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DU FRANÇAIS
Table des matières
Présentation générale 11
PARTIE 1
HISTOIRE, ACTUALITÉ ET CONTEXTES
2 Les contextes 59
1 Variétés de langue et diversité des approches grammaticales
francophones 59
Position du problème 59
Quel corpus de grammaires francophones ? 63
Quelles conceptions de la langue dans les grammaires francophones ? 70
Pour conclure 76
2 Les grammaires de référence dans la francophonie :
contextualisations et variations 78
Une problématique de la contextualisation 79
PARTIE 2
QUESTIONS DE DIDACTIQUE DE LA GRAMMAIRE
6 Didactique du français
Exemples terminologiques : variables et problèmes 163
Retour historique et réflexif 165
9 Progression grammaticale et stratégies d’enseignement 174
La progression et les variables 175
La progression et les apprentissages langagiers/linguistiques 177
La progression et les activités métalinguistiques 178
La progression et la double entrée 179
La progression et les textes 181
8 Didactique du français
8 Orthographe, écriture et production de texte 271
1 Conceptions et délimitations du domaine orthographique 272
De l’orthographe à l’apprentissage du lire-écrire 272
L’orthographe entre conceptions psychologiques et linguistiques 274
2 La dimension orthographique dans l’écriture 276
Orthographe et représentations de l’écriture 276
Orthographe et écriture « non scolaire » 279
Orthographe et réécriture 282
3 Perspectives didactiques 285
Bibliographie 319
C
et ouvrage reprend partiellement la matière d’un recueil de
2012 paru dans la collection Le Français aujourd’hui qui a, un
temps, accompagné la revue homonyme. L’éditeur nous a permis
de reconfigurer le contenu (par addition, soustraction et modifications) et
de le faire paraitre dans une collection réputée, ouverte à un plus large public.
Nous n’en avons pas changé l’état d’esprit : livrer à la communauté éducative
et universitaire des éléments de connaissance et de réflexion sur la langue
française et son enseignement. Le français comme langue et comme disci‐
pline constitue, en France d’abord mais aussi dans les francophonies, un
objet de discussions et de prises de position au sein de la société, largement
au-delà de l’institution scolaire, et dans le temps long de l’histoire. C’est
pourquoi nous avons organisé une première partie marquée par la dimension
historique et par la contextualisation. On ne s’étonnera pas dès lors qu’y
figurent des examens de la conjoncture contemporaine sans tenir la chro‐
nique des incessantes « réformes » des orientations et programmes, aussitôt
mis en œuvre que passés aux oubliettes, comme si ce domaine ne pouvait
donner prise à une quelconque cumulativité. Le sentiment de « crise »
apparait si répandu chez les acteurs qu’il est devenu pour ainsi dire endé‐
mique et qu’il faut mobiliser les ressources de l’histoire pour remettre en
perspective l’actualité. Nous sommes restés particulièrement attentifs aux
mouvements de « rénovation » de l’enseignement du français (en France ou
en Suisse Romande par exemple) ainsi qu’aux travaux de construction de la
didactique de la discipline « français » dont nous avons été, avec d’autres,
des acteurs engagés. En étudiant certaines grammaires de référence dans
trois pays francophones (Québec, Suisse, Belgique), nous avons cherché à
savoir si le « modèle » français de manuel grammatical était ou non prévalent
et si existait une prise en compte des variations locales de la langue. Enfin,
la question de la formation des enseignants s’est présentée d’emblée comme
fondamentale, en France et au-delà, soumise à transformations institution‐
nelles périodiques, ainsi que l’attestent à l’heure où s’écrivent ces lignes, les
Présentation générale 11
projets de remise en cause des Écoles supérieures du professorat et de l’édu‐
cation (ÉSPÉ) qui avaient elles-mêmes succédé aux Instituts universitaires
de formation des maitres (IUFM), le tout sur une période assez courte.
Choisir de se concentrer sur les deux « sous-disciplines » que sont la
grammaire et l’orthographe, c’était, dans la voie ouverte précédemment,
privilégier des domaines traditionnellement reliés, dans lesquels la néces‐
saire transmission de savoirs n’empêche en rien – au contraire – les débats
éducatifs et politiques. C’est pourquoi nous avons frontalement abordé, dans
la deuxième partie, les questions cruciales de tout enseignement de la gram‐
maire : délimitation du domaine (extension et limites), définition des pro‐
gressions possibles, modèles théoriques sous-jacents (« entrées » formelles
ou sémantiques, « doubles entrées »), métalangages et terminologies, en
veillant à ne pas ignorer, malgré la centration sur le français langue première
(ou « maternelle »), les problématiques propres au français langue seconde
ou étrangère. L’apprentissage par les élèves des notions grammaticales, les
trajets des apprenants ont été auscultés dans une perspective plus large visant
la conquête du « sens grammatical », d’une « culture grammaticale » sus‐
ceptible de s’intégrer à une vision humaniste de l’enseignement. Mais, parmi
les élargissements et – en termes de contenus de savoirs – nous sommes
revenus sur les relations entre la linguistique de la phrase et la linguistique
du texte en discutant la question des niveaux d’analyse et la pertinence même
de ce concept de « phrase ».
Par bien des aspects, le champ de l’orthographe a été traité de façon
similaire en insistant peut-être davantage sur les dimensions politiques et
sociétales à côté des éléments descriptifs et didactiques. Et il est vrai que les
déficiences orthographiques et leur intériorisation par les sujets ont un
impact sur les destins scolaires et professionnels. Sans doute est-ce cela qui,
combiné aux représentations du français inscrites dans l’histoire depuis le
xvie siècle, provoque les passions autour des « réformes » et encore récem‐
ment des « rectifications » orthographiques. Dès lors se trouvent mobilisées
les études sur les « erreurs » des apprenants, instructives en ce qu’elles disent
de leurs conceptions et savoirs et renvoyant à la polysémie de la « règle », en
lieu et place de la vision restrictive et normative léguée par la tradition. Il y
faut des exemples dont ici le traitement de la morphologie verbale écrite.
Mais là encore les limites à conférer au champ orthographique et sa dispo‐
sition dans la structuration disciplinaire renvoient aux questionnements des
deux premières parties : faut-il par exemple élargir l’orthographe à l’écriture,
la travailler en relation à la phonétique, au lexique, à la grammaire ?
12 Didactique du français
Ce n’est pas un lieu commun obligé que d’affirmer le caractère résolu‐
ment non exhaustif des connaissances apportées par cet ouvrage. Il n’est pas
assuré non plus que les débats dont il est question ici n’aient pas fait ailleurs
l’objet d’autres développements. Mais nous revendiquons le choix des infor‐
mations, leur organisation, et la mixité avec un point de vue explicite sans
lequel il n’y a pas, selon nous, de dimension formative et de plaisir (éventuel)
de lecture.
Présentation générale 13
Partie 1
Histoire, actualité
et contextes
C
ette première partie, où dominent, conformément à l’objet de
cet ouvrage, les développements sur l’étude de la langue et spéci‐
fiquement de la grammaire, a une fonction d’ouverture et de
cadrage. Elle inscrit le travail dans des perspectives historiques et épisté‐
mologiques en faisant une place aux débats qui, depuis la fin du XIXe siècle
jusqu’à notre actualité, traversent l’enseignement et l’apprentissage du fran‐
çais comme langue et comme discipline scolaire.
Les notions de « crise » et de « rénovation » en constituent, ensemble, la
trame avec leurs aspects théoriques et institutionnels dont l’organisation
académique du champ dénommé « didactique du français ». Une réflexion
sur les programmes et les décalages entre le prescrit, le réel et le souhaitable,
ainsi que sur le périmètre disciplinaire fournit une grande partie de la
matière ici traitée. Mais une attention particulière est portée aux variétés
internes à la langue française et aux contextes d’enseignement-apprentissage
en francophonie.
La démarche obéit donc au double souci de conceptualisation et de
contextualisation, fidèle à la vocation d’une didactique aussi soucieuse de
ses ancrages théoriques (dont son rapport aux sciences du langage) que de
sa visée praxéologique.
Évidemment, bien des questions évoquées dans cette première partie
seront reprises, élargies à d’autres objets d’enseignement ou considérées d’un
point de vue différent dans les deuxième et troisième parties.
T
oute réflexion sur la grammaire devrait, en toute rigueur,
ne pas contourner l’exercice lexicographique tant il est vrai que la
polysémie du terme crée la première source de difficultés à qui veut
définir un objet pour sa recherche. D’autant que l’extraordinaire extension
du terme à des domaines non linguistiques – ou non spécifiquement lan‐
gagiers – ne saurait s’interpréter dans les termes du snobisme intellectuel
(la « fortune » d’un mot) mais reflète une forêt d’options théoriques où les
métaphores cachent et révèlent des ensembles conceptuels. De la grammaire
du récit à celle de la poésie, de la grammaire de la peinture à celle de l’archi‐
tecture, de la grammaire du cinéma à celle du tricot (cité à l’article « Gram‐
maire » du Grand Larousse de la langue française, abrégé en GLLF) la
compréhension du terme en vient à se réduire à « Ensemble des règles d’un
art, d’une science » (ibid.). Mais l’exportation du terme hors du champ pro‐
prement linguistique ne fonctionne pas, tant s’en faut, comme une analogie
séduisante puisqu’il arrive, par un renversement significatif, que sa défini‐
tion en linguistique se réf ère à son usage dans une autre activité. Ainsi Saus‐
sure :
La linguistique statique ou description d’un état de langue peut être
appelée grammaire, dans le sens très précis et d’ailleurs usuel qu’on trouve
dans les expressions « grammaire du jeu d’échecs », « grammaire de la
bourse », etc., où il s’agit d’un objet complexe et systématique, mettant
en jeu des valeurs coexistantes (1972, p. 185 ; c’est nous qui soulignons).
1. Théorie et pédagogie
de la grammaire : un parcours
historique
C’est en apparence une banalité de constater que la finalité d’un discours
ou d’une pratique ne peut être considérée comme extérieure à son mode de
constitution et à son fonctionnement intrinsèque. Pour ce qui concerne la
grammaire, il apparait particulièrement difficile de séparer la question
« qu’est-ce que la grammaire ? » de cette autre question : « à quoi sert la
grammaire ? ». En historien, J.-C. Chevalier note :
À l’origine grecque, le dispositif de la grammaire est explicitement
incrusté dans sa destination qui est l’apprentissage de la langue mater‐
nelle sous la forme des discours et le corollaire de cet apprentissage qui
est l’étude des textes oratoires, historiques et poétiques. On s’adresse
donc à une classe déterminée dans une situation d’âge et de parole
déterminée (Chevalier 1977, p. 36).
1. Extrait de Lesclaircissement de la langue française de Palsgrave (1530) cité par M. Arrivé et J.-C. Chevalier (1970,
p. 18).
1. Cf. J.-C. Chevalier, op. cit. ; M. Foucault (1968), Introduction à la GGR d’Arnauld et Lancelot, Paris : Republications
Paulet ; G. Clérico et G. Lahouati (1972), dans le n° 1 de la revue Le Français moderne, en grande partie consacré à
l’« Actualité de la Grammaire générale ».
1. La GGR porte comme titre Grammaire générale et raisonnée, contenant les fondements de l’art de parler… et
l’ouvrage s’ouvre sur cette phrase : « La Grammaire est l’art de parler » (c’est nous qui soulignons).
1. Pour l’ensemble de ces données, on se reportera aux articles et ouvrages de J.-C. Chevalier déjà cités, parti-
culièrement à l’article du Français moderne, 1, 1972, où est reproduit le plan d’étude des écoles centrales créées
par la loi du 3 brumaire an IV sur l’Instruction publique.
2. Avec l’article de T. Hordé (1977), lire aussi, dans le même numéro 45 de Langages, l’article de C. Désirat (1977),
« Les récits d’une fondation : la loi et la pédagogie » ; et dans le numéro 12 de Dialectiques, des mêmes auteurs et
J.-C. Chevalier (1976), « Les idéologues, le sujet de l’histoire et l’étude des langues ».
3. Lire également, dans le même ouvrage, le chapitre IV qui articule politique scolaire, politique linguistique et
idéologie grammaticale sous la Révolution française.
1. A. Chervel, dans la logique de sa thèse, qui définit la grammaire scolaire comme la « mise en forme théorique
de l’orthographe grammaticale » (1977), estime qu’entre les grammaires « scolaires » les plus en usage au XVIIIe siècle,
celle de Wailly et celle de Restaut d’une part, et le Lhomond d’autre part, ce n’est plus le latin mais l’orthographe
qui est au centre du discours grammatical, la préparation à l’étude du latin fonctionnant simplement comme une
justification.
2. On ne retiendra que deux titres qui font exception : La Grammaire comparée de la langue française du Suisse
Cyprien Ayer en 1876, et La Nouvelle Grammaire française fondée sur l’histoire de la langue d’Auguste Brachet (1874).
1. Au sein d’une abondante littérature sur la question, on renverra à l’article de J. Dubois (1972), « Grammaire
scientifique et Grammaire pédagogique », Langue française, 14, 10-31 ; à l’ouvrage de F. François (1974), L’Ensei-
gnement et la diversité des grammaires, Paris : Hachette ; et, pour un exemple concret, à l’article de J.-L. Chiss et
J. Filliolet (1979), « La place de la sociolinguistique dans la formation des instituteurs », Études de linguistique
appliquée, 32, p. 61-71.
2. La relation étroite entre l’établissement de la grammaire et l’apprentissage linguistique est soulignée par
J. Dubois (op. cit.) pour ce qui concerne la linguistique structurale comme la linguistique générative.
2. Le grammatical et le rhétorique
– le linguiste et le discours
Si grammaire et pédagogie se tiennent dans un rapport d’implication
mutuelle, si la destination de toute grammaire est l’apprentissage d’une
langue, le grammairien-pédagogue, comme le linguiste, ne peut pas ne pas
rencontrer la réalité des discours et des textes. C’est, pour l’Antiquité
grecque, ce que pointait déjà J.-C. Chevalier (supra). Le fonctionnement
même de toutes les grammaires juxtapose à la partie théorique, descriptive
ou normative, un second niveau, celui des fragments de discours qui inter‐
viennent comme exemples ou modèles. Il ne peut être question dans ce cadre
très restreint d’envisager l’historique des rapports entre premier et second
niveau, mais simplement de pointer l’idée que jamais ne se sépare dans toute
l’histoire de la grammaire le grammatical et le rhétorique, quels que soient
au demeurant les modifications de l’un et les éclatements ou les refoule‐
ments de l’autre. C’est que le rhétorique porte le rapport au sens, au social,
au politique, que dans la liaison avec le grammatical s’inscrit la dialectique
de la scientificité et de la normativité. C’est, comme le montre P. Kuentz
1. S. Delesalle (1977) interroge chez Bréal ces contradictions entre recherche et pédagogie, dans la revue Lan-
gages, 45, p. 67-83.
1. Les deux articles de P. Kuentz (1977) et C. Marchello-Nizia et G. Petiot (1977) fournissent, en particulier, à propos
du rôle des exemples, une argumentation et une interprétation de cet effacement/retour de l’univers du discours
dans la grammaire générative.
2. Pour ces directions de recherche, voir les numéros des revues Langages, 49, « Saussure et la linguistique pré-
saussurienne », 1978 ; Langue française, 34, « Linguistique et sociolinguistique », 1977, et Cahiers de linguistique
sociale, 1, de l’université de Rouen, 1977.
1. « On ne trouverait guère à une époque déterminée de moules syntaxiques (temps, modes, relations par prépo-
sitions ou conjonctions, etc.) qui ne servent qu’à une fonction déterminée et inversement, on ne trouverait pas de
forme de pensée qui ne se reflète que dans un seul procédé » (Bally 1909, p. 257).
1. Ce texte « L’emploi de la grammaire historique et comparée dans l’enseignement de la langue française » prend
place dans une série de Conférences du musée pédagogique consacrée à « L’enseignement de la grammaire » où
interviennent aussi H. Goelzer, C. Maquet, V. Henry (qui signe une intervention sur « L’emploi de la grammaire
historique et comparée dans l’enseignement des langues anciennes » où il affirme que le professeur sera « amené
par la force même des choses à faire dans sa classe un peu de linguistique » (1906, p. 2)) et L. Sudre (professeur au
lycée Montaigne qui traite « Des nomenclatures grammaticales » (1906), texte qui sera cité par des réformateurs
ultérieurs, infra). L’ensemble de ces travaux, et particulièrement l’article de F. Brunot, montre un regain d’intérêt
pour la réflexion grammaticale : « La grammaire dogmatique a tyrannisé les lettres autour de 1830. C’était trop.
Aujourd’hui c’est trop peu. » On a là une de ces notations typiques des phénomènes d’alternance et de retour de
balancier dans l’histoire de la pédagogie de la langue qui n’est pas sans évoquer par exemple notre situation tout
à fait contemporaine où l’on assiste en didactique des langues étrangères à un « retour de la grammaire » après
les engouements oralo-communicatifs. Naturellement, reste à faire le partage entre les représentations et réécri-
tures de l’histoire et le devenir des pratiques effectives.
1. Il s’agit de l’une des sept conférences données en 1910-1911 à la Faculté des Lettres de l’université de Neuchâtel
où professeurs du secondaire et/ou universitaires prennent position sur Les leçons de français dans l’enseignement
secondaire, dégageant un consensus suisse romand, en particulier sur la « méthode inductive ». Cet ensemble
comprend aussi une intervention de J. Cart (1911), excellent florilège de la contestation des grammaires scolaires
de l’époque, avec une référence explicite aux travaux de F. Brunot (1906) et L. Sudre (1906).
1. J. Cart prend comme exemple de la nécessité d’une grammaire attentive aux spécificités respectives de l’oral
et de l’écrit, le cas du féminin des adjectifs, un « classique » que J. Peytard (1970) reprendra dans un des articles
initiatiques des relations entre linguistique et pédagogie du français.
1. Nous n’avons pas pris en compte dans ce travail les ressemblances et différences entre les débats en français
langue maternelle et dans le domaine de l’enseignement-apprentissage des langues étrangères : si l’on retrouve
dans les deux champs des interrogations sur le rôle de l’enseignement de la grammaire, sur la fonction des textes
littéraires et sur la place de la culture (civilisation) dans la classe, il est sûr que certaines problématiques concernent
davantage la didactique des langues étrangères, comme le choix de la langue d’enseignement (langue maternelle
ou langue-cible), la place de la traduction ou l’importance de la phonétique.
2. Quand F. Brunot, entre autres exemples, relie explicitement, dans le chapitre XVIII de L’Enseignement de la langue
française (1909), l’apprentissage grammatical et l’apprentissage de la politesse ou de la sincérité, il s’occupe à sa
manière du rapport entre langue et habitus culturel tel qu’il fonctionne à l’école ; il le fait en didacticien ouvert aux
dimensions pragmatiques même s’il s’explique dans les termes de la morale en parlant de la « portée éducative d’un
enseignement de la langue ainsi compris ».
1. Claire Forel, enseignante et chercheure à Genève, a découvert et décrypté ces exposés. Il s’agit de : « Ensei-
gnement de la langue maternelle ». Deux conférences prononcées pour la Société de l’enseignement libre les 20
et 23 mars 1912 ; « Les conditions linguistiques de l’étude des moyens d’expression. Les moyens d’expression dans
la langue maternelle chez les enfants et chez les adolescents ». Conférence prononcée à l’Institut Rousseau le
28 juin 1918 ; « L’étude systématique des moyens d’expression et l’enseignement de la langue maternelle ». Confé-
rence faite au corps enseignant secondaire du Jura Bernois, à Porrentruy, le 11 janvier 1930 ; « La vie et la langue
maternelle dans la famille et à l’école ». Conférence prononcée à l’Aula de l’université de Neuchâtel sous les
auspices de la Société des amis de l’École active, le 11 janvier 1932.
4. La linguistique et la didactique
sont-elles responsables de la
« crise » de l’enseignement
du français ?
Il y a donc un débat. Enfin, il est plus juste de dire que face à un consensus
dont les voies de constitution ne sont peut-être pas impénétrables, nous
essayons, par exemple dans Le Français aujourd’hui et en quelques autres
lieux, de lutter contre la banalisation des « discours de crise » qui dominent
dans nombre d’institutions (de l’Académie française à (stupeur !) l’Obser‐
vatoire national de la lecture), chez nombre de nos intellectuels, chez bien
des universitaires littéraires, certes, mais aussi certains linguistes et même
didacticiens, dans les rubriques de journaux et parfois dans les conversations
courantes.
1. La double thématique de la crise de la langue comme crise interne à la langue et comme crise de la transmission
de la langue est constante dans la tradition francophone depuis les années 1880 à nos jours avec pour moment
significatif La Crise du français. Notre langue maternelle à l’école, ouvrage de Charles Bally de 1931 (réédition chez
Droz, 2004, introduction et postface par J.-L. Chiss et C. Puech). Voir aussi J.-L. Chiss, dir. (2006), Charles Bally
(1865-1947). Historicité des débats linguistiques et didactiques.
1. « Ce n’est pas le savoir qui émancipe », entretien avec N. Truong, Le Monde de l’éducation, n° 349, juillet-aout
2006, p. 12-15.
2. On se reportera aux articles des trois auteurs susnommés dans Communications, 72, « L’idéal éducatif », 2002.
Sermonner ou travailler
L’enseignement en général, la langue, et l’enseignement de la langue (du
français ici) font partie des sujets de discussion « circulants » dans le corps
social. Il y a une naturalité du discours sur la langue où la nécessité du recours
au spécialiste apparait moins immédiate que dans le domaine des
1. Celle-ci a accumulé déjà une énorme réflexion théorique et pratique à travers les ouvrages, les revues comme
Le Français aujourd’hui, Pratiques, Repères, Enjeux, Recherches… à travers les associations de chercheurs comme
l’AIRDF (ex DFLM).
2. La conception d’ensemble de la didactique des langues chez cet auteur conjoint dimensions théoriques et
empiriques et enracinement culturel. On se reportera à Novissima Linguarum Methodus, La Toute Nouvelle Méthode
des langues (traduction en 2005 par Honoré Jean, Droz) pour se faire une idée de la « la culture des langues ».
1. Curieusement ce dernier terme est dénoncé alors qu’il est repris à d’autres endroits du « rapport », témoignant
ainsi de l’absence de relecture par les auteurs eux-mêmes de leur propre texte.
1. À cet effet, on lira avec profit les descriptions linguistiques et propositions didactiques de S. Meleuc et N.
Fauchart (1999), d’une part, et celles de D. Leeman-Bouix (1994b), d’autre part.
1. Celle de nos grands-parents dont on prétend qu’ils pratiquaient parfaitement le français, alors que les mêmes
générations représentent aujourd’hui la majorité des sujets illettrés.
2. Quand on songe que J. Dubois proposait, déjà en 1967, une étude des verbes en fonction de leur fréquence réelle
dans la langue et un classement en fonction de leurs bases orales et écrites, nous sommes loin du compte lorsqu’on
parcourt les leçons de conjugaison fictives encore présentes dans les manuels de grammaire édités pour les élèves
du primaire comme du secondaire.
3. Et, bien évidemment, depuis les années 1930, époque où l’on considère que l’unification linguistique de la popu-
lation française, au moins dans l’Hexagone, est en grande partie accomplie (Baggioni, 1997).
1. Sur ce critère nous avons systématiquement noté le nombre de citations indiqué sur le site Google Scholar qui
trie les articles à la manière des chercheurs, en pondérant le texte intégral de chaque article, l’auteur et la publication
qui apparaissent dans d’autres publications.
D’autres ouvrages ont pourtant suivi cet élan associé aux recherches lin‐
guistiques modernes. Conçus comme des manuels d’initiation plusieurs fois
édités ou refondus (Chiss et al., 1977 [1993] [2001]), ils ont ouvert la voie
à des traités comportant d’utiles synthèses (Gardes-Tamine, 1990 ; Petiot,
2000), incluant parfois des exercices avec corrigés (Monneret et Rioul,
1999). Certes ces manuels sont destinés aux étudiants du premier cycle en
lettres et sciences humaines, et sont de ce fait élargis à d’autres dimensions
de la linguistique française, comme la phonétique, le lexique ou l’analyse
des textes et des discours, notamment littéraires (Maingueneau, 1993 ;
Tomassone et Petiot, 2002), mais ils constituent aujourd’hui des manuels
parfaitement accessibles à la formation initiale des enseignants. Ils ren‐
contrent ainsi d’autres manuels – de grammaire ou de linguistique – plus
nettement orientés vers la préparation aux concours pour le professorat des
écoles (Vargas, 1992, 1995a et b) ou le CAPES et l’Agrégation (Maingue‐
neau, 1991 ; Denis et Sancier, 1993). Certaines de ces grammaires
reprennent des progressions et des découpages linguistiques relativement
« classiques » ; d’autres en revanche proposent un traitement original et une
organisation très novatrice des catégories linguistiques. C’est notamment le
cas de la Grammaire du sens et de l’expression de P. Charaudeau (1992) qui
associe systématiquement l’analyse de discours aux effets de sens, et envisage
l’étude des marques et des formes grammaticales en conséquence. Malheu‐
reusement, cette grammaire n’a pas reçu l’accueil escompté, sans doute du
fait de son approche trop « dérangeante » par rapport à la tradition scolaire
en la matière.
Parallèlement à cet effort éditorial plus ou moins intensif et régulier, nous
devons signaler un ensemble d’ouvrages qui ne sont pas directement des
1. Dans cet ensemble, il faudrait recenser les différentes revues spécialisées : Enjeux, Le Français aujourd’hui,
Lidil, Pratiques, Recherches, Repères… qui ont consacré plusieurs numéros thématiques à des questions liées à
la didactisation des savoirs grammaticaux.
2. Par manque de place, nous n’avons pas intégré à notre corpus l’étude des grammaires d’autres pays franco-
phones qui enseignent le français en langue seconde ou étrangère, ou comme langue de scolarisation, notamment
dans les trois pays du Maghreb, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, ou dans l’aire créolophone, comme par exemple Haïti.
De fait, les disparités d’édition locale ne permettent pas, malheureusement, la publication d’ouvrages de grammaire
ou de linguistique spécifiques. De plus, la formation grammaticale des enseignants s’établit généralement sur la
base des ouvrages des autres pays de la Francophonie.
Dans une enquête plus récente, M.-L. Elalouf (2008) a interrogé 453
étudiants préparant le concours de professeur des écoles (PE en première
année) à l’issue de leur licence. Elle a ainsi montré qu’il fallait distinguer les
réponses qui révèlent une absence de référence grammaticale (9,8 % des
étudiants interrogés), de celles qui mentionnent, d’une part, les manuels de
grammaire scolaire (pour plus de 40 % des titres avancés) dont les deux
« monuments » que constituent le Bled et le Bescherelle (cités par 34,6 %
des étudiants, dont 15,3 % ayant une licence de lettres ou de langue) et,
d’autre part, les grammaires de référence, universitaires et/ou didactiques
(cités par 19,3 %, dans un ordre décroissant des ouvrages déjà cités : Tomas‐
sone, 1996 ; Riegel et al., 1994 [2004] ; Chartrand et al., 1999 [2011], Denis
et Sancier, [1993]). Et même si 12,3 % des étudiants préparant ce concours
déclarent utiliser plusieurs grammaires, c’est le Bled ou le Bescherelle qui
est proposé complémentairement par la majorité d’entre eux.
À la lumière de ces enquêtes, nous constatons que l’usage des ouvrages
scolaires et parascolaires dépasse de beaucoup celui des grammaires savantes
ou de référence. Tout se passe comme si les prescriptions fournies à l’uni‐
versité et en formation professionnelle – qui donnent pourtant une large
place au second ensemble – ne parvenaient pas à infléchir les habitudes liées
aux premiers cités, et donc à réviser les pratiques grammaticales « sacrali‐
sées » par l’école primaire et le collège. Les conceptions de la langue française
et de son enseignement restent ainsi profondément formatées par les
manuels scolaires (avec, au premier rang, le Bled et le Bescherelle), au point
que la typologie des ouvrages esquissée ici n’est guère reconnue. La pré‐
gnance de l’héritage grammatical scolaire est peu entamée par la formation
universitaire, pourtant plus récente. Au-delà des enquêtes citées, il faudrait
pouvoir analyser précisément les causes d’une telle désaffection ou confu‐
sion, notamment à travers des entretiens qui permettraient de distinguer les
1. Sur la définition de la phrase comme unité linguistique et didactique lire les discussions exposées dans Charolles
et Combettes (1999), Béguelin, dir. (2000) et Le Goffic (2001).
Pour conclure
Au terme de l’analyse des grammaires sélectionnées, nous ne pouvons
que constater la difficulté d’intégrer les variétés de langue. Cependant, nous
ne conclurons pas à une opposition binaire – et certainement simpliste –
partageant les grammaires liées à des descriptions systémiques et endogènes
de la langue, et les grammaires qui se centrent sur des descriptions exogènes :
les actes de langage, les situations d’énonciation, les types de discours. De
fait, nous observons que ces différentes approches grammaticales ne perdent
pas un niveau d’analyse au profit – ou au détriment – d’un autre. Elles
tentent plutôt de les agréger ou de les reconfigurer dans des ensembles et
des progressions qui visent une certaine cohérence linguistique et didac‐
tique ; même si parfois le lecteur risque d’y perdre… sa langue dans des
amalgames notionnels et terminologiques difficiles à circonscrire. Ces
grammaires – comme les autres cités dans la première partie de cette étude
– n’évacuent pas le recours aux descriptions morphosyntaxiques et phras‐
tiques. Certes les problèmes liés au découpage des unités grammaticales
traditionnelles : le mot, le syntagme, la proposition, la phrase simple ou
complexe… ne sont pas traités de façon homogène et convergente, mais
toutes les grammaires recensées ici les intègrent dans des chapitres ou des
séquences d’enseignement qui suivent une cohérence propre à chacune. Les
progressions grammaticales suivent les mêmes logiques. Ainsi, deux
ouvrages très proches dans leurs approches théorico-linguistiques, la GPFA
de S. Chartand et al. et OLG d’É. Genevay, suivent un ordonnancement qui
va des actes de communication aux composantes de l’énonciation, puis du
texte à la phrase et aux mots. Cependant, elles ne l’établissent pas dans les
mêmes termes et sur les mêmes bases ou parties grammaticales. Les deux
ouvrent sur des rappels théoriques sensiblement communs, mais la première
1. Les dates indiquées pour les ouvrages de S.-G. Chartrand et al., d’une part, et de M. Wilmet, d’autre part, cor-
respondent à la première édition et à la dernière.
1. C’est sans doute à la conjonction de ces deux mouvements que s’est situé le n° 181 (2014) de Langue française
indissociable de la recherche lancée par Jean-Claude Beacco et son équipe GRAC (« Grammaire et contextuali-
sation ») au sein de l’équipe d’accueil DILTEC (Didactique des langues, des textes et des cultures) de l’université
Sorbonne-Nouvelle Paris 3.
1. Colloque organisé du 29 au 31 mai 2013 par le Centre d’analyse et de traitement informatique du français québécois
(Catifq) de l’université de Sherbrooke, avec le soutien de la XIIe Commission de coopération Québec/Flandre. Signalons
aussi, au titre de cette effervescence, le colloque plus transversal, car ouvert à la diversité des langues, Variation, invariant,
variété qui s’est tenu les 22 et 23 mars 2013 sous l’égide du Réseau des linguistes du Grand-Est à l’université de Lorraine, site
de Metz.
1. Alors même qu’en plus de ces grammaires et de celles produites dans le champ du français enseigné comme
langue étrangère s’imposerait aussi un troisième domaine de travail concernant les grammaires produites dans la
francophonie élargie, dans les situations dites de « français langue seconde » (FLS). Voir sur ce point Vigner (2012).
2. À propos de l’élaboration d’une grammaire scolaire que nous avons écrite il y a quelques années (Chiss et David,
2000), nous avons commenté les choix d’organisation, de progression, de terminologies, d’exercices que nous avons
faits (voir infra 3.7). Voir aussi, sur la conception et l’écriture des grammaires, Arnavielle et Siouffi (dir.), 2012.
1. Malgré sa destination explicite d’usage scolaire, il nous apparait que cette grammaire, par son volume (400
pages) et les caractéristiques qu’elle partage avec l’ouvrage d’E. Genevay (absence d’exercices et d’activités
évaluables en particulier), peut prendre place dans cette catégorie elle-même composite des « grammaires de
référence ».
2. On ne jugera pas ici de la pertinence des exemples en faisant appel à la compétence des auteurs de cet article
comme sujets parlant le « français de France » aujourd’hui, même si « mitraille » pour désigner de la petite monnaie
n’appartient plus à notre répertoire verbal courant ou si « papillon » pour désigner une contravention nous semble
désormais démodé…
1. Descriptions qui posent de redoutables problèmes de délimitation des paramètres sociolinguistiques (Cappeau,
2012), des données recueillies et des méthodologies employées (Blanche-Benveniste, 2008).
2. Notons que la Grammaire rénovée du français, du même auteur et parue en 2007, ne reprend pas ces distinctions.
Le projet sous-jacent de ce second ouvrage consiste moins à éclairer de façon critique les phénomènes linguistiques
étudiés qu’à fournir des réponses pour l’enseignement, voire des solutions et des propositions didactiques stabili-
sées, fruits d’une réflexion pragmatique, de toute évidence liée à la recherche d’une plus grande efficacité péda-
gogique.
1. Et dont la traduction dans les programmes français du secondaire (collège et lycée) relève non d’un choix
alternatif mais de la convocation de différents paradigmes hétérogènes : grammaire de phrase, de textes, de dis-
cours… avec le cortège d’incompréhensions qui en découlent, notamment en formation.
1. Voir, entre autres, les propositions didactiques de différentes revues et ouvrages : Bertucci et David (dir.), 2008 ;
Cadet, Mangiante et Laborde-Milaa (dir.), 2009 ; et dont M.-M. Bertucci et V. Castellotti (2012) offrent un inventaire
critique très éclairant.
3. La didactique de la langue et
des discours, et la rénovation
de l’enseignement du français1
Parmi les obstacles méthodologiques à la réflexion sur l’enseignement du
français figure celle de l’adéquation ou de la distorsion entre la nouveauté
des programmes et la réalité des classes. De ce point de vue, la réflexion menée
en 1988 à Neuchâtel, dans une « table ronde » en marge des travaux officiels
du « Groupe romand d’aménagement des programmes » (GRAP), apporte
des données particulièrement éclairantes sur les reformulations des textes
de référence : décalage entre les principes et la rédaction des programmes,
entre un programme et la nomenclature qui l’accompagne et surtout ques‐
tion de savoir qui définit les curricula, pour qui et comment, manière
d’inventorier représentations, positions institutionnelles des acteurs,
notions de contrat et de transposition, tous éléments constitutifs du champ
1. La rédaction de ce chapitre avait pour contexte le débat en Suisse romande sur la rénovation de l’enseignement
du français au niveau secondaire. Nous en avons gommé ici les aspects conjoncturels et institutionnels. Le bilan,
dressé à cette occasion pour l’enseignement primaire, avait mis en évidence la nécessité de renforcer la formation
des enseignants et de la diversifier, de préciser les objectifs, d’avancer dans la mise en œuvre d’une évaluation
formative, d’intégrer le problème fondamental de l’hétérogénéité des apprenants en concevant une pédagogie
différenciée, de compléter la batterie des moyens d’enseignement sur le front de l’expression, d’inventer des
réponses au souhait constant d’interdisciplinarité.
La place du lexique
Faut-il identifier l’étude du lexique à l’apprentissage de la consultation
des dictionnaires ou à l’enseignement systématique d’une lexicologie, et
laquelle ? Structurale (champ lexical, etc.), historique, étymologique ? Et
cet apprentissage faut-il l’autonomiser ? Ou le lier, mais à quoi ? Le finaliser
par rapport à l’orthographe ? En faire partiellement une dépendance de la
syntaxe pour ce qui concerne par exemple le traitement de la dérivation et
de la composition ? Et ce traitement se fera-t-il sur une base distribution‐
nelle ou à travers la notion de « transformation » ? Si cette optique est rete‐
nue, que faire alors des nominalisations ? Les traiter pour elles-mêmes dans
le cours de grammaire ou les intégrer à une étude des discours en particulier
écrits dans une optique de compréhension et de production, dans le
1. Cf. les actes de ces deux colloques : Chiss et al. (dir.), 1987 et Schneuwly (dir.), 1990. Et le 5e Colloque DFLM
organisé à Montréal en mai 1992 qui ouvre sur l’ouvrage de M. Lebrun et M.-C. Paret, 1993.
Questions
de didactique
de la grammaire
C
ette partie, consacrée à la « didactique de la grammaire »,
déborde une lecture restrictive de son intitulé. Si les questions des
manuels de langue, des progressions, des métalangages et termi‐
nologies en grammaire française occupent une place importante, les ouver‐
tures vers la discursivité permettent une réflexion d’ordre linguistique et
didactique sur le périmètre de l’objet traité qui reconsidère les unités d’ana‐
lyse que sont la phrase et le texte.
Le rassemblement de ces travaux, menés dans des contextes scientifiques
et institutionnels évolutifs, vise à mettre en évidence quelques lignes de force,
au-delà de la diversité des thématiques grammaticales. On y trouvera des
éléments de discussion sur les problématiques de la « transposition » qui
sont au moins à nuancer (au profit d’une didactisation construite), sur la
réduction de la langue à un instrumentalisme contestable au plan épisté‐
mologique, sur le rapport à tenir entre enseignement, apprentissage et
acquisition, sur la définition de contenus et démarches pour la formation
grammaticale des enseignants.
Convaincus que nous sommes du bien fondé d’un travail métalinguis‐
tique dans les classes, des contraintes et intérêts des traditions grammati‐
cales et des renouvèlements théoriques, nous avons proposé un panorama
des questions qui agitent l’univers des linguistes attentifs à l’enseignement
de la langue française et des didacticiens du français soucieux de maintenir
la grammaire au premier plan de leurs préoccupations.
4. Trajets de l’apprenant
et progression d’enseignement
Il nous faut ici déplacer l’angle d’attaque pour aborder les dimensions
liées à l’apprentissage dans la complémentarité qu’implique la conceptua‐
lisation didactique où les problèmes posés par la progression, celle que met
en œuvre le savoir enseignant, s’articulent aux questionnements liés aux
« progrès » de l’élève, à son trajet dans l’appropriation d’une compétence
grammaticale en langue étrangère, dans l’« intériorisation » de cette gram‐
maire si l’on veut dire autrement.
Acquérir la « grammaire » d’une langue, au sens de sa structure, de son
fonctionnement est un processus d’accommodation à des contraintes telles
5. De la grammaire à la culture
grammaticale
La réflexion sur l’enseignement/apprentissage de la grammaire ne saurait
se limiter au domaine traditionnellement circonscrit par certains faits de
langue, ceux que le découpage intradisciplinaire range sous l’étiquette « mor‐
phosyntaxe ». Toutes les dimensions de l’enseignement d’une langue étran‐
gère se trouvent affectées par la « culture grammaticale » qui accompagne
cette langue, surtout quand il s’agit de langues dont la grammatisation est
ancienne et qui s’offrent donc à l’enseignement avec leurs conventions et
distinctions allant du découpage en mots aux clichés linguistiques que nous
avons évoqués. Cette question de la « culture grammaticale » et des finalités
de l’enseignement de la grammaire fait toujours en langue maternelle,
comme en langue étrangère, l’objet de débats récurrents dans lesquels on se
situera, pour conclure, de quadruple manière.
● Apprendre la grammaire d’une langue étrangère, enseigner la grammaire
d’une langue à des étrangers, des non-natifs est une tâche cognitivement
et culturellement intéressante. La fonction de « dénaturalisation » par
rapport à la langue maternelle est primordiale, c’est-à-dire l’attention aux
pseudo-évidences, à l’idée que ce qui a été acquis « naturellement » doit
être enseigné. D’où la question d’une sélection ou d’une insistance sur
des problèmes qui ne font pas l’objet de la même attention en langue
maternelle (les prépositions ou l’ordre des mots). Il est important aussi
dans cette grammaire d’apprentissage d’ausculter la nature des erreurs
commises par les apprenants, de les analyser eu égard à la langue
1. J.-L. Chiss et J. David (2000). Grammaire-orthographe. Paris : Le Robert-Nathan, réédité, chez le même éditeur,
sous le titre Grammaire junior en 2003.
Extension du champ
En ce qui concerne le champ d’investigation de ce qui se joue sous
l’appellation « grammaire » et, dans notre cas « grammaire et orthographe »,
nous avons pris le parti d’une forme de réductionnisme en ouvrant le manuel
sur « La phrase-les phrases » (cf. doc. 1 : « Sommaire ») et non pas, comme
c’est souvent le cas dans d’excellentes grammaires universitaires et/ou péda‐
gogiques (cf. par exemple, Chartrand et al. 1999), sur les problématiques de
la communication par exemple ou sur la bipartition « grammaire de texte »/
« grammaire de phrase » voire sur la tripartition « grammaire de phrase »/
« grammaire de texte »/« grammaire de discours » (supra). Les préoccupa‐
tions textuelles et discursives ont fonctionné sur le mode de l’ouverture à
propos des déterminants, des pronoms, des temps verbaux, des groupes
adjoints, plus dans l’optique d’un continuum que d’une répartition de la
matière ou d’une différence de points de vue qui par ailleurs pourrait s’argu‐
menter. Les préoccupations sémantiques et leur croisement avec les dimen‐
sions morphosyntaxiques sont permanentes : « Les types et formes de
phrases » sont mises explicitement en relation avec « les manières de com‐
muniquer », les traits sémantiques des noms avec l’organisation de la phrase,
une leçon est consacrée aux « sens des verbes » etc.
Il est évident que s’est posée la question du choix de l’unité d’analyse :
la phrase. La tradition issue de Port-Royal privilégiait la proposition (sujet
+ prédicat) et la grammaire scolaire du xixe siècle a travaillé dans le cadre
phrastique. Le rôle de la phrase est renforcé dans les manuels scolaires des
années 1970 par la référence à la grammaire générative transformationnelle.
Il existe deux pôles de contestation de cette notion : le structuralisme, en
particulier le fonctionnalisme (avec monème/syntagme), et la dimension
textuelle/discursive. La substitution à la phrase d’autres unités comme la
période ou la clause à l’intérieur d’un manuel scolaire reposerait toute la
1. A. Chervel (1977) a parfaitement repéré et analysé l’inflation de ces fonctions grammaticales depuis le XIXe siècle.
Opérations et métalangage
Dans notre ouvrage, l’analyse ne peut se réduire à une simple identifi‐
cation des catégories linguistiques ; elle passe par une glose nécessairement
accessible à la compréhension des élèves. Dans la leçon 35 (cf. doc. 2), les
commentaires visent une explicitation des relations de sens, en une série de
formulations qui peuvent sembler peu orthodoxes sur le plan linguistique,
mais qui sont à notre avis indispensables pour aider les élèves à construire
des opérations cognitivement complexes. De fait, les propriétés grammati‐
cales des articles définis vs indéfinis ne peuvent être extraites de leur simple
étiquetage terminologique. Sur ce point, les quelques études psycholin‐
guistiques sur la question de la détermination2, nous ont amenés à inverser
1. Voir cependant l’ouvrage de J.-É. Gombert (1990), mais qui compartimente les différentes habiletés métalinguis-
tiques.
2. Notamment les chapitres des ouvrages de A. Karmiloff-Smith (1979, 1992) où l’auteure s’est attaché à étudier et
modéliser le travail métalinguistique des enfants.
Métalangages et modèles
La question théorique de l’extension et des limites du champ dénommé
par hypothèse « méta » (métalangage, métalangue, métalinguistique) peut
donner lieu à quelques essais, sinon de définition en compréhension, du
moins de typologisation : les métalangages assimilés aux savoirs métalin‐
guistiques, c’est-à-dire aux savoirs savants sur les langues, les écritures et la
communication ; les métalangages comme faces terminologiques des savoirs
en question ; la fonction métalinguistique comme aspect essentiel du com‐
portement verbal, de l’activité langagière. Toute restriction du champ ouvre
elle-même un jeu de nouvelles discriminations : comment faire le partage
entre les « moments » explicitement métalangagiers et les « moments » de
fonctionnement « ordinaire » du langage ? Dans les interactions ensei‐
gnants/élèves en classe de français, comment délimiter les interactions
1. « Enseigner la grammaire », compléments aux programmes et instructions du 15 mai 1985 (ministère de l’Éducation
nationale, Direction des écoles), document commenté par J.-L. Chiss. J. David et R. Le Loch dans le Supplément au
n° 73 du Français aujourd’hui, mars 1986, p. 7-8.
2. En particulier celles contenues dans Réflexions sur l’enseignement du français, textes produits par la commission
présidée par J.-C. Chevalier (1986).
3. Cf. pour le débat pédagogique « compétence langagière, activités grammaticales et métalinguistiques », Le
Français aujourd’hui, 69, de mars 1985, et, pour des orientations théoriques : Bredart et Rondal, 1982, ainsi que
Bonnet et Tamine-Gardes, 1984.
1. Le critère de facultativité pose des problèmes considérables : c’est pour distinguer le « complément du verbe »
du « complément de phrase » qu’il est couramment utilisé ; il nous semble pourtant moins opératoire pour fonder
cette dichotomie qu’important pour les constructions verbales où il doit être manié en rapport avec la notion de
prévisibilité de l’objet.
1. Autre exemple : M.-L. Moreau souligne avec justesse le problème que pose dans le projet de Code de terminologie
de l’enseignement catholique belge la dénomination « compléments adverbiaux » dans des énoncés comme aller
à l’école, revenir de l’école, courir cent mètres… (1985, p. 16). Nous ajouterons à son argumentation la remarque
suivante : dans aller vite à l’école, on combinera « adverbe » et « complément adverbial » ! Les élèves seront perdus.
2. A. Chervel a montré que c’est dans « la seconde grammaire scolaire » que « le terme d’apposition s’installe
solidement dans la liste des fonctions du substantif » (1977, p. 190).
3. Par exemple, comment étiqueter triste dans : Triste, elle le sera toujours ?
1. En didactique des langues, les problématiques vivaces de l’« éveil aux langues » apparaissent comme un des
moyens de parvenir à la conscientisation linguistique : il s’agit de comparer, de conceptualiser à partir de l’expé-
rience de la diversité des langues et des manières de dire (voir, par exemple, Candelier, 2003).
2. La terminologie linguistique qui fait l’objet de l’attention des linguistes et des historiens des sciences du langage
couvre un champ plus vaste que la terminologie grammaticale, même si cette dernière a pu en constituer le secteur
historiquement le plus visible (voir Colombat et Savelli, éd., 2001).
1. On mentionnera ici la contribution très suggestive d’A. H. Ibrahim (2001) au titre apparemment oxymorique « Pour
réduire la métalangue dans la terminologie linguistique : la redondance » (c’est nous qui soulignons). La piste de
travail évoquée, dans la lignée de Harris, se soutient d’un développement sur langue et métalangue et sur la nomi-
nation (entre toute-puissance et illusion) qui situe les antinomies qu’affronte toute réflexion sur les problèmes de
terminologie.
2. Cet article commente le dossier ouvert par la livraison précédente de La Lettre de l’Association AIRDF (n° 45-46,
voir Chartrand et de Pietro, dir., 2010) sur l’enseignement grammatical dans les pays francophones, et en particulier
sur les tentatives, solitaires ou collectives, issues de la recherche ou de la commande institutionnelle, de parvenir
à une harmonisation de la terminologie grammaticale. Depuis quelques années, en Belgique, en Suisse et au Québec
ont été relancées des réflexions commandées par des institutions ou des associations de chercheurs sur l’harmo-
nisation des terminologies dans le domaine de l’enseignement du français langue première, ce qui accuse, par
comparaison, le retard français. Pour la Suisse romande, le document de travail élaboré sous la direction de Conti
et de Pietro (2006) contient de très utiles propositions faites à partir de l’analyse de manuels de français dans une
optique plus large que la terminologie grammaticale stricto sensu et indique la perspective d’un rapprochement
possible avec les dénominations employées dans d’autres langues étudiées dans les classes (un travail à l’échelle
européenne avait été amorcé, voir Willems, 1999). Signalons la création par l’AiRDF (Association internationale pour
la recherche en didactique du français) en 2008 d’un Comité d’harmonisation de la terminologie grammaticale pour
l’enseignement du français à l’école (CHTGE) qui cherche à déterminer les multiples raisons théoriques, institu-
tionnelles, éditoriales qui expliquent les hétérogénéités voire les incohérences terminologiques et qui sera force
de propositions (voir Chartrand et de Pietro, dir., 2010).
1. Les variations des dénominations des opérations sont déjà un problème pour les apprenants… et les enseignants :
faut-il parler de « remplacement » ou de « substitution » ?
2. L’un des aspects les plus saillants de cette « crise du français » est l’assimilation hâtive et polémique du méta-
langage à un « jargon ». Vieille affaire, constamment rémanente, sur laquelle se polarisent les tenants des conser-
vatismes (voir Chiss, 2011 et 2012). Alors que personne ne songe à reprocher aux disciplines scientifiques l’usage
de terminologies spécifiques, la « culture lettrée » française a les métalangues du « français » en horreur : les
fonctionnements littéraires et linguistiques pourraient être décrits sans outillage intellectuel, avec les mots de tous
les jours ou ceux transparents ( !) que la tradition a consacrés (COD ou métonymie par exemple ?). Dans ces
argumentaires éculés, un des moins convaincants est indiscutablement celui de la transmission intergénération-
nelle : les parents et grands-parents ne peuvent plus aider leurs enfants en français, dit-on. Je propose qu’on
développe la formation continue.
1. Frappant comme une révélation, l’acte de nomination peut aussi obscurcir. On connait le mot célèbre de Camus :
« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Il peut provoquer la panique : Phèdre dit à sa
servante Œnone à propos d’Hippolyte : « C’est toi qui l’as nommé. » De l’interdit à la délivrance, le chemin est court,
témoignant de la confiance/défiance vis-à-vis du langage. Voyez comme nos petits tracas éducatifs entrouvrent la
boite de Pandore…
1. Il ne s’agit ni de livrer un bêtisier ni de s’interdire la critique avec les programmes comme avec les manuels,
simplement de prendre au sérieux ce que l’institution demande d’enseigner en lui faisant crédit d’un réel travail
d’élaboration même si nous savons les inévitables (?) inégalités dans ce domaine d’un programme à l’autre. C’est
ainsi qu’on comprendra l’usage de quelques formulations polémiques à propos des programmes en question.
9. Progression grammaticale
et stratégies d’enseignement
Pour un enseignant de français en France, c’est d’abord sous la forme
d’un programme institutionnalisé, contraignant (avec les effets de culpabi‐
lisation induits par son éventuel non-respect) que sont appréhendées les
questions de la sélection et de l’ordre des éléments à traiter d’un niveau
scolaire à l’autre et à l’intérieur d’un même niveau. On sait que les
1. C’est surtout la troisième règle de la méthode qui nous semble ici inspiratrice, celle qui consiste à commencer
« par les objets les plus simples et les plus aisés à connaitre, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à
la connaissance des plus composés ; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturel-
lement les uns les autres » (R. Descartes, Discours de la méthode). C’est, bien sûr, le terme « naturellement » qui
fait ici problème : la dichotomie « ordre des raisons »/« ordre des matières » a-t-elle une valeur heuristique pour
l’analyse de la langue ?
1. Linguistique textuelle
et didactique du français
L’éparpillement des travaux dans des ouvrages et revues spécialisés, la
quantité croissante de références bibliographiques (dont une grande partie
non traduite en français), l’hétérogénéité des terminologies, nous ont
conduits à présenter de manière synthétique et argumentée l’essentiel des
objets d’études qui parcourent les travaux et propositions didactiques dans
le domaine. Pour ce faire, nous avons volontairement limité notre inventaire
aux phénomènes d’organisation textuelle les plus saillants. Nous avons ainsi
retenu les faits dont la maitrise assure la plus ou moins grande cohésion
textuelle. Sous le terme cohésion, nous décrivons en fait l’ensemble des fac‐
teurs qui agissent (et le plus souvent interagissent) pour que le texte soit,
non la simple juxtaposition d’énoncés isolés, mais une unité discursive auto‐
nome possédant sa propre cohérence. Cette unité textuelle doit corres‐
pondre à au moins deux nécessités :
● tenir compte d’une organisation pour être comprise par un auditoire réel
ou supposé ;
● obéir à des règles de composition ou de mise en texte par l’emploi ajusté
de marques linguistiques spécifiques.
Ce sont quelques-unes de ces marques, organisées ou non en systèmes,
que nous allons essayer de présenter ici.
Implications didactiques
Dans le cadre de la classe de français, nous voyons qu’il s’agit non
d’appliquer un simple changement terminologique, mais bien d’amener les
élèves à maitriser l’ensemble des contraintes extralinguistiques – mais aussi
linguistiques – qui déterminent les différentes formes de progressions thé‐
matiques pour interpréter ou construire des textes cohérents.
Dans cette perspective, il parait important que les élèves analysent dans
des textes mis à leur disposition et dans leurs propres productions écrites
toutes les formes possibles d’organisation et de répartition des thèmes. Pour
ce faire, la plupart des linguistes s’accordent pour retenir trois grands types
de progressions qui peuvent se combiner entre elles (dans des mixages par‐
fois subtils souvent marqués par des ruptures).
a) La progression à « thème constant » où le même thème (T) est maintenu
d’une phrase (P) à l’autre alors que seul le rhème (R) change. Ainsi pour le
texte suivant1 :
1. . Ce texte et les deux suivants sont empruntés à B. Combettes, 1983, les éléments soulignés indiquent les reprises.
– J’ai discuté avec ton professeur. Il n’avait pas l’air satisfait de ton travail.
1. Pour une analyse détaillée de ces unités et catégories dans des textes informatifs et argumentatifs, cf. Schneuwly,
1988.
• L’influence du contexte
Il est rare que les verbes soient employés indépendamment d’autres
termes exprimant également des relations temporelles. C’est le cas de nom‐
breux adverbes spécialisés comme encore, toujours, soudain, souvent qui déter‐
minent en grande partie le choix du temps associé au verbe. Pour plusieurs
de ces adverbes, le phénomène peut aller jusqu’à annuler l’influence du pro‐
cès tel que nous l’avons décrit ci-dessus. Ainsi, souvent va dans beaucoup de
cas induire un temps « inaccompli » comme l’imparfait. À l’opposé, soudain
entrainera presque exclusivement l’emploi d’un « accompli » tel le passé
simple.
L’influence de ces adverbes circonstanciels intervient donc dans le choix
des formes temporelles. Sur cet aspect également, les études relatives à la
genèse des marques verbales montrent que c’est vers 11-12 ans que les effets
1. Il faut noter que le procès impliqué par ce premier verbe exprime une action « durative », statistiquement moins
compatible avec un passé simple.
– Passé simple
Ce fut midi. Les voyageurs montèrent dans l’autobus. On fut serré. Un jeune
monsieur porta sur sa tête un chapeau entouré d’une tresse, non d’un ruban. Il
eut un long coup. Il se plaignit auprès de son voisin des heurts que celui-ci lui
infligea. Dès qu’il aperçut une place libre, il se précipita vers elle et s’y assit.
Je l’aperçus plus tard devant la gare Saint-Lazare. Il se vêtit d’un pardessus et
un camarade qui se trouva là lui fit cette remarque : il fallut mettre un bouton
supplémentaire.
1. À ce terme connecteur, très marqué linguistiquement, certains auteurs préfèreront l’expression plus générique
d’organisateur textuel. D’autres, au contraire, utiliseront des termes plus restrictifs comme coordonnant ou
conjonction.
[…] Au signal de l’écureuil sans cage, tous les autres doivent sortir et se préci-
piter dans une autre cage. L’écureuil resté sans cage va au milieu et il a perdu
la partie.
Problèmes d’acquisition
Nous n’avons encore que peu d’études rendant compte des processus
d’acquisition de ces connecteurs. Dans des tâches d’écriture de récits (Fayol
1986), il semble que les jeunes élèves (de 6 à 10 ans) passent d’un système
réduit où le et ne s’oppose à aucune autre marque de connexion (6-7 ans), à
un deuxième système un peu plus diversifié où le même et se combine avec
d’autres connecteurs comme après, puis, alors, ensuite (à partir de 9 ans) et
enfin, à un troisième système encore plus diversifié où apparaissent, en plus
de ces relations strictement chronologiques, de nouvelles connexions
comme la « dépendance/conséquence » avec de nouveaux connecteurs, mais,
pour, soudain, tout à coup (vers 11 ans).
Avec des élèves plus âgés et sur des types textuels différents, l’emploi de
connecteurs spécifiques est également étudié du point de vue de leurs rela‐
tions inter-propositionnelles et de leurs relations d’opposition (Schneuwly,
1988). Il ressort de ces études que les adolescents les plus jeunes procèdent
pas à pas et construisent leurs textes en se contentant de coordonner leurs
énoncés plus pour maintenir la continuité matérielle de leur propos (utili‐
sation massive de et, mais aussi de puis, après, aussi) que pour l’organiser en
fonction des éléments d’un contexte prégnant. Par la suite, les adolescents
plus âgés et expérimentés, utilisent des connecteurs plus diversifiés : mais,
pour changer de perspective ; c’est-à-dire, par exemple, voici, pour exprimer
le point de vue de l’énonciateur. L’apparition de ces nouveaux connecteurs
correspond à un abaissement significatif du nombre de connecteurs chro‐
nologiques et surtout à une intégration progressive des contraintes externes
et notamment le point de vue du lecteur supposé. La différenciation s’opère
également au niveau des caractéristiques de chacun des textes à produire.
Ainsi, les textes informatifs sont structurés sur la base d’un référent pré‐
existant au texte et donc déjà organisé dans le successif. Les textes argu‐
mentatifs par contre sont planifiés par l’énonciateur. Celui-ci doit construire
la trame de son texte plus en fonction du but et du destinataire, qu’en rapport
avec une organisation intrinsèque au référent. Dans ce cas, la présence de
2. Et la grammaire de phrase ?
L’unité phrase et la grammaire de phrase qui lui est naturellement associée
ont-elles une actualité dans l’enseignement du français ? Telle est la question
générale posée, dans le contexte du développement des « grammaires de
texte » et des « grammaires du discours », question que veulent éclairer sous
des angles multiples les lignes qui suivent. Plus généralement, c’est l’inter‐
rogation sur le statut du travail scolaire sur la langue qui resurgit dans sa
relation aux activités de compréhension, de langage oral et surtout d’écriture
ou plus largement de production à l’écrit.
À la fin des années 1980, la plupart des recherches en didactique des
langues ont accompagné les débats en cours sur la place à accorder à la
grammaire dans la perspective d’un décloisonnement des activités de fran‐
çais, sur les remaniements à apporter à l’édifice grammatical en termes
d’efficacité d’abord et de congruence avec les nouvelles options d’étude de
la textualité et de la discursivité.
Ainsi, le problème du choix de l’entrée dans le domaine grammatical et
de la trajectoire adoptée : des formes aux sens ; des sens aux formes. Si la
critique d’un certain formalisme issu de « transpositions didactiques »
hâtives et mal conceptualisées fait désormais consensus, l’importance de la
reconnaissance et surtout de la production des formes linguistiques reste un
1. . Qu’on pense par exemple aux variations possibles d’un même type, tel l’interrogatif (type interrogation partielle
aussi bien que type interrogation oui/non).
2. . Ainsi M. Gross (1975 et Dictionnaire électronique des verbes) a-t-il pu montrer qu’aucun des 3 000 verbes à
complétive du français n’était rigoureusement identique à aucun autre.
1. . Cf. Je vous entends pas terrible. La recatégorisation des mots est constante dans l’usage.
1. Cette exclusion est-elle légitime ? Il faudrait y réfléchir, assurément, mais le rôle de l’école est et reste l’oral
contrôlé, long, expositif ou argumentatif mais thématisé (à comprendre ou à produire soi-même), toutes formes qui
présupposent une interaction avec l’écrit : anticipation de contenu, notes préparatoires, fragments d’énoncés « à
lire ».
1. Nous ne poursuivrons pas ici la discussion terminologique texte/discours, voulant seulement faire comprendre
ici, en contraste à la phrase de la grammaire, et à la suite de M. Bakhtine, que l’unité empirique à prendre en compte
est toujours UN type textuel/discursif précis et non simplement un énoncé ou DU texte.
O
n s’interrogera sur la place que l’étude de la langue devrait
avoir dans les cursus de formation des enseignants de français. Ce
problème ne peut être séparé de la vision renouvelée du domaine
que proposent les recherches en linguistique et en didactique de la langue
maternelle. Il ne s’agit pas, dans la formation, de substituer terme à terme
un objet à un autre (par exemple, la « grammaire de texte » à la grammaire
de phrase) mais de proposer aux futurs enseignants des points de vue plus
intégrateurs, des découpages nouveaux, des approfondissements sur les
aspects les plus spécifiquement didactiques de la discipline. On doit, autour
de questions mille fois débattues (quelle utilité de la grammaire ? quelle
grammaire ? etc.), dégager, sinon des réponses définitives, du moins des
propositions claires et en souligner le sens. On traitera successivement des
objectifs et des démarches, puis des propositions de contenus, avant de
conclure sur des réflexions plus générales concernant les conditions à réunir
dans la formation.
1. Objectifs et démarches
Il faut clairement affirmer la nécessité d’une réflexivité sur les objets lan‐
gagiers pour dégager les problèmes à conceptualiser dans l’enseignement du
français. Si la question de l’opportunité et de l’efficacité du savoir métalin‐
guistique chez l’apprenant est toujours à discuter et à moduler, cette dimen‐
sion est à la fois inévitable et stimulante dans la formation des enseignants.
C’est à partir de cette réflexivité qu’il faut expliciter les référents théoriques
mobilisés par le formateur, discuter de leur pertinence et de leur compati‐
bilité, signaler la nature des recherches dont on attend des effets dans la
Questions
de didactique
de l’orthographe
C
ette partie consacrée à la « didactique de l’orthographe » est
inscrite dans une temporalité récente, depuis les années 1970. Elle
montre l’évolution des débats sur ce qu’on appelait les « pédago‐
gies » de l’orthographe au sein de l’enseignement et de l’apprentissage du
français en posant des repères de nature épistémologique (les notions de
« règle », de « faute », de « système »…), en auscultant le trajet qui mène de
la dimension prescriptive à la construction de stratégies par les apprentis,
élèves et étudiants.
La dimension énonciative, le lien problématique entre orthographe,
écriture et production écrite, la complexité de la morphographie verbale, les
« Rectifications » plus ou moins mises en œuvre... constituent des points
d’ancrage de la réflexion. Sans doute le développement d’une linguistique
de l’écrit et l’attention portée aux procédures psycholinguistiques des élèves
marquent-ils un tournant dans les conceptions d’une activité orthogra‐
phique trop longtemps régie par une codification non discutée, essentielle‐
ment tournée vers l’appropriation passive de la norme et peu propice à
l’inventivité didactique.
Certes, nous ne disposons pas encore d’une panoplie complète et efficace
de méthodes pour « résoudre » les difficultés orthographiques. Mais l’évo‐
lution des connaissances, ici perceptible, peut contribuer, dans la formation
des enseignants et les pratiques de classe, à un renouvèlement des approches
qui, tout en ne cédant rien sur la nécessité sociale et communicationnelle
de l’orthographe, permettent de sortir de la sclérose et de la répétition.
P
oser la question de l’apprentissage de l’orthographe ne va pas de
soi, car les débats qui ont pris – et prennent encore – pour objet cet
enseignement sont traversés par des affrontements vifs, des discus‐
sions passionnées et des représentations souvent empreintes de dogmatisme
plus ou moins explicite.
Longtemps qualifiée de science « des ânes » l’orthographe du français ne
nécessitait pas vraiment le recours à une pédagogie adaptée. De fait, il
suffisait de reconnaitre les « bons » et les « mauvais » orthographieurs, i.e.
les élèves « doués » ou non, pour cette discipline singulière. Cette vision
empêchait bien évidemment de concevoir un enseignement puisqu’elle
écartait le point de vue de l’apprenant et évitait ainsi de poser la question
des procédures accessibles aux élèves, et donc de penser des démarches et
des progressions d’apprentissage cohérentes.
Force est de constater que ce discours est encore tenu aujourd’hui ; même
si les textes officiels et les programmes dans le domaine ont sensiblement
évolué1. Cette conception « en négatif » de l’élève trouve son prolongement
dans une autre, tout autant opposée aux processus d’acquisition. L’appren‐
tissage de l’orthographe est en effet le seul qui se définisse par défaut ; il est
construit, étalonné, programmé par rapport aux erreurs produites par les
élèves, erreurs qu’il convient de combler. Le rapport à la norme orthogra‐
phique est tellement prégnant – surtout en France – qu’il détermine tous
les enseignements correspondants. Ils sont de fait simplistes, puisqu’il s’agit
1. Cf. les programmes de l’école primaire publiés dans l’ouvrage : Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? (Paris,
CNPD – XO Éditions) en 2002 ; et plus récemment ceux parus au Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 26
novembre 2015, intitulés Programmes d’enseignements de l’école élémentaire et du collège, désormais disponibles
en ligne, www.education.gouv.fr/cid95812/au-bo-special-du-26-novembre-2015-programmes-d-enseignement-de-
l-ecole-elementaire-et-du-college.html.
1. L’évolution de l’enseignement
de l’orthographe
On peut, sans trop se tromper, remarquer que les pratiques scolaires de
l’orthographe n’ont guère évolué avant les années 1970. Ces pratiques se
fondent sur des représentations figées de l’apprentissage et une vision
immanente de l’orthographe, l’ensemble allant de pair avec des discours plus
ou moins médiatisés concernant la baisse du niveau des élèves, la perte du
gout de l’effort et l’abandon de méthodes « éprouvées ».
Il reste que les pratiques correspondant à cette approche sont, sans doute,
toujours en usage dans les classes. Il faudrait pouvoir en évaluer précisément
la portée et mesurer leur efficacité réelle ou supposée. De fait, nous man‐
quons de données fiables, issues d’enquêtes étendues pour décrire les diffé‐
rentes pédagogies de l’orthographe à l’œuvre à chacun des niveaux de la
1. Voir cependant la recherche récente, conduite au sein de l’Institut français d’éducation (IFÉ) sur les pratiques
de lecture-écriture de 131 classes de Cours préparatoire dans 14 académies, qui montre que les activités d’écriture
(production d’écrits et dictée révisée) sont déterminantes pour l’acquisition de l’orthographe, qu’il s’agisse de la
composition phono- et morphologique des mots ou des procédures d’accord morphosyntaxique.
2. La première édition du Cours d’orthographe d’E. et O. Bled, Paris, Hachette, date de 1946.
1. Principalement avec les lois Guizot de 1833 et Ferry des années 1879-1886.
1. On observe, depuis, que les multiples prises de position ministérielles, toujours largement médiatisées, prolongent
et maintiennent cette idéalisation collective, même si le souvenir qu’en ont la majorité des anciens élèves renvoie
plus à des échecs, voire à des souffrances psychologiques, qu’à un réel bénéfice.
2. C’est aussi – et ce n’est pas un hasard – l’exercice phare du concours d’entrée aux écoles normales des
instituteurs-trices, jusqu’au début des années 1980 ; mais aussi d’autres concours de la fonction publique comme
celui de la gendarmerie, ou d’autres examens d’entrée en formation, comme celui des orthophonistes… sans
compter les innombrables manifestations, locales ou nationales, qui drainent des publics plus ou moins novices ou
entrainés, à l’imitation de la célèbre émission de B. Pivot.
2. De la critique
des enseignements
orthographiques à l’apport
des sciences du langage
La conception passive des enseignements orthographiques suggère qu’il
n’est guère intéressant de s’intéresser à l’acquisition de l’orthographe. Pour‐
quoi en effet perdre du temps à décrire les procédures des apprentis scrip‐
teurs, puisqu’il leur faut simplement s’approprier un ensemble plus ou moins
fini de règles et mémoriser la graphie des mots « du » dictionnaire1 ? On
comprend dès lors qu’au-delà de cette vision stéréotypée, il est effectivement
impérieux de promouvoir des recherches dans ce domaine.
L’intérêt pour de telles recherches émerge ainsi dans le passage aux
années 1970. Elles suivent en cela les changements politiques et sociaux de
l’époque, mais aussi l’évolution des mentalités, des relations humaines, et
donc du rapport aux élèves et aux modes d’enseignement. Nous relevons
alors des avancées importantes qui trouvent leur origine, pour l’essentiel,
dans la recherche linguistique et, de façon concomitante, dans l’émergence
d’une nouvelle discipline : la didactique du français. C’est de fait la démarche
adoptée au début de ces années 1970 par un ensemble de chercheurs, lin‐
guistes et didacticiens, mais surtout de didacticiens informés et formés à la
linguistique. Ces nouveaux chercheurs délimitent leur champ d’interven‐
tion dans un double mouvement : i) la critique d’un enseignement essen‐
tiellement passif (Blanche-Benveniste et Chervel, 1969) et donc le
déploiement de méthodes actives d’apprentissage (Vial, 1970), et ii) la
recherche d’une plus grande adéquation aux principes de fonctionnement
du système orthographique du français (Simon, 1973 ; Thimonnier, 1974).
Dans cette vision renouvelée de l’orthographe, la faute n’est plus
1. Sans vraiment réaliser que les dictionnaires, parmi les plus courants, comme Le Petit Robert ou Le Petit Larousse
illustré renouvèlent considérablement et régulièrement leur fonds lexical, au point qu’en l’espace de trente ans,
c’est près de 20 % des mots qui en disparaissent et qui y entrent, et que, par ailleurs, ils présentent désormais les
variantes orthographiques anciennes et rectifiées.
1. La terminologie évolue également avec cette transformation des mentalités : de la faute à l’erreur, à l’écart ou
à la variante.
1. Qui vise l’orthographe, mais aussi les autres apprentissages métalinguistiques, la grammaire, la conjugaison et,
dans une moindre mesure, le lexique.
2. Pour l’essentiel, car l’oral ne sera véritablement l’objet d’une attention particulière et approfondie qu’à la fin des
années 1990 (Bishop et David, 2018).
Marion (5,1 ans, en grande section d’école maternelle – GS) vient d’écrire :
« marion M le hoat » (= Marion aime le chocolat). Après avoir pointé successi-
vement chacune des trois premières lettres de hoat, elle déclare : « J’ai mis [So-
ko-la] », puis précise : « À la fin j’ai mis un T parce qu’il y a toujours une lettre
comme ça à la fin des mots. »
David (7,3 ans, en cours préparatoire, CP, première primaire), a inscrit : « Vincent
a fé la fauto… » (= Vincent a fait la photo…) qu’il commente ainsi : « J’ai écrit
fauto parce que c’est comme faute avec F-A-U. »
Camille (7,11 ans, en cours élémentaire 1, CE1, deuxième primaire), à partir d’une
phrase qu’elle vient d’écrire (Il feau un rabeau…) explique : « Rabeau ça peut
pas s’écrire comme ça parce qu’on peut dire raboter – on entend le T et le T il
va avec O pas avec E-A-U ».
1. Pour une description plus complète de la méthodologie et des bases théoriques, voir Ducard et Jaffré, 1996 ;
David, 1996a et 2001.
Julie (6,10 ans – CP) commente ainsi la production de Paul (6,2 ans – CP) qui vient
d’inscrire « papajetém » (= Papa je t’aime) et exprime son désaccord : « Il aurait
dû séparer là – après a parce que papa ça s’écrit – euh – si on colle ça fait pas
papa – on dirait que tu l’as jamais écrit papa » ; et Paul de justifier : « Si – mais
là j’avais raté – parce que – parce que moi – ben moi – j’écris plus de mot comme
ça j’écris papa et tout. »
1. Pour reprendre l’expression utilisée dans les travaux décrivant les premières écritures des jeunes enfants :
Chomsky, 1975 ; Read, 1986 ; Clarke, 1988 ; Rubin et Eberhardt, 1996 ; Jaffré et al., 1999.
2. Selon une conception plus proche de la réalité du processus d’acquisition des jeunes scripteurs, voir David et
Morin, 2013.
Julien (7,3 ans CE1) a écrit un court récit avec cette phrase : « Il a mit un gro pulle
rouge. » On lui montre l’adjectif gro et avant même qu’on lui pose une question,
il s’exclame : « Ah oui S – gros prend un S parce que je l’entends dans grosse. »
Marie (9,10 ans CM1, quatrième primaire) examine le texte d’une autre élève
comportant cette phrase : « Les pilotes prènent l’échelle et la porte jusqua
l’avion… », et explique : « Là elle a écrit la porte mais ça va pas parce que c’est
un verbe c’est pas un nom – – c’est un verbe comme comme – ils prennent –
donc c’est ils la portent il faut n-t à la fin – – parce que c’est au pluriel. »
Amélie (10,8 ans CM2, cinquième primaire) a écrit : « Les élèves doivent composé
un poème » et invoque la raison suivante pour le verbe en -é : « ce verbe-là je
sais l’écrire depuis le CP je l’ai vu plein de fois dans mes livres de français ».
Vincent (10,10 ans CM2) qui écrit : « L’élève vient de poser son cartable » en
justifiant : « Là, c’est pas posé avec é parce qu’il y a de devant – on écrit de poser
avec e-r », et quand on lui demande de poursuivre : « Parce que – parce qu’on
peut pas dire il vient de vendu on entend u donc c’est posé avec e accent aigu. »
1. Dans cette perspective, on peut se référer aux travaux publiés dans la revue dirigée par Guyon et al. (2003).
D
ans l’univers scolaire – et plus largement social – l’ortho‐
graphe reste liée à la notion de règle, règle qu’on apprend, qu’on
oublie ou qu’on ignore. La bipartition traditionnelle entre « ortho‐
graphe grammaticale » et « orthographe d’usage » ne fait qu’augmenter la
prévalence dans les activités d’enseignement-apprentissage de ce mélange
de description et de prescription qu’on appelle règle. Sans discuter la masse
des problèmes épistémologiques posés par cette notion, on entreprend ici
de souligner la valeur emblématique de certaines règles quant au poids des
représentations de l’orthographe, de suggérer la complexité des débats théo‐
riques impliqués par l’usage du terme arbitraire, de situer la divergence des
intérêts et des argumentations selon qu’on se place sur le terrain de la
réforme, de l’enseignement ou de la recherche.
S’il s’agit bien de reconnaitre la spécificité de chaque point de vue engagé
dans le traitement de la question orthographique, on a délibérément privi‐
légié le déplacement de la problématique de l’enseignement vers celle de
l’apprentissage, au risque de ne pas proposer des activités de classe (l’inven‐
tivité dans ce domaine est plus grande qu’on ne l’imagine) mais sans hésiter
à situer l’orthographe dans le dispositif d’ensemble de la discipline scolaire
« français ». C’est dans le cadre des recherches sur les conceptions de l’erreur
et de la règle que nous avons essayé d’exemplifier les représentations des
apprenants-élèves, les procédures qu’ils peuvent utiliser dans la résolution
de problèmes orthographiques, avec le maniement qu’ils font de leurs
savoirs en développement sur le fonctionnement de la langue, de l’écriture
en général et du système graphique du français en particulier.
1. L’orthographe du français s’est, depuis longtemps, solidement installée au sein de la vie sociale, culturelle, voire
médiatique. Les débats sur la réforme, à la fin des années 1989 ont donné lieu de nombreuses prises de position (cf.
par exemple les articles et ouvrages à visées linguistique, sociologique et/ou historique : Catach, 1989b ; Chervel et
Manesse, 1989 ; Millet, Lucci et Biliez, 1990 ; Chervel, 1991, 1992b.
2. Sur les représentations de l’orthographe, cf. Millet (1991) et plus généralement Boyer et Peytard (1990).
2. Réforme, enseignement
et recherche
Le lexique constamment récurrent de l’arbitraire et de la motivation
dissimule certes des inégalités considérables de théorisation qui vont des
déclarations indignées aux explications les plus pointues mais révèle
comme un impensé du rapport entre les dimensions institutionnelle et poli‐
tique (dont la politique éducative) et ce que Saussure nomme « la vie sémio‐
logique de la langue ». On comprend dès lors le dénouement sceptique de
certaines stratégies argumentatives qui édictent une nouvelle règle alors
Sans doute y a-t-il dans cette volonté d’aboutir une nécessité sociale
(spécifiquement éducative) et J.-P. Jaffré (1989, 100) a parfaitement raison
d’affirmer « qu’il reste beaucoup à faire… pour que la notion de règle ortho‐
graphique acquière un statut réellement opérationnel ». Il n’en reste pas
moins que, dans certains discours tenus aux enseignants et formateurs, le
terrain orthographique apparait bien propice à l’énoncé de facilités simpli‐
ficatrices concernant logique de la recherche et logique de l’enseignement :
C’est ici que le praticien de terrain s’écarte de la méthodologie forcé‐
ment unitaire et rigoureuse suivie par le scientifique. L’objectif du
second est la recherche, et le souci de décrire la langue de façon exacte
et cohérente ; la préoccupation du premier est l’efficacité pédagogique
(Niquet, 1991, p. 1341).
1. Par bien des aspects cette conception est solidaire d’un ensemble de positions développées dans cet ouvrage
et largement ailleurs : constat d’une détérioration du niveau des élèves en orthographe ; synonymie entre didactique
et inculcation ; partage entre élèves défavorisés à qui conviendrait le Bled et élèves mieux « armés intellectuelle-
ment », donc susceptibles d’une réflexion métalinguistique ; échelle de difficultés très contestable : ce n’est pas
l’explication étymologique qui est « hors de portée de l’entendement d’un élève de premier cycle » (Niquet, 1991, 135)
mais plutôt, nous semble-t-il, les explications grammaticales.
1. L’importance du débat sur l’arbitraire dès qu’il est question d’orthographe n’échappe pas à la perspicacité de
N. Catach (1985, 22-23). Réellement fidèle à Saussure pour le coup, elle ne voit pas d’antagonisme entre la thèse de
l’arbitraire et celle du caractère systématique de la langue qu’on ne peut saisir que par la « réflexion » ou le
« raisonnement » (là, les termes de Catach et de Saussure sont interchangeables). Il faudrait être encore plus radical
pour souligner le lien consubstantiel entre système et historicité que noue l’arbitraire, principe exclusivement lin-
guistique chez Saussure. En associant « arbitraire » au pouvoir du « grammairien » ou du « législateur », on pratique
un déplacement qui, à condition de ne pas assimiler mots et concepts, est une source permanente de confusion.
5. Règle et réorganisation
d’un savoir sur la langue
Dès lors que l’élaboration savante des linguistes trouve à justifier la règle
qui n’est plus d’abord « prescrite » ou « découverte » mais « inventée » ou
« réinventée », faut-il en tirer des conséquences pour l’apprentissage-
enseignement et lesquelles ? Et si, de plus, il était démontré que la règle
d’accord du participe passé constitue une règle fondamentale de la gram‐
maire du français qui se marquerait – entre autres – par des indices dans le
code scriptural, partie émergée d’un très vaste continent… C’est ici qu’on
s’aperçoit de la reformulation générale du problème dans l’optique d’une
conception résolument constructiviste de la règle comme « résultat d’une
démarche hypothéticodéductive par laquelle l’observateur reconstruit le réel
pour le comprendre » (Besse, 1989, p. 77). Peu importe l’origine de la codi‐
fication : si la règle de l’accord du participe passé a été décrétée par Marot en
1538, un linguiste, quatre siècles plus tard, peut en argumenter la pertinence,
sur la base des nombreux travaux de ses collègues (Kayne, Guéron, Ruwet,
Milner et bien d’autres), au point de se poser la question en termes appa‐
remment descriptivistes : « Marot a-t-il su rendre manifeste l’organisation
latente de la langue ? » (Maurel, 1988, p. 10). Au-delà de son caractère
prescriptif, la règle de Marot doit être considérée comme une hypothèse de
6. Enseigner l’orthographe
à l’école
L’enseignement de l’orthographe s’inscrit traditionnellement dans
l’emploi du temps de l’écolier par la pratique d’exercices spécifiques : la dic‐
tée, bien sûr, mais aussi les séries de phrases à trous (qui firent le bonheur
des époux Bled et des éditions Hachette) et… la mémorisation de règles
dont nous ne pouvons toujours identifier ni l’objet ni le cadre de référence.
Dans le système scolaire français et dans les programmes nationaux qui
le régissent, cet enseignement explicite de l’orthographe apparait générale‐
ment au CE1 (deuxième primaire), c’est-à-dire à un âge où l’élève est censé
avoir acquis suffisamment d’aisance dans la lecture pour pouvoir objectiver
la langue écrite. Nous observons d’ailleurs que certains exercices rangés dans
la catégorie « lecture » au CP (première primaire) sont étiquetés « ortho‐
graphe » au CE1. Il en est ainsi de l’étude des correspondances grapho‐
phonologiques qui, la première année, relève strictement de l’apprentissage
de la lecture et qui, l’année suivante, passe du côté des activités réflexives
sur la langue. Il semble que les mêmes faits linguistiques changent de nature
en passant d’un cadre d’apprentissage à un autre. Or les règles orthogra‐
phiques qui se trouvent formalisées et mémorisées au CE1 sont du même
ordre que celles qui sont énoncées dans l’acquisition de la lecture, l’année
précédente. L’introduction des règles orthographiques à ce niveau d’ensei‐
gnement, leur formalisation puis leur mémorisation, marquent bien le pas‐
sage d’une activité plus ou moins implicite vers une pratique explicite de la
langue. Les mêmes règles ne seront plus évoquées, mais convoquées pour
légitimer et organiser l’essentiel du travail en production orthographique.
Sur un autre axe, nous constatons que les pratiques d’écriture sont éga‐
lement largement tributaires de cet enseignement réglementé de l’ortho‐
graphe. Si la lecture précède l’écriture dans l’ordre des apprentissages
scolaires, de même il semble que la maitrise du système orthographique
1. Voir notamment Chartier et Hébrard (2006), pour l’analyse critique de cette dichotomie appliquée à l’apprentissage
de la lecture et aux conceptions idéologiques, voire dogmatiques, qui l’alimentent.
8. L’orthographe, de la faute
à la règle
Des recherches déjà anciennes ont mis en évidence que les fautes d’ortho‐
graphe des enfants-apprenants constituaient un objet d’étude particulière‐
ment éclairant pour analyser les conditions d’acquisition de la langue écrite.
Ainsi, dans une perspective psychologique, l’erreur orthographique a été
envisagée non comme un écart par rapport à un usage normé du français
écrit, mais comme l’impossibilité de résoudre un problème graphique. Des
auteurs comme J. Simon (1973) posaient l’existence d’une limite cognitive
à la compréhension et à l’exercice de certaines règles trop complexes, tandis
que d’autres (notamment Borel-Maisonny, 1951) allaient jusqu’à diagnos‐
tiquer une pathologie à partir d’indices plus ou moins regroupés en syn‐
drome : la dysorthographie. En réaction à cette dernière option très
médicalisante, des chercheurs (Honvault et Jaffré, 1978) ont orienté leurs
travaux sur des bases plus linguistiques pour analyser les causes des variantes
orthographiques des élèves dans les incohérences internes au système gra‐
phique du français : confusions homophoniques, interférences entre niveaux
sémantique et morphologique, éloignement des termes dans une relation
syntaxique d’accord, dérivation par analogie, etc.1.
Cette voie de recherche nous semble déterminante pour fonder une
didactique de l’orthographe qui interroge autant le linguiste que le psycho‐
logue. En effet, si de nombreuses erreurs relèvent de la méconnaissance ou
de l’inaccessibilité de telle ou telle règle (comme c’est le cas pour l’accord
du participe passé à l’école primaire), d’autres, en revanche, s’expliquent par
la généralisation d’éléments de « règles » plus ou moins bien intériorisés et
dont l’application reste tâtonnante. De nombreux accords erronés naissent
ainsi de l’ajout d’une marque spécifique comme dans on mangent ou le -nt
s’explique par le « on » qui renvoie à un référent multiple, ou bien encore
1. Notons que, parallèlement à cette voie linguistique et avec des préoccupations scolaires plus pragmatiques, de
nombreux auteurs de manuels d’orthographe se sont également référés, plus ou moins explicitement, à de telles
« typologies de fautes » (de E. Bled en 1946 à J. Guion en 1974).
Il était une fois dans l’Allemagne un voleur qui s’appeler Éric et qui rechercher
un trésor. Mais un agent de police qui s’appeler Jêrome le poursuiver pour le
mettre en prison. Mais Éric le voleur poursuiver son chemin. Et ne s’aretter gamer.
Un jour Jêrome le policier eu une idée, il vouler suivre Éric avec un hélicoptère
et comme Éric paser souvant sur la mer en bateau il le suiver avec son hélicoptère
et s’est comme sa que Jérôme a retrouver le trésor et mis Éric en prison (Alice,
8 ans).
« Il été une fois, Lili la souris qui a vus un trésor. Alor Lili a di a c’est amis, écouter
j’est une bonne nouvelle ! pour vous, j’est trouver un trésor. Allons y Oh Oh Oh
pas si vite. Il y a un monstre. Alor on va fair un plant on vas ce deguiset en monstre.
Le lendemain matin, les petites souris sont prète à partir. Qand les souris parte
le monstre été endormis, sur la porte du monstre il y avais marquer poudalour.
Alor les souris sont rentrez par le trous de porte […] » (Benjamin, 8 ans).
Dans ce cas, c’est tout le codage des finales en [E] qui semble défaillant
et n’obéir à aucun principe. Ce sont surtout – mais pas exclusivement – les
formes verbales qui se trouvent atteintes ; elles reçoivent alternativement é,
er, est, et et même ez sans qu’apparaisse une quelconque régularité, sauf peut-
être avec la reprise de j’est dans la deuxième phrase.
À regarder ces deux textes, nous pouvons considérer que les régularités
observables dans le premier constituent une avancée par rapport au second.
Il reste que nous pouvons difficilement faire la part entre des phénomènes
idiosyncrasiques et la possibilité de généraliser des démarches analogues à
celles mises en œuvre dans les deux textes. Tout au plus, pouvons-nous
avancer l’hypothèse que cette stratégie constitue une étape dans la maitrise
d’une orthographe qui trouvera ensuite à se différencier et à se légitimer
dans une série de sous-règles spécifiques à la morphographie de la catégorie
verbale.
9. L’orthographe, l’explicite
et l’implicite de la règle
Comme nous l’avons vu, la rédaction d’un texte par de jeunes apprentis-
scripteurs suppose l’utilisation de règles dont nous ne pouvons toujours
mesurer le degré d’explicitation. Par-delà ce constat, il semble que plusieurs
phénomènes se superposent, qui sont généralement difficiles à démêler.
Lorsque nous pouvons recueillir les explications et les arguments des élèves,
nous obtenons des indications souvent contradictoires, mais aussi, parfois,
très éclairantes sur les procédures utilisées.
Ainsi, au cours d’une activité classique dans une classe de CM1 (qua‐
trième primaire), la correction d’une dictée, une élève est invitée à justifier
Alex : Ça peut pas être pose puisqu’il y a la devant […] et c’est pas porte parce
qu’il y a la porte.
Cet élève se cantonne dans une analyse locale limitée au syntagme nomi‐
nal et ne peut admettre la présence d’un deuxième verbe, les deux candidats
possibles présentant une homophonie de type nom-verbe (la pose/il pose et
la porte/il porte). Ce n’est qu’à l’issue de plusieurs relectures et grâce à une
réinterprétation de l’ensemble de l’énoncé, qu’il repère le verbe porte pour
ensuite accepter de l’accorder à la 6e personne. Dans ce cas, des savoirs
orthographiques existent ; cependant, ils ne sont mobilisables que partiel‐
lement et ne peuvent s’appliquer complètement à des problèmes qui
dépassent une suite de deux mots. Les explications fournies montrent que
l’orthographe est envisagée dans un rapport morphosyntaxique étroit qui
empêche une mise en relation sémantique plus distanciée. Comme l’ont
montré d’autres études sur les processus d’écriture (Fayol et Schneuwly,
1987 ; Fayol, 1997), cet élève avance pas à pas dans la révision de la phrase,
selon un empan réduit qui occulte toute analyse orthographique de niveau
plus élevé.
Céd : […] Chameau ça s’écrit avec e-a-u parce que c’est toujours comme ça
que ça s’écrit les mots où on entend [o] à la fin…
Aur : C’est peut-être un t ou un s (pour la finale muette)… ça peut pas être une
autre lettre.
Ad : Ah et pourquoi ? Pourquoi ça peut pas être b ou v par exemple ?
Aur : Parce que parce que c’est pas les bonnes lettres – c’est jamais ces lettres-
là qu’on met à la fin des mots […].
Céd : C’est pas pareil – lavabo c’est pas un mot comme chapeau ou château ou
chameau – mais je sais pas pourquoi il y a pas e-a-u […].
L
a question orthographique occupe une place singulière dans
l’enseignement-apprentissage du français. Historiquement liée à la
scolarisation des petits Français (Chervel, 1977), elle semble relé‐
guée aujourd’hui au rang de « sous-compétence dans le domaine de la
langue », plus ou moins dépendante des activités de production écrite. La
leçon d’orthographe a occupé longtemps une place centrale. Véritable pivot
de l’enseignement du français, elle drainait la plupart des apprentissages du
français : de nombreuses activités de lecture, les exercices d’écriture, l’analyse
grammaticale, étaient tout entiers orientés vers la maitrise des règles,
conventions et exceptions orthographiques. Le poids de cet enseignement
ne se fait plus sentir de façon aussi prégnante. À l’heure actuelle, les textes
officiels, les discours avancés en formation, les pratiques elles-mêmes, ont
sensiblement évolué pour amoindrir cette position centrale et pour, dans
certaines propositions didactiques, ne lui accorder qu’une fonction secon‐
daire ou connexe par rapport au lire-écrire.
Il reste que cette composante orthographique reste souvent délicate à
traiter, complexe à programmer et à inscrire dans des démarches d’appren‐
tissage cohérentes. Au-delà des prises de position plus ou moins tranchées,
plusieurs problèmes se posent encore à l’enseignant de français : définir sa
place et son importance dans la composition d’un texte ou la préparation
d’une séquence ; penser son articulation avec les autres compétences à déve‐
lopper surtout en écriture ; envisager un lien avec le travail métalinguistique
et, notamment, la réflexion grammaticale ; prendre en compte la valeur de
ses normes et de ses usages, essentiellement dans la circulation des écrits
dans et hors l’école.
Dans les lignes qui suivent, nous reviendrons sur chacun de ces axes de
réflexion en déterminant la part respective des travaux et tendances en
didactique du français, en linguistique et en psychologie. Par l’étude des
représentations exposées lors d’entretiens semi-dirigés et l’analyse de textes
1. Conceptions et délimitations
du domaine orthographique
À partir de la fin des années 1970, l’orthographe n’a plus constitué, dans
les discours officiels (programmes, textes d’orientation, instructions) pour
l’école élémentaire, un axe d’enseignement prioritaire. Elle est perçue au
mieux comme une composante des activités de production écrite. Cette
composante, ou cette sous-discipline, dépend dorénavant du travail
d’écriture-rédaction à la fois pour la définition des contenus et des
démarches d’apprentissage. Après avoir été conçue comme un domaine
central dans les programmes de français, elle est pensée comme le corolaire
de l’écriture. Cette évolution ne va pas sans poser quelques problèmes.
1. Dans cette partie, il est évident que nous ne pourrons présenter l’ensemble des résultats d’une étude longitudinale
complète. Nous n’avons reproduit ici que certains de ces textes, parmi les plus exemplaires ou les plus significatifs,
afin d’illustrer les différents éléments de notre démonstration.
1. Exemples correspondant à huit leçons successives, proposées dans Orthographe pratique du CM1, Paris, Dela-
grave, 1989.
2. Extraits des explications et exercices conçus dans Orthographe CM, Paris, Nathan, 1989.
3. Notamment la collection des Moniteurs d’orthographe-LÉO, conçue par Jaffré et Ducard, Paris, Nathan, 1995.
Jennifer (6 ans, en début de CP) : L’écriture on apprend les p euh les lettres – les
m majuscules on les fait comme ça.
Mickaël (5 ans, en GS) : L’écriture c’est des phrases – des mots.
Pour nombre d’entre eux, l’activité est confondue avec les supports, les
instruments, voire les habitudes ou les rites scolaires qui entourent l’écriture :
Mickaël (5 ans) : Je sais pas – je prends un stylo – faut une feuille – faut une
phrase.
Romain (6 ans, en début de CP) : Pour écrire je prends une feuille et je prends un
crayon et puis j’écris des choses – Des fois comment euh je regarde j’ai un petit
dictionnaire que la maitresse elle nous a donné je choisis des mots au hasard et
puis euh je les copie trois fois à peu près et puis après j’essaye de m’en souvenir.
Émilie (6 ans) : Des fois il (son papa) fait des lettres pour la – pour des entreprises
– il s’installe à une table et pi – il prend son crayon et il commence à écrire.
Julien (5 ans, en GS) : Je sais pas écrire beaucoup de mots – quand je sais pas
un mot je l’écris pas – pour le ciel je l’ai déjà lu mais je l’ai pas écrit – chat j’ai
déjà écrit c’est quatre lettres (il les écrit).
tantôt phonographiques :
des fois j’essaye par les lettres – je réfléchis dans ma tête – pour cheval je dis
un petit peu [ʃə] et pi [val] (il trace successivement SE puis A).
et ceci dans le même entretien. Mais, qu’elles s’appuient sur une notation
directe des mots ou sur la transcription de certains segments de l’oral, ces
démarches sont pour l’essentiel circonscrites à la notation d’unités qui ne
dépassent pas le mot.
Ces explications n’ont rien d’étonnant pour des élèves qui ne sont pas
encore entrés dans un apprentissage construit de l’écrit, sur le versant écri‐
ture comme sur le versant lecture. Elles révèlent des constructions instables,
tâtonnantes, oscillant entre la reproduction globale d’un mot et la notation
des « sons ». La quasi-totalité des procédures évoquées correspond à l’un de
ces deux principes (en fait à plus de 90 % des commentaires relevés), voire
aux deux comme pour Julien dans l’exemple ci-dessus, et ceci jusqu’au CE2
(troisième primaire), c’est-à-dire à un âge (neuf ans) où l’enseignement de
l’orthographe est déjà bien avancé1.
En fait, dans les entretiens réalisés, peu d’élèves (moins de 10 % du CP
au CE2) parviennent à formuler des explications qui reposent sur d’autres
caractéristiques orthographiques. Elles correspondent généralement aux
expériences qu’ils ont de l’écriture de leur langue :
1. Notons que nombre de ces élèves de CE2 (environ 40 %) associent toujours l’écriture à des tâches que nous
qualifierons de « calligraphiques », dans des termes analogues à ceux de leurs camarades prélecteurs de 5-6 ans.
Émilie (6 ans, lors du même entretien) : je mettrais un t à la fin de chat parce que
le féminin c’est chatte.
Delphine (CM2) : Souvent dans les dictées je mets des lettres en plus – (montrant
son cahier) tout à l’heure j’ai écrit balançent avec n-t parce que je croyais que
c’était le pluriel et il y avait pas ils avec un s.
Ad. : Et tu as mis un c cédille aussi – tu peux me dire pourquoi ?
Del : Parce que euh – c’est parce que je croyais que c’était encore le pluriel.
Nous notons ainsi, dans cet exemple comme dans de nombreux cas, que
l’ajout de lettres correspond à une notion grammaticale qui, lorsqu’elle est
formulée, renvoie d’abord au marquage du pluriel. Mais le plus souvent,
c’est par analogie avec des formes lues ou mémorisées que les élèves de cet
âge justifient leur orthographe.
François (CM1) : Par exemple quand je connais pas un mot je regarde les mots
dans la classe – (montrant sa feuille) pour écrire ce mot-là j’ai regardé là-bas –
j’ai pensé que ça s’écrivait comme ça sans l’accent.
Ad. : Sans l’accent ? Pourquoi tu as mis un accent alors ?
Fran : Parce que j’ai oublié de regarder – c’est après que je me demandais s’il
fallait un accent.
François (CM1) : Pour date j’ai fait autrement j’ai pensé à dame mais il y avait
pas le t alors j’ai pensé à dit – avec le t.
1. Ces classes, situées toutes dans le même groupe scolaire, se caractérisent par leur implication dans une
recherche sur le processus de réécriture à partir de projets de production de textes narratifs faisant une large place
à l’univers fictionnel, poétique, dans un rapport étroit avec la lecture de textes littéraires.
Mercredi 2 décembre
14 h 52 –
J’ Je suis rentrée de l’école depuis
un peu prés depuis 3 heures. J’avais
déjà très mal a la tête et
qa quand je suis rentrée a la
maison et que j’ai fait
mes devoirs, j’ai eu encore plus
mal. Je viens juste d’avoir
mes lunettes et comme je les
avais mise trop d’un seul
coup ca ma donner mal
a la tête.
le 11 octobre
je vais habité à sain crictofe en
novembre mais je Ne sait le combien
pas le combien. et [la]semaine la
semaine. et sait pour sa que je
travalle baue beaucous et aussi
que je vais ta [plus] travallé dans sette
école.
1. Plutôt sur des feuillets mobiles qu’ils rassemblent éventuellement par la suite et moins, comme leurs ainés, dans
des cahiers remplis régulièrement, à la façon d’un journal ou d’un agenda.
1. Cette conception du signifiant graphique est également révélée dans les opérations de paraphrase des discours
oraux (Fuchs 1982, 1988) dont la réalité linguistique rappelle singulièrement l’opération de remplacement à l’écrit.
Les ratures qui sont portées sur les finales des verbes en [e] (fatigéai…
vé vaie) – et accessoirement les et ou les est – révèlent une activité métalin‐
guistique que nous limitons généralement à un problème morphogram‐
mique parce que nous sommes confrontés à un texte d’une élève de 7 ans ;
mais, du point de vue de l’organisation globale du récit, il est singulier de
constater qu’il affecte également les valeurs temporelles des verbes. Sur les
deux plans de la langue et du discours, le phénomène est le même dans le
texte suivant rédigé par un élève de CE2. Dans ce cas, Benjamin (8 ans)
utilise différentes terminaisons pour les mêmes formes en /E/ des verbes.
Il (été) était une fois, Lili la souris qui a vus un trésor. Alor Lili a di a c’est amis,
1. Comme il est généralement constaté, les modifications orthographiques n’aboutissent pas toujours à une amé-
lioration du texte. Les ratures de ce type ajoutent des erreurs là où la convention orthographique semblait maitrisée.
Bien évidemment, les textes que nous avons étudiés n’échappent pas à ce phénomène.
2. Notée /E/, car nous considérons cette opposition phonologique [e/ɛ] comme neutralisée.
3. Traduction orthographique : « Le chien dit à madame Kane de sortir ses petits canards/madame est un peu
fatiguée et se bagarre [avec] le chien qui s’appelle noiraud [le chien] se fâche et dit retourne dans ta maison/bon
d’accord je vais dans ma maison. Le chien dit merci madame je vous remercie beaucoup madame. »
Dans ce récit inachevé, nous trouvons plusieurs ratures de lecture (en fait
liées à une consigne de l’enseignante) touchant les seules formes verbales.
Ce sont apparemment celles qui posaient le plus de problèmes puisque
Benjamin a introduit un certain nombre de variantes à la finale en « é », sans
doute trop régulière dans la première version (été était… écoutéer…
trouvéer… deguiséet… marquéer… rentréez). Il semble que ces substitutions
ont été opérées, pour l’essentiel, sur les verbes conjugués et non sur les auxi‐
liaires ou les infinitifs, comme si la variation grammaticale devait d’abord
se porter sur les radicaux conjugués. Mais on peut également expliquer ces
ratures sélectives, et le fait que certains verbes aient échappé à ces modifi‐
cations (j’est… j’est… avais… été), comme la trace d’une réflexion sur les
valeurs temporelles, aspectuelles ou de personne ; bref qu’une analyse appro‐
fondie des intentions, effets et significations du récit accompagne des ratures
apparemment aléatoires. De fait, ces modifications disent autrement la
cohésion temporelle du récit et ne peuvent se réduire à de simples arrange‐
ments de langue.
L’opacité de certaines erreurs, les ratures qui les augmentent, l’impossi‐
bilité d’une réflexion rétroactive, tout concourt à réexaminer l’opposition
souvent artificielle entre erreurs ou modifications de « surface » et erreurs
ou modifications « profondes ». Nous avons montré que les flexions verbales,
notamment, et surtout celles qui correspondent à des emplois à la fois très
fréquents et très complexes (les différentes formes du verbe être, les finales
en /E/), posent des difficultés particulières à l’apprenant. Au-delà des tâton‐
nements que nous pourrions interpréter comme de simples variantes de
transcription, nous sont également révélées de nombreuses modifications
discursives. La prudence s’impose donc tant du côté de l’interprétation des
textes que du côté de l’analyse des compétences d’écriture. D’une part, nous
ne pouvons décider que telle ou telle forme, erreur ou rature s’inscrit dans
un seul paradigme ; c’est ce que montrent les exemples extraits des textes ci-
dessus, mais aussi ceux relevés dans un autre récit d’élève de CE2 où les cinq
formes du verbe être (g’été, gé té, jété, j’été, jai té) peuvent tout autant noter le
passé composé que l’imparfait. D’autre part, nous ne pouvons attribuer à
3. Perspectives didactiques
Si nous revenons à l’énoncé des hypothèses de ce chapitre, l’étude des
textes présentés ici permet de réévaluer singulièrement la place de l’ortho‐
graphe dans l’ensemble des apprentissages liés à l’écriture.
Tout d’abord, il nous semble peu productif de scinder des compétences
scripturales qui ne peuvent être conduites que conjointement ou successi‐
vement dans la révision dans la composition d’un texte. Il convient d’amener
les élèves vers une approche complémentaire des problèmes de mots et de
mise en texte, en n’abandonnant ni les premiers ni les seconds. Le recours
à des modèles de scripteurs experts ou la nécessité de hiérarchiser différents
plans didactiques amène enseignants et élèves à distinguer des apprentis‐
sages de fait complémentaires du point de vue linguistique. Lorsque des
élèves – même les plus jeunes du CP ou du CE1 – apprennent des règles
plus ou moins exhaustives et/ou font des exercices en réponse à des
consignes souvent formelles et stéréotypées, ils sont dans l’impossibilité
d’envisager ni l’ensemble du plurisystème orthographique (Catach, 1989a),
ni l’organisation globale du texte. Cette acquisition microscopique fait tout
à la fois écran aux acquisitions orthographiques et au développement de
compétences d’écriture complètes. D’une part, les élèves sont amenés à trai‐
ter des problèmes locaux, des erreurs isolées ou des réécritures partielles,
sans jamais avoir le sentiment de travailler sur des phénomènes de langue.
D’autre part, ils sont amenés à concevoir une « mise en forme orthogra‐
phique » (mais elle peut être tout aussi bien lexicale ou syntaxique) indé‐
pendamment d’une expression des contenus, des intentions et des effets de
texte.
Ensuite, nous ne pouvons concevoir une didactique de l’écriture qui ten‐
terait d’homogénéiser des manifestations scripturales et des procédures
fondamentalement hétérogènes ; des manifestations et des procédures dont
L
es travaux exposés ici s’inscrivent dans le cadre de la linguis‐
tique génétique de l’écrit qui combine l’étude des systèmes d’écriture
et des orthographes, dans une double genèse historique et ontolo‐
gique. L’objectif est de décrire précisément l’acquisition de la production
écrite chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte, une acquisition dont nous mon‐
trons qu’elle dépend pour partie des propriétés linguistiques des langues,
sous leurs formes orales et écrites, et pour partie des fonctionnements cog‐
nitifs mobilisés par les scripteurs apprentis ou experts.
Pour ce faire, il s’agit tout d’abord de s’appuyer sur une description pré‐
cise des procédures mises en œuvre dans des tâches d’écriture diversifiées,
des premières traces graphiques du jeune enfant à la rédaction de textes
complets de l’adulte, et selon une méthodologie qui associe l’étude de ces
différents écrits aux commentaires induits dans des entretiens semi-dirigés
( Jaffré et Ducard, 1996 ; David et Jaffré, 1997 ; David, 2001). Ces expli‐
cations métagraphiques sont enregistrées pendant ou immédiatement après
la production écrite, c’est-à-dire en situation de révision. Elles sont ensuite
transcrites et analysées pour rendre compte des différentes stratégies repé‐
rées, qu’elles soient marginales ou récurrentes, déviantes ou normées, tem‐
poraires ou définitives.
Dans la présente étude, nous proposerons une analyse longitudinale qui
rend compte des différentes procédures disponibles ou effectivement mises
en œuvre par des élèves scolarisés au cycle primaire (CM2, cinquième pri‐
maire), procédures que nous comparerons à d’autres, produites cette fois-ci
par des étudiants (niveau licence : bac + trois, au minimum), mais aussi par
des experts du domaine. À partir des exemples extraits de ce double corpus
– qui comprend plusieurs centaines d’entretiens –, nous entendons montrer
que toutes les graphies attestées résultent de calculs plus ou moins étendus
et justifiés, calculs qui révèlent des procédures récurrentes, même si certaines
semblent peu conventionnelles ou hors normes.
SYSTÈMES D’ÉCRITURE
SÉMIOGRAPHIE PHONOGRAPHIE
notation de signes sens notation signes sonores
LOGOGRAPHIE MORPHOGRAPHIE PHONOGRAPHIE
mot graphique marques lexicales principe alphabétique
(étymologie/idéographie) ou grammaticales
1. Nous les notons par l’archiphonème, car nous avons constaté que l’opposition phonologique [e] vs [ɛ] n’est plus
guère perceptible en français contemporain (cf. note 2, p. 283). De plus, cette distinction des deux apertures, même
lorsqu’elle est attestée, ne permet pas de choisir les graphies -é, -er, -ai, voire est, et, -ez.
(a1) La lecture doit être un plaisir pour être *apprécier à sa juste valeur.
(a2) Comme nous l’avons *constater…
(a3) Ce que vous appelez…, c’est avoir *repérer les leadeurs, les timides
(a4) Ils semblent *préférés les temps de la narration…
(a5) Je leur ai donc *montrer ma déception…
Nous n’avons reproduit ici que des exemples portant sur le marquage -
er à la place de -é. Il va de soi que l’erreur inverse, -é à la place de -er, apparait
également en nombre important, quoique plus faible. Bien évidemment,
ces erreurs augmentent considérablement lorsque nous ajoutons les accords
de participes passés non réalisés avec être (Nous avons été *perturbé lors de
l’enregistrement » ou avoir (Je ne les ai pas assez *guidé) ou surgénéralisés pour
le genre (Je n’ai pas *abordée la discipline de la bonne façon) et le nombre (Je
leur ai *demandés d’identifier le début de l’histoire).
On pourra toujours objecter que ce sont là des erreurs manifestant une
maitrise imparfaite du système, et qu’elles sont la preuve d’une certaine
désagrégation de l’enseignement de l’orthographe en France. Mais que dire
alors des mêmes erreurs, lorsque celles-ci surgissent dans les textes produits,
cette fois-ci, par des universitaires, souvent linguistes et spécialistes du
domaine. C’est le cas des textes reproduits partiellement ici, qui appar‐
tiennent tous à un genre relâché, les courriers électroniques ou méls1 :
1. Nous empruntons ces exemples au corpus réuni par J.-P. Jaffré (2003).
Ces deux définitions sont ensuite détaillées dans chacun des chapitres
qui leur sont consacrés :
L’infinitif est la forme nominale du verbe : c’est proprement un « nom
d’action » ; il exprime sans acception de personne ni de nombre, l’idée
marquée par le verbe.
1. En définitive, seuls les accords qui découlent de l’emploi des participes passés sont longuement détaillés, dans
des sous-parties qui déclinent les différents cas d’accord ou de non-accord, avec des degrés de sophistication qui
tiennent plus ou moins compte des Rectifications orthographiques appliquées à ces emplois.
Pour a1 (supra : La lecture doit alors être un plaisir pour être *apprécier à sa
juste valeur), le scripteur, pourtant expert, explique : « C’est -é bien sûr et même
-ée pour l’accorder avec la lecture… j’ai pas pris être pour un auxiliaire passé
parce qu’il est pas conjugué. »
Concernant c1 (… et j’irai *cherché les fruits) l’élève, Laure (10 ans), se justifie :
« C’est parce que le verbe est au passé composé… il est composé avec l’auxi-
liaire avoir… ah non c’est j’irai c’est pas j’ai… irai c’est le verbe aller. »
1. Nous utiliserons désormais les abréviations suivantes : V pour verbe, N pour nom, prép pour préposition, adj
pour adjectif, Vinf pour verbe à l’infinitif, Ppas pour participe passé, Vaux pour verbe auxiliaire, Vsemi-aux pour
verbe semi-auxiliaire, Vatt pour verbe attributif.
2. Nous ne tiendrons pas compte des quelques rares énoncés comportant des Ppas antéposés et parfois détachés
des noms (Humiliés, les combattants sont rentrés dans leurs foyers) ou des Vinf à l’initiale de phrase (Retourner au
pays, ils n’y songeaient guère), quasiment absents des textes d’élèves.
Enfin, le problème semble insoluble avec les verbes attributifs qui per‐
turbent le marquage des Ppas :
Avec Frédéric (11 ans), en c4 (Il semble *présser de sortir de l’eau…) l’explication
apparait définitive : « le deuxième verbe se met toujours à l’infinitif quand c’est
pas avec l’auxiliaire être ou avoir ».
Dans a4 (Ils semblent *préférés les temps de la narration), c’est l’aspect attributif
du verbe qui domine dans le rajustement proposé par l’étudiant : « Je pensais
que *préférés était un adjectif attribut je l’ai même mis au pluriel – c’est souvent
le cas après sembler – en fait si je remplace par prendre on voit bien que c’est
un infinitif. »
Pour Julie (10,5 ans), en c5 (Après, nous avons dû nous *rincé et *écouté le
moniteur… on nous a demande de *plongé), le commentaire reste incertain :
3. Conclure en proposant
des aménagements
orthographiques
Notre étude, ainsi que d’autres travaux (Perfetti et al., 1997), montrent
que les élèves suivent des parcours cognitifs parfois singuliers et insoup‐
çonnés, des parcours qui expliquent le caractère dynamique des apprentis‐
sages engagés. De fait, nous observons que les solutions trouvées, les
procédures énoncées, les révisions proposées s’opposent souvent aux
conventions du français écrit. Bref, elles ne rencontrent que factuellement
les normes enseignées. Elles n’en sont pas moins les traces visibles des
acquisitions en cours, mais aussi des résistances à la maitrise du système
linguistique et, en l’occurrence, des microsystèmes orthographiques. Nous
avons déjà montré que, si les apprentis-scripteurs confrontent régulièrement
leurs savoirs empiriques aux principes fondamentaux de l’écriture de leur
langue1, ceux-ci en retour déterminent fortement les réussites et parfois les
échecs à leur maitrise.
Concernant ce « monstre » orthographique que constitue l’homophonie
des finales des verbes en /E/, nous savons que les descriptions linguistiques
1. Et sans doute avec les logiques à l’œuvre dans tout système d’écriture (Jaffré et David, 1999).
1. Les banques de données permettent aujourd’hui de distinguer les formes graphiques et les formes lemmatisées.
De fait, nous pouvons calculer le nombre global d’occurrences d’un segment comme composé, mais aussi le nombre
de ses distributions en Ppas, adjectif ou nom, avec leurs marques de genre et de nombre.
2. Et encore moins de leur méconnaissance, puisque tous les énoncés fautifs ont été rectifiés et suivis de justifi-
cations n’offrant aucun doute quant à la maitrise des règles linguistiques en jeu.
1. Si l’on ne retient que les années de scolarité obligatoire, les élèves français passe un temps considérable à
tenter de saisir cette opposition, puisque les règles et procédures correspondantes sont régulièrement abordées
– sinon enseignées – du CE2 (9 ans) à la Troisième du collège (16 ans)… Ce sont donc au moins neuf années pour
ne pas parvenir à réduire ces écarts orthographiques. Autant dire que la réussite d’un tel apprentissage semble
évidemment impossible lorsqu’il faut ajouter à cette confusion homophonique les accords en genre et nombre des
Ppas.
S
i les prises de position, souvent polémiques, ne manquent pas
dans le domaine de l’enseignement de l’orthographe, il faut recon‐
naitre qu’elles s’appuient peu sur les recherches, pourtant de plus en
plus nombreuses, dans le domaine (supra). En la matière, les discours
doxiques, généralement très conservateurs, prennent le pas sur les analyses
étayées. Et la question des réformes, des ajustements, ou plus simplement
des rectifications de l’orthographe du français constitue un point de discorde
névralgique où les jugements relèvent plus de l’opinion que de la raison.
1. Cette enquête fut reprise et explorée à nouveau par J.-P. Simon et al., 1997 et J.-P. Simon, 1998.
2. On lira également une analyse argumentée de ces évolutions dans les travaux de J.-P. Sautot, et notamment
dans son étude de 2003.
1. Une tendance analogue a été observée lors de la mise en place de commissions ministérielles relatives à la
féminisation des titres et noms de métiers. Chaque responsable ministériel acceptait la féminisation pour les fonc-
tions exercées hors de son ministère, mais la refusait pour celles de son secteur d’activité.
2. Ils se comportent ainsi comme la plupart des jeunes scripteurs, écoliers ou collégiens, qui acquièrent l’ortho-
graphe de leur langue en déployant ces deux types de stratégies, des stratégies généralement associées aux
propriétés internes du système d’écriture qu’ils tentent d’acquérir (cf. Nunes et al., 1997).
1. Nous avons conservé cette terminologie classique (COD au lieu de « complément direct du verbe ») pour ne pas
déstabiliser ces futurs enseignants et les détourner de l’objet de l’entretien.
3. Pour conclure
Nous dirons que la plupart des enseignants en formation tiennent des
discours en décalage avec leurs pratiques orthographiques réelles. Ils pré‐
sentent en cela une sorte de dédoublement souvent attesté dans l’univers
scolaire, qui consiste à défendre des pratiques pour leurs futurs élèves, sans
toutefois les maitriser eux-mêmes. Mais, en l’occurrence, qui pourrait les en
blâmer, car les discours sur l’orthographe sont piégés, sous-informés et por‐
tés par des idéologies sans fondement linguistique. Ils ne sont pas plus – ou
pas moins – que le reste de la population française soumis à ces mouvements
d’opinion qui négligent les apports des sciences humaines, voire les récusent
sans les connaitre.
Il reste que ce public d’enseignants en formation est largement acquis
– consciemment ou non – aux Rectifications de 1990, mais soit ils en
contestent les limites, soit ils en acceptent mal les principes éthiques. Pour
certains, les arguments avancés révèlent un désir d’aller plus loin, dans le
domaine lexical par une simplification de l’encodage phonogrammique
(notamment pour la réduction des consonnes géminées), dans le domaine
grammatical par une réduction des cas exceptionnels d’accord des participes
passés. Mais ils ne récusent pas les principes fondamentaux de l’écriture du
français, qu’il s’agisse de la logique alphabétique ou des principes morpho‐
graphiques. En revanche, leur nouveau statut d’enseignant les conduit à
A
ppliquée à l’orthographe, cette question de son enseignement
peut paraitre non pertinente ou trop évidente. En fait, elle prend
un sens particulier. Nous pouvons en effet nous demander si cet
apprentissage peut et doit être pensé en tant que tel. Lorsqu’on étudie la
majorité des manuels d’orthographe et les pratiques dominantes, on se rend
compte que l’orthographe du français ne pourrait s’acquérir que par la mise
en œuvre de deux types d’activité :
● la mémorisation de listes de mots plus ou moins réguliers, d’exceptions,
ou de paradigmes de conjugaison… ou bien encore de règles peu exhaus‐
tives ;
● l’application de ces connaissances en listes ou en règles dans des exercices
prévus à cet effet (principalement la dictée) et, dans le meilleur des cas,
dans des productions écrites autonomes.
Rarement, il est suggéré une étude réflexive qui mobilise l’intelligence,
le raisonnement, la découverte des principes de fonctionnement ; bref, des
activités orthographiques qui fassent sens. Généralement, ces activités
visent la connaissance du code et non la maitrise du fonctionnement ou des
usages de l’écrit, dans leur dimension orthographique. L’enseignement de
l’orthographe résulte alors d’un travail d’appropriation passif. Cette ortho‐
graphe s’impose aux élèves, ils ne peuvent ni la comprendre ni à fortiori la
construire. Dans ce contexte, élèves et enseignants ne parviennent pas à
objectiver une orthographe qui repose avant tout sur l’aléatoire et l’arbitraire.
Aléatoire parce que perçue comme non systématisable : les élèves ne par‐
viennent que rarement à choisir et à justifier une marque : « Il faut mettre
un -s, non un -x ou peut-être -nt. » Arbitraire parce que non explicable ; les
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