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La peinture en Toscane à la Renaissance

Notes revues et corrigées de la Conférence de Gennaro Toscano


Professeur de Civilisation et histoire de l’art de la Renaissance à l’université Charles de Gaulle-Lille III,
UFR d’Etudes Romanes. 1991-2003, Professeur à l’Ecole du Louvre.

les 02/02/2000 et 08/03/2000 à Caen

Florence et Masaccio

Vers 1300, Florence compte 50 000 habitants et se place en troisième position des citées italiennes
derrière Milan et Venise. La ville est contrôlée par "les arti", corporations de marchands au nombre de
21 avec 7 majeures et 14 mineures dont les principaux sont ceux des changes, des juges et surtout celui
de la "Calimala », quartier de Florence, où se réunissent les marchands spécialisés dans l'affinage des
draps et les produits exotiques. Les peintres, jusqu'à Masaccio, feront partie de la corporation des
médecins et apothicaires du fait de la préparation des pigments, ils deviendront ensuite
indépendants dans la compagnie de St Luc (1424).

* 1348 crise économique grave à cause de la peste noire -> cité ruinée comme Sienne
* 1370, reprise grâce à l'arrivée de nouveaux riches dont Les Médicis, riches bourgeois de la
province
* En 1420, Florence compte 40 000 habitants. La menace des ducs de Milan (les Visconti) s'est réduite
avec la mort du Duc en 1402. Florence conquiert Pise en 1406 et achète Livourne en 1421. Elle a ainsi
accès à la mer et devient ainsi un Etat (République).
* En 1434, Cosme de Medicis entre à Florence et installe le pouvoir de la famille durant trois
siècles jusqu'en 1737. L'argent gagné dans le commerce est réinvesti dans les grands chantiers de la
ville, sont achevés la cathédrale, le baptistère, San Michel, San Lorenzo, saint Marc...+ Les palais dont
Médicis Ricardi par Michelozzo (prononcer Mikelozzo) et le palais Rucellai (Alberti) années 1440-1460.

La Renaissance : origine du mot.


C'est Georgio Vasari, dans "Les vies" (1550 puis 1568) qui propose le terme "Rinascita", renaissance
pour qualifier le renouvellement artistique; Il distingue trois époques, en analogie avec les âges de la vie :
l'enfance (XIII et XIVème), avec Cimabue et Giotto, l'adolescence (XVème) avec Brunelleschi, Donatello
et Masaccio et la maturité(XVIéme) avec Vinci et Michel Ange, l'homme universel.

Mais beaucoup plus tôt, les artistes et humanistes ont conscience de vivre une nouvelle époque. C'est
déjà le cas dans l'enfance de la renaissance avec Dante, Pétrarque et Boccace qui sont les
contemporains toscans de Cimabue et Giotto. Dans "La Divine Comédie" (1307-1321), Dante soutient que
Cimabue a longtemps eu le "cri" en peinture mais que c'est maintenant Giotto qui l'a. Boccace fait l'éloge
de Giotto, vantant son talent d'imitation qui l'éloigne de la beauté figée des grecs.

En 1447, Lorenzo Ghiberti dans "I Commentari" définit le nouvel âge comme s'opposant au Moyen-
âge avec un retour à la nature pour la peinture, un retour à l'antiquité classique pour l'architecture
et une forme médiane pour la sculpture. Mais c'est surtout Leon Battista Alberti qui consacre les trois
maîtres de l'adolescence de la renaissance dans "De pictura", son traité de la peinture paru en version
latine 1435 puis italienne en 1436. Il est alors dédicacé à Brunelleschi. Sont mis en avant, outre
l'architecte, trois sculpteurs Donatello et Ghiberti, Luca della Robbia et un seul peintre Masaccio. La
perspective y est décrite comme l'apport majeur de Brunelleschi. Elle est l'ensemble des règles pour
retranscrire, de façon « correcte », sur une surface binaire des objets en trois dimensions.

Il y avait déjà de la perspective avant Brunelleschi, qui retranscrit des vues de ville sur des panneaux,
mais les règles n'avaient pas été découvertes. Giotto avait ainsi trouvé des solutions empiriques pour
figurer la profondeur avec des lignes de fuite. Ambrogio Lorenzetti est même probablement l'auteur de la
première perspective monofocale (Annonciation, avec dallage en perspective, 1344 Pinacoteca
Nazionale, Sienne).
Masaccio

Mais c'est Masaccio qui, en 1422, treize ans avant "De pictura", présente une première pyramide visuelle
avec un "Triptyque avec Vierge à l'enfant et saints" unifié par un seul point de fuite.

En 1424 il reçoit la commande de la chapelle Brancacci de l'église Santa Maria Carmine avec son aîné,
Masolino, 40 ans, qui maîtrise les techniques de la fresque et des pigments. Felice Brancacci, le
commanditaire, est ambassadeur et il épousera en 1431 la fille de Palla Strozi, humaniste et plus
riche marchand de la ville, bientôt en lutte contre les Médicis. Masaccio a alors 23 ans, le cycle
commence en 1424-25. Brancacci est arrêté lorsque Masolino part pour la Hongrie et Masaccio reprend
seul en 1426, "Le paiement du tribut" et "Saint-Pierre guérissant les malades par son ombre", reprises
encore, les fresques ne seront achevées par Filippino Lippi, le fils de Filippo, qu'en 1480-1490.

Les fresques représentent la vie de saint Pierre en 12 panneaux principaux. En partant d'en haut à
gauche vers haut droite, puis bas droite et haut gauche :
1 - La tentation d'Adam et Eve (Masolino)
2 - Saint Pierre guérissant un estropié ; ressuscitant Tabitha personnages de Masolino sur une
perspective et architecture de Masaccio
3 - Le baptême des néophytes personnages de Masaccio sur des collines bâclées de Masolino (une
journée), tiré des actes des apôtres si Masolino a passé une journée sur les collines, plusieurs journées
pour Masaccio, l'homme qui grelotte, le torse de l'homme agenouillé et l'homme qui se déshabille sont
inspirés de la sculpture antique, souvenirs d'un voyage à Rome
4 - La prédication de saint Pierre (Masolino)
5 - Le paiement du tribut (Masaccio) Evangile selon saint Mathieu, le collecteur d'impôt demande le
tribut pour entrer dans Capharnaüm, il est vêtu d'une minijupe, se tient de dos le pied levé et la main
tendue. Le Christ demande à saint Pierre d'aller chercher l'argent dans la gueule d'un poisson. Saint
Pierre donne l'argent au collecteur. Cet épisode probablement écho à l'établissement du cadastre de
Florence en 1427 où chaque citoyen doit déclarer ses biens et revenus. Les trois scènes sont unifiées
par le même point de fuite avec pour pivot la statue vivante du Christ autour duquel sont disposés les
personnages en ellipse, la collecteur de dos fait un premier plan alors que la pêche du poisson constitue
un arrière plan. Tous les apôtres sont différents; Vasari affirmera que Masaccio a peint ses
contemporain. Michel-Ange serait venu quotidiennement observer cette fresque.
6 - Adam et Eve chassés du Paradis (Masolino)
7 - Saint Pierre en prison reçoit la visite de saint Paul (Lippi)
8 - Saint Pierre ressuscite le neveu de l'empereur (Lippi) ; saint Pierre en chaire (Masaccio)
9 - Saint Pierre guérissant les malades par son ombre (Masaccio) cadre urbain de l'époque
10 - Saint Pierre et saint Jean faisant l'aumône (Masaccio) des portraits d'après nature et pas des
modèles idéaux
11 - La crucifixion de saint pierre ; saint Pierre devant le proconsul (Lippi)
12 - L'Ange délivrant saint pierre (Lippi)

Autres peintures de Masaccio Vierge et sainte Anne pour St Ambroggio (Offices) avec Masolino, enfant
Jésus au torse adolescent Triptyque pour l'église des carmes à Pise, 1426 commande seule mais sur
menuiserie archaïsante avec fond d'or la vierge à l'enfant est à la N. G. à Londres la Crucifixion avec son
Jésus sans cou car en hauteur au Capodimonte à Naples et la prédelle avec la crucifixion de saint Pierre
à Berlin

La Trinité (Santa Maria, Florence), parcours ascensionnel depuis le memento mori vers les hommes
priants, la sainteté (Marie et saint Jean(?)) puis la Trinité. Les deux donateurs agenouillés devant un arc
de triomphe avec chapiteaux ioniques Dieu le père soutient le crucifix.
Masaccio est ensuite appelé à Rome pour le maître autel de Santa Maria Maggiore aujourd'hui dispersé
(Philadelphie, Rome) et dont Masaccio a peint Saint Jérôme et Jean-Baptiste (N. G. Londres). Masaccio
meurt à Rome à 28 ans, probablement empoisonné. L'influence de Masaccio sur ses contemporains
prit environ huit ans et débute avec la génération suivante, celle qui n'est pas citée par Alberti dans "De
pictura". Légère influence pourtant sur Masolino et Gentile da Fabriano dans leurs Vierges à l'enfant
jusqu'à une influence forte sur Piero della Francesca et revendiquée par Michel-Ange et Leonard de
Vinci.

Il faudra attendre quelques années avant que son influence devienne vraiment dominante dans le
domaine de la peinture. Les commanditaires de l'époque étaient plutôt éblouis par les œuvres de
Masolino, l'élégance courtoise des œuvres de Gentile da Fabriano (1370-1427) auquel le beau-père de
Felice Brancacci, Palla Strozzi, demande, en 1423, le tableau le plus cher du XVème avec des feuilles
d'or couvrant toute la surface à peindre. Il s'agit d'une "Adoration des mages" (Florence), ou bien encore
les silhouettes nerveuses des reliefs de Ghiberti. Dans sa « Porte du paradis » du baptistère de Florence,
Ghiberti utilise une perspective bifocale, chaque panneau à son point de vue, refus de la méthode en
pyramide. Paolo Uccello, la bataille de San Romano (Louvre) encore ancienne perspective non pas
pyramide mais cercle, scène de chasse (Oxford)

L'influence réelle sera sur Piero della Francesca, lorsqu'en 1435 il vient à Florence. Le 12 septembre
1439, Piero est signalé sur les échafaudages du chœur de l'église Sant'Egidio à Florence, où il peignit en
collaboration avec son maître Dominico Veneziano (1410-1461) un cycle de fresques aujourd'hui perdues.
En 1438 Domenico Veneziano a conscience d'un changement ; les bons peintres sont Fra Angelico
(1395-1455) et Filippo Lippi (1406-1469) tous les deux non cités par Alberti avec, pour exemple
l'Annonciation (1435) du Prado ou le couronnement de la Vierge (Louvre) et, pour Lippi, "La vierge de
l'humilité" et surtout "La Pala" (1435, Louvre) avec les deux crosses asymétriques qui mesurent l'espace.

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