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La représentation de Vénus dans l’art (à partir d’un article de Artsper Magazine du 7 février 2023)

Elle est l’incarnation par excellence de l’amour, de la séduction féminine et du renouveau. La déesse
romaine Vénus (Aphrodite dans la mythologie grecque), fille de Gaïa (déesse de la Terre) et d'Ouranos
(dieu du Ciel), est sans aucun doute l’une des divinités les plus célèbres au monde.

1- Les premiers pas

Inconnu, La Vénus de Willendorf vers 30 000 avant J.-C.

Selon certains chercheurs, les premières représentations de Vénus apparaissent dans l’Europe
paléolithique. Par exemple, la Vénus de Willendorf date de 30 000 ans avant Jésus-Christ, et a été
découverte en Autriche en 1908. Pourtant, cette figurine en calcaire de 11 centimètres de haut remonte
bien avant l’existence mythologique de Vénus. Pourquoi dans ce cas est-elle considérée comme une
représentation précoce de Vénus dans l’histoire de l’art ? La réponse se trouve dans ce qu’évoque Vénus. À
travers l’image de la déesse, se lit en réalité l’évolution de la représentation de la féminité. La
représentation anthropomorphique de cette déesse invite le spectateur à reconnaître des qualités divines à
travers une forme humaine reconnaissable. Sa poitrine et son bas-ventre ont été notablement exagérés, ce
qui attire notre attention sur la fertilité féminine. Ainsi, cette figurine marque le début de la fascination
artistique pour la représentation du corps des femmes et la valeur symbolique qu’il représente.

2- Vénus dans l’Antiquité

Alexandros d’Antioche, Vénus de Milo, vers 125 avant J.-C.


Nous en trouvons un exemple saisissant dans la Vénus de Milo d’Alexandros d’Antioche, qui s’expose au
musée du Louvre à Paris. Il s’agit d’une représentation typique de la déesse. Elle se tient dans une position
détendue, contrapposto (Le contrapposto, mot adopté de l'italien, est dans les arts visuels une attitude du
corps humain où l'une des deux jambes porte le poids du corps, l'autre étant laissée libre et légèrement
fléchie. Ce procédé, par l'effet de la torsion du corps qu'il induit, permet de donner une impression de vie).
Son regard est fixé sur l’horizon. La dissimulation pudique de la partie inférieure de son corps reprend les
codes de la sculpture hellénique.

Inconnu, Venus Callipyge, environ 1er-2ème siècle avant J.-C.

La Vénus Callipyge, datant du 1er ou du 2ème siècle avant J.-C., est une sculpturale représentation de Vénus
dans le marbre. L’artiste nous invite à nous attarder sur la grâce de la déesse, au travers de sa posture. Elle
lève sa tunique, appelée péplum, au-dessus de sa tête tout en jetant un regard derrière elle. Certains
historiens de l’art imaginent qu’elle devait s’admirer dans le reflet de l’océan, en écho à l’histoire
miraculeuse de sa naissance.

3- La (re)naissance de Vénus

Sandro Botticelli, La naissance de Vénus, vers 1486


La Renaissance, synonyme d’un renouvellement de la fascination pour le monde antique, a donné
naissance à de nouvelles représentations, incroyablement sophistiquées, de Vénus. À travers cette image,
les artistes pouvaient explorer les thèmes de l’amour, de la beauté, de la renaissance et de la fertilité.
Botticelli nous a offert à cette époque l’une des représentations les plus symboliques de Vénus. Le tableau
dépeint le moment exact de la naissance de la déesse : Selon la légende, Vénus est née des parties
génitales du dieu Uranus, coupées par son fils Saturne puis jetées à la mer. Selon le mythe, la déesse fut
transportée par Zéphyr, dieu du vent d'ouest, jusqu'à la terre ferme, et accueillie par les Heures, déesses
des saisons, qui l'habillèrent et la conduisirent à la demeure des dieux. Botticelli se concentre sur la sortie
de la déesse de la mer et son arrivée sur la terre ferme poussée par les vents, au milieu d'une pluie de
fleurs symbolisant la fécondation de la mer par le ciel. Les thèmes de la renaissance et des nouveaux
départs étaient au cœur de la production créative de la Renaissance, et l’image de Vénus en était
l’incarnation même.
La déesse est représentée dans une position connue sous le nom de Venus pudica. Il s’agit d’une
représentation de la déesse dans laquelle la partie inférieure de son corps est délibérément cachée. La
prolifération des Venus pudica dans les œuvres d’art de la Renaissance témoigne de l’effort considérable
fait pour censurer le corps féminin et son rapport avec la sexualité et l’érotisme. Ainsi, la Vénus de Botticelli
incarne davantage les thèmes de la fertilité et de la renaissance que ceux de la sensualité et de la beauté
féminine.

Titien, Vénus d’Urbino, 1534

La Vénus d’Urbino du Titien montre une nouvelle représentation de Vénus, à la connotation profondément
érotique. Cette Vénus est une Venus pudica, la femme couvrant pudiquement son sexe, cependant elle
établit un contact visuel direct avec le spectateur et s’incline sur son coude droit, invitant le regard du
spectateur à parcourir son corps nu.
4- Une Vénus moderne précoce

Paul-Jacques-Aimé Baudry, La Perle et la Vague, 1862

L’essence de la représentation de Vénus reste la même dans l’art moderne précoce. Néanmoins, celle-ci
s’enrichit d’un sens du jeu et de la théâtralité à partir du début du 19ème siècle. La Perle et la Vague de
Paul-Jacques-Aimé Baudry l’illustre bien : Vénus a les bras levés au-dessus de sa tête et elle sourit au
spectateur, comme si elle l’invitait à interagir avec elle.

5- La Vénus contemporaine

Harmonia Rosales, La naissance d’Oshun, 2017

Dans l’art contemporain, les représentations de Vénus ont pris un nouveau sens, plus progressif. Peu à peu,
la figure de Vénus dans l’histoire de l’art s’est ouverte à des représentations plus variées et plus inclusives,
tout en honorant toujours l’image iconique de Botticelli. Les artistes se sont également efforcés de
requalifier Vénus à travers un prisme féministe et « non occidental ». Parmi les exemples, citons La
naissance d’Oshun de Harmonia Rosales, artiste américaine d’origine afro-cubaine, qui offre une
interprétation postcoloniale de la Vénus de Botticelli. En imitant directement la composition de la célèbre
toile de la Renaissance, l’œuvre offre un dialogue avec l’histoire dans un regard moderne.

Alain Jacquet, Camouflage Botticelli, naissance de Vénus (1963)

Dans sa série de « Camouflages », l’artiste superpose sur une toile deux images identifiables, l’une
camouflant l’autre pour en créer une nouvelle, ambiguë.
Ainsi, dans l’œuvre Camouflage Botticelli, naissance de Vénus, se superposent l’image iconique de la Vénus
selon Botticelli et celle d’une pompe à essence de marque Shell, rapprochement ludique permis par le fait
que le logo de ce pétrolier est un coquillage. Les couleurs utilisées font penser aux couleurs de la publicité
industrielle de l’époque et donc du Pop Art. A première vue, la pompe à essence n’a rien à voir avec la
déesse de l’amour et de la beauté, Vénus. Elle évoque le monde de l’automobile et fait donc référence à la
masculinité. Cependant, ces deux images ont bien un rapport. Vénus est la déesse de l’amour et de la
beauté. Il s’agit d’un mythe de l’antiquité. La pompe à essence fait référence à l’automobile, qui est
devenue un mythe de l’époque moderne. L’artiste dénonce ainsi la pauvreté de notre civilisation. Enfin,
avec cette œuvre, Alain Jacquet critique également la banalisation des chefs d’œuvres de l’art, surutilisés à
des fins commerciales dans les publicités et productions de masse (posters, cartes postales, etc).

Camouflage Vénus noire, Alain Jacquet (1963)


Dans Camouflage Vénus noire, se chevauchent l’image d’une femme nue de dos et celle d’une carte, un
neuf de trèfle, sur un fond vert qui suggère un tapis de jeu. À la Vénus anadyomène, aérienne et diaphane
de Botticelli, succède cette Vénus noire callipyge (= en grec « aux belles fesses », de kalôs : beau), pin-up
érotico-exotique. Femme, argent et jeu composent ainsi une vision fantasmatique des plaisirs masculins ou
de leurs clichés.

En conclusion, la représentation de Vénus dans l’histoire de l’art n’a jamais cessé de se réinventer à
travers de nombreux moyens artistiques. L’image de la déesse a symbolisé la féminité, la beauté et la
luxure, tout comme le féminisme, la démocratisation de l’art occidental et la progression de l’économie
capitaliste. Si elle est devenue aujourd’hui un motif récurrent, multiforme et complexe, il est assez
incroyable de se rappeler que l’histoire de Vénus trouve son origine dans l’Antiquité, il y a plus de 2000
ans.

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