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REBOUND
H PAT NO. 3,1514ZX
LA TEMPÊTE
COMÉDIE DE
WILLIAM SHAKESPEARE
TRADUITE PAR
Maurice BOUCHOR
PARIS
1888
Tous droits réservés)
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LA TEMPÊTE
COMÉDIE DE
WILLIAM SHAKESPEARE
TRADUITE PAR
Maurice BOUCHOR
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PARIS
1888
(Tous droits réservés)
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7436
74-36
AVERTISSEMENT
ACTE I
SCÈNE I
LE CAPITAINE
Maître d'équipage !
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
Voilà, capitaine : où en sommes-nous ?
LE CAPITAINE
Mon brave , parle aux matelots : qu'on s'y mette
vivement, ou nous courons à terre . Vite ! vite !
(Il sort.)
2 LA TEMPÊTE
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
Je vous en prie , restez en bas.
ΑΝΤΟΝΙΟ
Maître, où est le capitaine ?
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
Est-ce que vous ne l'entendez pas ? Vous gênez
la manœuvre . Restez dans vos cabines : vous aidez
la tempête .
GONZALO
De la patience , mon brave .
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
Quand la mer en aura . Hors d'ici ! Que fait le
nom d'un roi à ces flots qui rugissent ? A vos cabi-
nes silence ! laissez-nous tranquilles .
GONZALO
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
Pas un que j'aime plus que moi . Vous êtes
conseiller ; si vous pouvez imposer silence aux
éléments et faire le calme à l'instant même, nous
ne toucherons plus à une corde ; usez de votre
autorité . Si vous ne pouvez pas , remerciez Dieu
d'avoir vécu si longtemps ; et préparez-vous dans
votre cabine à la malechance de cette heure , si elle
doit finir mal.— Hardi , mes braves cœurs! - Hors
de notre chemin , vous dis-je .
(Il sort. )
GONZALO
Cet être-là me donne bon courage je ne lui
trouve pas les symptômes de la noyade ; toute sa
personne respire la potence . Tiens ferme pour sa
pendaison, bonne Destinée ! fais de la corde qui
l'attend un câble pour nous sauver ; car le nôtre ne
nous sert pas à grand'chose . Si cet homme n'est
pas né pour être pendu , notre cas est pitoyable .
(Ils sortent. )
Rentre le maître d'équipage.
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
Baissez le mât de hune ! Vivement : plus bas ,
plus bas ! Essayons de mettre à la cape sous la
grande voile .
(Cris dans l'intérieur du vaisseau.)
Au diable ces hurlements ! Ils couvrent la tem-
pête et la manœuvre .
Rentrent Sébastien , Antonio et Gonzalo.
Encore ! que faites -vous ici ? Faut-il lâcher tout
et nous noyer ? Avez-vous envie de couler bas ?
4 LA TEMPÊTE
SÉBASTIEN
SCENE II
PROSPERO
PROSPERO
Il y a douze ans , Miranda , il y a douze ans ton
père était le duc de Milan , un puissant souve-
rain .
MIRANDA
Seigneur, n'êtes-vous pas mon père ?
PROSPERO
Ta mère fut un modèle de vertu ; et elle m'a dit
que tu étais ma fille. Oui , ton père fut le duc de
Milan ; il avait pour seule héritière une princesse ,
rien de moins .
MIRANDA
O cieux quelle trahison nous fit quitter cette
ville ? ou quelle bénédiction ?
PROSPERO
L'une et l'autre , chère petite . Par une trahison ,
comme tu l'as dit, nous en fûmes chassés ; mais
nous vinmes ici par une bénédiction .
MIRANDA
Oh ! mon cœur saigne en pensant aux douleurs
que j'ai ravivées en vous . De grâce , continuez.
PROSPERO
Suis-moi bien. Mon frère et ton oncle , nommé
Antonio ... ah! qu'un frère puisse être aussi
perfide ! - lui qu'après toi j'aimais le plus au
monde et à qui je confiais le soin de mes Etats ...
C'est que Milan était alors la plus importante
parmi les seigneuries , et Prospero le premier de
tous les ducs . Renommé tel pour ma grandeur ,
j'étais sans rival dans les arts libéraux . Comme
LA TEMPÊTE 9
PROSPERO
Remarque bien le pacte qui en résulta , et dis- moi
si cet homme pouvait être mon frère .
MIRANDA
Je pécherais si j'avais sur ma grand'mère une
pensée qui ne fût pas respectueuse . De nobles
flancs ont porté de mauvais fils .
PROSPERO
Revenons au pacte . Le roi de Naples , étant mon
ennemi acharné , prête l'oreille à la requête de mon
frère : il devait , en retour de l'hommage et de je ne
sais quel tribut , m'arracher sur l'heure , moi et les
miens , de mon propre duché et conférer à mon
frère , avec tous les honneurs , la belle cité de Milan .
Sur quoi , ayant levé une armée de traîtres , Anto-
nio , par une nuit bien faite pour un tel acte , ouvrit
les portes de Milan ; et, dans le ténébreux silence.
de minuit, les exécuteurs du complot nous emme-
nèrent de force , moi et toi-même tout en larmes .
MIRANDA
Hélas ! quelle pitié ! J'en pleure à présent, moi
qui ne sais plus comment je pleurais alors .
PROSPERO
Encore un peu d'attention , et je vais arriver à la
chose qui nous occupe : sans quoi , ce récit n'aurait
aucune raison d'être .
MIRANDA
Pourquoi , sur l'heure , ne nous tuèrent-ils pas ?
PROSPERO
Bien demandé , fillette : mon récit fait naître
LA TEMPETE 11
PROSPERO
Par une divine Providence . Nous avions un peu
d'eau fraîche et de nourriture , dues à la charité
d'un noble Napolitain , Gonzalo , qui avait reçu l'or-
dre de surveiller notre embarquement . Il nous
laissa encore de riches habits , du linge , divers ob-
jets qui depuis nous furent bien utiles . Même ,
dans sa bonté , sachant que je tenais à mes livres ,
il me fit une provision de volumes pris à ma
bibliothèque et plus précieux pour moi que mon
duché .
12 LA TEMPÊTE
MIRANDA
Puissé-je voir cet homme !
PROSPERO , se levant
Mais voici que je me relève . Reste assise , et
écoute la fin de notre malheur . - - Nous arrivâmes
dans cette île ; j'y fus ton maître d'école ; et tu pro-
fitas mieux que ne peuvent le faire d'autres prin-
cesses , occupées davantage par les futilités , et qui
n'ont pas de si vigilants précepteurs .
MIRANDA
Que le Ciel vous bénisse pour cela ! Et mainte-
nant , seigneur (car j'en suis encore tourmentée) ,
pour quelle raison avez -vous déchaîné cette tem-
pête ?
PROSPERO
Sache encore cela . Par une circonstance fort sin-
gulière , la généreuse Fortune qui est à présent
ma dame bien-aimée - a conduit à ce rivage mes
ennemis . Or je sais, en vertu de ma prescience ,
que mon zénith dépend d'une étoile toute favora-
ble , dont je dois sur l'heure mettre l'influence à
profit sans quoi ma destinée ne se relèvera jamais.
Maintenant , plus de questions le sommeil te
gagne . C'est une torpeur bienfaisante ; abandonne-
toi . Je sais que tu ne peux pas résister.
Accours , serviteur, accours . Me voici prêt . Ap-
proche, mon Ariel , viens .
Entre Ariel .
ARIEL
PROSPERO
Esprit, as-tu exécuté sans faute la tempête que
je t'avais commandée ?
ARIEL
De point en point . J'ai abordé le vaisseau du roi :
à la proue, au centre, sur le pont, dans les cabines ,
j'ai fait flamboyer l'épouvante . Je me divisais pour
brûler partout à la fois en haut du grand mât,
aux vergues, sur le beaupré , je brillais en flammes
distinctes ; puis je n'en faisais plus qu'une seule .
Les sulfureux éclairs , les rugissements du tonnerre
semblaient assiéger le puissant Neptune , faire
trembler ses vagues hardies , ébranler même son
trident terrible .
PROSPERO
PROSPERO
Voilà bien mon Ariel ! Ceci n'eut-il pas lieu près
du rivage ?
ARIEL
Tout près, maître .
PROSPERO
Mais sont-ils sains et saufs ?
ARIEL
Pas un cheveu n'a péri : leurs vêtements n'ont
pas une tache et sont plus frais qu'auparavant .
Comme tu me l'avais dit , je les ai dispersés . par
troupes à travers l'île . Quand au fils du roi , je l'ai
fait aborder seul , et je l'ai laissé dans un coin sau-
vage . Assis et les bras croisés tristement, il rafraî-
chit l'air de ses soupirs .
PROSPERO
PROSPERO
ARIEL
Non .
PROSPERO
ARIEL
Non , seigneur.
PROSPERO
Seigneur, en Alger .
PROSPERO
PROSPERO
La sorcière à l'œil bleu était grosse quand on
l'amena ici : elle y fut laissée par les matelots . Toi ,
mon esclave comme tu t'appelles toi-même - tu
étais alors son serviteur . Esprit trop délicat pour
exécuter ses ordres grossiers et odieux, tu refusas
d'obéir : et , dans sa rage implacable , s'étant fait
aider par des serviteurs plus puissants que toi , elle
t'enferma dans le creux d'un pin . Tu restas douze
ans dans cette prison douloureuse . Pendant ce
temps elle mourut, te laissant là ; et toi , tu exha-
lais des plaintes aussi répétées que les tours de
roue d'un moulin.- Si j'excepte le fils qu'elle avait
mis bas , un petit monstre roussâtre l'île , à ce
moment , n'était pas honorée d'une seule forme
humaine .
ARIEL
Oui , Caliban , son fils .
PROSPERO
Je te remercie , maître .
2
18 LA TEMPÉTE
PROSPERO
Si tu murmures davantage , je fendrai un chêne ,
je te chevillerai dans ses entrailles noueuses , et je
t'y laisserai hurler pendant vingt hivers.
ARIEL
PROSPERO
Tel qu'il est, nous ne pouvons nous passer de
lui : il allume notre feu , va nous chercher du bois
et nous rend bien des services . Holà , esclave ! Cali-
ban ! hé ! fange , réponds-moi .
CALIBAN
Il y a assez de bois dans la grotte .
PROSPERO
Sors , te dis -je ! il y a d'autre besogne pour toi .
Allons, tortue , pour quand est- ce ?
(Ariel rentre sous la forme d'une nymphe de la mer.)
Belle apparition ! - Mon exquis Ariel , viens que
je te parle à l'oreille.
ARIEL
Mon seigneur, cela sera fait.
(Il sort.)
PROSPERO
Venimeux esclave , toi dont le Diable engrossa ta
méchante mère , sors de là !
Entre Caliban.
CALIBAN
Qu'il pleuve sur vous deux une malfaisante ro-
sée , telle que ma mère en recueillait, avec une
plume de corbeau , sur de putrides marécages ! Que
le vent du sud-ouest vous couvre de pustules !
PROSPERO
Pour ceci je te réponds que tu auras des crampes
cette nuit, et des points de côté qui te couperont le
souffle . Les farfadets , aux heures nocturnes où l'ac-
20 LA TEMPÊTE
PROSPERO
PROSPERO
PROSPERO
ARIEL , chantant.
Sur le sable d'or, beaux êtres humains ,
Prenez-vous les mains ;
Les vagues sauvages se taisent .
Venez que vos lèvres se baiseut ;
Errez, gracieux , sous le ciel serein .
Vous, prenez au refrain ,
Doux esprits de ces lieux enchantés .
Ecoutez ! écoutez !
(Bruits d'aboiements lointains. )
Le chien de garde aboie :
(Bruits lointains . )
FERDINAND
Où peut être cette musique ? dans l'air ou sur la
terre Elle se tait. A coup sûr elle accompagne
quelque divinité de cette île . J'étais assis sur le
rivage, pleurant encore le naufrage du roi mon
père, quand cette musique a glissé sur les eaux
jusqu'à moi . Leur furie et ma douleur furent cal-
mées par la suave mélodie : et je l'ai suivie , ou
plutôt elle m'a entraîné . Mais elle s'est évanouie ,..
Non la voici encore ,
LA TEMPÊTE 23
ARIEL
Ton père gît à cinq brasses profondes
Sous les calmes eaux ;
Il gît, et ses os
Deviennent corail au baiser des ondes .
Ce sont deux perles que ses yeux ;
Il n'est rien de lui que la mer ne change
En une fleur étrange,
Un joyau merveilleux .
La vague le pleure ;
Les nymphes des eaux sonnent d'heure en heure
Son glas...
(Bruit de cloches .)
Ecoutez l'air frissonne ;
J'entends là-bas
La voix des cloches . Sonne,
Sonne le glas ...
FERDINAND
La chanson parle de mon père noyé . Ce n'est
point là une œuvre mortelle ; de tels sons n'appar-
tiennent pas à la terre .
PROSPÉRO
Relève les rideaux frangés de tes yeux, et dis ce
que tu vois .
MIRANDA
Qu'est-ce donc ? un esprit ? Dieu , comme il re-
garde autour de lui ! Croyez-moi , seigneur, sa forme
est admirable . Mais c'est un esprit.
PROSPERO
Non , fillette ; il mange , il dort , il a des sens pa-
24 LA TEMPÊTE
PROSPERO , à part.
FERDINAND
Un homme comme les autres , - - - ce que je suis en
ce moment , un homme émerveillé de t'entendre
parler du roi. Il peut m'entendre , lui ; et c'est pour
cela que je pleure . Je suis le roi de Naples , puisque
mes yeux, où les larmes ne tarissent pas , ont vu
naufrager le roi mon père .
MIRANDA
Hélas , quelle pitié !
FERDINAND
Oui , sur ma foi , et avec lui tous ses nobles : parmi
eux était le duc de Milan .
PROSPÉRO , à part.
Le duc de Milan pourrait te contredire , si le mo-
ment était venu . Dès le premier abord , ils ont
mêlé leurs regards . Délicat Ariel, je t'affranchirai
pour cela . (A Ferdinand) Un mot , cher monsieur : je
crains que vous ne vous soyez un peu avancé . Un
mot!
MIRANDA
Pourquoi mon père parle-t- il si durement ? Voici
le troisième homme que j'aie vu , le premier qui
m'ait fait soupirer. Puisse la pitié émouvoir mon
père , afin qu'il voie par mes yeux!
FERDINAND
Oh ! si vous êtes une vierge et que votre amour
soit encore à donner, je ferai de vous la reine de
Naples .
PROSPERO
Doucement , monsieur ! un mot encore . (A part. )
26 LA TEMPÈTE
SCÈNE I
GONZALO
Sire , --
SÉBASTIEN
De grâce , épargne-moi .
GONZALO
Bien, j'ai fini ; mais cependant ...
SÉBASTIEN, à Antonio .
Il parlera quand même !
GONZALO
GONZALO
Comme l'herbe semble drue et vivace ! Comme
elle est verte !
ΑΝΤΟΝΙΟ
SÉBASTIEN
GONZALO
Dans ma république , je ferais tout à rebours ,
car je n'admettrais aucune espèce de trafic : il n'y
aurait point de magistrats ; nulle connaissance des
lettres ; pas de richesse , ni de pauvreté ; point de
contrats , de successions , de bornes , d'enclos , de
terres labourées , de vignobles ; aucun usage du
métal , du blé , du vin ou de l'huile ; point d'occupa-
tions ; tous les hommes seraient oisifs , tous ! Et les
femmes aussi ; mais pures et innocentes . Point de
souveraineté dans mon île.
SÉBASTIEN
Pourtant, il en serait le roi .
GONZALO
On mettrait tout en commun, et la nature produi-
rait sans effort ni sueur . Jamais de trahison , de
félonie ; point d'épées , de piques , de couteaux, d'ar-
mes à feu. La nature produirait tout spontané-
ment et à foison , pour nourrir mon peuple inno-
cent.
SÉBASTIEN
Point de mariages parmi ses sujets ?
ANTONIO
ANTONIO
Vive Gonzalo !
GONZALO
Et... m'écoutez-vous , Sire ?
ALONSO
Je t'en prie , assez : tu ne me parles que de riens .
GONZALO
J'en crois volontiers Votre Majesté . Je n'ai voulu
que fournir une occasion de rire à ces messieurs .
Ils ont la rate à tel point sensible et prompte ,
qu'ils rient sans cesse pour rien du tout.
ΑΝΤΟΝΙΟ
C'est de vous que nous avons ri .
GONZALO
Vous êtes des gentilshommes de vaillante hu-
meur. Vous enlèveriez la lune de sa sphère , si elle
voulait bien y rester cinq semaines sans bouger .
(Entre Ariel, invisible. Il fait entendre une musique solennelle. )
SÉBASTIEN
Parfaitement, et nous irions chasser ensuite la
chauve-souris .
ΑΝΤΟΝΙΟ
Là, mon bon seigneur , ne vous fâchez pas .
GONZALO
ALONSO
Quoi ! tous endormis si vite ! Je voudrais que mes
yeux , en se fermant, éteignissent mes pensées . Je
sens qu'ils vont se fermer.
SÉBASTIEN
ANTONIO
N'entendez-vous pas que je parle ?
SÉBASTIEN
SÉBASTIEN
Il n'est plus .
ANTONIO
Alors , dites-moi quel est le plus proche héritier
de la couronne de Naples ?
SÉBASTIEN
Claribel.
ANTONIO
Oui , elle qui est reine de Tunis ; elle qui habite
à plusieurs lieues au-delà de toute vie humaine ;
elle qui ne peut avoir aucune nouvelle de Naples
avant qu'un menton nouveau-né soit devenu bon
pour le rasoir... à moins que le soleil ne lui
serve de courrier ; car l'homme qui est dans la
lune serait encore trop lent.
SÉBASTIEN
Quel est ce galimatias ? Que voulez-vous dire ? Il
est vrai que la fille de mon frère est reine de Tunis;
qu'elle est aussi l'héritière de Naples , et qu'entre
les deux pays il y a une certaine distance .
ANTONIO
Eh bien, alors , que Claribel reste à Tunis , et que
Sébastien s'éveille ! Voyons : si la mort , et non pas
le sommeil , les avait saisis , ils ne s'en trouveraient
pas plus mal . Je sais un homme capable de gou-
verner Naples aussi bien que celui qui dort là ; des
seigneurs dont le caquetage serait oiseux et inta-
rissable autant que celui de Gonzalo ... Oh ! si vous
aviez ma façon de voir les choses ! Voilà un som-
meil qui servirait à votre avancement ! Est- ce que
vous me comprenez ?
LA TEMPETE 39
SÉBASTIEN
Oui , - je pense .
ANTONIO
Et quel accueil faites-vous à votre heureuse for-
tune ?
SÉBASTIEN
ANTONIO
Dégaînons ensemble ; quand je lèverai le bras ,
faites de même, et frappez Gonzalo .
SÉBASTIEN
Ah! encore un mot.
(Ils se parlent l'écart. )
Entre Ariel, invisible.
ARIEL
Mon maître a prévu par son art le danger qui
vous menace, vous , son ami : et il m'envoie pour
que personne ne meure . Autrement, son projet
avorte.
(Il parle à l'oreille de Gonzalo . )
Tandis que vous ronflez ici , le crime a l'œil ou-
vert et choisit son moment. Si vous tenez à la vie ,
secouez votre sommeil et soyez sur vos gardes .
Debout ! debout!
ΑΝΤΟΝΙΟ
Allons , vite , frappons tous deux.
GONZALO
Anges du ciel , sauvez le roi !
(Tous s'éveillent.)
ALONSO
Eh bien ! qu'est- ce ? Holà ! éveillez-vous ! Pour-
quoi ces épées nues , ces yeux hagards ?
GONZALO
Qu'y a-t-il ?
SÉBASTIEN
SCENE II
Ne me tourmente pas . Oh !
STEPHANO
CALIBAN
L'esprit me tourmente . Oh !
STEPHANO
C'est quelque monstre de cette île , un monstre à
quatre pattes qui aura , j'imagine , attrapé les fiè-
vres . Où diable a-t-il pu apprendre notre langage ?
Je m'en vais lui donner du secours . Si je peux le
guérir, l'apprivoiser et l'emmener à Naples , ce sera
un présent digne du plus grand empereur qui ait
jamais foulé du cuir de vache .
CALIBAN
Ne me tourmente pas , je t'en prie : j'apporterai
mon bois plus vite à la maison .
STEPHANO
Voilà sa fièvre qui le prend : il ne parle pas
d'une façon bien sensée . Il tàtera de ma bouteille .
S'il n'a jamais bu de vin , ça contribuera joliment à
le soulager. Si je peux le guérir et l'apprivoiser , je
ne le vendrai jamais trop cher . Il paiera pour lui et
pour son maître , et joliment .
CALIBAN
TRINCULO
CALIBAN, à part.
Voilà des êtres bien beaux , s'ils ne sont pas des
esprits . Celui-ci est un brave dieu qui possède
une liqueur céleste . Je vais m'agenouiller devant
lui.
STEPHANO , à Trinculo.
Comment t'es-tu sauvé ? Comment es-tu venu
ici ? dis la vérité jure sur cette bouteille . Je me
suis sauvé, moi , sur une barrique de Xérès que les
matelots avaient jetée par-dessus bord . Je le jure
par cette bouteille , que j'ai faite de mes propres
mains avec l'écorce d'un arbre, depuis que j'ai été
jeté à la côte.
CALIBAN
STEPHANO , à Trinculo.
Jure ici comment t'es -tu sauvé ?
TRINCULO
J'ai nagé jusqu'à terre , l'ami , comme un canard !
Je nage comme un canard : je suis prêt à le jurer :
48 LA TEMPÊTE
STEPHANO
Tiens , baise le saint livre . Quoique tu nages
comme un canard , tu es fait comme une oie .
TRINCULO
O Stephano , as-tu encore de ça ?
STEPHANO
CALIBAN, à Stephano.
Je te montrerai , dans l'ile , le plus petit coin de
terre féconde , et je te baiserai les pieds . Je t'en
prie, sois mon dieu !
TRINCULO
Par cette lumière , c'est le plus perfide et le plus
ivrogne des monstres ! Quand son dieu dormira , il
lui volera sa bouteille .
CALIBAN
Je veux te baiser les pieds : je jure d'être ton
sujet.
STEPHANO
CALIBAN
TRINCULO
O le plus ridicule des monstres ! faire une mer-
veille de ce pauvre ivrogne !
CALIBAN
Je t'en prie, laisse-moi te conduire où croissent
les pommes sauvages . Avec mes ongles je te dé-
terrerai des truffes ; je te ferai voir un nid de geai ,
et je t'enseignerai à prendre au piège le leste mar-
mouset. Je te montrerai des bouquets d'avelines ,
et parfois , dans le creux d'un roc , je prendrai pour
toi de jeunes émouchets . Veux-tu venir avec moi ?
STEPHANO
SCÈNE I
MIRANDA
FERDINAND
SCÈNE II
CALIBAN
Comment va Ton Honneur ? Laisse-moi lécher
ton soulier. Lui , je ne veux pas le servir ; il n'est
pas vaillant.
TRINCULO
STEPHANO
Bien mais comment exécuter la chose ? peux-
tu me conduire à l'ennemi ?
CALIBAN
Oui , oui, mon seigneur : je te le livrerai endormi ,
et tu n'auras qu'à lui enfoncer un clou dans la
tête .
ARIEL
Tu mens : tu ne le pourras pas .
CALIBAN
Voyez-vous ce niais bariolé , ce misérable pail-
lasse ! J'en supplie Ta Grandeur , donne-lui des
coups et prends-lui sa bouteille . Comme ça , il
n'aura plus que de la saumure à boire , car je ne lui
montrerai pas les sources d'eau vive .
STEPHANO
Trinculo , ne te jette pas dans un nouveau péril .
Si tu interromps le monstre une fois de plus , par
cette main ! je flanque à la porte ma miséricorde , et
je te sale comme une morue .
TRINCULO
Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Je n'ai rien fait du
tout. Je m'en vais aller plus loin.
STEPHANO
N'as-tu pas dit qu'il mentait?
ARIEL
Tu mens.
STEPHANO
Ah ! je mens ? Tiens , attrape ça . (1 bat Trinculo .)
Si tu aimes ça , donne-moi encore un démenti .
LA TEMPÊTE 61
TRINCULO
Je ne vous ai pas donné de démenti . Vous avez
donc perdu la tête , et l'ouïe en même temps ! Peste
soit de votre bouteille ! Voilà l'effet du Xérès et de
la boisson . Que la rogne dévore votre monstre, et
que le diable vous enlève les doigts !
CALIBAN
Ha ha ha !
STEPHANO
Maintenant, poursuis ton histoire . — Toi , je t'en
prie , à distance .
CALIBAN
Bats-le comme il faut . Dans quelque temps je le
battrai aussi , moi .
STEPHANO
Plus loin ! -- Allons , poursuis .
CALIBAN
CALIBAN
Oui, mon seigneur ; elle est digne de ta couche,
je te le garantis , et elle te donnera une riche
couvée .
STEPHANO
Monstre, je tuerai cet homme . Sa fille et moi,
nous serons le roi et la reine ; que Dieu garde
nos majestés ! — Toi et Trinculo , vous serez vice-
rois . Qu'est-ce que tu penses de ça , Trinculo ?
TRINCULO
Parfait !
STEPHANO
CALIBAN
Ça n'est pas l'air.
Ariel joue l'air avec une flûte et un tambourin.
STEPHANO
Qu'est-ce que c'est que ça?
TRINCULO
C'est l'air de notre chanson , joué par le portrait
de Rien du tout.
STEPHANO
Si tu es un homme , montre ta figure ! Si tu es un
diable , fais comme tu voudras .
TRINCULO
Oh ! pardonnez - moi mes péchés !
STEPHANO
Celui qui meurt paie toutes ses dettes . Je te dé-
fie !... Miséricorde !
CALIBAN
Tu as peur?
STEPHANO
Moi , mönstre? Pas du tout:
64 LA TEMPÊTE
CALIBAN
N'aie pas peur l'île est pleine de bruits , de
sons, de douces musiques . C'est délicieux , et ça ne
vous fait aucun mal .
STEPHANO
SCÈNE III
ALONSO
Vieillard , je ne puis te blâmer ; je sens moi-même
une lassitude peser sur mon esprit . Assieds -toi et
prends du repos . C'est ici que je vais chasser mon
espérance ; je n'écouterai plus cette flatteuse . Il est
noyé , celui que nous cherchons ainsi à l'aventure ,
et la mer raille nos vaines recherches sur terre . Eh
bien, qu'il aille en paix !
ANTONIO , bas à Sébastien
Je suis ravi qu'il n'ait plus aucun espoir . N'allez
pas , pour un échec , renoncer au projet que vous
avez résolu d'exécuter .
SÉBASTIEN
La première occasion , nous la saisirons aux
cheveux .
ANTONIO
Que ce soit cette nuit même.
SÉBASTIEN
Oui , cette nuit. Silence .
Musique étrange et solennelle.
ALONSO
Quelle harmonie est- ce là ? Mes bons amis ,
écoutez !
GONZALO
Cette musique est d'une merveilleuse douceur .
Entrent des figures bizarres, portant une table servie. Elles dansent
tout autour en faisant de gracieuses revérences, invitent le roi et
sa suite à manger, et disparaissent.
ALONSO
O cieux , donnez-nous de bienveillants protec=
teurs ! — Qu'était-ce que ces êtres ?
B
66 LA TEMPÊTE
SÉBASTIEN
Des marionnettes vivantes ! Je croirai mainte-
nant qu'il existe des unicornes ; que l'Arabie pos-
sède un arbre qui sert de trône au phénix, et qu'un
phénix y règne à cette heure .
ΑΝΤΟΝΙΟ
Les voyageurs n'ont jamais menti , bien que dans
leurs pays ils soient traités de menteurs par les
imbéciles .
GONZALO
Une fois à Naples , si je racontais ceci , qui me
croirait ?
ALONSO
Ils se sont évanouis étrangement.
SÉBASTIEN
SCÈNE I
PROSPERO
En un clin d'œil.
ARIEL
Entre Iris.
IRIS
Quitte les profondeurs de la terre féconde ,
Cérès, nourricière du monde .
Viens , le visage dévoilé .
Quitte, à ma voix, tes verts sillons d'orge et de blé ,
Tes champs de pois en fleur, de légères avoines ;
Tes prés qui donnent aux troupeaux
L'herbe, l'eau fraîche et le repos ;
Tes beaux fleuves , bordés de lis et de pivoines ,
Qui font bruire les roseaux ,
Tandis que près de là , dans les fraîches prairies ,
Avril tresse en chantant des couronnes fleuries
Pour les chastes nymphes des eaux .
CÉRÈS
Vénus , avec son fils que partout elle traîne,
Accompagne-t-elle ta reine ?
Les voir me serait odieux .
J'évite cette engeance aux paroles hardies ,
Depuis que par leurs perfidies
Ma fille est au pouvoir du plus sombre des Dieux .
IRIS
Rassure-toi . Vénus fuit dans le ciel limpide
Et jure de ne plus jamais quitter sa cour.
Ses colombes au vol rapide
L'emportent vers Paphos avec le jeune Amour .
CÉRÈS
Voici Junon.
IRIS
C'est elle.
CÉRÈS
A sa démarche fière
On la reconnaît aisément.
Entre Junon.
Salut, noble Junon au sourire clément !
Que la louange et la prière
Montent vers toi , reine , éternellement.
JUNON
Avec joie, ô Déesse auguste, je contemple
Ton visage plein de douceur.
Cérès , ma bienfaisante sœur,
Transformons ce rocher solitaire en un temple .
PROSPERO
FERDINAND , à Miranda.
Nous vous souhaitons le repos .
PROSPERO
Je vous remercie . (Ils sortent.) Viens avec la pen-
sée Ariel , viens !
Entre Ariel.
ARIEL
ARIEL
TRINCULO
Cela me chagrine plus que d'avoir été trempé :
et voilà pourtant , monstre , votre esprit inof-
fensif.
STEPHANO
J'irai chercher ma fiole , quand je devrais en avoir
par-dessus les oreilles !
CALIBAN
Je t'en prie, mon roi , sois plus calme . Vois-tu ?
C'est ici l'ouverture de la grotte : pas de bruit, et
entre. Accomplis ce joli crime qui doit faire de
l'ile ton bien à jamais , et de moi , ton Caliban , pour
toujours le lécheur de tes pieds .
STEPHANO
Donne-moi ta main . Je commence à avoir des
pensées sanguinaires .
TRINCULO
O roi Stephano ! ô preux ! ô vaillant Stephano !
Vois quelle garde-robe est ici pour toi !
CALIBAN
CALIBAN
Que l'hydropisie noie cet imbécile ! Qu'avez-
vous à vous extasier ainsi sur de vieilles hardes ?
Allons d'abord faire le meurtre s'il s'éveille , du
crâne aux orteils il nous couvrira la peau de mor-
sures ; il fera de nous une étrange bouillie.
STEPHANO
Calmez-vous, monstre . Madame la corde , ceci
n'est-il pas mon pourpoint ? Voici le pourpoint sous
la ligne . Maître pourpoint, il y a des chances pour
que vous perdiez votre poil et que vous deveniez
un pourpoint chauve .
TRINCULO
SCÈNE I
PROSPERO
Crois-tu , esprit ?
ARIEL
PROSPERO
Elfes des collines , des ruisseaux, des bois , des
LA TEMPÈTE 85
ALONSO
Es-tu vraiment Prospero , ou quelque magique
apparence faite pour m'abuser encore ? Je ne le
sais pas ... Mais ton pouls bat comme celui d'un
homme de chair et de sang ; et, depuis que je t'ai
vu, je sens diminuer l'affliction de mon âme ... Je te
rends ton duché , et je te supplie de me pardonner
mes torts . Mais comment se peut-il que Prospero
vive et soit ici ?
PROSPERO , à Gonzalo .
Avant tout, noble ami , laisse-moi embrasser ta
vieillesse , dont l'honneur est sans restriction ni
mesure.
GONZALO
Ceci est-il ou n'est-il pas ? je n'oserais en jurer .
PROSPERO
PROSPERO
FERDINAND
Si terrible que soit la mer, elle est miséricor-
dieuse ; je l'ai maudite sans raison .
(Il s'agenouille devant son père. )
ALONSO
Ah ! que toutes les bénédictions d'un père ivre
de joie t'enveloppent tout entier !
MIRANDA
O merveille ! Que de nobles créatures je vois ici !
Que le genre humain est beau ! O l'admirable nou-
veau monde , qui possède un tel peuple !
PROSPERO
Il est nouveau pour toi .
ALONSO
Quelle est cette vierge avec qui tu jouais ? Votre
connaissance date au plus de trois heures . Est- elle
la déesse qui nous a séparés pour nous réunir
ensuite ?
FERDINAND
Sire , c'est une mortelle ; mais , grâce à l'immor-
telle Providence , elle est à moi . Je l'ai choisie lors-
que je ne pouvais demander conseil à mon père ,
ignorant même que mon père fût vivant. Elle est la
fille de cet illustre duc de Milan dont j'avais ouï
parler tant de fois , mais que je n'avais point vu
encore . J'ai reçu de lui une seconde vie ; et cette
dame me donne en lui un second père .
ALONSO
Je veux être le sien . Mais, hélas ! il semblera bien
étrange que j'implore le pardon de mon enfant.
92 LA TEMPÊTE
PROSPERO
LE MAITRE D'ÉQUIPAGE
La meilleure nouvelle est que nous avons trouvé
sains et saufs notre roi et sa suite ; la seconde , que
notre vaisseau - brisé en pièces , pensions -nous il
y a trois heures - est aussi solide , alerte et galam-
ment paré que le jour où nous mîmes à la voile .
LA TEMPÈTE 93
FIN
T486
NOV 1 1973
ARB 1.11980
OUVRAGES SUIVANTS CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
Aristophane
LES OISEAUX , Comédie . - Traduction nouvelle
par F. RABBE
Michel de Cervantès
Léo Rouanet
LE VENTRE ET LE COEUR DE PIERROT
Pantomime