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Par
Maud Sudan
Sciences de la gestion
(Marketing)
(M. Sc.)
Avril 2011
Sommaire
Récemment, de nombreuses marques abandonnées depuis longtemps ont été
relancées avec succès. On pense entres autres à la New Beetle, à Star Wars ou encore
à Pepsodent (Brown, Sherry Jr, & Kozinets, 2003; Gladwell, 2000; Wansink, 1997).
L‟essor des stratégies de « retro » marketing est le résultat de deux phénomènes
distincts sur le marché.
D‟autre part, la fin du vingtième siècle est caractérisée par un vaste « boom
nostalgique » au sein de la société (Naughton & Vlasic, 1998). À ce titre, les vieilles
marques « capturent une émotion qui augmente la valeur de la marque, la nostalgie »
(Kapferer, 2008). Ainsi, au travers de leurs actes de consommation, les individus
espèrent former des liens avec leur passé personnel ou avec les communautés qui ont
partagé ces marques (Brown, et al., 2003). Dès lors, selon Brown et al. (2003), les
marques retro sont susceptibles de rassembler une communauté de consommateurs
éprouvant un intérêt commun pour une époque idéalisée. En effet, une communauté de
consommation émerge lorsque « l‟individu s‟identifie à certains objets ou activités de
consommation et qu‟il s‟identifie à d‟autres personnes à travers ces objets ou activités »
(Cova, 1997). En conséquent, d‟après les auteurs, il est aisé d‟ajouter une dimension
temporelle à cette définition.
Ce deuxième constat nous amène à nous pencher sur la gestion des communautés de
marque dans le cas d‟une revitalisation. En effet, loin d‟être des acteurs passifs, les
communautés de consommateurs ont de plus en plus la volonté et le pouvoir d‟agir sur
la vie des marques. L‟arrivée des nouvelles technologies et notamment de l‟Internet a
d‟ailleurs exacerbé ce sentiment (McWilliam, 2000). Par conséquent, les entreprises
doivent aujourd‟hui impérativement tenir compte de ces communautés dans l‟élaboration
iv
de leurs stratégies, et ce d‟autant plus que les communautés semblent être en mesure
de contribuer au processus de revitalisation de marque (Brown, et al., 2003; Muñiz &
Schau, 2005).
Notre recherche tente donc de combler ce manque. Trois objectifs principaux ont été
avancés : décrire l‟impact des communautés et des gestionnaires sur l‟équité de
marque, définir les actions managériales qui peuvent faciliter la participation de la
communauté dans le processus de revitalisation et enfin déterminer plus
particulièrement quels sont les facteurs-clé de succès qui favorisent la mise en place de
telles stratégies de marque.
Dans un premier temps, nous détaillons l‟impact des communautés et des gestionnaires
sur le capital de marque à l‟aide du modèle d‟équité de marque orienté consommateur
tel que développé par Keller (2001). À ce titre, notre étude vise à répondre aux critiques
formulées quant au modèle. En effet, nous contribuons à démontrer que l‟impact du
consommateur sur le capital de marque n‟est pas fonction uniquement de ses réponses
aux actions marketing. Nous constatons au contraire que les consommateurs ont
réellement un rôle à jouer dans la construction de chacun des blocs du capital de
marque.
Pour finir, nous examinons quels sont les critères à même de favoriser la mise en place
de telles stratégies. La majorité des critères retenus portent sur la marque et ses
significations. En effet, dans le cas des marques retro, les significations de marque sont
co-crées par les gestionnaires et la communauté. Ainsi, l‟identité de marque doit être
perçue comme authentique et marginale par la communauté. Il est également important
que les actions marketing qui accompagnent la revitalisation restent discrètes afin de
favoriser l‟appropriation de la marque par la communauté, c'est-à-dire son assimilation à
l‟identité personnelle et sociale des membres.
Remerciements ................................................................................................................. x
1. INTRODUCTION ............................................................................................................ 1
4. METHODOLOGIE ........................................................................................................ 33
4.1 STRATÉGIES DE RECHERCHE 33
4.1.1 JUSTIFICATIONS DE LA MÉTHODOLOGIE 33
4.2 SÉLECTION DU CAS ET COLLECTE DE DONNÉES 34
4.2.1 LE CAS: LE RELANCEMENT DE PERNOD ABSINTHE ET LA « CLASSE CRÉATIVE» 34
4.2.2 COLLECTE DE DONNÉES 35
4.2.3 ANALYSE DES DONNÉES 40
4.2.4 CONSIDÉRATION ÉTHIQUES 40
7. ANALYSES .................................................................................................................. 62
7.1 IMPACTS DES COMMUNAUTÉS ET DE L‟ENTREPRISE SUR LE CAPITAL DE MARQUE 62
7.1.1 NOTORIÉTÉ DE MARQUE 63
7.1.2 IMAGE DE MARQUE 65
7.1.3 RÉPONSES DES CONSOMMATEURS 66
7.1.4 RÉSONANCE DE MARQUE 69
7.2 ENGAGER LA COMMUNAUTÉ AUPRÈS DE LA MARQUE 70
7.2.1 LES INFLUENCEURS : UNE MULTITUDE DE RÔLES 70
7.2.2 DÉVELOPPER LES RÔLES ET LES PRATIQUES AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ 72
7.2.3 DÉVELOPPER DES RELATIONS SIGNIFICATIVES AVEC LA COMMUNAUTÉ DE MARQUE 76
7.3 LES CRITÈRES DE SUCCÈS 81
7.3.1 UNE HISTOIRE DE MARQUE RICHE 82
7.3.2 ESSENCE DE MARQUE VIVE 83
7.3.3 LA MARQUE EST ASSOCIÉE À UNE ÉPOQUE, À UNE COMMUNAUTÉ IDÉALISÉE 86
7.3.4 UNE MARQUE « MARGINALE » 86
7.3.5 DES ACTIONS MARKETING DISCRÈTES 87
8. CONCLUSION ............................................................................................................. 89
8.1 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS 89
8.2 IMPLICATIONS MANAGÉRIALES 91
8.3 LIMITES DE L‟ÉTUDE 92
8.4 AVENUES DE RECHERCHES FUTURES 93
9. ANNEXES.................................................................................................................... 95
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Remerciements
« Car le mot, qu‟on le sache, est un être vivant. (…) Les mots sont les passants
mystérieux de l‟âme. » Victor Hugo
Je n‟aurais pu réussir cette entreprise seule et je tiens donc à remercier tous ceux qui
m‟ont accompagné d‟une façon ou d‟une autre. Mon directeur, Pierre Balloffet, pour ses
conseils éclairés et son ouverture d‟esprit. Un grand merci également pour m‟avoir offert
l‟opportunité de travailler en tant qu‟assistante d‟enseignement au D.E.S.S, ce fut une
expérience très enrichissante.
Ma famille qui m‟a toujours encouragée dans mes études et qui m‟a permis de mener à
bien ma maitrise. Merci de m‟avoir toujours poussée plus loin.
Mes amis, pour leur aide morale et matérielle. Merci de m‟avoir permis de décrocher
pour mieux repartir. Je remercie en particulier ma meilleure amie qui a pris le temps de
relire ce mémoire.
Et bien sûr mon compagnon qui, au quotidien, a partagé avec moi les épreuves de ce
deuxième cycle universitaire, et qui a su me prodiguer conseils et soutien dans toutes
les situations. Merci d‟avoir été patient et compréhensif même dans les moments les
plus difficiles.
1. INTRODUCTION
Pabst Blue Ribbon (P.B.R) est une marque de bière née aux États-Unis dans les années
1850. Entre 1970 et 2000, les ventes de la marque ne cessent de décliner, si bien que la
compagnie est obligée de fermer plusieurs de ses usines et de licencier la production à
la compagnie Miller Brewing (Walker, 2003). D‟autre part, l‟entreprise coupe tout
investissement marketing préférant laisser lentement mourir la marque. En 2002, et
contre toute attente, l‟entreprise renoue pourtant avec la croissance (les ventes
augmentent de près de 5,3% au cours de l‟année). Comment, dès lors, expliquer ce
revirement brutal de situation?
Pabst Blue Ribbon est devenue le symbole de plusieurs « sous-cultures » telles que les
snowboarders, les punks et les skaters, qui semblent s‟être appropriées la marque grâce
à l‟absence de communication marketing pendant plusieurs années (Walker, 2003). En
effet, les communautés ont ainsi pu adapter les significations de marque selon leurs
idéaux et leurs modes de vie propre. La compagnie fait alors le choix de collaborer avec
ces communautés en appliquant une logique de “no marketing”, c'est-à-dire en limitant
les communications de masse marketing et en favorisant le sponsoring d‟évènements
artistiques ou sportifs (Walker, 2003).
Le cas de Pabst Blue Ribbon n‟est pas unique. Ainsi, plusieurs marques que l‟on pensait
disparues ont fait un retour triomphant sur le marché, certaines entres autres grâce aux
communautés de fans qui ont porté la marque. C‟est le cas de la marque Harley
Davidson qui en 1983 était sur le point de disparaitre mais qui 25 ans plus tard est
évaluée à 7,8 milliards de dollars (Fournier & Lee, 2009). Preuve de ces récents succès,
on encourage aujourd‟hui les gestionnaires à intégrer les communautés de marque dans
les processus de revitalisation puisqu‟elles contribuent favorablement à l‟évolution des
significations de marque dans le cas des marques retro (Brown, et al., 2003). Muňiz et
Schau (2005) suggèrent également que les consommateurs rassemblés en
communautés constituent une alternative de revitalisation efficace. Pourtant, très peu
d‟études universitaires se sont intéressées à ce phénomène.
Notre étude a donc pour objectif d‟apporter des éléments de réponse à cette
problématique et ainsi de combler un manque certain dans la littérature. Tout d‟abord, il
nous faut déterminer comment les communautés participent à la revitalisation d‟une
2
marque. Puis, nous nous efforcerons de cerner pourquoi et comment rallier une
communauté autour d‟une marque. Enfin, nous aborderons les différents critères à
même de favoriser le succès et en particulier le rôle de la marque dans ce processus.
Dans le but de répondre à ces questions nous débutons par une revue de la littérature
qui examine les différentes stratégies de revitalisation de marque à la disposition des
entreprises ainsi que le phénomène des communautés de consommation, leur
fonctionnement et leurs impacts démontrés sur les marques. Par la suite, nous
présentons la problématique de recherche ainsi que le cas d‟étude qui en fait l‟objet.
Puis, nous retraçons l‟histoire de l‟absinthe et les stratégies mises en place par la firme
dans le cadre du processus de revitalisation. Nous analysons ensuite nos différents
résultats pour finalement présenter nos conclusions, les limites de la recherche et enfin
les avenues de recherches futures.
Chapitre 2 Revue de Littérature 3
2. REVUE DE LITTERATURE
Il existe très peu de théories qui permettent d'expliquer l‟évolution d‟une marque dans le
temps. En effet, la marque a longtemps été assimilée au produit. Par conséquent, le
modèle du cycle de vie du produit qui identifie 4 étapes (introduction, croissance,
maturité et déclin) a longtemps servi de référence. Cependant, au début des années 90,
plusieurs auteurs démontrent les limites de ce modèle dans le cas de la marque.
Plummer (1990) remet en question le caractère fini du cycle de vie. Erdem, Swait et
Louviere (2002) démontrent que la crédibilité de la marque diminue la sensibilité au prix.
D‟autres auteurs questionnent le fait que le modèle ne tient pas compte des dynamiques
de la demande mais uniquement de l‟offre. Or, une marque est soumise à beaucoup de
facteurs qui ne peuvent être contrôlés par la firme : l‟environnement, la concurrence et
bien sur les consommateurs. En réponse à ces critiques, de nouveaux modèles sont
développés. Parmi ces derniers, nous mentionnerons le modèle en six étapes
Chernatony et McEnally (1999) et le cycle évolutionniste du produit de Tellis et Crawford
(1981) qui distinguent trois forces affectant l‟évolution d‟une marque que sont les forces
génératives, sélectives et médiatrices.
temps du mythe. La marque raconte alors son histoire, histoire qui exprime au travers
d‟actions le comportement social de la marque et lui permet ainsi de devenir un élément
socioculturel (Lewi, 1998). C'est au terme de cette odyssée que la marque acquière son
existence sensorielle et symbolique et crée ainsi un lien affectif puissant avec les
consommateurs (Lewi, 1998).
La vision de Kapferer (2000) rejoint sur plusieurs points celle de Lewi (1998). Selon lui,
la marque naît en tant que produit ou service innovant, ce qui lui confère une existence
concrète. Avec le temps, la marque s‟approprie des valeurs, une personnalité et une
clientèle cible : son identité évolue vers l‟immatériel. Ainsi, la marque acquière une
résonance émotionnelle auprès de ses consommateurs et gagne en force sur le produit
(Kapferer, 2000).
Selon Lewi (1996) et Kapferer (2000) la dynamique d‟évolution d‟une marque repose sur
le passage d‟une génération de consommateurs à une autre, passage qui peut s‟avérer
délicat voire mortel pour la marque. En effet, d‟une génération à l‟autre la marque peut
perdre son sens pour les consommateurs car l‟apprentissage transgénérationnel
autrefois réalisé par la famille n‟a plus lieu (Kapferer, 2000). Il revient donc à la marque
de le réaliser. Or, il peut s‟avérer difficile de gagner la confiance de nouvelles
générations de consommateurs n‟ayant plus les mêmes valeurs et les mêmes
aspirations que leurs parents.
On peut cependant noter qu‟en général, une marque « vieille » est avant tout une
marque qui est perçue comme telle. Cette impression est généralement partagée par les
Chapitre 2 Revue de littérature 5
consommateurs, mais elle peut aussi toucher les non consommateurs, les fournisseurs,
les distributeurs ou les employés eux-mêmes qui reconnaissent l‟existence d‟un
déséquilibre entre la marque et ses concurrents (Kapferer, 2008).
Il importe dès lors de cerner les raisons principales du déclin. En général, les managers
procèdent alors à un audit afin de déterminer les facteurs qui affectent négativement
l‟image de marque (Bontour & Lehu, 2002).
Thomas et Kohli (2009) distinguent trois forces qui expliquent le déclin de la marque : (1)
les forces génératives qui correspondent aux actions managériales, (2) les forces
sélectives qui sont issues de l‟environnement de marché et enfin (3) les forces
médiatrices qui correspondent aux actions des concurrents (Thomas & Kohli, 2009).
Pourtant peu d‟études académiques existent sur le sujet. En effet, la plupart des
ouvrages sur la revitalisation de marque sont de types managériaux. Ils se présentent
principalement comme des « guides » que les managers devraient suivre pour revitaliser
la marque (Aaker, 1991; Berry, 1988; Bontour & Lehu, 2002; Wansink & Huffman, 2001;
Zyman & Brott, 2004) et ne permettent pas de dégager un cadre conceptuel impliquant
l‟ensemble des variables et leurs dynamiques dans un processus global(Desroches,
2005).
Cette stratégie de marque est de grand intérêt pour les entreprises car elle présente un
moyen de maintenir l‟équité de la marque dans un environnement changeant par une
stratégie à long terme (Ewing, et al., 1995; Keller, 1999). Or, l‟équité de marque
représente un actif intangible important pour les firmes (Simon & Sullivan, 1993) car, en
développant un capital de marque fort, les firmes peuvent bénéficier de la loyauté des
consommateurs, imposer un premium de prix ou encore diminuer leur vulnérabilité face
aux actions concurrentes et aux crises (Keller, 2001). D‟autre part, cette stratégie peut
s‟avérer très bénéfique pour l‟entreprise puisqu‟il est souvent moins couteux et risqué de
rénover une marque que d‟en créer une nouvelle (Aaker, 1991). Berenson et Mohr-
Jackson (1994) démontrent par exemple, que la revitalisation de produit demande moins
de temps et d‟investissements et offre des perspectives de profits plus grands que dans
le cas de la création de nouveaux produits.
L‟équité de marque est donc au cœur des stratégies de revitalisation. Deux approches
sont possibles pour la définir. La première adopte le point de vue financier, tandis que
l‟autre adopte le point de vue du consommateur et définit l‟équité de marque comme
« l‟effet différenciateur de la connaissance de marque du consommateur sur les
réponses du client aux activités marketing » (traduction libre, Keller, 1999, p. 102). C‟est
cette approche qui sera retenue ici. Dans le but d‟expliciter les raisons du déclin de la
marque, il nous faut analyser les trois éléments fondamentaux du capital de marque soit
Chapitre 2 Revue de littérature 7
Enfin, selon Keller (1999) le capital de la marque est toujours fonction de la réponse
des consommateurs envers la valeur qui leur est délivrée. L‟auteur ajoute que la
réponse du consommateur est cognitive d‟une part puisque celui-ci émet un jugement
sur la marque, et émotionnelle d‟autre part, dans la mesure où la marque suscite des
sentiments chez les consommateurs (Keller, 2001).
Plus précisément, il constate que les jugements portent entre autres sur la qualité, la
crédibilité, la pertinence et la supériorité de la marque. Les émotions suscitées par la
marque sont quant à elles liées à sa valeur de lien social pour le consommateur, et à la
relation que le consommateur entretient avec lui-même en consommant ladite marque.
Chapitre 2 Revue de littérature 8
En conclusion, un capital de marque fort repose aussi sur la création de liens affectifs
forts et stables avec les consommateurs. Ces liens peuvent être individuels et
également communautaires puisque les consommateurs peuvent s‟identifier au travers
de la marque à une communauté d‟utilisateurs de la marque ou à des employés et des
représentants de la compagnie.
D‟après Zyman (2004), une stratégie de revitalisation consiste en des changements qui
doivent être apportés à la marque à partir du capital de marque existant (clientèle,
marchés et produits) tout en s‟efforçant de préserver les valeurs essentielles de la
marque ou autrement dit son essence. Cette nécessité de changer tout en préservant le
« cœur » de valeur de la marque est également soulignée par Bontour & Lehu (2002),
Kapferer (2000), Keller (1999) et Lewi (1996).
Thomas & Kohli, 2009) ou lorsque la marque est perçue comme vieillissante (Lewi,
1996). Il s‟agirait donc d‟une action ponctuelle qui surviendrait plutôt dans les phases de
maturité et de déclin du produit (Wansink & Huffman, 2001).
Ainsi, dans le but de définir la stratégie de revitalisation, une première étape essentielle
semble être l‟analyse de la valeur actuelle perçue par les consommateurs car « en
comprenant les structures de connaissance de la marque actuelles et celles désirées, la
structure de la valeur perçue de la marque fournit des indications quant à la façon de
rafraichir les anciennes sources du capital de marque ou encore créer de nouvelles
sources de capital pour atteindre la position désirée » (Keller, 1999, p. 111).
Cette première analyse permet donc de définir les variables du marketing-mix qu‟il est
nécessaire de modifier, et ce dans le but d‟augmenter la valeur perçue. Ces
changements concernent aussi bien le produit tangible, que la communication, le
packaging, le slogan ou le porte parole, le style ou une émotion hédoniste associée à la
Chapitre 2 Revue de littérature 10
marque (Wansink & Huffman, 2001). Ils peuvent être plus ou moins intenses bien que la
plupart des auteurs privilégient des innovations radicales plutôt qu‟incrémentales
(Zyman & Brott, 2004). Il faut souligner ici que deux changements principaux semblent
guider les actions de revitalisation de la marque : l‟amélioration de la notoriété d‟une part
et le repositionnement d‟autre part.
Selon Keller (2001), la notoriété d‟une marque est fonction de la facilité avec laquelle les
consommateurs se rappellent de la marque (en anglais : brand depth) et du nombre de
catégories de consommation auxquelles ils l‟associent (en anglais : brand breadth ).Ces
deux dimensions déterminent la saillance de la marque. La première action de
rajeunissement d‟une marque consiste souvent à travailler sa notoriété. Dans la plupart
des cas, la baisse de notoriété de la marque est due au fait que les consommateurs ne
l‟associent plus à un nombre suffisant de catégories d‟utilisation (Keller, 2001). Par
conséquent, les managers mettent régulièrement en place des tactiques pour
augmenter son utilisation.
Il peut également arriver que la marque modifie son positionnement afin de combler le
déséquilibre entre l‟image perçue par les consommateurs et l‟image que la firme désire
transmettre. Ainsi, revitaliser la marque demande parfois de modifier les associations
actuelles, en renforçant leur saillance, en créant de nouvelles associations d‟usages ou
en favorisant la substitution de catégorie (Wansink & Huffman, 2001). Ce
repositionnement de la marque devra être à même de créer de la valeur sans pour
autant perdre de vue que cette valeur doit être différenciée et supérieure. En effet, « si
une marque n‟est pas vue comme unique comparée aux autres sur le marché, sa
croissance future est sujette à interrogation. » (traduction libre, Thomas & Kohli, 2009, p.
384).
Les actions des managers dépendent d‟une part de la hiérarchie interne de l‟entreprise.
En effet, « les gestionnaires centrent les activités de la rénovation autour d‟eux, mais
pour réussir dans leurs tâches, ils doivent convaincre et vendre leurs idées à l‟interne à
la hiérarchie lors des réunions qui ont un poids déterminant dans le parcours des
marques » (Desroches, 2005, p. 99).
La plupart du temps donc, les consommateurs ne sont pas à l‟origine des valeurs et de
la personnalité de la marque. Ce sont en fait les gestionnaires, les distributeurs et les
investisseurs qui la contrôlent (Schultz, 2002).
Le retro marketing est à ce titre une stratégie de marque qui révèle la place
grandissante de l‟appropriation de l‟authenticité au travers d‟actes de consommation.
Brown et al. (2003) définissent le retro marketing comme « le renouveau ou le
relancement d‟une marque de produit ou de service issue d‟une précédente période
historique et qui est habituellement mais pas tout le temps mise à jour en fonction des
standards de performance, de fonctionnement ou des goûts contemporains »(traduction
libre, Brown, et al., 2003, p. 20).
Au travers des marque retro, les individus forment des liens avec leur propre passé et
avec les communautés qui ont partagé ces marques (Brown, et al., 2003) ce qui suscite
Chapitre 2 Revue de littérature 13
leur attachement profond et leur loyauté. De cette relation affective avec la marque,
émerge des significations personnelles pour le consommateur (Fournier, 1998). En effet,
celui-ci adapte le contenu marketing développé par l‟entreprise en fonction de ses
propres croyances et de ses propres expériences. Par la suite, les consommateurs
diffusent ces significations personnelles autour d‟eux et jouent donc un rôle actif dans la
construction de l‟essence de marque (Brown, et al., 2003).
De plus, les auteurs présupposent que les marques retro sont susceptibles de
rassembler une communauté de consommateurs éprouvant un intérêt commun pour une
époque idéalisée. En effet, une communauté de consommation émerge lorsque
« l‟individu s‟identifie à certains objets ou activités de consommation et qu‟il s‟identifie à
d‟autres personnes à travers ces objets ou activités » (Cova, 1997). Ainsi, d‟après les
auteurs, il est aisé d‟ajouter une dimension temporelle à cette définition.
Dès lors, il semble que les consommateurs rassemblés au sein de communauté jouent
un rôle dans le processus de revitalisation d‟une marque et ce même s‟ils ne sont pas
directement impliqués dans le processus de décision stratégique. Nous allons donc à
présent étudier les caractéristiques et le fonctionnement de ces communautés ainsi que
leurs possibles impacts sur la marque.
Enfin, elles sont dites spécialisées, c'est-à-dire que les activités de la communauté sont
centrées autour de la marque et de l‟expérience de consommation procurée par la
marque. Ceci n‟empêche pas cependant la création d‟autres liens entre les membres.
Ainsi, les relations entre les consommateurs peuvent évoluer au sein de la communauté
à la suite de rencontres localisées temporaires dans des évènements contextuellement
riches tel que les brand fests (McAlexander, et al., 2002), ou encore au fur et à mesure
que les pratiques de réseautage social évoluent dans le temps et que l‟implication des
membres au sein du groupe augmente (Schau, et al., 2009).
La notion de communauté de marque, bien que proche des concepts de néo tribus et de
sous-cultures de consommation, présente des particularités et doit donc être
différenciée. Les «néo tribus » sont des rassemblements sociaux occasionnels, fluides
et diffus dont les membres ont pour but de partager des émotions et des expériences
hédonistes (Maffesoli, 2000). On les distingue des communautés de marque car elles
supposent une proximité locale, des relations interpersonnelles entre les membres et
une temporalité courte.
Nous l‟avons vu, ces différentes notions sont encore sujettes à controverse dans la
littérature. Dans le but de réconcilier ces différentes approches, la notion de monde de
marque a été développée. Elle intègre à cet effet les dynamiques sociales et culturelles
de la consommation en une seule et même entité. Un monde de marque peut se définir
comme un espace de coordination des différentes entités sociales qui partagent une
affection pour la marque, interagissent via des réseaux de communication et en viennent
à partager des codes, des répertoires d‟interprétation et des représentations collectives
(Sitz, 2008). La communauté Apple, illustre bien ce concept puisqu‟elle rassemble des
collectifs très hétérogènes qui partagent cependant une affection commune pour la
marque mais aussi des codes et des références appartenant à la sous-culture
informatique (Sitz, 2008).
Identité collective
Une communauté possède une identité collective qui est fonction d‟éléments affectifs et
cognitifs (Algesheimer, Dholakia, & Herrmann, 2005).
Or, le concept de soi est une structure cognitive de connaissances (Ball & Tasaki, 1992),
formé de deux aspects de l‟identité : (1) l‟identité personnelle (ou les caractéristiques
personnelles) et (2) l‟identité sociale (ou la perception d‟appartenance à un groupe)
(Woisetschläger, Hartleb, & Blut, 2008).
(engagement affectif) et (3) l‟importance qu‟il accorde au fait d‟être membre (Bagozzi &
Dholakia, 2006).
Enfin, l‟identification du membre est fonction de l‟estime que le groupe entretient vis-à
vis de lui-même. De fait, plus le consommateur accorde de l‟importance au fait d‟être
membre, plus il s‟engage activement auprès de la communauté.
Engagement moral
Enfin, l‟engagement moral repose sur la notion de responsabilité morale entre les
membres et envers le groupe (Muñiz & O'Guinn, 2001) et se manifeste notamment par
des comportements d‟entraide entre les individus. La communauté Newton par exemple,
maintient le produit à jour en l‟adaptant selon les avancées technologiques du marché et
partage cette information avec les membres pour faire vivre le produit (Muñiz & Schau,
2005). Cet engagement est également visible au sein des communautés en ligne. En
effet, McWilliam (2000) constate que les « participants apprennent à se connaitre
graduellement, déterminent qui est crédible ou non au sein du groupe et avec le temps
développent un sens partagé des valeurs et des responsabilités » (traduction libre,
McWilliam, 2000, p. 47).
Les communautés de marque peuvent être initiées librement par les consommateurs
puis reprises par les organisations (Amine & Sitz, 2007), ou bien crées de toutes pièces
par les firmes, généralement en ligne (McWilliam, 2000). Ainsi, Harley Davidson a pris
appui sur la sous-culture des motards pour relancer sa marque (Schouten &
McAlexander, 1995) tandis que Danone a créé sa propre communauté de fans en ligne1.
1
http://www.danone.ca/fr/promo/danFan/
Chapitre 2 Revue de littérature 19
Ainsi, on constate que les membres les plus puissants jouent un rôle prépondérant dans
le développement et le fonctionnement des réseaux sociaux tels que les communautés.
En effet, de part leur statut de leader d‟opinion, « ils diffusent l‟information, influencent
les décisions et aident à promouvoir de nouvelles idées au sein de leur réseau.»
(traduction libre, Fournier & Lee, 2009, p. 109). À ce titre, il faut ajouter que cette
« influence peut s‟exercer directement (par le bouche à oreille) ou indirectement (par
imitation de son comportement)» (Vernette & Flores, 2004, p. 24).
On peut également différencier les membres selon les rôles qu‟ils occupent au sein de la
communauté. Cova et Cova (2001) distinguent ainsi 4 sous-groupes : les adeptes, les
participants, les pratiquants et les sympathisants. Plus précisément, Fournier et Lee
(2009) identifient 18 rôles communautaires distincts parmi lesquels on retrouve le
mentor qui enseigne et partage son expertise avec les autres membres, le héro qui agit
comme un modèle au sein de la communauté, les hôtes qui accueillent les nouveaux
Chapitre 2 Revue de littérature 20
Plusieurs études examinent les raisons de la participation des membres au sein d‟une
communauté. Ainsi, les membres s‟engagent pour des raisons sociales ou
psychologiques (Carlson, Suter, & Brown, 2008), pour des motifs purement
consuméristes tel que la recherche d‟information pertinentes sur un produit ou sa
catégorie (Ouwersloot & Odekerken-Schröder, 2008), dans le but de s‟exhiber avec la
marque (Cova, 2006) ou encore parce qu‟ils sont en quête d‟authenticité (Leigh, et al.,
2006). Ce dernier point représente un intérêt particulier dans le cas de notre étude
puisque nous avons pu constater l‟importance que les consommateurs accordent à la
recherche d‟authenticité dans le cas de marque rétro. Ainsi, selon Leigh et al.(2006), les
consommateurs de la communauté MG trouvent un sentiment d‟authenticité dans l‟objet
de marque, dans les expériences de consommation et enfin dans la construction et
l‟affirmation de leur identité au sein de la communauté de marque. De plus, ils
constatent que l‟authenticité de l‟appartenance des membres est un sujet souvent
débattu au sein des communautés.
Chapitre 2 Revue de littérature 21
Enfin, le degré perçu d‟influence est défini comme le besoin des individus d‟avoir un
certain contrôle et un certain pouvoir au sein du groupe. Ainsi, plus le membre perçoit
d‟opportunités d‟influence dans le groupe, plus il aura la volonté de participer activement
au sein de la communauté (Woisetschläger, et al., 2008).
dans le but de les doter d‟un « capital social », et enfin (4) les pratiques d‟utilisation de la
marque qui ont pour but d‟améliorer ou de favoriser les utilisations existantes de la
marque.
Peu d‟études s‟attardent à définir les actions que peuvent entreprendre les entreprises
pour faciliter l‟engagement d‟une communauté envers une marque (Stokburger-Sauer,
2010). McAlexander, Schouten et Koenig (2002) démontrent que la firme peut
augmenter le niveau d‟engagement des membres en organisant des évènements qui
permettent aux membres de développer des relations dans des lieux contextuellement
riches mais aussi de partager une expérience de marque forte et positive. En effet, les
auteurs ont constaté qu‟à la suite du Camp Jeep, l‟attachement des consommateurs à
leur voiture, à la marque, à la compagnie et aux autres propriétaires de Jeep a fortement
augmenté ce qui facilite l‟intégration communautaire. Il faut ajouter à ce titre que les
évènements hors-lignes sont plus à même de favoriser le développement de relations
fortes au sein de la communauté que les évènements en ligne (Stokburger-Sauer,
2010).
D‟autre part, Schau, Muńiz et Arnould (2009) démontrent que certaines pratiques
sociales mises en place par les membres sont à même de susciter la participation
d‟autres consommateurs, qu‟ils soient déjà membres ou non. Ainsi, en donnant aux
Chapitre 2 Revue de littérature 23
Woisetschläger et al. (2008) suggèrent également que pour favoriser l‟engagement des
membres au sein de communautés initiées par la marque on peut (1) favoriser
l‟identification du membre, (2) susciter la satisfaction des membres en favorisant des
interactions de valeur, (3) permettre le développement de contenu par les utilisateurs qui
peuvent ainsi acquérir un statut supérieur au sein de la communauté.
En conclusion, l‟engagement est une variable d‟intérêt pour les gestionnaires car elle
permet de susciter une participation active des membres. Or, en participant à la vie
communautaire les membres créent de la valeur non seulement pour la communauté
mais également pour la firme (Schau, et al., 2009). Nous allons donc à présent détailler
les impacts positifs pour la marque et la firme.
Par conséquent, elle peut influencer le capital de marque en améliorant la qualité perçue
et les connaissances du consommateur (Muñiz & O'Guinn, 2001).
Ainsi, plus les membres s‟identifient et s‟engagent envers la communauté, plus ils ont
tendance à faire part de leurs impressions positives autour d‟eux, devenant de véritables
ambassadeurs de la marque (Algesheimer, et al., 2005). On constate ainsi que les
propriétaires de Jeep ayant fait l‟expérience du « Camp Jeep » organisé par la marque,
sont plus enclins à recommander la marque Jeep à leurs amis, leur famille et leurs
collègues créant parfois de véritables chaines de loyauté (McAlexander, et al., 2002). De
plus, l‟identification des consommateurs à la marque les incite à agir physiquement en
faveur de l‟entreprise en achetant des produits additionnels qui portent le logo ou le nom
de la marque et en collectionnant des souvenirs de marques (Moskowitz, 1995).
Pour conclure, on peut constater que les membres des communautés sont
généralement des experts de la marque et se sentent investis d‟une mission envers la
marque et l‟entreprise (Cova & Carrère, 2002). Ils souhaitent être écoutés par la firme et
ont la volonté de participer à la création du discours de la marque. A ce titre, la vision
postmoderniste du marketing considère souvent le consommateur comme un prosumer,
c'est-à-dire un co-créateur de l‟offre de l‟entreprise et de sa propre expérience avec la
marque (Cova, 2008) du fait qu‟il donne lui-même un sens aux produits en se les
appropriant. Certaines entreprises commencent d‟ailleurs à essayer d‟intégrer les
connaissances et l‟expertise de ces consommateurs seuls ou rassemblés en
communautés dans leurs approches managériales dites consumer made (Cova, 2008).
Ces réactions peuvent s‟expliquer par le fait que comme nous l‟avons vu
précédemment, les communautés de marque bâtissent leur identité collective en
s‟appuyant sur les valeurs de la marque (Schouten & McAlexander, 1995). Par
conséquent, ils ont tendance à se l‟approprier en faisant de l‟image de marque un
prolongement de leur propre identité (Schouten & McAlexander, 1995).
Ainsi, les consommateurs considèrent de plus en plus les marques icônes comme des
propriétés culturelles collectives plutôt que des propriétés intellectuelles privées
appartenant à l‟entreprise car la signification de ces marques, véhiculées par les
histoires et les mythes qu‟elles transmettent, sont à même de résoudre les
contradictions culturelles vécues par les consommateurs au quotidien (Holt, 2004). Par
conséquent, lorsque les managers modifient directement ou indirectement la
signification de la marque, il arrive que ces changements aillent à l‟encontre de la
signification culturelle collective de la marque ce qui peut conduire à un backlash de la
part des communautés de consommateurs (Wipperfürth, 2005). Il faut souligner ici que
ce phénomène semble s‟observer plus particulièrement pour des marques cultes ou
légendaires (Atkin, 2004; Brown, et al., 2003; Wipperfürth, 2005) à même de susciter
Chapitre 2 Revue de littérature 26
des émotions profondes et intenses chez les consommateurs qui font l‟expérience de la
marque.
3.1 Problématique
D‟une part, les membres sont souvent liés à la marque par une affection profonde et
stable. D‟autre part, au-delà de l‟attachement qu‟ils ont envers la marque, les membres
s‟identifient à la communauté et à l‟ensemble de ces acteurs. Cette identification se
renforce au fur et à mesure que les membres créent des relations plus nombreuses et
plus fortes au sein du groupe. Il peut s‟agir de relations avec la firme ou ses
représentants, de l‟objet de marque ou encore des autres membres. Or, l‟identification
communautaire est déterminante de l‟engagement des membres au sein de la
communauté.
2009). De plus, à mesure que les membres agrandissent leur champ de pratiques, leur
expertise et leurs connaissances se développent, ce qui en fait de précieux alliés
potentiels.
À ce titre, plusieurs auteurs ont souligné le fait que les managers devraient
impérativement créer leur marque en tenant compte des communautés (Brown, et al.,
2003; McAlexander, et al., 2002; Muñiz & O'Guinn, 2001). Dans le cas d‟une
revitalisation de marque, cette décision s‟impose d‟autant plus que les perceptions des
consommateurs sont déterminantes du succès de la stratégie. Qu‟il s‟agisse d‟un
repositionnement ou simplement d‟une rénovation ponctuelle de marque, l‟objectif
principal des gestionnaires devrait être en effet, d‟augmenter la valeur perçue des
différentes parties prenantes sans pour autant affecter le cœur de valeur de la marque,
son authenticité (Lewi, 1996). Dans la pratique, les consommateurs sont pourtant très
peu souvent impliqués directement dans l‟élaboration des stratégies (Desroches, 2005),
exception faite de quelques entreprises qui ont pris le parti de collaborer avec les
communautés (Schau, et al., 2009).
Plusieurs raisons semblent pouvoir expliquer le fait que les consommateurs soient tenus
à l‟écart des processus décisionnels. D‟une part, les perceptions qu‟en ont les
gestionnaires sont considérées comme suffisantes à l‟élaboration des stratégies. D‟autre
part, les managers perçoivent bien souvent des limites à de telles stratégies de
collaboration puisqu‟elles ne sont pas sans risques. De fait, il peut émerger des
mouvements contestataires au sein des communautés, et ce lorsque les actions
marketing sont perçues comme étant en contradiction avec les valeurs et les
significations de la marque (Cova & Carrère, 2002). Or, avec le développement des
communautés de marques en ligne les communautés ont de plus en plus la volonté et le
pouvoir d‟imposer leur vision aux managers (McWilliam, 2000). De plus, les
communautés de marque les plus fortes et donc les plus créatrices de valeur pour la
marque, sont souvent des communautés fortement marginalisées (Muñiz & O'Guinn,
2001) qui peuvent donc rejeter certains groupes de consommateurs ou les actions
marketing de la compagnie.
En conclusion, prendre appui sur les communautés est une option attrayante mais
risquée pour les managers qui font face à des groupes d‟individus de plus en plus
puissants et qui sont difficiles à contrôler. Le manque d‟information concernant le
Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 29
Dès lors, comment réussir une action de revitalisation en prenant appui sur les
communautés de marque? Dans le but de répondre à cette question, nous étudierons
les différents impacts des communautés de marque dans le processus de revitalisation
et nous tenterons ensuite de déterminer les facteurs clefs de succès dans l‟application
de telles stratégies.
Tout d‟abord, il est important de pouvoir évaluer la contribution des communautés et des
gestionnaires dans le processus de revitalisation de marque. Or, nous l‟avons vu, une
marque vieillissante est une marque donc le capital de marque s‟est érodé. Ainsi, c‟est
en travaillant sur les différentes composantes du capital de marque que l‟on peut soit
rétablir soit créer de nouvelles sources de capital et permettre ainsi la revitalisation
(Keller, 1999). Dans cette optique, nous prendrons donc appui sur le modèle d‟équité de
marque (en anglais : « customer-based brand equity model ») tel que définit par Keller
Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 30
(2001) pour déterminer l‟impact des gestionnaires et des communautés sur le capital de
marque.
Selon Keller (2001) construire un capital de marque fort implique de travailler sur six
blocs consécutifs (en anglais : « brand-building blocks »). Ainsi, en premier lieu, les
gestionnaires doivent développer une identité de marque saillante c'est-à-dire
augmenter sa notoriété. En deuxième lieu, la marque doit être porteuse de sens pour les
consommateurs et doit donc évoquer un ensemble d‟associations pertinentes et
positives qui peuvent être utilitaires (la performance) ou émotionnelles (l‟imagerie). Il
s‟agit donc de développer une image de marque riche et pertinente. En troisième lieu, la
marque doit produire des réponses positives chez les consommateurs qu‟il s‟agisse de
jugements ou de sentiments. Enfin, en dernier lieu l‟entreprise doit s‟efforcer de créer
des relations fortes avec ses consommateurs en s‟assurant que ces derniers s‟identifient
à la marque, aux valeurs et aux croyances qu‟elle symbolise.
Dans le cas de notre étude, on peut supposer que les communautés tout comme les
gestionnaires ont une influence sur ces différents blocs mais que ces influences varient
en termes de nature et d‟intensité. En effet, les gestionnaires peuvent diriger leurs
actions stratégiques de sorte à agir positivement sur chacun des blocs. De même les
communautés mettent en place toute sorte de pratiques qui influencent la communauté
et ses membres mais qui créent également de la valeur pour la marque (Schau, et al.,
2009). Ainsi, nous pensons que le modèle de Keller (2001) ne rend pas suffisamment
compte du rôle des consommateurs dans le processus de construction du capital. En
effet, il tend à suggérer que les seules relations entretenues entre la marque et le
consommateur sont les réponses de ces derniers aux actions marketings. Or, les
relations entre le consommateur sont complexes, hétérogènes et de nature
expérientielles (Fournier, 1998).
Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 31
Ensuite, nous présupposons dans cette étude que pour engager une communauté dans
le processus de revitalisation, il est important que la marque symbolise des croyances et
des valeurs qui sont entretenues et valorisées au sein de la communauté. En effet, les
communautés de marque sont caractérisées par la présence d‟une identité culturelle
forte, qui est entretenue par des rituels, des traditions et des croyances (Muñiz &
O'Guinn, 2001). Or, plus les consommateurs intègrent cette identité culturelle collective,
plus ils s‟engagent activement dans le but d‟atteindre des objectifs collectifs et
d‟exprimer leur engagement mutuel (Bagozzi & Dholakia, 2006). Ces valeurs et
croyances peuvent certes émaner des actions marketing mais les consommateurs
doivent également être en mesure de s‟approprier la marque et ainsi de construire leurs
significations et représentations personnelles comme le suggèrent Brown et al (2003).
Le cas de Pabst Blue Ribbon est à ce titre évocateur puisqu‟on suggère que les
consommateurs ont pu mieux s‟approprier la marque du fait que l‟ensemble des
significations de marque ait quasiment disparu (Walker, 2003).
Ainsi, dans le but d‟intégrer la marque à l‟identité collective, la marque peut développer
des outils et des structures favorisant la mise en place de différents rôles et pratiques
centrés sur la marque au sein du groupe (Schau, et al., 2009). En effet, plus les
Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 32
De plus, les communautés qui s‟approprient les marques, revendiquent de plus en plus
un droit de contrôle sur les pratiques des gestionnaires (Muñiz & Schau, 2005). Ils
souhaitent donc être écoutés par les firmes (Cova & Carrère, 2002). Dans le cas des
marques « disparues » comme Newton, on constate que le « retour du créateur » est
attendu avec ferveur (Muñiz & Schau, 2005), ce qui laisse supposer qu‟une intervention
de l‟entreprise est souhaitée. Ainsi, il semble en premier lieu nécessaire que pour qu‟une
collaboration efficace s‟installe, l‟entreprise fasse preuve d‟ouverture et d‟écoute envers
les membres de la communauté, mais aussi qu‟elle démontre une volonté de relancer la
marque. Il semble également important que la firme développe des relations
significatives avec les consommateurs. Pour cela, l‟entreprise peut organiser des
évènements dans des lieux contextuellement riches pendant lesquels les membres
peuvent développer des relations mais aussi partager une expérience de marque forte
et positive (McAlexander, et al., 2002). En revanche, il ne nous semble pas nécessaire
que les membres soient liés par un attachement profond à la marque puisque comme
nous l‟avons vu, les sous-cultures de consommation impliquent des relations entre les
membres qui relèvent plus d‟un mode de vie commun, d‟une culture commune que
d‟une simple affection pour la marque ou le produit (Muñiz & O'Guinn, 2001).
4. METHODOLOGIE
Plusieurs exemples récents dans la littérature scientifique et d‟affaires laissent à penser
que les communautés de consommation peuvent jouer un rôle majeur dans le
relancement de marques disparues.
Dans le but de répondre aux questions de recherche définies plus haut, nous procédons
à une étude de cas approfondie (Yin, 2009). Les études de cas sont définies comme des
recherches empiriques qui cherchent à comprendre un phénomène contemporain dans
un contexte de vie réel, et ce plus particulièrement quand les limites entre le phénomène
et le contexte ne sont pas clairement établies (Yin, 2009).
commençant par comment et pourquoi (Yin, 2009). D‟autre part, l‟étude porte sur une
suite d‟évènements contemporains que nous ne pouvons contrôler en laboratoire (Yin,
2009).
Enfin, notre choix se justifie également car la littérature sur la revitalisation de marque et
le rôle des communautés de marque dans ce processus stratégique est relativement
pauvre. Or, cette méthode nous permet de rendre compte de façon riche et détaillée
d‟une situation particulière qui illustre bien un phénomène plus général (Merriam, 2009).
Ainsi, l‟étude de cas nous permet de déterminer de manière globale l‟impact des
consommateurs et des gestionnaires dans le processus de revitalisation, et de
déterminer les variables pertinentes et leurs interrelations au sein de ce processus.
Ultimement, elle nous permettra de produire des recommandations qui pourront par la
suite aider les gestionnaires à mener avec succès des projets de revitalisation.
Nous avons donc fait référence aux questions de recherche ainsi qu‟au cadre
conceptuel afin de guider notre choix (Yin, 2009).
Deux raisons principales justifient le choix de procéder à une analyse de cas unique
plutôt que de procéder à une analyse de cas multiples. D‟une part, le cas Pernod
Absinthe est représentatif d‟un cas extrême de revitalisation de marque (Yin, 2009). En
effet, la marque Pernod Absinthe a disparu du marché pendant près de 100 ans, ce qui
laisse penser que de nombreuses actions seront nécessaires à son relancement.
Ensuite, l‟absinthe suscite encore aujourd‟hui des émotions relativement vives chez les
consommateurs. Boisson très populaire au 19e siècle, connue sous le nom de fée verte,
l‟absinthe est la boisson des grands artistes de la Belle époque. Cependant, à la fin du
19e siècle elle est accusée de provoquer la folie chez ceux qui la consomment. Les
ligues antialcooliques entament alors une vaste campagne publicitaire contre l‟absinthe,
ce qui conduit à son interdiction dans plusieurs pays d‟Europe à la fin du 19e siècle. Ces
images négatives résonnent encore aujourd‟hui chez les consommateurs. Ainsi,
l‟absinthe est aujourd‟hui une boisson mystérieuse voire mystique, et marginale ce qui
nous laisse penser qu‟elle constitue un très bon cas d‟étude.
Notre recherche s‟est basée sur trois méthodes différentes de collecte de données soit :
l‟entrevue semi-dirigée et l‟observation non participante comme source de données
principales et la documentation comme source d‟information secondaire. Ce choix nous
a permis par la suite de procéder à une triangulation des données et ainsi de garantir
une meilleure validité de construit (Yin, 2009). En effet, en utilisant plusieurs méthodes
Chapitre 4 Méthodologie 36
de collecte de données nous pouvons ainsi fournir des preuves plus solides quant aux
construits et aux hypothèses qui sont proposés (Miles, et al., 2003).
Validité Utiliser les théories pour l‟étude de cas unique Design de la recherche
externe
Utiliser une logique de réplication pour l‟étude de cas multiples Design de la recherche
La collecte de données s‟est déroulée sur une période d‟environ deux mois. Le
processus de collecte de données a eu lieu, d‟une part, sous la forme d‟entrevues
individuelles d‟une durée estimée entre 45 et 90 minutes. En effet, la méthode de
l‟entrevue reste une des principales sources d‟information de l‟étude de cas (Yin, 2009).
De plus, elle permet de collecter de l‟information sur les faits mais également sur les
opinions des répondants (Yin, 2009), et ainsi d‟obtenir une information riche et détaillée
sur les relations existantes entre l‟entreprise, la marque et les communautés.
Chapitre 4 Méthodologie 37
Quatre entrevues individuelles semi-dirigées ont été menées par le chercheur. Deux
entrevues ont eu lieu à Montréal et impliquaient des experts en réseaux sociaux qui ne
participaient pas directement au projet de revitalisation. Deux autres concernaient des
gestionnaires impliqués directement au sein du projet de relancement Pernod et
occupant différentes fonctions et positions hiérarchiques. Il est à noter que les différents
répondants ont été choisis de sorte à éviter qu‟ils ne puissent s‟engager dans une
analyse de sens rétrospective convergente ou que leurs réponses ne soient influencées
par des biais de désirabilité sociale (Eisenhardt & Graebner, 2007).
Lors de ce diner de presse, une quinzaine de journalistes était présent ainsi que
plusieurs employés de la filiale de distribution aux États-Unis, un des gestionnaires
marketing et enfin un barman, membre de la communauté créative. Cette période
d‟observation nous a permis d‟examiner la situation étudiée en temps réel ainsi que les
comportements et les relations existantes entre les individus dans leur contexte naturel
(Yin, 2009).
De plus, il est à noter qu‟au fur et à mesure de la recherche et du fait des contacts
prolongés avec les personnes interrogées et les différents informateurs, plusieurs
rendez-vous ainsi que des discussions plus informelles ont eu lieu. Ainsi, le chercheur a
pu établir plusieurs contacts avec le barman présent au diner de presse ainsi que les
gestionnaires marketing impliqués dans le projet, au siège social de Pernod.
Nous présentons dans les figures ci-dessous la liste des répondants ayant accepté de
participer à l‟étude. Afin de préserver au mieux l‟anonymat des répondants, nous avons
choisi de ne pas révéler leurs noms mais uniquement leurs fonctions. Chaque
participant c‟est ainsi vu attribuer une lettre ce qui nous permettra d‟y faire référence
dans les chapitres suivants.
Chapitre 4 Méthodologie 38
Nom Fonction
Répondant A Gestionnaire marketing international
Répondant D Barman
Figure 4-2 : Liste des répondants du cas de revitalisation de Pernod Absinthe
Nom Rôle
Répondant E Expert réseaux sociaux
Enfin, le chercheur a collecté plusieurs documents sur le web et sur le site physique de
l‟entreprise afin d‟enrichir les données collectées au cours des entrevues et observations
terrains. Parmi ces documents on retrouve :
Pendant la collecte, les entrevues ont été enregistrées à l‟aide d‟un logiciel
d‟enregistrement de la voix puis retranscrites. En ce qui concerne les données
collectées lors des journées d‟observation, celles-ci ont été synthétisées au fur et à
mesure de la collecte de données tel que proposé par Miles et al. (2003). Enfin, la
documentation utilisée pour l‟étude fait l‟objet d‟une bibliographie. Dans un souci de
justesse et de précision, les données ont été retranscrites dans un délai de temps
Chapitre 4 Méthodologie 39
Deux types d‟outils ont été utilisés pour mener à bien la recherche : le guide d‟entrevue
individuelle semi-dirigée ainsi qu‟une liste d‟items à évaluer lors de l‟observation non
participante.
Le deuxième guide à l‟attention des deux experts en réseaux sociaux abordait trois
thèmes principaux. Tout d‟abord nous tentions de définir la notion d‟influenceur. En effet,
il n‟existe encore aucun consensus dans la littérature scientifique permettant de définir
quelles sont les caractéristiques propres à un influenceur. Puis, nous examinions
l‟impact des influenceurs sur une marque. Enfin, nous envisagions le rôle des
Chapitre 4 Méthodologie 40
D‟autre part, concernant le guide d‟observation, les items ont été définis de façon très
large pour pouvoir garder l‟esprit ouvert et ne pas orienter de façon trop pointue la
recherche. Il s‟agissait principalement d‟observer les interrelations entre l‟entreprise et
les membres de la communauté, les actions entreprises par chacune des parties dans la
revitalisation de marque et enfin les rapports existants entre les influenceurs et la
marque Pernod Absinthe. Le guide d‟observation est également présenté en annexe.
5. HISTOIRE DE L’ABSINTHE
Dans ce chapitre, nous présentons quelques données sur l‟absinthe et son histoire. Ses
données ont été recueillies au travers de divers documents dont des ouvrages, des sites
et des blogs mais également de la documentation fournie par l‟entreprise.
D‟après Delahaye (1983)- l‟absinthe est une plante de la famille des composées. On
distingue deux grandes variétés d‟absinthe : la grande absinthe ou absinthe officinale et
la petite absinthe ou absinthe pontique. Connue pour ses vertus thérapeutiques depuis
l‟antiquité, l‟absinthe est utilisée par les grecs et les romains. Elle est entres autres
utilisée pour ses propriétés antiseptique, stimulante, tonique, diurétique ou encore
fébrifuge. La liqueur d‟absinthe, quant à elle, est obtenue par distillation de plusieurs
plantes aromatiques dont bien sur l‟absinthe mais également l‟anis, l‟hysope, la badiane
ou encore le fenouil.
Delahaye (1983) retrace l‟introduction de l‟absinthe par les arabes au 11ème siècle :
« l‟alcohol » ou eau-de-vie fait donc une apparition relativement tardive en Occident.
Considérée au départ comme un poison, il faut attendre la fin du 18ème siècle pour que
son usage devienne courant. C‟est à cette même époque que l‟absinthe est introduite
pour la première fois en France.
fonder sa propre distillerie en France à Pontarlier en 1805. La Maison Pernod Fils est
née.
D‟après l‟auteure, c‟est en 1830, avec la guerre d‟Algérie que l‟Absinthe prend un nouvel
essor. En effet, réputée pour ces effets bénéfiques contre la malaria et la dysenterie, les
soldats et les officiers de l‟armée d‟Afrique la consomment régulièrement. De retour en
France, ils continuent de la consommer en apéritif. Rapidement, la liqueur gagne en
popularité auprès de la bourgeoisie parisienne qui admire la vaillance des soldats
revenus d‟Outre-mer et se plaisent à fréquenter les officiers dans les cafés du Boulevard
autour d‟un verre d‟absinthe. Elle précise ensuite que c‟est au tour des artistes de
devenir adeptes de l‟absinthe. Le café est également le lieu des rendez-vous de la
bohème qui discute souvent poésie, art ou littérature selon les affinités. Musset,
Baudelaire, Verlaine, Maupassant, Rimbaud, Apollinaire et bien d‟autres sont de grands
consommateurs d‟absinthe. Il la surnomme la fée verte car elle est pour eux une source
d‟inspiration. Très vite, la boisson devient même l‟objet de plusieurs œuvres artistiques
qu‟il s‟agisse de poèmes, de peintures, de gravures ou encore de romans. Parmi les
œuvres les plus connues, on retrouve celle de Degas, « L‟Absinthe », peinte en 1878.
À cette époque l‟Absinthe est alors la boisson en vogue, réservée à une certaine élite du
fait de son prix relativement élevé. C‟est seulement en 1870 que l‟absinthe se
démocratise et devient accessible à la classe ouvrière de France. Selon l‟auteure, même
les femmes la consomment. En effet, son prix ayant fortement baissé, elle est devenue
une des boissons apéritives les moins chères du marché. Le succès de l‟Absinthe est
alors retentissant et sa consommation en France ne cesse d‟augmenter. En 1880,
l'Absinthe est même déclarée "boisson nationale" (Delahaye, 1990) et devient l‟objet de
nombreuses chansons populaires.
« L'œil du poète brilla tout à coup. Alors, dans un profond silence, commença une sorte de
cérémonie. Il installa devant lui un verre, qui était fort grand, après en avoir vérifié la
propreté. Il prit ensuite la bouteille, la déboucha, la flaira, et versa un liquide ambré à reflets
verts, dont il parut mesurer la dose avec une attention soupçonneuse, car, après examen, et
réflexion, il en ajouta quelques gouttes. Il prit alors sur le plateau une sorte de petite pelle en
Chapitre 5 Histoire de l‟Absinthe 44
argent, qui était étroite et longue, et percée de découpures en forme d'arabesques. Il posa
cet appareil, comme un pont, sur les bords du verre, et le chargea, de deux morceaux de
sucre. Une main posée sur la hanche au bout de son bras gracieusement arrondi, l'Infante
souleva la cruche assez haut, puis, avec une adresse infaillible, elle fit tomber un très mince
filet d'eau fraîche - qui sortait du bec de la volaille - sur les morceaux de sucre, qui
commencèrent à se désagréger lentement. Le poète, dont le menton touchait presque la
table, entre ses deux mains posées à plat, surveillait de très près cette opération. L'Infante
verseuse était aussi immobile qu'une fontaine, et Isabelle ne respirait plus. Dans le liquide,
dont le niveau montait lentement, je vis se former une sorte de brume laiteuse, en torsades
tournantes qui finirent par se rejoindre, tandis qu'une odeur pénétrante d'anis, rafraîchissait
délicieusement mes narines.»(Pagnol, 1973; cité par Delahaye, 1990, p. 46)
La couleur opalescente de l‟absinthe, son odeur bien particulière ainsi que le rituel qui
accompagne sa préparation fascinent les passants qui se rassemblent souvent aux
terrasses de cafés pour observer et juger ceux qui préparent l‟absinthe. En effet, on
avait pour habitude de distinguer les bons, des mauvais « absintheurs » selon la rigueur
avec laquelle ils observaient le rituel. (Delahaye, 1990).
Rapidement son caractère nouveau, son goût frais et désaltérant, ainsi que le rituel qui
accompagne sa préparation font de l‟absinthe la boisson à la mode. « Son impact sur la
société française fut si considérable qu‟il est impossible d‟évoquer la vie sociale,
littéraire ou artistique de la seconde moitié du XIXe siècle sans s‟en référer
constamment » (Delahaye, 1990, p. 36).
D‟autre part, suivant les milieux sociaux, l‟absinthe se voit attribuer plusieurs surnoms
parmi lesquels on retrouve : l‟asmoche, l‟aviateur, une bleue, une verte, un douanier,
une fée verte, un perroquet, une poileuse, une sulfate de zinc et bien d‟autres encore
(Delahaye, 1990). Delahaye (1990) recense également plusieurs expressions populaires
qui font référence à la boisson : « étouffer un perroquet » pour signifier que l‟on boit une
absinthe, « avaler son absinthe » pour exprimer sa résignation face à quelques
désagréments ou encore « renverser son absinthe » pour désigner la mort (Delahaye,
1990).
Autre preuve de sa popularité, l‟absinthe comme nous l‟avons vu touche toutes les
catégories sociales, du bourgeois à l‟ouvrier. L‟absinthe est donc rapidement considérée
comme une boisson bien française. En effet, c‟est en France que sa consommation
connaît le plus d‟essor. Ailleurs en Europe, sa consommation reste relativement
localisée ou encore réservée à la classe bohème (Adams, 2004).
Il a fallu attendre le début du XXIe siècle pour que l‟absinthe soit à nouveau libéralisée
et commercialisée. Selon Adams (2004), le retour de l‟Absinthe a commencé d‟abord en
Tchécoslovaquie où elle n‟avait jamais été interdite. En effet, à la chute du mur de Berlin
en 1989, les jeunes européens et américains ont afflué vers l‟Europe de l‟Est et
redécouvert la boisson. L‟auteur précise que plusieurs créatifs contemporains, comme
des musiciens populaires ou des rédacteurs ont contribué à populariser l‟Absinthe en
s‟attribuant sa redécouverte.
Cependant, l‟absinthe fait également peur. C‟est une boisson perçue comme
mystérieuse, dangereuse, interdite. À la fin des années 1990, l‟absinthe est ainsi perçue
comme un luxe dangereux et osé qui permet de se distinguer dans une société de plus
en plus homogène (Adams, 2004). Témoin de son renouveau, de nombreux sites voient
le jour sur internet. On y retrouve notamment des récits retraçant l‟histoire de la boisson,
des informations sur les différents types d‟absinthe, des détails sur le rituel de
consommation etc.… Bref, l‟absinthe fascine toujours.
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 46
Disparue du marché depuis près de 100 ans, la marque Pernod a survécu au travers de
changements. Après l‟interdiction de l‟absinthe en France en 1915, Pernod est en effet
devenue une marque d‟anisé. Similaire à l‟absinthe en terme de goût, les boissons
anisées possédaient, de plus, la propriété de se troubler par addition d‟eau tout comme
l‟absinthe.
« Depuis 2001, la décision a été prise, avec la nouvelle législation, de relancer une
absinthe. Ceci dit ça n‟a jamais été une priorité pour Pernod de développer cette
absinthe jusqu‟à ce qu‟il y a deux ans et demi à peu près, le marché des États-Unis
s‟ouvre à l‟absinthe à travers des concurrents qui ont convaincu les autorités que
l‟absinthe était légale et donc cela entraine une croissance du marché de l‟absinthe qui
redevient visible et donc devient intéressante pour nous. » (Répondant A, 2010).
« Il y a une volonté d‟avoir des choses un peu plus authentiques, un peu plus
sophistiquées, un peu plus originales, un peu plus historiques. Le gin fait parti de cette
tendance là. Il y a notamment une grande tendance de retour aux cocktails classiques et
dans cette mouvance là, l‟absinthe fait parti des mythes du passé qu‟on sent bien que la
société a envie de voir ressuscitée» (Répondant A).
Pernod identifie alors trois marchés cibles : les États-Unis, l‟Angleterre et la France. Plus
particulièrement, on identifie plusieurs villes créatives qui feront l‟objet de la majorité des
efforts marketing.
Selon l‟un des gestionnaires marketing, une revitalisation de marque se définit comme
« la refonte d‟une plateforme, c'est-à-dire pour nous la cible. On essaye en général soit
de trouver une nouvelle cible pour quelque chose qui existe déjà, soit de reconnecter
une cible existante à un produit qu‟ils peuvent avoir oubliée. Et l‟autre pan de la
plateforme c‟est le positionnement et l‟image de marque. La revitalisation vise souvent à
modifier ou à créer une nouvelle image. » (Répondant A, 2010).
Selon lui, dans le cas de Pernod Absinthe, il ne s‟agit pas d‟un rajeunissement de
marque mais plutôt d‟un relancement car celle-ci avait complètement disparu du marché
depuis près de 100 ans. Le répondant C (2011) partage plus ou moins ce point de vue,
puisqu‟elle perçoit le cas Pernod absinthe comme un cas de revitalisation extrêmement
rare qui peut ne jamais arriver à une marque. Elle distingue ce cas de revitalisation d‟un
simple « lifting de marque » qui selon elle arrive à une marque tous les 10 ou 15 ans.
« Quand on regarde la marque Pernod au total soit anis plus absinthe, on voit bien que
les investissements qui seraient nécessaires pour redynamiser fortement Pernod anisé
ou Pernod classique sont importants au regard des priorités du groupe Pernod Ricard
alors que sur Pernod absinthe on sent, même si ce n‟est pas très mesurable, qu‟il y a
plus d‟intérêt et de potentiel pour redynamiser la marque. » (Répondant A, 2010).
Pour cela, l‟entreprise doit d‟abord développer la catégorie de l‟absinthe qui n‟existe plus
dans l‟esprit des consommateurs du fait de l‟interdiction de la boisson depuis plus d‟un
siècle pour pouvoir ensuite aller se positionner comme la marque de référence.
L‟un des gestionnaires marketing a pour mission de définir la stratégie de marque ainsi
que le plan d‟action nécessaire au développement de la marque sur les différents
marchés internationaux. Il est assisté par une stagiaire. L‟autre gestionnaire marketing a
pour mission d‟exécuter la stratégie de marque internationale au niveau local, et ce en
partenariat avec les différents distributeurs. En effet, au sein du groupe, il faut distinguer
le propriétaire de marque et ses différentes filiales de distribution.
«Quand je dis Pernod Ricard, je pense à la fois aux propriétaires de marque et aux
filiales de distribution. Il y a une dynamique entre les deux. Le propriétaire de marque
propose et la filiale dispose. C‟est la filiale qui active les marchés, c‟est la filiale qui va
assurer ou non le relancement de marque. » (Répondant A, 2010).
Les filiales jouent donc un rôle important dans la revitalisation de marque. Ce fait est
également souligné par Répondant C (2011) :
« Le deuxième challenge c‟était de dire qu‟en année un Pernod prenait le lead sur les
actions menées, mais qu‟en année deux il fallait laisser l‟initiative aux marchés. À un
moment un marché à qui tu donnes tout, tout cuit, il ne fait rien alors que si tu lui
demandes d‟avoir des initiatives il fait beaucoup plus de choses. »
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 49
D‟autre part, Pernod collabore avec plusieurs agences, dans plusieurs pays. Les
agences participent d‟une part, à la définition du plan stratégique et d‟autre part
opérationnalisent la stratégie sur les différents marchés cibles. Les actions stratégiques
sont décidées en accord avec les gestionnaires du groupe Pernod.
Enfin, les consommateurs sont également impliqués dans le processus puisque Pernod
et les agences ont mis au point plusieurs actions stratégiques qui font appel à des
« influenceurs créatifs » comme par exemple un barman reconnu mondialement, Jean
Paul Lespagnard un designer Belge ou encore Liquid Architecture un groupe de rock
Français. En revanche, d‟après le gestionnaire marketing international en charge du
projet, l‟implication des influenceurs dans le processus stratégique est moindre. En fait,
les consommateurs participent principalement à la diffusion de l‟expérience de
consommation Pernod Absinthe mais ils n‟influencent pas directement les décisions
stratégiques de l‟entreprise :
« On ne va pas aller chercher des geeks de l‟absinthe par exemple pour leur faire
élaborer le produit, le packaging etc.… On s‟arrêtera sur l‟aspect expérience de
consommation, on ne leur demandera pas d‟influencer directement notre marque ou
notre produit. » (Répondant A, 2010).
«The distinguishing characteristic of the Creative Class is that its members engage in
work whose function is to create meaningful new forms. The super-creative core of this
new class includes scientists and engineers, university professors, poets and novelists,
artists, entertainers, actors, designers, and architects, as well as the thought leadership
of modern society: nonfiction writers, editors, cultural figures, think-tank researchers,
analysts, and other opinion-makers (…) Beyond this core group, the Creative Class also
includes creative professionals who work in a wide range of knowledge-intensive
industries such as high-tech sectors, financial services, the legal and healthcare
professions, and business management. These people engage in creative problem-
solving, drawing on complex bodies of knowledge in seeking innovative
solutions ».(Florida, 2002, p. 40)
Dans le cas de Pernod Absinthe, cette notion de classe créative a été reprise et quelque
peu modifiée.
« Ce ne sont pas forcément des artistes, ça peut être des gens qui travaillent dans les
médias, qui sont journalistes, qui utilisent la créativité comme outil quotidien dans leur
travail ou dans leur vie, ça peut être des barmen et surtout qui ont été identifiés comme
groupe relativement homogène par des études sociologiques.» (Répondant A, 2010).
avant tout intéressés par le processus de création. Ce sont des peintres, des sculpteurs,
des designers. Enfin, les méta-créatifs sont des organisateurs, ils travaillent à mettre en
scène l‟art. Ce sont des éditeurs, des galeristes des promoteurs de concerts etc…
«On est sur des marques qui sont partagées et qui sont donc visibles aux yeux de tous.
Quand quelqu‟un commande ou achète une bouteille d‟absinthe par exemple, il se
positionne socialement en disant moi je bois tel truc donc il donne un message aux
autres.» (Répondant A, 2010).
À ce titre, les barmen jouent un rôle déterminant dans le succès du relancement car ce
sont, de par leur métier, des influenceurs naturels (Répondant E, 2010) qui peuvent
donc favoriser l‟adoption du produit par les consommateurs et ainsi favoriser sa
diffusion.
« Sachant que nous il y a deux communautés qu‟on vise. Il n‟y a pas que la cible
créative, il y a également la cible des barmen. Les barmen c‟est une vraie communauté
et aussi de vrais influenceurs, non seulement parce qu‟ils vont recommander mais aussi
parce qu‟ils vont permettre l‟accessibilité, le listing de notre produit en disant voilà, moi je
vais mettre le Green Beast sur ma carte par exemple. » (Répondant A, 2010).
Au sein de la classe créative, on peut identifier des personnes clefs qui forment eux-
mêmes un groupe bien particulier au sein de la communauté et que l‟on qualifie
d‟influenceurs (Unity, 2010). Dans le but d‟infiltrer la communauté créative, Pernod a
choisi de faire appel à ces influenceurs clefs. En effet, en développant des relations
affectives avec ces derniers, Pernod espère reconnecter avec la communauté créative.
« En gros c‟est ça qu‟on veut être, on veut être l‟ami de quelques personnes au sein de
la communauté. Il faut bien commencer de toute façon par être l‟ami de quelques
personnes avant d‟être l‟ami de la communauté. C‟est un peu ça le rationnel derrière les
influenceurs. » (Répondant A, 2010)
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 52
Nous allons à présent dresser un portrait des influenceurs et examiner leur rôle dans le
processus de revitalisation de la marque. À ce titre, il nous est paru important de faire
appel à des experts en réseaux sociaux afin de mieux comprendre ce phénomène.
Les influenceurs sont des personnes qui disposent d‟un réseau social relativement
important et qui de plus exercent un leadership d‟opinion au sein de leur réseau.
« Dans chaque pays il y avait des gens qui n‟était pas forcément des people hyper
connus mais des gens super influents au sein de leur communauté. Pour te donner un
exemple à New York on avait repéré Jen Brill. C‟est la nana de Terry Richardson qui est
un très grand photographe de mode, qui est parmi les 10 photographes les plus connus
et elle c‟est juste une it-girl new-yorkaise qui travaille dans une petite agence de RP
mais la fille elle doit avoir 6000 amis sur Facebook, elle est connue, elle organise des
soirées, elle est dans les photos des soirées vogue etc. Et si tu lui passes le mot sur
Pernod Absinthe, tu es sûre que le message sera passé auprès de toute une
communauté parce qu‟elle est suivie par sa communauté » (Répondant C, 2011).
« Their genius exists in setting the mood, the agenda and the modus operandi for a
particular scene. Indeed, they often create the scene and are at the center of the
network of people who hang at their every word and who rely on them for guidance,
inspiration and most of all matters of taste.” (Unity, 2010)
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 53
D‟autre part, ils sont attirés par la nouveauté et aiment aller au-delà des codes de
consommations établis sur le marché (Répondant F, 2010). De ce fait, ils sont souvent à
l‟origine de nouvelles tendances de consommation. Il faut souligner qu‟ils sont très peu
influencés par la marque et valorisent avant tout la nouveauté produit.
Dans le cas de Pernod Absinthe, on retrouve bien ces différentes caractéristiques parmi
les influenceurs. Lors de nos observations nous avons pu notamment constater que le
barman est très motivé par le challenge que représente un produit comme l‟absinthe. Il
considère qu‟il s‟agit d‟un produit nouveau et différent des autres alcools en vogue
notamment du fait des arômes très particuliers de la boisson. Il souhaite promouvoir la
catégorie et rétablir la notoriété de la boisson car il est un véritable amateur des
boissons anisées et qu‟il s‟agit en plus d‟une boisson française qui lui correspond bien.
«Lui sa motivation je pense, au-delà de faire quelque chose de différent, il voit l‟intérêt
que peut avoir de relancer un marché. La vodka, le gin, la tequila ce sont des marchés
qui existent déjà et donc tu ne crées rien, tu ne fais qu‟essayer de trouver un argument
un peu différent, par exemple ma vodka elle est filtrée 18 fois sur des filtres en diamant
et souvent tu n‟as pas l‟impression de créer quelque chose. Avec l‟absinthe l‟opportunité
pour des gens que ce soit d‟ailleurs nos influenceurs de la créative class, c‟est de
pouvoir créer une tendance. » (Répondant A, 2010).
communauté. On s‟est demandé comment atteindre ces premiers relais là qui du coup
allaient nous permettre d‟étendre le message. » (Répondant C, 2010)
En effet, les opinions des influenceurs sont généralement perçues comme plus crédibles
et plus authentiques que les opinions de l‟entreprise, ce qui leur permet d‟avoir une
influence plus grande sur les perceptions et les actions des consommateurs.
« À cause du web, les consommateurs s‟expriment de plus en plus. Puis là, c‟est pour
ça qu‟il y a un regain d‟intérêt pour les influenceurs parce que finalement, qui est plus
crédible que la compagnie pour communiquer sur le produit? Bien c‟est quelqu‟un
comme toi puis moi. C‟est pour ça que tout le monde trip sur les influenceurs mais dans
le fond ce n‟est pas compliqué : descendez dans la rue et parlez à votre marché cible. »
(Répondant E, 2010).
C‟est pour cette raison, entres autres, que Pernod a choisi de contractualiser un barmen
mondialement reconnu pour influencer la communauté des barmen: « Les marques qui
leur parlent directement, ils ont tendance à ne pas avoir confiance ou du moins à
regarder avec scepticisme ce que peuvent leur raconter les marques alors que si c‟est
quelqu‟un des leurs qui leur explique, surtout quelqu‟un des leurs qu‟ils respectent et
qu‟ils connaissent, et c‟est pour ça que nous on a choisi un mec qui est relativement
voire ultra respecté dans le milieu et qui en plus a toute la légitimité pour leur parler
d‟absinthe; il est français, il est intéressé, il a écrit des livres sur les cocktails classiques,
il est « knowledgeable »… Bref, quand c‟est lui qui dit des choses, les gens écoutent et
reçoivent très différemment que si c‟était moi qui disait la même chose. » (Répondant A,
2010).
Ainsi, lors du dîner de presse organisé à New York, le barman a préparé de nombreux
cocktails à l‟attention des invités qui pouvaient sélectionner les ingrédients qu‟ils
désiraient mélanger avec l‟absinthe. En plus d‟impliquer les consommateurs dans la
préparation de la boisson, le barman a contribué à renforcer l‟image créative associée à
la boisson en exerçant avec brio l‟art de la mixologie. Il a également partagé avec eux
l‟histoire de la boisson, expliqué sa fabrication ou encore détaillé son histoire
personnelle avec la marque, donnant ainsi une touche plus personnelle à la relation
entre la marque Pernod et lui-même.
Le choix des influenceurs apparaît donc être un critère relativement important dans le
succès des stratégies : « C‟est pour ça qu‟une marque comme Lululemon réussit si bien
à créer un lien avec ses consommatrices aussi bien online que offline, parce que autant
son staff dans ses boutiques, que le site internet, que la community manager qui parle
sur le compte Twitter, tout ce qu‟ils font vient renforcer le positionnement de la
marque. » (Répondant E, 2010).
Le choix des partenaires répond à plusieurs critères. Il est important que les influenceurs
incarnent les valeurs de la marque, son identité.
« On cherche des gens qui ont vraiment de l‟affect pour la marque. C‟est vraiment
important pour nous avant de faire un partenariat d‟identifier des gens qui pensent
comme nous » (Répondant C, 2011).
De plus, on cherche à limiter les partenariats qui auraient pour seul objectif d‟accroitre la
visibilité de Pernod Absinthe au profit de partenariats à même d‟enrichir l‟histoire de la
marque. L‟objectif étant donc de mettre en place des projets créatifs qui soient
bénéfiques aux deux parties.
« Ce qu‟on fait actuellement avec les mecs avec qui on bosse, c‟est qu‟on développe
avec eux des projets artistiques. On ne leur donne pas 2000, 3000 ou 10000 euros juste
pour que notre logo apparaisse sur un poster.» (Répondant C, 2010).
En France, c‟est le groupe de rock parisien Liquid Architecture qui est le principal
partenaire de Pernod Absinthe. Membres de la classe créative, les deux artistes
disposent d‟un réseau influent d‟amis et de personnalités du monde de l‟art. De plus,
« Fan de cocktails, ils ont fait réalisé leur « portrait » cocktail par un mixologiste. Ils sont
aussi tombés amoureux de l‟absinthe qui est le fil rouge de leur dernier clip. » (Being,
2011)
Ainsi, Pernod sponsorise le groupe de rock dans la promotion de son nouvel album et
en échange, ils organisent avec leurs amis des dégustations d‟Absinthe Pernod et
retransmettent des photos et des vidéos qui pourront servir à promouvoir la marque.
Cette relation d‟affaire ne fait pas l‟objet d‟un contrat mais repose sur un engagement
volontaire des deux parties.
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 57
« Avec eux on va faire des dîners où eux leur objectif c‟est de faire parler de leur clip
dans toutes les villes du monde en réunissant des gens de tous les horizons créatifs.
C‟est eux qui organisent les évènements et nous on est juste amis et donc on sera juste
servi et ils en profiteront bien sur, puisqu‟on les sponsorise pour ces dîners là, pour
parler de nous et nous retransmettre du matériel qui pourra nous servir en tant que
matériel de marque mais un peu créatif et interactif » (répondant A, 2010).
« Liquid Thinking is the transformational process for the creative mind. It provides
creative solutions and quenches artistic thirst; it is the essential ebb and flow between
perception and reality.”(Unity, 2010)
L‟objectif étant de réussir à recréer une « heure verte » sur le web qui rassemblerait les
60 000 membres de la communauté londonienne (Répondant B, 2010). Ce site sera
animé par des artistes londoniens qui travailleront en collaboration avec l‟agence à
Londres.
Il ne s‟agit pas ici de développer un site de marque bien que Pernod soit présent en
filigrane sur le site, au travers par exemple d‟évènements sponsorisés par la marque. Au
contraire, « c‟est un moyen d‟approcher la communauté créative avec un concept qui les
intéresse et qui répond à des préoccupations quotidiennes qu‟ils peuvent avoir en tant
que créatifs» (Répondant B, 2010). De plus, « c‟est une approche qui est jugée, en tous
cas par les gens de la communauté, très originale et surtout assez unique parce que ça
n‟existe pas ailleurs. » (Répondant A, 2010).
Au travers de ce site, Pernod a donc pour objectif de positionner sa marque mais aussi
d‟approcher des personnes influentes au sein de la communauté créative. En effet, en
proposant un contenu unique et différent, contenu élaboré directement par des membres
de la communauté, il est plus aisé d‟engager les membres de la classe créative autour
de Pernod Absinthe (Répondant B, 2010).
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 58
Dans le but de générer du trafic sur les réseaux sociaux mais aussi de générer un
dialogue interactif avec la cible de la classe créative, Pernod a également lancé un
concours de création d‟œuvres artistiques.
« Il y a une deuxième phase de concours qui vient d‟être lancée mais le premier
concours qui a eu lieu était un concours de création d‟œuvres artistiques autour du
thème 1805, date de création de Pernod Absinthe. On a d‟ailleurs été surpris par le
nombre de candidatures. » (répondant A, 2010).
Dans le but de modifier ces perceptions négatives, Pernod tente de favoriser des
expériences de consommation positives chez ses consommateurs. En effet, les
utilisateurs consomment généralement la boisson de façon inadaptée ce qui freine la
diffusion de la marque.
« Il fallait aussi qu‟on apprenne aux gens comment boire l‟absinthe parce que comme je
te le racontais tout à l‟heure avec Lucid, les mecs la buvaient n‟importe comment donc
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 59
Ainsi, l‟entreprise a élaboré une « drink stratégie » qui prend appui à la fois sur le rituel
traditionnel de préparation de l‟absinthe mais aussi sur des cocktails afin de rendre la
boisson plus accessible. Pernod accorde une importance toute particulière à la cible des
barmen dans le développement de cette stratégie car ces derniers font parti de la cible
créative et sont des influenceurs naturels de par leur métier. Ainsi, ils sont à même
d‟éduquer les consommateurs à l‟absinthe permettant ainsi d‟accélérer son adoption et
sa diffusion.
Originaire de Bourgogne en France, celui-ci quitte la France pour l‟Angleterre dans les
années 2000. Il fait ses premiers pas dans l‟industrie en tant que garçon de café, puis
comme plongeur, puis se tourne naturellement vers le métier de barmen. Formé par les
plus grands mentors de l‟industrie, il reçoit de nombreux prix pour la qualité et
l‟inventivité de ces cocktails lors de compétitions nationale et internationale. En 2008 et
2009, il est consacré meilleur mixologiste mondial. Passionné par les spiritueux et l‟art
de la mixologie, il publie de nombreux articles dans des revues reconnues, agit à titre de
consultant et de professeur pour plusieurs agences de consultation et enfin est invité à
de nombreux congrès professionnels d‟envergure internationale. Enfin, il est un grand
amateur d‟absinthe et de Pernod et il a donc accepté de travailler à titre de consultant au
relancement de la marque.
mais aussi sur sa formulation (les différentes herbes qui composent la boisson) et sur le
procédé de fabrication de la boisson. Ces évènements apparaissent comme une
occasion pour lui « non seulement de former mais aussi d‟inspirer» (Répondant D,
2011). En effet, en aidant les barmen à mieux comprendre l‟absinthe et à la mélanger
correctement avec d‟autres ingrédients, il leur permet ensuite de créer eux-mêmes de
nouveaux cocktails originaux à base d‟absinthe. Or, « la nouveauté attire la clientèle des
barmen qui doivent sans cesse renouveler leur carte pour satisfaire leurs clients »
(répondant D, 2011).
Enfin, il favorise la diffusion de la marque Pernod dans les bars, les clubs, les
restaurants mais aussi auprès des distributeurs de Pernod à qui il pitch le produit
(Répondant D, 2011).
« Parce qu‟ils vont recommander mais aussi parce qu‟ils vont permettre l‟accessibilité, le
listing de notre produit. En disant voilà, moi je vais mettre le Green Beast sur ma carte
par exemple » (répondant A, 2010)
En conclusion, la communauté des barmen fait l‟objet d‟une stratégie d‟infiltration à part
entière. Celle-ci se distingue notamment du fait qu‟elle ne vise pas seulement à créer
des relations affectives mais aussi à éduquer la communauté des barmen à la catégorie.
« Le côté exemplarité est plutôt présent sur la partie trade que sur la partie
consommateur. Sur la partie consommateur on est plutôt dans l‟ami, la relation. Dans la
partie trade, on est plutôt sur l‟exemplarité en disant que si un barmen hyper côté a
choisi Pernod alors ça veut dire qu‟il y a une bonne qualité, que c‟est légitime et que
donc moi aussi je peux choisir Pernod. C‟est deux mécanismes qui sont un peu
différents. » (répondant A, 2010)
Enfin, un certain nombre d‟outils dits d‟activation tel que des dégustations ou du
sponsoring d‟évènements artistiques sont également mis en place.
Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 61
«C‟est tout ce qui pousse à la consommation. Ça peut être de l‟activation on-trade c'est-
à-dire être présent et visible dans les bars, organiser des dégustations. Ça peut être
aussi de l‟activation off-trade c'est-à-dire faire les même choses mais en magasin. Ça
peut-être de l‟influence c'est-à-dire être présent à l‟esprit de la cible en passant par des
biais divers comme des personnes physiques, des communautés on-line, des
évènements, en gros tout un tas de bandes par lesquelles passer pour toucher notre
cible. » (Répondant A, 2010).
Chapitre 7 Analyses 62
7. ANALYSES
Les deux précédents chapitres ont été élaborés à partir de l‟ensemble des données que
nous avons collectées qu‟il s‟agisse de la documentation, des entrevues ou encore des
divers rapports d‟observation. Nous avons ainsi pu retracer dans un premier chapitre
l‟histoire de l‟Absinthe et de Pernod, puis dans un deuxième chapitre détailler l‟ensemble
du processus de revitalisation : les acteurs impliqués dans le processus, la définition de
la stratégie et ses différentes applications tactiques. Nous allons maintenant présenter
l‟analyse des résultats. Dans une première partie, nous validerons les différents impacts
de l‟entreprise et des communautés sur le capital de marque en prenant appui sur le
modèle du customer-based brand equity développé par Keller (2001). Dans une
deuxième partie, nous analyserons comment il est possible pour l‟entreprise de faciliter
l‟engagement d‟une communauté de consommateurs autour d‟une marque. Enfin, nous
nous attarderons sur le rôle déterminant de la marque dans le succès des relations entre
entreprise et communautés, ainsi que sur la nécessité pour l‟entreprise de limiter les
mesures de contrôle sur les actions communautaires.
Rappelons que selon Keller (1999), on peut revitaliser une marque en travaillant sur les
différentes composantes du capital de marque afin de rétablir ou de créer de nouvelles
sources de capital. Afin de déterminer dans quelle mesure les gestionnaires et les
membres de la « classe créative » rétablissent ou créent de nouvelles sources de capital
de marque, nous allons détailler leurs divers impacts en prenant appui sur le modèle des
six blocs de Keller (2001). Selon ce modèle, il est essentiel de développer chacun des
six blocs constitutifs du capital de marque dans le but de construire une marque forte.
Nous apportons ici un point de vue nouveau en démontrant que les consommateurs
participent à la construction de chacun des blocs. En effet, Brown et al. (2003)
notamment critiquent le fait que le modèle développé par Keller a tendance à minimiser
l‟impact des consommateurs dans le processus de construction du capital. De fait, bien
qu‟il prenne en considération les réponses des consommateurs, le modèle laisse
supposer que ces réponses sont le résultat des actions marketing de l‟entreprise. Or, les
Chapitre 7 Analyses 63
«Il faut savoir après qu‟on souhaite que notre absinthe soit la mieux positionnée, pour
qu‟on soit la référence. C‟est plutôt un travail via le trade et des outils de notoriété
classiques comme les outils publicitaires par exemple. » (Répondant A, 2010).
Dans ce but, Pernod développe différents outils d‟activation et les rend disponibles pour
ses filiales de distribution afin de rendre le produit plus accessible au consommateur et
surtout plus visible. De plus, la marque organise divers évènements promotionnels sur
les lieux de vente, ou encore a recours aux médias sociaux tels que Facebook et Twitter
pour faire parler d‟elle.
D‟autre part, Pernod cherche à multiplier les usages de la marque. Ainsi, il est important
que les consommateurs non seulement se rappellent la marque mais aussi qu‟ils y
pensent naturellement et facilement dans plusieurs situations de consommation pour
augmenter la saillance de la marque (Keller, 2001).
« Je pense qu‟il faut réussir à pousser les gens à commander. Effectivement les gens ils
vont boire, ils vont aimer quand on leur file. Le vrai objectif c‟est que les gens de leur
Chapitre 7 Analyses 64
propre chef à un moment dise moi je veux ca. C‟est un peu le grand challenge de toutes
les marques d‟alcool. » (Répondant A, 2010).
Dans ce but, la marque organise plusieurs évènements de marque sur les lieux de vente
hors domicile et ce afin que le consommateur puisse faire l‟expérience de la marque.
« Il fallait aussi qu‟on apprenne aux gens comment boire l‟absinthe parce que comme
comme je te racontais tout à l‟heure avec Lucid, les mecs la buvait n‟importe comment
donc on avait un vrai truc de pédagogie et à la fois un devoir d‟image de marque. Donc
ça ça passe par le on-trade, ça passe par le sponsoring d‟évènements où on a fait un
container pour Pernod avec de la créativité à l‟intérieur, tu pouvais dessiner à l‟intérieur
du container et où on te servait des verres soit avec le rituel traditionnel de la fontaine
soit avec les nouveaux cocktails comme le fameux Green Beast. » (Répondant C, 2010)
« Les gens connaissent quasiment tous, en tout cas dans la communauté qu‟on cible, ils
ont quasiment tous entendu parler de l‟absinthe, ils voient à peu près ce que c‟est ou en
tous les cas ils imaginent à peu près ce que c‟est mais ils n‟ont aucune idée de quel
goût cela a ou de comment ça se boit. C‟est sur ça qu‟on appuie et que les
consommateurs sont parties prenante dans ce processus, sachant qu‟on ne leur
demande pas de créer cette expérience de consommation mais on leur demande de la
connaitre et de la diffuser tout du moins de l‟apprendre et de la diffuser. » (Répondant A,
2010).
Chapitre 7 Analyses 65
Notamment, il est crucial d‟impliquer la communauté des barmen car ils influencent
particulièrement les choix de consommation sur les lieux de vente hors domicile :
« Les barmen c‟est une vraie communauté et aussi des vrais influenceurs. Non
seulement par ce qu‟ils vont recommander mais aussi parce qu‟ils vont permettre
l‟accessibilité, le listing de notre produit, en disant voilà je vais mettre le Green Beast sur
ma carte par exemple.» (Répondant A, 2010).
Dans le but de revitaliser la marque, Pernod a d‟abord défini une nouvelle plateforme de
marque. Cette plateforme définit à la fois des associations fonctionnelles et
émotionnelles que l‟entreprise souhaite communiquer et permet ainsi de décliner un
territoire de marque en adéquation avec les associations précédemment définies.
Parmi les associations fonctionnelles on retrouve entres autres celles qui touchent à la
performance du produit relativement aux attentes des consommateurs. Ainsi, Pernod
Absinthe est positionnée comme une absinthe de qualité supérieure mais aussi
authentique car inspirée de la recette originale Pernod Fils : la boisson titre 68°, reprend
l‟ensemble des ingrédients de la recette originale, est de couleur verte etc…
sont très présents dans le discours de marque qui se revendique comme l‟héritière de
Pernod Fils et l‟absinthe des artistes de la Belle époque.
Il faut également souligner que ces associations définies et diffusées par Pernod sont en
accord avec les aspirations et les valeurs de la classe créative.
« Cette cible est dirigée par deux mots clefs qui sont créativité et authenticité »
(Répondant C, 2010).
« Pernod c‟est l‟authenticité et la créativité. Authenticité parce qu‟on est une marque
avec des racines bien ancrées, la créativité parce qu‟on a des liens et une légitimité au
sein de la communauté artistique de par un passé artistique d‟inspirateur de créatifs que
ce soit des peintres, des sculpteurs, des poètes et des écrivains. Ces deux valeurs
authenticité et créativité sont des valeurs qui parlent et qui sont très importantes voire
probablement les plus importantes pour cette classe de créatifs. » (Répondant A, 2010).
Les jugements sont les opinions personnelles des consommateurs quant à la marque et
dépendent des associations fonctionnelles et abstraites qu‟ils ont retenues (Park &
Srinivasan, 1994). Notamment, il est particulièrement important que la marque soit
perçue comme étant de qualité et crédible par les consommateurs. Les émotions
suscitées par la marque sont également importantes et sont liées à la valeur sociale de
la marque, c'est-à-dire aux relations que le consommateur entretient avec les autres et
envers lui-même lorsqu‟il consomme la marque (Keller, 2001).
On constate ainsi que les actions de l‟entreprise sont ressenties positivement au sein
de la communauté. Ainsi, le concours de création d‟œuvres artistiques sponsorisé par
l‟entreprise et relayé sur le site Facebook a suscité une vive participation des
consommateurs. À cette occasion, Pernod a récolté plusieurs vidéos, peintures,
gravures et montages photos que l‟entreprise a ensuite pu exposer sur le site Facebook.
« Il y a une 2ème phase de concours qui vient d‟être lancé mais le premier concours qui
a eu lieu est un concours de création d‟œuvres artistiques autour du thème 1805, un
thème vaste et libre. On a d‟ailleurs été assez surpris par le nombre de candidatures, Il y
a eu 200 et quelques candidatures, quelques gens assez reconnus, pas des grands
artistes mais des gens qui sont localement reconnus en tant qu‟artistes avec des
œuvres plutôt originales. On a eu des vidéos, des peintures, des gravures, des
montages photos. Ça a donné, pour nous, déjà un bon petit palmarès d‟œuvres
inspirées par Pernod. Pour les consommateurs c‟est effectivement une façon de
dialoguer avec la marque d‟une manière un peu rigolote en la plaçant dans un contexte
de création.» (Répondant A, 2010).
Plus particulièrement, une artiste originaire du Canada n‟a pas pu soumettre son œuvre
directement au concours car celui-ci était réservé aux personnes résidant aux États-
Unis. Cependant, Pernod a tout de même posté son œuvre sur le mur Facebook. La
réponse de la participante laisse entrevoir une émotion positive intense qui témoigne de
la valeur qu‟elle accorde aux actions entreprises par Pernod pour aider la communauté
artistique.
“Thanks for the plug! i'll say it again, i love what you guys are doing for the arts at
pernod. so rad! can't wait to see who wins.” (Hood, 2011).
Chapitre 7 Analyses 68
Les actions mises en place par les influenceurs suscitent également des réponses au
sein de la communauté créative. En effet, pour redresser l‟image de qualité de l‟Absinthe
au sein de la communauté des bars tender, Pernod a engagé un barman influent et
respecté et ce dans le but de favoriser des réponses positives et de rassurer sur les
images négatives qui sont encore associées à la boisson.
« Les marques qui leur parlent directement ils ont tendance à ne pas avoir confiance ou
du moins à regarder avec scepticisme ce que peuvent leur raconter les marques alors
que si c‟est quelqu‟un des leurs qui leur explique, surtout quelqu‟un des leurs qu‟ils
respectent et qu‟ils connaissent et c‟est pour ca que nous on a choisi un mec qui est
relativement voir ultra respecté dans le milieu, qui a en plus toute la légitimité pour leur
parler d‟absinthe : il est français, il est intéressé, il a écrit des livres sur les cocktails
classiques, il est « knowledgeable ». Quand c„est lui qui dit des choses les gens
écoutent et reçoivent très différemment que si c‟était moi qui disait exactement la même
chose. » (Répondant A, 2010).
On constate donc que les influenceurs suscitent des réponses plus fortes et plus
positives car ils sont considérés par les membres de leur communauté comme plus
crédibles que l‟entreprise. Ils permettent ainsi de transcender le discours commercial
(Répondant F, 2010) et de donner un caractère plus authentique à la marque.
À ce jour, la communauté des barmen semble répondre positivement aux actions mises
en place. En effet, le répondant D (2011) m‟explique qu‟il a réussi à introduire le Green
Beast dans plusieurs lieux branchés et artistiques. De plus, lors de la conférence de
presse organisée à New York, on a pu constater que les journalistes présents ont réagi
positivement à la présence du barman. En effet, ces derniers ont participé activement à
l‟élaboration des cocktails lors de la soirée.
Le bloc de résonance de marque est « le bloc qui apporte le plus de valeur et qui ne se
produit que lorsque tous les autres blocs de construction de la marque sont
complètement synchronisés avec les nécessités, les besoins et les désirs des
consommateurs » (traduction libre, Keller, 2001, p. 19).
Premièrement, Pernod construit une identité de marque qui s‟inspire fortement des
significations et des valeurs associées à la communauté créative. Ainsi, les membres de
la communauté peuvent facilement identifier des similitudes entre leur identité et
l‟identité de marque. L‟idée est de faire de Pernod Absinthe, la marque des créatifs.
« À un moment donné, il faudrait que Pernod Absinthe, d‟ici 10 ans, si tu demandes quel
est l‟alcool le plus créatif on te réponde Pernod Absinthe.» (Répondant C, 2010).
« Pour les consommateurs, c‟est effectivement une façon de dialoguer avec la marque
d‟une manière un peu rigolote en la plaçant dans un contexte de création. » (Répondant
A, 2010).
D‟autre part, la marque cherche à développer des relations émotionnelles avec les
membres au travers d‟évangélistes de la marque qui sont prêts à partager leur
expérience avec les autres. En effet, les influenceurs, au travers, des évènements
créatifs qu‟ils organisent, permettent aux membres de la communauté d‟interagir avec la
Chapitre 7 Analyses 70
marque et crée ainsi une expérience de marque positive pour les consommateurs. Ainsi,
ils suscitent l‟attachement des consommateurs au produit, à la marque mais aussi aux
autres membres présents et favorisent le développement d‟un sentiment d‟appartenance
chez les consommateurs.
Dans le cas particulier d‟une communauté de marque, on constate que les participants
créent et échangent de l‟information concernant les marques et les produits et
s‟influencent les uns les autres au cours de ce processus d‟échange interactif (Ahonen &
Moore, 2005; McAlexander, et al., 2002). Plus particulièrement, les innovations et les
nouveautés produits alimentent souvent des échanges intenses entre les membres
(Muñiz & Schau, 2005). De plus, on constate que certains membres sont considérés
comme des leaders d‟opinions au sein de la communauté (Kozinets, 1999; Schouten &
McAlexander, 1995).On différencie les leaders d‟opinion de leurs suiveurs selon leurs
niveaux d‟activités au sein de leur réseau (Piirto, 1992).
Füller, Matzler et Hoppe (2008) constatent également que certains des membres ont
une connaissance étendue du produit et s‟engagent plus facilement dans des
discussions liées au produit. Or, les leaders d‟opinion démontrent une familiarité plus
élevée avec le produit ainsi qu‟un niveau d‟implication plus élevé avec ce dernier. En
conséquent, ils parlent fréquemment de problèmes liés aux produits (Feick & Price,
1987), et sont fortement motivés à chercher de l‟information les concernant (Myers &
Robertson, 1972). En conclusion, on peut identifier au sein d‟une communauté des
membres plus à même d‟influencer les autres membres dans le processus d‟adoption et
de diffusion d‟un nouveau produit.
Katz and Lazarsfeld (1955), dans leur ouvrage Personal Influence, examinent comment
l‟adoption d‟un comportement ou d‟une innovation s‟opère au sein d‟un groupe social
relativement homogène. Ils concluent que l‟information circule principalement d‟une
source extérieure vers les leaders d‟opinion qui a leur tour la font circuler au sein de leur
réseau de relations. Les influenceurs jouent donc premièrement un rôle de diffusion de
l‟information. En effet, les relations interpersonnelles permettent la diffusion rapide
d‟information concernant les nouveaux produits car les sources sont considérées
Chapitre 7 Analyses 72
comme plus crédibles (Goldsmith, Flynn, & Goldsmith, 2003). De ce fait, elles font
autorité au sein du groupe.
« Le rôle des influenceurs c‟est d‟impliquer. En gros, la distribution, les évènements c‟est
pour être présent et pour pouvoir être consommé maintenant ca ne suffit pas. Même si
les évènements ça permet aussi d‟introduire les gens, de leur faire goûter, ça ne suffit
pas à les décider. Je pense qu‟il faut réussir à pousser les gens à commander.
Effectivement les gens ils vont boire, ils vont aimer quand on leur file. Le vrai objectif
c‟est que les gens de leur propre chef à un moment dise moi je veux ça. C‟est un peu le
grand challenge de toutes les marques d‟alcool. Ça, ça passe quasiment uniquement
par l‟exemple. Dans la consommation de truc qu‟on ingère c‟est assez rare qu‟on en
vienne à ingérer un truc uniquement parce qu‟on l‟a gouté lors d‟une manifestation. En
général on l‟ingère ou on le consomme parce qu‟on a vu quelqu‟un le consommer. C‟est
le principe de base qu‟on essaye d‟appliquer dans le cas présent en disant il faut qu‟on
arrive à donner l‟exemple et du coup on cherche des gens exemplaires qui puissent
donner l‟exemple à leur petit cercle. » (Répondant A, 2010)
Ce point est souligné par plusieurs de nos répondants qui soulignent que les opinions
des influenceurs sont mieux perçues que celles émises par l‟entreprise.
Les influenceurs jouent un rôle majeur dans le développement des rôles et des
pratiques. Le barmen, par exemple, agit comme un leader d‟opinion et ainsi adopte un
rôle défini au sein de la communauté. De plus, il participe au développement de diverses
pratiques : il encourage les pratiques d‟utilisation de la marque en participant à
l‟élaboration de nouveaux cocktails, il fournit un soutien moral et physique aux membres
qui font une première expérience de marque en les éduquant aux usages et rituels de
consommation, et enfin il favorise l‟engagement communautaire en créant des symboles
de l‟engagement envers la marque comme le cocktail Green Beast, devenu
incontournable pour ceux qui aiment l‟absinthe.
« Liquid Architecture va réaliser une série de dîners dans différentes capitales où ils
inviteront les 10 figures créatives et emblématiques (musique, art,mode, design,
cinéma,...) de chaque ville : Paris, Londres, New York, Berlin, Tokyo et Shanghai. Ces
dîners très privés se tiendront dans des lieux créatifs incontournables de chaque ville
(ex: Paris / Nomiya). Les hôtes, Audrey et Jérôme, animeront la soirée présentant leur
nouvel album et Pernod Absinthe dans une ambiance propice au networking en one to
one. En amont et à l‟issue de chaque dîner, Liquid Architecture réalisera de petites
Chapitre 7 Analyses 74
vidéos/interview des invités. Les personnalités invitées par le groupe pourront par la
suite être recontactés par Pernod afin d‟envisager de futurs partenariats. » (Being,
2011).
« Dans la mesure où sur Pernod on a une cible relativement restreinte, oui. On leur
demande de participer, on fait des concours de création aux États-Unis, on essaye de
créer des communautés au UK. Dans la mesure où on a une cible relativement bien
délimitée et où on s‟adresse pour l‟instant à un petit monde, oui on leur donne
carrément le produit pour s‟amuser. Bien sûr, ce n‟est pas tous les consommateurs mais
en tout cas les consommateurs les plus influents, on essaye de les cibler et d‟essayer
de faciliter les discussions qu‟ils pourraient avoir avec leurs amis autour de l‟absinthe et
de Pernod. En revanche, après je pense ce n‟est pas forcément générique à notre
business où là dans la mesure où on a une cible relativement bien délimitée, oui on
essaye de les faire participer. » (Répondant A, 2010).
Enfin, via le site Facebook, la marque organise des concours de création qui permettent
aux membres d‟établir des relations avec le produit et la marque dans un contexte de
créativité. En effet, les membres sont invités à produire une œuvre créative (montages
photo ou vidéo, peinture, dessin, sculpture etc…) autour de thèmes liés à l‟absinthe et à
Pernod. Ces concours de création ont suscité la participation de nombreux membres sur
le site en ligne.
« Il y a une deuxième phase de concours qui vient d‟être lancée mais le premier
concours qui a eu lieu est un concours de création d‟œuvres artistiques autour du thème
1805, un thème vaste et libre. On a d‟ailleurs été assez surpris par le nombre de
candidatures, Il y a eu 200 et quelques candidatures quelques gens assez reconnus,
pas des grands artistes mais des gens qui sont localement reconnus en tant qu‟artistes
avec des œuvres plutôt originales. On a eu des vidéos, des peintures, des gravures, des
montages photos. Ça a donné, pour nous, déjà un bon petit palmarès d‟œuvre inspirée
par Pernod.» (Répondant A, 2010)
Chapitre 7 Analyses 75
Ces œuvres permettent aux membres de la classe créatif d‟exprimer librement leur art
autour de la marque et ainsi ils participent à customiser les usages de marque
(McWilliam, 2000). De plus, c‟est l‟occasion pour les artistes de narrer leur relation à la
marque, que cela soit au travers de l‟œuvre ou au travers du récit de la réalisation de
l‟œuvre.
“Absinthe creates a beautiful blue flame when lit and creates bursts of energy, life and
excitement, similar to that of fireworks.” (Poroshina, 2011).
“I created this hand tinted transfer drawing that portrays the louche process of drinking
Absinthe. Each card is a step along this absinthe ritual. I wanted the drawings to create
parallels to transformations. For instance, water poured over the shot of absinthe acts as
a solvent liberating the essential oils from the liquor. My process for creating this work
also involved a solvent to free the ink so it could be drawn from one surface to another.
To further stimulate the viewer I concentrated on juxtapositions. Chromatic colors such
as the reds and blues scintillate amidst the bold white frames and their tonal
interiors”.(Harrigan, 2011).
Enfin, autre exemple, la marque a fait appel à un célèbre designer français pour réaliser
un set à absinthe comprenant une fontaine et un ensemble de cuillères à absinthe. Ces
objets de consommation favorisent également le développement des usages de la
marque et permettent d‟entretenir le rituel traditionnel de consommation de l‟absinthe au
sein du groupe.
« Aujourd‟hui les gens, tu le vois dans les études de tendance sur les années à venir, ce
qu‟ils veulent c‟est des expériences, des interconnexions et que la marque leur donne
un supplément d‟âme, c'est-à-dire que la marque vive vraiment. La marque ne va pas
être jugée sur ce qu‟elle est mais sur ce qu‟elle fait. » (Répondant C, 2011).
« De plus en plus, les organisations ont besoin d‟être connectées, elles ne peuvent plus
être dans leur tour d‟ivoire et envoyer des messages unidirectionnels à leur marché cible
et dire non ne me parlez pas. À cause du web, les consommateurs s‟expriment de plus
en plus […] Fait que le consommateur fait partie de la mise en marché du produit. Il
n‟est plus comme dans une ancienne époque qui est pas si lointaine où il y a nous, puis
il y a eux, et puis moi je ne descends jamais sur le terrain pour parler à mon marché
cible. » (Répondant E, 2010)
De fait, la firme a développé plusieurs outils lui permettant de dialoguer avec ses
consommateurs cibles. D‟une part, au travers de son site Facebook, Pernod Absinthe
entretient, en ligne, le dialogue avec les fans de la marque ou du produit. Aujourd‟hui, le
site compte plus de 5000 abonnés et les interactions sont fréquentes avec l‟entreprise.
Chapitre 7 Analyses 77
«Pour te donner un autre exemple, dans le même registre, avec ce qu‟on fait à Londres
avec là Rebel diner society. Où la pour le coup on sponsorise carrément les
évènements, on est la boisson de l‟évènement sauf que du coup on est partenaires avec
ces deux chefs qui font des diners un peu délirants, dans des endroits qui ne sont pas
des restaurants et qui sont tenus secret jusqu‟au dernier moment, il faut un mot de
passe, tu vas t‟inscrire sur internet etc. Il y a toujours un workshop créatif au milieu du
diner où tu dois créer ton badge, il y a des groupes de musique, tu dois chanter, il y a
des ateliers de créativité sociale et du coup on est partenaire avec eux et tous les gens
qui sont présents à ces diners qui font parti de cette communauté. Ce ne sont pas des
gens qui sont forcément des créatifs en tant que tel mais la créativité fait partie de leurs
centres d‟intérêt. Donc ce ne sont pas des « core » créatifs comme dirait Richard Florida
mais des créatifs suiveurs. Ça nous permet de toucher cette cible là en passant par ces
diners ou par ces évènements. Disons que c‟est plus qu‟un évènement c‟est plus une
sorte d‟interaction que d‟évènements. » (Répondant A, 2010)
Troisièmement, dans le cadre particulier de notre étude, il est pertinent d‟examiner les
relations qui se tissent entre les influenceurs et les gestionnaires marketing. En effet, les
influenceurs sont d‟une part des membres appartenant à la communauté créative.
D‟autre part, ils disposent d‟un rôle et d‟un statut particulier leur permettant d‟influencer
les membres de la communauté.
Chapitre 7 Analyses 78
« Avec tous nos autres influenceurs c'est un peu ça aussi le challenge c'est de réussir à
faire suffisamment confiance aux gens pour dire on ne va pas vous dire ce qu'il faut
faire, vu qu'on ne sait pas ce qu'il faut faire, en revanche ce qu'on veut c'est que vous
touchiez un maximum de gens avec un message super important. »
Ce point est également souligné par le répondant C qui me dit qu‟elle préfère éviter de
trop contrôler les relations au profit du dialogue.
« [Je n‟exerce] pas de contrôle mais moi en amont je suis très brief et débrief, on
update, on valide. C‟est bien pour eux parce que ça les cadre parce que ce sont des
gens qui sont parfois complètement évaporés, qui sont vachement intéressants mais
complètement évaporés. Il ne faut pas oublier qu‟avant tout on a une relation
professionnelle. » (Répondant C, 2011).
De plus, ces relations sont très particulières car elles mêlent à la fois l‟aspect
professionnel et amical.
« C'est-à-dire que par exemple avec Jean Paul on discute de choses en commun, on
crée une relation à la fois professionnelle et amicale. Je te donne un exemple j‟ai été
faire des puces à Bruxelles l‟autre jour et j‟ai bu un café avec Jean Paul. C‟est important
de créer ces relations pour que le mec il pense à toi automatiquement et tu deviennes à
la fois une copine. » (Répondant C, 2011).
« Il faut donc arriver à matérialiser qui sont les personnes autour de Pernod Absinthe et
puis quand il y a une personne qui change, il faut réussir à faire en sorte que le discours
reste le même et qu‟on ait l‟impression de parler a la même personne de sorte à ce
qu‟un tel se sente dans une relation personnifiée avec la marque plus que dans une
relation avec des personnes qui changent et qui peuvent lui plaire ou non. Il faut réussir
à ce que la marque se personnifie en une multitude de gens et qu‟au final les gens
soient attachés.» (Répondant A, 2010).
Chapitre 7 Analyses 79
Enfin, ces relations sont basées sur un mode de pensée commun. Plus précisément,
elles reposent sur une affection commune pour la marque et les valeurs et les
significations qui lui sont associées.
« On cherche des gens qui ont vraiment de l‟affect pour la marque. C‟est vraiment
important pour nous avant de faire un partenariat d‟identifier des gens qui pensent
comme nous. » (Répondant C, 2011).
En conclusion, la marque doit chercher à développer des relations affectives avec les
membres de la communauté. Dans ce but, la marque doit favoriser le dialogue en
utilisant par exemple les réseaux sociaux mais elle doit également multiplier les
occasions de rencontres physiques entre la marque et les membres de la communauté.
Dans le cas des influenceurs, on voit naître des relations affectives profondes entre les
représentants de la marque et ces derniers. Le succès de ces relations dépend de
plusieurs critères : un affect commun pour la marque et ses valeurs et l‟établissement de
relations de confiance à la fois professionnelle et amicale.
Nous allons maintenant examiner plus en détail le contenu de ces relations. En effet, le
succès des relations entre la communauté et la marque repose également sur la qualité
du contenu proposé par la marque. Ainsi, il est nécessaire que les gestionnaires
marketing créent un contenu de marque pertinent pour les membres et la communauté.
La marque doit démontrer son engagement moral envers les membres et la
communauté (Muñiz & O'Guinn, 2001) : elle doit jouer un rôle bénéfique dans son
maintien et son développement pour que celle-ci l‟accepte en tant que « membre » à
part entière.
À ce titre, Pernod Absinthe aide les influenceurs dans leurs projets créatifs, et espère
en retour que ces derniers parleront en bien de la marque autour d‟eux et deviendront
ultimement des évangélistes de la marque.
« Ce qu‟on fait actuellement avec les mecs avec qui on bosse c‟est qu‟on développe
avec eux des projets artistiques. On ne leur donne pas de 2000, 3000 ou 10000 euros
juste pour que notre logo apparaisse sur un poster. Par exemple, Jean Paul on lui a
donné une enveloppe parce qu‟il a organisé une exposition à Bruxelles, de photos prises
au Mexique pour dénoncer les dérèglements climatiques et où il s‟est déguisé en abeille.
Chapitre 7 Analyses 80
"Liquid Thinking is the transformational process for the creative mind. It provides creative
solutions and quenches artistic thirst; it is the essential ebb and flow between perception
and reality. It is a perfectly credible concept for a drinks brand to own, particularly one
that has been fuelling artistic pursuits for a number of centuries.”(Unity, 2010, p. 2)
« Donc plutôt que de regarder l‟œuvre et de dire regardez comme c‟est beau il s‟agit
plutôt d‟essayer de savoir ce qui se passe en terme de créativité. Et ça nous permet
d‟approcher des gens hyper influents et hyper créatifs de cette communauté pour leur
faire écrire des articles sur eux ou avec eux et du coup en profiter pour placer d‟une
manière ou d‟une autre du contenu Pernod de temps en temps, placer aussi des
évènements en partenariat avec Pernod, avoir une clef d‟entrée pour leur parler. Donc
voilà, leur dire qu‟on n‟est pas seulement intéressé par leur faire boire du Pernod mais
aussi intéressé à « showcaser » leur travail mais de manière originale.»(Répondant A,
2010).
Pour conclure, l‟entreprise doit développer des relations significatives avec ses
consommateurs en multipliant les occasions de dialogue et en développant un contenu
pertinent pour la communauté. Favoriser une expérience physique de la marque dans
des lieux contextuellement riches (Muñiz & O'Guinn, 2001) apparaît être un excellent
Chapitre 7 Analyses 81
Critères de succès
Brown et al. (2003) identifient quatre composants que les gestionnaires doivent exploiter
lorsqu‟ils souhaitent relancer une marque sur un marché: les allégories qui représentent
l‟histoire de marque, l‟arcadie qui représente une communauté idéalisée, l‟aura qui
représente l‟essence de marque et l‟antinomie autrement dit le paradoxe de marque.
Ainsi, certaines marques semblent plus qualifiées que d‟autres lorsqu‟il s‟agit
d‟entreprendre leur revitalisation. Brown et al.(2003) suggèrent à ce titre trois critères de
succès : (1) la marque doit exister en tant qu‟histoire et ne doit pas avoir fait l‟objet de
trop d‟attentions marketing, (2) l‟essence de marque doit être vive dans l‟esprit des
consommateurs, et enfin (3) la marque doit pouvoir susciter la nostalgie des
consommateurs envers un passé ou une communauté idéalisés. Plusieurs de ces
critères semblent également s‟appliquer dans le cas de Pernod Absinthe comme nous
allons le démontrer. De plus, nous avons pu dégager au cours de notre étude un dernier
critère qui semble favoriser le relancement de la marque par la communauté créative.
Chapitre 7 Analyses 82
« C‟est une marque qui a un héritage, une histoire, qui a des premiers ambassadeurs
qui font parti des plus grands créatifs de ce siècle, du siècle passé, des siècles à venir. Il
y a avait ça également par rapport à la creative class, Pernod Absinthe a une vraie
légitimité. Elle inspire les créatifs depuis, enfin inspire pour ne pas dire autre chose.
C‟est la marque compagnon des âmes créatives depuis 200 ans. » (Répondant C,
2011).
La marque met donc l‟emphase sur son riche passé historique. En ligne, sur le site
Facebook, les représentants de la marque postent régulièrement des œuvres réalisées
par les artistes de la Belle Époque tel que le tableau de Charles Maire « Pernod Fils »
qui inspira plus tard Picasso. Ces messages s‟accompagnent souvent d‟une note
d‟encouragement pour les membres de la communauté en ligne. Ainsi, Pernod peut
prendre part à la vie quotidienne des artistes et leur permet de créer des significations
personnelles en lien avec la marque.
“Charles Maire‟s „Pernod Fils‟, circa 1900 is the most widely recognized image of
absinthe. Maire was commissioned by Pernod Fils to create this image, which would
later adorn café walls across France. Pablo Picasso, inspired by Maire‟s painting,
created his cubist still life Bouteille de Pernod et verre in 1912. Now, start your week off
right and get inspired by your surroundings.”(Pernod, 2011).
Hors ligne, les influenceurs diffusent de l‟information sur l‟histoire de Pernod Absinthe
auprès de la communauté créative. Ainsi, lors des formations qu‟il donne partout dans le
Chapitre 7 Analyses 83
monde, le répondant D me dit qu‟il renseigne sur l‟histoire, le procédé de fabrication, les
ingrédients de la recette et les succès passés de la marque dans le but d‟éduquer et
d‟inspirer la communauté des barmen.
« J‟ai fait des cocktails chez moi si tu veux, les premières questions mes amis me
demandait c‟est : est ce que c‟est dangereux, ca va me rendre fou ? Je leur répondais :
oui, enfin comme si tu buvais du Ricard ou du Pernod anisé sauf que si tu en bois 4
litres effectivement tu ne vas pas être bien… Il fallait aller au-delà de la mauvaise image
véhiculée par les absinthes espagnoles et tchèques. » (Répondant C, 2011).
De plus, la littérature scientifique démontre que l‟un des motifs de participation des
consommateurs au sein des communautés est la recherche d‟authenticité (Leigh, et al.,
2006) et que les communautés peuvent se constituer en contre-pouvoir des actions
marketing si elles estiment que l‟authenticité n‟est pas préservée (Cova & Carrère,
2002). Ainsi, au sein d‟une communauté, les membres « atteignent le sentiment
d‟authenticité au travers de l‟objet et sa possession, des expériences de consommation
et de la construction et l‟affirmation identitaire du membre au sein d‟une communauté. »
(traduction libre, Leigh, et al., 2006, p. 481)
Dans le cas de la marque Pernod Absinthe, celle-ci développe des preuves objectives
de son authenticité en positionnant son produit par rapport à l‟original. On constate en
effet, que le produit est clairement identifié comme un produit authentique, en témoigne
l‟estampe 1889 sur la bouteille, les codes graphiques proches de ceux d‟origine ou
encore la recette actuelle « inspirée de la recette originale ».
"We have reformulated and are reintroducing Pernod, the product that started it all for
our company over 200 years ago. Since then we have risen to become the second
largest spirits company in the world. It is such an honor to return to our roots and offer
our U.S. customers this amazing, superior quality brand created in the tradition of the
original Pernod Absinthe. No competitor comes close in terms of quality and heritage.”
(Kelley & Benyon, 2007).
« On a utilisé des typos un petit peu à la main pour le côté handmade. On a fait un bar
en bois qui n‟était fait que de caisses empilées. On leur a dit qu‟il fallait utiliser du vrai
bois. On était sur des vraies matières. Cette cible est dirigée par deux mots clefs qui
sont créativité et authenticité. Donc on avait toujours ça en tête il fallait être créatif et
authentique. » (Répondant C, 2011).
De plus, Pernod capitalise sur sa relation à la Belle époque et aux artistes du siècle
passé, tout en affirmant son statut de patron de la communauté artistique actuelle.
« Pernod Absinthe was wholly embraced by artists, writers and poets of the era. It was
heralded as a chic, modern, and fashionable drink that inspired many works of art and
literature. Toulouse-Lautrec, one devotee of Pernod, carried a custom-made cane that
hid a glass and vial of Absinthe. Picasso, Manet, Van Gogh and Degas, also not only
enjoyed Pernod, but drew paintings featuring Absinthe drinkers or the famous “Pernod
Fils” bottle. Today, Pernod maintains a strong relationship with the art community as a
patron of contemporary arts.”("Art, Artists," 2009).
« Il y a avait ca également par rapport à la creative class, Pernod Absinthe a une vraie
légitimité. Elle inspire les créatifs depuis, enfin inspire pour ne pas dire autre chose.
C‟est la marque compagnon des âmes créatives depuis 200 ans » (Répondant C, 2010).
Par conséquent, pour les créatifs contemporains, la Belle époque correspond à une
époque et une communauté idéalisées dont l‟absinthe est un symbole. En effet,
rappelons que l‟absinthe, aussi connue sous le nom de fée verte, est la muse des
artistes de la Belle Époque qui en font également l‟objet de leurs œuvres.
alors installé dans certaines régions comme la Suisse et l‟Espagne (Delahaye, 1990).
De plus, les jeunes européens qui avaient l‟occasion de voyager en Europe de l‟Est
pouvaient faire l‟expérience de cette boisson mystérieuse en République Tchèque.
Aujourd‟hui encore, on constate que l‟Absinthe est perçue comme une boisson interdite
et illégale et cela contribue à attirer les membres au sein de la communauté.
« C‟est là où l‟actif de la marque a un rôle énorme. Parce que moi tu me dis absinthe,
c‟est drôle mais je ne le vois pas du tout comme un produit ringard, je le vois comme un
produit interdit, et l‟interdit attire les influenceurs. » (Répondant F, 2010)
D‟autre part, l‟absinthe est finalement une boisson de « caractère », de part son goût
bien particulier et le rituel de consommation qui l‟accompagne. De fait, l‟absinthe est
donc une liqueur qui ne s‟adresse pas à la majorité mais bien à un groupe d‟initiés.
« Si tu veux l‟absinthe il fallait que ça revienne, d‟autant plus qu‟aujourd‟hui, on est dans
un siècle enfin une décennie qui boit de la vodka, du mojito. Pourquoi ils boivent de la
vodka parce qu‟ils le mettent dans un soft donc ça n‟a aucun gout. Les gens qui
incarnent cette cible sont des gens de caractère, des gens de conviction et pour
l‟absinthe c‟est un peu pareil. Le goût il est un peu clivant parce qu‟il faut aimer l‟anis et
puis tu as tout un imaginaire et 68°, il faut aller au-delà. » (Répondant C, 2010).
« On s‟est dit déjà que ce n‟était pas une marque qui allait faire de la pub […] Donc on a
identifié ces gens là et les lieux où on voulait être distribué. Parce que pour nous c‟est
primordial d‟identifier des vrais lieux clefs. À Paris, tu serais à l‟expérimental cocktail
club, tu serais au Mama Shelter, tu serais à toute l‟équipe du Baron, de la Fidélité, du
Paris Paris enfin tous les lieux qui draine cette communauté. Donc comme je te disais la
publicité n‟a jamais été indispensable et elle n‟en a toujours pas fait. L‟idée c‟est plus
Chapitre 7 Analyses 88
que la marque existe et vive plutôt qu‟elle soit sur papier glacé. C‟est une marque qui
doit vivre dans les mains des gens qui doit être goutée parce qu‟il y avait ça aussi. »
(Répondant C, 2011)
De plus, pour que les consommateurs puissent s‟approprier la marque, il est nécessaire
de favoriser la co-création de significations de marque au sein de la communauté. À ce
titre, les gestionnaires peuvent favoriser la création de significations et de traditions
partagées en organisant des évènements contextuellement riches qui permettent
l‟interaction entre les membres (Muñiz & Schau, 2005).Dans le cas de Pernod Absinthe,
on constate que l‟entreprise favorise des actions marketing évènementielles telles que
des diners ou des vernissages de galerie, au détriment des communications marketing
de masse.
Enfin, il faut ajouter que ces actions contribuent également à « transcender » l‟histoire
commerciale de la marque et ainsi permettent de susciter un sentiment d‟authenticité.
Chapitre 8 Conclusion 89
8. CONCLUSION
La présente recherche avait trois principaux objectifs. Le premier était de démontrer de
façon empirique que les communautés de marque ont plusieurs impacts positifs sur le
capital de marque et qu‟elles jouent par conséquent un rôle dans le processus de
revitalisation de marque. Le deuxième était d‟envisager les actions managériales à
même de susciter l‟engagement communautaire au sein du processus de revitalisation.
Enfin, le troisième objectif consistait à examiner les facteurs-clefs de succès de cette
stratégie particulière de revitalisation de marque. Dans ce chapitre, nous présenterons
d‟abord une synthèse des résultats et nos contributions à la recherche scientifique.
Ensuite, nous examinerons les implications managériales qui découlent de nos résultats.
Enfin, nous exposerons les limites de notre recherche ainsi que les avenues de
recherche futures.
Notre recherche nous a tout d‟abord permis de nous pencher sur le cas de l‟absinthe et
de son histoire. Peu d‟ouvrages existent actuellement sur ce produit qui a fait pourtant
l‟objet d‟un véritable phénomène de société. En cela, nous pensons donc qu‟il est
intéressant pour le lecteur de découvrir cette boisson mythique, symbole de la Belle
époque et des artistes qui y ont vécu.
Notre première question de recherche quant à elle visait à démontrer les divers impacts
des communautés de consommation sur le capital de marque. En effet, aucune étude
ne s‟attarde à démontrer empiriquement l‟impact des communautés dans le cadre du
processus de revitalisation de marque. Ainsi, nous avons pu constater que les pratiques
mises en place par la communauté et ses membres ont un impact sur chacun des six
blocs identifiés par Keller (2001) dans son modèle d‟équité de marque. De plus, en
qualifiant l‟impact des communautés sur le capital de marque, nous contribuons à
affirmer la complexité, l‟hétérogénéité et le caractère expérientiel des relations entre la
marque et les consommateurs (Fournier, 1998). De ce fait, nous proposons de
considérer un nouveau modèle d‟équité de marque co-créé par les membres de la
communauté et les gestionnaires où les consommateurs ne sont plus seulement des
Chapitre 8 Conclusion 90
Notre seconde question de recherche portait sur les actions que peuvent entreprendre
les gestionnaires pour susciter la participation des membres dans le processus de
revitalisation. Plus précisément, il s‟agissait de déterminer comment favoriser
l‟engagement des membres autour de la marque. Nous avons pu à ce titre, identifier
plusieurs actions. D‟une part, les firmes peuvent collaborer avec des influenceurs qui
sont membres de la communauté déjà en place. En effet, ils agissent à titre de leader
d‟opinion au sein de la communauté et en tant que tel, ils favorisent l‟adoption et la
diffusion de la marque au sein du groupe. D‟autre part, comme le suggèrent Schau et al.
(2009), la marque peut donner des structures et des outils permettant aux membres de
développer plusieurs rôles et pratiques centrés autour de la marque. Enfin, la marque
doit favoriser le développement de relations significatives avec la communauté et ses
membres en favorisant les rencontres en ligne et hors ligne, mais également en
développant un contenu de marque pertinent au développement et au maintien de la
communauté. Ce constat fait écho aux résultats de McAlexander et al. (2002) qui
constatent que lors d‟évènements de marque comme le Camp Jeep, les membres
créent des relations affectives avec le produit, la marque, les représentants de la firme
et enfin les autres membres, ce qui renforce le sentiment d‟identification personnel et
social à la marque et en conséquence favorise l‟appropriation de la marque par le
groupe.
Notre dernière question concernait les critères qui favorisent le succès des stratégies de
revitalisation de marque prenant appui sur des communautés de consommation. À ce
titre, Brown et al. (2003) identifient plusieurs facteurs qui favorisent le succès des
marques retro : (1) la marque doit exister en tant qu‟histoire et ne doit pas avoir fait
l‟objet de trop d‟attentions marketing, (2) l‟essence de marque doit être vive dans l‟esprit
dans consommateurs, et enfin (3) la marque doit pouvoir susciter la nostalgie des
consommateurs envers un passé ou une communauté idéalisés. Dans le cas de notre
étude, on a pu distinguer cinq critères favorisant l‟engagement communautaire dans le
processus de revitalisation, dont plusieurs sont similaires à ceux développés par Brown
et al. (2003). Premièrement, la marque doit posséder une histoire de marque riche,
encore présente à l‟esprit des consommateurs. Deuxièmement, la marque doit être
perçue comme une marque authentique et plus généralement, incarner des valeurs qui
Chapitre 8 Conclusion 91
De façon générale, notre étude démontre l‟importance qu‟ont les consommateurs dans
le processus de revitalisation de marque. En effet, au travers des pratiques
communautaires, les membres engagés auprès d‟une marque deviennent des co-
créateurs du capital de marque. Ainsi, les gestionnaires qui souhaitent revitaliser leur
marque en prenant appui sur une communauté existante doivent accepter de laisser les
consommateurs prendre part à la vie de la marque.
et de plus, permettre la création de liens sociaux entre les membres mais également
entre les membres et les représentants de la marque.
Il est également important de développer des outils et des structures qui permettent le
développement et le maintien de la vitalité communautaire. À ce titre, la firme pourra
examiner les rôles et les pratiques qui sont les plus essentielles au développement de la
communauté de marque afin de les encourager.
Enfin, notre étude démontre que toutes les marques ne disposent pas des mêmes
atouts. Ainsi, les marques (1) authentiques, (2) associées à une époque/communauté
idéalisée, (3) marginales sont plus susceptibles de susciter un engagement
communautaire. Les gestionnaires peuvent donc examiner le capital de marque existant
et si nécessaire mettre en avant certaines associations à même de renforcer ses
différents critères. À ce titre, l‟histoire de la marque joue un rôle essentiel car elle permet
de communiquer les valeurs de marque et de susciter un attachement au sein du
groupe. Toutefois, il faut souligner que les actions marketing entreprises devront rester
discrètes afin de permettre aux communautés de s‟approprier la marque.
Bien que notre stratégie de recherche soit pertinente au vu des objectifs de recherche
que nous nous étions fixés, cette méthode comporte des faiblesses. D‟une part, le
nombre restreint de personnes œuvrant sur le projet ne nous a pas permis de diversifier
suffisamment les sources d‟information concernant le cas Pernod comme le suggère Yin
(2009). D‟autre part, il est dommage que nous n‟ayons pas pu observer et interviewer
plus de personnes appartenant à la communauté créative afin de mieux comprendre
leur participation dans le processus. Cependant, nous n‟avions pas accès aux
ressources nécessaires pour réaliser une recherche de cette étendue. De plus, le cas
particulier des influenceurs est, d‟après nous, révélateur puisqu‟il constitue un cas
exemplaire des relations qui peuvent se nouer entre la firme et les communautés.
D‟autre part, nous avons choisi de mener notre étude sur un cas unique. Ce choix bien
que justifié, ne permet pas de générer des données aussi riches que si nous avions
choisi de mener une étude de cas multiples. En effet, en utilisant des exemples faisant
appel à des communautés diverses et impliquant des identités de marques
différenciées, nous aurions pu généraliser plusieurs de nos résultats et établir plus de
Chapitre 8 Conclusion 93
critères de succès valides. Cependant encore une fois, nous n‟avions pas les
ressources nécessaires et suffisantes. De plus, nous pensons que les méthodes de
recherche utilisées nous ont permis de pallier à cette limite car nous avons pu trianguler
efficacement les données et ainsi appuyer nos résultats.
De plus, il nous faut souligner que la récence du cas a probablement limité la richesse
des données obtenues. En effet, il ne nous a pas été possible d‟envisager les impacts à
long terme des différentes stratégies adoptées par l‟entreprise.
Enfin, plusieurs biais auraient pu être introduits au cours de l‟étude, que ce soit dans les
réponses obtenues lors de nos entrevues ou lors de l‟analyse menée par le chercheur.
En effet, certains répondants ont pu chercher à légitimer les actions entreprises et ainsi
ne pas mentionner certaines informations ou encore mettre l‟emphase sur d‟autres. Le
chercheur quant à lui désirait mettre en lumière certains critères de succès et ainsi a pu
malgré lui orienter les résultats de sa recherche dans ce but.
Deuxièmement, nous pensons qu‟il serait intéressant de mener une étude quantitative
concernant le retour sur investissement de telles stratégies. En effet, nous avons pu
nous rendre compte au cours de notre recherche qu‟il est difficile pour les gestionnaires
de mesurer le réel impact des stratégies « d‟influence » sur les ventes et la marque. Il
est donc impératif de développer des outils de mesure quant à ces stratégies. À ce titre,
nous pensons qu‟une telle recherche pourrait favoriser le développement des stratégies
de revitalisation communautaire dans le futur.
Chapitre 8 Conclusion 94
Troisièmement, nous avons adopté dans cette recherche le regard des gestionnaires de
marque plutôt que le regard des consommateurs. Cependant, un chercheur pourrait
tenter d‟examiner de façon plus approfondie les raisons de l‟engagement des membres
dans le processus de revitalisation. En effet, il est possible que les membres aient des
motivations différentes qui devraient être prises en considération lors de l‟élaboration
des actions stratégiques.
Enfin, nous avons étudié le cas d‟une marque bien particulière qui est l‟Absinthe Pernod.
Les spiritueux sont une catégorie de produit sociale et partagée car la consommation du
produit se fait généralement dans des lieux publics et en compagnie d‟autres individus.
De ce fait, il serait intéressant d‟examiner les mêmes questions de recherche dans le
cas de produit de commodité dont la consommation n‟est pas nécessairement partagée.
Chapitre 9 Annexes 95
9. ANNEXES
Mise en contexte :
2) Quels sont les facteurs clefs de succès de la mise en place de telles stratégies.
Dans cet objectif, nous étudions plus particulièrement le cas de l‟Absinthe Pernod qui
après près d‟un siècle d‟absence, fait aujourd‟hui un retour discret sur le marché mondial
et ce depuis 2001. L‟entrevue à laquelle vous participez servira donc à développer une
meilleure compréhension du processus de revitalisation de marque et du rôle des
communautés de consommateurs dans ce processus.
Cette recherche a été conçue dans le plus grand respect des règles d‟éthique et de
confidentialité. Si vous choisissez de garder certaines informations confidentielles, soyez
assurés que celles-ci seront traitées comme telles. De plus, si vous n‟y voyez aucun
inconvénient, l‟entrevue sera enregistrée.
Vous pouvez à tout moment choisir d‟arrêter l‟entrevue ce qui entrainera l‟invalidité des
données récoltées. Sachez que l‟objectif principal de cette entrevue est d‟obtenir votre
Chapitre 9 Annexes 96
point de vue concernant les objectifs énoncés plus haut et que donc il n‟existe pas de
bonne ou mauvaise réponse.
Introduction
Présentation du chercheur
Profil du répondant :
Le processus de revitalisation
Quels sont les critères qui d‟après vous peuvent favoriser la revitalisation de
l‟absinthe?
D‟après vous, qu‟est ce qui motive les influenceurs à collaborer dans ce projet de
relancement?
Quelles sont les actions mises en place par l‟entreprise pour favoriser la
collaboration des communautés?
Conclusion
Des questions?
Mise en contexte :
Dans cet objectif, nous étudions plus particulièrement le cas de l‟Absinthe Pernod qui
après près d‟un siècle d‟absence, fait aujourd‟hui un retour discret sur le marché mondial
et ce depuis 2001. L‟entrevue à laquelle vous participez servira donc à développer une
meilleure compréhension du processus de revitalisation de marque et du rôle des
communautés de consommateurs dans ce processus.
Cette recherche a été conçue dans le plus grand respect des règles d‟éthique et de
confidentialité. Si vous choisissez de garder certaines informations confidentielles, soyez
assurés que celles-ci seront traitées comme telles. De plus, si vous n‟y voyez aucun
inconvénient, l‟entrevue sera enregistrée.
Vous pouvez à tout moment choisir d‟arrêter l‟entrevue ce qui entrainera l‟invalidité des
données récoltées. Sachez que l‟objectif principal de cette entrevue est d‟obtenir votre
point de vue concernant les objectifs énoncés plus haut et que donc il n‟existe pas de
bonne ou mauvaise réponse.
Introduction
Chapitre 9 Annexes 99
Présentation du chercheur
Profil du répondant
Revitalisation de marque
Quelles sont actions mises en place par des communautés qui permettent de
revitaliser une marque?
Avez-vous déjà relancé une marque en prenant appui sur des communautés?
Donnez quelques exemples.
Comment une marque peut-elle collaborer efficacement avec les influenceurs
pour relancer une marque? Quelles sont les erreurs à éviter absolument?
Plus particulièrement comment atteindre les influenceurs? Comment
communiquer efficacement avec eux?
Comment s‟assurer qu‟ils relaient efficacement l‟information au sein de leurs
propres communautés?
Quelles sont leurs attentes envers l‟entreprise et la marque?
Conclusion
a. Satisfaction
b. Niveau d‟engagement
c. Contrôle de la situation
d. Confiance
a. L‟image de marque
b. L‟attachement à la marque
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