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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Quattrocento
Florence au XVe siècle

Application des règles mathématiques pour représenter un espace réel

1. Masaccio

2. Piero della Francesca

3. Mantegna

4. Botticelli

5. Raphaël

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Le Quattrocento ou l’application des règles mathématiques


Représentation d’un espace réel

1. Masaccio (1401-1429)

Quelques éléments biographiques


Masaccio est né en 1401 près de Florence (il décède en 1429) (Masaccio di Ser Giovanni de son vrai nom). Le père de Masaccio
était notaire ce qui l’autorisa à prendre un titre de noblesse : Ser Giovanni (son père mourut prématurément à l’âge de 27 ans) (le
grand-père de Masaccio était un artisan prospère qui fabriquait des meubles). Sa mère se remaria avec un apothicaire fortuné.
Masaccio n’est pas considéré comme un enfant prodige, il ne semble pas non plus qu’il est entrepris un cursus traditionnel ; c’est
seulement en 1419 que Masaccio commence son apprentissage à Florence. Puis, il s’installe en 1418 à Florence, une ville en
pleine expansion en ce début du XVe siècle. C’est également à cette période que l’intérêt pour l’Antiquité grecque et romaine
débute. En 1422, Masaccio s’inscrit à la corporation florentine des peintres, ce qui signifie qu’il possède les compétences
professionnelles pour prétendre à ce titre. Il rencontre Brunelleschi (architecte) et Donatello (sculpteur) en 1422 à Florence –
tous les trois s’unissent pour œuvrer à la révolution perspectiviste chacun dans leur art.

Une application stricte des règles de la perspective


La chapelle Brancacci
La chapelle est située à droite du transept de l’église de Santa Maria du Carmine à Florence, elle fut construite par
un riche bourgeois de la ville de Florence : Felice di Michele Brancacci, qui commandita en 1424 la décoration de
cette chapelle à Masolino et Masaccio. Cet ensemble décoratif représente le cycle de la vie de Saint Pierre. Au
moment où les deux peintres entament les fresques de la chapelle, Masaccio, élève de Masolino, exerce déjà un
ascendant sur son maître. Il semble, en effet, que Masaccio aspire à abandonner le style gothique encore dominant
dans l’Italie du XVe siècle pour mettre en avant une conception plus réaliste et rationnelle de l’espace de la
représentation, qui s’appuie notamment sur des notions de perspective et de modelé. Masaccio montre un goût pour
les figures puissantes et robustes, à l’humanité solide et austère. L’insistance sur le modelé et les valeurs rappelle le
style sévère de Giotto. Masaccio est aussi l’un des tout premiers à concentrer son attention sur la lumière qui vient
frapper et découper les volumes projetant au sol des ombres portées.

Rationalisation de l’espace pictural

Masaccio, Le Paiement du tribut, 1425-1426, fresque, 247 x 597 cm, Florence, Santa Maria del Carmine, Chapelle
Brancacci

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« Le Paiement du Tribut »
- Le récit. L’épisode est extrait de l’Evangile selon Saint Mathieu qui narre l’arrivée de Jésus accompagné des
apôtres à Capharnaüm. Masaccio illustre en trois temps sur une scène unique l’ensemble du récit. Au centre, la
requête de l’impôt et la réponse immédiate de Jésus qui indique à Saint Pierre comment se procurer le statère
nécessaire ; à gauche, la pêche et l’extraction de la monnaie de la part de Saint Pierre sur les rives du lac de
Génésareth ; à droite, devant la maison, Saint Pierre remettant le tribut au releveur de l’impôt.

Masaccio devait faire face à deux problèmes spécifiques :


Séparer avec discrétion les différents épisodes du récit, tout en évitant la confusion et le
surpeuplement de l’espace.

- Le groupe de personnages donne l’impression d’occuper le premier plan, devant un vaste paysage composé
d’éléments naturels. Ce décor paysager fonctionne parfaitement comme scène ou comme arrière-plan neutre. Les
montagnes lointaines descendent jusqu’au lac dont la rive serpente à travers une grande étendue pour arriver
presque au premier plan. Disposés en demi-cercle, le Christ et ses apôtres se déploient en longueur sur le terrain.
Les bandes alternées d’ombre et de lumière assignent aux personnages épaisseur et volume. A droite, la maison de
la douane participe à structurer l’espace pictural. Sans doute sur les conseils de Brunelleschi Masaccio a-t-il
perfectionné le schéma perspectif de façon que les orthogonales des avant-toits et des fenêtres de l’édifice plongent
en profondeur et, simultanément, dirigent notre regard vers leur point d’intersection qui coïncide – ce n’est pas un
hasard – avec le visage du Christ.
- Le Christ n’occupe pas exactement le centre de la fresque – la médiane de l’image passe sur le collecteur d’impôts
– mais se tient plutôt au centre du groupe des apôtres. Le collecteur d’impôt fait deux apparitions dans la moitié
droite de la composition, alors que saint Pierre apparait trois fois. Tandis que le Christ, figure unique vers laquelle
notre regard se dirige, ordonne à saint Pierre d’aller chercher dans le lac l’argent miraculeusement apparu. La
tunique courte de style romain et la posture athlétique du collecteur d’impôts le désigne comme une âme païenne.

Le Christ et ses apôtres sont majestueusement disposés en cercle à la manière des philosophes et des sages
classiques. La clarté et la simplicité de cette fresque définissent un modèle de composition valable pour les quatre
siècles à venir. Les générations de Raphaël, de Poussin et de David sont issues du Paiement du Tribut et le gardent
en mémoire.

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Représentation d’une scène biblique dans un décor réaliste :


la composition en frise horizontale offre une très grande clarté du récit biblique

- La fresque relate trois moments d’un épisode de la vie du Christ (« Continuité narrative » : persistance des
principes de l’art médiéval). La scène est située dans le contexte du XVe siècle à Florence alors qu’il s’agit d’un
récit biblique contemporain du Christ.
- Les figures bibliques sont revêtues de toges à la mode Antique, le préleveur des impôts porte un costume du
XVe siècle florentin : discordance temporelle.
- Une construction rationnelle : l’édifice est construit rationnellement, il respecte scrupuleusement les règles de
perspective. Les lignes de fuite convergent sur le visage du Christ, la perspective acquiert ainsi une dimension
symbolique.
- La fuite du paysage sur la gauche de l’image traduit bien l’illusion de la profondeur. Les montagnes dans
le lointain descendent progressivement en suivant une diagonale jusqu’au lac ; puis la rive du lac serpente sur une
large étendue pour arriver au premier plan. Le jeu des diagonales et des lignes courbes complété par le clair-
obscur sur cette succession de montagne dans le lointain traduit bien l’éloignement du paysage. On a ici une des
premières tentatives de perspective atmosphérique : estompe et palissement des motifs et des teintes dans le
lointain.

Axe d’Obs médiane Vtale

- Un modèle de composition devenu classique depuis les 1er expérimentations de Giotto : un édifice cubique
positionné sur la bord droit de l’espace et construit selon les règles de perspective (un mur frontal et un mur en
raccouri). Le reste de l’espace ouvre sur un payage montagneux.
- Les orthogonales ou lignes de fuite de l’édifice convergent vers un Point de Fuite situé sur le visage du Christ
positionné légèrement à gauche de la Médiane verticale. Alors que le collecteur d’impôt est positionné exactement
sur la médiane. Par conséquent, l’Axe d’Observation ne coïncide pas avec la Médiane de l’image.
- Le Point de Fuite et donc la Ligne d’Horizon sont positionnés légèrement au-dessus de la Ligne Médiane
Horizontale. Logiquement cette élévation de la ligne d’horizon implique que la scène est observée depuis un point
de vue légèrement surélevé, ce qui semble être le cas dans cette image.

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L’architecture et l’environnement urbain sont les motifs privilégiés pour expérimenter la


perspective centrale

Masaccio, La Résurrection du fils de Théophile et Saint Pierre en chaire, 1425-1426, fresque, 232 x 597 cm, Florence, Santa
Maria Carmine, Chapelle Brancacci

Cette grande fresque, située dans le registre inférieur du mur gauche de la chapelle, illustre deux événements de la vie de saint Pierre à
Antioche. Ces scènes ne sont pas rapportées dans la Bible mais dans un ouvrage médiéval, la légende dorée de Jacques de Voragine

Lorsque saint Pierre prêchait à Antioche, il fut arrêté, emprisonné et privé de nourriture et de boisson sur ordre de Théophile, gouverneur de la
ville. Saint Paul vint rendre visite à Pierre, prisonnier, puis alla demander à Théophile sa libération. Le gouverneur ne croyait pas aux pouvoirs
que l’on attribuait à Pierre et accepta d’accorder la liberté à l’apôtre s’il pouvait rendre la vie à son fils mort depuis quatorze ans. Conduit sur la
tombe du fils de Théophile, Pierre ramena le jeune garçon à la vie. Le miracle entraîna la conversion au christianisme de Théophile et de toute la
population d’Antioche. A droite, Masaccio a représenté Pierre assis sur le trône d’Antioche, événement interprété comme le présage de son
accession au trône pontifical de Rome.

- Représentation d’un épisode de la vie de Saint Pierre où celui-ci est représenté deux fois dans l’image : Continuité
narrative
- Une construction très rigoureuse : l’arrière-plan de la scène est occupé par des architectures dont les lignes-de-
fuite convergent vers un point central unique (perspective linéaire et centrale). Le point de fuite est situé exactement
sur la figure centrale.
- Les figures sont alignées horizontalement comme sur une frise : à ce propos on parle isocéphalie
- Le rapport de proportion entre l’architecture et les figures est vraisemblable même si ces dernières semblent
légèrement surdimensionnées par rapport à l’architecture

Les visages stéréotypés

ont disparu

et ont été remplacés

par des portraits

de personnalités

contemporaines

de l’époque de l’artiste

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Masaccio, La guérison de l’infirme et la résurrection de Tabitha, 1425-1426, fresque, 247 x 588 cm, Florence, Santa Maria del
Carmine, Chapelle Brancacci

Cette fresque réalisée avec Masolino présente des problèmes de perspective. Toutefois, l’incorporation
des figures dans l’environnement urbain est relativement convaincante
- Dans cette image deux époques se côtoient : les figures bibliques sont vêtues de toges Antiques alors que les
différents personnages qui circulent dans les rues sont habillés à la mode florentine du XVe siècle

Deux récits différents de guérisons miraculeuses accomplies par saint Pierre


A l’extrême gauche, Pierre et Jean rencontrent un mendiant infirme à la porte du temple de Jérusalem. Les deux apôtres posent le regard sur lui
et Pierre dit ; « Regarde-nous ». L’infirme obéit, espérant d’eux une aumône. Pierre dit alors: « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que
j’ai, je te le donne: au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, marche! » et, le saisissant par la main droite, il le relève.
De l’autre côté de la fresque, Masolino a dépeint un miracle accomplit par Pierre dans la ville de Joppé. Une disciple nommée Tabitha, femme
très bonne et connue pour ses œuvres de charité, vient de mourir. Pierre, qui séjourne alors à Lydda, ville proche de Jaffa, se rend près d’elle
sitôt qu’on le lui demande. Toutes les veuves et les disciples de Joppé pleurent Tabitha. Elles lui montrent les tuniques et les manteaux qu’elle
confectionnait si bien de son vivant. Pierre prie et dit : « Tabitha, lève-toi ». Elle ouvre les yeux et, voyant Pierre, se met sur son séant.

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Axe

Masaccio et Masolino reprennent ici le modèle de la boîte spatiale de Giotto qu’ils appliquent à la représentation
d’un espace extérieur. Sauf que chez Masaccio la construction de la boite spatiale a été redressée par les règles de la
perspective. Toutefois, cette œuvre présente encore quelques erreurs : le point de fuite correspond davantage à une
« zone de convergence » située quasiment au centre de la composition presque sur l’axe médian et légèrement au-
dessus de la ligne médiane horizontale. Autre erreur de construction : la ligne médiane horizontale (ligne noire qui
partage horizontalement l’image en deux parties égales) correspond à la base des bâtiments de l’arrière-plan, elle
délimite également la bande de sol, par conséquent, elle devrait correspond approximativement à la Ligne
d’Horizon de l’image (ligne rouge) sur la laquelle est située le Point de Fuite (PF). Ce qui n’est pas le cas dans cette
image.
Masaccio reprend cependant le modèle de tripartition déjà observé dans l’enluminure médiévale mais aussi chez les
trecentistes (Giotto) : les architectures de l’arrière-plan permettent d’isoler trois parties distinctes dans la
composition correspondant à trois épisodes différents du récit

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Dans cette fresque Masaccio construit le motif architectural en


respectant les règles mathématiques de la perspective linéaire et
centrale (règles récemment découvertes par Brunelleschi)

- Le dispositif donne l’illusion d’une chapelle qui s’enfonce dans


le mur

- La voûte à caisson diminue à proportion de l’éloignement, elle semble


percer le mur

- Les lignes de fuite convergent au pied de la croix, c’est-à-dire au


niveau du regard du spectateur

Masaccio, La Trinité, 1427-1428, fresque, 667 x 317 cm,


Florence, Santa Maria Novella,

Le point de fuite est situé sur l’axe central au niveau de l’entablement de l’autel,
c’est-à-dire là où se séparent le lieu du mort (mortel que nous sommes), et celui
des donateurs. Or ces deux lieux sont situés en avant du plan de la fresque, alors
que les personnages saints se trouvent en arrière de ce même plan dans la voûte
virtuelle qui perce le mur,

En 1435, l’humaniste et architecte florentin Léon Battista Alberti écrit la


version latine de son traité De Pictura. Ce traité propose la première
formulation claire du principe de la perspective centrale. Il n’est pas que
cela : on peut concevoir ce texte comme un programme fondateur de la
représentation occidentale. Dans cet ouvrage, Alberti expose les
fondements théoriques et pratiques de la peinture. Il définit les
règles de la perspective appliquées à la peinture : ces règles
scientifiques qui permettent de construire une espace réel, tel que
nous le voyons (œil) dans la réalité. Un tableau pour les peintres
florentins doit reproduire notre vision objective du monde.

Le tableau est conçu comme une section de la pyramide visuelle ou comme

« Une fenêtre ouverte sur le monde ».

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2. Piero Della Francesca (1415-1492)

Quelques éléments biographiques

Piero Della Francesca est né à Borgo San Sepolcro, où il travaillera de façon presque constante, loin du centre
littéraire et artistique de Florence, ce qui explique l’absence d’informations concernant la biographie de cet artiste
discret du Quattrocento. Il est de ceux qui développeront les principes de la composition en perspective dans la
peinture de la Renaissance italienne. Nous savons cependant, que Piero est né au sein d’une famille d’artisans et de
commerçants, probablement entre 1415-1420. En 1439, Piero est à Florence où il travaille avec Domenico
Veneziano aux fresques du chœur de l’église de Sant’ Egidio.

Les peintres florentins sont devenus des virtuoses du dessin et


des maîtres de la perspective

Un “Réalisme Froid”
- Le rapport de proportion entre architecture et personnages est
ici plus convaincant ; même si l’architecture a été réduite pour
ne pas trop écraser le groupe

- Une application stricte des règles de perspective qui aboutit à


des images austères, froides et sans émotion

- On parle de « réalisme froid » à propos de ces images qui


appliquent strictement les règles de la perspective

Piero della Francesca, La Vierge à l’enfant, 1469-1472,


peinture sur bois, 251 x 172 cm, Milan, Pinacoteca di Brera.

Des scènes bibliques construites scientifiquement

La Cité idéale, d'abord attribuée à Piero delle Francesca puis à Luciano Laurana et maintenant à Francesco
di Giorgio Martini, milieu du XVe siècle
Cette cité idéale est représentative de ce réalisme froid : des images mathématiques construites
rationnellement, déshumanisée et qui représentent des cités imaginaires

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L'utilisation stricte de la
perspective repose sur la
croyance que la géométrie
est de nature divine

La perfection géométrique
symbolise la figure divine

Par conséquent,
l’application stricte des
règles géométriques était le
moyen de se rapprocher du
divin,

d’atteindre l’idéal de beauté


de nature divine

Piero della Francesca, La Flagellation, 1453-1455, peinture sur bois, 59 x 81 cm, Urbino,
Galleria, Nazionale delle Marche

“La Flagellation”
La composition est comme subdivisée en deux scènes, séparées par la colonne qui soutient le temple dans lequel se déroule la
Flagellation. Sur la droite se trouvent trois personnages disposés en demi-cercle, dont l’identité est encore incertaine. Il s’agit
probablement de personnages connus de l’époque, représentés sous leur propres traits ; positionnés au premier plan, ils sont
campés dans un espace urbain contemporain de l’époque du peintre. Sur la gauche et sous le portique du temple classique
apparaît dans la profondeur la scène de la Flagellation. L’axe d’observation de la scène n’est pas positionné exactement sur la
médiane verticalement de l’image mais légèrement décentré à la gauche de la colonne porteuse.

La perspective est utilisée ici pour unifiée deux temporalités distinctes présentes dans le même champ d’un seul
tableau. La colonne placée à l’intersection de ces deux espaces fait le lien entre les deux récits. Ce procédé permet
de prolonger le principe de continuité narrative emprunté à l’art médiéval mais une continuité du récit qui se
déroule désormais dans un espace cohérent et réaliste. À propos de cette image, on parlera plutôt de discordance
temporelle, puisque ces deux espaces aux architectures appartenant à des époques différentes accueillent des scènes
narratives ancienne et moderne : une scène de la bible accompagnée d’une scène du XVe siècle florentin. Si la
perspective construit une vision unifiée de l’espace global, la discordance temporelle évidente de ces deux récits
trouble l’unité spatiale.

- Ce schéma nous montre que le Point de


Fuite est situé non pas sur la colonne mais
légèrement à sa gauche sur le mur du fond
du portique. Par conséquent, la colonne qui
sépare les deux espaces est positionnée
dans la partie droite du tableau.

- A noter également, le Point de Fuite est


situé très bas dans l’image : indice d’un
Point de Vue positionné bas et donc d’une
vue en Contre-Plongée de la scène. Ce qui
justifie le fait de voir le plafond du portique

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Une conception réaliste appliquée au paysage

Piero della Francesca, La Rencontre de Salomon et de la Reine de Saba (détail), vers 1454-1458, fresque, Chapelle Majeure,
San Francesco, Arezzo

Le groupe de personnages (à gauche) s’insère parfaitement dans le paysage


- Le rapport de proportion entre les figures et l’environnement est vraisemblable
- Les arbres et le ciel sont traités de façon plus naturaliste
- Par contre, les visages sont stéréotypés

Piero Della Francesca, Bataille entre Heraclius et Chosroes, 1452-1466, Eglise San Francesco, Arezzo

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3. Andrea Mantegna (1431-1506)


Quelques éléments biographiques
Mantegna est né en 1431 (il meurt en1506) à Isola di Carturo près de Vicence en République de Venise. Il est issu d’une famille
modeste d’artisan, son père était menuisier. Après une formation dans un atelier à Mantoue, en 1445, il entre dans l’atelier de
Francesco Squarcione à Padoue. En 1445, il est inscrit à la confrérie des peintres de Padoue comme fils de Squarcionne. En
1458, il travaille pour la cours des Gonzague qui sera sa vie durant son patron-mécène. Peintre courtisan Mantegna bénéficie
d’un statut privilégié accordé à une petite élite d’artistes

Mantegna, au milieu du 15e siècle, défend un style dur et ferme, d’une puissance graphique sans précédent. La
perspective, désormais parfaitement maîtrisée, permet à Mantegna de réaliser des angles de vue impressionnants,
avec des effets de plongée et de contre-plongée spectaculaires. Les environnements des scènes figuratives de
Mantegna sont d’un réalisme froid et austère ; tous les motifs, y compris le corps humain, ont des contours linéaires
nets produisant un effet froid et métallique à ses compositions.

Mantegna, un exemple des excès du réalisme scientifique. Des scènes bibliques situées dans des
décors de cités antiques imaginaires, respectant parfaitement les règles de la perspective

Fresque détruite lors des


bombardements de 1944.
Les œuvres ont été reconstituées.

Scènes de la vie de saint Jacques


représentées dans des décors de
cité antique idéale

Parfaite maîtrise de la perspective

- Le rapport de proportion entre


architecture et figures est crédible,
même si la taille des édifices est
réduite pour éviter l’écrasement
des figures

Mantegna Andrea, Scène de la vie de saint Jacques, 1448-57, fresque, Chapelle des
Ovetari, Chiesa degli Eremitani, Padoue

Les vues en contre-plongée de Mantegna démontrent une


totale maîtrise de la perspective
- Les figures et l’architecture, en contre-plongée, s’élèvent majestueusement
au-dessus du spectateur, créant ainsi un effet dramatique et spectaculaire

Andrea Mantegna, Saint Jacques conduit au martyr, Fresque (détruite,


1944), vers 1450-1460, Padoue, église de Eremitani, Chapelle Ovetari

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La maîtrise de la perspective appliquée à la représentation du corps humain

Andrea Mantegna, Retable de Saint Zenon (Vérone), Crucifixion, 1457-1459, tempera sur bois,
67 x 93 cm, Musée du Louvre, Paris

Andrea Mantegna, Andrea Mantegna, Andrea Mantegna,


Saint Sébastien, 1478-80 Saint Sebastien, 1470, Saint Sébastien, 1506,
détrempe sur toile, 255 x 140 cm Tempera sur Toile, 68 x 30 cm, Tempera sur Toile, 213 x 95 cm,
Le Louvre, Paris Kunsthistorisches, Vienne Accademia, Venise

Dans cette série du Martyre de Saint Sébastien, Mantegna démontre également une grande
maîtrise du dessin anatomique, inspirée, notamment de la statuaire grecque

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La légende : Sébastien est un militaire de carrière de l’armée romaine. L’Empereur Dioclétien


(règne entre 284 et 304 ap. J.-C.) le fera exécuter pour avoir soutenu les fidèles du culte
chrétien. D’abord attaché à un poteau, puis transpercé de flèches, il est finalement tué à coup
de verge après avoir miraculeusement survécu à ce premier martyr.
Patron des archers et des fantassins (et de la police), il est surtout le protecteur de la ville de
Rome : il est invoqué pour lutter contre la peste et les épidémies en général. Souvent
représenté dans les arts figuratifs, le Martyre de Saint Sébastien devient dès le XVe siècle un
genre pictural à part entière permettant aux artistes de démontrer leur maîtrise du dessin
anatomique. Rare figure dans l’art chrétien autorisée à être représentée dénudée.

Image en trois plans


La puissante figure grandeur nature du Saint, accroché au fut d’une colonne Antique, vue dans
un léger da sotto in su (contre-plongée), est campée à l’avant d’un ample paysage (imaginaire)
visible de part et d’autre de la colonne. La présence au premier plan de deux figures tronquées
(archers) permet de créer la distance entre la figure du Martyre et le registre du spectateur.

Andrea Mantegna, L’Oculus, Plafond (détail), 1465-74, Walnut oil on plaster and fresco, Chambre des époux
Gonzague

L’Oculus montre la fascination de Mantegna pour les jeux de perspective et les trompe-l’œil : le
plafond de la chambre des époux Gonzagues représente une ouverture circulaire en trompe l’œil
laissant apparaître un ciel fictif (oculus). Sur cet oculus, des anges ailés (putti ailés) sont représentés
par en-dessous grâce à une technique appelée di sotto in su (vue d’en dessous)

Le Christ est représenté dans une pose raccourcie très


spectaculaire

Ce raccourci anatomique démontre une parfaite connaissance


de l’anatomie humaine et un sens de l’observation
d’un corps vu à l’horizontal
mais aussi une très bonne connaissance
des règles de la perspective

Andrea Mantegna, Christ mort, vers 1475-1490, tempera sur


toile, 68 x 81 cm, Milan, pinacothèque de Brera

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Un intérêt pour le portrait dans la peinture italienne

Le goût pour le portrait provient du Nord de l’Europe. Les


peintres flamands avaient, en effet, développé, dès le début du
XVe siècle, une approche Naturaliste de l’art de peindre,
c’est-à-dire un art intéressé par la description fidèle du monde
réel

À la différence des Italiens davantage partisans d’une peinture


idéalisée où les épisodes des évangiles sont sublimés. Chez
les italiens les scènes bibliques sont installées dans des décors
de cités Antiques (imaginaires) et les personnages ont des
visages stéréotypés

Toutefois, dans cette fresque, Mantegna réalise


un portrait de groupe des époux Gonzague
relativement convaincant et sans doute assez
fidèle à la réalité

Andrea Mantegna, Chambre des Époux


Gonzague, Portrait des époux Gonzague,
fresque, Palais ducal, Mantoue,
vers 1467-1474.

Un portrait de groupe partagé entre portrait et représentation


idéalisée des figures sacrées.

Les parents de Marie sont représentés sous les traits de


vieillards alors que Marie, l’enfant Jésus et Jean- Baptiste
sont idéalisés (irréels) ou hiératiques

Andrea Mantegna, La Sainte Famille et le petit, saint Jean,


1490, Tempera sur toile, 75 x 61 cm

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Cependant, Mantegna conserve quelques archaïsmes

- La raideur des figures enveloppées sous d’amples vêtements rappelle le


style de Giotto

Mantegna Andrea, Marquis Ludovic Gonzague, Palais ducal, Chambre


des Époux Gonzague, Fresque, 1464-1474

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4. Sandro Botticelli (1445-1510)


Quelques éléments biographiques

Sandro Botticelli est né en 1445 à Borgo (Conté de Florence en Toscane). Son père était tanneur ; une famille
modeste mais non dénuée de ressources. L’entreprise de son père connaît quelques difficultés ce qui contraint ce
dernier à se reconvertir. Sandro exerce l’activité de « batteur d’or en feuilles pour peintres » dans la nouvelle
entreprise créée par son père en 1458. En 1464, Sandro entre dans l’atelier de Fra Filippo Lippi (pendant trois ans),
où il débute une formation en orfèvrerie (il se forme également à la gravure et à la ciselure). Fra Filippo Lippi lui
apprend également le dessin et la peinture. En 1470 (à l’âge de 25 ans), il peut s’installer à son compte et reçoit sa
première commande publique : une allégorie.

Sandro Botticelli et la famille des Médicis


L’œuvre de Botticelli est liée au dynamisme culturel de la ville de Florence créé par la famille des Médicis qui régnait sur la
ville depuis 1434. Il semble important, ici, de décrire brièvement les personnalités de la maison des Médicis et leur apport à
l’histoire civile, politique, artistique et culturelle de la Florence du XVe siècle.
L’artisan de la fortune de la famille des Médicis fut Cosme (« Cosme l’Ancien »), qui dans la troisième décennie du XVe siècle
s’opposa au régime aristocratique et qui pour cette raison fut emprisonné dans le Palais de la Seigneurie et ensuite exilé. Un an
plus tard, il revint, acclamé par le peuple et enfin libre de pouvoir réaliser son dessein politique visant à faire de sa famille
l’arbitre de l’état florentin. Il utilisa son extraordinaire fortune basée sur l’organisation bancaire dont les nombreuses filiales
dans les divers états italiens lui avaient permis d’amasser une fortune colossale. Le mécénat médicéen (des Médicis) commença
avec lui, il se déploya non seulement dans la construction architecturale, mais aussi dans tous les domaines des arts. Quand
Cosme mourut en 1464, son projet d’un Etat florentin rayonnant sur l’Europe ne lui semblait pas totalement achevé. Mais, en
réalité, la famille des Médicis ne fit qu’augmenter son prestige même après la disparition de Cosme. Son fils Pierre, dit le
« Gouteux » sut conserver pendant sa brève gestion du pouvoir (1464-1469) et en dépit de ses conditions de santé précaires, la
domination familiale sur la ville et sur l’état florentin en préparant la succession de ses fils Julien et Laurent. En 1471 les
notables de la ville prièrent Laurent de prendre soin de l’état florentin, instituant ainsi une véritable succession dynastique.
Laurent de Médicis, dit « Laurent le Magnifique », engagea une politique culturelle de grande envergure et envoya à travers
l’Europe des artistes et des hommes de lettres florentins. Botticelli bénéficia des largesses de Laurent le Magnifique, il était
l’un des peintres préféré du prince de Florence. Famille des Médicis que l’on retrouve portraiturée dans le tableau L’Adoration
des Mages de Botticelli.

Sandro Botticelli ou le rejet du réalisme froid du quattrocento


Une remise en question de la perspective centrale et linéaire et retour de l’esthétique gothique.
Le goût du gothique : composition chaotique, refus du réalisme scientifique du quattrocento, attrait pour les formes souples et
intérêt pour une plus grande richesse chromatique

La délicatesse des physionomies et la


subtilité des clair-obscur des carnations et
des vêtements tranchent avec le style froid et
rationnel du quattrocento.
On observe une plus grande subtilité des
expressions des visages. L’attitude rêveuse et
indifférente de la Vierge caractérise le style
de Botticelli : des personnages au regard
mélancolique.

Toutefois la ligne ou le dessin (principe


prédominant des pionniers du Quattrocento
florentin) reste très présente chez Botticelli.
Mais celle-ci se fait plus souple et
dynamique. La ligne est utilisée à des fins
expressives chez Botticelli
Botticelli Sandro, Sandro Botticelli,
Vierge à l'enfant avec deux anges, Adoration des Mages, 1475,
vers 1460 tempera, 111 x 134 cm,
Florence, Galerie des Offices

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Volonté de rupture avec le « réalisme froid » du Quattrocento


Une nouvelle organisation de l’espace
de la représentation, fondée sur les
acquis du Quattrocento florentin et le
regain d’intérêt pour l’art gothique

Sandro Botticelli, L’Adoration des Mages,


1475, tempera sur bois, Les Offices, Florence

Remise en cause des principes de construction du Quattrocento et de la fascination pour la perspective


La fuite du paysage dans la profondeur est bloquée par l’accumulation des figures et, notamment, par la Vierge Marie
positionnée juste au-dessus du Point de Fuite empêchant ainsi la fuite du regard dans le lointain. L’étable en ruine fait également
obstacle à la profondeur. La ruine Antique, sur le bord gauche de l’image, symbolise également le refus de la domination de la
perspective dans la façon de construire l’espace.

LA COMPOSITION
La composition reste relativement bien ordonnée : L’Axe central est occupé par les figures majeures : la Vierge et la figure de
dos revêtue d’une toge rouge (Pierre de Médicis). La grange en ruine dessine une boîte spatiale – mur de fond frontal et les deux
murs latéraux en raccourcis. La scène biblique s’inscrit dans cette boîte avec de part et d’autre de l’axe central deux
attroupements de figures qui au premier abord paraissent désordonnés. Mais à y regarder de plus près, on constate que le
positionnement des figures du premier rang suit une diagonale qui part des deux coins inférieurs – gauche et droite – pour
aboutir à la Vierge située au centre de la composition et en position surélevée. Ce système de diagonale dessine un triangle dont
la base correspond au bord inférieur de l’image et la pointe coïncide avec la Vierge
- Construction désordonnée : l’accumulation et la superposition de nombreuses figures semble nuire à la clarté de la
composition, mais ce désordre apparent dynamise la composition

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

L’accumulation des figures, dans la partie inférieure de la composition, induit un fort sentiment de désordre : ces deux amas de
figures humaines à droite et à gauche rappellent les méthodes de l’art médiéval où celles-ci étaient assemblées en grappe au bord
de l’image. Toutefois, chez Botticelli comme dans l’art gothique la distribution des figures répond à des règles bien précises.
Dans cette œuvre les figures sont échelonnées les unes derrières les autres en suivant une diagonale qui pénètre dans la
profondeur vers le centre de la composition (cf. schéma ci-dessus).

La représentation du corps humain (vêtu) est mieux maîtrisée


- comparées aux figures volumineuses et massives de Piero della Francesca ou de
Giotto, Botticelli donne vie à ses figures grâce à une meilleure compréhension de
l’anatomie humaine

- À noter ici la richesse de la palette chromatique ce qui est nouveau à Florence. Des
couleurs claires, dans les ocres dorés et les bleus éclatants, où se détache le vermillon du
manteau.

L’Adoration des Mages est aussi un hommage à la famille des Médicis qui gouvernait la
Ville de Florence depuis 1434 et qui par son mécénat a activement participé à l’essor des
arts dans la capitale Toscane.
Les historiens de l’art ont identifié dans cette œuvre, la présence de Cosme de Médicis,
Pierre le « goutteux », Julien et Laurent de Médicis, le personnage à droite regardant en
direction du spectateur n’est autre qu’un autoportrait de Botticelli

Il y a dans ce Saint Sébastien de Botticelli un attrait pour les formes


sensuelles qui dénote une volonté de rompre avec la rigueur classique du
quattrocento

- Le dessin anatomique reste encore maladroit

- Un contrapposto excessif

Sandro Botticelli, Saint Sébastien, 1474, peinture sur panneau, Berlin, Gemäldegalerie

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Sandro Botticelli, La Punition des Rebelles, 1481-1482, fresque, 348 x 570 cm, Vatican, Chapelle Sixtine

Peintre de l’Ecole de Florence, Botticelli reste très attaché à la norme du dessin et à la maîtrise
de la perspective.
- L’espace pictural est correctement construit selon les règles de la perspective
- Par contre, le traitement de la figure humaine montre un goût prononcé pour les « formes en S » du gothique
- On retrouve également dans cette fresque le principe de « continuité narrative » emprunté à l’iconographie médiévale
- Cette image représente la punition infligée aux prêtres rebelles qui ont refusés de se soumettre à la loi de Moïse et qui seront
engloutis sous terre (partie gauche de l’image). Moïse est présent à trois reprises dans l’image pour évoquer les trois moments du
récit. L’image est structurée selon un modèle de Tripartition souligné par les trois architectures qui servent de toile de fond à
chaque épisode du récit.

Sandro Botticelli, Venus et Mars, 1482-1483, tempera sur bois, 69 x 173 cm, Londres, National Gallery.

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Botticelli peintre de la nudité et des sujets païens.


La représentation des nus est désormais possible, mais elle est réservée aux thèmes non religieux

Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1482-85, tempera sur bois, 184 x 285 cm, Florence, Les Offices

L’Allégorie et Le Printemps sont les deux œuvres les plus connues de Botticelli. Elles furent peintes pour Jean et Laurent de Médicis. Le mythe
de Vénus symbolise la nature charnelle de l’amour païen, mais aussi l’idéal humaniste de l’amour platonicien. La Naissance de Vénus : est
inspirée d’un poème d’Hésiode suggérant que la déesse de l’amour, apparue nue sur un coquillage, serait née de la rencontre de l’écume et du
sexe d’Ouranos. L’iconographie la plus répandue la représente nue, venant de jaillir des flots, souvent debout sur un coquillage.
Cette œuvre a sans doute été célébrée par Politien dans un fameux vers : « une jeune fille au visage non humain poussée par des Zéphyrs lascifs
se trouve sur un coquillage », poussée vers les rivages, elle est accueillie par une Heures qui l’enveloppe d’un voile pudique.

L’idéalisation du corps humain ou la quête d’une beauté parfaite


Le goût pour les déformations anatomiques et les corps longilignes

Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1482, tempera sur toile, 172 x 278 cm, Florence, Galerie des Offices

Les corps sont traités avec élégance et souplesse, drapés dans des voilages fluides et transparents. Les visages sont emprunts
de douceur et de sérénité. Cette œuvre exprime avec subtilité et raffinement la naissance d’un humanisme néoplatonicien,
qui place l’homme au centre du monde.

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

5. Raphaël (1483-1520)
Quelques éléments biographiques

Raphaël est né en 1483 à Urbino. Son père était peintre et poète à la cour d’Urbino. Celui-ci meurt prématurément en 1494, trois
ans après le décès de son épouse. Raphaël, orphelin à l’âge de 11 ans, a sans doute débuté sa formation artistique dans l’atelier
de son père ; cependant, on ignore ce qu’il advient après le décès de celui-ci, jusqu’à ses 17 ans en 1500. A cette date, Raphaël
décide de quitter Urbino pour s’installer à Pérouse où il est engagé comme apprenti dans l’atelier de Pérugin. Il assiste le maître
dans ses commandes publiques. Après avoir obtenu son titre de maître peintre, il ouvre son propre atelier de peinture. Ses
œuvres de 1502-1503 montrent l’influence de Pérugin (style lisse et référence au quattrocento). À l’âge de 21 ans, il quitte
Pérouse pour s’installer à Florence (pendant 4 ans) où il fait la connaissance de Michel-Ange et de Léonard de Vinci qui vont
profondément réorienter son style. Michel-Ange par la rigueur du dessin anatomique et Léonard par la découverte de la
perspective atmosphérique et des principes du clair-obscur. Les artistes florentins cherchaient à dépasser l’ordre classique du
XVe siècle au profit d’une expression plus vivante et plus libre dans la représentation de l’espace. En 1508, il quitte Florence
pour Rome où il est appelé pour réaliser des décorations au Vatican.

La quête de la beauté parfaite


Dans un premier temps Raphaël est marqué par le style froid et
austère du Pérugin propre au Quattrocento (maîtrise de la
perspective linéaire et centrale)

Pérugin, La remise des clefs à Saint Pierre, 1482,


fresque, 335 x 550 cm, Vatican, Chapelle Sixtine

Raphaël, La prédication de saint Jean Baptiste, vers 1503-1504, huile sur bois, 25 x 53 cm,
Londres, National Gallery

Progressivement au tournant du XVIe siècle, Raphaël va se démarquer du « réalisme froid » du


Quattrocento pour adopter un style plus chaleureux
- Le caractère massif des figures disparaît, au profit d’un traitement plus souple du dessin anatomique (on
retrouve la silhouette sinueuse du style gothique, déjà observée chez Botticelli
- La palette chromatique s’enrichit avec la peinture à l’huile (couleurs plus chaudes)
- Dès cette époque on perçoit l’influence de Léonard dans le traitement des lumières
- Une scène biblique située dans un décor champêtre = Ecole vénitienne

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Sous l’influence de Michel Ange et de Léonard,


Raphaël travaille le dessin anatomique

Un dessin linéaire (à la plume): le contour des Un dessin pictural, jeux de clair-obscur au lavis :
figures (« Vierge à l’Enfant ») est parfaitement traitement des ombres et des lumières à la façon de
cerné par un tracé linéaire inspiré de Michel- Léonard (le dégradé tonal léonardesque)
Ange

Raphaël, Madone du Belvédère, 1505, huile sur toile, Raphaël, La Vierge et l'Enfant et saint Jean,
113 x 88 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum 1507, huile sur bois, 122 x 80 cm, Paris, Louvre

- Une composition encore rigide (Les figures sont cernées - Plus de souplesse dans la gestuelle et les poses
d’un tracé linaire, héritage du Quattrocento) - Un traitement plus naturaliste du paysage (Léonard)
- Les plans dans la profondeur sont naïvement soulignés - Un chromatisme tonal (le jeu des dégradés et des
(plans colorés distincts : perspective chromatique) clair-obscur est plus naturaliste)

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Entre 1500 et 1510, Raphaël expérimente ces deux styles (Michel-Ange et Léonard)
Représentations de la « Vierge à l’Enfant »

Madone à l'Enfant La petite Madone Cowper, Madone du Grand-Duc, Madone d'Orléans, Madone Bridgewater,
avec un livre, 1505, Huile sur bois, 1505, huile sur bois, 1507, huile sur bois, 1507,
1502-1503, huile sur bois, 60 x 44 cm 84 x 55 cm 31 x 23 cm huile sur bois puis sur toile,
39 x 28 cm 82 x 57 cm

Un classicisme assoupli par un traitement des


corps qui anticipe le maniérisme.

- Assouplissement et relâchement des corps

- Le groupe de figures se déploie le long d’une courbe en


« forme de S »

- Forme pyramidale

- Cette composition conserve, cependant, un style


Classique : binaire et symétrique (Un axe de symétrie
partage la pyramide humaine en deux parties équivalentes)

Raphaël, Sainte Famille Canigiani, 1508, huile sur bois,


131 x 107 cm, Munich, Alte Pinakothek

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Raphaël, La mise au tombeau, huile sur toile, 184 x 176 cm, Rome, Galleria Borghese

La Mise au tombeau de Raphaël est une œuvre majeure de l’Histoire de l’Art. Souvent
considérée comme une œuvre pionnière du Maniérisme XVIe siècle, en raison notamment du
travail anatomique
- Le dynamisme et l’entremêlement des corps participent au caractère tragique de la scène.
- Les corps contorsionnés aux muscles saillants traduisent parfaitement les tourments et la ferveur de ces
personnages bibliques
- L’accumulation de corps au premier plan donne une impression de confusion, de désordre mais aussi de
dynamisme
- Une maîtrise du dessin anatomique remarquable notamment dans le raccourci de la ligne des épaules du Christ

Le traitement des corps évolue vers des


déformations excessives

- Un traitement outrancier des anatomies dans une


scène biblique

- Raphaël montre toute sa virtuosité dans sa maîtrise


du dessin anatomique (musculature proéminente)

Raphaël, La pêche miraculeuse, 1515,


détrempe sur papier monté sur toile, 360 x 400 cm,
Londres, Victoria and Albert Museum

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Raphaël peintre exemplaire de la Haute-Renaissance

Raphaël, Le sacrifice à Lystre, 1515, série des cartons pour des tapisseries,
détrempe sur papier monté sur toile, 350 x 540 cm

Lystre était, dans l’Antiquité Romaine au 1er siècle avant J.-C., une ville de Lycaonie en Asie Mineure (actuel Turquie).
Cette ville, aujourd’hui détruite, est citée à plusieurs reprises dans le livre des Actes des Apôtres du Nouveau Testament.
Les apôtres saint Paul et saint Barnabé ont prêché dans cette ville et y ont guéri un homme boiteux de naissance. A la
suite de ce miracle, ils furent pris pour deux divinités romaines (mythologie romaine). Saint Paul fut pris pour Mercure,
et saint Barnabé pour Jupiter. Ces apôtres eurent assez de peine à empêcher qu'on ne leur offrît des sacrifices (ce qui
étaient interdit dans le christianisme). Mais devant ce refus, la population juive d'Antioche se retourna contre eux. Ils
commencèrent à leur jeter des pierres avant de les traîner hors de la ville. Le tableau de Raphaël représente cet épisode.

Les œuvres de la fin de carrière de Raphaël font la synthèse des acquis de la Renaissance italienne
Une parfaite maîtrise de la perspective (perspective artificielle, oblique et le traitement de la profondeur sont mobilisés dans ce
tableau). Un dessin anatomique également parfaitement maîtrisé où la gestuelle et l’expression des visages viennent renforcer la
dimension tragique de la scène représentée. Voir également la série des Stanze du Vatican sommet de l’art du Quattrocento

Raphaël, L'incendie du Bourg, 1514-1517, fresque, base 670 cm,


Palais du Vatican, Chambre de l'incendie

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Histoire de l’art – Quattrocento – Yannick BREHIN©

Un thème antique traité d’une manière


dynamique et sensuelle
- Une composition rigoureuse : un personnage
principal placé sur l’axe et une symétrie respectée
(héritage du Classicisme du Quattrocento)

- Des corps majestueux et contorsionnés.

- Une palette chromatique particulièrement riche

Galatée est une néréide qui vit en Sicile : elle est éprise du jeune
Acis, fils de Pan et d’une nymphe. Mais le cyclope Polyphème, qui
chante en vain son amour pour Galatée, est rendu furieux par ses
refus. Il finit par surprendre le couple et écrase Acis sous un énorme
rocher. Galatée métamorphose ce dernier en fleuve. Raphaël montre
Galatée sur un char marin, entourée de tritons et d’autres néréides et
survolée par des amours.
Néréides : divinité marines, les néréides sont les filles de Nérée,
dieu de la Mer et de Doris, son épouse.

Raphaël, Le triomphe de Galatée, 1512-1515, fresque, 295


x 225 cm, Rome, Villa Farnesina

L’idéal de beauté selon Raphaël

La conception de la beauté chez Raphaël est


parfaitement exprimée dans ce dessin

Pour atteindre, cet idéal de beauté imparfaitement


réalisée par la nature, Raphaël élimine de la nature
toutes ses imperfections pour ne retenir que les
motifs les plus parfaits

- Bonnes proportions (respect du canon grec)

- Équilibre et symétrie sont les principes de l’idéal de beauté

Raphaël, Portrait de jeune garçon, pierre noire, rehauts de blanc,


381 x 261 mm, Oxford, Ashmolean Museum

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