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Étude d'une broche chaouïe

[Tabzimt]

L'étude ci-après porte sur l'origine d'une broche ronde ancienne en provenance des
Aurès. Elle complète celle1 consacrée à la symbolique des fibules aurésiennes.
La fibule en oméga berbère est un bijou intéressant car elle permet d'établir un lien, et
donc une continuité, avec les civilisations méditerranéennes de l'Antiquité, même si l'origine
de la fibule remonte très probablement à la Préhistoire.
La fibule ronde présentée ici est un autre type d'ornement berbère. Son origine
probable sera évoquée à la fin de cette étude. Ce type de broche ronde existe chez les Chaouis 2
des Aurès, comme chez les Kabyles, les Touareg 3, ou les différentes ethnies marocaines. Cette
analyse permettra peut-être de la comparer aux variantes existantes chez les autres tribus
berbérophones.

1. Provenance de cette broche.

Cette broche ronde ancienne appartient à Madame Françoise Darmon. Elle lui a été offerte
par M. Jean Servier4, éminent ethnologue des Aurès et ami des Darmon, lors de ses recherches
effectuées en 1954.
Ceci est d'autant plus intéressant lorsque l'on connait les travaux entrepris par celui qui reste
un des grands spécialistes des Aurès. Ses travaux couvraient l'ésotérisme, les civilisations
méditerranéennes de l'Antiquité et aussi le judaïsme. Autant de domaines qui seront justement
évoqués tout au long de cette étude.
On peut donc considérer cette broche, encore non datée avec précision, comme ancienne,
choisie sciemment par un historien et un ethnologue de renom. On estime qu'elle date du XIXe. Son
choix n'a pu se faire qu'en connaissance de cause, ce qui le rend particulièrement intéressant. Ce
bijou ornemental dévoile en effet toute une imagerie qui offre beaucoup de similarités avec les
1
Christian Sorand : La Fibule Berbère, AWAL No.3, Paris 1987 et CNRS
2
Chaouïa, sg / chaoui, pl.
3
Targui, sg / touareg, pl.
4
Jean Servier (1918-2000) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Servier
éléments décoratifs et symboliques de la fibule chaouïe évoquée. C'est donc un peu le prolongement
d'une première étude sur l’orfèvrerie chaouïe.
Le hasard fait que cela nous permet de compléter et d'infirmer une première approche sur la
symbolique des Aurès. Rappelons que le massif des Aurès, au sud du Constantinois et à la frontière
du désert, est un îlot berbère, qui, de par son isolement relatif, a pu conserver l'art et les traditions
chaouïs. C'est également le cas chez les Touareg. On peut penser que cet art a su rester fidèle aux
traditions antiques sans influence majeure du monde méditerranéen extérieur.

2. Description de la broche .

Cette broche mesure 10 cm de long avec les pendentifs. La partie supérieure fait 6,5 cm de
diamètre. L'ornement se compose de deux éléments.
Le corps principal de la broche est rond. A l'intérieur du cercle, on distingue nettement une
géométrie traditionnelle à valeur symbolique : entrelacs de croix et insertion de cinq cabochons de
corail, répartis selon un schéma de 4 + 1. La symbolique du chiffre 5 sera donc évoquée. On
remarquera toutefois que l'un des éléments de trois boules qui forment une croix en +, a disparu
avec le temps.
La deuxième partie de la broche est composée de neuf petits pendentifs, en forme de
losanges, avec toujours une petite incrustation de corail au centre.
Comme le veut la coutume, dans la joaillerie berbère traditionnelle, cette broche est en
argent.

Broche ronde vue de dos (diamètre : 6,5cm)

Dans un premier temps, on peut donc relever les éléments symboliques visibles suivants : la
symbolique numérique (2, 4, 5 et 9), le cercle, les deux croix entrelacées et enfin, le losange. Les
matériaux principaux utilisés sont l'argent et le corail. Il semblerait qu'il y ait eu un fond d'apport
émaillé comme dans la joaillerie kabyle. Ce fond pourra susciter quelques questions, une fois
l'analyse des éléments principaux complète.
Échelle de la broche ronde (longueur : 10cm)

3. Analyse des éléments de cette broche .


La description des éléments qui composent cette broche ronde aurésienne conduit à une
analyse symbolique. Les symboles sont de deux sortes. Ce sont, soit des symboles universels que
l'on retrouve dans toutes les civilisations, soit une imagerie plus spécifique du monde berbère. Ces
deux approches sont étroitement liées. Elles s'intègrent l'une à l'autre pour dévoiler le message
contenu dans la composition de cet ornement berbère traditionnel.

On pourra également se référer aux deux planches jointes à cette étude afin de suivre
l'évolution schématique de l'analyse.

3.1. Le point :

Les incrustations rouges de la broche sont les éléments les plus visibles de par leur couleur
et de par la symétrie de leur agencement. Parmi les quatre symboles cosmiques universels, le point
marque le début du tout. C'est le symbole premier, germe de vie dans le néant cosmique. Le rouge
sang du corail vient donc souligner l'importance de cette graine de vie. Ces spermes de semence
sont au nombre de cinq dans la partie circulaire de la broche ; de neuf, dans les pendentifs en forme
de losanges.
Il faut aussi remarquer la fonction de ces germes de vie. Dans le cercle de la broche, il y a
tout d'abord un point central qui correspond au centre du cercle et des croix. Puis quatre autres
points aux intersections de la croix en X et du cercle. Cet alignement des points se décompose alors
selon la formule mathématique suivante : 1 + 4 = 5.
Chacun des neuf losanges contient un point central. On pourrait le représenter par la formule
suivante : (1 x 9), ou bien (1 x 3)².

3.1. Le cercle :

La partie principale de la broche est ronde. Le cercle est l'expansion du point. Il représente le
Cosmos, notre Univers après le Big Bang. Il délimite un espace divin, mathématiquement
irrationnel étant donné le chiffre Pi [π]. Pi et les nombres impairs 5 et 9 contiennent l'essence d'un
mystère initiatique.
L'espace représenté par le cercle de la broche est alors perçu comme une sorte de
microcosme. Il renferme les deux autres symboles universels que sont la croix (ou plus exactement
ici, les deux croix) et la conception visuelle d'un carré, délimité par les quatre points, situés aux
intersections du cercle.
D'après le Dictionnaire des Symboles, « le cercle est le signe le plus commun et le plus
universel, trouvé dans toutes les cultures. 5»
Ajoutons également que selon Joseph Panek 6, un point à l'intérieur d'un cercle, représente le
Soleil. C'est un peu l'image de l'Ouroboros grec, ce serpent qui mord sa queue dans un mouvement
concentrique. Or, il semble intéressant de rapprocher cette image symbolique du serpent grec, aux
lourds anneaux de chevilles ou aux grandes boucles d'oreille en cercle, que l'on trouve dans les
parures féminines de l'Aurès comme dans d'autres ethnies berbères.

Notons également qu'un cercle contenant une croix grecque droite 7 correspond à un autre
symbole solaire. Cette « roue solaire » est liée à l'élément terre par la croix représentant les quatre
saisons ou les quatre points cardinaux.

Point, cercle, croix et carré ; il s'agit bien ici de quatre éléments universels contenus dans
cette broche. Petit à petit, on devine alors le message qui se cache derrière ces éléments d’orfèvrerie
traditionnelle.

3.3. Les pendentifs en forme de losanges :

Cet élément décoratif est très proche des bijoux kabyles du même type. Il est formé de
petits losanges renfermant chacun un morceau de corail rouge. Ces pendentifs sont au nombre de
neuf.
On peut décomposer le losange en deux triangles équilatéraux porteurs du signe trois dont
la partie supérieure est alors un triangle pointé vers le haut, appelé « la lame », symbole phallique
du principe mâle. A l'inverse, la partie inférieure, pointée vers le bas est appelée « le calice »,vieux
symbole représentatif du vagin donc du principe féminin.

La combinaison de ces deux triangles complémentaires formant un losange est assez


fréquente dans la symbolique berbère. On la retrouve par exemple dans la géométrie du tapis. Dans
un ouvrage sur l'origine symbolique des tapis berbères du Maroc, Bruno Barbatti 8 dévoile que « l'un
des principaux symboles féminins des tapis berbères, demeure le losange. » Il ajoute ensuite que
« le losange associe le concept du vagin, du ventre féminin, du corps maternel, ou de toute la
silhouette féminine. »
Le losange, qui peut parfois représenter un champs ensemencé, est donc un signe de fertilité
féminine. En outre, il est porteur du signe quatre.
De ce fait, cette semence prend la forme d'un point central, une petite incrustation de
corail rouge dans notre cas. L'idée de fertilité est alors renforcée.

5
http://symboldictionary.net/?p=1914
6
Joseph Panek : http://www.aseekersthoughts.com/2009/09/dot-within-circle-as-symbol.html
7
http://en.wikipedia.org/wiki/Solar_symbol
8
Bruno Barbatti : 'Berber Carpets of Morocco : The Symbols Origin and Meaning', ISBN 978-2-86770-184-9
D'ailleurs, si l'on revient à l'image du triangle, porteur du chiffre 3, on pourra y voir un autre
symbole de fertilité. Le triangle tourné vers le haut évoque le principe masculin ; celui tourné vers
le bas suggère le principe féminin. La progéniture est donc bivalente, sans aucune préférence
génétique. C'est une remarque à souligner. Le point central rouge lie ces deux triangles en une autre
figure géométrique, celle du losange. On pourrait également le retrouver dans l'image biblique de la
Genèse :

1: Adam → 2 : Ève → 3 : Cain + Abel + Seth (trois fils du couple Adam/Ève)


[1 + 2 = 3]

Sur cette broche, le point central du cercle (le 1) est la semence procréatrice. Or le bijou est
composé de deux parties (le 2). Les pendentifs de la deuxième section évoquent les éléments
procréateurs (le 3 du triangle) assemblés en losanges (4 : symbole de la vie terrestre), démultipliés
en 9 exemplaires (la symbolique du 9 sera évoquée ci-dessous).

3.4. Le chiffre 5 :

A l'intérieur du cercle formé par la broche, on distingue cinq morceaux de corail incrustés.
Dans un article sur le symbolisme du chiffre cinq, Dee Finney 9 le décrit comme étant « le
symbole du microcosme humain. » Il ajoute que c'est «le symbole de l'être humain » mais que c'est
aussi un « nombre circulaire. »
Toutefois, ces cinq incrustations de corail prennent la forme suivante : 1 point central + 4
points cardinaux. Selon Dee Finney, il s'agirait d'un « Créateur Central des quatre points s'ajoutant
à lui même pour donner cinq.»
Le 1 représente le principe mâle. Adam fut le premier homme, comme A est la première
lettre des alphabets, grec (alpha), hébreu (aleph) ou arabe (alif). On peut aussi évoquer le yang
chinois.
Le 4 est le plus souvent représenté par un carré ou une croix comme sur cette broche. Il
symbolise la Terre. Dans la mythologie grecque Gaïa était la déesse de la Terre, fille de Chaos, mère
et épouse d'Uranus, dieu du Ciel. Il y a quatre saisons (dans l'hémisphère Nord), quatre points
cardinaux, quatre éléments mais aussi quatre phases lunaires. Notons également, qu'en tant que
signe de stabilité, le nombre quatre symbolise la famille.
Le 5 correspond également aux cinq doigts de la main. Or, puisque nous parlons ici
d'ornement féminin, comment ne pas évoquer alors « la main de Fatima » ou « main de fatma » non

pas qu'il y ait une ressemblance avec cette broche mais parce que c'est une autre représentation bien
connue du cinq. Le mot arabe - ou hébreu - pour ce talisman ornemental est « khomsa », proche du
mot « khamsa », chiffre cinq en arabe et cinquième lettre de l'alphabet hébreu. On sait que l'origine
de ce symbole est bien antérieure aux religions monothéistes juive ou arabe puisqu'elle est
punique, liée au culte de la déesse Tanit10. Par conséquent, le monde numide de l'époque l'a
probablement adoptée grâce aux nombreux échanges avec les Carthaginois. Nous reviendrons plus
tard sur ces influences lors du décryptage des origines probables, liées aux bijoux chaouïs.

Force alors est de constater que cette partie de la broche contient bien tout un microcosme
liant l'univers à la procréation maternelle. C'est en quelque sorte un élan de création familiale. Il
confère à celle qui la portera l'énergie nécessaire dans un esprit de continuité à la fois universel et
9
Dee Finney : 'The Symbolism and Spiritual Significance of the number 5', http://www.greatdreams.com/five/five.htm
10
http://fr.wikipedia.org/wiki/Khamsa_(symbole)
traditionnel.

3.5. Le chiffre 9 :

Il est précisé dans le Dictionnaire des Symboles11 que le neuf est « un symbole de la création
et de la vie ». C'est un nombre qui indique l'accompli, la satisfaction, l'harmonie.
Mathématiquement, c'est le dernier nombre simple (de 0 à 9). Le dictionnaire indique aussi que sous
sa forme 3 x 3, il représente « la perfection, le symbole de la virilité, en plus d'être associé au
couple. » Parallèlement, c'est le symbole de l'être humain puisqu'il comptabilise les neuf mois de la
procréation génétique.
C'est ce chiffre impair qui est contenu dans la deuxième partie de cette broche : les neuf
pendentifs contenant chacun un cabochon de corail.
Après avoir évoqué le symbolisme du chiffre 1 (dans la partie haute circulaire de la broche),
il faut donc maintenant évoquer une nouvelle fois celui du 2. C'est le principe féminin, le « yin »
chinois. Premier nombre pair, il symbolise l'essence, l'existence. Dans la Bible, Eve vient après
Adam. C'est enfin le symbole de la dualité, mâle/femelle, droite/gauche, pair/impair, jour/nuit,
soleil/lune, vie/mort. Dans le cas de cette broche, la dualité est marquée par les deux parties : le
cercle et les losanges.
L'interprétation progresse donc lentement. Après l'invitation à la procréation évoquée dans
la partie ronde, nous voilà bien cette fois dans une perspective de naissance annoncée. La féminité
des éléments s'adresse à l'être qui en sera le porteur. L'idée d'une sorte d'amulette cosmique fait
alors lentement son chemin.

3.6. La croix grecque [+] :

Avec le point, le cercle et le carré, la croix représente l'un des quatre symboles universels.
Elle marque l'expansion de l'Univers. C'est un peu le symbole de l'espèce humaine. Associée au
carré terrestre, elle pointe vers les quatre points cardinaux ; elle rappelle aussi les quatre éléments
primordiaux.
Cette croix est l'association de deux axes. Un axe vertical [ | ], principe mâle et un axe
horizontal [ --- ], principe femelle.
Ainsi l'image du carré terrestre, véhiculée par la croix, s'insère-t-elle dans le cercle cosmique
pour bien marquer l'interdépendance de l'Homme au sein de l'Univers. La procréation marque la
continuité de l'espèce. Bien évidemment, cette mission incombe à la femme-mère.
Le cabochon de corail, posé au centre de cette croix, rappelle le rôle de la semence, premier
principe créateur dans la dualité de la vie humaine. Adam est le premier homme, père de la gente
humaine.

3.7. La croix de St.André [X] :

Cette croix apparaît dans la géométrie des quatre incrustations de corail placées en X sur le
cercle.
Elle vient s'ajouter à la croix grecque et donner l'illusion d'une rotation solaire. Il s'agit d'une
roue solaire.
C'est aux extrémités de cette autre croix, à l'intersection du cercle solaire de la broche, que
se trouvent les quatre autres cabochons en corail. Ils indiquent la propagation de l'espèce dans le
temps et la vie terrestre. Bien évidemment, c'est la femme qui reçoit la semence procréatrice. Elle a
le devoir terrestre (nombre 4) de transmettre la vie tout au long de sa gestation (nombre 9).

3.8. La roue cosmique proche de la « croix berbère » :

11
http://www.ridingthebeast.com/numbers/nu9.php
Par conséquent, l'assemblage de ces deux signes crée une sorte de roue cosmique, un peu à
l'image de la roue hindoue ou bouddhiste (appelée « roue du Dharma12 » chez les Bouddhistes
tibétains).

Exemple de roue du Dharma

La raison en a été donnée au paragraphe précédent (3.7.) mais il semblerait qu'il y ait une
certaine parenté entre cette roue cosmique et ce que nous qualifions ici de « croix berbère ».

Fig.A Fig.B
Cette symbolique est fréquente dans les constructions aurésiennes. 13 On la rencontre aussi
dans les tissages des Aurès. Ce qui est appelé ici « croix berbère » est plutôt représenté sous la
forme de la figure B, ci-dessus.
On peut alors se demander s'il y a une corrélation avec le tifinagh du Z berbère, contenu
dans le mot Amazigh (singulier) / Imazighen (pluriel), puisque c'est ainsi que se dénomment elles-
mêmes les peuplades berbères. On le traduit par « homme libre » en français. Cette hypothèse reste
sujette à discussion et est propice à d'éventuelles recherches.

Représentation des 2 tifinaghs du Z

Dans le cas de cette broche ronde, l'explication ethnologique au moyen des symboles décrits,
semble plutôt conserver la signification première exposée auparavant.

3.9. Le métal d’orfèvrerie utilisé :

Toute l'orfèvrerie berbère traditionnelle est en argent. L'argent est un symbole lunaire.
Dans la mythologie grecque, Artémis est la déesse de la lune. Par association, c'est donc un
symbole féminin. Etymologiquement, le mot « lune » (Artémis/Diane) est féminin, en français, par
opposition au mot « soleil » (le dieu Apollon) qui est, lui, masculin. Dans le Symbolisme des
métaux14, l'argent est aussi l'image « par extension de la pureté, de la transparence, du psychisme,
de l’âme et des mondes intérieurs. » Il est également associé aux qualités de pureté et de chasteté, le
12
The Dharma Wheel : http://www.khandro.net/ritual_wheel.htm
13
C. Sorand : « La guelâa aurassienne » dans Awal, 1987, no 3, pp. 139-146, 5 fig., bibl.
14
Symbolisme des métaux : http://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolisme_des_métaux
métal résistant au test du feu.
Voici d'ailleurs ce que l'anthropologue kabyle, Ali Sayad15 dit au sujet du bijou kabyle :
« Dans la Méditerranée antique, les bijoux portés par les filles de bonne famille étaient
exclusivement en argent, symbole entre autres de la blancheur, l’innocence, la pureté, la cherté, la
franchise et de la fraîcheur . »
Tout ceci confirme bien la propriété féminine de la broche. Mais cela fait aussi apparaître
l'élément astral sous-jacent. Le cercle solaire, principe mâle, est associé au principe féminin lunaire
dans une sorte de dualité complémentaire du jour et de la nuit, du yin et du yang. L'image du
microcosme s'affirme une nouvelle fois.

3.10. Le corail de couleur rouge :

Cet élément a une double valeur symbolique. Il a tout d'abord une origine marine, véhiculée
ensuite par la couleur du rouge vif.
Le corail est un organisme vivant marin. On retrouve alors un autre élément primordial à la
vie : l'eau. Le monde berbérophone d'Afrique du Nord est nécessairement tourné vers la
Méditerranée proche. Cette « Mare Nostrum » des Romains - autre élément féminin - souligne
l'appartenance des civilisations berbères au sein du monde antique dont elles sont les héritières. Le
petit port de Tabarka, en Tunisie, comptoir grec proche de la frontière algérienne, a toujours été un
lieu privilégié pour la pêche du corail. Il était donc aisé de se le procurer par le biais d'échanges
commerciaux.
Certains textes anciens ont appelé le corail : « l'arbre marin de la déesse mère lunaire » en
ajoutant que c'était « la source de la fertilité des eaux. 16» On voit donc bien que le corail est
étroitement lié à l'énergie féminine. Porté par les femmes, il avait la propriété de fortifier leur sang
et de faciliter leur fertilité. C'était un talisman pour se protéger du mauvais œil, comme pour la
« main de Fatima » évoquée précédemment.
Quant à la couleur rouge, c'est celle du sang, donc à la fois celle de la vie et de la mort,
autre dualité sous-jacente. C'est aussi l'image ambivalente du feu à la fois purificateur et destructeur.
C'est la couleur de la vie et de la force vitale.
Dans l'artisanat de l'Aurès, la couleur rouge est la couleur dominante des coussins et des
couvertures tissés par les femmes.
On voit donc combien cette double image du corail et du rouge renforce l'idée du nombre
deux, élément de féminité.

4. Essai d'interprétation :

4.1. Une parure féminine :

L'analyse détaillée des composantes de cette broche permet de découvrir sa valeur et ses
fonctions au sein de la société berbère chaouïe. Bien entendu, cela entraîne aussi un certain nombre
d'interrogations.
Mais tout d'abord on voit clairement que c'est un objet destiné à la gente féminine comme
une sorte de gage de continuité génétique et culturelle.
On serait presque tenté de croire que ce type de broche pourrait avoir la même fonction que
l'anneau du mariage, en plus élaboré évidemment.
Mais alors comment est transmise cette broche ronde traditionnelle ? Appartient-elle à une
famille ? Est-elle un don de mère à fille ? Ou bien de belle-mère à belle-fille ? Rappelons que dans
les sociétés berbères la femme est souvent la gardienne des valeurs culturelles. La société targuie est
15
Ali Sayad : conférence sur le bijou kabyle, symbole de la berbérité :
http://monblogkabyle.over-blog.com/pages/Conference_sur_le_bijou_kabyle_au_Cidef_Symbole_de_la_berberite-
3380610.html
16
http://theosophytrust.org/tlodocs/articlesSymbol.php?d=Coral-0883.htm&p=42
matriarcale de nos jours encore. Dans la culture juive, on est juif par sa mère. Or on sait que l'Aurès
a une tradition juive dans son histoire. On pense bien évidemment à Dihya, reine berbère juive de
l'Aurès, au moment des invasions arabes. Derrière le mythe de « la Kahéna » (ou « Kahina »,
surnom arabe qui signifie « la prêtresse »), on discerne le rôle joué par la femme berbère au sein de
la société. La femme berbère est la gardienne des traditions et de la culture.
En parlant d'une coutume surnommée « la fiancée de la pluie », voici ce que Jean Servier17
nous révèle au sujet de cette même agrafe, en forme de broche ronde :
« Des bijoux complètent la parure de la poupée, généralement une agrafe de poitrine et deux
boucles d'oreille. L'agrafe de poitrine porte le nom de « tabzimt » ; c'est une broche ronde la plupart
du temps, ornée de cinq cabochons de corail qui en font un talisman protecteur – par la vertu du
nombre cinq – et de neuf pendentifs qui portent en Kabylie le nom significatif de « aqarru buzrem »
- les têtes de serpent -, le serpent étant le symbole de la résurrection et de la fécondité venue des
morts. Dans des exemplaires modernes de cette broche, on trouve parfois d'autres pendentifs qui
portent le nom de « tibuqalin » - les vases où l'on conserve l'eau à la maison – ce qui est conforme à
la signification générale de ce bijou. L'ensemble rappelle le gorgonéion qu'Athéna portait sur son
égide comme sans doute ses compatriotes les femmes libyennes. »

Illustration de « la fiancée de la pluie »

Ce passage est essentiel. D'une part, il confirme la démarche entreprise sur la broche ronde,
et d'autre part il l'insère dans un rite berbère coutumier. La référence faite à Athéna ne manque pas
d'intérêt non plus. Athéna était la protectrice des artisans et tout ce qui était filé ou cousu était son
domaine18. Le lien avec les « femmes libyennes » suggère les échanges commerciaux et culturels
qui ont pu avoir lieu.

4.2. Finalité de la parure :

L'analyse a dévoilé le message contenu dans cette broche. Il est à la fois ethnologiquement
universel et culturel.
Ali Sayad, déjà mentionné, dit ceci en parlant du bijou : « Le bijou, à l’instar de tous les
objets d’art, restitue par un style et un langage particuliers la mémoire d’un savoir-faire, d’un
cumul de connaissances et de techniques. » Et d'ajouter ensuite qu'il « reflète un idéal de pensées et
de sentiments, l’empreinte de la vie émotionnelle et spirituelle, gravés dans le répertoire des formes
17
Jean Servier : Tradition et Civilisation Berbères, éd. Du Rocher, 1985, p.281
18
Athéna : http://fr.wikipedia.org/wiki/Athéna
et des lignes, près des chroniques, des contes et des poésies orales qui créent la mémoire d’un
peuple . »
En parlant de l'artisan kabyle, l'anthropologue Ali Sayad, lui-même kabyle, dit ceci :
« L’artisan, est de toutes les cérémonies. Pour célébrer les naissances, les fiançailles et les
mariages, il fabrique des bijoux annonciateurs de richesses fécondes. »
Dans l'ouvrage de Bruno Barbatti19 évoqué à plusieurs reprises, sur la symbolique des tapis
berbères marocains, l'auteur tire la conclusion suivante : « Nous avons abouti à une analyse
surprenante : la presque totalité des motifs des tapis berbères est basée sur un symbolisme sexuel ;
on y découvre la rencontre des deux sexes, la grossesse et l’accouchement.» Le lien avec l'analyse
que nous avons faite sur la broche apparaît clairement. Bruno Barbatti ajoute d'ailleurs que « le fait
de déchiffrer les symboles, de découvrir leur sens, donne aux tapis berbères une dimension
nouvelle. Cela révèle leur véritable lien à la réalité, et donc les éclaire d'un jour nouveau. »
C'est bien ce qu'on découvre aussi en analysant cette broche ronde aurésienne. Le lien et la
permanence culturelle s'affirment. De l'Atlas marocain aux monts des Aurès, la culture berbère
perdure.
Ajoutons qu'une étude sur les motifs des broderies et des tatouages pourrait très
certainement corroborer cette analyse. Or les broderies et les tatouages sont aussi des attributs
féminins qui enrichissent les traditions berbères. Le parallèle est intéressant.

4.3. Des origines lointaines :

Si l'on se pose la question de savoir d'où proviennent ces motifs symboliques, on aborde
alors une interrogation primordiale sur les origines des Berbères. L'historien Gabriel Camps l'a
fait. On ne peut donc qu'évoquer ici un certain nombre d'éléments.
L'universalité des formes géométriques remonte à la Préhistoire mais, au fil du temps,
diverses influences ont élaboré une forme d'art culturellement plus marquée. C'est le cas de l'art
berbère.
En considérant le monde aurésien, des contacts avec l'Antiquité grecque et phénicienne ont
existé. L'île berbère de Djerba en Tunisie, signalée dans L'Odyssée d'Homère, n'est autre que celle
des « Lotophages ». Les « lotos », fruits inconnus des Grecs, étaient en fait « les doigts de
lumière », cette variété de dattes translucides connues aujourd'hui sous le nom arabe de « duglet
nur ». Bizerte et Tabarka étaient des comptoirs grecs. Il y a bien sûr aussi les Carthaginois dont
l'alphabet ressemble beaucoup aux tifinaghs libyques. Il paraît intéressant de lire ce que
l'historienne Malika Hachid20 dit à ce sujet. « La question de l'origine du libyque se présente sous
trois aspects: cette écriture est soit un emprunt à l'alphabet Phénicien, soit une invention locale, ou
encore un emprunt à un prototype fort ancien que l'on ne connaît pas encore. Qu'il y ait eu ensuite
des contacts et des échanges entre le libyque et le phénicien, le punique ou autres écritures, est une
chose tout à fait possible, notamment en ce qui concerne l'invention de l'alphabet ». Précisons que
Malika Hachid, diplômée de préhistoire et de protohistoire, est actuellement la directrice du Parc
national du Tassili N'Ajjer classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Les influences romaines et
chrétiennes viendront ensuite. Par contre l'influence juive semble à la fois plus ancienne et plus
pérenne. C'est une influence interne et non externe, comme celle des Grecs ou des Phéniciens. A
ce sujet on pourra évoquer l'ouvrage de Marek Halter, « La Mémoire d'Abraham21.» Rappelons en
tout cas que « La Ghriba » (« la Miraculeuse »), sur l'île de Djerba, est l'une des plus vieilles
synagogues du monde hébraïque. La petite communauté judéo-berbère remonte à l'exode généré
par la destruction du Temple de Jérusalem en 566 av.J-C. De nos jours encore, l'écrivain

19
Bruno Barbatti : http://books.google.co.th/books?
id=f_5SiwJHt48C&pg=PA21&lpg=PA21&dq=symbolic+of+lozenge&source=bl&ots=v_DBhsSEso&sig=KtfLZhJ-
Y4zfGaP3Xa0B9G4fraA&hl=en&sa=X&ei=jKIVUYjqNMq4rAeBl4H4Dw&sqi=2&ved=0CFwQ6AEwBQ#v=one
page&q=symbolic%20of%20lozenge&f=false
20
Malika Hachid : Aux origines de tifinagh : http://www.tifinagh.freeservers.com/custom.html
21
Marek Halter : La Mémoire d'Abraham, Paris, éd. Robert Laffont, 1979, ISBN : 2 7242 1991 0
francophone d'origine tunisienne, Albert Memmi22, revendique ses racines juives et berbères.
Même démarche chez le chanteur Patrick Bruel23, né à Tlemcen en Algérie, refusant le terme de
« pied-noir » étant donné ses racines juives et berbères.
Alors bien sûr on songe une fois encore au mythe de Dihya profondément ancré dans la
mémoire des Aurès d'abord et de tout le monde berbère ensuite. D'ailleurs l'un des derniers ouvrages
littéraires en date sur « La Kahéna » a justement été écrit par Gisèle Halimi24 d'origine tunisienne
juive.

5. Une influence juive ? :

Cette digression historique avait pour but d'émettre une hypothèse sur l'origine de la broche
chaouïe étudiée ici.
Car si l'on considère qu'historiquement il y a eu dans l'Aurès une période d'influence juive
suffisamment durable, il est alors permis de penser qu'elle a pu avoir une certaine influence
culturelle. On retrouverait cette influence dans l'orfèvrerie probablement. L'orfèvrerie est un
domaine essentiellement masculin même si les bijoux sont destinés à être portés par les femmes. On
reconnaît une nouvelle fois le principe de dualité.
Ce ne sont plus maintenant les figures géométriques qu'il faut observer mais la symbolique
des nombres dans une optique juive : les nombres impairs 5 et 9 puis les pairs 2 et 4.
 Le nombre 5 : Il symbolise la Torah qui se trouve dans la synagogue et qui renferme les
cinq premiers livres des Écritures Hébraïques. C'est le Pentateuque (cinq livres) qui
comprend la Genèse, l’Exode, les Lévites, les Nombres et le Deutéronome.
 Le nombre 9 : Dans la Kabbale , il symbolise l'aboutissement.
 Le nombre 2 : C'est la deuxième lettre Beth de l'alphabet hébreu et désigne la maison. C'est
la première lettre de la Torah. Dans la Genèse, Ève apparaît après Adam. Au A succède le B
(alpha et bêta, en grec.).
‫ב‬
 Le nombre 4 : Dans la tradition juive le Tétragramme YHWH (‫ )יהוה‬est formé des quatre
lettres qui forment le nom de Dieu.

Toutefois, il ne s'agit là que d'une hypothèse historico-religieuse qui demande à être


confirmée par une recherche plus approfondie.

Par ailleurs cette broche ronde des Aurès ressemble beaucoup par sa forme à la broche
kabyle d'Aït Hichem présentée ci-dessous et qui se trouve au musée des Arts Premiers à Paris.

22
Albert Memmi : Le Scorpion ou la Confession Imaginaire, Paris, éd. Gallimard, 1986.
23
Patrick Bruel : Conversation avec Claude Askolovitch, Plon, 2011, p. 32-40
24
Gisèle Halimi : La Kahina, Paris, éd. Plon, 2006.
Les formes géométriques sont identiques. On découvre que la roue cosmique (ou étoile
berbère?) est plus marquée. Il y a bien aussi des pendentifs. Mais ils sont plus nombreux (au
nombre de 15). Il y a 8 incrustations de corail. De même, dans la partie ronde de la broche, on
retrouve aussi les 5 cabochons rouges. L'incrustation centrale est plus grosse mais la disposition
géométrique est identique. On note également la présence de 4 autres petits cabochons intérieurs
formant un carré. Le total devient alors 5 + 4 = 9. On y retrouve ce nombre remarqué dans la broche
des Aurès.
L'image du carré contenu dans le cercle rappelle la quadrature du cercle, forme souvent
utilisée dans la poterie aurésienne, voire kabyle.
De même le fond émaillé semble plus riche. Tout cela donne à la parure kabyle une allure
plus noble dans sa variété ornementale.
Cet article est paru dans le « Monde 2 » du 10 juin 2006 à l'occasion de l'ouverture du musée
du Quai Branly25. Le commentaire indique que « ce bijou d'argent émaillé (24 x 24cm) reflète une
technique très ancienne, née dans la Perse sassanide, développée à Byzance, puis dans l'Espagne
musulmane avant d'être introduite en Afrique du Nord par les juifs expulsés de la péninsule ibérique
après la Reconquista. » Le commentaire interpelle un tant soit peu.
La Grande Kabylie qui a une bordure maritime a probablement été plus propice aux
influences extérieures. Ceci expliquerait les différences. L'Aurès a conservé une tradition plus
authentiquement berbère. Il faut cependant noter au passage que sur cet article le véhicule des
influences aurait bien été perpétré par des Juifs.

Arrivé à ce stade de l'étude, on voit tout de même qu'il manque encore une pièce à
l'interprétation générale.
Les deux broches comparées ici ont chacune un fond d'émail. Ce fond est plus évident dans
la broche kabyle que dans la broche chaouïe.
L'émail semble être un apport extérieur intégré à l'artisanat berbère. Essayons-donc de voir
comment ce mécanisme a vraisemblablement fait son apparition.

6. Le travail de l'émail :
Le travail de l'émail n'est pas aussi développé dans l'orfèvrerie chaouïe que dans celle des
Kabyles. Vraisemblablement, ce phénomène est dû à la géographie.
D'où vient l'émail ?
Dans un site qui relate l'histoire de l'émail 26, il est dit que « la pratique de l'émail est sans
doute née des Scythes ». Ce même texte précise que « cet art fut introduit en Chine puis aux Indes
25
Réf. Mme Françoise Darmond. Paris.
26
Histoire d'émail : http://www.maison-email.com/histoire-generale-de-l-email.htm
et fut transmis aux Phéniciens et aux Assyriens.». Le mot 'émail' viendrait du mot grec « smagdos ».
Les Scythes étaient un peuple de nomades dont le vaste territoire d'Asie Centrale s'étendait de
l'Ukraine à l'Altaï, entre le VIIIe et le IIIe siècle av.J-C 27. Indo-européens, ils parlaient une langue
iranienne. Perses, Assyriens, Grecs et Phéniciens entretenaient des échanges avec les Scythes dont
l'orfèvrerie était connue. Le texte sur l'histoire de l'émail ajoute que « de ces peuples, les Byzantins
tirèrent les techniques qu’ils transmirent en Europe vers le XI° siècle. »
Il semble donc probable que les Phéniciens aient surtout véhiculé des copies de bijoux
émaillés dans leurs comptoirs d'Afrique du Nord. Il y a eu Carthage bien sûr, fondée en l'An 800,
mais également Tabarka sur la côte tunisienne, que nous avons déjà mentionnée au sujet du corail.
Ils avaient établi de nombreux comptoirs commerciaux sur la côte algérienne : Annaba, Skikda,
Collo, Jijel, Béjaïa, Dellys, Alger, Tipaza, Cherchell, Tenes, Bethioua et Ghazaouet 28. La Kabylie a
donc participé directement à des échanges commerciaux où les parures ornementales n'étaient point
absentes. Il est donc vraisemblable que le travail de l'émail se soit ainsi répandu, peut-être même
avant l'Espagne et directement par les Phéniciens. Il incombe à l'historien de le confirmer.
On remarquera que sur la broche kabyle présentée dans cette étude, il y a trois couleurs
dominantes. Or voici ce qui est dit sur un blog kabyle 29 au sujet de l'émail: « Le vert, le bleu et le
jaune sont les trois couleurs redondantes dans la fabrication du bijou. Ces couleurs reflètent les
trois saisons du Nil, en l’occurrence les inondations (bleu), les semailles (vert) et les récoltes
(jaune). Les petites étoiles qui sertissent tous les bijoux représentent le nombre d’enfants qu’aura la
future maman ». Une théorie voudrait en effet que l'émail ait été transmis par les Egyptiens. Il n'y
aurait rien de trop étonnant. On sait en effet que l'oasis de Siwa au nord-ouest de l'Egypte est peuplé
par des Berbères. Le blog citait une conférence donnée par Ali Sayad, anthropologue kabyle, qui a
d'ailleurs travaillé avec Mouloud Mammeri et qui est convaincu que « l’originalité et le renom des
bijoux kabyles résident avant tout dans la présence d’émaux de couleurs bleue, verte et jaune dont
la douceur des tons rehausse l’éclat des sertissures de corail. Les bijoux en argent reçoivent les
émaux dans un cloisonnement filigrané. »
Dans un moindre éclat la broche ronde chaouïe dont nous avons parlé comporte les mêmes
couleurs d'émaux. La parenté, une nouvelle fois, est proche.

Nous voilà donc arrivés au bout de ce véritable voyage d'étude. Cette nouvelle
recherche complète un premier article sur la fibule berbère de l'Aurès. La symbolique a
permis de donner un sens au message visuel décoratif. Il est certes universel mais avec une
empreinte culturelle appartenant clairement au monde berbère. Ce bijou ornemental, porté
par la femme, contient un message génétique évident. Rattaché à d'autres formes d'art comme
le tapis, les tissages ou les tatouages, il tend à conforter l'image artistique et culturelle qu'il
véhicule. A-t-il été une amulette ? Sans doute. Joue-t-il encore ce rôle ? Quand et comment la
femme chaouïe reçoit-elle cette parure ? Par qui ? Que devient ce bijou par la suite ? Autant
de questions qui se posent maintenant et auxquelles seul un ethnologue pourra donner une
réponse. En parlant du bijou kabyle, Ali Sayad dit qu'il est « le complément indispensable du
costume, et qu'il joue un rôle essentiel dans la vie sociale féminine, surtout chez la jeune mariée,
dont le trousseau peut renfermer jusqu’à plusieurs coffres de bijoux diversifiés.» On a pu voir
également comment, de fil en aiguille, une simple parure ornementale nous a conduits aux
sources de la culture berbère et à ses éventuelles inspirations externes. Nous espérons que
cette analyse aura jeté une nouvelle lumière sur cette forme de bijou. Il faudra poursuivre les
recherches pour tenter de répondre à toutes les questions et avancer un peu plus dans la
connaissance du monde berbérophone.

27
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Scythes
28
La présence phénicienne en Algérie : http://algerieterredafrique.blogspot.com/2012/11/la-presence-carthaginoise-en-
algerie.html
29
Réf. :
http://monblogkabyle.over-blog.com/pages/Conference_sur_le_bijou_kabyle_au_Cidef_Symbole_de_la_berberite-
3380610.html
Christian Sorand,
Bangkok, février 2013 et revu en janvier et mai 2017

Références bibliographiques :

 Barbatti, Bruno : Berber carpets of Morocco : The Symbols Origin and Meaning, A.C.R.
Edition, 2008.
 Becker, Cynthia : Amazigh Arts in Morocco : Women Shaping Berber Identity, publ. 2006.
 Benoist, Luc : Signes, symboles et mythes, PUF, coll. Que Sais-je ?
 Camps, Gabriel : Berbères : Aux Marges de l'Histoire, éd. Des Hespérides, 1980.
 Chevalier, Jean et Gheerbrant, Alain : Dictionnaire des Symboles, éd. Robert Laffont.
 Chouraqui, André : Les Juifs d'Afrique du Nord, Presses Universitaires de France, 1952.
 Colonna, Fanny : Le meunier, les moines et le bandit, Sindbad, éd. Actes Sud, 2010.
 Déjeux, Jean : La Kahina : de l'histoire à la fiction littéraire, mythe et épopée, dans Studi
maghrebini, no.15, 1983.
 Déjeux, Jean : Tradition et Civilisation Berbères, éd. Du Rocher, 1985.
 Gaudry, Mathéa : La Femme Chaouia de l'Aurès:Etude de sociologie berbère, éd. Geuthner,
1929.
 Halter, Marek : La Mémoire d'Abraham, éd. Robert Laffont, 1979.
 Ibn Khaldoun : Histoire des Berbères
 Sorand, Christian : La Fibule Berbère :le type chaouïa, AWAL No.3, 1987.
 Sorand, Christian : La Guelâa aurasienne, AWAL No.3, 1987.
 Sorand, Christian : La Fibule Amazighe, INUMIDEN, 2017
 Tillion, Germaine : Il était une fois l'ethnographie, Seuil, éd. POINTS, 2004.

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