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Collection dirigée par Jean-Marie DE KETELE et Antoine ROOSEN.
Tous ceux qui, déjà dotés d’une bonne formation théorique, sont amenés à travailler sur le terrain :
formateurs, formateurs de formateurs, chercheurs dans l’action, décideurs, …
vont trouver ici des ouvrages qui ne décrivent pas seulement de nouvelles pratiques
ou de nouveaux outils, mais qui en exposent aussi les fondements.
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Fondements
d’une discipline
Didactique
du français
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Pour Blaise, le vrai…
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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com
Imprimé en Belgique
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris: septembre 2015 ISSN 1373-0258
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2015/13647/097 ISBN 978-2-8073-0044-6
Sommaire
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Introduction 9
Jean-Louis Chiss, Jacques David, Yves Reuter
Première partie
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES 13
Chapitre 1 Quelques repères, perspectives et propositions
pour une didactique du français dans tous ses états 15
Michel Dabène
Chapitre 2 Quelle place pour la didactique de la littérature ? 35
Georges Legros
Chapitre 3 De l’utilité de la « transposition didactique » 47
Bernard Schneuwly
Chapitre 4 Interaction : une problématique à la frontière 61
Jean-François Halté
Deuxième partie
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE 77
Chapitre 5 Sciences du langage : le retour 79
Jean-Louis Chiss
Chapitre 6 Didactique du français langue maternelle :
approche(s) « cognitiviste(s) » ? 95
Dominique-Guy Brassart
Chapitre 7 Socio-logiques des didactiques de la lecture 119
Jean-Marie Privat
Chapitre 8 Développement, compétences et capacités d’action des élèves 135
Jean-Paul Bronckart
6 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
Troisième partie
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS 149
Chapitre 9 Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » 151
André Petitjean
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Chapitre 10 Langues maternelle, étrangère, seconde :
une didactique unifiée ? 169
Suzanne-G. Chartrand et Marie-Christine Paret
Chapitre 11 Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales 179
Jacques David
Chapitre 12 Au carrefour des métiers d’enseignant,
de formateur, de chercheur 193
Dominique Bucheton
Synthèse
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition 211
Yves Reuter
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Dominique-Guy BRASSART, Université Lille 3, Institut universitaire de formation des
maitres du Nord-Pas-de-Calais
Jean-Paul BRONCKART, Université de Genève
Dominique BUCHETON, Institut universitaire de formation des maitres de Montpellier
Suzanne-G. CHARTRAND, Université Laval, Québec
Jean-Louis CHISS, Université Paris 3, Sorbonne Nouvelle
Michel DABÈNE, Université Stendhal, Grenoble 3
Jacques DAVID, Institut universitaire de formation des maitres de Versailles-Cergy
Jean-François HALTÉ, Université de Metz
Georges LEGROS, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur
Marie-Christine PARET, Université de Montréal
André PETITJEAN, Université de Metz
Jean-Marie PRIVAT, Université de Metz
Yves REUTER, Université Lille 3
Bernard SCHNEUWLY, Université de Genève
Introduction
Jean-Louis CHISS, Jacques DAVID, Yves REUTER
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Didactique du français. Fondements d’une discipline est la réédition d’un
ouvrage de référence paru en 1995 dont des restructurations éditoriales ont
rendu la durée de vie trop brève. Les coordinateurs de l’ouvrage et les
auteurs, en accord avec la communauté des chercheurs en didactique du
français réunie au sein de l’AIRDF1, ont considéré que l’essentiel des grandes
orientations et thématiques de ce travail n’avaient rien perdu de leur actualité
et de leur pertinence. La présente édition a été néanmoins entièrement revue
et corrigée et a fait l’objet dans certains de ses chapitres de refontes et de
réécritures destinées à maintenir voire amplifier la cohérence d’ensemble.
Le projet reste inspiré par la nécessité de mieux formaliser les acquis et les
problèmes de cette discipline en plein essor (multiplication des équipes de
recherche, des thèses, des revues, des collections, place dans les concours
de recrutement…), soucieuse de ses fondements épistémologiques et de son
développement historique2.
1. Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français (nouveau nom de l’AIDR-DFLM, Association Inter-
nationale pour le Développement de la Recherche en Didactique du Français Langue Maternelle). Siège social : Univer-
sité de Lille 3, UFR des Sciences de l’Éducation, Domaine Universitaire du Pont de Bois, F-59650 Villeneuve d’Ascq.
2. De l’organisation des journées d’étude à l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud en septembre 1994 en passant par celles de
l’Université de Poitiers en janvier 2000 (cf. Questions d’épistémologie en didactique du français – langue maternelle,
langue seconde, langue étrangère, Textes réunis par M. Marquilló Larruy, Les Cahiers FORELL, Université de Poitiers,
2001), jusqu’au 9˚ Colloque international de l’AIRDF en août 2004 à l’Université Laval (Québec), les réflexions n’ont
pas manqué sur les aspects théoriques, institutionnels et disciplinaires de la didactique du français.
10 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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ques spécifiques selon leur objet (orthographe, langue, texte, lecture, écri-
ture… et littérature) ?
Jean-Paul Bronckart clôt cette partie par une analyse historique-critique des
grands courants de la psychologie (le behaviorisme, le constructivisme,
l’interactionnisme social) en examinant, à l’aide de critères tels que le type
d’interprétation ou la conception du développement, leur pertinence pour la
didactique. Ce genre d’analyse est sans nul doute nécessaire pour toutes les
disciplines dites de référence.
Introduction ■ 11
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de la DFLE et de la DFLS (Didactique du Français Langue Seconde). On ne
peut que s’interroger, à l’issue de ce parcours critique, sur leur autonomie
respective ou leur intégration possible dans une didactique du français
« unifiée » qui fait toujours débat mais dont les bénéfices heuristiques nous
semblent appréciables. Jacques David s’intéresse aux acteurs et aux institu-
tions. Dans cette perspective, il reprend l’évolution actuelle du champ de la
didactique du français en interrogeant les positions et les logiques de fonc-
tionnement d’institutions ou de groupes tels que les centres de recherche
universitaires, l’Institut National de la Recherche Pédagogique, les revues, les
collections, etc. Quant à Dominique Bucheton, elle tente, au travers des
questions liées à l’oral, à la littérature, à la lecture-écriture, de mieux com-
prendre comment la didactique se construit au confluent des métiers
d’enseignant, de formateur et de chercheur. Ces deux contributions expli-
quent sans doute – au moins en partie – les différences de positions, de prio-
rités, voire de modalités de recherche, en relation avec les places, les
pratiques et les formes d’évaluation des acteurs et des groupes concernés.
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Didactique du français :
concepts, modèles, frontières
Les quatre contributions réunies dans cette première partie se situent cha-
cune à leur manière face à la question d’une hypothétique spécificité de la
didactique du français vis-à-vis d’autres didactiques disciplinaires : didacti-
que des disciplines scolaires en général, des langues en particulier. Il s’agit à
la fois de faire le parcours qui va des représentations de la DFLM à ses possi-
bles modélisations et de marquer les places, les frontières, et les recouvre-
ments possibles entre les différents champs. Ce n’est pas d’aujourd’hui que
se travaille la thématique des particularités et transversalités au sein de la
didactique des langues (dont le français langue étrangère), et c’est une ques-
tion récurrente que celle des rapports entre didactique de la langue et didac-
tique de la littérature subsumées ou non dans le projet global d’une
didactique du français. Même si la question littéraire n’est pas la seule à por-
ter les enjeux culturels de notre didactique, il est clair qu’elle interroge plus
fortement et de manière décisive les valeurs qu’implique tout enseignement-
apprentissage du « français » ou d’une autre langue, et plus généralement
toute démarche éducative.
Cette première partie prétend ainsi, sans comparaison terme à terme avec
d’autres didactiques, sans volonté d’articulation ou de globalisation systéma-
tique, s’interroger, du point de vue de la recherche en DFLM, sur la capacité
de cette didactique à constituer son appareil théorique et méthodologique.
1
Quelques repères,
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perspectives
et propositions
pour une didactique
du français
dans tous ses états
Michel DABÈNE
1. Version revue et corrigée en janvier 2003 de l’article initialement intitulé dans la première édition de ce livre : Quelques
étapes dans la construction des modèles de la didactique du français.
2. La distinction FLE-FLS ne s’est généralisée que dans les années 1990, notamment sous l’influence des travaux de J.-P.
Cuq (1991). Compte tenu du propos de cet article, il n’est pas utile de distinguer, à ce stade, ces deux sous-domaines
que l’on retrouvera dans le modèle évoqué à la fin de cette contribution.
16 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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au sein de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP), en particulier
dans les équipes pilotées par Hélène Romian ou Jean-Claude Chevalier et,
plus récemment, les travaux, colloques et publications de l’Association pour
le développement de la recherche en didactique du français langue mater-
nelle (DFLM)3, sont autant d’entreprises d’envergure qui permettent aux cher-
cheurs d’aujourd’hui de se situer dans une évolution en tenant compte des
acquis.
3. Pour éviter toute confusion entre la didactique du domaine considéré et l’Association qui le revendique, je parlerai de
DFLM dans le premier cas et de l’Association DFLM dans le second, association aujourd’hui dénommée AIRDF.
4. On aura compris que cette contribution n’est pas œuvre d’historien mais témoignage d’un transfuge (?) qui est passé
d’un domaine (DFLE) à l’autre (DFLM), et s’est donc rendu suspect des deux côtés !
5. Voir aussi ici-même la contribution de S.-G. Chartrand et M.-C. Paret.
6. En gardant en mémoire le propos d’O. Ducrot rappelé par Verrier dans Coste (1994) : « l’inadéquation faisant la force
principale des modèles, l’indiscipline est le secret de leur utilisation » et en faisant, sans doute à tort, l’impasse sur les dis-
tinctions qu’il serait utile d’introduire entre ces deux notions.
7. Comme le soulignait D. Coste (1989), lorsqu’il définissait la didactique comme « un ensemble de discours portant
(directement ou indirectement) sur l’enseignement des langues ».
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 17
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che en didactique du français ; dans une perspective variationniste et autour
de la notion de situation d’enseignement-apprentissage.
A ■ Histoires d’identités ?
Si les dénominations disciplinaires ont bien une valeur d’annonce, force est
de constater que les domaines de la didactique du français sont aujourd’hui
balisés de façon confuse, comme l’attestent les diverses appellations en
usage et les domaines mouvants qu’elles recouvrent dans leurs usages hexa-
gonaux. Est-ce le signe d’un malaise épistémologique ou simples fluctua-
tions terminologiques ? Entrent aujourd’hui en concurrence au moins quatre
bannières. Deux d’entre elles sont centrales : la didactique du français langue
maternelle et la didactique du français langue étrangère ou seconde. Les
deux autres sont substitutives : la didactique du français et la didactique des
langues. On note cependant des régularités dans la variation terminologique.
L’Association DFLM s’autorise de plus en plus la dénomination générique de
didactique du français9 mais jamais la DFLE/FLS qui, par contre, utilise
volontiers et depuis longtemps la dénomination générique de didactique des
langues10.
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les discours.
Les années 1970 sont dominées à la fois par le souci de théoriser le champ
de la didactique des langues et par les tentatives de constitution du domaine
de la didactique du FLE (on parle peu alors du FLS). Pendant cette période le
domaine du FLM est peu préoccupé par ces interrogations épistémologiques :
l’enseignement du français en France, s’il doit être réformé, n’est pas consi-
déré comme devant se légitimer en tant que domaine de recherche et d’inter-
vention.
Mais dans le domaine du FLM le concept de didactique n’a pas encore émergé.
Ni les revues spécialisées de cette époque, telles que Le français aujourd’hui,
12. Pour une tentative sommaire et provisoire de clarification, voir M. Dabène (1993-b).
13. Voir note 6.
14. L’appellation « français langue étrangère » ne s’est pas imposée sans mal au cours des années 1960 : on se souvient
des réticences des gardiens de l’Institution à admettre cette dénomination à un moment où, par ailleurs, le français fon-
damental (à l’origine « français élémentaire »), résultat des enquêtes sur le français parlé menées sous la direction de
Gougenheim et Rivenc, avec la collaboration de Michéa et Sauvageot, était considéré par les mêmes comme « français
de la rue ».
15. Du nom du président de la Commission, l’inspecteur général Marcel Rouchette. La préparation de ce Plan (1964-1969)
et sa publication officielle dans la revue Recherches pédagogiques n° 47 (janvier 1971) ont donné lieu à de violentes
polémiques. La version originale, fortement contestée par les tenants du statu quo et plusieurs fois amendée avant publi-
cation, au sein même de la Commission, a été publiée en février 1971 dans L’Enseignement public, organe de la Fédé-
ration de l’Éducation Nationale (FEN) en guise de protestation contre ce que l’on estimait, à juste titre, être des censures.
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 19
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sité de théoriser leur champ d’activité. L. Legrand (1966) s’interroge, par
exemple, sur la nécessité de passer d’une attitude empirique ou incons-
ciente, « passionnelle ou conformiste » à une technique consciente et raison-
née, nourrie des apports de la linguistique, de la psychologie et de la
« pédagogie expérimentale », ce qui préfigure les premières modélisations de
la didactique des langues. Une décennie plus tard, au terme de cette période
des années 1970, H. Romian (1979) dans sa tentative de théorisation de la
« pédagogie du français » s’inscrit bien dans le courant de la didactique telle
qu’elle est en train de se constituer et telle qu’elle émergera, encore confusé-
ment, lors du Colloque organisé par l’INRP à Sèvres en 1983, où l’on trouve
les principaux acteurs de la future Association internationale pour le dévelop-
pement de la recherche en didactique du français langue maternelle (DFLM)
qui verra le jour à Namur en 1986.
16. Les emprunts du Plan Rouchette à la linguistique structurale et à l’usage qu’en proposait la didactique du FLE, depuis
quelques années déjà, sont manifestes. Voir à ce sujet F. Marchand (1989). Et aussi D. Coste (1988) qui analyse les
relations entre linguistique et enseignement du français au début des années 1970, notamment à partir des publications
de l’Association française des enseignants de français (AFEF et sa revue Le français aujourd’hui).
17. Le terme est déjà institutionnellement présent dès 1969, associé à linguistique appliquée dans l’intitulé d’un département
de la nouvelle université de Vincennes : l’Institut de linguistique appliquée et de didactique des langues (ILADL).
20 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
Ces deux exemples illustrent un débat qui n’est pas clos quant à la place de
la linguistique dans la didactique des langues. Ils montrent aussi, à la lumière
des développements ultérieurs, que ces positions initiales, reflets d’un état
embryonnaire de la réflexion, ne se sont pas figées. Le rejet de l’application-
nisme ne signifie pas rupture avec les sciences du langage, pas plus que les
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applications de la linguistique n’entraînent obligatoirement une impasse sur
l’analyse des situations d’enseignement-apprentissage. Les propositions de
R. Galisson en 1977 (reprises dans R. Galisson, 1990) introduisent à leur tour
les termes de didactique des langues étrangères recouvrant deux sous-
ensembles : la méthodologie de l’enseignement des langues étrangères,
définie comme la substance du contenu à enseigner, et la linguistique appli-
quée à l’enseignement des langues étrangères, définie comme la forme du
contenu. Dans le même temps, sur les quarante numéros de la revue Études
de linguistique appliquée parus depuis sa création en 1964, six seulement
affichent la didactique dans leur titre sans qu’on y trouve, au demeurant, de
définition programmatique ni de justifications approfondies, à l’exception du
n° 31 (1978) entièrement composé de contributions allemandes18.
Par contre, au terme de ces mêmes années, dans le domaine du FLM, outre
le souci, déjà évoqué, de rationaliser la « pédagogie du français » et de distin-
guer, comme le propose H. Romian (1979), parallèlement à la recherche fon-
damentale, la recherche-action avec ses diverses composantes (innovation,
description, validation), on constate une plus large attention accordée à
l’analyse de discours ainsi qu’à la sémiotique littéraire et à la linguistique tex-
tuelle, références encore quasiment absentes du domaine du FLE.
18. W. Klein (1978), Perspectives sur la didactique des langues étrangères en République fédérale allemande, Études de
linguistique appliquée, n° 31.
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 21
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spécificité : la linguistique acquisitionnelle, la pragmatique, l’analyse con-
versationnelle, les interactions, en attendant l’émergence des sciences
cognitives dans le champ ;
– l’élaboration de contenus d’enseignement et de formation, qui relève
d’une sorte de recherche-action, soit en direction de l’enseignement hors
de France (la production de méthodes de français est abondante au cours
de cette décennie) soit dans les centres universitaires de FLE au contact
du public spécifique des étudiants et chercheurs étrangers en France, ou
encore, mais dans une moindre mesure, dans les différents types de
classe qui accueillent des élèves non francophones.
Ce n’est pas le lieu d’examiner ici les relations entre ces différentes activités.
Pour faire court, disons qu’elles se partagent entre une orientation vers la
didactique générale des langues et un ancrage très marqué dans la spéci-
ficité du FLE, en tant que matière d’enseignement, ce dernier courant étant
prédominant sur le plan institutionnel20.
Quoi qu’il en soit, comme le souligne M. Mas (1994), « l’apparition puis la dif-
fusion du mot didactique sont des indicateurs de l’émergence et de l’implan-
tation, dans les milieux de l’enseignement du français langue maternelle,
19. Ce sont, semble-t-il, les ouvrages de H. Rück (trad. français, 1980) et de G. Vigner (1979) qui vulgarisent les références
à la linguistique textuelle auprès des enseignants de FLE.
20. Les départements de FLE dans les Universités, lorsqu’ils ne sont pas autonomes, ne sont pas implantés dans les UFR de
langues vivantes mais dans les UFR de Lettres ou de Sciences du langage.
21. Voir les Actes de ces colloques : J.-L. Chiss et al. (1987) ; B. Schneuwly (1990) ; M. Lebrun & M.-C. Paret (1993) ; R.
Bouchard & J.-C. Meyer (1996) ; G. Legros et al. (1999).
22. Telles que le Centre de didactique du français (CDF) – Grenoble III, ou le centre Théories et didactique de l’écrit (Théo-
dile) – Lille III.
22 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
d’une notion déjà répandue dans des domaines voisins (français langue
étrangère, mathématiques, sciences…) ».
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emblématique et s’inscrit dans la perspective d’une revendication identitaire.
23. Ces courants ne sont pas cloisonnés : bien des chercheurs sont venus à la didactique grâce à un contact avec le terrain,
à l’occasion de l’enseignement de la linguistique dans les anciennes Écoles normales. Voir à ce sujet F. Marchand & J.
Hébrard (1978).
24. Dans le numéro de Langue française où paraît l’article de F. Marchand (1989, n° 82), E. Roulet, qui le coordonne avec
R. Galisson, s’interroge déjà : « Faut-il développer une didactique du français (DF) intégrant l’enseignement du français
langue maternelle (FLM) et l’enseignement du français langue étrangère, ou faut-il distinguer deux didactiques du
français ? »
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 23
dans l’un de ses ateliers sur les relations entre les didactiques de diverses
langues mais pose de façon relativement marginale25 la relation entre FLE et
FLM, l’essentiel des contributions portant sur les passages et les cloisonne-
ments entre DFLM et didactique des langues étrangères enseignées dans
l’institution scolaire26.
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Le colloque restreint organisé par D. Coste à Genève à la fin 1988 pour mar-
quer les vingt ans de la création de l’École de langue et de civilisation
françaises et dont les Actes ont paru en 1994 sous le titre Vingt ans dans
l’évolution de la didactique des langues (D. Coste, 1994) n’affiche pas explici-
tement une préoccupation de transversalité mais les intervenants relèvent
des deux domaines, le FLE étant cependant majoritaire. Il y apparaît, du point
de vue qui m’intéresse, un renforcement de l’ancrage du FLE dans la didacti-
que des langues et, dans certains cas, le souci de tenir compte de l’évolution
des recherches en DFLM, notamment dans le domaine de la grammaire, de
la lecture et de l’oral27.
Y. Reuter (1992) distingue le niveau des théories et celui des pratiques ainsi
que trois espaces : celui des contenus disciplinaires et de leurs théories de
référence qui appartient en propre aux enseignants de français, « celui des
dispositifs d’enseignement-apprentissage… qui appartient à tous les ensei-
gnants », et « celui des pratiques didactiques du français… qui se constitue à
25. Notamment par M. Dabène : je tente de recenser de façon programmatique tous les contacts possibles entre FLM, FLE
et autres langues étrangères en fonction des lieux institutionnels d’enseignement et des situations d’apprentissage. Le
texte de cette contribution a été repris dans M. Dabène (1993b).
26. On peut regretter que ce Colloque qui, pour la première fois à ma connaissance, réunissait des didacticiens de FLE, de
FLM et de langues vivantes, n’ait pas donné lieu à la publication d’Actes. Les travaux des Ateliers ont paru, de façon dis-
persée, voir : Études de linguistique appliquée n° 72 (J.-C. Beacco & J.-C. Chevalier, éds, 1988) ; Les langues moder-
nes n° 1-1988 (M. Candelier, L. Dabène, éds, 1988). Ces publications éclatées reconstituent, au niveau éditorial, les
réseaux de diffusion propres à chaque domaine et des cloisonnements contradictoires avec l’esprit du Colloque.
27. En ce qui concerne l’oral, il est intéressant de noter que J. Mouchon dans sa contribution, souligne, a contrario, le peu
d’échos qu’ont rencontrés en DFLM les grandes enquêtes sur le français parlé, comme celle d’Orléans dont le corpus est
constitué de 497 enregistrements faits en 1970 à l’instigation d’enseignants de français britanniques. Dans le même
ordre d’idées, les corpus de français parlé recueillis à Montréal par Sankoff-Cedergren ou à Hull par S. Poplack, n’ont
guère été exploités par les didacticiens québecois.
24 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
l’intersection de ces deux espaces et qui, par les élections et les interactions
qu’il opère, réorganise le contour des deux autres ».
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aspects de l’activité cognitive des enseignants. Il distingue une phase de pla-
nification-préparation hors de la classe, conçue comme une activité de réso-
lution d’un problème mal défini, et une phase interactive de décisions en
classe qui allie mise en œuvre de l’action planifiée et improvisation face aux
imprévus inévitables.
28. Point de vue qui est loin de faire l’unanimité. Ce qu’exprime bien J.-L. Chiss (2001, 162) : « Face aux conceptions
extensives du champ, j’ai toujours plaidé pour une vision réductionniste, convaincu sur le fond que, selon le mot de Judith
Schlanger, le propre de la discipline, c’est de circonscrire et de renoncer. »
29. Est-il nécessaire de rappeler que l’aujourd’hui du scripteur est déjà du passé pour le lecteur, y compris le scripteur lui-
même !
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 25
res dans le cadre des cursus FLE, licences, maîtrises, DEA) et des activités
de recherche dans un certain nombre de centres spécialisés.
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versités, dans les cursus de premier et de deuxième cycle, malgré le déve-
loppement des unités de valeur dites de « préprofessionnalisation »
préparatoires à l’entrée dans les IUFM. Elle se heurte à des résistances qui
s’expliquent par une focalisation souvent exclusive sur des objectifs
différents qui devraient être complémentaires : préparation au métier d’ensei-
gnant/préparation aux concours de recrutement et formation de spécialistes
d’une discipline. S’y ajoutent des conflits de territoire entre départements ou
UFR de lettres et départements ou UFR de sciences du langage.
Ces conflits ont, de toute évidence, une incidence sur les orientations de la
recherche et sur la conception épistémologique du champ. Ils expliquent, en
partie, le rôle de plus en plus central joué par les Instituts de formation des
maîtres (IUFM), au côté de l’INRP, dans le développement des recherches en
DFLM30.
La DFLM peut travailler « sur site », même si l’accès au terrain scolaire pose
de nombreux problèmes aux didacticiens. Mais la production de matériel
didactique, sous forme de manuels, n’est pas la préoccupation majeure des
chercheurs et la fonction des supports didactiques n’est évidemment pas la
même selon qu’il s’agit d’une langue « maternelle » ou d’une langue ensei-
gnée à des non natifs.
30. Au cours du premier semestre de l’année 2003, deux colloques de DFLM ont été organisés, l’un sur « Langue et étude
de la langue » par l’IUFM d’Aix-Marseille, l’autre sur « Construction des connaissances et langage dans les disciplines
d’enseignement » par l’équipe de psychologie de l’éducation de Bordeaux II et l’équipe de didactique du français de
l’IUFM d’Aquitaine.
31. Par exemple les méthodes dites notionnelles-fonctionnelles ou celles qui s’inspirent des courants de l’analyse conversa-
tionnelle.
26 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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Mais peut-on se satisfaire de transversalités conjoncturelles ? Ou est-il pos-
sible de construire épistémologiquement des transversalités qui seraient
constitutives d’une didactique du français fondée sur la prise en compte de
la diversité des situations d’enseignement-apprentissage ?
Ce qui guide cette réflexion c’est l’idée simple que spécificités ou transver-
salités, notions qui maintiennent un clivage, peuvent être réinterprétés en ter-
mes de variations32. Je rappellerai ici quelques remarques succinctes qui ont,
depuis leurs premières formulations33, fait l’objet de maints débats. Les
Journées d’études organisées par l’Association DFLM à Poitiers en janvier
2000 proposent explicitement, dans le texte d’orientation, de « réfléchir à la
constitution du domaine en prenant en compte des variations contextuelles »34,
tout en incitant, sous la plume de Y. Reuter (2001), à beaucoup de prudence
à l’égard d’une posture épistémologique « qui serait ingénument revendi-
quée, non seulement parce que cela pourrait témoigner d’une quête plus ins-
titutionnelle… que cognitive mais aussi parce que cette posture est
particulièrement difficile à tenir… ».
32. La notion de variation apparaît aujourd’hui comme l’un des concepts centraux en sociolinguistique et influence fortement
les conceptions actuelles de l’acquisition des langues.
33. Notamment dans la première édition de cet ouvrage en 1995.
34. Voir M. Marquilló Larruy (2001).
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 27
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– Les oppositions externes entre langue maternelle, langue seconde,
langue étrangère, qui structurent institutionnellement les deux domaines,
sont réductrices. La prolifération actuelle des qualificatifs en usage
(langue nationale, langue d’enseignement, langue vernaculaire, langue
d’appartenance, langue régionale…) montrent la complexité des statuts à
prendre en compte, tant pour l’enseignant que pour les élèves35.
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Les deux situations prototypiques extrêmes du continuum sont schémati-
quement constituées :
– d’une part, par la situation d’enseignement-apprentissage du français,
dans son milieu naturel et culturel d’origine, comme langue dans laquelle
s’est fait prioritairement l’accès au langage (langue 1)36 ;
– d’autre part, par la situation, exolingue, dans laquelle l’apprentissage se
fait en milieu institutionnel comme langue autre que celle du vernaculaire
de l’apprenant ou du véhiculaire de la communauté d’appartenance (lan-
gue 2 ou 3 ou 4…) ;
– les situations intermédiaires se situant sur un continuum selon des varia-
bles liées à l’un ou l’autre des axes de variation : par exemple l’apprentis-
sage du français dans l’un de ses milieux naturels et culturels d’origine
par un élève ayant accédé au langage dans une autre langue ou prati-
quant une autre langue dans son milieu extrascolaire ; ou l’apprentissage
du français comme langue d’enseignement ou langue véhiculaire, hors de
son milieu d’origine, etc.
Nul doute que des problèmes aussi centraux que celui du métalangage
grammatical ou du lexique gagnerait à être examinés à la lumière de ces
éclairages diversifiés dont on peut faire l’hypothèse qu’ils favoriseraient aussi
les apprentissages langagiers37.
36. Cette situation ne recouvre évidemment pas la réalité géographique de tous les pays dits francophones.
37. On n’a pas vraiment évalué les dommages probablement causés lorsqu’on soumet l’élève à un certain type de travail
grammatical en langue 1 et, simultanément, à un tout autre type en langue 2.
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 29
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30 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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VIGNER, G. (1979), Lire : du texte au sens, Paris, CLE International.
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 31
Annexe
1 Linguistique appliquée à l’enseignement des langues
(Galisson R., 1972, repris en 1990)
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Première génération Deuxième génération
… générale … générale
linguistique linguistique
connaissances française, connaissances française,
… …
théoriques anglaise, etc. théoriques anglaise, etc.
* Au cours des années 1970, une première évolution se dessine (de la première à la seconde génération de la linguistique appliquée)
caractérisée par l’apparition de la notion de « méthodologie de l’enseignement des langues » qui, selon Galisson, a désormais
compétence pour répondre à la question du « Comment enseigner ».
DIDACTIQUE
Contenus DES LANGUES
Méthodologie
Méthode
Pédagogie
Procédés
Objectifs Techniques
CLASSE DE LANGUE
* Contemporain du précédent, ce modèle élargit le champ des disciplines de référence sans toutefois hiérarchiser leurs apports.
32 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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Méthodologie de l’enseignement Linguistique appliquée à l’enseignement
des langues étrangères des langues étrangères
S P T S I P T P K D I E P G L S S E
O S H C D O E R I O C T H R E É T T
C Y É I É L C A N C O C O A X M Y C
I C O E O I H G É I N N M I A L
O H R N L T N M S M O É M C N I
L O I C O I O A I O L T A O T S
O L E E G Q L T Q L O I I L I T
G O S I U O I U O G Q R O Q I
I G A E E G Q E G I U E G U Q
E I P D I U I E E I E U
E P E E E P E E E
R R
E L’ É O
N É D X
T D U É
I U C M
S C A I
S A T Q
A T I U
G I V E
E O E
N
* Selon les termes de l’auteur, cette « vue panoramique » de la didactique des langues étrangères affine le modèle de 1972 en « subdivisant
la matière (ou contenu) d’enseignement-apprentissage en substance du contenu (besoins notionnels) et en forme de contenu (formes
linguistiques) » (R. Galisson, 1977 repris en 1990). La substance du contenu est du ressort de la méthodologie tandis que la linguistique
sélectionne les formes linguistiques correspondantes.
Quelques repères, perspectives et propositions ■ 33
Essais expérimentaux des Description systématique des Mise en évidence des diffé-
Objectifs au plan
de la recherche
pratiques pédagogiques pratiques en vue d’établir une rences significatives entre les
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répondant aux hypothèses caractérisation des démar- performances verbales des
du Plan de rénovation, et ches d’ensemble possibles, enfants selon la pédagogie
affinement de ces hypo- au-delà de la diversité appa- pratiquée, à mlieu scolaire
thèses, voire remise en rente des pratiques analogue
question
L’action pédagogique dans L’observation des situations L’observation de situations
les classes expérimentales vécues dans des classes expérimentales permettant le
Champ
– Évaluation théorique des ments habituels des maîtres ves, questionnaires, etc.)
pratiques pédagogiques et des élèves (notamment
des productions orales et
écrites des élèves, issues de
la vie des classes)
– « Nourrir » la créativité des – Fournir des outils de travail gogiques en fonction des
enseignants en formation pour la formation des maî- objectifs définis
initiale et continue tres au niveau de :
• l’élucidation des pratiques
• la caractérisation des
pratiques
* À la même époque dans le champ de la langue maternelle, les préoccupations sont autres ; Romian (1979) s’attache à construire la
notion de recherche-action en distinguant ce qui relève de l’innovation, de la description et de la validation. On sent ici la prégnance du
terrain scolaire et des enseignants participant aux recherches de l’INRP.
Théories
Théories Théories
de référence de
de référence didactiques
l’enseignement
du français du français
apprentissage
Sujets, institutions,
Contenus Pratiques
dispositifs
disciplinaires de didactique
d’enseignement
du français du français
apprentissage
* Selon l’auteur, ce modèle comprend « deux niveaux distincts : celui des pratiques et celui des théories. Il distingue trois espaces : celui
des contenus disciplinaires et de leurs théories de référence qui appartient en propre aux enseignants de français, celui des dispositifs
d’enseignement-apprentissage… qui appartient à tous les enseignants… et celui des pratiques didactiques du français… qui se constitue
à l’intersection de ces deux espaces et qui, par les sélections et interactions qu’il opère, réorganise les contours des deux autres ».
L’auteur précise que les « flèches établissant les relations peuvent être posées entre tous les pôles » (Y. Reuter).
34 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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MÉMOIRE À LONG TERME PLANIFICATION DÉCISION RÉVISION
DU MAÎTRE Génération Mise en mot Évaluation
Organisation Mise en activité Modification
Connaissances/représentations
– de la matière CONTRÔLE
– des programmes, curricula
– des apprenants
– des contraintes organisationnelles
Paramètres méta-dida : TRACES
Théories scientifiques domaines disciplinaires ÉCRITES
et personnelles curriculum
Expériences antérieures, apprenants, TRACES
plans mémorisés, routines… temps matériel MATÉRIELLES
Support d’activités
* Il s’agit ici de ce que l’auteur nomme la phase « pré-active de préparation conçue comme la résolution d’un problème mal défini » se
fondant sur « une représentation mentale de l’activité et sur une série de traces observables ». Le modèle comporte en outre une
normalisation de la phase interactive (non représentée ici) qui est le « moment de la mise en œuvre de l’action planifiée mais aussi de
l’improvisation… » (voir D.G. Brassart, 1992).
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OBJETS D’ENSEIGNEMENT
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* Ce modèle montre l’insuffisance, aux yeux de l’auteur, de la notion de triangle didactique et de la nécessité de son inclusion dans le
contexte social et le contexte éducatif prenant en compte non seulement les disciplines de recherche et les matières d’enseignement,
mais aussi les représentations et les pratiques sociales de la langue, des textes et des discours.
2
Quelle place
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pour la didactique
de la littérature ?
Georges LEGROS
A ■ Professeur de lettres
ou enseignant de français ?
1. Rappelons qu’il s’agissait, au départ, de journées d’étude organisées par l’Association internationale pour le développe-
ment de la recherche en didactique du français langue maternelle, en septembre 1994. Depuis lors, bien entendu, de
l’eau a coulé sous le pont Mirabeau et sous les autres ! Comme cette republication ne pouvait accueillir que des ajuste-
ments mineurs, je me suis contenté de signaler ici ou là, par une note brève, quelques-uns des changements importants
survenus. Si la réflexion apparaît ainsi datée, rien, à mes yeux, n’a vraiment remis en cause ses principaux arguments ni
sa conclusion : la didactique de la littérature me semble toujours à l’étroit sous l’étiquette englobante de « didactique du
français », où l’ambiguïté du dernier terme tend à réduire la complexité de la discipline scolaire en l’alignant d’abord sur
son volet linguistique (comme l’indiquent d’ailleurs les appellations consacrées pour subdiviser le domaine : « français
langue maternelle [ou langue première] », « français langue seconde », « français langue étrangère », qui, certes, sont
aujourd’hui remises en question, mais généralement pour d’autres raisons) ; elle devrait, au moins, s’enrichir aussi de
rapports avec des didactiques comme celle de l’histoire ou celle des autres arts.
2. Y. Reuter, « Quelques notes à propos de la didactique de la littérature », dans DFLM, La Lettre de l’association, n° 10,
1992, pp. 9-11.
36 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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service de celui-là, appelé à le dépasser, voire à le contredire par la valorisa-
tion des contenus et des « styles » personnels au-delà de la « simple » norme
linguistique ; hiérarchie des objets, mais aussi des élèves et des enseignants,
qui s’est longtemps exprimée dans la distinction entre les « classes de
grammaire », ouvertes à tous, et les « classes de lettres », réservées aux res-
capés d’une sélection sévère3. De ce point de vue, les changements pro-
fonds qui ont, un peu partout, affecté l’enseignement secondaire depuis une
bonne trentaine d’années doivent aussi se lire, toute autre question mise à
part, comme un renversement des rapports de force au sein de la corpora-
tion. Association française des Enseignants de Français, Association québé-
coise des Professeurs de Français, Société belge des Professeurs de
Français… : toutes les associations professionnelles affichent la même éti-
quette, souvent devenue militante, avec parfois l’ambition proclamée de
généraliser « de la maternelle à l’université » une identité disciplinaire définie
par son seul volet linguistique.
Que le conflit ne soit pas que de mots et qu’il puisse encore être vif en dehors
des milieux consensuels, on s’en convaincrait aisément, si c’était nécessaire,
par deux brèves citations, parmi beaucoup d’autres possibles. Ainsi, dans un
« Libre propos » sur une réforme des épreuves orales du CAPES, en France,
Jean-Pascal Simon, relevant que certains textes officiels parlent des « rela-
tions que l’enseignement des lettres entretient avec les autres disciplines »,
s’indigne aussitôt : « L’utilisation du vocable lettres témoigne, une fois de
plus, d’un décalage entre le concours, l’esprit dans lequel il est mis en œuvre
et la réalité enseignante : il n’y a rien de fâcheux à être un enseignant de
français !4 » À quoi pourrait répondre l’envolée inverse d’Alain Finkielkraut,
alerté par un énième discours sur la baisse de niveau : « Il faut rendre à la lit-
térature sa place centrale dans l’enseignement même du français, pour que
nous restions le pays de la conversation et non une province de la communi-
cation planétaire5. »
3. Sur ces rapports entre la valeur attribuée à la littérature et les effets du dispositif institutionnel scolaire, on se rappellera la
réflexion critique ouverte par R. Balibar, Les Français fictifs. Le rapport des styles littéraires au français national, Paris,
Hachette-Littérature, 1974.
4. J.-P. Simon, « Le CAPES : quoi de neuf ? », dans DFLM, La Lettre de l’Association, n° 13, 1993, p. 32.
5. A. Finkielkraut, « Oui, soyons exigeants », dans Le Nouvel Observateur, n° 1546, 23-29 juin 1994, p. 11.
Quelle place pour la didactique de la littérature ? ■ 37
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s’intéressent à la didactique. Il se trouve que ce sont les “linguistes” » ; et il
ajoute qu’en 1977, la « didactique de la littérature ne se fait plus par les uni-
versitaires mais par des “enseignants-chercheurs”, travaillant en équipes
(issues de l’AFEF, de Pratiques, du lycée de Sèvres), informées des recher-
ches en linguistique, poétique et sciences humaines, et qui essaient de théo-
riser leurs pratiques »6.
B ■ Savoirs ou savoir-faire ?
6. J. Verrier, « De l’enseignement de la littérature à l’enseignement de la lecture », p.160 ; dans D. Coste (éd.), Vingt ans
dans l’évolution de la didactique des langues (1968-1988), Paris, Crédif-Hatier, coll. « LAL », 1994, pp. 159-174.
7. J.-F. Halté, La didactique du français, Paris, PUF, « Que sais-je ? », n° 2656, 1992. Depuis lors, la situation a sensible-
ment évolué : l’ouvrage de C. Simard, Éléments de didactique du français langue première, Montréal – Bruxelles, Édi-
tions du Renouveau Pédagogique – De Boeck, 1997, envisage systématiquement les deux composantes du « couple
langue-littérature » ; il arrive que l’Association DFLM organise des journées d’étude consacrées à la seule littérature ; il
s’est même créé un groupe informel de didacticiens de la littérature, qui se réunissent chaque année autour de problè-
mes communs. Au point que le nouveau « Que sais-je ? » parle de « retour du littéraire » (J.-M. Rosier, La Didactique du
français, Paris, PUF, 2002, p. 53). Tout malaise n’est cependant pas dissipé : signe sans doute révélateur, le groupe de
didacticiens de la littérature s’est, jusqu’à présent, maintenu en dehors de l’Association DFLM.
38 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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rel dépassé, peut-être adapté aux « héritiers » d’hier mais qui excluait les
nouveaux élèves de l’école de masse, en ignorant ou en niant leurs propres
représentations et pratiques culturelles.
On sait aussi comment, dans bien des cas, on a tenté de répondre à cette
critique multiple. D’une façon sans doute plus psychologique que politique,
en cherchant d’abord à susciter l’envie de lire chez les élèves et, dans cette
perspective, en choisissant par priorité des œuvres à leur portée, voire à leur
goût. D’une façon technique, en adoptant des « méthodes », le plus souvent
inspirées de la sémiotique ou de la psychanalyse, censées mieux assurer (ou,
au contraire, « libérer ») la recherche du (ou de) sens, sans d’ailleurs toujours
chercher à vérifier la pertinence de ces méthodes par rapport aux visées
« éducatives » généralement maintenues : comme pour l’influence de la lin-
guistique sur l’enseignement de la langue, une certaine « scientificité » a
d’abord semblé se suffire à elle-même8. Jean Verrier parle à ce propos du
« rêve d’une “science” de la littérature et note que, par un effet pervers, fré-
quent en pédagogie, ce nouveau savoir à prétention scientifique alimente les
pédagogies les plus normatives » (op. cit., p. 162).
8. Sur de tels changements « superficiels » de méthodes, qui paraissent n’entamer ni les objectifs visés ni les courants de
pensée dont se réclament les enseignants de littérature, voir notamment S. Bogaerts, B. Dispa & G. Legros, « Profils de
profs : une enquête au secondaire supérieur », dans Enjeux, n° 16, déc. 1988, pp. 27-64.
Quelle place pour la didactique de la littérature ? ■ 39
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lire10. »
La vraie nouveauté est bien plutôt – avec celle du sens unique, cautionné par
l’autorité du maître ou de la méthode – la fin du « corpus » imposé, au profit
de l’infinité des textes et des lecteurs. Jean Verrier lui-même intitule d’ailleurs
son article De l’enseignement de la littérature à l’enseignement de la lecture
et souligne au passage que « Le numéro 7 de la revue Littérature qu’édite
chez Larousse le département de littérature française de Paris VIII s’intitule :
“Le discours de l’École sur les textes” (1972), et le numéro 19, en 1975 :
“Enseigner le français” (pas la littérature) » (op. cit., p. 160). Sur un autre ter-
rain, Monique Lebrun note que « Dans les programmes du secondaire [au
Québec], le mot “littérature” est occulté au profit de celui de “discours”11. » Et
l’on pourrait en dire autant des programmes belges en vigueur jusqu’il y a
peu, dont l’un déclarait notamment : « Loin de vouloir obtenir une « culture »
littéraire uniforme, savant dosage d’époques et de genres différents, le pro-
fesseur s’attachera plutôt à, stimuler une lecture critique de tous les textes
(ou messages) qui assaillent les étudiants12 ; et l’autre, comme en écho : Ce
que l’on vise, […] ce n’est pas l’acquisition d’un bagage littéraire exhaustif
[…], c’est le développement des aptitudes à lire toutes les espèces de textes,
c’est l’installation d’un savoir-être que caractérisent, principalement : la famil-
9. G. Lanson, « Contre la rhétorique et les mauvaises humanités », dans L’Université et la société moderne, Paris, A. Colin,
1902, repris dans Essais de méthode, de critique et d’histoire littéraire, rassemblés et présentés par H. Peyre, Paris,
Hachette, 1965, p. 59.
10. S. Étienne, Expériences d’analyse textuelle en vue de l’explication littéraire, Liège, Bibliothèque de la Faculté de Philoso-
phie et Lettres, et Paris, Droz, 1935, p. 2.
11. M. Lebrun, « Problématique de l’institutionnalisation d’une littérature nationale à l’école : le cas du corpus québécois »,
dans Enjeux, n° 32, juin 1994, pp. 33-40.
12. Secrétariat national de l’Enseignement catholique, Enseignement secondaire de type I. Français. Troisième degré, sec-
tion de transition, Bruxelles, LICAP, 1980, p. 22. Pour donner toute la mesure du déplacement, ajoutons que le même
programme précisait ailleurs que « le concept de texte a reçu, dans la pensée contemporaine, une extension maximale.
Sont considérés comme textes aujourd’hui, non seulement les énoncés de langage formant un ensemble clos (qu’il
s’agisse de discours oraux ou de discours écrits), mais aussi toutes les autres manifestations humaines qui, en quelque
sens que ce soit, nous “disent quelque chose” : on pourra parler du texte pictural (pour un tableau), du texte d’une ville,
du texte constitué par un ensemble de gestes corporels » (p. 7). Pour une vue comparative des programmes de l’époque
en Belgique, en France et au Québec, voir Enjeux, n° 43-44, « Littérature : les programmes francophones », mars
1999.
40 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
iarité avec les livres, ou, plus largement, les textes ; l’intérêt ou le goût pour
leur contenu ; l’esprit d’accueil et l’esprit critique13. »
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ture, comme ensemble organisé et significatif, tend à s’effacer, devant des
textes littéraires d’abord (mais dont on se garde bien, le plus souvent, d’inter-
roger la « littérarité »), devant des textes non autrement définis ensuite. Dans
une telle perspective – où « Il s’agit moins de l’enseignement de la littérature
que d’un usage de la littérature pour l’enseignement du français », comme le
marque bien Jean Peytard14 –, ce qui devient difficile, en effet, voire impossi-
ble, c’est d’établir la spécificité de « la “littérature” comme sous-ensemble du
domaine “scriptural” » et, bien plus encore, sa nécessité dans la formation
des jeunes. « Lieu privilégié, entre tous, […] moment d’excellence, pour
connaître le mouvement de la langue française », propose Jean Peytard (op.
cit., p. 31), peu avant Jean Verrier ; ou encore : « ensemble essentiel à
l’apprentissage et à l’approfondissement de la langue française. […] “labora-
toire langagier”, où plus qu’en tout autre “discours”, les différents niveaux […]
se trouvent en posture de dévoilement, s’aperçoivent dans leur fonctionne-
ment, jusqu’au détail le plus inattendu (ibid., p. 9)15 ». Mais c’est oublier que
de telles définitions « techniques », qui voient d’abord dans la littérature des
types et des structures de texte, des fonctionnements et des innovations lin-
guistiques16, souffrent de deux défauts majeurs. D’une part, elles ne sont nul-
13. Ministère de l’Éducation, de la Recherche et de la Formation, Enseignement secondaire. Troisième degré de transition.
Français, Bruxelles, Direction générale de l’Organisation des Études, mai 1993, p. 6, sous la rubrique « Lecture ». On
doit cependant à la vérité d’ajouter que le même programme comporte, par ailleurs, une rubrique « Approches de la vie
littéraire et artistique », où l’objectif est, pour « mieux comprendre le XXe siècle et ses productions, d’organiser de
manière réflexive notre patrimoine littéraire et culturel, notamment en se rendant capable de reconnaître les grands mou-
vements européens de la pensée, […] les grands courants artistiques et culturels européens » et d’établir entre eux des
relations (p. 18). Depuis lors, cette tendance a été sensiblement renforcée par un décret qui a fixé, pour tous les établis-
sements, les Compétences et savoirs requis en français à l’issue des humanités générales et technologiques (Ministère de
la Communauté française, Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique, Bruxelles, 1999).
Parmi les acquis à certifier, figure une certaine connaissance (« expliquer les ruptures fondamentales…, reconnaître diffé-
rents traits majeurs… ») de dix « grands courants littéraires et artistiques d’hier et d’aujourd’hui », cités dans l’ordre chro-
nologique (l’humanisme, le baroque, le classicisme…). Pareille contrainte légale a évidemment entraîné la refonte des
programmes, qui, selon les réseaux, invitent davantage à une réflexion critique sur le concept même de littérature ou à
un ordonnancement historique des œuvres et des manières d’écrire.
14. J. Peytard, Les Cahiers du CRELEF, n° 36, « Souvent textes varient », Besançon, 1993-2, p. 31.
15. Même image du littéraire comme simple degré supérieur de la performance langagière dans le programme de français
du troisième degré du réseau catholique belge pour les années 1980, qui se couvre notamment de l’autorité de la revue
de l’AFEF : « Dans la masse des textes, le texte littéraire possède un statut particulier du fait qu’il exploite au maximum les
possibilités de création et de renouvellement de la langue : “Le texte littéraire demeure pour nous essentiel parce que son
fonctionnement pousse à leurs extrémités les possibilités ludiques, symboliques, imaginaires, etc., du langage” (1977 :
“Aujourd’hui le français”, supplément au n° 39 de Le français aujourd’hui, p. 39). C’est pourquoi nous le prendrons
comme référence dans les réflexions qui vont suivre. (Mais ce que nous en dirons vaudra, à des degrés divers, pour tout
type de texte) » (op. cit., pp. 7-8).
16. Au fond, dans leur invocation de « l’excellence », diffèrent-elles autant qu’on veut bien le dire de plus anciennes auxquel-
les on les oppose volontiers (par exemple, la littérature comme « norme du “bon français” », voire « comme ornementa-
tion ou comme objet de plaisir », pour continuer à citer Jean Peytard, ibid.) ? Ne risquent-elles pas, au contraire,
d’exposer rapidement leur objet aux mêmes reproches de luxe, sinon superflu, du moins secondaire par rapport à des
attentes fonctionnelles plus immédiates, trop souvent encore insuffisamment rencontrées ?
Quelle place pour la didactique de la littérature ? ■ 41
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qu’un roman, passible d’une analyse narratologique. D’autre part, elles
demeurent muettes sur la question, centrale dans la problématique littéraire,
des valeurs ; plus particulièrement, elles ne permettent en rien de discriminer
un pastiche ou une vulgaire copie de l’original qui a marqué son temps ou
frayé des voies nouvelles pour l’avenir.
Or, c’est un trait spécifique des objets littéraires que le point de la chaîne his-
torique où ils s’inscrivent, tant à la réception qu’à la production, soit une par-
tie constitutive de leur valeur et de leur sens même : il y a longtemps que
Roger Fayolle a montré comment Baudelaire s’est trouvé progressivement
« canonisé » par l’école à la suite d’une période de violences politiques et
culturelles qui ont dû, par contraste, le faire passer pour une sorte de
« classique » plus sage qu’on ne l’avait d’abord cru17 ; par contre, aujourd’hui
où on le lit et on le cite tant dans les classes, quel sens y aurait-il à écrire
encore à la Baudelaire ? D’où la difficulté bien connue de lire d’emblée ses
contemporains, et, du même coup, le soupçon qu’à trop s’en tenir aux inté-
rêts spontanés des élèves, on ne les aide pas nécessairement à mieux com-
prendre la littérature d’aujourd’hui que celle d’avant-hier.
D ■ Refonder l’objet :
extension, spécificité, nécessité
17. R. Fayolle, « La poésie dans l’enseignement de la littérature : le cas Baudelaire », dans Littérature, n° 7, oct. 1972, pp.
48-72. Dans un tout autre registre, J.L. Borges a démontré pourquoi Pierre Ménard, en récrivant mot à mot, dans l’entre-
deux-guerres, le Don Quichotte, avait nécessairement produit une œuvre toute différente de celle de Cervantes (« Pierre
Ménard, auteur du Quichotte », dans Fictions, Paris, Gallimard, 1983, « Folio » n° 614, pp. 41-52).
18. G. Legros, M. Monballin & M. van der Brempt, « Le cercle des poètes rebattus. Résultats d’une enquête auprès d’élèves
sortants », dans Enjeux, n° 24, « Enseigner la poésie ? », déc. 1991, pp. 5-23 ; M. Monballin & G. Legros, « Œuvres
romanesques et théâtrales en fin de secondaire : un singulier pluriel », ibid., n° 32, « Corpus et lectures littéraires », juin
1994, pp. 7-21.
42 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
plus de la moitié des élèves consultés (par ordre décroissant, Baudelaire, Ver-
haeren, Hugo, Vigny et Lamartine) et un seul roman aurait été lu dans la
même proportion (L’Étranger d’Albert Camus). Ensuite, la disparate des
images selon les genres : alors que la poésie y est d’abord représentée par
les grands « mages » du romantisme et leurs successeurs immédiats, avec
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une forte concentration sur quelques noms, la prose romanesque et théâtrale
s’y manifeste à 80 % par des titres du XXe siècle, et, cette fois, dans une
spectaculaire dispersion (47 % des mentions d’œuvres sont des hapax et
l’auteur le plus cité, Camus, n’atteint pas les 10 % du total des occur-
rences)19.
Cette double tendance, quelles que soient les réserves et les nuances que
l’imperfection des instruments oblige à y apporter, montre à quel point
l’école, dans la liste infinie des œuvres, se taille un corpus sur mesure. En
fonction, sans doute, d’un critère de lisibilité immédiate : dès lors que l’objec-
tif premier est de faire lire et d’en développer le goût, la logique de la con-
sommation l’emporte sur celle du savoir et impose ses limitations.
L’ensemble, complexe sinon confus, des tentatives multiformes qui compo-
sent l’aventure littéraire est alors renvoyé au statut d’objet virtuel de connais-
sance, que l’élève, le cas échéant, explorera plus tard, au hasard des
rencontres et des inclinations personnelles ; en attendant, règne l’accessible,
donc, nécessairement, le plus familier.
19. Dispersion, y compris géographique et culturelle, qui peut cependant s’accommoder de certaines limitations
significatives ; ainsi, par exemple, les incursions dans le « Nouveau Roman » semblent bien rares : vous aviez dit
« culture contemporaine » ?
20. Pour reprendre les catégories qui structurent une grande partie de l’étude d’A.-M. Chartier & J. Hébrard, Discours sur la
lecture, 1880-1980, Paris, BPI, Centre Georges Pompidou, 1989.
21. Voir notamment S. Bogaerts, B. Dispa & G. Legros, « Profils de profs », op. cit., p.32.
22. Voir, entre autres, la formule de M. Charles : « […] pour Lanson, l’enseignement littéraire a une fonction aussi essentielle
que provisoire. […] Fonction transitoire, pour être précis : en un mot, les lettres assurent un relais entre la religion et les
sciences » (L’Arbre et la Source, Paris, Seuil, 1985, p. 268).
Quelle place pour la didactique de la littérature ? ■ 43
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gement le roman post-camusien autant que la poésie post-baudelairienne ?
Dès lors, qu’est-ce qui justifie, dans de telles pratiques, l’utilisation d’œuvres
littéraires (qui ne sont pas encore nécessairement « la littérature »), fût-ce au
prix d’un certain malentendu constant ? La force d’une tradition et un pres-
tige ininterrogé ? Le goût des professeurs, partagé par beaucoup d’élèves,
notamment pour l’expression sentimentale et la fiction ?… Mais l’exemple de
pays proches suffirait à montrer la fragilité de traditions non fonctionnelles26 ;
et quant aux goûts personnels, s’ils peuvent constituer un puissant moteur
23. Comme l’indique un autre sondage, quelque dix ans plus tard : K. Canvat, G. Legros, M. Monballin & I. Streel,
« L’enseignement de la littérature au secondaire supérieur belge. Une enquête auprès des professeurs », dans G. Legros,
M.-C. Pollet & J.-M. Rosier (éds), D.F.L.M : quels savoirs pour quelles valeurs ? Paris, Association internationale pour le
développement de la recherche en didactique du français langue maternelle, 1999, pp. 215-218.
24. C’est ainsi que certains sont incapables de voir autre chose qu’une décadence dans les œuvres proprement contempo-
raines. « Ce que je refuse d’accepter, c’est que la littérature cesse d’être un discours sur l’homme », s’indignait, voici
trente ans, A. Léonard (La Crise du concept de littérature en France au XXe siècle, Paris, Corti, 1974, p. 15). J.-M.
Domenach disait-il autre chose, vingt ans plus tard (Le Crépuscule de la culture française, Paris, Plon, 1995) ? Et J.-P.
Sartre, à sa manière, n’avait-il pas déjà donné l’exemple par des formules péremptoires comme : « on a écrit pendant
soixante-dix ans pour consommer le monde ; on écrit après 1918 pour consommer la littérature ; on dilapide les tradi-
tions littéraires, on gaspille les mots, on les jette les uns contre les autres pour les faire éclater ; ou L’extrême pointe de
cette littérature brillante et mortelle, c’est le néant. Sa pointe extrême et son essence profonde ; ou encore La littérature
moderne, en beaucoup de cas, est un cancer des mots » (Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948, coll.
« Idées », pp. 162, 165 et 341) ?
25. Les témoins de l’enquête de S. Bogaerts, B. Dispa & G. Legros, notamment, déclarent analyser plus volontiers un article
de presse que les œuvres proposées de Molière, Butor ou Kundera (« Profils de profs », Op. cit., p. 31).
26. Au Danemark, l’école considérerait l’enseignement de la littérature davantage comme un moyen mis au service de la
capacité à communiquer que comme une fin culturelle ; aux Pays-Bas, elle l’aurait pratiquement abandonné (A. Benoît,
« Dans l’Europe des Douze », dans les Cahiers pédagogiques, n° 313, avr. 1993, pp. 16-17).
44 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
pour l’apprentissage, ils n’en demeurent pas moins un fondement bien aléa-
toire pour une didactique27.
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comme contenus à enseigner », note Yves Chevallard, qui ajoute : « Les con-
tenus de savoirs désignés comme étant à enseigner […], en général préexis-
tent au mouvement qui les marque comme tels »28. Comment la didactique
de la littérature ne serait-elle pas en retard, dans l’incertitude et la confusion
où elle se trouve, depuis le rejet de l’histoire littéraire traditionnelle, sur son
objet et ses contenus de savoirs ? Et comment pourrait-elle espérer progres-
ser si l’on continue à dissoudre ceux-ci dans l’infinité inorganisée des occa-
sions, des problèmes humains, des goûts et des intérêts personnels, voire
dans la virtualité du « laboratoire langagier » ?
27. De ce point de vue, le succès considérable de l’ouvrage de D. Pennac, Comme un roman (Paris, Gallimard, 1992) est
lourd d’ambiguïtés : tout entier tourné vers une « réconciliation avec la lecture » (p. 51), il indique – et avec quelle cha-
leur communicative ! – comment séduire, entraîner, par mimétisme et non par contrainte, mais il ne résout aucun des pro-
blèmes de contenus d’enseignement.
28. Y. Chevallard, La Transposition didactique, Du savoir savant au savoir enseigné, Grenoble, La Pensée Sauvage, 2e éd.,
1991, p. 39.
29. Peut-être même faut-il commencer par là : je ne dispute pas ici de ce qui est faisable à tel ou tel degré scolaire, dans tel-
les ou telles conditions.
30. Voir notamment Y. Reuter, « Enseigner la littérature ? », dans Recherches, n° 16, Lille, AFEF, 1992-1, pp. 55-70.
Quelle place pour la didactique de la littérature ? ■ 45
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innombrables : pour faire sens, il lui faut tracer des voies convergentes ou
contrastées, marquer des étapes successives, des conflits et des
découvertes…
Pour conclure par où j’ai commencé, et dans le même esprit, je dirai que, si
elle veut sortir de son état de matrice disciplinaire insuffisante, la didactique
de la littérature doit commencer par identifier et structurer ses savoirs
constitutifs ; qu’elle doit donner à ceux-ci une dimension historique, « car la
littérature est construite dans une histoire et ne saurait donc s’enseigner en la
refoulant35 » ; enfin, qu’elle doit les ordonner au corpus réel d’œuvres et de
pratiques et non aux virtualités de la langue, sous peine de se retrouver, à
terme, privée de justification profonde36. Ce faisant, elle devra affronter des
31. Autant de « grandes questions humaines » qui, ma foi, en valent bien d’autres.
32. C. Vandendorpe, « L’enseignement de la littérature aujourd’hui », DFLM, La Lettre de l’association, n° 10, 1992, p. 4.
33. Ou, bien entendu, celui par les « grands courants littéraires et artistiques », qu’a choisi la Communauté française de Bel-
gique dans son décret de 1999 (voir ci-dessus, note 13). Notons au passage que ce décret ajoutait ensuite, à titre de
« balise » indicative, un certain nombre de « grandes références littéraires et artistiques » ; comme on pouvait s’y atten-
dre, c’est cette liste d’auteurs et d’œuvres qui a soulevé le plus de critiques.
34. « Pourquoi l’histoire littéraire n’a-t-elle jamais réussi en France à se constituer en discipline scientifique autonome ? »,
dans Le Monde du 18 mars 1993 (propos recueillis par M. Contat). Voir aussi Y. Reuter, « Enseigner la littérature ? »,
Op. cit., p. 68.
35. Y. Reuter, « Enseigner la littérature ? », op. cit., p. 68.
36. On aura compris qu’à mes yeux, le décret de 1999 répond assez largement à cette perspective. Reste à voir si sa mise
en œuvre (notamment par les programmes et par la formation continuée) saura convaincre les enseignants qu’il peut
aussi répondre à leurs objectifs humanistes ; faute de quoi, il risque fort de rencontrer la même résistance que la vague
formaliste issue du structuralisme.
46 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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d’apprentissages variés en français, il me semble donc que la didactique de
la littérature a tout à gagner à s’affranchir du cadre et des modèles de la
seule DFLM pour repenser à nouveaux frais ce qui fait la spécificité de son
objet et de ses finalités.
3
De l’utilité
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de la « transposition
didactique »
Bernard SCHNEUWLY
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pour comprendre le temps des leçons dans une enquête sociologique sur le
temps des études ; repris, développé et précisé dans le sens du passage des
savoirs savants aux savoirs enseignés par Y. Chevallard dès 1980, illustré par
un travail empirique sur la notion de distance par S. Johsua et Y. Chevallard
en 1982 ; rendu accessible enfin à un plus grand public en 1985 dans un livre
qui, depuis, a fait date dans les annales des didactiques. Dans ce qui suit, je
ferai ressortir quelques aspects du concept qui me paraissent particuliè-
rement importants pour le débat en DFLM et entre didactiques (pour d’autres
présentations plus détaillées voir entre autres J.-P. Astolfi et M. Develay,
1989 ; G. Arsac, 1992 ; et surtout l’excellente présentation de S. Johsua et
J.-J. Dupin, 1993).
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La transposition didactique du savoir a des effets importants, maintes fois
décrits, d’abord en mathématiques, puis également en biologie, géographie,
physique et plus récemment en langue maternelle (B. Veck, J.-M. Fournier, R.
Lancrey-Javal et M. Robert,1989 ; J.-F. Halté, 1992). De manière générale, on
peut mentionner deux effets nécessaires qui découlent du principe même de
transposition :
– le corps des savoirs qui fonctionne comme un tout en tant que savoir utile
est fragmenté en éléments lors de la transposition, notamment pour des
raisons de séquentialisation des contenus pour l’enseignement et de pro-
gression pour le fonctionnement du système scolaire ;
– les situations d’usage ne peuvent être transposées telles quelles, ne peu-
vent être reproduites fidèlement en classe ; elles se transforment
nécessairement, prennent une autre signification dans le contexte
scolaire ; et cela affecte bien entendu les savoirs enseignés qui ont
nécessairement une tout autre fonction que dans le cadre habituel ; il est
donc nécessaire de construire, éventuellement en imitant les aspects ori-
ginaux, un contexte nouveau pour les savoirs enseignés.
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la bonne compréhension des processus en jeu, tandis que d’autres encore
proposent une transformation, allant très souvent vers un élargissement du
concept pour le rendre plus conforme aux besoins d’une didactique1.
1. Il est une attitude normative par rapport au concept de transposition didactique, notamment dans des approches qu’on
peut grossièrement qualifier de « pédagogiques », qui fait qu’il est discuté non pas comme une construction théorique
dont on évaluerait la cohérence, la pertinence, la force d’explication des phénomènes observés, mais comme un outil
ou même une arme dans le combat pédagogique. On ne le traite pas, dès lors, en termes d’accord ou de désaccord
sur fond d’arguments empiriques ou théoriques, mais en termes d’effets bénéfiques ou maléfiques, de mérites ou de limi-
tes qu’aurait le concept. Y. Lenoir, par exemple (p. 24), affirme que la transposition didactique implique la
« revendication » qu’« il appartiendrait aux spécialistes des disciplines et aux didacticiens ce que doit être un cursus de
formation ». P. Perrenoud (1992) dresse une liste des apports « maléfiques » de la transposition didactique et aboutit tout
naturellement à la conclusion que la « notion même de transposition est inadéquate » (p. 353). Parmi ces apports malé-
fiques, il note qu’il y a un risque, notamment dans la formation des maîtres, « de ne retenir qu’une seule question : com-
ment maîtriser la transposition didactique ? » Le concept est ainsi récusé à cause du mauvais usage qu’on pourrait en
faire. Ailleurs, P. Perrenoud pense qu’« on peut soupçonner cette approche de conforter les hiérarchies en place, le
savoir savant valant mieux que les autres » (p. 351), comme s’il n’y avait pas autour de cette question du statut des
savoirs une argumentation complexe qu’on peut certes contester, mais qui n’a rien d’un jugement de valeur, qui dirait
que certains savoirs en soi valent mieux que d’autres.
De l’utilité de la « transposition didactique » ■ 51
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savoir du linguiste ou du psychosociolinguiste, qui ne sont pas, en l’occur-
rence des experts “ordinaires” » (1992, p. 19).
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cette pratique. Gieseeke (1991) montre que des formes langagières nouvelles
doivent être créées pour rendre par exemple les techniques artisanales
moyenâgeuses publiques et publiables – au sens strict des livres publiés –,
formes développées grâce et à cause de l’imprimerie et qui rendent les tech-
niques enseignables en dehors de la pratique même de la technique.
Restons quelques instants encore sur ces savoirs liés à leur pratique d’ori-
gine et essayons d’en recenser les formes à travers les distinctions introdui-
tes par plusieurs auteurs qui s’y réfèrent pour penser les contenus
d’enseignement. S. Trevisi (1994) propose de parler de « savoir théorique éla-
boré dans des lieux institutionnels de la recherche scientifique et savoir de
sens commun élaboré dans le cadre des pratiques sociales de référence »
(p. 1). F. Conne (1992 a et b) propose une distinction simple entre savoirs
pragmatiques comprenant notamment les savoirs réfléchis où l’on considère
la manière d’obtenir les produits obtenus à travers le savoir-faire, et les
savoirs savants dont la finalité est l’organisation et le développement du
savoir lui-même. S. Johsua (1994) parle de savoirs savants caractérisés par
leur légitimité sociale à dire ce qui est savoir reconnu, incontestable, du
moins temporairement, et savoirs d’experts, c’est-à-dire savoirs de ceux qui
savent faire et savent ce qu’est ce qu’ils font et qui tirent leur légitimité de ces
savoirs qui leur sont reconnus en tant que personnes – savoirs par définition
fragiles puisque liés à leur personne, toujours susceptibles d’être remis en
question. Inutile de lancer ici une polémique sur la nature du savoir savant et
son rapport aux institutions scientifiques. La définition lapidaire de Cheval-
lard, pour qui les savoirs savants sont ceux qui servent à produire de nou-
veaux savoirs, me paraît suffisamment opérationnelle et impliquer, dans notre
société, une pratique de type scientifique, en général dans un cadre institu-
tionnel précis. Les autres distinctions méritent plus de commentaires. Je
défends la thèse que les savoirs communs – si l’on entend par là les savoirs
du commun, de l’homme commun, nécessaires à sa pratique – ne sont pas
transposables, scolarisables parce que faisant partie des savoirs empiriques
dont M. Verret (1974) dit que « leur syncrétisme les voue précisément à
l’acquisition globale et personnelle, par les voies intuitives de la familiarité
mimétique, sans qu’on sache jamais précisément quand on apprend, ni ce
qu’on apprend exactement. Sait-on même quand on apprend à parler, à
écouter, à s’habiller, à plaisanter ? » (p. 147) Je traiterai de la même manière
le savoir pragmatique dont parle F. Conne. Le critère de scolarisabilité serait
en quelque sorte la publicité du savoir, son caractère explicite, son caractère
discutable, peut-être même son caractère écrit. Ne peut devenir savoir à
enseigner et enseigné – objet d’une intention didactique (et je limiterais le
sens de didactique à l’institution scolaire, elle-même liée à l’institution étati-
De l’utilité de la « transposition didactique » ■ 53
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d’experts en plus des savoirs savants. Cela ne signifie pas que ne sont appris
que des savoirs – les notions de proto- et paramathématiques de Y. Cheval-
lard montrent qu’il y a du déjà-là et de l’apprentissage incident nécessaire à
l’appropriation de savoirs et de savoir-faire, qui ne font pas objet de l’ensei-
gnement – ni que, dans la relation didactique, ne se réalisent pas d’autres
formes de transmission culturelle (imitation, imprégnation, etc.) pour d’autres
contenus, pratiques ou attitudes. Ces dernières sont cependant à considérer
comme incidentes par rapport aux enjeux fondamentaux.
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sciences avec un objet relativement bien délimité et un corps de concepts
communément accepté – garantissant donc de ce point de vue la légitimité –,
il n’en reste pas moins que les choix possibles parmi les savoirs potentielle-
ment légitimes y sont quand même nombreux, largement imprédictibles et en
cela il n’y a qu’une question de degré dans la différence avec la DFLM ; et
surtout, ces savoirs sont soumis à des processus de transformation, dans le
processus de transposition, qui sont largement les mêmes, quelles que
soient les disciplines.
2. Sans approfondir l’idée, R. Amacker (1992) postule un lien entre didactique et linguistique aussi pour Saussure, quand
il dit : « … il y a eu à Genève, entre la chaire de linguistique et le Séminaire de français moderne, de nombreux con-
tacts, à commencer bien sûr par le fait que Saussure lui-même, de 1899 à 1908, a donné des cours au Séminaire,
notamment sur la phonologie du français moderne. À part lui toutefois, il ne fait pas de doute que personne n’incarne
mieux que Charles Bally le lien qui a uni dans notre ville, dès la fin du siècle dernier et pour plusieurs décennies, la
didactique du français et la linguistique » (p. 579).
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enseigné. J.-L. Chiss, dans un article programmatique déjà ancien, l’avait
déjà décrit très précisément : « Reste que la didactique d’une discipline ne
peut construire son rapport à ses “champs de référence” dans le modèle de
la dépendance ou de l’autonomie relative, ne serait-ce que parce qu’il faut
tenir compte des effets structurants du pédagogique et du social sur le
développement scientifique » (1985, p. 10)3.
3. Le concept de « contre-transposition », proposé par Y. Chevallard et discuté pour la discipline « français » dans la post-
face de l’édition 1991 de La Transposition didactique, paraît inadéquat pour comprendre les rapports complexes qui
lient la didactique du français et ses champs théoriques de référence. Ce concept implique une coupure radicale entre
les pratiques scientifiques traditionnelles et actuelles portant sur la langue dont il paraît de plus en plus difficile de faire la
preuve.
56 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
naturel ? P. Clanché (1987) est particulièrement clair à cet égard puisqu’il pro-
pose de combattre la transposition didactique pour justement retrouver la
pureté de l’apprentissage naturel. Il rapproche le concept de celui de
« scolastique », proposé par Freinet, qui désigne un mode d’apprentissage
non vérificationniste, idolâtre du savoir et procédant à des exercices sans
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signification et qu’il s’agit d’éviter à tout prix. P. Clanché signale par consé-
quent un « risque de transposition didactique » qu’encourent les défenseurs
des nouvelles méthodes d’enseignement de production de texte, parce qu’ils
ne mettraient pas assez l’accent sur « la particularité psychologique des
situations concrètes de production dans la classe » (p. 165).
Une variante plus subtile des approches normatives considère les contraintes
de la transposition didactique comme données, mais pense qu’il est possible
d’en contrôler les effets. A. Tiberghien (in G. Arsac, M. Develay, A. Tiberghien,
1989) en est une bonne illustration. Discutant de l’introduction de l’enseigne-
ment de l’énergie au niveau de la troisième, elle décrit ce processus comme
étant régi d’une part par la prise en compte de finalités, d’autre part par les
possibilités d’apprentissage des élèves de cet âge. Tout se passe comme si
le concepteur de manuels ou de cours décidait rationnellement, en pleine
connaissance de cause, de « proposer un modèle qui n’a pas la même hié-
rarchisation des concepts que le savoir en physique » (p. 53). Dans le con-
texte de la DFLM, H. Romian (1989) défend une approche qui, selon elle,
« procède également d’une intégration critique de la notion de “transposition
didactique” des “savoirs savants” aux “savoirs enseignés” » (p. 245), tout en
récusant le terme parce qu’il « a des connotations qui renvoient au débat sur
la linguistique appliquée qu’il convient aujourd’hui de dépasser ». Le proces-
sus de transposition, appelé traitement didactique, est conceptualisé dans
les termes d’un processus conscient contrôlé (explicitation de notions orga-
nisatrices, cohérence des cadres théoriques pluriréférencés, opérationalisa-
tion des références, etc.). De fait, il s’agit essentiellement de la manière dont
des didacticiens prennent conscience de leur action, du reflet subjectif de
leur intervention dans le processus de transposition, et non pas de ce pro-
cessus en tant que tel. Cela ne veut pas dire, évidemment, que ce reflet soit
faux ou inutile : il guide l’action, lui donne une direction. Mais, pour varier la
belle métaphore de K. Marx, tout comme le processus d’échange pour les
marchands, qui croient le maîtriser – et doivent le croire pour être efficaces –,
le processus de transposition didactique se passe dans le dos des acteurs
sans qu’ils puissent le voir et le contrôler, ou si peu. Ce qui est problématique
dans la conception du traitement didactique n’est donc pas la théorisation de
l’action, mais la croyance de pouvoir ainsi échapper aux effets de transposi-
tion. Ce processus n’est pas rationnel, ce qui ne signifie pas que la rationalité
n’y a pas de part ni qu’il ne soit pas rationnellement reconstructible, ou
compréhensible.
De l’utilité de la « transposition didactique » ■ 57
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savoir enseigné, issu du processus de désyncrétisation et séquentialisation,
pour prendre deux des processus sans doute les plus puissants de transpo-
sition, comme la condition sine qua non du développement de certaines
fonctions psychiques supérieures, une hypothèse développée dans le chapi-
tre 6 de Pensée et langage de L. S. Vygotsky (1934/1985). Selon cet auteur,
trois conditions doivent être remplies pour construire à l’école des fonctions
psychiques qui présupposent un rapport conscient et volontaire par rapport
aux processus psychiques propres de l’individu (langage écrit ; algèbre ; con-
cepts scientifiques notamment) :
1. Les nouveaux contenus enseignés se trouvent dans un rapport de géné-
ralité plus grande par rapport aux contenus déjà-là, intégrant ces derniers
dans un nouveau système qui les traite comme cas particuliers.
2. L’entrée dans les systèmes généraux se fait par une voie différente de
celle introduisant aux systèmes particuliers. Très schématiquement, on
peut décrire la seconde comme menant du bas vers le haut, de l’élémen-
taire vers le complexe, du vécu ou de l’empirique vers le systématique, et
la première allant du haut vers le bas, du systématique, du général vers
l’empirique, le vécu. La première voie mène à un fonctionnement dans
des situations où le contrôle volontaire joue un rôle central, où la capacité
de choisir consciemment entre plusieurs possibilités s’impose, tandis que
la deuxième permet d’agir efficacement dans des situations concrètes de
manière spontanée, quasi automatique. Autrement dit : la systématicité
inhérente aux processus d’enseignement n’est pas accessoire, mais
découle de la nature même des processus cognitifs auxquels il faut intro-
duire l’élève.
3. La systématicité des contenus ne peut être appréhendée qu’à travers
l’existence, et éventuellement la construction scolaire, de systèmes relati-
vement cohérents auxquels l’élève est confronté, autrement dit à travers
des « disciplines formelles » dont les configurations et les formes chan-
gent historiquement, mais dont l’existence est la condition pour instaurer
une dialectique entre présent et futur, pour construire, à l’école, la zone de
proche développement (pour approfondissement, cf. B. Schneuwly,
1995). Nous retrouvons ici, cette fois-ci tournée positivement, la nécessité
de la transposition didactique.
58 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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4
Interaction :
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une problématique
à la frontière
Jean-François HALTÉ
1. Inter-Actions, sous la direction de J.-F. Halté, Cresef et Université de Metz, coll. « Didactique des textes », 1992.
62 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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L’étiquette « interactions à fonction didactique » prétend recouvrir celles des
interactions langagières qui sont orientées par la visée d’un apprentissage
quelconque. Elles se distinguent, jusqu’à un certain point, des autres interac-
tions, à fonction écologique par exemple.
Le postulat de base est qu’il existe une relation entre interaction et apprentis-
sage. Pour ce qui regarde l’exemple traité ci-dessous, le postulat se décline
hypothétiquement ainsi :
a) Le cadre interactif préconstruit définit des identités sociales et des rôles
communicatifs tels que ces identités et rôles ont des incidences sur
l’apprentissage.
b) L’interaction langagière à l’intérieur de ce cadre constitue « l’activité
même » par laquelle s’effectue l’apprentissage dirigé.
c) L’appropriation des contenus en jeu dans l’interaction langagière est con-
ditionnée par une « histoire interactionnelle » au cours de laquelle se sont
mises en place les conditions de l’appréhension desdits contenus.
2. M. Wirthner, D. Martin & P. Perrenoud, Parole étouffée, parole libérée, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1991.
3. Voir La Maîtrise de la langue à l’école, Direction des écoles, Ministère de l’Éducation Nationale, France, 1992.
Interaction : une problématique à la frontière ■ 63
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(ou défavorisent) la sécurité et le bien-être, l’attention, l’implication, la motiva-
tion… de telle sorte qu’ils facilitent (ou compliquent) les tâches d’apprentis-
sage. Bref, la communication est génératrice du « climat de travail », de la
« bonne ambiance », etc. Composante de l’événement de communication4,
l’interaction langagière est indifférente à son enjeu de savoir et s’appréhende
dans le cadre de la communication en général. Qu’il s’agisse de COD, de
l’assassinat d’Henri IV ou de la manière de cuire les gaufres ne change rien à
l’affaire. Seul est pris en compte le fait que l’interaction manifeste certaines
options organisatrices des relations entre savoirs, enseignant et élèves : on
repérerait ici, pourquoi pas, des réassertions manifestes de statuts (maître vs
élèves) et de rôles (questionneur vs répondeur), on supputerait aisément
l’existence d’un dispositif frontal et le fonctionnement d’un réseau centra-
lisé…
Cette thèse qui se retrouve un peu partout, dans des manuels scolaires, des
instructions, des articles à caractère didactique-pédagogique, des bilans
d’observation de classe… correspond à ce qui a été essentiellement retenu
de la problématique communicationnelle dans l’institution scolaire. Au fond,
bien que la littérature sur la question ne pose jamais le problème ainsi, cette
thèse considère l’école comme une institution parmi d’autres, siège de com-
munications de toutes sortes (dans la classe mais aussi hors la classe : con-
seils, circulation des informations, etc.). Sous cet angle, l’école est, comme
toutes les institutions, un lieu d’apprentissages incidents : on y apprend au
hasard de ses attentions et de ses besoins, à l’occasion des communica-
tions. Sous cet angle encore, la « bonne » communication apparaît comme
une condition externe de l’apprentissage. Il s’agit là d’une version « faible »
du rapport communication-apprentissage.
L’école est une institution comme les autres, certes, mais elle est aussi insti-
tuée pour que se communique expressément du savoir. Elle est, par cons-
truction, le lieu de l’apprentissage dirigé et, siège de communications en
général ayant pour fonction prédominante la régulation de ses activités, elle
est en outre le siège des communications très particulières par lesquelles elle
réalise son activité, laquelle, précisément à la différence des autres institu-
tions, est de communiquer afin que s’acquière du savoir.
4. Au sens que lui donne D. Hymes, Vers la Compétence de communication, Paris, Crédif-Hatier, coll. « LAL », 1984.
64 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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et par les interactions langagières. Cette version heurte certaines positions
couramment admises en matière d’apprentissage.
Une telle formulation donne à penser que l’apprentissage est un pur proces-
sus intracognitif, propre à l’élève, processus dans lequel l’interaction, quelles
que soient ses formes, n’aurait rien à voir, ou très peu. Si l’élève apprend,
c’est tout au plus par incidence, par le travail cognitif qu’il effectue seul, dans
l’intimité de son esprit, au mieux en appropriant tant bien que mal des frag-
ments du discours magistral.
Par « activité langagière », il faut entendre ici de façon à la fois très prosaïque
et très saillante l’ensemble de ce que l’on ne peut faire qu’avec le langage.
Dans ce vaste tout figurent aussi bien des jeux (ludiques) de langage5 que
des jeux (moins ludiques) cruciaux pour l’apprentissage scolaire, comme,
5. Jeux de ce type :
Pierre (à Paul) : Dis « bonjour » à la dame.
Paul : Bonjour à la dame.
où Paul joue (?) à ne pas comprendre Pierre.
Interaction : une problématique à la frontière ■ 65
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constitutive du procès d’apprentissage.
Si cette approche est correcte, alors les interactions langagières sont consti-
tutives de l’apprentissage et il faut penser ensemble, comme un seul et
même phénomène, l’enseignement et l’apprentissage. Si la mise en garde
« attention, l’enseignant enseigne mais c’est l’élève qui apprend » conserve
de l’intérêt, en ce qu’elle établit l’irréductibilité des positions, elle ne convient
cependant plus tout à fait. Elle rend mal compte du jeu interactionnel auquel
se livrent enseignant et élève et manque la saisie du résultat d’apprentissage
comme coproduction. Encore une fois, c’est la faiblesse de l’interactivité qui
condamne le discours magistral à l’inopérance ou aux seuls effets d’inci-
dence et c’est, corrélativement, dans le contrôle conjoint des énoncés pro-
duits que l’élève apprend.
6. Tel qu’initié par L. Wittgenstein dans ses Investigations philosophiques, repris et travaillé par F. Jacques notamment dans
L’Espace logique de l’interlocution, Paris, PUF, 1985.
66 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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même » parce qu’elles sont toujours ressaisies, après coup, dans un cadre
interactif. Pourrait-on encore parler d’apprentissage dirigé si les séquences
muettes n’étaient pas interactivement ressaisies ?
Enfin, un troisième point de vue interroge la séquence dans ses contenus dis-
cursifs, en fonction de sa spécificité disciplinaire. À cet égard, soulignons que
l’expression « COD » entre dans le discours grammatical où elle prend place
parmi d’autres unités pour constituer le métalangage de la grammaire, où,
surtout, elle prend sens par les relations qu’elle entretient avec d’autres
notions et concepts. Peut-on comprendre la notion de COD, pour peu qu’elle
ait de la consistance, sans saisir aussi et nécessairement l’attribut, le circons-
tant, etc. ?
Par ailleurs, peut-on apprendre ces notions sans construire en même temps
ce que parfois l’on nomme « l’esprit grammatical », c’est-à-dire sans que l’on
développe une manière grammaticale de penser, un certain type d’attitude
par rapport au langage, dans laquelle, tout à coup, il convient de prendre le
langage comme objet de pensée, et d’abandonner pour un temps son rap-
port quotidien usuel au langage ? Cette fois, c’est l’histoire interactionnelle7
qui est en jeu, celle qui fait que, parmi les élèves, certains sont de plain-pied
si l’on ose dire dans la réflexion qui se mène, ont les attitudes cognitives et
langagières qu’il convient d’adopter, tandis que d’autres en sont (ou s’en
sentent) exclus.
7. Référence ici, certes, à la notion élaborée par Golopentia, mais aussi à la problématique de « la fuite du sens », B.-N.
Grunig & R. Grunig, La Fuite du sens. La Construction du sens dans l’interlocution, Paris, Crédif-Hatier, coll. « LAL »,
1985.
Interaction : une problématique à la frontière ■ 67
s’appréhende :
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en tant que centrée en tant qu’objet en tant qu’événement
sur un contenu déterminé langagier de communication
8. Ce tableau est issu d’une série de réécritures. Élisabeth Nonnon en a proposé une première version qui améliorait et pré-
cisait l’un des schémas que j’avais avancés dans l’article de Inter-actions. En son état actuel, compte tenu des remanie-
ments successifs auxquels je l’ai soumis, les éventuelles sottises qu’il contient me sont imputables.
68 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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– rôle de la verbalisation dans la formation des compétences cognitives
– rôle des interactions dans le développement cognitif : interaction de tutelle,
étayage, coopération, conflit sociocognitif
– dispositifs d’interactions didactiques (tâches de groupe, différenciation,
groupes de pairs, ens./élève(s)…)
– types de conduites langagières liées au développement de compétences
cognitives
Exemples de tâches langagières ou de situations de travail, aspects
« protodidactiques » de Y. Chevallard
– conduites de définition, de catégorisation, de généralisation/particularisa-
tion, d’induction/déduction, de conceptualisation…
– négociation du sens des énoncés
– gestion des exemples et contre-exemples en construction de concepts
– analyse des composantes d’une situation-problème, élaboration de ques-
tionnements…
– prévision, formulations d’hypothèses, développements d’une situation-pro-
blème…
– mises en relation diverses, exploration de champs notionnels, de réseaux
conceptuels
– retours sur les procédures, évaluation formative, métacognition, règles et
principes d’action…
– méthodologie
L’apprentissage s’effectue dans et par les interactions langagières et leur
gestion : la communication comme moyen, condition sine qua non de
l’apprentissage.
Référents théoriques : pédagogie générale, psychologie cognitive, psycholo-
gie du développement, psychologie sociale, pragmatique, analyse conversa-
tionnelle…
Interaction : une problématique à la frontière ■ 69
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– sémiotiques spécifiques (schématisation, formalisation, modélisation…)
– élaboration des notions et du métalangage propres à une discipline
– formulation et reformulation des concepts, champs, réseaux…
– objectifs obstacles/de connaissance : repérage, construction, traitement
– métalangage propre à une discipline, termes en contexte spécifié
– modèles des discours disciplinaires (« expliquer » en littérature, disserter,
aspects rhétoriques, modèles méthodologiques, Ohéric de Giordan par
exemple, démonstration en mathématiques, etc.)
Les contenus d’apprentissage sont les enjeux disciplinaires spécifiques des
tâches et situations de travail évoqués dans le cadre précédent.
Référents théoriques : épistémologie, histoire des disciplines, sémiotiques,
analyse des discours, analyse des conceptions (systèmes cognitifs), didacti-
ques disciplinaires…
B ■ Didactique et pédagogie
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même.
Les linguistes accorderont sans peine que l’on peut y retrouver les objectifs
et les enjeux classiquement reconnus de façon impropre sous les étiquettes
de « langue », d’« expression » écrite et orale, etc. Les littéraires regretteront
sans doute que la littérature soit traitée dans l’ensemble des discours
sociaux. À ce sujet, si s’entend encore l’argument de la défense du patri-
moine culturel, s’entend de plus en plus la référence à l’éducation et aux
valeurs. Résurgence de « l’idéologie » ? Sans doute. Mais crainte aussi, et
plus justifiée, qu’en sa centration exclusive sur les savoirs, qu’en sa neutralité
technique, la didactique ne néglige la formation des personnes et les finalités
d’être. Que répondre à cela ? Pour l’essentiel, que le fait de travailler « avec »
des personnes dans l’enceinte de la classe n’implique pas que les personnes
en question soient l’objet direct du travail : l’enseignant n’est ni thérapeute, ni
prêtre, ni idéologue. Que si les valeurs sont en jeu dans la classe – et elles le
sont toujours, à l’occasion de la moindre entreprise dissertative, de la moin-
dre discussion d’un texte –, elles ne sauraient être enjeu direct des communi-
cations. Bref, que le savoir et sa négociation sont les seules médiations
souhaitables pour le maître vers les personnes.
Les maisons d’édition, elles, ne font pas de détail. Elles ont tranché. Les col-
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lections de « didactique » sont sur les présentoirs, l’étiquette fait vendre et le
mot « pédagogie » se fait discret. La noosphère didacticienne pour sa part
est moins assurée. Elle n’en finit pas de référer prudemment à une « disci-
pline en émergence », à un « champ en voie de constitution », elle hésite
dans ses appellations entre « discipline carrefour », « discipline autonome »,
« science humaine à part entière », « technologie », « ingénierie ». Elle s’inter-
roge sur le statut de la didactique, son territoire institutionnel, ses frontières,
ses méthodes, ses objectifs. Pendant ce temps, indice d’une difficulté réelle,
des termes intermédiaires comme celui de didactique générale se mettent à
circuler.
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pour objet d’étude l’ensemble des matériaux, problèmes, méthodes, con-
cepts… intervenant dans l’élaboration didactique des savoirs.
3 Didactique générale ?
Une seconde acception, plus conforme à ce que l’on entend dire çà et là,
concerne la saisie d’un niveau supérieur au métadidactique. Au stade actuel
de flou artistique, la généralité s’établit à la croisée des didactiques
particulières, comme transversalité de hasard. Elle est un pot commun où
sont relégués sans grand contrôle les innovations heureuses, les reliquats (et
les pépites !) des métadidactiques spécifiques11. Cette « didactique
générale » qui se fait en marchant n’est pas une discipline structurée. On
11. La comparaison pourrait se faire ici autour du statut de la pragmatique en sciences du langage, qualifiée de « dépotoir »
par A. Berrendonner & H. Parret (éds), L’interaction communicative, Berne, Peter Lang, 1990.
Interaction : une problématique à la frontière ■ 73
peut imaginer une exigence plus forte : une méta-métadidactique qui serait à
la didactique du français ce que, par exemple, la linguistique générale est à la
linguistique d’une langue particulière12, c’est-à-dire, en principe, une théorie
fournissant des concepts applicables à des objets particuliers. Prenant appui
sur les transversalités, elle serait un véritable champ de travail visant à la
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mise en ordre des concepts existants, à la recherche de nouveaux, à leur
organisation dans le cadre d’une théorie unique susceptible d’expliquer et de
prédire.
La question pratique est de savoir si un tel niveau est réellement, et non pas
seulement spéculativement, envisageable, s’il est utile de s’attaquer à sa
construction ou s’il est préférable de le laisser éventuellement advenir…
Compte tenu de l’état des didactiques de base – à mon sens, la masse cri-
tique de faits disponibles n’est pas suffisante –, j’avoue mon scepticisme et
je ne vois pas que l’on puisse atteindre autre chose qu’une espèce d’usine à
gaz furieusement dogmatique. Par ailleurs, je vois mal figurer, à côté du
didacticien primaire, le métadidacticien primaire et le méta-métadidacticien.
Une chose est de distinguer dans le travail ordinaire du didacticien les
niveaux de réflexion, une autre est d’ériger ces niveaux en disciplines consti-
tuées13. Dans l’état actuel des choses, il me semble urgent de ne rien faire et
préférable de s’en tenir au jeu non réglé des métadidactiques.
12. Je pense ici à quelque chose d’analogue aux « Prolégomènes » de Hjelmslev. Je pense aussi à son destin…
13. Imagine-t-on enseigner la méta-métadidactique aux futurs professeurs ? C’est pour le coup que B. Shaw aurait raison :
« Ceux qui le peuvent agissent. Ceux qui ne le peuvent pas enseignent comment agir. Ceux qui ne peuvent ni agir ni
enseigner enseignent comment enseigner ! » cité par L. Schwartz dans le n° 995 du Point des 12-18 octobre 1991.
74 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES
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Son problème, au demeurant, est au moins autant d’explorer ses frontières
avec la pédagogie que de savoir si elle est purement disciplinaire. L’ensemble
du travail de l’enseignant (polyvalent ou non) n’est en effet pas réductible à
ses options didactiques au sens strict. Les choix des enseignants touchant
aux modes de travail, aux réglages institutionnels, au traitement des parti-
tions culturelles… interfèrent à l’évidence avec le traitement didactique des
savoirs dans l’intervention didactique en classe. Où passe la frontière, au
juste ? Peut-on réellement l’établir et la fonder en raison ? Autant il est utile
de conserver à l’esprit la distinction théorie-pratique, autant il est clair que le
travail du didacticien est en amont de la classe et s’arrête à son seuil, autant
il est difficile de borner scrupuleusement l’approche didactique au seul travail
sur les enseignables comme le donne à penser la définition par laquelle on a
commencé. D’une part, parce qu’à côté des enseignables, il y a les
« apprenables » – ces savoirs qui ne sont pas des objets explicites d’ensei-
gnement mais qui conditionnent l’apprentissage des enseignables et ces
savoir-faire très composites comme le savoir-lire ou le savoir-écrire qui ne se
résolvent ni en savoirs savants, ni en simples sommes de savoir-faire –, et
d’autre part parce que, dans le triangle didactique, les pôles de l’intervention
et de l’élève impliquent le recours à des référents non disciplinaires classi-
quement rangés dans le pédagogique. À délaisser comme hors champ, sous
prétexte de pureté territoriale, les problématiques de l’appropriation et de
l’intervention, l’entreprise didactique tout entière perd son sens et abandonne
le terrain à l’ancienne pédagogie.
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d’enseignement prévus par les chartes officielles, en incluant véritablement
les savoir-faire ? C’est ce que prétend faire en réalité la didactique praxéolo-
gique, au risque, assumé, du brouillage des frontières.
Deuxième partie
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Didactique du français et disciplines de référence
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du langage :
le retour
Jean-Louis CHISS
Si j’ai souvent attiré l’attention sur la pluralité des lexiques qui « parlent »
notre discipline, c’est dans le souci de vérifier – ou d’invalider – l’idée que se
dégagerait un champ homogène de problèmes susceptibles d’être traités au
sein d’une communauté de chercheurs, ce qui ne signifie justement pas la
quête hâtive d’un consensus de façade. La lucidité épistémologique impose
par exemple de constater que des couples notionnels coexistent ou se
superposent dans la même zone sensible des didactiques disciplinaires :
ainsi les concepts d’habitus vs codification (empruntés à la sociologie de
P. Bourdieu), de connaissances procédurales vs connaissances déclaratives
(empruntés à la psychologie cognitive), de savoir-faire vs savoirs (installés
dans les doctrines pédagogiques) jouent-ils dans le système d’oppositions et
de renvois de leurs univers scientifiques propres, tout en se faisant écho sur
le terrain multiforme de l’enseignement/apprentissage de la langue et des
discours.
80 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
Faire l’état des lieux, c’est-à-dire ici prendre la mesure des conceptualités
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régnantes en didactique – du point de vue des didacticiens – apparaît
comme une tâche plus urgente que la reprise des problèmes d’institutionnali-
sation et de statut de scientificité de la discipline. Évidemment, cet état des
lieux ne saurait être envisagé dans le cadre d’une synchronie abstraite et
idéalisante faisant fi du cheminement récent – et plus lointain – d’un certain
nombre de débats : si l’on peut par exemple retrouver aujourd’hui cette évi-
dence que les élèves apprennent dans le dialogue qui se noue avec leurs
enseignants, c’est bien parce que nous avons « usé » la thématique de la
centration sur l’apprenant comme machine de guerre contre les pédagogies
transmissives. C’est alors le détour par l’interaction (ainsi que le montrent
certains travaux de Jean-François Halté) qui redonne vie et consistance à
l’évidence masquée temporairement par le jeu du balancier ; si l’on peut
encore aujourd’hui réévaluer une dimension « communicative » de l’écrit au
sens de traitement – pour l’autre – de l’information, c’est bien parce que nous
avons « usé » la thématique des fonctions expressivo-communicatives de
l’écriture contre les mêmes pédagogies axées sur la transmission, les conte-
nus et l’imitation. C’est alors le détour par son rôle cognitif qui promeut de
nouveau l’écrit au centre de la communication scolaire. Même sur le « temps
court » des travaux de l’association DFLM, on ne peut plus – me semble-t-il –
raconter tout à fait l’histoire de la diversification, et de ses conséquences
dans l’enseignement du français, comme il y a quelques années.
Il est rare qu’une question importante dans une des disciplines que nous
appelons « de référence » n’éveille un écho, ne suggère une direction, ne pro-
voque une réflexion dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentis-
sage. Forçant le trait dans une voie que j’ai maintes fois empruntée, Bernard
Lahire écrivait : « Les théories les plus “pures” ont nécessairement toutes les
chances d’être des systèmes d’explication théorisant plus ou moins cons-
ciemment les pratiques scolaires » (1993, p. 13). Sans aller jusqu’à cette radi-
calité, on accepte désormais plus volontiers – y compris dans l’univers des
« savants » – l’idée des multiples effets en retour des préoccupations didacti-
ques sur les disciplines de référence : des travaux d’histoire et d’épistémolo-
gie montrent la part prise dans les théories savantes par les contraintes de
transmissibilité, l’intérêt que tout savoir a de son propre développement –
parmi lequel figure l’enseignement de ce savoir – et l’importance qu’ont les
Sciences du langage : le retour ■ 81
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Face à l’école en général et à la classe de langue et de discours en particulier
– pour nous, la classe de français –, les sciences du langage ont sans doute
des implications et des responsabilités spécifiques. Je me ferai ici l’écho –
avant d’y revenir plus longuement – de l’inquiétude de certains linguistes et
des didacticiens dont l’origine disciplinaire est la linguistique, sans querelle
de clocher ou souci de partage de territoire mais avec une volonté de mise au
point dont on pourrait escompter des bénéfices heuristiques. Il me semble en
effet que les modes de circulation entre implications théoriques et effets en
retour du didactique, ou tout au moins du scolaire, commencent à se densi-
fier et à se diversifier pour ce qui concerne des disciplines comme la psycho-
logie ou la sociologie : les échecs scolaires en lecture, par exemple,
fournissent un aliment appréciable aux études sociologiques, ethnologiques,
anthropologiques dont on peut en retour tirer des conséquences éducatives.
S’il y a bien ainsi des questions de cette didactique adressées aux disciplines
de référence, il y a évidemment des questions pour la didactique, intrinsè-
quement liées à la culture du langage mais qui s’originent dans des configu-
rations sociales, culturelles et intellectuelles très diverses. Parmi ces
questions qui sont les plus cruciales pour la didactique du français, et dans la
logique des remarques précédentes, on en retiendra deux : la communication
et la culture de l’écrit. Il est certain que ces deux problématiques – sans être,
dans mon optique, constitutives en tant que telles de notre discipline, ce que
signifie le pour – dessinent néanmoins son horizon de projection, c’est-à-dire
82 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
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si l’interaction conversationnelle est la matrice fondamentale de l’usage du
langage, alors – pourrait-on se demander – qu’avons-nous à apprendre du
langage à l’école ? En réalité, on le sait de mieux en mieux, grâce à l’émer-
gence d’une série de travaux ethnométhodologiques ou ethnographiques,
c’est la place du langage dans la totalité du processus éducatif qui fait pro-
blème et c’est donc aux sciences de l’éducation dans leur ensemble qu’il
faut demander de s’emparer de l’activité langagière à l’école. Ce sont elles
qui sont concernées par les usages rhétoriques de la parole scolaire, les rites
d’interaction propres à l’école. Il est clair alors que le travail sur les interac-
tions verbales, globales ou locales, ne saurait être l’apanage de l’enseignant
de français même s’il a une vocation particulière à s’y impliquer. C’est
d’ailleurs bien d’implication et d’enjeux didactiques dont il est question pour
toutes ces disciplines au sein (ou aux marges) des sciences du langage qui
mettent au centre de leur dispositif le concept d’interaction. L’examen de cer-
tains itinéraires – qu’on songe au cas de Dell H. Hymes, sinon inventeur du
moins théoricien le plus célèbre de la « compétence de communication » –
montrerait comment certaines conceptualités se sont forgées au point de
rencontre entre l’expertise en linguistique et l’intérêt pour les problèmes édu-
catifs des enfants de milieux dits défavorisés.
Pour ce qui concerne la culture de l’écrit, il est tout aussi évident que nous
avons affaire là à une dimension transdisciplinaire : alors que la rénovation de
l’enseignement du français a été placée en partie, dès avant les années 1970,
sous la bannière des fonctions expressive et communicative de l’écrit, c’est
plus récemment (mais combien découvre-t-on de nouveaux convertis !) que
s’est introduite chez les didacticiens l’idée du rôle cognitif de l’écrit, du lien
de la culture écrite à la structuration de la pensée, de l’écriture comme possi-
bilité de l’invention de nouveaux objets intellectuels. Les ethnologues comme
Jack Goody ou les historiens de l’écriture ont ouvert ainsi la voie à des explo-
rations peut-être moins orientées vers la langue et les discours que vers la
géographie et ses cartes, la géométrie et ses figures, l’algèbre et son écriture
symbolique ainsi que tant d’autres savoirs sans doute inconcevables sans le
fondement de l’écrit.
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sans écriture dans notre univers lettré ? Comment la psychologie cognitive
traite-t-elle l’individuation des processus de lecture-écriture ? Etc.
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En réalité, le dépassement de la vocation instrumentale de la langue semble
particulièrement délicat dès lors qu’on se situe dans l’ordre de l’exposé
didactico-pédagogique et, parmi les topoi de cet exposé, elle résiste mieux
que la notion de code. C’est ainsi, pour prendre une illustration significative,
que la très remarquable Grammaire méthodique du français (M. Riegel, J.-C.
Pellat & R. Rioul, 1994) place en premier point de son introduction « les lan-
gues, instruments de communication » (p. 2) avec le schéma de Jakobson et
la modulation traditionnelle que constituent les « multiples usages » (p. 3)
matérialisés par les six « fonctions du langage ». Il m’apparaît à l’évidence
plus novateur et productif pour la didactique que, quelques lignes plus haut,
ce soit la notion de point de vue qui constitue la première recommandation
méthodologique pour le travail sur la langue : « C’est un fait connu qu’un
même objet est susceptible de plus d’une description, surtout s’il est com-
plexe. Tout dépend du point de vue auquel on se place, car c’est lui qui déter-
mine le choix des propriétés dites pertinentes » (ibid., p. 1, ce sont les auteurs
qui soulignent). Alors même que certains didacticiens des langues, influencés
souvent par d’autres disciplines que la linguistique, emploient, sans état
d’âme, la notion de code, on veut seulement affirmer ici que le maintien en
didactique du français de certaines « théorisations » du langage, de l’instru-
ment au code et retour, du fait de leur association avec des lieux communs
pédagogiques comme celui de la « boîte à outils », accule la discipline à la
reproduction de l’ancien ou à la suspension du jugement devant l’irruption du
nouveau.
La question qui est pourtant posée aux didacticiens du français – et dans une
certaine mesure aux spécialistes des sciences du langage – est l’existence
de contenus disciplinaires sur le statut et la validité desquels il faut se pro-
noncer. Il ne s’agit évidemment pas d’instaurer un tribunal épistémologique
mais de reprendre les conceptualisations des rapports entre d’une part
savoirs savants comme l’on dit et d’autre part savoirs et pratiques scolaires,
problème qui constitue l’un des axes majeurs de toute didactique. Le chan-
tier désormais ouvert aujourd’hui est de refondre les curricula, de bâtir des
contenus pour la discipline « français », c’est-à-dire des cadres notionnels et
des systèmes d’explication pour l’étude de la langue et des discours. Certes,
la démarche fondatrice ou refondatrice qui est ici convoquée (ne confondons
pas « rénovateurs » et « refondateurs ») ne saurait surtout pas ignorer la
Sciences du langage : le retour ■ 85
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de validité.
Cohérence parce que nous ne pouvons pas encore expliciter une nouvelle
matrice de la discipline scolaire français et que la diversification, souhaitée et
souhaitable, des types de textes et de discours par exemple a objectivement
entravé le processus de globalisation souhaité et souhaitable. Nous avons là
une tension entre deux pôles qui reste à maîtriser et à penser, ainsi que l’illus-
tre la valse-hésitation des didacticiens et des enseignants de français autour
du problème de la place et du statut à accorder à la littérature. Cette tension
reste donc vive ainsi que le montre encore le thème de l’hétérogénéité des
apprenants que nous n’arrivons pas toujours à traiter dans le cadre didacti-
que de l’offre hétérogène de la classe de français où la question de la conti-
nuité entre connaissances portant sur des objets langagiers et
connaissances portant sur des processus (avec les représentations et la mise
en œuvre de pratiques) reste encore largement sans solution. Ce n’est sans
doute pas par hasard si la diversification et l’hétérogénéité ont été au centre
des travaux de l’association DFLM qui leur a consacré deux de ses collo-
ques.
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cause des modalités de présentation et d’argumentation que l’introduction
des linguistiques structurale et générative lors de la première vague rénova-
trice n’a pas fondamentalement modifiées.
Cet effort ne saurait être réduit à l’hygiène des métalangues, au coup d’arrêt
donné aux tribulations terminologiques, aspect visible et dérangeant de la
multiréférentialité en didactique. On sait que derrière les hésitations sur
« typologie des textes » ou « typologie des discours », sur genre et type par
exemple, se cache un empilement de problèmes où se trouvent impliquées
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des conceptions du langage, du social et de l’univers scolaire avec ses
modèles rhétoriques, ses normes d’acceptabilité. À chaque fois, autre exem-
ple, que j’entends critiquer les « approches formalistes du texte littéraire dans
l’enseignement secondaire », je ne pense qu’à une chose : relisons quelques
textes des « formalistes russes » qui ont inspiré ceux qui nous ont inspirés et
on verra qu’ils ne sont pas formalistes, que l’attention aux formes littéraires
est indissociable des questions liées à la valeur de ces formes, qu’ainsi l’assi-
milation formalisme/technicisme permet surtout de construire, de manière
intéressée, le premier terme d’une dualité dont le second terme serait, avec
ses variantes, l’honnête homme, la culture ou le sujet.
D ■ De quelques avancées
pour l’étude de la langue
Nous sommes en fait conduits non seulement à montrer la série des rééla-
borations par lesquelles s’effectuent des passages entre savoirs savants sur
la langue et savoirs et savoir-faire linguistiques-scolaires mais souvent à
repenser les savoirs mêmes, leur consistance et leurs finalités. Si nous
admettons qu’une connaissance de la structure et du fonctionnement de la
langue reste un objet majeur des cours, des séquences dites de « français »,
que l’étude plus ou moins marquée de réflexivité et de conceptualisation des
domaines phonétique, orthographique, morphologique, syntaxique, lexical
avec l’ensemble des implications sémantiques se justifie de quelque manière
que l’on voudra, alors on ne peut échapper aux trois questions suivantes :
quelle langue décrire et enseigner ? Quel statut (de validité en particulier)
conférer aux explications fournies par l’enseignant ? Quel cadre général, quel
type d’organisation choisir pour présenter ces démarches descriptives et
explicatives ? De ce point de vue, la réaction anti-applicationniste des didac-
ticiens et pédagogues vis-à-vis des linguistiques ne saurait plus désormais
justifier un certain éloignement par rapport aux analyses nouvelles de la lan-
gue ou un maintien de catégorisations et explications discutables ou pire
encore le retour à des conceptions appauvries et instrumentalistes identifiant
la langue à du matériel mis en jeu dans des opérations.
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parlé.
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impératifs de la communication pédagogique.
Il est significatif de noter que les linguistes se montrent de plus en plus sensi-
bles à la nécessité de « traiter le flou »1 en constatant d’abord comme une
« impossibilité d’achèvement », un « dérèglement du systématique », dès lors
par exemple qu’on recenserait en français 200 000 noms composés classa-
bles en 500 types… Mais si le travail du linguiste, c’est l’apport permanent de
l’empirique, des « exempliers », la confrontation au « réel de la langue »
(selon l’expression de Jean-Claude Milner), il appartient au fonctionnement
normal de la discipline de pratiquer sans cesse la reformulation des constats
descriptifs, des règles, de fournir de nouvelles définitions aux catégories
grammaticales ; si « tout est flou et mouvance » en particulier dans le
domaine de la locution, si – version épistémologiquement plus forte – l’idio-
maticité et la polysémie sont au cœur même de la langue, sommes-nous
condamnés à révoquer le concept de « système » ? En réalité, la tentation
existe d’utiliser une caricature conceptuelle avec l’opposition simpliste sys-
tème/variations pour mieux disqualifier le système, encore prisonnier du bina-
risme de la structure absolument étranger par exemple à l’édifice saussurien.
La critique exercée contre la méthodologie structuraliste a évidemment sa
pertinence mais elle laisse dans l’ombre la question de savoir exactement ce
qui est « flou » (les catégories peut-être) et où réside la systématicité : sont-
ce les opérations mises en œuvre par le linguiste ? Si l’élaboration d’une
théorie linguistique est dépendante de l’état de langue, du matériel linguisti-
que à disposition, si par exemple elle doit tenir compte d’un développement
sans précédent des clichés langagiers, des rituels, ne met-elle pas en crise
les opérations finalement rudimentaires dont nous nous servons : la substitu-
tion ou la permutation ?
1. Cette expression et les suivantes ont été plusieurs fois employées par divers intervenants lors du Colloque international,
La Locution : entre lexique, syntaxe et pragmatique. Identification en corpus, traitement, apprentissage (ENS Fontenay/
Saint-Cloud, 24-26 novembre 1994), rencontre révélatrice à maints égards des avancées descriptives et d’un certain
« flou » épistémologique de la linguistique française.
90 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
que. Si l’on travaille sur de l’attesté, comment concilier cette visée avec l’idée
de la sélectivité normative, des possibles de la langue entre lesquels le sujet
est censé « choisir » ? Et c’est alors la question de l’enseignable, de sa déli-
mitation qui revient en force, question qui taraude l’esprit des didacticiens
sans que l’on accepte vraiment de l’affronter sur le terrain de la langue, d’une
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langue donnée. Le « flou » ou la complexité – comme l’on voudra – induit
souvent dans le domaine de l’enseignement/apprentissage de la langue
l’idée d’une vanité de la théorisation au lieu d’inciter au redoublement de
l’effort conceptuel.
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scolaire s’emparait, pour toutes sortes de raisons qu’on peut partiellement
analyser, de la notion de transformation, apport des premières versions du
chomskysme jusqu’à la « théorie standard étendue » de la fin des années
1970, M. Gross se heurtait, pour l’application au français du modèle transfor-
mationnel, à la grande hétérogénéité des items lexicaux et réorientait ses tra-
vaux vers une description systématique du comportement des verbes
français et, plus généralement, vers l’organisation du lexique sous forme de
lexiques-grammaires : la construction de ces lexiques-grammaires par le
LADL (Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique à Paris VII)
consiste à donner pour chaque mot (ou groupe de mots significatifs) du fran-
çais une description des phrases types qui caractérisent son fonctionne-
ment, et des relations entre ces phrases. Il n’est pas question d’un simple
catalogue mais d’une organisation des données qui repose sur les travaux
syntaxiques de Harris, auxquels elle ajoute les informations lexicales indis-
pensables sous une forme adéquatement formalisée. C’est qu’il apparaît
impossible d’envisager une règle ou une transformation sans prendre en
compte les unités lexicales mises en jeu. On ne comprendrait pas sans cela
pourquoi certaines transformations comme la transformation passive se trou-
veraient bloquées dans certains cas. D’où le caractère fondamental des traits
sémantiques servant à caractériser les noms dans le lexique-grammaire des
verbes.
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système pour mieux ne pas en tirer les conséquences sur son usage, sa mise
en œuvre. Les avancées conceptualisatrices dans cette didactique devraient
permettre un effacement de la vindicte anti-applicationniste s’exerçant sur-
tout au détriment de la linguistique pour que se continue une des richesses
intellectuelles de la tradition française et francophone, à savoir l’implication
des spécialistes des sciences du langage dans les problèmes d’enseigne-
ment/apprentissage des langues. La poursuite de ce mouvement suppose en
retour que ces mêmes spécialistes ne restent pas sourds au renouvellement
des problématiques didactiques et ne confondent pas l’état actuel de la dis-
cipline « français » avec leurs lointains souvenirs d’écoliers ou de lycéens…
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Didactique
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du français
langue maternelle :
approche(s)
« cognitiviste(s) » ?
Dominique-Guy BRASSART
Les choses semblent ainsi faites que la réflexion de type scientifique sur
l’éducation, sur la transmission-acquisition scolaire des savoirs et des savoir-
faire ne paraît envisageable que grâce aux avancées d’une science ou de
sciences qui n’ont pas comme objet premier et prioritaire les apprentissages
scolaires. Faute d’une science de l’éducation – projet auquel la communauté
des chercheurs en sciences de l’éducation a renoncé –, la légitimité est
recherchée du côté d’une science pilote qui, le plus souvent, considère le
domaine de l’école comme une de ses provinces sur laquelle elle peut exer-
cer ses visées hégémoniques et étendre son empire.
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fins : « parce que les fins de l’éducation sont sociales, les moyens par les-
quels ces fins peuvent être atteintes doivent nécessairement avoir le même
caractère », c’est la sociologie qui, en tant que science des institutions socia-
les, aide à comprendre ce que sont ou à conjecturer ce que doivent être les
institutions pédagogiques en tant que microcosmes sociaux. Et E. Durkheim
de mettre en garde les « messieurs » à qui il s’adresse à l’égard de la psycho-
logie scientifique naissante et, on peut le supposer, des recherches comme
celles conduites par A. Binet : « Vous voyez donc avec quelle prudence et
quelle mesure, même quand il s’agit de la détermination des méthodes, il
convient d’utiliser les données de la psychologie. À elle seule, elle ne saurait
nous fournir les éléments nécessaires à la construction d’une technique qui,
par définition, a son prototype, non dans l’individu mais dans la collectivité »
(E. Durkheim, 1922, p. 109).
Nous n’avons pas l’ambition de participer à notre tour à ces disputes presti-
gieuses. Nous voudrions, plus modestement, évoquer l’intérêt que présente
l’approche cognitiviste, telle que nous la concevons, pour la construction de
ce qui pourrait être une didactique théorique ou scientifique du français.
Nous voudrions également montrer que cette approche ne devrait pas se
figer en une posture dogmatique, en une utopie totalitaire, ni dégénérer en un
slogan adressé aux enseignants : « il n’y a qu’à… ». Il nous semble en effet
que la didactique des disciplines ne peut pas tout régler à l’école, qu’elle
Didactique du français langue maternelle : approche(s) « cognitiviste(s) » ? ■ 97
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gnement qui devraient être les concepteurs de leurs pratiques. Et même
quand la didactique théorique imagine des cycles d’interventions didactiques
et les teste dans des classes, la réappropriation des résultats de ces recher-
ches par les enseignants passe par des processus d’affiliation, d’enrôlement
et de croyance, processus sans lesquels l’implication professionnelle et per-
sonnelle ne paraît pas possible, mais qui échappent dans une large mesure
au pouvoir de la didactique théorique.
A ■ « Révolution cognitive »
et didactique des disciplines
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ment de l’information », pour accomplir des tâches (cf. J. Lautrey, 1982 ; P.H.
Lindsay & D.A. Norman, 1980, entre autres).
Mais même quand les résultats ainsi obtenus confortent sinon confirment les
hypothèses que permet la modélisation et les options qui la sous-tendent,
rien n’autorise à dire pour autant que ces modélisations psychologiquement
plausibles sont « vraies », i.e. qu’elles constituent une représentation réaliste,
une « photographie » de ce qui se passe « dans la tête » des sujets : la carte
n’est pas le territoire. C’est d’ailleurs pourquoi il est possible que deux voire
plusieurs modèles théoriques rendent compte de manière également valide
d’un même traitement cognitif.
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développement-apprentissage, définirait et validerait des « cycles
didactiques », des ensembles d’activités didactiques facilitant le passage
d’une conduite de traitement d’une classe de tâches à une autre conduite
moins « primitive », plus proche des conduites cognitives expertes.
B ■ Connaissances déclaratives,
connaissances procédurales
Le traitement cognitif des textes met bien en jeu des connaissances décla-
ratives « factuelles » relatives au domaine thématique évoqué (C. McCut-
chen, 1986 ; C. Bereiter & M. Scardamalia, 1985, 1987), mais la compétence
textuelle elle-même est de l’ordre des savoir-faire et des connaissances pro-
cédurales, ou stratégiques étant donnée la complexité des tâches (M. Fayol,
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1993 ; M. Fayol & J.-M. Monteil, 1994). Cependant, le développement-acqui-
sition de la compétence textuelle passe sans doute par une ou des phases
métaprocédurales (A. Karmiloff-Smith, 1986, 1993) et s’accompagne d’un
développement métacognitif (J.H. Flavell, 1985, p. 31), même si les effets de
cette « activité méta » ne sont pas nécessairement toujours conscients ni
verbalisables en un « comment j’ai fait pour… » et peuvent rester épilanga-
giers (A. Karmiloff-Smith, 1979, 1993 ; A. Culioli, 1976). La dichotomie
« déclaratif/procédural » doit donc être modulée et complexifiée.
Soit les énoncés suivants (J.-P. Fisher, 1992, p. 22, cités par J. Fijalkow,
1995) :
1. « Un cercle est un ensemble de points équidistants d’un point donné »
(dans un plan, et non dans l’espace…).
2. « Pour construire un cercle, tourner le compas avec un bras fixé jusqu’à
ce que l’autre bras soit revenu à son point de départ » (avec un écarte-
ment constant…).
SUBJECTIVE OBJECTIVE
connaissance/
(je-vraie) (on/nous-vraie)
représentation
déclarative
Spécifique Générique Générique
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métalinguistique (x ?) x x
métaprocédurale x x x
« textes » (voir les travaux de J.-M. Adam) ne sont pas directement assimila-
bles aux « schémas textuels prototypiques » comme représentations cogniti-
ves, même si les formalisations « savantes » qui en sont proposées sont très
voisines sinon identiques. Ces deux notions ne relèvent pas du même
« régime » ni du même « mode » de connaissance.
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Du point de vue des connaissances « subjectives », cela signifie que les con-
naissances déclaratives métalinguistiques, acquises socioculturellement et/
ou transmises par l’école, n’ont pas en elles-mêmes valeur fonctionnelle et
procédurale. Elles peuvent sans doute être mobilisées comme critères de
bonne formation plus ou moins explicites dans des opérations d’évaluation
des objets linguistiques produits, et être enseignées dans une perspective
d’évaluation formative (C. Garcia, 1990 ; D. Bain & B. Schneuwly, 1993). En
revanche, la planification du traitement textuel en production, en rappel voire
en compréhension mobiliserait stratégiquement des connaissances schéma-
tiques, des schèmes de conduites textuelles prototypiques, qui, éventuelle-
ment, peuvent donner lieu à prise de conscience et à verbalisation
métaprocédurale (J.R. Hayes & L. Flower, 1980 ; É. Espéret, 1991).
Les « conceptions » génériques verbalisées par les sujets sont, quant à elles,
à la fois « subjectives » et « objectives » en ce sens qu’elles reflètent une cer-
taine généralisation réflexive des procédures et stratégies effectivement
mises en œuvre par les sujets, et l’influence des connaissances métapro-
cédurales objectives : les représentations sociales ou « ethno-méthodes »
qui « circulent » dans un groupe social, voire les théories ou modèles scienti-
fiques plus ou moins vulgarisés.
Dans ces conditions, les approches cognitivistes (orientées vers les condui-
tes effectives et les représentations subjectives) et sociologiques (orientées
vers les pratiques habituelles et les représentations sociales) ne se recoupent
que partiellement et peuvent ainsi se compléter. On peut cependant se
Didactique du français langue maternelle : approche(s) « cognitiviste(s) » ? ■ 103
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(1991, 1993a), des « modes d’appropriation populaires des textes » à partir
de descriptions génériques par les sujets de leurs pratiques de lecture, en
l’occurrence des types de documents lus, des objectifs ou intentions atta-
chés à cette lecture, des conditions matérielles de lecture, etc. ? Il y a, à tout
le moins, ambiguïté sur le mot « appropriation ».
C ■ « À connaissances procédurales,
didactique procédurale »
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remment trivial. La didactique du français langue maternelle vise à ce que les
apprenants maîtrisent à terme les compétences langagières des experts, et
non pas à transmettre les théories (même transposées) de l’expertise langa-
gière. Enseigner le français, ce n’est pas faire un cours ni même des travaux
pratiques de psycholinguistique. Former ne se réduit pas à informer. Appren-
dre sa langue maternelle ne peut consister à s’approprier le savoir du lin-
guiste ou du psycho-socio-linguiste, qui ne sont pas, en l’occurrence, des
experts « ordinaires ».
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sait pas faire pour apprendre à le faire » (O. Reboul, 1980, p. 42) !
Soit l’exemple classique de l’enfant qui apprend à faire du vélo. Une première
forme de facilitation, fragmentaire, pourrait concerner l’aspect conceptuel du
problème : l’instructeur peut essayer d’enseigner directement de nouvelles
stratégies à l’enfant en lui disant, par exemple, de regarder loin devant lui et
non pas la roue de devant ou le pédalier. Une autre forme de facilitation, dite
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« substantive », pourrait conduire l’instructeur à entrer dans la tâche au titre
de collaborateur direct : il tiendrait la bicyclette en équilibre pendant que
l’apprenti pédalerait, ou, variante « déshumanisée » possible, il pourrait ajou-
ter deux petites roues à l’arrière et transformer le vélo en quasi tricycle. Le
risque de ce type de facilitation est bien évidemment de ne pas permettre à
l’apprenant de faire face seul, une fois lâché, aux aspects critiques de la
situation.
Dans le même ordre d’idée, on parle, pour les activités physiques complexes,
de holon, de « réductions des activités ». Par exemple, on propose aux
débutants des skis plus courts et plus larges que ceux des experts, on joue
au volley-ball à trois après avoir modifié certaines règles, on joue au tennis-
ballon pour développer certaines capacités complexes utiles au football.
« Un holon est une activité réduite, plus simple et plus facile que l’activité-
but. Mais, à la différence des décompositions analytiques des tâches en pha-
ses ou gestes techniques auxquels on entraîne spécifiquement l’apprenant
(avec ensuite de possibles difficultés de « synthèse », d’enchaînement de ces
micro-actes « sémantiquement » pauvres), il garde les caractéristiques de la
tâche-but, en particulier sa fonctionnalité et sa complexité » (B. Pinon, 1980,
p. 54 ; voir aussi J.-L. Le Moigne, 1984, p. 107, note 1).
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sont censées fonder la légitimité de l’intervention didactique procédurale.
J.R. Anderson (1982, 1983 ; F. Testu, 1991 ; J. Tardif, 1992, pp. 357-367 ;
J.-M. Hoc, 1987, pp. 70-71) a décrit ce processus de procéduralisation de
connaissances déclaratives métaprocédurales génériques en analysant com-
ment les élèves mettent en œuvre des méthodes (de résolution de problème
mathématique) présentées dans des manuels scolaires. Il distingue trois pha-
ses. La phase « déclarative » se caractérise par une mise en œuvre lente, pas
à pas, avec des retours fréquents à l’énoncé déclaratif de la méthode à sui-
vre, des répétitions mentales et de nombreuses verbalisations. Elle est suivie
par une phase de « compilation » des connaissances déclaratives métapro-
cédurales grâce à l’entraînement et l’application répétée de la méthode. Lors
de cette phase, sont mis en œuvre des processus de « composition » : plu-
sieurs règles qui sont toujours exécutées dans le même ordre, sont rassem-
blées, « résumées » en une seule règle, et des processus de « procédura-
lisation » : des règles d’actions ou procédures sont construites qui permet-
tent d’éviter le rappel en mémoire de travail des connaissances déclaratives.
Enfin, la phase « procédurale » est atteinte qui accélère encore l’exécution de
la procédure.
1994 pour d’autres exemples) est de ceux qui ont tenté, avec succès si l’on
en croit les résultats expérimentaux publiés, d’enseigner directement des
stratégies de compréhension. Son dispositif didactique, l’ISL pour « informed
strategy learning », se caractérise par l’annonce verbale et l’affichage d’une
procédure-stratégie suivis par une série de modélisations ou démonstrations
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de la stratégie, d’exercices et d’entraînements réalisés par les élèves seuls
ou en groupes (R.J. Stevens et al., 1991). Cependant, l’ampleur et la durée du
cycle didactique sont telles que l’on peut légitimement se demander si l’effi-
cacité de la démarche réside dans l’enseignement direct ou dans l’activité
même des élèves et la réflexion sur cette activité orientée (ce qui rejoindrait le
modèle de l’intervention didactique procédurale…). Les résultats publiés ne
permettent pas de savoir si le parcours d’apprentissage des élèves a réelle-
ment suivi la progression prévue par l’enseignant « ISL » puisque les évalua-
tions sont réalisées seulement avant et après l’intervention et que les élèves
des groupes témoin sont réputés suivre un enseignement « classique » qui
n’est ni décrit ni contrôlé avec précision.
J. Tardif (1992, pp. 368-369), à sa manière, va encore « plus loin » que S.G.
Paris et J.R. Anderson puisqu’il envisage, spéculativement il est vrai, une
procéduralisation de connaissances déclaratives non pas métaprocédurales
mais métalinguistiques. La progression didactique de l’« enseignant
stratégique » commence par la présentation magistrale d’informations théori-
ques sur les propriétés super-structurelles typologiques des textes. Ces con-
naissances déclaratives métalinguistiques permettent aux élèves de
répondre à des questions « théoriques » sur les structures textuelles. Pour
que les élèves puissent, dans des tâches qui restent métalinguistiques, dis-
tinguer, trier et classer des textes en fonction de leurs propriétés super-struc-
turelles typologiques, « ces connaissances déclaratives ont besoin d’être
traduites en connaissances conditionnelles ». Ces connaissances (décla-
ratives et conditionnelles) ne permettent pas encore aux élèves « d’agir sur
les textes pour en reconstruire le sens et en extraire les idées principales. » Ils
ont besoin pour cela « de connaissances procédurales qui encadrent leur
démarche d’extraction des idées principales et de reconstruction du sens. »
La « traduction » des connaissances déclaratives en connaissances condi-
tionnelles et la procéduralisation de ces dernières restent mystérieuses. Seul
est affirmé le principe que ces trois types de connaissances « doivent être
reliées entre elles, non seulement parce qu’elles correspondent à un même
objet de connaissances, mais également parce que leur efficacité dans
l’action n’est assurée que lorsqu’elles sont regroupées dans un schéma
d’action et de réflexion. »
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traitement cognitif des textes, et en particulier de la compréhension des
récits. Il nous semble qu’il convient de prendre en considération cette plura-
lité, non pas parce qu’elle poserait des problèmes de choix d’un modèle de
référence pour l’intervention didactique, mais parce qu’elle ouvre la perspec-
tive d’une didactique cognitive différentielle.
Le modèle qui vient d’être esquissé est encore dominant et sert de référence,
voire de caution scientifique, à des pratiques didactiques qui se sont géné-
ralisées à l’école et au collège. Des critiques ont cependant été énoncées à
l’égard des « grammaires du récit » et, plus généralement, des théories des
schémas textuels prototypiques, entre autres par J.B. Black et G.H. Bower
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(1980), R.C. Schank et R.P. Abelson (1977) ou J.-F. Le Ny (1989, pp. 116 et
210-221). L’argumentation des détracteurs, qui se situent également dans le
paradigme cognitiviste, est globalement la suivante : les catégories textuelles
comme « épisode », « essai », « résultat », etc., sont inutiles dans un modèle
de la compréhension puisque pour comprendre que X est, par exemple, le
« résultat » d’un « essai » Y, on doit savoir ce que sont X et Y et quelle est la
relation sémantique particulière qui les relie. Autrement dit on ne peut rappor-
ter les informations aux composantes d’un schéma textuel avant de les avoir
comprises. Si tel est le cas, pourquoi un lecteur s’embarrasserait-il de cette
tâche supplémentaire ?
plausibles, et, si tel est le cas, de déterminer celui qui permet de modéliser le
plus précisément les processus de compréhension. De ce point de vue, les
résultats que nous connaissons indiquent que les deux modèles sont quasi
également performants dans la prédiction des rappels de récits. D’autres
recherches de validation que celles impliquant des épreuves de rappel
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seraient cependant envisageables, en particulier par le biais du recueil des
commentaires métacognitifs dans des tâches de compréhension. À notre
connaissance, il n’y a pas de résultats disponibles en ce domaine.
On peut estimer, au contraire, que l’on n’a pas affaire à deux modèles dis-
tincts mais, simplement, à des variantes descriptives d’un seul et unique
modèle : seuls divergeraient les métalangages de description forgés par les
chercheurs pour expliciter leur modèle, mais fondamentalement les proces-
sus cognitifs désignés seraient les mêmes dans les deux cas. On se retrouve-
rait alors dans une situation comparable à celle qu’ont connue, par exemple,
les linguistes de l’école générative et transformationnelle pour « départager »
des formalisations concurrentes également capables de modéliser les
mêmes faits de langue : la préférence serait accordée en fonction de critères
purement internes de simplicité, d’économie, voire d’élégance. Cette inter-
prétation ne nous paraît en l’occurrence pas tenable, tant les différences
entre les deux courants sont importantes.
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textuels singuliers
F ■ Conclusion
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buer à prévenir la tentation de concevoir la didactique des textes comme une
(simple) psycholinguistique appliquée, voire une grammaire de texte appli-
quée…
Cet applicationnisme réducteur signifierait que seraient perdus les gains que
les didacticiens du français ont pu enregistrer, grâce aux travaux de la psy-
chologie cognitive du langage, en s’efforçant de devenir des cliniciens des
apprentissages langagiers. Les risques d’une recrudescence du dogmatisme
applicationniste existent aujourd’hui et ils sont d’autant plus forts que la psy-
chologie cognitive jouit encore des charmes de la modernité voire de la
mode. N’y aurait-il pas, cependant, quelque paradoxe à ce qu’une science
qui s’efforce de connaître les processus cognitifs dans leur dynamisme serve
de caution à un aveuglement à l’égard des élèves, à l’égard de ces mêmes
processus ?
Il ne faudrait pas en effet confondre « les mots et les choses » et prendre les
formalisations ou modélisations construites par les chercheurs pour tenter de
rendre compte des objets (construits) textes ou de leur traitement par des
sujets, avec les processus de traitement effectifs. En d’autres termes, ensei-
gner « les arbres textuels ou autres schémas quinaires », comme naguère on
enseignait « les arbres syntagmatiques phrastiques », enseigner un métalan-
gage de description ne peut tenir lieu, a priori et à soi seul, d’une didactique
des textes écrits.
Plus largement, nous ne croyons pas que les enseignants soient de simples
O.S. de la pédagogie chargés de mettre en œuvre servilement et sans vrai-
114 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
ment les comprendre des dispositifs didactiques pensés par d’autres, fus-
sent-ils spécialistes du domaine. Rien ne serait sans doute plus
dommageable que la didactique du français connaisse à son tour les « effets
Diénes » qu’a connu la didactique des mathématiques (G. Brousseau, 1986,
pp. 307-309). Seuls les militants Diénes étaient susceptibles de faire fonc-
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tionner la méthode avec succès. Tout usage neutre ou servile du matériel Dié-
nes conduisait à des échecs et à des déceptions, en raison du
désinvestissement que provoquait chez les maîtres ordinaires cette méthode
réputée efficace d’elle-même au nom d’une loi psychologique. Elle ne laissait
en effet d’autre place aux maîtres que celle de techniciens présentant les
jeux, attendant que les élèves pensent par eux-mêmes, fournissant éventuel-
lement les réponses accompagnées d’une petite explication, envoyant le jeu
suivant, et ainsi de suite. Le « contrat didactique » ne liait plus les maîtres à
l’évolution des conduites cognitives que le jeu Diénes seul était supposé
prendre en charge, indépendamment de leur investissement personnel dans
la négociation didactique.
Si l’on veut non seulement éviter que la classe (de français) ne devienne un
« goulag didactique » (A. Bouvier, 1987) sous l’effet d’une ingénierie didacti-
que techniciste qui ferait des enseignants de simples exécutants désinvestis
et aveugles qui ne saisissent pas le sens de ce qu’ils font, si l’on veut surtout
que les enseignants fassent ce pas de côté qui leur permette d’observer, de
comprendre et d’agir autrement et plus efficacement, encore faut-il qu’ils dis-
posent d’armes pour observer, de cadres pour comprendre et de perspecti-
ves pour agir. Au cœur de leur travail de conception s’exerce, selon nous, la
capacité des maîtres à être des cliniciens des apprentissages scolaires,
c’est-à-dire, entre autres, à chercher à analyser les tâches proposées aux
élèves en termes d’activités cognitives et de processus intellectuels, à y anti-
ciper les problèmes auxquels les apprenants auront à faire face et qui consti-
tuent les objectifs didactiques spécifiques liés à la tâche, à comprendre les
erreurs des élèves autrement que comme des écarts par rapport aux
réponses des adultes experts.
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des didactiques
de la lecture
Jean-Marie PRIVAT
Ainsi, centrée sur un objet culturel légitime, cette pédagogie est-elle fondée
sur le charisme de l’œuvre2 et vise à « développer le goût de la lecture et de
la culture désintéressée »3. Le discours du maître ou du manuel constitue la
référence culturelle et on attend avant tout des élèves qu’ils communient
avec discernement, sensibilité et émotion avec les œuvres, ou du moins avec
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le discours sur les œuvres.
« Expliquer, c’est faire revivre », assurait jadis Pierre Clarac, qui précisait que
« de l’école primaire à la Sorbonne, l’objet de l’explication de texte ne change
pas »4. La lecture est ainsi indissociablement un devoir culturel et un devoir
scolaire puisque l’ambition est de ménager un intérêt « durable »5 pour la lit-
térature.
Dans ce type d’enseignement qui institue le « tête-à-texte », les disciplines
sociologiques et ethnologiques n’ont guère de raison d’être convoquées. Ce
légitimiste didactique peut se résumer ainsi : le salut culturel est « dans la
lecture des grandes œuvres, en elles-mêmes et pour elles-mêmes. C’est de
là que tout découle, à commencer par l’intérêt que les élèves portent à la
classe de français ». « La rencontre avec la littérature » n’est donc pas pen-
sée comme problématique puisque par son rayonnement interne l’œuvre doit
rencontrer « le potentiel de réception d’un esprit libre »6. Cette conception
charismatique de la littérature et cette conception magique de son appropria-
tion ne résistent guère à l’épreuve de la réalité quotidienne des classes ni,
comme on verra, aux observations des sociologues et des ethnologues de la
culture.
Ainsi, il n’entre pas dans la pertinence du questionnement légitimiste de
s’interroger sur la sociologie des pratiques diversifiées du livre (littérature/
paralittérature, fréquentation ou non des lieux habituels de circulation des
livres, etc.) ; il ne convient pas non plus de s’interroger dans cette perspec-
tive sur les modalités de lecture des divers lectorats, sur leurs investisse-
ments, enjeux et attentes profondément contrastés. Les lecteurs sont définis
avant tout comme élèves et non par exemple comme des lectrices qui sont
aussi dans un rapport juvénile et populaire à la lecture.
La cohérence de ce modèle dogmatique de transmission culturelle trouve
cependant ses limites dans des effets peu compatibles avec ses ambitions
affichées. De fait, ce système pédagogiquement et culturellement conserva-
teur dans lequel l’autorité des textes est redoublée par l’autorité du langage
du maître a le triste privilège de ne pas… conserver la plupart de ses lecteurs,
une fois passée la contrainte scolaire.
2. P. Clarac, « La foi dans la vertu des beaux textes », L’Enseignement du français, Paris, PUF, 1963, p. 144.
3. M.E.N., Direction des Lycées et Collèges, Horaires/Objectifs/Programmes/Instructions, « Français, langues anciennes,
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4. P. Clarac, op. cit., p. 67.
5. M.E.N., op. cit., p. 45.
6. H. Mitterand, « Les obsédés de l’objectif. L’enseignement du français en question », Le Débat, 71, septembre-octobre,
1992, pp. 164-172.
Socio-logiques des didactiques de la lecture ■ 121
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est en crise.
Peu à peu s’est introduit en fait dans le monde scolaire un type de livres et un
modèle de rapport aux livres importés des bibliothèques, et plus récemment
encore des médiathèques publiques. On sait que la lecture publique inscrit
son action dans la logique de la libre concurrence culturelle et qu’elle doit
justifier sinon son existence du moins les moyens qui lui sont accordés. Pour
conquérir son public elle développe une offre qui « cherche à faire la preuve
que le divertissement peut être culturel, qui ne veut plus guider mais accom-
pagner, qui accepte de former mais veut surtout informer, et proposer des
libres parcours où chacun puisera selon ses inclinations et motivations »7.
Dans l’univers scolaire, pareillement, ces pédagogies incitatives visent à pro-
voquer le bien-être culturel du lecteur, par opposition sans doute à l’ascé-
tisme triste et trop continûment contraint des lectures trop « scolaires ».
7. M. Poulain, Histoire des bibliothèques françaises, tome IV, « Les bibliothèques au XXe siècle », sous la dir. de M. Poulain,
Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 1992, pp. 6-7.
122 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
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gressive socialisation, de légitimes plaisirs. Cette didactique culturelle est
amenée à ouvrir le corpus des livres proposés ou suggérés, voire tolérés (des
bandes dessinées aux romans policiers ou à la littérature de jeunesse), et
tend à privilégier la convivialité entre lecteurs et l’originalité ou même l’inven-
tivité de chaque lecture.
Ces mêmes sciences peuvent enfin et surtout éclairer les logiques sociales à
l’œuvre dans ces stratégies modernistes de l’offre culturelle, à condition que
l’enseignant veuille bien accepter ce retour critique sur son travail. La socio-
logie-ethnologie des pratiques culturelles permet en effet d’établir, par exem-
ple, que les jeunes filles des milieux populaires et les garçons des couches
favorisées n’engagent ni les mêmes attentes, ni les mêmes compétences,
dans la fréquentation d’une bibliothèque municipale qui est le monde
« naturel » des classes moyennes9. Le sociologue met donc en garde contre
les formes quotidiennes de violence symbolique que recèlent les dispositifs
didactiques les plus anodins, apparemment, et les plus sociocentristes, en
fait, parce que spontanément gratifiants pour le maître et pour une fraction
des élèves. Le modèle libéral s’apparente souvent en effet à « une consom-
mation épisodique de loisirs culturels » et engage donc un rapport aisé,
décontracté, moderne et confiant avec les enjeux d’une pratique culturelle
8. P. Bourdieu, La Distinction, critique sociale du jugement, Paris, Éd. de Minuit, 1979, pp. 422-431.
9. C. Poissenot, « Les raisons de l’absence », Bulletin des bibliothèques de France, tome 38, 6, 1993, pp. 15-27 et
C. Poissenot, Les Adolescents et la bibliothèque, Paris, Centre G. Pompidou/BPI, Études et recherche, 1997.
Socio-logiques des didactiques de la lecture ■ 123
vécue comme faisant partie d’un standing de vie, ni plus ni moins. Ainsi la
didactique à dominante incitative ne remet-elle pas en question les fonde-
ments de la hiérarchie culturelle mais entend faire lire « autrement » en jouant
sur les attitudes pour inculquer en douceur une disposition cultivée « selon
de nouvelles valeurs qui correspondent à l’ethos des nouvelles classes
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moyennes : l’échange, le plaisir, la créativité ». Aussi, pour que ce mode de
transmission diffuse ne se résume pas en une transmission confuse et sélec-
tive, le sociologue propose par exemple au didacticien de « dépasser l’orga-
nisation ponctuelle d’activités, assimilables trop souvent à des “coups
culturels”, pour les intégrer dans une stratégie générale d’inculcation expli-
cite et systématique des différents codes qui permettent l’appropriation réelle
de l’offre […] »10.
Les travaux pionniers de P. Bourdieu et d’A. Darbel sur « les conditions socia-
les de la pratique culturelle cultivée » et sur « les lois de la diffusion cultu-
relle »12 posaient déjà quelques jalons essentiels pour envisager le problème
dans des termes plus conformes au réalisme sociologique (style de l’offre,
arbitraire culturel, capital culturel). Viendront s’ajouter plus tard d’autres étu-
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des ou travaux fondamentaux non moins utiles pour penser didactiquement
les conditions d’une pratique active et gratifiante de la lecture et des livres.
Mais c’est sans doute le déplacement des problématiques sur le lecteur qui a
permis de progresser le plus sensiblement et de façon décisive peut-être, du
moins en termes d’enseignement. Le paradigme didactique s’est en effet
recentré fortement sur l’apprenant, ses stratégies cognitives et linguistiques
de traitement de l’information mais aussi ses propensions culturelles de pra-
tiques des écrits, en situation.
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culturelles mécaniques : ils possèdent une subculture qui les prédispose
ou non aux gestes et aux valeurs de la culture cultivée, mais qui a de
toute façon sa logique spécifique et mouvante, personnelle et interper-
sonnelle.
16. P. Bourdieu, Les Règles de l’art, genèse et structure du chanp littéraire, Paris, Seuil, 1992, p. 455.
17. On pourrait dire de la lecture, en particulier, ce que l’ethnologue américain Clifford Geertz dit de la pensée humaine en
général : « Elle est sociale de bout en bout. Sociale dans ses origines, dans ses fonctions, dans ses formes, dans ses
applications » (C. Geertz, Bali, interprétation d’une culture, Paris, Gallimard, 1983, p. 109).
126 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
son épouse. Il apprend dès le plus jeune âge à son fils à taquiner le goujon et
aime se voir offrir lors de son anniversaire ou à Noël des livres illustrés sur la
pêche écologique en eau douce (il n’a que mépris ou incompréhension pour
la pêche sous-marine suréquipée). Il triomphe enfin quand il peut poser avec
fierté pour le journal local avec « un amour blanc de 6,5 kg et de 83 cm de
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long, capturé à la ligne flottante dans la gravière avec un hameçon n° 10
esché de 6 grains de maïs »18, etc.
Bref, pêche et lecture, loin d’être des actes de pure technique et/ou de pure
intimité individualiste, sont en fait saturées de socialité (gestes appris, dis-
cours et objets échangés, rites appropriés, imaginaires partagés, valeurs
incorporées, stratégies communiquées, etc.), structurées par des réseaux de
socialisation institués ou plus informels, mais que les regards croisés de la
sociologie et de l’ethnologie culturelles peuvent rendre « visibles ». Autrement
dit, si l’on admet que le temps du lecteur déborde largement le temps de la
lecture proprement dite et si « l’illusion de l’intimisme de la lecture privée »19
se dissipe, la didactique ne peut qu’être intéressée par les sciences humai-
nes auxquelles nous faisons référence. En effet, si l’enseignant prend en
compte qu’une pratique de lecteur conjugue une compétence culturelle sans
cesse élargie et une disposition pratique progressivement incorporée, il en
découle au moins deux séries de conséquences didactiques qui touchent au
cœur même du processus de développement lectoral.
Il s’agit ainsi d’introduire, par exemple, des « différences donc des préféren-
ces » dans l’offre livresque en développant une culture du livre : « connais-
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légitimiste, on considérera que l’insertion pratique dans le fonctionnement
codé et structuré du champ lectoral doit faire l’objet d’un travail précoce,
systématique, régulier. Il s’agit bien dans cette didactique des pratiques des
livres de « tâches scolaires, obéissant à des consignes et dont les progres-
sions s’explicitent peu à peu »22. Cependant, cette progressive affiliation cul-
turelle aux règles en vigueur dans le champ des pratiques lectorales n’exclut
pas une initiation critique où le lecteur se construit petit à petit une identité
culturelle23.
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la curiosité intellectuelle des jeunes lecteurs dans la mesure où les commen-
taires d’accompagnement n’existent pas (ou si peu) et ne peuvent donc être
« servis sur un plateau », comme dit R. Hoggart. Voilà par contre un exemple
de lectures vivantes qui provoquent parfois des « conflits d’opinion » fort vifs
dans la mesure où la situation « pose des défis »24. L’un de ces défis est jus-
tement de donner ou non, en fonction de critères à préciser, de la valeur litté-
raire à des textes qui n’appartiennent pas « à l’éternel présent de la culture
consacrée où les tendances et les écoles les plus incompatibles “de leur
vivant” peuvent coexister pacifiquement, parce que canonisées, académi-
sées, neutralisées »25.
Le profit éducatif escompté est bien sûr de rendre les élèves attentifs à la
production romanesque d’aujourd’hui et de les rendre partie prenante dans le
débat littéraire. Il s’agit en somme de « retourner le classico-centrisme et de
faire de l’histoire de la littérature à reculons : au lieu de prendre l’histoire de la
littérature d’un point de vue pseudo-génétique, il faudrait nous faire nous-
mêmes le centre de cette histoire (c’est moi, J.-M. P. qui souligne). De la
sorte, la littérature passée serait parlée à partir d’un langage actuel, et même
à partir de la langue actuelle : on ne verrait plus de malheureux lycéens obli-
gés de travailler en premier le XVIe siècle, dont ils comprennent à peine la lan-
gue, sous prétexte qu’il vient avant le XVIIe siècle, lui-même tout occupé de
querelles religieuses, sans rapport avec leur situation présente »26. Il s’agit
aussi de complexifier les représentations des élèves sur « l’institution
littéraire » faite indissociablement de luttes symboliques, d’instances de
légitimation, de manœuvres économiques, de discours médiatiques, bref de
les initier sur un mode critique au « monde de la littérature »27.
24. R. Hoggart, 33 Newport Street, autobiographie d’un intellectuel issu des classes populaires anglaises, Paris, « Hautes
Études », Gallimard-Seuil, 1991, p. 199.
25. P. Bourdieu, Les Règles de l’art, op. cit., p. 221.
26. R. Barthes, « Réflexions sur un manuel », Le Bruissement de la langue, Essais critiques IV, Paris, Seuil, 1984, p. 55.
27. P. Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1998.
Socio-logiques des didactiques de la lecture ■ 129
dégoûts redoutables : « De ce qu’un savoir est plus juste, plus proche d’une
théorie de référence légitimée, il ne suit pas qu’il soit d’emblée plus ajusté au
système dans lequel il doit s’insérer, ni plus facile à acquérir au plan cognitif,
ni plus accessible culturellement que le savoir qu’il remplace, ni, enfin, à tous
coups plus performant qu’un autre type de savoir »28. La sociologie et l’eth-
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nologie peuvent suggérer quelques réflexions utiles à une didactique des
pratiques culturelles.
Soit l’exemple des représentations que les jeunes lecteurs se font souvent
des écrivains, de leur métier, de leur situation, de leur carrière. Informer sur
28. J.-F. Halté, « Les impasses de l’applicationnisme », La Didactique du français, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992,
pp. 47-49.
29. M. de Certeau, « Lire : un braconnage », L’Invention du quotidien, Arts de faire 1, Paris, UGE, coll. « 10/18 »,1980,
pp. 289-290.
130 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
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très difficilement modifiable De plus, détruire une illusion par un simple dis-
cours de dévoilement, c’est souvent prendre le risque de détruire la
« croyance » nécessaire à une pratique. Comme le signalait Paul Valéry à pro-
pos d’autres discours d’objectivation : « Une littérature dont on aperçoit le
système est perdue ».
Soit cet autre exemple concernant les modalités de lecture des œuvres litté-
raires. Les sociologues de la lecture ont bien montré comment et pourquoi
les jeunes lecteurs (tout comme le lectorat populaire) privilégiaient un rapport
« crédule » aux romans en confondant délibérément – le temps de leur lec-
ture – fiction et réalité, personnage de papier et personne vivante, effet de
réel et réel. Or la lecture légitime se définit par le refus de cette confusion, par
une mise à distance savante et critique de la lecture naïve. L’attention à la
manière, aux formes, au style, aux influences, etc., se fonde sur une
conquête de tous les instants : « résister à la séduction des fictions ». On
doute fort cependant que cette « ascèse » – la renonciation à l’intérêt a priori
essentiel de l’intrigue – résiste longtemps aux « pièges » d’un récit efficace,
même chez un lecteur expert…30
S’il n’existe pas de lecture préculturelle, hors de tout modèle, il faut sans
doute veiller à ne pas détruire certaines manières de lire et certains enjeux de
lecture sous peine de transformer en résistance agressive ou en abandon
honteux ce qui n’était au départ qu’éloignement culturel ou acculturation pré-
caire. Un des effets du contact moyen avec la littérature savante est de
« détruire l’expérience populaire pour laisser les gens formidablement
démunis, c’est-à-dire entre deux cultures, entre une culture originaire abolie
et une culture savante qu’on a assez fréquentée pour ne plus pouvoir parler
de la pluie et du beau temps, pour savoir tout ce qu’il ne faut pas dire, sans
avoir plus rien d’autre à dire »31.
30. Sur les usages sociaux des fictions, voir par exemple, N. Robine, Les jeunes Travailleurs et la lecture, Paris, La Documen-
tation française, 1984, pp. 156-159 notamment, et C. Lafarge, La Valeur littéraire, Paris, Fayard, 1983, pp. 209-281
(citations). Voir aussi l’article très éclairant de G. Mauger & C. Poliak, « Les Usages sociaux de la lecture », Actes de la
recherche en sciences sociales, Paris, Seuil, 123, juin 1998, pp. 3-24 et le chapitre pionnier que B. Lahire consacre
aux « expériences que les lecteurs vivent avec les livres », L’Homme pluriel. Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, coll.
« Essais & Recherches », 1998, pp. 107-118.
31. P. Bourdieu, « La lecture : une pratique culturelle », entretien avec R. Chartier, Pratiques de lecture, Marseille, Rivages,
1985, pp. 227-228. Lire aussi C. Baudelot & M. Cartier, « La lecture au collège. De la foi du charbonnier à une prati-
que sans croyance », Actes de la recherche en sciences sociales, Paris, Seuil, 123, juin 1998, pp. 25-44.
Socio-logiques des didactiques de la lecture ■ 131
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dans leur culture »32 les apprenants. Cette stratégie essaie ainsi de tenir
compte à la fois des effets d’une réelle distance culturelle (la domination) et
des effets d’une certaine spécificité culturelle (la différence).
La deuxième option repose sur l’idée que les chemins qui mènent à la lecture
cultivée sont multiples, même si une censure culturelle habite chacun de
nous : « Qui n’a pensé, un jour ou l’autre, que ce serait déjà une victoire pour
les “vraies” lectures (même virtuelles) si l’on pouvait tarir la lecture (pourtant
actuelle) de la para ou de l’infralittérature ? »34
Je n’insiste pas ici sur l’utilité d’un travail sur la paralittérature puisque la
démonstration de son intérêt didactique a déjà été faite ailleurs35. Je me
borne à en rappeler le quadruple enjeu : ne pas stigmatiser des lecteurs en
stigmatisant systématiquement des lectures (par l’oubli ou le mépris) ; placer
les élèves en situation d’appréhender plus complètement le fonctionnement
du marché littéraire ; travailler les automatismes de lecture de grandes
masses discursives et la reconnaissance des procédés d’écriture sur des
œuvres sémiotiquement moins complexes et plus stéréotypées, dont la
« fabrique » est plus visible, et en ce sens « pédagogique » ; ne pas briser par
excès de légitimisme une éventuelle passion de lire, naissante ou balbutiante,
32. J.-C. Passeron, « Quelques éléments pour contribuer à la réflexion », Actes du Colloque Lecture et bibliothèques publi-
ques, Hénin-Beaumont, Lille, O.R.C., 1982.
33. On sait que ce thème est constant chez P. Bourdieu qui dénonce avec violence la violence symbolique qui s’exerce
immanquablement lorsque l’universalisation des exigences instituées par le fonctionnement d’un champ – culturel ici – ne
s’accompagne pas de l’universalisation de l’accès aux moyens d’y satisfaire. Ce manque « favorise à la fois la monopo-
lisation de l’universel par quelques-uns et la dépossession de tous les autres, ainsi mutilés, en quelque sorte, dans leur
humanité », dans « Esprits d’état, genèse et structure du champ bureaucratique », Raisons pratiques. Sur la théorie de
l’action, Paris.
34. J.-C. Passeron, Le Raisonnement sociologique, Paris, Nathan, coll. « Essais & Recherches », 1991.
35. Voir notamment « Les paralittératures », Pratiques, n° 50, juin 1986.
132 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
peu regardante sur sa matière. Autrement dit, avant d’inciter à la lecture cul-
tivée, il est bien souvent nécessaire de prendre en compte l’encouragement à
lire, tout simplement et d’aider les élèves à se situer dans leur propre par-
cours de lecteurs. En reconstituant, dans ce retour métaculturel, sa trajec-
toire personnelle, le lecteur se constitue en lecteur à ses propres yeux voire
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aux yeux des autres et dessine généralement des zones de surinvestisse-
ment et de sous-investissement culturels que l’action didactique peut alors
prendre en compte36.
Les observations des sociologues montrent d’autre part que l’espace dans
lequel se formule une proposition de lecture est déjà une proposition de
sens37. « Par leurs aménagements, par l’attitude de leurs personnels comme
par le symbolisme de leurs mobiliers, par l’allure des gens que l’on y croise,
de ceux que l’on y reconnaît ou de ceux que l’on éviterait ailleurs, par toutes
les interactions sociales qu’ils encouragent ou qu’ils dissuadent [les espaces
de lecture mettent inégalement à l’aise ou en état de malaise] »38. C’est cette
raison qui doit inciter à encourager les jeunes lecteurs à fréquenter des lieux
diversifiés d’offre du livre et à les « accompagner » dans leurs cheminements.
36. Sur les entretiens d’explicitation culturels et leurs enjeux didactiques, voir B. Duhamel, « S’entretenir de leurs lectures »,
Pratiques, n° 80, déc. 1993, pp. 56-77 et M. Burgos, « Lectures privées et lectures partagées », id., pp. 78-94.
37. Voir notamment, outre les ouvrages déjà cités de J.-F. Barbier-Bouvet, M. Poulain & E. Véron, les travaux d’E. Véron & M.
Levasseur, Ethnographie de l’exposition, I’espace, le corps, le sens, Paris, BPI, coll. « Études et recherche », Centre G.
Pompidou, 1989 et ceux de M. Grumbach & J.-C. Passeron, L’Œil à la page : enquête sur les images et les bibliothè-
ques, Paris, BPI, coll. « Études et recherche », Centre G. Pompidou, 1988.
38. J.-C. Passeron, op.cit., chap. XIV « Le polymorphisme culturel de la lecture », p. 342.
39. M. Poulain, « La lecture, lieu du familier et de l’inconnu, du solitaire et du partagé », J.-M. Privat & Y. Reuter (éds), op.
cit., pp. 127-136.
40. Les sociabilités sont à considérer comme des médiations particulièrement intéressantes dans la mesure où elles obligent
l’enseignant-médiateur à jouer sur les dynamiques sociocognitives des apprentis-lecteurs eux-mêmes. Les sociabilités sont
par définition à la jonction d’un habitus et d’un champ : elles permettent l’incorporation des structures du monde culturel
et autorisent la reconstruction d’un monde culturel par la mise en œuvre, plus ou moins transformatrice, de ces mêmes
structures (voir P. Bourdieu, « Entretien sur la pratique, le temps et l’histoire », op. cit., pp. 169-173). L’intervention didac-
tique consiste alors à articuler des objets d’enseignement et des conditions d’appropriation dans une perspective propre-
ment praxéologique (sur ce point voir J.-F. Halté, op. cit., pp.16-17, et L. Cornu & A. Vergnioux, La Didactique en
questions, Paris, CNDP-Hachette Éducation, 1992, pp. 69-70).
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dans le fait bien établi que les plus grands/gros lecteurs, lettrés ou non, sont
aussi ceux qui connaissent le mieux et fréquentent le plus les bibliothèques
et les librairies. Cette loi du cumul culturel trace un programme de travail et
une réflexion générale sur les conditions et les objectifs précis d’une coopé-
ration entre les partenaires du livre et notamment avec les bibliothécaires de
la lecture publique.
41. P. Bourdieu, Les Règles de l’art, op. cit., pp. 242-243. J’élargis au lecteur ce que Bourdieu dit de la « fabrication » de
l’œuvre.
42. M. Burgos et J.-M. Privat, « Le Goncourt des lycéens : vers une sociabilité littéraire ? », Lire en France aujourd’hui, sous
la dir. de M. Poulain, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, coll. « Bibliothèques », 1993, pp. 163-181.
43. Voir l’exemple développé par D. Lelièvre-Portalier & M.-C. Vinson, « La bouquinerie au collège : un nouveau marché de
lecture », Pratiques, n° 80, décembre 1993, pp. 35-55.
134 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
travail de lecture, savoir lire plusieurs livres dans une même période de lec-
ture, etc.
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laisse les élèves se débrouiller… ou s’embrouiller, faute de mettre en œuvre
des habiletés polytechniques qui correspondent à ces compétences artisan-
ales44.
Il serait bon que ces opérations du lecteur de demain soient des opérations
encouragées et pratiquées par tout jeune lecteur d’aujourd’hui, quel que soit
le support. À charge pour l’enseignant d’en organiser l’apprentissage rai-
sonné dans la mesure où ces facilitations procédurales – comme en produc-
tion écrite – entrent dans les processus pratiques et symboliques de
régulation, de planification et de révision d’une praxis intellectuelle structurée
par la logique de la literacy.
44. Pour de plus amples développements, J.-M. Privat & M.-C. Vinson, « Médiations culturelles et médiations textuelles au
lycée », Pratiques, n° 107-108, décembre 2000, pp. 205-219, et surtout J.-M. Privat et al., « Vers une didactisation
des médiations textuelles », Cahiers du français contemporain, 7, novembre 2001, pp. 161-177.
45. J. Goody & I. Watt, « The Consequences of Literacy », Literacy in traditional societies, ed. by J. Goody, Cambridge
U.P., 1968, pp. 27-68, et J. Goody, La Raison graphique, Paris, Minuit, 1979.
46. G. Cavallo & R. Chartier, op. cit., p. 37.
8
Développement,
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compétences
et capacités
d’action des élèves
Jean-Paul BRONCKART
Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire des idées pédagogiques, on peut
relever des prises de position didactiques qui, d’une part dénoncent l’« état
des choses » (critique de la surcharge des programmes, des méthodes à
caractère déductif, des relations pédagogiques fondées sur la contrainte,
etc.) et qui, d’autre part manifestent un souci de définir des procédures
d’enseignement adaptées aux capacités naturelles d’apprentissage des
élèves : « l’enseignant serviteur de la nature », selon la formule célèbre pro-
posée par Comenius dans sa Didactica Magna (1638/1981). Généralement
inspirées des principes politico-philosophiques d’éducabilité, de progrès et
de démocratisation, ces prises de position, si elles ont débouché parfois sur
des innovations pédagogiques intéressantes, n’ont cependant guère exercé
d’effets durables sur les démarches d’enseignement à l’œuvre dans les sys-
tèmes éducatifs. Il a fallu en réalité attendre le premier quart du XXe pour
qu’elles soient réellement prises en compte, sous l’effet conjugué de leur
reformulation par les pionniers de l’Éducation nouvelle et/ou de l’Éducation
active, et de l’émergence d’un contexte socio-économico-politique rendant
possible leur opérationnalisation. Depuis cette époque, il est formellement
admis que toute démarche d’enseignement doit se fonder sur l’« état de
développement psychologique des élèves », qu’elle doit notamment s’articu-
ler aux compétences intellectuelles, aux capacités d’action et aux capacités
verbales des apprenants.
Même si elle n’est pas sans poser quelques problèmes délicats (dont notam-
ment celui des rapports entre les besoins des élèves et les besoins de la
136 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
société), cette injonction nous paraît recevable dans son principe, et le pro-
pos de cette contribution sera en conséquence d’analyser les conditions de
sa faisabilité. Deux questions nous retiendront plus particulièrement :
– Comment décrire et conceptualiser le « développement psychologique » ?
– Comment exploiter nos connaissances des caractéristiques de ce déve-
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loppement dans le cadre des activités concrètes d’enseignement d’une
discipline scolaire ?
A ■ La problématique
du développement psychologique
1 Le behaviorisme
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il a été exposé au cours de son existence ;
c) les institutions sociales, par le biais du langage, exercent un contrôle
puissant sur les individus, et ces derniers y réagissent en tentant d’exer-
cer un « contre-contrôle », qui est cependant rarement efficace.
2 Le constructivisme piagétien
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actions, qui ne font eux-mêmes que « traduire » les propriétés fonctionnelles
du système nerveux central ; les causes ultimes du comportement humain
sont donc pour Piaget d’ordre biologique. Mais l’évocation de cette « base
biologique » ne suffit cependant pas à expliquer le développement propre-
ment psychologique du sujet, et pour rendre compte de ce dernier, Piaget a
introduit ce qu’il qualifie d’explication par construction de modèles. Cette
démarche consiste à formuler des hypothèses sur la structure de l’organisa-
tion mentale sous-tendant les comportements, puis à procéder à la validation
de ces hypothèses, et elle se déploie en trois temps. D’abord, le recueil des
données et l’établissement de « lois empiriques » attestant de la généralité de
la dépendance d’un phénomène par rapport à un autre et permettant de la
sorte la prévision (« si x, alors généralement y »). Ensuite, la mise en connexion
des régularités observées et l’identification de nouvelles lois vraisemblables :
les « lois déductives » qui découlent logiquement ou nécessairement de la
combinatoire des lois attestées. Enfin, l’élaboration d’un modèle mathémati-
que (groupement des déplacements, groupe INRC, etc.) intégrant les diffé-
rentes lois selon ses normes propres de composition et construit de telle
manière qu’il permette une mise en correspondance entre les transforma-
tions déductives qui le caractérisent et les transformations observables dans
les comportements d’un sujet. Un tel modèle peut être validé par « retour aux
données empiriques », et il n’est considéré comme explicatif que « dans la
mesure où il permet d’attribuer aux processus objectifs eux-mêmes une
structure qui lui est isomorphe » (1970, p. 114).
3 Le cognitivisme orthodoxe
C’est un lieu commun d’affirmer que ce courant se donne pour objet essen-
tiel l’esprit humain, conçu en tant que « système de traitement de
l’information ». Dans la perspective développée notamment par D.E. Rumel-
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hart & D.A. Norman (1988), les comportements observables ne sont que des
« signaux », relevant du milieu ou du « monde représenté », et constituant la
base empirique à partir de laquelle le chercheur effectue des inférences.
Celles-ci permettent d’élaborer des modèles rendant compte des caractéris-
tiques structurales et fonctionnelles du « monde représentant », en l’occur-
rence des deux aspects de ce second monde que constituent, d’une part
l’état physique du cerveau, d’autre part l’état des connaissances du sujet.
Pour le cognitivisme, l’humain est donc essentiellement une mécanique qui
traduit les informations disponibles dans le premier monde en représenta-
tions mentales, qui stocke ces représentations, les organise et les trans-
forme. Les modèles successifs élaborés par ce courant (pour une
présentation plus détaillée, cf. J.-P. Bronckart, 1991) présentent certes des
différences notables : « modèles à base propositionnelle » dans lesquels la
connaissance est représentée par des suites de symboles organisés en
arbres, en réseaux, ou en configurations plus structurées (schéma, frame,
script, plan) ; « modèles analogiques » qui visent à reproduire, de manière
aussi directe que possible (c’est-à-dire tendant à l’isomorphisme), les carac-
téristiques du monde représenté, et dont la forme la plus élaborée est sans
doute celle des « modèles mentaux » de P.N. Johnson-Laird (1983) ;
« modèles procéduraux » qui ont pour but de simuler les savoir-faire prati-
ques, c’est-à-dire ces formes de connaissances « inaccessibles » que les
sujets mettent en œuvre dans des activités concrètes (par exemple, les
divers processus impliqués dans la prononciation du mot métaphysique).
Mais dans tous les cas, ces modèles ont une architecture et un mode de
fonctionnement explicitement inspirés par la « métaphore de l’ordinateur »
(cf. J. McClelland & D.E. Rumelhart, 1986) : prenant appui sur la cybernétique
et sur l’intelligence artificielle (IA), le cognitivisme considère que l’esprit
humain est structuré et fonctionne comme un ordinateur.
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statut des informations que traite l’esprit : celles-ci semblent constituer des
universaux déjà là, qui relèveraient d’une logique immanente du monde des
choses. On retrouve ici le paradoxe constant des positions non interaction-
nistes et leur présupposition d’un monde tout entier préconstruit que nos
structures mentales ne feraient que retrouver ; l’impasse à laquelle conduit
cette position a pourtant été démontrée depuis longtemps par le Tractatus et
par l’œuvre de Wittgenstein en général ! Ensuite, s’agissant de la forme
d’organisation des représentations mentales, le cognitivisme, récusant la
logique émanant de l’interaction, postule l’existence d’un système symboli-
que inné dont les unités et la syntaxe ne seraient autres que celles de la
grammaire générative. Le langage de l’esprit serait donc organisé comme le
langage humain, celui-ci n’étant toutefois pas saisi en tant que système
sous-tendant les pratiques verbales à l’œuvre dans les sociétés humaines,
mais, comme le reconnaît benoîtement J.-P. Desclés, en tant que « système
symbolique séparé de son environnement socioculturel et anthropologique »
(1980, p. 82).
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l’abri de toutes les formes de médiations socioculturelles. Enfin et en consé-
quence, dans un tel cadre, le telos du développement, ce vers quoi est censé
tendre inéluctablement le fonctionnement psychique humain, est une raison,
de plus en plus pure, de plus en plus abstraite, de plus en plus mathémati-
que. Et à y réfléchir un instant, il n’est pas évident que ce postulat ne puisse
pas être discuté.
4 L’interactionnisme vygotskien
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explicite : les idées préexistent de toute éternité dans la matière, parce
qu’elles ne sont que la manifestation de l’activité divine, infinie et parfaite.
Rejetant le panthéisme, et plus généralement la question de la déicité,
Vygotski ne pouvait évidemment admettre la thèse de l’idéalisme objectif. Il
lui fallait donc se doter d’une conception du statut et de l’origine de l’idéel qui
soit différente, tout en restant compatible avec le monisme spinozien et avec
la dialectique hégelienne, et c’est dans les écrits de Marx et Engels qu’il iden-
tifiait une voie de solution à ce problème. Dans les Thèses sur Feuerbach, et
dans L’Idéologie allemande, ces auteurs, tout en conservant les principes
mêmes de la dialectique hégelienne, en inversent le postulat de départ : ce
n’est pas la dialectique de la conscience qui explique la vie matérielle et l’his-
toire des peuples, mais c’est la vie matérielle des hommes qui explique leur
histoire, et le fonctionnement psychique humain n’est dès lors qu’un produit
de cette vie matérielle. Et ils affirment en outre que la spécificité de l’essence
humaine, en particulier sa capacité de pensée active, ne peut découler direc-
tement des propriétés du corps humain ; elle ne peut procéder, comme le
montre Engels dans La Dialectique de la nature que de la réintégration, en
l’humain, des propriétés de la vie sociale objective, dans ses aspects de
praxis, d’action et de langage. La voie pour Vygotski était dès lors toute
tracée ; il s’agissait de démontrer comment le social se mue en idéel, et com-
ment ensuite l’idéel interagit avec le corporel.
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ensuite une fonction individuelle de planification et de contrôle des actions
propres. Le langage intériorisé devient alors (quatrième étape) l’organisateur
fondamental du fonctionnement psychologique de l’enfant. L’ensemble des
constructions mentales issues de la racine préverbale de l’intelligence est
désormais pris en charge et contrôlé par des unités langagières, dont l’enfant
sait qu’elles sont signifiantes, et sur lesquelles il va donc pouvoir opérer. Le
fonctionnement psychologique devient ainsi fonctionnement conscient, et la
pensée s’instaure comme produit de l’intériorisation des unités et des struc-
tures de la langue de l’entourage social.
Dans une telle conception, ce sont à l’évidence les médiations sociales qui
entraînent et organisent le développement : de manière strictement inverse à
ce que proposait Piaget, « c’est l’apprentissage (social) qui “cause” le
développement ».
144 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
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Nous pensons qu’il nous y ramène au contraire bien plus sûrement.
La critique que nous adressons au cognitivisme est radicale pour ce qui con-
cerne ses fondements épistémologiques et pour l’avenir qu’elle prétend tra-
cer à la psychologie. Mais, comme ce fut le cas naguère du behaviorisme, la
plupart des chercheurs n’adhèrent à ce courant qu’en tant qu’il constitue une
mode difficilement contournable, et que les postulats épistémologiques n’y
fonctionnent en quelque sorte que « par défaut ». Ce qui signifie que les mul-
tiples données empiriques recueillies dans ce cadre sont, en soi, respecta-
bles et doivent être prises en compte. Mais, pour le didacticien, la question
que posent ces données est celle de leur statut ou de leur interprétation.
S’agissant de la lecture par exemple, si des expériences de psychologie
cognitive démontrent que les processus de bas niveau, comme la cons-
cience phonologique, jouent au départ un rôle plus décisif que les processus
de haut niveau, qu’est-ce que cela implique pour les activités d’enseigne-
ment et d’apprentissage scolaire ? Et la même question peut être posée pour
ce qui concerne les données relatives à la production ou à la compréhension
des textes, ou pour tout autre corpus de données relatives à l’acquisition du
langage. La leçon majeure de trois quarts de siècle de psychologie du déve-
loppement, que celle-ci relève du constructivisme piagétien ou de l’interac-
tionnisme social, est que les caractéristiques d’un état synchronique de
fonctionnement psychologique ne permettent jamais de préjuger directement
des modalités de construction de cet état, c’est-à-dire des processus dont il
est le produit. Et c’est à l’évidence au niveau de ces processus mêmes que
peut intervenir la démarche d’enseignement. Les données élaborées par la
psychologie cognitive doivent donc impérativement être réintégrées à une
conception du développement épistémologiquement crédible et pratique-
ment opérationnelle, ce qui implique notamment l’abandon de l’inutile postu-
lat d’innéité des structures mentales.
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piagétienne est transposable à la didactique des mathématiques, par exem-
ple, mais il s’agit aussi d’un leurre relatif, et ce pour une seconde raison, plus
profonde et plus générale. Les possibilités d’apprentissage sont, dans la logi-
que constructiviste, la conséquence des caractéristiques d’un stade de
développement ; il importe donc de connaître ce stade pour choisir la démar-
che d’enseignement à mettre en œuvre. Or, comment identifier ce stade chez
chacun des élèves composant une classe ? L’expérience montre que, dans
les conditions de travail qui sont les siennes, un enseignant n’a ni le temps ni
les moyens de procéder à l’évaluation de cet état ; de manière plus concrète,
aucun enseignant ne peut administrer régulièrement les multiples tests sus-
ceptibles de fournir un « bilan cognitif » sérieux de chaque élève. Cette
impossibilité est radicale, incontournable, et en conséquence l’enseignant ne
peut que supposer un état théorique, ou un état cognitif moyen, qui est celui
de la classe d’âge à laquelle appartiennent les élèves.
si cette option nous paraît la plus adaptée à la solution des problèmes didac-
tiques, c’est d’abord parce qu’elle est délibérément centrée sur l’analyse du
développement humain dans son cadre social, et notamment dans le cadre
scolaire. C’est ensuite parce qu’elle pose que ce sont les interventions
humaines, les activités collectives médiatisées par le langage et les significa-
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tions socioculturelles qui en émanent, qui orientent les apprentissages des
élèves. C’est encore parce qu’elle reconnaît que ces apprentissages sont les
ingrédients constitutifs du développement lui-même, et qu’en conséquence,
étant donné la diversité et la complexité des interventions sociales, ce déve-
loppement s’opère, pour chaque apprenant, à des rythmes différents et selon
des modalités spécifiques (cf. B. Schneuwly, 1994). C’est enfin parce que
cette option propose des ébauches de conceptualisation des conditions
d’apprentissage en situation scolaire qui peuvent être considérées, en droit,
comme des ancêtres des concepts que proposent aujourd’hui les didacti-
ques des disciplines scolaires.
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La psychologie de Vygotski reste, comme celle de Piaget, et quelles que
soient les hésitations que l’auteur ait pu manifester sur ce point, marquée par
une conception très rationaliste du développement, par l’idée que le devenir
humain est en définitive tendu vers la construction de connaissances tou-
jours plus rationnelles et plus décontextualisées, quand bien même ce sont
des significations contextualisées, des représentations sociales, qui caracté-
risent les phases initiales de ce processus. La conséquence en est que le
développement est censé se produire dans l’interaction et la coopération de
partenaires « de bonne foi », qui ne rencontrent que des obstacles d’ordre
scientifique dans l’élaboration de la connaissance de la vérité du monde.
Mais tout enseignant est, on le sait, quotidiennement confronté à la « mau-
vaise foi », au refus, à l’incapacité inexplicable de comprendre et d’appren-
dre. Et ce parce que les cadres culturels et familiaux, les caractéristiques
socio-affectives des élèves constituent l’obstacle majeur du développement,
ou si l’on préfère, le terrain même en lequel s’élabore ce développement.
C’est dans la compréhension, la négociation et l’exploitation même de ce ter-
rain que doit s’orienter la recherche de solutions didactiques. Ce qui signifie
plus largement que l’interactionnisme social a encore un long chemin à
accomplir pour proposer une conception du développement et des appren-
tissages qui soit véritablement culturelle et véritablement sociale.
Références bibliographiques
BESSON, M.-J. & BRONCKART, J.-P. (1995) : « L’exploitation de la Zone de
Développement Proche en didactique des langues », Psychologie et Éduca-
tion, 21, pp. 39-50.
BRONCKART, J.-P. (1991) : « Représentation », dans R. Doron & F. Parot (éds),
Dictionnaire de psychologie, Paris, PUF.
BRONCKART, J.-P. (1997) : « Action, discours et rationalisation. L’hypothèse
développementale de Vygotski revisitée », dans Ch. Moro, B. Schneuwly & M.
Brossard (éds), Outils et signes. Perspectives actuelles de la théorie de
Vygotski, Berne, Peter Lang.
COMÉNIUS (1638) : Didactica magna ; universale omnes omnia. Trad. fr. partielle,
dans J. Prévot (1981), L’Utopie éducative : Coménius, Paris, Belin.
DESCLÉS, J.-P. (1980) : « Quelques systèmes de représentations linguistiques et
métalinguistiques », dans La Contribution des disciplines scientifiques à la
notion de système, Lyon, CNRS.
HABERMAS, J. (1987) : Théorie de l’agir communicationnel, Paris, Fayard.
JOHNSON-LAIRD, P.N. (1983) : Mental Models, Cambridge, Cambridge Univer-
sity Press.
148 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE
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tions sociales.
PIAGET, J. (1936) : La Naissance de l’intelligence chez l’enfant, Neuchâtel, Dela-
chaux & Niestlé.
PIAGET, J. (1937) : La Construction du réel chez l’enfant, Neuchâtel, Delachaux &
Niestlé.
PIAGET, J. (1945) : La Formation du symbole chez l’enfant, Neuchâtel, Delachaux
& Niestlé.
PIAGET, J. (1970) : Épistémologie des sciences de l’homme, Paris, Gallimard.
RICŒUR, P. (1986) : Du texte à l’action ; essais d’herméneutique II, Paris, Seuil.
RUMELHART, D.E. & NORMAN, D.A. (1988) : « Representation in Memory », dans
R. Atkinson (ed.), Steven’s Handbook of Experimental Psychology.
SCHNEUWLY, B. (1994) : « Contradiction and Development : Vygotski and
Paedology », European Journal of Psychology of Education, 9, pp. 281-291.
SCHNEUWLY, B. & BRONCKART, J.-P. (éds) (1985) : Vygotsky aujourd’hui, Paris,
Delachaux & Niestlé.
SERON, X. ET LATERRE, C. (1982) : Rééduquer le cerveau ; logopédie, psycholo-
gie, neurologie, Bruxelles, Mardaga.
SKINNER, B.F. (1974) : About behaviorism. Trad, fr. F. Parot (1979), Pour une
science du comportement : le behaviorisme, Paris, Delachaux & Niestlé.
SPINOZA, (1964) : Trad. fr. du Traité de la réforme de l’entendement, Paris, Flam-
marion.
VYGOTSKI, L.S. (1934) : Myschlenie y rech’. Trad. fr. (F. Sève), Le Langage et la
pensée, Paris, Éd. sociales, 1985.
WITTGENSTEIN, L. (1961) : Tractatus logico-philosophique, Paris, Gallimard.
WEBER, M. (1971) : Économie et société, Paris, Plon.
VON WRIGHT, G.H. (1971) : Explanation and Understanding, Londres, Routledge
& Kegan Paul.
Troisième partie
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Didactique du français :
histoire, institutions, acteurs
Les quatre contributions réunies dans cette troisième partie essaient de cir-
conscrire en diachronie et en synchronie la didactique du français langue
maternelle comme un champ de recherches et d’interventions – double voca-
tion qui fait, semble-t-il, désormais consensus. Si l’on ne peut prétendre
encore faire l’histoire sociale de la discipline, au moins peut-on percevoir les
évolutions institutionnelles, les variations en fonction des contextes géogra-
phico-culturels, les complexités de fonctionnement eu égard à la multiplicité
des acteurs impliqués.
Il est clair que l’histoire des Instructions officielles et programmes, des acti-
vités, des exercices constitue une donnée essentielle pour la compréhension
des dispositifs didactiques tout comme l’examen des lieux de recherche, de
décision et d’édition. L’imbrication des questions épistémologiques et institu-
tionnelles semble aussi un phénomène particulièrement prégnant dans notre
champ et paraît singulièrement s’illustrer dans la figure du formateur soumis
à des injonctions contradictoires qu’il partage partiellement avec l’« ensei-
gnant-chercheur ». Enfin, il est important et fécond que se pose toute une
série de problèmes sur l’amplitude du terrain couvert par la didactique du
français là où les considérations historico-politico-institutionnelles détermi-
nent des cloisonnements (par exemple entre didactique du français langue
maternelle, étrangère et seconde) que ne justifieraient vraiment ni les fonde-
ments théoriques ni l’examen des conditions concrètes des processus
d’apprentissage.
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historiques :
l’exemple
de la « rédaction »
André PETITJEAN
1. Je remercie les services de documentation de l’INRP et du Musée national de l’éducation (Mont Saint-Aignan) pour leur
compétence et leur disponibilité.
152 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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A ■ 1923
1 La composition de phrases
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Au cours moyen, l’élève devra :
1. combiner ses phrases par coordination ou par juxtaposition (« la pendule
marque les heures et une sonnerie les annonce » ; « la pendule est arrêtée,
il faut la remonter ») ;
2. enrichir son idée à l’aide d’une phrase complexe (« Quand la pendule mar-
che, on entend son tic-tac ») ;
3. passer des phrases uniquement déclaratives à d’autres modalités phrasti-
ques (négative et interrogative) ;
4. effectuer des manipulations phrastiques (déplacement par inversion et
condensation de phrases expansées) ;
5. réussir à écrire un paragraphe.
« Moins exigeant à cet égard que l’ancien plan d’études, le nouveau conseille
aux instituteurs de borner l’effort des enfants de dix ans à la construction
d’un paragraphe. Après avoir imaginé quelques phrases sur un sujet déter-
miné, les grouper logiquement en un développement d’une douzaine ou
d’une quinzaine de lignes, voilà tout ce qu’on demande à ces enfants. C’est
tout ce qui est demandé à la première partie de l’exercice du certificat d’étu-
des primaires, à celle qui sanctionnera les études faites au cours moyen. »
Comme l’illustrent les exercices proposés par Maquet, Flot et Roy, la com-
mande scripturale est de l’ordre de la description, à partir d’une matière réfé-
rentielle supposée connue de l’élève ou présentée à l’aide d’un support
iconique. C’est ainsi qu’à partir de trois vignettes qui représentent une cham-
bre, la boutique de l’épicier et la cour d’une ferme, on demande à l’élève de
réaliser l’activité suivante :
154 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
« Énumérez tous les objets qu’on voit dans cette chambre, en commençant
par les plus importants. Composez deux phrases sur la chambre.
Énumérez les objets qu’on voit dans une cour de ferme. Composez deux
phrases sur :
1˚ la charrette ; 2˚ le puits ; 3˚ la mare. »
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Cette conception de l’activité d’écriture se caractérise par une survalorisation
du référent (l’objet à décrire) au détriment de la dispositio (rien n’est dit sur la
cohésion interphrastique) et des enjeux communicationnels (décrire à qui,
pour produire quels effets ?).
2 La composition de textes
La prépondérance est donnée aux narrations qui sont soit des récits d’expé-
riences vécues (« Racontez une maladie que vous avez eue »), soit des récits
« imaginaires » (« Une vieille plume raconte son existence depuis le jour où,
toute brillante, elle est sortie de sa boîte »).
Sont proposées aussi des lettres, au niveau du cours moyen (ex. : « Lettre à
un camarade qui a quitté le village ou la ville ») et, pour le cours supérieur,
des sujets de « réflexion » (« Le travail est-il seulement une nécessité ? Ne
nous procure-t-il pas des joies et lesquelles ? »).
Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » ■ 155
Écho feutré des travaux de Célestin Freinet, les Instructions invitent les insti-
tuteurs à favoriser des textes libres au nom d’une représentation positive des
« apprentis-scripteurs » : « […] la rédaction libre mettra en valeur tantôt la
spontanéité et la fraîcheur des sentiments, tantôt le goût littéraire, tantôt
l’ingéniosité intellectuelle de vos élèves. »
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Au niveau de la préparation du devoir, les Instructions de 1923 prennent leurs
distances par rapport aux pratiques antérieures. Au nom de la liberté imagi-
native des élèves, elles contestent ce qu’elles appellent « la préparation col-
lective trop directe et trop précise » qui fait « à sa place sa besogne », lui
trace « d’avance un plan détaillé » et lui fournit « des idées et des expressions
toutes faites » qu’il se contente de reproduire. Témoignent de cette péda-
gogie directive un exemple de sujet traité par F. Amand, La Pratique de la
Composition française, Cours moyen et supérieur, Nathan, 1913 :
PLAN
I. Description du timbre neuf
II. Le timbre collé sur une enveloppe
III. Son voyage. Ses maculations
IV. Pourquoi l’État impose-t-il l’affranchissement des correspondances ? »
et la rédaction d’un élève de CM1 (voir Annexe 2).
Ce même esprit de libéralisme influence les propos tenus sur les modes
d’évaluation. Rien n’est dit de précis sur les critères de cohérence textuelle ni
sur les normes linguistiques, mais on invite l’instituteur à agir de façon telle
que sa correction soit « ferme et compréhensive » afin de maintenir les élèves
« dans l’état d’alacrité, d’entrain joyeux, de libre élan […] ».
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cette époque, et écrits souvent par des inspecteurs (ex. : R. Hamel, Com-
ment enseigner la composition française, Delagrave, 1925).
Faute de place, nous limiterons notre examen des manuels scolaires aux
rédactions dites « descriptives », au détriment des narratives, des dialogues,
des lettres et des sujets de réflexion. À la lecture des dizaines de manuels
que nous avons observés, il apparaît que la description demeure un exercice
très pratiqué.
Là encore, les propos de R. Hamel sont éclairants même s’ils sont répé-
titifs par rapport à ceux de M. Roustan – La Composition française (1907)
– qui lui-même reprend A. Albalat (1899)… « Voici une leçon de choses
sur le soufre et voici une rédaction sur le sentiment de la colère ou de la
jalousie. Dans les deux cas, nous essayons d’abord de nous rendre un
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compte exact des faits, de les connaître intégralement. C’est l’expérience,
la recherche, en un mot l’observation. Nous tentons ensuite un classe-
ment de ces faits. Nous nous efforcerons enfin de formuler nos aperçus,
peut-être nos conclusions. Chercher, classer, exprimer, sont les opéra-
tions primordiales de tout travail intellectuel, qu’il soit scientifique ou litté-
raire. Il semble donc que l’on se trompe en ne basant pas l’enseignement
de la composition française sur l’observation. »
– Littéraire enfin. La réglementation des attendus de la composition fran-
çaise se réfère à l’écriture fictionnelle réaliste dont elle emprunte certains
principes qu’elle systématise. On sait que les romans de Zola étaient pré-
cédés de dossiers dans lesquels il accumulait ainsi bien des savoirs
documentaires élaborés à partir de ses lectures que des notes prises au
cours de ses observations sur le terrain de ses futurs romans. Ces
« choses vues », reproduites de manière minutieuse et « objectale » ou
crayonnées de façon impressionniste, constituent l’une des sources de la
nature descriptive de ses romans. On comprend, de ce fait, les recom-
mandations de R. Hamel : « La première obligation de l’instituteur est de
placer les enfants en contact direct avec le ou les objets à décrire […]. On
connaît le “Crevez-vous les yeux à force de regarder !” de Flaubert. Il faut
que, non seulement par l’œil, mais par tous les moyens d’exploration dont
ils disposent, nos élèves s’emparent de la réalité. »
Il apparaît donc logique, qu’en liaison avec l’observation, les manuels préco-
nisent le recours systématique à la théorie des sens. La tradition est
ancienne, en ce domaine, comme en témoigne Comenius qui écrit dans sa
Didactica magna : « On doit présenter toutes choses, autant qu’il peut se
faire, aux sens qui leur correspondent : que l’élève apprenne à connaître les
choses visibles par la vue, les sons par l’ouïe, les odeurs par l’odorat, les
choses sapides par le goût, les choses tangibles par le toucher. » De même,
J.-J. Rousseau dans L’Émile attribue à l’éducation par les sens une grande
importance : « Exercer les sens, c’est apprendre pour ainsi dire à sentir, car
nous ne savons ni toucher, ni voir ni entendre que comme nous avons
appris. » C’est ainsi que G. Fournier, dans Comment composer mon devoir
de français, écrit :
« Le monde extérieur vient à nous par les sens : retrouver les sensations qui
s’attachent aux détails que vous nommez
sensations visuelles,
sensations auditives,
sensations tactiles,
sensations olfactives et gustatives. »
158 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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« descriptions simples » (objet, animal, personne…) pour terminer par des
« descriptions d’ensemble » (lieu, phénomène, scène)3. C’est ainsi que F.
Amand (op. cit.) hiérarchise ses « rédactions descriptives », des descriptions
d’objets (ex. : « Vos parents vous ont offert une montre. Décrivez-la. ») aux
descriptions de scènes d’après gravure (ex. : « Décrivez le marché aux che-
vaux d’après la gravure ci-dessus. »).
Les seconds croisent le critère du référent avec celui du sens perceptif sus-
ceptible d’être utilisé dans l’appréhension de l’objet à décrire. L’organisation
du L. Bocquet & L. Perrotin (op. cit.) est significative à cet égard comme en
témoigne le seul exemple des « sensations de l’ouïe » et des « sensations de
l’odorat » :
3. Sensations de l’ouïe
Les bruits et les sons
ex. : Vous décrivez deux sonneries de cloches que vous connaissez bien4.
Concrètement, quels sont les conseils que l’on donne à l’élève pour l’organi-
sation de son devoir ? La phase de l’observation est essentielle au moment
de l’inventio. Elle s’accompagne de mises en garde, au cours desquelles on
précise que décrire ce n’est pas seulement énumérer les parties d’un objet
ou d’une scène, mais c’est aussi opérer une sélection parmi les différents
aspects de l’objet. Le choix se fait en fonction de la subjectivité du descrip-
teur (ses sentiments, son imagination…) et de son activité réflexive.
« Observer en vue de la composition française, c’est en somme, dénommer
et analyser les états de conscience successifs ou simultanés déterminés en
nous pas le sujet à dépeindre […]. Ce sont des produits du libre jeu des sens,
de la mémoire, de l’association, de l’interrogation ou du sentiment, c’est-à-
dire des sensations et des perceptions plus ou moins complexes, des images
anciennes ou neuves, des comparaisons, des émotions. Ils peuvent être des
produits de la réflexion et du jugement : relations du sujet avec le milieu, le
passé, l’avenir ou nous-mêmes (son histoire, son utilité, son but) ; ou encore
des produits de la volonté : résolution d’agir ou de ne pas agir. » (R. Hamel,
op. cit.)
Pour aider l’élève dans la planification de son texte (dispositio), on lui pro-
pose des grilles de saisie de l’objet qui servent, en fait, de canevas à l’écri-
ture, du type :
– commencer par une impression générale,
– faire suivre par les détails caractéristiques,
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– finir éventuellement par une réflexion.
Quelques mots, pour finir, sur les normes stylistiques qui gouvernent l’élabo-
ration des rédactions. On valorise en premier lieu la clarté. Ce qui signifie que
l’on préfère les phrases simples aux phrases complexes (« Faites des phra-
ses courtes » conseille F. Amand (La Pratique du vocabulaire et de la compo-
sition française, Cours moyen, F. Nathan, 1913), « supprimez les car, les mais,
les si », « Supprimez les que, les qui ») et que l’on dévalorise à la fois les
incorrections et les « ornements inutiles ». Pour apprécier la notion d’incor-
rection, on peut se référer aux nombreux opuscules du type « Écrivez N’écri-
vez pas », « Ne dites pas… Mais dites… » dont les prescriptions
hypernormatives s’attaquent, comme l’indique le sous-titre du livre d’E. Le
Gal (Ne dites pas Mais dites, Delagrave, 1931) aux « barbarismes », aux
« solécismes » et autres « locutions vicieuses ». Un seul exemple : « Ne dites
pas Il est en bras de chemise mais dites Il est en manches de chemise. » Au
fil des manuels, on apprend aussi (voir Brandicourt & Boyon, La Langue fran-
çaise, Cours moyen et supérieur, Larousse, 1947) qu’il faut s’interdire la répé-
160 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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facile mais superficiel qui se grise de mots ».
5. On trouve dans G. Gabet, La Grammaire française par l’image, certificat d’études, 1938, un bréviaire condensé de
ces normes classées sous la forme alphabétique :
De la GRAMMAIRE à la RÉDACTION
A. Soyez précis : employez le mot propre. L. Allégez : remplacez la sub.relative.
B. Employez des verbes expressifs. M. Placez le pronom relatif près de l’antécédent.
C. Évitez les répétitions (utiliser les synonymes). N. Équivoques dues à l’emploi du pronom relatif.
D. Équilibrez la phrase (compl. Ie plus court le premier). O. De à la place de des devant un adj. qual.
E. Placez souvent en tête le C. de circonstance. P. Équivoques dues à l’emploi du pronom personnel.
F. Évitez les phrases boiteuses (agencez les compl.). R. Remplacez la subord. par un pron. personnel.
G. Compl. de même rôle : même mot de liaison. S. Emploi de celui-ci et de celui-là.
H. Remplacez et ou par des virgules. T. Équivoques dues à l’emploi des adj. poss.
I. Remplacez car, parce que par deux points. U. Possessions évidente, employez l’article.
J. Allégez : remplacez la sub. conjonctive. V. Allégez la phrase (voix pronom. pour voix passive).
K. Appareillez les compl. unis par et, ni, ou. X. Soyez vivant. Employez le style direct.
Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » ■ 161
B ■ 1938
Le texte officiel s’ouvre, comme celui de 1923, par un constat d’échec : « Les
résultats de l’enseignement de la composition française à l’école primaire
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sont assez décevants. Au certificat d’études, c’est l’épreuve la plus faible. »
En cohérence avec les propos tenus sur les autres matières, les Instructions
donnent la priorité à la fonctionnalité sociale de la rédaction et insistent sur
ses enjeux pratiques. « […] on aura la préoccupation de donner à l’apprentis-
sage de la rédaction un caractère essentiellement pratique […]. Ce caractère
pratique ressort suffisamment de la nature des sujets qu’indique le pro-
gramme. On évitera que ces sujets aient un caractère artificiel ; aussi, plutôt
que d’en imaginer les circonstances, on prendra l’occasion d’un fait concret,
d’un événement réel de la vie urbaine et rurale. Par exemple, on fera relater
avec précision les détails d’un accident automobile qui s’est produit près de
l’école […].
À la campagne, les enfants feront un “rapport” sur les dégâts causés par un
orage ; et il ne s’agira en aucune façon de décrire l’orage et d’exprimer les
impressions personnelles ressenties à l’aspect de la terre et du ciel, mais
bien de relater des faits d’une précise objectivité […].
Ils rédigeront des lettres d’affaires précises, diront tout ce qu’il faut dire, sans
détails inutiles. Ils apprendront les formules usuelles par lesquelles on com-
mence ou l’on termine une lettre […]. »
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Quant aux écrits épistolaires, ils recouvrent aussi bien la correspondance pri-
vée que publique comme en témoignent les sujets que traite l’ouvrage
méthodologique J’apprends à rédiger, édité par J. Anscombre en 1953 :
LA VIE PRATIQUE
Je sais présenter une lettre
J’écris à ma famille, aux amis
J’écris à un commerçant
J’écris au Maire, au Préfet de…
Je remplis les formulaires des P.T.T.
[…]
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Ce qui n’empêche pas les auteurs des Instructions, en parfaite contradiction
avec ce qui précède, de conseiller, au moment de l’apprentissage de la
rédaction, des exercices de « reproduction d’un texte d’écrivain ». Les uns
relèvent très clairement de la pratique du résumé (« résumer en quelques
lignes un texte qu’ils ont sous les yeux »), les autres reconduisent, sans le
dire, la pratique de l’imitation (« reproduire en une page le texte lu et
commenté »).
3 La conception de l’écriture
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mise en texte, les rédacteurs officiels préconisent une démarche
synthétique : « […] la démarche de la pensée va nécessairement du tout à la
partie, c’est-à-dire de la rédaction au paragraphe et à la phrase, de la phrase
à la proposition et au mot […]. Dans la rédaction, on commence par une idée
d’ensemble du sujet : c’est en cherchant à le préciser que l’idée se divise,
s’analyse et trouve par là même son expression. »
Références bibliographiques
ABASTADO, C. (1981) : « La composition française et l’ordre du discours », Prati-
ques, n° 14.
ALBALAT, A. (1899) : L’Art d’écrire, Paris, A. Colin.
CHERVEL, A. (1987) : « Observations sur l’histoire de l’enseignement de la com-
position française », dans J.-L. Chiss et alii (éds), Apprendre/Enseigner à pro-
duire des textes écrits, Bruxelles, De Boeck.
FOURNIER, G. (1942) : Comment composer mon devoir français, J. de Gigord.
HÉBRARD, J. & CHARTIER, A.-M. (1989) : Discours sur la lecture (1880-1980),
Études et recherche, Paris, BPI, centre Georges Pompidou.
HAMEL, R. (1925) : Comment enseigner la composition française, Paris, Dela-
grave.
LE GAL, E. (1931) : Ne dites pas… Mais dites, Paris, Delagrave.
MARCHAND, F. (1971) : Le Français tel qu’on l’enseigne, Paris, Larousse.
PETITJEAN, A. (1999) : « Un siècle d’enseignement de la composition fançaise ou
de la rédaction au primaire (1882-1995) », dans A. Petitjean & J.-M. Privat
(éds), Histoire de l’enseignement du français et textes officiels, Université de
Metz, Didactique des textes n° 9.
ROUSTAN, M. (1907) : La Composition française, Paris, Delagrave.
Annexe 1
Liste des manuels étudiés
AMAND, F. (1913) : La Pratique de la composition française, Cours moyen et
supérieur, F. Nathan.
AMAND, F. (1939) : La Pratique de la composition française, Cours moyen (Livre
du maître), F. Nathan.
BACONNET, G., GRILLET C. (1937) : Exercices français, Pour toutes les classes,
Librairie Emmanuel Vitta.
BOCQUET, L. & PERROTIN, L. (1929) : La Composition française, Cours moyen et
supérieur, Armand Colin.
Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » ■ 165
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moyen et supérieur, A. Colin.
CALVET, J. & CHOMPRET, C. (1917) : Exercices français, Cours élémentaire,
Librairie Poussielgue.
DUMAS, L. (1918) : Le Livre unique de français, Cours moyen et supérieur et Cer-
tificat d’études, Hachette.
DUVAL, BRÉMOND & MOUSTIER (1918) : Le Français à l’école primaire, Cours
moyen et supérieur, E. André Fils, Éditeur.
GABET, G. : La Grammaire française par l’image,
– (1936), Cours moyen, Hachette.
– (1938), Certificat d’études, Hachette.
GABET, G. & GILLARD, G. (1938) : Vocabulaire et méthode d’orthographe, com-
position française, Cours élémentaire et moyen, Hachette.
GOURDAN, G. & OZOUF, R. : Parler et écrire en français
– (1938), Cours élémentaire, Gedalgue.
– (1939), Cours moyen, Gedalgue.
HARTMANN, L. & Dl-TREUILH, E. (1939) : Cours de langue française, Classe de
7e et Cours moyen, Éditions École et Collège.
LARIVE & FLEURY (1933) : Exercices français de deuxième année, A. Colin.
LAUNAY, F. (1933) : Le Français à l’école primaire, Cours élémentaire et Cours
moyen, A. Colin.
LYONNET, A., Le Français par les choses et par les images
– (1930), Cours élémentaire, 1re année, Istra.
– (1930), Cours moyen, Istra.
MAQUET, FLOT & ROY, Cours de langue française
– (1918), Cours préparatoire, Hachette.
– (1918), Cours élémentaire, Hachette.
– (1920), Cours élémentaire et moyen, Hachette.
– (1920), Cours moyen et supérieur, Hachette.
– (1921), Cours supérieur et cours complémentaire, Hachette.
MARTIN, SCHONE & MORTREUX (1936) : Leçons de français, Certificat d’études
et Cours supérieur, Belin.
SOUCHÉ, A. : La Grammaire nouvelle et le français
– (1934), Cours élémentaire, F. Nathan.
– (1934), Cours élémentaire et cours moyen, F. Nathan.
– (1933), Cours moyen 1re année, F. Nathan.
– (1933), Cours moyen 2e année, Cours supérieur, Certificat d’études, F. Nathan.
THABAULT, R. & YVON, H. (1937) : Langue française, Cours moyen, Delagrave.
VIDAL, L. (1938), La Composition française facilitée aux enfants, Cours moyen et
supérieur, Librairie du Sacré-Cœur.
166 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
ANNEXE 2
Travaux d’élèves
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Texte 1
Un timbre-poste
Plan :
1) Où est le timbre-poste ?
2) Sa forme sa couleur
3) Le dessin
4) Les inscriptions
Développement
J’ai reçu de mon parrain une carte postale illustrée sur la droite en haut est un
timbre. Ce timbre a la forme d’un rectangle il a une couleur verte, les rebords
sont dentelés. Dessous il y a une femme qui sème on l’appelle la semeuse.
Au-dessous de la semeuse il y a d’écrit République Française à sa droite au
bas est écrit « Poste » et à sa gauche 10 centimes. CM1, 1923
Texte 2
Sujet : Jeudi dernier en cousant une robe à votre poupée vous avez distingué
une petite voix discrète. C’était celle de votre aiguille. Que vous disait-elle ?
Développement
Profitant d’un jour de congé tandis que j’étais en train de confectionner une
robe à ma poupée j’entends une voix fine comme du cristal qui m’appelait :
Denise Denise Je prêtais l’oreille et dit : « Je suis prête à vous écouter : vous
pouvez parler. » Alors elle commença par ces paroles : « Écoute mon enfant
les conseils de ton aiguille. Des hommes ont creusé la terre et ont extrait le
métal grossier qui a servi à me confectionner et qui est l’acier. Ils m’ont fon-
due et creusé dans ma tête un trou appelé le chas par lequel tu passes ton fil
qui sert à réaliser ton ouvrage. Puis ils m’ont donné du brillant et m’ont ran-
gée dans un étui de papier avec plusieurs de mes compagnes… Travaille
donc mon enfant travaille sans relâche souviens-toi de cela ! « Celui qui fuit le
champ du travail est un lâche. » Continue de travailler aie du courage et de la
patience pour donner quelque douceur à ta mère qui peine tant pour te don-
ner le nécessaire travaille pour faire plaisir à ton père qui est toujours si las
lorsqu’il revient à la maison fatigué de son travail du dehors. Qu’il doit être
heureux d’avoir une petite fille courageuse et patiente. Il est heureux car avec
ses deux vertus on arrive à tout dans la vie…
Mais il doit se faire tard et je dois t’empêcher de travailler avec mon
bavardage. »
L’aiguille retomba dans sa torpeur.
Désormais je tiens compte des conseils de mon amie l`aiguille à la grande
joie de mes parents qui sont fiers de moi. Ils sont sûrs maintenant que je
deviendrai une jeune femme accomplie.
CM1, 1924
Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » ■ 167
Texte 3
Mon porte-plume
Entrée en matière : J’écris avec mon porte-plume.
En quoi est-il ? Mon porte-plume est en bois.
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La douille ? À un bout il y a une douille en fer qui sert à tenir la plume.
La plume : la plume est blanche. La pointe est sale.
Couleur : mon porte-plume est rouge.
Conclusion : je prends soin de mon porte-plume.
Emploi du pronom qui : on évite de répéter le sujet. Au lieu de « la douille sert
à tenir la plume » on dit : il y a une douille qui sert à tenir la plume.
CP, 1930
Texte 4
Sujet : Avez-vous déjà observé une poule à différentes reprises ? Dites les
actions et les scènes qui ont attiré votre attention et l’intérêt que vous y avez
pris.
Notre voisine avait une belle poule jaune qu’elle avait été cherché chez sa
mère. elle avait été la chercher dans une cage de moyenne grandeur où elle
ne devait pas être très à son aise.
Quand on la quitta pour aller se promener dans le jardin, elle se sauva effa-
rouchée, droite sous son bonnet phrygien, elle cherchait des issues ou bien
elle essayait de voltiger par-dessus les murs mais ils étaient trop hauts.
Quand on venait y donner à manger, elle se sauvait n’importe par où. Mais le
lendemain elle s’enhardit, elle venait même manger dans la main de sa maî-
tresse. Quand elle n’y donnait pas à manger assez vite, elle se mettait à
codaquer. Une semaine plus tard elle avait pondu un œuf dans notre pou-
lailler. Au bout d’un mois elle voulut couver ses œufs. Quand elle eut couché
dessus pendant trois semaines, elle mena derrière elle, dix petits poussins
noirs et blancs.
Vous pensez si notre poule était heureuse.
CM2, 1922
Texte 5
Sujet : Vous vous êtes arrêté devant un atelier de menuiserie ou de forgeron.
Dites ce que vous y avez vu quand les ouvriers étaient en plein travail.
L’autre jour j’étais allée à Neufchâlet chercher du pain pour bonne maman. En
passant je vis un forgeron qui ferrait les chevaux.
J’entendais des ouvriers qui tapaient à grands coups de marteaux. Ils fai-
saient chauffer les fers. Il y en avait qui tenait le pied d’un cheval avec un cor-
don qui était autour de son cou. L’autre mettait de l’eau sur le fer pour le l’eau
sur le fer pour le refroidir et un peu après il le mettait sur le pied du cheval.
CE2, 1925
168 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
Texte 6
Sujet : Les cloches de votre ville résonnent. Vous les avez entendues bien
des fois. Pourquoi ne leur trouvez-vous pas toujours le même son ?
Quels souvenirs, quelles images, quels sentiments éveille en vous le son des
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cloches de votre église ?
Je suis encore au lit, je ne pense pas à me lever mais les cloches de l’église
me rappellent par son (corr. « leur ») carillon que l’heure de la classe est pro-
che.
Le bruit des cloches tinte joyeusement à mon oreille ; c’est un mariage que le
prêtre va bénir. Au contraire une personne a eu le malheur de perdre un de
ses parents, le très pas des cloches me rappelle alors l’horreur de la mort !
Lorsque j’entends les cloches sonner tristement, je ne peux m’empêcher de
songer au malheur qui afflige une famille : peut-être une personne vient-elle
de voir mourir son fils bien aimé ? Peut-être aussi a-t-elle assisté à l’agonie
de son père ou de son mari ?
Je pense encore au jour, le plus triste de ma vie, où, tout jeune enfant, je sui-
vais le corbillard qui transportait le corps inerte de ma pauvre maman que
j’aimais tendrement. Le son lugubre des cloches me rappelle tous les bien-
faits dont elle m’avait comblé. Quel malheur !
Au contraire, les jours de fête, le gai carillon me rappelle la joie que j’éprouvai
l’heureux jour de ma première communion.
Le son des cloches me rappelle les jours qui suivirent l’armistice et où j’atten-
dais, anxieux, le retour de papa qui se battait pour notre patrie.
J’aime beaucoup entendre le son des cloches. Il me rappelle des souvenirs.
Cours supérieur, 1919
Texte 7
Sujet : Vous avez assisté à un accident sur la route. Quand s’est-il produit ?
Où ? Et dans quelles circonstances ? Quelles ont été les suites ? Faites un
récit vivant.
C’était la noce de Denis Loupain. C’était le soir. Une belle auto belle venait du
bois et l’auto avait beaucoup de petits arbres devant.
L’auto qui venait de Pimont allait vite mais soudain une petite auto venait de
partir au bal. L’auto qui venait de Tourville n’avait pas corné mais tandis que
l’autre avait corné longuement. Les deux véhicules se rentra l’un dans l’autre
mais l’accident ne fut pas grave.
Mais avant que la vieille auto l’aille chercher d’autres gens pour aller au bal,
un homme sorti de l’auto et alla trouver le conducteur qui était resté dans
l’auto et ils se disputèrent avec les yeux.
Fin d’études, 1949
10
Langues maternelle,
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étrangère, seconde :
une didactique
unifiée ?
Suzanne-G. CHARTRAND et Marie-Christine PARET
Parmi toutes les questions proposées, il en est une qui est absente bien
qu’elle soit essentielle : est-ce à la construction, modélisation de la didacti-
que du français que nous travaillons ou à celle de la didactique du français
langue maternelle (DFLM) ? À notre connaissance, cette question n’a pas
encore fait l’objet de débat, soit qu’elle ait été jugée non pertinente, à partir
d’options épistémologiques implicites, soit que certains y ont déjà répondu,
optant résolument pour la constitution de la DFLM comme discipline à part
entière. D’outre-Atlantique, il nous semble que cette DFLM ne peut faire
l’économie d’une mise au point, même transitoire, sur la question suivante :
en quoi la DFLM constitue-t-elle une discipline (un champ disciplinaire) spéci-
fique et autonome en regard d’une discipline (ou champ ?) qui serait la didac-
tique du français et dont la DFLM ne serait qu’une composante à côté de la
didactique du français langue seconde (DFLS) et de la didactique du français
langue étrangère (DFLÉ) ?2
1. C’est bien de didactique du français et non de DFLM dont il est question ici.
2. On utilise indifféremment tantôt le terme de domaine, tantôt celui de discipline ou de champ disciplinaire sans préciser si
on se réfère à la DFLM ou à la didactique du français. Une clarification de ces choix terminologiques apparaît néces-
saire. Quels liens entretiennent ces notions entre elles ? Sont-elles dans un rapport d’extension où d’opposition ? Les
notions de domaine d’études, de domaine disciplinaire et de discipline sont-elles synonymes ? Le champ est-il une partie
constituante d’un domaine ou I’inverse ?
170 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
A ■ En quoi la DFLM
est-elle une discipline autonome et spécifique ?
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la constitution de la DFLM comme discipline (domaine/champ) distincte, des
considérations d’ordre épistémologique, relevant de son « système didacti-
que » (J.-F. Halté, 1992, p. 17), par exemple ? En quoi la DFLM est-elle une
discipline autonome et spécifique ?
3. Notons au passage qu’on ne mentionnait pas la DFLS, comme si cette dernière n’existait pas ou qu’elle se confondait
avec la DFLÉ.
4. Notons que plusieurs années plus tard, la position de M. Dabène a sensiblement changé, cf. ici-même.
Langues maternelle, étrangère, seconde : une didactique unifiée ? ■ 171
R. Galisson par exemple, si l’on veut clarifier l’état de notre discipline et les
voies de l’avenir.
Selon R. Richterich, étant donné que de plus en plus les apprenants sont
confrontés à l’apprentissage de langues, successivement ou parallèlement, il
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faut aller plus loin qu’exploiter les transversalités entre les diverses didacti-
ques des langues, il faut penser l’unité de la didactique des langues. Cepen-
dant comme chaque langue a sa spécificité, il serait nécessaire de fonder
une didactique de chaque langue particulière qui repérerait et décrirait les
actes qui permettent d’enseigner et d’apprendre cette langue. Dans le conti-
nuum DG > DL > DF (où DG = did. générale ; DL = did. de langues ; DF = did.
du français), seule la didactique du français est « pleine », comme la dernière
poupée gigogne (1989, p. 84).
5. Depuis une dizaine d’années, la situation a passablement évolué, à preuve la tenue de colloques et symposiums réu-
nissant des didacticiens de LM, LS et LÉ (DFLM, Poitiers, 2000 ; FIPF, Paris, 2000 ; Liège 2002, par exemple ; voir les
références des actes de ces colloques dans la bibliographie en fin de volume).
172 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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gné, l’un français (où le français est considéré comme langue première),
l’autre anglais (où le français est considéré comme langue seconde). Dans
plusieurs pays d’Afrique (partiellement francophones), le français est ensei-
gné tantôt comme langue maternelle, tantôt comme langue seconde ou
étrangère, ou encore langue d’enseignement ; dans tous les cas, ces
désignations sont assez mystificatrices. Dans ces différents cas de figure,
l’acte d’enseignement-apprentissage du français est-il convenablement
conceptualisé ? Il apparaît plutôt que nous charrions des notions imprécises
et éminemment discutables parce que provenant de critères en partie étran-
gers à leur objet (critères géographiques, politico-scolaires). Ici encore, des
précisions méthodologiques s’imposent.
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2 Français langue maternelle
6. Pour une contribution plus récente, voir M. Marquilló Laruy (1999) « La notion de “langue maternelle” est-elle une valeur
sûre ? », in G. Legros, M.-C. Pollet & J.-M. Rosier (éds), Actes du 7e colloque DFLM : Quels savoirs pour quelles
valeurs ? Université de Bruxelles.
7. Il nous semble aussi inévitable de poser encore cette question corollaire : comment la DFLM prend-elle en charge l’ensei-
gnement du français à des jeunes non francophones dans la classe de FLM ? Pour certains, cette question ne serait pas
une question du ressort de la didactique, mais de la pédagogie. La présence (importante socialement, même si elle ne
l’est pas toujours numériquement) d’élèves non francophones (et souvent à peine francisés) dans les classes de FLM ne
mérite-t-elle pas qu’on réfléchisse collectivement à cette question ? Au Québec, les enfants non francophones de 6 à 16
ans sont accueillis dans une « classe d’accueil » durant 9 à 16 mois, après quoi ils sont intégrés aux classes régulières
de français « langue maternelle » et des autres disciplines enseignées en français. La moitié des écoles de l’île de
Montréal (près du tiers de la population globale du Québec) compte plus de 25 % d’élèves non francophones (nou-
veaux immigrants ou réfugiés en très grande majorité et, en minorité, enfants d’immigrants de plus longue date).
174 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
Parmi tous les savoirs sur la langue et sur les textes, quels sont ceux que les
institutions scolaires et étatiques choisissent de transformer en objets
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d’enseignement, en savoirs enseignés dans la classe de français LM, LS et
LÉ8 ? Il s’agit bien entendu en premier lieu de la langue française écrite (ou
plutôt des découpages scolaires de ses sous-systèmes), des textes (littérai-
res et non littéraires) et de l’expression orale et écrite « standard » et normée.
Enseigner la langue et ses réalisations socialement valorisées implique
nécessairement de transmettre une culture, que ce soit dans les classes de
français LM ou de LS et de LÉ, la culture littéraire demeurant plus importante
en LM.
8. C. Garcia-Debanc (1990) propose de distinguer dans le pôle des savoirs, les savoirs à enseigner, les savoirs enseignés
effectivement et les savoirs appris réellement.
Langues maternelle, étrangère, seconde : une didactique unifiée ? ■ 175
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croire que le français exigé dans le cours de français correspond à la langue
maternelle de la très grande majorité des élèves, unilingues francophones, ou
pas.
Par ailleurs, en raison des pressions sociales, les finalités et les objectifs
avoués du cours de français LS (et même LÉ selon F. Marchand, 1989, p. 75)
sont de plus en plus proches de ceux de la LM (au Québec pour le moins),
quoique l’enseignement de différentes variétés de langue orale et écrite soit
sans doute plus répandu en LM, mais le point de référence quant à la langue
à acquérir n’est pas pour autant le français parlé dans la communauté envi-
ronnante, mais ce français public, standard, normatif avec souvent une sur-
valorisation des textes littéraires par rapport aux discours courants (voir
certains manuels de FLÉ). Même si la place du littéraire s’est peu à peu
réduite au profit des textes courants, la référence à la norme et l’association
« grands auteurs » culture française imprègne encore fortement les savoirs
enseignés autant en LS ou LÉ qu’en LM9.
9. Il faut cependant distinguer les finalités de l’enseignement du français et les pratiques scolaires concrètement réalisées.
176 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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élèves apprennent que la dynamique de leur intervention didactique sera
spécifique dans les contextes de FLM (en milieu exclusivement francophone
ou pas) de FLS ou de FLÉ. Car enseigner le FLM, à Dakar, à Marseille ou à
Montréal, comme d’ailleurs enseigner le FLS à Montréal, à Berne ou à
Anvers, devrait imposer des « interventions didactiques » différentes, compte
tenu des différences dans « l’appropriation didactique » par les élèves. Mais
est-ce généralement le cas ?
Pour contrer l’échec et l’abandon scolaires, pour faire face aux changements
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des populations scolaires dans les sociétés occidentales actuelles, dans la
perspective du renouvellement urgent et nécessaire des pratiques reliées à
l’enseignement du français, et sachant par ailleurs que le français privilégié
par l’école est différent de celui maîtrisé par la très grande majorité des
apprenants (y compris les francophones), des rapprochements entre DFLM
et DFLS et DFLÉ sont nécessaires, car c’est seulement alors, par la confron-
tation des expériences théoriques et pratiques, qu’on pourra évaluer
sérieusement les spécificités des différents domaines et établir la nécessité
de l’autonomie de la DFLM, ou plutôt construire un domaine disciplinaire
appelé didactique du français.
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gères dans le champ des sciences humaines et sociales », Bulletin de l’ACLA,
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178 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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11
Positions actuelles
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et évolutions
institutionnelles
et éditoriales
Jacques DAVID
Plus précisément, nous nous sommes attachés à analyser les différents lieux
où s’élabore et circule le discours didactique, ou plutôt les discours didacti-
ques. Nous avons ainsi envisagé d’analyser : i) les lieux de recherche, tels
l’INRP, le CNRS et les universités, qui ont vocation à développer des études
en rapport plus ou moins direct avec l’enseignement-apprentissage des lan-
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gues en général et du français en particulier ; ii) les lieux de décision institu-
tionnels comme le ministère de l’Éducation nationale et ses différentes
directions, l’Inspection générale, le Conseil national des programmes, mais
aussi les organismes officiels ou observatoires plus ou moins dépendants de
ses services ; iii) les lieux de formation au premier rang desquels se situent
les Instituts universitaires de formation des maitres ; iv) et enfin les lieux
d’édition et d’échange avec les revues spécialisées, bien sûr, mais aussi avec
les actes de colloques ou de congrès.
Tout d’abord au sein de l’INRP, qui nous semble être le point de départ de
nombreuses actions de recherches avec des méthodologies particulières
comme les recherches-actions qui permettent l’observation précise des pra-
tiques de classes et la formulation de propositions pour des apprentissages
construits dans le domaine. Nous nous devons de reconnaitre que cet institut
a joué et joue encore un rôle déterminant dans la constitution des didacti-
ques des disciplines en général et de la didactique du français en particulier,
à partir notamment de l’expérience cumulée de chercheurs impliqués dans
l’ancien département de « Pédagogie du français 1er degré ».
4. Il est tout à fait curieux de constater qu’il a fallu près de trente ans pour voir ressurgir aujourd’hui cette question de l’oral
dans le champ de la DFLM. Il reste qu’elle réapparait pour susciter un renouvellement interne de cette question dans le
champ de la DFLM, mais aussi pour tenter de réponse à un problème externe, à savoir l’ « insécurité linguistique » –
réelle ou supposée – de nombreux écoliers et surtout collégiens, et donc le désarroi de nombreux professeurs face aux
variantes de français parlées par leurs élèves.
Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales ■ 181
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pour la production d’écrits.
Dans un passé encore récent, au début des années 1990, certaines recher-
ches conduites à l’INRP – comme celles relatives à l’apprentissage de la lec-
ture – se trouvaient alors réparties dans au moins quatre équipes de
chercheurs appartenant chacune à des départements, et des paradigmes
différents : J. Foucambert responsable de l’unité Didactique des apprentis-
sages de base, G. et É. Chauveau du CRESAS (Centre de recherche de
l’éducation spécialisé et de l’adaptation scolaire), É. Charmeux associée à
l’unité Didactique du français, L. Sprenger-Charolles qui travaillait alors à
l’inventaire thématique des recherches en DFLM, sans oublier J. Hébrard du
Service d’histoire de l’éducation au sein du même INRP. Le moins que l’on
puisse constater c’est que les recherches menées dans le cadre de cette
problématique apparaissaient peu convergentes. Les méthodologies affi-
chées, les référents théoriques dénotaient des conceptions et des implica-
tions pour la didactique du français également très différentes. Symptôme de
cet éparpillement, la quasi-absence de numéros consacrés à cette question
dans certaines revues de l’INRP. Certes, des initiatives éditoriales ont montré
l’importance et l’étendue des recherches de cet institut dans le domaine5 ;
mais elles ne concernaient pas la seule question de l’acquisition de la lecture
et surtout, elles révélaient l’extrême dispersion des recherches que nous
venons de mentionner. De plus, le fait qu’une revue comme Repères, parfai-
tement ciblée en DFLM, n’ait pas inscrit l’apprentissage de la lecture
comme thème de l’un de ses numéros depuis 1973 montre à quel point la
réflexion en didactique du français, au sein de l’INRP, « évitait » de proba-
bles conflits pour se porter sur des thèmes moins dissensuels : la produc-
tion écrite ou l’analyse des faits de langues.
5. Voir surtout le numéro hors série « Apprendre à lire et à écrire. Dix ans de recherche sur la lecture et la production de
textes » de la Revue française de pédagogie, Paris, CNDP, 1989 ; et postérieurement Lire et écrire à l’école primaire.
État des recherches à l’INRP, Paris, INRP, 1994.
182 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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tions critiques8, cette influence est désormais entendue, reconnue, sinon
acceptée. L’élaboration de nouveaux manuels de lecture pour le cycle 2 de
l’école primaire achève de compléter l’emprise de la psychologie cognitive9.
Certains psycholinguistes n’hésitent en effet plus à s’impliquer dans la
réalisation de supports d’apprentissage qui présentent les apprentissages
graphophonologiques et morphologiques, dans des activités qui combinent
désormais la lecture et l’écriture.
6. Morais J. & G. Robillart (éds) (1998), Apprendre à lire au cycle des apprentissages fondamentaux. Analyses, réflexions
et propositions. Paris, CNDP & Odile Jacob.
7. Ministère de l’Éducation nationale (2002), Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? Les nouveaux programmes. Paris,
CNDP & XO-éditions
8. Notamment celle de J. Fijalkow intitulée « Un coup pour rien », dans la revue qu’il dirige : Les Dossier des sciences de
l’Éducation, n° 1, 1999, aux Presses universitaires du Mirail.
9. Dans ce mouvement, on peut repérer l’édition d’une collection dirigée par J.-E. Gombert, P. Colé et alii (2001), Crocoli-
vre CP et CE1, Paris, Nathan.
10. Dans cette perspective, voir l’ouvrage collectif dirigé par C. Fabre-Cols (2000), Apprendre à lire les textes d’enfants.
Bruxelles, De Boeck ; et notre article de synthèse « Étudier les textes d’enfants : revue de travaux ».
11. Voir à ce titre, la contribution de J.-P. Jaffré & D. Ducard (1996), « Approches génétiques et productions graphiques »,
Études de linguistique appliquée, n° 101, pp. 87-98 ; et la discussion entamée par J.-L. Chiss & C. Puech (1996), « La
genèse de l’écrit : constitution d’un objet de recherche et frontières disciplinaires », dans la même revue des Études de
linguistique appliquée, pp. 99-111.
12. Depuis les travaux canadiens de D.R. Olson, (1994). The World on Paper : The conceptual and cognitive implications
of writing and reading. Cambridge : Cambridge University Press (trad. franç. L’Univers de l’écrit. Comment la culture
écrite donne forme à la pensée. Paris, Retz, 1998) ; jusqu’à ceux récemment publiés en France, notamment dans les
actes du colloque de Grenoble (octobre 2002), publié par C. Barré-de Miniac et alii (2004). La Littéracie. Conceptions
théoriques et pratiques d’enseignement de la lecture-écriture, Paris, L’Harmattan.
Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales ■ 183
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propositions didactiques des uns et des autres ne sont pas toujours recon-
nues ou favorisées par leurs institutions, et cela malgré la volonté affirmée
par certains responsables de « s’impliquer davantage dans la société »13.
De fait, les équipes universitaires qui ont plus que les autres intégré la DFLM
à leurs programmes d’études et de recherches sont souvent liées à des
unités ou des départements de sciences de l’Éducation – par exemple
l’équipe « Théodile » à Lille 315.
13. Allocution du directeur général du CNRS développant les orientations scientifiques du centre pour les années à venir (Le
Monde du 6 octobre 1993).
14. La part prise par l’université dans la formation des enseignants est bien entendu liée à l’installation des IUFM ; nous y
reviendrons par la suite.
15. C’est également le cas dans au moins deux pays de la francophonie, le Québec et la Suisse, où la DFLM est adossée
aux sciences de l’Éducation.
184 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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enseignants-chercheurs et professeurs dans les Instituts universitaires de
formation des maitres (IUFM) suit ces évolutions contradictoires : dans cer-
tains IUFM les expériences et publications en DFLM apparaissent indispen-
sables, alors que dans d’autres elles sont écartées au profit des seules
compétences disciplinaires, en linguistique ou en littérature.
À partir de l’étude de ces textes, nous pouvions souvent observer des évolu-
tions, des changements d’orientation, des phénomènes d’actualisation ou de
focalisation singuliers, bref un ensemble de questions qui trouvèrent un écho
en DFLM. Ainsi, nous avons discerné des tensions entre les textes régle-
mentaires et les textes d’orientation, entre les projets de programme et les
programmes effectivement publiés. Les textes d’orientation ou préparatoires
sont plus nettement marqués par le discours didactique, par la référence aux
sciences contributoires. Les programmes et instructions sont, quant à eux,
généralement liés à des enjeux socio-économiques et politiques. Ils sont
inévitablement pris dans l’histoire de l’institution et obligés de s’inscrire dans
une certaine continuité. À titre d’exemple, les deux composantes de
l’apprentissage de la lecture : « travail sur le code » et « travail sur le sens »,
sont présentées de manière sensiblement égales depuis 1923. Certes, la ter-
minologie a changé : « associer des sons et des formes » se trouve remplacé
par « repérer les correspondances phonographiques ». L’ordre de présenta-
tion de ces apprentissages s’est sensiblement rééquilibré : l’accès au sens,
la question de la compréhension, le recours aux textes et à leur diversité
typologique, apparaissent dès les petites classes. Les indications
16. Voir notamment La Maitrise de la langue à l’école, 1992, coédité par le CNDP et Savoir-Livre, ou plus récemment les
rapports-synthèses de l’ONL (Observatoire national de la lecture), déjà évoqués, et ceux du PIREF (Programme incitatif
de recherche sur l’éducation et la formation) qui sont des organismes plus ou moins dépendants de ce ministère.
Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales ■ 185
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étaient évacués, les techniques d’apprentissage, les exemples de démarches
et surtout de progression étaient volontairement occultés, car c’est aux mai-
tres qu’appartenait le choix d’adopter telle ou telle méthodologie ou support
pour son enseignement. De fait, dans leur enquête sur les pratiques des mai-
tres de CP17 É. et J. Fijalkow ont bien montré qu’elles avaient peu évolué et
qu’elles reposaient principalement sur l’usage de manuels d’apprentissage
avec des principes phonologiques plus ou moins prégnants.
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descendant historiquement répété, qui vise à universitariser le cycle secon-
daire et, par voie de conséquence, à secondariser l’école primaire.
Car au collège, également, les évolutions sont conséquentes, les textes offi-
ciels proposent dorénavant des apprentissages articulés à la didactique de la
langue et des discours – ou des textes –, dont les textes littéraires. Les cor-
pus de textes à étudier, les dispositifs pluridisciplinaires, les activités
intégrant lecture et écriture, la démarche en séquences…, s’ouvrent plus
largement aux apports didactiques dans le domaine. Certes, certaines trans-
positions ou applications peuvent paraitre maladroites ou décalées19, mais
les intentions et les faits sont là ; les recherches en didactique du français ali-
mentent dorénavant les directives ministérielles, jusque dans les examens
terminaux du brevet et du baccalauréat20.
Ainsi, au début des années 1990, on pouvait relever que Les Objectifs de fin
de cycles, (1991) offraient un programme de compétences quasi identique
pour la fin du cycle 1 (élèves de 5-6 ans) et pour le cycle 3 (élèves de 11 ans).
Ces objectifs, nettement inspirés par les recherches sur les typologies des
discours, étaient repris tels quels sous la forme de nomenclatures textuelles
dans lesquelles on ne pouvait discerner ni différencier des acquisitions spéci-
18. Lire à ce sujet les analyses critiques de J. David (2002), « Articulation entre étude de la langue et lecture », dans La For-
mation à l’apprentissage de la lecture, Paris : Observatoire national de la lecture ; J.-L. Chiss & J. David (2003), « Les
nouveaux programmes pour l’école primaire française : questions pour la didactique du français », La Lettre DFLM,
n° 32, pp. 12-15 ; J.-L. Chiss (2004), « Comprendre et interpréter : réflexions sur la lecture littéraire au cycle 3 », dans
Nouveaux regards sur la lecture, Paris, Observatoire national de la lecture, CNPP/Savoir-livre.
19. Notamment pour ce qui concerne la tripartition « phrase-texte-discours », ou la volonté de tout articuler aux activités lan-
gagières orales et écrites, voir la contribution critique de J.-L. Chiss & J. David (1999), « Des relations entre langue et lit-
térature. Éléments pour un débat théorique, institutionnel et didactique ». Le français aujourd’hui, n° hors série, pp. 40-
54.
20. L’épreuve dite d’ « écriture d’invention » au baccalauréat de français en est une illustration singulière.
Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales ■ 187
fiques à un âge ou un cycle donné. De même, l’impact des travaux sur la pro-
duction d’écrits s’est traduit par la volonté affichée de l’articuler à l’étude de
la langue et des discours, voire de la poser comme une condition ou un préa-
lable à l’acquisition de savoirs métalinguistiques.
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Sur cette question, nous devons analyser contrastivement les textes d’orien-
tation qui ont plus nettement intégré les acquis des recherches en DFLM,
avec – dans ce domaine également – une ouverture plus importante aux
apports de la psychologie cognitive et une moindre prise en compte des tra-
vaux linguistiques. Ces avancées sont apparues décisives et l’ouvrage de
synthèse La Maitrise de la langue à l’école, publié en 1992 sous l’égide de la
Direction des écoles, a certainement constitué une synthèse importante des
acquis accumulés en DFLM et dans les sciences contributoires.
Une telle focalisation sur les apprentissages du lire-écrire visait bien évidem-
ment à relativiser les apprentissages métalinguistiques et à inverser le cours
des pratiques dominantes, principalement occupées par la maitrise des con-
naissances grammaticales et l’exercice de micro-habiletés décontextualisées
des savoir-faire en lecture-écriture. Cependant, même en intégrant des élé-
ments de linguistique textuelle, des manques apparaissaient. Ainsi, il était
peu fait référence à l’acquisition de l’orthographe liée, ou non, à la production
écrite et aux problèmes de cohésion temporo-verbale sous-jacents à la
compréhension des textes.
188 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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prises en compte. Mais sont-ils plus clairement définis dans les recherches
en DFLM ? Ce n’est pas évident. En fait, nous remarquons que ces manques
révèlent souvent des désaccords sur des notions ou des conceptualisations
encore peu stabilisées, entre autres et pour reprendre les mêmes exemples :
le rapport – ou la fausse opposition – entre grammaire de texte et grammaire
de phrase21, les procédures de mise en mots dans la composition d’un
texte22 ; les valeurs d’emploi des différentes formes temporo-verbales (J.-L.
Chiss, infra).
Nous les avons déjà évoqués en détaillant certains des effets provoqués par
le rattachement récent des Instituts universitaires de formation des maitres
(dorénavant IUFM) à l’enseignement supérieur. Au-delà de la question institu-
tionnelle, il nous faut analyser les évolutions constatées du côté des acteurs
sociaux concernés.
Tout d’abord, nous observons que les différents formateurs des ex-Écoles
normales, intégrés ou nommés aujourd’hui dans les IUFM, sont, par essence
ou par vocation, des didacticiens de leur discipline. Cependant, les multiples
questions posées en DFLM ne sont pas toujours prises en charge par les
seuls professeurs de la discipline « français ». En fait, il existe depuis l’origine
une partition entre les formateurs de français ou de lettres et les professeurs
de psychopédagogie ou de « formation générale » : les uns et les autres
devant traiter des questions souvent indissociables comme l’étude des tex-
tes et l’acquisition de la lecture. De plus, leur formation respective les
entraine vers des enseignements auxquels ils ne sont pas forcément
préparés : les premiers sont « naturellement » orientés vers l’enseignement
des lettres (classiques ou modernes) alors que les seconds ont une base de
réflexion philosophique. Nous constatons ainsi un double phénomène : une
distribution plus ou moins artificielle des contenus de formation entre deux
catégories de formateurs (au moins !) et un nécessaire recours à l’autoforma-
tion, voire à l’autodidaxie, pour la plupart de ceux qui interviennent auprès
d’enseignants du premier degré.
21. Lire sur cette question le n° 135 de la revue Le français aujourd’hui, intitulé « Et la grammaire de phrase ? », J.-L. Chiss &
S. Meleuc (éds), 2001.
22. Voir notre étude « Orthographe et production de texte », in J. David & S. Plane (éds), L’Apprentissage de l’écriture de
l’école au collège, Paris, PUF, 1996.
Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales ■ 189
Il n’est dès lors pas exagéré d’insister sur l’importance de revues profession-
nelles et/ou militantes comme Pratiques, Repères ou Le français
aujourd’hui dans l’autoformation de ces formateurs. Parce qu’ils en sont à la
fois les auteurs et les lecteurs privilégiés, ces publications sont à la base de
nombreux échanges ; elles permettent la circulation, comme le partage,
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d’informations qui contribuent largement à la constitution de la DFLM.
23. On notera bien sûr des différences sensibles d’une académie à l’autre, d’un site universitaire à l’autre. À Grenoble, par
exemple, il n’existe plus de professeur de français issu des anciennes Écoles normales, alors que dans l’académie de
Versailles ils sont encore majoritaires.
190 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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moins en DFLM – se trouvent aujourd’hui dilués dans des programmes où
dominent les sciences de l’éducation. Là où, anciennement, les professeurs
d’IUFM de toutes catégories, conseillers pédagogiques, maitres d’accueil,
enseignants, chercheurs, professeurs… pouvaient travailler conjointement à
des recherches en disposant d’heures et de crédits – certes inégalement
répartis –, ils ne peuvent plus aujourd’hui que proposer des recherches sur la
base d’offres floues, et sans qu’une politique d’ensemble puissent vérita-
blement les impulser ou les porter.
24. Cf. La nouvelle Grammaire du français de J. Dubois & R. Lagane chez Larousse (1973), L’Enseignement de la langue de
B. Combettes et al. chez Delagrave (1977), ou encore la Grammaire du sens et de l’expression de P. Charaudeau chez
Hachette (1992).
25. Outre la collection de J.-E. Gombert, P. Colé et al. déjà évoquée, d’autres méthodes de lecture ont été auparavant éla-
borées pour l’apprentissage initial : Gafi le fantôme d’A. Bentolila et al. chez Nathan (1991), Mika de G. Chauveau et
al. chez Retz (1993) et Écrit-Livre, Entrer dans l’écrit de J. Fijalkow et al. chez Magnard (1993).
Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales ■ 191
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clairement définis comme tels dans leurs travaux et publications – n’hésitent
plus à publier des manuels pour les élèves26, alors qu’ils se contentaient
auparavant de publier des études, des recherches, des comptes rendus
d’expériences pour les seuls enseignants.
26. Cf. les collections Maitrise de l’écrit – 6e de D. Bessonnat, et al. chez Nathan (1994) ou Expression écrite au Cycle III
de B. Schneuwly & F. Revaz, également chez Nathan (1994).
27. Voir cependant l’ouvrage princeps de J. Picoche, Didactique du vocabulaire français, Paris, Nathan Université, 1993 ;
et l’ouvrage collectif dirigé par É. Calaque & J. David, Didactique du lexique : contextes, démarches, supports, Bruxel-
les, De Boeck Université, 2004.
192 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
Sur un autre plan, nous relevons des manques, des zones d’ombres, des
domaines encore impensés ou peu travaillés. Il s’agit notamment de l’articu-
lation de la réflexion didactique aux recherches en sociologie. Certes des
passerelles, des échanges ont été tentées et le sont encore aujourd’hui28,
mais nous sommes encore loin d’observer une réciprocité des échanges
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analogues à celle que la DFLM obtenu avec la linguistique ou la narratologie
dans un premier temps, avec la psychologie du langage dans un second
temps.
Enfin, il faut bien constater que l’accroissement des ouvrages, articles, cédé-
roms, dont les différents chapitres du présent volume se font l’écho, masque
en réalité un malaise profond, un malaise qui affecte le secteur éditorial des
sciences humaines en général et des sciences liées à la DFLM en particulier.
Si nombre de revues existent encore, elles ne font généralement que survivre
dans un contexte économique qui raréfie leur diffusion. Si de nombreuses
collections ont vu le jour dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix,
leur avenir est aujourd’hui suspendu à des politiques éditoriales dominées
par des restructurations et des choix financiers peu propices à leur essor.
28. Voir notamment les travaux conduits par les équipes « ESCOL » animées par É. Bautier, B. Charlot et J.-Y Rochex, ou
encore les enquêtes et analyses conduites par B. Lahire, mais là encore les développements didactiques de ces recher-
ches sont corollaires ; les premiers adossent leurs travaux aux sciences de l’Éducation, le second inscrit ses études en
sociologie.
12
Au carrefour
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des métiers
d’enseignant,
de formateur,
de chercheur
Dominique BUCHETON1
1. Remarque préliminaire : le texte qui suit date de 1995. Il faisait un état des lieux de la place que jouaient les différents
protagonistes de la discipline pour accompagner ses nécessaires mutations. Il pointait les nouveaux chantiers, possibles
ou déjà ouverts. Sa relecture aujourd’hui, huit ans plus tard, révèle des avancées importantes, des changements dans le
regard porté sur la discipline, dans les manières de la questionner, mais souligne aussi les questions récurrentes sur les-
quelles nous piétinons. Il paraissait donc intéressant de ne pas modifier ce texte mais simplement de souligner de quel-
ques commentaires le parcours accompli.
194 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
1 Un débat banal,
inévitable en termes de places institutionnelles
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menter les malentendus déjà largement installés (« Qui es-tu ? Pour qui te
prends-tu pour me dicter ce qui est bon pour ma classe ? » Et, inversement :
« Qui es-tu ? Pour qui te prends-tu pour oser ériger en théorie des faits
observés localement ? »). La DFLM a mis quinze ans, voire plus, pour com-
mencer à exister institutionnellement à l’université. Progrès important qui
n’est pas sans inconvénients cependant. Certes, il est plus facile aujourd’hui
de conduire des recherches en didactique du français : les thèses, DEA ou
mémoires de maîtrise contribuent à l’objectivation et l’analyse de problèmes
particuliers, développent des savoirs sur la didactique. Mais ces travaux,
aussi riches soient-ils, ne sauraient nous faire oublier que la réussite dans la
conduite d’une classe dépend aussi de toute une série de paramètres diffi-
cilement isolables et mesurables et que le savoir expérienciel des ensei-
gnants peut être tout autant déterminant. C’est pourquoi opposer de manière
dichotomique, comme on l’entend parfois dans certains discours, les didac-
ticiens d’une part, les praticiens et formateurs de l’autre, n’est pas souhai-
table pour l’avenir même de la DFLM2. L’échange, posé en ces termes, n’a
plus d’intérêt ni pour les uns ni pour les autres. Il devient simplement
hiérarchique. De plus, on aperçoit alors très vite qu’il ouvre la voie à une nou-
velle dérive : l’éclatement de la didactique du français. Les didacticiens,
dégagés du souci gênant de la cohérence, de la cohésion et de la mise en
scène du savoir dans la classe, c’est-à-dire de la construction du sens des
apprentissages pour et par les élèves, peuvent subdiviser le champ en autant
de micro-objets de recherche : didactique de la grammaire, didactique de
l’écriture, didactique de la littérature, et pourquoi pas du discours explicatif,
de la description ou de la ponctuation ! C’est une conception autre de la
didactique et du didacticien qu’on défendra dans cet article3.
2 Un débat nécessaire
sur les valeurs et les finalités de la DFLM
2. Ce serait nier l’histoire même de la constitution de ce champ. En France, une grande partie des didacticiens de français
viennent du terrain de la classe et de la formation ou de groupes de recherche, où enseignants, chercheurs et formateurs
confrontent leurs analyses.
3. Plus de dix ans de travail des acteurs de la didactique, côte à côte dans les IUFM, ont en France fortement modifié ces
relations institutionnelles. Les coopérations nécessaires aujourd’hui pour analyser en formation les pratiques des stagiai-
res ont permis de croiser les regards, les savoirs théoriques ou professionnels des uns et des autres. Les travaux qui se
développent actuellement sur les pratiques réelles, ordinaires, « commandées », ou préparées par les chercheurs renfor-
cent encore la nécessité de collaborations.
Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur ■ 195
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sont des valeurs, des choix idéologiques qui sont discutés4. Tout aussi
idéologiques étaient les positions des Genevois qui, il y a quelques années,
posaient avec force et à juste titre la nécessité de faire entrer dans les classes
le langage dans toute la variété des pratiques sociales. C’est donc bien les
finalités idéologiques de la DFLM qui sont ici toujours en discussion. Notre
discipline, comme l’ont suffisamment montré dans leurs analyses historiques
A.-M. Chartier et J. Hébrard, semble ne pas pouvoir y échapper ! Comment,
en effet, poser la question du sens telle qu’elle apparaît très fortement dans
la plupart des débats, sans poser conjointement celle des valeurs qui con-
struisent le sens ? Cette question a fait l’objet d’un colloque international de
l’association en 19985. Pour autant elle reste un objet insuffisamment travaillé
du point de vue de la recherche. Cette question des valeurs, véhiculées par
nos objets de travail, par les pratiques les mettant en scène, est insuffisam-
ment problématisée, dans la formation et la recherche. Elle est probablement
un des obstacles majeurs pour la transformation des pratiques
On ne peut pas non plus éviter les questions plus directement épisté-
mologiques sur lesquelles nous avons grand besoin d’approfondir collective-
ment la réflexion. Elles portent notamment sur :
– la nature des savoirs enseignés (que discute ici même B. Schneuwly) ;
– la manière dont certains savoirs théoriques sont sélectionnés, ou carré-
ment laissés de côté sur la façon dont ils sont reconstruits, hiérarchisés,
divisés et par qui ;
– les grandes cohérences ou les artefacts de cohérence6 qui les organisent.
Peut-on ainsi, aussi facilement que dans d’autres disciplines, percevoir
les grands soubassements théoriques qui servent de matrice disciplinaire
à toutes nos constructions didactiques ? (Est-ce la réflexion parfois un
peu fermée sur la typologie des textes ? La problématique déjà plus
ouverte de l’hétérogénéité discursive ? Est-ce le champ plus vaste et inté-
grateur de la communication ?)
– ce qu’on entend exactement derrière la formule : « maîtrise de la
langue » ;
– la gestion du rapport compréhension-interprétation ;
4. La littérature, dans cette perspective, est envisagée comme un vecteur identitaire et culturel puissant qui permet à l’enfant,
à l’adolescent de se trouver des repères, de s’intégrer dans le monde en y jouant des rôles fictifs ; elle sert d’interprétant,
de filtre par lequel le monde est lu. Elle est en même temps le lieu de toutes sortes de positionnements énonciatifs, un
espace où le langage joue.
5. Quels savoirs pour quelles valeurs, Bruxelles, 1998 (textes édités par G. Legros, M.-C. Pollet & J.-M. Rosier.
6. E. Nonnon montre comment la « cohérence typologique malgré son modernisme peut se greffer sur une pratique
ancienne qu’elle conforte et légitime », Recherches, n° 20, « Enseignement et cohérence », 1994.
196 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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ont toujours été explicites sur l’enseignement de la grammaire de la
phrase, restent encore aujourd’hui très évasives et confuses en matière
d’enseignement de l’écriture) ?
Une autre question, que le sujet même de cette contribution pose inévitable-
ment, est de se demander qui participe à l’élaboration des savoirs didacti-
ques. Est-ce :
– celui qui, en laboratoire, à l’école, à l’hôpital, dans la famille, dans les
bibliothèques ou ailleurs observe les élèves, produit de nouveaux savoirs
sur la lecture, l’écriture, les textes, les activités orales ?
– celui qui met à jour, transpose, découpe, structure, planifie les savoirs en
fonction des différents niveaux, qui fabrique des instructions, des pro-
grammes, des manuels, des outils d’évaluation ?
– celui qui se demande pourquoi ces savoirs si savamment découpés,
adaptés, enseignés ne sont pas acquis par certains élèves, ou restent
parfois morts, non mobilisables, ni transférables ?
– celui qui cherche à repérer et théoriser, dans les situations didactiques
mises en place, les paramètres à manipuler pour gagner en efficacité
(choix des objectifs de savoir, des thèmes, des textes, des situations de
communication, des types d’interactions verbales mises en place, de la
durée des séquences, etc. ; choix complexes qui vont rendre possible
l’objectivation puis l’intégration des savoirs visés) ?
– celui qui, dans l’espace clos de sa classe, observe très attentivement ses
élèves, cherche à comprendre d’où ils viennent, où ils vont, la nature des
obstacles langagiers, culturels, cognitifs ou sociaux qu’il leur faut surmon-
ter. Qui alors bricole, construit une situation pédagogique très évolutive et
en prise avec les réactions des élèves ? Qui, année après année, classe
après classe, construit des savoirs d’expérience, tout à fait essentiels ?
– ou encore celui qui se trouve dans une position circulante lui permettant
de faire l’état des lieux des pratiques pédagogiques en usage. Qui ainsi
mesure au quotidien les écarts entre les discours institutionnels de quel-
que origine qu’ils soient et le réel des classes ?
Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur ■ 197
On aura reconnu, dans la liste non close qui précède, des positions institu-
tionnelles différentes, des acteurs travaillant dans des métiers voisins. Cha-
cun contribue de manière variée au développement des savoirs, eux-mêmes
hétérogènes, qui constituent le champ. S’agit-il de didactique dans tous les
cas ? Discutons-en. Aux différentes questions qui ont été posées en guise de
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décor, chacun donnerait des réponses différentes. C’est cette variété des
analyses, des problématiques, cette coconstruction des savoirs qui a permis
à la DFLM de se constituer en tant que champ. C’est cette ouverture du dia-
logue qu’il est nécessaire de développer, non pas pour s’autojustifier en tant
que champ ou en tant qu’acteur de ce champ, mais beaucoup plus parce
que c’est la seule manière de répondre de manière raisonnable aux questions
complexes qui sont posées.
La DFLM est (devrait être !) au cœur des pratiques sociales. Elle est
nécessairement dans l’action sociale. Si on veut « agir » sur le développe-
ment de l’élève, l’aider à transformer, construire son rapport au langage, à la
culture, au savoir, à son identité, bref à son expérience, on ne peut faire l’éco-
nomie d’une réflexion éthique sur les finalités et les effets de notre action
éducative. Veut-on rendre les apprenants conformes, standards, dépendants,
ou les aider à devenir des individus particuliers, libres et créatifs. La question
peut paraître simple, voire simpliste ! Impossible pourtant d’y échapper dès
lors qu’on réfléchit au rôle que joue l’école dans la transmission de normes
langagières et culturelles. Vieux débat qu’A. Touraine pose au centre de sa
réflexion sur la modernité7 et qu’on retrouve implicitement sous toutes sortes
de discussions qui, dès lors qu’il s’agit de l’école, deviennent très vite pas-
sionnées. La décision d’imposer une liste réduite et précise d’œuvres littérai-
res au programme du baccalauréat a ainsi fait beaucoup polémiquer : allait-
on pouvoir faire entrer tous les élèves dans le même moule culturel étroit ?
L’épreuve en serait-elle plus démocratique, etc.
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Ce double et difficile ancrage social et individuel de l’action didactique ainsi
que sa dynamique sont gommés dans la modélisation bien connue du
« triangle didactique », modélisation qui a cependant l’immense mérite de
poser conjointement le maître, l’élève et les savoirs ! Le modèle est
aujourd’hui insuffisant et d’une certaine façon dangereux, ce que soulignait
déjà M. Dabène au colloque de Montréal, en 1992.
L’enseignant est au quotidien dans l’action. Sur le terrain, chaque jour, il lui
faut inventer, adapter, cuisiner de fines stratégies. Le public des collèges a
évolué, celui des lycées aussi. Les pratiques de classe se transforment dans
cette immédiateté de l’action et dans l’urgente nécessité de répondre aux
questions nouvelles que les mutations rapides de la société apportent. La
DFLM se trouve nécessairement dans ce bricolage permanent (l’idée n’est
pas nouvelle !). Ce qu’on pourrait davantage souhaiter – et c’est le rôle de la
formation d’en donner les moyens – c’est que ces bricolages soient assis sur
des principes et des choix didactiques objectivables et contrôlables, donc
révocables au besoin.
On constate d’ailleurs en retour que ces bricolages sur le terrain, dans le réel
des classes, interrogent les cadres théoriques, modifient ou nuancent des
affirmations théoriques, parfois trop rapidement érigées en principe didacti-
que, et amènent de nouvelles questions. J’en donnerai ici quelques-unes qui
viennent d’observations d’attitudes et pratiques d’écriture d’élèves dans des
classes très diverses de collège, et lycées professionnels.
– Faut-il ainsi s’appuyer aussi fortement sur le développement méta-
linguistique, la rationalité analytique de la logique formelle comme les
modèles didactiques à dominante cognitive le préconisent massivement
ces dernières années ? Dans des classes en très grandes difficultés, ces
stratégies ne semblent pas très efficaces. Ne vaut-il pas mieux, dans cer-
taines circonstances, par divers biais, prendre le temps de redonner du
sens, redonner l’énergie et le désir d’apprendre à ces élèves, prendre en
compte le vécu social, affectif et aider ces élèves à le mettre à distance,
par le langage, la lecture littéraire ou l’écriture par exemple8 ?
– Comment déclencher le « travail du langage sur le langage » qui se pro-
duit dans et par la réécriture, autrement que par l’objectivation analytique
et critériée du texte déjà écrit ? Quelle part faire jouer au ludique, aux
« jeux » de langage ?
– Quels modes de travail pédagogique privilégier, quelles attitudes péda-
gogiques adopter par le professeur : une tutelle forte ? très souple ? un
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noud, Alté10…) est déjà bien avancée. Elle permet de mesurer les enjeux
didactiques que les diverses situations d’interactions verbales peuvent
faire travailler.
Pour ces quelques premières raisons, on postulera donc que les divers
acteurs de la DFLM pourraient avoir, en effet, bien des choses à discuter
ensemble : des responsabilités sociales, des choix idéologiques et théori-
ques. Choix à discuter, à objectiver et à assumer. Cet ancrage « social » de la
9. D. Bucheton (éd.) (1997), Conduites d’écriture au collège et LP, CRDP, CNDP de Versailles.
10. M. Alté (1994), « Note de synthèse : “Comment interagissent enseignant et élèves en classe ?” », Revue francaise de
pédagogie, n° 107.
11. Ainsi, lorsqu’on s’est mis à travailler sur les chaînes de co-référence qu’on supposait mal repérées en lecture, on a décou-
vert que les élèves non seulement ne reconnaissaient pas les personnages lorsqu’ils étaient désignés différemment, mais
en plus qu’ils n’identifiaient pas les relations entre les personnages, et pas davantage leur appartenance à des
« mondes » différents. De ce fait, ils ne décryptaient pas les valeurs et les significations symboliques dont ils étaient
dotés ; la construction des significations qui se situaient à des niveaux de lecture différents, nécessitait donc la levée de
plusieurs obstacles qui n’ont été repérés que progressivement.
12. L’entrée ou non dans l’usage des nouvelles technologies de la communication pourrait bien générer assez rapidement de
nouveaux clivages sociaux.
13. Ce que montrent F. Ropé et L. Tanguy dans Savoirs et Compétences, 1994, Paris, L’Harmattan.
200 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
2 Deuxième postulat :
la DFLM traite du langage et donc du « sujet »
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Le lien étroit entre le « sujet » (un sujet scolaire avec une histoire sociale,
familiale, scolaire particulière) et le langage n’est plus à démonter14. Ce lien
est sans doute si évident qu’il semble avoir été un peu oublié. Il est vrai que
ce n’est pas une donnée facilement manipulable. Elle semble pourtant tout à
fait fondamentale dès l’instant où l’on cherche à comprendre pourquoi, par
exemple, les savoirs enseignés inlassablement en français ne sont pas inté-
grés chez de nombreux élèves. La didactique « moderne » s’appuie pourtant
très fortement sur l’idée reprise de L.S. Vygotsky qu’on n’enseigne pas le lan-
gage et ses formes culturelles, mais qu’on donne la possibilité à l’élève de se
les « approprier », de les « reconstruire » en les « réinventant », ou les
« réinterprétant » à sa manière. Mais, penser ainsi le sujet et son rapport au
langage comme point d’ancrage central de la didactique du français n’est
pas simple. Cela amène à poser trois conditions qui sont loin d’être en usage
dans les classes :
14. Cet intérêt pour le sujet élève et son activité, et pas seulement pour les objets enseignés, s’est progressivement déve-
loppé dans nos recherches à partir des années 1997 à partir notamment du colloque : Pratiques enseignantes – activité
de l’élève dans la classe de français, Montpellier, 1997. L’étude de cette activité du sujet élève (lisant parlant, écrivant)
dépasse aujourd’hui le cadre strict de la classe de français, voir D. Bucheton & J.-C. Chabanne (éds) (2002), Parler et
écrire pour penser, apprendre et se construire, l’écrit et l’oral réflexifs, Paris, PUF.
15. C’était la thématique du 5e colloque international de didactique du français langue maternelle de Montréal, mai 1992 ;
voir M. Lebrun & M.-C. Paret (éds) (1993), L’Hétérogénéité des apprenants. Un défi pour la classe de français, Neuchâ-
tel-Paris, Delachaux et Niestlé.
16. B. Charlot, E. Bautier & J.-Y. Rochex, (1992), École et savoir dans les banlieues… et ailleurs, Paris, A. Colin.
Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur ■ 201
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d’aider ces élèves à construire, par la parole, leur espace propre d’exis-
tence, de les aider ainsi à affirmer un « JE » particulier qui parle, pense,
écrit, sans lequel il n’est guère possible d’envisager d’enraciner un quel-
conque désir d’apprendre ?
– Autre exemple, presque inverse : une classe de 3e, considérée comme en
difficulté, en Zone d’éducation prioritaire, porte d’Italie, à Paris. Quatre
élèves seulement ont le français comme langue maternelle, ce sont des
élèves à peu près du même âge mais qui n’ont pas du tout le même rap-
port à l’école. Ceux-là viennent des quatre coins de la terre et croient à
l’école comme seule branche de salut. Ils sont désireux de réussir scolai-
rement, très dociles et de bonne volonté, mais ils refusent de communi-
quer entre eux et se méfient les uns des autres, tant les ethnies sont
différentes et les cultures non partagées. Comment alors, construire des
conduites d’argumentation qui ne soient pas seulement formelles,
« cognitivement », « linguistiquement », « scolairement » correctes. Quelle
intériorisation, quelle intégration culturelle de ces pratiques scolaires, quel
usage social feront-ils de ces « formes » apprises ?
La question, on le voit, n’est pas simple : il s’agit bien d’une certaine façon,
dans les deux cas, de déconstruire des systèmes de protection et d’interac-
tion socialement appris pour les ouvrir à d’autres formes de socialisation,
d’autres usages du langage et de la pensée, sans pour autant mettre en dan-
ger leur identité culturelle, aussi instable soit-elle.
Cette plongée vers la singularité des sujets scolaires, des classes, des étab-
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lissements, est indispensable. Elle nécessite une formation sérieuse des
enseignants. Elle nécessite surtout qu’on peaufine les outils d’analyse17 qui
permettent de rendre compte des productions langagières des élèves, de ce
qu’ils disent et comment ils le disent, de ce qu’ils font ou ne font pas avec le
langage et non seulement des écarts de leurs productions avec diverses
normes formelles18.
17. Dans ce domaine de l’analyse des productions écrites et orales des élèves, nous n’en sommes probablement qu’aux
balbutiements ; les logiques d’experts, ou les modèles textuels sur lesquels la plupart des outils d’analyse ont été cons-
truits ne permettent pas de décrire suffisamment les tâtonnements langagiers des novices.
18. Voir l’ouvrage co-écrit par J.-C. Chabanne, D. Bucheton et une équipe d’enseignants, Écrire en ZEP, un autre regard sur
les écrits des élèves, Paris, Delagrave, 2002. Nous avons cherché à élaborer de nouveaux instruments d’évaluation de
l’écrit. Voir aussi l’ouvrage dirigé par C. Fabre-Cols, Apprendre à lire des textes d’enfants, Bruxelles, De Boeck & Ducu-
lot, 2000.
Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur ■ 203
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1 Penser ensemble l’interaction de paramètres hétérogènes
Quels que soient les objets ou les activités auxquels elle s’intéresse, la DFLM
doit affronter la complexité, l’hétérogénéité. Les diverses composantes
qu’elle manipule en permanence (les actes de langage, les savoirs qu’ils per-
mettent de construire, le degré d’implication du sujet, les valeurs qu’ils véhi-
culent, les thèmes discutés, les objets et textes culturels, etc.) ne
fonctionnent dynamiquement qu’ensemble. Continuer l’exploration de cha-
cune des composantes est nécessaire mais il nous faut aussi penser l’articu-
lation, l’interaction d’ensemble de ces paramètres hétérogènes, multiples et
spécifiques qui constituent la situation didactique de français et sa
dynamique. On fera remarquer au passage la difficulté, voire le danger, de
plaquer sur l’enseignement du français un modèle général de la situation
didactique19 renvoyant à une sorte de « didactique générale » qui remplace-
rait la défunte psychopédagogie. En effet, le statut des savoirs, leur nature,
leur mode d’objectivation ou de transfert, le type de rationalité qu’ils font
exister varient trop d’une discipline à l’autre. Dès la maternelle, la didactique
du français met en jeu des objets complexes et ne fonctionne que dans la
globalité des opérations de compréhension et d’interprétation nécessaires.
2 Bilan succinct
19. Il se dessine dans les thèses de J.-P. Astolfi défendues dans Enseigner pour apprendre, Paris, ESF, 1992, ou dans celles,
plus proches de notre réflexion par la dimension éthique de l’enseignement qui y est introduite, de M. Develay dans De
l’apprentissage à l’enseignement, Paris, ESF, 1992.
204 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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On piétine encore pour construire une vision scolarisable, un peu panora-
mique et en même temps étagée des usages et fonctionnements divers
du langage. D’où le très grand malaise des enseignants sur ces questions
et leur repli prudent sur la grammaire traditionnelle de la phrase.
3 Questions en chantier
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champs de recherche universitaire, nous empêche de penser le français
comme vecteur des apprentissages dans les autres disciplines. La question
du transfert des compétences dans d’autres situations didactiques que cel-
les de la classe de français n’est qu’assez peu souvent envisagée. Analysons
un peu plus ces trois questions.
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savoirs pour commenter un texte littéraire. Ce passage de la lecture
« outillée », médiatisée par des savoirs enseignés, jusqu’à l’écriture critique,
paraît très lent, rencontre nombre d’obstacles, mais semble exister. Il reste à
le décrire finement, essayer d’en comprendre les mécanismes et/ou les con-
ditions) voir comment on peut l’accélérer, sauter mieux les obstacles. Le
temps, les thèmes, les types d’interactions, les lieux d’enseignement, sem-
blent autant de paramètres qui entrent en ligne de compte dans les proces-
sus d’intériorisation des connaissances ; du moins de ce type très particulier
de savoirs que nous avons à traiter dans notre discipline.
Derrière cette question, qui n’est pas nouvelle, s’en cachent plusieurs. Avec
l’implantation dans les collèges et les écoles élémentaires de centres de res-
sources documentaires, le problème du traitement de l’information, de la
diversité des médias est devenu urgent et très apparent. Relève-t-il de la sim-
ple intervention des documentalistes, lorsque toutefois ils existent ?
20. On pourra trouver un début de réflexion sur ces questions et quelques pistes pédagogiques dans Le Retour des manuels
(À la découverte des manuels scolaires en classe de français), D. Bucheton (éd.), Versailles, CRDP, 1994.
Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur ■ 207
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drait aussi le regard des gens dont la tâche est d’évaluer le système, les
corps d’inspection. Leur connaissance du terrain, les comparaisons qu’ils
peuvent faire peuvent être, elles aussi, précieuses.
21. Colloque « Piaget-Vygotsky », septembre 1994, organisé par les archives J. Piaget.
208 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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On ne l’admet pas suffisamment. Qu’on ne se méprenne pas : mon discours
n’est pas là pour remettre en cause des recherches aux méthodologies expé-
rimentales rigoureuses. Elles sont indispensables. Cependant je voudrais
rappeler qu’une partie des savoirs didactiques est directement sortie du ter-
rain ou de la formation sans que leurs auteurs, des praticiens de terrain,
n’aient été impliqués dans des protocoles de recherche dûment estampillés
voire rémunérés comme tels. Les savoirs didactiques se sont ainsi en partie
historiquement construits de manière très buissonnante. Ils viennent de
l’observation passionnée d’enseignants qui analysant les « nœuds » où les
apprentissages bloquent, les erreurs à répétition, ou au contraire les situa-
tions qui permettent de brusques et imprévus développements, d’ensei-
gnants qui ont « bricolé » des protocoles approximativement expérimentaux
et ont ainsi mis en lumière des phénomènes intéressants ; en se donnant en
même temps la peine – c’est la déontologie du métier – de trouver des solu-
tions pour améliorer ou développer les processus observés (ce qu’on pourrait
appeler l’implication de l’enseignant sous la pression sociale).
3 Le chercheur, à sa façon,
est aussi dans l’intervention didactique
Quelle peut être alors la place du chercheur comme celle du formateur ? Les
savoirs didactiques (théoriques et très concrètement pratiques) arrivent lors-
que le chercheur ou le formateur est très impliqué dans l’accompagnement
proche des actions pédagogiques, lorsqu’un vrai dialogue s’instaure, lorsqu’il
Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur ■ 209
y a un effort réel de la part de chacun pour entrer dans les modes de pensée
et d’expression de l’autre. Ce n’est pas facile, il y faut beaucoup de temps et
de respect mutuel. Le chercheur peut apporter (qu’on veuille bien excuser la
prétention de la formulation) des cadres théoriques divers : sociologie, psy-
chologie, linguistique, sémiotique, stylistique ; des outils d’analyse dont les
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enseignants – et c’est une immense lacune de la formation – sont dépourvus
pour analyser les faits langagiers rencontrés. On discute alors pour améliorer
l’intervention didactique autour des faits, de l’action dans la classe et non
autour d’une théorie. Il arrive alors qu’en plus on fasse ainsi avancer la con-
naissance fondamentale, par ricochet.
Pour toutes sortes de raisons, les savoirs issus directement du terrain ont
beaucoup de mal à être reconnus et entendus. On devrait pourtant aller
regarder de plus près les trésors d’intelligence, de talent, la diversité des
entrées dans des contextes variés que révèle le récit de ces pratiques. Mais
les chercheurs lisent les chercheurs, les enseignants, quant à eux, cherchent
un peu d’aide dans les revues pédagogiques, ou les publications des Centres
210 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS
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trois métiers, alors il y a là un problème important à discuter.
Par ailleurs, la plupart des revues sont thématiques et n’ont pas, comme La
Lettre de l’association DFLM, en plus des grands dossiers thématiques, une
rubrique pour accueillir des articles plus divers. Elles modélisent donc d’une
certaine façon la recherche sur des aspects particuliers, pointus, elles la limi-
tent et la censurent : il est difficile de faire entendre sa voix si on n’est pas
dans un créneau à la mode. Cela bloque l’arrivée de nouvelles probléma-
tiques, cela standardise la recherche.
La didactique du français – qu’il n’est pas facile de définir – pourrait bien être
au cœur de cette dynamique, au croisement de ces réajustements constants
entre les savoirs théoriques issus de champs très divers et le réel de la vie, de
la parole, de l’action dans la classe, du temps nécessaire à l’intégration, à la
maturation des savoirs, au temps nécessaire pour qu’ils deviennent à leur
tour des instruments de pensée et des modes d’expression.
Il n’y a pas d’autre perspective pour les acteurs de ce champ que de travailler
en très étroite collaboration, de réajuster en permanence les positions, diver-
sifier les analyses, les regards, les modes de pensée, les méthodes d’élabo-
ration de la connaissance, de validation et surtout de transmission de ces
savoirs. Et c’est un long chemin…
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éléments de réflexion et de proposition
Yves REUTER
A ■ La synthèse de 1994
L’écriture de ce dernier chapitre porte sans nul doute les traces des tensions
entre lesquelles il s’est construit. Tension entre une conclusion, sous forme
de bilan nécessairement partiel et partial, de ce livre, et le souhait d’ouvrir
des pistes, de relancer la discussion, de continuer le débat. Tension encore,
entre la synthèse d’écrits divers et de paroles collectives d’un côté et un
point de vue personnel de l’autre. Tension donc entre référence et prise de
distance, pluralité et unicité, passé et avenir. Autant que le lecteur en soit
d’emblée averti.
Cela me paraît d’autant plus important à souligner que cet ouvrage, dont la
nécessité était discutée depuis longtemps au sein de l’association des cher-
cheurs en didactique du français langue maternelle, s’articule à une situation
vécue, elle aussi, de façon contradictoire. Sur le versant positif, on peut dire
que la didactique du français est en pleine émergence. En témoignent aussi
bien l’essor des recherches, des thèses, des ouvrages, des ouvrages
212 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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sant, on peut dire que la didactique du français se trouve dans une situation
conflictuelle. Du mode de résolution de celle-ci dépendent des enjeux histori-
ques importants. Des définitions, des conceptions, des pratiques s’y con-
frontent et s’y affrontent, entre corps d’agents (inspecteurs, formateurs,
chercheurs, praticiens, éditeurs…) ou à l’intérieur de ceux-ci. Dans ces con-
flits se jouent non seulement des débats d’idées mais aussi la place (et les
formes) des recherches, les savoirs enseignés aux futurs enseignants (et aux
élèves) ainsi que leur mode de recrutement, l’évaluation des pratiques etc.
Autant donc en être conscient. C’est en tout cas, dans ce cadre que se
situent les lignes qui suivent.
1. M. Develay, 1992, pp. 43-50, reprend cette notion à T.S. Kühn pour définir le « principe d’intelligibilité », le « cadre de
référence » d’une discipline.
2. Voir les positions défendues ici par J.-F. Halté et l’écart qu’elles introduisent par rapport aux pratiques et aux textes offi-
ciels.
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 213
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C ■ La question des méthodes
Si cette question est peu débattue, centralement, dans les chapitres précé-
dents, elle est néanmoins constamment présente (types de savoir à cons-
truire, modes de construction, validation…) et pèse fortement sur les
positions de chacun. Il s’agit, sans aucun doute, d’un débat crucial dans
notre discipline, lié notamment aux disciplines de référence convoquées et
aussi aux modes de relations postulées avec celles-ci.
Six problèmes mériteraient – à mon sens – d’être repris dans des débats ulté-
rieurs.
3. Ce serait, par exemple, envisageable au nom de la compréhension « la plus complète » des mécanismes en œuvre en
vue de transformations estimées socialement bénéfiques.
4. C’est ce que tente de faire J.P. Astolfi, 1993, avec sa typologie des recherches en didactique.
214 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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– elles permettent d’éviter les pièges de « l’adultocentrisme » et de
« l’ethnocentrisme » culturel.
Un enjeu fondamental est attaché, à mon avis, à cette question : éviter que
les principes de certaines recherches n’entraînent des cadres pédagogico-
didactiques réducteurs en ce qu’ils ne permettent pas aux élèves d’actualiser
ou de développer leurs compétences. Mais sur l’autre versant, cela impose
l’absolue nécessité de revenir – toujours et encore – aux conditions d’opéra-
tionnalisation et de validation de méthodes plus « ouvertes », de la recher-
che-action7, etc.
Tous ces éléments incitent, selon moi, à poursuivre un débat essentiel autour
de la façon (des façons) dont la didactique du français doit (peut) penser la
complexité, en tenant compte d’un côté de l’impossibilité constitutive de la
recherche (ou, plus exactement, de chaque recherche) de tout penser en
même temps et sous tous les angles ou d’entériner ce qui n’est guère qu’un
point de départ : la complexité de l’objet réel ; en tenant compte de l’autre
côté de sa spécificité et du fait qu’elle traite des relations entre des objets et
des sujets, indissociablement cognitifs, affectifs, sociaux, culturels… Cela
impose de penser les unités susceptibles de permettre ce travail, les modes
d’analyse susceptibles de saisir les relations diverses qui s’y investissent,
leur mode de construction, leurs modalités de relations à d’autres unités etc.
Cela nécessite complémentairement de préciser la façon dont on peut
s’emparer de recherches différentes à titres d’indices (plus que de preuves)
pour comprendre les phénomènes étudiés. Cela signifie que la position de
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pensée du complexe.
D ■ Quant à l’histoire
Une discipline se définit encore en fonction de son histoire (et de son rapport
à l’histoire). Cette dimension est, de fait, récurrente dans cet ouvrage (ce qui
explique que je serai amené à y revenir constamment).
Il nous reste, bien sûr (!), à articuler plus précisément ces diverses dimen-
sions.
En tout cas, cet ouvrage devrait contribuer à (ré)attirer notre attention sur
trois éléments, au moins, en relation avec cette histoire. Le premier (voir la
contribution de J.-F. Halté) concerne la mutation de la « matrice disciplinaire »
qui, pour le dire schématiquement, passe d’un centrage sur langue et littéra-
ture (accompagné d’un poids considérable accordé aux (sur)(normes et aux
valeurs et d’une relation forte au mode de travail magistral-transmissif) à un
8. Question fondamentale, réellement et fantasmatiquement, pour les êtres, les institutions et les sciences.
9. Voir Études de linguistique appliquée, n° 84, 1991 ; F. Ropé, 1990 ; et J.-L. Chiss, M. Dabène et J. David ici même.
10. Ces acteurs étant, pour un grand nombre d’entre eux, inscrits dans des débats et des engagements politiques et mili-
tants.
216 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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Le second élément (voir A. Petitjean) concerne la nécessité d’une prise en
compte des pratiques dans leur histoire. Cela impose d’ailleurs – quel que
soit l’objet retenu (ici la rédaction/description) – la saisie méthodologique de
référents divers : théories éventuelles, textes de « loi » (Instructions officiel-
les), manuels, cahiers des élèves etc. Cela peut permettre de mieux percevoir
ce qui sous-tend – souvent inconsciemment – la matrice disciplinaire, les
pratiques, etc., ce qui est de l’ordre des permanences et ce qui est de l’ordre
des mutations (de surface ou profondes). Cela interroge encore la différencia-
tion des pratiques selon les réseaux11 en invitant à ne pas oublier les relations
entre échec/réussite et origine socioculturelle.
En premier lieu, celle des relations entre système social – système scolaire –
discipline français – didactique du français (avec la « pression sociale » sur la
lecture-écriture, la place attribuée au français dans l’échec scolaire etc.) en
prenant en compte, entre autres : l’accélération de cette dernière décennie
que nous évoquions en préambule et les relations avec les disciplines de
référence (par exemple linguistique puis psychologie).
11. Minorée aujourd’hui, car considérée comme « politique », cette problématique « portée » par des théoriciens aussi diffé-
rents que C. Baudelot & R. Establet, 1971 et 1975 ; R. Balibar 1994a et 1994b, B. Bernstein, 1975 ; ou W. Labov
1978, gagnerait à être retravaillée en fonction des « avancées » des champs de la didactique et de la sociologie.
12. F. Ropé, 1990 ; D. Bucheton et J. David ici même.
13. Au sens de P. Bourdieu.
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 217
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Que l’on ne s’y trompe pas, ces deux dernières questions sont loin d’être
anecdotiques ou « externes ». Des réponses que l’on y apporte dépendent
entre autres, la réflexion sur la formation initiale ou continue des enseignants,
ainsi que la possibilité pour ces différents acteurs de véritablement collaborer
entre eux.
14. Sur ce point encore, voir F. Ropé, 1990, pour une première investigation.
218 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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des compétences complexes enseignées en français (lire, écrire, écouter,
parler), qui articulent des savoirs et des savoir-faire de différentes natures16
et, du coup, des modalités de cet enseignement si tant est que l’acquisition
de connaissances déclaratives, méta-procédurales ou non, ne saurait suffire.
Posée de façon abrupte, la question est la suivante : « comment enseigner –
aider à développer une compétence ? ». Ce qui suppose une réflexion fonda-
mentale – interne à notre didactique – sur les stratégies d’enseignement-
apprentissage et leur articulation. Ce qui suppose encore – comme y invite la
contribution de J.-F. Halté – de construire la relation enseignables/apprena-
bles. Ce qui suppose enfin d’évaluer la place et l’importance de la cons-
cience-conscientisation des démarches (le niveau « méta ») auquel on a
accordé beaucoup de place ces dernières années17 face à d’autres thèses
qui fonctionnent à l’« opposé » d’un détour formaliste et abstrait18. Tout en
essayant de comprendre les effets de stratégies différentes quant à l’ensei-
gnement/apprentissage de procédures, y compris par instruction directe19.
C’est ici un chantier fondamental et incontournable.
15. C’est dire à quel point les référentiels me paraissent fonctionner de façon illusoire.
16. Cette question est soulevée « frontalement » dans les contributions de D.G. Brassart et J.-F. Halté.
17. Voir, par exemple, J.-E. Gombert, 1990, ou le numéro 9 de Repères, 1994.
18. Voir B. Lahire, 1993.
19. Voir D.G. Brassart, infra.
20. Ce serait oublier que la construction et la différenciation sociale des valeurs sont des objets de recherche classiques en
histoire, psychologie, sociologie, ethnologie…
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 219
partis pris et ses impensés, ce que l’on refuse de penser et qui, de ce fait
même, vous fait implacablement penser de telle sorte. La question, cruciale,
consiste donc à construire la place des goûts et des valeurs afin de les pen-
ser pour éviter d’être pensés par eux. On conviendra que, sur ce terrain, il est
difficile de ne pas faire appel à la sociologie ou à l’ethnologie des objets et
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des pratiques culturelles (voir la contribution de J.-M. Privat).
F ■ De quelques concepts
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ouvrage et dans notre champ en général : transposition didactique, contrat
didactique… D’autres sont sans doute « à cheval » sur le champ de la didac-
tique et sur celui de la pédagogie : situation-problème, objectif-obstacle, pra-
tique sociale de référence. Cela questionne sans nul doute le statut même de
la didactique, sa spécificité ou son état de construction. Est-ce dû à son
degré de constitution, à son émergence encore récente, à son autonomisa-
tion en cours ou au fait qu’il s’agit d’une discipline d’interaction ou encore
que l’on se leurre parfois sur la « pureté » conceptuelle des sciences
humaines ?
moins opératoire pour penser des problèmes cruciaux dans notre discipline.
Néanmoins, si l’on s’en sert, pour saisir les « angles d’attaque » dominants
dans ce recueil, on peut faire trois remarques non négligeables :
– le pôle « enseignants » est relativement réduit (cela correspond-il à ce que
nous avons déjà rencontré : la difficulté à penser ses représentations et
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ses pratiques, à penser ce qui nous fait penser ?) ;
– le pôle « savoir(s) » est relativement bien représenté mais un centrage sur
lui entraîne souvent le risque d’une « abstraction idéalisante » qui cons-
truit les textes comme architextes et le sujet comme apprenant purement
cognitif (dans ce cadre, écrits et élèves réels seraient presque des gênes
méthodologiques…) ;
– le pôle sujets/situations est, lui aussi, relativement bien représenté, avec
une accentuation presque inverse, de la complexité des Sujets (voir D.
Bucheton) et des variations (des pratiques linguistiques, des situations
d’enseignement, des situations d’enseignement et d’apprentissage-
acquisition ; voir M. Dabène).
Il nous reste donc, une fois de plus, à évaluer ce que chacune des entrées
permet ou non d’éclairer, et comment articuler ces perspectives et les acquis
de chacune d’entre elles.
Dans le premier cas, les renvois – excepté en ce qui concerne les emprunts
conceptuels déjà évoqués – ont été minimes. Je me demande – sachant que
la situation est symétrique pour les autres disciplines – s’il ne devient pas
urgent de confronter les approches, écueils, avancées… Cela d’autant plus
que le débat sur la nécessité d’une didactique générale se fait récurrent (cf.
J.-F. Halté). De fait, la constitution, même virtuelle, d’une didactique générale
offrirait l’avantage d’objectiver les convergences et les divergences, les
maniements de concepts communs, l’utilité de concepts différents, les con-
tours de l’espace didactique etc. En revanche, cela me paraît engendrer iné-
luctablement deux risques : celui de réduire la part d’une théorie de la
pédagogie et celui d’avancer trop vite par volontarisme en ne prenant pas le
temps de comparer véritablement le mode de constitution, la problématique,
les concepts et les démarches de chaque didactique. C’est pour ces raisons
que je préfère encore, ce que certains trouveront bien jésuitique, la notion de
didactique comparée.
222 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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les questions des contours de la discipline et de sa didactique et des axes de
variation sous lesquels l’appréhender.
À n’en point douter, les disciplines de référence occupent une place considé-
rable dans cet ouvrage. Elles suscitent vraisemblablement les débats les plus
forts dans notre champ, déterminant la forme des modèles (cf. M. Dabène,
infra), les emprunts théoriques et méthodologiques (cf. également D.G. Bras-
sart, J.-P. Bronckart, J.-L. Chiss, J.-M. Privat…), les conceptions mêmes de
la didactique. Je m’y arrêterai donc, l’espace de six remarques.
En second lieu, mais ce point est tout à fait complémentaire du premier, com-
ment (s’il faut le faire) hiérarchiser dans notre champ les disciplines de réfé-
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rence ou, sous une autre forme, légiférer sur leur proximité ? À dire vrai, et si
l’on exclut provisoirement ce qui a trait aux diverses représentations de la
scientificité, les principes posés par les uns ou les autres semblent éga-
lement probants ou intéressants et l’on voit mal comment on pourrait s’en
priver. Soit, à titre de rappels et d’exemples :
– la validité dans le cadre de référence ;
– la plausibilité (épistémologique, linguistico-textuelle, psychologique,
sociologique…) ;
– la pertinence dans le cadre didactique ;
– l’opérationnalité pratique.
21. La conséquence pratique de cet état de fait est de considérer nombre de dimensions, soit comme un « habillage », soit
comme des variations secondaires hors du champ de la théorie.
22. La conquête de places institutionnelles et la revendication « scientifique » contrecarrent, pratiquement, dans nombre de
cas, cette prudence.
23. L’exercice d’évaluation auquel se livre J.-P. Bronckart, à propos de la psychologie, nous inciterait d’ailleurs à effectuer le
même à partir des courants de la didactique et de ses emprunts (voir E. Nonnon, 1994, sur la didactique du récit).
224 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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les manuels, la formation, etc. Pour la seconde famille, la théorie didactique
(ou les théories didactiques, ou les théories de référence) a à intervenir sur les
pratiques. Mais ici encore, surgit un clivage important entre ceux pour qui il
s’agit d’un rôle pilote25 et ceux pour qui ce serait plutôt un rôle adjuvant :
aider à comprendre en décrivant et en évaluant les pratiques et leurs effets :
ouvrir ou affiner la palette des pratiques par une réflexion sur l’intégration
d’apports théoriques, etc.
Mais ce débat est insatisfaisant, voire tronqué, s’il continue à faire l’impasse,
comme c’est encore trop souvent le cas à mon sens, sur les effets en retour
des pratiques et des théories didactiques sur les théories de référence. Ainsi,
en est-il de l’impulsion donnée aux recherches concernant la lecture et l’écri-
ture relativement « en veilleuse » en psychologie ou en sociologie jusqu’à ces
deux dernières décennies ; ainsi en est-il de l’intérêt porté aux écrits sociaux
(voir M. Dabène, 1987 et la revue Lidil, 1990), au personnage ou aux scènes
comme « articulateurs » de la lecture-écriture (Pratiques, 1998 et 1994), aux
interactions lecture-écriture (Y. Reuter, éd., 1994) ou aux savoirs pratiques
des enseignants (cf. D. Bucheton, infra). Cette absence de « dialectisation »
empêche sans doute de voir à quel point la problématisation didactique a
conquis une place certaine dans les sciences humaines et a déplacé ou
remodelé des objets, des questions etc. dans les disciplines de référence.
Bref, en quoi la didactique est – d’une certaine façon – discipline de référence
pour d’autres.
Reprenant cette synthèse près de dix ans plus tard, je souhaite montrer que,
malgré la floraison des recherches, la didactique du français se trouve dans
une situation aussi incertaine que lors de la première édition de cet ouvrage.
J’essaierai donc de préciser en quoi, malgré des déplacements et des recon-
figurations indéniables, certaines tensions restent vives ou certains problè-
mes demeurent en suspens.
24. Ce qui ne règle en rien cependant la question des effets qui se produisent « malgré » cette volonté.
25. Cette position se heurte à mon sens à trois écueils majeurs : la confusion entre science et politique ; l’absence de
réflexion sur l’histoire des sciences jonchée de cadavres de théories « justes » ; le temps que devraient encore attendre
les enseignants avant d’enseigner dans l’espoir de « preuves » suffisantes.
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 225
1 Tensions institutionnelles
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En effet, sur le versant positif, en moins d’une décennie, cette discipline a
connu une phase d’expansion prodigieuse : multiplication des colloques, des
articles, des ouvrages, des postes d’enseignants-chercheurs, des thèses
soutenues, place accrue dans les formations universitaires et professionnel-
les… Mais, d’un autre côté, plusieurs menaces persistent, notamment les
attaques contre sa légitimité issues aussi bien des décideurs-prescripteurs-
contrôleurs institutionnels qui se sont sentis dépossédés, en vertu de son
existence même, d’une partie de leur autorité, que des chercheurs d’autres
disciplines qui n’ont pas forcément apprécié le développement d’une disci-
pline qui, à certains égards, peut apparaître comme empiétant sur leur terri-
toire ou remettant en cause la validité de leur discours sur le terrain
scolaire27. D’autres menaces sont apparues plus récemment, par exemple la
réduction « ciblée » des postes dans l’enseignement supérieur (et les
I.U.F.M.) ou le retour en force, particulièrement sur le terrain du français, des
discours idéologiques les plus traditionnels.
Tout cela mérite non seulement une vigilance constante mais aussi des ana-
lyses et des débats, relativement mis en veilleuse à l’heure actuelle, quant au
positionnement institutionnel de la discipline : à la fois sur son statut universi-
taire28, sur ses relations avec les autres disciplines et sur ses modalités de
relation avec les instances de prescription, de certification, de contrôle…
Tout cela n’a rien de simple et, de surcroît, est variable selon les pays.
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unicité, via un noyau commun d’invariants et sa décontextualisation) ou
en termes de « pratiques » (insistant alors sur sa diversité, sa contextuali-
sation, ses variations formelles et fonctionnelles…) ;
– celle du mode (et du « niveau ») de catégorisation des objets langagiers :
plus ou moins appréhendés sous l’angle de la généralité ou de la spécifi-
cité, sous celui de la production ou du produit : le récit comme type de
texte, le discours narratif, les genres de récits…
– celle de la congruence entre modèles de compétences et modèles
d’objets langagiers30…
Je poserai volontiers ici que la gestion de ces questions est une des tâches
fondamentales auxquelles est confrontée la construction de modèles didacti-
ques31, justement en ceci que, contrairement aux autres disciplines qui peu-
vent opter, au moins tendanciellement, pour l’un ou l’autre des modes de
formalisation, la didactique a comme spécificité de ne pouvoir se priver
d’aucun des deux, dans la mesure où ils sont structurellement impliqués par
les fonctionnements de la discipline scolaire et par les nécessités de son
analyse.
29. Sur cette question, voir Y. Reuter, 2001a et 2003. Par niveau, je désigne le niveau de généralité (produire/écrire/
écrire un récit…).
30. Sur ce point, voir mes remarques (Y. Reuter 2002) lors du colloque « L’écriture et son apprentissage. Questions pour la
didactique, apports de la didactique » organisé par Sylvie Plane, à l’INRP en mars 2002.
31. Sur cette notion et les discussions qu’elle suscite, voir, entre autres, de J.-F. Pietro & B. Schneuwly, 2003 ; B. Schneuwly,
éds, 1998 ; Enjeux, 1996 ; Y. Reuter, 1996, 2000 et 2001b.
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 227
Cette tension me paraît d’autant plus difficile à travailler que chacun de ces
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pôles a connu une expansion de ses recherches32 mais sans qu’il existe de
véritable communication entre eux. De surcroît, chacun d’eux est traversé de
débats. Ainsi, le pôle des « discours » est confronté aux questions de ses
limites, de la dominante accordée au faire ou aux savoirs linguistiques, au
choix des cadres analytiques (par exemple grammaire de phrase, de texte ou
de discours) et à la réorganisation ou non des sous-domaines de la discipline
(orthographe, grammaire, lexique…). De son côté, le pôle de la « littérature »,
s’il apparaît comme un garde-fou utile pour sauvegarder la spécificité du
français face aux mouvements centrifuges impliqués par le pôle des discours
(sur lesquels je reviendrai immédiatement après), est confronté aux questions
de sa modélisation didactique (comment la définit-on ?), de ses modes de
justification au sein de la discipline français (qu’est-ce qui justifie sa place et
les valeurs qui lui sont attachées ?), de ses spécificités (qu’est-ce que la litté-
rature permet de faire qu’aucun autre ensemble de pratiques culturelles ne
permettrait pas ?)33.
32. Avec une accentuation assez remarquable des recherches concernant l’enseignement de la littérature à l’école primaire.
Voir, par exemple, Repères, 1996 ou C. Tauveron, 2002.
33. De ce point de vue, il semble que la littérature effectue un « retour en force » mais sans le travail de déconstruction criti-
que qui l’accompagnait lors des décennies précédentes, à quelques exceptions près (par exemple, J.-L. Chiss & J.
David, 1999 ; B. Daunay, 1999).
34. Voir tout ce qui s’est publié depuis quelques années autour du français « transdisciplinaire » ou des relations entre prati-
ques langagières et construction des savoirs, par exemple : D. Bucheton & J.-C. Chabanne, éds, 2002 ; Les Cahiers
pédagogiques (1999 et 2000) ; La Lettre de la DFLM (2002) ; Pratiques (2002) ; Recherches (2002) ; Y. Reuter, éd.,
1998…
228 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
Peut-être pourrait-on dire, ici encore, que cette tension est une des caracté-
ristiques du « français », modulable selon les niveaux scolaires, liée à son
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statut de discipline « fondamentale »35 et à son entrée par les capacités et les
objets langagiers. Reste cependant à construire, le plus précisément possi-
ble, les modes de gestion didactiquement viables de cette tension.
Au travers de cette expansion, on perçoit bien que les contours, voire que la
notion même de discipline scolaire est interrogée, questionnant en retour la
didactique en tant qu’elle se définit en relation avec des contenus disciplinai-
res. Mais, ici encore, le morcellement des recherches empêche de penser ce
que leur juxtaposition interroge et qui concerne, outre la manière dont les
recherches en didactique construisent la discipline scolaire, d’autres problè-
mes non négligeables tels :
– la définition d’une « activité de français » (i.e. Quand parle-t-on ? Quand
effectue-t-on une activité de français ?) ;
– la part accordée à la « forme scolaire » dans la spécification de la didacti-
que (i.e. jusqu’où peut-on parler de didactique extrascolaire ou profession-
nelle ?) ;
35. C’est-à-dire initiale et nécessaire pour « entrer » dans nombre d’autres disciplines.
36. Voir, par exemple, D.G. Brassart, éd., 2000, Enjeux (2002 a et 2002 b), Lidil (1998), Lidil (2001), Spirale (2002)…
37. Le changement de sigle (en 2003) de l’Association Internationale pour le Développement de la Recherche en Didacti-
que du Français Langue Maternelle (AIDR-DFLM) en Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Fran-
çais (AIRDF) constitue un indicateur non négligeable de ce déplacement. De fait, la question du français langue seconde
avec les élèves issus de l’immigration est abordée frontalement dès 1997 dans l’ouvrage de D. Boyzon-Fradet & J.-L.
Chiss.
38. Voir, notamment M.-C. Penloup, 1999 et Repères (2001).
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 229
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Je dois avouer que, pour moi, ces questions demeurent ouvertes, même si,
sur le dernier point soulevé, j’avancerais volontiers que le fait d’envisager les
pratiques des élèves (et non des enfants, par exemple) et de constituer
l’investigation au travers d’une partition de l’espace social entre espaces
scolaire et extrascolaire me paraît spécifique du regard didactique.
39. Je reprends ici, en les modifiant quelque peu, mes propositions précédentes (cf. notre partie H).
40. Je pense ici à nombre de recherches portant sur les rapports aux savoirs ou au langage.
230 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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écueils mentionnés. Il s’agit, de la recherche « impliquée41 » inscrivant les
pratiques scolaires comme « horizon praxéologique » (Y. Reuter, 1992). Dans
cette perspective, l’analyse des fonctionnements disciplinaires et des problè-
mes qu’ils suscitent constitue, en grande partie, la référence initiale de
recherches qui inscrivent comme principe constitutif de la production des
connaissances leur possible contribution à des transformations mélioratives.
Cela implique conséquemment de ne se priver ni de la déconstruction criti-
que des contenus et des exercices, ni de la construction de contenus et
d’exercices alternatifs, sous réserve de trois conditions : l’étayage théorico-
empirique de ce travail, l’évaluation des propositions afin de spécifier leurs
intérêts et leurs limites, leur présentation en tant que contribution à une
ouverture des possibles42.
Ainsi, pour n’en prendre qu’un seul exemple, il est de plus en plus fréquent
d’entendre affirmer qu’il serait souhaitable de développer des recherches sur
le travail enseignant, la part du maître, dans la mesure où ce pôle aurait fait
l’objet de moins d’investigations en didactique du français que ceux des
savoirs et des apprenants43. Au-delà des débats sur les fondements de cette
assertion, cela me paraît soulever trois problèmes importants.
41. Je reprends ce terme à J.-F. Halté, sans qu’il y ait, néanmoins, de recouvrement intégral.
42. Et non comme solution à appliquer…
43. Ce que j’écrivais d’ailleurs dans ma synthèse de 1994.
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition ■ 231
Peut-on sous-entendre que les recherches sur les savoirs sont suffisamment
développées ? Surtout si l’on pense que le prisme disciplinaire caractérise la
didactique et si, on a en tête la question de la modélisation didactique (cf.
I.2), c’est-à-dire de la construction de modèles de savoirs et de savoir-faire
spécifiques à la didactique.
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Peut-on soutenir que les recherches sur les apprenants sont suffisamment
développées ? Surtout si l’on tient compte de l’horizon praxéologique (cf. I.3)
de la didactique et de questions aussi importantes que celles des modes
d’apprentissage, des dysfonctionnements, des obstacles, voire de ce qui
caractériserait une analyse proprement didactique des performances des élè-
ves et de leurs évolutions.
Peut-on enfin penser, sans risquer de réduire la spécificité didactique, que les
recherches peuvent s’effectuer sur ces différents pôles, séparément ? Et non
que la didactique se caractériserait justement dans les modalités de leur arti-
culation (qui restent d’ailleurs à définir).
En d’autres termes, il me semble que se joue en partie ici rien moins que la
question de la spécificité des recherches en didactique, de ce qui fait qu’elles
sont différentes des recherches menées dans d’autres disciplines.
D’un autre point de vue encore, si l’on admet que le développement d’une
discipline est tributaire tout à la fois du développement de ses recherches,
des débats du champ et de la réflexion épistémologique qui s’en empare, on
peut penser que la didactique du français est bien vivante entre les Journées
de Saint-Cloud qui constituent le fondement de la première édition de cet
ouvrage, le colloque de Poitiers consacré aux questions épistémologiques
(M. Marquilló, éd., 2001) et le colloque de l’AIRDF tenu en août 2004 à Qué-
bec autour du statut et de l’unité de la discipline français.
44. Voir, sur ce point, le numéro 141 de la Revue française de pédagogie (2002) et la faible part qu’il consacre à ce pro-
blème et à celui des pratiques langagières dans les différentes disciplines.
45. Par exemple celle de contrat didactique qui spécifie sans doute insuffisamment ce qui est de l’ordre de la « forme
scolaire » (G. Vincent, éd., 1994), de l’ordre du mode de travail pédagogique et de l’ordre du didactique.
232 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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234 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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Cette bibliographie recense des ouvrages et revues qui constituent le fonds
commun de la didactique du français en particulier dans le domaine de la lan-
gue maternelle. Elle complète, dans un souci de large initiation, les bibliogra-
phies spécifiques qui suivent certaines contributions.
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238 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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Lille 3 – UFR de Sciences de l’éducation – BP 149 – F 59653 VILLENNEUVE
D’ASCQ.
LE FRANÇAIS AUJOURD’HUI, revue de l’AFEF – 19, rue des Martyrs – F 75009
Paris, publiée par Armand Colin & Larousse – 21, rue du Montparnasse –
F 75006 Paris.
LES CAHIERS THEODILE, revue publiée par l’équipe Théodile (Théorie – Didacti-
que de la lecture-écriture) – Université Charles de Gaulle – Lille 3, UFR de
Sciences de l’éducation – BP 149 – F 59653 VILLENNEUVE D’ASCQ
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– F 38040 Grenoble Cedex.
PRATIQUES, revue publiée par le CRESEF – 8, rue du Patural – F 57000 Metz.
RECHERCHES, revue publiée par l’ARDPF – Centre IUFM de Lille – 58 rue de
Londres – BP 87 – F 59006 LILLE CEDEX
REPÈRES, revue publiée par l’INRP – Place du Pentacle – BP 17 – F 69195
SAINT-FONS CEDEX.
TRANEL, revue publiée par l’Institut de linguistique de l’Université de Neuchâtel –
Faculté des lettres et sciences humaines – Espace Louis Agassiz 1 – CH 2000
NEUCHATEL
240 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
Voir aussi :
Babylonia, Cahiers Robinson, Études de linguistique appliquée, Français 2000,
Langage & Pratiques, Langue française, Le français dans le monde, Lettres
ouvertes, Les Cahiers du français contemporain, Les Cahiers pédagogiques,
Littérature, Québec français, Poétique, Raison éducative, Reue française de
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linguistique appliquée, Spirale…
Index thématique
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A Didactique des langues : 13, 15, 17-20, 23,
Acteur (chercheur, formateur, enseignant) : 29, 30, 37, 92, 147, 170, 171, 177, 178,
24, 25, 27, 35, 36, 51, 63-65, 70, 74, 82, 191
83, 85, 87, 108, 121, 122, 126, 128, 134, Didactique générale : 21, 71-73, 203, 212,
135, 139, 145-147, 149, 173, 175, 193, 221
198, 199, 201, 203, 206-209, 214, 216, Discipline français : 216, 217, 227, 231
218, 219, 230, 232
Apprenant (élève) : 27, 28, 38, 42, 45, 50, 51, E
54, 57, 64, 65, 67, 68, 74, 80, 104, 106, Écrit (acculturation, acquisition) : 17, 21, 26,
119, 124, 125, 131, 133, 144-146, 153- 27, 30, 39, 43, 47, 52, 57, 77, 80-83, 92,
159, 161, 170, 173, 174, 176, 197, 198, 99, 103, 104, 116, 124, 130, 144, 155,
200, 202, 204-206, 221 157, 160, 163, 166, 174, 176, 179, 181,
Apprentissage : 23, 28, 29, 40, 44, 53, 56, 182, 185-188, 190, 191, 198, 200, 202,
61-70, 74, 77, 79-81, 89, 90, 92-94, 96, 203, 218, 219, 232, 233
99, 103-106, 108, 116, 118, 123, 126, Écriture/rédaction : 42, 44, 45, 51, 53, 54, 80,
127, 131, 134-136, 138, 140, 143-146, 82-84, 93, 94, 103, 116, 130, 131, 151,
149, 152, 159, 161, 163, 164, 171, 172, 152, 154-159, 161-164, 176, 182, 186-
174-176, 181, 184-187, 190, 191, 203- 188, 190, 191, 194, 196, 198, 199, 203,
205, 212, 213, 218, 226, 231-233 205, 211, 215-218, 224, 226, 232-234
Édition, publication : 15, 18, 23, 26, 55, 71,
B 124, 149, 180, 182, 184, 190-192, 224,
Behaviorisme : 136, 138, 141, 144, 145 231
Enseignement : 16, 18-25, 27-30, 35-45, 48-
C 57, 59, 62, 65, 67, 69-71, 74, 75, 77, 79-
Communication : 36, 53, 63-65, 67, 68, 70, 82, 86, 87, 89, 90, 92, 93, 97, 99, 103,
74, 80-84, 89, 92, 93, 117, 132, 143, 195, 106, 108, 109, 115, 118-121, 123, 124,
196, 199, 202, 217, 227 132, 135, 136, 144-146, 151, 157, 161,
Constructivisme : 64, 136-140, 144 164, 170-175, 177-180, 182, 183, 185,
Culture/acculturation : 27, 38, 39, 42, 43, 49, 188-191, 195, 196, 199, 200, 202, 203,
51, 58, 81-83, 87, 109, 115, 119, 120, 205, 206, 212, 213, 218, 219, 221, 225,
122, 124-126, 128-131, 152, 160, 174- 227, 228, 232-234
176, 182, 197, 202, 217, 219 Ethnologie : 83, 119, 122, 123, 126, 129,
218, 219
D
Déclaratif/procédural : 100, 104-109 F
Développement : 16, 19, 21, 25, 35, 38, 39, Formalisation : 24, 69, 217, 226, 227
43, 52, 55, 57, 59, 68, 77, 80, 82, 89, 99, Formation : 17, 21, 24, 25, 27, 29, 30, 39, 40,
100, 105, 106, 109, 111, 112, 115, 118, 45, 50, 68, 70, 71, 86, 90, 93, 102, 112,
126, 135-144, 146, 147, 153, 169, 197, 118, 137, 148, 171, 176, 177, 179, 180,
198, 201-203, 205, 212, 219, 225, 228, 183, 184, 188, 189, 194, 195, 198, 202,
231, 232 207-209, 217, 224, 228, 232, 233
242 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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H 217, 218, 225-227, 232, 234
Histoire, épistémologie : 16, 17, 24, 29, 30,
35, 36, 38, 39, 41, 44, 45, 47, 48, 58, 62, M
66, 67, 69, 71, 80, 85, 86, 93, 124, 127- Métalangage : 28, 66, 69, 113
129, 132, 135, 142, 149, 155, 158, 164, Métalinguistique : 82, 84, 101, 198, 205, 232
179, 181, 184, 194, 199, 200, 205, 206, Modèles (didactique, psychologique) : 13, 15,
211, 212, 215-218, 221, 224, 233 16, 18, 46, 69, 83, 85, 87, 91, 98, 99, 101,
102, 109-112, 133, 138, 139, 143, 156,
I 159, 160, 162, 181, 182, 185, 189, 198,
Institution (lieu, cadre, instance) : 18, 23, 49, 199, 202, 204, 209, 215, 222, 226, 231
52, 63, 67, 123, 128, 172, 175, 184
Interaction : 13, 62-65, 67-69, 72, 74, 80, 82, N
83, 107, 138, 140, 142, 147, 174, 201, Norme (linguistique, culturelle) : 36, 40, 88,
203, 206-208, 219, 220, 222 175
Interactionnisme (social) : 136, 141-145, 147
O
L Officiel (texte, discours, orientation) : 154,
Langage (acquisition, activité, pratique) : 21, 155, 161, 172, 184
25, 28, 39, 40, 43, 44, 55, 57, 64-67, 74, Oral (corpus, pratiques d’) : 23, 61, 83, 87,
79, 81-85, 87, 92, 94, 113, 115-118, 120, 99, 104, 163, 174, 180, 191, 200, 203,
128, 137, 140-146, 148, 180, 182, 192, 232
195, 197, 198, 200-204, 208, 220, 229 Outil, manuel : 48, 50, 83, 93, 120, 128, 156
Langage (sciences du) : 13, 20-22, 25, 27,
50, 72, 77, 81, 82, 84, 86, 92, 183, 189 P
Langue étrangère : 13, 15, 16, 17, 18, 22, 27, Pédagogie : 19, 20, 22, 30, 38, 58, 59, 64,
29, 30, 35, 169, 170, 172, 177, 178, 228 67-71, 74, 80, 92, 95, 96, 106, 107, 113,
Langue maternelle : 15-17, 19, 21-23, 27, 29, 115, 118, 120, 121, 123, 155, 173, 180,
30, 35-37, 43, 47, 49, 51, 59, 77, 79, 83, 181, 185, 199, 207, 212, 214, 220, 221,
93, 95, 103, 104, 149, 169, 170-173, 175, 233
177-179, 193, 200, 201, 211, 232, 233 Pratique culturelle, sociale : 55, 122-124,
Langue seconde : 15, 27, 28, 35, 169, 171, 130, 220
172, 177, 228 Psychologie : 19, 21, 23, 25, 43, 68, 77, 79,
Lecture (acquisition, pratique de) : 23, 37-39, 81, 83, 95-98, 103, 113, 115, 117, 118,
42, 44, 45, 54, 58, 77, 81, 84, 88, 94, 99, 136, 137, 141, 143, 144, 147, 148, 182,
103, 104, 117-127, 129-134, 144, 156, 183, 187, 189, 190, 192, 199, 205, 209,
164, 176, 181, 182, 184-188, 190, 196, 216, 218, 219, 223, 224
198, 199, 203, 205, 215, 217, 218, 224,
226, 232, 233 R
Linguistique : 19-22, 23, 26-30, 35-38, 53, Recherche : 13, 15-25, 27, 28, 35, 38, 43, 50,
54, 56, 58, 73, 79, 81, 82, 84, 86, 88-90, 52, 54, 58, 59, 61, 66, 69, 73, 88, 92, 93,
92-94, 115, 116, 128, 175, 177, 178, 180, 97, 99, 109, 114, 122, 124, 130, 132, 147,
182-184, 187, 189, 190, 192, 202, 205, 149, 157, 164, 171, 179-184, 189, 190,
206, 209, 215, 216, 225, 227, 228, 232 194, 195, 202, 204, 208, 210, 214, 216,
Linguistique appliquée : 19, 20, 23, 26, 29, 218, 227, 229, 230, 232
Index thématique ■ 243
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200, 201, 202, 205, 207, 213, 216, 219, Transdisciplinaire (français) : 82, 217, 227
221, 226, 232, 233 Transposition (didactique) : 13, 47, 48-51, 53-
Savoir-faire, compétence : 37, 49-52, 63, 69, 59, 85, 97, 103, 116, 190, 191, 204, 216,
72, 74, 75, 79, 82, 87, 93, 95, 99, 100, 220, 232
104, 105, 111, 113, 126, 133, 139, 151, Triangle didactique : 24, 74, 173, 198, 220
176, 187, 191, 205, 207, 212, 218, 226, Type, genre de texte : 28, 39, 40, 52, 54, 64-
227, 231 66, 87, 91, 95, 98, 100, 102, 105, 106,
Situation, pratique de classe : 17, 23, 24, 27, 111-113, 120, 121, 123, 127, 129, 154,
28, 37, 48, 53, 65, 67, 81, 95, 97, 105, 159, 174, 203, 206, 226
106, 111, 124, 128, 129, 131, 146, 171,
173, 179, 196, 202-205, 208, 211, 221, V
224, 228 Valeur (littéraire, culturelle) : 128
Sociologie : 19, 67, 77, 79, 81, 83, 95, 117, Variation (didactique, linguistique) : 88
119, 120, 122, 123, 126, 129, 192, 199,
Table des matières
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Sommaire 5
Auteurs 7
Introduction 9
Jean-Louis Chiss, Jacques David, Yves Reuter
Première partie
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES 13
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C ■ Les savoir-faire ou les pratiques sociales de référence :
toujours des savoirs 50
D ■ Disciplines de référence et transposition descendante et ascendante :
la DFLM comme prototype 53
E ■ Je transpose bien, tu transposes mal
ou la transposition se fait derrière notre dos 55
F ■ L’enseignement comme condition nécessaire du développement 57
Références bibliographiques 58
Deuxième partie
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE 77
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B ■ Connaissances déclaratives, connaissances procédurales 99
C ■ « À connaissances procédurales, didactique procédurale » 104
D ■ Didactique déclarative :
la procéduralisation des connaissances déclaratives 107
E ■ De la pluralité des modèles de l’expertise et du développement-
apprentissage à une didactique cognitive différentielle ? 109
F ■ Conclusion 113
Références bibliographiques 115
Troisième partie
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS 149
B ■ 1938 161
1 Les finalités de la rédaction 161
2 Les représentations du scripteur 162
3 La conception de l’écriture 163
Références bibliographiques 164
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ANNEXE 1 164
ANNEXE 2 166
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2.2 Penser dialectiquement la singularité ! 201
2.3 Penser les situations d’enseignement
comme des situations d’échange, des situations de parole
(ce qui est différent d’enseigner la communication) 202
C ■ La situation didactique en français : complexité, spécificité 203
1 Penser ensemble l’interaction de paramètres hétérogènes 203
2 Bilan succinct 203
3 Questions en chantier 204
3.1 De la nécessité de penser conjointement le développement,
l’enseignement et l’apprentissage 205
3.2 L’interdépendance des savoirs et des savoir-faire 205
3.3 La question de l’identité de la discipline et de ses contours 206
D ■ De quelques questions polémiques 207
1 Le nécessaire dialogue entre les acteurs 207
2 Producteurs de savoirs, l’enseignant de terrain
et le formateur le sont aussi, à leur manière 208
3 Le chercheur, à sa façon, est aussi dans l’intervention didactique 208
4 La question de la diffusion des savoirs 209
Synthèse
Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition 211
Yves Reuter
A ■ La synthèse de 1994 211
B ■ Définir la didactique du français ? 212
C ■ La question des méthodes 213
D ■ Quant à l’histoire 215
E ■ À propos des objets et des pratiques 217
F ■ De quelques concepts 220
G ■ Les disciplines connexes 221
H ■ Les disciplines de référence 222
I ■ La didactique du français, 10 ans plus tard 224
1 Tensions institutionnelles 225
2 La définition de la discipline scolaire 225
3 Les relations entre didactique et discipline scolaire 229
4 Les pôles des recherches en didactique 230
Références bibliographiques 232
250 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
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D ■ Références de base 238
E ■ Revues 239