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Alors qu’au Moyen-âge, l’artiste est intéressé par Dieu (comme un reflet des préoccupations
sociétales) ce qui influe sur les codes esthétiques à savoir que la représentation est
hiérarchique, graduée, le changement se fait sentir à l’aube de la Renaissance italienne avec
Giotto vers 1300.
Le premier qui « créera » la perspective avancées est Raphaël. Nous pouvons observer sur le
tableau qui suit une application de la perspective dite linéaire ou géométrique (emploi
de lignes fuyantes, création d’un avant-plan où les personnages sont plus grands, …). Le but
de l’artiste est sans conteste religieux dans une optique didactique : il s’agit de toucher le
public, l’instruire.
Le Caravage ira encore plus loin en travaillant sur la profondeur, le volume grâce à la
technique du clair-obscur (contraste violent entre le clair et l’obscur, technique de jeu de
lumières et couleurs de différentes teintes qui procure un pouvoir illusionniste de volume à
l’image).
Nous pouvons conclure en soulignant trois concepts qui seront donc utilisés jusqu’au
XIXème siècle, qui inaugurent une nouvelle représentation dans le domaine de l’art et
deviendront les fondamentaux de la tradition artistique européenne :
Renaissance
Introduction
La Renaissance, que l’on situe classiquement entre le XIVème et le XVIème siècle, n’est un
rien un phénomène homogène. Le changement n’est pas vécu du jour au lendemain, mais
petit à petit des évènements ou des pensées viennent bousculer l’ordre sociétal.
Mais nous devons aussi envisager les bousculements sur le plan religieux, les schismes de
l’Eglise chrétienne, la Réforme, source de nombreuses guerres qui éloigneront l’Homme de
Dieu dont les sorts paraissent si différents, qui verra naître une certaine forme de liberté de
pensée.
La Renaissance est marquée par une curiosité culturelle et scientifique originale qui pousse
aux échanges entre cultures notamment en Espagne avec les cultures arabes mais aussi à la
redécouverte de l’art antique, oublié au Moyen-âge car qualifié de païen, même le plus
banal comme par exemple Pompéi, témoin de la quotidienneté de l’Antiquité. Cette attrait
pour la culture antique va se ressentir également dans le choix des thèmes représentés,
comme dans cette œuvre de Posthumus qui peint l’archéologie naissante et cette passion
pour une compréhension scientifique (le personnage mesure, prend des notes).
Il est toutefois réducteur de penser que les artistes de la Renaissance sont de simples
imitateurs des artistes antiques. Nous voyons en effet, à travers cette œuvre de La Primatrice
qui se base d’un moulage d’une œuvre antique, que l’Antiquité est un modèle de création
mais que l’œuvre reste repensée originalement par l’artiste moderne.
A cette époque, l’Italie n’est pas un pays unifié mais la somme de petits Etats combattant sur
les plans militaire, culturel, religieux, pour s’offrir le privilège du titre d’Etat prestigieux. C’est
pour cette raison, notamment, que ce pays sera le terrain d’exploration artistique admirable.
A Florence, notamment, ville des Médicis, famille de banquiers riches, nous pouvons
observer cette volonté d’épatement grâce à des bâtiments comme le Michelozzo, qui
appartient à la famille Médicis au sein duquel nous pouvons trouver une fresque commandée
par la famille où cette dernière a demandé d’être représentée dans le décor de cette scène
religieuse.
Après une brève installation à Avignon, le Pape décide de réinvestir Rome qui, à l’époque, est
une petite ville modeste face à Florence, par exemple. Le pouvoir papal s’attachera donc à
redonner le pouvoir, le prestige que la ville avait connu. Nous pouvons notamment le
constater grâce à la construction d’un Bramante qui relie le palais pontifical à la villa du
Belvédère, recréant le cadre antique de l’architecture mais aussi inaugurant un nouveau lieu
de sociabilité.
Les modèles italiens vont se diffuser à travers toute l’Europe grâce au commerce qui
s’intensifie dès le XVème siècle. Même l’art devient objet de marchandise puisque des
familles italiennes commanderont des portraits à des peintres flamands qui développent la
peinture à l’huile et s’attachent au réalisme le plus vériste.
L’exemple de la toile de Van Eyck pour les époux Arnolfini en est un exemple frappant. Le
moindre détail de la réalité est représenté jusque dans le miroir.
Dès la fin du XVème siècle, l’art de la Renaissance italienne est connu dans toute l’Europe et
est demandé partout comme nous pouvons le constater avec ce château qui, certes, tient
toujours du registre quelque peu militaire du Moyen-âge mais présente aussi une certaine
harmonie dans la décoration (fenêtres à croisillons à l’italienne, …).
Cette œuvre est collaborative, elle nous permet de saisir la technique de Masaccio. La
structure de l’image est importante : Masaccio peint sur une architecture préexistante et va
s’en servir pour sa propre œuvre en cherchant à insérer cette architecture dans la peinture et
créer une continuité de l’art dans l’art. La scène relate des épisodes de la vie de Saint Pierre
que l’on retrouve dans la Bible.
- Les personnages sont vus dans un contraste entre le clair et l’obscur, ce qui souligne
leur volume.
- Les apôtres sont placés en arc de cercle, forme qui « renforce » leur présence dans
l’espace, ainsi que la cohérence des liens qui les unissent.
- La perspective est l’élément clé de la construction mimétique de l’image, c’est elle qui
« organise » l’image. Dans De pictura, Alberti définit la perspective comme « […] une fenêtre
à travers laquelle l’histoire se donne à voir ».
- La perspective n’est pas un savoir neuf, il repose sur le savoir médiéval. Mais elle est
néanmoins systématisée. L’espace est scientifiquement construit. Pour autant, la
perspective n’est pas qu’un seul moyen d’obtenir une image mimétique. Elle est également
connotée d’une valeur « morale » ; dans Le paiement du tribut, par exemple, le point de fuite
est situé sur le visage du Christ. La perspective est également un marqueur de l’émancipation
des artistes. Par la maîtrise savante qu’elle véhicule, la perspective permet aux artistes de se
dégager du travail artisanal des corporations médiévales et de se construire progressivement
comme artistes.
Histoire de l’art : Partie 3, époque moderne | InfoCommULB.be 8
TRAN-B-115 Notions générales d’Histoire de l’art Marie Linos
Œuvres comparatives
Hubert (1366-1426) et Jan Van Eyck (1390-1441), Retable de l'Agneau mystique, vers 1432.
Van Eyck nous offre ici une représentation de tout son art dans la peinture à l’huile. Il
travaille la technique de glacis à savoir la superposition de couches très fines avec des
pigments, ce qui renvoie de la lumière. Cette dernière est très importante dans cette œuvre
puisque le tableau cherche à en créer et les peintres ont tenu compte de l’éclairage de l’église
pour laquelle cette toile polyptique a été réalisée. L’œuvre est parfaitement mimétique et
parfaitement cohérente.
Ce tableau illustre également l’attention des artistes d’insérer le réel, la structure existante
dans l’art pour créer une œuvre mimétique et cohérente dans son ensemble. L’œuvre cherche
à restaurer les triptyques du Moyen-âge mais est en réalité en une seule partie (pala). Elle
représente la Vierge entourée de saints dont Zénon, le saint-patron de Vérone.
L’œuvre présente s’inspire, pour la construction des corps, des statues romaines, notamment
dans les proportions. On s’intéresse au fait de donner un aspect de volume, « une statue
virile », plutôt que de respecter la grâce et le mouvement des statues gothiques. Même si le
décor est gothique, la position des personnages en arc-de-cercle nourrit le réalisme tout
comme le tableau de Massacio.
Cette œuvre est issue d’une église baptistère (qui célèbre le baptême du Christ) construite
dans un style roman toscan. Cette œuvre est encore significative des courants artistiques
du Moyen-âge : la polychromie rappelle le roman, la perspective n’est pas respectée, les corps
possèdent encore cette grâce gothique et cette non-consistance.
Lorenzo Ghiberti, Le Sacrifice d'Isaac, 1401. Panneau pour le concours de 1401 préalable à la
création de la seconde porte du Baptistère.
A travers cette deuxième œuvre, réalisée plus tardivement, nous avons le témoignage de la
pénétration des principes de la Renaissance dans l’art : Abraham structure la scène ce qui
offre une certaine cohérence, recherche d’une vague vraisemblance, corps gothiques mais
recherche de volume (notamment pour le corps d’Isaac).
Ces fondamentaux de l’art vont toucher l’ensemble des arts et non seulement la peinture.
Nous avons un exemple dans l’architecture. La rupture est nette vis-à-vis de ce qui a précédé
à savoir le gothique. En effet, ce mouvement recherchait la hauteur, la verticalité, développait
un goût pour les arcs d’ogive, les espaces sombres. Les églises de la Renaissance, elles, vont
rechercher un espace à la mesure de lui-même (reflet d’un changement de point de vue : du
théocentrique à l’anthropocentrique), vont adopter une polychromie naturelle des pierres,
vont s’attacher aux modèles antiques (colonnes) tout en surhaussant les voûtes grâce à
l’allongement des colonnes, ce qui aère l’espace.
A cette période, c’est surtout Rome qui bénéficiera des fastes artistiques. Les papes, en effet,
vont pousser la demande artistique au sommet pour retrouver la glorieuse Rome antique, en
particulier Jules II.
1ère œuvre
2ème œuvre
- Dans un espace vériste, Vinci est l’un des premiers à trouver une ordonnance juste et
vraisemblable entre les personnages. Il y a une « science des groupes solidaires »,
c’est-à-dire une relation cohérente entre les personnages qui ne passe pas uniquement
par la perspective, mais par un traitement vériste des compositions, depuis les positions
jusqu’aux psychologies.
- L’idée d’un monde minéral renvoie aux traces du déluge. Sur le déluge, Vinci a écrit « Les
montagnes dépouillées révéleront les profondes failles faites par les anciens
tremblements de terre ».
- L’espace est porteur de sens. L’arrivée du Christ sur terre permet de régénérer le monde ;
le Christ fait la transition entre l’Ancien et le Nouveau Testament. En même temps, la
scène préfigure la passion. Dans une tradition florentine, on considère Saint-Jean
Baptiste comme compagnon de jeu du Christ. Saint-Jean préfigure en même temps le
Christ et, par ailleurs, il a conscience du sacrifice à venir, incarné par la position du
Christ, appuyé devant un précipice.
Œuvres comparatives
L’œuvre représente une généalogie religieuse habituelle. Elle n’est pas peinte selon les règles
de la perspective géométrique mais plutôt selon les préceptes de la perspective
atmosphérique grâce au sfumato distinguant les personnages de l’avant-plan du paysage de
l’arrière-plan. Da Vinci prend le contre-pied de l’iconographie traditionnelle de la Vierge en
nous offrant une scène « quotidienne », préférant le prisme psychologique. L’agneau annonce
l’épisode de la passion du Christ (il symbolise le sacrifice).
Les personnages sont nourris par leur présence, cette puissance d’exister inspirée de la
sculpture antique, technique nommée « terribilita » Cette œuvre représente un contraste
entre la mollesse d’Adam et la détermination de Dieu. Il faut noter que les doigts se
rapprochent mais ne se touchent pas symbolisant que l’Homme est à l’image de Dieu mais
éloigné ce qui lui procure sa liberté de pécheur. Des historiens de l’art estiment voir Eve dans
le mollet d’Adam, signe de la nature divisée (à la fois masculine et féminine de l’Homme).
Ce tableau est une commande privée qui demeure très énigmatique : est-ce un soldat et une
tsigane ? Adam et Eve ? La peinture est néanmoins un héritage avoué de la peinture
d’atmosphère caractéristique de la peinture vénitienne là où la peinture florentine est très
détaillée, dessinée. On va parler de brièveté pour qualifier cette tendance, le fait que tout
n’est pas raconté de manière linéaire dans les moindres détails, mais qu’un épisode puisse, de
manière instantanée susciter une émotion, évoquer une scène.
L’articulation des murs se fait par des colonnes en pietra serena doublées dans des niches. Ce
dispositif est à relier à la conception d’Alberti qui pense que la colonne est l’ossature du mur,
mais chez Michel-Ange, ceci constitue avant tout une solution expressive. Dans une seconde
phase, Ammanati construit l’escalier sur un dessin de Michel-Ange, escalier réalisé comme
une architecture expressive, avec des marches plates de part et d’autre des deux rampes, et
convexes à l’intérieur. Il prend aussi la tradition architecturale du Quattrocento à contre-pied
car des éléments de décor habituellement réservés à la façade (colonnes, fenêtres) sont
utilisés dans le vestibule, ce qui donne une tension dramatique à l’espace.
Maniérisme
Introduction
Dès le début du XVIème siècle, l’Europe est en proie au doute religieux : c’est l’époque de
la Réforme, des schismes, des guerres de religions et des violences qui s’ensuivent.
Hieronymus Bosch,
Triptyque de la tentation de Saint-Antoine, 1506
L’art de cette époque représentera donc cette violence, cette vague de désaccord comme ici où
l’Eglise catholique est critiquée. Le thème biblique choisi démontre un trouble ambiant de
l’époque. En bas, les monstres à tête d’oiseau symbolisent le trafic des indulgences.
Mais c’est surtout la mort et les guerres qui hantent les artistes qui iront jusqu’à les
représenter de manière tragique comme Bruegel l’Ancien. La critique de la religion
catholique se fait plus sévère, l’Europe se meurt et Bruegel en est le témoin. En contraste, il
peint un couple d’amoureux qui ne semble pas avoir sa place dans un monde si morbide.
un pas : le défi n’est plus la représentation vériste mais le souci technique, la virtuosité. Il
s’agit de se poser en tant que personne à part doué d’un talent personnel. L’artiste est devenu
est technicien très respecté. Le tableau devient une démonstration du génie de l’artiste.
L’œuvre transcende la scène en soi, elle se situe dans l’irréalisme. La mise en scène (torsion,
positions, …) rend un côté sur-joué, théâtral et profondément dramatique. Les sentiments
forts transcendent la réalité.
Œuvres comparatives
Cet œuvre fait penser à Michel Ange par des couleurs curieuses mais aussi par la
monumentalité des corps, typique de l’art de l’artiste de la Renaissance. Nous pouvons
distinguer la séparation nette de l’avant-plan et de l’arrière-plan dans le thème représenté :
devant, la Vierge et Sainte Elisabeth sont les sujets représentés, et à l’arrière, deux
personnages que les historiens de l’art disent être également la Vierge et Sainte Elisabeth,
mais représentée sous l’angle du profane. L’artiste aurait voulu dissocier le religieux du
profane. Le tableau représente un extrait de la Bible où Sainte Elisabeth pousse un cri.
L’émotion passe par l’expression gestuelle.
Cet œuvre nous offre une fenêtre vers la peinture de Venise où l’exaltation des couleurs
prime. La lumière et les couleurs nous montrent comment il faut regarder le tableau. En effet,
vers le haut, le jaune est chaleureux, affirmé alors que vers le bas, il tend plus vers le blanc,
couleur plus neutre. Les personnages en rouge flèchent le tableau et propose une ascension
dans la manière de regarder celui-ci. La couleur devient un élément narratif à part entière.
L’œuvre raconte le miracle par lequel le Christ a transformé l’eau en vin à Cana. Il s’agit donc
bien d’un épisode biblique mais la représentation suggère plutôt une grande fête, une
peinture plus profane. Les personnages et les décors sont typiques du XVIème siècle.
Certains prétendent que Véronèse s’est peint : il serait le personnage en blanc. Toutefois,
certains éléments dans le tableau renvoient à des allusions religieuses : le sablier, la Vierge
semble porter le deuil en noir, … Le tableau est surtout très en couleurs, ce qui lui procure
une richesse nouvelle qui appelle un certain luxe mais aussi permet d’individualiser les
personnages.
Dans La dernière Cène, le Christ annonce qu’un disciple va le trahir, ce qui explique la
perplexité des apôtres. Mais comme les autres peintres Vénitiens, Tintoret mélange sacré et
profane, avec un grand souci de pittoresque : la scène de cuisine au fond de la salle, le chien à
l’avant-plan, etc. Le spectateur contemple autant une scène biblique qu’une scène de cabaret
du 16e siècle vénitien, ce qui annonce l’essor de la peinture de genre. Pour autant, les thèmes
profanes peuvent avoir une présence symbolique. Au premier plan, la mise en tension de
l’homme et de la femme avec un chien au milieu pose la question de la fidélité.
Caravage (1571-1610), La conversion de Saint Paul, 1600, Rome, Santa Maria del Popolo.
Saint-Paul, qui persécutait les chrétiens, tombe de cheval sur le chemin de Damas. Il est
aveuglé par la lumière divine et se convertit. Caravage va engendrer un art expressif et
fougueux, tout en contrastes et en ruptures. Pour ce faire, il table sur des moments
d’instantanés qu’il éclaire d’une lumière violente qui contraste avec l’obscurité. C’est ce qu’on
appelle le « clair-obscur ». La perspective en raccourci est légitimée par le fait que l’œuvre
était placée au-dessus de l’autel et était donc vue du bas. Caravage fait montre d’un réalisme
qui accentue encore cet aspect. Son œuvre est vériste, sans souci de se placer dans un
monde idéal. Il a été montré qu’il a beaucoup utilisé de personnages réels, des gens des rues,
des prostituées, comme modèles.
Georges de la Tour (1593-1652), Le joueur de vielle, 1620-1625. Nantes, Musées des Beaux-
Arts.
Nous avons ici une œuvre qui exploite le caravagisme à la française. C’est surtout l’idée
du clair-obscur qui est reprise. Au niveau des thèmes, la peinture s’affranchit des
thèmes religieux pour s’avancer vers un réalisme plus trivial.
L’architecture, quant à elle, sera aussi le terrain de bouleversements artistiques dans une
recherche de la théâtralité. Les fidèles doivent avoir envie de participer à la liturgie.
La forme prime sur la fonction, presque. La façade est très décorée pour attraper le regard, la
théâtralité est très palpable.
Pozzo utilise une architecture en trompe-l’oeil, la « quadratura », pour ouvrir sur une
aspiration vertigineuse. L’église n’est qu’un théâtre qui ouvre sur une spiritualité bien
supérieure, dans l’idée de frapper les esprits. Les raccourcis des perspectives verticales créent
un effet d’aspiration. On veut susciter un état de fascination proche du ravissement
mystique. Ce ne sont pas des iconographies « pessimistes » mais, au contraire, remplies
d’espoir (assomptions, triomphes, gloires).
Pour couronner le tout, le 17e siècle voit l’essor de l’ut pictura poesis, précepte poétique
du Tasse selon l’adage d’Horace (« comme la peinture, la poésie »), à savoir que le tableau
n’est pas une illustration fidèle et mécanique de l’histoire, mais une représentation
vraisemblable, voire poétique.
Ici, le naturalisme vise au réalisme pour induire un sentiment poétique qui va permettre in
fine d’éprouver un sentiment plus abstrait, hors du sensible, dans la sphère du religieux. C’est
tout en douceur et en vérisme, en poésie, pour que le commun des mortels puisse s’y projeter.
Les deux tableaux expriment cette différence : alors que le premier est théâtral, il s’agit de
capter le moment instantané où Saint Longuin est foudroyé de remords, le drapé exprime
une continuité irréaliste mais psychologique, le second est plus serein, plus dans la
contemplation, la croix dynamise l’espace.
L’œuvre triptyque de Rubens traduit la volonté de l’Eglise catholique de retrouver son âge
d’or. La composition est ordonnée, stable. Le Christ offre une preuve de la maîtrise de la
monumentalité antique. Mais, en même temps, l’œuvre est émotionnelle, passionnelle.
Le même épisode relaté par Lebrun donne tout autre chose : il supprime les détails trop
réalistes pour offrir une présence héroïque au Christ (dont le corps ne s’affaisse pas). La
composition est parfaitement organisée.
Par ailleurs, le style personnel est compris et valorisé et on assiste à la multiplication des
collectionneurs animés par la volonté de collectionner. L’art est valorisé pour sa
différence, sa particularité. Le tableau est apprécié pour lui-même.
La spécialisation entraîne aussi une spécialisation dans les genres. Au 16e, les artistes se
spécialisent, et au 17e, la peinture se hiérarchise dans des sous-genres bien particuliers,
paysages, batailles, natures mortes. On relit aussi les anciens, notamment Pline, qui donne
des listes de sujets des œuvres antiques, démarche qui aboutit à une prise de conscience que
les Grecs pratiquaient des genres différents. L’Académie va hiérarchiser les genres, mais en
même temps, la peinture devient une pratique intellectuelle, valorisée, et donc les peintres de
genres mineurs cherchent également une légitimité. Sur le plan spirituel, la Contre-Réforme
donne un contenu à nombre de sous-genres, il y a l’idée que la peinture, art noble, est en
mesure de faire le tour de la diversité de la création.
Le Lorrain peint une œuvre en subtilité, sereine, qui exalte la grandeur de la nature pour elle-
même. L’œuvre est commandée par les Colonna d’où les colonnes, ce qui prouve un
dépassement dans la manière de représenter, moins littérale.
Naissent aussi les natures mortes, même si elles restent les moins valorisées.
La vanité (qui rappelle le caractère mortel de l’Homme) procure à ces peintures un caractère
plus moral. Le genre renvoie surtout à la volonté de découverte, d’exploration des thèmes.
L’école de Deft, école représentative du style du nord, est obsédée par la perspective et
exploite le caractère doux de la lumière. La peinture relève de l’ambiance.
- Le sujet est tiré des Métamorphoses d’Ovide. Daphné est victime des ardeurs d’Apollon.
Elle implore son père de la sauver ; celui-ci la transforme en laurier.
- L’influence de l’Antiquité est nette, car l’Apollon rappelle l’Apollon du Belvédère. Mais Le
Bernin donne une subtilité et un sentiment de l’instant totalement absents de la sculpture
antique, où les représentations tablent plutôt sur des « permanences ».
- Ici, le mouvement est en cours, avec une idée de déséquilibre, et un contraste brutal
puisque la course est représentée en plein instantané, au moment où Daphné commence
à se métamorphoser. La taille des mains qui se transforment en lauriers est d’une
délicatesse particulière. Bernin parvient à donner l’idée poétique d’un mouvement fugace,
transitoire.
Œuvres comparatives
Adam représente Prométhée qui a offert le feu aux Hommes et est donc puni par les dieux :
chaque jour, il se fait manger le foie par aigle. Le drapé matérialise la volonté théâtrale. La
douleur est représentée, le pathos est complètement exploité.
Il s’agit d’un tableau clé d’un cycle commandé par Marie de Médicis. On remarque que
l’œuvre n’est pas unifiée autour d’un thème central, au contraire, deux « moments »
coexistent en tension visuelle. On ressent également l’héritage des peintres de la
Renaissance vénitienne dans l’utilisation de la couleur comme élément narratif.
L’œuvre représente la milice des mousquetaires d’Amsterdam, elle est une commande privée.
Le titre a été donné postérieurement même s’il ne s’agit pas d’une représentation nocturne
mais d’une application du clair-obscur de Le Caravage. Rembrandt recherche la puissance
allusive grâce à des procédés baroques : les personnages ne sont pas rassemblés pour créer
une harmonie d’ensemble au contraire, ils sont individualisés pour créer une tension dans
l’œuvre.
Il s’agit d’une pièce en bronze de 29 mètres de haut, que l’on considère comme la plus haute
structure de bronze au monde. L’œuvre s’inscrit dans l’idée de la Contre-Réforme de
revivifier le culte catholique dans une veine théâtrale. Les colonnes spiralées créent un
sentiment d’ascension gigantesque qui parvient à aspirer le spectateur et créer un lien
entre l’univers terrestre et la coupole, qui représente le monde céleste.
Chargé d’embellir une église, Cortone va utiliser des moyens nouveaux en créant une petite
place, ce qui permet de mettre en relief la façade. Les ailerons se rattachent à la façade pour
donner des alternances vides-pleines, typiques du baroque et offre ainsi une architecture
nouvelle, théâtrale.
La forme de la chapelle est hexagonale, avec une façade en demi-lune concave. De manière
verticale, les arrêtes de la coupole se prolongent jusqu’au sol, ce qui donne un sentiment
d’aspiration ininterrompue sur toute la hauteur. La forme de la coupole est théâtrale. Elle
veut suggérer une abeille en vol, qui est l’emblème du Pape Urbain VIII et, par ailleurs, une
allégorie de la Sagesse.
- Le peintre représente une partie de l’Alcazar à la cour de Philippe IV. On y voit l’infante
Marguerite-Thérèse. Une radiographie a montré que sur la partie gauche, il y avait un
rideau rouge et un garçon tendant un bâton de commandement à l’infante. Mais lorsque
naît Prospero, l’héritier du trône, Velazquez change le tableau et se « représente
représentant » le roi et la reine.
- Au fond, un miroir montre le roi et la reine. Pour certains, ce miroir réfléchit le tableau
que peint Velazquez, pour d’autre, il réfléchit les personnages réels qui sont devant la
scène.
- Velazquez veut montrer que la peinture est l’expression d’une pratique libérale et pas
d’un simple artisanat. C’est l’idée de la peinture comme « cosa mentale », chose de
l’esprit, pleinement incarnée ici par l’intellectualisation d’un sujet mineur.
La peinture du XVIIème siècle devient de plus en plus réaliste, pittoresque. Bacchus semble
désintéressé mais surtout très profane. Le personnage qui sourit évoque le picaro,
personnage à la mode dans l’Espagne du XVIIème siècle.
L’œuvre est un autoportrait mais comme Vermeer se présente de dos, comme s’il souhaitait
que le spectateur contemple l’intelligence de la peinture, le sens du tableau est plus lointain :
il s’agit d’une allégorie de la peinture. La technique de Vermeer consiste à organiser
l’espace de telle façon que nous sommes face à illusion parfaite de la réalité. Le rideau
semble en effet très réel. On peut donc voir également dans ce tableau un questionnement sur
l’illusion.
Dans la Bible, Salomon est reconnu comme un roi de très grande justice. Deux femmes ont
chacune un enfant, mais l’un des deux est mort dans son sommeil. Elles se disputent l’autre
enfant, affirmant chacune être sa réelle mère. Salomon ordonne alors qu’on coupe l’enfant en
deux et qu’on donne une moitié à chaque femme. A ce moment, l’une des femmes demande
que l’on ne tue pas l’enfant et qu’on le donne à l’autre femme. Salomon reconnaît alors la
véritable mère. A droite du trône, on trouve un personnage au regard de philosophe ; il a
compris le subterfuge utilisé par Salomon. De l’autre côté, un personnage en prière symbolise
la foi et la confiance en l’autorité suprême de Salomon. L’œuvre s’articule sur
l’ordonnancement typique de l’écriture classique. L’histoire est structurée dans la
composition même, avec un triangle à pointe vers le haut. Salomon représente la pointe,
c'est-à-dire le dépassement des contraires. L’ambition de la peinture classique est à la fois de
créer une image scénographique qui se lit, certes, mais qui a aussi un point de vue unifié, qui
se donne dans l’instant. C’est un art de clarté, de concision, d’équilibre.
Versailles
Le rythme des fenêtres crée un ordre classique, évoquant la stabilité. Le Vau décide de
travailler non la brique mais la pierre blanche, symbole de noblesse.
Apollon est le dieu du Soleil, et par conséquent l’image idéalisée du Roi. L’œuvre est
saisissante, car la perspective dégage l’axe de toute décoration et crée un miroir symétrique
entre le ciel et l’eau. Le char semble sortir puissamment de l’eau et accéder aussitôt au ciel.
La décoration et l’architecture sont marquées par le « goût nouveau », une décoration assez
surchargée, le rococo. Le rococo est basé sur la rocaille, qui désigne une décoration
florissante composée de formes figuratives, feuilles, tiges, coquilles, avec des éléments
zoomorphes ou fantastiques (dragons, chimères, etc.). Plutôt que l’ordonnance classique, il y
a un côté asymétrique, décentré, libre. C’est un style qui correspond à la légèreté des
mœurs, à la liberté morale, au confort matériel et intellectuel de la bourgeoisie, une
opulence qu’il n’y avait pas du temps de Louis XIV.
Nous retrouvons ce courant rococo dans cette église où les rocailles dorées sont sur fond
blanc pour donner une impression de dilatation, de mouvement.
Du côté de la peinture, le goût est à la peinture de genre comme celle de Watteau, basée sur le
croquis et qui est donc très légère. Les sujets « galants » des romans sentimentaux et
pastoraux deviennent de nouveaux thèmes. Les atmosphères ne racontent plus, mais
suggèrent.
Le Néo-classicisme est un courant moralisant, qui exalte les vertus. Les grands canons
en sont la géométrie, l’ordre, les couleurs locales. Il représente ce que l’Académie appelle
l’art.
L’Académie hiérarchise les genres comme nous le prouve le tableau suivant. Les genres
nobles sont élevés tandis que les genres plus triviaux sont près du sol.
Cette œuvre représente l’importance que possède l’Académie à cette époque : le jury doit
accepter que les œuvres soient ou non envoyées au Salon. Le modèle devient toutefois
asphyxiant pour le monde de l’art, Napoléon créera même un salon des refusés.
C’est cette peinture qui sera à l’origine de la création du salon des Refusés. Elle a été un
des plus gros scandales du XIXème siècle car le peintre associe une femme contemporaine
nue à deux hommes contemporains. C’est une de première rupture avec l’autorité de
l’Académie.
Cette tendance à la rupture avec les canons que promeut l’Académie date du début du
XIXème siècle. Les artistes veulent capter la réalité et non représenter l’idéal.
Comme dans ce tableau par exemple, où l’artiste veut peindre une réalité dans une dimension
sociale, il s’agit plutôt de naturalisme.
Petit à petit, différents courants « modernes » naissent de cette volonté de dépasser les
idéaux de l’Académie. Pour capter la réalité, les peintres Impressionnistes vont
développer, à partir de 1874, un style rapide qui permet de saisir des effets
d’atmosphères. Les artistes utilisent de la couleur chimique en tube qui donne un grand
pouvoir visuel à la couleur. Ici, l’œuvre est basée sur une harmonie de bleu et d’orange (loi
des contrastes simultanés). L’ambiance est seulement évoquée, brossée (l’œuvre représente le
port industriel du Havre au petit matin).
A la fin du siècle, l’art est entièrement libéré des contraintes académiques et peut s’aventurer
vers des représentations subversives. L’influence des gravures japonaises est très
palpable.
L’art japonais apporte un vent de nouveau en Europe à partir de l’ère Meiji (1868-1912) ; l’art
japonais était méconnu auparavant car le pays était largement fermé au commerce extérieur.
L’œuvre s’inspire des gravures japonaises. Les plans sont rabattus, la perspective est
abandonnée. L’arbre sert de « prétexte » à scinder les deux parties de la scène. Réel et
imaginaire fusionnent (la sortie de l’église et la vision du sermon). Gauguin utilise la couleur
à des fins non plus véristes mais expressives. La couleur devient donc subjective, elle ne
correspond pas forcément à la réalité (ici, la pelouse est rouge).
Alors que le XVIIIème siècle s’était quelque peu émancipé de l’image classique, l’art ayant
véritablement suivi l’exagération du baroque, le XIXème siècle est un retour vers des modèles
classiques hérités de l’Antiquité et prônés par l’Académie.
Oeuvres
Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le cauchemar, 1781, Detroit, The Detroit Institute of
Art.
Avec Le Cauchemar, Füssli ouvre sur un autre type d’image qui annonce le Romantisme.
La toile représente à la fois la réalité (une femme endormie) et un contenu imaginaire (le
rêve). Le sujet est souligné par la présence de la jument (en Anglais, mare), qui évoque l’idée
du cauchemar (en Anglais : nightmare L’œuvre serait teintée de contenus psychologiques ;
l’artiste « possède » de manière monstrueuse une femme qu’il ne peut étreindre dans la
réalité.
L’ensemble est synthétisé dans un bâtiment extrêmement cohérent, marqué par l’esthétique
néo-classique, mais avec un gigantisme qui caractérise le milieu de siècle, à une époque où
les gouvernements veulent des bâtiments qui se signalent fortement dans l’espace urbain des
grosses métropoles de l’époque.
La Modernité (1850-1900)
La Modernité est une réaction au monde artistique cadenassé par l’Académie. Les
peintres romantiques seront les premiers à ne plus respecter des canons de peinture léchée,
classique et seront suivis par les paysagistes et par les réalistes. Sous l’influence de nouvelles
cultures (comme celle du Japon), de nouveaux courants subversifs se développent qui
rejettent petit à petit toutes les règles classiques de la peinture héritées de la Renaissance.
Œuvres
L’art de Van Gogh débouche sur un imaginaire personnel et original caractérisé avant tout
par sa subjectivité et son déséquilibre mental ; de fait, van Gogh sera l’un des premiers
peintres modernes à faire de son art une expression pleinement personnelle de son
psychisme, fût-il troublé.
Vincent Van Gogh (1853-1890), Chaumes à Cordeville, 1890. Paris, Musée d’Orsay.
Les motifs des cyprès sont traités en sinuosité jusqu’à mettre le calme apaisant de ce paysage
en tension. Les nuages du ciel reprennent les volutes des cyprès, dans une association
plastique très « japonisante », ouvrant sur un ciel menaçant qui confirme l’atmosphère
pesante du sujet.