractère progressivement redondant de comme
dans l’expression de l’égalité contribueront à l’usage de formes concurrentes à second
élément que. En revanche, une tendance aux formes synthétiques favorisera l’usage de
comme pour l’expression de la comparaison analogique et, plus généralement, d’une
conformité indéfinie. C’est l’ensemble du système des proformes indéfinies qui s’en
trouvera ainsi réorganisé.
54 Dans le second article (1999), M. Pierrard s’interroge plus spécifiquement sur les
facteurs contextuels [qui] modulent les propriétés de base du morphème et
l’amènent à remplir des fonctions grammaticales fort éloignées de ses attributions
initiales. [PIERRARD 1999 : 133]
Il montre ainsi que
l’extension des fonctions spécifiques de comme par sa grammaticalisation en tant
que connecteurs de prédicats tirera pleinement parti des propriétés de base de la
P[roforme] I[ndéfinie] : un sémantisme de modalité non spécifié (…) et une mise en
rapport de deux prédicats au moyen du marquage d’une coïncidence de modalité.
[PIERRARD 1999 : 133]
Aussi bien comme étend-il d’abord ses emplois en tant que connecteur indiquant un
niveau indéfini de conformité, notamment sous l’influence des relations entre les
éléments comparés et de la nature propre de ceux-ci. L’examen cumulé de ces éléments
permet alors de faire apparaître la cohérence du fonctionnement de comme au travers
de la diversité de ses emplois.
55 Enfin, plus résolument diachronique que le précédent, le dernier article de M. Pierrard
(2001) entend répondre au double objectif
d’examiner les caractéristiques des glissements fonctionnels et sémantiques du
marqueur afin de déterminer de quoi son agencement actuel est le produit
et d’illustrer
la complexité du processus de grammaticalisation en soulignant l’interaction
constante entre l’évolution diachronique et l’organisation synchronique, entre les
propriétés du morphème et son fonctionnement dans divers contextes. [ PIERRARD
2001 : 294]
Se fondant sur certains acquis de la typologie, et notamment les trois paramètres que
sont la hiérarchisation, l’autonomie des prédications en jeu ainsi que la formalisation
du marqueur assurant cette relation, il montre le cheminement suivi par comme,
conduisant celui-ci d’un fonctionnement en tant que « forme de reprise d’un adverbe »
au « repositionnement de ses emplois en fonctionnement absolu » (ibid.). Celui-ci s’est
trouvé favorisé par la grammaticalisation parallèle du marqueur analytique, corollaire
de la substitution d’un marquage fonctionnel par un marquage grammatical qui
conduira à la généralisation de que et à l’abandon de comme en tant que second membre
de ces marqueurs. Cela va entraîner la restructuration des emplois de comme,
notamment en raison du déploiement des constructions en Préd1 comme Préd2, et
produire finalement l’ensemble complexe que forment ses emplois actuels.
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Ouvertures
56 Du parcours de l’ensemble de ces études, il est possible de tirer plusieurs
enseignements, aussi bien sur l’évolution globale des emplois de comme au cours de
l’histoire du français que sur les phénomènes ayant suscité un plus grand intérêt chez
les linguistes. Ainsi l’intérêt porté à la filiation et à l’organisation conceptuelle des
différentes valeurs sémantiques de comme se manifeste-t-il dans la plupart des travaux
évoqués et assure-t-il, en quelque sorte en filigrane, un dénominateur commun qu’ont
renforcé l’émergence du paradigme de la grammaticalisation et les recherches sur les
proformes indéfinies
57 On notera cependant qu’aussi bien certaines périodes (les périodes préclassique et
classique, notamment) que certains emplois (paradoxalement, les emplois les plus
traditionnels de marqueur interrogatif et exclamatif) demeurent quelque peu laissés
dans l’ombre. De la même façon, les relations de comme avec ses divers composés
morphologiques (comment, combien), souffrent encore d’un nombre trop restreint
d’études, tout particulièrement dans une perspective diachronique.
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NOTES
1. Pour simplifier, on désignera le morphème par la forme comme quel que soit l’état de langue
étudié, mais cette forme n’apparaît que tardivement : en français médiéval, on trouve de très
nombreuses orthographes, les plus fréquentes étant com et come (c’est pourquoi les linguistes
traitant de l’ancien français utilisent souvent la forme com(e))
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2. Nous avons conscience des limites d’une terminologie aussi traditionnelle que celle qui oppose
emplois subordonnants et emplois non subordonnants. Elle nous semble cependant légitime en
ce sens que, n’appartenant pour ainsi dire à personne, cette terminologie ne risque pas de
véritablement trahir les choix des auteurs concernés par chacune de ces manchettes non plus
que d’orienter par trop un compte-rendu qui, sans être neutre, se veut tout de même aussi
objectif que possible.
3. On pourra consulter, au sujet de cette confusion, les travaux suivants : Imbs (1956 : 118-119) ;
Herman (1963 : 173-174) et Pierrard (2001 : 294-295).
4. Herman ajoute : « Il est évident que les gens qui savaient du latin identifiaient cum, com
français avec cum latin ; on en a une preuve formelle dans le passage suivant de l’Orthographia
Gallica (éd. J. Stürzinger : XI-XII, H 26-27 Et altrefoithe escriveretz c vel q indifferenter come cuer
ou qoer. Et altrefoithe solonc le Latyn ut qi, cum, qe. » [1963 : 170, note 3]
5. Rappelons, en effet, que la manière est, en latin classique, l’un des sens dérivés de l’ablatif
proprement dit (cf. Ernout & Thomas 1953 : § 108). L’on peut dès à présent remarquer que parmi
ces valeurs figurait également la « conformité » (Ibidem).
6. À ce propos, Ernout & Thomas (1953 : § 181c et § 318) observent que, dans cet emploi, quomodo
est « usuel » au sens de « comment ».
7. En quoi J. Herman retrouve l’idée couramment évoquée selon laquelle se manifestait, dans les
emplois de quomodo, une « tendance à éliminer les constructions indicatives de ut » [Ernout &
Thomas 1953 : § 352] ainsi que l’installation d’une concurrence entre les deux formes,
notamment dans l’expression de la comparaison où quomodo est alors présenté comme un
« supplétif fréquent de ut de comparaison » [Imbs : 1956 : 119].
8. Ce que tendrait à confirmer aujourd’hui les études les plus récentes sur les « chaînes »
conceptuelles en jeu au cours de processus de grammaticalisation : voir, par exemple, H. Bat-Zeev
Shyldkrot (1995 : 149).
9. Notons que, sur ce point, une opposition quelque peu implicite oppose J. Herman à Ernout &
Thomas, pour lesquels l’ensemble des valeurs d’emploi acquises par quomodo s’explique
essentiellement par le principe d’une substitution à ut (1953 : § 352).
10. Voir notamment Bertin (1997 : 121-124).
11. Le chapitre « La Comparaison » de la Grammaire nouvelle de l’ancien français de Cl. Buridant
(2000) reprend quasiment telles quelles les analyses de cet ouvrage.
12. Le travail sur la distribution des différents adverbes s’inspire de H. Kjellman (1924) « Autresi –
aussi – ainsi. Étude de syntaxe historique », Studier i modern språvetenskap, IX : 147 sqq.
13. Le Goffic, P. Grammaire de la phrase française, Paris, Hachette (1993) ; Fuchs, C. et P. Le Goffic,
« La polysémie de comme » in Soutet, O. (ed.) La Polysémie, Paris, PUPS, 2005.
14. J. Damourette et E. Pichon (1911-1940) Essai de grammaire de la phrase française, Paris, D’Artrey.
15. V. Väänänen propose une version réduite de cette monographie de 1951 dans le chapitre « Il
agit en soldat et tours concurrents » de son ouvrage Recherches et récréations latino-romanes, Napoli :
Bibliopolis, pp. 189-216. Il y reprend presque tels quels les chapitres II, III, et IV de la
monographie, ceux sur le latin et le français, mais il n’y explique pas sa terminologie, notamment
la différence entre « apposition » et « prédicatif ».
16. Selon V. Väänänen, l’apposition introduite par les continuateurs de quomodo existant dans
toutes les langues romanes, « ce n’est sans doute qu’un accident que quomodo, assez fréquent en
bas latin comme conjonction, soit pour ainsi dire inconnu dans la fonction appositionnelle »
(1951 : 22).
17. Voir Gautier & Morinière (ce volume).
18. Dans sa Syntaxe de l’ancien français (1980/94), il nomme cet emploi « fausse comparaison ».
19. Lehmann, C. (1995), Thoughts on grammaticalization, München/Newcastle, Lincom Europa.
20. Desmets, M. (2001) Les typages de phrase en HPSG : le cas des phrases en « comme ». Thèse de
doctorat. Université Paris X-Nanterre (np).
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21. Le terme est repris de Jonas (1971) dont M. Pierrard s’inspire, en inscrivant ses analyses dans
le cadre des théories de la grammaticalisation.
RÉSUMÉS
Cet article propose une synthèse des différentes études attachées à l’évolution de comme, aussi
bien du point de vue de certains de ses emplois que dans une perspective globalisante. Après
avoir présenté ses origines latines et romanes, nous présentons les études de ses emplois
subordonnants puis de ses emplois non subordonnants. Enfin, une dernière section est consacrée
aux recherches portant sur l’ensemble des valeurs d’emploi de comme.
This paper summarizes all the diachronical studies on comme, wich are concerned by one specific
use as well as by its general evolution. After an overview of its Latin and Romanian origins, we
present works on the subordinating uses, and, in a third section, works on non-subordinating
uses. Finally, we take into account global studies of the evolution of this word.
AUTEURS
MÉLANIE MORINIÈRE
ENS-LSH (Lyon) – ICAR & Paris Sorbonne - STIH (EA 4089)
THOMAS VERJANS
ENS-LSH (Lyon) – ICAR & Paris Sorbonne - STIH (EA 4089)
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1 Cet article constitue en quelque sorte une annexe à l’article « L’interprétation des
segments comme N : invariants sémantiques et facteurs contextuels » (Gautier &
Morinière, ce volume, pp. 119-138). Nous essayons, à partir de différentes études de
corpus, de dessiner la filiation historique entre les différents types emplois de comme N
dégagés dans l’article précédent. Nous présentons un travail en cours, de nombreuses
remarques doivent donc être prises comme des hypothèses qui demandent à être
vérifiées, ou modifiées, par de plus amples recherches sur corpus.
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sa qualité de brave » ; et (3) par « recevoir les biens du mort comme moi qui suis
exécuteur doit les recevoir » (l’événement est conforme à l’événement qui doit être
selon une loi naturelle ou sociale).
4 A la place de N, on peut d’ailleurs avoir un autre syntagme dénotant une qualité, un SN
défini (4) (5), un SAdj. (6), ou un SN avec relative (7).
(4) […] l’héritage que je doi avoir par droit et par reson comme le plus prochiens
(Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis)
« […] l’héritage que je dois avoir par droit et par raison comme le parent le plus
proche »
(5) Cunseilez mei cume mi saive hume. (Chanson de Roland)
« Conseillez-moi comme mes sages hommes doivent le faire. »
(6) - Par la char Dieu, tu diz que sages, con preuz et con bien apansez (J. de Meun, Le
roman de la Rose)
« Par la chair de Dieu, tu parles comme un homme sage, comme un homme de bien/
*comme sage »
(7) Ele respont comme cele qui estoit liee de ceste aventure que Dex li avoit
envoiee : « … » (La mort le roi Artu)
« Elle répond comme celle qui était heureuse de cette aventure que Dieu lui avait
envoyée »
5 Mais dans quelques occurrences, com(e) N intra-prédicatif n’indique pas une manière de
prédicat, comme le montre l’impossibilité de la glose (8’).
(8) Entent a moi de par Ethïoclés le roi qui m’a tramis ci conme espie (Roman de
Thèbes)
« Ecoute moi de la part d’Ethéocle le roi qui m’a envoyé ici comme espion. »
(8’) #de la part d’Ethéocle qui m’a envoyé ici comme on s’attend à ce qu’on envoie
un espion/conformément à ma qualité d’espion
6 Il indique une propriété, la plupart du temps précisément le rôle/la fonction 1, d’un
argument (le référent de m’) au cours du procès. Il fonctionne comme un attribut, il
ressemble à por N, expression la plus courante de l’attribut en ancien français (9) (voir
Morinière, 2008b).
(9) Gui d’Alemaigne m’enveie por message (Couronnement de Louis)
« Gui d’Allemagne m’envoie comme messager. »
7 Dans un article de typologie des langues, M. Haspelmath et K. Buchholz (1998 : 321)
notent que dans beaucoup de langues du monde, le marqueur de rôle (« role-phrase »),
morphème qui « exprime le rôle ou la fonction avec lequel un participant apparaît
[dans le procès] »2est un morphème qui exprime (ou a exprimé) la comparaison
similative (angl. as, all. als, etc.). Mais ils ne développent pas d’explication précise sur la
filiation entre ces deux emplois. Il nous semble qu’on peut faire l’hypothèse d’un
changement sémantique par inférence contextuelle, selon le modèle exposé
notamment dans Heine et al. (1991) et Traugott (2003).
8 Dans certaines occurrences de comme X complément de manière/analogie, X est
interprété comme une propriété d’un argument Y de la prédication en raison du
contexte ou de connaissances encyclopédiques. En (2), par exemple, le lecteur sait par
le contexte que le référent de il est un seigneur. « Y est X » est donc une inférence
conversationnelle associée à certaines occurrences de comme X. Dans une occurrence
comme (7), l’inférence est conventionalisée. En effet si dans les énoncés (1) à (5) le
segment com(e) SN/SAdj pourrait aussi bien être interprété comme un syntagme
comparatif générique (« comme le ferait un seigneur, ce qu’il n’est pas ») que comme
une comparaison impliquant l’identité (« comme le seigneur qu’il est »), en (7) en
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(9e-12e s.), pour lequel nous avons relevé tous les segments introduits par comme,
quelles que soient leurs positions, nous n’avons trouvé aucune occurrence de type
« extraction ». 2) Une rapide étude de corpus nous a montré que le prédicat complexe
avoir comme NX, dans lequel comme N est toujours de type « extraction » (17) ne s’est
développé aux dépends de avoir pour NX qu’aux 19e et 20 e siècles (voir Morinière,
2008b).
(17) J’ai comme (pour) seul compagnon (N) un vieux chat (X) → Mon seul
compagnon (N), c’est un vieux chat (X)
18 D’autre part, dans d’autres langues, le morphème employé comme marqueur de rôle/
fonction (« catégorisation »), issu du morphème de comparaison similative, ne peut
être employé pour exprimer une extraction, comme le montre (18) pour l’anglais as 3, ce
qui nous amène à penser que le type « extraction » est en français une extension
d’emploi de comme N assez récente à partir de comme N marqueur de rôle, par
modification de la structure informative de la relation prédicative.
(18) I was looking for a driver and a cook. *As a cook, I took a guy my mother knew,
but I haven’t found a driver.
« Je cherchais un chauffeur et un cuisinier. Comme cuisinier j’ai embauché un type
que ma mère connaissait, mais je n’ai pas trouvé de chauffeur. »
19 Dans sa correspondance, à la toute fin du 18e siècle, G. de Staël fait un emploi de comme
N nouveau, d’après nos recherches, qui se développe ensuite au 19 e siècle, mais qui
disparaît quasiment au cours du 20e siècle :
(19) Il ne faut pas vis-à-vis d’eux faire aucun arrangement pour elle. Cela vous
compromettrait comme argent. (G. de Staël, Correspondance)
(20) Charlotte ne veut entrer pour rien dans celles de mes dépenses qui ne sont pas
le strict nécessaire, et veut me faire payer ses fantaisies, ce qui aboutirait à me
mettre dans sa dépendance comme argent. (Benjamin Constant, Journaux intimes)
(21) Je vous envoie Jocelyn, le dernier poème de La Martine. Comme art, ce n’est pas
un chef-d’oeuvre, mais comme sentiment, c’est adorable. (G. Sand, Journal)
(22) Comme homme, je ne vous trouve pas mal. Reste à savoir ce que vous êtes
comme cœur, comme caractère et comme habitudes. (Maupassant, Contes et
Nouvelles)
20 Dans ces exemples N n’est pas lié à un argument X de la phrase dans un rapport
d’inclusion « entité/catégorie », autrement dit la prédication sous-jacente n’est pas « X
est N » ou « Le N c’est X » : en (15), cent louis par mois relève de la catégorie {argent}, mais
en (19), ni le référent de cela (qui reprend faire un arrangement) ni celui de vous ne
peuvent être compris comme des membres de la catégorie {argent}. De même en (21), le
dernier poème de Lamartine n’est pas du sentiment, et si en (22), le référent de vous est
un homme, il n’est pas un cœur, un caractère, des habitudes. Le dernier poème de
Lamartine a du sentiment, le référent de vous a un cœur, un caractère et des habitudes
particulières.
21 Le rapport entre N et l’argument X qui apparaît comme le support est souvent un
rapport de type méronymique : N désigne un objet (arbres, montées et descentes en (23))
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ou plus souvent une qualité que possède (ou non) X ; plus précisément, N désigne un
ensemble d’objets ou un domaine de qualité (en intension) dont X est dit posséder un
élément : en (21) le poème de Lamartine possède une certaine qualité relevant de la
catégorie {sentiment}.
(23) La route de Concarneau à Fouesnant doit être ravissante, comme arbres,
comme montées et descentes. (Flaubert, Par champs et par grèves)
→ la route de Concarneau à Fouesnant possède des arbres, des montées, des
descentes.
22 Le rapport entre N et X peut aussi être plus libre et plus difficile à qualifier :
(24) Mais comme tableaux, comme statues, comme seizième siècle, Rome est le plus
splendide musée qu’il y ait au monde. (Flaubert, Correspondance)
23 Tableaux et statues sont liées à Rome par méronymie (« Rome a des tableaux et des
statues »), mais pas seizième siècle (« # Rome a un seizième siècle »).
24 Dans certaines occurrences, le référent de N n’est lié sémantiquement à aucun
argument du procès :
(25) Il est donc dans mes intérêts comme bienséance, et comme argent que tu [son
frère] comparaisses. Comme bienséance, si mon frère me refusait sa présence dans
un tel moment, on se demanderait si je le renie, ou si je suis reniée par lui. Comme
argent, les lenteurs, le grand nombre des témoins, et au pis aller, l’affaire portée à
Bourges me causeraient double dépense, au lieu qu’avec de l’accord, de la
promptitude et point de bruit, le jugement sera prononcé dans peu de temps et je
n’aurai pas 2000 f de frais. (G. Sand, Correspondance)
25 Dans la première phrase les référents des noms bienséance et argent peuvent être
rapportés au référent de mes intérêts (ou simplement au référent impliqué par mes,
c’est-à-dire l’auteure), mais dans le reste de l’énoncé, bienséance et argent des syntagmes
en comme périphériques ne sont liés à aucun argument. Il y a seulement un rapport de
pertinence entre le référent de N et l’énoncé qui suit : « En ce qui concerne la
bienséance, je dis P. En ce qui concerne l’argent, je dis P’ ». Comme N fonctionne comme
une sorte de titre détaché syntaxiquement de la prédication qui suit. De même, en
utilisant comme fortune et comme affaire de ménage en (26) et (27), G. de Staël organise par
domaines de la vie quotidienne ce qu’elle a à dire à son mari.
(26) Et comme fortune, la loi sur les émigrés n’étant point exécutée à Saint-
Domingue et concernant d’ ailleurs beaucoup plus la comtesse Louise que vous, il
est trop heureux que vous soyez débarrassé de vos dettes. (G. de Staël,
Correspondance)
(27) Comme affaire de ménage, il me faut votre linge ici pour monter ma maison.
(G. de Staël, Correspondance)
(28) Ses affaires privées n’avaient pas fait grand chemin comme amour et comme
fortune. Comme amour, la seule femme qu’il eût aimée était Mme Bonacieux, et
Mme Bonacieux avait disparu sans qu’il pût découvrir encore ce qu’elle était
devenue. Comme fortune, il s’était fait, lui chétif, ennemi du cardinal, c’est-à-dire
d’un homme devant lequel tremblaient les plus grands du royaume, à commencer
par le roi. (Dumas père, Les trois mousquetaires, 1844)
26 Cet emploi de comme N sans relation « X être N » (« X est un N » ou « Le N, c’est X »), assez
courant au 19e siècle, surtout, selon nos relevés, dans les correspondances, journaux
intimes et récits de voyage, écrits de registre courant, a quasiment disparu au cours du
20e siècle. Il est encore fréquent chez Proust ou Céline, mais dans les textes du 20 e siècle
les occurrences relèvent presque toutes d’un même schéma relativement figé
[appréciation de X du point de vue de sa qualité N] :
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2. Analyse
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études sur les emplois des circonstants de domaine en diachronie : d’après V. Lagae
(2007), en fait de N ne s’emploie avec un terme anaphorique ou sémantiquement
apparenté (31), concurrençant ainsi comme N, qu’à partir du milieu du 19 e siècle.
34 Nous terminerons avec un paragraphe de Chateaubriand qui nous permet d’aller plus
loin dans l’analyse de l’évolution des emplois de comme N :
(34) Quelle route historique, non encore parcourue, restoit-il donc à prendre aux
modernes ? Ils ne pouvoient qu’imiter, et dans ces imitations, plusieurs causes les
empêchoient d’atteindre à la hauteur de leurs modèles. Comme poésie, l’origine
des cattes, des tenctères, des mattiaques, sortis de la forêt Hercinienne, n’ offroit
rien de ce brillant Olympe, de ces villes bâties au son de la lyre, et de toute l’enfance
enchantée des hellènes et des pelasges, répandus aux bords de l’Achéloüs et de
l’Eurotas; comme politique, le régime féodal interdisoit les grandes leçons; comme
éloquence, il n’ y avoit que celle de la chaire ; comme philosophie, les peuples
n’étoient pas encore assez malheureux, ni assez corrompus, pour qu’elle eût
commencé de paroître. (Chateaubriand, Le génie du christianisme)
35 Dans les deux premières occurrences de comme N, N (poésie et politique) n’est lié à aucun
terme X, comme en (25). Dans la troisième, N est lié au pronom anaphorique celle,
réalisant ce que Corblin (1990) appelle une anaphore nominale : celle (de la chaire) ne
reprend pas un élément référentiel mais le concept désigné par N. La reprise du dénoté
de N par un pronom ou déterminant anaphorique est possible avec un circonstant de
domaine non référentiel (35)7. Notons toutefois que nous n’avons rencontré ce schéma
que très rarement avec comme N (36).
(35) En fait de spectacle, rien en cette saison ne vaut celui des moissons
(F. Chandernagor, cité par V. Lagae)
(36) Comme remèdes, Julia m’en a donné un d’agréable pour compenser les affreux
sinapismes. (Gide, Correspondance)
36 Mais c’est la dernière occurrence de comme N du texte de Chateaubriand qui est la plus
remarquable : N y est lié au pronom anaphorique elle, pronom qui ne peut reprendre
qu’un élément référentiel (37).
(37) A propos de ta sœur, elle va bien ?
*A propos de sœur, elle va bien ?
37 Nous n’avons trouvé un tel schéma avec un N lié à un pronom d’anaphore
« référentielle » que dans cet énoncé de Chateaubriand, mais il est intéressant car il
confirme une tendance évolutive repérée pour d’autres circonstants de domaine.
Combettes & Prévost (2001) et Combettes (2003) ont montré en effet la différence entre
la thématisation d’un complément circonstanciel de domaine (38) et la topicalisation
(39) :
(38) En ce qui concerne la peinture, Paul a de bonnes idées.
(39) (En ce qui concerne) Paul, il est venu hier.
(38’) Paul a de bonnes idées en ce qui concerne la peinture.
(39’) *Il est venu hier en ce qui concerne Paul.
38 Le circonstant de domaine a une relation sémantique avec le prédicat principal de la
phrase (il peut être en position intégrée (38’)), – c’est un constituant de niveau
« propositionnel », alors que le topique « fonctionne comme un élément indépendant
du système de rection et de hiérarchisation de la proposition » (d’où l’impossibilité
(39’)), – c’est un constituant de niveau « textuel » ou « énonciatif ». (Combettes &
Prévost, 2001 : 109sq).
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39 Ces auteurs ont mis au jour que les expressions introductrices de topique, ou
« marqueurs de topicalisation », sont en général à l’origine des introducteurs de
circonstants de domaine, autrement dit qu’il existe une tendance des introducteurs de
domaine (en ce qui concerne X, pour ce qui regarde X, à propos de X, quant à X, etc.) à élargir
leurs possibilités d’emploi en diachronie pour fonctionner comme des marqueurs de
topicalisation. Ils expliquent qu’
« on comprend qu’un « glissement » puisse se produire assez facilement de la
notion de « domaine » à celle qui, finalement, sous-tend la fonction de topique :
cette dernière consiste en effet à délimiter un référent dans l’ensemble des unités
possibles et à le présenter comme support pertinent d’une énonciation » (2001 :
109)
et proposent une explication en termes de grammaticalisation de ce changement de
« portée » du constituant concerné du niveau propositionnel au niveau textuel ou
énonciatif.
40 Mais B. Combettes (2003 : 155) remarque que les introducteurs de circonstants de
domaine suivis d’un nom sans déterminant (en fait de N, côté N, niveau N) peuvent
difficilement être employés comme marqueurs de topicalisation avec coréférence entre
N et un pronom ( ?En fait de N, il…) en raison du caractère non référentiel de N, alors
que c’est courant avec les marqueurs est suivi d’un SN défini, comme en ce qui concerne
(39). Le Querler (2001 : 163) en relève pourtant deux occurrences pour côté N (et semble
sous-entendre qu’elle a en trouvé d’autres) :
(40) Côté Pasqua, c’est vraiment un type que je déteste. (France Inter, cité par N. Le
Querler)
(41) Côté carte, nous l’avons voulue différente du Carlotta avec des spécialités de
brasserie. (Ouest-France, cité par N. Le Querler)
41 Ces énoncés montrent que les circonstants de domaine non référentiels sont
susceptibles de suivre la même tendance évolutive que les autres, même si, il est vrai, le
schéma avec coréférence reste très rare. Dans un texte comme celui de Chateaubriand
où comme N fonctionne comme un véritable circonstant de domaine (sans nécessité de
lien sémantique entre N et un argument de la phrase), il n’est pas surprenant de le
trouver topicalisé avec coréférence (comme philosophie, […] elle […]).
42 Il nous semble d’ailleurs que l’on peut déjà parler de topicalisation dans le cas
d’occurrences telles que (25) à (28), si la caractéristique d’un segment topicalisé est
l’absence de lien sémantique et syntaxique avec le reste de la prédication : si dans les
exemples (19) à (24), comme N est bien un circonstant de domaine sémantiquement lié
au prédicat, en (26) par exemple, N apparaît seulement comme « le support pertinent
d’une énonciation » (Combettes & Prévost 2001) : « En ce qui concerne la fortune, je dis
que P ».
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paradigme, et peut être mis en contraste avec un autre élément de ce paradigme. Dans
le cas du type « catégorisation » N est mis ou peut être mis en contraste avec un autre
aspect ou une autre qualité du référent du support X (8) et (13), dans le cas du type
« extraction » ou circonstant de domaine, N est présenté comme un domaine parmi
d’autres (15).
(8) […] le roi qui m’a tramis ci conme espie (Roman de Thèbes) « […] le roi qui m’a
envoyé ici comme espion » (et non comme messager)
(13) comme conquérant, le fer et l’activité furent ses seules armes ; comme
politique, il semble avoir trouvé les sources de l’or. (Mirabeau)
(15) Comme argent, j’aurai cent louis par mois pour nos quatre mois de cette
année. (G. de Staël) (et comme voiture…)
45 En (42), en revanche, N (fille) est présenté comme la catégorie définitoire du support X
(elle), et ne peut être mis en contraste avec une autre catégorie ou une autre qualité de
X (#Elle est pas mal comme fille, mais comme …). Cet emploi « non paradigmatique » est
l’emploi le plus fréquent de comme N dans la partie récente (après 1970) de la base
Frantext, la plupart des exemples se trouvant dans des énoncés de registre courant,
voire imitant l’oral. Nous n’avons pas pu, pour l’instant, dater précisément son
apparition, mais on peut déjà noter qu’on en a trouvé des exemples dès le tout début du
20e siècle dans la correspondance d’Alain-Fournier ou chez Proust :
(43) Un disait l’autre jour de son pays (Bagnères-de-Bigorre) : « j’avoue que ce n’est
pas joli comme pays. (# mais comme…)
- comment!
- oui, il n’ y a que des montées et des descentes. (Alain-Fournier, Correspondance,
1914)
(44) Comment vous a semblé le Trocadéro, petite folle ? (…) Comme monument c’est
assez moche, n’est-ce pas ? (M. Proust, La Prisonnière) (#mais comme …)
Conclusion
46 Comme, morphème de manière/conformité, peut dès l’ancien français, suivi d’un nom,
exprimer une indication de rôle/fonction, extension d’emploi que l’on retrouve dans de
nombreuses autres langues pour les morphèmes équivalents de comme. Nous avons
proposé de voir dans cette extension la conventionalisation de l’inférence « X est N ».
Beaucoup plus récemment, vraisemblablement autour de la fin du 18 e siècle, comme N a
commencé à être employé dans des contextes qui présentent un renversement de
l’orientation informationnelle de la relation « X être N » de « X TOP [ est N] FOC »
(catégorisation) à « Le N TOP, c’est XFOC » (extraction).
47 Dans ce nouvel emploi comme N est proche d’un circonstant de domaine, mais avec la
contrainte [N est lié à un argument X dans une relation entité/catégorie « X être (dét)
N »]. Nous avons vu que cette contrainte du français moderne n’était pas aussi stricte
au 19e siècle où comme N pouvait fonctionner comme un circonstant de domaine
équivalent à en fait de N. Nous avons analysé l’apparition de cet emploi comme
circonstant de domaine comme le résultat d’une grammaticalisation. Mais un retour en
arrière dans un changement par grammaticalisation est rare. On pourrait donc se
demander pourquoi comme N a vu son emploi comme circonstant de domaine se
restreindre au 20e siècle.
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48 Nous avons vu par ailleurs qu’à partir de l’emploi comme indication de rôle/fonction
s’est développé dans le courant du 20e siècle un emploi de comme N dans lequel il a
perdu son caractère paradigmatique.
49 Il serait très intéressant de confronter ces observations sur l’évolution de comme N aux
emplois en synchronie et en diachronie des morphèmes équivalents à comme
(morphèmes de comparaison similative) dans d’autres langues, afin de voir si l’on
retrouve ces mêmes tendances d’évolution.
BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
1. Nous avons trouvé un exemple dans lequel comme SN n’est pas un complément de manière/
conformité (impossibilité de la glose) mais a une valeur attributive à interprétation temporelle et
SN désigne une propriété autre qu’un rôle. Un tel emploi de comme est impossible en français :
Tu me traisis de son ventre conme petit enfant et tendre, puis me norris (Roman de Thèbes)
« Tu me sortis de son ventre à l’état d’embryon, puis me nourris. »
(glose) # Tu me sortis comme tu devais sortir l’embryon que j’étais.
2. La traduction est la nôtre.
3. Il serait très intéressant de vérifier cette remarque en étudiant les emplois des morphèmes de
comparaison similative / marqueurs de rôle équivalents de comme dans de nombreuses langues,
ce que nous n’avons pu faire faute de temps.
4. « circonstant de domaine » est un terme désormais partagé par de nombreux linguistes, voir
par exemple Levrier & Molinier (2000), Combettes & Prévost (2001).
5. Dans les deux types d’emploi de comme N, le concept désigné par N est pris en intension, mais
dans le type « catégorisation » N est en plus en position prédicative, il caractérise un support X
(comme le montre la paraphrase « X est N », dans laquelle N est en position prédicative, derrière
la copule), tandis que dans le type « extraction », il ne l’est pas, comme le montre la paraphrase «
Le N, c’est X ». Dans le premier cas, comme fonctionne comme une sorte de copule, dans le second,
son fonctionnement se rapproche d’un introducteur de domaine (« à propos de la catégorie
{N} »).
6. N. Le Querler (2003) décrit les mêmes contextes d’emploi (avec N lié à un terme X ou non) pour
les circonstants non référentiels question N et côté N.
7. Ce type d’exemple est également étudié par N. Furukawa (2003) qui l’appelle « thématisation
métalinguistique ou intensionnelle ».
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RÉSUMÉS
En partant du classement de Gautier & Morinière (ce numéro) et en nous appuyant sur plusieurs
corpus, nous dessinons dans cet article la filiation historique entre les différentes constructions
de la forme comme + nom sans déterminant sur toute la période du français (du 9 e au 20 e
siècle). Nous proposons des analyses des changements d’emplois observés, qui s’appuient sur les
théories récentes du changement sémantique et de la grammaticalisation développées
notamment par Heine et al. (1991) et Traugott (2003).
Following the typology proposed by Gautier & Morinière (this volume) and relying on several
corpora, we sketch in this paper the evolution of the different constructions combining French
comme to a bare noun through the whole period of French (from the 9 th to the 20 th century). We
present analysis of the changes observed that relie on recent theories of semantic change and
grammaticalization, as developped among others by Heine et al.(1991) and Traugott (2003).
AUTEUR
MÉLANIE MORINIÈRE
ENS-LSH (Lyon) – ICAR
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Incidences et valeur
prépositionnelle de com(e) suivi d’un
adjectif qualificatif en français
médiéval
Thierry Ponchon
I. Introduction
1 L’aptitude de com(e) à se dématérialiser et à se désémantiser, lui permettant d’être
adjoint à un élément caractérisant (X) a suscité quelque attention, mais n’a pas fait
l’objet d’une étude précise pour le français médiéval. Le présent article vise à
s’intéresser à cet emploi particulier de com(e), celui de marqueur introduisant un
caractérisant adjectival (AQ) dans des structures du type [N 0 com(e) AQ 0 V 0 Ω] et [N 0 V 0
com(e) AQ0 Ω].
2 Un précédent article sur les valeurs de com(e) en français médiéval s’était attaché à
dégager le signifié de puissance de ce morphème polysémique à partir de la
polyfonctionnalité qui émerge de ses signifiés d’effets, dans le cadre de la
psychomécanique du langage et la théorie de la subduction (Th. Ponchon, 1998 :
319-350). Cette étude étant globale, elle avait simplement souligné que dans une
structure com(e) + AQ, le morphème introducteur véhiculait une valeur à la charnière
entre une valeur comparative et une valeur conjonctive circonstancielle ; valeur qui
avait été nommée alors prépositionnelle, mais sur laquelle il convenait de revenir.
3 Il s’agira ici de reprendre cette représentation, en déterminant et analysant les
rapports que com(e) entretient avec le N et le V notamment, afin de voir dans quelle
mesure il mérite pleinement d’être considéré comme une préposition. Ainsi, après
avoir évoqué les caractéristiques du syntagme [com(e) X], la réflexion se centrera sur les
incidences de com(e) et de [ com(e) AQ] et leurs enjeux en syntaxe résultative ;
permettant alors d’inscrire cette valeur au sein d’un schéma constructeur général.
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8 Alors que l’Académie fait de comme un adverbe de comparaison – et ce, quelle que soit
l’édition de son Dictionnaire, J. Damourette & Ed. Pichon montrent, à partir d’un
exemple comme Louis agit comme un/le/Ø roi., qu’en français moderne, chaque fois que
l’alternative existe, la différenciation « donne une valeur dichodestique au tour avec
article, et une valeur syndestique [c.-à-d. un rapport d’identité] à celui sans article […] »
(1971 : VII, 384-386). Bien qu’ils admettent la difficulté de différencier sémantiquement
les tours « qualifiant » (avec déterminant) et « échantillant » (sans déterminant), au
point de conclure que la nature grammaticale de comme est plus ou moins analogue, ils
précisent néanmoins que dans les tours qualifiants, le syntagme exprime la
qualification (1971 : VII, 384) et comme y est conjonctif (1968 : II, 146), alors que dans le
cas des tours échantillants, comme exprime une similitude et joue, dans la phrase, le
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rôle d’une préposition (1971 : VII, 381) (v. aussi H. Portine, 1996 : 89). Toutefois, par
souci d’unification explicative, ils considèrent que les tours doivent être interprétés
comme des zeugmes ; l’échantillant (à détermination zéro) par conversion
zeugmatique. Kr. Mantchev (1976 : 335-8) précise, quant à lui, qu’en plus des fonctions
conjonctives et adverbiales, comme se trouve en position prépositive dans des tours tels
que comme étourdi ; considérant ainsi que le morphème appartient à deux classes, celle
des conjonctions et celle des prépositions. Dans un article faisant un tour d’horizon du
traitement de ce morphème, P. Heistov & Y. Kroumova (1982 : 27-1) considèrent que
comme est une préposition, lorsqu’en position détachée est soulignée la qualité d’un
sujet (ex. : « Comme avocat, il… »), de même que dans certains syntagmes verbaux, où
la structure [comme X] est complément d’un adjectif qualificatif attribut (ex. : « … hardi
comme un lion. »). La commutation avec en est une preuve indirecte, selon eux, du
fonctionnement prépositionnel de comme. Cependant, d’une part, leur analyse ne
concerne évidemment que le français contemporain, d’autre part, apparaît comme
contestable le fait de mettre sur le même plan analytique des structures très différentes
(hardi comme un lion, je sens comme un bourdonnement, un homme comme lui, je le considère
comme mon fils, comme avocat…). Une ambiguïté est maintenue aussi dans la Grammaire
méthodique, puisque ses auteurs considèrent que comme fonctionne comme une
préposition lorsqu’il précède un syntagme nominal (ex. : « jolie comme une déesse »),
mais comme un adverbe incident effaçable lorsqu’il précède un adjectif attribut ou
apposé (ex. : « J’en suis resté comme abasourdi. » (M. Riegel & coll., 1994 : 515). Dans une
étude sur la catégorisation de comme, M. Pierrard (2002 : 69-78) définit les propriétés
syntaxiques et pragmatiques permettant de caractériser son accession au statut de
préposition (v. aussi J-M. Léard & M. Pierrard, 2003 : 221-222, 227-228). Au moyen des
tests de clivage, de commutation syntagmatique, de cohésion contexte-droit, de
délimitation, de non-prédétermination ou complémentation, il définit certaines
propriétés et détermine que [comme X] – syntagme dans lequel comme, tout en étant un
relateur symétrique liant deux arguments, en forme la tête – est un constituant
fonctionnel à forte cohésion ayant une unité syntaxique. Toutefois, il ajoute des traits
spécifiques, lorsqu’il évoque la structure [comme X] avec X comme SA ou AQ (2002 : 72) ;
notamment l’aptitude à la combinaison prépositionnelle et l’emploi facultatif ou
l’élision de comme (avec des SA attribut du COD). Comme est alors un marqueur de
prédication seconde assurée par le SA, tout en étant constituant dans une prédication
supérieure ; de sorte qu’il est à la fois un « ligateur » sur le plan sémantique et un
marqueur de hiérarchie sur le plan syntaxique. Enfin, selon l’accentuation de certains
traits au détriment des autres, le « fonctionnement catégoriel » de comme apparaît,
pour M. Pierrard, tantôt prépositionnel, tantôt adverbial.
9 Comme il est donné de le voir, il apparaît qu’il n’existe pas de réel consensus, pour le
français contemporain, quant au statut grammatical de comme. C’est d’ailleurs ce que
met clairement en lumière la « petite enquête » de O. Halmøy (1998 : 221-228).
10 Mutatis mutandis, il en est de même pour le français médiéval ; à cette différence près
que les travaux portant sur [com(e) AQ] n’ont pas suscité le même engouement.
11 Ph. Ménard (1976 : 223-224) établit une affinité entre les structures [com(e) AQ] et
[com(e) + (li) hom/cil qui QRel]. Ce rapprochement – absent chez L. Foulet ([1919] 1977 :
171) – est corroboré par une occurrence comme :
Roman de Tristan en prose, VII-I : 32
« Amours, je ai parlé conme faus et conme hom qui n’a en soi bien ne houneur ne
courtoisie. »
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Il montre précisément que, n’ayant aucune valeur comparative en soi, ces structures ne
sauraient être considérées comme des comparaisons. L’emploi du cas sujet, quand il
peut être décelé incontestablement, confirme d’ailleurs cette appréhension :
Guillaume de Lorris & Jean de Meun, Roman de la Rose, 2909
Atant saut Dangiers li vilains
De la ou il s’estoit muciez.
Granz fu et noirs et hericiez, […]
et s’escrie com forcenez :
« Bel Acueil, por quoi amenez
entor ces rosiers ce vassaut ? […] »
Gerbert de Montreuil, Continuation de Perceval, 15441
« […] on m’apele Brandin Dur Cuer.
Liez sui quant estes Perchevax.
Affiné avez vos travax,
que ja mais jor ne menjerai
devant che que mort vous arai. »
Perchevax dist conme hardis :
« Par foi, dont junerez toz dis. »
Ce lien étroit – véritable mise en parallèle – entre le sujet et le caractérisant est
confirmé notamment lorsque l’AQ introduit par com(e) est au cas sujet alors qu’il y a
omission de N0, comme dans l’exemple suivant :
Chrétien de Troyes, Conte du Graal (Perceval), 2443
[…] et quant cil del chastel les virent,
les portes a bandon ovrirent,
que li vaslez le volt ensi,
qui devant aus toz s’an issi
por asanbler as chevaliers.
Come hardiz et forz et fiers
les a entaschiez toz ansanble.
Il considère dès lors que com(e) dans [com(e) AQ] introduit un attribut du sujet ou du
complément, au sens d’« en, en qualité de ». Cependant, l’exemple qu’il donne à l’appui
de son analyse ne présente qu’un verbe en emploi intransitif. Aussi, s’il peut être
acceptable que l’AQ dans ce type de structure revête une fonction d’attribut du sujet, il
paraît difficile d’en faire autant lorsque la phrase comporte un COD ou un COI.
Reprenant son étude quelques années plus tard, la conclusion qu’il donne assoit la
nature adverbiale de com(e), en tant que marqueur d’un statut social, d’un titre, d’une
fonction ou d’une « qualité morale exemplaire dans le monde du bien ou du mal », mais
est moins tranchée quant à la fonction, puisqu’elle fait de com(e) un adverbe servant à
mettre en relief de manière prédicative un état ou un comportement « comme si l’on
avait affaire à un attribut » (1997 : 258). Cette analyse diffère de celle de E. Gamillscheg,
qui considère qu’en pareille situation com(e) introduit soit une apposition, soit un objet
prédicativé (1957 : 788). Toutefois, les analyses de Ph. Ménard concernent les structures
non adjectivales : [com(e) + N/D + N/PDém + QRel/Dø + N + QRel/AQ + N)]. Par ailleurs, à
partir d’un exemple mentionné par E. Lerch (1925 : 229) : Ami et Amile, 1583, présentant
la structure [(N0) V0 [← com(e)→ (AQ + N) 1]], il montre que l’adverbe com(e) est un
marqueur de conformité entre N0 et un prototype (AQ + N) 1. L’importance et la
primauté de la valeur référentielle du syntagme en com(e) ne font aucun doute, au point
que Ph. Ménard généralise cette valeur aux tournures en adjectif (1997 : 260, n 13),
après avoir précisé, par opposition à l’analyse de F. Jensen (1990 : 402-3), que la valeur
causale était secondaire. En somme, toutes les valeurs sémantiques de com(e) sont
issues selon lui du même sens fondamental – la valeur comparative – et sont les
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conséquences du contexte (1997 : 267) ; de sorte que son usage est sans aucun doute
dérivé de l’emploi comparatif, tout en étant nettement distinct. Pour G. Moignet,
lorsqu’il est suivi d’un AQ, l’emploi de com(e) traduit une aptitude de ce morphème
nominalisateur à se subduire. Dans la mesure où la remontée morphogénétique
estompe les valeurs adverbiales de manière (exotérique) et d’analogie (ésotérique), ce
serait une subduction plus avancée qui le réduirait à l’état de conjonction. Cette
accession, dans laquelle transparaît une sémantèse d’identité en coïncidence
temporelle, est une manifestation plus abstraite de la sémantèse en emploi adverbial ;
au point qu’il peut même fonctionner comme une quasi-préposition avec ellipse du verbe
(1981 : 198). Ainsi, d’après G. Moignet (1974 : 258 ; 1981 : 26, 197-198, 293), le processus
de subduction situerait com(e), lorsqu’il précède un caractérisant en français médiéval,
à la « conjointure » de l’adverbe et de la conjonction.
12 Comme pour le français contemporain, les approches analytiques de com(e) suivi d’un
caractérisant laissent transparaître pour le français médiéval une fluctuation autant du
point de vue de sa « nature » : adverbe, conjonction, préposition, introducteur, marqueur,
relatif… (v. aussi L. Foulet, [1919] 1977 : 324, V. Wielemans, 2005 : 2, 3, 24, 31), que de la
fonction du SA dans lequel il est antéposé : apposition, attribut du sujet/de l’objet,
complément d’objet…3 C’est donc l’alternative entre un statut adverbial et un statut
prépositionnel de com(e) qui est en jeu et sur laquelle il convient de s’apesantir.
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El lo regarde an travers,
de mautalant ot lo vis pers, […]
amors l’avoit tote anflanbee,
ele parla comedesvee :
« Onc n’apartenistes as deus,
car molt estes fels et crueus, […] »
Didon n’est pas comparée à une femme folle ou à une furie, mais qualifiée de femme
éperdue et désespérée dans l’instantanéité du discours et de la situation conflictuelle,
jusqu’à faire d’Énée un traître cruel à son égard ; lui qui vient d’arguer que les dieux le
contraignaient à partir pour fonder la nouvelle Troie en Lombardie et donc à la quitter
(vv. 1759-1776). Ainsi, si cette translation véhicule une congruence, elle appartient bien
davantage à une assimilation ponctuelle, parcellaire et inscrite exclusivement dans le
temps de l’énonciation.
15 Suivi d’un AQ, com(e) n’exprime pas davantage une valeur causale ou un indice fort de
causalité, comme le laissent entendre F. Brunot (1936 : 819) et F. Jensen (v. supra). Sans
en nier l’existence, elle ne peut être admise, au mieux, que comme secondaire ou
adventice (v. aussi G. Moignet, 1979 : 341, Cl. Buridant, 2000 : 614 et A. Kuyumcuyan,
2006 : 117-118). Dans l’exemple précédent, la reine n’est ni folle ni furieuse parce
qu’elle parle ; de même dans :
Adenet le Roi, Enfances Ogier, 192
Moult fu preudom Charlemaines li rois ;
Par devant lui fu amenez Gaufrois ;
Namles, qui ert sages en tous endrois,
Dist la parole com sages et courtois.
Au roi loerent Alemant et François […]
Un indice de causalité existe certes en sous-jacence dans com sages et courtois, mais la
présence au vers 191 de la relative appositive qui ert sages en tous endrois (qui, elle,
véhicule le trait causatif), montre que [←com(e)→ (AQ + AQ’) 0] ne fait que relayer un
caractère déjà déterminé de Namles et n’apporte pas une information causale
supplétive, mais assoit une qualité préexistante et prédéterminée (v. infra).
16 Ainsi, dans les exemples précédents, com(e) a un fonctionnement similaire à la
préposition en, et dans la structure [N0 V0 [←com(e)→ AQ 0]], il sert de « pont » entre un
caractérisant apposé ou attribut, un verbe ou un substantif. Plus précisément, il a deux
supports : son incidence porte non pas sur l’AQ, mais sur l’intervalle entre N 0 et AQ0 et
sur l’intervalle entre N0 et V0. Dans l’exemple suivant :
Chrétien de Troyes, Chevalier au lion (Le) (Yvain), 1799
[La dame du château] si s’umelie come sage,
et dit [à sa suivante] : « Merci crïer vos vuel
del grant oltrage et de l’orguel
que je vos ai dit come fole,
si remanrai a vostre escole. […] »
Que je vos ai dit come fole correspond à la structure [N0 V0 [←com(e)→ AQ 0] + (N1)Q + (N2)r],
dans laquelle les incidences de com(e), par déplétion extrême, portent à la fois sur la
relation sémantico-syntaxique [N0 → AQ 0] (je → folle ) et sur la relation syntactico-
sémantique [[N0 + AQ0] → V0] (je + folle → dire) ; soit :
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Com(e) est ici l’indice permettant de mettre en lumière que le dire est en décalage par
rapport au dit. Ainsi, dans l’exemple suivant :
Alain Chartier, Livre de l’Espérance, [43]
Et je qui estoye aprés tant d’enhan demouré comme esperdu et esvanouy ne povoye ses
parolles imprimer en ma pensee, ne les recueillir par bon semblant. 9
L’incidence bilatérale de com(e) de demorer à qui et d’ esperdu et esvanoui à demorer
permet au locuteur de relativiser son dire tout en le disant. L’intervalle psychique est
comblé par com(e) qui traduit l’intentionnalité du locuteur. En effet, bien qu’il affirme
avoir présenté tous les symptômes permettant à autrui de conclure effectivement à son
désespoir et sa défaillance, il en amoindrit la véracité en usant de com(e) ; de sorte qu’a
posteriori la détresse devient une tristesse (plus ou moins marquée) et le mal-être une
incommodité (plus ou moins forte). Com(e) ne sert pas à contester la sincérité du je,
mais à mettre en avant l’objectivité du point de vue de l’énonciateur. Dans la mesure où
com(e) joue ici le rôle d’un modulateur de véracité, il apparaît soudé autant à son
contexte-droit qu’à son contexte-gauche. Dans ses emplois avec un verbe attributif
suivi d’un AQ, com(e) est bien un opérateur de polysémie reliant non des mots, mais des
représentations
(P. Cadiot, 1997 : 25). Il médiatise tout en déterminant l’inférence interprétative. Et en
ce sens, il revêt bien certaines caractéristiques d’une préposition.
20 Mais il est ici, plus qu’ailleurs, un indice de pesée critique. C’est ce trait de subjectivité
(v. Chr. Marchello-Nizia, 2006 : 73-74) – présent dans toutes les relations Verbe-AQ et
accentué avec les verbes attributifs –, qui va faire s’incliner la valeur de come vers une
valeur particulièrement subduite et abstraite. Le degré de subduction est si ésotérique
d’ailleurs que com(e) en arrive à pouvoir alterner avec Ø. Il n’y a pas équivalence
énonciative bien sûr, mais ceci confirme néanmoins sa remontée morphogénétique
tardive sur l’axe de l’idéogénèse10.
21 Le trait caractéristique d’une plus grande soudure de com(e) à son contexte-droit amène
à s’interroger sur le statut même de la structure [←com(e)→ AQ]. Par sa nature
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22 Le syntagme [←com(e)→ AQ] porte le plus souvent sur le N 0 animé humain11, c’est-à-dire
sur l’incidence interne du substantif (présent ou sous-entendu) ou du pronom (N 0)r. En
somme, [←com(e)→ AQ] caractérise N 0 et s’insère ainsi dans une structure du genre
20 Ω]. Dans cette hypothèse, lorsque N ou (N ) est présent, [←
[[[N0 [←com(e)→ AQ 0]] V0 F0 r
0 0
com(e)→ AQ] apparaît juste à proximité du sujet 12 et est le plus souvent placé entre
virgules dans les éditions :
Adenet le Roi, Berte aus grans piés, 2659
Ou qu’il voit la pucele, vers li vint belement,
Et quant Berte le voit, molt grant paour l’en prent ;
Et li rois la salue molt tres courtoisement,
Et Berteconme sage au roi son salu rent.
« Bele, » ce dist Pepins, « n’aiez esfreement !
Je sui des gens le roy ou douce France apent,
J’ai ma route perdue, […] »
Guillaume de Machaut, Livre du Voir-dit, 620
Et quant elle vit mon message,
Elle, com bonne, aperte, et sage,
Moult longuement ne musa mie,
Ainsois fist comme bonne amie ; […]
Le corpus a permis de relever que [←com(e)→ AQ], incident à l’incidence interne de N 0,
pouvait s’inscrire aussi bien dans une structure avec un verbe transitif ([N 0 [←com(e)→
AQ0] Vtr0 N1]) :
Christine de Pizan, Livre des Trois Vertus, I : 106
Adonc, quoy que son cuer en soit doulent merveilleusement, elle comme sage avisera
le meilleur parti […]
que dans une structure avec un verbe intransitif ([N0 [←com(e)→ AQ0] (Vaux + Vn)in0]) :
Adenet le Roi, Enfances Ogier, 2342
Lors prent congié Carahués com senés.
23 Marque d’une pesée critique du locuteur, le syntagme a pour fonction de détacher
discursivement un trait inhérent par essence au sujet caractérisé ; apparentant dès lors
l’AQ à un caractérisant « autarcique » ou « tautologique » :
Gerbert de Montreuil, Continuation de Perceval, 2490
Aprés mengier Perchevaus s’arme,
Puis monte, si a congié pris.
Li prestrescome bien apris
Le comande a Dieu, si le saigne, […]
Dans cet exemple, come bien apris (‘en homme bien instruit’) traduit une qualité
intrinsèque à un homme d’église, puisque celui-ci recommande le chevalier à la
protection divine (comander a Dieu) et le bénit (seignier) ; actions qui sont constitutives
de son état social et de sa fonction. La présence de ce syntagme ne fait rien d’autre que
de souligner incidemment un trait qui appartient – ou est censé appartenir – de fait à
tout prêtre. Si (bien) apris caractérise effectivement prestre(s), il n’en restreint pas pour
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161
autant son extension ni n’en accroît sa compréhension : en cela, on peut dire que le
syntagme [←com(e)→ AQ0] véhicule ici une caractérisation « autarcique ».
L’occurrence suivante présente une caractéristique similaire. Dans le Saintré, Jehan
revêt au moins sept traits qualitatifs le caractérisant à plusieurs reprises : courtois, doux,
gracieux, humble, jeune, sage et volontaire. En fonction de l’intention critique, le locuteur
opère un choix au sein de l’ensemble de ces « invariants » définissant le héros :
Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, I : 21
« [Je] vous donrroye a compaignon mon propre nepveu, qui est de vostre aaige et
chevalier comme je suis ; et je de ce vous en voulroye bien prier. » Saintré, comme
tres saiges et courtoiz, de soy meismes fist sa responce et dist : « Mon seigneur
messire
Enguerran, il a pleu a Dieu et a ma bonne fortune que mon emprinse […] »
Ici, ce sont les qualités d’extrême perspicacité et de courtoisie qui, incidentes à
l’incidence interne de Saintré, sont sélectionnées pour être mises en saillance. Mais
pour autant, comme tres saiges et courtoiz n’apporte pas de variable nouvelle, inattendue
ou imprévisible, pour qualifier le personnage.
24 Enfin, certains indices textuels permettent de valider l’analyse tautologique. Dans
l’exemple suivant, l’emploi répétitif antéposé de vaillant est un marqueur de la valeur
autarcique de comme preux et sage. En effet, vaillant peut être considéré, dans cette
situation, comme revêtant une valeur hyponymique de [←com(e)→ AQ] :
Christine de Pizan, Livre de la mutacion de Fortune,
III, 7 : 5440
Que doit on dire du vaillant
Seigneur Du Chastel, qui vaillant,
Et corps, et pouoir, et lignage
N’espargne, comme preux et sage,
A dalmagier noz ennemis ?
25 Dans tous ces cas, [←com(e)→ AQ] est toujours en coalescence avec le N0 qu’il
caractérise ; de sorte qu’il doit être considéré comme une « sous-structure » de celui-ci ;
soit : [[N0/(N0)r [←com(e)→ AQ 0]SN] [V0 (N 1)]]. À partir de là, on peut en conclure qu’il
revêt une fonction d’apposition dans la structure prototypique : [[N 0 [←com(e)→ AQ 0]]
V0 Ω].
26 Le syntagme [←com(e)→ AQ] peut aussi porter sur l’incidence externe du verbe au
substantif sujet. Discursivement, il apparaît plus généralement après le verbe ; que ce
verbe soit intransitif ([N0 Vin0 [←com(e)→ AQ0]]) :
Chanson d’Antioche, 9399
Et li rois cevalça com coureços et fier,
Toute nuit va pensant sor le col del destrier.
ou transitif ([N0 Vtr0 N1 [←com(e)→ AQ0]]) :
Roman de Renart, Br. III, 4949
Tibert ne fu pas petit liez.
L’endoille prent com afaistiez,
l’un des chiés en met en sa bouche,
puis la balence, si l’atoiche
desor son dous conme senez ;
puis s’en est vers Renart tornez ; […]
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Par ailleurs, le syntagme [←com(e)→ AQ] peut être incident à l’incidence externe du
syntagme verbal au substantif sujet. Discursivement, il apparaît très souvent alors à la
suite du verbe transitif (direct ou indirect) et de son ou ses compléments ; soit : [N 0 [[V0
N1]sv [←com(e)→ AQ sv]]]. Ainsi dans l’exemple suivant, comme bonne et vaillant et sage (‘en
femme de bien, valeureuse et avisée’), porte sur l’incidence de voloir garder son pucellage
(‘vouloir garder sa virginité’) au sujet sous-entendu el du vers précédent :
Guillaume de Machaut, Livre du Voir-dit, 321
[…] Ama Pallas si ardamment
Qu’il la requist de puterie ;
Mais el ne s’i accorda mie.
Ains volt garder son pucellage
Comme bonne et vaillant et sage.
Vulcans long temps la poursui,
Et elle tousjours le fui […]
27 En situation d’incidence externe à une incidence externe, le syntagme a pour fonction
de mettre en avant discursivement un trait exceptionnel, propre à la situation et à elle
seule. Il apporte une variable nouvelle et contextuellement impondérable ; apparentant
dès lors l’AQ à un caractérisant « accidentel »13 :
Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, 72 : 127, 29
Et quant messire Enguerrant se vist sans hache, comme desesperé tout a cop s’avança
et vient Saintré par le corps lyer, et Saintré lui, d’un bras, car de l’autre sa haiche
tenoit.
Ainsi, dans cet exemple, comme desesperé traduit certes une conséquence logique liée au
coup porté par Saintré, ayant endolori sa main avec le tranchant de sa hache, mais ce
syntagme a surtout pour objet de souligner un trait qui est propre à la situation dans
laquelle se trouve l’adversaire de Saintré, et non sa qualité, car Messire Enguerrant […]
tres vaillant chevalier estoit, fort et puissant, et plus grant de personne que Saintré n’estoit.
(126 : 31) C’est bien la situation présente du combat entre les deux champions et la
vaillance du héros qui fait qu’Enguerrant se trouve agir en homme désespéré. Comme
desesperé caractérise le rapport existant et momentané entre Enguerrant et s’avancer. Il
en accroît donc la compréhension. (Par ailleurs, la conséquence directe sera
l’attribution par le roi du prix de la victoire à Saintré.) En cela, on peut dire que ce
syntagme [←com(e)→ AQ0] véhicule bien ici une caractérisation « accidentelle ».
28 Il reste que [←com(e)→ AQ] est toujours, dans ces emplois, en dialescence avec le N0, ou
plus exceptionnellement le N1, qu’il caractérise ; de sorte qu’il doit être considéré
comme une « sous-structure » du verbe ; soit : [N0/(N0)r [V0 (N1) [←com(e)→ AQ 0]]SV] ou,
plus rarement, [N0/(N0)r [V0 [N1 [←com(e)→ AQ 1]]]SV]. À partir de là, on peut en conclure
qu’il revêt une fonction d’attribution dans les structures prototypiques : [[N 0 V 0 [←
com(e)→ AQ0]] Ω] ou [N0 V0 [N1 [←com(e)→ AQ1]] F0
20 Ω].
5. Désambiguïsation
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s’est bien opéré, dès le début du MF, un mouvement en endosmose (Th. Ponchon, 1994 :
360-361 ; 1998 : 343-346).
36 Suivi d’un AQ, le morphème polysémique com(e) semble s’inscrire ainsi dans le schéma
constructeur général :
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NOTES
1. La présente analyse s’appuie sur la base de données électronique Honoré Champion (BÉHC).
Nous y renvoyons donc pour les références bibliographiques des œuvres médiévales servant de
support. Néanmoins, n’ont été retenues que l’édition la plus récente et la variante éventuelle du
manuscrit considérée comme la plus stable et la plus sûre. De plus, l’étude se limite aux œuvres
allant du début de l’ancien français jusqu’au début du XVI e siècle ; dans la mesure où cette
période marque (même fictivement) la limite généralement admise de l’époque littéraire
médiévale. Le corpus ainsi délimité a permis de retenir 19 582 occurrences de com(e), parmi
lesquelles 607 présentent un emploi avec caractérisant adjectival. Même s’il convient de
relativiser les conclusions, notamment parce que le corpus BÉHC est composé de textes relevant
quasi exclusivement des domaines romanesque, poétique et théâtral ; on peut néanmoins
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considérer que l’ensemble présente une image relativement certaine : l’intérêt dans l’analyse
lexicale n’étant pas tant dans les pourcentages que dans les écarts réduits. Pour les principes de
l’analyse statistique lexicale, voir Ch. Muller (1977) et Th. Ponchon (1994 : 9-10) : tout écart réduit
(éc.r.) en deçà de -2 et au-delà de +2 est considéré comme significatif.
2. Sur la notion d’incidence et son statut, v. notamment G. Guillaume ([1944] 1991 : 82 ; [1956]
1982 : 141), R. Valin (1987), H. Constantin de Chanay (2001 : 277-294) et K. Ilinski (2003 : 34-90).
3. Cf. Cl. Buridant (2000), où [←com(e)→ AQ] ne semble pas avoir donné lieu à commentaire.
4. Cette conception est reprise et analysée par T. Verjans (2009) sous le terme d’espaces catégoriels.
5. Ce qui n’est à l’évidence pas le cas, lorsque se présente un substantif à détermination Ø
précédé de com(e), alors conjonction comparative.
6. Cf. V. Brøndal (1950 : 13), pour qui la préposition est « le moyen le plus simple dont la langue
dispose pour exprimer la relation » ; définition qui n’est pas sans rappeler celle de Dumarsais,
reprise par Girault-Duvivier et Ch. Laroche (1882 : 5).
7. Par ailleurs, ils mettent en avant la parenté entre [←com(e)→ AQ] et la négation rectrictive ne…
que… (qu’ils nomment « tour uniceptif »).
8. Ravi := ‘émerveillé, charmé, sous le charme’.
9. ‘Et moi qui, après tant de souffrances, étais resté (comme/presque) désespéré et pris de
défaillance, je ne pouvais pas graver ses paroles dans mon esprit, ni les recevoir de bonne
manière.’
10. Cette remontée est même confirmée par la présence fréquente dans le corpus (35 % des occ.)
de tout – incident à l’incidence externe de l’AQ (cf. Guillaume de Machaut, Livre du Voir-dit, 160 et
Guillaume de Machaut, Dit dou Lyon, 776).
11. Hormis certaines occurrences dans le Roman de Renart, où logiquement le N 0 est un animé
animal, rares sont les cas où le sujet n’est pas un animé humain (cf. Mistére du Vieil Testament,
690).
12. Généralement placé après, il existe antéposé au sujet (v. Mystère de la Résurrection, I-1 : 4020).
13. Il existe toutefois de rares cas où il est possible de considérer que l’incidence accidentelle
porte exclusivement sur le substantif. C’est le cas dans les didascalies :
Première Continuation de Perceval, ms. T, [6220]
L'ENCHANTERES come dolans
De tost fuïr n'est mie lans,
Mais ainc puis ne cesse ne fine
Des qu'il pot veoir la roïne […]
RÉSUMÉS
Dans la perspective d’appréhender l’entier du microsystème comme, le présent article s’efforce
d’étudier les emplois spécifiques de com(e) suivi d’un adjectif qualificatif en français médiéval.
L’analyse proposée des caractéristiques de ce syntagme complexe s’appuie sur l’idée de
l’existence d’une double incidence de com(e) et sur le lien étroit qui existe entre l’incidence
interne et externe et le concept de caractérisation autarcique et accidentelle. Elle aboutit ainsi à
mieux définir une des valeurs subduites de ce morphème.
This paper attempts to explore the specific uses of com(e) followed by an adjective in medieval
French with the aim of understanding the entire microsystem of “comme”. The proposed
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analysis of the com(e) ADJ complex syntagm relies on the hypothesis of a dual incidence of
com(e). We assume these internal and external incidences are tightly related and we put forward
the concept of autarkical and accidental characterization in order to explain the dematerialized
values of this morpheme.
AUTEUR
THIERRY PONCHON
Université de Reims & EA 4089 CNRS
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Introduction
1 Alors que se multiplient les études consacrées au mot comme et à quelques-uns des
microsystèmes dans lesquels il apparaît, il faut bien admettre qu’au sein de ces
derniers, cumfaitement (généralement traduit par « comment, de quelle manière ») fait
figure de parent pauvre1. Les études les plus récentes, portant sur tout ou partie de ces
microsystèmes dans une optique diachronique (Ponchon 1998, Wielemans 2005) n’en
font aucune mention, et les grammaires usuelles de l’ancien français ne sont guère plus
prolixes2. Seuls quelques dictionnaires en font écho, notamment le Godefroy, qui
propose, en outre, plusieurs exemples.
2 Pourtant, l’étude de ce terme relève d’un triple intérêt. Elle permettra d’abord de le
caractériser aussi précisément que possible, tant sur un plan morpho-syntaxique que
sémantique. Nous verrons cependant qu’une caractérisation précise entraîne
nécessairement une mise en relation avec l’adverbe comment, ainsi que, dans une
moindre mesure, avec comme. Dès l’origine, en effet, un phénomène de concurrence
très net s’observe entre ces termes qui partagent nombre de leurs emplois, donnant
ainsi prise à l’étude d’une véritable évolution (micro)systématique. Or, celle-ci s’est
soldée par la disparition, au cours du moyen français, de cumfaitement. C’est donc à ce
dernier phénomène que nous nous intéresserons finalement, espérant contribuer par
ce biais à éclairer quelque peu la nature des phénomènes de disparition.
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2. Composition morphologique
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toute vraisemblance, ressenti comme déjà atténué. Nous rejoignons donc Cl. Olivier,
selon qui
le morphème quomodo, à l’origine spécialisé dans l’interrogation sur la manière, en
est venu progressivement à assurer, seul ou en composition, de nombreux emplois
(…) de que, comme et comment du français moderne. Cette polyvalence est sans doute
à mettre en relation avec le sémantisme de base QU- qui tend à neutraliser les
spécifications apportées par les compositions et les figements. En ancien et moyen
français com/cum et come (< quomodo et) recouvrent de façon assez indistincte tous
les emplois (entre autres) des anciennes formes quomodo/quomodo et. Cette situation
a provoqué l’apparition de formations telles que : comment, comfaitement,
comfaitierement, combien, pour éviter les confusions. [Olivier 1985 : 73]
8 Mais si le processus de formation de comment ne fait pas problème, deux hypothèses
sont en revanche possibles pour celui de cumfaitement, toutes deux partiellement
justifiables par le paradigme morphologique plus large auquel il appartient : soit il
s’agit d’une suffixation adverbiale en -ment (cumfaite + ment), soit d’une forme relevant
de la réanalyse (cum + faitement).
9 Dans le premier cas, l’existence de confait(e) – généralement tenu pour un déterminant
interrogatif, traduit par « quel(le) » – peut laisser penser qu’il s’agit d’une
adverbialisation classique réalisée au moyen du suffixe –ment. En outre, l’existence,
quoique très rare, d’occurrences dans lesquelles la forme confait(e) apparaît non soudée
aurait tendance à offrir un argument supplémentaire en faveur de cette interprétation.
Ainsi, à titre d’exemple :
(1) Orson, v. 924 : Qui estez, de quel tere, et de con fait païs ? (lit. : Qui êtes-vous, de
quelle terre, de quel pays venez-vous ?)
Peut-être plus intéressante encore, l’occurrence (2) dans laquelle le déterminant, non
soudé (con fate), détermine le substantif manière :
(2) Orson, v. 49 : Or escoutés d’Ugon … Par con fate meniere a vers Orson erré. (lit. :
Écoutez maintenant, au sujet de Hugon,… de quelle manière il est allé vers Orson.)
Enfin, un dernier argument peut être avancé pour cette hypothèse. Dans la plupart des
variantes, l’adverbe cumfaitement laisse place au groupe de quel(l)e maniere 6, ce qui
pourrait laisser penser que la base (con fate) était sentie comme davantage liée au
déterminant. Ainsi, ce serait par l’adjonction du suffixe -ment au déterminant féminin
confaite qu’aurait été créé, selon cette première hypothèse, l’adverbe cumfaitement 7.
10 Au demeurant, tant en raison du processus de dérivation adverbiale, qui concerne
essentiellement les formes adjectivales, qu’au regard de l’empirie médiévale, ce n’est
pas là l’unique hypothèse qui puisse être soutenue. En effet, l’autre procédé de
formation consiste à poser une soudure entre cum d’une part, et faitement d’autre part.
Cette hypothèse est rendue plausible par un faisceau de facteurs contrastant par la
fréquence de leurs attestations avec l’extrême rareté des cas précédents. En premier
lieu, l’existence d’une forme adverbiale autonome faitement, apte à l’expression d’une
identité de manière et le plus souvent, d’après nos relevés, précédée de si, ensi, ou issi,
l’ensemble fonctionnant éventuellement comme terme initial d’une corrélation avec
com ou que, conforte cette éventualité. En outre, l’existence de nombreuses attestations
– notamment dans les premiers textes – dans lesquelles la soudure graphique n’est pas
réalisée, entraînant une alternance graphique entre des formes liées (cumfaitement) et
des formes non liées (cum faitement), y compris au sein d’un même texte, renforce
encore l’idée d’une composition fondée sur la coalescence des deux adverbes. Enfin,
l’existence de formes susceptibles de relever d’un modèle de composition similaire, et
notamment sifaitement8, achève de donner corps à cette hypothèse. On peut donc
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3. Valeurs d’emplois
12 Au cours de cette brève période d’existence, les valeurs syntaxiques assumées par
cumfaitement se sont inscrites au sein d’un faisceau d’emplois relativement étroit, ces
emplois étant intrinsèquement liés à la valeur d’adverbe interrogatif de manière. Plus
généralement, on peut distinguer trois rubriques selon que cumfaitement se situe dans
une interrogation directe, selon qu’il introduit une proposition percontative 11 ou qu’il
se présente dans des occurrences pour lesquelles on pourra parler d’emplois
« étendus ».
13 Comme en attestent les deux premières occurrences, empruntées à la Chanson de Roland,
cet adverbe apparaît tout d’abord en emploi d’adverbe interrogatif introduisant une
interrogation directe partielle et interrogeant sur la manière de faire. Toutes
proportions gardées, il semble donc que l’on puisse tenir cet emploi pour premier. La
dizaine d’occurrences que comporte notre corpus permet de penser à une relative
continuité de cet emploi, à tout le moins au long du XIIe siècle, ainsi qu’en témoignent,
de façon quelque peu sporadique, les exemples suivants, respectivement de la fin du XIe
siècle (1080), du milieu du XIIe siècle (1140) et du début du XIIIe siècle (1205-1210) :
(3) Roland, v. 581 : Cumfaitement purrai Rolant ocire ? (lit. : Comment pourrai-je
tuer Roland ? ; voir également v. 1699)
(4) Guill1 , v. 2507 : Quant ad mangé, sil prist a raisuner : « Sire Willame, cum
faitement errez ? (…) » (lit. : Quand il a mangé, il se prend à exprimer sa pensée :
Seigneur William, comment allez-vous ? ; voir également v. 3505)
(5) 1 ereContPercL, vol. III, p. 158 : Et li rois dist tot sospirant : « Biaus ciers amis,
conselliés moi, Si con tu dois en loial foi, De la roïne qu’en ferai ? Confaitement
m’en vengerai ? » (lit. : Et le roi dit en soupirant : Très cher ami, donne-moi conseil
ainsi que tu dois le faire par loyauté. Que dois-je faire au sujet de la Reine ? De
quelle façon m’en vengerai-je ?)
On remarquera également que dans cet emploi, cumfaitement ne connaît pas de
restrictions quant à l’orientation temporelle, au sens où il s’emploie aussi bien avec des
verbes au futur qu’avec des verbes au passé. En outre, il se construit avec des verbes qui
portent le trait sémantique /action/ et qui sont non gradués (à l’instar de ce que l’on
trouve pour com(m)ent (cf. infra)), ce qui oriente précisément le sens vers « manière de
faire, d’agir » (le modus faciendi). Enfin, cumfaitement peut assumer à lui seul
l’interrogation :
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l’adverbe, susceptible à ce titre d’apparaître dans des emplois que l’on pourrait
qualifier d’étendus, c’est-à-dire relevant d’une extension des valeurs précédentes.
16 Tout en demeurant dans le cadre des précédents emplois, l’exemple suivant peut
cependant traduire les prémisses de cette extension. Il s’agit du titre de l’une « des
pièces en langue française » contenues dans un volume du Fonds Egerton (ms. du XIIIe
siècle) et mentionné dans la revue Le Cabinet historique :
(12) Cabinet, p. 202 : Icy finist la veniance de la mort de Notre-Seigneur. Ici comence
cum faitement la saincte croiz fut trouvée. (lit. : Ici finit la vengeance de la mort de
NS. Ici commence la façon dont la sainte croix fut trouvée.)
C’est ici le sémantisme même du verbe recteur qui induit une nuance en regard des
emplois précédents et invite à gloser l’adverbe par « la façon dont ».
17 Le premier emploi véritablement étendu que l’on peut alors mentionner constitue bien
une extension de la gamme précédente, à savoir l’emploi de connecteur percontatif.
L’occurrence suivante, en effet, selon le sens que l’on attribue au substantif conseil,
pourrait d’abord être interprétée comme une juxtaposition, d’un type fréquent à cette
époque, d’un objet nominal et d’un objet propositionnel :
(13) MarieT, v. 551 : Conseil quiert de se penitance, Confaitement ele fera Et en quel
tere s’en ira. (lit. : Elle demande conseil pour sa pénitence, comment elle la fera et
en quelle terre elle s’en ira.)12
Selon cette première analyse, l’emploi serait donc à lier aux précédents. Mais il n’est
pas non plus impossible de l’inscrire dans un type d’emplois un peu différent,
également assumé par com(m)ent, même si dans ce cas aussi il demeure relativement
rare. Il s’agit là d’un emploi relevé par R. Martin et M. Wilmet, emploi présent dès
l’ancien français et pour lequel ils parlent d’un introducteur de « complément d’un
substantif verbal » (1980 : § 36). Dans ce cas, la proposition se rapporte à un substantif
dont elle développe le contenu sémantique, le substantif étant lui-même en position
d’objet d’un verbe introducteur de subordonnée percontative. La plausibilité de cette
seconde analyse est renforcée par les attestations suivantes, à peu près contemporaines
et ressortissant aussi bien au domaine picard (14) qu’au domaine anglo-normand (15) :
(14) Clari, p. 109 : Ore avés oï le verité, confaitement Coustantinoble fu conquise, et
confaitement li cuens de Flandres Bauduins en fu empereres, et mesires Henris ses
freres après (…). (lit. : Vous avez maintenant entendu la vérité, comment
Constantinople fut conquise et comment le conte de Flandres Baudouin en a été
empereur, et messire Henri son frère ensuite.)
(15) Amadas, v. 2810 : Et d’autre part conseil demant, Con faitement d’ore en avant
Le porons faire. (lit. : Et d’autre part, je vous demande conseil, comment dorénavant
nous pourrons le faire.)
De nouveau, la subordonnée intervient dans chacun des cas pour développer le contenu
sémantique des substantifs « vérité » et « conseil », saturant déjà la position objet des
verbes oir et demander. C’est sans doute à cette valeur d’emploi qu’il convient de
rattacher l’occurrence suivante, unique dans notre corpus.
(16) Saint Gilles, v. 159 : Mult lui pesa e dolens fud Ke tant de gent l’orent veüt, Cum
feitement cil en ert sané. (lit. : Il lui pesait fort et le rendait triste que tant de gens
l’aient vu, comment celui-ci avait été guéri.)
Dans cet emploi, en effet, le contenu sémantique développé par la proposition n’est
plus celui d’un substantif verbal, mais celui d’un pronom personnel en emploi
cataphorique le, objet de veoir. Il s’agit d’un cas limite en ce sens que cumfaitement
atteint presque la catégorie de pur connecteur explicatif (sur le modèle des corrélations
en : cela… à savoir que…), et que l’on peut alors penser, en regard des emplois
précédents, à un stade supérieur de grammaticalisation.
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Emplois
Évolution
Avant 1100 1 2 0 0 2
1100-1150 4 3 6 2 11
1150-1200 19 4 54 3 61
1200-1250 15 2 23 6 31
1250-1300 3 0 3 0 3
> 1300 4 0 3 1 4
TOTAL 46 11 89 12 112
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Plus encore que les deux grandes séries d’emplois initiales, ces derniers emplois, que
l’on a donc qualifiés d’emplois « étendus », appartiennent principalement à la période
XIIe2 – XIIIe1 siècles, période au terme de laquelle on constate une régression de
l’ensemble des emplois, limités alors à la valeur percontative. C’est à partir de ce
moment que s’entamera véritablement le déclin de cette forme. Mais en attestant de
l’extension maximale de son usage, les emplois étendus révèlent aussi un empiétement
d’un côté sur le domaine de com(m)ent, de l’autre, sur le domaine de cum. En somme, au
même titre que l’appréhension morphologique, les valeurs syntactico-sémantiques
assumées par cumfaitement introduisent à une concurrence avec cum et com(m)ent et
autorisent à parler d’un véritable microsystème.
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(21) Dit du prunier, p. 60 : Et conment qu’a lui moult pensast Et dessous main la
regardast, N’avoit il pas le cœur sy niche Qu’il ne regardast le serviche
Confaitement on le faisoit Et par quel guisse on desmenbroit Chisne, faisant, avve
ou oyson, Grue, butor, pertris, pigon ; Conment ly escuier courtois D’un coutel, de
deux ou de trois, Trenchoient gracieusement. (lit. : Et bien qu’il pensa fort à elle et
la regarda en douce, il n’avait pas le cœur si faible qu’il ne regarda le service la
façon dont on le faisait… comment les écuyers… tranchaient…)
Il apparaît donc bien que les deux adverbes manifestent dans chacun de ces trois
emplois une distribution de type concurrentiel.
22 Il est par ailleurs naturel que, comment connaissant également de nombreux lieux de
concurrence avec com, certaines occurrences présentent un phénomène similaire entre
com et cumfaitement. Ainsi en va-t-il de l’exemple suivant, dans lequel les trois termes se
trouvent juxtaposés de nouveau en tant que connecteurs percontatifs dans la
dépendance d’un même verbe recteur :
(22) Floire, vv. 3097-3001 : … et dist comment il a erré des icels jor que il fu né, Com il
l’aima en sa contrée, Confaitement li fu emblée. (lit. : Il dit comment il a erré depuis
le jour où il est né, comment, dans sa contrée, il aima (Blanchefleur), de quelle
manière on la lui avait ravie.
À regarder de près cet exemple, le seul motif de discrimination qui apparaît pour
justifier sur un plan systématique l’emploi d’adverbes différents dans chacune des trois
propositions tient à leur noyau verbal17. À tout le moins cela permet-il de distinguer
l’emploi de com(e) de celui de com(m)ent et de cumfaitement. À cette époque, en effet,
com(e) est généralement requis lorsqu’il s’agit d’un verbe gradable et s’ajoute par
conséquent une nuance intensive à la manière de faire18. Nous ne voyons pas, en
revanche, de propriétés similaires pour justifier de la distinction entre com(m)ent et
cumfaitement.
23 D’autres valeurs d’emploi laissent cependant penser à une distribution de type plus
complémentaire et, partant, plus proprement systématique, en ce qui concerne
cumfaiement et com(m)ent19. À ce titre, la question de l’interrogation directe peut se
prêter à un tel constat. En effet, et quoique cela soit à relativiser en regard de la nature
de la documentation dont nous disposons, l’adverbe com(m)ent n’est pas d’abord apparu
en tant qu’adverbe introducteur d’une interrogation directe, du moins pas avant les
débuts du XIIe siècle, c’est-à-dire précisément à l’époque où cumfaitement développe ses
emplois en tant que connecteur percontatif. De fait, l’exemple suivant, emprunté à la
Chanson de Roland, semble bien illustrer une répartition des emplois dans laquelle
l’introduction d’une interrogation directe serait dévolue à cumfaitement – alors en
concurrence avec com(e), comme l’indique ici le parallélisme de construction des deux
adverbes – et l’introduction d’une proposition percontative à com(m)ent :
(23) Roland, vv. 1698-1701 : Oliver, frere, cum le purrum nus faire ? Cum faitement li
manderum nuveles ? Dist Oliver : « Jo nel sai cument quere. (…). » (lit. : Olivier, mon
frère, comment le pourrons-nous faire ? De quelle manière lui enverrons-nous des
nouvelles ? Olivier répond : « Je ne sais comment le faire ».)
Outre qu’il peut attester d’une telle répartition entre les emplois directs et indirects
dans l’expression de l’interrogation, cet exemple associe également l’usage de ces deux
termes à une configuration du type question-réponse. Bien qu’il soit plus tardif (c.a.
1174), l’exemple suivant semble confirmer la possibilité d’une telle analyse :
(24) Ben., D. de Norm. I, 2, v. 10563 : Desus tun peis ! com faitement ? Jeo vos dirrai,
fait-il, coment. (lit. : Sur ton pied ! De quelle manière ? Je vous dirai, répond-il,
comment.)
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Dans tous les cas, ces occurrences évoquent bien la possibilité d’une complémentarité
systématique initiale dans l’usage de ces deux adverbes. Nous avons évoqué plus haut la
question des motivations de la création de deux termes de sens similaires. On constate
donc qu’à leur début ces deux termes semblent se partager les emplois directs et
indirects, ce qui peut apporter une justification supplémentaire à cette double création.
Il est vrai qu’une telle hypothèse doit nécessairement être atténuée par le caractère
parcellaire et relativement peu représentatif de la documentation concernant les états
très anciens de la langue, mais elle n’en demeure pas moins tout à fait plausible. On
peut dès lors supposer que cumfaitement, plus iconique par rapport à la remotivation du
sème /manière/, a un temps été, sinon véritablement plus large au niveau de ses
emplois, du moins plus apte à une certaine expressivité. Si tel a été le cas, il s’est
cependant agi, au mieux, d’un état très provisoire, puisque très tôt com(m)ent va aussi
développer des emplois en interrogation directe. À partir de là, il est également
possible, pour ne pas dire probable, que la motivation du choix de l’une ou l’autre de
ces deux formes puisse être aussi liée, au moins de façon ponctuelle, à des contraintes
simplement métriques ou, au contraire, expressives.
24 À admettre l’hypothèse de cette complémentarité initiale, l’opposition fonctionnelle
des premiers temps entre les emplois interrogatifs directs de cumfaitement (emplois
pour lesquels il est cependant en concurrence avec com(e)) et les emplois en tant que
connecteur percontatif de com(m)ent s’est donc rapidement réduite à une opposition
non fonctionnelle due, d’une part, aux restrictions des valeurs d’emplois assumées par
cumfaitement au cours du XIIIe siècles, et, d’autre part, à l’extension contemporaine des
valeurs d’emploi assumées par com(m)ent. Dès cette période, les deux adverbes ne
s’opposaient plus qu’en raison d’une contrainte de type métrique et, éventuellement,
expressive. C’est à partir de cette évolution du microsystème au sein duquel était
intégré cumfaitement qu’il convient d’appréhender les motifs qui ont pu conduire à sa
disparition.
26 Ambiguë au sein même des typologies des changements linguistiques, puisqu’elle fait à
la fois figure de processus et de résultat, la disparition est le plus souvent perçue
comme un simple abandon au terme d’une période de concurrence, éventuellement
systématique, entre formes équivalentes. Dans cette perspective, toute introduction
d’une nouveauté visant à remplacer un moyen linguistique existant dans la langue
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2. La disparition de cumfaitement
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(Perrier 1968 : VIII). Une fois encore, ce phénomène nous paraît justifier à rebours le
maintien d’une nuance de nature expressive autant que la possibilité d’une contrainte
métrique présidant au choix de l’un ou l’autre des deux adverbes. Par ailleurs, cela
confirmerait aussi le ‘rajeunissement’ auquel ont procédé les « deux manuscrits du
groupe B », autrement dit le fait que, dès la seconde moitié du XIIIe siècle, l’adverbe
cumfaitement devait être ressenti comme une forme archaïque.
32 On pourrait ajouter à cela l’existence d’une forme de tension entre les différents
niveaux systématiques de la langue, tension tenant au fait que, bien qu’il soit plus
iconique que com(m)ent par rapport au sème de /manière de faire/, l’adverbe
cumfaitement l’était nettement moins par rapport au processus même de création
générale des adverbes de manière. On se trouverait là relativement proche des
phénomènes de macro-grammaticalisation, non pas qu’une distinction nouvelle ait été
introduite, mais parce qu’un mécanisme systématique de création adverbiale se serait
plus largement imposé dans le domaine sémantique de la manière. À ce titre, donc, un
adverbe tel que cumfaitement pouvait n’être plus senti comme véritablement adéquat.
Dès lors, et en vertu de l’hypothèse du mécanisme de la disparition posée sous le point
précédent, on peut penser que, promptement senti comme inadéquat, tant en raison de
sa forme même qu’en raison de son manque de plasticité sémantique par rapport à son
concurrent direct, cumfaitement a, de façon plus ou moins indirecte, contribué à
l’extension des emplois de com(m)ent, extension au cours de laquelle lui-même devait
finalement disparaître.
Conclusion
33 Tout en s’efforçant de caractériser un terme peu étudié, cet article aura, du moins était-
ce son enjeu, permis d’appréhender un phénomène d’évolution systématique dont
témoignait notamment la concurrence entre cumfaitement et com(m)ent, et, dans une
moindre mesure, com(e). Du même fait, il aura été possible de dire quelque chose des
phénomènes de disparition, lesquels, répétons-le, ne peuvent être totalement
appréhendés que dans le cadre d’une perspective systématique. Ce sont en effet les
régulations à l’œuvre au sein des (micro)systèmes, liées aux (re-)déterminations
mutuelles des « permissions de variation », qui permettent, par les glissements opérés,
d’apporter une hypothèse explicative à la disparition relativement rapide de
cumfaitement. Il resterait cependant, tant la difficulté à constituer ce corpus et le faible
nombre d’occurrences rendent hasardeuse toute généralisation excessive, à mettre ces
faits en relation avec la disparition de faitement, et, de façon plus générale, à étudier de
manière plus systématique les disparitions de termes grammaticaux survenues au
cours de l’histoire du français.
BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
*. Il nous est agréable de remercier ici les membres du groupe Gram-m, ainsi que M. Desmets, Th.
Ponchon, A. Rochebouet et le relecteur anonyme pour leurs conseils et pour leur aide dans la
constitution de notre corpus.
1. Cela s’explique sans aucun doute par le nombre somme toute relativement restreint d’études
appréhendant com(e) en diachronie. Voir ici même, « Com(e) en diachronie : synthèse ».
2. Font exception les remarques proposées par Cl. Olivier (1985).
3. La très faible fréquence de ce terme, peu attesté dans les bases médiévales courantes, a rendu
particulièrement délicate la constitution de notre corpus, pour lequel nous avons aussi eu
recours, moyennant les précautions d'usage, à des moteurs de recherche comme Google Books.
4. Nous incluons dans le XIIe siècle les deux occurrences de la Chanson de Roland dont le manuscrit
d’Oxford est généralement daté de 1080. Précisons d’autre part, sans qu’il nous soit possible
d’entrer dans les détails, que les occurrences des XIVe et XVe siècles sont, pour le XVe, une
traduction (de quomodo) du Dictionnaire latin-français de F. Le Ver (1420-1440) et, pour le XIVe, des
occurrences assimilables à des archaïsmes dans la mesure où la plupart apparaissent dans des
réécritures de textes plus anciens. On ajoutera enfin l’occurrence présente dans le Dit du Prunier,
dont la datation pose problème. En effet, si les éditeurs du corpus Champion le date de 1400-1450,
P.-Y. Badel, dans son édition, le date d’un siècle plus tôt : « La langue du Dit se distingue par son
respect de la déclinaison. Le purisme des ateliers picards de la première moitié du XIV e s. est bien
connu (…). Nous tenons là un mince élément de datation à rapprocher de celui que fournit la
parenté du dit avec des œuvres de Jean de Condé. On ne saurait préciser davantage » (Badel 1985 :
40). La présence de la forme cumfaitement nous semble constituer un argument supplémentaire
en faveur de cette seconde datation.
5. « De telle manière » (Greimas 1979 (1997) : 258). On peut évoquer l’existence d’une forme
apparentée, com faitierement, laquelle est mentionnée par Greimas, mais sans qu’il n’en fournisse
d’exemples. Seul le Tobler-Lommatzsch donne deux attestations, empruntées aux Psaumes
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d’Oxford
(Ps. 72, 11 & 19). On ajoutera l’occurrence du verset 44 du Canticum Moysis ad filios Israel, reproduit
dans le même ouvrage (p. 246). Enfin, on remarquera que le texte latin porte dans les deux
premier cas quomodo, induisant déjà un phénomène de concurrence avec com(e) et com(m)ent.
6. Voir, par exemple, les variantes présentées pour les vers 1034-35 du Charroi de Nimes, ou encore
pour les vers 550-2 de la version T de La Vie de sainte Marie l’Égyptienne.
7. Cette hypothèse est notamment suivie par Cl. Olivier (1985 : 73).
8. On pourrait certes objecter l’existence d’une forme sifait(e), relativement bien attestée sur la
BHC (16 occurrences, dont une dans laquelle sifaite détermine manière). Mais on notera par
ailleurs l’existence d’une variante intéressante dans le manuscrit B de la version T de La Vie de
sainte Marie l’Égyptienne, laquelle présente une forme kefaitement. Or, sauf erreur, il n’est pas
d’attestation de la forme kefait(e), ce qui semble bien aller dans le sens de cette seconde
hypothèse.
9. Au sens guillaumien du terme.
10. On notera en passant que, sans être particulièrement fréquente, l’incidence d’un adverbe en –
ment à cum n’est pas exceptionnelle. Ainsi trouve-t-on, dans notre corpus, l’occurrence suivante :
Saint Gilles, v. 2720 : Sire, feit il, cum lungement avez vos esté sermoner ?, dans laquelle l’adverbe
lungement se présente bien dans une telle configuration syntaxique.
11. Nous suivons donc ici la proposition de P. Le Goffic (1993 : § 22).
12. On pourrait ajouter que la grammaticalisation est rendue manifeste par la possibilité pour
cumfaitement d’introduire une proposition dont le noyau verbal est faire, ce qui pourrait peut-être
constituer l’ébauche d’une « proof by anachrony » (Hagège 1993 : 200-202).
13. On remarquera en outre qu’il s’agit ici de traductions de la Vulgate, le texte portant
respectivement quomodo et quemadmodum.
14. Étant entendu que l’occurrence du Dictionnaire de F. Le Ver n’y est pas reportée.
15. Pour certaines des considérations concernant com(m)ent mais aussi com(e), nous nous
appuyons ici sur les travaux de Th. Ponchon (1998) et de V. Wielemans (2005), ainsi que sur deux
communications proposées dans le cadre des réunions de travail du groupe Gram-m, la première
prononcée par nos soins et intitulée « Comment, cumfaitement et combien : les oubliés du
microsystème de comme » (28/4/2006), et la seconde prononcée par M. Morinière et intitulée «
Comme, comment, combien en diachronie : emplois interrogatifs et exclamatifs » (8/3/2007).
16. Voir sur ce point Cl. Olivier (1985 : 74).
17. En témoignerait encore, si besoin en était, le choix du traducteur qui a pris le parti d’user
dans chacun des cas de l’adverbe « comment ».
18. « Comment (…) ne porte que sur un V en ancien français, et au moins jusqu’à la fin du 12 e
siècle, on ne le trouve pas avec un verbe gradué. » (Morinière, séance Gram-m du 8 mars 2007,
np.).
19. Il va sans dire que nous n’abordons pas ici la question des relations de concurrence et de
complémentarité régissant la distribution des emplois de com(e) et de com(m)ent. En outre, la
complémentarité de cumfaitement et de com()ment se manifeste bien entendu dans tous les
emplois non assumés par le premier.
20. Comme le rappelle en effet C. Marchello-Nizia, « nombreux sont les ouvrages consacrés à
l’histoire linguistique de telle ou telle langue qui signale que telle ou telle forme, phonème,
construction, lexème, a disparu. […] Mais rares sont encore les ouvrages de linguistique
historique à visée théorique qui accordent de l’importance à ce phénomène » (2006 : 102-103)Voir
également Badiou-Monferran (2007, 2008) et Verjans (2009).
21. En introduisant la notion de « macro-grammaticalisation », Chr. Marchello-Nizia tente
précisément de remédier à ce caractère parcellaire des conceptions traditionnelles de la
disparition. L’appliquant à la disparition de moult (2006 : 137-179), elle a ainsi pu montrer que
celle-ci ne s’explique véritablement que dans le cadre d’une « reconfiguration du système
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RÉSUMÉS
Il s’agit, dans un premier temps, d’étudier un terme dont l’existence s’est limitée à l’ancien
français. Formé à partir de comme, il apparaît en français à la même époque que comment, mais ne
connaît qu’un nombre bien plus restreint d’emplois. De fait, cette contemporanéité avec cet
adverbe, ajoutée à une certaine redondance de l’expression de la manière ainsi qu’à une
existence limitée dans le temps, en font un terme intéressant à plus d’un titre. Dès lors, resitué
dans le cadre de l’évolution du microsystème qu’il forme avec comment, des éléments
apparaissent qui semblent susceptibles d’informer à la fois le point de vue guillaumien de la
« diachronie des synchronies » et le problème théorique de la disparition des formes
linguistiques.
In this paper, we first study the french word ’cumfaitement’, which does not last past the Old
French period. Derived from comme, it is contemporaneous of comment (though with restricted
use), and is a concurrent to the latter in the expression of manner. This study of the evolution of
its microsystem could illustrate to the psychomecanicial point of view of the diachrony of
synchronies as well as the theoretical problem of obsolescence.
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AUTEUR
THOMAS VERJANS
Paris Sorbonne - STIH (EA 4089)
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Compte rendu
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RÉFÉRENCE
n° 6 de la revue Corpus de l’UMR 6039, 2007, Interprétation, contextes, codage, sous la
direction de B. Pincemin.
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distingue pas leur statut dialogique dans le texte ? A quelles conditions des passages de
genres différents peuvent-ils être comparés et contrastés ?
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30 Dans ce recueil d’articles, celui-ci souligne avec force l’importance des processus
interprétatifs impliqués par la constitution des corpus d’étude.
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parole qui rende compte des multiples formes de contraintes du global sur le local, si
toutefois l’objectif est d’intégrer le syntaxique et le textuel dans ses contraintes de
genre.
AUTEURS
DENISE MALRIEU
MODYCO, Université Paris X
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