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ANHÉDONIE : C’est Théodule Ribot psychologue français qui a créé, en 1896, le néologisme «

anhédonie » _du grec : a-, « sans » + hêdonê, « plaisir »_.

Dans La Psychologie des Sentiments (1896), il écrit: « Le plaisir dans certaines circonstances
anormales peut totalement disparaître ; l’anhédonie, si l’on me permet ce néologisme, par rapport à
l’analgésie, a été très peu étudiée mais elle existe. Je n’ai pas à rappeler que l’emploi des
anesthésiques supprime en même temps la douleur et son contraire ... Il existe des cas où
l’insensibilité au plaisir existe seule ... Cette insensibilité n’existe pas seulement pour le plaisir
physique mais pour le plaisir moral (joie, gaité). Sans parler des cas de mélancolies profondes qui
nous occuperont plus tard, où le moindre rayon de joie ne pénètre pas dans l’individu, il y a des cas
d’anhédonie qui semblent plus simples et plus nets ».

Pour Ribot, la création du terme et du concept d’anhédonie s’inscrit dans une volonté de « symétrie
» théorique regroupant douleur/plaisir et

analgésie/anhédonie. L’anhédonie peut être présente dans des troubles organiques mais aussi dans
des pathologies psychiatriques (« ces cas de mélancolies profondes »). (Gaillard, Gourion & Llorca,
2013)

Dans le champ de la schizophrénie_, Kraepelin comme Bleuler décriront ce concept sans utiliser le
néologisme. Kraepelin (1909) évoque « _l’indifférence caractéristique des patients pour les
interactions sociales, l’absence d’émotion, l’extinction de l’affection pour la famille et les amis, et la
perte de satisfaction dans leurs activités diverses sont assez souvent les premiers symptômes à se
manifester, marquant le début de la maladie ».

En psychopathologie, l’anhédonie peut se référer à la fois à un symptôme-état dans divers troubles


psychiatriques et organiques (dépression, schizophrénie, toxicomanies et autres conduites à risque,
maladie de Parkinson, etc.) et à un symptôme-trait caractérisant le patient et intégré dans certains
modèles de vulnérabilité. (Gaillard, Gourion & Llorca, op. cit.)

Dans sa définition originale, Ribot décrit l’anhédonie comme « l’incapacité à éprouver du plaisir ».
Cependant, il est apparu que le concept de plaisir est un construit complexe qui intègre, outre
l’éprouvé subjectif de plaisir, des composantes distinctes : renforcement positif, désir et motivation,
capacité cognitive à anticiper l’utilité d’un comportement, traitement de la récompense et mémoire
de l’éprouvé de plaisir (Treadway & Zald, 2011). Ces données nouvelles ont récemment conduit à la
spécification de deux catégories :

▪ l’anhédonie de consommation (apprécier ou "liking"),

et

▪ l’anhédonie de motivation (vouloir ou "wanting")

Cette distinction semble pertinente cliniquement. En effet, le psychiatre Donald Klein (1984) a noté
que de nombreux patients souffrant de dépression et d’anhédonie semblaient parvenir à profiter de
récompenses qui étaient facilement disponibles, mais se plaignaient sincèrement de ne sentir aucune
envie de les obtenir .

De meme, des échelles ont été développées pour caractériser chez les patients l'anhédonie et l’effet
de la prise en charge thérapeutique sur celle-ci.

Voici deux échelles de mesure d'anhédonie :

▪ La Fawcett Clark Depression Scale (Fawcett, 1983) a été spécifiquement développée pour la mesure
de l’anhédonie dans la dépression. Elle a été traduite en français (Hardy et al., 1986). Elle comporte
36 items.

▪ L’échelle de plaisir de Snaith-Hamilton (Snaith, Hamilton et al., 1995), abrégé Shaps est la plus
couramment utilisée dans la mesure de l’anhédonie. C'est un auto-questionnaire de 14 items conçu
pour évaluer la capacité hédonique du patient dans différentes circonstances de la vie quotidienne.
Elle a été traduite en français par Loas et al (1997).

Les 14 items couvrent quatre domaines (dimensions) d’expérience hédonique : intérêts/passe-temps


(items 1, 4 et 9), interaction sociale (items 2, 7, 8, 13, et 14), expérience sensorielle (items 5, 6, 11, et
12), et nourriture/boisson (items 3 et 10).

Comme il s’agit d’une échelle courte,elle s’avère être un instrument très utile pour mesurer
l’anhédonie dans les domaines cliniques et de recherche.

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