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Le XVII ème siècle, Baroque et Classicisme

L’art de la Renaissance trouvait son inspiration dans l’Antiquité gréco-romaine. Cet art
ne se proposait pas de représenter la réalité du monde de l’époque mais de
rechercher une beauté idéale. L’idéalisation concernait les formes, la couleur, la
lumière, mais aussi les sujets, souvent puisés dans la mythologie religieuse antique ou
chrétienne et dans l’histoire.

Michel-Ange : La Création d'Adam, fresque de la Chapelle Sixtine.


Tous les contemporains vinrent
admirer la Joconde dans l'atelier
de Florence, où Léonard était
rentré depuis 1500. On y pouvait
voir en même temps le carton
définitif de la Sainte Anne,
aujourd'hui disparu, et
probablement même la peinture
qui est maintenant au Louvre. Le
portrait n'était pas achevé que le
maître s'occupait déjà du carton
de la Bataille d'Anghiari. Vasari
s'est fait l'écho des
contemporains :
« Qui veut savoir, dit-il, à quel point l'art peut imiter la nature, peut s'en rendre compte en
examinant cette tête où Léonard a représenté les moindres détails avec une extrême
finesse. Les yeux ont ce brillant, cette humidité que l'on observe vendant la vie; ils sont
cernés de teintes rougeâtres et plombées, d'une vérité parfaite; les cils qui les bordent
sont exécutés avec une extrême délicatesse. Les sourcils, ces passages si délicats par
lesquels ils s'harmonisent avec la chair, leur épaisseur plus ou moins prononcée, leur
courbure suivant les pores de la peau ne sauraient être rendus d'une manière plus
naturelle. La bouche, sa fente, ses extrémités, qui se lient par le vermillon des lèvres à
l'incarnat du visage, ce n'est plus la couleur : c'est vraiment de la chair. »
Sainte-Anne, par Léonard de Vinci.
Fresque de Raphaël, exécutée en 1509-1510 dans la chambre de la Signature au Vatican (semi-circulaire, base de 7,70 m).

Chef-d'œuvre de la grande décoration murale, peinte en face de la Dispute du saint sacrement (consacrée à la vérité révélée), elle
exalte la philosophie et la recherche rationnelle du vrai, thèmes conformes à l'humanisme de Jules II ; elle réunit, dans une architecture
inspirée de Bramante, Platon (sous les traits de Léonard de Vinci), Aristote, Pythagore, Héraclite (sous les traits de Michel-Ange), etc.,
penseurs grecs dont la Renaissance associe l'idéal à celui du christianisme.
La fin du 16e siècle et le 17e vont rompre avec cette recherche de l’harmonie idéale et
prôner un réalisme parfois dramatisé à l’excès : c’est l’apparition du baroque. Mais une
autre tendance verra le jour au 17e siècle concomitamment à la naissance des Etats-
nations. Ces structures politiques cherchent à asseoir leur puissance en utilisant l’art
comme un instrument de promotion : définition du beau par des académies liées au
pouvoir, glorification des élites par le portrait. Ainsi la constitution des nations
néerlandaise et française impriment aux productions artistiques des caractéristiques
propres. Le classicisme français, prolongement mais aussi réaction au baroque, trouve
son origine dans une volonté politique : celle de Louis XIV.

Claude Lorrain. Paysage avec Enée à Délos (1672)

Rubens. Bacchus (1638-40)


Claude Lorrain. Paysage avec Enée à Délos
(1672)
Ainsi, l'art du 17e siècle est animé par deux tendances souvent contradictoires. Le
baroque apparaît d'abord comme une recherche de la vérité en rupture avec
l'idéalisation de la beauté de la Haute Renaissance. Caravage veut nous montrer les
hommes tels qu'ils sont et ne recule pas devant la laideur, contrairement aux artistes
du 16e siècle. Tous les peintres baroques adhèrent à ce principe de vérité et Rubens,
sous couvert de mythologie antique, ira très loin dans la représentation de la laideur :
1571-1610
Michelangelo Merisi, dit Caravaggio (en français Caravage)

La mise au tombeau (1602-1603).


Huile sur toile, 300 × 203 cm,
Pinacoteca, Vatican. Le tableau
adopte une composition diagonale
avec, en haut, trois Marie dont
Marie Cléophas les bras levés. Au
centre Joseph d’Arimathie soutient
le Christ mort par les jambes, le
regard vers le spectateur. A gauche
Jean soutient le haut du corps.
Tous ces personnages reposent sur
la dalle du tombeau.
Mais le 17e siècle est aussi en rupture avec la Renaissance par la volonté des
puissants d'utiliser l'art à leur profit. Cet aspect n'était sans doute pas absent aux 15e
et 16e siècles : l'Église et l'aristocratie étaient les principaux commanditaires. Mais la
Renaissance est d'abord une libération, une ouverture sur l'innovation, une sortie de
la longue stagnation du Moyen Âge. Au 17e siècle, les puissances qui régentent le
monde vont tenter de canaliser la créativité des artistes. L'Église catholique cherchera
à utiliser la peinture baroque comme moyen de propagande au moment où se
développe le protestantisme. La monarchie absolue française va instaurer une
Académie de peinture et de sculpture qui édictera des règles strictes et hiérarchisera
les œuvres en les rattachant à des catégories. Pour plaire au souverain, il faut d'abord
respecter la norme académique.

Depuis cette époque, cette dualité de la production artistique n'a jamais cessé.
Renouveler au risque de choquer est le propre de la créativité artistique ; mais les
puissances, et en premier lieu les Etats, sont une source de financement et il faut
leur plaire pour être accepté.
La peinture baroque

L’art baroque prend naissance à la fin du 16e


siècle dans un contexte de conflits religieux.
L’apparition du protestantisme à partir du 15e
siècle, mais surtout au 16e siècle, avait porté
atteinte au monopole spirituel de l’Eglise
catholique sur l’ensemble de l’occident. A
cette « Réforme protestante » succédera une «
Contre-Réforme » catholique visant à faire
reculer l’influence protestante. La stratégie de
la Contre-Réforme avait été définie lors du
concile de Trente (1545-1563), assemblée
d’évêques catholiques disposant du pouvoir
de faire évoluer les règles régissant cette
église et cette croyance. Le concile avait
particulièrement insisté sur le rôle de
propagande religieuse de la peinture et de la
sculpture. Les artistes doivent produire des
œuvres représentant les différents épisodes
bibliques et capables de susciter un
renouveau de ferveur religieuse.
Qu’il s’agisse d’architecture ou de peinture, l’art baroque est dans un premier
temps déterminé par les commandes passées par l’Eglise catholique. Les ordres
religieux font construire ou embellir les églises et couvents. Les riches prélats
décorent leurs demeures. Les monarques catholiques et l’aristocratie vont ensuite
prendre le relais.
Quelles sont les caractéristiques de cette peinture qui naît de la propagande
religieuse ? Il s’agit de marquer les esprits, en particulier les esprits simples. Une
lourde ornementation en architecture, des couleurs luxuriantes, des jeux d’ombres et
de lumières, une accentuation du mouvement, l’expression intense des sentiments en
peinture permettront d’accomplir la mission régénératrice. Au demeurant, l’incitation
religieuse initiale n’empêchera pas les artistes d’exprimer leur subjectivité. Par rapport
au maniérisme, qui le précède, le baroque est un réalisme qui n’hésite pas à choquer
par des scènes violentes (Artemisia Gentileschi) ou à mettre en évidence les détails de
l’anatomie (la musculature du Christ par exemple chez Rubens).

Christ avec couronne d’épines

HT (126 × 96 cm) — c. 1612


Quant au mot baroque, il dérive d’un terme de joaillerie portugais,
barocco, qui désigne des perles irrégulières. Il va être appliqué au
domaine artistique, de façon péjorative, pour désigner tout ce qui
ne respecte le « bon goût » de l’époque. Le baroque suit les caprices
de l’artiste et non les proportions idéales. Cette acception
péjorative sera accentuée par la suite pour équivaloir à difforme,
grotesque, et survivra jusqu’à la première guerre mondiale. Les
artistes du 17e siècle, que nous qualifions aujourd’hui de baroques,
ne se considéraient donc pas comme tels et ignoraient même le
mot. C’est a posteriori que le qualificatif est apparu, mais il n’a plus
aujourd’hui, de nuance dépréciative.
Le baroque en Italie

1571-1610

Michelangelo Merisi, dit Caravaggio (en


français Caravage), est né à Milan en 1571.
Son nom d’artiste provient de la petite
commune proche de Bergame (Lombardie)
où il passa son enfance : Caravaggio. Son
père y travaillait comme contremaitre,
maçon, architecte et intendant du marquis de
Caravaggio. En 1584, il entre comme
apprenti dans l’atelier du peintre milanais
Caravage par Ottavio Leoni (1621)
Simone Peterzano (1540-1596) où il reste
quatre ans. Il revient ensuite à Caravaggio Craie sur papier bleu, 23,4 × 16,3 cm,
Biblioteca Marucelliana, Florence
puis, en 1592, part pour Rome. Il mène dans
cette ville une vie difficile, travaillant pour le
compte de peintres comme Giuseppe Cesari,
dit le Cavalier d'Arpin (1568-1640), peintre
attitré du pape. Il peint d’abord des scènes
de genre comme Garçon avec un panier de
fruits (1593) ou Les Musiciens (1595).
Caravage. Les musiciens (1595)
Garçon avec un panier de fruits
(1593). Huile sur toile, 70 × 67
cm, Galleria Borghese, Rome. L'un
des premiers tableaux de
Caravage concilie le portrait et la
nature morte. Un jeune garçon
vêtu « à l'Antique » serre contre sa
poitrine une corbeille de fruits.
Celle-ci permet au jeune artiste
d'utiliser de multiples couleurs
pour représenter raisins, pommes,
poires, abricots, figues, grenades,
feuilles de vigne, de poirier et de
citronnier.
Remarqué par le cardinal Francesco Maria Borbone del Monte (1549-1626), qui lui
achète Les Tricheurs, Caravage loge au palais Madame (actuellement immeuble du
Sénat) à partir de 1597. Ce puissant protecteur permettra à Caravage de recevoir
des commandes du clergé pour la décoration des édifices religieux : Le Martyre de
Saint-Matthieu (1599-1600), La conversion de Saint-Paul sur le chemin de Damas
(1600-01). Ces tableaux très novateurs, qui allient mouvement, ombre et lumière,
seront très remarqués. Mais Caravage a un tempérament de mauvais garçon,
violent et querelleur. Il est mêlé à des affaires de mœurs et à des affaires
criminelles et fait plusieurs séjours en prison et à l’hôpital.

Les Tricheurs (1594-95). Huile sur toile, 92 × 129


cm, Kimbell Art Museum, Fort Worth. Trois
personnages sont absorbés par une partie de
cartes. Le joueur honnête, à gauche, est opposé à
un tricheur qui cache des cartes dans sa ceinture.
Un acolyte le renseigne sur le jeu de son
adversaire. Le fond uni et le traitement de la
lumière sur les visages permettent de souligner les
attitudes.
Le martyre de saint Matthieu (1599-1600).
Huile sur toile, 323 × 343 cm, chapelle
Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français,
Rome. L'apôtre martyrisé, Matthieu, est à
terre. Son bourreau, personnage
typiquement caravagesque, représenté en
pleine lumière, le tient à sa merci,
s’apprêtant à lui donne le coup de grâce.
Comme le précédent, ce tableau
monumental est une affirmation magistrale
du style de l’artiste, qui utilise le clair-obscur
pour accentuer la dramatisation.
La conversion de saint Paul
(1600-1601). Huile sur bois,
237 × 189 cm, collection
Odescalchi, Rome. Suivant les
textes évangéliques, Paul est
surpris par la voix de Dieu,
mais il n'y a pas d'apparition
visible dans ce tableau.
Caravage scénarise à sa façon
l'épisode biblique en plaçant
saint Paul à terre, face et bras
vers le ciel, la tête au premier
plan. Le palefrenier maintient
le cheval et observe Paul. Le
cheval occupe presque la
moitié du tableau.
Cependant, son génie pictural ne passe pas inaperçu. Sa renommée dépasse les
limites de Rome et se répand à toute l’Italie. Son réalisme parfois violent − Judith
décapitant Holopherne (1598) − heurte certaines sensibilités ou certains
conformismes et nombre de ses tableaux sont refusés.

Judith décapitant Holopherne


(1598). Huile sur toile, 145 × 195
cm, Galleria Nazionale d'Arte Antica,
Rome. Scène issue de l'Ancien
Testament. Judith, après avoir
séduit le général assyrien
Holopherne, l'assassine dans son
sommeil pour sauver son peuple du
tyran pendant le siège de Béthulie.
Une servante l'accompagne portant
le sac pour emmener la tête quand
elle sera coupée. Artemisia
Gentileschi reprendra le thème en
1620
Le tempérament violent de Caravage va
bouleverser sa vie. En 1606, au cours d’une
rixe, il tue en duel Ranuccio Tomassoni, le
chef de la milice de son quartier. Condamné
à mort, il s’enfuit de Rome en 1607.
Commence alors une vie errante : Naples,
Malte, la Sicile puis à nouveau Naples. Il
continue à peindre et à produire des chefs-
d’œuvre. En 1610, il apprend que le pape
est disposé à lui accorder sa grâce. Il
s’embarque pour Rome, mais lors d’une
escale à Palo, il est arrêté et jeté en prison.
Relâché quelques jours plus tard, son bateau
est déjà reparti. Il décide de faire le trajet à
pied et parvient à arriver à Porto Ercole à une
centaine de kilomètres. Mais il a contracté la
malaria et il décède dans cette ville le 18
juillet 1610 à l’âge de 38 ans.
Caravage est un des plus grands novateurs de l’époque. Sa peinture tranche avec le
maniérisme pour s’orienter vers un réalisme puissant et des évolutions esthétiques
majeures.

Le réalisme

Avec Caravage, nous quittons les représentations idéalisées des personnages bibliques.
Il choisit des modèles humains de type populaire, souvent même des marginaux :
prostituées, mendiants, enfants des rues. Les corps humains sont naturalistes avec
une mise en évidence de la musculature comme dans Le Martyre de Saint-Matthieu, La
Mise au tombeau ou David avec la tête de Goliath. L’Eglise catholique, qui cherche à
frapper les esprits face au puritanisme protestant, adoptera une politique sélective :
des toiles seront refusées comme choquantes, beaucoup d’autres seront acceptées.
David avec la tête de Goliath (1610). Huile sur bois, 91 × 116 cm, Kunsthistorisches
Museum, Vienne. Selon le récit biblique, Goliath était un géant « de six coudées et un
empan » soit environ 2,90 m. Goliath sortit du camp philistin et mit l’armée d’Israël au
défi de trouver un homme suffisamment fort pour gagner un duel déterminant l’issue du
conflit entre les deux nations. David, jeune berger agréé par Dieu, releva le défi lancé
par Goliath. Après avoir déclaré qu’il venait contre lui avec l'appui de Dieu, David lui jeta
une pierre avec sa fronde. Celle-ci s'enfonça dans le front de Goliath qui tomba à terre.
David lui prit son épée et acheva le géant en lui coupant la tête.
Le clair-obscur

Caravage joue beaucoup avec le contraste lumière-obscurité, grande innovation


esthétique, que l’on retrouvera au 20e siècle dans le cinéma et la photographie. Sur un
fond sombre, la scène principale est éclairée comme une scène de théâtre avec un
projecteur, ce qui accentue considérablement les contrastes ombre-lumière : Le Martyre
de Saint-Matthieu, La vocation de Saint-Matthieu, Amour endormi.

La vocation de saint Matthieu (1599-1600).


Huile sur toile, 322 × 340 cm, chapelle Contarelli
de l'église Saint-Louis-des-Français, Rome. A
gauche, le percepteur Levi (le nom de saint
Matthieu avant qu'il ne devienne apôtre) est
assis à une table avec ses quatre aides,
comptant les revenus du jour. Le Christ (à droite,
qui tend le bras) entre avec Saint-Pierre (au
premier plan à droite). D’un geste il appelle Levi
(barbu). Étonné par l’intrusion, Levi semble dire,
"Qui, moi ?", sa main droite restant sur la pièce
de monnaie qu'il avait comptée avant l'entrée de
Christ.
Amour endormi (1608). ). Huile sur toile, 71 × 105 cm, Palais Pitti, Florence.
Suite de l’Amour victorieux. Mais il n’est plus désirable et il est même laid. A
cette date, Caravage appartenait à l’Ordre des Chevaliers de Malte. Pour
reprendre le vocabulaire de la morale chrétienne de l’époque, il n’était pas
astreint à la chasteté mais ne devait surtout pas sombrer dans la
concupiscence. Par contre, les thèmes de la mort, de la souffrance ou de la
punition étaient tout à fait convenables.
L’érotisme

Le regard de Caravage se porte


principalement sur les corps masculins et on
a donc beaucoup commenté sa probable
homosexualité. Le corps des femmes (Judith
décapitant Holopherne) ne semble pas
désirable pour le peintre et par conséquent
pour le spectateur, même si le décolleté de la
Vierge (La Madone des palefreniers) avait été
condamné à l’époque. Ce sont de toute
évidence les garçons qui intéressent
Caravage, il suffit de regarder : Garçon avec
un panier de fruits, Les musiciens, Bacchus,
Amour victorieux. Bien entendu, cet aspect
de la personnalité du peintre ne pouvait pas
être abordé aux 16e et 17e siècles, ni même
au cours des siècles suivants. Le plus
étrange est que certains évoquent encore
aujourd’hui « l’érotisme ambigu » de l’artiste.
Caravage. Amour victorieux (1602)
Garçon avec un panier de fruits
(1593). Huile sur toile, 70 × 67
cm, Galleria Borghese, Rome.
L'un des premiers tableaux de
Caravage concilie le portrait et la
nature morte. Un jeune garçon
vêtu « à l'Antique » serre contre
sa poitrine une corbeille de
fruits. Celle-ci permet au jeune
artiste d'utiliser de multiples
couleurs pour représenter
raisins, pommes, poires,
abricots, figues, grenades,
feuilles de vigne, de poirier et de
citronnier.
Les musiciens (1595). Huile sur toile, 92 × 118,5 cm, Metropolitan Museum of
Art, New York. Caravage cherche à représenter un groupe de personnes en vue
d'une association allégorique musique-amour. Le joueur de luth accorde son
instrument. Le personnage se trouvant derrière lui pourrait être un autoportrait
du jeune Caravage. Le musicien vu de dos déchiffre une partition. Enfin, à
gauche, un Cupidon ailé tient une grappe de raisin.
Bacchus (1596-97). Huile sur toile,
95 × 85 cm, Galerie des Offices,
Florence. Bacchus est un Dieu
romain correspondant à Dionysos
dans la mythologie grecque. C'est le
dieu du vin, de l'ivresse, des
débordements, notamment sexuels,
ainsi que de la nature. La Bacchus
de Caravage est totalement atypique
car, visiblement, il s'agit d'un jeune
garçon au regard triste, déguisé pour
la circonstance. Le style
vestimentaire se veut antique mais
semble artificiel. Caravage utilisait
comme modèles les voyous des rues
de Rome, dont il édulcorait sans
doute les imperfections physiques.
Amour victorieux (1602). Huile
sur toile, 156 × 113 cm,
Staatliche Museen, Berlin.
Cupidon est en général un
jeune garçon angélique et
idéalisé. Il est ici physiquement
beaucoup plus réaliste. Le
regard narquois et la pose
sexuellement provocante ont
conduit certains critiques à
parler de l’attirance
homosexuelle de Caravage pour
son modèle.
La madone des palefreniers
ou La madone au serpent
(1606). Huile sur toile, 292
× 211 cm, Galleria
Borghese, Rome. Marie, en
rouge, soutient son fils qui
appuie son pied sur le sien
pour écraser un serpent.
Sainte Anne, patronne des
palefreniers de Rome
(commanditaires de
l'œuvre) observe la scène.
Le tableau fut refusé en
raison de la nudité de
l'enfant (jugé trop âgé) et du
décolleté de la Vierge.
Corbeille de fruits (1599). Huile sur toile, 31 × 47 cm, Pinacoteca
Ambrosiana, Milan. La nature morte, genre jugé inférieur à l'époque,
semble intéresser Caravage. Il avait déjà traité une corbeille de fruits
avec un portrait en 1593 (voir ci-dessus). Il réitère l'expérience, mais
donne à ses fruits et à sa corbeille elle-même une réalité qui semble
palpable.
Portrait d’Alof de
Wignacourt (1608). Huile
sur toile, 195 × 134 cm,
musée du Louvre, Paris.
Alof de Wignacourt
(1547-1622) est le 54e
grand maître de l'ordre
des Hospitaliers de Saint-
Jean de Jérusalem. Il est
accompagné d’un jeune
page portant son
heaume.
1560-1609

Né en 1560 à Bologne où son père était tailleur, Annibale


Carracci (en français Annibal Carrache) a d’abord appris le
métier de son père. C’est son cousin, le peintre Lodovico
Carracci (1555-1619) qui remarqua ses dons pour la
peinture, la lui enseigna et lui permit ensuite d’étudier les
grands maîtres italiens de l’époque : Le Corrège
(1489-1534) à Parme, Le Tintoret (1518-1594) et Véronèse
(1528-1588) à Venise. De retour à Bologne, Carrache va
devenir l’un des grands peintres représentatifs de l’art
religieux voulu par le concile de Trente (1545-1563).

Autoportrait. Huile sur toile, 57 × 68 Avec son frère Agostino et son cousin Lodovico, Annibal
cm, Galerie des Offices, Florence
Carrache fonde à Bologne en 1585 l’Académie des
Incamminati (Accademia degli Incamminati). En réaction au
maniérisme du 16e siècle, l’Académie propose un style
nouveau qui puise son inspiration dans l’art de l’Antiquité et
les maîtres de la Haute Renaissance italienne. L’Académie
des Carrache est à la fois une école, dans laquelle les
étudiants apprennent le dessin et copient les grands
maîtres, et une institution culturelle visant à diffuser une
conception stylistique nouvelle.
Domine, quo vadis ? (1601-02).
Huile sur bois, 77,4 × 56,3 cm,
National Gallery, Londres.
Mythologie chrétienne. Au
moment de la crucifixion, l’apôtre
Pierre avait renié le Christ (« Je
ne connais pas cet homme »).
Après la mort du Christ, Pierre
part pour Rome. Le Christ lui
apparaît sur la via Appia près de
la ville. Pierre lui demande « Où
vas-tu, Seigneur ? » (en latin «
Domine, quo vadis ? »). Le Christ
répond : « Je vais à Rome me
faire crucifier une seconde fois ».
Pierre décide alors de ne plus
fuir. Il retourne à Rome et il est
crucifié à sa demande.
A Bologne Annibal Carrache peint des portraits, des paysages ou des scènes de genre. Il est remarqué par le
cardinal Odoardo Farnèse (1573-1626) pour les décors des palais Fava et Magnani réalisés avec son frère Agostino
(1557-1602) et son cousin Lodovico. En 1595, le cardinal l’appelle à Rome pour décorer son palais. Pendant huit
ans, il travaillera dans le palais Farnèse, décorant seul la voûte de la grande galerie (20 m de long sur 5 m de
large). Nicolas Poussin (1594-1665) déclarera qu’il s’agit d’une des merveilles de l’art. Les parois ont été réalisées
en famille et avec l’aide des élèves d’Annibal Carrache. Mais cette œuvre colossale est mal accueillie par le
cardinal Farnèse qui ne donne que 500 écus à Carrache pour prix de son travail. L’artiste est profondément meurtri
par tant d’injustice et il ne parviendra pas à sortir d’une grave mélancolie (que nous appellerions sans doute
dépression aujourd’hui).

Annibal Carrache meurt à Rome en 1609 et, selon son vœu, il est inhumé auprès de Raphaël (1483-1520).
Le Triomphe de Bacchus et d’Ariane (voûte du palais Farnèse, 1597-1602).
Fresque. Annibal Carrache a représenté le Triomphe de Bacchus et d'Ariane,
tous deux montés sur des chars marchant de front et traînés par des tigres et
des boucs blancs. Autour sont des faunes, des satyres, des bacchantes qui
leur font cortège.
Triomphe de Bacchus et d’Ariane (voûte
palais Farnèse détail, 1597-1602)Triomphe
de Bacchus et d’Ariane (voûte palais Farnèse
détail, 1597-1602). Fresque.
Il est courant d’associer les deux frères (Annibal et Agostino), et le cousin (Lodovico ou
Ludovico) sous l’appellation Les Carrache. Si la plus forte personnalité artistique est
Annibal, ils ont souvent constitué une équipe, en particulier pour fonder et animer leur
académie ou pour décorer le palais Farnèse. Les Carrache ont joué un rôle de premier
plan car leur académie est à la racine du dépassement du maniérisme et de
l’implantation du classicisme du 17e siècle, en particulier en France. Doivent-ils être
rattachés au baroque ou au classicisme ? Bien entendu, une telle question n’a pas de
réponse. Toute classification se heurte à des problèmes de limites et dans le domaine
artistique, ces limites sont assez floues. Du baroque, les Carrache possèdent le
réalisme, la volonté de revenir à la nature, qui se manifeste en particulier dans la
valorisation du paysage, genre considéré comme secondaire auparavant. Leur nature est
cependant assez nettement idéalisée, car l’inspiration provient de Raphaël et le culte du
beau est un élément central. C’est plutôt le vrai que le réel qui est recherché : respect du
modèle, minutie dans l’exécution s’opposent à l’exagération, à la volonté manifeste de
briller par une fantaisie débridée propre au maniérisme. Mais la peinture des Carrache
correspond également à certaines caractéristiques du classicisme : rigueur de la
composition, importance du dessin (ils cherchent à concilier dessin et couleur). Leur
œuvre majeure, les fresques du palais Farnèse à Rome, illustre bien cette double
inspiration : réalisme et mouvement, mais composition parfaitement équilibrée et
contours nettement apparents qui indiquent l’importance accordée au dessin.
Palais Farnèse

Le Palais Farnèse est le siège de


l’Ambassade de France à Rome,
proche de Campo de’ Fiori son
imposante façade se dresse sur la
Place Farnese ornée de deux
fontaines de granit qui étaient à
l’origine des baignoires retrouvées
dans les termes de Caracalla.
L’histoire du Palais commence au
XVI siècle lorsque le cardinal
Alessandro Farnese, futur Paul III
achète des maisons du quartier
Regola dans le but de les détruire
pour faire place au palais qu’il a
demandé à l’architecte Antionio da
Sangallo le Jeune. Les travaux
commencent en 1514, sont
interrompus en 1527 lors du sac de
Rome et reprennent une fois le
cardinal Farnese devenu Paul III.
Carrache. Paysage fluvial (1590)
Ces innovations et cette pondération vont séduire Nicolas Poussin (1594-1665) et
influer en France sur l’Académie Royale de peinture et de sculpture et, par suite, sur
toute la peinture des 17e et 18e siècles.
Paysage fluvial (1590). Huile sur toile, 89 × 148 cm, National Gallery
of Art, Washington. Il s'agit toujours, à cette époque, de paysages
reconstitués en atelier à partir d'esquisses prises sur le vif. Le peintre
cherche à nous proposer un idéal du paysage, non à représenter
fidèlement un paysage existant. Cela n'exclut pas l'exactitude des
détails.
Le mangeur de fèves (1580-90). Huile sur toile, 57 × 68 cm, Galleria
Colonna, Rome. Annibal Carrache a commencé par des scènes de genre
très réalistes. Une telle approche n'est pas commune au 17e siècle,
d'autant que ce tableau, sans aucun artifice de composition, acquiert
paradoxalement une modernité surprenante.
La pêche (avant 1595). Huile sur toile, 136 × 253 cm, musée du Louvre, Paris. « Dans
un paysage de campagne, le peintre met en place plusieurs groupes de personnages
qui forment autant de petites scènes de genre. Chacune d'elles semble prise sur le vif
bien que réunies artificiellement dans un même espace. » (Notice musée du Louvre)
Le choix d’Hercule (1596). Huile sur toile, 167 × 273 cm, Museo Nazionale di
Capodimonte, Naples. Le jeune Hercule est confronté au choix entre le chemin
laborieux, mais glorieux, de la Vertu, et celui séduisant, mais avilissant, de la
Volupté. Ce thème, inspiré de Xénophon et de Cicéron, est souvent repris dans
les littératures européennes des 15e et 16e siècles.
Adonis découvrant Vénus (1595).
Huile sur toile, 217 × 246 cm,
Kunsthistorisches Museum, Vienne.
Illustration de la mythologie antique
dans laquelle les dieux sont impliqués
dans de multiples et inextricables
histoires de guerre et d’amour. Adonis
est un mortel réputé pour sa beauté.
Vénus est la déesse de l’amour dans
la mythologie romaine (elle s’appelle
Aphrodite chez les grecs).
Portrait de Giovanni
Gabrielli jouant du luth
(1599-1600). Huile sur
toile, 77 × 64 cm,
Gemäldegalerie Alte
Meister, Dresde. Giovanni
Gabrieli (ou Gabrielli), né
vers 1554 ou 1557 à
Venise, mort en 1612 en
cette ville, est un
compositeur italien.
Vénus endormie avec des amours (1602-03). Huile sur toile, 190 × 328 cm, Musée
Condé, Chantilly. Les Vénus endormies ou allongées prolifèrent dans la peinture
occidentale : Giorgione (Vénus endormie, 1510), Titien (Vénus d’Urbino,1538),
Gentileschi (Vénus endormie, 1625-30). Manet détournera le thème en 1863 avec
son Olympia.
Giorgione (Vénus endormie, 1510)
Titien (Vénus d’Urbino,1538)
Manet, Olympia, 1863, Musée d’Orsay.
La fuite en Egypte (1603). Huile sur toile, 122 × 230 cm, Galleria Doria Pamphilj,
Rome. Ce paysage appartient à une série de six lunettes illustrant des épisodes de
la vie de la Vierge exécutés par Annibal Carrache et ses disciples à Rome, pour la
chapelle du palais du cardinal Pietro Aldobrandini (1571-1621).
En résumé, peu de choses, au XVII°s
différencient, semble-t-il, le baroque du
classicisme.
- Les sujets sont les mêmes, encore que le
baroque admette la scène de genre que le
classicisme exclut.
- La codification des passions fonctionne
identiquement. Simplement d’un côté la
passion est mise en scène et se fait
éloquente, de l’autre elle apparaît sous le
contrôle de la raison.
- A la peinture d'histoire, le classicisme
adjoint en outre le paysage historique
-L’ensemble baroque et classicisme forme ce
qu’il a été convenu d’appeler le Grand Style.

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