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Annuaire français de droit international

La restitution du patrimoine culturel africain : règles


internationales applicables et pratiques nationales
Lily Martinet

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Martinet Lily. La restitution du patrimoine culturel africain : règles internationales applicables et pratiques nationales. In:
Annuaire français de droit international, volume 65, 2019. pp. 675-696;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.2019.5331;

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2019_num_65_1_5331;

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Abstract

The speech given in 2017 at the University of Ouagadougou by France’s president Emmanuel Macron and the publication in
November 2018 of the report Restitution of African Cultural Heritage : Towards a New Relational Ethics written by Felwine Sarr and
Bénédicte Savoy have brought to the forefront the issue of the restitution of Africa’s cultural heritage. This complex issue does not only
concern a constellation of different actors – States, cultural institutions, the African diaspora and local communities – but it also
emphasizes the interplay between two fundamental dimensions of law : time and space. The transition from colonization to
independence and the removal of artefacts from Africa generate legal puzzles calling for the application of international and domestic
law. The aim of this article is to present the different international legal solutions that may apply to requests for restitution made
between States or in an asymmetric relationship involving non-State actors.

Résumé

Le discours prononcé en 2017 par le Président de la République française à l’Université de Ouagadougou et la publication en
novembre 2018 du Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle écrit par Felwine
Sarr et Bénédicte Savoy ont ramené au premier plan la question des restitutions du patrimoine culturel africain. Cette question
complexe concerne non seulement une constellation d’acteurs – les États, les institutions culturelles, la diaspora africaine et les
communautés locales – mais elle fait aussi jouer ces dimensions essentielles du droit que sont le temps et l’espace. La transition de la
colonisation à l’indépendance et le déplacement massif des artefacts de l’Afrique vers l’Europe ont généré des casse-têtes juridiques
qui font autant appel au droit international public et privé qu’au droit interne. L’objet de cet article est d’exposer les différentes solutions
juridiques internationales applicables aux demandes de restitution, qu’elles soient formulées sur un plan interétatique ou dans une
relation asymétrique impliquant des acteurs non étatiques.
ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
LXV – 2019 – CNRS Éditions, Paris

LA RESTITUTION DU PATRIMOINE CULTUREL


AFRICAIN RÈGLES INTERNATIONALES
APPLICABLES ET PRATIQUES NATIONALES
Lily MARTINET*

Résumé : Le discours prononcé en 2017 par le Président de la République française


à l’Université de Ouagadougou et la publication en novembre 2018 du Rapport sur la
restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle écrit par
Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont ramené au premier plan la question des restitutions
du patrimoine culturel africain. Cette question complexe concerne non seulement une
constellation d’acteurs – les États, les institutions culturelles, la diaspora africaine et les
communautés locales – mais elle fait aussi jouer ces dimensions essentielles du droit que
sont le temps et l’espace. La transition de la colonisation à l’indépendance et le déplacement
massif des artefacts de l’Afrique vers l’Europe ont généré des casse-têtes juridiques qui
font autant appel au droit international public et privé qu’au droit interne. L’objet de cet
article est d’exposer les différentes solutions juridiques internationales applicables aux
demandes de restitution, qu’elles soient formulées sur un plan interétatique ou dans une
relation asymétrique impliquant des acteurs non étatiques.
Abstract: The speech given in 2017 at the University of Ouagadougou by France’s
president Emmanuel Macron and the publication in November 2018 of the report
Restitution of African Cultural Heritage: Towards a New Relational Ethics written by
Felwine Sarr and Bénédicte Savoy have brought to the forefront the issue of the restitution
of Africa’s cultural heritage. This complex issue does not only concern a constellation of
different actors – States, cultural institutions, the African diaspora and local communities
– but it also emphasizes the interplay between two fundamental dimensions of law: time
and space. The transition from colonization to independence and the removal of artefacts
from Africa generate legal puzzles calling for the application of international and domestic
law. The aim of this article is to present the different international legal solutions that may
apply to requests for restitution made between States or in an asymmetric relationship
involving non-State actors.

Le discours prononcé en 2017 par le président de la République française, à


l’Université de Ouagadougou, a ramené au premier plan la question des restitutions
du patrimoine culturel africain. Emmanuel Macron s’était engagé à cette occasion à
réunir en cinq ans 1 les conditions pour « des restitutions temporaires ou définitives

(*) Senior Research Fellow à l’Institut Max-Planck Luxembourg. Elle a soutenu en 2017 une thèse
intitulée « Les expressions culturelles traditionnelles en droit international » publiée en 2019 par IRJS
Éditions.
1. Cette durée de cinq ans a également été retenue pour la reconstruction de la cathédrale de Notre-
Dame. Elle place des éléments appartenant à un temps long dans un intervalle court, ce qui peut surprendre
au regard de la valeur et de l’importance de ces patrimoines et de leur histoire.
676 la restitution du patrimoine culturel africain

du patrimoine africain en Afrique » 2. Pour amorcer cette dynamique, il a confié


à Felwine Sarr 3 et Bénédicte Savoy la rédaction d’un rapport. La publication en
novembre 2018 de ce document intitulé Rapport sur la restitution du patrimoine
culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle 4 a eu des répercussions
allant bien au-delà de la France. Elle a notamment amplifié les demandes de resti-
tution 5 et donné lieu au retour de plusieurs objets et œuvres d’art 6. Il ne faudrait
pas pour autant croire que la question des restitutions du patrimoine culturel
africain est d’apparition récente et que les problématiques qu’elle soulève sont
nouvelles 7. Cette question est ancienne et ressurgit dans la sphère publique comme
un serpent de mer depuis la colonisation 8 et l’indépendance des États africains 9.
Dans le discours de Ouagadougou, la restitution a été présentée dans une pers-
pective de réconciliation et de réparation comme « un remède » pour reconstruire
un « imaginaire commun » libre de « traumatismes » et pour tisser une « nouvelle
relation d’amitié dans la durée » entre la France et l’Afrique 10. Le choix de ces mots
qui peut au premier abord sembler anodin constitue l’un des obstacles majeurs
à une approche raisonnée de la question des restitutions. Celle-ci comporte une
charge émotionnelle intense voire viscérale transformant les œuvres d’art dépla-
cées en stigmates des injustices passées. L’historienne de l’art Bénédicte Savoy a
par exemple déclaré vouloir savoir quelle quantité de sang s’écoulait d’une œuvre
d’art 11. Ce discours structuré sur la culpabilité et la douleur fait passer le droit au
second plan au profit de considérations d’ordre moral qui occultent la technique
juridique et sa rationalité.
La restitution ne peut pas être évoquée en effet sans exhumer les injustices
historiques causées par la conquête, l’expansion et l’occupation coloniales 12. La

2. E. Macron, Discours à l’Université de Ouagadougou, 28 novembre 2017, [https://www.elysee.fr/


emmanuel-macron/2017/11/28/discours-demmanuel-macron-a-luniversite-de-ouagadougou].
3. Il est intéressant de noter que le discours d’Emmanuel Macron à l’Université de Ouagadougou se
terminait sur une citation de Felwine Sarr : « l’Afrique n’a personne à rattraper, elle ne doit plus courir
sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi ».
4. F. Sarr et B. Savoy, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle
éthique relationnelle, novembre 2018, [http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_fr.pdf]. Le rapport a
également été publié en 2019 au Seuil.
5. Le rapport a déclenché des demandes de restitution formulées notamment par la Côte d’Ivoire et
le Sénégal en novembre 2018.
6. Voir par exemple la remise en 2019 du sabre d’El Hadj Omar Foutiyou Tall au Sénégal et l’annonce
faite par Emmanuel Macron de la restitution au Bénin de 26 objets inscrits sur les inventaires du Musée
du quai Branly - Jacques Chirac.
7. Le terme de restitution est utilisé dans cet article dans son sens général englobant à la fois des
cas de restitution stricto sensu, c’est-à-dire ceux concernant un bien culturel volé, et ceux qui portent
sur le retour de biens qui ont été illicitement exportés, voir notamment : M. Cornu, J. Fromageau et
C. Wallaert, Dictionnaire comparé du droit du patrimoine culturel, Paris, CNRS Éditions, 2012, p. 879 ;
Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (Rome, 24 juin 1995), art. 1 ;
R. Peters « Restitution and Return of Cultural Objects », in A. J. Wiesand, K. Chainoglou, A. Śledzińska-
Simon et Y. Donders (dir.), Culture and Human Rights : The Wroclaw Commentaries, Berlin, De Gruyter,
2016, pp. 263-264.
8. Voir par exemple la demande soumise en 1872 auprès de la reine Victoria par l’Empereur éthiopien
Yohannes IV pour la restitution d’un manuscrit et d’une icône retirés de Magdala par l’armée britannique
dans F. Shyllon, « Repatriation of Antiquities to Sub-saharan Africa : The Agony and the Ecstasy », Art
Antiquity and Law, 2014, vol. XIX, nº 2, p. 134.
9. M. Murphy, « Éthique et politique de la restitution des biens culturels à l’Afrique : les enjeux
d’une polémique », Sociétés et Représentations, 2019, vol. 2, nº 8, p. 260.
10. E. Macron, op. cit.
11. K. Brown, « ‘The Idea Is Not to Empty Museums’ : Authors of France’s Blockbuster Restitution
Report Say Their Work Has Been Misrepresented », Artnet News, 24 janvier 2019, [https://news.artnet.
com/art-world/restitution-report-critics-1446934].
12. Sur cette histoire, voir le remarquable cours de Bénédicte Savoy « Présence africaine dans les
musées d’Europe » (2019-2020) donné au Collège de France et disponible sur : [https://www.college-de-
france.fr/site/benedicte-savoy/p18441062737264870_content.htm].
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littérature qui aborde les enjeux de restitutions relate la violence des expéditions
punitives. Sont notamment fréquemment cités le sac par l’armée britannique de
Benin City en 1897 (faisant aujourd’hui partie du Nigeria) ou encore la bataille
de Magdala en 1868, qui était à l’époque la capitale de l’empire éthiopien 13. La
brutalité de ces événements s’est doublée de l’appropriation par les puissances colo-
nisatrices d’éléments centraux du patrimoine des cultures africaines. Les troupes
britanniques ont pris par exemple à Benin City des centaines de plaques représen-
tant des scènes de la vie de la cour du royaume du Bénin et retraçant son histoire.
Ces plaques, qui sont connues sous le nom de « bronzes du Bénin », ont par la suite
été disséminées à travers l’Europe. Plusieurs d’entre elles sont entrées dans les
collections d’institutions culturelles européennes, principalement dans celles du
British Museum mais aussi dans celles de musées allemands et autrichiens 14. À
Magdala, le volume du butin aurait mis à contribution 15 éléphants et 200 mules
pour le porter et l’emporter en Europe 15. Comme dans le cas du sac de Benin
City, les objets ont été dispersés principalement au sein d’institutions culturelles,
notamment le British Museum et les bibliothèques de Cambridge et d’Oxford 16.
Cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des objets saisis se soit retrouvé
dans des collections muséales, une partie d’entre eux est également rentrée dans le
patrimoine de personnes privées, se perdant parfois dans des caves ou des greniers,
ou est réapparue sur le marché de l’art. Le gouvernement du Nigeria s’est ainsi
retrouvé à débourser en 1980 plus de 800 000 livres sterling pour acquérir aux
enchères plusieurs bronzes du Bénin afin de les exposer dans son musée national
à Lagos 17.
En parallèle de ces prises violentes, un autre phénomène plus subreptice a
concouru au déplacement massif du patrimoine culturel africain vers l’Europe. Le
développement au xixe siècle de l’anthropologie et de l’ethnologie a mené à l’accu-
mulation d’importantes collections d’objets utilitaires et d’œuvres récoltés auprès
des communautés en Afrique. Les missions ethnographiques avaient en partie
pour finalité de « récolter au plus vite la plus grande quantité possible d’objets qui
pouvaient disparaître et de peupler les musées qui venaient de naître » 18. Marcel
Mauss conseillait par exemple, dans ses Instructions d’ethnographie descriptive, de
collectionner « tous les objets d’art, y compris les plus humbles : poupées de papier,
lanternes en vessies, etc. » 19. Il précisait qu’il ne fallait pas « craindre les doubles
ou les triples » 20. La mission ethnographique Dakar-Djibouti (1931-1933) orga-
nisée par l’Institut d’ethnologie de l’Université de Paris et par le Museum national
d’histoire naturelle a collecté par exemple des milliers de pièces pour grossir les

13. Voir notamment : F. Shyllon, « Unraveling History : Return of African Cultural Objects Repa-
triated and Looted in Colonial Times », in J. A. R. Nafziger et A. M. Nicgorski, Cultural Heritage Issues :
The Legacy of Conquest, Colonization, and Commerce, Leiden, Brill, 2010, p 160 ; R. Pankhurst, « Ethiopia,
the Aksum obelisk, and the Return of Africa’s Cultural Heritage », African Affairs, 1999, pp. 229-232. Pour
un récit du pillage (en anglais looting) du palace du roi Ashanti Kofi Karikari, voir K.A. Appoah, Cosmo-
politanism : Ethics in a World of Strangers, New York, W.W. Norton & Co, 2006, pp. 115-116.
14. A. A. Adewunmi, « Possessing Possession : Who Owns Benin Artefacts », Art Antiquity and Law,
2003, vol. 20, nº 2, p. 230.
15. F. Shyllon, « Negotiations for the Return of Nok Sculptures from France to Nigeria : An Unrigh-
teous Conclusion », Art Antiquity and Law, 2003, vol. 8, nº 2, p. 134.
16. Ibid.
17. F. Shyllon, « Restitution to Sub-saharan Africa : The Booty and Captivity : A Study of Some of
the Unsuccessful Efforts to Retrieve Cultural Objects Purloined in the Age of Imperialism in Africa », Art
Antiquity and Law, 2015, vol. XX, nº 4, p. 370.
18. M. Mauss, Manuel d’ethnographie, Paris, Payot, 2002, p. 27.
19. Ibid., p. 139.
20. Ibid., p. 22.
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collections des musées français 21. Le Rapport général de la mission fait état de
plus de 3 000 objets recueillis comprenant notamment des poupées, des pierres
peintes, des masques et coiffures de danse, des sculptures, des poteries, des objets
rituels magiques et religieux 22. La mission Sahara-Cameroun (1936-1937) a, quant
à elle, rassemblé environ 3 tonnes d’objets 23. Les termes de « boulimie » 24 ou en
anglais de « frenzy » 25 ont très justement été utilisés pour décrire ces pratiques qui
avaient l’ambition encyclopédique de classer et de conserver les manifestations des
cultures extra-occidentales. Ces missions avaient en outre pour contenu latent de
légitimer la colonisation 26.
Les conditions d’acquisition des objets lors de ces missions ethnographiques
sont dans certains cas équivoques 27. L’ethnologue Michel Leiris, qui avait participé
à la mission Dakar-Djibouti, a décrit par exemple dans L’Afrique fantôme le vol
d’objets sacrés commis en pleine nuit et des pratiques de chantage 28. Cependant, il
ne faudrait pas non plus généraliser l’expérience d’un ethnologue à l’ensemble d’une
discipline 29. Le roi Léopold II avait également édicté des règles pour le paiement
des objets collectés 30. Pourtant, même l’achat de ces biens n’est pas sans poser
problème. L’asymétrie du rapport de forces et de domination entre les populations
colonisées et les ethnologues était telle, qu’il est délicat d’apprécier le consentement
donné par le propriétaire pour l’aliénation des objets collectés. En outre, la nature
de la transaction pouvait être comprise différemment selon les parties, l’ethnologue
croyant procéder à une vente tandis que son sujet d’étude l’envisageait comme
le début d’une relation d’une autre nature 31. Felwine Sarr et Bénédicte Savoy
ont comparé les prix payés par la mission Dakar-Djibouti avec ceux atteints aux
enchères en France au même moment. Pour un masque particulier les ethnologues
déboursaient sept francs, « soit l’équivalent d’une douzaine d’œufs à cette époque »,
alors que le prix moyen d’adjudication en France était de 200 francs 32. Ces missions
ethnographiques ont également généré un important patrimoine documentaire qui

21. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., pp. 10-11 ; voir également le projet de loi pour la mission publié dans
P.-É. Flandin, G. Doumergue et M. Roustan, « Mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti »,
Journal de la Société des Africanistes, 1931, tome 1, fascicule 2, pp. 300-303.
22. M. Griaule, « Mission Dakar-Djibouti, rapport général (mai 1931-mai 1932) », Journal de la
Société des Africanistes, 1932, tome 2, fascicule 1, p. 116.
23. B. de L’Estoile, Le goût des autres : de l’exposition coloniale aux arts premiers, Paris, Flammarion,
2007, pp. 145-146 ; J.-P. Lebeuf, « Rapport sur les travaux de la 4e mission Griaule, Sahara-Cameroun
(10 juillet 1936, 16 octobre 1937) », Journal de la Société des Africanistes, 1937, tome 7, fascicule 2, p. 219.
24. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., p. 41.
25. F. Shyllon, « Restitution to Sub-saharan Africa : The Booty and Captivity… », op. cit., 369.
26. B. de L’Estoile, op. cit., p. 77.
27. M. Murphy, op. cit., p. 266.
28. Voir notamment le vol des fétiches kono qui font désormais partie des collections du Louvre et
du Musée du quai Branly - Jacques Chirac et celui d’une statuette à faire tomber la pluie : « Hier on nous
avait refusé avec effroi plusieurs statuettes à faire tomber la pluie […]. Emportant ces objets, c’eût été la
vie du pays que nous eussions emportée, nous disait un garçon, qui […] avait ameuté les vieillards. Cœurs
de forbans : en faisant ce matin des adieux affectueux aux vieillards ravis que nous ayons bien voulu les
épargner, nous surveillons l’immense parapluie vert […] gonflé d’une étrange tumeur qui le fait ressembler
à un bec de pélican, il contient maintenant la fameuse statuette aux bras levés, que j’ai volée moi-même
au pied du cône de terre qui est son autel » (dans M. Leiris, L’Afrique fantôme, Paris, Gallimard, 1981,
pp. 103-104 et 156).
29. Michel Lieris a précisé, bien après la publication de l’Afrique Fantôme, que l’achat était la règle
et que les rapts revêtaient un « caractère exceptionnel » (B. de L’Estoile, op. cit., p. 143).
30. L. Cahen, « La collaboration entre le Musée royal de l’Afrique centrale et les musées nationaux
du Zaïre », Africa-Tervuren, 1973, p. 112.
31. Benoît de L’Estoile cite l’exemple des habitants des îles Salomon qui pensaient initier une « rela-
tion de réciprocité » entre la société des Blancs et la leur par un échange de monnaie in B. de L’Estoile,
op. cit., p. 159.
32. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., p. 48 ; voir également M. Leiris, op. cit., p. 113 : « Aux officiels,
toutefois, qui estimeraient que décidément nous en prenons trop à notre aise dans nos transactions avec
les nègres, il serait aisé de répondre que tant que l’Afrique sera soumise à un régime aussi inique que
la restitution du patrimoine culturel africain 679

a une valeur significative pour les communautés étudiées. Les ethnologues ont en
effet consigné, photographié et enregistré méticuleusement les expressions cultu-
relles traditionnelles des communautés africaines 33. Ces missions ethnographiques
ont ainsi causé la « translocation » 34 d’un patrimoine d’un continent à un autre.
À la suite de l’accès à l’indépendance des États africains, le trafic illicite des
biens culturels et la mécanique naturelle du marché de l’art, qui favorise les acqué-
reurs des États riches 35, ont continué à vider l’Afrique de son patrimoine. La part
du patrimoine culturel africain déplacé pendant cette période ne doit pas être
négligée. Environ 70 pour cent des œuvres africaines sorties d’Afrique ont quitté le
continent après 1960 36. À titre d’exemple, dans les années 1960-1970, des statues
appartenant à la culture du peuple Lobi sont apparues massivement sur le marché
international de l’art 37. Ce peuple vivant sur une zone à cheval sur les territoires
du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Ghana avait pourtant conservé ses
traditions, ses pratiques culturelles et son patrimoine culturel. Il s’est avéré que
ses autels étaient pillés 38. De la même façon, les sculptures de la culture Nok, qui
s’était développée à partir du xvie siècle au centre de l’actuel Nigeria, ont fait l’objet
d’un trafic illicite considérable 39. Certains biens sont prélevés sur des chantiers de
fouilles archéologiques illicites. Les vols commis dans les musées africains ont aussi
contribué au transfert d’œuvres du Sud vers le Nord, comme ce fut le cas pour le
Musée national de Kinshasa à la suite des événements de 1997 ou dans le musée
d’Ife au Nigeria 40. Les conflits récents, tels que la guerre d’Irak ou les événements
en Syrie donnent à voir la vulnérabilité du patrimoine culturel et la facilité avec
laquelle des œuvres pillées circulent sur des marchés globalisés 41.
En outre, l’expansion des religions monothéistes 42 et des conflits armés a
contribué à appauvrir davantage le patrimoine culturel présent en Afrique subsa-
harienne. La conjonction de l’ensemble de ces phénomènes a abouti à une situation
dans laquelle environ 90 à 95 pour cent du patrimoine culturel africain se trouve en
dehors du continent africain 43. Pour illustrer cet ordre de grandeur, il est possible
de citer l’exemple du musée royal de l’Afrique centrale en Belgique (renommé Afri-
caMuseum en 2018 après un processus dit de décolonisation). Ce musée conserve
« plus de 200 000 objets des cultures de la République démocratique du Congo »
alors que la somme des « inventaires nationaux de ce pays et des alentours […]
ne dépasserait pas 60 000 objets » 44. Le comité interministériel sur le pillage des
trésors culturels nigérian a constaté de même en 1996 que les antiquaires parisiens

celui de l’impôt, des prestations et du service militaire sans contre-partie, ce ne sera pas à eux de faire la
petite bouche à propos d’objets enlevés, ou achetés à un trop juste prix ».
33. Voir à titre d’exemple l’exposition créée sur la plate-forme Europeana à partir des films, des
enregistrements audio et des photographies numérisés de la Mission Ogooué-Congo de 1946 disponible
sur [https://www.europeana.eu/portal/fr/exhibitions/1946-ogooue-congo-mission/using-sounds-and-images].
34. Le terme de translocation est emprunté à F. Sarr et B. Savoy, op. cit., pp. 25 et s.
35. M. Murphy, op. cit., p. 267.
36. Citation du directeur du Tropenmuseum d’Amsterdam reproduite in M. Murphy, op. cit., note 9.
37. H. M. Leyten, « African Museum Directors Want Protection of their Cultural Heritage », Inter-
national Journal of Cultural Property, 1998, vol. 7, nº 1, p. 262.
38. Ibid.
39. F. Shyllon, « Negotiations for the Return of Nok Sculptures from France to Nigeria… », op. cit.
40. E. Pierrat, Faut-il rendre les œuvres d’art à l’Afrique ?, Paris, Gallimard, 2019, p. 203 ; B. de
L’Estoile, op. cit., p. 335.
41. Voir à cet égard S/RES/2347 (2017), 24 mars 2017.
42. A. Resnais, C. Marker et G. Cloquet, Les statues meurent aussi [film], 1953, Paris, Présence
africaine.
43. A. Godonou, « Musées, mémoire et universalité », in L. V. Prott, Témoins de l’histoire : Recueil
de textes et documents relatifs au retour des objets culturels, 2011, Paris, UNESCO, p. 63.
44. A. Godonou, « À propos de l’universalité et du retour des biens culturels », Africultures, 2007,
vol. 70, nº 1, p. 116.
680 la restitution du patrimoine culturel africain

détenaient dans leurs réserves des objets de la culture Nok qui dépassaient par
leur nombre et leur qualité ceux détenus par la totalité des musées nigérians 45.
Le constat de ce déséquilibre est essentiel pour comprendre la spécificité de la
question de la restitution du patrimoine culturel africain. C’est d’ailleurs en consi-
dération de cette spécificité que le choix a été fait de centrer cet article sur l’étude
de la restitution de ce patrimoine. La présence disproportionnée du patrimoine
matériel africain en Europe le différencie des autres cas de biens culturels déplacés,
comme les marbres du Parthénon réclamés par la Grèce ou encore les manuscrits
restitués par le Danemark à l’Islande entre 1971 et 1997 46. Il s’agit en effet d’un
cas particulier, d’une anomalie qui doit être distinguée des autres régions. Le
Louvre possède par exemple de très belles pièces du patrimoine culturel égyptien,
mais l’Égypte conserve encore d’importantes collections 47. Bien qu’elle réclame la
restitution d’antiquités conservées dans des institutions culturelles occidentales 48,
l’Égypte n’a pas connu à l’instar de l’Afrique sub-saharienne un exode massif de son
patrimoine culturel créant un manque et une rupture avec son passé 49.
Un autre aspect qui différencie la situation africaine est le rôle joué par la
diaspora africaine au sein des anciennes puissances colonisatrices. Des associa-
tions, comme le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) en France,
soutiennent de l’intérieur les demandes de restitutions 50. Cela signifie qu’une
multiplicité d’acteurs est impliquée et intéressée à la restitution du patrimoine
culturel africain : les États, les communautés d’origine des objets qui ne corres-
pondent, dans bien des cas, pas au découpage des populations nationales, les insti-
tutions culturelles (musées, archives, bibliothèques, universités), les marchands
d’art, les collectionneurs privés d’art et la diaspora africaine. Les intérêts de ces
acteurs ne s’alignent que très rarement.
La question de la restitution du patrimoine culturel africain fait donc non
seulement jouer une constellation d’acteurs, mais aussi ces dimensions essentielles
du droit que sont le temps et l’espace. Le passage du temps dans les questions de
restitutions n’émousse pas les revendications portant sur les biens culturels les
plus significatifs mais au contraire les attise, donnant au vide créé par leur absence
un poids écrasant. La transition de la colonisation à l’indépendance et le déplace-
ment des artefacts de l’Afrique à l’Europe génèrent des casse-têtes juridiques qui
font autant appel au droit international public et privé qu’au droit interne. Ces
situations, qui semblent au premier abord inextricables, peuvent être séparées en
fonction de la nature des acteurs qu’elles mettent en présence. La question des
restitution peut ainsi être envisagée en premier sur un plan interétatique (I) puis
sous l’angle d’une relation asymétrique impliquant des acteurs non étatiques (II).

I. – LE CADRE JURIDIQUE LIMITÉ DES RESTITUTIONS D’ÉTAT À ÉTAT

Des circonstances variées qui ont mené à vider l’Afrique subsaharienne de son
patrimoine matériel, il est possible d’en différencier deux principales. La première
concerne les biens appropriés par les armes à l’occasion de la colonisation, comme

45. F. Shyllon, « Negotiations for the Return of Nok Sculptures from France to Nigeria… », op. cit.,
p. 142.
46. V. Beurden, Treasures in Trusted Hands : Negotiating the Future of Colonial Cultural Objects,
Leiden, Sidestone Press, 2017, p. 193 et s.
47. A. Godonou, « Musées, mémoire et universalité », op. cit., p. 63.
48. F. Shyllon, « Restitution to Sub-saharan Africa : the Booty and Captivity… », op. cit., p. 381.
49. L. Cahen, op. cit., p. 112.
50. M. Murphy, op. cit., p. 269.
la restitution du patrimoine culturel africain 681

les bronzes du Benin ou le butin de Magdala. Il s’agit de biens appropriés par


les armées européennes lors de la conquête et de l’occupation coloniales (A). La
seconde, le trafic illicite, est d’apparition plus récente et s’est en outre poursuivie
après l’indépendance des États africains et continue jusqu’à ce jour (B). Ces deux
circonstances appellent des solutions juridiques internationales différentes.

A. L’irréversibilité juridique des acquisitions coloniales

Un des arguments déployés par les acteurs opposés à la restitution du patri-


moine culturel africain consiste à affirmer, qu’au regard du droit international
applicable à l’époque, les actes commis lors de la conquête et de l’occupation
coloniale étaient légaux et relevaient du droit au butin. Comme le déclarait Neil
McGregor, directeur du British Museum de 2002 à 2015, au sujet du sac de Benin
City, « bien sûr c’était terrible, mais, dans le contexte international de l’époque,
cette prise avait un caractère légal » 51. Si les pratiques de pillage étaient certes
répandues, leur légalité n’est pas évidente. En outre, cette déclaration fait sienne
un discours qui plus d’un siècle après est de moins en moins recevable car il nie
la dimension de cette spoliation et exclut que la colonisation puisse être reconnue
comme une injustice historique ouvrant droit à une réparation. Dans une certaine
mesure, la conquête et l’occupation coloniale pourraient être analysées respective-
ment comme des opérations militaires et une occupation étrangère 52. La résolution
relative à la Restitution des œuvres d’art aux pays victimes d’expropriation adoptée
par l’Assemblée générale le 18 décembre 1973 abonde en ce sens 53, et place à trois
reprises sur le même plan l’occupation coloniale et l’occupation étrangère 54. Dans
son préambule sont déplorés notamment « les transferts massifs et presque gratuit
d’objets d’art d’un pays à un autre, souvent du fait de l’occupation coloniale ou
étrangère ». Il est donc utile de se pencher sur le droit de la guerre.
Bien que le droit au butin ait été fermement ancré dans celui de la guerre 55, la
condamnation morale des actes de pillages commis lors de conquêtes est ancienne.
Beaucoup d’auteurs citent comme exemple de cette position Polybe et Cicéron 56.
Dans L’histoire Générale de la République Romaine, Polybe questionnant l’intérêt
des Romains pour le transport dans leur patrie « [d]es richesses et [d]es ornements
des villes conquises » émit le souhait « que les conquérants à venir apprennent […]
à ne pas dépouiller les villes qu’ils soumettent, et à ne pas faire des malheurs des
autres peuples l’ornement de leur patrie » 57. De la même façon, Cicéron décria,
dans sa qualité d’accusateur, le comportement de Verrès, qui avait en tant que

51. Cette citation a été reproduite dans C. Hershkovitch et D. Rykner, La restitution des oeuvres
d’art : solutions et impasses, Paris, Hazan, 2011, p. 70 ; voir ég. W. W. Kowalski, « Claims for Works of
Art and their Legal Nature », in International Bureau of the Permanent Court of Arbitration, Resolution
of cultural property disputes : Papers Emanating from the seventh PCA International Law Seminar, May
23, 2003, La Haye, Kluwer Law International, 2004, p. 51.
52. Ibid., p. 90.
53. À partir de 1972, les Nations Unies ont adopté régulièrement des résolutions sur la restitution et
le retour des biens culturels, [http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/restitution-of-cultural-property/
united-nations/].
54. A/RES/3187 (XXVIII), 18 décembre 1973, le préambule et les articles 2 et 3.
55. S. E. Nahlik, « La protection internationale des biens culturels en cas de conflit armé », RCADI,
1968, vol. 120, p. 66.
56. Voir notamment G. Fradie, « Trésors culturels en exil : des régions entières sont privées de tout
l’œuvre de leur passé », Le Courrier de l’UNESCO, 1978, vol. 31, nº 7, p. 7 ; F. Sarr et B. Savoy, op. cit.,
pp 5-6 ; L.-J. Rollet-Andriane, « Précédents », Museum, 1979, vol. 31, nº 4, p. 4.
57. Polybe, Ouvrages historiques de Polybe, Hérodien et Zozime [sic], avec notices biographiques,
Paris, A. Desez, 1836, p. 276 (la version numérisée de cet ouvrage est disponible sur Gallica : [https://
gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58288066]).
682 la restitution du patrimoine culturel africain

préteur de la Sicile pillé les villes et s’était approprié leurs statues et objets d’art 58.
Cependant, ces prises de position jetant l’opprobre sur le pillage et la spoliation
ne se sont réellement concrétisées en droit qu’à partir de la moitié du xviie siècle,
quand les belligérants ont inclus dans les traités de paix des clauses stipulant des
restitutions, qui concernaient dans un premier temps les archives, puis ont été
étendues progressivement aux œuvres d’art 59.
Lors du Congrès de Vienne, les razzias d’œuvres d’art pratiquées par les
troupes napoléoniennes ont été à l’origine de « l’une des premières restitutions de
grande envergure que l’histoire ait jamais enregistrées » 60. L’idée sous-tendant
cette restitution était qu’un lien insécable reliait les œuvres à leur État d’origine.
Wojciech Kowalski considère ainsi que l’année 1815 marque un tournant fonda-
mental prenant la forme d’une coutume internationale interdisant le pillage et de
son corollaire, l’obligation de restitution 61, qui apparaît comme le remède pour
réparer la violation de l’interdiction de piller le patrimoine culturel d’un État 62.
Similairement, Stanisław Nahlik note qu’« après le Congrès de Vienne en tout
cas, on ne relève plus dans les guerres européennes d’exemples notoires de butin
fait sur [des biens culturels] » 63. Une asymétrie se dessine alors entre le continent
européen et le reste du monde où la pratique du pillage des biens culturels s’est
poursuivie, non seulement en Afrique mais en Asie aussi, comme ce fut le cas en
1860 pendant les guerres de l’opium avec le sac du palais d’été de l’empereur de
Chine par les troupes franco-anglaises 64. La coutume internationale cristallisée
au xixe siècle interdisant le pillage des biens culturels en Europe ne peut donc pas
être invoquée pour la restitution du patrimoine culturel africain – sauf à remettre
en question soit l’application du droit contemporain des faits dans son principe
même, soit l’applicabilité du droit contemporain de ces faits parce qu’il heurterait
la conscience des nations.
L’interdiction du pillage a par la suite été codifiée dans plusieurs instruments.
Les Instructions de 1863 pour les armées en campagne des États-Unis d’Amé-
rique (dit Lieber Code en référence à son auteur Francis Lieber), qui sont considé-
rées comme la première codification moderne du droit de la guerre, interdisaient
effectivement la vente, l’attribution, l’appropriation privée, la destruction et la
détérioration des œuvres d’art, des bibliothèques, des collections et des instru-
ments appartenant à une nation ou un gouvernement ennemis 65. Des dispositions
similaires à celle du Lieber Code ont été incluses notamment dans le Projet d’une
Déclaration internationale concernant les lois et coutumes de la guerre (Bruxelles,
27 août 1874) qui prohibait toute saisie, destruction ou dégradation intention-
nelle d’œuvres d’art 66 et le Manuel des lois de la guerre sur terre adopté en 1880
par l’Institut de Droit International 67. Ces textes ont grandement influencé la
deuxième (1899) et la quatrième (1907) Convention de la Haye concernant les lois

58. T. Jenkins, Keeping their Marbles : How the Treasures of the Past Ended up in Museums … and
why they Should Stay There, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 124.
59. S. E. Nahlik, op. cit., p. 77.
60. L.-J. Rollet-Andriane, op. cit., p. 6.
61. W. W. Kowalski, « Restitution of Works of Art Pursuant to Private and Public International
Law », RCADI, 2001, vol. 288, p. 61
62. V. König, B. de L’Estoile, P. López Caballero, V. Négri, A. Perrin, L. Rinçon et C. Bosc-
Tiessé, « Les collections muséales d’art ‘non occidental’ : constitution et restitution aujourd’hui », Pers-
pective, 2018, vol. 1, p. 41.
63. S. E. Nahlik, op. cit., p. 86.
64. Ibid., p. 89.
65. Art. 36 des Instructions pour les armées en campagne des États-Unis d’Amérique (1863).
66. Voir art. 8 du Projet d’une Déclaration internationale concernant les lois et coutumes de la guerre
(Bruxelles, 27 août 1874).
67. Art. 53 du Manuel des lois de la guerre sur terre (1880).
la restitution du patrimoine culturel africain 683

et coutumes de la guerre sur terre 68. Ces textes interdisent le pillage, la destruc-
tion et la saisie des propriétés ennemies (à l’exception de celles qui seraient impé-
rieusement commandées par les nécessités de la guerre), pendant les hostilités,
et la saisie et la destruction des œuvres d’art en cas d’occupation 69 : « les biens
des communes, ceux des établissements consacrés aux cultes, à la charité et à
l’instruction, aux arts et aux sciences, même appartenant à l’État, seront traités
comme la propriété privée. Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle
de semblables établissements, de monuments historiques, d’œuvres d’art et de
science, est interdite et doit être poursuivie » 70.
Néanmoins, ces deux conventions n’avaient vocation à s’appliquer qu’entre
les belligérants qui y étaient parties et qu’en cas de guerre 71. Les actes de pillage
commis lors de la colonisation, tels que la bataille de Magdala en 1868 ou encore
la mise à sac par l’armée britannique de Benin City en 1897, seraient par consé-
quent exclus du champ d’application de ces conventions puisque les États africains
concernés n’étaient pas parties à ces Conventions.
La violation des règles prohibant le pillage et la saisie d’œuvres d’art devait
donner naissance à l’obligation de restitution. Le Traité de Versailles offre une
parfaite illustration de ce principe. Les articles 245, 246 et 247 exigèrent que
l’Allemagne restitue notamment les œuvres d’art enlevées de France, un Koran
au roi du Hedjaz, le crâne du sultan Makaoua au gouvernement britannique, les
volets du triptyque de l’Agneau mystique peint par les frères Van Eyck et ceux
du triptyque de la Cène, peint par Dierik Bouts à la Belgique pour reconstituer
ces œuvres. Dans le cas de l’Université de Louvain, dans lequel les biens avaient
été détruits, une restitution par remplacement a été prévue 72. Mais même quand
cette obligation est formulée dans un traité de paix, imposer son exécution n’est pas
aisé. Dans le célèbre cas de la stèle d’Axoum surnommée « l’obélisque d’Axoum »,
plus de 50 ans se sont écoulés entre la naissance de l’obligation et son exécution.
L’obélisque avait été retiré d’Éthiopie, en 1937, par l’Italie à la suite de l’annexion
de la première par la seconde 73, puis érigé à Rome en face du ministère des Colo-
nies. L’annexion avait été à l’époque qualifiée d’illégale par la Société des Nations,
mais l’obligation de restitution de l’obélisque ne s’est matérialisée qu’à la suite
de la Seconde Guerre mondiale 74. L’article 37 du Traité de Paix entre l’Italie et
les Puissances alliées, conclu le 10 février 1947, stipulait que « l’Italie restituera
toutes œuvres d’art, tous objets religieux, archives et objets de valeur historique,
appartenant à l’Éthiopie ou à ses ressortissants, et transportés d’Éthiopie en Italie
depuis le 3 octobre 1935 ». Malgré la réitération de cette obligation, d’une part, en

68. R. Wolfrum, « Cultural Property, Protection in Armed Conflict », Max Planck EPIL, 2010, § 6.
69. Voir les art. 23 (g), 28 et 56 des Règlements concernant les lois et coutumes de la guerre sur
terre annexés à la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 29 juillet
1899 et à la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907.
70. Ibid., art. 56. Le caractère coutumier de ces dispositions a été réaffirmé à Nuremberg. Pour une
analyse de ces règles sous l’angle du droit pénal international voir R. O’keefe, The Protection of Cultural
Property in Armed Conflict, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, pp. 336 et s.
71. Art. 2 de la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (La Haye, 29 juillet
1899) et de la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (La Haye, 18 octobre 1907).
72. Art. 247 du Traité de Versailles signé le 28 juin 1919 à Versailles.
73. T. Scovazzi, « Aspects juridiques du cas de l’obélisque d’Aksoum », Museum International, 2009,
vol. 61, nº 1-2, pp. 56-57 ; voir aussi L. Lixinski, « Axum Stele », in J. Hohmann et D. Joyce, International
Law’s Objects, Oxford, Oxford University Press, 2018, pp. 130-140.
74. Au moment de l’annexion, les deux États n’avaient pas ratifié les mêmes conventions : l’Italie
était partie à la deuxième Convention de La Haye (1899) tandis que l’Éthiopie était partie à la quatrième
(1907). Cependant, selon Tullio Scovazzi, les règles prohibant le pillage et la saisie d’œuvres d’art avaient
déjà acquis un caractère coutumier en 1937 ; une obligation de restitution était née du déplacement de
l’obélisque en Italie mais elle avait été interrompue par la Seconde Guerre mondiale (voir T. Scovazzi,
op. cit., p. 57).
684 la restitution du patrimoine culturel africain

1956 dans l’annexe de l’accord concernant le règlement des questions économiques


et financières découlant du traité de paix et de la collaboration économique, et
d’autre part, en 1997 dans une déclaration commune sur le retour de l’obélisque 75
et en dépit de la pression exercée par l’Union Africaine 76, l’Éthiopie a dû attendre
2004 pour qu’un mémorandum d’accord soit conclu et 2005 pour que l’obélisque
soit rapatrié depuis l’Italie avec l’assistance de l’UNESCO 77. Un des arguments
opposés à l’Éthiopie était qu’avec le passage du temps, la stèle était devenue partie
intégrante du paysage urbain de Rome et du patrimoine culturel italien 78. Dans
cette logique, plus longtemps un État s’agrippe à un bien culturel pillé, plus sa
légitimité à le conserver s’accroîtrait. Cet argumentaire n’est bien sûr pas recevable.
Malgré la codification des règles du droit de la guerre par les Conventions de
La Haye, la destruction du patrimoine culturel et les spoliations des œuvres d’art
pendant la Seconde Guerre mondiale ont persisté 79. Cet état de choses est à l’ori-
gine de l’adoption en 1954 de la Convention pour la protection des biens culturels
en cas de conflit armé, qui intéresse à plusieurs égards la question des restitutions.
Son champ d’application s’étend aux cas de guerres déclarées, aux conflits armés
et à tous les cas d’occupation 80. Un des apports majeurs de ce texte est de définir
précisément la notion de biens culturels meubles, qui comprend « les œuvres d’art,
les manuscrits, livres et autres objets d’intérêt artistique, historique ou archéo-
logique, ainsi que les collections scientifiques et les collections importantes de
livres, d’archives ou de reproductions [de ces biens] » 81. La Convention exige que
les États interdisent, préviennent et fassent cesser « tout acte de vol, de pillage
ou de détournement de biens culturels, pratiqué sous quelque forme que ce soit,
ainsi que tout acte de vandalisme » (article 4(3)) 82. Elle proscrit également toute
réquisition de biens culturels meubles (article 4(3)).
Les règles relatives à la question de la restitution des biens culturels ont été
séparées dans le Protocole à la Convention pour la protection des biens culturels
en cas de conflit armé adopté également en 1954. Ce protocole facultatif met à la
charge des États trois obligations positives en cas d’occupation : (1) l’État occupant
un territoire lors d’un conflit armé doit empêcher l’exportation de biens culturels
de ce territoire (2) tous les États doivent mettre sous séquestre les biens cultu-
rels importés sur leur territoire et provenant directement ou indirectement d’un
territoire occupé et (3) à la fin des hostilités les États sont tenus de remettre aux
autorités compétentes du territoire précédemment occupé les biens culturels qui
auraient été exportés en violation de la première obligation 83. Enfin, l’État qui
aurait failli à son obligation d’empêcher l’exportation d’un bien culturel est tenu
d’indemniser les détenteurs de bonne foi obligés de le remettre (article 4). Ces
mesures s’avèrent efficaces pour freiner le trafic illicite de biens culturels d’un
territoire occupé.

75. R. Pankhurst, op. cit., p. 237.


76. Voir Union Africaine, Décision sur la Restitution de la stèle volée : l’obélisque d’Axum, AHG/
Dec. 183 (XXXVIII), 8 juillet 2002.
77. Voir R. Contel, A. Chechi et M.-A. Renold, « Affaire Obélisque d’Axoum - Italie et Éthiopie »,
2012, fiche publiée sur la base de données en ligne ArThemis, disponible sur : [https://plone.unige.ch/
art-adr/cases-affaires/obelisque-d2019axoum-2013-italie-et-ethiopie].
78. L. Lixinski, op. cit., p. 137.
79. L’Office international des musées avait exploré la possibilité d’élaborer un instrument sur la
protection des monuments et œuvres d’art au cours des conflits armés, mais la guerre éclata avant qu’il
ne prenne forme.
80. Art. 18 de la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (La Haye,
14 mai 1954).
81. Ibid., art. 1.
82. R. O’keefe, op. cit., p. 336.
83. Art. 1 à 3 du Protocole à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit
armé 1954 (La Haye, 14 mai 1954).
la restitution du patrimoine culturel africain 685

À l’issue de cette présentation d’ensemble, plusieurs observations peuvent être


formulées. La première est que les pillages menés par les troupes européennes
au xixe siècle échapperaient à l’obligation de restitution. En effet, d’une part, le
droit coutumier ne protège que le patrimoine culturel pillé et saisi lors des conflits
opposant des nations européennes. D’autre part, le droit conventionnel applicable
à l’époque ne peut être invoqué par les États africains. À l’exception de l’Éthiopie,
aucun État africain n’était partie aux Conventions de La Haye précitées. Ces règles
ont été élaborées par les puissances européennes qui en ont dessiné le cadre d’appli-
cation afin de servir leurs propres intérêts et de continuer à s’enrichir au détri-
ment des populations colonisées. L’iniquité consistant à opposer à ces dernières un
régime juridique confectionné par les puissances colonisatrices pour leur refuser
la restitution de biens culturels est patente. Partant, seule une approche fondée
sur la morale pourrait mettre en échec l’argumentaire reposant sur la légalité de
l’acquisition par les troupes européennes des biens du patrimoine culturel africain
lors des conquêtes coloniales. Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, dans le Rapport
sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique rela-
tionnelle, préconisent dans cet esprit de faire abstraction du droit de la guerre et
de restituer les trophées militaires 84.
Cependant, si une analogie est établie entre l’occupation coloniale et une
occupation étrangère, comme ce fut le cas dans la résolution précitée relative
à la Restitution des œuvres d’art aux pays victimes d’expropriation, la licéité de
l’enlèvement des biens culturels à partir de la seconde moitié du xxe siècle devient,
elle, incertaine. Un État ayant ratifié le Protocole à la Convention pour la protec-
tion des biens culturels en cas de conflit armé est tenu d’empêcher l’exportation
de biens culturels des territoires qu’il occupait. Or, le protocole ne définit pas la
notion de « territoire occupé », qui pourrait être étendue aux territoires colonisés.
Les objets emportés en Occident par les puissances coloniales après la ratification
devraient alors selon ce raisonnement être remis aux États indépendants. Il est
même possible d’arguer que ces règles possèdent un caractère coutumier 85. Cette
interprétation ne couvrirait toutefois pas les objets collectés pendant les missions
ethnographiques, qui se sont déroulées principalement avant la Seconde Guerre
mondiale.
Le droit de la guerre semble au final ne pouvoir fonder que de façon exception-
nelle des demandes de restitution des biens culturels africains acquis lors de l’occu-
pation et des conflits coloniaux. Aussi bien les États nouvellement indépendants
ont-ils mis en place des mécanismes visant une autre source d’appauvrissement
de leur patrimoine culturel en temps de paix : le trafic illicite.

B. La relative efficacité de la lutte contre le trafic illicite

L’indépendance des États africains n’a pas marqué un coup d’arrêt à l’exode
du patrimoine culturel. Le marché de l’art international et l’essor du trafic illicite
ont continué à vider ces États de leurs biens culturels 86. Les musées, n’ayant plus
recours à des « collectes sur le terrain », se sont tournés vers le marché de l’art et
les collectionneurs et par là-même ont entretenu malgré eux le trafic illicite 87. Sous
l’impulsion des États latino-américains, confrontés aux mêmes difficultés que les
États africains, l’UNESCO a élaboré un cadre normatif universel, applicable en

84. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., p. 46.


85. M. Frigo, « Circulation des biens culturels, détermination de la loi applicable et méthodes de
règlement des litiges », RCADI, 2016, vol. 375, p. 222.
86. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., p. 51.
87. B. de L’Estoile, op. cit., p. 281 et p. 338.
686 la restitution du patrimoine culturel africain

temps de paix, complétant le régime mis en place par la Convention pour la protec-
tion des biens culturels en cas de conflit armé (1954) 88. La Conférence générale
de l’UNESCO a adopté en 1970 la Convention concernant les mesures à prendre
pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété
illicites des biens culturels (ci-après : « la Convention UNESCO de 1970 »). Cette
convention a pour objet de protéger les patrimoines culturels nationaux contre le
vol, les fouilles clandestines et l’exportation illicite 89. Il ne s’agit pas de procéder
dans cet article à une étude systématique des mécanismes de cet instrument 90,
mais plutôt d’évoquer celles qui intéressent directement la question de restitution.
L’article 7 (b) (ii) prévoit la restitution par voie diplomatique des biens culturels
volés et exportés illicitement en violation des interdictions édictées par les États 91 :
« les États parties à la présente Convention s’engagent […] (b) (ii) à prendre des
mesures appropriées pour saisir et restituer à la requête de l’État d’origine […] tout
bien culturel […] volé et importé après l’entrée en vigueur de la présente Conven-
tion à l’égard des deux États concernés, à condition que l’État requérant verse une
indemnité équitable à la personne qui est acquéreur de bonne foi ou qui détient
légalement la propriété de ce bien. Les requêtes de saisie et de restitution doivent
être adressées à l’État requis par la voie diplomatique […] ». En outre, les services
compétents des États doivent collaborer en vue de faciliter les restitutions des
biens culturels exportés illicitement 92. Ils doivent également reconnaître en droit
interne les actions de revendication de biens culturels perdus ou volés, actions qui
sont exercées par le propriétaire légitime ou en son nom 93. Quant aux musées et
institutions culturelles, les États sont tenus de les empêcher d’acquérir des biens
culturels qui auraient été exportés illicitement (article 7 (a)). Enfin, la Convention
institue un système de certificats d’exportation (article 6).
La portée de la Convention UNESCO de 1970 a été fortement diminuée pour
plusieurs raisons. L’approche diplomatique choisie pour les requêtes de restitution
est en premier lieu insuffisamment contraignante 94. Les effets de la Convention
sont en outre limités dans le temps, car elle est dépourvue de tout effet rétroactif.
L’obligation de restitution énoncée à l’article 7 (b) (ii) ne s’applique que si la Conven-
tion est entrée en vigueur à l’encontre des deux États concernés. Elle ne peut donc
être actionnée que dans des affaires récentes. Les revendications datant de la
colonisation sont exclues de son champ 95. De surcroît, la Convention n’a pas d’effet
direct et doit pour cette raison être transposée en droit interne 96. À cela s’ajoute
que les États ayant un poids important sur le marché de l’art ne l’ont ratifiée que
très tardivement, à compter de la fin des années 1990, comme la France en 1997 et

88. C. Hershkovitch et D. Rykner, op. cit.


89. Voir le préambule de la Convention UNESCO de 1970.
90. Il existe de nombreux textes disséquant et examinant en détail cet instrument, notamment
É. Clément et P. Askerud, La lutte contre le trafic illicite des biens culturels : guide pour la mise en œuvre
de la Convention de l’UNESCO de 1970, 2002, [https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000118783_fre.
locale=en] ; M. Frigo, op. cit., pp. 254 et s. ou encore R. O’keefe, Commentaire relatif à la Convention de
l’UNESCO de 1970 sur le trafic illicite des biens culturels, Paris, UNESCO/Builth Wells, Institute of Art
and Law, 2014, 338 p.
91. L’article 3 de la Convention UNESCO de 1970 reconnaît en droit international les interdictions
d’exporter promulguées en droit interne : C. Bories, Le patrimoine culturel en droit international : les
compétences des États à l’égard des éléments du patrimoine culturel, Paris, Pedone, 2011, p. 379.
92. Art. 13 de la Convention UNESCO de 1970.
93. Ibid.
94. J. Blake, International Cultural Heritage Law, Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 40.
95. A. Chechi, The Settlement of International Cultural Heritage Disputes, Oxford, Oxford University
Press, 2014, p. 101.
96. C. Hershkovitch et D. Rykner, op. cit., p. 82 ; voir également Cour de cassation, civ. 1,
20 septembre 2006, n° 04-15599.
la restitution du patrimoine culturel africain 687

le Royaume-Uni en 2002 97. Enfin, l’obligation de verser une indemnité équitable


à l’acquéreur de bonne foi constitue un obstacle pour certains États qui ne sont
pas en mesure de proposer une compensation suffisante 98. En conséquence, les
dispositions de cet instrument ne peuvent être que très rarement invoquées comme
fondement pour revendiquer la restitution de biens culturels.
Malgré ces insuffisances, cet instrument peut être d’un grand secours dans les
affaires récentes de trafic illicite. Un cas mérite d’être relaté. En 1999, le gouver-
nement français, dans le contexte de l’ouverture du musée du Quai Branly, s’était
porté acquéreur auprès d’un antiquaire belge de trois statuettes (dont deux nok et
une sokoto), qui avaient été exportées illégalement du Nigéria 99. La vente avait
été conclue à la condition d’obtenir l’autorisation du gouvernement nigérian 100.
Après avoir essuyé un premier refus de la part du régime militaire en place –
et ce malgré l’intervention personnelle du président de la République Jacques
Chirac – le gouvernement français a conclu un accord avec le Nigéria à la faveur
de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement civil 101. À la suite de cet accord, les
statuettes furent exposées dans le Pavillon des Sessions. Cette exposition provoqua
une levée de boucliers de la part des medias et de la communauté internationale,
qui considéraient que cet accord légitimait l’acquisition d’objets pillés et exploités
illicitement 102. En 2002, la France et le Nigeria mirent fin à la controverse en
concluant un accord sur le fondement de l’article 7 de la Convention UNESCO de
1970 103, par lequel la France reconnaissait que le Nigéria était propriétaire des
statuettes et que ces dernières seraient prêtées à la France pour une durée de 25
ans renouvelable 104. Se prétendant acquéreur de bonne foi, la France a justifié le
prêt des statuettes en l’assimilant à l’indemnisation prévue à l’article 7 (b) (ii) de
la Convention UNESCO de 1970 105. Ainsi, avec l’aide d’une médiatisation et d’une
pression internationale, ce texte peut s’avérer efficace.
Cette affaire récente ne doit pas faire oublier que les restitutions escomp-
tées sur le fondement de la Convention UNESCO de 1970 ne se sont pas concré-
tisées pendant plusieurs décennies. Aussi le 7 juin 1978, le Directeur Général
de l’UNESCO Amadou-Mahtar M’Bow lança-t-il l’appel Pour le retour à ceux qui
l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable. Ce type d’appel a dans l’histoire
de l’UNESCO un rôle de catalyseur sensibilisant la communauté internationale
à des enjeux spécifiques et précipitant l’adoption de mécanismes 106. Dans cet
appel, Amadou-Mahtar M’Bow relaya la demande de restitution par les « peuples
victimes » de pillage des « trésors d’art les plus représentatifs de leur culture, ceux
auxquels ils attachent le plus d’importance, ceux dont l’absence […] est psychologi-
quement la plus intolérable » 107. Un lien est ainsi établi entre les biens culturels et

97. J. Blake, op. cit., p. 40.


98. A. Chechi, op. cit., p. 102.
99. C. Hershkovitch et D. Rykner, op. cit., p. 81.
100. F. Shyllon, « Negotiations for the Return of Nok Sculptures from France to Nigeria… », op. cit.,
p. 142.
101. E. Velioglu, A. L. Bandle, A. Chechi et M.-A. Renold, Case Three Nok and Sokoto Sculptures
– Nigeria and France, 2012, [https://plone.unige.ch/art-adr/cases-affaires/three-nok-and-sokoto-sculptures-
2013-nigeria-and-france].
102. F. Shyllon, « Negotiations for the Return of Nok Sculptures from France to Nigeria… », op. cit.,
pp. 144-146.
103. A. Chechi, op. cit., p. 190.
104. E. Velioglu, A. L. Bandle, A. Chechi et M.-A. Renold, op. cit.
105. Ibid.
106. Voir en ce sens, notamment, l’appel solennel de 1966 du Directeur général de l’UNESCO, René
Maheu, pour la préservation et la restauration des trésors culturels endommagés de Florence et Venise
à la suite d’inondations.
107. L’appel est reproduit intégralement dans « Pour le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine
culturel irremplaçable : un appel de M. Amadou-Mahtar M’Bow, Directeur Général de l’UNESCO », ­Courrier
688 la restitution du patrimoine culturel africain

les peuples qui les ont créés 108. L’œuvre d’art est comprise comme un fragment de
la mémoire et de l’identité de ces peuples, qui devrait, dans cette perspective, être
replacée dans le cadre naturel et social où elle a été conçue. Cette conception des
biens culturels a été qualifiée par le professeur John Henry Merryman de doctrine
de « nationalisme culturel », qu’il oppose à celle d’« internationalisme culturel » 109.
La première relie les biens culturels à leur État d’origine et sous-tend les demandes
de restitution des biens culturels qui incarnent l’histoire et l’identité d’un peuple.
La signification de ces biens culturels ne pourrait réellement s’exprimer que s’ils
étaient placés dans leur contexte d’origine 110. Ces biens culturels devraient par
conséquent être inaliénables. La seconde doctrine, celle de « l’internationalisme
culturel », postule que les biens culturels font partie d’un patrimoine culturel
commun à toute l’humanité et détaché de considérations liées à leur origine 111.
Les biens culturels devraient ainsi circuler librement sur un marché dont les forces
auraient pour action de les pousser entre les mains des collectionneurs et des insti-
tutions culturelles qui seraient les plus à même de les conserver 112. Cet argument
de la conservation est fréquemment soulevé pour mettre en échec les demandes
de restitution. Cependant, le postulat de l’insuffisance des moyens et des capacités
de conservation des États africains est de moins en moins tenable avec le déve-
loppement récent de nouvelles institutions muséales sur le continent africain. Le
Sénégal s’est par exemple doté d’une institution « ultramoderne » : le Musée des
civilisations noires à Dakar inauguré en décembre 2018 113.
La même année que l’appel lancé par Amadou-Mahtar M’Bow, la Conférence
générale de l’UNESCO a créé le Comité intergouvernemental pour la promotion du
retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appro-
priation illégale (ci-après : « le Comité ») pour compléter le cadre mis en place par
la Convention UNESCO de 1970 114. Ce comité consultatif composé d’une vingtaine
d’États 115 a pour fonction de faciliter les négociations bilatérales pour la restitution
et le retour de tout bien culturel qui a « une signification fondamentale du point
de vue des valeurs spirituelles et du patrimoine culturel du peuple d’un État […]
qui a été perdu par suite d’une occupation coloniale ou étrangère ou par la suite
d’une appropriation illégale » 116. Toutes les demandes de restitution exclues du
champ d’application de la Convention UNESCO de 1970, notamment celles liées
à la période coloniale, pourraient bénéficier des bons offices du Comité et, depuis
2005, d’une médiation ou d’une conciliation menée sous ses auspices 117. En 1999,

de l’UNESCO, 1978, vol. 31, nº 7, pp. 4-5 et disponible dans la bibliothèque numérique de l’UNESCO.
108. Pour une analyse des titres de compétence des États sur leur patrimoine culturel voir C. Bories,
op. cit., p. 438 et s.
109. J. H. Merryman, « Two Ways of Thinking about Cultural Property », American Journal of
International Law, 1986, vol. 80, pp. 831-853. Ces deux thèses ne sont pas limitées au patrimoine culturel.
Elles se retrouvent ailleurs et notamment en droit de l’environnement au sujet de « ressources naturelles
partagées » comme l’Amazonie : P.-M. Dupuy, « Amazonie : le droit international en vigueur apporte des
réponses substantielles », Revue juridique de l’environnement, 2019, vol. 44, nº 4, pp. 671-675.
110. P. Gerstenblith, Art, Cultural Heritage, and the Law : Cases and Materials, Durham : Carolina
Academic Press, 2004, p. 595.
111. Pour une critique de cette doctrine, voir J. A. R. Nafziger, « Cultural Heritage Law : The
International Regime », in J. A. R. Nafziger et T. Scovazzi (dir.), Le patrimoine culturel de l’humanité.
The cultural heritage of mankind, Leiden, Brill, pp. 202-204.
112. Ibid.
113. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., p. 27.
114. Conférence générale de l’UNESCO, Résolution 4/7.6/5, 24 et 28 novembre 1978.
115. L’article 2 des Statuts du Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens
culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale prévoit que le Comité
est composé de 20 États. Au début de l’année 2020, il comprenait pourtant 21 États.
116. Ibid., art. 3.1 et 4.1.
117. A. Chechi, op. cit., p. 103.
la restitution du patrimoine culturel africain 689

un fonds alimenté par des contributions volontaires pour financer des projets liés
au mandat du Comité est venu consolider ce dispositif 118.
En pratique, le Comité a été saisi de très peu de cas, moins d’une dizaine de
demandes en plus de quarante années d’existence 119. Certaines affaires ont tout de
même donné lieu à des restitutions, comme celle du masque de Makondé. Ce masque
rituel avait été dérobé en 1984 des collections du musée national de Tanzanie et
acquis l’année d’après à Paris par un musée suisse, le Musée Barbier-Mueller 120.
Après l’échec de négociations initiées en 1990, le gouvernement tanzanien a saisi
le Comité en 2006 121. Grâce à l’intervention de l’UNESCO et aux bons offices de la
Suisse, les négociations ont abouti à un accord portant sur la donation du masque.
En 2010, le Musée Barbier-Mueller a remis le masque à la Tanzanie à l’occasion
d’une cérémonie organisée par le Conseil international des musées (ICOM).
Les raisons expliquant ce succès mitigé sont multiples. Les États d’origine des
biens culturels ne disposent souvent pas des ressources nécessaires à l’inventoriage
des éléments de leur patrimoine culturel se trouvant à l’étranger 122. En outre, un
« certain scepticisme » subsiste quant aux résultats pouvant être atteints grâce
à cette procédure 123. Toutefois, le Comité joue un rôle important en matière de
sensibilisation. Il constitue un forum international pour les discussions, pour le
partage des cas de restitution et de retour en dehors du Comité, et pour l’échange
de bonnes pratiques.
Malgré la Convention UNESCO de 1970 et la création du Comité, certains
problèmes de droit privé subsistaient, notamment ceux relatifs à l’acquéreur de
bonne foi d’un bien culturel volé ou illicitement exporté. L’UNESCO se rapprocha
donc de l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT) 124.
Cette collaboration déboucha sur l’adoption en 1995 de la Convention UNIDROIT
sur les biens culturels volés ou illicitement exportés 125. Cette convention a été
conçue comme un protocole à la Convention UNESCO de 1970 visant à combler
certaines de ses lacunes, notamment celles relatives à l’acquéreur de bonne foi et
à la prescription des actions en restitution 126. La Convention UNIDROIT s’est en
outre détournée de la voie diplomatique retenue par la Convention UNESCO de
1970 et lui a préféré l’action en justice pour les demandes de restitution et de retour.
Elle se distingue également en introduisant une nouvelle catégorie d’acteurs : les
communautés autochtones et tribales 127. Cependant, elle est également privée
d’effet rétroactif 128 et ne rassemble en 2020 que 48 États parties. Cet instrument
n’est donc que d’un secours limité pour les demandes de restitution émanant des
États africains. Le cadre juridique pouvant soutenir la restitution du patrimoine
culturel africain s’avère ainsi morcelé et bien souvent inopérant. D’autres canaux
moins empruntés méritent d’être explorés.

118. M. Frigo, op. cit., p. 404.


119. É. Lambert Abdelgawad, « Le Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la promotion
du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de restitution en cas d’appropriation illégale : un bilan
assez mitigé », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2012, nº 1, p. 269.
120. F. Shyllon, « Return of Makonde Mask from Switzerland to Tanzania : A Righteous Conclu-
sion », Art Antiquity and Law, 2011, vol. XVI, nº 1, p. 79.
121. A. M. Tanzi, « The Means for the Settlement of International Cultural Property Disputes : An
Introduction », Transnational Dispute Management, 2020, p. 11.
122. É. Lambert Abdelgawad, op. cit., p. 270.
123. Ibid.
124. M. Frigo, op. cit., p. 283.
125. Pour un commentaire plus détaillé de la Convention, voir le rapport explicatif rédigé en 2001
par le secrétariat d’UNIDROIT, [https://www.unidroit.org/french/conventions/1995culturalproperty/1995
culturalproperty-explanatoryreport-f.pdf].
126. J. Blake, op. cit., p. 41.
127. Voir le préambule, § 3, et les art. 3. 8, 5. 3 (d) et 7.2.
128. Art. 10 de la Convention UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés.
690 la restitution du patrimoine culturel africain

II. – L’IMPLICATION CROISSANTE DES ACTEURS NON ÉTATIQUES

Le passage d’un objet, d’une œuvre ou d’un artefact du continent africain à


l’Europe n’est pas seulement une translocation géographique, mais aussi une trans-
formation. Dans son contexte d’origine, cet objet remplissait des fonctions sociales,
religieuses et symboliques qui sont gommées par le processus de muséification.
L’espace muséal sépare l’objet de son contexte et le présente comme une œuvre
d’art ou un objet ethnographique ayant une valeur historique, esthétique ou scien-
tifique. L’institution culturelle contrôle alors le discours entourant l’objet, son accès
et sa fonction. L’évolution de la terminologie utilisée pour désigner ces objets – art
nègre, art primitif, art premier ou art tribal – révèle d’ailleurs une modification de
la perception des communautés dont ces objets proviennent. Les musées européens,
en tant que dépositaires de ce patrimoine culturel, occupent ainsi une place singu-
lière dans les enjeux liés aux restitutions (A). De la même façon, les communautés
d’origine devraient être en mesure de faire prévaloir l’intérêt spécial qu’elles ont à
accéder et à utiliser ce patrimoine culturel (B).

A. Le musée pivot de la restitution

La communauté muséale a été réceptive aux évolutions de l’opinion publique et


du droit international 129. Cette sensibilisation à la question des restitutions s’est
traduite dans l’élaboration d’outils pratiques et de normes d’autorégulation 130.
Le Conseil international des musées (ICOM) a été particulièrement actif à cet
égard. Depuis 2000, il établit notamment les Listes rouges, qui compilent les biens
culturels particulièrement exposés au vol et au trafic illicite pour mettre en garde
les acquéreurs et les autorités et prévenir leur vente et leur exportation illicite 131.
Les objets de la culture Nok, évoquée précédemment, sont par exemple invento-
riés dans la Liste rouge des biens culturels ouest-africains en péril 132. En 2011,
l’ICOM a introduit, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle, une procédure de médiation pour les litiges relatifs à l’art et au
patrimoine culturel. Il a aussi lancé en 2013 la plate-forme collaborative numérique
de L’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels 133. En outre,
le Code de déontologie des musées adopté par l’ICOM comprend, dans sa dernière
mouture, une série de principes dédiés à l’origine des collections, qui enjoignent
aux musées de (i) coopérer avec les États ayant « perdu une part importante de
leur patrimoine », (ii) engager des dialogues pour le retour des biens culturels,
(iii) prendre des mesures, lorsque cela est légalement possible, pour favoriser les
restitutions des biens exportés ou transférés en violation du droit international et
national et (iv) s’abstenir d’acquérir des biens culturels issus de territoires occupés
et respecter le droit encadrant l’importation, l’exportation et le transfert des biens

129. Pour une résistance d’une partie de la communauté muséale au mouvement des restitutions,
voir la Déclaration sur l’importance et la valeur des musées universels signée uniquement par des musées
occidentaux, dont le Musée du Louvre et le British Museum et reproduite dans Les Nouvelles de l’ICOM,
nº 1, 2004, p. 4.
130. Voir comme autre exemple de code professionnel : Le Code international de déontologie pour
les négociants en biens culturels adopté par le Comité et approuvé par la 30e Conférence générale de
l’UNESCO en 1999.
131. L’ensemble des Listes rouges publiées par l’ICOM sont disponibles en ligne : [http ://icom.
museum/fr/ressources/red-lists/].
132. ICOM, Liste rouge des biens culturels ouest-africains en péril, 2018, [https ://icom.museum/fr/
ressource/liste-rouge-des-biens-culturels-ouest-africains-en-peril/].
133. L’Observatoire international du trafic illicite des biens culturels, [https ://www.obs-traffic.
museum/fr].
la restitution du patrimoine culturel africain 691

culturels 134. Un consensus se dégage ainsi au sein de la communauté muséale en


faveur d’une ouverture aux demandes de restitution et au dialogue 135.
Plusieurs institutions culturelles ont également élaboré des lignes directrices
et des procédures pour gérer les demandes de restitution. Aux Pays-Bas, le Musée
national des cultures du monde, qui regroupe le Tropenmuseum d’Amsterdam,
l’Africa Museum de Berg en Dal et le musée d’ethnologie de Leyde, a par exemple
adopté en 2010 un texte fixant des principes et une procédure pour les demandes de
retour de biens culturels 136. Dans ce document, révisé en 2019, le Musée national
des cultures du monde intègre à ses missions la nécessité de s’interroger sur la
provenance des collections issues d’appropriations coloniales et d’engager un
dialogue avec les communautés et les États à leur origine. Après avoir rappelé le
cadre juridique international et national, le document énumère plusieurs critères
pouvant soutenir une demande de restitution, notamment l’acquisition de l’objet par
une vente forcée ou en l’absence du consentement du propriétaire 137. Un critère se
distingue par son originalité : il met en balance le bénéfice de retenir un bien dans
les collections nationales néerlandaises avec sa valeur patrimoniale, c’est-à-dire sa
signification historique et son influence sur la continuité culturelle en dehors des
Pays-Bas 138. D’autres considérations entrent en jeu dans l’examen des demandes
comme l’assurance que les biens culturels retournés soient utilisés à des fins cultu-
relles ou patrimoniales 139. Une procédure organise le traitement des demandes,
soumises liminairement au directeur du musée, avant de faire l’objet de recherches
par le personnel du musée, qui émet une recommandation provisoire, examinée
par une commission, qui prend à son tour une recommandation définitive 140. Cette
dernière est communiquée au ministre de l’Éducation, de la culture et des sciences
qui est seul compétent pour décider d’aliéner un bien des collections nationales 141.
L’initiative du Musée national des cultures du monde n’est pas isolée. L’asso-
ciation allemande des musées a également publié un guide consacré aux collections
muséales issues de contextes coloniaux en 2018 et remanié en 2019 142. Cette publi-
cation est intervenue dans le contexte particulier du projet du Humboldt Forum. Ce
musée, qui doit accueillir les collections du musée ethnologique de Berlin, a été vive-
ment critiqué en raison de « son amnésie coloniale » 143. Le guide formule plusieurs
recommandations pour le retour des objets. Il incite les musées à considérer un
retour, d’une part, quand les circonstances d’acquisition apparaissent désormais
comme entachées d’abus et, d’autre part, quand l’objet avait au moment de son
appropriation une signification religieuse ou culturelle particulière, signification
qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui ou a resurgi 144. L’Arts Council England a

134. Principes 6.1 à 6.4 du Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, adopté par l’Assemblée
générale de l’ICOM à Buenos-Aires, le 4 novembre 1986. Ce code a été révisé en 2001 et en 2004.
135. Voir notamment le cas du groupe de travail Benin Dialogue Group composé de directeurs de
musées et de représentants étatiques, dont l’objectif est d’établir un musée à Benin City pour le retour
des œuvres dispersées dans les différentes collections muséales.
136. Nationaal Museum van Wereldculturen, Return of Cultural Objects and Process, 7 mars 2010,
la dernière version de 2019 est disponible sur : [https://www.volkenkunde.nl/sites/default/files/2019-05/
Claims%20for%20Return%20of%20Cultural%20Objects%20NMVW%20Principles%20and%20Process.pdf].
137. Ibid., art. 4.
138. Ibid., art. 4.4.2.
139. Ibid., art. 5.3.1.
140. Ibid., art. 6.
141. Ibid., p. 2.
142. Le guide intitulé Guidelines for German Museums : Care of collections from colonial contexts,
réédité en 2019, est disponible sur : [https://www.museumsbund.de/wp-content/uploads/2019/09/dmb-
guidelines-colonial-context-2019.pdf].
143. F. Sarr et B. Savoy, op. cit., p. 12.
144. Deutscher Museums Bund, Guidelines for German Museums : Care of collections from colonial
contexts op. cit., p. 147.
692 la restitution du patrimoine culturel africain

aussi financé en 2020 un projet de directives qui remplaceraient celles publiées en


2000 par la commission des musées et des galeries 145. Il est vraisemblable que ce
mouvement de fond et la révision des guides et autres lignes directrices aient été en
partie précipités par le Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain :
vers une nouvelle éthique relationnelle.
Cependant, un musée souhaitant suivre ce mouvement et mettre en place une
dynamique de restitution se heurte à plusieurs difficultés. Tout d’abord, quand
un objet d’art africain entre dans les collections d’un musée public européen, il
devient un élément du patrimoine national et il est protégé en cette qualité. À titre
d’exemple, lorsqu’une plaque des bronzes du Bénin fait l’objet d’une donation au
Musée du quai Branly 146, elle passe dans une collection publique et elle est à ce titre
soumise aux règles d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité du domaine public 147.
La restitution est alors conditionnée au déclassement du bien. Les musées sont
par conséquent tiraillés entre leur mission de préservation du patrimoine culturel
et le devoir moral de rendre les pièces qui ont été acquises de façon contestable.
La recherche d’un compromis entre ces deux impératifs est souvent ardue. Une
restitution peut effectivement comporter des risques. Dans les années 1970, à la
suite d’un appel lancé à la tribune de l’ONU par le Général Mobutu Sese Seko, le
Musée royal de l’Afrique centrale établit une collaboration avec la République du
Zaïre pour développer ses musées et former ses conservateurs 148. Dans le cadre
de cette coopération scientifique et culturelle, une collection d’objets d’art a été
remise au Zaïre. Malheureusement, une partie de ces œuvres a été volée pendant
les troubles de l’année 1997, avant de réapparaître sur le marché de l’art 149. Ce
type de précédents fâcheux a nourri le discours de l’internationalisme culturel
mettant en avant les infrastructures et les ressources financières et techniques des
musées occidentaux pour protéger et conserver le patrimoine culturel. Le terme de
restitution est par ailleurs, dans une certaine mesure, tabou car il est indissociable
de l’idée d’illicéité 150. Si un musée restitue un bien, il reconnaît à demi-mot que
son acquisition était irrégulière. Dans le cas de la coopération entre le Zaïre et le
Musée royal de l’Afrique centrale le terme de restitution a par exemple été proscrit :
les œuvres ont été « offertes » 151.
Une pléthore d’alternatives existe pour contourner les obstacles juridiques
posés par la restitution 152. La première solution est d’organiser des prêts à long
terme qui n’affectent pas la propriété du bien culturel et, par conséquent, n’exigent
pas un déclassement. Le British Museum envisage ainsi, depuis 2019, de prêter
à l’Éthiopie les tabots prises lors de la bataille de Magdala 153. Ces plaques, qui
représentent l’Arche d’alliance, sont conservées dans des réserves du musée. Elles

145. C. Hickley, « Tender Opened for Guidance Around Repatriation Questions for Items Including
those Acquired from Former Colonies », The Art NewsPaper, 14 janvier 2020, [https://www.theartnews-
paper.com/news/arts-council-england-seeks-guidelines-on-restitution-and-repatriation-for-museums].
146. Cet exemple est emprunté à F. Sarr et B. Savoy, op. cit., pp. 156-157.
147. Art. 451-5 du Code du patrimoine ; P.S. Hansen, A. Diallo-Le Camus et M. Mac Donald, « Les
restitutions du patrimoine culturel africain à l’aune du droit de la propriété des personnes publiques », La
Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, 2019, n° 22, pp. 1-5.
148. L. Cahen, op. cit., p. 111.
149. M. Murphy, op. cit., p. 260.
150. G. Fradier, « Trésors culturels en exil : des régions entières sont privées de tout l’œuvre de leur
passé », Courrier de l’UNESCO, 1978, vol. 31, nº 7, p. 11.
151. M. Murphy, op. cit., p. 260.
152. Les Principles for Cooperation in the Mutual Protection and Transfer of Cultural Material
adoptés en 2006 à la 72e conférence de l’International Law Association (ILA) proposent de nombreuses
alternatives.
153. M. Bailey, « British Museum Considers Loan of ‘Invisible’ Objects Back to Ethiopia », The Art
NewsPaper, 20 mai 2019, [https://www.theartnewspaper.com/news/british-museum-considers-loan-of-
invisible-objects].
la restitution du patrimoine culturel africain 693

ne peuvent pas être exposées, car, selon l’Église orthodoxe éthiopienne, seuls les
prêtres sont autorisés à les voir. L’intérêt de garder ces objets enfermés dans des
réserves semble déraisonnable vu l’importance de leur signification en Éthiopie.
Les institutions culturelles explorent également comme autre piste la création de
copies numériques ou tangibles, notamment à l’aide de scanners 3D et d’impri-
mantes 3D 154. La restitution numérique est tout à fait pertinente pour le patri-
moine documentaire (enregistrements, photographies, documents) accumulé par
les missions ethnographiques. Cependant, l’accès à l’Internet n’est pas universel
et les fac-similés sont dénués de l’aura et de la valeur économique de l’original 155.
Des accords peuvent aussi organiser la circulation et l’échange d’objets ou une
garde partagée 156. Enfin, une indemnisation peut être considérée comme réparation
quand l’État, ou la communauté d’origine du bien l’accepte. Des mesures adap-
tées à chaque cas s’appuyant notamment sur les ressources des musées devraient
être préférées à l’espoir d’une restitution générale et systématique du patrimoine
culturel africain sur le fondement du droit ou de négociations diplomatiques.

B. La communauté locale posée en rivale de l’État

À partir de la fin du xxe siècle, les enjeux de restitution du patrimoine culturel


migrent du champ du droit de propriété vers celui des droits de l’homme et plus
particulièrement celui des droits culturels. Deux phénomènes sont à l’origine de
ce déplacement. Le premier est celui de l’essor des droits des peuples autochtones.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît
aux communautés autochtones les droits de préserver, de contrôler, de protéger et
de développer leur patrimoine culturel, d’utiliser leurs objets rituels et d’obtenir
la restitution des biens culturels et sacrés qui leur ont été enlevés au mépris de
leur consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, de leurs
lois ou de leur droit coutumier 157. La Recommandation concernant la protection
et la promotion des musées et des collections, de leur diversité et de leur rôle dans
la société, adoptée en 2015 par la Conférence générale de l’UNESCO, invite de la
même façon les États à « prendre des mesures appropriées pour encourager et faci-
liter le dialogue et le développement de relations constructives entre [l]es musées
et les populations autochtones concernant la gestion » des collections représentant
le patrimoine culturel de ces populations « et, le cas échéant, leur retour et leur
restitution » 158. La restitution des biens culturels se rapproche, dans cette perspec-
tive, de la problématique du retour des restes humains et des objets funéraires 159.
À titre d’exemple, The Native American Graves Protection and Repatriation Act
(NAGPRA) adopté en 1990 par les États-Unis organise le rapatriement aux tribus
amérindiennes des objets funéraires et sacrés et des restes humains conservés
par des agences ou des musées fédéraux 160. Cette association entre patrimoine

154. Pour un exemple de portail numérique servant de moyen pour restituer des collections d’objets,
de photographies et d’enregistrements, voir le projet SAWA, disponible sur : [https://watau.fr/s/watau-fra/
page/accueil].
155. B. de L’Estoile, op. cit., p. 360.
156. M. Cornu et A. Renold, « Le renouveau des restitutions de biens culturels : les modes alternatifs
de règlement des litiges », Journal du Droit International, 2009, nº 2, doctrine 4.
157. Voir les art. 31 et 11.2 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007.
158. Recommandation concernant la protection et la promotion des musées et des collections, de leur
diversité et de leur rôle dans la société, § 18.
159. Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des mino-
rités, Rapport préliminaire du Rapporteur spécial sur la protection du patrimoine des peuples autochtones,
8 juillet 1994, E/CN.4/Sub.2/1994/31, p. 7.
160. Section 7 de NAGPRA.
694 la restitution du patrimoine culturel africain

culturel et restes humains accroît la charge morale de la restitution. Les peuples


autochtones ont de la sorte obtenu un statut spécial en droit international justifiant
la restitution de leurs biens culturels sur le fondement des droits de l’homme. La
notion d’autochtonie a d’ailleurs trouvé un bel écho en Afrique 161.
Le second phénomène ayant apporté un nouveau regard sur les questions de
restitution est la connexion qui s’est réalisée graduellement entre la protection du
patrimoine culturel et les droits de l’homme 162. L’adoption en 2003 de la Convention
pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel constitue une révolution
copernicienne. Cette convention s’ouvre sur une triple référence à la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948, au Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966 et au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques de 1966. Elle arrime le patrimoine culturel immatériel
à la sauvegarde des droits de l’homme. Elle ne se concentre pas sur des objets
patrimoniaux tangibles, comme bien d’autres instruments adoptés par l’UNESCO,
mais plutôt sur les processus sociaux à l’origine de la création et de la transmis-
sion des expressions culturelles. Les biens culturels ne sont dans cette optique
que les accessoires des pratiques, représentations, expressions, connaissances et
savoir-faire que les communautés transmettent de génération en génération 163. Par
exemple, la valeur sociale et culturelle d’un instrument de musique s’apprécie au
regard des expressions culturelles musicales qui lui sont associées. Cette concep-
tion d’un patrimoine vivant s’accorde difficilement avec les pratiques muséales.
Au musée du Quai Branly la collection d’instruments de musique est par exemple
confinée dans une réserve. Les xylophones, tambours, balafons, grelots et autres
instruments sont visibles mais muets. Le musée fait prévaloir la conservation et
la qualité esthétique de ces biens culturels sur leur fonction sociale, comme les
objets dynastiques. Même si cette fonction sociale aurait pu se perdre localement,
elle pourrait toujours être revitalisée. Les politiques publiques peuvent d’ailleurs
encourager des phénomènes de renaissance culturelle 164. Similairement, le marché
de l’art met l’accent sur la valeur économique de l’objet et le change en placement
effaçant ses valeurs sociales et culturelles.
Ces deux évolutions mettent en avant la relation qui réunit un groupe social
aux éléments patrimoniaux qui composent son identité culturelle collective. La
question de la propriété subsiste, mais elle se superpose à d’autres considéra-
tions, comme celle de l’accès et de l’utilisation des biens culturels pour maintenir
et transmettre des pratiques vivantes 165. Le droit d’avoir accès au patrimoine
culturel procède du droit de participer à la vie culturelle dans lequel il trouve son

161. Voir Commission africaine des droits de l’homme, Centre for Minority Rights Development
(Kenya) and Minority Rights Group (on behalf of Endorois Welfare Council) v. Kenya, Communication
nº276/03, 25 novembre 2009 et Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Commission Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples v. Kenya, Requête nº006/2012, 26 mai 2017.
162. A. F. Vrdoljak, « Human rights and illicit trade in cultural objects », in S. Borelli et F. Lenze-
rini (dir.), Cultural heritage, cultural rights, cultural diversity : new developments in international law,
Leiden, Martinus Nijhoff, 2012, pp. 105-140.
163. Art. 2, § 1 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
164. Voir notamment la Charte de la renaissance culturelle africaine adoptée le 24 janvier 2006
par l’Union Africaine.
165. Voir à cet égard la recommandation (g) dans Conseil des droits de l’Homme, Rapport de l’Experte
indépendante dans le domaine des droits culturels, Mme Farida Shaheed, 17e session, 21 mars 2011, A/
HRC/17/38 et la décision Zeynep Ahunbay et autres c. Turquie (29 janvier 2019, requête n° 6080/06),
dans laquelle la CEDH affirme qu’il existe « une communauté de vue européenne et internationale sur la
nécessité de protéger le droit d’accès à l’héritage culturel » et que « cette protection vise généralement les
situations […] portant sur le droit des minorités de jouir librement de leur propre culture ainsi que sur le
droit des peuples autochtones de conserver, contrôler et protéger leur héritage culturel ».
la restitution du patrimoine culturel africain 695

fondement 166. Cet accès devrait être modulé en fonction du rapport existant entre
un groupe et un bien culturel 167. Les communautés d’origine de ces biens qui sont
porteuses et gardiennes de ce patrimoine culturel devraient pouvoir participer à sa
gestion, à sa conservation et à son interprétation. Le cinquième principe éthique
pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel énonce en effet que l’accès
des communautés doit être garanti aux instruments, objets et artefacts nécessaires
« pour l’expression du patrimoine culturel immatériel » 168. Une institution cultu-
relle devrait par exemple faciliter l’accès à un masque rituel afin qu’il puisse être
manipulé et porté pour célébrer des cérémonies 169.
Dans le contexte du patrimoine culturel africain, ces évolutions signifient qu’un
peuple autochtone à l’origine d’un bien culturel conservé en Europe peut demander
sa restitution ou la reconnaissance d’un droit d’accès. Ce raisonnement ne vaut que
pour les cas où une continuité culturelle a persisté. Une culture disparue comme
la culture Nok ne peut être revendiquée par une communauté. Cette nouvelle voie
pour les restitutions est susceptible de pallier les carences de certains États afri-
cains 170 ou de concurrencer leurs prétentions. Il est alors crucial de questionner
la légitimité des demandes qui peuvent être portées de façon concurrente par des
descendants, la communauté ou l’État d’origine du bien culturel concerné. Cette
hypothèse s’est présentée notamment, en 2019 à propos de la restitution par le
Land du Bad-Wurtemberg d’une bible et d’un fouet ayant appartenu à un chef du
peuple Nama, Hendrik Witbooi 171. Cette restitution a suscité de fortes tensions
en Namibie. L’armée allemande avait emporté en 1893 le fouet et la bible comme
des trophées de guerre lors d’un raid 172. Ces objets avaient intégré, à la suite d’une
donation, les collections du musée Linden à Stuttgart 173. En 2019, l’Allemagne a
choisi de restituer ces objets à l’État namibien pour qu’ils soient conservés dans les
archives nationales, dans l’attente d’être transférés ultérieurement dans un futur
musée à Gideon, la ville natale d’Hendrik Witbooi 174. Cette décision a été contestée
par l’association des chefs traditionnels namas, qui estimaient que ces objets ne
devraient pas être remis à l’État, et par les descendants d’Hendrik Witbooi, qui
souhaitaient peser sur les modalités de leur retour 175. L’association des chefs
traditionnels namas arguait, entre autres, que les autorités namibiennes étaient
soumises au peuple Ovambo et qu’elles ne représentaient donc pas l’ensemble
des ethnies 176. De surcroît, cette restitution est intervenue alors qu’une plainte
relative au génocide commis par l’Allemagne à l’égard des Héréros et des Namas

166. CDESC, Observation générale nº 21 : Droit de chacun de participer à la vie culturelle (art. 15,
par. 1(a) du PIDESC), 21 décembre 2009, E/C.12/GC/21, § 6.
167. Conseil des droits de l’Homme, op. cit., § 62.
168. Ce principe fait partie d’une liste de douze principes éthiques approuvés en 2015 par le Comité
intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
169. Pour des exemples allant dans ce sens voir L. Martinet, Les expressions culturelles tradition-
nelles en droit international, chap. 8.
170. E. Campfens, « The Bangwa Queen : Artifact or Heritage ? », International Journal of Cultural
Property, 2019, vol. 26, p. 103.
171. S. Blanchard et D. Pelz, « Retour d’un fouet et d’une bible spoliés en Namibie » [en ligne],
Deutsche Welle, 28 février 2019, [https://www.dw.com/fr/retour-dun-fouet-et-dune-bible-spoli%C3%A9s-
en-namibie/a-47729792].
172. Ibid.
173. K. Keener, « German Museum to Repatriate Artefacts Previously Belonging to Namibian Hero »,
Art Critique, 24 février 2020, [https://www.art-critique.com/en/2019/02/german-museum-to-repatriate-
artefacts-previously-belonging-to-namibian-hero/].
174. Pour un récit détaillé de la restitution voir R. Kösslet, The Bible and the Whip – Entanglements
Around the Restitution of Robbed Heirlooms, ABI working paper 12, 2019, 21 p., [https://www.arnold-bergs-
traesser.de/sites/default/files/field/pub-download/kossler_the_bible_the_whip_final_0.pdf].
175. S. Blanchard et D. Pelz, op. cit.
176. Ibid.
696 la restitution du patrimoine culturel africain

était pendante aux États-Unis 177. Ce cas donne à voir la prudence avec laquelle
les questions de restitution doivent être abordées. L’ensemble des acteurs justifiant
d’un lien avec un bien culturel doit être consulté pour éviter qu’il devienne une
monnaie d’échange dans les relations interétatiques 178.
En conclusion, la question de la restitution du patrimoine culturel africain,
qui est bien souvent à tort résumée à une mécanique de vases communicants
déplaçant des biens d’un continent à un autre, exige une réflexion approfondie
adaptée à chaque cas et une réelle volonté politique de réparer les injustices du
passé. Cette volonté peut se réaliser également en dehors de l’enceinte étatique et
de l’espace muséal : la statue d’un coq faisant partie des bronzes du Bénin, détenue
jusqu’alors par l’un des collèges de l’Université de Cambridge, a été rapatriée
en 2019 au Nigeria sous l’impulsion d’une association d’étudiants 179, le collectif
des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés a acquis des œuvres pour les offrir au
Bénin pour être exposées dans le Petit musée de la Récade à Cotonou 180. Enfin,
si le sujet des restitutions invite à se tourner vers le passé, il ne faudrait pas pour
autant en oublier le présent et l’avenir. La création contemporaine africaine bien
trop souvent absente des institutions culturelles européennes devrait trouver une
place dans les espaces libérés par le retour des biens culturels 181. La transmission
et la revitalisation de savoir-faire traditionnels devraient aussi être encouragées
pour prolonger dans le présent le patrimoine culturel du passé.

177. United States District Court, S.D. New York. Rukoro v. Federal Republic of Germany, 6 mars
2019, 363 F.Supp.3d 436.
178. La France a par le passé utilisé la restitution comme moyen pour promouvoir ses intérêts
économiques : V. Beurden, op. cit., p. 237.
179. T. Jenkins, op. cit., pp. vii-viii.
180. A. Hakoun, « 27 œuvres supplémentaires du royaume de Dahomey restituées au Bénin »,
Connaissance des Arts, 21 janvier 2020, [https://www.connaissancedesarts.com/international/27-oeuvres-
supplementaires-du-royaume-de-dahomey-restituees-au-benin-11131682/].
181. V. Négri, « À propos du rapport Sarr/Savoy sur la restitution du patrimoine africain : lecture
juridique d’une éthique relationnelle repensée », Université Laval, 11 septembre 2019.

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