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TRAN-B-115 Notions générales d’Histoire de l’art Marie Linos

Histoire de l’art – Temps modernes


Introduction
Il est assez étonnant de constater qu’alors que les Temps modernes représentent une période
très bousculée sur le plan contextuel (social, politique, religieux, …), une cohérence dans la
manière de représenter les images inaugurée au XVème siècle va perdurer jusqu’au XIXème
siècle.

Cette manière de représenter naît durant la Renaissance où débute l’exercice de


représentation des choses conformément à la vision humaine, aux sens grâce aux règles de
perspective (règles qui permettent de représenter la 2ème dimension en 3 dimensions).

Alors qu’au Moyen-âge, l’artiste est intéressé par Dieu (comme un reflet des préoccupations
sociétales) ce qui influe sur les codes esthétiques à savoir que la représentation est
hiérarchique, graduée, le changement se fait sentir à l’aube de la Renaissance italienne avec
Giotto vers 1300.

Giotto (1267-1337), Fresque de l'Eglise supérieure d'Assise,


vers 1300, Saint-François reçoit les stigmates.

Il s’agit là de la première tentative de représentation vériste, peut-être, est-ce parce que


l’œuvre représente Saint François contemporain de cette époque.

Le premier qui « créera » la perspective avancées est Raphaël. Nous pouvons observer sur le
tableau qui suit une application de la perspective dite linéaire ou géométrique (emploi
de lignes fuyantes, création d’un avant-plan où les personnages sont plus grands, …). Le but
de l’artiste est sans conteste religieux dans une optique didactique : il s’agit de toucher le
public, l’instruire.

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Raphaël (1483-1520), le mariage de la Vierge

Da Vinci s’attachera, quant à lui, à développer la perspective atmosphérique à savoir un


jeu de lumière (arrière-plan flouté avec des teintes plus fades).

Léonard de Vinci (1452-1519, La Vierge, l'enfant Jésus et


Sainte-Anne, 1510. Paris, Musée du Louvre

Le Caravage ira encore plus loin en travaillant sur la profondeur, le volume grâce à la
technique du clair-obscur (contraste violent entre le clair et l’obscur, technique de jeu de
lumières et couleurs de différentes teintes qui procure un pouvoir illusionniste de volume à
l’image).

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Le Caravage (1571-1610), La conversion de Saint Paul, 1600.


Rome, Santa Maria del Popolo

Nous pouvons conclure en soulignant trois concepts qui seront donc utilisés jusqu’au
XIXème siècle, qui inaugurent une nouvelle représentation dans le domaine de l’art et
deviendront les fondamentaux de la tradition artistique européenne :

- Mimésis : utilisation de techniques permettent à la représentation de donner


l’illusion de la réalité
- Scénographie : mise en scène soignée avec une réflexion d’arrière-plan, d’avant-
plan, … pour entrer facilement dans l’œuvre
- Narration : l’œuvre raconte une histoire, elle a un but souvent didactique.

Renaissance
Introduction
La Renaissance, que l’on situe classiquement entre le XIVème et le XVIème siècle, n’est un
rien un phénomène homogène. Le changement n’est pas vécu du jour au lendemain, mais
petit à petit des évènements ou des pensées viennent bousculer l’ordre sociétal.

Nous pouvons tout d’abord citer l’humanisme, ou la pensée anthropocentrique, débarrassée


du poids de Dieu. Une volonté d’exploration, de découverte, influencée par le blocage des
Ottomans qui sont aux portes de Vienne.

Mais nous devons aussi envisager les bousculements sur le plan religieux, les schismes de
l’Eglise chrétienne, la Réforme, source de nombreuses guerres qui éloigneront l’Homme de
Dieu dont les sorts paraissent si différents, qui verra naître une certaine forme de liberté de
pensée.

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Holbein le jeune nous offre une représentation signifiante de ce changement. Les


personnages sont représentés en savants (au vu des nombreux accessoires : globe, Bible de
Luther, crucifix, …). Dieu est toujours présent dans l’art mais n’occupe plus une place
centrale. Cette œuvre nous offre aussi une anamorphose (le crâne) à savoir une chose réelle
représentée avec une perspective déformée.

Hans Holbein le jeune (1497-1543), Les


ambassadeurs, 1533. Londres, National Gallery

La Renaissance est marquée par une curiosité culturelle et scientifique originale qui pousse
aux échanges entre cultures notamment en Espagne avec les cultures arabes mais aussi à la
redécouverte de l’art antique, oublié au Moyen-âge car qualifié de païen, même le plus
banal comme par exemple Pompéi, témoin de la quotidienneté de l’Antiquité. Cette attrait
pour la culture antique va se ressentir également dans le choix des thèmes représentés,
comme dans cette œuvre de Posthumus qui peint l’archéologie naissante et cette passion
pour une compréhension scientifique (le personnage mesure, prend des notes).

Herman Posthumus (1512/1513-1566/1588),


Paysage avec ruines antiques, 1536.

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La Primatice (1504-1570), Ariane couchée,


1543.

Il est toutefois réducteur de penser que les artistes de la Renaissance sont de simples
imitateurs des artistes antiques. Nous voyons en effet, à travers cette œuvre de La Primatrice
qui se base d’un moulage d’une œuvre antique, que l’Antiquité est un modèle de création
mais que l’œuvre reste repensée originalement par l’artiste moderne.

A cette époque, l’Italie n’est pas un pays unifié mais la somme de petits Etats combattant sur
les plans militaire, culturel, religieux, pour s’offrir le privilège du titre d’Etat prestigieux. C’est
pour cette raison, notamment, que ce pays sera le terrain d’exploration artistique admirable.

A Florence, notamment, ville des Médicis, famille de banquiers riches, nous pouvons
observer cette volonté d’épatement grâce à des bâtiments comme le Michelozzo, qui
appartient à la famille Médicis au sein duquel nous pouvons trouver une fresque commandée
par la famille où cette dernière a demandé d’être représentée dans le décor de cette scène
religieuse.

Benozzo Gozzoli, L'adoration des mages,


1440-1441.

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Après une brève installation à Avignon, le Pape décide de réinvestir Rome qui, à l’époque, est
une petite ville modeste face à Florence, par exemple. Le pouvoir papal s’attachera donc à
redonner le pouvoir, le prestige que la ville avait connu. Nous pouvons notamment le
constater grâce à la construction d’un Bramante qui relie le palais pontifical à la villa du
Belvédère, recréant le cadre antique de l’architecture mais aussi inaugurant un nouveau lieu
de sociabilité.

Donato Bramante, Cortile del Belvedere, vers 1506. Vatican.

Les modèles italiens vont se diffuser à travers toute l’Europe grâce au commerce qui
s’intensifie dès le XVème siècle. Même l’art devient objet de marchandise puisque des
familles italiennes commanderont des portraits à des peintres flamands qui développent la
peinture à l’huile et s’attachent au réalisme le plus vériste.

Jan Van Eyck, Les époux Arnolfini, 1434. Londres, National


Gallery.

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L’exemple de la toile de Van Eyck pour les époux Arnolfini en est un exemple frappant. Le
moindre détail de la réalité est représenté jusque dans le miroir.

Dès la fin du XVème siècle, l’art de la Renaissance italienne est connu dans toute l’Europe et
est demandé partout comme nous pouvons le constater avec ce château qui, certes, tient
toujours du registre quelque peu militaire du Moyen-âge mais présente aussi une certaine
harmonie dans la décoration (fenêtres à croisillons à l’italienne, …).

Châteu d'Azay-le-rideau, 1518-1527.

La Première Renaissance et la mise en place de l’image mimétique


(XVème siècle)

Masaccio (1401-1428), La vie de Saint-Pierre,


1427. Florence, Santa Maria del Carmine, chapelle Brancacci.

Cette œuvre est collaborative, elle nous permet de saisir la technique de Masaccio. La
structure de l’image est importante : Masaccio peint sur une architecture préexistante et va
s’en servir pour sa propre œuvre en cherchant à insérer cette architecture dans la peinture et
créer une continuité de l’art dans l’art. La scène relate des épisodes de la vie de Saint Pierre
que l’on retrouve dans la Bible.

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L’œuvre principale : Masaccio, Le Paiement du tribut, 1427

En ce qui concerne les personnages/volumes :

- L’influence de la statuaire antique permet de simplifier les corps et de les concevoir


comme « statues », à savoir des présences à trois dimensions dans un espace à trois
dimensions.

- Les drapés, amples et lourds, donnent une consistance aux corps.

- Les personnages sont vus dans un contraste entre le clair et l’obscur, ce qui souligne
leur volume.

- Les apôtres sont placés en arc de cercle, forme qui « renforce » leur présence dans
l’espace, ainsi que la cohérence des liens qui les unissent.

En ce qui concerne la perspective :

- La perspective est l’élément clé de la construction mimétique de l’image, c’est elle qui
« organise » l’image. Dans De pictura, Alberti définit la perspective comme « […] une fenêtre
à travers laquelle l’histoire se donne à voir ».

- La perspective n’est pas un savoir neuf, il repose sur le savoir médiéval. Mais elle est
néanmoins systématisée. L’espace est scientifiquement construit. Pour autant, la
perspective n’est pas qu’un seul moyen d’obtenir une image mimétique. Elle est également
connotée d’une valeur « morale » ; dans Le paiement du tribut, par exemple, le point de fuite
est situé sur le visage du Christ. La perspective est également un marqueur de l’émancipation
des artistes. Par la maîtrise savante qu’elle véhicule, la perspective permet aux artistes de se
dégager du travail artisanal des corporations médiévales et de se construire progressivement
comme artistes.
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En ce qui concerne la narrativité :

- L’œuvre se libelle comme une construction narrative scénographique, à savoir


que « l’histoire » est « lue » visuellement par le peintre.

- Dans la ville de Capharnaüm (St Mathieu), un collecteur d’impôts demande au Christ


de payer un tribut. Le Christ demande à Saint-Pierre de retirer une pièce de la bouche du
premier poisson péché. A gauche, Saint-Pierre pêche le poisson. A droite, dans la seconde
partie de l’œuvre, Saint-Pierre paie le percepteur romain.

- L’œuvre a une résonnance contemporaine. En 1427, à Florence, il y a un débat sur une


réforme fiscale qui aboutit à la création du Cadastre, qui établit une taxation plus équitable
sur les citoyens.

En ce qui concerne la scénographie :

- En quelque sorte, Masaccio « décompose » les moments clés de l’histoire qu’il


structure dans un espace narratif cohérent. L’articulation visuelle correspond à l’articulation
narrative. En position centrale, le Christ « flèche » avec son doigt tendu la lecture de
l’épisode de gauche, alors que le percepteur, de dos, « flèche » la lecture dans l’autre sens,
avec l’épisode du paiement.

- La cohérence visuelle sert donc aussi à organiser une cohérence narrative.

Œuvres comparatives

Hubert (1366-1426) et Jan Van Eyck (1390-1441), Retable de l'Agneau mystique, vers 1432.

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Van Eyck nous offre ici une représentation de tout son art dans la peinture à l’huile. Il
travaille la technique de glacis à savoir la superposition de couches très fines avec des
pigments, ce qui renvoie de la lumière. Cette dernière est très importante dans cette œuvre
puisque le tableau cherche à en créer et les peintres ont tenu compte de l’éclairage de l’église
pour laquelle cette toile polyptique a été réalisée. L’œuvre est parfaitement mimétique et
parfaitement cohérente.

Andrea Mantegna, Retable de San Zeno 1456-1459

Ce tableau illustre également l’attention des artistes d’insérer le réel, la structure existante
dans l’art pour créer une œuvre mimétique et cohérente dans son ensemble. L’œuvre cherche
à restaurer les triptyques du Moyen-âge mais est en réalité en une seule partie (pala). Elle
représente la Vierge entourée de saints dont Zénon, le saint-patron de Vérone.

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Nanni di Banco (1330-1421), Quatre Saints couronnés, 1410-1413

L’œuvre présente s’inspire, pour la construction des corps, des statues romaines, notamment
dans les proportions. On s’intéresse au fait de donner un aspect de volume, « une statue
virile », plutôt que de respecter la grâce et le mouvement des statues gothiques. Même si le
décor est gothique, la position des personnages en arc-de-cercle nourrit le réalisme tout
comme le tableau de Massacio.

Andrea Pisano (1290-1348/49), Porte du Baptistère Saint-Jean Baptiste de Florence, 1330-


1338, Les marchands chassés du temple.

Cette œuvre est issue d’une église baptistère (qui célèbre le baptême du Christ) construite
dans un style roman toscan. Cette œuvre est encore significative des courants artistiques
du Moyen-âge : la polychromie rappelle le roman, la perspective n’est pas respectée, les corps
possèdent encore cette grâce gothique et cette non-consistance.

Lorenzo Ghiberti, Le Sacrifice d'Isaac, 1401. Panneau pour le concours de 1401 préalable à la
création de la seconde porte du Baptistère.

A travers cette deuxième œuvre, réalisée plus tardivement, nous avons le témoignage de la
pénétration des principes de la Renaissance dans l’art : Abraham structure la scène ce qui

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offre une certaine cohérence, recherche d’une vague vraisemblance, corps gothiques mais
recherche de volume (notamment pour le corps d’Isaac).

Lorenzo Ghiberti, Portes du Baptistère de Florence 1425-1452, L'histoire de Joseph

Cette troisième porte marque l’aboutissement de l’instauration des canons de la Renaissance.


Cohérence entre l’espace et les personnages, règles de perspective respectées, proportions
réalistes, jeu sur les reliefs forment une œuvre plus « moderne » que les précédentes.

Donatello, David, vers 1440. Florence, Bargello.

L’œuvre représente le David de la Bible, vainqueur de Goliath. Le personnage possède encore


ce caractère un peu aérien typique du gothique ainsi que ce rictus traditionnel mais il s’agit
tout de même du premier nu monumental (1, 5m à savoir la taille que devait avoir David
comme raconté dans la Bible). Les détails ainsi que le volume du corps laissent également

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entrapercevoir le début de l’application des fondamentaux de la Modernité. La statue aurait


été commandé par les Médicis mais les interprétations restent douteuses : s’agit-il d’une
manière de représenter la bataille d’Anghiari qui opposa les Florentins aux Milanais ? ou le
chapeau nous permet-il de voir Mercure, dieu antique du commerce ?

Filippo Brunelleschi, Santo Spirito, Florence, 1444-1487

Ces fondamentaux de l’art vont toucher l’ensemble des arts et non seulement la peinture.
Nous avons un exemple dans l’architecture. La rupture est nette vis-à-vis de ce qui a précédé
à savoir le gothique. En effet, ce mouvement recherchait la hauteur, la verticalité, développait
un goût pour les arcs d’ogive, les espaces sombres. Les églises de la Renaissance, elles, vont
rechercher un espace à la mesure de lui-même (reflet d’un changement de point de vue : du
théocentrique à l’anthropocentrique), vont adopter une polychromie naturelle des pierres,
vont s’attacher aux modèles antiques (colonnes) tout en surhaussant les voûtes grâce à
l’allongement des colonnes, ce qui aère l’espace.

Classicisme de la Renaissance (1495 – 1520)


La perspective est parfaitement maîtrisée, la représentation évolue donc vers une
dimension plus subtile. L’artiste va chercher à créer un espace continu homogène où le fond
épouse la forme. Les personnages, en effet, ayant désormais acquis toute la monumentalité
que pouvait avoir les statues antiques, vont être étudiés dans leur ensemble, à savoir que les
liens psychologiques naturels des personnages seront aussi importants que le
personnage en lui-même pour former une véritable harmonie visuelle.

L’art deviendra bientôt un domaine de compétition et on observe un mouvement d’œuvre qui


se « répondent » les unes aux autres. C’est surtout grâce à l’évolution du statut d’artiste
que l’art revêtira une dimension originale car l’artiste cherche à devenir un style unique. Une
commande artistique est demandée à l’artiste personnellement.

A cette période, c’est surtout Rome qui bénéficiera des fastes artistiques. Les papes, en effet,
vont pousser la demande artistique au sommet pour retrouver la glorieuse Rome antique, en
particulier Jules II.

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L’œuvre principale : (Léonard de Vinci, la Vierge aux rochers, 1483-1486) Léonard


de Vinci, la Vierge aux rochers, 1507-1508

1ère œuvre

2ème œuvre

- Dans un espace vériste, Vinci est l’un des premiers à trouver une ordonnance juste et
vraisemblable entre les personnages. Il y a une « science des groupes solidaires »,
c’est-à-dire une relation cohérente entre les personnages qui ne passe pas uniquement

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par la perspective, mais par un traitement vériste des compositions, depuis les positions
jusqu’aux psychologies.

- L’œuvre montre le mystère de l’Incarnation à travers les figures de Marie, Saint-Jean


Baptiste le Christ et l’Ange Gabriel. L’œuvre a été commandée par la Confraternité de
l’Immaculée Conception pour une église de Milan. La première version (Louvre) a choqué
les commanditaires (les attributs ne permettent pas assez de distinguer Saint-Jean et le
Christ, pourquoi Gabriel montre-t-il du doigt Saint-Jean et non le Christ ?).

- La représentation du milieu naturel était absolument nouvelle et connut un succès


immense. Celui-ci est constitué d’un univers minéral étonnant, avec des atmosphères
vaporeuses nourries par une multiplication des sources de lumière. Une certaine absence
de réalisme place l’œuvre au plan symbolique, comme si, effectivement, Léonard
soulignait surtout l’aspect surnaturel du mystère de l’Incarnation. En même temps, c’est
un univers naturel constitué de paysages, ce ne sont pas ces décors d’architectures « hors
du monde » des premières œuvres de la Renaissance.

- L’idée d’un monde minéral renvoie aux traces du déluge. Sur le déluge, Vinci a écrit « Les
montagnes dépouillées révéleront les profondes failles faites par les anciens
tremblements de terre ».

- L’espace est porteur de sens. L’arrivée du Christ sur terre permet de régénérer le monde ;
le Christ fait la transition entre l’Ancien et le Nouveau Testament. En même temps, la
scène préfigure la passion. Dans une tradition florentine, on considère Saint-Jean
Baptiste comme compagnon de jeu du Christ. Saint-Jean préfigure en même temps le
Christ et, par ailleurs, il a conscience du sacrifice à venir, incarné par la position du
Christ, appuyé devant un précipice.

Œuvres comparatives

Léonard de Vinci, La Vierge, l'enfant Jésus et Sainte Anne, 1509-1510.

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L’œuvre représente une généalogie religieuse habituelle. Elle n’est pas peinte selon les règles
de la perspective géométrique mais plutôt selon les préceptes de la perspective
atmosphérique grâce au sfumato distinguant les personnages de l’avant-plan du paysage de
l’arrière-plan. Da Vinci prend le contre-pied de l’iconographie traditionnelle de la Vierge en
nous offrant une scène « quotidienne », préférant le prisme psychologique. L’agneau annonce
l’épisode de la passion du Christ (il symbolise le sacrifice).

Michel-Ange, Tondo Doni, 1505 ou 1507.

Voici un exemple d’œuvre « réponse » à celle de Da Vinci qui précède. Michel-Ange


représente la Sainte famille (Joseph, Vierge, Christ) en avant-plan et des « ignudi » en
arrière-plan censés désigner les âmes païennes. Le point fort de l’artiste, avant tout sculpteur,
réside dans la stature des personnages ce qui permet de représenter une présence inédite
des personnages, poussant la science des groupes solidaires à son paroxysme. Les
personnages sont ainsi construits de manière originale, en banalisant les personnages saints.

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Raphaël, L'Ecole d'Athènes, 1509-1510, Vatican.

Le tableau nous offre une application de la perspective géométrique. Réalisée dans


l’architecture même, la peinture est à nouveau une volonté de dépasser la frontière de l’art et
de la réalité. Elle est innovante aussi sur le thème : l’idéal n’est plus tant religieux mais
intellectuel : il s’agit de s’élever intellectuellement vers ces philosophes (l’escalier en est
le symbole). Par ailleurs, la signature se situe sur le cou d’Euclide, mathématicien, ce qui
symbolise l’aspect technique et original de l’art : peindre n’est pas accessible à tout le monde.
Cette signature est donc une preuve de l’évolution de l’artiste dans la société.

Michel-Ange, La Chapelle sixtine, 1508-1512.

A nouveau, cette œuvre est à considérer en parallèle avec la précédente. En 1508, la


décoration de la Chapelle est déjà créée. Michel-Ange choisit de peindre une scène continue,
qui serait une représentation du parcours de l’Ancien au Nouveau Testament (jusque donc au
jugement dernier). Il s’agit d’une fresque (technique à l’œuf qui sèche vite) plutôt que d’une
toile à l’huile. L’artiste va également avoir cette volonté d’inscrire l’art dans la réalité
architecturale en créant des trompe-l’œil : les arcs peints sont des continuations, des
prolongements de la structure architecturale.

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Michel-Ange, La création d'Adam, 1510-1511

Les personnages sont nourris par leur présence, cette puissance d’exister inspirée de la
sculpture antique, technique nommée « terribilita » Cette œuvre représente un contraste
entre la mollesse d’Adam et la détermination de Dieu. Il faut noter que les doigts se
rapprochent mais ne se touchent pas symbolisant que l’Homme est à l’image de Dieu mais
éloigné ce qui lui procure sa liberté de pécheur. Des historiens de l’art estiment voir Eve dans
le mollet d’Adam, signe de la nature divisée (à la fois masculine et féminine de l’Homme).

Giorgione, La Tempête, vers 1507

Ce tableau est une commande privée qui demeure très énigmatique : est-ce un soldat et une
tsigane ? Adam et Eve ? La peinture est néanmoins un héritage avoué de la peinture
d’atmosphère caractéristique de la peinture vénitienne là où la peinture florentine est très
détaillée, dessinée. On va parler de brièveté pour qualifier cette tendance, le fait que tout
n’est pas raconté de manière linéaire dans les moindres détails, mais qu’un épisode puisse, de
manière instantanée susciter une émotion, évoquer une scène.

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Donato Bramante, Tempietto de San Pietro in Montorio, vers 1510.

Dans le domaine de l’architecture, la maîtrise de l’ordonnance est parfaite et les artistes


ont développé une capacité à l’expressivité. Il s’agit d’un martyrium à savoir une église en
l’honneur d’un martyr qui rappelle l’architecture de la tholos. Par ailleurs, notons que
Bramante utilise tout le vocabulaire architectural antique (cella, colonne, …) et pousse une
recherche de l’expressivité. Il utilise les divers éléments des innovations antiques pour
recréer un langage architectural de la Renaissance mais d’inspiration antique.

Michel-Ange et Ammanati, La Bibliothèque laurentienne, 1524-1531 et 1551-1571.

L’articulation des murs se fait par des colonnes en pietra serena doublées dans des niches. Ce
dispositif est à relier à la conception d’Alberti qui pense que la colonne est l’ossature du mur,
mais chez Michel-Ange, ceci constitue avant tout une solution expressive. Dans une seconde
phase, Ammanati construit l’escalier sur un dessin de Michel-Ange, escalier réalisé comme
une architecture expressive, avec des marches plates de part et d’autre des deux rampes, et
convexes à l’intérieur. Il prend aussi la tradition architecturale du Quattrocento à contre-pied
car des éléments de décor habituellement réservés à la façade (colonnes, fenêtres) sont
utilisés dans le vestibule, ce qui donne une tension dramatique à l’espace.

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Maniérisme
Introduction
Dès le début du XVIème siècle, l’Europe est en proie au doute religieux : c’est l’époque de
la Réforme, des schismes, des guerres de religions et des violences qui s’ensuivent.

Hieronymus Bosch,
Triptyque de la tentation de Saint-Antoine, 1506
L’art de cette époque représentera donc cette violence, cette vague de désaccord comme ici où
l’Eglise catholique est critiquée. Le thème biblique choisi démontre un trouble ambiant de
l’époque. En bas, les monstres à tête d’oiseau symbolisent le trafic des indulgences.

Mais c’est surtout la mort et les guerres qui hantent les artistes qui iront jusqu’à les
représenter de manière tragique comme Bruegel l’Ancien. La critique de la religion
catholique se fait plus sévère, l’Europe se meurt et Bruegel en est le témoin. En contraste, il
peint un couple d’amoureux qui ne semble pas avoir sa place dans un monde si morbide.

Peter Bruegel l'Ancien, Le triomphe de la mort,


vers 1566.

Les échanges artistiques se perpétuent néanmoins et les peintres flamands viennent


apprendre les techniques des grands noms de l’art en Italie où les artistes ont encore franchi

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un pas : le défi n’est plus la représentation vériste mais le souci technique, la virtuosité. Il
s’agit de se poser en tant que personne à part doué d’un talent personnel. L’artiste est devenu
est technicien très respecté. Le tableau devient une démonstration du génie de l’artiste.

Pontormo, La déposition, 1527.

L’œuvre transcende la scène en soi, elle se situe dans l’irréalisme. La mise en scène (torsion,
positions, …) rend un côté sur-joué, théâtral et profondément dramatique. Les sentiments
forts transcendent la réalité.

Ce jeu sur le mouvement nous le retrouvons également dans la sculpture. La structure


devient serpentine, il faut tourner autour pour tout comprendre de l’œuvre, la maîtrise 3D
est acquise parfaitement.

Giambologna (1529-1608), L’enlèvement d’une Sabine, 1583, Florence,


Piazza della Signoria.

A Venise se développe un courant coloriste : la peinture comme matière accompagnée d’une


difficulté à saisir le dessin. Titien s’inscrit dans ce courant et utilise une technique dite « a
macchia » à savoir par touches ce qui rend l’œuvre vaporeuse, débordant du cadre. Il en
ressort une énergie picturale qui va offrir à l’art une dimension sensuelle qui dépasse
la représentation objective.

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Titien (1490-1576), Portrait du Doge Andrea Gritti, 1546-1548.


Washington, National Gallery.

Le maniérisme et l’expressivité (1527 – 1580 /1620)


L’œuvre principale : Maarten van Heemskerck (1498-1574), Saint Luc
peignant la Vierge, 1532. Haarlem, Frans Hals Museum.

- L’œuvre illustre la distanciation par rapport à la représentation qui s’illustre dans


la peinture maniériste. Le tableau, au-delà de son sujet, met en abyme la peinture. Le
tableau « est » dans le tableau, comme si ce qui était mis en valeur n’était pas le sujet
mais l’écriture du sujet, le style. La peinture se pose comme discipline et cherche à

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affirmer la prise en compte de ses propres pratiques dans l’appréciation d’une


représentation.

- Van Heemsckerck cherche d’ailleurs à scinder la dimension religieuse du sujet, et


l’acte de représentation, associé au monde profane. Cette distinction s’opère par
le recours à l’influence antique : la Vierge est associée à la Victoire alors Saint Luc est
associé à un monde profane ; on peut même se demander si cette dernière association
(Luc est censé être un personnage « saint ») n’autorise pas à penser que le peintre se
représente lui-même à travers la figure de Saint Luc.

- On remarque également une utilisation symbolique intéressante des références antiques.


Le peintre est un artiste du Nord, et l’on sent chez lui une propension à accorder aux
choses peintes une dimension symbolique importante comme dans la peinture des
Primitifs flamands. Mais ici, ce n’est pas le mystère chrétien qui est évoqué ; les symboles
antiques sont plutôt un instrument de savoir, ce qui démontre la volonté de présenter la
peinture comme art savant et d’affirmer la pratique libérale de cet art.

Œuvres comparatives

Jacopo Pontormo (1494-1557), La Visitation, Florence, SS Annunziata

Cet œuvre fait penser à Michel Ange par des couleurs curieuses mais aussi par la
monumentalité des corps, typique de l’art de l’artiste de la Renaissance. Nous pouvons
distinguer la séparation nette de l’avant-plan et de l’arrière-plan dans le thème représenté :
devant, la Vierge et Sainte Elisabeth sont les sujets représentés, et à l’arrière, deux

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personnages que les historiens de l’art disent être également la Vierge et Sainte Elisabeth,
mais représentée sous l’angle du profane. L’artiste aurait voulu dissocier le religieux du
profane. Le tableau représente un extrait de la Bible où Sainte Elisabeth pousse un cri.
L’émotion passe par l’expression gestuelle.

Titien (1490-1576), L’Assomption de la Vierge, 1515-1518. Venise, Eglise des Frari.

Cet œuvre nous offre une fenêtre vers la peinture de Venise où l’exaltation des couleurs
prime. La lumière et les couleurs nous montrent comment il faut regarder le tableau. En effet,
vers le haut, le jaune est chaleureux, affirmé alors que vers le bas, il tend plus vers le blanc,
couleur plus neutre. Les personnages en rouge flèchent le tableau et propose une ascension
dans la manière de regarder celui-ci. La couleur devient un élément narratif à part entière.

Véronèse (1528-1588), Les Noces de Cana, 1563. Paris, Musée du Louvre.

L’œuvre raconte le miracle par lequel le Christ a transformé l’eau en vin à Cana. Il s’agit donc
bien d’un épisode biblique mais la représentation suggère plutôt une grande fête, une
peinture plus profane. Les personnages et les décors sont typiques du XVIème siècle.
Certains prétendent que Véronèse s’est peint : il serait le personnage en blanc. Toutefois,

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certains éléments dans le tableau renvoient à des allusions religieuses : le sablier, la Vierge
semble porter le deuil en noir, … Le tableau est surtout très en couleurs, ce qui lui procure
une richesse nouvelle qui appelle un certain luxe mais aussi permet d’individualiser les
personnages.

Tintoret (1518-1594), La dernière Cène, 1579-1581. Venise, Scuola di San Rocco.

Dans La dernière Cène, le Christ annonce qu’un disciple va le trahir, ce qui explique la
perplexité des apôtres. Mais comme les autres peintres Vénitiens, Tintoret mélange sacré et
profane, avec un grand souci de pittoresque : la scène de cuisine au fond de la salle, le chien à
l’avant-plan, etc. Le spectateur contemple autant une scène biblique qu’une scène de cabaret
du 16e siècle vénitien, ce qui annonce l’essor de la peinture de genre. Pour autant, les thèmes
profanes peuvent avoir une présence symbolique. Au premier plan, la mise en tension de
l’homme et de la femme avec un chien au milieu pose la question de la fidélité.

Caravage (1571-1610), La conversion de Saint Paul, 1600, Rome, Santa Maria del Popolo.

Saint-Paul, qui persécutait les chrétiens, tombe de cheval sur le chemin de Damas. Il est
aveuglé par la lumière divine et se convertit. Caravage va engendrer un art expressif et

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fougueux, tout en contrastes et en ruptures. Pour ce faire, il table sur des moments
d’instantanés qu’il éclaire d’une lumière violente qui contraste avec l’obscurité. C’est ce qu’on
appelle le « clair-obscur ». La perspective en raccourci est légitimée par le fait que l’œuvre
était placée au-dessus de l’autel et était donc vue du bas. Caravage fait montre d’un réalisme
qui accentue encore cet aspect. Son œuvre est vériste, sans souci de se placer dans un
monde idéal. Il a été montré qu’il a beaucoup utilisé de personnages réels, des gens des rues,
des prostituées, comme modèles.

Georges de la Tour (1593-1652), Le joueur de vielle, 1620-1625. Nantes, Musées des Beaux-
Arts.

Nous avons ici une œuvre qui exploite le caravagisme à la française. C’est surtout l’idée
du clair-obscur qui est reprise. Au niveau des thèmes, la peinture s’affranchit des
thèmes religieux pour s’avancer vers un réalisme plus trivial.

Rhétorique classique et Baroque


Introduction
Une nouvelle ère religieuse s’ouvre : celle de la Contre-Réforme. L’Eglise catholique va
réagir à la Réforme en voulant « ramener » les fidèles. Les conflits sont loin d’être finis, de
nouveaux ordres se créent comme les Jésuites. Sur le plan artistique, la tendance est à
l’exploitation d’un art théâtral, émotionnel.

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Le Bernin (1598-1680), L’extase de Sainte Thérèse, 1647-1652. Rome,


Santa Maria della Vittoria, Chapelle Cornaro.

La sculpture est en ronde-bosse théâtralisée à outrance, dans une recherche de


sensationnalisme.

L’architecture, quant à elle, sera aussi le terrain de bouleversements artistiques dans une
recherche de la théâtralité. Les fidèles doivent avoir envie de participer à la liturgie.

Eglise jésuite Saint-Michel de Louvain, 1650-1666

La forme prime sur la fonction, presque. La façade est très décorée pour attraper le regard, la
théâtralité est très palpable.

Andrea Pozzo (1642-1709), La gloire de Saint Ignace, 1691-


1694. Rome, Sant’Ignazio.

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Pozzo utilise une architecture en trompe-l’oeil, la « quadratura », pour ouvrir sur une
aspiration vertigineuse. L’église n’est qu’un théâtre qui ouvre sur une spiritualité bien
supérieure, dans l’idée de frapper les esprits. Les raccourcis des perspectives verticales créent
un effet d’aspiration. On veut susciter un état de fascination proche du ravissement
mystique. Ce ne sont pas des iconographies « pessimistes » mais, au contraire, remplies
d’espoir (assomptions, triomphes, gloires).

Pour couronner le tout, le 17e siècle voit l’essor de l’ut pictura poesis, précepte poétique
du Tasse selon l’adage d’Horace (« comme la peinture, la poésie »), à savoir que le tableau
n’est pas une illustration fidèle et mécanique de l’histoire, mais une représentation
vraisemblable, voire poétique.

Annibal Carrache (1560-1609), Paysage avec fuite en


Egypte, 1603. Rome, Galerie Doria-Pamphili.

Ici, le naturalisme vise au réalisme pour induire un sentiment poétique qui va permettre in
fine d’éprouver un sentiment plus abstrait, hors du sensible, dans la sphère du religieux. C’est
tout en douceur et en vérisme, en poésie, pour que le commun des mortels puisse s’y projeter.

On oppose souvent Baroque et Classicisme où l’harmonie règnerait sur la théâtralité. Les


historiens de l’art sont beaucoup moins enclins à cette opposition actuellement même s’il est
vrai que les volontés artistiques ne sont pas les mêmes.

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Le Bernin (1598-1680), Saint Longin, 1629-1638. Rome, Saint-Pierre

François Duquesnoy (1597-1643), Saint-André, 1629-1640. Rome,


Saint-Pierre.

Les deux tableaux expriment cette différence : alors que le premier est théâtral, il s’agit de
capter le moment instantané où Saint Longuin est foudroyé de remords, le drapé exprime
une continuité irréaliste mais psychologique, le second est plus serein, plus dans la
contemplation, la croix dynamise l’espace.

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Pierre-Paul Rubens (1577-1640)


Triptyque de la Déposition de la Croix. 1612-1614. Anvers, Cathédrale.

Charles Lebrun (1619-1690), La Descente de croix, vers 1680.


Rennes, Musée des Beaux-Arts

L’œuvre triptyque de Rubens traduit la volonté de l’Eglise catholique de retrouver son âge
d’or. La composition est ordonnée, stable. Le Christ offre une preuve de la maîtrise de la
monumentalité antique. Mais, en même temps, l’œuvre est émotionnelle, passionnelle.

Le même épisode relaté par Lebrun donne tout autre chose : il supprime les détails trop
réalistes pour offrir une présence héroïque au Christ (dont le corps ne s’affaisse pas). La
composition est parfaitement organisée.

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Par ailleurs, le style personnel est compris et valorisé et on assiste à la multiplication des
collectionneurs animés par la volonté de collectionner. L’art est valorisé pour sa
différence, sa particularité. Le tableau est apprécié pour lui-même.

Hieronymus II Francken (1578-1623), La collection


de Sebastiaan. Leers, Anvers, MKSMK.

La spécialisation entraîne aussi une spécialisation dans les genres. Au 16e, les artistes se
spécialisent, et au 17e, la peinture se hiérarchise dans des sous-genres bien particuliers,
paysages, batailles, natures mortes. On relit aussi les anciens, notamment Pline, qui donne
des listes de sujets des œuvres antiques, démarche qui aboutit à une prise de conscience que
les Grecs pratiquaient des genres différents. L’Académie va hiérarchiser les genres, mais en
même temps, la peinture devient une pratique intellectuelle, valorisée, et donc les peintres de
genres mineurs cherchent également une légitimité. Sur le plan spirituel, la Contre-Réforme
donne un contenu à nombre de sous-genres, il y a l’idée que la peinture, art noble, est en
mesure de faire le tour de la diversité de la création.

Le portrait devient un sous-genre très apprécié, une forme de l’aboutissement de


l’individualisme bourgeois. Le but est de représenter l’âme, la psychologie d’un personnage, il
s’agit donc d’un portait intime.

Sébastien Bourdon (1616-1671), L’Homme aux rubans noirs, vers


1657. Montpellier, Musée de Fabre

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Le paysage acquiert également un statut indépendant.

Le Lorrain (Claude Gellée, 1600-1682), Paysage avec la


nymphe Egérie.

Le Lorrain peint une œuvre en subtilité, sereine, qui exalte la grandeur de la nature pour elle-
même. L’œuvre est commandée par les Colonna d’où les colonnes, ce qui prouve un
dépassement dans la manière de représenter, moins littérale.

Naissent aussi les natures mortes, même si elles restent les moins valorisées.

Harmen van Steenwyck (1612-1659), Vanité, 1652.

La vanité (qui rappelle le caractère mortel de l’Homme) procure à ces peintures un caractère
plus moral. Le genre renvoie surtout à la volonté de découverte, d’exploration des thèmes.

La volonté d’explorer la diversité pousse à la création d’écoles d’un style propre.


L’enseignement de l’art se fait selon des canons propres à ces différentes écoles.

Peter de Hooch (1629-1684-94), La Mère, 1659-1660.

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L’école de Deft, école représentative du style du nord, est obsédée par la perspective et
exploite le caractère doux de la lumière. La peinture relève de l’ambiance.

Louis Le Vau (1612-1670), La façade du Château de


Versailles, depuis les jardins.

A côté de ce premier courant, nous avons le courant du Classicisme poussé à son


paroxysme avec Versailles. L’esthétique classique est basée sur la recherche de la perfection.
C’est un art de l’équilibre basé sur le sentiment naturel de l’harmonie.

Le Baroque et l’expressivité (1580/1620 – 1700)


L’art progresse mais certaines grandes tendances ou volonté ne s’estompent pas pour autant.
Ici, l’expressivité, exploitée dans le maniérisme, refait son retour dans le Baroque. Le terme
est d’ailleurs remis en question dans le monde de l’Histoire de l’art car il engloberait de
nombreux courants que l’on ne discerne pas. Il vient du terme portugais « barroco » qui
désigne une perle irrégulière et c’est pour cette raison qu’originellement, il possède une
connotation péjorative et signifie plutôt bizarre, hors du commun. Le courant baroque
impose une rhétorique franche, théâtrale et volontairement grandiloquente. L’art baroque
est marqué par le courant de la Contre-Réforme et à ce sens va représenter des liens
fusionnels avec le divin pour sensibiliser le public. L’art va exploiter au maximum
l’exacerbation du pathos, de l’émotion.

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L’œuvre principale : Bernin (1580-1680), Apollon et Daphné, 1625.

- Le sujet est tiré des Métamorphoses d’Ovide. Daphné est victime des ardeurs d’Apollon.
Elle implore son père de la sauver ; celui-ci la transforme en laurier.

- L’influence de l’Antiquité est nette, car l’Apollon rappelle l’Apollon du Belvédère. Mais Le
Bernin donne une subtilité et un sentiment de l’instant totalement absents de la sculpture
antique, où les représentations tablent plutôt sur des « permanences ».

- Ici, le mouvement est en cours, avec une idée de déséquilibre, et un contraste brutal
puisque la course est représentée en plein instantané, au moment où Daphné commence
à se métamorphoser. La taille des mains qui se transforment en lauriers est d’une
délicatesse particulière. Bernin parvient à donner l’idée poétique d’un mouvement fugace,
transitoire.

Œuvres comparatives

Nicolas-Sébastien Adam (1705-1778), Prométhée enchaine, 1762. Paris, Musée du Louvre.

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Adam représente Prométhée qui a offert le feu aux Hommes et est donc puni par les dieux :
chaque jour, il se fait manger le foie par aigle. Le drapé matérialise la volonté théâtrale. La
douleur est représentée, le pathos est complètement exploité.

Pierre-Paul Rubens (1577-1640), L’apothéose d’Henri IV et la proclamation de la régence de


Marie de Médicis. Vers 1622-1625. Paris, Musée du Louvre.

Il s’agit d’un tableau clé d’un cycle commandé par Marie de Médicis. On remarque que
l’œuvre n’est pas unifiée autour d’un thème central, au contraire, deux « moments »
coexistent en tension visuelle. On ressent également l’héritage des peintres de la
Renaissance vénitienne dans l’utilisation de la couleur comme élément narratif.

Rembrandt (1606-1669), La Ronde de nuit, 1642. Amsterdam, Rijksmuseum.

L’œuvre représente la milice des mousquetaires d’Amsterdam, elle est une commande privée.
Le titre a été donné postérieurement même s’il ne s’agit pas d’une représentation nocturne
mais d’une application du clair-obscur de Le Caravage. Rembrandt recherche la puissance
allusive grâce à des procédés baroques : les personnages ne sont pas rassemblés pour créer
une harmonie d’ensemble au contraire, ils sont individualisés pour créer une tension dans
l’œuvre.

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Bernin (1598-1680), Le Baldaquin de Saint-Pierre de Rome, 1624-1633.

Il s’agit d’une pièce en bronze de 29 mètres de haut, que l’on considère comme la plus haute
structure de bronze au monde. L’œuvre s’inscrit dans l’idée de la Contre-Réforme de
revivifier le culte catholique dans une veine théâtrale. Les colonnes spiralées créent un
sentiment d’ascension gigantesque qui parvient à aspirer le spectateur et créer un lien
entre l’univers terrestre et la coupole, qui représente le monde céleste.

Pierre de Cortone (1596-1669), Santa Maria della Pace, 1656. Rome

Chargé d’embellir une église, Cortone va utiliser des moyens nouveaux en créant une petite
place, ce qui permet de mettre en relief la façade. Les ailerons se rattachent à la façade pour
donner des alternances vides-pleines, typiques du baroque et offre ainsi une architecture
nouvelle, théâtrale.

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Francesco Borromini (1599-1667), Sant’Ivo della Sapienza. 1643-160. Rome

La forme de la chapelle est hexagonale, avec une façade en demi-lune concave. De manière
verticale, les arrêtes de la coupole se prolongent jusqu’au sol, ce qui donne un sentiment
d’aspiration ininterrompue sur toute la hauteur. La forme de la coupole est théâtrale. Elle
veut suggérer une abeille en vol, qui est l’emblème du Pape Urbain VIII et, par ailleurs, une
allégorie de la Sagesse.

L’image classique (1600-1700)


L’image classique, en prolongement du Classicisme de la Renaissance, construit un modèle
de maîtrise de la représentation mimétique au 17e siècle. Il s’agit d’un art qui exprime
son caractère savant dans un style fait de retenue, de proportion et d’équilibre.

En France, le Classicisme est intimement mêlé à la création de l’Académie des Beaux-


Arts et à la puissance politique du pouvoir royal (Louis XIV, à partir de 1661) qui confère à
cette esthétique ses lettres de noblesses. L’enseignement est basé sur la pratique savante du
dessin, qui est une possibilité d’étudier la nature mais aussi de la travailler et de l’idéaliser. Le
statut de la peinture comme « art libéral » n’est pas celui d’un art qui imite servilement la
nature, mais bien d’une pratique basée sur une « idée de la perfection ». La peinture, dans la
mentalité classique, est didactique ; elle se doit d’instruire tout autant qu’elle émeut. Cette
conception mènera à un violent débat entre les tenants du dessin et ceux de la couleur qui
défend la finalité visuelle de la peinture.

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L’œuvre principale : Diego Velázquez (1599-1660), Les Ménines, 1656.


Madrid, Musée du Prado

- Le peintre représente une partie de l’Alcazar à la cour de Philippe IV. On y voit l’infante
Marguerite-Thérèse. Une radiographie a montré que sur la partie gauche, il y avait un
rideau rouge et un garçon tendant un bâton de commandement à l’infante. Mais lorsque
naît Prospero, l’héritier du trône, Velazquez change le tableau et se « représente
représentant » le roi et la reine.

- Au fond, un miroir montre le roi et la reine. Pour certains, ce miroir réfléchit le tableau
que peint Velazquez, pour d’autre, il réfléchit les personnages réels qui sont devant la
scène.

- L’artiste sonde l’idée de réel et d’imaginaire puisqu’il se représente lui-même dans


l’œuvre occupé à peindre la scène tout en regardant le spectateur. Le sens est complexe. Il
y a à la fois un jeu sur l’idée d’art et d’illusion, qui est un thème connu à la période
classique en Espagne. Velazquez se représente par ailleurs au sommet de sa
reconnaissance. Il se montre en chevalier de l’Ordre de Saint-Jacques, il en pose d’ailleurs
les insignes sur son habit, ce qui montre qu’à cette époque, le peintre se considère
comme un maître, et pas un simple travailleur manuel.

- Velazquez veut montrer que la peinture est l’expression d’une pratique libérale et pas
d’un simple artisanat. C’est l’idée de la peinture comme « cosa mentale », chose de
l’esprit, pleinement incarnée ici par l’intellectualisation d’un sujet mineur.

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Diego Velázquez (1599-1660), Le triomphe de Bacchus, 1692. Madrid, Musée du Prado.

La peinture du XVIIème siècle devient de plus en plus réaliste, pittoresque. Bacchus semble
désintéressé mais surtout très profane. Le personnage qui sourit évoque le picaro,
personnage à la mode dans l’Espagne du XVIIème siècle.

Johannes Vermeer, L’atelier (1665-1666)

L’œuvre est un autoportrait mais comme Vermeer se présente de dos, comme s’il souhaitait
que le spectateur contemple l’intelligence de la peinture, le sens du tableau est plus lointain :
il s’agit d’une allégorie de la peinture. La technique de Vermeer consiste à organiser
l’espace de telle façon que nous sommes face à illusion parfaite de la réalité. Le rideau
semble en effet très réel. On peut donc voir également dans ce tableau un questionnement sur
l’illusion.

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Nicolas Poussin (1594-1665), Le Jugement de Salomon, 1649. Paris, Musée du Louvre.

Dans la Bible, Salomon est reconnu comme un roi de très grande justice. Deux femmes ont
chacune un enfant, mais l’un des deux est mort dans son sommeil. Elles se disputent l’autre
enfant, affirmant chacune être sa réelle mère. Salomon ordonne alors qu’on coupe l’enfant en
deux et qu’on donne une moitié à chaque femme. A ce moment, l’une des femmes demande
que l’on ne tue pas l’enfant et qu’on le donne à l’autre femme. Salomon reconnaît alors la
véritable mère. A droite du trône, on trouve un personnage au regard de philosophe ; il a
compris le subterfuge utilisé par Salomon. De l’autre côté, un personnage en prière symbolise
la foi et la confiance en l’autorité suprême de Salomon. L’œuvre s’articule sur
l’ordonnancement typique de l’écriture classique. L’histoire est structurée dans la
composition même, avec un triangle à pointe vers le haut. Salomon représente la pointe,
c'est-à-dire le dépassement des contraires. L’ambition de la peinture classique est à la fois de
créer une image scénographique qui se lit, certes, mais qui a aussi un point de vue unifié, qui
se donne dans l’instant. C’est un art de clarté, de concision, d’équilibre.

Versailles

Louis Le Vau (1612-1670), Façade (côté jardin) du Château de Versailles.

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Le rythme des fenêtres crée un ordre classique, évoquant la stabilité. Le Vau décide de
travailler non la brique mais la pierre blanche, symbole de noblesse.

André Le Nôtre (1613-1700), Les jardins de l’orangerie de Versailles, 1684-1686.

Voici un exemple de « jardins à la française » pour lesquels il a fallu 40 ans d’aménagement.


Il était cependant très symbolique de rechercher la perfection dans les jardins car la
nature est par définition ce que l’Homme ne contrôle pas sauf à Versailles où l’Homme a pris
le contrôle. L’esthétique et l’agencement rappelle celles de la peinture : perspective axiale,
formes géométriques, c’est un véritable travail d’architecte.

Jean-Baptiste Tuby, Le char du soleil, bassin d’Apollon (1668-1670)

Apollon est le dieu du Soleil, et par conséquent l’image idéalisée du Roi. L’œuvre est
saisissante, car la perspective dégage l’axe de toute décoration et crée un miroir symétrique
entre le ciel et l’eau. Le char semble sortir puissamment de l’eau et accéder aussitôt au ciel.

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Du goût moderne à la Modernité


Introduction
Le 18e siècle invente le « public » et les salons. La critique d’art devient un genre littéraire
vers 1750. Celle-ci poursuit l’idée d’une vulgarisation, le public s’éduque par l’art. On lit aussi
les œuvres en termes de philosophie, ce qui marque la naissance de l’esthétique. Le 18e siècle
est le siècle des Lumières, marqué par la sécularisation, la laïcisation. L’artiste apparaît non
plus comme animé par le génie divin et il n’est plus non plus un artisan comme au Moyen-
Age. L’artiste devient un visionnaire du bon goût, et guide ses spectateurs vers la recherche
de la beauté.

La décoration et l’architecture sont marquées par le « goût nouveau », une décoration assez
surchargée, le rococo. Le rococo est basé sur la rocaille, qui désigne une décoration
florissante composée de formes figuratives, feuilles, tiges, coquilles, avec des éléments
zoomorphes ou fantastiques (dragons, chimères, etc.). Plutôt que l’ordonnance classique, il y
a un côté asymétrique, décentré, libre. C’est un style qui correspond à la légèreté des
mœurs, à la liberté morale, au confort matériel et intellectuel de la bourgeoisie, une
opulence qu’il n’y avait pas du temps de Louis XIV.

Dominikus Zimmermann (1685-1766), Eglise de la Wies, 1745-


1750.

Nous retrouvons ce courant rococo dans cette église où les rocailles dorées sont sur fond
blanc pour donner une impression de dilatation, de mouvement.

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Antoine Watteau (1684-1721), Pèlerinage à l’île de


Cythère, 1717. Paris, Musée du Louvre.

Du côté de la peinture, le goût est à la peinture de genre comme celle de Watteau, basée sur le
croquis et qui est donc très légère. Les sujets « galants » des romans sentimentaux et
pastoraux deviennent de nouveaux thèmes. Les atmosphères ne racontent plus, mais
suggèrent.

Au XIXème siècle, en réaction aux « exagérations » du Rococo, la peinture revient à un art


austère, inspiré par l’Antiquité, marquant la naissance du Néo-Classicisme. Les peintres sont
lassés par la virtuosité. Rome concentre les arts, y affluent la plupart des jeunes talents.

Jacques-Louis David (1748-1825), Le Serment des Horaces,


1784, Paris, Musée du Louvre.

Le Néo-classicisme est un courant moralisant, qui exalte les vertus. Les grands canons
en sont la géométrie, l’ordre, les couleurs locales. Il représente ce que l’Académie appelle
l’art.

L’Académie hiérarchise les genres comme nous le prouve le tableau suivant. Les genres
nobles sont élevés tandis que les genres plus triviaux sont près du sol.

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Heim, Charles X distribuant les récompenses au salon de


1824, 1827. Paris, Musée du Louvre.

Henri Gervex (1852-1929), Une séance du jury de


peinture, 1885. Moscou, Musée Pouchkine.

Cette œuvre représente l’importance que possède l’Académie à cette époque : le jury doit
accepter que les œuvres soient ou non envoyées au Salon. Le modèle devient toutefois
asphyxiant pour le monde de l’art, Napoléon créera même un salon des refusés.

Edouard Manet (1832-1883), Le déjeuner sur l’herbe,


1863. Paris, Musée d’Orsay.

C’est cette peinture qui sera à l’origine de la création du salon des Refusés. Elle a été un
des plus gros scandales du XIXème siècle car le peintre associe une femme contemporaine
nue à deux hommes contemporains. C’est une de première rupture avec l’autorité de
l’Académie.

Cette tendance à la rupture avec les canons que promeut l’Académie date du début du
XIXème siècle. Les artistes veulent capter la réalité et non représenter l’idéal.

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Honoré Daumier (1808-1897), Le wagon de 3e classe, 1863-


1865. New York, Metropolitan Museum of Art.

Comme dans ce tableau par exemple, où l’artiste veut peindre une réalité dans une dimension
sociale, il s’agit plutôt de naturalisme.

Claude Monet (1840-1926), Impression soleil levant, 1873. Paris,


Musée Marmottan.

Petit à petit, différents courants « modernes » naissent de cette volonté de dépasser les
idéaux de l’Académie. Pour capter la réalité, les peintres Impressionnistes vont
développer, à partir de 1874, un style rapide qui permet de saisir des effets
d’atmosphères. Les artistes utilisent de la couleur chimique en tube qui donne un grand
pouvoir visuel à la couleur. Ici, l’œuvre est basée sur une harmonie de bleu et d’orange (loi
des contrastes simultanés). L’ambiance est seulement évoquée, brossée (l’œuvre représente le
port industriel du Havre au petit matin).

A la fin du siècle, l’art est entièrement libéré des contraintes académiques et peut s’aventurer
vers des représentations subversives. L’influence des gravures japonaises est très
palpable.

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Katsushika Hokusai (1760-1849), Les chutes Kirifuri dans la montagne


Kurokami dans la province de Shimotsuke (gravure), vers 1827. Londres, Victoria and Albert Museum

L’art japonais apporte un vent de nouveau en Europe à partir de l’ère Meiji (1868-1912) ; l’art
japonais était méconnu auparavant car le pays était largement fermé au commerce extérieur.

Les Japonais n’utilisent pas la perspective à l’européenne, ce qui va servir de cadre de


légitimité aux artistes modernes qui cherchent eux-mêmes à s’affranchir des règles de
l’Académie. Chez eux, les couleurs sont franches (technique de la gravure en couleurs sur
bois) et les compositions tendent souvent au décoratif, ce qui, dans la culture japonaise,
véhicule une véritable recherche de sens poétique (chute d’eau-racines-monde souterrain).

Paul Gauguin (1848-1903), La vision après le sermon,


1888. Edimbourgh, National Gallery of Scotland.

L’œuvre s’inspire des gravures japonaises. Les plans sont rabattus, la perspective est
abandonnée. L’arbre sert de « prétexte » à scinder les deux parties de la scène. Réel et
imaginaire fusionnent (la sortie de l’église et la vision du sermon). Gauguin utilise la couleur
à des fins non plus véristes mais expressives. La couleur devient donc subjective, elle ne
correspond pas forcément à la réalité (ici, la pelouse est rouge).

Le XIXème siècle, du Néo-classicisme à la peinture académique (1770-


1863)

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Alors que le XVIIIème siècle s’était quelque peu émancipé de l’image classique, l’art ayant
véritablement suivi l’exagération du baroque, le XIXème siècle est un retour vers des modèles
classiques hérités de l’Antiquité et prônés par l’Académie.

Oeuvres

Antonio Canova (1757-1822), Amour et Psyché, 1786-1793. Paris, Musée du Louvre

L’œuvre représente l’idéal du Néo-Classicisme. En sculpture, les reliefs du Parthénon,


ramenées par Lord Elgin au British Museum, font forte impression sur les artistes. Ceux-ci
fantasment sur un idéal de sculpture grecque incarné par la blancheur du marbre, alors qu’en
réalité, la statuaire antique était certainement polychrome.

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le cauchemar, 1781, Detroit, The Detroit Institute of
Art.

Avec Le Cauchemar, Füssli ouvre sur un autre type d’image qui annonce le Romantisme.
La toile représente à la fois la réalité (une femme endormie) et un contenu imaginaire (le
rêve). Le sujet est souligné par la présence de la jument (en Anglais, mare), qui évoque l’idée
du cauchemar (en Anglais : nightmare L’œuvre serait teintée de contenus psychologiques ;
l’artiste « possède » de manière monstrueuse une femme qu’il ne peut étreindre dans la
réalité.

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William Thornton (1759-1828), Benjamin Latrobe (1764-1820), Charles Bulfinch (1763-


1844), Thomas U. Walter (1804-1887), Le capitole, Washington (USA), 1792-1827.

Du côté de l’architecture, on reprend des canons classiques qui évoquent la verticalité, la


puissance des USA comme les jardins qui rappellent Versailles, le rez-de-chaussée qui
s’inspire du Louvre et la coupole qui évoque le Panthéon.

L’ensemble est synthétisé dans un bâtiment extrêmement cohérent, marqué par l’esthétique
néo-classique, mais avec un gigantisme qui caractérise le milieu de siècle, à une époque où
les gouvernements veulent des bâtiments qui se signalent fortement dans l’espace urbain des
grosses métropoles de l’époque.

La Modernité (1850-1900)
La Modernité est une réaction au monde artistique cadenassé par l’Académie. Les
peintres romantiques seront les premiers à ne plus respecter des canons de peinture léchée,
classique et seront suivis par les paysagistes et par les réalistes. Sous l’influence de nouvelles
cultures (comme celle du Japon), de nouveaux courants subversifs se développent qui
rejettent petit à petit toutes les règles classiques de la peinture héritées de la Renaissance.

Œuvres

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Eugène Delacroix (1798-1863), La Mort de Sardanapale, 1827. Paris, Musée du Louvre.

L’œuvre de Delacroix respecte en apparence les cadres de la peinture académique. Le sujet


représente le roi assyrien légendaire, Sardanapale, assiégé dans son palais, préférant sacrifier
sa cour plutôt que de se rendre. Pour autant, Delacroix pose ici l’un des premiers jalons de la
peinture moderne. La couleur n’est pas locale, comme dans le Néo-Classicisme. Au contraire,
elle prend une existence propre et structurante, puisque la résonnance entre les formes,
d’une apparente confusion, se fait par les liens coloristiques (notamment les ors et les
rouges). Delacroix joue sur le pouvoir expressif de la couleur. Dans son Salon de 1846, le
poète Charles Baudelaire définira la modernité : « L’harmonie est la base de la théorie de la
couleur. La mélodie est l’unité dans la couleur, ou la couleur générale. La mélodie veut une
conclusion ; c’est un ensemble où tous les effets concourent à un effet général (…) La bonne
manière de savoir si un tableau est mélodieux est de le regarder d’assez loin pour n’en rien
comprendre, ni le sujet, ni les lignes ».

Joseph Paxton (1803-1865), Le Crystal Palace, 1851, Londres (disparu en 1937).

Le cristal palace, réalisé pour l’exposition universelle de 1851, marque l’irruption de la


modernité dans le domaine de l’architecture. Le bâtiment est réalisé sur le modèle d’une
cathédrale, mais dans des matériaux entièrement manufacturés en industrie : les
poutrelles métalliques et le verre. La résistance des poutrelles métalliques permet
d’ajourer le bâtiment et de vitrer entièrement les surfaces, garantissant une lumière naturelle
à l’intérieur.

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William Le Baron Jenney (1832-1907), Home Insurance Building, 1884-1885 (œuvre


détruite en 1931). Chicago (USA).

Cet immeuble de Chicago est un modèle d’épure et d’occupation verticale de


l’espace. Les étages sont supportés par une structure en poutrelles métalliques. Les parois
sont entièrement vitrées, ce qui confère un éclairage naturel aux étages tout en allégeant la
structure. Par ailleurs, les architectes ont réduit la décoration au strict minimum. La paroi
extérieure en brique n’est animée que par le rythme des fenêtres. Outre sa grande
fonctionnalité, le bâtiment possède ainsi une dynamique architecturale sans céder à la
tentation du décoratif.

Vincent Van Gogh (1853-1890), Autoportrait, 1890. Paris, Musée d’Orsay

L’art de Van Gogh débouche sur un imaginaire personnel et original caractérisé avant tout
par sa subjectivité et son déséquilibre mental ; de fait, van Gogh sera l’un des premiers
peintres modernes à faire de son art une expression pleinement personnelle de son
psychisme, fût-il troublé.

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Vincent Van Gogh (1853-1890), Chaumes à Cordeville, 1890. Paris, Musée d’Orsay.

Les motifs des cyprès sont traités en sinuosité jusqu’à mettre le calme apaisant de ce paysage
en tension. Les nuages du ciel reprennent les volutes des cyprès, dans une association
plastique très « japonisante », ouvrant sur un ciel menaçant qui confirme l’atmosphère
pesante du sujet.

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