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Analyse des dernières scènes d’Antigone

Créon fait tout ce qui est en son pouvoir pour sauver Antigone, mais cette dernière continue à
reconnaître sa culpabilité avec entêtement. Pour montrer à sa nièce que son acte est absurde, le roi
lui révèle certains secrets de famille particulièrement choquants qui trahissent l’horreur du monde
politique.
Profondément touchée par ces déclarations, Antigone s’apprête à se retirer quand Créon prononce
le mot «bonheur ». En l’entendant, elle se révolte contre la vie médiocre que lui promet son oncle
qui tente vainement de la réduire au silence.
- La politique
Le monde politique incarné par Créon est décrit comme étant sale, impitoyable et répugnant. Les
décisions prises par ceux qui gouvernent ne jouent que sur les apparences. Elles cachent la vérité
au peuple pour réaliser d’horribles desseins.
- Mais pour que les brutes que je gouverne comprennent, il faut que cela pue le cadavre de
Polynice.
- On tire dans le tas sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom.
- J’ai envie de faire un héros de l’un d’eux (…) J’ai fait ramasser un des corps, le moins abîmé des
deux, pour mes funérailles nationales.
Ces tristes aveux ravivent la colère d’Antigone qui affronte Créon, les yeux plissés de dégoût. Pour
elle, la politique n’est rien d’autre qu’une cuisine sordide où l’on prépare les complots les plus
odieux : - Non, je ne me tairai pas. (…) Tu veux me faire taire cuisinier ? (…) Pourquoi veux-tu
me faire taire ?
Vous me dégoûtez avec votre bonheur. (…) Vous avez des têtes de cuisiniers. (…)Tu m’ordonnes
cuisinier ? Tu crois que tu peux m’ordonner quelque chose ? Allons, vite cuisinier, appelle tes
gardes.
++ Ismène change d’opinion. Elle se confond en excuses et se montre prête à mourir avec
Antigone. Mais cette dernière rejette son sacrifice pour ne pas l’impliquer dans une affaire qui la
dépasse. Cependant, l’héroïne se sent plus forte dans son combat contre Créon. Elle vient de gagner
le soutien d’une première alliée.
++ Une intervention timide
Ismène, une jeune fille connue pour être peu courageuse, change subitement d’attitude. Pourquoi ?
Sans doute parce qu’elle craint la solitude à laquelle elle sera condamnée après la mort d’Antigone.
Ce n’est donc pas précisément un acte de bravoure, mais une autre manifestation de la peur qui l’a
toujours hantée :
- Antigone, pardon ! Antigone, tu vois, je viens, j’ai du courage. J’irai maintenant avec toi. Si vous
la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle !
- Si vous la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle !
- Je ne veux pas vivre si tu meurs, je ne veux pas rester sans toi.
++ Une attitude intransigeante
Antigone réagit violemment face à sa sœur. Elle refuse de l’associer à son défi parce que les
héroïnes tragiques préfèrent mourir seules, sans partager leur gloire avec autrui.
- Ah ! Non. Pas maintenant. Pas toi !
-Tu as choisi la vie et moi la mort. Laisse-moi maintenant avec tes jérémiades.
- C’est moi, moi seule. Tu ne te figures pas que tu vas mourir avec moi maintenant.
- Il fallait y aller ce matin, à quatre pattes, dans la nuit. Il fallait aller gratter la terre avec tes
ongles pendant qu’ils étaient tout près et te faire empoigner par eux comme une voleuse.
I- La fin d’une héroïne tragique
Hémon implore désespérément son père de sauver Antigone, en vain. Le Chœur tente de son côté
d’attendrir le roi, mais il n’aboutit à aucun résultat. Le sort de l’héroïne est scellé. Il ne reste plus
qu’à fixer la date de l’exécution. D’ailleurs, les Thébains se rassemblent déjà et réclament la tête de
la condamnée.
= = = La fin d’une héroïne tragique : PP117-123
+ Le Chœur entre en scène ; il est immédiatement suivi du Messager qui fait le récit des
événements qui se sont déroulés dans les coulisses. Antigone s’est pendue avec les fils de sa
ceinture dans le tombeau où se trouvait également Hémon. Ce dernier, au comble du désespoir,
menaça de tuer Créon, puis il lui cracha au visage et se donna la mort à son tour.
I- La fonction du récit : (La double énonciation dans le théâtre)
L’intervention du Messager est importante dans la mesure où elle apprend au public des
événements qui n’ont pas eu lieu sur scène. Respectant la règle de bienséance fixée par les
dramaturges classiques, Anouilh épargne au public des images éprouvantes susceptibles de le
choquer. Les faits dominés de bout en bout par la mort et le sang sont présentés dans le cadre d’un
récit détaillé et non sous forme de spectacle. Grâce à un discours qui gagne en vivacité et en
dynamisme au fur et à mesure que progresse la narration du Messager, l’auteur parvient à visualiser
l’horreur tout en ménageant la sensibilité des spectateurs.
II-Créon et la tragédie
Créon occupe une place centrale dans le récit du Messager d’abord en sa qualité de roi, puis en sa
qualité de père et d’oncle. Il assiste directement à l’accomplissement de la tragédie.
Le suicide d’Antigone et d’Hémon reflète sa propre chute. Etant le numéro 1 de Thèbes, il attire
forcément l’attention de la foule qui assiste à l’effondrement de son maître :
- Tous regardent Créon, et lui qui a deviné le premier lui qui sait déjà avant tous les autres ...
- (Il) hurle soudain comme un fou (…) Le roi suant dont les mains saignent…
++ L’union dans la mort
Dans la tragédie d’Anouilh, l’amour n’a aucune chance de se réaliser dans la vie à cause des
nombreux obstacles posés par les adultes. Ce constat s’applique parfaitement bien à Antigone et à
Hémon. C’est dans la tombe où ils gisent côte à côte qu’ils trouvent enfin la plénitude tant
recherchée :
- Je les ai fait coucher l’un près de l’autre enfin ! (…) Reposés. Ils sont seulement un peu pâles,
mais si calmes. (…) Deux amants au lendemain de la première nuit. Ils ont fini, eux.
II- Eurydice
Totalement éclipsée dans la pièce, Eurydice ne participe pas au déclenchement de l’intrigue, mais
elle participe au dénouement tragique de la pièce. La vie qu’elle a menée et son suicide interpellent
de nombreuses remarques. La reine a toujours vécu comme une esclave qui répète les mêmes
gestes. Elle représente exactement ce qu’Antigone déteste le plus au monde : un bonheur médiocre
fait de petites joies passagères et d’une souffrance muette. Sa disparition condamne Créon à une
effroyable solitude. Le palais devient exactement comme un tombeau pour le roi : « Tout seul, oui.
» se dit-il.
++ Les gardes, indifférents à ce qui se passe autour d’eux, continuent à jouer aux cartes comme si
de rien n’était. La tragédie qui a violemment secoué le royaume de Créon ne les concerne en rien :
«Ce n’est pas leurs oignons ».
I- La vie après la tragédie
Le calme revient à Thèbes qui a été ébranlé par l’acte de l’intransigeante Antigone. Mais la folie de
l’héroïne est contagieuse ; elle a entraîné d’autres victimes dans son sillage. Le roi qui n’a qu’un
petit page pour compagnon « va commencer à attendre la mort ». Les héros sont morts parce que la
tragédie veut que ça se passe ainsi, mais les êtres insignifiants continuent à vivre parce qu’ils n’ont
aucun idéal à défendre L’allusion est faite ici aux gardes bien évidemment.
II- Les gardes
Les gardes ne se soucient guère des événements qui se précipitent à une vitesse vertigineuse. Ils
sont complètement absorbés par le jeu de cartes. Ces personnages sortis tout droit du drame
symbolisent le triomphe de la médiocrité. Ils vivent au jour le jour et ne se posent pas de question
sur le vrai sens de l’existence. Pour eux, la pièce se termine exactement comme elle a commencé.
Cette remarque accentue leur isolement. Ils restent en vie parce qu’ils ne peuvent pas mourir
dignement comme les vrais héros :
Eux, tout ça, ça leur égal ; ce n’est pas leurs oignons.

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