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LA1 : Vénus Anadyomène, Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud (1870)

Le XIXe siècle est le siècle de la modernité poétique, qui renouvelle le langage et s’affranchit des règles
traditionnelles. Arthur Rimbaud, « poète maudit » et figure emblématique du symbolisme, publie en 1870 le
recueil Cahier de Douai. Dans le sonnet provocateur « Vénus Anadyomène » l’auteur décrit la sortie du bain
d’une vieille femme, détournant ainsi le mythe traditionnel de la Vénus sortie des eaux. Nous pouvons alors
nous poser la question suivante : en quoi ce poème est-il représentatif de la modernité poétique ?
Nous montrerons tout d’abord que le poète nous donne à voir une femme aux antipodes de l’idéal de beauté
véhiculé traditionnellement par la Vénus. Puis, il s’agira de mettre en lumière la portée de cette poésie
nouvelle, provocatrice et cinglante.

I. Arthur Rimbaud parodie le mythe traditionnel de la Vénus Anadyomène.


- Le titre : L’adjectif “anadyomène” signifie en grec “qui sort de l’eau” : ce thème récurrent dans
l’histoire artistique de l’Europe dépeint généralement une jeune femme d’une grande beauté, qui sort
d’un coquillage (cf : représentation par Boticcelli dans le tableau « La naissance de Vénus »)
Contrairement à ce que le lecteur attend, Rimbaud décrit une vieille prostituée qui sort de sa
baignoire.
- Une description chirurgicale du corps : L’abondance du lexique du corps donne une vision précise de
l’apparence de la Vénus, comme si elle était en quelque sorte disséquée. Elle n’est pas embellie par la
plume du poète, au contraire, elle est décrite comme un amalgame d’organes et de membres, qui
émergent petit à petit de la baignoire : « la tête », puis « le cou », puis les « omoplates » etc…
- Une description péjorative/ la laideur physique : les cheveux sont « fortement pommadés » (v2).
L’adverbe « fortement » suggère que la femme a maladroitement abusé de produits destinés à
embellir sa chevelure. Puis, le terme « déficits » (v4) qui désigne des défauts, les imperfections
physiques, accolé à l’expression « assez mal ravaudés, ruine toute vision élogieuse de cette femme,
dont le maquillage ne suffit plus à cacher la laideur. Cette laideur semble aussi liée à une
disproportion du corps. Le poète énumère tout au long du poème ses disgrâces physiques : « larges
omoplates » (v5), « col gras »(v5), « dos court » (v6), « rondeur des reins » (v7). La Vénus qui se
dessine sous les yeux du lecteur n’a définitivement plus rien de la déesse élancée du tableau de
Botticelli.
- Une description morbide : Dans « Vénus anadyomène », la femme est directement associée à la mort :
au lieu d’émerger d’un coquillage, elle émerge d’une baignoire de mauvaise qualité qui s’apparente à
un “cercueil” (v.1) (comparaison : « comme d’un cercueil / d’une vieille baignoire »). Chaque détail
décrit un corps qui s’oppose en tout point à la Vénus antique : la femme cache des formes dégradées
et ridées derrière un épais maquillage (“fortement pommadés” v.2).
La femme est aussi associée à la putréfaction, puisqu’il se dégage de son corps un parfum désagréable:
“le tout sent un goût // Horrible étrangement” (v. 9-10). Cette synesthésie permet d’insister sur le
caractère global de l’impression du poète : la femme qui s’offre à ses yeux ne présente pas
uniquement une image physique, mais envoie aussi des d’informations gustatives et olfactives qui
dégoûtent. De plus, son « échine un peu rouge », peut faire penser à un morceau de viande,
probablement d’une fraîcheur douteuse.
- L’animalisation : le champ lexical utilisé pour décrire la femme renvoie en réalité à des attributs
animaux, comme “l’échine” (v. 9) et la “croupe” (v. 13), le « col ». Mais la proximité n’est pas
uniquement physique : dans Vénus anadyomène la rime de la première strophe entre “tête” et “bête”
(vers 2 et 4) rend sonore l’animalité brute et la déficience intellectuelle de la femme décrite.

II. Une poésie nouvelle et provocatrice


- Un thème surprenant : le fait même de décrire de manière péjorative et chirurgicale le corps de la
femme s’érige contre la tradition poétique, dans laquelle le poète loue la beauté de la femme aimée.
- Un poème provocateur : d’abord dans le choix de faire du sujet de ce poème la sortie du bain d’une
vielle prostituée, absolument repoussante. Le lecteur sait que la poète décrit une prostituée lorsque
celui-ci évoque avec ironie le tatouage qu’elle porte au bas des reins : « Clara Vénus ». Au XIXe siècle,
le tatouage est principalement l’apanage des bagnards, des marins, et des filles de joie, car il est jugé
inconvenant.
Ce poème est aussi provocateur car il suscite chez le lecteur un profond dégoût. La laideur domine le
premier tercet : tous les sens y semblent convoqués pour dire la monstruosité et la répulsion : vue,
goût et odorat se conjuguent.
Le dernier tercet est lui obscène : le verbe « remue » et les termes « large croupe » évoquent une
danse érotique malaisante.
Le désir de provoquer atteint son paroxysme avec la rime finale « Vénus » / « anus », qui désacralise
définitivement l’image idéale de la déesse.
- Le renouvellement d’une forme traditionnelle : le sonnet. Pour « Vénus anadyomène », Rimbaud a
choisi la forme du sonnet, avec quatre strophes (deux quatrains et deux tercets) d’alexandrins qui
riment. La forme choisie est classique et codifiée. Mais, pour mimer la sortie des eaux de la Vénus
Rimbaud déstructure le rythme régulier de l’alexandrin, notamment grâce à des contre-rejets et des
enjambements : « une tête // De femme à cheveux bruns fortement pommadés ». Le rythme
« bancale » ainsi créé rend compte de la sortie laborieuse de la baignoire.
- Une redéfinition de la beauté poétique : Pour Rimbaud, la beauté n’est plus forcément harmonie,
équilibre. Au contraire, elle naît du choc, de la surprise et de l’inattendu. Cette Vénus anadyomène
n’est pas rejetée mais elle est le symbole d’une beauté nouvelle : une beauté oxymorique. En effet,
deux oxymores caractérisent Vénus Anadyomène : « Horrible étrangement » et « Belle hideusement ».
La Vénus de Rimbaud symbolise ainsi le choc entre la beauté et la laideur, une synthèse surprenante,
dérangeante mais fascinante.

Dans ce sonnet, Rimbaud nous donne à voir une étrange Vénus. Elle nous apparaît comme
extrêmement laide, vieille, et plus proche de l’animal que de la femme. C’est en effet une misérable
prostituée qui sort péniblement de sa baignoire. Ce poème est le signe d’une poésie nouvelle. En
déstructurant le sonnet, en utilisant un thème et un langage hautement provocateurs, le poète parodie et
déconstruit la figure traditionnelle de la Vénus. Au cours du XIX et XXe siècle, les poètes continueront à
creuser le sillon de la modernité. Ainsi, Francis Ponge nous propose, à travers son recueil Le parti-pris des
choses, de poser une regard neuf sur les objets du quotidien et de la banalité, en écrivant par exemple un
poème sur un cageot ou un morceau de viande.
LA2 : « Les usines », Les villes tentaculaires, Émile Verhaeren.
(1895)

Émile Verhaeren est un poète belge qui est né en 1855 et mort en 1916. Impliqué dans les débats sociaux de
son temps, notamment aux côtés des socialistes, il s’indigne de la misère du peuple engendrée par la
modernité industrielle. En 1895, il publie Les Villes Tentaculaires, un recueil qui s’intéresse à la modernité
urbaine, en y posant souvent un regard désabusé. Le poème « Les Usines » est composé de 12 strophes et
dresse un tableau menaçant des faubourgs industriels. Quelle image Verhaeren donne-t-il des usines dans ce
poème ?

I. Un poème moderne qui fait un tableau des faubourgs industriels


- La modernité poétique : il s’agit d’un poème en vers libres, la métrique n’est pas régulière. On peut en
effet retrouver des alexandrins, des heptasyllabes… le schéma de rimes ne respecte pas de forme
traditionnelle, et fait alterner rimes plates et rimes croisées.
- Une description réaliste monde industriel : Le champ lexical des usines et en particulier de celui de la
métallurgie est omniprésent dans l’extrait : « grands toits », « marteaux », « enclumes », « brasiers » ,
« ouvriers ». Le poète décrit la modernité du monde au XIXe, qui s’industrialise.
- L’organisation de la description : La description suit un mouvement d’élargissement concentrique.
Les indicateurs spatiaux rendent compte de ce mouvement d’étalement, de ce panorama : « ici »,
« plus loin », « tout autour », « là-bas ». La vision part de l’usine (« ici »), décrit le bâtiment et le travail
des ouvriers. Puis, elle s’élargie petit à petit pour donner une image d’ensemble du faubourg
industriel, jusqu’aux « docks », aux « ports », aux « gares ». Le monde industriel s’étend de manière
tentaculaire, comme l’indique le titre du recueil : Les villes tentaculaires.
- Un univers imposant par sa verticalité : de nombreuses expressions portent la notion de verticalité, de
hauteur : « grands toits », « monte », « des murs », « dressant », « mordent le ciel ». L’univers
industriel apparait alors comme écrasant, surpassant l’homme et l’emprisonnant
- Un univers hostile : Le champ lexical du bruit, souvent associé à des hyperboles, dépeint un univers
sonore insoutenable : « vacarme tonnant de chocs », « des murs de bruit », « des sifflets crus »,
« hurlent », « tintamarres ». Cette description rend compte d’une atmosphère insoutenable, et rend
palpable les conditions dans lesquelles travaillent et vivent les ouvriers.
A ce bruit excessif s’ajoute aussi la vison d’un monde agressif par sa chaleur. De nombreux termes
connotent en effet l’idée de chaleur : « vapeur », « brasiers », « feux », « meutes de
feu », « incendies ».
Cet univers industriel semble définitivement hostile à l’homme et à son épanouissement.

II. Une vision fantastique et symbolique des lieux

- Un univers sinistre et sombre : L’hostilité du monde industriel évoqué dans une première partie
devient aussi inquiétante. En effet, à l’agressivité sonore répond paradoxalement un silence
angoissant : « des murs de bruits semblent tomber/ et se taire, dans une mare de silence ».
De plus, la vision est obstruée et l’univers industriel est sombre, comme le montrent les termes
suivants : « ombre », « vapeur », « de naphte et de résine ». L’homme évolue dans un monde opaque,
oppressant et englué.
- Une vision fantastique : L’usine est animalisée, comme le montre la métaphore du monstre. L’usine
est en effet assimilée à une bête féroce, qui avale et broie les hommes : « Des mâchoires d'acier
mordent », « déchiquette, avec ses dents d’entêtement », « mordent », « à coups d’abois ». Les
mâchoires d’acier qui déchiquettent représentent le mouvement des marteaux, mais aussi les effets
destructeurs de l’usine sur la psychologie des ouvriers.
- Une vision infernale : la chaleur, le bruit, et la violence du lieu en font un univers infernal. La
métaphore de l’enfer est filée tout au long de l’extrait : « brasiers tors », « dressant leurs feux
sauvages », « meutes de feu »… Ce lexique connotant le couleur rouge et la chaleur participe à la
construction de cette vision infernale.
- Dénonciation de la condition ouvrière : L’univers hostile et violent détruit l’homme. En effet, le travail
à l’usine est déshumanisant. Les ouvriers, « automatiques et minutieux » deviennent des machines,
qui « règlent le mouvement/ d’universel tictacquement ». L’allitération en « t » et en « k, » rendent
compte du caractère automatique et régulier des gestes effectués pendant le travail à la chaîne. Les
hommes deviennent des métronomes, des machines.
Le silence des ouvriers pousse au paroxysme leur déshumanisation. L’usine a dépossédé l’homme de
ce qui fait son humanité : la parole. La parole est significative de pensée, que le monde industriel
abolie : « des ouvriers silencieux » , « La parole humaine abolie. ». Définitivement, les ouvriers sont
mis au même plan que les machines, forcés de répéter des gestes mécaniques, sans être amenés à
exprimer une quelconque pensée ou réflexion. Le terme « aboli » exprime l’interdiction : le travail à
l’usine interdit à l’homme de penser, de s’élever spirituellement.
- Un univers aliénant : le monde industriel est responsable de l’aliénation des hommes comme le
montre les expressions péjoratives « fermente de fièvre et de folie ». Verhaeren dresse un tableau
bien sombre des effets de l’industrialisation, notamment de ses effets sur l’homme. La « fièvre » et la
« folie » sont représentatives d’un monde qu’il considère comme malade.

Conclusion : Cet extrait rend compte des bouleversements techniques qui marquent le passage du XIXème au
XXème siècle. Verhaeren y décrit de manière réaliste l’univers hostile d’un faubourg industriel. Il
métamorphose cet univers réel en un monde fantastique. Pour lui, le monde moderne est un enfer, qui
déshumanise la population ouvrière.
Dans le recueil des Fleurs du mal, Charles Baudelaire décrit la ville de Paris au XIXe siècle. Dans le poème
« Crépuscule du matin », il donne comme Verhaeren une vision négative du monde moderne, à travers la
description du peuple parisien qui s’éveille, dans la misère et la souffrance.
LA 3 : « Le cageot », Le Parti pris des choses, Francis Ponge
(1942)

Francis Ponge publie Le Parti pris des choses en 1942, un recueil de poèmes en prose, dédiés à la description
de ces « choses » qui peuplent le quotidien. Il souhaite rendre justice à la beauté de ces éléments du
quotidien qui se distinguent par leur apparente banalité. Ainsi, chaque poème donne la définition d’une
« chose », d’un « objet », à la manière d’un dictionnaire. Nous pouvons retrouver dans le recueil des poèmes
comme « L’huître », « la bougie », « Le pain »...
« Le cageot » propose ainsi la description d’un objet banal et insignifiant. Saisi par le langage poétique, il
prend pourtant vie pour acquérir un sens nouveau.
Comment Francis Ponge transforme-t-il le cageot en objet poétique ?

I. La définition d’un objet du quotidien

- Un poème construit comme une définition : Le poème « le cageot » fournit une définition de l’objet
appréhendé. Le titre d’abord annonce clairement l’objet qui sera définit, ici le cageot. Le nom
commun « cageot » est introduit par l’article défini « le » : il s’agit de décrire « le cageot » en général,
et non un cageot parmi d’autres ; il s’agit donc bien de saisir l’essence de l’objet. Le présent de vérité
générale, employé tout au long du texte (« Il ne sert pas deux fois », « il luit »), souligne également
cette volonté de définir la réalité générale de l’objet.
Comme dans une définition de dictionnaire, le poème est bref et en prose. Il s’articule autour de trois
paragraphes. Le premier fournit une courte définition du sens du mot « cageot », « simple caissette à
claire-voie vouée au transport de ces fruits » ; le second s’attarde sur sa fonction et son utilité ; le
troisième, enfin, nous offre une image du cageot « en situation », abandonné sur la chaussée, comme
une illustration de la définition.
- Francis Ponge part du mot et de sa réalité phonétique pour nous indiquer sa place dans le
dictionnaire : « A mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot ». Phonétiquement, «
cageot » semble être le mélange de « cage » et de « cachot ». Ce qui est intéressant, c’est que le
cageot s’apparente par sa forme et sa fonction à une « cage » et à un « cachot », qui enferme et
emprisonne les denrées.
- La définition du cageot : le poème se concentre sur un objet banal : le cageot. L’ensemble du poème
insiste sur son insignifiance. Le cageot est en effet décrit comme une « simple caissette », le suffixe « -
ette » insistant ici sur la petitesse de l’objet.
Son « éclat sans vanité » lui confère un caractère particulièrement humble, celui de ces choses que l’on
peut trouver partout, comme le souligne l’expression populaire « à tous les coins de rues »,
Le cageot est d’abord fonctionnel : il est « [voué] au transport » des fruits, il a un « usage », il « sert».
Le cageot est un objet jetable, détruit après utilisation : « il ne sert pas deux fois », et son existence est
si brève qu’il dure moins longtemps encore que les « denrées » pourtant périssables qu’il transporte.

II. Une définition poétique

- Un jeu sur la forme et le sens : La forme du texte s’accorde avec son sens. Ponge choisit ici le poème
en prose, plus proche du langage courant et mieux à même de saisir cette réalité familière et
quotidienne. De plus, la disposition des strophes permet de donner à voir la forme du cageot :
chaque strophe représente une lamelle du bois qui compose l’objet.
- Révéler la beauté singulière du cageot : objet banal, le cageot est réenchanté par le langage poétique
La locution « à claire-voie », employée pour qualifier la « simple caissette », pourrait être simplement
destinée à souligner le fait que le cageot est composé d’un assemblage de planches disjointes et
écartées les unes des autres. Cependant, l’emploi du terme est surprenant : on parle plutôt d’une
fenêtre ou d’un volet « à claire-voie », pour désigner une structure qui laisse passer le jour. La réalité
grossière du cageot acquiert alors une dimension tout autre : on ne voit plus une simple structure en
bois, mais un assemblage quasiment aérien où circulent l’ombre et la lumière.
De plus, le cageot « luit (...) de l’éclat sans vanité du bois blanc ». Il n’est plus une simple caissette,
puisque l’expression bois blanc donne à l’objet un caractère précieux.
Le cageot n’est pas une simple structure : il contient des « denrées fondantes ou nuageuses ». La
périphrase utilisée pour désigner les fruits ou les pâtisseries que peut contenir le cageot enrichit la
description de l’objet d’une dimension sensorielle. Le cageot n’est plus un simple transporteur de
« denrées périssables », mais il contient tout un monde raffiné et voluptueux.
- Le cageot humanisé : le dernier paragraphe du poème repose sur une personnification de l’objet :
qualifié par l’adjectif « légèrement ahuri », il se dote ici de sentiments humains. Humanisé, l’objet
cesse d’être décrit de manière distancée et objective, il devient une réalité affective : « cet objet est
en somme des plus sympathiques ».
- Une dimension symbolique : Le poème « Le cageot » fait songer à une vanité. La vanité est une forme
de peinture qui a dominé la période baroque de la première moitié du XVII siècle, rappelant la brièveté
de toute existence. En littérature, cela s’appelle un memento mori. « Le cageot » participe ici de cette
esthétique, puisqu’il est avant tout caractérisé par la brièveté de son existence.
- Le cageot acquiert alors une dimension tragique : il devient le signe du caractère éphémère de toute
existence. Le poème ne cesse de rappeler la brièveté de sa durée de vie : « il ne sert pas deux fois », il
ne « dure » pas. Le vocabulaire employé rappelle celui de la tonalité tragique : le cageot est « voué au
transport de ces fruits », comme s’il s’agissait là d’un destin inéluctable, il est soumis à un « sort ». Il
peut « être brisé sans effort », ce qui incarne bien la fragilité de la vie humaine On ne peut cependant
se contenter de lire le texte que comme un constat tragique.
- L’humour du poète : Le texte s’achève sur une pointe comique, un jeu de mot léger. Lorsque le poète
évoque « le sort » du cageot, sur lequel « il convient toutefois de ne pas s’appesantir longuement », il
joue bien sur la polysémie (un terme polysémique est un terme qui a plusieurs sens) du verbe
«s’appesantir », qui peut avoir un sens figuré (ne pas s’attarder sur un sujet) mais aussi un sens propre
(ne pas peser de tout son poids sur le fragile cageot, prêt à céder à tout moment).

Conclusion : Dans le recueil Le parti pris des choses, Francis Ponge nous demande de poser un regard nouveau
sur les objets du quotidien. Dans « Le cageot », il propose une définition de l’objet d’abord assez
représentative de sa réalité. Puis, l’écriture poétique transforme cet objet insignifiant en véritable objet
précieux, et le poète en fait même le symbole de la vie humaine. Déjà au XIXe siècle, Victor Hugo invitait le
lecteur à poser un regard différent sur le monde qui l’entoure. Dans le poème « J’aime l’araignée, j’aime
l’ortie », il incite le lecteur à éprouver de la sympathie pour ces deux être délaissés, notamment en exposant
leur beauté cachée.

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