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L'œuvre intitulée "Vénus, Mars et Cupidon" par Piero Di Cosimo, datant de 1490 et

conservée au Staatliche Museen de Berlin, offre une plongée captivante dans la


Renaissance italienne. Avec ses dimensions imposantes de 72 cm sur 182 cm, elle aurait
très probablement été conçue comme un panneau décoratif destiné à un cassone
florentin ou une spalliera pour une chambre nuptiale. Dans cette représentation, Vénus,
la déesse de l'Amour, règne en triomphe, entourée de symboles évocateurs, tandis que
Mars, le dieu de la Guerre, repose à ses côtés, endormi, symbolisant la victoire de l'amour
sur le conflit. L'ensemble est enrichi par des éléments symboliques tels que des
colombes et le paysage idyllique, ajoutant une profondeur allégorique à la scène.

Piero di Cosimo, un peintre florentin renommé, était réputé pour son style original et
imaginatif, puisant son inspiration dans la mythologie et l'allégorie. Son attention
minutieuse aux détails et son utilisation novatrice de la lumière ont laissé une marque
indélébile dans l'histoire de l'art italien. Ainsi, il s’agira de se demander comment Piero Di
Cosimo exprime la dualité entre l’amour et la guerre à l'époque de la Renaissance
italienne dans son tableau "Venus, Mars et Cupidon" ?

Pour ce faire, il s’agira d’entamer une analyse de l'œuvre et de son esthétique


néoplatonicienne, et analyser les éléments symboliques. Enfin, il s’agira de s’intéresser
en quoi Piero di Cosimo est au cœur de son époque.

En effet, dans la mythologie romaine, Vénus, déesse de l'amour et de la beauté,


est la femme d’Héphaïstos, le dieu forgeron hideux. Cependant, elle entame une liaison
avec Mars, dieu de la guerre, devenant ainsi son amante. Cette relation interdite est
découverte par Héphaïstos, qui leur tend un piège et les expose à la moquerie des autres
dieux. Cette légende de la mythologie romaine, a été représentée plusieurs dans des
œuvres de la Renaissance italienne, notamment celle de Piero di Cosimo. À l'époque de
la Renaissance italienne, les représentations de Vénus et Mars servaient à exprimer l'idée
néoplatonicienne de la dualité entre l'amour et la guerre, symbolisant un équilibre. L'art
néoplatonicien, inspiré par la philosophie néoplatonicienne de Platon, vise à mettre en
avant la beauté idéale et à représenter symboliquement des concepts philosophiques.

Piero di Cosimo illustre dans son œuvre la relation entre Vénus et Mars, accompagnés de
leur enfant, Cupidon. On assiste à la scène comme spectateur invisible dans ce moment
d’intimité où Vénus est allongée sur le côté gauche du tableau, nue et recouverte d'un
voile transparent, regardant Mars endormi. Cupidon est blotti contre sa mère, pointant du
doigt Mars. Les personnages sont accompagnés d'un lapin blanc qui semble être en
confiance avec eux. De l'autre côté de l'œuvre, Mars repose paisiblement, sans armure
et recouvert d'un voile rouge peu saturé, tandis que des putti, petits anges, gardent ses
accessoires en jouant derrière lui. Les postures des personnages sont révélatrices de la
dualité entre l’amour et la guerre notamment par la disposition opposée de Vénus et Mars
dans le tableau. Elle renforce d’avantage le contraste des deux divinités mais ne les
confronte pas, puisqu’on les voit reposé dans une ambiance paisible. La posture de
Cupidon auprès de sa mère renforce le lien familial entre les personnages et marque
d’avantage la présence du thème de l’amour dans le tableau. En ce qui concerne Mars,
sa représentation est inhabituelle, car il n’est pas en position de force. Justement, il est
désarmé, nu et endormi ce qui signifie le triomphe de l’amour sur la guerre. Quant au
paysage en arrière-plan, il est richement fourni composé de bosquets, plantes et
animaux qui sont réalisés avec méticulosité et un choix de couleur qui correspondent
comme le bleu ciel utilisé pour le lac, la montagne et le ciel. L’arrière-plan correspond
subtilement à l’identité des personnages de Vénus et de Mars : les collines douces et les
chemins courbés correspondant à Vénus tandis que les rochés escarpés correspondent
à Mars.

Les éléments symboliques de l’œuvre sont importants pour comprendre l’œuvre. Les
animaux représentés jouent un rôle dans la représentation des thèmes de l'amour et de
la fertilité. Le lapin, souvent associé à la fertilité est représenté caressant la main de
Cupidon, soulignant ainsi l'idée de l'amour et de la passion qui se trouve dans la scène.
Cependant sa présence offre une interprétation plus étonnante que l’on en penserait.
Dans le tableau, le lapin anormalement grand est une allégorie de la luxure, il représente
les envies de Vénus qui regarde Mars en attendant qu’il se réveille. Cette dimension
érotique est également introduite par la semi-nudité des personnages. De même pour
les deux colombes au premier plan. Elles sont des symboles traditionnels de l'amour et
de la paix, et leur présence suggère la relation entre Vénus et Mars. Mais ils révèlent les
étreintes des amants divins avant la scène représentée ici. Ces divers éléments
symbolisant la sexualité des personnages sont d’avantage confirmé par leurs postures
décrites précédemment. De plus, les éléments de l'armure de Mars et des putti (anges)
présents dans l'œuvre ajoutent une dimension de dualité et de contraste à la composition.
Les putti, personnages angéliques, sont représentés en train de jouer avec l'armure du
dieu de la guerre endormi, cela crée ainsi un contraste saisissant entre la fragilité et
l'innocence des anges et la puissance guerrière associées à l'armure.

Enfin il s’agira de s’intéresser aux éléments de l’œuvre qui le plonge dans le


contexte de la renaissance Italienne et à l’artiste. La renaissance italienne marque un
tournant pour l’art notamment dans la valorisation et la spécialisation des artistes dans
ce domaine. Ainsi, grâce à la redécouverte de l'art antique, des artistes tels que Piero di
Cosimo réintègrent des éléments tels que la représentation du nu ou l'immobilité des
personnages de Mars et Vénus, évoquant les statues de l'Antiquité. On peut voir cette
immobilité semblable à des statues par la présence du papillon sur la jambe de Vénus et
de la mouche sur l’oreiller de Mars.

Cette époque est synonyme d'une effervescence artistique où l'art gagne


progressivement en importance au sein de la société. Cela se manifeste notamment à
travers les dimensions des œuvres de Piero di Cosimo, qui étaient probablement
destinées à orner un cassone ou une spalliere à l'époque florentine, des pièces utilisées
pour décorer les chambres nuptiales et offertes lors des mariages. Il est même plausible
que cette œuvre ait été conçue pour célébrer le mariage de Lorenzo di Pierfrancesco de
Médicis et de Semiramide Appiani, comme mentionné précédemment.

De plus, les œuvres de la Renaissance italienne mêlaient plusieurs disciplines,


notamment les mathématiques et la géométrie que maitrise parfaitement Piero di
Cosimo pour réaliser son œuvre. En effet, elle repose sur une symétrie décagonale qui
divise le tableau en plusieurs parties et met en valeur les éléments essentiels de la
composition.

En utilisant un demi-décagone avec son centre


positionné au milieu de la bordure inférieure et ses
côtés atteignant le haut du tableau. On peut voir que
chaque rayon du décagone guide notre regard vers
différents aspects du tableau, (de gauche à droite) la
jambe de Vénus, son épaule, la main de son enfant, la
position des petits putti à l'arrière-plan, ainsi que la
position de la main et de l'épaule droites de Mars.

En traçant des lignes horizontales depuis le cercle


supérieur marquant la moitié supérieure du tableau, on
constate que la ligne horizontale supérieure coïncide
avec la ligne d'horizon de l'arrière-plan, tandis que la
ligne inférieure correspond au poignet et au menton de
Mars.

La ligne verte descendant de gauche s'aligne avec les


visages de Vénus et de Cupidon, tandis que l'autre ligne
verte correspond au doigt de Vénus, à son sexe, au
genou, au bras et à l'épaule de Mars. Les lignes vertes
créent ainsi des connexions subtiles entre les
personnages ce qui renforce encore plus la proximité
des personnages.

Cette œuvre révèle de la connaissance accrue de Piero di Cosimo en termes de


mathématique et de géométrie mais elle a aussi permis à l’artiste de montrer ses
compétences artistiques exceptionnelles pour son époque. Notamment par la facture
lisse du tableau et des dimensions importantes, Piero di Cosimo nous laisse nous plonger
dans la scène. Il utilise des techniques de dégradé et d’ombrage avec différentes teintes
de couleurs beiges pour rendre les formes des personnages réaliste comme on peut le
voir sur le corps des personnages ou la maitrise des drapés très contrastés. Cependant,
son traitement de l’anatomie humaine est assez maladroite, comme la hanche de Vénus
ou le geste de pointage de Cupidon peut être interprétée comme satirique ou vulgaire.
Bien qu’elles soient maladroitement peintes, il n’est pas explicite que cette œuvre ai été
réalisée dans un but satirique.

Pour acquérir ces techniques plastiques et de géométrie, Piero di Cosimo s’est entouré
de très bons artistes de son époque. Né en 1462 à Florence et il est très vite sensibilisé à
l’art notamment grâce à son père qui est un modeste artisan. Dès 1480, il entre comme
apprenti dans l'atelier du peintre Cosimo Rosselli, adoptant ainsi son nom. Giorgio Vasari,
souligne la relation privilégiée entre les deux hommes, décrivant Cosimo Rosselli comme
un mentor bienveillant pour Piero di Cosimo, l'aimant et le considérant comme son
propre fils. Il est influencé par des maîtres tels que Léonard de Vinci, Fra Filippo Lippi et
Michel-Ange, et inspire à son tour des artistes tel que Fra Bartolomeo, Jacopo Pontormo
et Andrea del Sarto. Après avoir contribué aux fresques de la chapelle Sixtine sous la
direction de son maître Cosimo Rosselli, Piero di Cosimo entame sa carrière
indépendante en 1489-1490. Il devient membre de la guilde des peintres de Florence en
1504. Sa production artistique se distingue par son imagination et son observation aiguë
de la nature, particulièrement visible dans ses sujets mythologiques et ses panneaux de
cassone et spalliere, qui enchantent et étonnent les Florentins par leurs inventions
picturales.

En conclusion, l'œuvre de Piero Di Cosimo, "Vénus, Mars et Cupidon", offre une


exploration fascinante des tensions entre l'amour et la guerre à l'époque de la
Renaissance italienne. À travers une représentation symbolique riche en allégories et en
symboles évocateurs, l'artiste capture l'équilibre délicat entre ces forces opposées.
Vénus, la déesse de l'Amour, entourée de symboles de passion et de fécondité, tandis
que Mars, le dieu de la Guerre, repose paisiblement à ses côtés, symbolisant la victoire
de l'amour sur le conflit. Cette représentation met en lumière l'idéal néoplatonicien de
l'harmonie entre les contraires et la recherche de la beauté idéale. Ainsi, l'œuvre de Piero
Di Cosimo témoigne de sa maîtrise artistique et de sa capacité à exprimer des concepts
philosophiques complexes à travers l'art visuel, laissant ainsi une marque indélébile dans
l'histoire de l'art italien de la Renaissance.
Bibliographie :

Extraits d’ouvrages :

Arasse, Daniel. Le Sujet dans le Tableau. Flammarion, Paris, 1997, pp. 49-50.

Fermor, Sharon. Piero Di Cosimo : Fiction, Invention, and Fantasìa. Reaktion Books, 1993,
pp. 44-51.

Sitographie :

Geometries of Creation. "Piero di Cosimo : Mars, Venus, and Cupid."


https://geometriesofcreation.lib.uiowa.edu/painting/piero-di-cosimo-mars-venus-and-
cupid/

Musée des beaux-arts du Canada. "Piero di Cosimo." https://www.beaux-


arts.ca/collection/artiste/piero-di-cosimo

Staatliche Museen zu Berlin. "Piero di Cosimo - Venus, Mars et Cupidon."


https://recherche.smb.museum/detail/865206

Royal Academy. "Piero di Cosimo." https://www.royalacademy.org.uk/art-artists/work-


of-art/piero-di-cosimo

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