Vous êtes sur la page 1sur 3

Abus sexuels : choc et colère des catholiques après la

plainte contre un prêtre


mediacites.fr/complement-denquete/toulouse/2024/03/27/abus-sexuels-choc-et-colere-des-catholiques-apres-la-
plainte-pour-viols-contre-un-pretre/

Nos révélations sur les viols présumés commis par le père Franz de Boer ont
suscité une vive émotion dans les paroisses du Lot et d'ailleurs. De son côté,
l'évêché a choisi un prêtre faisant l'objet d'une autre plainte pour le remplacer.

Le week-end des rameaux est perturbé par la prise de parole de Juliette Mazet et le silence de
l'évêque de Cahors. Montage de Sarah Mahjoub

Ce samedi 23 mars, à 17h30, dans l’église de Limogne‐en‐Quercy, la porte est


entrouverte pour laisser passer les retardataires de la messe des rameaux. Les rangées
sont pleines. Derrière l’autel, ce n’est pas l’habituel père Franz de Boer qui officie. Et pour
cause : il a été mis en retrait par l’évêque de Cahors, mardi dernier, suite aux révélations
de Mediacités sur la plainte pour viols de Juliette Mazet. Pour le remplacer au pied levé,
l’évêché a choisi Florent Millet, recteur à Rocamadour et ancien vicaire général du Lot.

Drôle de choix, sachant que cet ancien numéro 2 du diocèse a fait l’objet d’une sanction
canonique en 2022, comme l’a révélé La Dépêche du Midi, à cause de propos tenus
« dans le cadre d’échanges spirituels avec un ou plusieurs fidèles qui dépasseraient le
cadre convenu et moral requis par l’institution ». Le quotidien précisait alors, que « le
Père Millet n’aurait plus l’autorisation d’assurer l’accompagnement spirituel individuel

1/3
auprès des croyants concernés, devrait suivre une formation à l’accompagnement
spirituel et ne serait plus vicaire général. » À croire que le diocèse du Lot n’a plus la
réserve nécessaire pour solliciter des prêtres épargnés de tout scandale.

Fin de la messe. En ce début de semaine sainte, les branches de laurier et de buis sont
agitées par des paroissiens, dont la plupart ont plus de 70 ans. « Bon, ça arrive de faire
des conneries », souffle un homme, béret sur la tête, en évoquant « l’affaire ». « C’est
quand même grave, là », lui rétorque une dame emmitouflée dans un manteau à
capuche. Ils sont peu nombreux à avoir lu le témoignage de Juliette Mazet dans nos
colonnes, mais tous en ont eu des échos grâce au voisinage. Interpellé par Mediacités,
Florent Millet préfèrera pour sa part s’abstenir de tout commentaire.

Passé le parvis de cette église, de nombreux chrétiens interrogés évoquent leur « colère »
et leur « sidération », à l’instar de cette Lotoise, qui a requis l’anonymat : « Il y a six mois,
j’ai assisté à la sortie du manuel de la Bientraitance [initié par le diocèse, NDLR]. Nous
étions en pleine affaire de pédophilie [révélée par Mediacités NDLR] et cette séquence
était un grand moment d’auto‐satisfaction collective sur le mode « circulez, y a rien à
voir », confie‐t‐elle à Mediacités.

« Ce qui me blesse le plus, au‐delà des actes ignobles de ces prêtres, ce sont
les mensonges de la hiérarchie au détriment des victimes et de nous tous »

une catholique lotoise

Cette catholique dénonce l’hypocrisie de l’institution : « On nous jurait, la main sur le


cœur, qu’on ne nous y prendrait plus. Et maintenant, le père Franz. À quand le
prochain ? », poursuit la croyante, exaspérée par ces “affaires” de violences sexuelles à
répétition dans le diocèse. « Ce qui me blesse le plus, au‐delà des actes ignobles de ces
prêtres, ce sont les mensonges de la hiérarchie, ses efforts pour minimiser les faits et
masquer la vérité. Au détriment des victimes et de nous tous. »

L’église commence à considérer les majeurs victimes d’abus


Car, au‐delà des viols présumés commis par Franz de Boer, de nombreuses personnes
déplorent le silence Laurent Camiade, qui avait été informé des faits dès 2015. Sur les
réseaux sociaux, des internautes de toute la France montent depuis une semaine au
créneau, appelant parfois à « la démission de l’évêque ».

Les révélations de Mediacités ont été reprises par plusieurs médias locaux, tels que
France 3, Actu.fr, La Montagne ou encore La Dépêche du Midi. C’est d’ailleurs dans les
colonnes du quotidien régional, que Lucienne Marty a appris la nouvelle. Selon cette
responsable de la pastorale des migrants dans le diocèse, « c’est l’omerta » à Cahors,
parce que ces révélations « tapent juste ». Et embarrassent probablement le diocèse, à
l’heure même où les ecclésiastiques commencent à considérer les personnes majeures
victimes d’abus, comme c’est le cas de Juliette Mazet, âgée de 18 ans au moment des
viols présumés.

2/3
« Continue ton combat, j’espère que justice sera faite »

un message de soutien adressé à Juliette Mazet

La semaine dernière, tous les évêques du pays étaient réunis en assemblée plénière à
Lourdes pour travailler sur les réformes de l’église. Ils planchaient notamment sur
« l’accompagnement à proposer aux personnes victimes d’agressions sexuelles dans
l’Église à l’âge adulte », selon l’archevêque et président de la conférence des évêques de
France, Éric de Moulins‐Beaufort, dans son discours de clôture.

Il semblerait que Laurent Camiade n’ait coché aucune des préconisations suggérées par
l’archevêque de Reims, qui considère « nécessaire que celles et ceux qui ont ou auraient
à se plaindre d’un prêtre, en responsabilité dans l’Église soient écoutés, orientés et
accompagnés dans la justice de notre pays et vers la justice canonique ». À l’heure
actuelle, il n’a toujours pas répondu à nos sollicitations. Pas plus que Jean‐Marc Micas,
l’évêque de Lourdes et hôte de l’évènement.

De son côté, Juliette Mazet se sent « soulagée » d’avoir révélé ce lourd secret à visage
découvert. « La publication m’enlève un poids, ça me donne l’impression d’avoir fait une
thérapie d’un an. » La présumée victime peut compter sur de nombreux messages de
soutien, tels que « je suis choquée de ce que je viens de lire, tu as vraiment beaucoup de
courage » ou encore « continue ton combat, j’espère que justice sera faite ».

L’enquête préliminaire est toujours en cours, mais elle a pris une tournure surprenante
depuis la publication de nos articles. Le 22 mars dernier, la jeune femme de 29 ans a
reçu l’obligation du parquet, de réaliser une expertise psychiatrique, une procédure
pourtant facultative pour les plaignants. Peut‐être vise‐t‐elle à évaluer avec davantage
de précision les lourds traumatismes dont souffre encore Juliette ?

Emma Conquet

Abus sexuels : scandales et lourds silences de l’Église catholique

20 articles

3/3

Vous aimerez peut-être aussi