Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Biomatériaux orthopédiques
Recommander cet article
Résumé
Il est possible pour le chirurgien de les implanter sans se préoccuper de leur nature chimique, de leur
procédé d'élaboration, de leur mode de dégradation, de leur usure ou des conséquences à long
terme de leur vieillissement ; mais, puisqu'il a habituellement le choix de ces matériaux, la
responsabilité des conséquences de leur introduction lui incombe en grande partie. Il paraît donc utile
qu'il soit informé des aspects techniques, biologiques ou réglementaires les concernant.
C'est notre volonté ici de donner de façon concise un aperçu des conséquences, de l'introduction
d'un biomatériau dans l'organisme, et des conséquences sur le matériau de son introduction. Ces
connaissances sont parcellaires et font appel à des notions pluridisciplinaires qui rendent leur exposé
parfois difficile. Puis, nous développerons les aspects réglementaires avant d'aborder une étude plus
analytique des différentes classes de matériaux.
Plan
Généralités
Evaluation préclinique de la biocompatibilité
Matériaux
Conclusion
Haut de page
Généralités
Définitions [93]
Selon la conférence de consensus de Chester (1991) est considéré comme biomatériau tout
matériau qui interagit avec les systèmes biologiques pour évaluer, traiter, renforcer ou remplacer un
tissu, organe ou une fonction de l'organisme. Cette définition appelle les commentaires suivants : le
biomatériau n'étant pas un médicament, il n'est pas soumis aux mêmes exigences administratives, il
doit cependant s'intégrer dans une procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) qui à
l'heure des procédures communautaires européennes implique le marquage CEE. La notion
d'utilisation temporaire permet d'intégrer sous une même définition des éléments prothétiques dont
l'ambition est d'être implantés le plus longtemps possible et des membranes d'hémodialyse en
contact avec le sang pendant quelques heures.
Ce chapitre étudiera la réponse du tissu vivant à l'agression que représente l'introduction d'un
matériau étranger dans l'organisme. Cette réponse est initialement non spécifique correspondant à la
réaction inflammatoire, puis plus spécifique au matériau et à l'implant. Nous étudierons la réponse en
tissu mou, mais aussi la réponse osseuse.
Réactions à l'interface
Aspects initiaux
L'introduction d'un biomatériau dans un tissu est traumatisante. Elle provoque une rupture vasculaire
qui met en contact le matériau avec le sang, le sérum ou les liquides extracellulaires. Le fluide entrant
en contact contient des ions, des protéines dont des glycoprotéines qui vont s'adsorber en quelques
secondes à la surface du matériau. Ainsi, quelques secondes après son introduction le matériau n'est
plus en contact direct avec le tissu vivant que par l'intermédiaire d'une couche (probablement
monocouche) protéique. Un grand nombre de travaux, dont la majorité a été réalisée in vitro, a été
publié récemment sur ce phénomène d'adsorption protéique qui semble à maints égards
fondamental.
De nombreux éléments manquent encore à la compréhension de cette étape, mais quelques points
apparaissent importants.
- Il s'agit d'un phénomène dynamique où la quantité de protéines adsorbées augmente avec le temps
et la concentration : cette quantité augmente jusqu'au moment où une monocouche uniforme est en
place. Les protéines ayant des propriétés adhésives les plus importantes sont la fibronectine, la
vitronectine, l'adhésine. La couche protéique une fois formée n'est pas statique et des échanges
permanents existent entre la surface et le milieu faisant évoluer dans le temps la couche protéique en
contact avec le milieu tissulaire.
- La couche protéique est variable en fonction du matériau. Hormis la composition chimique, les
caractéristiques de la surface telles que la microgéométrie, les propriétés électriques, l'énergie de
surface ou la mouillabilité jouent un rôle.
- Ainsi, la réaction cellulaire à l'implantation d'un matériau peut être analysée comme une réaction de
la cellule vis-à-vis des protéines adsorbées à la surface du matériau, la cellule n'étant jamais en
contact direct avec celui-ci. La qualité, la quantité relative de certaines protéines détermineraient
alors la réponse cellulaire.
Le milieu biologique constitue un milieu agressif pour les biomatériaux. Les métaux corrodent, les
polymères se dégradent et les céramiques vieillissent. Les mécanismes impliqués sont multiples : la
dépolymérisation, l'hydrolyse, la dégradation oxydative, le relargage d'additifs, de polymères,
l'oxydation des métaux, le vieillissement ou la dissolution des céramiques.
Cet effet du milieu sur le matériau peut avoir deux types de conséquences.
- Conséquences sur le matériau : le milieu biologique peut modifier le matériau jusqu'à le rendre
inapte à la fonction pour laquelle il a été mis en place. Ainsi, la corrosion d'un métal peut être à
l'origine d'une fragilisation et d'une rupture de l'implant. De même, un polymère peut voir ses qualités
mécaniques altérées par une dépolymérisation partielle, par une hydrolyse partielle, ou par une
Un produit devra donc bien sûr être testé sous forme massive, mais ses produits de dégradation
(particules, additifs, etc.) doivent faire également l'objet de l'analyse de biocompatibilité.
Il est plus aisé pour la clarté de l'exposé d'étudier dans un premier temps les processus normaux de
cicatrisation puis dans un deuxième temps d'observer comment la présence d'un implant modifie ces
processus de cicatrisation.
La réponse à une agression tissulaire est uniforme quelle que soit la nature physique, chimique, ou
microbiologique de l'agent agresseur. Elle consiste d'abord à assurer l'hémostase, puis suit une
phase d'élimination de l'agent agresseur (quand il existe) et des tissus morts, enfin, une phase de
réparation tissulaire cherchant au mieux une restitutio ad integrum du tissu originel et au pire une
cicatrice fibreuse. Cet enchaînement s'appelle la réponse inflammatoire.
La rupture vasculaire provoque une activation des cellules endothéliales et des plaquettes. Ces
cellules libèrent alors des facteurs vasoactifs qui favorisent la vasodilatation locale et la perméabilité
capillaire ; ainsi est formé un exsudat inflammatoire riche en protéines (protéines de la coagulation et
composants du complément). Il y a amplification de la réaction par l'intermédiaire des différentes
protéines libérées qui favorisent la phase cellulaire. Initialement, les polynucléaires neutrophiles
attirés par les facteurs chimiotactiques pénètrent en nombre par diapédèse dans le tissu irrité.
Rapidement interviennent les monocytes qui devenant tissulaires s'appellent les macrophages (fig 1).
Selon que l'agresseur est immunogène ou pas, les cellules recrutées sont soit les cellules du
système lymphoplasmocytaire, soit des cellules à pouvoir phagocytaire.
La détersion du site receveur se fait par phagocytose et par une activité enzymatique lysosomiale.
Ces deux moyens de détersion font intervenir principalement le macrophage et les cellules géantes.
Le macrophage jouerait un rôle fondamental de régulateur de la réponse tissulaire par l'intermédiaire
des quelque 200 substances qu'il est capable de synthétiser ; parmi les plus étudiées, il faut citer
l'interleukine 1 qui joue un rôle de régulation de l'activité du fibroblaste et de contrôle de la synthèse
du collagène, le TGF (« transforming growth factor ») qui joue un rôle dans l'angiogenèse, le TNF
(« tumor necrosis factor »), le FAF (« fibroblast activating factor »).
Dans le meilleur des cas où l'agent agresseur a pu être éliminé et selon la nature du tissu dans lequel
se produit le phénomène, on aboutit plus ou moins rapidement à la formation d'une cicatrice fibreuse
où les fibroblastes et les fibrocytes sont les cellules prédominantes. Le collagène synthétisé par ces
cellules forme la matrice extracellulaire.
Les phénomènes observés lors de l'étape initiale sont superposables à ce qui a été exposé
précédemment.
Ultérieurement lorsqu'il s'agit d'un implant ne créant pas les conditions d'une irritation permanente
(par exemple un implant massif de céramique inerte), les phénomènes de la cicatrisation normale se
produisent comme si l'implant n'était pas présent, il sert simplement de barrière à la progression de la
néovascularisation et à la progression de la cicatrice fibreuse. A terme, il se trouvera entouré d'une
fine cicatrice fibreuse appelée membrane d'encapsulation (fig 2). En aucun cas cette membrane ne
peut être interprétée comme un signe d'incorporation.
Si l'implant n'est pas totalement inerte, le processus de cicatrisation est différé dans le temps. Il se
L'implant peut rester agressif soit par des facteurs mécaniques (comme l'abrasion du tissu par
l'implant), soit par des facteurs chimiques (comme le relargage d'ions toxiques dans le cas des
métaux ou de produits additifs dans le cas des polymères) soit pour d'autres raisons encore mal
connues. Au maximum, il existe des destructions cellulaires, tissulaire et une inflammation
permanente : c'est la pseudomembrane. Autour de cette réaction intense se forme une membrane
collagénique épaisse très riche en fibroblastes.
- l'interaction entre un matériau initialement agressif et le tissu où il est implanté est un phénomène
d'irritation autoentretenu ayant une tendance spontanée à l'aggravation. En effet, une fois la réaction
inflammatoire initiée, il y a libération au contact de l'implant de toute une série de produits (enzymes
protéolytiques, radicaux libres, peroxydes...) qui sont susceptibles de dégrader encore davantage le
matériau, les éléments de dégradation libérés dans le milieu entretiennent à leur tour la persistance
d'une inflammation. Ainsi est crée un cercle vicieux que seule l'ablation de l'implant peut rompre ;
- le contrôle de la qualité de la réponse tissulaire (type cellulaire, type de collagène...) et de la
quantité de tissu d'interface est mal connu. On peut imaginer que la connaissance précise de l'action
des substances anti-inflammatoires et des facteurs de croissance permettront de mieux contrôler la
réponse tissulaire.
Dans ce cas la cicatrisation aboutit à la formation d'un cal osseux. Ceci se produit par activation des
cellules souches osseuses. Il y a souvent passage par une phase cartilagineuse ou
fibrocartilagineuse. Après cette première phase de repousse osseuse au contact du biomatériau ou à
l'intérieur d'anfractuosités, le remodelage osseux en fonction des contraintes mécaniques locales
viendra modifier la texture et l'orientation de l'os avoisinant (fig 3). L'environnement mécanique
constitue un élément déterminant de la réponse et deux éléments jouent alors un rôle essentiel : l'un
est la mobilité relative de l'implant par rapport au tissu osseux, le deuxième est représenté par les
caractéristiques mécaniques du matériau et de l'implant. L'ostéoclaste, qui oriente la résorption de
l'os, a une importance toute particulière dans ce processus par l'intermédiaire du BMU (« basic
multicellular unit ») qui constitue l'unité fonctionnelle de remodelage. Il existe des substances comme
l'hydroxyapatite, le phosphate tricalcique, ou les bioverres susceptibles de jouer un rôle
ostéoconducteur c'est-à-dire de diriger et accélérer la repousse osseuse. D'autres substances
comme les facteurs de croissance joueraient un rôle ostéo-inducteur.
Réponse générale
La réaction à un produit implanté n'est pas seulement locale. Les produits solubles, les particules
phagocytées sont transportées via le système lymphatique ou le système sanguin dans tout
l'organisme. Ainsi, des particules de polyéthylène ou de carbone sont retrouvées au contact des
implants, mais également dans les ganglions drainant le site implanté, dans le foie, la rate ou les
poumons.
La réponse générale peut aussi être due à une réaction générale de l'organisme à un matériau :
l'exemple le plus typique est représenté par la réponse immunitaire où des réactions
d'hypersensibilité médiées par les lymphocytes, les plasmocytes, la formation d'anticorps (de type
IgE en particulier) entraînent des conséquences générales. Certains polymères sont également
susceptibles d'activer la voie alterne du complément.
Haut de page
Evaluation préclinique de la biocompatibilité
pas de définition absolue, il faut, pour qu'un nouveau matériau soit correctement évalué, le comparer
à des témoins dont la compatibilité ou l'intolérance sont connues, il s'agit de matériaux dits de
référence (ou contrôles) : en orthopédie ces matériaux de référence peuvent être le polyéthylène, les
métaux purs, la céramique d'alumine. Les caractéristiques précises propres à l'implant utilisé comme
référence (géométrie, état de surface...) doivent être également connus.
Elles font appel tout d'abord à une étape de caractérisation permettant de connaître les
caractéristiques intrinsèques du matériau, puis à une étape d'évaluation qui utilisent des techniques
très différentes : histologie, biochimie, science des matériaux...
Avant d'implanter un produit, il est nécessaire de le caractériser. C'est la première étape qui
conditionne les suivantes.
Les propriétés de surface incluent en un terme général des éléments comme la chimie de la surface,
les propriétés électriques de la surface et la structure de la surface. Pour connaître les
caractéristiques chimiques de la surface des techniques comme la spectroscopie infrarouge ou la
mesure de l'angle de contact sont réalisées. La structure de la surface peut être connue par une
étude au microscope électronique à balayage, la rugosité peut être calculée, enfin des mesures du
potentiel de surface et du potentiel zêta évaluent une partie des propriétés électriques.
Carcinogénicité [55]
Des observations de tumeur au contact de matériau polymérique et de métaux ont été rapportées
dans la littérature aussi bien sur les animaux que sur les humains ; les premières publications datent
des années 1940. La relation de cause à effet entre la présence du matériau et le développement de
la tumeur est difficile à mettre en évidence. Dans les études expérimentales sur le rat en général, il
est apparu que pour le développement d'une tumeur l'implant devait avoir une taille minimale de 5
mm × 5 mm, qu'il devait être lisse, et qu'il devait rester en place un minimum de 6 mois [64].
- In vitro, on utilise le classique test d'Ames sur des Escherichiae coli dont un des caractère a déjà
subi une mutation ; le taux de mutation reverse en présence et en l'absence du matériau indique le
pouvoir mutagène [1].
- In vivo, une évaluation sur le rat est réalisée. L'expérimentation doit durer au minimum 2 ans, elle
inclut trois groupes avec un nombre suffisant d'animaux pour permettre une évaluation statistique
correcte. Un groupe reçoit le matériau à tester, un autre un matériau témoin dont la bonne tolérance
est connue, enfin un groupe est opéré sans implantation de matériel. Le taux de tumeur indique le
caractère plus ou moins carcinogène du matériau par rapport au matériau témoin et par rapport au
taux spontané de tumeurs (groupe sans matériau).
Immunogénicité [59]
Certains composants des biomatériaux sont connus comme antigéniques et peuvent provoquer une
réaction de type immunologique. Certaines observations ont permis de rattacher réaction immune et
biomatériau. Le rôle immunogène d'un biomatériau peut être évalué in vitro et in vivo.
- In vitro, des tests sur le plasma ou le sérum comme un test d'agglutination, de précipitation, ou
d'activation du complément permettent d'étudier la réponse humorale. La réponse cellulaire peut être
étudiée par test de transformation des lymphocytes ou un test d'inhibition de la migration des
macrophages.
- In vivo, un test de réaction cutanée utilisant le plus souvent les produits de dégradation du matériau
est réalisé.
In vitro [70]
La complexité de la mise en oeuvre, le coût, et la complexité même du modèle animal qui réalise un
milieu biologique complexe font préférer les méthodes in vitro aux méthodes in vivo pour une
première approche ou « screening » des matériaux. Il est par ce biais possible d'évaluer rapidement
et à moindre coût un nombre important de matériaux et de choisir de la sorte le moins toxique.
Ainsi les cultures cellulaires de mammifères sont connues et utilisées dans le domaine depuis plus de
20 ans. Initialement, la viabilité cellulaire était seule étudiée, plus récemment des études
fonctionnelles qui analysent l'inhibition de la croissance cellulaire, plus récemment encore des
cultures cellulaires organotypiques permettent de rendre le modèle un peu moins schématique [82].
Les méthodes morphologiques peuvent se séparer en deux principales : celles reposant sur la
diffusion ou la migration d'éléments du matériau dans la culture cellulaire (essai de contact direct,
essai de diffusion dans l'agar) et les méthodes cultivant les cellules dans un milieu où un extrait du
matériau a été placé. Des colorations vitales sont ensuite appliquées et la cytotoxicité est ainsi
mesurée.
Un des écueils de ce type d'évaluation est la difficulté de reproductibilité d'un laboratoire à l'autre.
In vivo
L'implantation animale reste encore une étape obligée de l'appréciation d'un matériau. De façon
générale, il faut insister sur le fait que les méthodes qualitatives ne sont plus de mise. Les méthodes
semi-quantitatives deviennent obsolètes même si elles demeurent encore un élément de
normalisation. Seules les méthodes quantitatives doivent être utilisées.
En tissu mou
L'évaluation quantitative de la réponse tissulaire en tissu mou peut se faire par des méthodes
morphologiques histologiques, et/ou par des méthodes fonctionnelles. L'implantation animale se fait
préférentiellement dans le muscle (muscles paravertébraux, quadriceps), le tissu cellulaire sous-
cutané est moins souvent utilisé comme site récepteur.
D'autres techniques sont en développement comme le marquage par des anticorps spécifiques qui
permettent de marquer soit des types cellulaires particuliers (macrophages, lymphocytes...) soit des
protéines particulières. La quantification se fait ensuite par des techniques d'analyse d'image.
En tissu osseux
La fonction de support du tissu osseux impose aux matériaux qui sont susceptibles de s'y substituer
temporairement ou définitivement des contraintes en partie différentes de celles qui ont été évoquées
précédemment. Le problème particulier de la repousse osseuse dans un matériau est spécifique. Les
évaluations dans ce cadre comprennent donc des études mécaniques et des études histologiques.
- Les paramètres mécaniques sont par exemple : la tenue en cisaillement d'un implant dans de l'os
(cortical ou spongieux), il s'agit des « push-out » ou « pull-out tests », les modifications des
caractéristiques de l'os peuvent être évaluées par les méthodes mécaniques classiques (cf
Biomécanique du traitement des fractures) ou par des méthodes plus fines prenant en compte le
caractère anisotropique de l'os (microscopie acoustique). Enfin des modèles mathématiques tels que
les méthodes par éléments finis constituent des outils souvent utiles, si le modèle est bien conçu.
- Les études morphologiques intègrent les appréciations de la repousse à l'aide de
microradiographies et/ou à l'aide de techniques histologiques (en ne décalcifiant pas l'os). On évalue
ainsi le taux de repousse osseuse au contact d'un matériau ou dans les anfractuosités d'un matériau
poreux. Les méthodes d'analyse d'image permettent de quantifier ces phénomènes.
Un matériau mis dans un environnement biologique se dégrade, il s'agit de corrosion pour les
matériaux métalliques ou polymériques. Les matériaux céramiques et polymériques sont susceptibles
de relarguer des produits détachables (comme les additifs nécessaires à la fabrication des
polymères, ou les impuretés contenues dans les céramiques). Il faut donc étendre l'étude
précédemment évoquée aux produits de dégradation qui par eux-mêmes sont susceptibles de
déclencher des effets indésirables.
Le matériau constitutif de l'implant n'est pas le seul facteur susceptible d'influencer la réponse
tissulaire locale.
Parmi les facteurs liés à l'implant, on peut citer sa présentation sous forme particulaire ou sous forme
massive, ses caractéristiques géométriques qui jouent un rôle important dans cette réponse. Ainsi
des implants en forme d'étoile entraînent une sécrétion phosphatase acide plus importante que des
implants cylindriques, des implants ne variant que par le diamètre provoquent la formation d'une
membrane d'interposition d'épaisseur croissante avec le diamètre. Les conditions mécaniques dans
lesquelles sont placées un implant provoquent des réactions différentes, dans un os la partie de
l'implant placé dans une zone de traction voit du tissu fibreux s'apposer, dans une zone en
compression le tissu osseux vient directement au contact de l'implant. Enfin le choix de l'animal
d'expérimentation est important, comme l'ont montré Christel et Meunier : les réponses d'animaux
aussi proches que le lapin et le rat sont différentes pour un même matériau .
L'étude des matériaux ne s'arrête certainement pas à « l'aspect recherche », et une fois connu le
matériau lui-même, une évaluation sous sa forme définitive d'implant (prothèse, ostéosynthèse) est
indispensable. Elle sera au mieux prospective et randomisée permettant une comparaison à ce qui
existe déjà et dont les avantages et inconvénients sont connus. Des critères cliniques et
radiologiques au mieux quantitatifs permettent l'évaluation. Dans le cadre d'étude des prothèses
articulaires, les analyses en terme de survie sont devenues la règle. Elles permettent malgré des
données censurées (décès, perdus de vue) de comptabiliser le pourcentage d'implants encore en
place. Comme dans toute étude statistique, la mesure de l'écart-type est indispensable [11].
L'analyse des implants retirés fait partie également de l'arsenal d'évaluation. Elle constitue une
source d'information essentielle quoique retardée.
Cadre légal
Les différentes législations ont depuis quelques années encadré les essais nécessaires pour
apprécier la biocompatibilité de biomatériaux orthopédiques. Les organismes normalisateurs sont aux
Etats-Unis l'« American Society for Testing Materials » (ASTM), sur le plan international l'«
International Standard Organization » (ISO), et en France l'Association Française de Normalisation
(AFNOR).
Normes
Les normes paraissent régulièrement dans le domaine depuis 10 ans. Elles représentent le minimum
requis pour s'intégrer dans un cadre légal. Elles comprennent les définitions, les procédures
d'extraction, les procédures d'essais biologique et mécaniques, elles peuvent aussi concerner les
caractéristiques pour qu'un matériau puisse être utilisé comme biomatériau.
Il est impossible dans le cadre de ce document d'être exhaustif, aussi nous donnerons quelques
exemples qui nous paraissent importants.
obtenir un consentement éclairé du patient, une assurance couvrant la phase d'expérimentation, les
produits devront être fournis à titre gracieux par le fabricant, et le protocole expérimental détaillé - y
compris le consentement éclairé - devront obtenir l'aval d'un comité d'éthique.
Haut de page
Matériaux
Métaux
Ce sont les matériaux les plus utilisés tant en chirurgie orthopédique que dans d'autres spécialités
comme l'odontostomatologie. Il s'agit habituellement d'alliages dont les principaux sont les aciers, les
chromes-cobalts ou stellite, et les alliages à base de titane.
Généralités
D'une façon générale les caractéristiques biologiques et mécaniques des métaux sont sous la
dépendance de leur composition chimique d'une part, de leur structure physique d'autre part.
Sans pouvoir entrer dans les détails de ces éléments il faut comprendre que les métaux se
présentent sous la forme d'empilements de cristaux. Dans cette structure cristalline, des impuretés ou
des défauts existent entre les grains ou cristaux, les qualités du métal dépendent en grande partie de
l'existence et du type de défaut. Les procédés de mise en forme et d'élaboration influencent de façon
considérable les qualités physicochimiques du métal, par exemple, le forgeage augmente la cohésion
des grains, il en est de même des procédés de refroidissement/réchauffement.
Alliage
Dans le but d'obtenir des qualités optimales, un mélange de deux ou plusieurs métaux peut être
réalisé : c'est un alliage. Les conditions de mélange obéissent à certaines règles, ainsi, lors du
chauffage d'un métal A au contact d'un métal B, l'agitation thermique va créer des défauts de type
ponctuel où les atomes du métal B vont pénétrer dans le réseau du métal A. Selon que les atomes du
métal B se placent en insertion ou en substitution, on parle de solution solide d'insertion ou de
substitution, l'alliage obtenu est homogène.
Dans la plupart des cas toutefois, il existe une concentration limite de B à partir de laquelle le
mélange n'est plus homogène, on est en présence de deux phases de composition différentes. Le
nombre et la nature des phases en présence dépendent de la température et des concentrations
respectives en composés A et B.
Corrosion
Généralités
La mise en place d'un métal dans un milieu biologique provoque son attaque le plus souvent
oxydative : c'est la corrosion. La corrosion se produit donc en présence :
- d'un matériau métallique sur lequel se produit une réaction anodique d'oxydation selon : M Mn+ + ne-
- d'une solution agressive ou électrolyte où peuvent se produire plusieurs types de réaction de
réduction (réaction cathodique) :
L'espèce en solution gagne des électrons et il y a donc transfert de charge électrique entre le métal et
la solution. A l'état d'équilibre entre le soluté et le métal (qui correspond au moment où la dissolution
du métal s'arrête), il existe une double couche électrisée qui crée une différence de potentiel entre les
deux régions qu'elle sépare ; cette différence de potentiel dépend bien sûr du métal et de la
composition de la solution. La valeur du potentiel que prend le métal dans la solution quand l'état
d'équilibre a été atteint s'appelle le potentiel d'électrode. Ce potentiel peut être mesuré dans des
conditions définies (température et concentration) comparativement à une électrode standard comme
l'électrode à hydrogène : on parle alors de potentiels normaux. Plus ce potentiel normal est élevé plus
la résistance à la corrosion est grande, plus le potentiel normal est négatif plus la réactivité du métal
(c'est-à-dire la quantité de métal dissous dans le milieu) est grande. Les métaux ayant les potentiels
normaux les plus élevés sont appelés métaux nobles. Il est habituel de classer les métaux selon une
échelle galvanique du plus noble au moins noble (tableau II).
Il n'est pas nécessaire pour que ces réactions aient lieu que l'anode et la cathode soient deux pièces
métalliques séparées, à l'intérieur d'une même pièce métallique il existe de multiples zones
anodiques ou cathodiques de taille microscopique. Ainsi une différence de potentiel peut exister entre
les différentes phases d'un alliage ; de même la présence d'atomes étrangers dans une zone de joint
de grains est à l'origine d'inhomogénéités chimiques à l'origine de couples électrochimiques qui
peuvent donner lieu à des phénomènes de corrosion intergranulaires.
Eléments complémentaires
Rôle du pH
Le pH a une grande influence sur la corrosion et pour un grand nombre d'alliages et de métaux
Pourbaix [69] a établi des diagrammes potentiel-pH qui permettent de prévoir le risque de corrosion
dans un milieu donné. Il faut indiquer à cet égard que le pH du milieu intérieur est certes
habituellement fixe , il diminue à environ 5,5 après agression chirurgicale et peut monter à 9 en cas
d'infection. Grâce au diagramme de Pourbaix on peut établir les zones de potentiel et de pH dans
lesquels le métal a tendance à corroder, les zones où la corrosion est nulle et les zones où il existe
une tendance à la corrosion mais aussi à la formation d'un film oxydé de surface (passivation)
réduisant le taux de dissolution du métal à pratiquement zéro.
Passivation
Ce phénomène, constant pour les métaux, correspond à la formation d'une couche d'oxyde à sa
surface. La couche oxydée n'a pas les mêmes caractéristiques selon les métaux : les métaux dits de
transition (titane [Ti], aluminium [Al], chrome [Cr], nickel [Ni]) se recouvrent d'une couche oxydée
homogène (le titane par exemple se recouvre d'une couche de 100 A de TiO2) les rendant résistants
à la corrosion malgré un potentiel normal fortement négatif ; à l'inverse des métaux comme le fer
présentent une couche oxydée inhomogène qui ne protège pas de la corrosion. Cependant cette
couche d'oxyde peut être fragile en cas de frottement par exemple, pour le titane on aboutit à des
réactions de passivation/dépassivation successives qui libèrent dans le milieu de l'oxyde de titane
aux propriétés potentiellement abrasives.
La corrosion des implants métalliques dans un milieu biologique n'est pas une corrosion uniforme
généralisée mais une corrosion localisée. On distingue :
- corrosion galvanique : elle survient quand deux métaux aux potentiels normaux différents sont mis
dans un environnement commun. La valeur des potentiels normaux permet de déterminer quel sera
le métal protégé et quel sera le métal attaqué ;
- corrosion par piqûre : une interruption dans la couche oxydée quel qu'en soit le mécanisme
provoque une dissolution du métal à cet endroit qui devient l'anode. Du fait de l'accumulation d'ions
Cl- dans ces régions les chances de repassivation sont faibles. Ce type de corrosion touche par
nature les métaux passivables ;
- corrosion en fond de crevasse : elle se produit dans des piqûres profondes et au niveau des
surfaces poreuses. Le phénomène majeur est l'aération différentielle entre la surface et le fond de
crevasse. En effet, entre le fond de crevasse pauvre en oxygène et la zone superficielle riche en
oxygène il existe une différence de potentiel. La zone riche en oxygène constitue la cathode alors
que le fond de la crevasse constitue l'anode ;
- corrosion intergranulaire : les zones de jonction entre les grains du métal ou de l'alliage sont des
zones d'hétérogénéité chimique. Dans ces zones, des couples électrochimiques se forment avec le
risque de corrosion lié à l'existence même de ces couples ;
- corrosion liée à des phénomènes mécaniques (fig 4) :
- corrosion sous contrainte : il s'agit d'un phénomène où l'environnement corrosif et celui des
contraintes mécaniques se combinent pour provoquer dans l'alliage des fissures inter- ou
intragranulaires qui ne seraient pas survenues si un seul de ces phénomène était présent. Ce mode
de corrosion peut être à l'origine d'une faillite brutale du matériau ;
- corrosion par fatigue : un matériau soumis à des charges répétées cycliques est susceptible de
présenter des fissures. En environnement corrosif, les processus fissuraires et la propagation des
fissures sont accélérés. Ce processus s'appelle la corrosion par fatigue ;
- corrosion par frottement : il s'agit de la combinaison d'une dégradation de surface survenant par des
mouvements relatifs de faible amplitude des composants. La rupture du film de passivation qui en
résulte est à l'origine de la corrosion. La corrosion par « freetting » associe à la précédente une
fréquence élevée du déplacement ; elle paraît particulièrement importante dans le cadre des implants
orthopédiques [75] ;
- à part, la corrosion par les micro-organismes : la présence de germes modifie l'environnement local
comme le pH et le degré d'aération, d'autre part la réaction de défense de l'organisme comprend le
relarguage d'enzymes protéolytiques : ces phénomènes sont susceptibles de favoriser la corrosion.
Certaines bactéries auraient une attraction particulière pour certains métaux pouvant être à l'origine
d'une corrosion spécifique [38].
Depuis plus de 50 ans que les métaux sont utilisés sur une très grande échelle, quelques cas de
tumeurs malignes ont été rapportés chez l'homme soit sur arthroplastie [3], soit sur matériel
d'ostéosynthèse [89]. Leur nombre n'excède pas quelques dizaines. Ils ont été décrits surtout sur des
implants en chrome-cobalt.
Certains auteurs comme Black [7] insistent cependant sur les risques potentiels à très long terme des
métaux comportant du cobalt, du chrome et du nickel.
Métaux purs
Ils sont assez peu utilisés. Nous ne citerons et décrirons que le titane pur .
Il existe quatre grades de titane pur dépendant de la teneur en impuretés (carbone, azote, oxygène,
et fer). La résistance dépend de la teneur en oxygène. En dessous de 882 °C, la structure cristalline
est essentiellement (structure hexagonale compacte) avec une résistance relativement faible et
une grande ductilité, au-dessus de cette température c'est la phase qui est prédominante sa
structure est de type cubique centrée. La composition et les caractéristiques mécaniques sont
exposées dans le tableau III.
La biocompatibilité du titane pur est excellente, la couche de passivation étant par nature peu
réactogène.
Ce matériau est utilisé actuellement dans la fabrication d'implants rachidiens, son intérêt majeur
réside dans cette indication à caractère non ferromagnétique qui permet une évaluation
postopératoire par imagerie par résonance magnétique nucléaire. Des implants de prothèse totale de
hanche tant cotyloïdiens que fémoraux ont été réalisés : c'est le caractère inerte et donc réhabilitable
par le tissu osseux qui est utilisé dans cette indication (fig 3).
Selon l'état allotropique (c'est-à-dire l'arrangement spatial des cristaux) du fer qui est le principal
composant de cet alliage on distingue les aciers ferritiques, martensiques et austénitiques. Ce sont
ces derniers qui remplissent les conditions requises pour un usage chirurgical : l'état austénitique est
favorisé par la présence d'une grande quantité de nickel (10-14 %), le fer est sous une forme cubique
face centrée (forme ).
Selon la composition initiale et par convention d'écriture on distingue quatre séries d'acier, la série
200 est composée (outre le fer) principalement de chrome, nickel et manganèse, la série 300 de
chrome et de nickel, la série 400 de chrome et la série 500 pauvre en chrome. Dans cette
classification, des types sont différenciés par les deux derniers chiffres de la série (ex : 316). Des
lettres placées en suffixe précisent certaines particularités (ex : 316L où le L indique une teneur
réduite en carbone). L'alliage le plus utilisé en orthopédie est le 316L et le 316LVM qui en plus d'être
à faible teneur en carbone est écroui à froid et refondu sous vide (VM pour « vacuum-remelted »).
Tous les aciers actuellement utilisés dans le domaine sont forgés, les alliages coulés sont
inutilisables en raison de leur hétérogénéité et de la taille grossière des grains qui leur confèrent des
qualités mécaniques insuffisantes et une faible résistance à la corrosion. La composition des alliages
est présentée dans le tableau IV. Le carbone est l'élément qui favorise le durcissement des aciers
austénitiques (comme le 316), mais à des taux élevés, il y a précipitation de carbure de chrome (Cr23
C6) au niveau des joints de grains ; de ce fait la matrice adjacente se retrouve appauvrie en chrome
créant ainsi les conditions d'une corrosion intergranulaire.
Il existe une relation étroite entre les conditions de fabrication et les qualités de l'alliage d'acier
inoxydable tant sur les qualités mécaniques que sur les capacités à résister à la corrosion. Il faut
insister sur l'intérêt des alliages écrouis qui gardent leur ductilité et leur résistance malgré la
déformation, ceci est évidemment intéressant dans le cadre de matériel d'ostéosynthèse qui doit
souvent être façonné en peropératoire pour s'adapter à l'anatomie de l'os réparé. Les qualités
mécaniques en fonction du mode de fabrication sont exposées dans le tableau V. Les alliages
écrouis à froid ont une plus grande contrainte à la rupture et une limite élastique plus élevée. La
faible limite élastique des autres types d'alliages explique certaines déformations plastiques
observées sur des prothèses de hanche.
L'acier inoxydable reste, parmi les alliages utilisés en pratique courante, le moins résistant à la
corrosion localisée. Les études sur implants retirés montrent en effet l'extrême fréquence de la
corrosion [20] (en fond de crevasse ou par frottement le plus souvent) même si celle-ci a
exceptionnellement justifié l'ablation du matériel.
Les alliages d'acier inoxydable sont bien tolérés avec une encapsulation fine par un tissu fibreux
paucicellulaire [88]. En présence d'une corrosion un relargage ionique des particules de fer, de
chrome, de phosphore ou de soufre peut être observé. En quantité importante, ces produits
provoquent localement une inflammation chronique avec cellules géantes, macrophages avec les
conséquences que nous avons vues précédemment. Sur le plan général, le relargage et
l'accumulation dans certains tissus (foie, rein, rate) des produits de corrosion de l'alliage restent à
démontrer de façon formelle. Des effets de type allergique ont été observés en présence de matériel
d'ostéosynthèse. Ils ont parfois pu être rattachés à la présence de chrome ou de nickel.
Tant au niveau des implants temporaires (ostéosynthèse) que des implants définitifs (éléments de
prothèse) l'acier a été et est encore le métal le plus utilisé en particulier dans sa forme 316L.
L'utilisation de ces alliages est ancien en chirurgie orthopédique puisque des implants « historiques »
(cupule de Smith-Petersen [84], prothèse de McKee-Farrar [56]) ont utilisé le Vitallium®, l'alliage
Francobal®.
Il faut distinguer une fois de plus les alliages coulés des alliages forgés. Le ratio général à retenir est
de 60 à 70 % de cobalt pour 20 à 35 % de chrome, le molybdène permet de diminuer la taille des
grains entraînant une meilleure résistance mécanique, les compositions précises sont données dans
le tableau VI.
Le mode de préparation de l'alliage au même titre que la composition influence les propriétés
mécaniques. Les alliages coulés traditionnellement ont été améliorés par des technique de refonte
sous vide permettant de diminuer la taille des grains ; la fabrication de pièces par compression
isostatique (100 MPa) d'une poudre d'alliage permet d'obtenir un grain particulièrement fin, les
qualités mécaniques sont alors grandement améliorées. Les alliages forgés ont d'excellentes qualités
mécaniques, les premières étapes de mise en forme de l'implant sont réalisées à des températures
élevées, puis plus on se rapproche de la forme finale plus la température de travail diminue réalisant
alors un écrouissage à froid. Les propriétés mécaniques des différents alliages de chrome-cobalt sont
exposées dans le tableau VII.
La résistance à la corrosion de ces alliages est excellente. La tolérance tissulaire est également
excellente et tout à fait superposable à la réponse aux aciers inoxydables. Sur le plan de la réaction
générale, des cas d'hypersensibilité ont été décrits, probablement dus à certains constituants de
l'alliage comme le nickel ou le chrome.
Au total, l'ensemble des qualités de cet alliage le destine tant à la formation d'implants temporaires
(plaques d'ostéosynthèse) que d'implants définitifs (prothèse de hanche ou de genou).
Alliages de titane
Les qualités mécaniques de l'alliage TiAl6V4 sont superposables voire supérieures à celles des
autres alliages utilisés (tableau VIII). De plus, il présente l'avantage d'avoir un module d'Young deux
fois moins élevé que celui du CrCo ou de l'acier ; il reste toutefois dix fois supérieur à celui de l'os.
Les propriétés en fatigue, deux fois supérieures à celles de l'acier ou du CrCo, représentent un
avantage très important pour la fabrication d'implants destinés à être définitifs. La faible différence
entre la contrainte à la rupture et la limite élastique constitue son défaut mécanique majeur, en effet il
est peu déformable plastiquement avant rupture. Les conséquences de ce fait mécanique sont
retrouvées en clinique lors de l'utilisation de vis en TiAl6V4 : lors du serrage d'une vis une déformation
plastique se produit, quand de l'acier est utilisé, les contraintes à la rupture et la limite élastique sont
suffisamment éloignées pour permettre la déformation, ce n'est pas le cas avec le TiAl6V4 la vis
pouvant alors se rompre lors du serrage.
Les propriétés de frottement du titane sont insuffisantes pour en faire un matériau de frottement. Le
film oxydé de passivation trop fin (100 A ) disparaît lors du frottement et il y a alors dissolution du
métal (potentiel normal = -1,6), et relargage d'oxyde de titane qui agit comme un abrasif ; d'autre part
le titane est un matériau autosoudant. Des modifications de la surface peuvent être réalisées pour
durcir celle-ci et permettre son utilisation en frottement : il peut s'agir par exemple d'implantation
ionique, ou de nitruration gazeuse ou ionique .
La tolérance tissulaire de l'alliage de TiAl6V4 est très bonne sous forme massive. Les atomes
d'aluminium et le vanadium, au potentiel toxique, contenus dans cet alliage sont dispersés et ne sont
pas libérés, dans les conditions normales d'utilisation, dans le milieu. Il n'y a pas eu dans la littérature
de phénomène immunoallergique rapporté.
L'utilisation principale de l'alliage de titane est pour nous la réalisation de tiges de prothèses totales
de hanche. Pour éviter les phénomènes de freeting-corrosion, les tiges de prothèses de hanches
lisses sont recouvertes artificiellement d'une couche d'oxyde par anodisation. Cette couche de 5 000
A donne une coloration verte ou bleue au métal.
Le titane-niobium [83] présente des caractéristiques similaires au TiAl6V4, il a été développé pour ne
pas utiliser le vanadium dont la toxicité à l'état d'alliage est plus supposée que réelle. Citons le nitinol
qui est un alliage de Ni et de Ti et qui présente la particularité d'être à mémoire de forme. Dans
certaines conditions de température, il peut reprendre une forme donnée. Le taux de Ni est élevé ce
qui peut entraîner des réactions d'intolérance. Il a été utilisé pour la réalisation d'agrafes
d'épiphysiodèse ou de fixation d'ostéotomie et des fixations rachidiennes.
Polymères
De par le grand éventail de propriétés qu'il est possible de donner à ces matériaux, ils constituent une
classe dont les applications thérapeutiques sont extrêmement variées allant des matériaux servant à
l'ancrage dans l'os, aux matériaux servant de prothèse ligamentaire (tableau IX).
Généralités
Composition chimique
Les polymères sont constitués de la répétition de monomères, molécules organiques à base d'atome
de carbone (ou de silice pour les silicones). La polymérisation s'effectue suivant deux procédés
principaux, addition ou condensation, à la base de la structure tridimensionnelle de la
macromolécule, de ses propriétés physicochimiques et mécaniques (tableau X). Le poids moléculaire
et le degré de ramification de la molécule régissent la mobilité et l'arrangement spatial des chaînes
entre elles. Les branchements augmentent l'encombrement spatial de la molécule ce qui diminue la
densité et le taux de cristallinité du matériau. A très haut poids moléculaire, le taux de cristallinité
atteint un maximum puis diminue.
Propriétés mécaniques
Il est bien sûr possible de caractériser le comportement mécanique de ces matériaux par une courbe
contrainte-déformation permettant de déterminer module d'Young et rigidité. Mais, cette
caractérisation est incomplète, les polymères ont en effet un comportement viscoélastique, les
propriétés mécaniques étant fonction de la vitesse d'application de la charge. D'autres conditions
comme la température et le milieu ambiant influencent les propriétés mécaniques. La comparaison
de différents matériaux polymériques impose donc plus qu'ailleurs la vérification des conditions
d'expérimentation.
Plus la cristallinité est élevée (organisation régulière, chaînes parallèles, liaisons interchaîne fortes),
meilleures sont les propriétés mécaniques et plus la ductilité baisse. L'effet d'augmentation du poids
moléculaire est de réduire la mobilité entre les chaînes et d'améliorer la résistance à la rupture, en
contrepartie, le taux de cristallinité baisse. A la différence des métaux, nombre de ces paramètres
sont modulables par divers procédés contrôlant la production des matières premières (poids
moléculaire, taux de cristallinité, additifs). Les paramètres de mise en forme (température, pression,
forme) sont également contrôlables et permettent des variations de propriétés. Sur le tableau XI
apparaissent les caractéristiques mécaniques de différents polymères.
Biocompatibilité
Les polymères utilisés en orthopédie sont, sous forme massive, bien tolérés, ils sont encapsulés par
une membrane fibreuse dont l'épaisseur peut être variable, fonction de la composition chimique du
matériau, de sa forme géométrique, de ses propriétés de surface ou encore des contraintes locales à
l'interface. En général, les réactions d'intolérance ne proviennent pas du matériau lui-même mais de
la présence de composés de bas poids moléculaire. Ces composés peuvent être libérés par une
hydrolyse in vivo, lors de la stérilisation, ou lors de frottements aboutissant à la formation de débris
d'usure ; les additifs nécessaires à la fabrication peuvent également être toxiques. La quantité, la
forme et la taille des débris sont des paramètres importants dans les réactions d'intolérance en
particulier pour la formation des granulomes aux débris d'usure.
Différents travaux menés chez l'animal ont conclu que l'induction de sarcomes n'est rapportée que
chez certaines espèces animales (rats, souris), après un délai important et que la forme de l'implant
(film) constitue le paramètre le plus important (Oppenheimer). Chez l'homme des observations de
tumeurs au contact de polymères ont été rapportées mais un lien direct de cause à effet entre tumeur
et matériau est difficile à établir.
Les implants définitifs sont obtenus à partir du matériau de base sous forme de poudre ou granules
transformés sous des conditions de température et de pression variables. Ces deux éléments sont
fonction du matériau et de la forme de l'implant que l'on veut obtenir. La température doit rester
uniforme et le refroidissement être très progressif permettant d'obtenir un taux de cristallinité
important et uniforme (par exemple : PE).
Usinage à froid
Forgeage à chaud
Le matériau sous forme massive est cette fois usiné à chaud ce qui permet d'améliorer encore les
propriétés mécaniques de l'implant définitif par réorientation des chaînes.
Ces procédés sont utilisés pour la fabrication des prothèses ligamentaires. L'élément unitaire du
matériau est une fibre. Pour obtenir le ligament, on assemble plusieurs fibres par tissage, tressage ou
tricotage. Le tricotage nécessite l'utilisation supplémentaire d'un fil de fond assurant la trame et le lien
entre les fibres techniques. Il est également possible d'utiliser plusieurs fibres de nature différente en
association (gainage, enrobage ou tressage) pour obtenir un matériau composite. L'étape suivante
est l'obtention d'une nappe qui sera enroulée sur une bobine. Le passage au produit fini nécessitera
encore un découpage (avec soudure des bordures) de la nappe aux dimensions souhaitées puis un
façonnage avec couture pour donner au ligament sa forme définitive : bande, tube, faisceau. On peut
enfin adjoindre des fils de traction incorporés aux extrémités qui faciliteront la manipulation et
l'implantation du ligament. Des contrôles techniques rigoureux doivent être faits à chacune de ces
étapes pour vérifier la conformité du produit. Le procédé de fabrication, le type et le nombre de fibres
ainsi que le dessin du ligament vont varier d'un produit à l'autre. Le tissage ou le tricotage de la fibre
lors du passage en filière nécessitent l'utilisation de lubrifiants. Il s'agit d'huiles autoémulsifiantes
(esters d'acides gras) dont la mise en oeuvre est appelée ensimage. Ces produits ou leurs résidus
sont toxiques et il est impératif de procéder à un nettoyage méticuleux appelé communément «
désensimage ». Les techniques de « désensimage » et de décapage doivent également être
étudiées et élaborées pour être efficaces sans altérer le polymère. Par exemple à l'occasion d'un
lavage à une température trop élevée la fibre constituante pourrait être endommagée. Cette étape
regroupe plusieurs opérations d'extraction chimique de corps gras, de lavage et de rinçage des
ligaments. La qualité du nettoyage doit être vérifiée après chaque étape puis sur les lots
correspondant à une même fabrication.
Stérilisation
La stérilisation des polymères doit impérativement être fiable et n'altérer, ni les propriétés
physicochimiques et mécaniques de l'implant, ni sa biocompatibilité. Pour les polymères, la
stérilisation à l'autoclave est impossible car la température utilisée (120 °C) dépasse le point de
fusion du matériau ; de même l'utilisation de l'oxyde d'éthylène (OE), outre le relargage d'OE toxique
in vivo, altère de façon irréversible les propriétés physicochimiques du matériau. La technique la
moins nocive reste la radiostérilisation par rayon de 2,5 mrad qui ne doit en aucun cas être
effectuée plus d'une fois sur le même implant sous peine de créer des lésions d'oxydation de surface
irréversibles.
Dégradation [91]
Elle s'opère pour ce qui est des phénomènes biologiques selon différents mécanismes dont le plus
important est l'hydrolyse ; la dégradation oxydative, la dégradation cellulaire et la dégradation
bactérienne interviennent à une moindre échelle. Des éléments physiques comme le degré de
cristallisation, les conditions mécaniques ou le rayonnement aux ultraviolets (UV) sont susceptibles
également d'entraîner une dégradation du matériau.
Ces réactions entraînent une modification des propriétés physicochimiques du polymère comme une
perte de résistance mécanique ou une modification de la plasticité du polymère. Si l'on devait établir
une échelle des valeurs en fonction de la dégradabilité, les polymères non hydrolysables et
hydrophobes (polytétrafluoroéthylène) sont les plus stables, suivis des polymères très hydrophobes
hydrolysables (polyesters aromatiques), les polymères hydrolysables et hydrophiles sont exposés à
une dégradation en masse.
Aussi variés soient-ils, les polymères synthétiques, doivent avoir des propriétés adaptées à leur
application. Nous verrons successivement dans ce chapitre différentes applications : matériaux
résorbables, prothèses ligamentaires, surfaces de frottements, et matériaux d'ancrage et de
comblement osseux.
Matériaux résorbables
Les matériaux biorésorbables ont pour caractéristique d'assurer une aide thérapeutique limitée dans
le temps. Ainsi, un matériau pour ostéosynthèse évite une reprise chirurgicale pour ablation du
matériel, il doit présenter des caractéristiques mécaniques suffisantes pour assurer la stabilité initiale
de la fracture puis être résorbé après consolidation osseuse ; la progressive réorientation des
contraintes du matériel vers l'os représente un autre avantage théorique. D'autres exemples existent
comme des bouchons diaphysaires, certains types de ciments chirurgicaux, ou des matériaux de
comblement osseux.
Parmi les polymères synthétiques, on individualise les polyesters à base d'acide glycolique ou
lactique : acides polylactiques (PLA) et polyglycoliques (PGA). Ils sont connus de longue date comme
fils de suture, et peuvent être utilisés comme matériel d'ostéosynthèse. Ce sont des polymères
poreux dérivés de monomères cycliques qui présentent une excellente biocompatibilité. Ils se
présentent sous forme massive (plaques, broches, vis). Ils se dégradent après 6 mois, d'autant moins
vite que la teneur en acide lactique augmente. Leurs propriétés mécaniques sont modulables par
structure, sans additifs. La dégradation des propriétés mécaniques et la vitesse d'élimination sont
ajustables par modification de la structure configurationnelle (cristallinité et teneur en composés
dextrogyres) et sont compatibles avec la guérison des fractures ; cependant ils présentent une
certaine fragilité au choc et une résistance en fatigue peu importante ce qui limite leur utilisation en
orthopédie. Ils peuvent être renforcés par des fils de Nylon® ou d'autres renforts comme des fibres de
carbone.
Prothèses ligamentaires
Le ligament naturel présente des caractéristiques biologiques et mécaniques qui rendent son
remplacement très difficile. S'il est relativement simple de disposer de substituts ayant une résistance
suffisante, il est en revanche beaucoup plus difficile de reproduire les propriétés élastiques et
viscoélastiques du ligament naturel. La force à la rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est
variable suivant les auteurs allant de 600 à 2 000 N. L'allongement élastique varie de 22 à 30 % et
l'allongement avant rupture de 30 à 44 %. Cette grande dispersion des valeurs tient à l'existence de
paramètres susceptibles d'influencer directement les propriétés mécaniques du LCA ou de modifier la
précision de leur détermination expérimentale (âge, conditions d'expérimentation...).
L'estimation des forces supportées par le LCA lors des activités quotidiennes normales varie de 70 N
à la montée des escaliers à 650 N pour un effort de course. Par ailleurs, il apparaît également que
seule une structure réhabitée par un collagène de type I aura une durabilité suffisante. Dans le cas
contraire, la durée de vie de la reconstruction ne sera fonction que de la résistance en fatigue du
matériau, le relais n'ayant pas été pris par un tissu vivant capable de s'adapter. Le ligament, par les
terminaisons sensitives proprioceptives qu'il comporte, joue un rôle capital pour une fonction
articulaire optimale. L'absence des récepteurs proprioceptifs peut expliquer certains échecs.
Trois types de ligaments synthétiques diffèrent par leur principe de mise en forme :
Caractérisation mécanique
Résistance à la rupture
Propriétés élastiques
La reproduction de ces propriétés élastiques est la principale difficulté rencontrée par les concepteurs
de prothèses ligamentaires. Il faut, compte tenu de l'absence de possibilité d'adaptation, obtenir un
ligament doué d'une élasticité linéaire vraie dans la zone de contraintes assumées par le LCA dans le
genou en activité. Cette élasticité vraie sous-entend qu'il ne doit y avoir aucun allongement rémanent
apparaissant après que le ligament ait été soumis à une traction.
Résistance à la fatigue
La limite de fatigue des ligaments utilisés à ce jour est le plus souvent inconnue ou peu précise car
des phénomènes de dégradation altèrent le matériau et diminuent sa résistance à la fatigue. Il s'agit
essentiellement de phénomènes d'abrasion des fibres secondaires à des contacts osseux à la sortie
des tunnels mais aussi aux contacts des fibres tressées entre elles. Pour apprécier plus
objectivement la résistance à la fatigue d'un ligament artificiel il est impératif de réaliser des essais
reproduisant ses futures conditions d'implantation comme des essais de traction-flexion-torsion et de
traction déviée. Ces types d'essai permettent de simuler les phénomènes de frottement aux points de
réflexion situés au niveau des orifices des tunnels osseux et d'étudier la résistance du matériau à
l'abrasion.
Les propriétés mécaniques du ligament implanté sont parfois très éloignées de celles prévues à la fin
des essais in vitro. Cette différence de comportement est expliquée par le nombre important de
paramètres qui vont modifier les propriétés du ligament en situation de fonction. Le plus important de
ces paramètres est probablement le positionnement de l'implant qui doit respecter la règle de
l'isométrie et éviter autant que possible les contacts osseux source de phénomènes d'abrasion. Un
ancrage résistant et durable du ligament est également nécessaire. Ces paramètres techniques sont
indispensables à la réussite, à court et à moyen terme, de la ligamentoplastie artificielle, le succès à
long terme, compte tenu de ce qui a été exposé dans le chapitre précédent, est plus aléatoire si un
tissu vivant ne prend pas le relais des fibres synthétiques.
Les fibres elles-mêmes ont pour la plupart une biocompatibilité vérifiée, car il s'agit de matériaux déjà
utilisés dans d'autres applications du domaine médical, en particulier en chirurgie vasculaire.
Néanmoins, certaines fibres doivent être traitées en vue de leur implantation pour être tolérées,
comme le carbone et le Nomex®. Malgré une apparente bonne tolérance constatée au cours de la
phase d'évaluation, un certain nombre de manifestations d'intolérance locale (synovites) et générale
(allergie) ont été rapportées et ont compliqué l'implantation de certaines prothèses (arthrose précoce,
ostéolyse des zones d'ancrage).
Il possède une structure très régulière (-CHCH3-CH2-)n à la base de ses propriétés physicochimiques
(cristallinité élevée, résistance à la corrosion, point de fusion élevé). Il est utilisé comme renfort
ligamentaire. Initialement de 29 à 45 % de la charge sont supportés par le renfort, graduellement,
cette charge est transférée au greffon [42].
Polytétrafluoroéthylène : ex-Gore-Tex®
Sa structure est (CF2-CF2)n. C'est un polymère inerte d'une grande stabilité. Il est formé pour cette
utilisation de fibrilles de 5 à 10 m de diamètre et de 100 m de long orientées selon le grand axe
du ligament et interconnectées entre elles par de solides noeuds du même substrat. Sa structure
poreuse (porosité de 65 %) favoriserait une recolonisation par un tissu collagène.
Il s'agit d'un polyester aromatique. Il a été utilisé seul ou en combinaison avec d'autres matériaux
pour la reconstruction tendineuse. Les plus utilisés sont le ligament Leeds-Keio®, le Ligastic®, ou le
Proflex®.
Polyamides : ex-Nomex®
Un traitement chimique et thermique est nécessaire pour le rendre biocompatible. Il aurait des
propriétés de réhabitation et de résorption lente. Il est utilisé comme ligament ou comme renfort.
Perspectives d'avenir
Les enseignements tirés de l'analyse des échecs et des complications des premières
ligamentoplasties artificielles ont permis d'orienter les recherches récentes dans les directions
suivantes : améliorer la tolérance, augmenter l'élasticité et la résistance à la fatigue en favorisant la
réhabitation, et perfectionner les techniques d'ancrage.
Tolérance
Les principaux progrès ont été dus à l'amélioration des techniques de désensimage. Celles-ci sont
maintenant très sophistiquées et leur efficacité rigoureusement contrôlée. Rappelons que celle-ci
n'est pas régie par une norme précise et ne dépend que du sérieux du fabricant. Une bonne
réalisation technique évitant les angles aigus source d'abrasion a amélioré également la tolérance.
Elasticité
Les deux objectifs sont d'augmenter le domaine élastique des ligaments artificiels qui restent encore
trop rigides et d'obtenir une hystérésis voisine de zéro pour éviter l'apparition d'allongement
rémanent. La première étape est de bien caractériser les matériaux de base de manière à choisir
celui qui dispose des meilleures propriétés intrinsèques. Le polyester, qui est par ailleurs la fibre la
plus utilisée, serait le plus performant. En ce qui concerne la fabrication, les améliorations sont
recherchées à différents niveaux, mais nous ne citerons que les principales. L'une des plus
intéressantes est probablement le tricotage. Proposé par Laboureau, ce type de fabrication permet
d'unir les fibres de trame par un tricotage indémaillable en supprimant toute ondulation de la fibre due
au tissage. Ce mode de fabrication crée une porosité importante favorable à la colonisation et évite
d'avoir à précontraindre le ligament puisque les fibres sont unies en position d'extension maximale.
Laboureau propose également de disposer en torsade les fibres intra-articulaires et de les enrober
par une résine viscoélastique de polyuréthane. Cet artifice permettrait d'augmenter l'élasticité et de
plus protégerait les fibres en cas de frottement. Son inconvénient majeur est de rendre impossible la
colonisation du matériau enrobé.
Outre l'amélioration des propriétés mécaniques et le bon positionnement de l'implant, la survie à long
terme de la reconstruction passe inévitablement par une colonisation de la prothèse par un collagène
de type I bien orienté. Dans ce but, il faut utiliser des implants poreux fabriqués dans un matériau
induisant la formation de tissu conjonctif. Actuellement, les résultats sont encore insuffisants et
parfois controversés. Si la plupart des implants sont entourés par une gaine conjonctive, celle-ci a de
médiocres qualités mécaniques et elle contribue uniquement à obtenir un ancrage solide dans les
tunnels osseux. Le Nomex®, aurait permis une repousse collagénique partiellement orientée de
collagène de type I. Les résultats les plus encourageants ont été obtenus avec le ligament Leeds-
Keio®. Il est fabriqué en polyester avec un tressage à maille large pour favoriser la colonisation
tissulaire. Les études histologiques auraient montré la formation d'un tissu orienté vascularisé et
composé en majorité de collagène de type I.
Matériaux de frottement
Les polymères sont très utilisés comme surface de frottement. Ils sont un des éléments du couple de
frottement, et sont utilisés alors en conjonction avec des métaux ou des céramiques inertes. Etant de
façon presque constante le matériau le moins solide, il est exposé aux phénomènes d'usure et de
fluage. Les conditions de fonctionnement articulaire et le dessin des implants influencent grandement
ces phénomènes indésirables qui limitent, par l'intermédiaire de phénomènes biologiques et
mécaniques, la survie à long terme de ces implants. Nous ne développerons pas la tribologie des
surfaces articulaires que l'un d'entre nous a plus complètement traité ailleurs[77].
Polyéthylène
Le polyéthylène à très haute densité est actuellement la seule surface de frottement polymérique
méritant un développement complet. Nous citerons par souci historique le polyétrafluroéthylène
(Téflon®) utilisé par Charnley au début de son expérience et abandonné pour usure précoce et
dramatique, et le polyoxyéthylène (Delrin®) [12].
Le polyéthylène [34] existe sous plusieurs formes : LDPE (polyéthylène de basse densité), HDPE
(polyéthylène de haute densité), et UHMWPE (polyéthylène de très haute densité). Outre ses qualités
de frottement, le UHMWPE présente des qualités qui le font actuellement utiliser de façon quasi
exclusive ; ce sont : sa résistance aux impacts, sa bonne tenue en fatigue et son excellente
biocompatibilité. Toutefois, ses limitations sont également bien connues, ce sont : sa sensibilité au
fluage, sa faible capacité à résister à l'usure et sa sensibilité à l'oxydation [31].
Il s'agit d'une molécule hydrophobe du groupe des polyoléfines. Son poids moléculaire est pour la
forme de très haute densité de 2.106 g/mol. Il a été initialement obtenu à partir d'éthylène gazeux à
haute pression en présence d'un catalyseur (peroxyde) destiné à initier la polymérisation (obtention
de polyéthylène basse densité). Le polyéthylène haute densité est obtenu par utilisation d'un
catalyseur de Ziegler à basse pression.
Nous donnerons à titre indicatif dans le tableau XIII un certain nombre de paramètres observés pour
un polyéthylène de très haute densité. Une amélioration des propriétés du polyéthylène a pu être
obtenue par forgeage, incorporation de fibres de carbone ou par réticulation-greffage, mais à ce jour
aucune de ces améliorations n'a permis une avancée significative comparativement à un UHMWPE.
La stérilisation des pièces en polyéthylène ne peut être une stérilisation sèche (température
supérieure à la température de fusion), une stérilisation à la vapeur (risque d'induire des variations de
structure physique dans le polyéthylène) ou une stérilisation chimique par oxyde d'éthylène (gaz
occlus dans les pièces). Seule une radiostérilisation à 2,5 mrad est utilisable [63] tout au moins
pendant une dizaine d'années. Mais on l'accuse actuellement de favoriser une dégradation oxydative
du matériau.
Polydiméthylsiloxane (PDMS)
L'exemple en est l'élastomère de silicone (Silastic®). Les implants de silicone font partie d'une classe
de polymères synthétiques dont la structure repose sur la séquence Si-O-Si. A partir de cette
structure chimique, une très large variété de matériaux peuvent être élaborés et utilisés dans des
domaines aussi variés que l'ophtalmologie, la neurochirurgie, la chirurgie cardiovasculaire ou
plastique (cathéters, drains, seringues, prothèses).
Leur utilisation dans le domaine de l'orthopédie est due aux travaux de Swanson qui a développé
dans les années 1970 le principe d'utilisation d'un polymère flexible, l'élastomère de silicone
(Silastic®) comme implant d'interposition dynamique après résections-arthroplasties des petites
articulations des extrémités. L'élastomère de silicone ne contient aucun additif, ses propriétés
physicochimiques sont fonction essentiellement de la microstructure de la macromolécule (taux de
copolymérisation avec le phénylméthylsiloxane, degré de ramification, taux de particule de silice). Il
possède une excellente biocompatibilité et une bonne résistance à l'oxydation. Cependant, sa
surface est facilement contaminée par des phénomènes électrostatiques qui peuvent augmenter la
réaction inflammatoire. Le problème essentiel réside en fait dans son médiocre comportement en
fatique. Des fractures des implants surviennent avec libération de débris et de particules de silice qui
déclenchent une réaction à corps étrangers à médiation cellulaire (macrophages) aboutissant à long
terme à une ostéolyse secondaire. Ces phénomènes ont été suffisamment importants pour justifier
une désaffection pour ce type d'implant. Une des raisons de ces problèmes mécaniques est due à
une absorption lipidique, proportionnelle pour certains au nombre de microfissures de surface.
Ce « ciment chirurgical » assure une adaptation morphologique des implants à l'os, une transmission
et une répartition des contraintes en procurant une stabilité immédiate sans douleur et autorisant une
reprise précoce de l'appui. Outre le rôle majeur de fixation, les indications d'utilisation du ciment se
sont étendues, servant de matériau de comblement dans les fractures pathologiques ou dans les
pseudarthroses avec perte de substance, matériau d'interposition dans les désépiphysiodèses, ou
matériau de support médicamenteux dans les ostéites ou les tumeurs.
Composition
Il est présenté sous la forme d'une poudre et d'un liquide. Les compositions globales et en additifs de
différents ciments acryliques sont indiquées dans les tableaux XIV et XV.
Lors du mélange de la poudre et du liquide, le monomère polymérise et lie les particules de polymère
déjà présentes dans la poudre. Cette réaction de polymérisation est exothermique, libérant de la
chaleur et autoentretenue, la chaleur accélérant la polymérisation. Le ciment subit lors de cette
réaction des variations de volume. La chaleur dégagée dans les tissus doit dans l'idéal être inférieure
à la température de coagulation des protéines (56 °C) et de dégradation du collagène (70 °C).
Interrelation os-ciment
Il n'y a ni réaction chimique ni aucune adhérence entre os et ciment. La tenue des implants est
simplement liée à la pénétration du ciment dans les anfractuosités de l'os récepteur. Charnley a
montré que la nécrose osseuse après introduction de ciment pouvait atteindre 500 m, cette couche
après un passage par du tissu fibreux s'ossifiait en 1 an environ [12].
Propriétés physiques
Propriétés mécaniques
Les propriétés des ciments sont fonction d'un nombre important de paramètres. Aussi, la
comparaison des résultats de la littérature devra prendre en compte de façon très soigneuse les
conditions d'expérimentations.
- température ambiante : plus la température ambiante est chaude, plus le temps entre la phase
pâteuse et la polymérisation est court ;
- rapport poudre/liquide : il fait changer le rapport monomère/polymère sachant que plus la quantité
de monomère est grande plus la chaleur est dégagée ;
- moment où le ciment est placé dans l'os : la viscosité quand elle est basse permet une bonne
pénétration dans les anfractuosités osseuses mais le monomère que l'on sait toxique est relargué de
façon préférentielle pendant le mélange et la phase exothermique. Il s'agit donc de trouver un moyen
terme et le ciment doit être introduit pendant la phase de « travail », moment où la viscosité est
suffisamment faible pour pénétrer l'os, et le monomère de la phase de mélange déjà relargué ;
- taille, épaisseur et poids. A poids égal une boule (rapport surface/volume faible) dégagera plus de
chaleur qu'une feuille (rapport surface/volume important) ;
- conditions de préparation et d'implantation : dans des conditions opératoires, la porosité des
ciments acryliques est de l'ordre de 8 %. Ces pores sont responsables d'une baisse des qualités
mécaniques par un effet de concentration de contraintes. Une diminution de la porosité peut être
obtenue par centrifugation du ciment [10]. De même, l'inclusion d'eau, de sang, de moelle osseuse
dans le ciment diminue les qualités mécaniques par lamination [39] ;
- additifs : des antibiotiques peuvent être ajoutés au ciment. Sous certaines réserves, les qualités
mécaniques ne sont pas ou peu modifiées par l'ajout d'antibiotiques (1 g d'antibiotique pour 40 g de
polymère diminuent de 4 % la résistance en compression). Toutefois, l'antibiotique doit être mélangé
de façon homogène sous forme de poudre et non de liquide qui risquerait comme dans l'inclusion
d'eau ou de sang de réaliser une inclusion, source de phénomène de concentration de contraintes
[54]. La diffusion de l'antibiotique est essentiellement locale mais peut être prolongée (une
concentration bactéricide a été retrouvée jusqu'à 7 mois dans de l'os cortical de chien [47]), la
diffusion sérique reste négligeable. Le relargage maximal se fait dans les premiers jours. L'activité
antibactérienne dépend de la sensibilité du germe, mais les doses locales d'antibiotiques sont
importantes et ne correspondent pas aux critères habituellement admis pour les antibiogrammes.
De la même manière l'interface métal-ciment ou polyéthylène-ciment est améliorée par tous les
traitements visant à augmenter les surfaces en contact.
Céramiques
Généralités
En science des matériaux est une céramique tout élément solide, inorganique et non métallique.
Nous différencierons pour l'exposé, les céramiques bio-inertes qui ne développent pas de lien avec le
tissu osseux, et les céramiques bioactives qui elles créent un lien entre os et matériau par la
formation in vivo d'une couche d'apatite carbonatée. Les céramiques inertes sont utilisées comme
matériau de frottement, les céramiques bioactives comme matériau de comblement ou d'accrochage
en recouvrement de surface.
Céramiques inertes
Alumine
A la suite des travaux de dentistes comme Sandhaus, Boutin fut le premier à utiliser ce matériau en
orthopédie. Il implante la première prothèse alumine-alumine en 1970. Il fut suivi par des auteurs
germaniques (Griss, Mittelmeier, Salzer), japonais (Shikita, Kawahara), italiens (Pizzoferato). De
cette période (en particulier pendant la période 1970-1977) à aujourd'hui des améliorations ont
permis d'augmenter la fiabilité de ce matériau en améliorant sa qualité ainsi que ses systèmes de
fixation. L'alumine est obtenue par frittage (compression à chaud [1 600 à 1 800 °C]) de poudre
d'oxyde d'alumine pur ou de mélange d'oxydes. Le frittage permet d'obtenir une forte liaison entre les
particules. Ainsi est réalisé un matériau dense à structure polycristalline très fine, chimiquement
inerte et thermodynamiquement stable donc quasi insensible à la corrosion.
L'alumine haute densité est normalisée (AFNOR, ISO). L'alumine dite de qualité médicale est pure,
dense, polycristalline. Elle est particulière par sa pureté supérieure à 99.7, par sa densité supérieure
à 3.94. Il est essentiel que la taille des grains soit petite et qu'ils soient régulièrement répartis. De
plus, leur mise en forme doit être particulièrement soigneuse (vitesse de rotation des instruments
tranchants ou perforants, contrôles qualité permanents). C'est de l'ensemble de ces exigences que
dépendra la sécurité de l'alumine orthopédique. Les caractéristiques des principales alumines sont
exposées dans le tableau XVI. De ces caractéristiques brutes, un certain nombre d'observations et
de conclusions doivent être faites sur trois principaux éléments : les résistances mécaniques, le
comportement dans le frottement, et le vieillissement.
Résistance mécanique
Elle est excellente en compression et relativement faible en tension, ce qui caractérise les matériaux
à comportement « fragile ». Il est cependant possible de réaliser des matériaux pour lesquels on
contrôle suffisamment l'existence de fissures initiales et surtout la taille de ces fissures initiales. La
facilité et la rapidité de propagation d'une fissure - une fois celle-ci initiée - est une caractéristique
essentielle de ce matériau, elle est exprimée par la constante K1c. La faible taille des grains (et
surtout la faible dispersion dans la taille des grains), le contrôle qualité, la disparition des fissures lors
du frittage, et une meilleure connaissance du matériau ont rendu ce risque de fracture pratiquement
nul. En dehors des qualités intrinsèques du matériau d'autres paramètres interviennent ce sont :
- la taille de la tête fémorale (32 mm est une sécurité, 28 mm est possible, 26 mm est risqué) [17] ;
- la fixation de la tête à la queue fémorale qui est au mieux assurée par un cône-mors à rugosité
élevée permettant une meilleure répartition des charges par augmentation de la surface de contact
[8] ;
- les précautions de stérilisation qui devront éviter les refroidissements rapides après chauffage ;
- enfin, les précautions lors de l'implantation chirurgicale (pas d'impaction forcée au marteau de la
tête sur le cône).
Un appairage des pièces prothétiques avec un rodage sur 2.106 cycles était nécessaire pour obtenir
ce jeu optimal. Actuellement, la qualité de la fabrication permet une suppression de l'appairage.
L'usure du couple alumine-alumine in vivo a été mesurée sur des pièces retirées [25], elle était de
0,025 m/an ; ce chiffre est 4 000 fois inférieur à l'usure du polyéthylène en face d'une tête en
métal.
Vieillissement
Les études sont rares. Il semble que 5 heures d'autoclave, 36 heures d'exposition à la vapeur d'eau à
229 °C et 23 semaines d'implantation chez le rat entraînent une diminution significative de la
résistance en flexion. Une exposition à la chaleur sèche ne modifierait pas les caractéristiques
mécaniques. Il faut observer qu'en pratique clinique aucune fracture n'est intervenue tardivement, les
fractures de têtes fémorales ont toujours été attribuées à des défauts de fabrication initiaux ou à une
insuffisance de fabrication.
Biocompatibilité [16]
La céramique d'alumine est un des matériaux les plus biocompatibles, elle est souvent utilisée
comme matériau témoin. L'évaluation dans les tissus mous et dans l'os peut être résumée comme
suit :
- la réaction après implantation dans les muscles est faible aboutissant à long terme à une capsule
fibreuse paucicellulaire et riche en fibres collagènes ; les macrophages, témoins de la permanence
de l'irritation sont absents à long terme ;
- après implantation en tissu osseux non chargé, l'alumine est rapidement entourée d'os tissé non
mature ; en 2 à 4 mois, cet os se différencie en tissu osseux mature qui vient en contact étroit avec
l'implant. A long terme, les résultats sont inconstants avec pour certains des implants entourés de
tissu fibreux ou chondroïde. Des implantations sous forme de spacers ou de prothèses ont montré
que les zones chargées en compression présentaient un contact osseux étroit.
Zircone
Dans le cadre des prothèses de hanche, l'alumine a donné satisfaction. Son caractère fragile, sa
faible résistance aux contraintes en traction imposent toutefois un diamètre de tête fémorale minimal
(28 ou 32 mm selon les auteurs) pour éliminer les risques de fracture. C'est pourquoi des céramiques
plus résistantes ont été développées ; parmi celles-ci la zircone est apparue particulièrement
intéressante.
Caractéristiques mécaniques
Résistance mécanique
Elle est excellente, ceci s'explique par ses caractéristiques physicochimiques. L'oxyde de zircone se
présente sous trois phases possibles : la phase cubique est stable mais fragile, la phase tétragonale
est résistante mais instable pouvant se transformer en phase monoclinique. A 1 100 °C la zircone se
transforme en phase tétragonale puis à partir de 2 000 °C en phase cubique. Le changement de
phase est associé à des variations de volume. L'addition d'oxyde de calcium, de magnésium ou
d'ytrium permet d'aboutir à une stabilisation du matériau. La zircone stabilisée par l'oxyde d'ytrium est
particulièrement intéressante car obtenue par frittage à des températures qui correspondent à la
phase tétragonale (donc résistante). De plus, lors de l'initiation d'une fissure, les grains à structure
tétragonale se transforment en fond de fissure en grains à structure monoclinique plus volumineux
permettant un arrêt de la propagation de la fissure. Cette caractéristique explique que les têtes
fémorales en zircone présentent une résistance à l'impact quatre à huit fois supérieure quand elles
sont comparées à des têtes en alumine. Les principales caractéristiques comparées de la zircone et
de l'alumine sont exposées dans le tableau XVII.
Ils sont particulièrement préoccupants faisant apparaître un taux d'usure 5 000 fois supérieur à celui
d'un couple alumine-alumine (16 mm3/h contre 0,0033 mm3/h) [86]. Si le coefficient de friction du
couple zircone-PE est le même que celui du couple alumine-PE en condition lubrifiée ou non, le taux
d'usure de ces deux couples est un sujet de controverse ; il serait similaire pour Murakami [62], il est
40 à 60 % inférieur avec le couple polyéthylène-zircone pour Kumar [51].
Elles ont été réalisées principalement par Kumar [52], et Shimizu [81]. Il apparaît que, par an, in vivo
2 % de la phase tétragonale se transforment en phase monoclinique. En théorie, 60 % de
transformation sont nécessaires pour diminuer la résistance mécanique, la marge de sécurité peut
donc être considérée comme suffisante. Il persiste cependant des inconnues sur le devenir à très
long terme des surfaces de frottement lorsque le taux de transformation de la phase tétragonale en
phase monoclinique aura atteint une certaine intensité.
Biocompatibilité
Elle a été étudiée quantitativement par Christel et coll [15]. En tissu mou et en tissu osseux : la
réaction observée est superposable à celle observée au contact de l'alumine. Toutefois, on ne
dispose pas pour ce matériau d'étude à long terme ni d'étude de la réaction aux particules d'usure qui
sont beaucoup plus petites que les particules d'alumine (0,1 m contre 2 m).
Céramiques bioactives
Les blocs massifs de céramiques de phosphate de calcium sont préparés par compaction d'une
poudre suivie d'un frittage à très haute température (> 1 000 °C). Ils induisent une ostéoconduction,
c'est-à-dire qu'il servent de support aux cellules ostéoformatrices et sont colonisés de façon
centripète par un néotissu osseux. L'os néoformé en contact étroit avec le matériau prend
progressivement la place du matériau qui est le siège d'une dégradation par un mécanisme cellulaire
de phagocytose et extracellulaire de dissolution.
La porosité et la solubilité sont des paramètres fondamentaux. En effet, la repousse osseuse ne peut
s'effectuer qu'avec une porosité de 40 à 50 % et une taille de pores située entre 100 et 300 m. Ces
céramiques présentent une microporosité intrinsèque ( < 100 m) et une macroporosité (100 m
< < 600 m) à la base de la néoformation osseuse. Quant à la solubilité, elle dépend du rapport
Ca/P. Il est égal à 1,5 pour les TCP qui sont solubles et entièrement dégradables et à 1,67 ou plus
pour les HA qui sont insolubles et peu ou pas dégradables.
L'utilisation de ces biocéramiques est limitée par des propriétés mécaniques faibles (fragilité due à la
porosité, résistance mécanique faible). En pratique, certaines conditions doivent être respectées de
façon stricte par le chirurgien, ce qui limite leurs indications. Ces conditions sont :
Revêtements
Dans le but d'assurer une liaison de type chimique entre un implant et l'os, et considérant les faibles
caractéristiques mécaniques (en particulier en tension) de ces composés les rendant inutilisables
pour la fabrication de prothèse sous forme massive, une utilisation sous forme de revêtement
d'implants métalliques a été développée. L'objectif est alors d'avoir les caractéristiques mécaniques
du métal et l'action biologique de l'HA et de ses dérivés. Les recouvrements de céramique de
phosphate de calcium constituent, en tout état de cause, un ensemble aux caractéristiques
physicochimiques hétérogènes et aux propriétés biologiques variables [28].
Différents procédés de recouvrement des implants métalliques peuvent être utilisés : la projection de
particules par une torche à plasma est le plus répandu, la déposition électrophorétique, le « sputter
deposition », ont également été utilisés. Le procédé de déposition par torche à plasma a fait l'objet
des études les plus poussées. Une épaisseur régulière de 50 m apparaît idéale (Cook [21],
Geesink) ; avec une épaisseur de 200 m, des risques de fissures et de délamination du revêtement
apparaissent.
Un certain nombre d'impératifs sont à observer dans la préparation et l'évaluation de ces procédés :
- le traitement appliqué pour recouvrir l'implant métallique ne doit pas modifier les caractéristiques
mécaniques de ce dernier. Geesink retrouve des caractéristiques mécaniques en fatigue identiques
pour des implants en titane recouvert et titane non recouvert [36] ;
- le lien entre substrat métallique et recouvrement doit être suffisant ; il est selon Geesink de 85 MPa
;
- l'application du revêtement ne doit pas changer sa nature et ses propriétés. Ducheyne et coll [29]
ont montré par exemple que la technique de déposition électrophorétique changeait l'HA en
oxyhydroxyapatite et phosphate tétracalcique. Des observations similaires ont été faites sur les
dépôts réalisés par torche à plasma .
Dans des études expérimentales sur des implants non chargés mécaniquement, pour certains
auteurs, le revêtement d'HA reste de même épaisseur pendant une durée d'observation allant jusqu'à
32 semaines, pour d'autres [48], il disparaît de façon progressive avec le temps. Les raisons de cet
amincissement de la couche de recouvrement ne sont pas complètement comprises. Le rapport
Ca/P, la cristallographie, la porosité du recouvrement, la composition même du revêtement (pureté
relative en HA) jouent un rôle. Le mécanisme de cet amincissement est discuté reposant pour
certains sur un mécanisme de résorption ostéoclastique [61], alors que d'autres mettent en jeu un
phénomène de dissolution chimique. Une étude en microscopie électronique [23] montre que des
fibres collagènes viennent du tissu osseux et s'arrêtent à moins de 500 A de l'implant.
Les études histologiques sur des prothèses fémorales retirées ont montré dans tous les cas un
contact direct entre os et HA avec une absence de tissu fibreux d'interposition, l'épaisseur d'HA était
relativement constante sans influence nette du délai d'implantation (4,5 à 25 mois) [5]. Le problème
est qu'actuellement le devenir de la fixation de l'implant métallique après une éventuelle résorption de
la couche d'hydroxyapatite est inconnu, tout au plus peut-on constater les bons résultats cliniques à
moyen terme de Geesink [35].
A la revue des études expérimentales, la tenue mécanique d'implants métalliques à surface lisse et
recouverts d'HA est significativement supérieure à la tenue des implants non recouverts et ce quel
que soit le délai considéré. Chez le chien, Cook note une tenue en cisaillement trois fois supérieure
après 3 semaines d'implantation et cinq à sept fois supérieure après 5, 6, 10, et 32 semaines ;
Geesink retrouve une tenue en cisaillement cent fois supérieure (0,6 MPa contre 64 ± 1,7 MPa).
A l'inverse, la tenue des implants poreux recouverts d'HA ou non est identique à partir de 12
semaines. Avant ce délai, les implants recouverts d'HA ont une meilleure tenue mécanique. Le
recouvrement permet dans ce cadre d'obtenir une tenue meilleure dans des délais plus brefs. La
comparaison entre implants poreux et lisses recouverts d'HA a été faite par Maxian et coll [57] avec
une résorption plus importante autour des implants poreux attribuée à la moindre adhérence de l'HA
sur les implants poreux.
Les caractéristiques d'attachement à l'os à très long terme restent encore inconnues. En effet,
comme le fait remarquer Ducheyne [27] les caractéristiques fragiles de l'HA peuvent être à l'origine
après une mise en charge prolongée de décohésion à l'interface métal-HA. D'autre part, le
revêtement d'HA n'étant pas homogène, il existe des pores pauvres en oxygène à l'interface substrat-
HA ; dans ces conditions devenues acides l'HA se dégrade et se détache créant ainsi un interface
mobile susceptible d'être à l'origine d'usure du métal par mobilisation sous charge. Ces remarques
nécessitent que le développement de ce type de procédé reste encore sous contrôle.
Bioverres
Les bioverres sont une des classes de céramiques bioactives. Un lien chimique est donc recherché
entre l'os et le matériau. C'est depuis les années 1970 que Hench a étudié et développé différents
types de bioverres [43]. D'autres auteurs ont ensuite recherché des formulations différentes ayant la
même action de liaison à l'os ; le tableau XVIII représente les bioverres les plus étudiés.
La caractéristique commune à tous les bioverres quelle que soit leur composition est de présenter à
l'interface des modifications qui aboutissent à la formation, à la surface du bioverre, d'une couche
d'hydroxyapatite carbonatée qui chimiquement et structurellement est identique à la phase minérale
de l'os, cette équivalence serait responsable du lien entre os et matériau. Les études les plus
poussées ont été réalisées sur des verres à base de silice (verres de Hench). Histologiquement,
l'interface est formée de l'implant à l'os d'une couche riche en silice et d'une couche d'hydroxyapatite
carbonatée ; une zone composite de 100 m d'épaisseur en moyenne est formée de fibres
collagènes venant du tissu osseux et d'hydroxyapatite. L'interface composite est similaire à celle que
l'on observe à la jonction tendon-os entre un matériau à module d'Young faible et un matériau à
module d'Young plus élevé. Mécaniquement, le lien entre os et matériau est suffisamment solide pour
que lors des tests mécaniques, la rupture intervienne préférentiellement soit dans l'os, soit dans le
bioverre mais pas à l'interface [43].
Les propriétés mécaniques des bioverres sont modestes, en particulier la résistance en flexion, aussi,
l'utilisation sous forme massive est-elle réservée à des zones peu ou pas sollicitées. Ainsi le
Bioglass® a une résistance en flexion de moins de 7 kg/mm2 qui est améliorée après cristallisation ; le
Ceravital® présente une résistance en flexion de 10 kg/mm2 ; la vitrocéramique d'apatite-wollastonite
est la plus résistante [97] avec une résistance en flexion de 23 kg/mm2. Plusieurs approches
permettent d'utiliser les propriétés biologiques des bioverres : le recouvrement de matériaux ayant de
meilleures qualités mécaniques (céramiques [37], métaux [45]), ou l'utilisation de composites faits de
fibres métalliques dans un substrat de bioverre [28].
Quelques applications cliniques ont été réalisées à l'aide de ces matériaux. Il faut citer, le
remplacement vertébral, le comblement osseux après exérèse tumorale [98] ou la réalisation de
butée d'épaule pour luxation récidivante [79].
Matériaux carbonés
Leurs propriétés spécifiques les ont fait utiliser dans des domaines variés comme la chirurgie
cardiovasculaire (pour leur exceptionnelle thromborésistance), dentaire, et plus récemment
orthopédique (excellente biocompatibilité, propriétés mécaniques supérieures à celles des métaux et
des céramiques).
Structure
Structures tridimensionnelles cristallines
Diamant
Graphite
Il se compose de couches dont l'arrangement bidimensionnel est hexagonal ; ces couches sont liées
parallèlement entre elles par des liaisons faibles.
A la base de tous les biomatériaux carbonés utilisés actuellement, elles se composent de couches
cristallines (liaisons covalentes) réarrangées dans l'espace de façon randomisée (liaisons de Van der
Waals). Parmi elles, on distingue quatre catégories.
Carbones pyrolytiques
Ils sont obtenus par craquage à haute température (1 000 à 2 400 °C) d'un hydrocarbure gazeux
mélangé à un gaz inerte. On distingue :
Carbones vitreux
L'inclusion de silicium rend le carbone très dur, de sorte que ce type présente une résistance à
l'usure très importante.
Composites
Ils sont constitués de fibres de carbone matrice (carbone, résine, PMMA, PE...). Ce sont ces derniers
composites dits « carbone-carbone » qui ont été développés le plus souvent dans des applications
telles les plaques d'ostéosynthèse, les tiges de prothèses de hanche.
Il est possible de contrôler la structure cristalline du matériau et de faire varier leurs propriétés en
faisant varier l'orientation des fibres, les rapports fibres-matrices ou les procédés de mise en forme.
Caractéristiques mécaniques
Le carbone possède une résistance à la rupture et en fatigue supérieure à celle des métaux et des
céramiques, sa capacité d'absorption d'énergie est très élevée (déformation à la rupture > 5 %). La
rigidité du carbone est du même ordre de grandeur que celle de l'os (21 à 26 GPa) ce qui a
l'avantage de diminuer le gradient de contraintes à l'interface os-carbone.
L'usure est très étroitement liée à sa structure, à sa densité et à l'adjonction de silice. Elle dépend du
couple de frottement : elle est minimale pour le couple carbone/carbone-Si mais il existe une
corrosion galvanique non négligeable dans les couples de frottement carbone-métal.
Biocompatibilité
Toutes les données de la littérature rapportent une très bonne biocompatibilité du carbone dans le
sang, les tissus mous et l'os. Les études menées chez l'animal n'ont pas révélé d'effets toxiques ou
carcinogènes. Les implants intraosseux semblent parfaitement intégrés à l'os sans membrane
d'interposition. En revanche les particules semblent moins bien tolérées.
Applications
Du fait d'excellentes propriétés mécaniques et d'un module d'élasticité proche de celui de l'os, d'une
parfaite biocompatibilité et d'un comportement en friction satisfaisant, les matériaux carbonés ont été
utilisés comme matériaux de prothèse, d'ostéosynthèse et de renfort (ciment, ligament...). Dans cette
dernière application, le filament de base est une fibre de carbone pur qu'il est nécessaire d'enrober
(collagène ou copolymère d'acide lactique et glycolique) pour éviter le relargage de débris de carbone
dont la tolérance locale et générale reste très discutée. En effet ces débris constituent des dépôts
noirâtres intra-articulaires et/ou ganglionnaires qui, contrairement à ceux du PE sont visibles à l'oeil
nu. Cependant, certains cas de synovites après renfort de ligament par fibre de carbone ont été
rapportés et doivent inciter à la prudence.
Le principe de ces matériaux est de créer un support naturel capable de guider une repousse
tissulaire spécifique suppléant à terme la fonction déficiente initiale. L'avantage principal de ces
matériaux serait la possibilité d'adaptation inhérente au tissu vivant. Le principal matériau biologique
reste l'os. Les cas du collagène et du corail seront évoqués.
- les xénogreffes : greffes entre espèces différentes (par exemple : os bovin sur homme) ;
- les allogreffes : greffes entre individus différents mais appartenant à une même espèce (par
exemple : tête fémorale de banque implantée pour une reconstruction) ;
- les autogreffes où le receveur est son propre donneur.
L'autogreffe reste le meilleur matériau de comblement de pertes de substances osseuses, mais elle
nécessite une chirurgie additionnelle avec les risques locaux et généraux que cela comporte, d'autre
part, sa quantité est limitée.
L'emploi des allogreffes est maintenant régi par une réglementation sévère [68]. L'origine, le mode de
prélèvement, la stérilisation et le mode de conservation sont des paramètres indispensables à
connaître. Le prélèvement se fait stérilement sur des patients indemnes de pathologies infectieuses
(VIH, hépatite, CMV), les greffons sont ensuite irradiés et conservés congelés. On peut obtenir des
greffons massifs de taille et de volume adéquat aux propriétés mécaniques, bien qu'inférieures à l'os
frais, suffisantes [66]. Ces greffes, quand elles sont massives ne sont revascularisées qu'en surface,
elles subissent une résorption lente et leur réhabitation osseuse est incertaine. Elles doivent
nécessairement être ostéosynthésées de façon stable ; l'association avec une autogreffe peut
favoriser une fusion avec l'os receveur [50].
Corail
C'est une céramique naturelle poreuse issue du squelette corallien Porites. Il est constitué
essentiellement de carbonate de calcium sous forme de cristaux d'aragonite (carbonate de calcium >
97 %, oligoéléments 0,5 à 1 %, acides aminés 0,07 %, eau < 0,5 %). L'architecture corallienne
permet une pénétration osseuse car elle est poreuse ; la porosité ouverte et la taille des pores (150
m en moyenne) favorisent la pénétration cellulaire et l'établissement d'une néovascularisation).
Son implantation en tissu mou chez l'animal est bien tolérée, elle provoque une colonisation par un
tissu conjonctivovasculaire puis une résorption très progressive entre 2 et 12 mois. Dans l'os, et sous
certaines conditions ce tissu conjonctivovasculaire se différencie en tissu osseux et on assiste
simultanément à une résorption très progressive du corail (par l'anhydrase carbonique contenue dans
les ostéoclastes). Les contraintes locales régissent le remodelage osseux. En cas de fragmentation,
on assiste à des réactions puriformes aseptiques.
Les propriétés mécaniques sont fonction de la porosité. A porosité égale, le corail a une contrainte à
la rupture équivalente à celle de l'os cortical, mais son module d'Young est plus élevé : il a un
comportement fragile. Son comportement mécanique est acceptable à condition de protéger
l'implantation par une ostéosynthèse stable pendant une durée minimale de 1 an. En pratique, il est
utilisé comme comblement osseux dans les arthrodèses vertébrales (antérieures et postérieures),
dans les ostéotomies d'addition, et en traumatologie dans les comblements osseux après fracture du
calcanéum ou des plateaux tibiaux (fig 5).
Collagène [83]
Le collagène est une protéine naturelle présente dans les tissus de soutien (peau, os, vaisseaux...). Il
est constitué de la répétition d'unités de base, le tropocollagène, polypeptide constitué de trois
chaînes formant une triple hélice, et du télopeptide, court fragment non hélicoïdal.
De nombreux types de collagènes ont été décrits chez les mammifères dépendant du taux
d'hydroxylation, du taux de glycosilation, du nombre de liaisons interchaînes et de la composition du
télopeptide.
Le type I : présent dans les os et tendons, il comprend deux chaînes et deux chaînes ; il n'y a
que 5 % de télopeptide.
Le type II : présent dans le cartilage hyalin, il comprend trois chaînes identiques, associées aux
glycoaminoglycanes ; il confère au cartilage hyalin ses propriétés spécifiques.
Sans parler des auto-, des allo- ou des xénogreffes tendineuses qui sont en fait un apport
collagénique spécialisé, en chirurgie orthopédique, le collagène pur natif n'est utilisé qu'au stade de
recherche. Il a été utilisé dans le comblement de lacunes osseuses, dans la réparation de surfaces
articulaires, comme renfort ligamentaire et comme agent hémostatique.
Pour mémoire
Nous citerons la nacre, le cartilage, ou les substituts osseux commercialisés qui doivent encore faire
la preuve de leur efficacité et de leur utilité. De nombreuses études expérimentales portent sur
l'intérêt des facteurs de croissance, les autogreffes de moelle portées par des implants.
Haut de page
Conclusion
Le développement de nouveaux implants, quelle qu'en soit l'utilité, doit reposer sur une connaissance
sans faille des matériaux utilisés. Il n'existe pas de matériau susceptible de convenir à toutes les
applications, il s'agit donc de trouver une adéquation entre le matériau et la fonction souhaitée. Si un
nouveau matériau est envisagé un ensemble de précautions et une évaluation bien conduite sont
indispensables avant une éventuelle mise sur le marché. Les moyens et les compétences
nécessaires étant multiples, une action pluridisciplinaire incluant chirurgiens, ingénieurs-mécaniciens,
chimistes et biologistes représente une forme de recherche idéale.
Références Bibliographiques
[1] AMES BN. The detection of chemical mutagens with enteric bacteria. In : Hoellander A ed.
Chemical mutagens : principles and methods for their detection. Plenum. New York. 1971 ; pp
267-282
[4] BARDOS DI. Titanium and titanium alloys. In : Concise encyclopedia of medical and dental
materials. Pergamon press. Oxford. 1990 ; pp 360-365
[5] BAUER TW, GEESINK RC, ZIMMERMAN R, McMAHON JT Hydroxyapatite-coated femoral stem. J
Bone Joint Surg 1991 ; 73A : 1439-1452
[6] BLACK J. Orthopaedic biomaterials in research and practice. Churchill Livingstone. New York.
1988 ; 394 p
[7] BLACK J Does corrosion matter ?. J Bone Joint Surg 1988 ; 70-B : 517-520
[9] BOUTIN P, CHRISTEL P, DORLOT JM , et al. The use of dense alumina-alumina ceramic
combination in total hip replacement. J Biomed Mater Res 1988 ; 22 : 1203-1232
[10] BURKE DW, GATES EI, HARRIS WH Centrifugation as a method of improving tensile and fatigue
properties of acrylic bone cement. J Bone Joint Surg 1984 ; 66A : 1265-1273
[11] CARR AJ, MORRIS RW, MURRAY DW, PYNSENT PB Survival analysis in joint replacement
surgery. J Bone Joint Surg 1993 ; 75B : 178-182
[12] CHARNLEY J. Low friction arthroplasty. Springer-Verlag. New York. Berlin. 1979
[13] CHRISTEL P, CHABOT F, LERAY JL. Biodegradable composites for internal faxation. In : Winter
GD, Gibbons DF, Plenck H eds. Biomaterials. John Wiley. New York. 1982 ; pp 271-280
[15] CHRISTEL P, MEUNIER A, HELLER M, TORRE JP, PEILLE CN Mechanical properties and short term
in vivo evaluation of yttrium-oxyde-partially-stabilized zirconia. J Biomed Mater
Res 1989 ; 23 : 45-61
[17] CLARKE IC, JUNG H, CHONG S, SERBOUSEK J. Mechanical evaluation of 28 mm ceramic THR
balls Bioceramico. Vol 1
[18] COHEN J. Metal implants : historical background and biological response to implantation. In :
Rubin LR ed. Biomaterials in reconstructive surgery. CV Mosby. St Louis. 1983 ; pp 49-61
[19] COOK SD, RENZ BA, BARRACK RL , et al. Clinical and metallurgical analysis ot retrieved internal
fixation devices. Clin Orthop 1985 ; 194 : 236-247
[20] COOK SD, THOMAS KA, HARDING AF, COLLINS CL, HADDAD RJ The in vivo performance of 250
internal fixation devices : a follow-up study. Biomaterials 1987 ; 8 : 177-184
[21] COOK SD, THOMAS KA, KAY JF, JARCHO M Hydroxyapatite coated titanium for orthopedic
implant apllications. Clin Orthop 1988 ; 232 : 225-243
[22] DAMIEN CJ, PARSONS RUSSEL Bone grafts and bone grafts substitutes : a review of current
technology and applications. J Appl Biomat 1991 ; 2 : 187-208
[23] DE LANGE GL, DE PUTTER C, DE WIJS FL Histological and ultastructural appearance of the
hydroxyapatitebone interface. J Biomed Mater Res 1990 ; 24 : 829-845
[24] DIGBY JM, WELLS AL Malignant lymphoma with intranodal refractile particles after insertion of
silicone prostheses. Lancet 1981 ; 2 : 580
[25] DORLOT JM, CHRISTEL P, MEUNIER A Wear analysis of retrieved alumina heads and sockets of
hip prostheses. J Biomed Mater Res 1989 ; 23 : 299-310
[26] DUCHEYNE P, BEIGHT J, CUCKLER JM, EVANS B, RADIN S Effect of calcium phosphate coating
characteristics on early post-operative bone tissue ingrowth. Biomaterials 1990 ; 11 : 531-540
[27] DUCHEYNE P, CUCKLER JM Bioactive ceramic prosthetic coatings. Clin Orthop 1992 ; 276 : 102-
115
[28] DUCHEYNE P, HENCH LL The processing and static mechanical properties of metal fiber
reinforced bioglass. J Mater Sci 1982 ; 17 : 595
[30] ELLIES LG, NELSON DG, FEATHERSTONE JD Crystallographic changes in calcium phosphates
during plasma-spraying. Biomaterials 1992 ; 13 : 313-316
[32] FOWLER PJ, JOHNSON PQ. Knee ligament prostheses and allografts. In : Insall JN ed. Knee
surgery. Churchill-Livingstone. New York. 1993 ; pp 561-572
[33] FRENCH HG, COOK SD, HADDAD RJ Correlation of tissue reaction to corrosion in osteosynthetic
devioes. J Biomed Mater Res 1984 ; 18 : 817-828
[35] GEESINK RG Hydroxyapatite-coated total hip prosthesis. Two years clinical and
roentgenographic results of 100 cases. Clin Orthop 1990 ; 261 : 39-58
[36] GEESINK RG, DE GROOT K, KLEIN C Chemical implant fixation using hydroxyl-apatite
coatings. Clin Orthop 1987 ; 225 : 147-170
[37] GRISS P, GREENSPAN DC, HEIMKE G , et al. Evaluation of Bioglass-caoted Al2 O3 total hip
prosthesis in sheep. J Biomed Mater Res 1976 ; 10 : 511-518
[39] GRUEN TA, MARKOLF KL, AMSTUTZ HC Effects of laminations and blood entrapment on the
strength of acrylic bone cement. Clin Orthop 1976 ; 119 : 250-255
[40] GUILLEMIN G, FOURNIE J, PATAT JL, CHETAIL M Contribution à l'étude du devenir d'un fragment
de squelette de corail madréporaire implanté dans la diaphyse des os longs chez le chien. CR
Acad Sci Paris 1981 ; 293 : 371-376
[42] HANLEY P, LEW WD, LEWIS JL Load sharing and graft forces in anterior cruciate ligament
reconstructions with the ligament augmentation device. Am J Sports Med 1990 ; 18 : 335
[43] HENCH LL Bioceramics : from concept to clinic. J Am Ceram Soc 1991 ; 74 : 1487-1510
[44] HENCH LL, ETHRIDGE EC. Biomaterials. An interfacial approach. Academic Press. New York.
1982
[45] HENCH LL, PANTANO CG, BUSCEMI PJ, GREENSPAN DC Analysis of Bioglass fixation of hip
prostheses. J Biomed Mater Res 1977 ; 11 : 267
[46] HERRMANN JB, KANHOUWA S, KELLEY RJ Fibrosarcoma of the thigh associated with a prosthetic
vascular graft. N Engl J Med 1971 ; 284 : 91
[47] HOFF SF, FITZGERALD RH, KELLY PJ The depot administration of Penicillin G, and gentamicin in
acrylic bone cement. J Bone Joint Surg 1981 ; 63A : 798-804
[48] JANSEN JA, VAN DER WAERDEN JP, WOLKE JG Histologic investigation of the biologic behavior of
different hydroxyapatite plasma-spray coatings in rabbits. J Biomed Mater Res 1993 ; 27 : 603-
610
[50] JOHNSON EE, URIST MR, FINERMAM GA Resistant non-unions and partial or complete segmental
defects of long bones. Clin Orthop 1992 ; 277 : 229-237
[51] KUMAR P, OKA M, IKEUCHI K , et al. Low wear rate of UHMWPE against zirconia ceramic (Y-PSZ)
in comparison to alumina ceramic and SUS 316L alloy. J Biomed Mater Res 1991 ; 25 : 813-828
[52] KUMAR P, SHIMIZU K, OKA M et al. Biological reaction of zirconia ceramics. In : Oonishi H, Aoki
H, Sawai K eds. Bioceramics. Ishiyaku Euroamerica. Tokyo-Saint Louis. 1989 ; pp 341-346
[53] LAING PG, FERGUSSON AB, HODGE ES Tissue reaction in rabbit muscle exposed to metallic
implants. J Biomed Mater Res 1967 ; 1 : 135-149
[54] LAUTENSCHLAGGER EP, MARSHALL GW, MARKS KE, SCHWARTZ J, NELSON CL Mechanical
strength of acrylic bone cements impregnated with antibiotics. J Biomed Mater
Res 1976 ; 10 : 837
[55] LAWRENCE WH. Tumor induction. In : Von Recum AF ed. Handbook of biomaterials evaluation.
Macmillan. New York. Toronto. Londres. 1986 ; pp 188-197
[56] McKEE GK, WATSON-FARRAR J Replacement of the arthritic hips by the McKee-Farrar
prosthesis. J Bone Joint Surg 1966 ; 48B : 245
[57] MAXIAN SH, ZAWADAWSKY JP, DUNN MG Mechanical and histological evaluation of amorphous
calcium phosphate and poorly crystallized hydroxyapatite coatings on titanium implants. J
Biomed Mater Res 1993 ; 27 : 717-728
[58] MERCKX D. Les ciments orthopédiques. In : Langlais F, Delagoutte JP eds. Conception des
prothèses articulaires. Expansion scientifique française. Paris. 1993 ; pp 67-76
[60] MILLER KM, ANDERSON JM Human monocyte /macrophage activation and interleukine 1
generation by biomedical polymers. J Biomed Mater Res 1988 ; 22 : 713-732
[61] MULLER-MAI CH, SCHMITZ HJ, STRUNZ V, FUHRMAN G, FRITZ TH, GROSS UM Tissues at the
surface of the new composite material titanium/glassceramic for replacement of bone and
teeth. J Biomed Mater Res 1989 ; 23 : 1149-1168
[62] MURAKAMI T, OHTSUKI N. Friction and wear characteristics of sliding pairs of bioceramics and
polyethylene. In : Oonishi H, Aoki H, Sawai K eds. Bioceramics. Ishiyaku Euroamerica. Tokyo-
Saint Louis. 1989 ; pp 225-230
[63] NUSHBAUM HJ, ROSE RM The effect of radiation sterilisation on the properties of ultra high
molecular weight polyethylene. J Biomed Mater Res 1979 ; 13 : 557-576
[64] OPPENHEIMER BS, OPPENHEIMER ET, STOUT AP Malignant tumors resulting from embendding
plastics in rodents. Science 1953 ; 118 : 305-306
[65] PATAT JL, POULIQUEN JC, GUILLEMIN G. Le corail naturel utilisé comme substitut de greffon
osseux. Application clinique en chirurgie orthopédique et traumatologique. In : Mainard D,
Delagoutte JP, Merle M eds. Actualités en biomatériaux. Romillat. Paris. 1990 ; pp 161-175
[67] POHLER DE. Degradation of metallic orthopedic implants. In : Rubin LR ed. Biomaterials in
reconstructive surgery. CV Mosby. St Louis. 1983 ; pp 158-228
[68] POITOUT D. Matériau osseux et banque de tissu. In : Poitout D ed. Greffes de l'appareil
locomoteur. Masson. Paris. 1987 ; pp 137-147
[70] RAE T. Tissue culture technique in biocompatibility testing. In : Williams DF ed. Techniques of
biocompatibility testing. CRC Press. Boca Raton. 1986 ; pp 81-93
[71] RIEU J. Traitement de surface des métaux. Tribologie, ancrage, corrosion. In : Langlais F,
Delagoutte JP eds. Conception des prothèses articulaires. Expansion scientifique française. Paris.
1993 ; pp 57-66
[72] RIEU J, PICHAT A, RABBE LM, CHABROL C, ROBELET M Deterioration mechanisms of joint
prosthesis materials : several solutions by ion implantation surface
treatments. Biomaterials 1990 ; 11 : 51-54
[73] SALTHOUSE TN, MATLAGA BF. Enzyme histochemistry of the cellular response to implants. In :
Williams DF ed. Fundamental aspects of biocompatibility. CRC Press. Boca Raton. 1981 ; pp 233-
257
[74] SCALES JT Black staining around titanium alloy prostheses - an orthopaedic enigma. J Bone Joint
Surg 1991 ; 73B : 534-536
[75] SCALES JT, WINTER GD Corrosion of orthopaedic implants. Screws, plates and femoral nail-
plates. J Bone Joint Surg 1959 ; 41B : 810-819
[77] SEDEL L. Tribologie des prothèses totales de hanche. In : Langlais F, Delagoutte JP eds.
Conception des prothèses articulaires. Expansion scientifique française. Paris. 1993 ; pp 45-56
[80] SEMLITSCH M Titanium alloys for hip joint replacement. Clin Mater 1987 ; 2 : 1-13
[81] SHIMIZU K, OKA M, KUMAR P , et al. Time-dependant changes in the mechanical properties of
Zirconia ceramic. J Biomed Mater Res 1993 ; 27 : 729-734
[82] SIGOT-LUISARD MF, DUVAL JL, ROUX H, SIGOT M. Intérêt de la culture organotypique pour
l'évaluation in vitro de la cytocompatibilité d'un biomatériau. In Biomat 91. Comité d'expansion
Aquitaine. Bordeaux. 1991 ; pp 55-57
[83] SIMPSON RL. Collagen as a biomaterial. In : Rubin LR ed. Biomaterials in reconstructive surgery.
CV Mosby. Saint Louis. 1983 ; pp 109-117
[84] SMITH-PETERSEN NM Arthroplasty of the hip : a new method. J Bone Joint Surg 1939 ; 21 : 269
[85] STEINEMANN SG. Corrosion of surgical implants - In vivo and in vitro test. In : Winter GD, Leray
JL, De Groot K eds. Evaluation of Biomaterials. John Wiley. Chichester. 1980 ; 134 p
[86] SUDANESE A, TONI A, CATTANEO GL et al. Alumina vs zirconium oxide : a comparative wear
test. In : Oonishi H, Aoki H, Sawai K eds. Bioceramics. Ishiyaku Euroamerica. Tokyo-Saint Louis.
1989 ; pp 237-246
[87] SUTOW EJ. Iron-based alloys. In : Concise encyclopedia of medical and dental materials.
Pergamon press. Oxford. 1990 ; pp 232-240
[88] SUTOW EJ, POLLACK SR. The biocompatibility of certain stainless steels. In : Williams DF ed.
Biocompatibility of clinical implants. CRC Press. Boca Raton. 1981 ; pp 45-98
[89] TAYTON KJ Ewing's sarcoma at the site of a metal plate. Cancer 1980 ; 45 : 413-415
[90] VERT M, CHRISTEL P, CHABOT F, LERAY J. Bioresorbable plastic materials for bone surgery. In :
Hastings GW, Ducheyne P eds. Macromolecular biomaterials. CRC Press. Boca Raton. 1984 ; pp
119-142
[91] WILLIAMS DF. Titanium and titanium alloys. In : Williams DF ed. Biocompatibility of clinical
implant materials. CRC Press. Boca Raton. 1981 ; pp 9-44
[92] WILLIAMS DF. The properties and the clinical uses of cobalt-based alloys. In : Williams DF ed.
Biocompatibility of clinical implant materials. CRC Press. Boca Raton. 1981 ; pp 89-127
[95] WILLIAMS DF. Biocompatibility. An overview. In : Concise encyclopedia of medical and dental
materials. Pergamon press. Oxford. 1990
[96] WILLIAMS DF. Biodegradtion of medical polymers. In : Concise encyclopedia of medical and
dental materials. Pergamon press. Oxford. 1990 ; pp 69-74
Tableaux
Tableau I.
Phosphatase Phosphatase -
Estérase Aminopeptidase ATP
acide alcaline glycuronidase
Macrophages
Macrophages Neutrophiles Macrophages Macrophages Membranes
Cellules Cellules
Fibroblastes Fibroblastes Fibroblastes Cellules géantes extralysosomiale
géantes
Synthèse
Trauma Protéolyse Production
Interprétation Histotoxicité Histotoxicité membrane
tissulaire Nécrose d'énergie
d'encapsulation
Délai début J5 J1 J1 - - -
maximal J14 J7
Tableau II.
Or (Au) 1,45
Platine (Pt) 1,20
Argent (Ag) 0,8
Cuivre (Cu) 0,34
Hydrogène (H) 0
Nickel (Ni) - 0,25
Chrome (Cr) - 0,73
Titane (Ti) - 1,63
Aluminium (Al) - 1,66
Tableau III.
Caractéristiques
Tableau IV.
Composition (%)
Tableau V.
Ecroui à
Propriétés Forgé Coulé Recuit
froid
Tableau VI.
Tableau VII.
Alliage
NF S90 NF S90 NF S90
coulé NF S90
Propriétés 403 403 406
NF S90 406
Recuit Ecroui Recuit
402
Tableau VIII.
Propriétés
Tableau IX.
Prothèse ou
Prothèses Ancrage Comblement Suture
Matériau Ostéosynthèse Renfort
articulaires osseux osseux hémostatique
ligamentaire
Polyéthylène +++ - - - - +
+++
+ +++
Polypropylène - - - ex-Kennedy-
(doigts) ex-Prolène?
Lad?
Polymérthyl-
Abandon +++ +++ - -
méthacrylate
Polyéthylène +++
- - - - -
térephtalate ex-Dacron?
Abandon +++
Polyacétals - - - -
ex-Delrin? ex-Dacron?
+++
Polyesters
- - - + ex-Vicryl? -
(polyaminoacides)
Ercedex?
+++
Polydiméthylsiloxane - - - - -
ex-Silastic?
+++
Polyamide (Nylon?) - - - -
ex-Ethicrin?
+++
Polyarilamide - - - - -
ex-Nomex?
+
Cellulose - - - - -
Surgicel?
Tableau X.
réseau
Macromolécule linéaire
tridimentionnel
Polyéthylène, PMMA
Exemples Nylon?
PMMA : polyméthylmétacrylate
Tableau XI.
Module Résistance
Elongation
d'élasticité en Résistance en
Matériau à la rupture
en tension tension flexion (MPa)
(%)
(MPa) (MPa)
Tableau XII.
Résistance à Fluage
Matériau Type Rigidité
la rupture (N) (% N cycles)
LCA : ligament croisé antérieur, PTFE : polytétrafluroéthylène, UHMWPE : polyéthylène de très haute
densité
Tableau XIII.
Tableau XIV.
Tableau XV.
NN Acide N-butyl-
Hydroquinone
Ciment DMPT ascorbique méthacrylate
(ppm)
(%) (%) (%)
Palacos? 0,7 60 - -
Simplex-
2,6 75 ? 15 - -
P?
Sulfix-6? 2,0 50 -
NNDMPT : NN-dimithyl-p-toluidine
Tableau XVI.
Norme
Propriétés Ceraver? Frialit?
(ISO 6474)
Résistance en compression
4 000 4 500 5 000
(MPa)
Tableau XVII.
Résistance en flexion
> 400 1 200
(MPa)
Résilience (MPa/m-1,5) 5 9
Tableau XVIII.
Ca(PO3)2 25,5
K 2O 0,4 3-5
Al2O3 12-33
CaF2 0,5
Figures
Fig. 1
Réaction tissulaire au contact d'un implant, 8 jours après la mise en place. Les macrophages sont nombreux.
Fig. 2
Membrane d'encapsulation autour d'un implant bien toléré. Elle est constituée de fibrocytes et de collagène. Son épaisseur est fine.
Fig. 3
Repousse osseuse dans un implant poreux mis en place dans la médullaire osseuse.
Fig. 4
Fig. 5
Remplacement diaphysaire par corail chez le chien. A. Radiographie postopératoire immédiate. B. Radiographie long terme.
Résumé
Le quart de siècle qui vient de s'écouler, et surtout depuis John Charnley, a été marqué par l'irruption
de la chirurgie prothétique dans le traitement des maladies de l'appareil locomoteur, principalement à
la hanche et au genou. Pendant que le dessin des prothèses évoluait, que les techniques
d'implantation s'affinaient, que les indications se précisaient, il a fallu également lutter contre deux «
maladies » d'ordre général susceptibles de grever lourdement les résultats : les complications
infectieuses et thromboemboliques.
L'infection est vécue par le chirurgien comme un drame car elle peut réduire à néant les espoirs
fonctionnels brillants que le malade est en droit d'attendre d'une arthroplastie.
Le microbe peut être partout : dans l'air, sur la peau du malade, sur les mains du chirurgien, sur les
instruments ancillaires, sur l'implant. Aux causes multifactorielles de l'infection doivent répondre des
moyens multidirectionnels de prévention.
Installée, l'infection peut s'exprimer de façon aiguë ou torpide et le diagnostic n'en est pas toujours
aisé.
Elle compromet dans tous les cas le devenir de l'articulation. Les procédés de sauvetage aboutissent
à des résultats variables selon sa gravité ou son retentissement sur les supports osseux de la
prothèse, permettant tantôt la remise en place d'un implant, tantôt conduisant à la résection
articulaire pour la hanche, ou à l'arthrodèse pour le genou.
L'infection en orthopédie peut avoir de graves conséquences fonctionnelles, mais c'est aussi une
complication lourde de conséquences sur le plan socio-économique qui rend dérisoires les dépenses
apparemment coûteuses de prévention.
Nelson évalue à 2500 dollars le coût pour la société d'une prothèse de hanche infectée [64].
Plan
Evaluation du risque infectieux
Les facteurs de l'infection et les moyens de prévention
Expressions et traitement de l'infection
Haut de page
Evaluation du risque infectieux
Les progrès réalisés sont considérables. Déjà, entre 1959 et 1970, Charnley [14] avait réduit
l'incidence de l'infection de plus de 10 % à moins de 1 % pour une même intervention de référence
(arthroplastie totale de hanche).
Les facteurs favorisants sont si nombreux qu'il est impossible d'obtenir des statistiques vraiment
comparables. Les séries de référence qui figurent au tableau I ont le mérite de toutes concerner la
même intervention (prothèse totale de hanche), d'être toutes effectuées en salle conventionnelle, et
de ne pas avoir bénéficié d'antibiothérapie préventive. Les taux d'infection varient pourtant de 3,4 à
11 %. Les variations seraient encore plus importantes s'il fallait comparer ces chiffres avec d'autres
interventions ou d'autres localisations articulaires.
Plus intéressante est l'étude des principaux facteurs susceptibles d'influencer le risque infectieux et
des moyens de prévention dont nous disposons.
Haut de page
Les facteurs de l'infection et les moyens de prévention
L'ouverture de la barrière cutanée pour réaliser l'intervention met en communication le milieu intérieur
avec l'environnement. Il en résulte obligatoirement une contamination provenant de la peau même du
malade, de l'équipe chirurgicale, des instruments ancillaires, du linge opératoire, de l'air ambiant, etc.
(fig. 1).
Réalité de la contamination
La contamination d'une plaie opératoire peut être mise en évidence par mise en culture d'un liquide
de rinçage [8] ou par plusieurs écouvillonnages profonds [27]. Les auteurs constatent 10 à 50 % de
prélèvements positifs. Cette contamination peropératoire vient de deux sources :
- la peau du malade,
- l'environnement.
La peau du malade
La peau constitue un énorme réservoir microbien. Ducel l'estime à 1012 cellules bactériennes pour
une surface corporelle voisine de 1,8 m2.
Les colonies microbiennes se localisent dans les couches superficielles kératinisées de la peau
(population aérobie) et au niveau des annexes cutanées (flore anaérobie), particulièrement à la
racine des follicules pilo-sébacés.
Par ailleurs, certaines zones du corps sont particulièrement riches, soit parce qu'elles sont chaudes
et humides (aisselles, espaces interdigitaux, plis génito-cruraux), soit parce qu'elles sont
réensemencées en permanence (périnée).
Il faut distinguer dans la flore cutanée celle qui est résidente, inexpugnable, et celle qui est en transit,
provenant de l'environnement, plus facile à éradiquer sauf si elle s'est implantée sur des lésions
cutanées.
Les germes résidents sont essentiellement des bactéries à Gram positif ; 40 % des germes sont des
Staphylococcus epidermidis [64]. Sont également rencontrés des corynébactéries et des
proprionibactéries.
Les bacilles Gram négatifs ne sont jamais présents au niveau de la flore résidente [52].
En revanche, dans la flore en transit sont rencontrés des streptocoques, staphylocoques dorés,
Pseudomonas aeruginosa, Klebsielles, Serratia, etc.
La préparation de la peau
En dehors de l'urgence, il faut bien sûr récuser une intervention chirurgicale à proximité d'une lésion
cutanée infectée (furoncle, écorchure, folliculite...).
- Le lavage complet du corps, effectué à l'admission, fait partie de la routine. L'utilisation d'un savon
ordinaire augmenterait sensiblement le nombre de particules porteuses de germes. Il semble donc
indispensable d'effectuer ce lavage à l'aide d'un savon désinfectant ou d'une solution antiseptique
dans une base détergente.
- La région opératoire est préparée la veille de l'intervention.
- Le rasage est très discuté. C'est un acte dangereux s'il n'est pas réalisé dans des conditions
parfaites. Effectué au rasoir, il entraîne obligatoirement des lésions cutanées pouvant aller jusqu'à la
plaie qui ouvre les couches superficielles de la peau.
- L'organisation des services chirurgicaux rend plus commode la réalisation du rasage la veille de
l'intervention, mais les érosions cutanées qui en découlent ont ainsi le temps d'être le siège d'une
multiplication bactérienne.
- Si le rasage est maintenu, il doit être fait juste avant l'intervention, avec un matériel stérile et à
usage unique. L'apparition de tondeuses à têtes interchangeables, à usage unique et stérilisables
rend de nouveau possible la préparation cutanée la veille de l'intervention, grâce à leur innocuité pour
la barrière cutanée.
Antisepsie
La norme NF 72-101 définit l'antisepsie comme « une opération au résultat momentané permettant
au niveau des tissus vivants, dans la limite de leur tolérance, d'éliminer ou de tuer les micro-
organismes et/ou d'inactiver les virus en fonction des objectifs fixés ».
Il faut garder présent à l'esprit que les meilleurs antiseptiques ne peuvent avoir un effet complet à
l'égard des colonies situées dans les annexes de la peau et que leur effet est momentané.
Ducel fait justement remarquer qu'un antiseptique actif à 99 % laisse subsister un nombre infime de
micro-organismes survivants au niveau de l'avant-bras, mais que le 1 % restant représente de 10 000
à 100 000 germes au niveau des mains.
L'effet peu durable des antiseptiques rend nécessaire d'en répéter l'application.
Certains emballent la région opératoire dans un champ stérile après son lavage antiseptique. Cela
présente l'avantage d'éviter une recontamination pendant la nuit. Mais cet emballage fermé peut
augmenter la sudation locale propice à la « remontée » des germes.
L'application d'antiseptiques sur le membre opéré est répétée dans la salle d'anesthésie puis, de
nouveau, dans la salle d'opération lors de l'installation des champs.
Il est donc nécessaire de protéger la plaie opératoire par un isolement de la peau de voisinage. Celui-
ci peut être réalisé au mieux par des champs de bordures imperméables et par l'utilisation récente de
champs adhésifs antiseptiques.
Les études microbiologiques ont montré que ces champs adhésifs antiseptiques apportent une
sécurité supplémentaire [52].
Les travaux de l'hôpital cantonal de Genève, rapportés par Ducel, ont montré l'efficacité de leur
technique de préparation cutanée (lavage avec savon désinfectant dans les jours qui précèdent
l'intervention, lavage soigneux de la future zone opératoire, emballage de la région dans un champ
stérile pendant la nuit, rasage en salle d'intubation). Ce protocole a été instauré en octobre 1975.
Le nombre de prélèvements contaminés lors de contrôles effectués en fin d'intervention est passé de
32,7 % avant octobre 1975 à 24,1 % après (résultats très fortement significatifs).
L'environnement
La peau du chirurgien
Comme celle de l'opéré, la peau du chirurgien possède une flore microbienne. La préparation des
mains et la qualité des gants sont donc essentielles, même si l'opérateur applique rigoureusement la
règle du « no touch ».
Le brossage des mains et des avant-bras a l'avantage de supprimer la flore en transit, mais peut être
à l'origine de plusieurs écueils :
Il est donc nécessaire d'utiliser un antiseptique efficace et rémanent et de terminer la préparation des
mains par un rinçage abondant à l'eau stérile et un massage avec l'antiseptique.
Il ne faut pas perdre de vue, enfin, que la protection est de courte durée et que la sudation remonte à
la surface des germes résidents.
Les gants ont une bonne efficacité mais la double paire est obligatoire pour limiter l'incidence de
l'effraction mécanique du gant superficiel. L'imperméabilité des gants est limitée dans le temps et la
paire superficielle doit être changée à une périodicité régulière ou aux temps principaux de
l'intervention.
Une boîte de Pétri laissée ouverte dans une pièce voit apparaître des colonies bactériennes. L'air
ambiant est en effet porteur de particules chargées de germes qui sédimentent en l'absence de
mouvement d'air. Ainsi, plus le nombre de particules dans l'air est élevé, plus grand est le risque de
contamination de la plaie opératoire et, par voie de conséquence, d'infection postopératoire.
Il est connu que l'utilisation d'une salle d'opération sans temps de repos entraîne une augmentation
du nombre de particules avec le temps. Les turbulences de l'air les maintiennent en suspension.
Heureusement, toutes les particules ne sont pas des véhicules à microbes (PNC : particules donnant
naissance à une colonie bactérienne). Mais, dans une salle conventionnelle, Zourbas [87] avait
dénombré 200 bactéries/m3 en début de journée et 1500 le soir.
La quantité de particules introduites par l'air conditionné dépend de la qualité des filtres à travers
lesquels il passe. Charnley a été le premier à effectuer une transformation des salles
conventionnelles. L'alimentation en air conditionné était réalisée au travers des filtres HEPA (High
Efficiency Particulate Air) et délivrée en flux turbulent dans un dispositif fermé (tente). L'air renouvelé
400 fois par heure était évacué par des ouvertures situées au niveau du sol. Ce dispositif a permis à
son auteur de diminuer sensiblement son taux d'infection.
Mais la réduction du nombre de particules introduites ne suffit pas. Il faut prendre en considération le
régime d'écoulement de l'air. La non-régularité de la vitesse de l'air tend à créer des zones de
turbulences maintenant les particules en suspension pendant des temps très longs.
Flux laminaire
Le principe
Il a été développé en 1960 par Witfield pour répondre aux problèmes des industries électroniques et
spatiales victimes d'un taux important de rejets dans leur production, dus à la contamination
particulaire. Le principe du flux laminaire consiste à filtrer l'air de façon à le débarrasser des
contaminants et à le diffuser à une vitesse telle qu'il se déplace sous forme de filets rectilignes et
parallèles, sans à-coup ni turbulence. Plusieurs facteurs doivent être exigés du fabricant de serres à
flux laminaire :
Elle est vérifiée par les compteurs particulaires dont les plus connus sont Royco et Climot. Ils
mesurent et comptent les particules jusqu'à 0,5 m sur un échantillon prélevé de 1 pied cube/mn
(soit environ 30 l/mn). Des compteurs plus modernes couplant la lumière laser avec l'électronique
doivent être envisagés avec circonspection car le comptage des particules est possible jusqu'à 0,1
m au prix d'une réduction importante du flux de l'échantillon.
Il résulte des mesures, un classement de la salle blanche. Le classement généralement admis est le
Federal Standard 209 B établi en 1973 et encore en usage. Le chirurgien doit exiger une Classe 100
(le comptage particulaire ne doit pas excéder 100 particules par pied cube, soit 3,5 particules par
litre, d'une dimension supérieure ou égale à 0,5 m) (fig. 2).
La communication ASPEC 7202 reprise par AFNOR X 44101 définit en France la même norme sous
le vocable Classe 4 000 (moins de 4 000 particules/m3 d'un diamètre supérieur à 0,5 m) à une
légère différence près comprise dans les limites d'erreurs de mesure. Des vérifications régulières
sont nécessaires.
Lorsque la vitesse du flux est trop faible (< 21 m/mn), l'air se déplace d'une façon aléatoire dans des
conditions incontrôlées. Quand elle est trop rapide (> 33 m/mn), l'air subit un effet de jet avec
échappement tourbillonnaire sur les côtés. La vitesse du flux qui le rend laminaire est comprise entre
21 et 33 m/mn (fig. 3).
La nécessité d'un anémomètre s'impose comme un élément indispensable du contrôle du flux [12].
Maintenance
La batterie de filtres doit être régulièrement vérifiée du fait de leur encrassement. Rien n'est plus
dangereux que la fausse sécurité produite par un système de flux en mauvais état de
fonctionnement.
Outre ces facteurs de fonctionnement, il convient d'être attentif à des éléments de confort (bruit,
La direction des flux qui nous sont proposés peut être horizontale ou verticale.
Le flux vertical est plus adapté à l'activité orthopédique et a l'avantage de placer l'équipe
anesthésique et son matériel à l'extérieur de l'enceinte. Il nécessite, par contre, un scialytique adapté,
une grande rigueur dans la position de l'opérateur et de ses aides (le visage nu ne doit pas se trouver
au-dessus du champ opératoire), ou un équipement spécial par scaphandres.
La stérilisation
A l'évidence, toutes les précautions péri-opératoires seraient vaines si la stérilisation des implants
était insuffisante. Il en va de même pour le matériel ancillaire, le linge opératoire, les liquides utilisés
pour décontaminer le site d'intervention.
Le cahier des charges d'une bonne stérilisation comporte les points suivants :
Les modalités de la stérilisation, la nature du conditionnement, la présentation des implants ont été
très bien étudiées par Gardes .
Modalités de la stérilisation
La chaleur
La stérilisation par la chaleur a été recommandée par le Comité des ministres au Conseil de l'Europe
en 1972. Il faut distinguer la stérilisation par la vapeur d'eau sous pression (autoclave) et par air
chaud (Poupinel).
Le mode de stérilisation par air chaud consiste à exposer les objets à stériliser, pendant une période
prolongée toujours supérieure à une heure, à une température comprise entre 160 et 200°. C'est la
chaleur qui provoque la dénaturation des protéines bactériennes. L'air chaud pulsé rencontre
plusieurs obstacles : paroi du conditionnement, coussin d'air qui entoure l'objet à stériliser, forme de
certains objets présentant des anfractuosités dans lesquelles la température n'atteint pas un niveau
suffisant. L'air est, par ailleurs, un excellent isolant du fait de son très faible pouvoir conducteur de la
chaleur. Il existe donc une certaine incertitude sur la qualité de la stérilisation totale du contenu de la
boîte.
Si l'on y ajoute l'insuffisance du contrôle des paramètres de fonctionnement donnés par les
thermomètres et minuteries dont sont équipés ces fours, l'absence de diagramme d'enregistrement,
l'altération des tranchants des instruments et l'oxydation des objets métalliques, on comprend que
Gardes ait pu recommander l'abandon de ce mode de stérilisation sauf pour les petites boîtes, type
boîtes à pansements de consultation externe ou boîtes à petits soins dans les services médico-
chirurgicaux.
L'autoclave, qui utilise la vapeur d'eau sous pression comme fluide stérilisant, est par contre un
procédé de choix car :
Le temps d'exposition à la vapeur d'eau sous pression est variable selon la charge. Un autoclave
rapide, à faible contenance, peut ainsi permettre de stériliser un instrument par une exposition de 5
minutes à 134°C, de 3 minutes à 144°C (temps auquel il faut ajouter les opérations préalables de
mise sous vide, de chauffage et les stades suivants de remise sous vide en vue du séchage et du
refroidissement).
Ce procédé a des inconvénients liés à ses limites (non-résistance à la température des matériaux
plastiques par exemple). Il est nécessaire que les instruments soient d'une propreté parfaite et dans
un état impeccable. Gardes rappelle à ce propos l'inefficacité de l'autoclave sous une écaille d'un
instrument ou sous une tache de sang séché.
Ce procédé sans rémanence, stérilisant à froid, est sûr, contrôlable et reproductible. Il permet de
stériliser un article dans son emballage unitaire définitif et étanche, qu'il soit en double ou triple
épaisseur.
Mais elle présente, elle aussi, des limites dans l'utilisation des polymères. En effet, l'irradiation
modifie la structure moléculaire de tous les polymères synthétiques ou naturels. Ainsi, le polyéthylène
subit des phénomènes de réticulation aboutissant à une modification de ses caractéristiques
mécaniques (augmentation de la résistance à la rupture et de la dureté).
La restérilisation d'un polymère destiné à être implanté est impossible par la même méthode car les
effets des rayonnements ionisants sont cumulatifs.
L'oxyde d'éthylène
Ce procédé utilise un gaz toxique très hydrosoluble qui, à chaleur modérée, produit une alkylation
des macromolécules bactériennes.
Il a l'avantage de pouvoir être utilisé pour les matériaux thermolabiles, mais il doit être soumis à des
règles d'emploi très strictes du fait de sa toxicité. Il est impératif d'observer après stérilisation une
période de désorption dans une armoire spéciale à 55°, à renouvellement d'air trois fois par minute
pendant au moins trois jours. Ce temps peut atteindre 15 à 30 jours pour que certains matériaux
(caoutchouc, latex) atteignent la teneur maximale de 2 pour mille en oxyde d'éthylène prévue par la
pharmacopée.
La stérilité d'un instrument ou d'un implant doit atteindre la perfection au moment de son utilisation.
Cela suppose que trois étapes aient été franchies :
Contrôle de stérilisation
Le contrôle doit être systématique, quel que soit le mode de stérilisation. Nous n'évoquerons pas les
contrôles physiques du fonctionnement de l'autoclave (température, pression, temps) car l'utilisateur
ne peut, en pratique, y avoir accès qu'a posteriori en contrôlant les diagrammes.
Les contrôles chimiques par tubes scellés montrent que la température maximale a été atteinte sans
indication du temps d'exposition. Ils sont insuffisants. Il faut un contrôle qui intègre température et
temps répondant aux critères que Kelsey [46] avait définis dès 1958. Ces intégrateurs (type Stéristar)
permettent un contrôle de la stérilisation par la vapeur d'eau et l'oxyde d'éthylène.
Pour la radiostérilisation, il faut exiger que chaque article soit muni d'une pastille radiosensible
changeant de couleur sans ambiguïté après passage sous la source de rayonnements. Il faut, de
plus, que l'étiquetage comporte le mode et la date de stérilisation, le nom et l'adresse de
l'établissement d'irradiation, la dose minimale de rayonnements absorbée, le numéro du lot de
stérilisation, la date limite d'utilisation.
Conditionnement
Lors d'une enquête sur la stérilité des ciments orthopédiques, Pidhorz [66] avait trouvé que 5 % des
échantillons testés étaient défectueux dans une marque et que 13 sachets sur 21 étaient perforés
dans une autre variété.
Cela souligne l'importance de la deuxième étape qui doit conduire l'objet stérile jusqu'à la table
d'opération. Le conditionnement permet ce maintien de stérilité. Ses exigences sont différentes selon
l'objet ou le groupe d'objets.
Les paquets
Un paquet destiné à être stérilisé par autoclave est constitué d'un plateau grillagé en plastique ou en
métal entouré de deux ou trois enveloppes perméables à la vapeur d'eau. Un champ textile ne peut
être utilisé que comme première enveloppe. Les deux enveloppes extérieures sont constituées de
papier crêpé, à usage unique, répondant à la norme AFNOR NF 00.331 B5 2925.
Cette méthode a pour principal inconvénient d'être fragile. Si le papier est abîmé (en particulier dans
les angles) lors de la manipulation ou du stockage, le paquet doit être considéré comme non stérile et
repassé à l'autoclave. Une telle altération découverte lors de l'ouverture peut entraîner des
désagréments dans le programme opératoire. Par ailleurs, cette méthode nécessite de grands
espaces pour le dépliage et la manipulation.
Les conteneurs métalliques sont moins économiques mais sont rigides, réutilisables et faciles à
stocker.
Tambours et cylindres, ancêtres des conteneurs modernes, doivent être abandonnés car ils ne sont
pas étanches. Rien n'indique que l'air qui pénètre dans l'autoclave après le vide de séchage ne soit
stérile. Le conteneur doit être robuste : embouti d'une seule pièce et non déformable par les chocs.
Une cuve en aluminium isotrope anodisé dur de 20/10e de mm d'épaisseur et un couvercle en acier
inox 18/10 de 10/10e de mm d'épaisseur offrent, pour Gardes, les meilleures garanties de robustesse
et de légèreté.
Le conteneur doit être étanche : les trois points sensibles sont le joint entre cuve et couvercle, les
soupapes garnies de filtres papier à usage unique, permettant les échanges de vapeur au cours du
cycle de l'autoclave, le verrouillage à serrage progressif avec système de sécurité.
Les sachets
Les sachets sont constitués de deux feuillets fermés par thermosoudure. Ils peuvent être d'origine
industrielle ou être confectionnés au bloc opératoire. Ils doivent répondre aux règles suivantes :
Présentation
C'est la troisième étape qui, après une stérilisation de bonne qualité, une maintenance de l'état stérile
par un bon conditionnement, permet d'éviter la contamination lors de l'utilisation. Elle est
particulièrement importante pour les implants qui sont de plus en plus stérilisés par les fabricants.
- la boîte : vecteur de l'information, elle porte les indications sur son contenu, sur les modalités de la
stérilisation et son contrôle ; protection pour le stockage, elle est en carton suffisamment résistant
pour ne pas être altéré par les manipulations subies lors du transport et du stockage ;
- le premier emballage : facile à saisir par la panseuse grâce à un artifice (languette, aileron, rebord),
il doit être parfaitement étanche ; en cas de doute, il est immergé dans une solution antiseptique
colorée ; cet emballage doit être facile à ouvrir (pelable), l'utilisation de ciseaux (même après
immersion en solution antiseptique) étant proscrite ;
- le deuxième emballage stérile sur ses deux faces est jeté sur la table et ouvert par l'instrumentiste.
Le linge de salle d'opération comprend la tenue de bloc et les éléments stériles que revêtent le
malade et l'équipe chirurgicale.
La tenue de bloc
Il paraît inutile à notre époque d'insister sur la nécessité d'une tenue stérile spécifique du bloc
d'orthopédie. Et pourtant, il n'est pas rare de voir encore, très près des salles d'opération
d'orthopédie, des « visiteurs » revêtus d'une blouse blanche enfilée à la hâte. Ou bien, il est encore
plus insidieux de rencontrer, dans les couloirs des services d'hospitalisation, des membres du
personnel revêtus de la tenue de bloc sous la blouse blanche. Ces pratiques favorisent le transport
Des vestiaires à double entrée et à sens unique (fig. 4) sont de nature à éviter la rencontre des
entrants et des sortants du bloc opératoire. Ils ont un certain caractère dissuasif mais sont loin de
supprimer le laxisme. Il faut, en plus, un consensus, un « état d'esprit aseptique ».
La tenue de bloc elle-même a été étudiée par Lannelongue, Doliveux, Marotte, Ducel. Les tenues
actuelles généralement utilisées ne seraient pas retenues dans l'industrie informatique, alimentaire
ou pharmaceutique où aucune poussière ne doit être tolérée.
Il faut que les tenues soient fermées aux avant-bras, aux chevilles, au cou et à la taille pour éviter la
diffusion des germes cutanés et des squames portés par la peau du personnel [52]. La combinaison
résout le problème de la fermeture à la taille mais elle doit être équipée aux quatre membres de
jersey ou, mieux, de velcro.
En dehors de la bouche et du nez, la tête et le cou donnent peu de germes. La taille et les quatre
membres doivent donc être fermés en priorité [52].
La tenue stérile
Elle doit être longue, enveloppante et, pour répondre au mieux aux exigences de l'asepsie, étanche
au niveau des zones du chirurgien et des aides qui vont être en contact avec le champ opératoire
(avant-bras, face antérieure du thorax et de l'abdomen) ainsi qu'à la tête et au cou.
La contamination est en effet directement liée à l'isolement du corps. Marotte a testé trois systèmes
différents dans une enceinte à flux laminaire. Les résultats en sont les suivants :
La solution la meilleure est certainement représentée par le scaphandre de Charnley. Il enferme tout
l'organisme dans un tissu imperméable et l'aspiration évacue l'air expiré loin du champ opératoire.
- une blouse américaine où les parties à isoler sont doublées d'un tissu étanche ;
- une blouse stérile en non-tissé.
L'isolement du site opératoire du reste du corps est fonction de la texture et du drapé des champs
opératoires.
Le drapé est particulièrement important en orthopédie car il doit être hermétique tout en permettant
une mobilisation du membre en cours d'intervention. Le périnée, les régions inguinales et axillaires
doivent être isolés avec une attention toute particulière.
La texture des champs opératoires est actuellement en évolution. Le classique champ en tissu est
progressivement supplanté par le non-tissé. Le non-tissé présente de nombreux avantages :
- imperméable ;
- présenté en paquets adaptés aux différentes installations, avec des renforcements aux endroits
critiques ;
- libère moins de particules susceptibles d'encrasser les filtres des enceintes à flux laminaire ;
- l'usage unique le rend précieux dans la chirurgie septique.
Son prix constitue un inconvénient ; mais celui-ci n'est qu'apparent si l'on tient compte du coût de la
maintenance du tissu, et de la sécurité quasi totale.
L'acte opératoire
Il a une influence sur le risque infectieux par la qualité du geste et la durée opératoire.
Par ailleurs, la dissection inutile, l'attrition tissulaire, les décollements non obligatoires, l'hémostase
insuffisante sont autant de facteurs qui favorisent l'infection. Ils dépendent du chirurgien et de son
expérience, mais aussi des difficultés opératoires inhabituelles et imprévisibles.
Enfin, les rinçages fréquents et abondants de sérum physiologique stérile permettent une bonne
décontamination de la plaie opératoire. Certains y ajoutent des antiseptiques. L'effet mécanique est le
plus efficace.
Nous avons des possibilités d'aider le malade à surmonter ce cap difficile en luttant contre la
multiplication microbienne par une antibiothérapie par voie générale ou orale.
Le terrain
Nous ne disposons pas actuellement de moyens d'évaluation qualitative ni quantitative des capacités
du malade à résister à une invasion microbienne. Des tentatives ont été faites, utilisant des tests
cutanés à un panel de germes. Elles sont, jusqu'à présent, restées décevantes mais il s'agit là d'une
voie de recherche intéressante qui nous permettrait de différer une intervention programmée pour un
patient passagèrement vulnérable.
L'étude du GETPIA a montré que le taux d'infection n'est pas plus élevé en cas d'obésité (ce qui
représente 18 % des patients dans cette série), ni lorsque la prothèse est effectuée sur une hanche
déjà opérée (sur 240 cas soit 11 % de la série).
L'étiologie de l'arthropathie n'a pas d'incidence directe. Cependant, il est évident qu'une arthrite
rhumatoïde a plus de risques d'infections si elle est traitée par les corticoïdes ou les
immunosuppresseurs au long cours.
La découverte d'un foyer infectieux à distance (dentaire ou urinaire) mérite un traitement spécifique
avant l'intervention.
L'existence d'un choc augmente le pourcentage de sepsis (Stevens). Il semble, dans ce cadre,
préférable de faire une arthroplastie des deux hanches dans le même temps opératoire ou bien
attendre un temps assez long (six mois) pour que le patient ait le temps de rétablir ses défenses. De
même, un temps assez long doit s'écouler entre une infiltration de corticoïdes intra-articulaires et la
mise en place d'une prothèse de cette articulation.
L'antibiothérapie prophylactique
L'apparition des antibiotiques avait laissé croire aux chirurgiens que l'infection postopératoire allait
disparaître si les malades étaient soumis à une antibiothérapie systématique de « couverture ».
Commencé le soir ou le lendemain de l'intervention, ce traitement était prolongé pendant un temps
variable.
Malheureusement, dans les années 50, plusieurs auteurs purent montrer que ce type de traitement
était néfaste puisque le taux d'infection était notablement plus important dans les groupes de
malades traités que dans ceux qui ne l'étaient pas (tableau II).
Burke [8], en 1961, établit de façon définitive qu'un traitement antibiotique était efficace vis-à-vis
d'une contamination expérimentale s'il était entrepris avant l'opération et poursuivi quelque temps
après. Il montra, en effet, chez l'animal qu'il existe une période de 3 heures pendant laquelle les
antibiotiques sont les plus actifs après une contamination par le staphylocoque doré.
Bowers, en 1973, montra chez le chien qu'une plaie contaminée par 500 000 staphylocoques
s'infectait inexorablement si un antibiotique était administré six heures ou plus après la
contamination. Seule une injection préopératoire de céphalosporine empêchait la survenue de
l'infection.
Sur le plan clinique, deux publications ont fait état d'une diminution du taux d'infections
postopératoires chez les malades soumis à une telle antibiothérapie préventive : Boyd (1973), sur
des fractures de hanche, et Pavel (1974), sur des interventions orthopédiques (tableau III). Ces
travaux scientifiques sérieux menés de façon randomisée (Boyd) ou en double aveugle (Pavel)
étaient cependant critiquables sur le plan méthodologique puisqu'ils prenaient en compte des
pathologies diverses et des interventions variées.
Les résultats ont été très démonstratifs : 3,3 % d'infections dans le groupe placebo contre 0,98 %
dans le groupe antibiotique.
Si l'on envisage uniquement les sujets opérés en salle conventionnelle, les résultats sont encore plus
significatifs : 5,2 % contre 0,7 %. Ils correspondent à la compilation de séries de prothèses totales de
hanche de la littérature (tableau IV). Les conclusions ont également été les mêmes pour des séries
de fractures trochantériennes (Hedström, Tengve, Burnett).
La durée de l'antibioprophylaxie est un facteur important. Dans une deuxième étude, Evrard et le
GETPIA ont comparé l'effet sur l'écologie microbienne d'un traitement prophylactique court
(céfamandole pendant 2 jours) au traitement long (céfazoline pendant 5 jours) utilisé dans le premier
travail.
Le traitement court a le même effet de prévention de l'infection. Les germes de contamination sont
deux fois moins souvent résistants à l'antibiotique utilisé que dans le traitement long.
En résumé :
L'antibiothérapie locale
Parmi les ciments les plus couramment utilisés, Elson a montré que le meilleur mélange associait le
Palacos et la gentamicine. Le mélange de 1 g de gentamicine au Palacos a une efficacité in vitro 8 à
10 fois supérieure au mélange de la même quantité d'antibiotique au CMW ou au Simplex (fig. 5).
Avec le Palacos-gentamicine (commercialisé en France depuis 1976), qui contient une quantité de
sulfate de gentamicine correspondant à 0,5 g de gentamicine base, il a été montré [84] que :
Mais ces quantités d'antibiotiques libérées in vitro dépendent des conditions de l'expérimentation.
Celle-ci n'a donc qu'une valeur qualitative et mérite d'être confirmée par les travaux et dosages in
vivo.
- Le risque toxique de la gentamicine utilisée par cette voie est nul (fig. 6).
Le taux sanguin circulant ne dépasse pas 0,45 g/ml ce qui est loin en dessous du seuil d'oto ou
néphrotoxicité (10 à 12 g/ml), alors que l'antibiotique est présent dans la zone opératoire (2 à 5
g/ml dans les liquides de drainage).
Dans les urines, on observe généralement un pic de 4 à 7 g/ml entre la 24e et la 48e heure. Au 4e
jour, le taux est retombé à 1 g/ml.
Mélanges extemporanés
Par contre, à titre curatif, il faut discuter l'adjonction d'autres antibiotiques en cas de résistance
microbienne. Une grande prudence est nécessaire car il ne faut pas utiliser n'importe quel
antibiotique (tableau V).
En tout état de cause, l'antibiotique doit être ajouté sous forme pulvérulente et non liquide sous peine
de modifier gravement les conditions de polymérisation et de résistance du ciment.
Propriétés mécaniques
Il est démontré que le mélange extemporané de ces produits entraîne des agglomérats à l'intérieur
du ciment ce qui diminue d'autant la résistance de l'ensemble.
En ce qui concerne l'antibiotique, il est destiné (pour la plus grande part possible) à diffuser dans le
ciment pour être relargué. Chaque fois qu'une molécule s'échappe, elle laisse un trou dans la matrice
du ciment. Cela indique, avec évidence, la nécessité d'un mélange aussi parfait que possible.
Les conditions de préparation expliquent également la grande disparité des chiffres publiés
concernant la résistance des ciments antibiotiques. Ils vont de 4 à 25 %. Sans entrer dans les détails
(les différents paramètres des propriétés physiques des ciments sont inégalement modifiés), il
semble que l'on puisse retenir :
Ces chiffres paraissent faibles si on les compare aux paramètres biomécaniques qui concernent une
prothèse de hanche (grande variabilité selon le type de prothèse, son volume, la structure osseuse,
la technique de cimentage...).
Cependant, l'accumulation de plusieurs petites pertes peut conduire à un grand descellement. Il est
donc souhaitable :
Résultats cliniques
Nous reverrons plus loin l'importance du mélange antibiotique-ciment dans le traitement des
prothèses infectées.
Les statistiques publiées constituent le plus souvent une étude comparative rétrospective (plus
rarement prospective) portant sur un seul facteur. Il est donc difficile de situer les différents moyens
de prévention les uns par rapport aux autres, et la tentation est grande (et louable) de chercher à
tous les cumuler.
L'étude du Medical Research Council, dont la synthèse a été publiée par Lidwell et coll. en 1987, est
fort riche d'enseignements [56].
Il s'agissait initialement d'une étude prospective sur l'air de salle d'opération, menée dans 4 centres
suédois et 15 hôpitaux britanniques ; 8052 cas ont été étudiés (6 782 prothèses de hanche et 1 270
prothèses de genou). L'attitude des différents chirurgiens concernant l'antibiothérapie prophylactique
étant différente, il est apparu secondairement que ce facteur avait une incidence.
Les résultats sont indiqués sur la figure 7. L'antibiothérapie prophylactique ressort comme l'élément
déterminant de la prévention de l'infection, confirmant en cela l'étude d'Evrard et du GETPIA. Il
semble préférable d'opérer en salle conventionnelle avec antiothérapie, qu'en serre à flux laminaire
sans antibiotique.
Mais chaque moyen (flux laminaire, extraction corporelle, antibiothérapie) permet de gagner un peu
plus et, finalement, il semble nécessaire de les cumuler tous pour obtenir le taux intéressant de 0,1 %
d'infection.
Haut de page
Expressions et traitement de l'infection
Lorsque l'infection est consécutive à une contamination du site opératoire, elle peut revêtir deux
formes :
Plus rarement, après une longue période totalement asymptomatique, l'infection survient dans
l'articulation prothétique ensemencée par voie sanguine à partir d'un foyer à distance. C'est l'infection
hématogène. Elle peut également avoir une expression aiguë (infection aiguë, tardive, hématogène)
ou se manifester de façon moins bruyante, découverte au stade chronique, cas le plus fréquent.
L'infection précoce
L'infection aiguë est consécutive à une contamination massive peropératoire et se manifeste dans les
jours qui suivent l'implantation de la prothèse. Plus rarement, elle éclôt après la sortie de l'hôpital.
Le tableau clinique est habituellement bruyant et ne laisse subsister aucun doute. Il s'agit d'une
arthrite aiguë. Les douleurs sont vives, la fièvre élevée, oscillante ou en plateau. L'état général
s'altère. Les signes locaux sont caractéristiques, particulièrement au genou où l'articulation est
superficielle. Le genou est tuméfié, la cicatrice tendue, inflammatoire puis suintante. A la hanche, ils
peuvent être moins nets.
Plus rarement, il s'agit d'une forme subaiguë où les signes locaux sont moins nets, la fièvre moins
élevée.
L'antibiothérapie par voie générale améliore l'état local mais, même si elle est adaptée à un germe
identifié, elle peut ne pas apporter la guérison et laisser évoluer l'infection sur le mode torpide,
chronique, que nous étudierons plus loin.
A ce stade, il s'agit d'une infection des parties molles dont le traitement reconnaît trois étapes :
L'excision emporte la cicatrice, les trajets des drains (d'où l'intérêt de les faire sortir dans le
prolongement de l'incision). Les cavités septiques de la graisse sous-cutanée sont effondrées et
nettoyées. C'est à ce moment qu'il faut décider d'aller jusqu'à la prothèse, sans céder à l'illusion d'une
infection superficielle. Le plan aponévrotique est désuni sur toute sa hauteur et les berges en sont
régularisées. Les plans de décollement sont débridés. La prothèse est abordée.
Il est, en principe, inutile de retirer les pièces prothétiques. En fait, cela s'avère parfois nécessaire
Au genou, les pièces tibiales dont le polyéthylène est amovible du socle métallique présentent un
avantage car cela donne un meilleur accès aux compartiments postérieurs de l'articulation.
A la hanche, après avoir démonté l'éventuelle synthèse trochantérienne, la prothèse doit être luxée.
Pour parfaire l'excision des parties molles au seuil de l'arrière-fond, il est souvent nécessaire de
desceller le cotyle. En ce qui concerne le fémur, nous préférons enlever la pièce prothétique et le
ciment métaphysaire jusqu'à l'orifice des fils trochantériens (fig. 8) (une compresse imbibée
d'antiseptique est tassée dans le fourreau de ciment sous cette limite afin d'éviter que n'y tombent
des tissus infectés ou des débris solides). Cela permet un nettoyage parfait du trajet des fils
métalliques et une meilleure refixation du médaillon trochantérien. Puis, le champ opératoire est
largement décontaminé au sérum physiologique, puis avec un antiseptique (solution de PVP iode).
De nouvelles pièces prothétiques sont scellées en utilisant un ciment antibiotique. Des drains
aspiratifs sont mis en place dans tous les décollements et cavités.
Un traitement antibiotique adapté est poursuivi par voie générale pendant plusieurs mois, si possible
jusqu'à normalisation de la vitesse de sédimentation.
Cette variété d'infection étant devenue rare, il n'existe pas de statistique récente. Nous pensons
qu'avec le protocole opératoire décrit plus haut les 50 % de bons résultats classiquement admis sont
largement dépassés. L'excision large nécessitée par la nécrose septique peut rester compatible avec
un résultat fonctionnel honorable (fig. 9).
Quelle attitude devons-nous avoir, lors de l'implantation initiale, lorsque des prélèvements
bactériologiques effectués en fin d'intervention sur les liquides de drainage ou sur les extrémités des
drains sont positifs ? Doit-on considérer des cultures positives comme une infection patente ?
Evrard et le GETPIA ont montré que, sur 1 970 cas (opérés dans 9 services ayant participé à l'essai
thérapeutique) où les extrémités des drains aspiratifs avaient été mis en culture, 224 (11,3 %) avaient
été positifs. Le pourcentage d'infection est nettement plus élevé (4,4 %) dans ce groupe que lorsque
la culture a été négative (1,9 %). Il en va d'ailleurs de même pour les prélèvements effectués en fin
d'intervention (8 % contre 5,1 %). Mais les germes identifiés sur les drains ne sont pas toujours ceux
retrouvés lors de l'infection ultérieure .
La technique de prélèvement du drain de Redon est, en effet, délicate car il doit traverser la peau
avant de tomber dans le flacon. Si la peau n'est pas désinfectée, le drain risque de « l'essuyer » et
d'être contaminé à son contact. Si elle est nettoyée par une quantité trop importante d'antiseptique, le
drain chargé des germes profonds risque d'être stérilisé.
L'attitude thérapeutique qui nous semble raisonnable consiste donc à n'utiliser les germes identifiés à
l'extrémité des drains qu'à titre d'orientation pour adapter l'antibiothérapie. Celle-ci n'est instituée
qu'en présence de signes cliniques douteux, insuffisants cependant pour décider d'une reprise
précoce.
La contamination hématogène
C'est une éventualité rare qui consiste en une infection de l'articulation prothétique par voie
hématogène à partir d'un foyer septique primitif, à la faveur d'une septicémie ou d'une simple
bactériémie.
Ce type d'infection se manifeste de façon brutale et imprévisible sur le même mode que le sepsis
aigu précoce. Si le traitement est rapidement mis en oeuvre, il peut revêtir les mêmes modalités que
dans l'arthrite aiguë postopératoire. Malheureusement, ces infections sont souvent vues après leur
passage à la chronicité (12 sur 13 pour Evrard). Le traitement en est alors différent car il existe des
signes d'ostéite. Le caractère hématogène peut même rester incertain car l'infection causale a pu
être oubliée.
Il faut, en effet, pour pouvoir affirmer en toute rigueur le caractère hématogène d'une infection tardive
sur prothèse, réunir les critères suivants :
Le foyer septique primitif mérite d'être discuté car c'est son traitement correct qui est susceptible
d'éviter la dissémination et la fixation sur l'articulation prothétique.
Ainscow et Denham [2] ont mené une enquête chez 1 000 de leurs patients porteurs d'une prothèse
articulaire. Ils ont montré que, sur 40 malades qui ont eu une ulcération ou une infection cutanée, 3
(7,5 %) ont développé une infection hématogène, alors qu'aucun des 288 qui avaient eu des
infections diverses (urinaires, respiratoires, dentaires, etc.) n'avaient fixé de germe sur leur prothèse
articulaire.
Amstutz, à propos de 3 cas de sepsis hématogène développé à partir d'infection des extrémités, a
confirmé que l'on doit porter une grande attention aux durillons infectés ou aux infections articulaires
distales, tout particulièrement dans l'arthrite rhumatoïde.
D'autres auteurs ont rapporté des origines respiratoires, dentaires, urinaires aux infections articulaires
tardives.
- Préventif
- Les malades porteurs d'arthroplasties doivent être prévenus du risque de localisation articulaire en
cas d'infection périphérique.
- Toute infection intercurrente doit être traitée. Il faut attacher une importance toute particulière aux
avant-pieds rhumatoïdes susceptibles, plus que d'autres, de développer des bursites, voire des
arthrites des orteils. Seul le traitement chirurgical sous couverture antibiotique peut prévenir une
dissémination.
- Curatif
- Au stade aigu, c'est le traitement de l'arthrite, comme un sepsis précoce, à condition que la
prothèse soit restée parfaitement scellée.
- Au stade chronique, le traitement ne diffère pas de celui des autres étiologies d'infection,
comportant l'ablation totale de la prothèse et du ciment et, éventuellement, le rescellement d'une
nouvelle prothèse dans le même temps ou de façon différée.
L'infection chronique
C'est de loin la variété la plus fréquente des infections sur prothèse, notamment à la hanche. Son
origine est peropératoire mais elle se développe lentement et de façon torpide. Sur le plan
sémiologique, elle ne se manifeste pas sous la forme d'une arthrite aiguë comme dans l'infection dite
précoce, mais devient vraiment symptomatique quand ses conséquences sur le scellement
entraînent une prise de jeu des pièces prothétiques.
Le motif de consultation est presque toujours la douleur qui peut ne devenir gênante que plusieurs
années après la prothèse. Le bilan radiographique fait alors très vite le diagnostic de descellement.
Plus rarement, le malade consulte pour une fistule persistante survenue avant que le descellement
ne soit patent.
La situation la plus courante est donc le descellement prothétique dont il faut définir le caractère
septique ou aseptique.
La découverte du germe est le seul critère susceptible de donner une certitude d'infection.
Cependant, auparavant, un faisceau d'arguments peut être réuni.
Arguments cliniques
Ils sont essentiellement fournis par l'anamnèse (suites opératoires troublées, articulation prothétique
jamais parfaite) car les critères habituels de l'infection sont exceptionnellement présents (fièvre,
signes locaux).
Arguments biologiques
Arguments radiologiques
Le descellement n'est pas spécifique de l'infection, mais, lorsqu'il porte sur les deux pièces d'une
bonne prothèse bien scellée initialement, il prend une certaine valeur.
Plus intéressants sont les signes d'ostéite (appositions périostées, élargissement de l'orifice de
pénétration des fils trochantériens, résorption irrégulière du Merckel). Les géodes endostées peuvent
être d'origine septique quand elles sont irrégulières et disséminées ; mais elles sont souvent dues à
un granulome de résorption [85] ou d'origine mécanique.
Arguments scintigraphiques
La scintigraphie au gallium 67 est plus spécifique, mais il existe des faux négatifs lorsque la collection
purulente périprothétique est peu abondante.
La scintigraphie aux leucocytes autologues marqués à l'indium aurait une meilleure fiabilité [32].
Arguments bactériologiques
L'existence d'une fistule permet les prélèvements bactériologiques qui doivent être effectués avec
beaucoup de soin. Mais, en l'absence de fistule, il faut s'acharner à mettre en évidence le germe
(ponction, ponction-biopsie, culture du produit opaque réaspiré après arthrographie, voire
Les germes
Ce sont essentiellement des Gram +, au sein desquels le staphylocoque a une très large place (50 %
de la flore dont 15 % de Staphylococcus epidermidis, jadis considérés comme saprophytes).
Les cultures anaérobies doivent être systématiquement effectuées car, dans la littérature, 17 % des
germes sont anaérobies (fig. 10) et leur méconnaissance est à l'origine d'importants déboires.
La découverte d'une flore mixte doit faire prendre en compte les différents germes retrouvés sous
peine de laisser se développer une infection sélectionnée.
Malheureusement, il existe des faux négatifs, l'infection étant certaine par ailleurs. Ils sont dus à une
technique de prélèvement insuffisante ou à une antibiothérapie prolongée préalable. Il est donc
souhaitable d'arrêter le traitement antibiotique six semaines avant l'opération.
Principes du traitement
La reprise d'une prothèse totale infectée est une intervention difficile qui doit être effectuée par un
opérateur entraîné.
Le temps principal qui conditionne le résultat sur le plan de l'infection est l'excision.
L'excision doit être complète et concerne les tissus infectés, les deux pièces prothétiques, même si
l'une d'elles n'est pas descellée, la totalité du ciment cotyloïdien et fémoral.
Les trajets fistuleux sont excisés. Il faut savoir les suivre sous le vaste externe, en avant de la paroi
antérieure du cotyle, etc.
La prothèse étant ôtée, le ciment est enlevé. A la hanche, plusieurs méthodes sont à notre
disposition sur le fémur :
- ablation du ciment par le haut, en utilisant des ciseaux de Müller ou de Letournel maniés
patiemment, sans mouvement de levier. Les instruments rotatifs (alésoirs, mèches) doivent être
proscrits si la pointe de la tige prothétique n'est pas exactement centrée dans le canal médullaire ;
- fenêtre diaphysaire : quand le cône terminal du ciment est long, il est possible de découper une
fenêtre corticale en regard. Elle doit répondre à certains impératifs afin d'éviter qu'elle n'initie
ultérieurement une fracture diaphysaire. Sa situation sur la face antérieure est souhaitable. Ses
angles sont arrondis, marqués par un trou de mèche. Il est préférable de la fermer, au besoin avec un
apport de greffe à la fin de l'intervention ;
- couvercle : particulièrement indiqué lorsque la hanche est raide du fait d'ossifications ou de fibroses
péri-articulaires, cette méthode permet une excellente excision sans « démonter » l'articulation
(Vielpeau). Une grande incision désinsère le vaste externe sur 1 cm près de la ligne âpre sur toute la
hauteur de la prothèse et se poursuit le long du bord postérieur du moyen fessier mordant en haut
dans ses fibres les plus postérieures. A la partie basse de la zone à nettoyer, la face externe de la
diaphyse est ruginée sur une hauteur de 3 cm. Le « couvercle » est taillé à la scie oscillante sur sa
partie osseuse et comporte le tiers externe de la diaphyse et la région trochantérienne qui est dans
son prolongement. Au-dessus du grand trochanter, les fessiers et la fibrose (ou les ossifications) sont
basculés en avant, d'un bloc avec la partie osseuse du couvercle (fig. 11).
La prothèse et tout le ciment peuvent être enlevés par cette voie transosseuse sans interrompre la
continuité des tissus cicatriciels en particulier entre le Merckel et le seuil de l'arrière-fond.
A la fin de l'intervention, le couvercle est refermé. Il a gardé toutes ses connexions musculaires. Il est
synthésé par 2 ou 3 fils métalliques et une suture des parties molles au fil résorbable (fig. 12).
La méthode du couvercle est plutôt indiquée lorsque la décision est prise de laisser la hanche en
résection. Dans le cas contraire, une ostéotomie longitudinale de ce type, plus limitée, située sous le
trochanter, effectuée après ablation de la tige prothétique par le haut, peut être envisagée. Mieux
vaut une telle ouverture volontaire de la diaphyse que des fausses routes ou une fragilisation, voire
une fracture du fémur par des difficiles manoeuvres d'extraction du ciment par le haut.
Lorsque tous les corps étrangers organiques ou non ont été enlevés, plusieurs options sont possibles
: rescellement d'une nouvelle prothèse dans le même temps ou ultérieurement, simple résection tête-
col (Girdlestone), coaptation trochantéroiliaque.
La décision de rescellement dépend de l'état général du patient, mais aussi de l'état local, des dégâts
produits sur les supports osseux par l'infection, le descellement et le chirurgien.
Le bilan des lésions fait l'inventaire des pertes de substances osseuses métaphysaires ou
diaphysaires sur le fémur.
Au cotyle, les défects osseux peuvent être classés en quatre types (fig. 13) selon qu'ils siègent sur
l'ilion, laissant persister un pourtour cotyloïdien intact (type I), ou sur les parois du cotyle (type II), ou
au niveau de l'arrière-fond (type III) ou même qu'il existe une fracture (type IV).
La restauration des supports osseux peut être assurée par du matériel d'ostéosynthèse (plaque en
croix de Kerboull, anneau de soutien). Les allogreffes sont utilisables pour combler les pertes de
substance, même dans ces cas septiques (fig. 14).
Un ciment additionné d'antibiotique est utilisé. La connaissance du germe avant l'intervention permet
de savoir si la gentamicine est active ou si un autre antibiotique doit être ajouté (fig. 15).
Sur l'infection
Les critères de guérison de l'infection manquent généralement dans les publications sur ce sujet.
Seuls les Suédois ont tenté de les codifier. Ils tiennent compte des paramètres cliniques (douleurs,
état de la cicatrice, absence de fistule) et biologiques (vitesse de sédimentation).
Couette et Vielpeau [17] pensent qu'il faut ajouter des critères radiologiques et surtout un recul de 18
mois. Ce délai paraît être, en effet, un cap en deçà duquel la guérison ne peut pas être affirmée, mais
au-delà duquel les récidives ne semblent pas à craindre (tableau VII).
Le pourcentage de guérison de l'infection est en moyenne de 70 à 80 % selon les séries (fig. 16), que
le rescellement soit effectué dans le même temps ou ultérieurement. Les facteurs de succès sont :
Germe et antibiothérapie locale sont liés et il faut insister sur la nécessité de connaître le germe
avant l'intervention. En effet, sans antibiotique dans le ciment, le taux de succès n'est que de 45 %
[54]. Dans le cas où la gentamicine est utilisée, le germe est résistant dans 75 % des échecs et
seulement dans 5,5 % des guérisons de l'infection [84].
Sur la fonction
Les résultats sont bons, en cas de guérison de l'infection, et incomparablement supérieurs à ceux
obtenus par une résection tête-col où la boiterie nécessite le plus souvent deux cannes et le
raccourcissement est en moyenne de 4 à 5 cm.
Après rescellement, la stabilité de la hanche est parfois imparfaite du fait du caractère itératif de la
chirurgie et de l'excision large des tissus infectés qui créent des lésions musculaires.
Les deux attitudes donnent des résultats semblables, mais on peut reprocher au traitement en deux
temps les inconvénients suivants :
Références Bibliographiques
[1] AHLBERG A, CARLSSON AS, LINDBERG L Hematogenous infection in total joint
replacement. Clin. Orthop. 1978 ; 137 : 69-75
[2] AINSCOW DA, DENHAM RA The risk of haematogenous infection in total joint replacements. J.
Bone Joint Surg. 1984 ; 66-B : 580-582
[3] AVOCAT S Le point sur les matériaux de conditionnement pour stérilisation. Rev.
ADPHSO 1982 ; 7 : 5-10
[4] BENSON MK, HUGHES SP Infection following total hip replacement in a general hospital without
special orthopaedic facilities. Acta Orthop. Scand. 1975 ; 46 : 968-978
[5] BERTHAULT J.P., PILVEN C., RENAUX C., CERTAIN B. - Les équipements hospitaliers de
stérilisation. - Rev. ADPHSO, La stérilisation centralisée. no hors séries, 129-145.
[6] BUCHHOLZ H.W., ELSON R., LODENKAMPER H. - The infected joint Implant. Recent advances in
orthopaedics. - Churchill Livingstone, ed., Edinburgh, London, New York, 1979, no 3.
[8] BURKE JF Identification of the sources of staphylococci contaminating the surgical wound during
operation. Ann. Surg. 1963 ; 158 : 898-904
[9] BURTON DS, SCHURMAN DJ Hematogenous infection in bilateral total hip arthroplasty. J. Bone
Joint Surg. 1975 ; 57-A : 1004-1005
[10] CARLSSON AS Erythrocyte sedimentation rate in infected and non-infected total hip
arthroplasties. Acta Orthop. Scand. 1978 ; 49 : 287-290
[11] CARLSSON AS, GENTZ CF, LINDER L Localized bone resorption in the femur in mechanical failure
of cemented total hip arthroplasties. Acta Orthop. Scand. 1983 ; 54 : 396-402
[12] CASTAING J., BURDIN Ph. - Marchands et fiabilité (ou comment contrôler la fiabilité des
enceintes stériles). - Ann. Orthop. Ouest, 1978, no 10, 39-40.
[14] CHARNLEY J Postoperative infection after total hip replacement with special reference to air
contamination in the operating room. Clin. Orthop. 1972 ; 87 : 167-187
[15] CHARNLEY J. - Low friction arthroplasty of the hip. - Springer-Verlag, ed., Berlin Heidelberg.
New York, 1979.
[16] COLLIS DK, STEINHAUS K Total hip replacement without deep infection in a standard operating
room. J. Bone Joint Surg. 1976 ; 58-A : 446-450
[17] COUETTE Ph. - Traitement du descellement septique des prothèses totales de hanche par
rescellement en un temps (à propos de 50 cas). - Thèse Méd., Caen, 1984.
[18] COURTOIS B, DELARUE P Coll. Résultats de l'examen bactériologique systématique des drains de
Redon. Ann. Orthop. Ouest 1978 ; 10 : 41-45
[19] CRUESS RL, BICKEL WS, VON KESSLER KL Infections in total hips secondary to a primary source
elsewhere. Clin. Orthop. 1975 ; 106 : 99-101
[20] D'AMBROSIA RD, SHOJI H, HEATER R Secondarily infected total joint replacements by
hematogenous spread. J. Bone Joint Surg. 1976 ; 58-A : 450-453
[22] DOLIVEUX P. - Une salle d'opération peut-elle être propre sans être filtrée ? - Ann. Orthop.
Ouest, 1976, no 8, 99-104.
[23] DOWNES EM Late infection after total hip replacement. J. Bone Joint Surgery 1977 ; 59-B : 42-
44
[24] EDITORIAL. Late infection after total hip replacement. Br. Med. J. 1977 ; 2 : 213
[25] EFTEKHAR NS, KIERNAN HA, STINCHFIELD FE Systemic and local complications following low-
friction arthroplasty of the hip joint. A study of 800 consecutive operations. Arch.
Surg. 1976 ; 111 : 150-155
[26] ELSON RA, JEPHCOTT AE, McGECHIE DB, VERETTAS D Antibiotic-loaded acrylic cement. J. Bone
Joint Surg. 1977 ; 59-B : 200-205
[27] EVRARD J, MAZAS F, FLAMANT R, ACCAR J les membres du GETPIA. L'antibiothérapie préventive
en chirurgie orthopédique. Rev. Chir. Orthop. 1981 ; 67 (Suppl. II) : 56-59
[28] EVRARD J Les infections des prothèses totales de hanche. Rev. Rhum. 1986 ; 53 : 109-112
[29] Fiche technique no 11 d'organisation hospitalière (stérilisation). Fascicule spécial no 82/30 bis,
Ministère de la Santé.
[30] FISCHER LP, GONON GP, CARRET JP, VULLIEZ Y, DE MOURGUES G Association méthacrylate de
méthyle (ciment acrylique) et antibiotique. Etude bactériologique et mécanique. Rev. Chir.
Orthop. 1977 ; 63 : 361-372
[31] FITZGERALD R.H. - The infected total hip arthroplasty : current concepts in treatment.
Proceedings of the twelfth open scientific meeting of the hip Society 1984. In : The hip. - C.V.
Mosby Company, ed., St-Louis, 1984, 347-358.
[32] FITZGERALD RH, NOLAN DR, ILSTRUP DM, VAN SCOY RE, WASHINGTON JA,
COVENTRY MB Deep wound sepsis following total hip arthroplasty. J. Bone Joint Surg. 1977 ; 59-
A : 847-855
[35] GARDES J.C. - Problèmes posés par la stérilisation des matériaux en autoclave. - Biomat, 1985,
101-118.
[36] GOULET D, COTTAZ H Utilisation des sachets transparents pour la stérilisation par la chaleur
sèche. Techn. Hospital. 1985 ; 472 : 43-45
[37] HALL AJ Late infection about a total knee prosthesis. Report of a case secondary to urinary tract
infection. J. Bone Joint Surg. 1974 ; 56-B : 144-147 [crossref]
[38] HOFFMAN M.A., ROUSSELOT F. - Contrôle de stérilité des médicaments et des accessoires en
pharmacie hospitalière. - Pharm. Hospital. Fr., 1980, no spéc. 1er trim., 17-23.
[39] HUNTER GA The results of reinsertion of a total hip prosthesis after sepsis. J. Bone Joint
Surg. 1979 ; 61-B : 422-423
[42] IRVINE R, JOHNSON BL, AMSTUTZ HC The relationship of genitourinary tract procedures and
deep sepsis after total hip replacement. Surg. Gyneco. Obstet. 1974 ; 139 : 701-706
[43] JOSEFSSON G, LINDBERG L, WIKLANDER B Systemic antibiotics and gentamicin containing bone
cement in the prophylaxis of postoperative infections in total hip arthroplasty. Clin.
Orthop. 1981 ; 159 : 194-200
[44] 7e Journées nationales d'études sur la stérilisation en milieu hospitalier. Nice. Avril 1985. - Rev.
ADPHSO, 1985, 10, 2.
[45] JOURBERT JD, COUPRY A, BONNET M Etude d'une nouvelle conception de bloc opératoire du
point de vue de l'aéro-biocontamination. Ann. Orthop. Ouest. 1976 ; 8 : 105-116
[46] KELSEY JC The testing of sterilizers. 2. Thermophilic spore papers. J. Clin. Path. 1961 ; 14 : 313-
319
[48] LANGLAIS F Ciments orthopédiques aux antibiotiques : bilan, risques, avenir. J. Pharm.
Clin. 1984 ; 3 : 215-226
[49] LANNELONGUE J. - Visite du Service de Jacques Borde. 1974. - Ann. Orthop. Ouest, 1974, no 6,
53-55.
[50] LANNELONGUE J, PELICOT J Etude d'un procédé de décontamination aérienne. Ann. Orthop.
Ouest 1977 ; 9 : 41-45
[51] LANNELONGUE J, BURDIN Ph, PELICOT J, CASTAING J La chirurgie en atmosphère stérile dans la
« bulle ». Possibilités actuelles. Rev. Chir. Orthop. 1976 ; 62 : 389-404
[52] LANNELONGUE et coll. - Quoi de neuf dans l'infection en orthopédie. - Symposium. Congrès de
la Société Française d'Orthopédie, Paris, Nov. 1987.
[55] LIDWELL OM, LOWBURY EJ, WHYTE W, BLOWERS R, STANLEY SJ, LOWE D Infection and sepsis
after operations for total hip or knee joint replacement : influence of ultraclean air, prophylactic
antibiotics and other factors. J. Hyg. (Camb.) 1984 ; 93 : 505-529
[56] LIDWELL OM, ELSON RA, LOWBURY EJ , et al. Ultraclean air and antibiotics for prevention of
postoperative infection. A multicenter study of 8052 joint replacement operations. Acta Orthop.
Scand. 1987 ; 58 : 4-13
[57] LOWEL J.D., KUNDSIN R.B. - Ultra-violet radiation : ist beneficial effect on the operating room
environment and the incidence of deep wound infection following total hip and total knee
arthroplasty. In : AAOS instructional course lectures. - Mosby Co, ed., St-Louis, 1977.
[59] MAUDHUIT B, LOISEL P, GROS R Peut-on obtenir un vrai flux laminaire. Ann. Orthop.
Ouest 1976 ; 8 : 99-104
[60] Méthodes de Stérilisation. Pharmacopée Française. 10e éd. Janv. 1986, Chap. IV, 6 et IV.6. 1.
[61] MOYEN B. - Le risque infectieux dans les prothèses totales de hanche. - Thèse Lyon, 1974.
[62] MULLER M. - Late complications of total hip replacement. In : The hip, proceedings of the second
open scientific meeting of the hip society. - C.V. Mosby Co, ed., Saint-Louis, 1974, 319-327.
[63] MURRAY W.R. - Total hip replacement in nonspecialized environment. In : Proceedings of the
second open scientific meeting of the hip society. - C.V. Mosby Co, ed., Saint-Louis, 1974, 271-
288.
[64] NELSON JP Musculcskeletal infection. Surg. Clin. North. Am. 1980 ; 60 : 213-222
[65] PEROUSE E. - Problèmes posés par la stérilisation des matériaux à l'oxyde d'éthylène. - Biomat,
1985, 119-123.
[66] PIDHORZ L, RAGUIN J, RAIMBEAU G Fiabilité des implants livrés stériles. Ann. Orthop.
Ouest 1977 ; 9 : 41-45
[67] PETTY W, GOLDSMITH S Resection arthroplasty following infected total hip arthroplasty. J. Bone
Joint Surg. 1980 ; 62-A : 889-896
[68] PICAULT CH, MICHEL CR, VIDIL R Prothèses totales de hanche de Charnley. 4 300 cas opérés de
1968 à 1979. Rev. Chir. Orthop. 1980 ; 66 : 57-67
[69] POSTEL M coll. Les complications des prothèses totales de hanche. Symposium tenu lors de la
49e réunion de la SOFCOT, 1974 Rev. Chir. Orthop. 1975 ; 61 (Suppl. II) : 27-120
[70] POSTEL M., KERBOULL M., EVRARD J., COURPIED J.P. - Arthroplastie totale de hanche. -
Springer-Verlag, ed., Berlin, Heidelberg, 1985.
[71] Problèmes posés par l'utilisation des enceintes stériles en chirurgie orthopédique. - Ann. Orthop.
Ouest, 1980, 12, 65-69.
[72] Revision arthroplasty. Proceedings of a symposium held at Sheffield University, 1979, (eds) by
Elson R.A., Caldwell A.D.S. - Medical Education Services limited, ed., Oxford, 1979.
[74] RUELLE JP, BREACK P, MOYON C A propos d'une expérience de huit années d'hygiène
hospitalière. Ann. Orthop. Ouest 1988 ; 20 : 63-98
[75] SALVATI EA, CHEKOFSKY KM, BRAUSE BD, WILSON PD Reimplantation in infection. A 12-year
experience. Clin. Orthop. 1982 ; 170 : 62-75
[77] Stérilisation par les rayonnements ionisants du matériel médico-chirurgical à usage unique et
d'articles de pansements et de suture. In : Pharmacopée Française, 9e éd. Oct. 1976, p. 11212-
13 à 11212-16, modifié JO du 14 mai 1980.
[78] THIERSE F Erfahrungen mit refobacin-palacos im hinblick auf die tiefen spätinfektionen nach
hüftendoprothesenoperationen. Z. Orthop. 1978 ; 116 : 847-852
[79] THOMAS BJ, MORELAND JR, AMSTUTZ HC Infection after total joint arthroplasty from distal
extremity sepsis. Clin. Orthop. 1983 ; 181 : 121-125
[80] TURNER R.H., MILEY G.B., FREMONT-SMITH P. - Septic total hip replacement and revision
arthroplasty. In : Turner R.H. and Scheller A.D., Revision total hip arthroplasty. - Grune and
Stratton, ed., New York, 1982.
[81] VAN MALDEREN C La quatrième génération de contrôle de stérilisation. Symbiose. Rev. Prof.
Santé 1981 ; 21 : 53-57
[82] VIDAL J, ALLIEU Y, ORST G Le rescellement des prothèses de hanche en milieu spetique est-il
possible ?. Rev. Chir. Orthop. 1981 ; 67 (Suppl. II) : 148-152
[84] VIELPEAU C. - Sauvetage des prothèses totales de hanche infectées. Cahier d'enseignement de
la SOFCOT. Conférences d'enseignement 1986, Tome 26, pp. 161-184.
[85] WILLERT HG, BUCHHORN G, SEMLITSCH M Die reaktion des gewerbes auf verschleissprodukte
von gelenkendoprothesen der oberen extremitäten. Orthopaede 1980 ; 9 : 94-107
[86] WROBLEWSKI BM, DEL SEL HJ Urethral instrumentation and deep sepsis in total hip
replacement. Clin. Orthop. 1980 ; 146 : 209-212
Tableaux
Tableau I
Tableau I.
Benson 5,3 %
Charnley 6,8 %
Evrard (Cochin) 4,8 %
de Mourgues 10,2 %
Lidwell et coll. 3,4 %
Muller 4,0 %
Murray 4,0 %
Patterson 8,2 %
Ritter 6,5 %
Vasey 7,7 %
Wilson 11,0 %
Tableau II
Tableau II.
Taux Taux
d'infection d'infection
Auteurs Antibiotiques
sans avec
antibiotique antibiotiques
Tableau III
Tableau III.
Tableau IV
Tableau IV.
Nombre de
Auteurs prothèses % d'infection
totales de hanche
Salle conventionnelle
sans antibiotique
Charnley 190 6,8
Muller 683 4
Wilson 100 11
Patterson 368 8,2
Benson 321 5,3
Murray 126 4
Ritter 92 6,4
1 880 5,8 %
Salle conventionnelle
avec antibiotiques
Eftekhar 800 0,5
Fitzgerald 3 215 1,3
Murray 622 1,1
Lowell 621 3,1
Leinbach 275 1,5
Welch 150 0
Collis 298 0
Irvine 167 2,4
Bentley 117 1,7
Salvati 526 1,5
6 791 1,3 %
Tableau V
Tableau V.
Pénicillines
semi- Céphalosporines Autres
synthétiques
Tableau VI
Tableau VI.
%
Nbre de cas d'infections
profondes
Prothèses de 1re
intention
Ciment ordinaire
Ciment +
Antibiotique 2 761 4,63 %
Prothèses de révision 6 528 0,79 %
Ciment ordinaire
Ciment + 767 9,7 %
Antibiotique 1 054 2,84 %
Tableau VII.
et
VS < 20
(ou VS entre 20 et 30 si baisse supérieure
à 30 % par rapport à VS préopératoire)
et
ni radiologique
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Importance de la vitesse du flux d'air. A. Vitesse faible (< 21 m/mn). B. Vitesse optimale (de 21 à 33 m/mn). C. Grande
vitesse (> 33 m/mn).
Fig. 4
1. Portes n'ouvrant que dans un sens ; 2. Vestiaire d'habillage ; 3. Vestiaire de déshabillage ; 4. Bloc opératoire ; 5.
Placards à double entrée.
Fig. 5
(d'après Elson).
Fig. 6
Fig. 7
AB = Antibiothérapie prophylactique ; Serre à FL = Serre à flux laminaire ; UEC = Unité d'extraction corporelle. (D'après
Lidwell).
Fig. 8
Fig. 9
Infection précoce sur prothèse totale de hanche droite. A. Radiographie avant la reprise précoce. B. Radiographie 5 ans
après la reprise. Cotation fonctionnelle 6.6.5, malgré l'excision large qui avait emporté le médaillon trochantérien et la
partie basse des fessiers nécrosés. (Collection Pr. Vielpeau)
Fig. 10
Flore (à propos de 1 121 cas de PT de hanche infectées) (Séries de Buchholz, Lindberg, Fitzgerald, Postel, Andrews,
Vielpeau).
Fig. 11
B - 1. Ciment ; 2. Prothèse ; 3. Vaste externe. C - 1. Grand trochanter ; 2. Cotyle ; 3. Tendon du grand fessier ; 4. Couvercle
relevé ; 5. Vaste externe ; 6. Fémur.
Fig. 12
Méthode du « couvercle ». A. Granulome aseptique sur ancienne prothèse acrylique de hanche gauche. Radio 1977 avant
la reprise par prothèse totale. B. Infection chronique sur prothèse totale. Radiographie 1985 (7 ans après mise en place).
Décision de résection tête-col pour raisons mécaniques. C. Radiographie 1 an après l'ablation de prothèse par méthode
du couvercle. Guérison apparente de l'infection. (Collection Pr. Vielpeau)
Fig. 13
A. Perte de substance supérieure avec intégrité du pourtour ; B. Perte de substance osseuse sur le pourtour ; C. Perte de
substance osseuse au fond du cotyle, le perforant complètement et faisant donc correspondre le cotyle avec le petit
bassin ; D. Fracture du cotyle.
Fig. 14
Infection chronique d'une prothèse totale de hanche droite. Fistule depuis 6 ans : staphylocoque. A. Radiographie avant la
reprise. B. Résultat radiologique 5 ans après la reprise par excision. Rescellement en 1 temps avec utilisation d'une
allogreffe sur le cotyle. Cotation fonctionnelle 6.5.6. (Collection Pr. Vielpeau).
Fig. 15
Infection chronique fistulisée d'une prothèse totale de hanche droite. Staphylocoque +. A. Radiographie avant la reprise.
Noter tous les signes radiologiques de l'infection : descellement des 2 pièces, résorption du Merckel, appositions
périostées. B. Résultat radiologique 12 ans après la reprise comportant une grande excision et un rescellement d'une
nouvelle prothèse en 1 temps. Cotation fonctionnelle 5.5.5. (Collection Pr. Vielpeau).
Fig. 16
Résumé
Résumé. - L'usage des appareils de contention externe permet l'immobilisation d'une fracture ou la
correction progressive d'une déformation.
Surtout utilisé depuis le XIXe siècle, le plâtre est le matériau de référence. Les règles de confection
de ces plâtres doivent être rigoureuses afin d'éviter les escarres ou les vices de consolidation. Ces
règles, et les limites de ces immobilisations, sont bien codifiées et permettent à tous les niveaux
l'obtention d'un appareil « confortable » et accepté par le patient. La mise en place d'une telle
immobilisation est un acte médical : il est souvent exécuté par un auxiliaire mais toujours sous le
contrôle et la responsabilité du médecin. Il impose des explications sur les raisons du traitement et
sur les éléments de surveillance du plâtre. Ces éléments de surveillance réalisés par le médecin
et/ou le patient permettent le diagnostic précoce des diverses complications de ces immobilisations,
en particulier du syndrome des loges ou syndrome de Volkmann, ou des complications
thromboemboliques.
D'introduction plus récente, la résine est utilisée dans les immobilisations, le plus souvent en relais
d'une immobilisation plâtrée, ou dans des indications plus spécifiques. Par rapport au plâtre, elle
permet l'obtention d'appareils plus légers, plus solides, radiotransparents, mais de confection plus
difficile et plus onéreuse.
L'immobilisation par contention externe est une méthode thérapeutique utilisée isolément ou en
complément d'un acte opératoire, tant dans le cadre de la traumatologie que dans celui de
l'orthopédie.
Plan
Historique
Matériaux plâtrés [7]
Nouveaux matériaux synthétiques
Haut de page
Historique
Les appareils plâtrés et leur dérivés assurent la contention non sanglante d'une fracture ou la
correction progressive d'une déformation. Ce mode d'immobilisation, tel que nous l'effectuons
actuellement, est le fruit d'une longue évolution ayant débuté à la préhistoire.
À partir de l'Antiquité, de nombreuses substances ont été utilisées au cours des siècles afin de
contenir un membre : cire, colle de farine, bois, tissus imbibés de jaune d'oeuf, terre glaise, résine,
carton, amidon, etc. De tels appareils avaient un inconvénient majeur : la sensibilité aux conditions
hygrométriques et donc leur relative solidité dans le temps.
Il semble que le plâtre ait été introduit par les Perses vers la fin du Xe siècle, appliqué sous forme de
bouillie directement sur la peau.
C'est à A Mathijsen, médecin militaire néerlandais, que revient vers le milieu du XIXe siècle la
paternité de la bande saupoudrée de plâtre sec, mouillée au moment de l'emploi. De même, il a
édicté les règles de pose encore de mise de nos jours. En revanche, la durée de prise ainsi que la
fixation du plâtre sur la bande demeuraient des problèmes. Cette paternité serait à partager avec
Pirogoff, chirurgien russe, qui aurait eu la même idée afin d'immobiliser les fractures.
La chimie moderne a permis de perfectionner la bande de plâtre par addition de produits régularisant
son comportement : on voit ainsi apparaître la bande à plâtre adhérent que l'on utilise actuellement.
Elle permet la confection d'un appareil dans des délais relativement courts, appareil qui atteint une
bonne résistance mécanique rapidement, sans risque de déformation secondaire.
Des matériaux nouveaux plus légers, plus maniables et plus confortables ont récemment fait leur
apparition. Ils sont venus s'ajouter aux matériaux plâtrés existants et non les remplacer.
Haut de page
Matériaux plâtrés [7]
Matériau
Le plâtre employé est maintenant standardisé. Il est fabriqué à partir du gypse, produit naturel, qui est
du sulfate de calcium hydraté. Associé à des solvants organiques, ce sulfate, en bouillie, est déposé
sur des bandes de gaze et porté à 150 °C. Lorsque le plâtre est mouillé, il se transforme en gypse,
caractérisé par de longs cristaux minces enchevêtrés de façon serrée, donnant après évaporation de
l'eau, une masse solide. La dessiccation donne une fine porosité dans le plâtre qui favorise l'aération
de la peau. D'une longueur courante de 2 à 3 m, il existe plusieurs largeurs de bandes (de 5 à 60
cm). Selon le type de « plâtre », le début de la prise s'effectue entre 100 secondes et 5 minutes. Le
temps de séchage varie entre 30 et 48 heures, selon l'épaisseur de l'appareil, le degré hygrométrique
de l'air, la température ambiante et la circulation de l'air autour du plâtre.
- à prise très rapide : Gypsona® et Guypse® (Smith and Nephew), Adhe-2® et Véronèse® (Adhésia) ;
- à prise rapide : Platrix® (Smith and Nephew), Orthona® (Adhésia), Cellona® et Cellamin® (Lohmann
Richard Médical) ;
- à prise lente : Super Adhésia® (Adhésia) ;
- élastique : Bandes plâtrées élastiques® (Adhésia).
Les règles de confection des appareils de contention, de correction ou de posture sont identiques
quel que soit le matériau utilisé. Nous décrivons donc celles de la pose des appareils plâtrés. Elles
doivent être appliquées rigoureusement pour éviter la constitution d'escarres ou de vices de
consolidation. Il s'agit d'un acte médical, exécuté parfois par le médecin lui-même, ou plus souvent
par un personnel auxiliaire, aide-soignant ou aide-plâtrier, formé et bien entraîné à cette pratique.
Dans ce dernier cas, le contrôle de l'exécution par le médecin est impératif.
Préparation
Elle est importante afin de réaliser l'appareil plâtré selon un rythme continu. Le membre à immobiliser
est recouvert d'un jersey tubulaire en coton préalablement roulé, après lavage et traitement des
lésions cutanées préexistantes. De diamètre adapté, il est appliqué en le déroulant afin d'éviter les
plis, sources d'irritation locale, voire d'escarres. Le rembourrage est effectué le plus souvent par une
ouate orthopédique, coton ou ouate synthétique Soffban® (Smith and Nephew), Adhésoft® (Adhésia),
Bande de protection hydrofuge® (3M), Ouate de rembourrage® (Lohmann Richard Médical),... qui,
appliquée sur toute la longueur du membre, permet de protéger les saillies osseuses et les divers
points de compression (tableau I). Il facilite aussi l'ouverture du plâtre à son ablation. Il ne doit pas
être trop important au risque de rendre l'immobilisation inefficace. Un double jersey sans adjonction
de ouate est de préférence utilisé dans les réductions orthopédiques, afin de mieux modeler le plâtre,
mais l'appareil doit alors être fendu. Certains protègent les points de compression par du feutre. Les
bandes de plâtre sont préparées en fonction de leur taille et de leurs caractéristiques ainsi que les
attelles qui renforcent l'appareil lors de sa confection. L'eau utilisée est froide ou légèrement tiède (20
à 25 °C) et changée entre chaque plâtre. L'augmentation de la chaleur de l'eau raccourcit le temps de
prise du plâtre.
La position du membre est définie avant la réalisation du plâtre et est maintenue durant toute celle-ci
par le patient confortablement installé, ou un aide. Elle répond à des critères que nous développerons
dans les paragraphes suivants. Elle ne doit en aucun cas être modifiée pendant la dessiccation du
plâtre, au risque d'induire, au pli de flexion des articulations, un appui excessif, source d'escarres ou
de syndromes compressifs vasculaire ou nerveux.
Immersion et application
Les bandes de plâtre, déroulées sur les premiers centimètres, sont maintenues dans l'eau jusqu'à
disparition des bulles afin d'obtenir une imbibition régulière (5 à 10 secondes d'immersion). Elles sont
légèrement exprimées afin d'éliminer le surplus d'eau, sans être véritablement essorées, ce qui
entraînerait une élimination du plâtre. Elles sont appliquées sur le jersey en épousant les formes
anatomiques. La bande est déroulée d'une main en évitant les plis ; l'autre main de l'opérateur étale
la partie déroulée et la lisse en même temps. Ce lissage, à chaque tour de bande, évite le feuilletage
entre les couches, assure l'homogénéité du plâtre et permet l'expulsion des bulles d'air. Au niveau
des plis de flexion des articulations, il faut éviter l'application transversale de la bande au risque de
former une bride, source de striction. Chaque bande est déroulée en recouvrant le tour de bande
précédant de la moitié de la largeur de celle-ci. Le jersey est retourné aux extrémités avant les
dernières bandes afin d'éviter le contact du plâtre avec la peau. Les attelles de renforcement sont
incluses dans l'appareil avant l'application de la dernière bande. Le plâtre est ensuite moulé sur le
membre, surtout au niveau des saillies osseuses autour des articulations. Ce modelage se réalise
mains à plat en évitant de laisser les empreintes des doigts sur l'appareil, facteurs d'hyperpression
localisée. Le lissage du plâtre est fait une fois que le plâtre a acquis une certaine tenue, avec le bord
cubital de la main, la première commissure ou un morceau de plastique ou de latex préalablement
humidifié. La réalisation et la finition d'un plâtre doivent aboutir à un « objet » esthétique, témoin de la
rigueur du traitement et important pour le moral du patient. La solidité de l'appareil ne dépend pas du
nombre de bandes utilisées, mais de la répartition de celles-ci. Lors du durcissement du plâtre, un
échauffement d'une trentaine de degrés est normal.
L'appareil plâtré doit être annoté au crayon à encre avec la date de confection, les dates prévues du
changement et de l'ablation, les noms du médecin prescripteur et de la personne l'ayant réalisé, ainsi
que, le cas échéant, le dessin de la fracture ayant motivé l'immobilisation.
Le plâtre est sec passé un délai de 36 à 48 heures. Nous recommandons la reprise de l'appui sur les
immobilisations du membre inférieur au-delà de 48 heures, de ne pas sécher le plâtre par des
moyens artificiels, ni reposer le plâtre sur une surface dure, au risque de le déformer.
Une fois l'appareil plâtré achevé et la prise assurée, il doit être fendu d'une extrémité à l'autre, afin,
qu'en cas d'oedème, il n'y ait pas de compression et que les deux berges puissent être écartées si
nécessité. Cette ouverture est guidée par une cordelette mise au contact du jersey avant la
réalisation du plâtre. L'ablation de la cordelette à travers la fente est synonyme d'ouverture complète
du plâtre. Après confection, l'auteur de l'appareil doit vérifier qu'il n'existe pas de compression sur les
zones décrites dans le tableau I et que les possibilités fonctionnelles des articulations sus- et sous-
jacentes sont préservées. Après fonte de l'oedème, l'appareil est fermé par addition d'une bande de
plâtre.
Après la confection d'un plâtre, des explications doivent être données au patient. Un imprimé les
résumant peut lui être remis. Ces conseils sont les suivants :
- membre supérieur : maintien par une écharpe de façon à ce que le poignet soit plus haut que le
coude par rapport à l'horizontale, main surélevée sur un coussin lors du décubitus ;
- membre inférieur : le plus souvent dans la journée, être assis avec le talon reposé sur une chaise
afin que la cheville soit surélevée par rapport au genou ; la nuit, surélever les pieds du lit de 5 à 10
cm ;
Ablation
Elle se fait à l'aide d'une scie oscillante à plâtre. L'appareil est fendu longitudinalement, et retiré à
l'aide d'une pince écarte-plâtre, d'une pince « bec de canard » ou de ciseaux. Il ne faut pas suivre les
saillies osseuses, telle la crête tibiale, pour retirer les appareils plâtrés, au risque d'occasionner des
lésions cutanées. Le membre libéré est lavé.
En général, on note :
- l'innocuité ;
- le risque infectieux réduit ;
- la qualité mécanique du cal ;
- les retouches possibles par gypsotomie, en cas d'imperfection de réduction (cf infra) ;
- le résultat esthétique avec absence de cicatrice.
En général, on note :
- l'imprécision de réduction ;
- la radiotransparence hétérogène rendant difficile la surveillance radiologiques des fractures
articulaires, des petits os du carpe ou du tarse, ou en cas d'ostéoporose.
Complications
Elles sont nombreuses. On a même parlé à leur propos de « maladie des plâtrés ». Elles concernent
l'ensemble des appareils de contention et de correction, et tout particulièrement les plâtres circulaires
utilisés dans le traitement non sanglant des fractures. Ces complications, associées à l'inévitable
inconfort du plâtre, expliquent leur relative impopularité chez les patients ; d'autre part elles imposent
au praticien, au médecin ou au chirurgien des astreintes de surveillance et de suivi qualifiées à tort
de fastidieuses.
Complications orthopédiques
- en premier lieu, les limites de la méthode : l'appareil plâtré n'assure, en effet, qu'une immobilisation
imparfaite des fragments, en particulier des fractures instables et dans certaines localisations (bras,
cuisse, etc.) ;
- la fonte de l'oedème, la résorption de l'hématome périfracturaire, et l'amyotrophie détectables par
l'apparition d'un liseré clair entre le plâtre et les contours du membre ;
- la fragilisation de l'appareil plâtré.
Ce déplacement peut être évité par une surveillance régulière clinique et radiologique, par la
fermeture précoce du plâtre fendu après fonte de l'oedème, sa consolidation ou mieux son
changement en cas de détérioration, par les contractions musculaires régulières sous plâtre et par la
mise en charge précoce. La survenue d'un déplacement secondaire, malgré ces précautions, impose
une reprise de la réduction éventuellement sous anesthésie générale.
La marche, les exercices sous plâtre peuvent en atténuer l'importance. Accompagnant le traitement
par plâtre classique d'une fracture diaphysaire, elles disparaissent plus ou moins complètement après
une rééducation bien conduite. Sarmiento, en libérant dès le 10e jour les articulations sus- et sous-
jacentes, et en réintroduisant précocement le jeu articulaire et la mise en charge, a apporté une
contribution décisive à la prévention de ces troubles . La théorie et la pratique de l'appareil de
Sarmiento (functional bracing) seront exposées au paragraphe sur les « appareils plâtrés du membre
inférieur ». Les raideurs après fractures articulaires sont beaucoup plus rebelles et laissent souvent
des séquelles définitives. Pour cette raison, le traitement par immobilisation de ces fractures a été
presque abandonné au bénéfice du traitement chirurgical qui autorise la mobilisation et la
rééducation précoces.
Ce syndrome est beaucoup plus redoutable et imprévisible. Survenant toujours chez des patients
hyperanxieux, il se manifeste par des raideurs hyperalgiques accompagnées de troubles trophiques
(hypersudation, cyanose, atrophie musculaire). La radiographie objective une déminéralisation
régionale dont l'aspect pommelé est caractéristique. Le traitement est long, complexe et difficile. Les
troubles ne sont pas toujours réversibles et peuvent laisser dans les cas graves, en particulier au
niveau de la main, des séquelles anatomiques et fonctionnelles définitives. Leur prévention par des
mobilisations précoces, des contractions musculaires ou la mise en charge est aléatoire.
Complications cutanées
Complications graves
La prévention systématique de cette complication est impérative. Elle permet d'en limiter la
fréquence. Le traitement anticoagulant adéquat sera initié par le chirurgien, poursuivi et surveillé par
le médecin traitant à domicile jusqu'à ablation du plâtre.
Complications nerveuses
Au membre supérieur, elles concernent les nerfs ulnaire et radial et plus rarement le nerf médian. Au
membre inférieur, c'est surtout le sciatique poplité externe. Ces complications associent des
paresthésies distales, des troubles objectifs de la sensibilité et des modifications trophiques de la
peau. Elles sont le plus souvent provoquées par un plâtre circulaire ajusté. Tout fourmillement
impose l'ouverture de l'appareil plâtré, voire son ablation afin de supprimer la compression.
Complication vasculaire
C'est la complication la plus redoutable. Elle débute par une cyanose des extrémités, puis se
manifeste par le refroidissement distal, l'absence de pouls, les dysesthésies des extrémités et surtout
la douleur. Ce tableau réalise le classique syndrome de Volkmann aux conséquences fâcheuses. Il
peut s'installer quelques heures après la confection d'un plâtre, mais le risque persiste quelques
jours.
Fréquent chez l'enfant au membre supérieur, il peut compliquer aussi les immobilisations des
membres inférieurs. Les séquelles sont graves. La prévention se fait par l'ouverture systématique de
tout appareil plâtré circulaire aux membres et par la surveillance vigilante, en particulier des pouls
périphériques, les premiers jours. En cas d'apparition des premiers symptômes, l'ablation immédiate
de l'appareil plâtré s'impose, suivie de la recherche de la cause - lésions vasculaire, syndrome des
loges, plâtre trop serré - avec le plus souvent un geste chirurgical de décompression et/ou de
réparation vasculaire complémentaires.
Gypsotomie
Toute gypsotomie impose, après dessiccation, la vérification de l'état cutané en regard de l'ouverture.
Les règles de surveillance d'un plâtre doivent être précises, rigoureuses, expliquées au patient et au
personnel hospitalier. Cette surveillance attentive est non seulement effectuée dans les suites
immédiates, mais au long cours, durant toute la durée de l'immobilisation. En cas de sortie immédiate
du patient, des consignes strictes et précises concernant cette surveillance doivent lui être fournies.
La surveillance porte :
- sur le plâtre lui-même : état, efficacité, bonne adaptation, présence éventuelle de taches suspectes,
points de faiblesse, etc ;
- sur les plaintes du patient : douleurs sous plâtre, diffuses, localisées, insomniantes, non influencées
par la position du membre, lancinantes ou à type de tension, sensation d'irritation, de plaie, de
compression, dysesthésies, brûlures ;
- sur des examens cliniques répétés des zones explorables (limites proximales et distales de
l'appareil plâtré) : mobilité, trophicité, couleur, cyanose, sensibilité des doigts et des orteils, oedème,
odeur, signes d'une des complications citées (cf supra) ;
- sur des contrôles radiographiques séquentiels et programmés.
La découverte d'un de ces signes, même si les pouls pulpaires ou périphériques sont normaux,
implique la consultation immédiate d'un médecin, l'ouverture du plâtre avec le jersey, la surélévation
du membre, voire la prise des pressions des différents compartiments et, si nécessaire, une
aponévrotomie en cas de syndrome des loges.
Nous décrivons les principaux appareils plâtrés, utilisés à l'heure actuelle, au niveau des différents
segments du corps. Le matériel (jersey, ouate orthopédique, feutres de protection, et bandes
plâtrées) est choisi et préparé dans les dimensions et quantités appropriées à chaque localisation, et
est fonction de la dextérité, de l'expérience et de l'habitude de la personne qui immobilise, ainsi que
de l'âge et de la corpulence du sujet. La confection des appareils plâtrés doit toujours débuter de la
partie proximale du membre vers l'extrémité. Les techniques de confection sont des techniques
standards susceptibles d'être modifiées ou améliorées selon les habitudes et les préférences
individuelles. Il en est de même des indications : nous proposons les plus courantes mais celles-ci ne
sont pas limitatives. Il convient d'expliquer au patient le but du traitement, et le déroulement de
l'immobilisation, afin de faciliter celle-ci, ainsi que la durée et les différentes séquences du traitement.
Les appareils décrits sont circulaires. Ils peuvent tous être réalisés en version simplifiée sous forme
d'attelles enveloppées dans du jersey et maintenues par des bandes, ou de gouttières mieux
moulées, plus solides et plus confortables, obtenues par découpe en bivalve d'un plâtre circulaire
bien matelassé.
Au membre supérieur, toute bague ou bracelet doit être ôté avant le début de la contention. La
position de fonction est coude à 90° de flexion, avant-bras en demi-pronation ou pronation neutre,
poignet à 20° de flexion dorsale et doigts en position intrinsèque plus (articulations
métacarpophalangiennes en flexion et interphalangiennes en légère flexion). Le patient est installé
assis ou en décubitus, membre supérieur soutenu par un aide, ou en traction à l'aide de doigtiers
japonais en cas de fracture du poignet nécessitant une réduction orthopédique.
« Boléro » plâtré
Cet appareil de contention est remplacé, dans de nombreuses équipes, par des anneaux de
contention ou par un jersey tubulé matelassé, qui reprennent l'immobilisation en 8, maintenant les
épaules en rétropulsion.
Cet appareil immobilise l'épaule, le bras, le coude et l'avant-bras. Il est fait, patient assis sur un
tabouret ou en décubitus dorsal (cf infra, Confection d'un corset) et est composé de deux parties
(thoracique et brachiale) réalisées successivement.
- Commencer par le corset thoracique confectionné avec deux bretelles, s'appuyant sur les crêtes
iliaques dont la réalisation est identique à celle du corset plâtré.
- Recouvrir le membre supérieur à immobiliser de deux attelles, interne et externe, unies en proximal
au corset, en protégeant le creux axillaire.
- Fixer à ce moment la position du membre supérieur par rapport au corset (en règle, épaule en
abduction à 45 - 50°, en antépulsion de 45° et en rotation neutre), celle du membre supérieur étant
celle d'un plâtre brachiopalmaire de même que les limites inférieures du plâtre à la main.
- Solidariser les deux attelles par des tours de bandes circulaires et des attelles de renforcement.
- Découper la bretelle controlatérale au membre immobilisé.
- Assurer la consolidation possible du montage par interposition d'une baguette de bois entre le bras
et la partie basse du corset, baguette qui est ensuite noyée dans le plâtre.
- vérifier l'ampliation thoracique et la flexion des deux cuisses qui doivent être possibles jusqu'à 90°.
Il faut rappeler qu'il est possible d'associer à cet appareil un système de traction réalisé par bande et
attelle, ou par broche transolécrânienne noyée dans le plâtre.
Cette immobilisation était utilisée dans les fractures de l'omoplate, de l'extrémité supérieure de
l'humérus ou de la diaphyse humérale. Actuellement, nombre de ces fractures sont traitées de
manière chirurgicale, ou par des appareils d'abduction manufacturés, adaptables et amovibles, ou
par de simples bandages coude au corps type Desault ou Dujarier.
Le coude, l'avant-bras et le poignet sont immobilisés par cet appareil dans la position de fonction déjà
décrite, sauf indication particulière.
- Appliquer le jersey et la ouate orthopédiques sur le membre supérieur, avec un trou dans le jersey
au niveau du pouce.
- Débuter l'appareil sur la partie proximale du bras, sous le creux axillaire en interne et au-dessous du
trochiter en externe en évitant de comprimer le nerf radial à sa face postérieure.
- Éviter de passer les bandes de plâtre transversalement au niveau du pli du coude. Les passer en 8
à ce niveau, ou en confectionnant au préalable une chambre antérieure avant de poser les bandes
transversalement. Il est impératif de ne pas modifier l'angulation du plâtre à partir de ce moment.
- Arrêter le plâtre au niveau de la main, sur la face dorsale, au niveau des têtes des métacarpiens en
les recouvrant, ce qui permet un drainage efficace des veines du dos de la main et, sur la face
palmaire, au niveau du pli de flexion proximal de la main afin de permettre une flexion des
métacarpophalangiennes. Dégager la base du pouce afin d'autoriser une abduction sans conflit.
- Maintenir le plâtre par une écharpe, de façon à ce que le poignet soit surélevé par rapport au coude.
Ce genre d'immobilisation est utilisé dans les traumatismes du coude, de l'avant-bras ou du poignet,
que le traitement soit chirurgical ou orthopédique, dans la période postopératoire des interventions
réglées des mêmes parties du membre et, pour certains, dans le traitement par plâtre pendant des
fractures de l'humérus (un poids est alors accroché à la partie antébrachiale de l'appareil).
- Débuter l'appareil au niveau du coude, à deux travers de doigts sous le pli de flexion du coude,
vérifier sa liberté à la fin du plâtre (mêmes limites inférieures que celle du plâtre brachioantébrachial).
- Mouler ce plâtre parfaitement afin qu'il ne glisse pas et qu'il ne perde son action de contention.
Cet appareil est employé dans les traumatismes de l'avant-bras et du poignet, le plus souvent en
relais à 3 ou 4 semaines d'un plâtre brachioantébrachial, ou dans la chirurgie réglée du poignet.
Variantes
- Manchette scaphoïde (fig 8) : mêmes limites que la manchette plâtrée, à laquelle est ajoutée une
bande immobilisant le pouce, articulation métacarpophalangienne comprise, en position d'opposition
et d'abduction maximales. Ce plâtre est utilisé dans les traumatismes du scaphoïde ou dans les
entorses de l'articulation métacarpophalangienne du pouce. Certains préfèrent immobiliser le coude
dans le traitement des fractures du scaphoïde.
- Gantelet plâtré : c'est une manchette scaphoïde qui s'arrête au ras du poignet. Il est utilisé, par
certains, en cas d'entorse métacarpophalangienne du pouce. Elle est avantageusement remplacée
par l'attelle commissurale du premier espace.
Ils permettent tous la station debout, soit en les munissant au moment voulu d'une talonnette ou
d'une semelle de marche, soit en laissant le pied libre, à l'aide de cannes anglaises. Ainsi sont
évitées, aux malades porteurs d'un plâtre pelvipédieux ou cruropédieux, les longues immobilisations
au lit, et est réalisée une sollicitation mécanique du squelette et des muscles (dynamisation)
bénéfique pour la guérison des lésions. La réalisation de ces appareils plâtrés nécessite souvent la
présence d'un aide. Ils sont effectués en décubitus dorsal ou jambe pendante. La position de fonction
du membre inférieur est genou à 10° de flexion et cheville à angle droit sans désaxation de l'arrière-
pied. Il ne faut pas oublier la prescription systématique d'une prophylaxie antithrombotique.
Il immobilise le bassin et la totalité du membre inférieur allant des dernières côtes et prenant
également le pied, assurant ainsi un meilleur confort et évitant les points de compression du rebord
du plâtre sur le tendon d'Achille.
- Mettre le jersey de la base du thorax jusqu'à la partie supérieure des cuisses, en n'oubliant pas de
préparer la fenêtre épigastrique, le « garde-manger » (pelote placée dans la région épigastrique et
ôtée à la fin du plâtre). Protéger le périnée avec du sparadrap pendant la confection.
- Enfiler le jersey au membre inférieur, en faisant chevaucher les deux jerseys. Ne pas oublier de
matelasser les points d'appui.
- Placer le patient sur la table avec le pelvisupport.
- Dérouler les bandes en modelant les crêtes iliaques, le pubis, les grands trochanters, les saillies du
genou et les malléoles. L'immobilisation du membre inférieur reprend les critères déjà cités.
- Renforcer, par des attelles (5 à 6 épaisseurs de bandes de 15 cm de large), les faces antérieures et
latérales, partant des épines iliaques et finissant au-dessous du genou, ainsi que l'articulation entre
les deux parties du plâtre par une attelle cravatant le sommet de la cuisse.
- Il est encore utilisé chez le jeune enfant, exceptionnellement chez l'adulte, après chirurgie de la
hanche, fracture du cotyle, dans les atteintes infectieuses de la hanche et aussi du fémur.
Autres versions
- Le bermuda plâtré (fig 10) est un pelvipédieux allégé qui s'arrête au-dessus du genou, de façon à
permettre la flexion de celui-ci. Il peut être utilisé en relais d'un plâtre pelvipédieux, pour des lésions
traumatiques ou dystrophiques de la hanche chez l'enfant. Certains traitent de la sorte les fractures
engrenées en coxa valga du vieillard.
- Le plâtre pelvibicruropédieux ou plâtre pelvipédieux + bermuda controlatéral est un appareil très
lourd, imposant le décubitus. Il est nécessaire lorsqu'il faut immobiliser la hanche lésée en forte
abduction, ou, chez le petit enfant, afin de bien bloquer le bassin dans la prise en charge des
luxations congénitales de hanche.
C'est un des plâtres, avec le plâtre brachioantébrachial et la botte plâtrée, les plus fréquemment
confectionnés. Le membre inférieur est immobilisé en position de fonction réalisée avec un support à
genou placé dans le creux poplité ou une tierce personne qui permet de mieux régler et maintenir la
légère flexion du genou (5-10°) et la position du pied à angle droit. Le patient est en décubitus dorsal,
fesse homolatérale surélevée par un coussin qui corrige la rotation externe automatique du membre
inférieur et surélève celui-ci.
Ses indications sont nombreuses et concernent tous les âges : immobilisation postopératoire après
intervention pour lésions osseuses, tendineuses, articulaires du membre inférieur, traitement
orthopédique des fractures de jambe, du cou-de-pied, parfois même du tarse postérieur, etc. Ce long
plâtre bloquant le genou et la tibiotarsienne, remontant haut à la racine de la cuisse, en place 3 mois
dans le traitement classique, selon Böhler, des fractures de jambe [1], même muni d'une semelle de
marche, est indiscutablement inconfortable, en particulier pour les personnes âgées ; il est aussi
responsable de raideur, de troubles trophiques et d'amyotrophie.
Sarmiento a introduit, en 1967, un nouveau concept de traitement des fractures de jambe basé sur
trois principes :
Son appareil est appliqué entre le 12e et le 15e jour après le traumatisme. Il comporte :
- une emboîture supérieure inspirée de celle des prothèses d'amputation de jambe (Patellar tendon
bearing prosthesis : PTB) comportant une sorte de bouclier antérieur remontant à trois travers de
doigts au-dessus du bord supérieur de la rotule, moulé sur le tendon rotulien, prolongé par des
ailettes latérales antirotatoires appliquées sur les joues condyliennes et laissant totalement libre le
creux poplité. Ainsi est obtenue une liberté articulaire tout en préservant la stabilité rotatoire ;
- le manchon plâtré, proprement dit, appliqué à contact étroit sur la jambe et moulé sur les tubérosités
tibiales et la face interne de l'os. Ce contact « total étroit » transforme le segment jambier, selon la
théorie de Sarmiento et en raison de la nature inextensible des aponévroses jambières enveloppant
les muscles, en un système indéformable et incompressible qui « encapsule », stabilise la fracture et
s'oppose aux angulations et au raccourcissement (fig 13) ;
- la partie distale :
- soit s'arrête au cou de pied en venant s'appuyer sur les malléoles, les rebords antérieur et
postérieur étant échancrés pour permettre les mouvements du cou de pied. Une articulation en
plastique munie d'une coque talonnière est fixée sur cette extrémité ; elle permet le port d'une
chaussure. C'est le functional brace proprement dit ;
- soit le cou de pied et le pied sont pris dans le plâtre, l'ensemble étant muni d'une semelle ou d'une
talonnette de marche. C'est la botte de Sarmiento.
L'appareil peut être également réalisé en plastique thermomalléable plus léger et plus confortable. Le
plâtre de Delbet (fig 14) est considéré comme le précurseur de l'appareil de Sarmiento. Ces mêmes
principes de traitement ont été étendus par Sarmiento aux fractures de la diaphyse humérale qui
représentent un bon terrain d'application. Pour le fémur et les deux os de l'avant-bras, en revanche,
cet auteur a trouvé peu d'adeptes.
Sa réalisation est identique à celle d'un plâtre cruropédieux qui s'arrêterait au niveau des deux
malléoles. Il immobilise le genou et permet la mobilité tibiotarsienne en flexion-extension. Deux
méthodes sont possibles pour mouler le plâtre au niveau des saillies malléolaires :
- poser la bande au ras des malléoles et modeler avec la paume de la main celles-ci ;
- effectuer un rembourrage, telle une « patte d'éléphant », sur les reliefs malléolaires avec de la ouate
orthopédique, faire le cruropédieux puis le découper en avant et en arrière de la tibiotarsienne. Cette
découpe, respectant le recouvrement malléolaire, permet le jeu normal de la flexion et de l'extension
de la tibiotarsienne.
Bien mouler le plâtre sur le bord supérieur de la rotule, le tendon rotulien, les condyles fémoraux et
les deux malléoles, afin d'éviter à l'appareil de glisser.
Ce plâtre était utilisé pour les atteintes osseuses ou ligamentaires du genou. En traitement d'attente
ou en période postopératoire, il est souvent remplacé par des attelles amovibles type Zimmer®, ou
par une simple attelle plâtrée postérieure.
Variantes
- Le plâtre cruromalléolaire ou cruromalléolaire articulé était utilisé pour la dynamisation des fractures
de la moitié inférieure du fémur et pour celles de l'extrémité supérieure du tibia, mais aussi dans les
entorses du genou. À l'instar de la gaine plâtrée, il est remplacé à l'heure actuelle par des appareils
manufacturés.
- La genouillère plâtrée, allant de mi-cuisse à mi-jambe : nous nous contentons de la mentionner car
elle est peu utilisée ; elle immobilise mal et est inconfortable car elle a tendance à glisser.
Elle immobilise la cheville et les os du tarse. Elle débute sous le genou et va jusqu'aux orteils. Elle est
réalisée jambe pendante, le pied à 90°, l'opérateur pouvant faire reposer les orteils sur son genou.
Une alternative est la réalisation de cette botte, le malade en décubitus, le genou sur un support à
genou, le pied étant maintenu à angle droit par une tierce personne.
- Débuter le plâtre au niveau de la tubérosité tibiale antérieure. En arrière, dégager le creux poplité
afin d'autoriser 90° de flexion du genou. En latéral, recouvrir la tête du péroné et ne pas passer au
ras du col de cet os en raison du risque de compression du nerf sciatique poplité externe.
- Renforcer la botte par la pose d'une attelle plâtrée postérieure.
- Terminer le plâtre, au minimum, au niveau de la racine des orteils, ou mieux réaliser une semelle
plantaire sur laquelle ceux-ci reposent.
Le cas échéant, mettre une talonnette dont la place, importante, est dans le prolongement de l'axe du
tibia. L'appui ne sera autorisé qu'après 48 heures de séchage. Il est souhaitable de compenser
l'inégalité de la longueur des membres inférieurs au niveau de la chaussure controlatérale.
Cette botte est largement utilisée dans les traumatismes de la tibiotarsienne et du pied, et également
dans la chirurgie réparatrice. Elle peut comporter une chambre talonnière comme l'a proposé Graffin
pour les fractures du calcanéus. En cas de rupture du tendon d'Achille, la cheville est immobilisée en
flexion plantaire maximale.
Chausson plâtré
Il peut être utilisé dans la chirurgie de l'avant-pied pour permettre un moulage à la marche. En réalité,
il est inconfortable en raison de son bord supérieur agressif pour le pourtour du cou de pied et le
tendon d'Achille. Il vaut mieux se contenter d'une simple attelle plâtrée postérieure ou si nécessaire
confectionner une botte plâtrée plus efficace et plus confortable.
Appareils du rachis
Nous n'évoquerons pas les plâtres de réduction pour scoliose type EDF®, ni les contentions en
matériel synthétique des scolioses qui font l'objet d'une description détaillée dans un fascicule traitant
de ce sujet.
Elle immobilise le rachis cervical. Le menton, les lobes des oreilles et les tubérosités occipitales en
sont les limites supérieures ; les dernières côtes les limites inférieures. La position de la tête est en
inclinaison et rotation nulle et en rectitude ou en discrète antéflexion (10 à 20°), sauf indication
spécifique. Elle est réalisée patient assis sur un tabouret, les mains reposant sur les genoux et le
tronc étant redressé. La tête est maintenue en exerçant une légère traction :
- soit par un étrier de Gardner accroché à une poulie ou tenu par un aide pendant la confection du
plâtre, étrier qui sera ôté une fois le plâtre dur ;
- soit par une tierce personne qui maintient la tête en corrigeant les rotations ou inclinaisons.
Elle peut être aussi réalisée en décubitus dorsal, la traction étant nécessaire.
Faire attention à l'hypotension orthostatique, ou au malaise vagal fréquent chez les patients alités
quelques jours avant la confection de la minerve.
- Passer le jersey autour de la tête et du cou et l'unir à celui du corset, trouer le jersey au niveau du
nez et des yeux. Les points à éviter de comprimer sont soigneusement capitonnés par du feutre, en
particulier l'axe trachéal.
- Débuter le plâtre en entourant le rachis cervical d'une bande sans serrer, puis confectionner la
partie thoracique.
- Mettre des attelles : antérieures du menton à l'appendice xiphoïde, postérieures des tubérosités
occipitales à D8, croisées autour du cou et latérales recouvrant les épaules. Passer les dernières
bandes après avoir retourné les extrémités des jerseys, et ajuster le jersey au niveau de la tête.
- Modeler la nuque, les appuis mandibulaires et sous-mentonniers, la partie interscapulaire et le
manubrium sternal.
- Bien libérer les oreilles et autoriser une petite ouverture buccale. Si besoin, en cas de compression
ou de gêne à la déglutition, pratiquer une fenêtre en regard la glotte saillante. De même, libérer les
aisselles et les articulations acromioclaviculaires afin d'autoriser l'abduction des épaules.
Cette minerve est indiquée dans les cas de fractures de la colonne cervicale non déplacée et relevant
d'un traitement orthopédique. Dans le cas de fractures du rachis cervical haut, un appui (ou bandeau)
frontal est rajouté à l'appareil, qui est placé au ras des sourcils et qui a l'avantage de libérer le
mention rendant ainsi l'appareil plus confortable
Variantes
- Le haut de col : ce plâtre qui reprenait la partie haute de la minerve plâtrée, était utilisé dans les
suites d'interventions du rachis cervical et dans les traumatismes ligamentaires. Il est remplacé par le
collier de Schanz.
Cet appareil permet la contention de la charnière dorsolombaire et du rachis lombaire, et est basé sur
trois points d'appui, à savoir, le manubrium, le pubis et la charnière dorsolombaire (fig 18). Ces
limites sont, en haut, le manubrium sternal et D5 - D6 et, en bas, le pubis et le sacrum.
Classiquement, il est réalisé en décubitus dorsal (fig 19), la région sacrée et le sommet des épaules
reposant sur deux tables, une sangle, passée en regard du niveau lésé, étant reliée à une poulie
fixée au plafond (actuellement nous utilisons une table type Cotrel®). Si une réduction est inutile, le
patient est plâtré debout en lordose lombaire, se maintenant sur deux aides ou s'aidant de deux
manches à balai. Dans le cadre d'une lésion fraîche, cet appareil n'est à exécuter qu'après la reprise
du transit intestinal.
- Bien modeler les crêtes, les appuis supérieurs (manubrium et colonne dorsale haute) et inférieurs
(sacré et pubien). Dégager les creux axillaires ainsi que les plis inguinaux pour permettre la flexion de
hanche à 90°.
- Enlever la sangle et faire les finitions, en particulier découper la fenêtre épigastrique.
Il faut conseiller au patient de fractionner ses repas et d'éviter les prises alimentaires trop
importantes. En cas de gêne gastrique, a fortiori de vomissements, il ne faut pas hésiter à ôter
l'appareil. Ces corsets sont indiqués dans les réductions de certaines fractures du rachis dorsal
inférieur ou du rachis lombaire. Au bout de 6 semaines de corset en plâtre, celui-ci peut être changé
par un corset en résine, amovible.
Variantes
- Le lombostat plâtré : utilisé dans la chirurgie du rachis lombaire, ou dans le traitement des
lombalgies, il est remplacé par le lombostat en coutil baleiné manufacturé.
Haut de page
Nouveaux matériaux synthétiques
Généralités
Depuis les années 1970, les immobilisations orthopédiques peuvent être réalisées avec des
matériaux synthétiques, alternative à l'utilisation du plâtre. Ceux-ci nécessitent une gestuelle de pose
particulière et des indications précises et sélectionnées.
Utilisées dans les immobilisations et les contentions, elles sont constituées d'un support synthétique
de fibres tissées (surtout de fibres de verre, ou de polyester et/ou de Nylon®), imprégnées d'une
résine de polyuréthanne qui polymérise dans l'eau. Les bandes plâtrées gardent, dans la majorité des
indications, notre préférence pour les immobilisations de première intention en urgence. Les bandes
de résine sont alors souvent utilisées en relais d'une immobilisation plâtrée.
Préparation
Elle est identique à celle employée lors de la mise en place d'un appareil plâtré. Le jersey tubulaire
est soit en coton, soit en polypropylène hydrofuge (matériel qui peut entraîner une importante
transpiration). Il est appliqué en respectant les mêmes consignes que pour un plâtre. Il est recouvert
par une ouate orthopédique synthétique de capitonnage. Les bandes de résine sont préparées et
sorties de leur sachet de protection, juste avant leur utilisation, sinon elles polymérisent au contact de
l'humidité de l'air. Les mains de l'applicateur sont protégées par des gants en latex.
Avant l'application de ces bandes, la position du membre est définie selon les mêmes critères qu'un
plâtre standard. Elle ne doit en aucun cas être modifiée, au risque d'induire un pli de flexion, source
d'escarre.
Immersion et application
Les bandes de résine sorties de leur sachet sont immergées dans l'eau à température ambiante ou
légèrement tiède, jusqu'à disparition des bulles, en ayant pris soin de repérer le début de la bande.
L'eau chaude est déconseillée accélérant la polymérisation de ces bandes et rendant difficile la
confection de l'appareil. Il en est de même de l'essorage des bandes. Non ou peu essorées, elles
sont appliquées à plat en épousant l'anatomie, sans serrer et en prenant soin de ne former aucun pli.
Chaque bande est déroulée en recouvrant le tour de bande précédant de la moitié de la largeur de
celle-ci (voire des deux-tiers si on désire une rigidité supérieure). Le jersey est retourné aux
extrémités après la première bande afin d'éviter que l'arête de résine ne soit contondante pour la
peau. Ces bandes polymérisent rapidement après leur trempage et doivent être appliquées dans les
5 minutes. La résine acquiert sa dureté maximale en 30 à 60 minutes. Il faut éviter toute
superposition importante de ces bandes, car des zones imperméables seraient créées, sources de
complications cutanées. Les fabricants recommandent quatre à cinq couches de résine, soit un aller-
retour, si la technique de pose est correcte.
Les bandes peuvent être appliquées différemment, sans trempage préalable, plus ou moins
associées à un arrosage au vaporisateur ou à un emballage de l'appareil par un linge mouillé (ce qui
permet un bon moulage sur de grands appareils tels corset, minerve, etc.).
Le modelage de ces bandes synthétiques se fait dans les mêmes conditions que celui des bandes
plâtrées.. Elles ne requièrent ni lissage, ni ouverture secondaire de l'appareil.
Ablation
Elle se fait à l'aide d'une scie oscillante à plâtre avec une lame spéciale en acier trempé ou en
carbure de tungstène, avec une cisaille à cliquet ou à l'azote. L'appareil est découpé en bivalves puis
retiré. Il faut être attentif :
- aux brûlures possibles par échauffement de la lame : procéder par petites touches ;
- aux projections de particules de fibres de verre, surtout au niveau oculaire.
- Radiotransparence qui permet une surveillance radiologique plus aisée des segments osseux sans
ablation de l'appareil.
- Aspect psychologique sur une clientèle exigeante demandant fréquemment l'emploi de ce matériau
moderne, hydrophobe et coloré (17 coloris sont proposés par certains laboratoires).
- Possibilité de séchage au sèche-cheveux (en position minimale), en cas de contact accidentel avec
de l'eau. En cas d'immersion complète, le séchage parfait de la résine est effectif après 30 minutes
de sèche-cheveux. Il vaut mieux éviter de mouiller l'appareil de façon régulière ou prolongée.
Indications
Matériaux thermomalléables
D'autres matériaux sont disponibles sur le marché, quand on désire conserver l'avantage de la
légèreté de ces produits tout en gagnant la possibilité de retouche ultérieure d'une immobilisation.
- plaques de 1,6 à 4,5 mm d'épaisseur, munies ou non de perforations de taille et densité différentes,
utilisées dans la confection d'orthèses et permettant la fixation des systèmes mécaniques de celles-
ci, par exemple : Adhesplint® (Adhésia), Orfit® (Adhésia), San-Plint® (simple, XR, Poly-form,
Synergy) (Smith and Nephew-), Aquaplast® (Smith and Nephew), etc ; à part, les plaques de
Fractomed® (Adhésia) de 7 à 12 mm d'épaisseur utilisées dans la fabrication des corsets pour
déformations du rachis ou d'attelles prémoulées de membres supérieurs ou inférieurs ;
- bandes aux mailles plus lâches que les bandes de résine, par exemple : X-Lite® (Adhésia), San-
Lite® (Smith and Nephew), Plast-O-Fit® (Gibaud).
Ces matériaux ont l'avantage de pouvoir être directement moulés sur le patient sans moulage
préalable. Ils sont utilisés également pour les immobilisations mais surtout dans la confection du petit
appareillage. Légers, radiotransparents, très bien tolérés au niveau cutané, ils sont rigides au-
dessous de 40 °C et peuvent être travaillés au-delà de cette température. Ils se ramollissent dans
l'eau chaude entre 55 et 80 °C selon les matériaux, ou à la vapeur d'eau. Des retouches locales sont
effectuées avec un sèche-cheveux, un générateur de vapeur d'eau ou grâce à un trempage local
dans l'eau chaude.
Il existe plusieurs groupes de tels matériaux : les transpolyisoprènes, les copolymères de polyesters,
le polycaprolactone et le polyvinyle à l'alcool.
Chaque produit possède des caractéristiques spécifiques tels la mémoire élastique, l'auto-adhérence,
le changement de couleur et de texture lors de l'échauffement, la malléabilité lors de la confection de
l'appareil, la rapidité de son ramollissement et de son refroidissement, la solidité et l'entretien plus ou
moins aisé de l'appareil terminé. Les différentes marques commerciales font état des avantages et
des inconvénients propres à leur produit : à l'utilisateur de choisir le matériau le mieux adapté à sa
pratique et à ses besoins.
Utilisés dans le grand appareillage, ils nécessitent un moulage préalable. Souples, semi-rigides ou
rigides, ces matériaux se travaillent entre respectivement 130 et 140 °C, et 140 et 240 °C. Nous
citons pour mémoire de manière non exhaustive les principales classes : polyéthylène,
polypropylène, copolymère (méthacrylates, acétabulate de cellulose), copolymère acrylonitrile de
méthacrylate de méthyle (PMMA), verre acrylique, etc.
Mousses expansées
Références Bibliographiques
[1] Böhler L. Techniques du traitement des fractures. Wien : W Mandrich, 1953
[2] Borgi R, Butel J. Manuel du traitement orthopédique des fractures des membres et des
ceintures. Paris : Masson, 1981
[3] Fiches techniques d'immobilisations plâtrées : Laboratoires Fish - Smith and Nephew, Vibraye,
1972
[4] Kempf I, Graf H, Lafforgue D, Francois JM, Anceau H Traitement orthopédique des fractures de
jambe selon la méthode de Sarmiento. Rev Chir Orthop 1980 ; 66 : 373-381
[5] Sarmiento A A functional bracing of tibial and femoral shaft fractures. Clin Orthop 1972 ; 82 : 2-
13
[6] Sarmiento A, Latta LL. Closed functional treatment of fractures. Berlin : Springer-Verlag, 1981
[7] Watson-Jones R. Fractures and joint injuries. Edinburg : Churchill Livingstone, 1955
Tableaux
Tableau I.
Partie antérieure du
Partie postérieure du corps
corps
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4
Fig. 5
Plâtre thoracobrachial.
Fig. 6
Plâtre brachioantébrachial : le plâtre recouvre les têtes métacarpiennes, en dorsal, et s'arrête au pli de flexion proximal de
la main, en palmaire.
Fig. 7
Manchette plâtrée : les limites inférieures sont les mêmes que celles du plâtre brachioantébrachial.
Fig. 8
Manchette scaphoïde : la colonne du pouce est immobilisée en abduction et opposition, articulation interphalangienne
non comprise.
Fig. 9
Fig. 10
Bermuda plâtré.
Fig. 11
Plâtre cruropédieux.
Fig. 12
L'appareil de Sarmiento (functional below the knee brace). 1. Joue condylienne ; 2. bouclier antérieur moulé sur le tendon
rotulien ; 3. manchon plâtré ; 4. semelle avec coque talonnière articulée.
Fig. 13
Fig. 14
Plâtre de Delbet.
Fig. 15
Fig. 16
Fig. 17
Minerve plâtrée.
Fig. 18
Fig. 19
Réalisation du corset selon « Böhler » sur table de réduction, avec traction verticale par bande placée au niveau de la
fracture à réduire et contre-traction axiale par mentonnière et bandes placées sur les crêtes iliaques.
Plan
Membre inférieur
Membre supérieur
Rachis
Haut de page
Membre inférieur
Les tractions et les suspensions sont le plus souvent utilisées comme traitement d'attente ou comme
thérapeutique complémentaire postopératoire des fractures des membres inférieurs. Leur utilisation
comme thérapeutique exclusive d'une fracture devient en revanche moins habituelle et concerne
essentiellement les fractures du cotyle.
Règles générales
Traitement temporaire
Dans ces cas, la traction est l'élément essentiel s'opposant à la contracture musculaire algique. Pour
une fracture du col fémoral, la méthode usuelle est représentée par la traction par bande adhérente.
Mais, dès que la traction dépasse une certaine durée (24 heures) ou une certaine force (2 kg), la
traction cutanée par adhésif se révèle insuffisante, voire mal tolérée, et il faut recourir à une traction
par broche transosseuse.
On confie à la traction le rôle de réduire et de maintenir la fracture. La traction est forte, exigeant
l'utilisation d'une grosse broche transosseuse, voire d'un clou de Steinmann dont le diamètre
important répartit mieux les contraintes et qui peut donc être remarquablement toléré pendant plus de
2 mois.
Cette réduction par traction nécessite habituellement un contrôle de la rotation autour de l'axe du
membre et donc un double système d'étriers perpendiculaires (par exemple attelle de Merle assurant
la traction et étrier de Kirschner contrôlant la rotation).
Quant aux fractures des plateaux tibiaux, voire les fractures supracondyliennes, elles peuvent de
surcroît bénéficier de la traction-mobilisation par arthromoteur.
Traitements postopératoires
Parfois, la traction est utile : fracture comminutive du cotyle (où l'ostéosynthèse reste fragile). Une
broche est donc indiquée.
Ailleurs, c'est la mobilisation-surélévation qui est l'essentiel (fracture des plateaux tibiaux opérée) : on
recherche une mobilisation douce sans effort, et une surélévation du membre.
S'il n'est pas indiqué de mobiliser le membre, mais seulement de le positionner, l'utilisation d'un lit
orthopédique articulé est aussi efficace et plus confortable qu'une suspension.
Impératifs techniques
Broche ou clou ?
La tolérance de la broche sera bonne si elle n'est pas l'objet d'une infection. Ceci exige une mise en
place aseptique, mais surtout une absence totale de tension de la broche sur les parties molles et
notamment la peau, sinon celle-ci se nécrose, ouvrant la porte à l'infection. Une nécrose cutanée,
voire osseuse, peut aussi se produire si la traction est très forte : mieux vaut alors préférer un gros
clou de Steinmann à la broche. Pour éviter toute nécrose thermique, il faut en outre que la broche
soit mise au moteur tournant très lentement, évitant tout échauffement.
Il est nécessaire, surtout dans les traitements complets par traction-suspension, de contrôler la
rotation axiale par l'utilisation de deux étriers perpendiculaires, l'un assurant la traction et le varus-
valgus, l'autre réglant la rotation.
Le pied tend à tomber en équinisme, bientôt fixé par la rétraction des jumeaux et de la capsule
talocrurale (tibioastragalienne) : une planchette antiéquin risque d'être soit inefficace, soit
traumatisante au niveau des coussinets métatarsophalangiens, avec escarre s'installant à bas bruit.
Est préférable une traction en flexion dorsale de la cheville, très douce (500 g ou moins), mais
permanente, assurée par une chaussette collée.
- que le corps du malade fasse contrepoids et s'oppose à la traction ; la pesanteur doit donc entraîner
le tronc vers la tête du lit ; de plus, la suspension ne doit pas s'opposer à la traction ;
- qu'il n'y ait aucune butée neutralisant la traction : blocage de l'attelle ou d'un noeud sur une poulie,
poids reposant sur les montants du lit ou sur le sol...
Traction-suspension transtibiale
- la traction « temporaire » par broche transtibiale : ce type de traction est le plus fréquemment utilisé,
notamment lorsque la traction doit être modérée (3 à 5 kg) et de durée limitée (aux environs de 3
semaines) ; parmi ses indications les plus habituelles, on rencontre le traitement d'attente d'une
fracture qu'on ne peut pas opérer d'emblée (cervicotrochantérienne, voire diaphyse fémorale) et la
protection d'une ostéosynthèse d'une fracture comminutive du cotyle ;
- le traitement « complet » par traction (clou transtibial) d'une fracture du cotyle.
Matériel nécessaire
- Étrier de Kirschner.
- Attelle en U de Merle d'Aubigné.
- Deux serres-broches pouvant coulisser sur la broche.
- Deux cavaliers.
- Gants stériles.
- Matériel à anesthésie locale.
- Bistouri à pointe fine no 15.
- Moteur à rotation lente et guide-broche.
- Le membre inférieur est allongé, le bord interne du pied maintenu perpendiculaire au pied du lit par
un aide. L'autre membre est en abduction.
- Désinfection de la face antérieure du genou et de l'épiphyse tibiale. Mise en place d'un champ
troué.
- Repérage du point d'entrée de la broche situé à environ 3 cm en arrière de la saillie de la tubérosité
antérieure du tibia et à 4 cm au-dessous de l'interligne articulaire (qui correspond à la pointe de la
rotule). On infiltre successivement à la Xylocaïne® la peau, le muscle tibial antérieur, le périoste.
- Ponction cutanée au bistouri. La broche est enfoncée à la main jusqu'au périoste.
- Perforation osseuse au moteur à rotation lente.
- Lorsqu'on voit saillir la broche sous la peau interne, on ponctionne celle-ci au bistouri, après
infiltration à la Xylocaïne®.
- Il est essentiel que la peau ne tende pas, sinon on doit l'inciser (voire les tissus sous-jacents) au
bistouri, sur le billot formé par la broche.
- une attelle en U, sur laquelle repose la jambe, notamment maintenue par un hamac de jersey ; c'est
par cette attelle que s'effectue la traction axiale ;
- un étrier de Kirschner, qui tend la broche, permet la suspension, et le contrôle de la rotation du
membre.
- la broche est passée dans les orifices de l'attelle, de façon que son axe corresponde avec celui de
la jambe et que la base du U dépasse le talon d'au moins 5 cm ;
- les deux serre-broches sont enfilés sur la broche ;
- les deux cavaliers sont placés sur les mors de l'étrier de Kirschner, les tétons sont enfoncés dans
les trous de l'attelle, en général deux trous au-dessous de la broche ;
- l'ouverture de l'étrier est réglée pour qu'il existe 1 à 2 cm entre l'étrier et la peau de la jambe, à leurs
points les plus rapprochés ;
- on visse alors les serre-broches, on tord l'extrémité de la broche et on la coupe à 2 cm de la sortie
du papillon ;
- on tend l'étrier de Kirschner au maximum.
Contre-traction
La traction est vouée à l'inefficacité si l'installation du malade ne lui évite pas d'être progressivement
entraîné vers le bas du lit par les poids. On doit donc pour créer une contre-traction :
- la troisième à la tête du lit qui permet la réflexion des précédentes : elle éloigne les poids des
montants du lit.
Un jersey est enfilé sur l'attelle en U. Il réalise un hamac où s'appuie le mollet, au-dessus du tendon
d'Achille.
Une chaussette de jersey maintient le pied en rectitude grâce à un poids de 500 g. Elle est
solidarisée à l'attelle.
Une traction de 3 kg et une suspension égale sont en général suffisantes. Les poids de suspension
devront être augmentés jusqu'à ce que l'on puisse passer la main entre le plan du lit et le creux
poplité.
Matériel
Il est en général plus aisé de mettre d'abord en place l'attelle de Merle d'Aubigné, puis l'étrier de
Rieunau. Par son élasticité, l'attelle vient en général s'appliquer à la face interne des mors de l'étrier
de Rieunau.
Installation au lit
Pour que la traction se fasse selon le plan d'ouverture du cotyle, la hanche doit être en abduction de
10 à 15°. Ceci peut être obtenu par la mise en place d'une traction tirant en dehors de l'axe du lit
(utilisant des barres transversales plus longues). Cependant, la seule traction axiale suffit souvent à
faire basculer le bassin autour de la charnière lombosacrée et à entraîner une abduction suffisante.
La traction doit être souvent forte (1/10e du poids du corps initialement, puis diminuant
progressivement vers 3 kg en fonction des radiographies de contrôle) : elle nécessite donc une
surélévation importante des pieds du lit.
Il faut éviter de trop lever le dossier du lit car ceci crée un flexum de hanche qui risque de devenir
assez rapidement difficile à récupérer par la rééducation.
L'excellente tolérance du clou de Steinmann peut permettre de maintenir cette traction pendant plus
de 2 mois.
Les tractions transcondyliennes évitent de solliciter les ligaments du genou mais elles entraînent, dès
qu'elles sont un peu distales, un risque important d'adhérence du plan capsulaire aux joues
condyliennes, limitant la flexion, et aussi un risque septique en traversant les récessus synoviaux
latérocondyliens. Il s'agit donc d'un procédé qui ne peut être que temporaire (peropératoire par
exemple) ou lié à une contre-indication de la traction tibiale. Le clou de Steinmann est enfoncé de
dedans en dehors, 5 cm en arrière du plan antérieur de la rotule, au niveau des tubercules latéraux
des condyles ou légèrement au-dessus. À signaler, l'utilisation de cette traction, pour ménager
l'articulation du genou, dans les distractions fortes nécessitées par la chirurgie rachidienne (traction
halofémorale pour scoliose).
- il n'y a pas de rotation anormale de l'extrémité distale du membre (modifier la position de la poulie
de suspension) ;
- le pied ne tombe pas en équin ;
- le genou est légèrement fléchi (on passe la main sous le creux poplité) ;
- il n'y a pas de flexum de hanche important (le dossier n'est pas trop relevé) ;
Dans certaines fractures opérées, notamment les fractures articulaires (sus- et intercondyliennes du
fémur, plateaux tibiaux), il est intéressant que le blessé puisse rééduquer précocement son genou,
soit passivement, soit activement : la suspension permet de mettre le membre inférieur en «
apesanteur » et favorise cette rééducation. De plus, la survélévation est un élément favorable de lutte
contre les troubles trophiques.
Nous utilisons un hamac de suspension comportant une attelle jambière et une attelle crurale,
articulé au niveau du genou, et suspendu à ce niveau (5 kg environ) ainsi qu'au niveau du pied (3 kg
environ). Ce dispositif peut être complété par une poignée de traction tirant sur l'arceau supérieur et
permettant au patient de s'aider pour les mouvements de flexion (fig 5).
- ne réalise aucune traction : il n'y a donc pas à incliner le lit, ni à utiliser une poulie en bout de lit qui
empêcherait l'ascension de l'attelle jambière ;
- ne permet pas de s'opposer à la rotation externe du segment sous-jacent à une fracture, comme le
font les dispositifs de traction-suspension précédemment décrits.
Il ne s'applique donc qu'aux fractures déjà opérées, où la rigidité de l'ostéosynthèse contrôle les
rotations.
Une alternative intéressante est l'utilisation de l'arthromoteur, qui à la fois surélève le membre et
mobilise le genou.
Le but de cette traction est de réaliser un alignement permettant d'aboutir à une fracture « engluée »,
qu'on peut alors traiter soit selon les méthodes orthopédiques classiques (Boëhler : immobilisation
par plâtre cruropédieux au bout de 3 à 6 semaines, l'appui étant interdit avant consolidation
radiologique), soit selon les principes de contention hydraulique de Sarmiento (constitution au bout
de 10 à 20 jours d'un appareil jambier ajusté, permettant la marche avec appui progressif).
- un contre-appui non traumatisant pour le creux poplité : on utilise des appareils dérivés de l'attelle
de Braun, dont le but se limite à l'installation du membre en flexion, tandis que les forces de traction
s'exercent par l'intermédiaire d'une poulie fixée sur le lit, et celles de contre-traction par le poids du
corps ; l'installation est proche des cas précédents : pieds du lit surélevés pour diminuer l'importance
de l'appui crural ; si la rotule regarde en dehors, traduisant une rotation externe antalgique du
segment sus-jacent, celle-ci peut être corrigée en mettant la cuisse en rotation interne en soulevant la
fesse du côté traumatisé par des alèzes ;
- une détente des gastrocnémiens et des ischiojambiers par la mise en flexion du genou, la jambe
étant horizontale ;
- une traction transcalcanéenne par broche (3 à 5 kg) ; le réglage de l'axe de traction de la chaussette
antiéquin suffit en général à assurer le contrôle de la rotation du segment sous-jacent.
- à condition que la fracture soit accessible à une réduction par traction (c'est-à-dire si les lésions sont
plus le fait de séparation que d'enfoncement central) ;
- s'il existe un risque opératoire important (mauvais état cutané, comminution peu accessible à
l'ostéosynthèse) ;
- et si le patient peut supporter un décubitus dorsal prolongé (ce qui rend cette méthode peu
souhaitable chez le sujet âgé).
En fait, ces conditions sont rarement simultanément rencontrées et l'ostéosynthèse est pour nous le
traitement habituel des fractures des plateaux tibiaux (nous la faisons suivre d'une rééducation en
suspension-mobilisation).
Le membre inférieur est installé sur une attelle motorisée et la traction se fait sur le genou par un clou
transcalcanéen maintenu par un étrier. Une chaussette peut être utile pour contrôler la rotation.
L'arthromoteur est utilisé comme attelle de repos à 45° de flexion du genou, entre les deux ou trois
séances quotidiennes de mobilisation. Celles-ci durent environ 2 heures, débutant de 0 à 45° pour
atteindre 0 à 90° au-delà du dixième jour. Un poids de 3 kg est en général suffisant et la traction est
poursuivie jusqu'à « engluement » de la fracture articulaire, vers la sixième à huitième semaine.
L'appui n'est autorisé qu'au troisième mois.
Comme dans tout traitement par traction, surtout d'une fracture articulaire, la qualité de la réduction
doit être vérifiée radiologiquement.
Haut de page
Membre supérieur
Chez l'adulte, les indications du traitement par traction-suspension sont exceptionnelles : nous n'y
avons recours habituellement ni pour les fractures de l'épaule, ni pour les fractures articulaires du
coude (palette humérale, olécrane, coronoïde) ni pour les fractures diaphysaires de l'avant-bras
(justiciables d'ostéosynthèse ou de traitement orthopédique).
Le traitement temporaire des fractures de la diaphyse humérale (fig 8) peut être réalisé par traction :
- lorsque le traitement orthopédique (par plâtre pendant ou par immobilisation coude au corps), ne
peut être réalisé d'emblée (fractures de côtes empêchant le bandage coude au corps ; lésions
La traction est réalisée par broche transolécranienne introduite de dedans en dehors (pour éviter le
nerf ulnaire) et tendue sur un étrier de Kirschner. Elle s'effectue verticalement dans l'axe du bras. Elle
est modérée : le moignon de l'épaule doit à peine décoller du plan du lit. Il est important de vérifier
radiologiquement que du fait du relâchement musculaire ne se révèle pas au bout de quelques jours
un hiatus interfragmentaire, qui imposerait de diminuer la traction. Quant à l'avant-bras, la solution la
plus confortable est qu'il repose horizontalement sur une attelle de Merle d'Aubigné avec hamac de
jersey.
Cette traction est remplacée par le traitement orthopédique habituel dès que le lever du malade rend
celui-ci possible.
Haut de page
Rachis
Pour le rachis cervical, la traction peut être utilisée dans deux circonstances :
- traitement orthopédique définitif d'une lésion insuffisamment stable pour être traitée par minerve : on
utilise alors le halo ;
- réduction par traction pré- et peropératoire d'une lésion instable ; l'étrier est une alternative
fréquente en raison de sa simplicité d'utilisation.
Le halo crânien présente de nombreux avantages sur les tractions par étrier :
- il réalise une traction très bien tolérée localement, même pour les 3 mois habituellement
nécessaires à la consolidation d'une lésion traumatique ;
- les axes de cette traction sont parfaitement contrôlés : non seulement l'inclinaison latérale est réglée
en tirant plus ou moins sur un côté ou l'autre, mais surtout la traction sur la partie postérieure ou
antérieure de l'anneau permet le réglage de la flexion et de l'extension, essentiels pour obtenir une
réduction satisfaisante ;
- dans certains cas il permet un traitement ambulatoire : associé à un corset thoracique il réalise une
contention plus fiable et plus confortable qu'une minerve.
- que la traction nous paraît devoir être gardée pendant plus de 3 semaines ;
- que les difficultés de la réduction nécessitent un contrôle précis de la flexion-extension.
- Malade en décubitus dorsal, la tête dépassant de la table, soutenue par une planchette de 8 cm de
large (elle passe entre tête et halo, pendant la pose de celui-ci). Les cheveux sont nettoyés avec un
savon antiseptique et le cuir chevelu décontaminé.
- Choix du diamètre du halo, dont le plan est légèrement oblique en haut et en avant pour
correspondre au grand diamètre céphalique et limiter ainsi le risque de dérapage.
- Le halo doit être à 15-20 mm du plan cutané, il est alors maintenu dans cette position par quatre
plaquettes de positionnement qui seront remplacées par des pointeaux. Ils doivent éviter la fosse
temporale (où ils traverseraient l'insertion musculaire et seraient donc mal tolérés) ainsi que la base
de la mastoïde, peu résistante. Les pointeaux antérieurs se trouvent au niveau frontal, au bord
antérieur de la fosse temporale, juste en avant de la racine des cheveux (la cicatrice ultérieure sera
ainsi peu visible, ou assez aisément masquée). Les pointeaux postérieurs se situent en arrière de la
fosse temporale, environ 4 cm au-dessus et 4 cm en arrière du méat auditif externe.
- Les quatre pointeaux sont vissés jusqu'au niveau de la peau et on insensibilise chaque zone
cutanée correspondante par injection d'anesthésique local. Aucune incision cutanée n'est nécessaire.
Les pointeaux sont vissés, puis serrés en croix de Saint-André au tournevis dynamométrique (couple
4 kg/m chez l'adulte, 3 kg/m chez l'enfant). Si le halo est suffisamment serré, sa mobilisation est
indolore et on peut exercer sur lui de fortes tractions sans risque de dérapage.
- On enlève alors les pointeaux et plaquettes « de positionnement » et on serre les contre-écrous de
blocage des pointeaux.
- Systématiquement, au bout de quelques jours, ou si le halo devient douloureux à la mobilisation, on
vérifie au tournevis dynamométrique le couple de serrage des pointeaux.
Le halo peut être utilisé pour des manoeuvres de réduction (accrochage des articulaires) en salle
d'opération. Il sert ensuite à immobiliser le rachis en position de réduction.
Le blessé est installé dans un lit, mis en position déclive ; le dosseret est enlevé, une poulie installée
à la tête du lit ; les épaules du patient sont soulevées par des alèzes, pour éviter que le halo, en
appuyant sur le plan du lit, ne fléchisse le rachis.
Deux rênes antérieures et postérieures relient le halo à la corde de traction et déterminent la position
du rachis : il est d'autant plus fléchi que les rênes postérieures seront courtes et que la poulie est
haut placée.
Des coussins latéraux peuvent limiter la rotation du rachis. La traction est modérée, de l'ordre de 3 à
5 kg, en fonction des clichés radiographiques de profil.
Efficace contention en décubitus, le halo permet aussi une traction peropératoire car il dispose d'une
échancrure dégageant la nuque et permettant une incision médiane, remontant jusqu'au tubercule
occipital.
Pour une meilleure compatibilité avec l'imagerie par résonance magnétique, on a développé des
halos en graphite, titane, nylon et fibres de verre, aluminium. Ceux-ci sont fermés ou ouverts
(réalisant un cerclage incomplet) et toujours associés à des pointeaux en titane. Le positionnement
est le même que celui des pointeaux des halos en acier, mais l'utilisation de matériaux différents
modifie le couple de serrage à appliquer pour obtenir une stabilisation équivalente. Il faut donc
toujours se référer aux préconisations du constructeur.
Si la traction en décubitus peut être remplacée par une contention permettant la position assise ou
debout, le halo représente une solution moins astreignante que la minerve à appui mentonnier, et
réalise une contention plus rigoureuse. On peut utiliser certains dispositifs commercialisés,
solidarisant le halo à un corset ajustable, en matière plastique (fig 11 A).
Nous utilisons parfois une variante aussi confortable et moins onéreuse : sur le patient assis, on
maintient la traction sur le halo par une potence et on réalise un gilet plâtré. Puis quatre oeilletons
sont vissés sur les orifices libres du halo ; quatre tiges métalliques filetées et angulées prennent
appui sur le plâtre et sont vissées dans les oeilletons ; elles assurent alors le maintien de
l'immobilisation cervicale (fig 11 B).
C'est la solution la plus rapide à mettre en oeuvre et elle peut être recommandée notamment pour
des tractions de brève durée (traction pré- ou peropératoire).
L'étrier de Crutchfield ne permet pas de traction supérieure à 10 kg et exige l'utilisation d'une mèche
à butée. On lui préfère donc l'étrier de Gardner-Wells qui se pose sans ancillaire, sans incision
cutanée ni forage osseux, et qui permet une traction dépassant 30 kg.
Il est composé d'un cadre en forme d'ellipse ouverte portant à chaque extrémité un pointeau
ajustable par un pas de vis, et pouvant être bloqué par un contre-écrou.
Un des pointeaux est porteur d'un indicateur dynamométrique qui fait issue de la mollette de serrage
en fonction de la pression exercée sur la pointe.
Il n'existe qu'une seule taille et c'est la longueur des pointeaux qui permet de s'adapter à la
morphologie d'un crâne d'enfant ou d'adulte.
La résistance au dérapage est augmentée par la direction et la forme de l'extrémité du pointeau : elle
est en effet située au-dessous du plan du plus grand diamètre céphalique (fig 12 A).
L'étrier est disposé dans le plan frontal, les pointeaux doivent respecter les muscles et les vaisseaux
temporaux. Leur point de pénétration est généralement situé à la verticale du méat auditif externe, et
1 cm au-dessus de la racine de l'oreille (fig 12 B). Un positionnement plus antérieur accentue
l'extension du rachis, et un positionnement plus postérieur la flexion. Les deux pointeaux doivent être
parfaitement symétriques.
En s'aidant d'une anesthésie locale, ils sont serrés simultanément à la main, jusqu'à obtenir une
saillie de la jauge de pression de 1 mm à l'extérieur de la mollette de serrage.
La mise en place est achevée en basculant l'étrier alternativement en avant et en arrière à plusieurs
reprises.
La traction est transmise par l'intermédiaire du crochet. L'emplacement de l'étrier étant défini, le
réglage de la flexion-extension du rachis ne peut se faire que par la modification de la hauteur des
épaules par rapport à l'axe rachidien. Si nécessaire, le chirurgien peut facilement saisir l'étrier à deux
mains et appliquer des mouvements de rotation dans le cas d'une réduction d'accrochage articulaire.
L'inconvénient de cet étrier est son encombrement transversal qui gêne le décubitus latéral.
Un étrier compatible avec l'imagerie par résonance magnétique a été développé. Il associe un cadre
en graphite et des pointeaux en titane ; sa tenue en traction atteint 30 kg.
Figures
Fig. 1
Les dix éléments de surveillance d'une traction transtibiale. Cette traction-suspension doit être : - efficace : 1. pieds du lit
surélevés ou lit basculé ; 2. poids à distance du sol ; 3. pas de butée sur les poulies ; 4. pas de tractions divergentes ; -
bien orientée : 5. contrôle de la rotation de la jambe ; 6. contrôle de l'équin du pied ; 7. légère flexion du genou ; 8. flexion
de hanche minime ; - bien tolérée : 9. au niveau de la broche+++ ; 10. au niveau du talon et du pied. (pour la clarté du
dessin, hanche et genou ont été représentés ici plus fléchis qu'il n'est souhaitable).
Fig. 2
L'attelle de Boppe, traumatisante par ses contre-appuis poplités et cruraux est déconseillée.
Fig. 3
Traction-suspension par broche transtibiale. A. Mise en place de la broche de Kirschner, de dehors en dedans. B.
Installation de l'attelle en « U » de Merle d'Aubigné, et de l'étrier-tendeur de Kirschner. C. Mise en place du hamac jambier
et de la chaussette antiéquin. D. Installation au lit. E. La disposition de la poulie de traction sur l'étrier permet de régler la
rotation du membre : si cette poulie est déplacée vers le dedans, elle rappelle la jambe en rotation interne.
Fig. 4
Traction par clou de Steinmann : celui-ci tourne librement dans l'étrier de Rieunau, qui maintient en outre l'attelle en « U ».
Fig. 5
Mobilisation en suspension d'une fracture opérée du membre inférieur. Il s'agit d'une simple suspension, sans aucune
traction distale sur le membre inférieur (le lit est donc horizontal). Le patient peut s'aider en tirant sur l'arceau soutenant
le genou.
Fig. 6
Traction transcalcanéenne pour fractures de jambe avec l'attelle de Braun. Le contre-appui est assuré par le poids du
corps, les pieds du lit étant surélevés. Une chaussette de jersey permet, si nécessaire, de contrôler l'équin et la rotation
du pied.
Fig. 7
Traction-mobilisation d'une fracture des plateaux tibiaux. A. Sur cadre de suspension ; B. Sur arthromoteur.
Fig. 8
Fig. 9
Traction cervicale par halo crânien. Noter : - les points d'ancrage des pointeaux, épargnant la fosse temporale, et répartis
selon le grand diamètre du crâne ; - l'utilisation d'un halo échancré, permettant une incision médiane postérieure ; -
l'utilisation de « rênes » antérieures et postérieures, dont le réglage en longueur détermine la flexion-extension.
Fig. 10
Installation en traction au lit par halo. Noter : - le lit en position déclive ; - les alèzes surélevant les épaules ; - le niveau de
la poulie de flexion, réglant la flexion-extension.
Fig. 11
Traction verticale par « halo-minerve ». A. Le halo peut être solidarisé par un système de tiges et biellettes à un corset
ajustable en matière plastique. B. Un dispositif aussi efficace est constitué par un corset plâtré, où viennent prendre appui
quatre tiges contre-coudées et filetées. Celles-ci sont fixées par des écrous dans les anneaux solidaires du halo.
Fig. 12
Étrier de Gardner. A. Vue de face : les pointeaux sont au-dessous du grand diamètre du crâne. Noter la saillie de la jauge
de pression (JP). B. Vue de profil : le point de pénétration est au-dessus du méat auditif externe (1) et en arrière de l'artère
temporale superficielle (2).
Jean-Paul Meyrueis : Ancien professeur du service de santé des armées, président des
commissions « Ostéosynthèse » de la SOFCOT, de l'AFNOR et de l'ISO (TC 150, SC5)
Société ITAC, 68, rue de Metz, 83200 Toulon France
Résumé
Contrairement aux prothèses articulaires, les implants pour ostéosynthèse sont, en principe, destinés
à être retirés secondairement. Leurs propriétés mécaniques, doivent permettre d'obtenir la
stabilisation du foyer de fracture, tout en conservant une certaine malléabilité souvent nécessaire
pour les adapter à la forme de l'os pendant l'intervention.
Les matériaux utilisés doivent être résistants à la fatigue et à la corrosion, biocompatibles, faciles à
usiner et d'un prix de revient modéré.
Les céramiques, inutilisables sous forme massive en raison de leur fragilité, constituent probablement
une solution d'avenir en revêtement d'implants métalliques pour stimuler l'ostéogenèse.
Plan
Matériaux
Biocompatibilité
Propriétés mécaniques
Conclusion
Haut de page
Matériaux
Métaux et alliages
La métallurgie est une science complexe, mais un grand nombre de connaissances qui s'y rapportent
ne présentent pour le chirurgien orthopédiste aucun intérêt pratique. Nous limiterons donc notre
propos aux notions fondamentales susceptibles de l'aider dans ses choix et lectures .
- les propriétés mécaniques nécessaires pour obtenir la stabilisation du foyer de fracture et une
résistance à la fatigue suffisante jusqu'à la consolidation ;
- la biocompatibilité du matériau ;
- la résistance à la corrosion, car les produits de celle-ci sont susceptibles d'entraîner des réactions
toxiques, carcinogéniques ou allergiques, rendant le matériau non biocompatible.
Métaux purs
De nombreux métaux purs ont été utilisés par les chirurgiens au cours de l'histoire.
Alliages
Un alliage est une combinaison de deux éléments ou plus, dont un au moins doit être métallique. Le
développement de la chirurgie orthopédique a amené les fabricants à mettre au point, à tester et à
standardiser des alliages considérés comme biocompatibles, résistants à la corrosion et possédant
les qualités mécaniques nécessaires.
Aciers inoxydables
Les aciers inoxydables sont des alliages dont l'élément principal est le fer.
- Les aciers ferritiques ne contenant pas de nickel ont de grandes qualités mécaniques, mais sont
inutilisables en chirurgie orthopédique en raison de leur faible résistance à la corrosion, et de leur
magnétisme. On les reconnaît facilement car ils sont fortement attirés par les aimants.
- Les aciers austénitiques sont les seuls qui doivent être employés. Ils sont amagnétiques.
La composition des aciers utilisables en orthopédie est précisée dans les normes NF ISO 5832-1 de
mai 1988 (tableau I) et NF ISO 5832-9 d'octobre 1992 (tableau II).
L'acier contenant 0,03 % de carbone, ou 316 L, est actuellement le meilleur acier orthopédique (il en
existe deux nuances définies dans la norme NF ISO 5832-1 de mai 1988).
Les aciers 316 L sont utilisables pour la fabrication d'implants permanents tels que les prothèses, et
également pour la fabrication des implants temporaires tels que le matériel d'ostéosynthèse.
Les caractéristiques mécaniques du 316 L peuvent être renforcées par divers procédés tels que
l'ajout d'azote ou l'écrouissage à froid. La présence d'inclusions dans l'acier inoxydable diminue sa
résistance à la corrosion. Ces inclusions peuvent être réduites par refonte sous vide, ce qui empêche
la contamination atmosphérique et assure une purification complémentaire de l'alliage qui est alors
désigné sous le nom de code 316 LVM (VM : Vacuum reMelt).
Parmi les aciers contenant 0,08 % de carbone figurent les aciers à haute teneur en azote définis
dans la norme NF ISO 5832-9 d'octobre 1992. En revanche, le 316, nuance A de la norme NF S 90-
401 de décembre 1981, ne figure plus dans les nouvelles normes.
Ces alliages ont été adoptés en orthopédie en raison des excellents résultats obtenus dans la
fabrication des prothèses dentaires. Très utilisés pour l'élaboration de prothèses articulaires, les
alliages à base de cobalt perdent beaucoup de terrain dans le domaine de l'ostéosynthèse, en
particulier en Europe, au profit des aciers inoxydables.
Les alliages destinés à être coulés doivent être distingués de ceux qui doivent être forgés.
Alliages coulés
Alliages à forger
Les alliages à forger (Vitallium® forgé, Francobal®, Neutrillium®, etc.) comportent plusieurs variétés :
- l'alliage à forger à base de cobalt, de chrome et de molybdène (NF ISO 5832-12) (tableau III) ;
- l'alliage à forger mis en forme à froid, à base de cobalt, de chrome, de nickel, de molybdène et de
fer (NF ISO 5832-7 de février 1994) ;
- l'alliage à forger « stellite 25 » à base de cobalt, de chrome, de tungstène et de nickel (NF ISO 5832-
5) ;
- l'alliage à forger « MP 35 N » à base de cobalt, de nickel, de chrome et de molybdène (NF ISO 5832-
6). C'est un alliage multiphase, résistant parfaitement à la corrosion, essentiellement utilisé pour les
prothèses articulaires. Il est commercialisé sous le nom de Protasul 10®. Soulignons sa très haute
teneur en nickel ;
- l'alliage à forger à base de cobalt, de nickel, de chrome, de molybdène et de fer (NF ISO 5832-8
d'août 1987).
Alliage Ti 6 AL 4 V
C'est un alliage normalisé (NF ISO 5832-3 d'août 1987) à 6 % d'aluminium et 4 % de vanadium
(tableau IV).
Il se caractérise par un module d'élasticité 2 fois plus faible que celui des aciers inoxydables et des
alliages à base de cobalt, et une excellente biocompatibilité apparente.
Il présente en revanche de mauvaises propriétés de frottement ce qui devrait le faire éliminer des
surfaces articulaires, mais n'a que peu d'incidence dans le domaine de l'ostéosynthèse.
La toxicité du vanadium, à l'état pur, a amené les métallurgistes à proposer d'autres alliages de titane
aux orthopédistes :
- l'alliage de titane à 5 % d'aluminium et 2,5 % de fer (norme ISO 5832-10 de septembre 1993) ;
- l'alliage de titane à 6 % d'aluminium et 7 % de niobium (norme ISO 5832-11) ;
- Ces alliages devraient intéresser davantage le domaine des prothèses articulaires que celui de
l'ostéosynthèse. Leurs caractéristiques mécaniques sont proches de celles de l'alliage Ti 6 Al 4V ;
- l'alliage nickel-titane à mémoire permet de réaliser des implants dont la forme change sous
l'influence de la chaleur. Il a été expérimenté pour des agrafes osseuses qui sont maintenant
disponibles sur le marché.
Nouveaux alliages
D'autres alliages sont en cours d'étude mais n'ont pas été utilisés de façon courante et industrielle
dans le domaine de l'ostéosynthèse.
C'est le cas en particulier de l'alliage nickel-or de Travis et Johnson [36] qui possède d'excellentes
propriétés mais que son prix rend inutilisable.
On désigne sous le terme de corrosion, la destruction d'un matériau provoquée par le milieu avec
lequel il est en contact.
Dans les milieux liquides, les implants chirurgicaux sont exposés à la corrosion aqueuse. Celle-ci va
entraîner une modification de l'aspect des implants ainsi que de leurs propriétés mécaniques
(fragilisation), et libérer des produits de corrosion susceptibles d'avoir une action sur l'organisme.
Pour les aciers inoxydables et les alliages à base de cobalt, l'élément responsable de la passivation
est le chrome, par formation d'oxyde de chrome Cr2O3. Pour les alliages à base de titane, l'élément
responsable est le titane, par formation d'une couche d'oxyde de titane TiO2 qui se produit
spontanément au contact de l'air.
Corrosion galvanique
C'est la corrosion la plus courante. Elle se produit quand deux métaux et alliages différents, plongés
dans une solution saline, sont au contact l'un de l'autre. Un des deux métaux forme une anode et va
être soumis à la corrosion. Ce métal va soit former une couche superficielle de passivation, soit être
rongé. L'autre métal forme une cathode. Il ne sera pas sujet à la corrosion galvanique, nous le
qualifierons de noble par rapport au premier métal.
La série galvanique permet de classer les divers métaux et alliages dans un tableau par ordre de
noblesse décroissante.
Deux métaux ou alliages mis en contact dans une solution saline formeront une pile. La corrosion se
fera aux dépens du métal le moins noble (c'est-à-dire situé en position inférieure dans le tableau). La
corrosion galvanique sera d'autant plus importante que les deux métaux ou alliages seront plus
éloignés l'un de l'autre dans cette classification.
Il est donc essentiel d'éviter l'emploi d'alliages différents au cours d'une ostéosynthèse. Par exemple,
une plaque en acier inoxydable ne doit pas être utilisée avec des vis en alliage chrome cobalt et
inversement. En revanche, l'association de vis et plaques en acier inoxydable de la même nuance
mais provenant de deux fournisseurs différents est tout à fait possible.
Elle est provoquée par des différences de concentration en oxygène dissous. Les zones pauvres en
oxygène se comportent comme des anodes et sont soumises aux phénomènes de corrosion. C'est
ce qui se produit dans les zones difficiles d'accès par exemple sous les têtes de vis et les plaques
lisses. Lors de l'ablation des plaques d'ostéosynthèse, il existe dans la quasi-totalité des cas un
certain degré de corrosion entre plaque et vis et entre plaque et os.
Elle est provoquée par la déformation plastique excessive d'un implant. Le matériau situé dans la
partie de l'implant soumise à cette déformation plastique, va subir un changement de phase et
devenir localement plus sensible à la corrosion. (Il se comporte en fait comme une anode par rapport
au reste de l'implant). Au bout d'un certain temps, une fissure va apparaître à ce niveau et se
propager dans l'implant. Ce phénomène se produit souvent en forçant sur des vis en acier
inoxydable. La vis fissurée va se rompre bien avant d'avoir atteint sa charge de rupture ou sa limite
de fatigue.
Elle est provoquée par la rupture localisée du film de passivation. Les zones où le film de passivation
a été enlevé se comportent comme des anodes par rapport au reste de l'implant et sont donc sujettes
à corrosion.
Cette rupture du film de passivation peut être due à des rayures accidentelles faites par exemple par
des daviers ou des instruments de modelage, lors de la mise en place de l'implant.
Ce phénomène peut expliquer la corrosion que l'on observe avec une grande fréquence dans les
orifices des plaques, en particulier les plaques de type DCP ou équivalent, car le frottement des têtes
de vis dans les orifices ne peut être évité.
La corrosion des alliages de titane, de même que leur usure, entraînent une coloration noire des
tissus environnants . Cela ne préjuge en rien de leur biocompatibilité. La différence essentielle avec
les produits de corrosion des autres alliages est que ceux-ci ont une coloration brunâtre qui se
confond avec les tissus voisins. L'étude des tissus environnant un implant en alliage de titane touché
par la corrosion montre des débris de titane, mais l'absence complète de vanadium et d'aluminium.
Les études animales ont montré que le vanadium est très soluble et rapidement éliminé par les reins,
alors que le titane, insoluble, reste dans les tissus. L'aluminium est relativement soluble et peut être
Polymères biorésorbables
L'ablation du matériel d'ostéosynthèse nécessite une deuxième opération avec tous ses
inconvénients. Laisser en place le matériel métallique ne constitue pas une solution acceptable, sauf
chez le vieillard, en raison des risques de fracture en bout d'implant, de corrosion et de cancérisation
tardive.
L'idée d'un matériau qui se dégraderait avec le temps et finirait par disparaître est séduisante et
ancienne.
Durant ces deux dernières décennies, divers polymères biorésorbables synthétiques ont été étudiés
comme matériaux de fixation interne pour les fractures et ostéotomies [16].
Rappelons que d'après la classification de Vert [40], un polymère est biodégradable quand, dans le
milieu biologique, il y a destruction partielle des macromolécules. Il est biorésorbable quand la
destruction est totale et que les petites molécules sont reprises dans le métabolisme général, ou
éliminées.
Le matériau résorbable doit avoir une durée de vie suffisante pour permettre une stabilité efficace
pendant le temps de consolidation.
Polymères
Un polymère est constitué de molécules géantes produites par la répétition d'une molécule de base
ou monomère. Le nombre de monomères peut aller de quelques centaines à quelques milliers
d'unités par molécule géante.
Un polymère peut être fait d'un seul type de monomère ou de deux types de monomères, dans ce
cas on parle de copolymère.
Les polymères les plus utilisés en orthopédie sont le PLA (« poly lactid acid »), le PGA (« poly
glycolic acid ») et leurs copolymères. Ils ont comme monomères respectifs l'acide lactique et l'acide
glycolique.
La molécule du monomère lactide est optiquement active. Il existe le : L-lactide et le D-lactide ayant
des propriétés différentes.
La polymérisation par addition de ces monomères peut donner naissance à une très grande variété
de copolymères et permet d'adapter leurs propriétés aux fonctions recherchées.
Pour être résorbée, une macromolécule doit d'abord être dégradée en petites molécules, elles-
mêmes reprises par une voie métabolique d'élimination.
In vivo, le PLA et le PGA subissent une désestérification par hydrolyse enzymatique progressive qui
libère l'acide lactique et l'acide glycolique.
L'élimination de l'acide lactique se fait par oxydation et retour à l'acide pyruvique soit sur place, soit
dans le foie. Dans tous les cas, l'acide lactique est finalement totalement métabolisé par le cycle de
Krebs en H2O et CO2 qui est rejeté par les poumons.
Dans les cellules, l'acide glycolique donne un acide aminé, la glycine. Les molécules de glycine sont
soit utilisées pour la protéosynthèse soit transformées en acide pyruvique avant de rejoindre le cycle
de Krebs.
Les produits de décomposition de PGA et PLA sont donc des métabolites normalement présents
dans les cellules et utilisés dans la protéosynthèse et/ou la production d'énergie.
Vitesse de résorption
Le temps nécessaire à la dégradation d'un polymère varie considérablement suivant les auteurs,
puisqu'il va de quelques semaines à 2 ou même 4 ans.
La vitesse de dégradation est influencée par de très nombreux facteurs souvent interdépendants et
difficiles à contrôler.
- la cristallinité : plus le taux de cristallinité est important, plus le produit est stable dans le temps ;
- la structure et la composition chimiques : le PLLA (polymère du L-lactide) a un temps de
dégradation supérieur à ceux de ses stéréo-isomères et au PGA ;
- la structure : les implants de dernière génération autorenforcés (SR PGA et SR PLA) outre des
qualités mécaniques améliorées ont une longévité accrue par l'orientation des molécules au niveau
des fibres de renforcement.
Le taux de dégradation, pour un produit donné est prévisible in vitro ; in vivo il l'est beaucoup moins
car l'hydrolyse est accélérée par la réponse cellulaire autour de l'implant.
Céramiques
Le terme céramique recouvre des matériaux non métalliques, non organiques, qui lors de leur
préparation subissent un traitement en température appelé frittage. On classe parmi les céramiques
de nombreux produits chimiquement très différents.
Les céramiques peuvent être caractérisées par leurs propriétés. Ce sont des matériaux stables,
réfractaires, chimiquement peu réactifs et mauvais conducteurs électriques.
Les céramiques utilisables en chirurgie sont appelées biocéramiques. Suivant leur niveau de
réactivité et leur vitesse de dégradation dans l'organisme, on distingue :
- les céramiques inertes, essentiellement représentées par l'alumine (Al2O3) et le zircone (ZrO2)
partiellement stabilisé. Elles sont insolubles en milieu physiologique.
- La liaison éventuelle entre la céramique et l'os se fait entièrement par accrochage mécanique.
- Les céramiques réactives (résorbables ou non).
- Les céramiques réactives non résorbables sont très peu solubles. Les plus intéressantes à l'heure
actuelle sont l'hydroxyapatite (Ca10[Po4]6[OH]2) et les bioverres à base de SiO2, P2O5, CaO.
- Les céramiques réactives résorbables sont très solubles au pH de l'organisme et disparaissent en
quelques semaines. Le principal représentant de ce type de céramiques est le phosphate tricalcique
Ca3(PO4)2.
- La liaison entre la céramique et l'os est principalement chimique.
- Pour le chirurgien, les céramiques se présentent principalement sous trois formes :
- blocs denses : l'alumine et le zircone sont utilisés pour les arthroplasties (têtes de prothèses de
hanche). Les Japonais réalisent des prothèses de genou en alumine massive ;
- dépôts : l'alumine et les phosphates de calcium sont déposés sur des surfaces métalliques des
prothèses articulaires pour favoriser leur fixation sans ciment. Nous avons étudié expérimentalement
l'intérêt du dépôt de phosphate tricalcique sur des implants d'ostéosynthèse. Ce dépôt améliore
considérablement le contact plaque-os. Les recherches se poursuivent pour évaluer son rôle sur
l'ostéogenèse dans le foyer de fracture ;
- blocs poreux : les phosphates de calcium constituent des substituts osseux de synthèse.
C'est entre 1977 et 1982 que se sont multipliées les études expérimentales pour évaluer l'intérêt des
matériaux carbone composites en orthopédie . Ces matériaux sont formés par des fibres de carbone
de 5 à 10 m de diamètre, unies entre elles par une matrice de liaison.
Unies par une matrice, les fibres de carbone peuvent être assemblées en nappes superposées de
directions différentes, ou en baguettes entrecroisées, avant d'être à nouveau traitées pour obtenir un
bloc compact usinable.
Haut de page
Biocompatibilité
« L'introduction d'un corps étranger, comme un implant, dans l'organisme, entraîne des interactions
chimiques, mécaniques, électriques, thermiques, magnétiques, atomiques... » (cité par Cordey-Greco
1993).
Métaux et alliages
Produits de corrosion
Les ions métalliques dissous forment rapidement des complexes métalloprotéiques qui se fixent à la
surface des cellules, empêchant le transport des éléments nutritifs.
Dans les arthroplasties comportant des surfaces métalliques en frottement, les débris d'usure
s'ajoutent aux produits de corrosion [22].
L'analyse spectrochimique met en évidence une accumulation métallique dans certains organes en
particulier la rate, les poumons, le foie, les reins et les muscles.
Dans les tissus adjacents à une prothèse métal-métal en alliage chrome-cobalt, le taux de cobalt
augmente de 300 à 6 000 fois, celui du chrome de 30 à 100 fois.
Quelle que soit la résistance du matériau à la corrosion, on trouve toujours des particules métalliques
dans les tissus entourant un implant métallique. Ces particules subissent l'assaut des macrophages.
Le cobalt et le nickel sont très toxiques pour ces cellules et entraînent une diminution de leur pouvoir
de phagocytose qui peut jouer un rôle dans l'apparition d'une infection. Il y a moins de macrophages
autour des implants en titane ou en alliage de titane qu'autour des implants en acier inoxydable. Les
études entreprises sur les produits de corrosion en utilisant la technique de la culture d'organes
indiquent la bonne tolérance de l'acier inoxydable, du titane et de ses alliages, ainsi que des alliages
chrome-cobalt, contrastant avec la toxicité élevée du cobalt, du nickel et du vanadium purs. Les
cultures cellulaires montrent cependant que des particules de chrome-cobalt inhibent beaucoup plus
la prolifération cellulaire que des particules d'acier inoxydable.
La question qui se pose est donc de savoir s'il faut continuer à utiliser des implants contenant du
cobalt, du nickel, et du vanadium dont on connaît la toxicité lorsqu'ils sont implantés à l'état pur, mais
la bonne tolérance lorsqu'ils sont incorporés à un alliage.
Réactions de l'organisme
Réactions locales
Autour de l'implant
- couche de cellules aplaties formant une pseudomembrane dans les cas favorables ;
- cellules arrondies et macrophages dans les cas défavorables ;
- tissus nécrotiques dans les intolérances.
L'expérience clinique montre que les implants en alliage à base de cobalt semblent les mieux tolérés.
Les implants lisses et polis provoquent la formation d'une couche de tissu fibreux qui s'interpose
entre l'os et eux en raison d'une mobilité au niveau de l'interface.
Lorsque les implants sont rugueux ou poreux, c'est-à-dire lorsqu'ils adhèrent parfaitement à l'os, il n'y
a pratiquement pas de tissus d'interposition.
Dans l'os
Pendant les premiers mois qui suivent la mise en place de pratiquement tous les implants, qu'il
s'agisse de plaques, de vis, de clous, ou de queues de prothèses, on observe habituellement une
modification précoce de l'os voisin.
Cette modification de la structure osseuse avait été nommée spongialisation par Müller et l'école
De nombreuses recherches plus récentes ont prouvé qu'en fait il n'y a pas de parallélisme entre la
diminution des contraintes dans l'os par les implants, et l'importance des modifications osseuses.
En revanche Gunst et coll. [15] ainsi que Gautier et coll. [14] ont prouvé qu'il existe une corrélation
indiscutable entre la surface de contact os-plaque, les altérations de la vascularisation sous la plaque
et les modifications osseuses.
Ces modifications réduisent temporairement la résistance osseuse, ce qui est sans importance tant
que l'implant reste en place, mais interdit l'ablation précoce du matériel.
Autour d'un clou, en particulier après alésage, la partie interne de la corticale se nécrose ; la partie
centrale présente des modifications ostéoporotiques ; seule la partie périphérique reste vivante (Rahn
et coll. [33]).
Le remodelage osseux rétablit en quelques mois une structure osseuse normale. Le processus de
réparation se fait de façon centrifuge sous une plaque et de façon centripète autour d'un clou.
En 1987 Jörger et coll. [18] ainsi que Vattolo et coll. [39] rapportent que la création de cavités sous
une plaque diminue les dégâts vasculaires et, de ce fait, permet de réduire les modifications
osseuses. Ce fait était déjà connu en France depuis 1980, grâce aux études de Comtet et Moyen [9]
sur les plaques adhérentes que nous avions mises au point en 1976. Ils concluaient à la formation de
6,6 % d'os nouveau au sein d'une abondante néovascularisation entre les aspérités des plaques.
La discussion entre les partisans et adversaires du « stress shielding » n'est pas close.
Réactions générales
Allergie
L'allergie aux métaux est bien connue. Une fois encore, les éléments incriminés sont le chrome, le
nickel et le cobalt. Le titane, en revanche, ne provoque qu'exceptionnellement une réaction de ce
type. Lalor et coll. [19] ont cependant rapporté en 1991 deux cas d'allergie au titane.
La manifestation allergique la plus classique est l'eczéma mais, avec Mervyn-Evans et coll. [23], un
certain nombre d'auteurs mettent en cause l'allergie à l'alliage de l'implant dans le descellement
prothétique. La libération de métaux auxquels l'organisme est allergique peut produire localement des
modifications des vaisseaux, produisant une interruption de la circulation et une nécrose de l'os et
des tissus mous environnants.
En 1976, Elves a étudié avec des tests cutanés, les réactions allergiques de patients chez qui avaient
été mises en place des prothèses métal-métal ou métal-plastique. Ces notions concernent les
prothèses articulaires et non le matériel d'ostéosynthèse, mais leur importance est telle qu'il nous a
semblé indispensable de les rapporter.
Parmi les patients porteurs de prothèses métal-métal depuis 4 ans, 43 % étaient allergiques au
cobalt, au chrome ou au nickel ; 60 % de ceux dont la prothèse était descellée étaient allergiques le
plus souvent au cobalt.
Chez les porteurs de prothèses métal-plastique mises en place depuis seulement 2 ans, 17 % étaient
allergiques le plus souvent au nickel ; 20 % des prothèses descellées étaient associées à des tests
cutanés positifs.
L'intérêt de cette étude est considérable car les sujets avaient également subi des tests cutanés
avant l'opération ; 5,8 % seulement étaient allergiques au cobalt.
Faut-il systématiquement pratiquer des tests cutanés avant mise en place d'implants ? La réponse
est difficile, car ces tests peuvent eux-mêmes sensibiliser le patient aux métaux testés, par diffusion
des ions à travers la peau. Elves propose d'avoir recours aux tests de transformation
lymphoblastique. Il semble plus logique et plus simple d'utiliser des implants en métaux peu
allergisants comme le Ti 6 Al 4V.
Cancérisation
Il a été établi que les ouvriers exposés au nickel et à certains chromates sont très sujets au cancer du
poumon.
A l'état pur, cobalt, nickel et cadmium ont un pouvoir carcinogène. L'injection intramusculaire de
poudre de cobalt pur à des rats a produit 17 tumeurs malignes pour 30 rats testés.
L'implantation de débris d'usure de prothèses totales en chrome-cobalt provoque une tumeur maligne
dans 24 % des cas. Il faut cependant souligner que ces produits d'usure avaient été obtenus sur un
simulateur et que le diamètre des particules était de 0,1 m alors que dans le corps humain, elles
ont en général une taille de 2 à 3 m.
Les débris de petite taille semblent beaucoup plus carcinogènes que les gros.
Il est cependant indiscutable que nickel et cobalt apparaissent une fois encore comme des métaux
pouvant être dangereux.
Les aciers inoxydables, le titane et le Ti 6 Al 4V semblent donc les plus biocompatibles des alliages
utilisés en chirurgie orthopédique.
Le risque de cancérisation tardive est un des arguments pour l'ablation systématique des implants
après ostéosynthèse.
Polymères biorésorbables
Les auteurs finlandais rapportent des résultats assez satisfaisants à 1 an de recul. Leurs dernières
publications font cependant état d'une grande variabilité dans le taux de restauration du tissu osseux
à l'emplacement de l'implant résorbé. Le processus de comblement va de la restauration osseuse
complète et rapide au trou cylindrique rempli de conjonctif lâche.
Tous les travaux décrivent en revanche les mêmes problèmes au cours de la première année .
Dans les premiers mois qui suivent l'implantation, dans tous les cas, chez l'homme et chez l'animal,
le receveur fait une réaction locale à corps étranger. Elle est parfois d'intensité subclinique, mais les
biopsies chez l'homme et les histologies chez l'animal montrent des images identiques. La réponse
initiale qui est leucocytaire est suivie à quelques semaines par l'apparition de cellules phagocytaires
en activité. Ce sont des macrophages et des cellules géantes multinucléées caractéristiques de la
réponse locale non spécifique à corps étranger.
Simultanément il se forme une cavité liquidienne de décharge. Sa fréquence est de 4,5 à 22,5 %
suivant le site d'implantation. Dans environ 8 % des cas elle nécessite un drainage. Le liquide exsudé
mis en culture se révèle stérile ; il contient des débris liquidiens du polymère ainsi que des leucocytes
polynucléaires neutrophiles et des lymphocytes.
On peut donc dire que la biocompatibilité des matériaux polymères biodégradables n'est pas bonne.
Toutefois, ces phénomènes locaux n'affectent apparemment ni la consolidation de la fracture, ni la
repousse osseuse. La réaction à corps étranger est transitoire. La zone d'ostéolyse disparaît.
La pathogénie de la réaction locale est mal connue ; elle constitue cependant un des principaux
obstacles au développement chirurgical des polymères résorbables. La possibilité d'une
réintervention supprime l'avantage du matériau.
D'autre part, le taux de remplacement de l'implant par de l'os semble variable et parfois le résultat
obtenu est un large defect osseux.
Böstman, un des principaux promoteurs des polymères biodégradables, écrit maintenant [5] que des
investigations complémentaires avec des analyses biochimiques et immunohistochimiques, ainsi que
des suivis à long terme dans les différentes régions anatomiques sont nécessaires avant que ces
implants puissent être plus largement utilisés.
Céramiques
L'intérêt biologique des céramiques tient à leur parfaite biocompatibilité, supérieure à celle des
métaux.
Seuls les composites carbone résine époxy ont été utilisés en chirurgie sur de petites séries. La
réputation de toxicité de la résine époxy n'a pas été confirmée par les résultats de Tayton et coll. [38]
et de Howard et coll. [17].
Les tests de biocompatibilité réalisés par Ali et coll. [1] en 1990 ne montrent que très peu de signes
inflammatoires avec de très rares cellules géantes multinucléées et des macrophages d'apparence
normale.
Les composites carbone-carbone sont restés expérimentaux. Ils exposent beaucoup plus à la
migration de particules de carbone dans les tissus voisins et dans les ganglions lymphatiques,
exceptionnellement à des réactions à corps étranger.
En raison des risques de corrosion par couple galvanique avec l'acier inoxydable, les plaques
d'ostéosynthèse en carbone doivent être posées avec des vis en titane ou en alliage de titane.
En 1982, Moyen et coll. [27] ont montré que l'on pouvait améliorer la biocompatibilité des implants
carbone en les recouvrant d'hydroxyapatite. Depuis plus de 10 ans cette étude expérimentale ne
semble pas avoir eu d'application clinique.
Haut de page
Propriétés mécaniques
Elles sont un élément déterminant dans le choix du matériau utilisé pour un implant.
Notions générales
Définitions
La rigidité est la propriété d'une structure (telle qu'un implant) de s'opposer à l'action déformatrice des
forces extérieures qui lui sont appliquées. A l'opposé, la flexibilité est la propriété d'une structure de
se déformer facilement.
La flexibilité ne doit pas être confondue avec l'élasticité, qui est la capacité d'une structure à retrouver
sa forme et ses dimensions initiales après suppression des charges qui l'ont déformée.
L'élasticité est le contraire de la plasticité qui est la capacité d'une structure à conserver une partie de
la déformation après suppression des charges qui l'ont provoquée.
La méthode la plus employée pour déterminer les caractéristiques mécaniques de base d'un
matériau métallique consiste à réaliser un essai de résistance à la traction conformément à la norme
ISO 6892.
Une éprouvette de forme et de dimensions standardisées est taillée dans le matériau à étudier. Deux
repères distants d'une longueur l0 sont pointés le long d'une génératrice de la partie cylindrique.
L'essai consiste à enregistrer l'évolution l de la distance entre ces deux repères en fonction de la
force F appliquée parallèlement à l'axe à chaque extrémité de l'éprouvette, au moyen d'une machine
de traction (fig. 1).
Cette partie de la courbe est assimilable à un segment de droite, c'est-à-dire que la déformation est
proportionnelle à la contrainte exercée sur l'éprouvette ou sur l'implant. Le rapport : E =
contrainte/déformation est une constante appelée : module d'élasticité en traction ou module de
Young. E = ( / ) s'exprime en kg/mm2 ou en Mpa.
Le module de Young est d'autant plus grand que le matériau est plus rigide.
Tant que l'on applique à un implant une contrainte inférieure à A, la suppression de cette
contrainte permet à l'implant de reprendre ses dimensions initiales (la décharge s'effectue
sensiblement sur le même chemin que la charge c'est-à-dire suivant la partie OA de la courbe). La
déformation est élastique.
A est la déformation produit par A, c'est la plus grande déformation élastique du matériau («
yield strain »).
Au-delà du point A, la pente de la courbe diminue jusqu'à s'annuler. C'est-à-dire qu'à une faible
augmentation de la contrainte appliquée correspond une forte augmentation de la déformation.
En outre cette déformation n'est plus entièrement réversible. Si pour un niveau de contrainte D, la
charge est lentement réduite, il en résulte une décharge le long de D'D, pratiquement parallèle à OA.
Lorsque la contrainte est ramenée à zéro, il subsiste une déformation résiduelle D (on parle de
déformation plastique). C'est ce que le chirurgien réalise très souvent en modelant une plaque
d'ostéosynthèse.
Si l'on effectue une nouvelle mise en charge à partir du point D', on constate une évolution élastique
le long de D'D, puis une évolution plastique le long de DB. La limite élastique du matériau est
maintenant D (supérieure à A), les propriétés du matériau ont donc été modifiées. On dit que le
matériau a été écroui, ou qu'il a subi un écrouissage (« strain hardening »).
L'écrouissage peut être obtenu en métallurgie par forgeage, étirage ou laminage à froid. Le
réchauffement à forte température de ce métal écroui lui rend ses qualités initiales. C'est le
phénomène du recuit. L'usinage d'un implant entraînant des écrouissages locaux, il est assez
souvent recuit pour lui rendre ses propriétés initiales.
C est la déformation produite par C, c'est la déformation pour laquelle la rupture a lieu («
ultimate strain »).
B est appelée résistance à la traction (« tensile strength »). C'est la contrainte nominale maximale
du matériau. C'est cette valeur qui est généralement donnée pour caractériser la résistance d'un
métal. Pour les métaux utilisés en orthopédie, elle est très voisine de la contrainte de rupture C.
Un métal est cassant s'il se rompt dès que sa limite élastique est atteinte. Sa plasticité est nulle.
Essais en flexion
En soumettant un implant ou une éprouvette à des tests en flexion, on provoque une déformation due
aux contraintes en traction qui siègent du côté convexe et aux contraintes en compression qui
siègent du côté concave.
Un implant peut se rompre sous une contrainte inférieure à sa limite élastique s'il est soumis à des
contraintes cycliques : c'est le phénomène de fatigue.
Un des essais les plus pratiqués pour déterminer le comportement en fatigue d'un matériau est de
soumettre une éprouvette à un essai en torsion alternée et flexion rotative. Afin que les fibres du
métal soient successivement comprimées puis tendues, l'extrémité de l'éprouvette est soumise à une
rotation cyclique, tandis qu'une charge est appliquée à l'autre extrémité. La charge étant connue, on
relève le nombre de cycles pour lequel la rupture de l'éprouvette survient. La courbe (charge/nombre
de cycles à la rupture) obtenue est appelée courbe de Woehler.
- le nombre de cycles que supporte un implant avant rupture diminue quand la charge appliquée
augmente ;
- il existe une valeur de la charge en deçà de laquelle, quel que soit le nombre de cycles la rupture ne
se produira pas.
Cette valeur de la charge est appelée limite de fatigue ou limite d'endurance. Pour les alliages
habituellement utilisés en orthopédie, elle varie autour de 50 % de la charge de rupture.
Soumis à une charge supérieure à la limite de fatigue, l'implant cassera inéluctablement après un
certain nombre de cycles. Soumis à une charge inférieure à la limite de fatigue, l'implant ne cassera
pas.
L'endurance d'un implant augmente avec le taux d'écrouissage. Un implant recuit, très plastique a
une limite de fatigue basse.
Compte tenu des charges qu'ils supportent, une plaque d'ostéosynthèse ou un clou centromédullaire
seront au-dessous de la limite de fatigue lorsque la fracture sera consolidée. Dans ces conditions, ils
ne casseront pas. Ils casseront en revanche obligatoirement pour un nombre de cycles
prédéterminés si la fracture ne consolide pas car l'implant travaillera au-dessus de sa limite de
fatigue.
La stabilisation d'une fracture complexe comminutive, sans contact direct des fragments principaux,
nécessite des implants rigides. La stabilité absolue ne pourra de toute façon jamais être obtenue,
mais il faut choisir un implant permettant de s'en approcher.
La rigidité en flexion d'un implant peut être évaluée par la flèche « h » que présente un système os-
implant sous l'action d'un moment fléchissant donné (fig. 4).
Pour une fracture comminutive et une force donnée, appliquée de façon identique, la flèche sera
d'autant plus faible et la rigidité d'autant plus grande que E.I sera élevé.
- de ses dimensions : I est en effet le moment d'inertie résultant des dimensions de l'implant ;
- pour une plaque, si L est sa largeur et e son épaisseur : I = L.e3/12.
On constate ainsi que l'épaisseur d'une plaque constitue le facteur fondamental de sa rigidité
puisqu'elle intervient par son cube. Doubler l'épaisseur d'une plaque a pour effet de multiplier par 8
sa rigidité. Si les autres conditions sont inchangées, la flèche et l'instabilité d'un foyer comminutif sont
A titre d'exemple :
Pour une fracture comminutive, à dimensions égales, il résulte de ce que nous venons de voir qu'une
plaque titane permettra une mobilité du foyer presque double de celle obtenue avec une plaque en
acier et une plaque en carbone, une mobilité 5 fois plus importante qu'une plaque en acier.
L'utilisation de ces implants risque donc d'augmenter considérablement l'instabilité du foyer.
Rappelons toutefois que l'essentiel de la rigidité en flexion d'une plaque dépend de son épaisseur et
qu'il faut augmenter l'épaisseur d'une plaque en titane de 22 % pour obtenir une rigidité comparable à
celle d'une plaque en acier inoxydable.
A une certaine période, il était courant d'entendre réclamer des implants à module d'élasticité égal à
celui de l'os. Avec une plaque ou un clou de ce type, la mobilité d'un foyer comminutif serait 10 fois
plus importante qu'avec le même implant en acier. L'instabilité serait énorme et intolérable.
Ce n'est donc que dans les fractures simples que l'on peut avec prudence envisager des implants
dont le module d'élasticité est inférieur à celui de l'acier ou des alliages chrome-cobalt.
Métaux et alliages
Nous avons résumé en un tableau les principales propriétés mécaniques des alliages et autres
matériaux utilisés (tableau V). Les valeurs données sont extraites des normes et de la littérature.
Aciers inoxydables
Ils ont une limite d'élasticité basse, en particulier lorsqu'ils sont recuits. Cela permet de les modeler
en peropératoire pour les adapter à la forme de l'os. (il faut néanmoins garder à l'esprit que ce geste
fragilise l'implant).
Le module d'élasticité relativement élevé des aciers permet une stabilisation du foyer de fracture pour
une épaisseur acceptable des plaques. Leur limite de fatigue est assez basse, ce qui entraîne un
nombre non négligeable de ruptures d'implants. Cependant, si l'implant casse c'est que la fracture ne
s'est pas consolidée dans les délais normaux. La vraie question n'est pas de savoir pourquoi l'implant
s'est rompu, ce qui est métallurgiquement normal (courbe de Woehler), mais pourquoi la fracture ne
s'est pas consolidée.
Alliages de titane
Leur limite d'élasticité est élevée, ce qui veut dire qu'ils sont très difficiles à modeler sur l'os. De plus,
leur limite d'élasticité est très proche de leur charge de rupture ce qui signifie qu'en modelant un
implant, on risque de provoquer sa rupture rapide.
Il est beaucoup plus modelable car sa limite élastique est plus basse, mais elle reste proche de sa
Ils ont des propriétés assez voisines des alliages à base de titane, mais ils sont encore plus difficiles
à modeler.
Les alliages à base de cobalt recuits ont en général des propriétés assez voisines des aciers
inoxydables recuits mais sont beaucoup plus difficiles à modeler.
Polymères biorésorbables
Les implants biodégradables sont utilisés en fixation interne essentiellement dans le spongieux, et
pour les fractures et ostéotomies épiphysaires. Un certain nombre de vis, broches et clous sont
actuellement sur le marché. Compte tenu de leurs propriétés mécaniques, il est nécessaire de
compléter l'ostéosynthèse par un plâtre. Ceci constitue la négation même de l'ostéosynthèse
moderne qui recherche la mobilisation rapide afin d'éviter raideurs articulaires et atrophie musculaire.
Les polymères étant trop souples et trop fragiles, certains fabricants ont mis au point des implants
autorenforcés : SR PGA et SR PLA. Ces composites voient leurs qualités mécaniques améliorées
par la présence de fibres orientées dans une matrice fondamentale.
Les valeurs initiales de résistance au cisaillement et de résistance à la flexion sont très acceptables si
on les compare aux caractéristiques du spongieux dans lequel ils seront implantés.
Leur module de Young initial de 1 000-1 200 kg/mm2 est supérieur à celui du spongieux et mieux
placé par rapport à celui de l'os cortical. Cependant, les implants biodégradables autorenforcés
n'atteignent pas des propriétés mécaniques suffisantes pour se passer du plâtre postopératoire.
La dégradation de l'implant lui fait perdre rapidement ses qualités mécaniques. La situation est
théoriquement idéale puisque l'implant perd sa rigidité en même temps que l'os consolide ; les
contraintes passent donc progressivement de l'implant à l'os. Malheureusement certains paramètres
dont dépend la vitesse de dégradation, donc les caractéristiques mécaniques de l'implant, ne sont
pas maîtrisables.
Céramiques
Elles se caractérisent sur un plan mécanique par un module d'élasticité très élevé (supérieur à celui
des métaux), une très faible ductilité (elles se rompent sans déformation plastique) et une mauvaise
tenue au choc. Leur résistance en compression est excellente contrairement à leur résistance en
traction qui elle est très faible.
Elles présentent une grande dureté et de bonne propriétés de frottement ce qui en fait un type de
matériaux de plus en plus utilisé au niveau des surfaces articulaires. Elles ne sont pas utilisables
isolément comme implant d'ostéosynthèse.
Les modules d'élasticité des revêtements céramiques poreux sont beaucoup plus faibles que ceux
des céramiques massives et se rapprochent de celui de l'os cortical.
Les propriétés mécaniques des composites carbone résine sont les suivantes :
- un module d'élasticité à peu près équivalent à celui du titane (11 000 kg/mm2 environ) ;
- une charge de rupture très élevée, supérieure même à celle des alliages métalliques ;
- une résistance à la fatigue remarquable, très supérieure à celle de tous les alliages métalliques.
Cependant, une telle résistance à la fatigue ne constitue pas un argument déterminant face à des
implants métalliques, car si une fracture n'est pas consolidée en quelques mois, il n'y a pratiquement
aucune chance qu'elle consolide spontanément en attendant un peu plus longtemps ;
- une limite élastique très élevée. Il n'y a pas de phase plastique, au-delà d'une certaine déformation
élastique ils cassent brusquement sans déformation permanente de l'implant. Cela élimine les
composites carbone d'une grande partie du domaine de l'ostéosynthèse par plaques. Il est, en effet,
totalement impossible de modeler une plaque en carbone en cours d'intervention.
Haut de page
Conclusion
Les matériaux classiques, aciers inoxydables, alliages à base de cobalt et de titane, conservent une
place prépondérante dans l'élaboration des implants d'ostéosynthèse.
L'expérience a montré que les matériaux composites carbone présentaient un intérêt limité.
Les matériaux biorésorbables constituent la nouveauté des vingt dernières années. Ils n'ont pas
encore la résistance mécanique suffisante pour assurer une ostéosynthèse des grandes diaphyses.
Au niveau épiphysaire, leur utilisation nécessite une stabilisation complémentaire par plâtre, ce qui
constitue un recul important. La mobilisation articulaire précoce est, en effet, un des grands progrès
de l'ostéosynthèse. Atrophie musculaire, raideur articulaire et déminéralisation osseuse paraissent un
prix inacceptable pour éviter une ablation de matériel. La biocompatibilité des matériaux
biodégradables est par ailleurs discutable, compte tenu du taux très élevé de complications locales.
Références Bibliographiques
[1] ALI MS, FRENCH TA, HASTINGS GW , et al. Carbon fibre composite bone plates. J Bone Joint
Surg 1990 ; 72B : 586-591
[2] BÖSTMAN O Absorbable implants for the fixation of fractures. Current concept review. J Bone
Joint Surg 1991 ; 73A : 148-153
[3] BÖSTMAN O Intense granulomatous inflammatory lesions associated with adsorbable internal
fixation devices made of polyglycolide in ankle fractures. Clin Orthop 1992 ; 278 : 193-199
[5] BÖSTMAN O, MÄKELÄ EA, TÖRMÄLÄ P , et al. Transphyseal fracture fixation using biodegradable
pins. J Bone Joint Surg 1989 ; 71B : 706-707
[7] BRADLEY JS, HASTINGS GW, JOHNSON-NURSE C Carbon fibre reinforced epoxy as a high
strength, low modulus material for internal fixation plates. Biomaterials 1980 ; 1 : 38-40
[8] CLAES L, BURRI C, KINZL L, FITZER E, HÜTTNER W. Less rigid fixation with carbon fibre-
reinforced material : mechanical characteristics and behaviour in vivo. In : Uhthoff HK, Stahl E
eds. Current concepts of internal fixation of fractures. Springer Verlag. Berlin. 1980 ; pp 156-
159
[9] COMTET JJ, MOYEN B, SANTINI R, RUMELHART C, BORGI R, DE MOURGUES G Effets mécaniques
et biologiques de l'utilisation de la plaque d'ostéosynthèse à surface rugueuse sur le fémur de
chien. Rev Chir Orthop 1980 ; 66 (suppl 2) : 110-113
[10] CORDEY J, PERREN SM, STEINEMANN S. Parametric analysis of the stress protection in bone
after plating. In : Bergmann G, Kölbel R, Rohlmann A eds. Biomechanics : basic and applied
research. Martinus Nijhoff. Dordrecht. 1987 ; pp 387-392
[11] DELAGOUTTE JP, MAINARD D. Les métaux et polymères utilisés en arthroplastie. Cahiers
d'enseignement de la SOFCOT 44. Conception des prothèses articulaires. L'Expansion
Scientifique Française. Paris. 1993
[12] ELVES M. Hypersensitivity to metals in patients with orthopaedic prosthesis. Second conference
on materials for use in medicine and biology. Brunel University. London. 1976
[13] ELVES MW, WILSON JN, SCALES JT, KEMP HB Incidence of metal sensitivity in patients with total
joint replacements. Br Med J 1975 ; 4 : 376-378
[14] GAUTIER E, CORDEY J, MATHYS R, RAHN BA, PERREN SM. Porosity and remodeling of plated
bone after internal fixation : result of stress-shielding or vascular damage ? Biomaterials
biomech. Elsevier Science. Amsterdam. 1984
[15] GUNST M, SUTER C, RAHN B Die Knochendurchblutung nach Plattenosteosynthese. Helv Chir
Acta 1979 ; 46 : 171-175
[16] HOLLINGER JO, BATTISTONE GC Biodegradable bone repair materials. Synthetic polymers and
ceramics. Clin Orthop 1986 ; 305 : 290-305
[17] HOWARD CB, TAYLOR KJ, GIBBS A The response of human tissues to carbon-reinforced epoxy
resin. J Bone Joint Surg 1985 ; 67B : 656-658
[18] JÖRGER KA. Akute intrakortikale Durchblutungs-störung under osteosynthese platten mit
unterschiedlichen auflageflächen. Inaugural dissertation. University of Bern. 1987
[20] LOMBARDI AV, MALHORY TH, VAUGHAN BK, DROUILLARD P Aseptic loosening in total hip
arthroplasty secondary to osteolysis induced by wear debris from titanium-alloy modular femoral
heads. J Bone Joint Surg 1989 ; 71A : 1337-1342
[22] MEARS DC. Materials and orthopedic surgery. Williams Wilkins Company. Baltimore. 1979
[23] MERVYN-EVANS E, SWANSEA , FREEMAN MA , et al. Metal sensitivity as a cause of bone necrosis
and loosening of the prosthesis in total joint replacement. J Bone Joint Surg 1974 ; 56B : 626-
642
[24] MEYRUEIS JP. Les métaux utilisés en chirurgie orthopédique. Cahiers d'enseignement de la
SOFCOT 25. Biomatériaux en chirurgie orthopédique. L'Expansion Scientifique Française. Paris.
1986
[25] MEYRUEIS JP, LERAY JL Les matériaux carbone. Rev Chir Orthop 1980 ; 66 (suppl 2) : 58-62
[26] MOYEN B, LAHEY PJ, WEINBERG H, HARRIS WH Effects on intact femora of dogs of the
application and removal of metal plates. J Bone Joint Surg 1978 ; 60A : 940-947
[28] MÜLLER ME, ALLGÖWER M, SCHNEIDER R, WILLENEGGER H. Manual of internal fixation (3rd
ed). Springer-Verlag. Berlin. 1991 ; pp 1-2
[29] PEMBERTON DJ, McKIBBIN B, SAVAGE R, TAYTON K, STUART D Carbon fiber reinforced plates
for problem fractures. J Bone Joint Surg 1992 ; 74B : 88-92
[30] PIDHORZ L, RAGUIN J, VARENNE F. Les matériaux d'ostéosynthèse. Encycl Med Chir (Paris,
France). Techniques chirurgicales. 44-014. 1975
[33] RAHN BA, BACELLAR FC, TRAPP L, PERREN SM Methode zur fluoreszenz. Morphometrie des
Knochenanbaus. Aktuel Traumatol 1980 ; 10 : 109-115
[34] SCALES JT Black staining around titanium alloy prostheses : an orthopaedic enigma. J Bone Joint
Surg 1991 ; 73B : 534-536
[35] TONINO AJ, DAVIDSON CL, KLOPPER PJ, LINCLAU LA Protection from stress in bone and its
effects. Experiments with stainless steel and plastic plates in dogs. J Bone Joint
Surg 1976 ; 58B : 107-113
[36] TRAVIS W, JOHNSON AA. The behavior of a wrought equiatomic gold nickel alloy as an implant
material in living rats. In : Stark L, Agarval G eds. Biomaterials. Plenum Press. New York. 1969 ;
44 p
[37] TAYTON K, JOHNSON-NURSE C, McKIBBIN B, BRADLEY JS, HASTINGS GW The use of semi-rigid
carbon-fiber reinforced plastic plates for fixation of human fractures. J Bone Joint
Surg 1982 ; 64B : 105-111
[38] TAYTON K, PHILLIPS G, RALIS Z Long-term effects of carbon-fibre on soft tissue. J Bone Joint
Surg 1982 ; 64B : 112-114
[39] VATTOLO M. Der Einfluss von Rillen in Osteosynthese Platten auf den Umbau der Korticalis.
Dissertation, University of Bern. 1986
[40] VERT M, GUERIN P. Biodegradable aliphatic polyesters of the poly(hydroxy acid) type for
temporary therapeutic applications. In : Barbosa MA ed. Biomaterials degradation, fundamental
aspects and related clinical phenomena. North Holland. Amsterdam. 1991
[41] WOO SL, AKESON W, COUTTS RD , et al. A comparison of cortical bone atrophy secondary to
fixation with plate with large difference in bending stiffness. J Bone Joint Surg 1976 ; 58 : 190-
194
Tableaux
Tableau I.
Tableau II.
Tableau III.
Tableau IV.
Tableau V.
Acier Alliage
Os cortical Alliage à
inox. à
Alliage à Alliage à forger mis en
Ti Al6 Ti Al6 Ti Al5 Acier inox. Acier inox. à couler
Titane forger à base forger à base forme à froid Stellite
316 L 316 L haute à MP 35N
non allié V4 Nb7 Fe2.5 de cobalt, Ni, de cobalt, à 25
Nuance D Nuance E teneur base
Cr, Mb, W, Fe Cr, Mb base de
Longitudinal Transversal en de
cobalt
azote cobalt
recuit écroui recuit recuit recuit recuit écroui recuit écroui recuit écroui recuit écroui Tension Compression Tension Compression recuit recuit écroui recuit écroui
Charge
de rupture 86- 86- 86-
24-55 68 90 90 49-69 59-80 60 131 66,5 100 13,5 20,5 5,3 13,1 74 66,5 95 145 86 80 120
minimale 120 110 110
kg/mm2
Ductilité
(allongement 15-24 10 10-15 10 10 40 12 40 12 50 12 20 12 35 8 65 8 10 40 10
en %)
Module
d'élasticité
11000 11000 11000 11000 11000 20000 20000 20000 20000 22000 22000 22000 22000 1700 1700 1150 1150 20000 22000 22000 22000 22000 22000 22000
(de Young)
(km/mm2)
Limite
d'élasticité
17-44 52 94 80 80 19 69 28,5 69 27,6 117 45 70 43 45 45 130 31 30 100
à 0,2 %
(km/mm2)
Les résultats exprimés en kg/mm2 peuvent être transformés en MPa en les multipliant par 10. Exemple : 45 kg/mm2 = 450 MPa.
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Courbe contrainte/déformation.
Fig. 3
Courbe de Woehler.
Fig. 4
Jean-Paul Meyrueis : Ancien professeur du service du service de santé des armées, président
des commissions « Ostéosynthèse » de la SOFCOT de l'AFNOR et de l'ISO (TC 150, SC5)
Société ITAC, 68, rue de Metz, 83200 Toulon France
Résumé
L'ostéosynthèse peut être définie comme la fixation chirurgicale d'un foyer de fracture, visant à
obtenir sa consolidation sans modification de longueur, d'axe ou de rotation, et permettant une
mobilisation indolore précoce.
Vis et plaques sont, avec les cerclages métalliques, les procédés d'ostéosynthèse les plus anciens
puisqu'ils ont été utilisés dès la fin du siècle dernier.
L'ostéosynthèse par plaque a dominé largement toutes les autres techniques d'ostéosynthèse jusqu'à
la fin des années 1970. L'enclouage a ensuite été considéré comme le moyen d'ostéosynthèse idéal.
Le cadre forcément limité de ce chapitre ne nous permettant pas d'envisager en détail tous les
aspects de l'ostéosynthèse par plaque et par vis, nous avons dû nous limiter à un rappel des notions
fondamentales et des derniers concepts de l'ostéosynthèse par plaque.
Plan
Facteurs de la consolidation fixation stable ou instable
Vis
Plaques
Conclusion
Haut de page
Facteurs de la consolidation fixation stable ou instable
Les progrès de l'asepsie et l'apparition des antibiotiques ont rendu possible le traitement chirurgical
des fractures. Un gros effort de recherche a été réalisé au cours des 20 dernières années pour
comprendre les bases biologiques et mécaniques de la consolidation osseuse.
Facteurs biologiques
Dans l'état actuel de nos connaissances, le chirurgien peut avoir une action sur la consolidation en
respectant au maximum l'hématome fracturaire dont le potentiel ostéogénique a été confirmé
expérimentalement par Mizuno [21]. Cela est relativement facile dans les ostéosynthèses à foyer
fermé, mais s'avère difficile dans les ostéosynthèses à foyer ouvert. Il est cependant souvent possible
de conserver les caillots interfragmentaires.
L'action du chirurgien sur la fracture est, à l'heure actuelle, essentiellement mécanique. Le but de
l'intervention est de réduire, si possible anatomiquement, les fragments, de les fixer et de mobiliser
ensuite les articulations et les muscles voisins pour éviter raideur et amyotrophie. Au cours de ces
manoeuvres, l'opérateur devra respecter au maximum les parties molles et le périoste dont nous
reverrons le rôle dans la formation du cal.
Facteurs mécaniques
Définitions
La question pratique essentielle qui se pose à l'opérateur est de savoir s'il doit réaliser une
ostéosynthèse stable ou accepter une ostéosynthèse instable.
- la fixation d'un foyer de fracture est stable, si elle ne permet pas de mouvements interfragmentaires
décelables à l'oeil nu sous l'influence des contraintes ;
- la fixation est instable, si elle laisse persister des mouvements relatifs perceptibles à l'oeil nu sous
l'influence de ces contraintes.
Inversement, si l'ostéosynthèse reste stable non seulement à la mobilisation mais aussi à la reprise
totale de l'appui, on parle de stabilité de charge.
McKibbin [15] a parfaitement mis en évidence l'influence des facteurs mécaniques sur la formation du
A foyer fermé, une fracture consolide parfaitement même si l'immobilisation est imparfaite. Le
périoste stimulé par les micromouvements va fixer le foyer en formant un gros cal fusiforme. C'est ce
qui se passe lors du traitement orthopédique des fractures ou dans l'enclouage à foyer fermé .
Si le foyer de fracture est ouvert par le traumatisme ou par le chirurgien, l'hématome fracturaire est
évacué avec son pouvoir d'ostéogenèse. Le périoste est en général lésé et il ne faut plus compter sur
le cal périosté. Il faut donc s'adresser au cal cortical ou au cal endosté. Or, le cal cortical exige une
stabilité absolue du foyer de fracture, stabilité qui est parfaitement tolérée par le cal endosté.
La plus grande partie des retards de consolidation ou des pseudarthroses résultent du non-respect
de cette règle fondamentale.
L'ostéosynthèse par vissage et par plaque, nécessitant une ouverture du foyer de fracture, doit être
stable. Il est indispensable de tester cette stabilité en mobilisant vigoureusement le membre en fin
d'intervention, avant la fermeture des parties molles [20].
Dynamisation
Elle ne s'adresse qu'à des foyers stabilisés par un cal, dans le but de renforcer celui-ci.
Elle comprend dans un premier temps la mise en charge totale, puis la dérigidification du montage.
Ce deuxième temps est envisageable pour les fixateurs externes et les clous. Il est impossible pour
les plaques.
La remise en charge relativement précoce est par contre souhaitable dès que le cal fait son
apparition. Meadows [16] a prouvé expérimentalement que la reprise de l'appui au cours de la
consolidation augmente la formation osseuse. Il faut toutefois absolument éviter de créer une
instabilité sur un foyer non encore englué par le cal.
Une orthèse temporaire constitue souvent une bonne précaution lors de ces remises en charge
précoces.
Haut de page
Vis
Les vis sont utilisées pour fixer les plaques et les implants dérivés des plaques sur l'os, ou pour fixer
directement les fragments osseux.
Description générale
Une vis comprend une tête, un corps et une pointe (fig. 1).
- la forme conique : le fraisage permet de bien enfoncer la tête dans la corticale osseuse, mais le
débattement dans un orifice de plaque est très limité ;
- la forme sphérique : l'enfouissement et le débattement dans l'orifice des plaques sont excellents, ce
qui permet de placer une vis obliquement en cas de nécessité.
- Le corps comprend un noyau ou âme de la vis, sur lequel existe un filetage dont le diamètre
extérieur ou nominal définit le calibre de la vis.
- Le pas de vis est la distance qui sépare deux filets contigus. C'est aussi la pénétration de la vis à
chaque tour.
- Le filetage est symétrique ou asymétrique, ce qui permet un meilleur appui sur l'os. Il peut s'étendre
sur tout le corps ou seulement sur sa partie terminale.
- La hauteur du filet est plus importante dans les vis destinées à l'os spongieux que dans celles qui
sont destinées à l'os cortical.
- Dans tous les cas, les arêtes du filetage sont mousses, afin de limiter le traumatisme osseux (fig. 4).
- La pointe peut être mousse et arrondie pour éviter de léser les parties molles lorsqu'elle dépasse.
- Un angle de 60° permet une introduction plus facile et un guidage plus précis du début du vissage.
- La pointe peut comporter des encoches autotaraudeuses qui permettront l'élimination des débris
osseux le long de la vis lors de sa mise en place sans taraudage préalable.
- La longueur d'une vis se mesure de la partie la plus saillante de la tête à l'extrémité de la pointe.
Visserie « européenne »
La visserie que nous nommerons européenne (Maconor 2, AO, etc.) correspond en fait à la norme
ISO 5835-1 reprise et précisée sur certains points par la norme NF S 90411 de novembre 1988. Les
caractéristiques principales de cette visserie sont les suivantes :
- le matériau utilisé doit être conforme aux normes que nous avons indiquées dans le chapitre sur les
matériaux d'ostéosynthèse (fascicule 44-015 A) ;
- l'empreinte est hexagonale ;
- l'embase est sphérique ;
- le filetage est asymétrique.
La norme laisse aux fabricants la possibilité de mettre ou non des encoches autotaraudeuses au
niveau de la pointe. C'est ainsi que les visseries AO et Maconor 2 se différencient essentiellement
par la présence d'encoches autotaraudeuses sur les vis corticales Maconor 2 à l'exception des
petites tailles.
Il suffit de prendre un os de boeuf et de placer suivant les règles 2 vis de 4,5 mm, une
autotaraudeuse et l'autre non, puis de couper l'os au niveau des vis avant d'examiner l'ensemble à la
loupe. Ceux qui réaliseront cette expérience simple pourront constater que les vis autotaraudeuses
se fixent dans l'os au moins aussi bien et souvent mieux que les vis placées après taraudage.
L'explication de cette discordance avec l'AO est simple. Le principe du taraudage préalable est
excellent s'il est réalisé avec une machine qui taraude sans aucun mouvement latéral. Cela n'est
jamais le cas au cours de l'acte chirurgical. Le taraud élargit donc le trou proportionnellement à
l'amplitude des mouvements parasites latéraux. La tenue de la vis diminue d'autant (fig. 5).
L'autre différence entre les vis AO et Maconor 2 (fig. 6) est l'existence dans la visserie Maconor 2 de
gammes de diamètres prévus par la norme mais n'existant pas dans le matériel AO :
La conformité de la visserie est vérifiée par le Laboratoire national d'essai avant attribution de la
norme « NF Ostéosynthèse » qui garantit la qualité des implants.
Visserie anglo-saxonne
En dehors des deux types de vis normalisées, on peut rencontrer des vis spéciales comme :
Vissage
Technique
- Le forage : il s'effectue à l'aide d'un foret (ou mèche) en acier trempé dont le diamètre est
légèrement supérieur à celui de l'âme de la vis. Le foret doit être utilisé à travers un guide-mèche qui
protège les parties molles et centre le forage dans le trou de la plaque. L'idéal est que ce guide-
mèche comporte une collerette d'appui sur la plaque afin d'éviter l'élargissement du trou dû aux
mouvements latéraux.
- La seconde corticale doit toujours être percée avec prudence pour ne pas léser les parties molles,
en particulier les vaisseaux et les nerfs.
- Après Matthews et Hirsch [14] et d'autres auteurs, nous avons étudié expérimentalement avec
Labeyrie [12] l'influence de plusieurs paramètres (la pression d'appui, la vitesse de rotation, l'usure de
la géométrie du foret) sur le dégagement de chaleur dans l'os. En effet, Rouiller [23] a constaté la
destruction des ostéocytes et une nécrose osseuse après une élévation de température de 55°C
pendant 60 secondes. La nécrose osseuse corticale autour du trou peut s'étendre sur 2 mm, c'est-à-
dire dans la zone où est fixé le filet de la vis.
- Les résultats des mesures montrent que le forage assurant le moins d'élévation thermique, donc la
meilleure tenue de la vis, doit se faire avec une pression d'appui importante et une vitesse de rotation
du moteur élevée (2 500 t/min, ce qui est beaucoup plus rapide que les moteurs pneumatiques
habituellement utilisés).
- Cette dernière notion surprend beaucoup de chirurgiens qui sont persuadés qu'il faut un moteur
tournant lentement. En fait, il faut raisonner en quantité globale de chaleur provoquée. Un moteur lent
dégagera peu de chaleur dans l'os par unité de temps, cependant, comme il va mettre très longtemps
pour percer, la quantité totale de chaleur dégagée sera importante. En revanche, un moteur rapide
provoquera un gros dégagement de chaleur par unité de temps, mais le perçage ne durera que
quelques secondes, d'où une quantité totale de chaleur dégagée plus faible.
- Le foret doit être affûté et changé fréquemment. Le forage doit se faire avec une irrigation
peropératoire. Le foret idéal pour l'os comporte un angle de pointe de 120°, un angle de dépouille de
15° et un pas d'hélice de 18 mm (fig. 7).
- L'évacuation du copeau est un temps fondamental car elle va dissiper 75 % de la chaleur produite.
Le copeau de forme hélicoïdale, créé par les arêtes de coupe, s'évacue mal et se fragmente. Il y a
donc une tendance au bourrage, c'est-à-dire à l'accumulation des débris osseux dans les goujures
jusqu'à ce qu'elles soient pleines. A ce stade, la mèche ne fore plus mais élargit le trou. Il faut donc
évacuer le copeau des goujures avec une compresse après chaque trou ou même après chaque
corticale pour les os à corticale épaisse comme le fémur.
- Lorsque l'on retire le foret, il est fondamental de conserver le même sens de rotation du moteur. Si
l'on inverse ce sens, comme on le voit faire trop souvent, le copeau s'insinue entre le listel et la paroi
osseuse, s'y accumule et élargit le trou.
- Le taraudage : il constitue un temps indispensable pour la mise en place des vis qui ne comportent
pas d'encoches autotaraudeuses et un temps utile pour les corticales très épaisses du fémur même
si les vis sont autotaraudeuses.
- Le taraud a le profil de la vis mais avec des arêtes tranchantes et des rainures longitudinales. Tous
les trois ou quatre tours, il faut débourrer les débris osseux en faisant un demi-tour en arrière.
- Le fraisage : il est indispensable si l'on veut enfouir la tête de la vis, mais doit rester modéré pour ne
pas fragiliser la corticale.
- La mesure de longueur : effectuée avec une jauge, elle permet de choisir la longueur de vis adaptée
en arrondissant à la dimension supérieure pour assurer un bon ancrage dans la deuxième corticale.
- La mise en place des vis : lorsque la progression de la vis se heurte à une résistance, il faut
dévisser d'un demi-tour puis revisser. Si cela ne suffit pas, il faut tarauder après avoir vérifié qu'il n'y a
pas eu d'erreur de diamètre du foret.
Vissage isolé
Il constitue le geste essentiel de l'ostéosynthèse par vis et par plaque. Dans la plupart des cas, il se
fait en compression. Cela signifie que la vis traverse sans ancrage la corticale située sous sa tête et
qu'elle prend son ancrage dans la corticale opposée. On obtient le passage sans ancrage dans la
première corticale soit en utilisant une vis sans filetage dans sa partie proximale, soit en forant la
première corticale à un diamètre légèrement supérieur au diamètre extérieur du corps de la vis (fig.
8).
La compression exercée par le vissage isolé atteint d'après Brennwald [4] et von Arx [28] de 2 000 à
4 000 Newtons. Cette compression est statique car elle ne change pas de façon notable avec la
reprise de l'appui. Les mesures de Blümlein et coll. en 1977 [3] ont montré que cette force de
compression diminuait lentement au cours des 16 semaines qui suivaient la mise en place.
L'axe de mise en place de la vis par rapport au trait de facture est important à considérer.
- Une vis isolée doit être placée perpendiculairement au trait de fracture. Johner et coll. [11] ont
montré que si la vis s'écarte de plus de 20° de la perpendiculaire au trait de fracture, celui-ci a une
forte tendance à glisser lors du serrage de la vis. C'est ce qui se passe lorsque la vis est
perpendiculaire à l'axe de l'os.
- La vis perpendiculaire au trait de fracture provoque une excellente compression mais une mauvaise
stabilité à la charge axiale alors que c'est l'inverse pour une vis perpendiculaire à l'axe de l'os.
- Dans une fracture spiroïde (fig. 9) qui est fixée par plus de deux vis, la vis centrale est d'habitude
perpendiculaire à l'axe de l'os, prévenant le déplacement axial ; les deux autres vis sont
perpendiculaires au plan du trait de facture, assurant une compression maximale.
- Le vissage isolé, quel que soit le nombre de vis, n'assure pas une stabilisation suffisante pour
résister à une remise en charge précoce. Le complément de stabilité peut être procuré par un plâtre
avec ses inconvénients de raideur articulaire et d'amyotrophie. Il est préférable dans la majorité des
cas de protéger le vissage par une plaque de protection souvent dite « de neutralisation ». Les vis qui
fixent la plaque vont supporter des contraintes importantes.
Les qualités mécaniques d'une plaque d'ostéosynthèse ne sont à prendre en compte que si sa
fixation à l'os par des vis est parfaite. Sous l'effet des contraintes qu'elles subissent, ces vis peuvent
se rompre, se dévisser, ou s'arracher par destruction du filet osseux.
- des contraintes de cisaillement qui tendent à rompre la vis au niveau de la jonction plaque-os ;
- des contraintes axiales ou de traction-compression qui tendent à l'arracher (fig. 10).
Vissage
Il provoque des contraintes de traction-compression dans l'os au cours du serrage. Ces contraintes,
visibles en photoélasticimétrie, ont bien été étudiées par Blaimont, Halleux, Opdecam et Coutelier [2].
Ils ont montré qu'un serrage excessif des vis entraîne des modifications de structure à type
d'écrasement osseux ou de fissures pouvant aboutir à une destruction de leur ancrage. L'os qui est
beaucoup plus élastique que la vis va se comprimer au cours du vissage comme un ressort (fig. 11).
Ce ressort exercera ensuite une contrainte permanente sur le filet de la vis, tendant à chasser celle-ci
vers le bas et à plaquer sa tête contre la plaque. Cette dernière exerce une force de rappel dirigée en
sens inverse.
La plus grande partie des contraintes dues au vissage s'épuisent en frottement entre la tête de vis et
la plaque. Cordey et coll. [8] ont montré que seul un huitième de ces contraintes se transforme en
contraintes de traction-compression.
Si un serrage excessif entraîne une nécrose de la zone d'appui du filet osseux, le ressort sera
détendu, les contraintes de vissage annulées et le blocage de la vis supprimé. Celle-ci va alors se
dévisser.
L'utilisation d'un tournevis dynamométrique serait donc souhaitable pour doser la force de serrage
des vis. Ce sont les contraintes de vissage qui assurent le blocage de la vis.
Mouvements du membre
Ces mouvements provoquent soit des contraintes de cisaillement, soit des contraintes axiales de
traction-compression. Ces dernières s'ajoutent algébriquement à celles du vissage.
- Si les contraintes dans l'os au contact de la vis se font dans le même sens que les contraintes de
vissage, elles augmentent celles-ci. La pression du filet osseux sur le filet de la vis peut devenir
considérable et entraîner une nécrose ou un écrasement osseux. La vis peut alors s'arracher sans
s'être dévissée. L'ostéoporose favorise ce phénomène.
- Si les contraintes dans l'os au contact de la vis se font en sens inverse des contraintes de vissage,
elles diminuent celles-ci et peuvent les annuler. La vis est alors débloquée. La poursuite des
mouvements va entraîner dès que la vis est débloquée, un effet de matage, c'est-à-dire des petits
mouvements verticaux qui écrasent l'os et sont automatiquement transformés en rotation dans le
sens du dévissage. La vis se dévisse et devient inefficace. C'est alors sa voisine qui supporte les
contraintes et va subir le même sort à moins qu'un plâtre ou la consolidation osseuse arrêtent le
processus.
Comme Laurence et coll. l'avaient prévu [13], les mesures nous ont montré que les vis les plus
sollicitées sont celles qui sont proches du foyer. Il existe à ce niveau deux couples d'intensités
élevées, surtout lorsque le foyer est large .
Lorsque celui-ci est simplement impacté, les contraintes axiales sont partiellement transformées en
contraintes de cisaillement pour les mouvements du montage qui se font dans le sens opposé à la
plaque. Le risque de dévissage diminue.
Les vis des extrémités de la plaque sont très sollicitées, en raison de la brutale discontinuité élastique
entre l'os sain et l'os rigidifié par l'implant. L'amincissement des extrémités de la plaque, c'est-à-dire
la création d'une plaque à flexibilité variable diminue les contraintes de traction et leurs variations
dans les vis des extrémités. Ceci avait bien été mis en évidence dans une étude théorique que nous
avions présentée en 1978 avec Bonnet et de Bazelaire [17].
L'expérience montre que les vis se dévissent moins si le foyer est mis en compression.
L'interprétation donnée par l'AO est que les contraintes de cisaillement permanent introduites par la
compression empêchent les variations de contrainte de part et d'autre du point 0, c'est-à-dire de
l'absence de contrainte de cisaillement. Les mesures nous ont prouvé que si la compression introduit
des contraintes de cisaillement considérables, elle transforme aussi une grande partie des
dangereuses contraintes axiales dues aux mouvements en contraintes de cisaillement. Ceci est
probablement la cause principale de la diminution des dévissages par la compression.
L'adoption des empreintes Phillips et surtout des empreintes hexagonales a transformé ce temps
opératoire.
Le chirurgien est cependant encore assez souvent confronté aux difficultés de l'ablation de vis à
empreintes linéaires ou cruciformes. Lorsque ces vis sont en place depuis très longtemps, il est rare
que la situation ne se complique pas sérieusement par la destruction de l'empreinte après quelques
essais infructueux. Il faut absolument dégager avec soin la totalité de l'empreinte avant toute
manoeuvre, puis donner quelques impulsions dans les deux sens pour sectionner l'os qui a envahi
les encoches autotaraudeuses.
Si l'empreinte est détruite, il est parfois possible de mobiliser la vis en saisissant la tête avec une
pince Facom®. Le plus souvent cela est impossible.
S'il s'agit d'une vis isolée, le matériel spécial de l'AO va permettre de tailler, avec une tréphine, un
cylindre osseux autour de la vis et de l'enlever. Cependant la fragilisation osseuse est importante.
Si la vis fixe un implant dont l'ablation est indispensable (clou-plaque fixant une ancienne ostéotomie
de hanche avant prothèse par exemple), les difficultés sont considérables. La seule solution est la
destruction des têtes de vis. Elle se fait avec une fraise montée sur un moteur puissant tournant
lentement, après avoir poinçonné et foré le centre de la tête grâce à un foret spécial. Des
compresses vaselinées isolent les parties molles et recueillent les débris métalliques. Lorsque les
têtes sont détruites, l'implant peut être enlevé. La partie supérieure du corps de la vis dépasse
souvent assez pour qu'elle puisse être retirée avec un pince Facom®. Si ce n'est pas le cas, il faut
avoir recours aux tréphines et au matériel adapté, comme dans le cas d'une vis isolée.
Haut de page
Plaques
Les premières plaques d'ostéosynthèse sont apparues à la fin du siècle dernier. En 1890, Lambotte
forge lui-même ses plaques qui s'élargissent au niveau du foyer de fracture.
Sherman, conscient de la fragilisation des plaques au niveau des trous, les renforce en largeur à ce
niveau. Cette forme a été reprise récemment par les plaques Maconor 2.
C'est Danis qui en 1949 décrit l'ostéosynthèse à compression que Bagby [1], puis les chirurgiens de
l'AO allaient perfectionner. Ceux-ci ont établi que contrairement à ce que Danis avait pu penser, la
compression n'agit qu'en stabilisant le foyer, par augmentation des forces de friction entre les
fragments, et en réalisant une précontrainte qui maintient les fragments en place tant que les forces
extérieures restent plus faibles que la compression.
Müller et les chirurgiens de l'AO [22] préconisent la « consolidation primaire » par consolidation
corticale sans cal périosté.
En 1977, nous avons décrit [19] l'ostéosynthèse par plaques adhérentes, principe adopté pour le
matériel Maconor 2 et repris depuis sous une forme différente par les « plaques à contact limité » de
l'AO.
Classification
Les plaques peuvent être classées par leur taille, leur marque, leur siège d'utilisation.
On sépare ainsi :
On peut distinguer :
Elle sont destinées à la protection d'un foyer de fracture fixé préalablement par vissage. La
stabilisation procurée par un vissage isolé ne serait en effet pas suffisante pour résister à une
mobilisation précoce et à une remise en charge partielle.
La combinaison d'un vissage direct du foyer et d'une plaque de neutralisation est la technique la plus
souvent utilisée dans l'ostéosynthèse par plaque (fig. 12).
Faut-il exercer une compression complémentaire du foyer déjà vissé, par la plaque de neutralisation
? Avec prudence et uniquement dans les fractures obliques courtes. En effet, plus le trait de fracture
est oblique ou spiroïde, plus la compression par plaque va introduire un cisaillement dangereux dans
les vis déjà en place et qui fixent le foyer, pour un gain de stabilité mineur.
Plaques à compression
Elles sont destinées aux fractures transversales ou obliques courtes dont le vissage s'avère
impossible. La plaque exerce une compression statique dans l'axe de l'os.
- L'utilisation d'un tendeur de plaque mis en place à l'extrémité de la plaque (fig. 13). L'inconvénient
essentiel de ce type de compression est qu'il nécessite l'élargissement de la voie d'abord.
- La vis utilisée pour fixer le tendeur de plaque doit impérativement être jetée après usage car elle
subit de très fortes contraintes qui la fragilisent.
- La mise en place d'une plaque plane sur une corticale plane entraîne une compression de la
corticale proche, mais un bâillement de la corticale opposée qui va retarder la consolidation. Pour
éviter cet effet, il est souhaitable de légèrement plier la plaque au milieu avant sa mise en place, puis
de placer une vis à travers la plaque à environ 1 cm du foyer avant d'exercer une traction sur la
plaque par le tendeur.
- Les plaques autocompressives. La compression est obtenue grâce à la géométrie des trous des vis,
sans utilisation du tendeur, mais avec l'aide de deux guides-mèches différents (fig. 14).
- L'avantage principal de ce type de plaques est que la compression est obtenue sans élargissement
de la voie d'abord.
- L'inconvénient est la fréquence de la corrosion au niveau des trous et têtes de vis, car le frottement
détruit le film de passivation. En outre, les trous plus volumineux fragilisent plus la plaque que les
trous classiques.
- La tenue de la tête de vis dans la plaque est moins rigoureuse que dans un trou sphérique.
L'indispensable solidarisation plaque-vis est moins satisfaisante, d'où un risque accru de mobilisation
des vis. L'aspect dynamique de la compression paraît très limité, voire illusoire.
- Quelle que soit la technique des plaques à compression, il est souhaitable de placer une vis de
compression du foyer à travers la plaque dès que possible, ce qui améliore considérablement la
stabilité.
- Le tendeur de plaque doit impérativement être utilisé lorsque l'espace interfragmentaire est
supérieur à 1 mm, dans le traitement des pseudarthroses et dans toutes les ostéosynthèses du
fémur, en raison de l'importance des contraintes auxquelles le montage devra résister.
Plaques de soutien
Elles doivent être fixées parfaitement dans le fragment principal, mais pas nécessairement dans le
fragment qu'elles soutiennent (plaque console) (fig. 15).
Leur adaptation à la forme de l'os doit être parfaite et il est préférable pour cela d'utiliser des implants
prémoulés. La fixation commence de préférence au milieu de la plaque, en mettant en place les vis
progressivement en direction des extrémités de l'implant.
Les plaques épiphysaires Epiunion® de la gamme Maconor 2, les plaques en L et en T, les plaques
condyliennes et en trèfle de l'AO sont destinées à être utilisées en plaques de soutien.
Pauwels a émis l'hypothèse que les os sur lesquels les contraintes de charge sont excentrées, ont
une corticale en tension, l'autre en compression. En 1980, Schatzker et coll. [27] ont prouvé in vivo
que l'hypothèse était juste. Les os concernés sont le fémur, l'humérus et les deux os de l'avant-bras.
Une plaque placée du côté de l'os en tension, transforme les forces de flexion en forces de
compression. La plaque doit être mise en tension. Grâce à cela, le foyer de fracture dans son
ensemble est en compression.
Cette technique n'est utilisable que si la corticale opposée est intacte. Les pseudarthroses avec
déformation ont le côté convexe en tension et l'autre en compression. On peut corriger la déformation
en plaçant une plaque du côté convexe et en la mettant progressivement en tension. Le tendeur de
plaque est indispensable dans ce cas.
Lorsque la fracture est comminutive, il est préférable de ponter la zone du foyer sans dépérioster les
fragments pour essayer de les réduire anatomiquement. L'ostéosynthèse réalisée sera
obligatoirement instable mais la consolidation est possible grâce à un cal périosté qui tolère une
légère instabilité (fig. 16).
Il faut obligatoirement choisir une plaque épaisse et rigide pour minimiser autant que possible les
mouvements dans le foyer. Toutes les contraintes passent dans l'implant.
Mise en place
Cintrage
L'adaptation de la plaque à la forme de l'os nécessite souvent son cintrage qui s'effectue à l'aide
d'une presse, de fers à courber, ou de pinces. Il faut essayer de cintrer les plaques entre les trous
pour ne pas trop les fragiliser et également éviter les mouvements alternés.
Le cintrage est en général relativement aisé sur le plat et difficile sur le champ.
Dès que cela est possible, il faut utiliser des plaques prémodelées.
Nombre de vis
Le nombre de vis indispensables pour fixer une plaque à l'os dépend de la taille et du poids du sujet,
ainsi que de la taille et de la qualité de l'os. On considère en moyenne qu'il faut prendre 6 corticales
de chaque côté du foyer pour l'humérus ; 5 pour le radius et le cubitus ; 7 pour le fémur et le tibia. Ce
nombre doit être augmenté en présence d'une ostéoporose sévère.
Une étude originale par photoélasticimétrie des plaques d'ostéosynthèse [29] nous a permis en 1976,
de visualiser les contraintes à l'intérieur des plaques en fonction de la forme de l'implant, de la
disposition des trous et des contraintes exercées sur le montage.
- pour un foyer comminutif, les contraintes se concentrent dans la partie centrale de la plaque et
autour de la première vis de part et d'autre du foyer ;
- la disposition en quinconce des trous décalés des plaques larges de l'AO est dangereuse ; les
contraintes se concentrent dans l'étroite bande de métal entre trou et bord de la plaque ; la corrosion,
fréquente dans les trous, favorise l'apparition d'amorces de fissures qui peuvent provoquer la rupture
de la zone hypercontrainte, puis de l'implant.
- la rupture de la plaque ;
- la mobilisation des vis.
Rupture de la plaque
La rupture d'une plaque est à l'heure actuelle exceptionnellement due à un défaut du matériau.
Nous avons vu dans le chapitre des matériaux (fascicule 44-015-A), qu'en fait la plaque ne peut pas
casser si les contraintes qu'elle subit sont inférieures à la limite de fatigue du matériau qui la constitue
(courbe de Woehler). Lorsque la fracture est consolidée, la plaque ne subit plus que des contraintes
faibles et elle peut rester indéfiniment en place sans se rompre. Si la plaque se casse, c'est que la
fracture ne s'est pas consolidée. Les raisons de cette non-consolidation constituent un autre
problème, mais dans la grande majorité des cas, il s'agit d'une ostéosynthèse qui d'emblée était
instable.
Les vis les plus proches du foyer de fracture sont les plus sollicitées et sont les premières à se
mobiliser sous l'influence des contraintes créées par les mouvements du membre. Leur recul, visible
sur les radiographies, est un signe d'alerte qui doit entraîner une immobilisation temporaire.
Lorsque les vis les plus proches du foyer sont devenues inefficaces, ce sont les vis suivantes qui sont
soumises à leur tour à des contraintes excessives.
Si le cal ne se forme pas, stabilisant le montage, les vis vont se dévisser légèrement les unes après
les autres, puis la plaque s'arrachera de l'os.
La mobilisation des vis est donc la cause principale de défaillance de l'ostéosynthèse par plaque.
Pour améliorer celle-ci il faut donc diminuer le risque de mobilisation des vis, c'est-à-dire en pratique
diminuer les contraintes qu'elles subissent.
Plaques adhérentes
En 1977, nous avons présenté le principe des plaques adhérentes et les études expérimentales
correspondantes [19].
Le coefficient de frottement entre os et plaque classique est très faible. L'implant a tendance à glisser
sur l'os et à cisailler les vis. Par contre, si la face de la plaque en contact avec l'os est recouverte
d'aspérités, ce coefficient devient très élevé. Les mouvements transmis à la plaque par un fragment
de l'os sont transmis à l'autre fragment par la totalité de la plaque.
Les contraintes de cisaillement supportées par les vis sont considérablement diminuées et par là
même le risque d'arrachage et de forage. Les mesures ont montré que pour les plaques à face «
osseuse » rugueuse, ces contraintes étaient 3 fois plus faibles que pour les plaques à face « osseuse
» lisse.
Les rugosités ne doivent pas être rétentrices, car les plaques doivent pouvoir être enlevées. Le but
n'est pas la réhabitation mais le déchargement des contraintes.
En 1979, Comtet, Moyen et coll. [7] publient l'étude histologique expérimentale. Ils constatent que les
« craintes théoriques concernant l'éventualité de l'apparition d'une ostéolyse sous les rugosités de la
plaque ne sont pas vérifiées, bien au contraire puisque nous observons une apposition osseuse
périostée sous la plaque ».
Depuis cette date, le principe a été adopté très largement en France et sur le plan international
(gamme d'implants épiphysaires Howmédica).
La norme française NF S 90426 précise les caractéristiques des plaques diaphysaires en acier
inoxydable à surface rugueuse.
En 1978, poursuivant les recherches expérimentales nous avons présenté le principe des plaques à
flexibilité variable.
Leur but est de diminuer les contraintes axiales de tractioncompression sur les vis des extrémités de
la plaque et de réduire la brutale discontinuité mécanique en bout de plaque.
Les plaques à flexibilité variable sont épaisses, donc très rigides, au niveau du foyer de fracture afin
de le stabiliser. Elles deviennent plus minces, donc plus flexibles, en se rapprochant des extrémités
(fig. 19). Ce principe a été adopté sur certains implants tels que les plaques fémorales, clou-plaques,
etc. Il reste toujours valable, mais des considérations économiques (prix de revient élevé) ont jusqu'à
ce jour limité son développement.
Plaques ostéoconductrices
Les aspérités des plaques adhérentes provoquent l'apparition d'une néoformation osseuse entre les
aspérités. Toutefois, l'élaboration de cet os nouveau est relativement lente.
A la réunion de la SOFCOT 1993, nous avons exposé le concept des plaques ostéoconductrices et
les premiers résultats expérimentaux. Le recouvrement de la face rugueuse des plaques par une
céramique de phosphate de calcium entraîne la formation, en quelques semaines, d'un os immature
qui ponte le revêtement de la plaque et la corticale. Cet os se corticalise rapidement sans
interposition fibreuse et sans aucune modification visible de la corticale sous la plaque.
Le revêtement peut être un dépôt d'hydroxyapatite. L'ablation secondaire de l'implant risque d'être
difficile car la résorption de la céramique est très lente. Le revêtement de phosphate tricalcique
semble la solution idéale. Le pouvoir ostéoconducteur est le même, mais la résorption totale va se
faire en quelques mois, rendant aisée l'ablation de la plaque.
Quelle est l'influence des revêtements sur la consolidation du foyer lui-même ? Les études
expérimentales sont encore en cours. Le revêtement aura au minimum un effet mécanique puisqu'en
établissant rapidement une solidarisation plaque-os, il décharge totalement les vis de tous les types
de contraintes.
Plaques biorésorbables
Les plaques biorésorbables n'ont pas à ce jour les qualités mécaniques nécessaires. Leur utilisation
est limitée à la chirurgie maxillofaciale. La biocompatibilité relative de ces implants doit inciter à la
plus grande prudence.
Ablation du matériel
L'ablation des plaques elles-mêmes ne pose pas de problème technique, sauf lorsqu'elles sont
recouvertes d'os. Il faut alors les dégager aux ciseaux en conservant soigneusement les contreforts
osseux latéraux pour ne pas fragiliser l'os.
Il est admis à l'heure actuelle, que les plaques diaphysaires ne doivent pas être enlevées avant un
délai de 2 ans. Cette précaution est destinée à minimiser le risque de fractures itératives après
ablation du matériel.
Un travail récent de Rosson et coll. montre que la fragilité osseuse après ablation d'une plaque est
provoquée, beaucoup plus par les trous des vis que par une atrophie corticale. L'obturation de ces
trous par une céramique de phosphate de calcium est une voie de recherche intéressante.
Haut de page
Conclusion
Les partisans de la plaque et ceux du clou se sont souvent affrontés en discussions animées. Il est
possible d'aborder ce débat sans passion.
La plaque conserve une place essentielle au niveau des épiphyses et des métaphyses, ainsi qu'au
niveau de l'avant-bras.
Moyen d'ostéosynthèse indiscutable des fractures autour de prothèse, elle est préférable à
l'enclouage pour le traitement des fractures sur métastase.
Au niveau des diaphyses fémorales et tibiales, l'enclouage verrouillé est certainement la méthode de
choix, en particulier pour les fractures comminutives.
Mais l'enclouage fixe mal une longue spiroïde de jambe ou une fracture basse du tibia. La
consolidation se fait souvent avec un léger raccourcissement ou un petit cal vicieux qu'une
ostéosynthèse par plaque aurait évité.
Vis et plaques biorésorbables sont déjà commercialisées. Leur faible résistance mécanique, la
grande fréquence des complications et leur prix élevé doivent inciter le chirurgien à ne les utiliser que
dans des cas relativement exceptionnels.
Les perfectionnements récents et à venir de l'ostéosynthèse par plaque vont certainement élargir ses
indications en attendant que les moyens utilisés pour consolider les fractures fassent plus appel à la
biologie qu'à la mécanique. Les plaques ostéoconductrices sont peut-être l'avant-garde de cette
évolution qui fera probablement appel aux facteurs de croissance.
Références Bibliographiques
[1] BAGBY GW. Compression bone plating. History and evaluation. In : Uthoff H ed. Current
concepts of internal fixation of fractures. Springer-Verlag. New York. 1980 ; pp 174-179
[2] BLAIMONT P, HALLEUX P, OPDECAM P, COUTELIER L Réaction du tissu osseux aux contraintes
de vissage. Acta Orthop Belg 1973 ; 39 : 393-422
[3] BLÜMLEIN H, CORDEY J, SCHNEIDER U, RAHN BA, PERREN SM Langzeitmessung der Axialkraft
von Knochenschrauben in vivo. Med Orthop Tech 1977 ; 97 : 17-19
[5] CAZENAVE A. Etude théorique et expérimentale des contraintes dans les vis d'ostéosynthèse
[Thèse de Médecine] no 270. Bordeaux. 1978
[6] COMTET JJ, MOYEN B, MEYRUEIS JP et al. Plate of variable flexibility : mechanical and biologic
study on intact femur of dogs. In : Uthoff H ed. Current concepts of internal fixation of fractures.
Springer-Verlag. New York. 1980 ; pp 379-388
[7] COMTET JJ, MOYEN B, SANTINI R, RUMELHART C, BORGI R, DE MOURGUES G Effets mécaniques
et biologiques de l'utilisation de la plaque d'ostéosynthèse à surface rugueuse sur le fémur de
chien. Rev Chir Orthop 1980 ; 66 (suppl 2) : 110-113
[8] CORDEY J, MARTIN D, SCHLAEPFER F, PERREN SM. Interaction between screw and plate in
internal fixation : Torque components in cortical bone screws. In : Uhthoff H ed. Current
concepts of internal fixation of fractures. Springer-Verlag. Berlin. 1980 ; pp 252-258
[10] GOODSHIP AE, KENWRIGHT J The influence of induced micromovements upon the healing of
experimental tibia fractures. J Bone Joint Surg 1985 ; 67-B : 650-655
[11] JOHNER R, JOERGER K, CORDEY J, PERREN SM Rigidity of pure lag screw fixation as a function
of screw inclination in an in vitro spiral osteotomy. Clin Orthop 1989 ; 178 : 74-79
[12] LABEYRIE JL. Problèmes posés par le perçage des os [Thèse de Médecine] no 451. Bordeaux II.
1981
[13] LAURENCE M, FREEMAN M, SWANSON S Engeneering consideration in the internal fixation of the
tibia shaft. J Bone Joint Surg 1969 ; 51 B : 754-768
[14] MATTHEWS LS, HIRSCH C Temperatures mesured in human cortical bone when drilling. J Bone
Joint Surg 1972 ; 54 A : 297-308
[15] McKIBBIN B The biology of fracture healing in long bones. J Bone Joint Surg 1978 ; 60 B : 150-
162
[16] MEADOWS TH, BRONK JT, CHAO EY, KELLY PJ Effect of weight-bearing on healing of cortical
defects in the canine tibia. J Bone Joint Surg 1990 ; 72 A : 1074-1080
[20] MEYRUEIS JP, VIALLA JM, LE SAINT B, CALLEC A La fixation des foyers de fracture doit-elle être
rigide ?. Rev Chir Orthop 1981 ; 67 (suppl 2) : 78-81
[22] MÜLLER ME, ALLGÖWER M, SCHNEIDER R, WILLENEGGER H. Manual of internal fixation (3rd
ed). Springer-Verlag. Berlin. 1991 ; pp 1-2
[23] ROUILLER C, MAJNA G Morphologic and experimental studies on the mechanics of plates
transverse fracture. J Biomech 1974 ; 7 : 377-387
[24] ROSSON JW, EGAN J, SCHEARER J, MONRO P Bone weakness after the removal of plates and
screws, cortical atrophy or screw holes. J Bone Joint Surg 1991 ; 73 B : 283-286
[25] ROSSON JW, PELTEY GW, SCHEARER J Bone structure after removal of internal fixation plates. J
Bone Joint Surg 1991 ; 73 B : 65-67
[26] RUBIN T, LANYON L, GRAFTON P Regulation of bone formation by applied dynamic loads. J Bone
Joint Surg 1984 ; 66 A : 397-402
[27] SCHATZKER J, TILE M. The rational of operative fracture care. Springer-Verlag. Berlin,
Heidelberg, New York. 1987
[28] VON ARX C. Schubübertragung durch Reibung bei Plattenosteosynthesen. AO Bull 1993 ; 1-34
[29] ZIMMERMANN R. Ostéosynthèse par plaques. Etude expérimentale des contraintes [Thèse de
Médecine] no 307. Bordeaux. 1976
Tableaux
Tableau I.
Cal primaire
**** * **** **** ---
Cal périosté
*** *** *** --- ****
Cal cortical
* --- --- **** ---
Cal endosté
** ** (lent) ** *** ---
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4
Détail du filet des vis à os cortical et à os spongieux (visserie européenne ; norme ISO 5835-1).
Fig. 5
Les mouvements latéraux du taraud élargissent le trou et diminuent d'autant la tenue de la vis.
Fig. 6
Visserie Maconor 2.
Fig. 7
Foret : angle de pointe, angle de dépouille, angle d'hélice, 1. arête principale, 2. goujure, 3. âme.
Fig. 8
Vissage en compression par une vis de 4.5. A. Un trou de glissement est foré avec un foret de 4.5 dans la première
corticale. B. La deuxième corticale est forée avec un foret de 3.2 centré par un guide placé dans le trou de glissement. C.
Le filetage ne doit mordre que dans la deuxième corticale. Dans le cas contraire, les deux corticales ne peuvent pas être
comprimées l'une contre l'autre.
Fig. 9
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
Fig. 13
Fig. 14
Fig. 15
Plaque de soutien.
Fig. 16
Plaque de pontage. Du tissu spongieux peut être ajouté, à condition que ce geste n'entraîne pas de dépériostage
supplémentaire.
Fig. 17
Fig. 18
Néovascularisation sous les plaques adhérentes. A. Zone mal vascularisée sous les plaques classiques. B.
Néovascularisation sous une plaque adhérente.
Fig. 19
Laurent Pidhorz : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Strasbourg, chirurgien
Centre de traumatologie et d'orthopédie, 10, avenue Baumann, F 67400, Illkirch Graffenstaden
France
Résumé
La technique de fixation des fractures des os longs à l'aide d'un clou placé dans le canal médullaire
dite « enclouage centromédullaire » (ECM) se pratique à l'heure actuelle selon les principes de son
initiateur, le chirurgien allemand Gerhard Küntscher (1940), à foyer fermé (FF), après alésage et avec
le complément moderne souvent indispensable du verrouillage appelé « enclouage centromédullaire
à foyer fermé avec verrouillage » (ECMV).
Bien que basée sur des principes mécaniques et biologiques irréfutables, cette méthode s'est
imposée avec peine en raison de la redoutable concurrence de la plaque reposant sur la rigidité
absolue du montage et le foyer ouvert. A présent, grâce aux améliorations du matériel et à l'apport du
verrouillage, l'enclouage prend de plus en plus d'importance et gagne de nombreux adeptes.
Plan
Principes de la méthode
Technique de l'enclouage centromédullaire à foyer fermé des os longs
Cas particuliers
Complications tardives
Autres matériels et techniques - nouvelles orientations
Conclusion
Haut de page
Principes de la méthode
- au plan mécanique, l'ostéosynthèse réalisée par un tube creux, placé dans l'axe mécanique neutre
de l'os assure :
- dans tous les cas, une ostéosynthèse stable permettant la mobilisation immédiate ;
- et dans les cas sélectionnés, une ostéosynthèse solide autorisant non seulement la mobilisation
mais aussi la mise en charge immédiate.
L'apport de l'alésage [19] (au début des années 1950), qui réalise l'adaptation du diamètre du canal
médullaire à celui du clou, a permis l'introduction de clous plus gros donc plus solides (la résistance
du clou augmente selon la puissance trois à quatre de son diamètre) et a définitivement éliminé la
complication la plus dangereuse de l'ECM sans alésage : l'enclavement du clou. Contesté à ses
débuts, l'alésage l'est à nouveau à l'heure actuelle et sur les mêmes arguments : destruction de la
vascularisation endomédullaire, largage de microembolies graisseuses pouvant aboutir, dans de
rarissimes cas, à des décès brutaux, ce qui a conduit l'AO à la mise au point d'un petit clou de tibia
sans alésage. Le bien-fondé de cette nouvelle orientation thérapeutique, qui devrait réduire le risque
infectieux et létal dans les fractures ouvertes de grade 3, n'est à l'heure actuelle pas scientifiquement
établi [1].
Il est prouvé que la vascularisation de la diaphyse dans toute son épaisseur est entièrement rétablie
dans un délai de 3 à 6 semaines. Comme par ailleurs, les microembolies n'ont dans l'immense
majorité des cas aucune traduction clinique, l'alésage reste partie intégrante de la méthode.
Néanmoins, l'ECM classique avec alésage ne contrôlait pas ou mal la rotation des fragments, leur
télescopage et les angulations, malgré l'enclavement élastique transversal induit par sa forme en
trèfle et sa fente longitudinale, réalité d'ailleurs contestée au profit de son enclavement longitudinal
selon le principe trois ou quatre points. Les indications de l'ECM ne concernaient idéalement que les
fractures simples médiodiaphysaires avec des limites proximales et distales situées à 3 cm au
minimum de l'élargissement du canal médullaire.
L'adjonction du verrouillage, qui consiste à fixer le clou à l'os par l'intermédiaire de vis transfixiantes,
réalisant l'ECMV a apporté une solution élégante et sûre à ces problèmes (Küntscher [16], Klemm et
Schellmann [14], Kempf et coll [9]).
Deux types de montage peuvent être réalisés selon le type de verrouillage (fig. 1).
- Dans le montage dynamique, le verrouillage n'intéresse qu'une des extrémités, la plus proche du
trait de fracture ; il contrôle la rotation et permet dans les traits de fracture simples la mise en charge
immédiate.
- Dans le montage statique, le verrouillage est proximal et distal, il neutralise la rotation, le
télescopage et l'angulation. Il permet la mobilisation immédiate mais non la mise en charge. Le
montage statique peut être « dynamisé » par l'ablation du verrouillage le plus éloigné du foyer de
fracture. Il est prouvé tant par la clinique que par l'expérimentation que la dynamisation n'a pas
d'influence sur la qualité finale du cal et qu'elle ne doit être pratiquée qu'en cas de menace de
pseudarthrose avec diastasis, avec le complément indispensable de la mise en charge immédiate. Le
verrouillage a permis de faire bénéficier de l'enclouage tous les types de fractures sur toute la
longueur de la diaphyse, de métaphyse à métaphyse, et de l'étendre à l'humérus, au cubitus et à
l'extrémité supérieure du fémur.
En résumé, l'ECM dans son mode simple ou avec verrouillage dynamique réalise fondamentalement
un montage élastique autorisant une certaine mobilité résiduelle du foyer de fracture considérée à
juste titre comme bénéfique à la consolidation. Ce montage est quelque peu rigidifié par le
verrouillage statique mais jamais dans les proportions et au lourd prix de la plaque et il est
susceptible à tout moment d'être dynamisé soit spontanément par prise de jeu des vis de
verrouillage, soit intentionnellement par ablation raisonnée de certaines de ces vis.
La notion de rigidité est pour l'enclouage une discipline parfois nécessaire, celle de l'élasticité une
liberté contrôlée [13].
Haut de page
Technique de l'enclouage centromédullaire à foyer fermé des os longs
Réinsistons à nouveau sur la notion fondamentale du foyer fermé qui fait partie intégrante de la
méthode. L'enclouage à foyer ouvert doit rester l'exception réservée aux difficultés techniques
insurmontables et dans cette hypothèse il ne doit jamais être exécuté en « va-et-vient ».
Matériel
Implants
Ils sont tous trois dérivés d'un clou simple sans orifice de verrouillage, dont la coupe est en forme de
trèfle, fendus sur toute ou partie de leur longueur. Le clou simple garde des indications pour des
fractures médiodiaphysaires transversales ou pour réaliser, sur des types de fractures complexes,
l'enclouage dit d'alignement [21]. Il devrait, ne serait-ce que pour des arguments économiques, rester
dans le commerce. Pour des raisons de stockage, il tend à disparaître et certains, comme l'AO, en
ont définitivement arrêté la fabrication.
Les clous fémoral et tibial de Strasbourg sont en forme de trèfle partiellement fendus pour améliorer
la tenue en rotation. Un orifice supérieur comportant deux méplats latéraux et un pas de vis assure
une parfaite solidarisation avec l'appareil de visée proximal et avec la toupie d'extraction.
Le clou fémoral est précourbé d'une longueur de 360 à 480 mm et de diamètre de 12 à 16 mm. Il
existe une longueur 320 et 340 mm pour les diamètres 12 et 13 mm. Le clou existe également sans
sente de 260 à 420 mm et de diamètre de 10 et 11 mm, avec une tenue en rotation 20 fois
supérieure au clou fendu. Il est utilisé dans des indications spéciales : grand fracas, os très porotique,
reconstruction après chirurgie tumorale.
L'extrémité proximale est percée d'un orifice fileté oblique à 130° en bas et en dedans, admettant une
vis de verrouillage à filetage continu de 6,35 mm de diamètre, de longueur de 40 à 100 mm mise
avec une mèche de 5 mm.
Son extrémité distale est percée de deux orifices transversaux distants de 25 mm, le plus distal se
trouvant à 15 mm de l'extrémité inférieure conique du clou et admettant des « vis-boulons » de
verrouillage partiellement filetées de 6 mm de diamètre, autotaraudeuses, de longueur de 30 à 90
mm.
Le clou tibial est béquillé dans le plan sagittal pour faciliter son introduction, de longueur de 285 à
405 mm et de diamètre de 11 à 15 mm. Les clous de 11 mm vont de 270 à 375 mm, les clous de 12
mm allant de 270 à 390 mm. Il existe des clous de petit diamètre (9 et 10 mm) sans fente, de
longueur de 240 à 390 mm. Il est muni de deux orifices proximaux et deux orifices distaux
transversaux admettant des « vis-boulons » de verrouillage de 5 mm, de longueur de 25 à 70 mm,
mise en place avec une mèche de 3,5 mm et de 5 mm pour l'avant-trou.
Les vis de verrouillage fémorales et tibiales viennent d'être uniformisées. Elles sont toutes
entièrement filetées et elles ne nécessitent qu'un seul méchage des deux corticales. La gamme
comporte à présent une seule vis fémorale de 6,28 mm de diamètre (mèche de 5 mm) et une seule
vis tibiale de 4,6 mm (mèche de 3,7 mm). Les têtes et les longueurs de vis sont identiques.
Le matériel AO est également en forme de trèfle et partiellement fendu. La courbure du clou fémoral
impose un orifice d'entrée au ras de la fossette digitale et de l'implantation du col. Il est percé de deux
orifices proximaux dont l'un est oblong permettant une compression interfragmentaire et deux orifices
distaux admettant des vis de verrouillage à filetage continu peu profond et autotaraudeuses. Les
orifices de verrouillage plus écartés et plus éloignés des extrémités du clou par rapport au clou de
Strasbourg réduisent la longueur du segment diaphysaire et limitent de ce fait les indications de la
méthode.
Le clou tibial AO est également béquillé avec un segment coudé plus long qui facilite son introduction
et qui impose un point d'introduction au ras de la surface préspinale. Le dispositif de verrouillage
proximal comprend trois orifices dont un oblong permettant également une compression
interfragmentaire. Il existe trois orifices de verrouillage distal, cylindriques : deux transversaux et un
antéropostérieur situé entre les deux premiers et utilisé en cas de fracture basse, proche du premier
orifice transversal. Le verrouillage est pratiqué à l'aide d'un viseur spécial : la première vis est placée
sous contrôle scopique et la deuxième de manière automatique grâce au viseur.
Les particularités du clou de Francfort par rapport aux deux matériels précédents sont une fente
longitudinale continue et un verrouillage proximal du fémur par une vis à filetage continu oblique à
150°.
Basé sur le même principe dans les trois matériels décrits, il est étroitement solidaire du clou par un
dispositif approprié muni de canons de visée et de douilles amovibles permettant le passage du
pointeau, des mèches et des vis montées sur des tournevis adaptés.
Visée distale
Elle continue à poser problème. Malgré divers essais tels un long appareil de visée distale solidarisé
à l'extrémité proximale du clou inutilisable (en raison de la courbure du fémur et des contraintes en
flexion et en torsion auxquelles il est soumis lors de son introduction), la recherche des orifices
distaux par des dispositifs électromagnétiques, électroniques ou aux ultrasons, l'utilisation de
l'amplificateur de brillance est à l'heure actuelle toujours indispensable. La recherche des trous de
verrouillage doit exposer le moins possible l'opérateur, ses aides et le patient aux rayons X.
L'appareil de visée le plus utilisé, car le plus simple, est le viseur à long manche tenu à la main. Cette
technique dite « free hand », « à main levée » (fig. 2 A) reste dangereuse pour les mains de
l'opérateur. Le viseur de Strasbourg solidaire de l'amplificateur (fig. 2 B) stérilisable, muni d'un canon
de visée offre les meilleures garanties de protection de l'équipe opératoire dont les membres portent
obligatoirement un tablier de plomb. Son maniement demande un manipulateur entraîné.
Amplificateur de brillance
Il est indispensable non seulement pour la visée distale mais pour tous les autres temps de
l'enclouage : réduction, mise en place du guide, alésage, pose du clou.
Technique opératoire
Nous décrirons en détail l'ECMV du fémur qui comporte tous les temps de l'ECM complétés par les
manoeuvres de verrouillage en incluant les différents incidents et erreurs peropératoires possibles.
ECMV du fémur
L'objectif, quel que soit le type ou le niveau de la fracture, est de réaliser une synthèse stable
permettant la mobilisation et dans les cas sélectionnés une fixation solide autorisant en plus la mise
en charge précoce.
Information du patient
Moment de l'intervention
En cas de fracture isolée, l'intervention est programmée en urgence différée, le mieux le lendemain
de l'admission ou dans les premières 48 heures. Chez le polytraumatisé ou le polyfracturé, la fixation
en urgence des fractures, compte tenu des priorités thérapeutiques, est un moyen efficace de
minimiser le choc traumatique, les douleurs et de prévenir l'embolie graisseuse.
Si l'opération n'est pas exécutée en urgence, le membre est mis en traction par broche de Kirschner
ou clou transtubérositaire tibiale et non transcondylien. En effet la traction est souvent posée de
façon imprécise en urgence et elle peut de ce fait être gênante pour l'intervention ou, en cas de report
inopiné de l'opération, de petits phénomènes d'intolérance peuvent apparaître comportant un risque
infectieux.
Installation (fig. 3)
Elle est réalisée par le chirurgien. La position classique en décubitus latéral est abandonnée en
faveur du décubitus dorsal, sur table orthopédique, plus propice aux manoeuvres de verrouillage,
plus simples à réaliser et moins choquant chez le polytraumatisé ou le vieillard. Le membre inférieur
controlatéral est placé sur un support en position gynécologique, hanche et genou fléchis à 90°. Est
mis en place (en observant strictement les règles d'asepsie) un clou de Steinmann transcondylien,
sous contrôle télévisé et dans l'axe de la diaphyse (un peu plus ventral pour les fractures distales)
parallèle à 2 cm de l'interligne articulaire. Ce clou est solidarisé directement à la table d'extension,
sans dispositif intermédiaire (corde, élastique), grâce à un étrier approprié. Pour mieux faire saillir la
région trochantérienne, le tronc du patient est incliné vers le côté opposé et le membre orienté à 10-
15° d'adduction (fig. 3).
Son arceau doit pouvoir pivoter aisément autour de la cuisse pour les contrôles de face et de profil.
Réduction de la fracture
C'est le temps capital qui précède la mise en place des champs opératoires. Elle est réalisée par la
traction sur table, par la manipulation par pression sur les fragments, le cas échéant en s'aidant de la
manoeuvre du petit clou introduit dans le fragment proximal et faisant levier. L'alignement des
fragments doit être le meilleur possible. Le champ opératoire est réalisé de préférence avec un set de
non tissé, recouvrant le membre inférieur de la taille au dispositif de traction.
Erreurs : ne pas réduire avant le début de l'intervention proprement dite et croire en l'action réductrice
du guide et du clou.
Première variante : l'appareil de Lafforgue et Grosse, stérile, est mis en place sur l'embase
basculante de l'amplificateur de brillance. Son générateur est recouvert d'une housse stérile. Le
manipulateur radio réalise la superposition exacte de l'orifice de verrouillage du clou avec celui du
canon de visée. Il doit obtenir une image parfaitement ronde. L'appareil est alors bloqué, récepteur au
contact de la face interne de la cuisse, canon de visée contre la peau du côté externe. Les différents
temps du verrouillage distal (fig. 5) sont alors réalisés :
- mise en place de la douille qui est poussée jusqu'au contact osseux après incision de la peau et
discision des parties molles à l'aide d'une pointe mousse ;
- préparation du point d'entrée à la pointe carrée ;
- forage des deux corticales à la mèche de 4,5 mm puis de la corticale proximale à la mèche de 6 mm
;
- mise en place après mesure de la vis autotaraudeuse à filetage partiel.
Les vis proximales donnant une meilleure prise sont indiquées sur os porotique chez le vieillard. La
même manoeuvre est réalisée pour le deuxième orifice de verrouillage distal.
- mauvaise pénétration de la corticale à la pointe carrée, dérapage de la mèche avec mise en place
de la vis à côté du clou !
- une des vis de verrouillage se trouve dans le foyer de fracture ou inversement l'un des trous de
verrouillage reste libre entraînant dans les deux cas un risque de pseudarthrose ;
- vis de verrouillage ne prenant pas correctement la corticale opposée ;
- oubli de l'impaction laissant persister un diastasis.
Deuxième variante : le verrouillage à main levée est réalisé lorsque l'on ne possède pas de cadre de
visée. Un clou de Steinmann (de diamètre 3,2 mm) monté sur moteur est placé au centre du trou
sous contrôle scopique puis introduit parallèlement à la direction présumée du faisceau radiologique
dans la première corticale. Sa position centrale est alors contrôlée à la scopie. Il est introduit dans la
deuxième corticale et retiré. La mèche est ensuite passée dans les deux corticales après nouveau
contrôle scopique. La vis est mise en place. On peut également utiliser pour cette méthode à main
levée le viseur radiotransparent universel de Pennig.
- Fermeture sur drain de Redon non aspiratif de l'incision proximale. Un ou deux points de suture sur
les incisions de verrouillage.
Soins postopératoires
Extraction
Après ablation des différentes vis de verrouillage et dégagement de l'orifice proximal du clou de la
fibrose, voire de l'ossification présente, on procède au vissage du boulon d'extraction et de la masse
et à l'ablation du clou. La mise en charge est autorisée dès que possible sans protection.
ECMV du tibia
La voie d'abord, verticale médiane de 3 à 4 cm, est prérotulienne pour la peau et transtendineuse
dans le sens des fibres au milieu du tendon rotulien.
L'orifice d'entrée du guide et du clou préparé à la pointe carrée droite puis courbe est extra-articulaire
(fig. 7). Il se situe sur le versant supérieur et interne de la tubérosité tibiale antérieure (la tubérosité
n'est pas anatomiquement dans l'axe du tibia mais plutôt externe par rapport à celui-ci) entre la
bourse séreuse sous-rotulienne et l'insertion tibiale du tendon rotulien, dans l'axe de la crête tibiale.
La pointe carrée doit rapidement prendre une direction parallèle à la corticale antérieure du tibia pour
ne pas venir buter sur la corticale postérieure et éventuellement la perforer.
Le verrouillage supérieur est en théorie facile et pratiqué par la face médiale du tibia pour la vis
transversale. Il faut sans cesse avoir à l'esprit le danger potentiel d'une lésion vasculaire non
seulement poplitéotibiale postérieure pour la vis antéropostérieure mais aussi à l'origine de la tibiale
antérieure pour la vis transversale. La perforation à la mèche des corticales postérieure et latérale
doit être prudente, strictement contrôlée et la longueur des vis très exactement calculée afin qu'elles
ne dépassent pas la corticale de plus d'un pas de vis.
Le verrouillage distal se fait également de dedans en dehors, selon les mêmes séquences qu'au
fémur.
Extension de la méthode
Le traitement des fractures de la diaphyse humérale est resté longtemps dominé par les diverses
méthodes du traitement orthopédique non sanglant et pour des indications bien précises par
l'ostéosynthèse par plaque. L'enclouage simple préconisé par Küntscher lui-même et en France avec
de bons résultats par Schvingt ne contrôlait qu'imparfaitement la rotation de même que l'embrochage
fasciculé selon Hackethal ou le clou d'Ender. Seidel [23] a mis au point un clou huméral verrouillé. Il
est creux, sans fente, trifolié et béquillé de 8 et 9 mm de diamètre et de longueur de 180 à 280 mm. Il
est muni de deux orifices proximaux perpendiculaires admettant des vis autotaraudeuses de 4,5 mm.
Le verrouillage distal est réalisé par un dispositif à palettes qui s'écartent grâce à une vis expansive
et dont la tenue dans le canal médullaire distal très étroit est suffisante pour neutraliser la rotation.
- Installation en décubitus dorsal (fig. 8), l'épaule est dégagée en mettant un coussin sous l'omoplate,
en la faisant légèrement déborder de la table et en tournant la tête du côté opposé. L'aide réalisera
les manoeuvres de réduction en tirant sur l'avant-bras, le coude à 90° pour contrôler la rotation,
complétées par la pression directe sur les fragments. L'amplificateur de brillance, placé entre les
deux opérateurs, est indispensable pour vérifier la bonne réduction, la mise en place du guide et la
progression du clou.
- L'incision est en barrette de 4 à 5 cm à un travers de doigt de l'acromion. L'aponévrose est fendue
dans le sens des fibres de la partie moyenne du deltoïde, qui sont dissociées pour accéder
facilement au trochiter.
- Le point d'introduction extra-articulaire (fig. 8) se trouve au bord externe et légèrement en dessous
de la facette d'insertion du sus-épineux. Après la mise en place du guide d'alésage, l'enclouage est
réalisé, vis d'expansion introduite au préalable dans le clou, en contrôlant la rotation. En cas de
diastasis, l'impaction se fait par quelques coups avec la paume de la main sur le coude fléchi à 90° ;
si nécessaire, il ne faut pas hésiter à réaléser. L'extrémité proximale du clou doit affleurer le rebord
osseux, voire être enfoncée de quelques millimètres afin d'éviter tout conflit sous-acromial.
- Le verrouillage distal est effectué en premier en actionnant la vis d'expansion à l'aide d'un grand
tournevis. Pour le verrouillage proximal : un détail important, il faut dissocier les parties molles
jusqu'au contact osseux avec une pince mousse pour éviter toute lésion du nerf circonflexe.
- Immobilisation pendant quelques jours en écharpe ou en jersey tubulé.
- Mobilisation passive dès le premier ou le deuxième jour en ne forçant pas sur les rotations puis
progressivement mobilisation plus ample et active.
Extraction
- Ablation première des vis de verrouillage proximal après dégagement de leur tête avec un
instrument mousse.
- Dévissage de la vis d'expansion.
- Ablation du clou dont l'extrémité a été débarrassée de sa gangue osseuse.
Dominé par l'ostéosynthèse par plaque, le traitement par l'ECM des fractures des deux os de l'avant-
bras est réservé au seul cubitus de par sa forme plus ou moins rectiligne et malgré l'étroitesse de son
canal. Mais l'embrochage ou l'enclouage simple se soldaient par un certain nombre de
pseudarthroses en raison du mauvais contrôle des petits mouvements de rotation et de l'absence de
compression interfragementaire. La mise au point par Lefèvre [17] d'un clou de cubitus verrouillé
Le clou est télescopique avec une variation de longueur de 45 mm ; il est utilisable quels que soient
le cas et le côté. La partie proximale a 8 mm de diamètre et la portion distale 4,5 ou 6 mm. Le
verrouillage proximal est fait à l'aide d'une palette verticale postérieure solidaire de la portion
proximale qui se place dans une gorge peu profonde façonnée à la face postérieure de l'olécrâne. La
partie distale est munie d'un orifice oblong permettant le verrouillage distal de 2,7 ou 4,5 mm. La mise
en place sous contrôle télévisé est réalisée grâce à un viseur à main en double canon, l'un étant pour
une broche de fixation provisoire l'autre pour le vissage proprement dit.
- Installation en décubitus dorsal, sous anesthésie plexuelle et mise en place d'un garrot
pneumatique. Le membre supérieur est placé sur un plateau accessoire en abduction, coude fléchi,
la rotation variant selon les temps opératoires.
- Voie d'abord courte, médiane, verticale, à cheval sur la pointe de l'olécrâne qui est forée avec une
mèche à butée de 8 mm à travers un gabarit.
- Réalisation de la gorge olécrânienne postérieure à la pince gouge. L'alésage est le temps le plus
difficile compte tenu de l'étroitesse du canal : à 5 mm pour le clou de 4,5 mm et à 6,5 mm pour le clou
de 6 mm en commençant à 3 mm. En cas de difficultés, il faut aléser complètement le fragment
proximal puis reprendre l'alésoir de 3 mm pour réduire le foyer de fracture et aléser le fragment distal.
- Passage du guide clou et enclouage ; le clou est poussé à la main puis au maillet.
- Verrouillage distal : mise en compression après mise en place de la vis.
- Verrouillage proximal.
- Mise en écharpe. Mobilisation immédiate en ne forçant pas au début sur la pronosupination, puis
progressivement mobilisation plus ample et active.
Extraction
Après ablation des vis de verrouillage proximal et distal, un extracteur est vissé dans la partie distale
permettant son extraction. La partie proximale est simplement retirée à la main.
Déjà amorcé par Küntscher lui-même grâce à son clou en Y et à son clou trochantérien, le traitement
à foyer fermé des fractures du massif trochantérien s'est véritablement imposé d'abord par la mise au
point de l'enclouage selon Ender perfectionné par Kempf et Bitar par le verrouillage coulissant [5]
puis par le développement du clou Gamma de Kempf, Grosse et Taglang [11]. Ces techniques sont
décrites en détail dans d'autres fascicules de l'Encyclopédie médicochirurgicale [11].
Seul sera décrit rapidement le clou Gamma long, dernier né de la famille, et qui s'impose de plus en
plus dans le traitement des fractures trochantérodiaphysaires, fémorales hautes et des fractures
associées diaphyse-trochanter ou col du fémur.
La partie proximale est celle du clou Gamma avec les mêmes angulations (125°, 130°, 135°) et le
même diamètre (17 mm). Elle est prolongée par un clou diaphysaire creux, non fendu, à paroi
d'épaisseur de 1,5 mm, de diamètre distal de 11 mm avec quatre longueurs 340, 360, 380 et 400
mm. Il existe en version droit et gauche et il n'est pas précourbé dans le sens sagittal.
La technique est identique à celle du clou Gamma. Quelques points doivent être précisés :
- l'installation est comme celle d'une fracture diaphysaire avec un clou de Steinmann transcondylien ;
- la manoeuvre du petit clou est fréquemment nécessaire pour obtenir la réduction ;
- l'alésage diaphysaire doit être réalisé jusqu'à 13 mm c'est-à-dire 2 mm au-dessus du diamètre du
clou en raison de sa rigidité accrue et du risque d'enclavement ;
- le clou est enfoncé à la main sauf pour les 3 à 4 derniers centimètres où un impacteur spécial est
utilisé.
Cette technique est venue bouleverser l'attitude thérapeutique très systématique en faveur des
méthodes non sanglantes pour les fractures de l'enfant. Pratiqué de longue date de façon sporadique
et sans règles techniques bien définies, l'ECMES a été élaboré et codifié par Prévot et Métaizeau et
appliqué à une échelle de plus en plus large non seulement aux fractures diaphysaires (fémur, tibia,
rarement humérus, deux os de l'avant-bras) mais aussi par voie rétrograde aux fractures
épiphysaires (supracondylienne de l'humérus et du fémur, tête et col du radius). Cette technique a fait
l'objet d'un fascicule de l'Encyclopédie médicochirurgicale [20].
Haut de page
Cas particuliers
Pseudarthroses
L'ECM à FF avec alésage pour les pseudarthroses médiodiaphysaires, complété par le verrouillage le
plus souvent dynamique pour les pseudarthroses proximales ou distales peut être considéré comme
le meilleur traitement actuel de ces complications . Il permet en règle générale la mise en charge
immédiate qui est à considérer comme partie intégrante de la méthode. En effet, elle assure une
pression interfragmentaire intermittente et physiologique réduisant le diastasis et contribuant
grandement à la consolidation.
- Pour le membre inférieur, l'installation est systématique sur table orthopédique avec un dispositif de
traction.
- Ablation préalable du matériel en place. S'il s'agit d'un clou, seuls les clous courbés ou fracturés
posent problèmes mais leur ablation avec un crochet spécial peut en règle se faire sans ouverture du
foyer. Les plaques et autres matériels sont enlevés par une voie d'abord économique menant
directement et sans décollement sur le matériel. La plaie est suturée et la suite de l'opération se fait
selon les principes du foyer fermé. S'il s'agit d'une pseudarthrose sur clou, le nouveau clou doit avoir
un diamètre supérieur d'au moins 2 mm. Il faudra donc aléser de 3 mm au-dessus du diamètre de
départ.
- Il a été prouvé que l'alésage par l'avivement endomédullaire stimule l'ostéogenèse et que les
produits d'alésage ont les mêmes propriétés ostéoformatrices que des greffons spongieux. Le produit
d'alésage présent dans les rainures des alésoirs doit être soigneusement recueilli et peut être
réintroduit avant l'enclouage au contact du foyer par l'intermédiaire d'un gros drain ou d'un tube en
Téflon®.
S'il s'agit d'une pseudarthrose après un autre mode de traitement, la traversée des extrémités
obturées et sclérosées représente la difficulté majeure de l'intervention. Des guides lancéolés ou
pointus sont alors indispensables, complétés parfois par l'utilisation d'un alésoir de très petit calibre...
et par beaucoup de patience !
Le verrouillage est en règle dynamique sauf en cas de pseudarthrose avec perte de substance. Seule
cette pseudarthrose ainsi que certaines formes très atrophiques nécessitent une greffe en règle
corticospongieuse complémentaire ou une décortication.
La correction d'une pseudarthrose vicieuse peut souvent être exécutée par manoeuvres externes
musclées. Parfois, une ostéotomie percutanée au ciseau frappé est nécessaire.
Cals vicieux
Tous les cals vicieux angulaires ou en rotation ainsi que les ostéotomies d'allongement ou de
raccourcissement peuvent être stabilisés par ECMV statique. Les techniques à foyer ouvert ont été
décrites ailleurs (Kempf et coll [7]. Seule sera mentionnée ici la technique à foyer fermé imaginée par
Küntscher qui a mis au point une ingénieuse scie endomédullaire excentrée, introduite après alésage
approprié du canal médullaire (fig. 9). Des ostéotomies transversales suivies de correction angulaire
ou rotatoire, ou d'allongement de 2 à 2,5 cm au maximum ainsi que des résections de cylindres
osseux de 3 à 4 cm meulés et fragmentés in situ à l'aide d'instruments appropriés en vue d'un
raccourcissement peuvent ainsi être réalisées. Toujours réservée à un cercle d'initiés, cette belle
mais astreignante technique est peu ou pas utilisée en France. Elle mériterait d'être diffusée d'autant
plus que des scies plus perfectionnées, en particulier la nouvelle scie mise au point à Hambourg et à
Strasbourg, facilitent grandement sa réalisation.
Mentionnons :
- les possibilités de la méthode dans la chirurgie tumorale : ostéosynthèse à foyer fermé des fractures
et des lésions métastatiques fragilisantes des os longs. Elle est beaucoup moins agressive que les
méthodes à foyer ouvert. Les clous sont utilisés dans les reconstructions après grande résection des
tumeurs primitives. Le clou sans fente autorisant l'appui plus précoce trouve ici de bonnes
indications. Mais la rigidité accrue est parfois responsable de fracture du greffon lors de son
introduction. Il faut donc « hyperaléser » le greffon et enclouer avec la plus grande prudence.
- L'existence de clous télescopiques adaptés au traitement des diverses affections et dysplasies
sévères de l'enfant.
Haut de page
Complications tardives
Liées à la méthode
- Nécrose ischémique tardive de la tête fémorale, en relation avec un mauvais point d'introduction (cf
supra).
- Issue du matériel : la migration se fait en général vers le haut, l'extrémité proximale du clou venant
faire saillie dans les parties molles. Elle est souvent due à une erreur d'appréciation de la longueur du
clou lors de l'opération. Une bursite se développe en règle à son contact.
- Au fémur la gêne est moindre vu l'épaisseur des parties molles et l'ablation du clou est moins
urgente.
- Au tibia, la gêne et l'agression des parties molles sont plus importantes provoquant irritation du
tendon rotulien ou de la synoviale avec irruption du clou dans l'articulation. L'ablation, le changement
ou parfois le renfoncement du clou s'imposent le plus souvent.
- Il en est de même à l'humérus où la saillie du clou entraîne inéluctablement un conflit sous-acromial.
Il faut enlever ou changer rapidement le clou.
- Le problème est analogue au niveau olécrânien : la minceur des parties molles et l'importance de la
bursite avec menace de perforation poussent à la réintervention précoce.
- La saillie des broches dans l'ECMES, voire la perforation cutanée, est la complication locale
majeure de cette méthode. Elle nécessite une recoupe des broches au cours d'une courte
hospitalisation ou l'ablation précoce de celles-ci si le cal est suffisant.
- Plus rarement, la migration se fait vers l'articulation adjacente (genou ou tibiotarsienne) que le clou
perfore. Cette complication parfois due au caractère très ostéoporotique de l'os, d'où la règle de
toujours verrouiller dans ces cas, est à nouveau le plus souvent en rapport avec une erreur de
mensuration et avec l'imprécision des conséquences d'une éventuelle dynamisation. Il faut donc
rappeler la règle suivante : en cas de fracture proximale, choisir un clou plus court qui n'atteint pas la
plaque métaphysaire ; pour des fractures basses l'extrémité du clou doit se trouver au ras du point
d'entrée.
- Impaction secondaire de la fracture : cause de la saillie du matériel, elle doit être prévenue en
peropératoire dès lors qu'il existe un diastasis notable. Il ne faut jamais oublier d'impacter la fracture
avant de procéder au verrouillage statique et en cas de verrouillage dynamique, bien apprécier la
possibilité d'impaction par la mise en charge. Si nécessaire, procéder à l'ablation d'un fragment
cortical interposé.
Nous nous contenterons de mentionner deux complications redoutables et qui mériteraient chacune
de longs développements :
- l'infection [3] dont les taux moyens se situent entre 1 et 3 % pour les fractures fermées et 4 à 6 %
pour les fractures ouvertes grades 1 et 2 avec des pics jusqu'à 8 à 10 % pour les grades 3 ;
- les complications thromboemboliques : les patients ayant subi un enclouage doivent être soumis au
traitement anticoagulant réglé habituel et de principe.
Le syndrome de loge n'est pas lié à la méthode et ne semble pas favorisé par elle . Il est fréquent à la
jambe (22 cas sur 399 enclouages du tibia réalisés dans notre centre), exceptionnel à la cuisse [18],
non décrit à notre connaissance au bras ou à l'avant-bras. Les malades encloués du tibia à foyer
fermé doivent donc être particulièrement surveillés : bilans cliniques répétés, prise systématique des
pressions dans les cas suspects, aponévrotomie sans délai dès lors que la menace se confirme.
Haut de page
Autres matériels et techniques - nouvelles orientations
- sur la forme du clou à la section : hexagonale, clou de Vives (Cremascoli) ; cylindrique : nouveau
clou de Francfort ; fendu à bandes de renforcement (Mécron) ; clou sans fente de Russel-Taylor
(Richards) dont le risque d'enclavement en raison de sa perte de flexibilité doit être compensé par un
hyperalésage, etc.
- sur le mode de verrouillage proximal : deux vis dans l'axe du col pour le clou de Russel-Taylor ;
- sur le mode de verrouillage distal : système à palettes qui s'écarte des clous de Richards, Médinov,
Langlais ; ce système apparemment simple par rapport aux appareils de visée manque d'efficacité
dès lors que la cavité médullaire est très large ou l'os très porotique ; il est en revanche performant à
l'humérus dont le canal médullaire distal est très étroit.
D'autres modèles remettent plus ou moins en cause le principe du foyer fermé : ainsi le clou
d'Huckstep ou celui très voisin de Colchero repris par Vidal sous le nom de clou claveté sont des
clous pleins (donc sans possibilités d'utiliser un guide et des alésoirs) comportant une dizaine
d'orifices de verrouillage. Entre les mains de leurs concepteurs, leur mise en place se fait à foyer
largement exposé. Tout récemment sous le nom de Nail-Loc (Tornier), l'école montpelliéraine a
amélioré le matériel permettant le foyer fermé sans alésage, le verrouillage sans irradiation et la mise
en charge immédiate.
Cette nouvelle orientation suit celle de l'AO qui, en raison de la remise en question de l'alésage, a
développé son petit clou de tibia sans alésage (« tibia unreamed nail ») dont les performances
mécaniques laissent à désirer [1].
L'ostéogenèse en distraction sur clou centromédullaire selon le principe de l'Ilizarov [2] représente en
Haut de page
Conclusion
En 1980, le Professeur Robert Merle d'Aubigné devant l'Académie de Chirurgie avait élevé Gerhard
Küntscher à la dignité de « Bienfaiteur de l'Humanité ». Nous nous associons à cet éclatant
hommage.
Références Bibliographiques
[1] HAAS S, KRETTEK C, TSCHERNE H A new solid unreamed tibial nail for shaft fractures with
severe soft tissues injuries. Injury 1993 ; 24 : 49-54
[2] ILIZAROV GA. Transosseous osteosynthesis (1 vol). Springer Verlag. Paris. 1992
[4] KEMPF I. L'enclouage centromédullaire à foyer fermé des os longs selon Küntscher. Cah Enseig
SOFCOT. no 39. Expansion Scientifique Française. Paris. 1990 ; 116 p
[5] KEMPF I, BITAR S. Place et limites de la méthode d'Ender modifié avec verrouillage coulissant
dans le traitement des fractures trochantériennes. In : Cah Enseig SOFCOT. L'enclouage
centromédullaire à foyer fermé des os longs selon Küntscher. no 39, pp 38-46. Expansion
Scientifique Française. Paris. 1990 ; 116 p
[6] KEMPF I, DAGRENAT D, KARGER C Fractures de l'extrémité supérieure du fémur. In: Encycl Med
Chir (Ed.) Appareil locomoteur, 14-076-A10 Paris Elsevier: 1993; 28 [interref]
[7] KEMPF I, GROSSE A, ABALO C Locked intra-medullary nailing. Its application to femoral axial,
rotational, lengthning and shortening osteotomies. Clin Orthop 1986 ; 212 : 165-173
[8] KEMPF I, GROSSE A, KARGER C. Traitement des pseudarthroses aseptiques du fémur et du tibia
par l'enclouage centromédullaire. Apport du verrouillage. In : Cah Enseig SOFCOT. L'enclouage
centromédullaire à foyer fermé des os longs selon Küntscher. no 39, pp 91-96. Expansion
Scientifique Française. Paris. 1990 ; 116 p
[10] KEMPF I, GROSSE A, RIGAULT P The treatment of non infected pseudarthrosis of the femur and
the tibia with locked intra-medullary nailing. Clin Orthop 1986 ; 212 : 142-154
[11] KEMPF I, GROSSE A, TAGLANG G, FAVREUL E Le clou gamma dans le traitement à foyer fermé
des fractures trochantériennes. Rev Chir Orthop 1993 ; 79 : 29-40
[12] KEMPF I, HECKEL TH, PIDHORZ LE, TAGLANG G, GROSSE A L'enclouage verrouillé selon Seidel
des fractures diaphysaires humérales récentes. Rev Chir Orthop 1994 ; 80 : 5-13
[13] KEMPF I, MEYRUEIS JP, PERREN S La fixation d'une fracture doit-elle être rigide ou élastique
?. Rev Chir Orthop 1983 ; 69 : 335-380
[14] KLEMM K, SCHELLMANN WP Dynamische und statische Verriegelung des Marknagels. Monatschr
Unfallheilkd 1972 ; 75 : 568-575
[15] KÜNTSCHER G. Praxis der Marknagelung. In : Schattauer FK ed. Springer Verlag. Stuttgart.
1962
[19] OLERUD S. The effects of intramedullary reaming. In : Browner BO et Edwards CC eds. The
science and practice of intramedullary reaming. Lea and Febiger. Philadelphia. 1987 ; pp 61-64
[20] PREVOT J, METAIZEAU JP, LIGIER JN, LASCOMBES P, LESUR E, DAUTEL G. Embrochage
centromédullaire élastique stable. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris). Techniques chirurgicales -
Orthopédie-Traumatologie. 44-018. 1993 ; 13 p
[22] SCHWARTZ BT, BRUMBACK RJ, LAKATOS R, POKA A, BATHON GH, BURGESS AR Acute
compartment syndrome of the thigh. J Bone Joint Surg 1989 ; 71-A : 392-400
[23] SEIDEL H. Traitement des fractures de l'humérus à l'aide d'un clou verrouillé. In : Cah Enseig
SOFCOT. L'enclouage centromédullaire à foyer fermé des os longs selon Küntscher. no 39, pp 55-
59. Expansion Scientifique Française. Paris. 1990 ; 116 p
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
A. Installation du malade en décubitus dorsal pour enclouage verrouillé du fémur. B. Inclinaison du tronc et adduction de
la cuisse pour faire saillir le grand trochanter).
Fig. 4
Point d'introduction. A. Trop externe. Varus. Ecaille corticale interne. B. Point d'introduction correct. C. Trop interne :
danger vasculaire, fragilisation du col du fémur.
Fig. 5
Verrouillage proximal (A) et distal (B). Les différents temps du verrouillage : 1. mise en place de la douille ; 2. préparation
du point d'entrée à la pointe carrée ; 3. forage des deux corticales à la mèche ; 4. mise en place après mesure de la vis
autotaraudeuse.
Fig. 6
Installation pour enclouage tibial : le support n'est pas dans le creux poplité mais au-dessus de lui.
Fig. 7
Point de pénétration et mouvement de bascule de la pointe carrée pour se placer parallèlement à la corticale postérieure.
Fig. 8
Fig. 9
Correction à foyer fermé d'un cal vicieux angulaire à l'aide de la scie endomédullaire de Küntscher.
Plan
Introduction
Notions mécaniques de base [16]
ECMES et consolidation
Matériel
Fracture du fémur
Fracture de jambe
Fracture de l'humérus
Fracture du coude et de la tête radiale
Fracture de l'avant-bras
Fracture des métacarpiens [15]
Conclusion
Haut de page
Introduction
Une opinion longtemps répandue et encore actuellement tenace veut que toutes les imperfections de
la réduction soient effacées par la croissance dans le cas de fracture des os longs chez l'enfant alors
qu'au contraire l'ostéosynthèse est chargée de multiples complications. Cette opinion est loin d'être
toujours confirmée par les faits. Le remodelage spontané du squelette notamment obéit à des règles
précises et contraignantes qui tiennent à la localisation de la fracture, à la nature du déplacement et à
l'âge du patient [7]. Lorsque ces règles ne sont pas respectées, l'indication d'une ostéosynthèse doit
être discutée.
Or les procédés couramment utilisés en pratique d'adulte ne sont pas adaptés à la pratique
pédiatrique. Les plaques obligent à un dépériostage important alors que le rôle du périoste dans la
consolidation des fractures chez l'enfant est primordial ; les clous classiques abîment les cartilages
de croissance et entraînent une détérioration grave du canal médullaire et des troubles de croissance
redoutables, qu'il s'agisse d'épiphysiodèse ou d'hyperallongement. Toutes ces considérations ont été
prises en compte lors de la mise au point de l'embrochage centromédullaire élastique stable
(ECMES).
L'ECMES réalise une ostéosynthèse souple, élastique et stable. Il comporte en général l'introduction
de deux broches dans la métaphyse osseuse la plus éloignée du siège de la fracture. Ces broches
sont béquillées et cintrées, ce qui permet à la fois d'orienter le sens de leur pénétration dans l'os et
de créer un système géométrique élastique et résistant.
L'ECMES a l'avantage d'une technique opératoire simple. Réalisée entièrement à foyer fermé, elle
permet d'éviter l'évacuation de l'hématome fracturaire qui joue un rôle de premier plan dans la
consolidation osseuse ; elle supprime les risques inhérents à l'ouverture du foyer de fracture et elle
élimine pratiquement le risque septique. De plus, une expérimentation chez le lapin a prouvé que
l'introduction de deux broches n'occupant pas la totalité du canal médullaire n'inhibe pas le cal
endosté. Les broches de calibre convenable autorisent des micromouvements de compression à la
marche qui accélèrent le processus de cicatrisation osseuse. La consolidation est rapide et dans une
statistique de 605 fractures traitées depuis 1979 à la clinique chirurgicale pédiatrique de l'hôpital
d'Enfants de Nancy, nous n'avons observé aucune pseudarthrose. De propos délibéré, nous
recherchons un cal essentiellement périosté, fusiforme et régulier.
L'ECMES permet une hospitalisation courte, n'excédant généralement pas 8 jours et une reprise
fonctionnelle rapide, en général sans immobilisation plâtrée, ce qui est compatible avec la reprise
précoce de la fréquentation scolaire. La brièveté de l'hospitalisation rend compte du coût financier
raisonnable du traitement, bien inférieur à celui des traitements orthopédiques purs, lorsqu'ils
nécessitent une mise en traction prolongée. L'ECMES ne garantit pas complètement contre les
inégalités de longueur mais il est certain que toutes les conditions sont réunies pour les diminuer au
maximum. En ce qui concerne le fémur, la plupart des inégalités postfracturaires restent inférieures à
1 cm. A l'inverse, l'ECMES nécessite absolument l'usage d'un amplificateur de brillance à mémoire.
Dans ces conditions, l'irradiation n'est pas nulle mais reste comparable à celle qui est délivrée dans
toutes les méthodes de traitement à foyer fermé.
Haut de page
Notions mécaniques de base [16]
Dans les fractures diaphysaires, l'embrochage est utilisé depuis longtemps, mais principalement
comme ostéosynthèse d'appoint. Une seule, ou deux broches rectilignes, introduites dans le canal
médullaire ne peuvent avoir qu'un rôle d'alignement approximatif ; sans aucun contact avec les parois
osseuses, elles autorisent tous les mouvements d'angulation ou de translation. En créant plusieurs
points de contact entre l'os et les broches, et en augmentant la force de pression du métal sur le
squelette, l'embrochage peut acquérir un véritable rôle de maintien.
Broche
La principale qualité du métal utilisé, outre sa biocompatibilité, doit être son élasticité. Si la force
déformante dépasse la limite d'élasticité du métal, celui-ci conservera une déformation résiduelle qui
constituera sa nouvelle position d'équilibre, vers laquelle il reviendra s'il est à nouveau déformé.
Ce phénomène permet de modeler une broche pour lui donner la forme que l'on souhaite lui voir
maintenir.
Une broche assez fortement cintrée doit, pour entrer dans un canal médullaire étroit et rectiligne (fig.
1), redresser sa courbure. Dès lors, elle tente de reprendre sa forme initiale et exerce une contrainte
permanente sur l'os, au niveau de chacune de ses extrémités, et du sommet de sa courbure. Si un
trait de fracture divise la pièce squelettique, rien ne s'oppose à la force de rappel de la broche qui
provoque une angulation dans le foyer.
Si deux broches sont introduites de sorte que leurs courbures, situées dans le même plan, soient
opposées, leurs forces de rappel s'annulent, le montage reste rectiligne (fig. 2 A) ; il est dit équilibré.
Une force F appliquée sur le montage dans le plan de courbure des broches s'ajoute à la force de
rappel de l'une d'entre elles. Le déséquilibre ainsi créé déforme le montage. La broche dont la
courbure est parallèle au sens de la déformation voit sa force de rappel diminuer puisqu'elle se
rapproche de sa forme initiale. Par contre, l'autre broche qui s'en éloigne voit sa force de rappel
augmenter. Lorsque la somme des différentes forces sera nulle, le système sera à nouveau équilibré
mais incurvé (fig. 2 B).
Dès la disparition de la force additionnelle F, la broche dont la courbure s'est redressée, exerçant un
effet de rappel supérieur, va ramener le montage dans la position où toutes les forces s'annulent, soit
la rectitude (fig. 2 C), à condition que la contrainte déformante n'ait pas dépassé la limite d'élasticité
du métal.
Le même raisonnement reste valable. Dans un plan perpendiculaire à leur plan de courbure, les
broches apparaissent rectilignes. Toute angulation les éloigne de leur équilibre et génère une force
de rappel qui s'oppose à la contrainte additionnelle et tend à ramener le montage dans sa position
initiale dès disparition des contraintes.
La force de rappel des broches exerce, sur les parois internes du canal médullaire, une pression
centripète (fig. 3 A) qui s'oppose à tout déplacement tendant à rapprocher les sommets des
courbures l'un de l'autre.
Dans cette situation, un mouvement de rotation axiale d'un des fragments par rapport à l'autre
provoque une torsion du montage (fig. 5 C, D). Dès disparition de la force déformante, le couple de
rappel généré par la déformation va ramener le montage dans sa position initiale où la somme de
toutes les forces est nulle (fig. 5 A, B).
Erreurs à éviter
La plupart des problèmes mécaniques rencontrés après embrochage centromédullaire sont dus à
des montages imparfaits dont les qualités mécaniques sont insuffisantes.
Les broches trop courtes ne prennent pas appui dans le spongieux métaphysaire. Leurs pointes
risquent de déraper dans le canal médullaire autorisant des mouvements de torsion et de
télescopage.
Les broches dont le calibre est trop petit ont un effet de rappel insuffisant.
Si les courbures initiales ne sont pas identiques, la broche la plus cintrée ayant un effet de rappel
supérieur, l'équilibre sera obtenu avec une angulation résiduelle.
Il en est de même lorsque les points d'entrée ne sont pas symétriques par rapport à l'axe de l'os.
L'enroulement d'une des broches autour de l'autre se produit lorsque l'on applique à la seconde une
torsion axiale de plus de 180° dans le même sens. Dans ces cas, les sommets des courbures ne
pouvant s'écarter perdent leur appui cortical.
Autres montages
D'autres types de montages peuvent être utilisés lorsque le précédent ne s'oppose pas correctement
aux contraintes présentées ou s'avère impossible à réaliser pour des raisons anatomiques.
Montage tripolaire
Le montage tripolaire (fig. 6) est également équilibré bien que les deux broches pénètrent au même
endroit. En effet, si les forces de rappel de deux broches parallèles sont de même sens (fig. 6 A),
lorsque l'on retourne l'une d'elles de 180°, sa force de rappel s'inverse et elle vient s'opposer à la
première (fig. 6 B, C).
Ce montage est certainement moins stable que le précédent, mais lorsque les contraintes sont peu
importantes (humérus), il s'avère largement suffisant.
Il arrive que malgré un montage parfaitement réalisé, persiste une angulation dans le foyer, en raison
de contraintes externes supérieures à celles que peut tolérer le montage.
Les deux broches doivent être réorientées de sorte que leur concavité vienne s'opposer à celle de la
déformation.
Fractures métaphysaires
Le montage vise à verrouiller la métaphyse fracturée par rapport à la diaphyse. Dans cette
localisation, il s'apparente à la technique de Ender chez l'adulte. Toutefois, il en diffère par deux
points importants : d'une part le calibre réduit des broches permet la traversée éventuelle du cartilage
de croissance sans risque sérieux, d'autre part la courbure intradiaphysaire des broches confère une
excellente stabilité au montage du fait de leurs multiples appuis sur l'os compact.
Haut de page
ECMES et consolidation
La consolidation osseuse reste le but principal de l'ECMES ; elle est rapide et basée sur le
développement optimal du cal externe qui est à la fois physiologique, précoce et résistant [13]. Son
développement est favorisé par la relative mobilité élastique du foyer de fracture et le respect de
l'environnement tissulaire.
Le terme « micromouvement » crée une confusion lorsqu'il est appliqué indifféremment aux
ostéosynthèses rigides et élastiques. L'ostéosynthèse rigide nécessite une immobilité parfaite pour
obtenir, après plusieurs mois, la « fusion osseuse primitive ». Le moindre micromouvement empêche
la « soudure autogène » du cal cortical [20] en sectionnant, par un effet de coupe-cigare, les ostéons
qui traversent le foyer de fracture. En revanche, les micromouvements permis par l'ostéosynthèse
élastique favorisent le développement du cal externe dès les premières semaines [6]. Cette mobilité
doit être limitée pour ne pas léser le processus en pont (« bridging process ») du cal primaire dont les
cellules sont disposées longitudinalement entre les fragments [13]. Les modèles biomécaniques ont
montré comment l'ECMES était capable de transformer les stimuli néfastes de cisaillement en forces
favorables de compression-traction.
Par ailleurs, le rôle du périoste ne doit pas être sous-estimé, car lorsqu'il est détruit, à la suite d'un
choc direct ou d'un déplacement important par exemple, le cal externe se développe avec difficultés.
Enfin, les parties molles, en particulier les tendons et les muscles, participent à la stabilité du
montage en jouant un triple rôle.
- stabilité rotatoire : les muscles et leurs tendons disposés circulairement autour de l'os fracturé
jouent le rôle de haubans et limitent les déplacements angulaires, évitant ainsi les cals vicieux
rotatoires ;
- rôle trophique : par leurs contractions postopératoires précoces, les muscles augmentent l'apport
nutritionnel et maintiennent une bonne oxygénation locale qui permet l'ostéoformation cellulaire sans
passer par le stade chondroblastique [21] ;
- rôle morphologique : ces contractions musculaires ont également un rôle sur la forme du cal qui,
après un développement anarchique créé par les conditions initiales, peut devenir harmonieux et
fusiforme. Ceci explique la mauvaise qualité et le caractère hypertrophique du cal externe des
patients souffrant de pathologie neurologique.
Haut de page
Matériel
Les implants sont des broches ou des clous de différents diamètres dont le choix est dicté par le
siège de la fracture, par l'os fracturé et par l'habitude du chirurgien (fig. 8).
Clou de Nancy
Le clou de Nancy est un implant en alliage de titane TA6V choisi pour sa parfaite compatibilité et son
élasticité. Il présente une extrémité aplatie et béquillée qui facilite son passage dans le canal
médullaire. Son autre extrémité est sphérique, de diamètre supérieur à celui du clou, prolongée par
une zone de section triangulaire ; cette partie du clou, saillante sous la peau, n'est ainsi pas
agressive pour les tissus mous, et sa forme s'adapte à un ancillaire à mors qui en facilite l'impaction
et l'extraction. Ces clous ont des longueurs et des diamètres prédéfinis qui doivent être déterminés
en préopératoire.
Broche en titane
Ces broches béquillées de longueur standard nécessitent une recoupe distale en fin d'intervention,
cette extrémité ne devant être ni trop longue afin d'éviter les lésions cutanées à type d'irritation ou de
perforation, ni trop courte afin de rendre facile leur ablation.
Broches en acier
Diverses broches en acier peuvent être utilisées. Les broches rectilignes doivent être béquillées
manuellement sur une longueur inférieure à 5 mm et d'un angle d'environ 45°, adapté au diamètre
endomédullaire de l'os opéré.
Pointu ou émoussé?
L'extrémité mousse ou arrondie des implants est préférée dans les fractures diaphysaires, car leur
introduction dans la métaphyse est facile, et leur progression dans le canal diaphysaire se fait sans
blocage contre les travées osseuses. En revanche, l'extrémité pointue est réservée aux fractures
métaphysaires, car sa progression intraépiphysaire est excellente, et l'ancrage est amélioré.
Titane ou acier ?
Les fractures diaphysaires sont stabilisées par un triple appui de chacun des deux clous : appuis
métaphysaire proximal, métaphysaire distal, et en regard du foyer de fracture (fig. 9). L'ostéosynthèse
se veut élastique, comme un ressort qui retrouve sa morphologie initiale après une déformation. Le
titane, par son seuil de plasticité plus éloigné que celui de l'acier, est donc le matériau de choix pour
assurer cette ostéosynthèse élastique des fractures diaphysaires. A l'opposé, les fractures
métaphysaires sont stabilisées par les deux broches intramédullaires qui divergent dans l'épiphyse.
La qualité première des broches n'est pas l'élasticité, si bien que l'acier peut être utilisé.
Le diamètre des broches dépend du diamètre endomédullaire. La règle suivante est générale, mais
lorsque le choix existe entre deux diamètres voisins, le plus gros est préféré :
Dans les fractures diaphysaires, la longueur du clou de Nancy est calculée à 2 cm près, selon sa
position dans la métaphyse opposée. La longueur idéale correspond à la distance séparant les deux
plaques de croissance, sachant qu'environ 2 à 3 cm du clou restent extraosseux au niveau de la
métaphyse abordée (fig. 9).
Le premier temps de cette ostéosynthèse à foyer fermé est la réduction la plus parfaite de la fracture
par manoeuvres externes. Puis le membre est préparé de façon stérile afin de pouvoir parfaire cette
réduction en peropératoire.
Les implants sont ensuite choisis, ils sont précintrés d'un angle général d'environ 30° de façon à
obtenir une courbure maximale en regard du foyer de fracture à la fin de l'intervention (fig. 9), et ceux
qui ne sont pas prémanufacturés sont béquillés. Lorsque deux clous sont utilisés, leur cintrage doit
être symétrique pour obtenir un bon équilibre des forces de réduction-stabilisation.
L'approche chirurgicale de la métaphyse osseuse est classique, en prenant garde à éviter l'agression
de la plaque de croissance. Une trépanation de diamètre légèrement supérieur à celui de la broche
est faite soit à la pointe carrée (fig. 10), soit à la mèche montée sur un moteur. En cas de voie
d'abord unique, deux trous voisins sont préférés à un large orifice fragilisant l'os.
Le clou, tenu par une poignée en T, est introduit par l'orifice de trépanation dans le canal médullaire.
Sa progression intraosseuse est favorisée par des mouvements rotatifs alternés (fig. 10 B). Il faut
absolument éviter de forcer un clou enclavé, car un éclat osseux, voire une fracture, pourraient
survenir. Les deux clous sont ainsi avancés jusqu'au foyer de fracture dont la réduction est
complétée. La traversée du foyer de fracture est faite à l'aide du marteau sans effectuer de
mouvement de rotation qui risquerait de faire glisser le clou en dehors du fragment osseux opposé
(fig. 10 C). Le contrôle par un amplificateur de brillance est obligatoire, de face comme de profil. Puis
chaque clou est poussé vers la métaphyse (ou l'épiphyse) opposée. Leur orientation finale dépend de
la réduction obtenue : il est possible, en fin d'intervention, de tourner les broches sur elles-mêmes
pour corriger une éventuelle angulation résiduelle ; mais ce geste doit obligatoirement être
accompagné d'une manoeuvre externe de réduction afin d'éviter le balayage intraosseux de l'implant
qui affaiblirait la qualité de l'ancrage. Tous ces mouvements de rotation des clous sont faits à l'aide
de la poignée.
L'impacteur du clou ne sert qu'en fin d'intervention pour pousser ce dernier de façon à ce qu'il ne
fasse pas saillie sous la peau ; en outre, le clou peut être modérément recourbé pour faciliter
ultérieurement son ablation. Quant aux autres broches, elles sont repliées à environ 90°, puis
sectionnées sous le niveau cutané. Leur extrémité agressive peut être protégée par un capuchon
plastique adapté au diamètre de la broche.
En fin d'intervention, la réduction est contrôlée par une radiographie de l'ensemble de l'os opéré, de
face et de profil.
Ablation du matériel
Le clou de Nancy est aisément retiré grâce à l'impacteur de clou monté sur un extracteur. Une pince-
étau forte, munie d'un ergot sur lequel le marteau peut agir, est recommandée pour les autres
implants (fig. 11).
Haut de page
Fracture du fémur
Les fractures du fémur de l'enfant âgé de 7 à 14 ans et des polytraumatisés sont l'indication idéale de
l'ECMES.
Installation
Le patient est installé sur une table orthopédique, en traction assurée au moyen de chaussures
adaptées à l'âge. Un seul amplificateur de brillance est nécessaire : il est placé du côté externe de la
cuisse opérée autour de laquelle il peut tourner pour obtenir des images de face et de profil. L'accès
doit être possible depuis le genou jusqu'à l'articulation coxofémorale (fig. 12). La réduction de la
fracture est assurée, tant de face, que de profil, mais également en rotation. Le champ opératoire
intéresse toute la cuisse et le genou afin d'assurer facilement quelques manoeuvres de réduction
complémentaires lors du passage des clous au travers du foyer de fracture.
Le diamètre des clous répond à la loi générale du chapitre précédent. Pour résumer, ce diamètre est
facilement corrélé à l'âge de l'enfant :
La longueur du clou de Nancy est égale à la distance séparant les plaques de croissance du grand
trochanter et de l'épiphyse distale (fig. 9).
Fracture diaphysaire
Le montage bipolaire ascendant est la méthode de choix et les clous sont introduits dans la
métaphyse distale à quelques centimètres au-dessus de la plaque de croissance. Leur cintrage
dépend du site de la fracture : seul le tiers proximal du clou est cintré pour les fractures du tiers
proximal, tandis que le cintrage est maximal à la partie moyenne du clou pour les fractures du tiers
moyen (fig. 13 A, B).
En fin d'intervention, les fragments des fractures transversales sont impactés pour éviter une
distraction résiduelle, responsable en partie d'une inégalité de longueur. Dans les fractures obliques
longues, spiroïdes ou complexes, l'extrémité inférieure des clous est franchement recourbée et
appuyée contre l'os ; en effet, la tendance naturelle de ces fractures est un raccourcissement
postopératoire précoce de 5 à 10 mm, qui sera compensé par la stimulation ultérieure.
Tiers distal
- un montage bipolaire ascendant avec la convexité de deux clous en regard du foyer de fracture : les
clous non cintrés sont introduits dans le canal médullaire, leur cintrage étant assuré ensuite in situ au
fur et à mesure de leur progression ;
- ou bien un montage bipolaire ascendant dont les clous se croisent au tiers supérieur de l'os ;
- ou encore un montage descendant : par un abord proximal latéral sous-trochantérien, les clous sont
descendus, l'un vers le condyle latéral, l'autre vers le condyle médial ;
- ou enfin par un montage mixte avec des clous ascendants et descendants combinant les différents
effets décrits.
Fracture métaphysaire
Les fractures cervicales sont de rares indications de cet embrochage en raison de l'extrême densité
des travées osseuses spongieuses qui empêchent la progression suffisante des clous ou des
broches dans la métaphyse proximale. En revanche, les fractures métaphysaires et les décollements
épiphysaires distaux peuvent bénéficier d'un embrochage descendant (fig. 13 C).
Suites opératoires
Un pansement compressif est laissé en place quelques jours, tandis que la rééducation est
rapidement débutée en insistant sur le travail du muscle quadriceps. En quelques jours, l'enfant
mobilise activement son membre inférieur, puis il est autorisé à se lever et à déambuler sans appui
dès qu'il le peut. Dans les fractures à haut potentiel de chevauchement, une traction cutanée d'une
quinzaine de jours peut se discuter.
La mise en charge est permise dès que l'enfant l'accepte et après lui avoir redonné confiance en le
rassurant sur la parfaite solidité de son fémur. Vers la 6e semaine, l'appui total devrait être acquis. Le
kinésithérapeute a pour mission de faire travailler le muscle quadriceps, l'extension du genou et la
verticalisation, mais en aucun cas la flexion du genou qui est gênée par la présence des broches.
La consolidation osseuse parfaite est acquise vers le 4e mois postopératoire et l'ablation du matériel
est assurée lors de vacances scolaires. La récupération de la flexion du genou survient sans tarder.
Haut de page
Fracture de jambe
Les indications de l'ECMES pour la jambe sont les échecs du traitement orthopédique, notamment
les fractures isolées du tibia, les fractures chez les polytraumatisés ; les fractures ouvertes stade I et
II de Cauchoix sont accessibles à cette technique.
Installation
Elle se fait en décubitus dorsal, un garrot de sécurité placé en racine du membre, soit sur table
ordinaire, soit sur table orthopédique qui peut faciliter la réduction.
Le champ opératoire circulaire inclut toujours le genou et, sur table orthopédique, il va le plus bas
possible.
Montage
Il est presque toujours descendant. Il comporte deux points d'entrée métaphysaires symétriques
antéro-interne et externe du tibia. En dehors, le muscle tibial antérieur est refoulé vers l'arrière.
Le diamètre des broches doit être de 2,5 à 4 mm selon l'âge. L'utilisation du marteau est possible,
mais doit être prudente.
La qualité de la réduction est assurée par le diamètre des broches et le degré de précontrainte ; elles
ne seront impactées dans l'os spongieux distal qu'après avoir corrigé une éventuelle anomalie d'axe,
en tournant l'une ou l'autre, cela pouvant transformer le montage en un tripolaire déséquilibré. A ce
stade, il faut se méfier des anomalies rotatoires, ainsi que du varus dans les fractures isolées du tibia
qui peuvent imposer soit la mise en place d'une plus grosse broche très contrainte, soit d'une
deuxième broche externe. En fin d'intervention, la traction éventuelle est relâchée et le foyer est
impacté (fig. 14). Si ce dernier est comminutif, les broches peuvent être coudées à 90° et impactées
dans l'os spongieux métaphysaire avant d'être recoupées, (si cela est nécessaire) et enfouies afin de
rester accessibles et non traumatisantes.
Soins postopératoires
Un pansement simple est mis en place pour 48 heures, puis la marche est reprise à l'aide de cannes
anglaises. Une botte plâtrée ne sera réalisée que s'il persiste un défaut d'axe à corriger par
gypsotomie.
Haut de page
Fracture de l'humérus
Installation
Elle se fait en décubitus dorsal, sans garrot. Le bras peut être placé soit dans un plan horizontal sur
table à bras radiotransparente, soit dans un plan vertical, maintenu grâce à un appui auquel l'avant-
bras est solidement fixé. Dans cette configuration, la réduction sera maintenue par traction axiale,
l'épaule étant surélevée.
Montage
Il est ascendant. Les deux points d'entrée sont sus-épicondyliens latéraux. L'incision est de 3 cm
centrée sur l'arête externe de l'humérus. Après ouverture de l'aponévrose, le bord de la palette
humérale est ruginé. Les orifices sont postéro-externes, obliques en avant et en haut. Ils sont
préparés à la pince-gouge et à la pointe carrée ou à la mèche. Les broches utilisées sont en titane de
2,5 à 3,5 mm, cintrées de façon harmonieuse. L'ascension de la broche se fait à la main en associant
à la poussée verticale des mouvements de rotation. La réduction du foyer est contrôlée ou obtenue
par une manoeuvre externe préalablement déterminée (fig. 15 A, B). Lorsqu'il s'agit d'une fracture
métaphysaire supérieure, si aucun affrontement n'est possible, un crochetage suivi d'une rotation de
la broche de 180° peut être tenté. Si la réduction reste impossible, une broche de contrôle du
fragment épiphysaire sera mise en place avant d'envisager une exceptionnelle réduction à ciel
ouvert. Lorsqu'il s'agit d'une fracture diaphysaire oblique, il faut éviter une irruption postérieure de la
broche dans le souci du nerf radial. Le foyer franchi, les broches sont fichées dans l'os spongieux ; un
éventuel défaut d'axe est corrigé par une rotation de la broche afin que sa concavité s'oppose à
l'angulation résiduelle. En fin d'intervention, le foyer est impacté, les broches sont enfouies parfois
recourbées, afin de rester accessibles, mais non traumatisantes.
Soins postopératoires
Ils comprennent la mise en place d'un pansement circulaire et l'utilisation d'une écharpe pour une
durée de trois semaines au terme desquelles une autorééducation du coude et de l'épaule est
entreprise.
Cas particuliers
Le kyste essentiel soufflé de l'extrémité supérieure de l'humérus est une indication de choix de
l'ECMES. Qu'il y ait fracture ou non, l'ECMES va renforcer la solidité de l'os et favoriser la guérison
plus rapide du kyste (fig. 16 A,B). Ceci est également pleinement valable pour les kystes de
l'extrémité supérieure du fémur. Le calibre des broches doit alors être supérieur.
Haut de page
Fracture du coude et de la tête radiale
Fractures supracondyliennes
L'ECMES descendant est l'ostéosynthèse élégante des fractures supracondyliennes de stade III et IV
de l'enfant. La stabilité permet de se dispenser du classique plâtre postopératoire, sans aucun risque
de déplacement.
Les broches sont extra-articulaires. Le risque d'arthrite est éliminé, en outre, la mobilisation du coude
est possible sans nécessiter une ablation prématurée du matériel.
Cette opération exige une réalisation parfaite. Le patient peut être installé soit en décubitus dorsal
membre supérieur reposant sur une table à bras, soit en décubitus ventral, côté traumatisé
légèrement surélevé.
Par une incision longitudinale de 2 à 3 cm en regard du V deltoïdien, deux orifices très obliques vers
Chacune est préparée, cintrée et sa pointe (non émoussée) est légèrement béquillée.
La première broche est introduite par l'orifice inférieur, sa pointe est amenée au ras du foyer de
fracture et orientée en bas et en dehors. La seconde broche est introduite par l'orifice supérieur, sa
pointe une fois au même niveau que la précédente est orientée en bas légèrement en dedans.
La fracture est alors réduite orthopédiquement. Le coude maintenu hyperfléchi, la réduction est
contrôlée grâce à l'amplificateur de brillance. Si le contrôle est satisfaisant, l'opérateur maintient la
réduction tandis que son aide pousse les deux broches de quelques millimètres par petits coups de
marteau. Dès que leurs pointes ont pénétré le fragment distal de 3 à 4 mm, le montage est
suffisamment stable pour que le coude puisse être étendu. Un nouveau contrôle radioscopique est
effectué ; coude en extension, il est beaucoup plus facile d'apprécier la réduction de face et en
particulier apprécier la valeur de l'angle de Baumann qui doit être normale ; de profil on vérifie la
projection antérieure de la palette humérale. Si celle-ci est correcte, les deux broches sont poussées
jusqu'à affleurer les surfaces articulaires (fig. 17), afin d'avoir la meilleure prise possible dans le
fragment inférieur (fig. 18).
La partie proximale des broches est ensuite coudée à angle droit, puis elles sont recoupées et la
peau est refermée en un plan. Après 3 à 4 jours de compressif, le membre supérieur peut être laissé
libre, maintenu par une simple écharpe pendant 15 jours. Ensuite, le patient peut mobiliser
doucement son coude. Un niveau d'activité normal pourra être repris au bout de 4 à 6 semaines.
Relativement rares (5 % des fractures du coude), les fractures du col radial compromettent
gravement la fonction de l'articulation pour des raisons mécaniques et vasculaires . L'indication de
l'ECMES concerne les bascules de la tête radiale dépassant 30° éventuellement après une tentative
infructueuse de traitement orthopédique.
Technique opératoire
Le malade est installé en décubitus dorsal, membre supérieur traumatisé reposant sur une table à
bras.
Une courte incision, de 1 cm environ, est réalisée sur le bord externe de l'avant-bras, 1 cm au-dessus
du cartilage conjugal inférieur du radius.
La corticale osseuse est forée à la mèche ou à la pointe carrée en évitant les échappées qui risquent
de blesser les vaisseaux radiaux.
Une broche de 15 à 25/10e de mm est préparée. Sa pointe est béquillée sur 3 à 4 mm selon un angle
de 30° à 45°, puis l'ensemble de la broche est légèrement cintré.
La broche est poussée vers le haut jusqu'à affleurer le foyer de fracture (fig. 19 A). Le coude étant en
extension, un mouvement de pronosupination permet de rechercher la position où la bascule paraît
maximale. La pointe de la broche est alors orientée vers la tête radiale déplacée. Poussée vers le
haut par quelques coups de marteau extrêmement prudents, elle vient se ficher dans l'épiphyse
déplacée qu'elle redresse progressivement. Le condyle externe fait office de butoir et évite une
hypercorrection. Lorsque la surface articulaire de la tête radiale est horizontale ou presque, elle garde
une translation externe de quelques millimètres (fig. 19 B). La rotation axiale de la broche de 180°
amène sa pointe à regarder en dedans entraînant l'épiphyse dans un mouvement de translation
interne qui réduit le déplacement résiduel (fig. 19 C). Au-delà de 80° de bascule, la pointe de la
broche émerge du col radial au-dessus de l'épiphyse qu'elle ne peut donc pas atteindre. Il est alors
nécessaire d'obtenir une réduction partielle, même de quelques degrés seulement par manoeuvres
externes ou par poinçonnage qui permet généralement de poursuivre ensuite par l'embrochage
centromédullaire.
Une fois la réduction terminée, la broche est laissée en place, assurant une synthèse stable et
totalement extra-articulaire qui, tout en prévenant les déplacements secondaires, autorise la
mobilisation du coude.
La partie basse de la broche est coudée à 90°, puis elle est recoupée assez court pour ne pas être
gênante. La peau est refermée en un plan. Après quelques jours de pansement compressif, le
membre supérieur est simplement laissé en écharpe pour 10 à 15 jours. Ensuite, la mobilisation
douce de l'articulation est reprise par le patient lui-même. L'utilisation du membre supérieur est
possible après la 3e semaine.
Haut de page
Fracture de l'avant-bras
Les deux os de l'avant-bras représentent un système anatomique particulier solidarisé par le ligament
annulaire en haut, le ligament triangulaire en bas et la membrane interosseuse : tout mouvement
d'une articulation radiocubitale provoque un mouvement de même amplitude de l'articulation opposée
; il s'agit d'un système en cadre déformable selon une charnière représentée par l'axe classique de
prosupination. En cas de fracture, les montants du cadre sont rompus, la solidarité des os est détruite
et des cals vicieux peuvent apparaître. La mise en place d'une seule broche dans chaque os est
suffisante pour rétablir le cadre, les éléments de la charnière étant habituellement intacts.
L'ostéosynthèse doit obligatoirement porter sur les deux os ; l'embrochage d'un seul os aboutirait le
plus souvent au déplacement de l'autre os. Ainsi, l'embrochage ne peut s'accompagner de cal vicieux
rotatoire.
Technique opératoire
Le patient est installé en décubitus dorsal, le membre fracturé, préparé chirurgicalement, repose sur
une table à bras. Les broches les plus utilisées ont un diamètre de 25 ou de 30/10e de mm (extrêmes
de 20 à 35/10e de mm). Elles sont béquillées et cintrées. La broche du cubitus est presque droite,
celle du radius a un cintrage plus marqué en raison de la courbure pronatrice.
L'embrochage commence habituellement par l'os dont la réduction est la plus facile. Pour le radius,
l'abord se fait par la métaphyse inférieure entre le long et le court extenseur du pouce. L'abord peut
être ponctiforme ou un peu plus long (5 mm) pour écarter les éléments nobles avec la pointe d'une
paire de ciseaux et éviter ainsi une dysesthésie radiale ou la lésion des tendons extenseurs. Une
pointe carrée permet de forer un trou métaphysaire qui est agrandi par quelques mouvements de
circumduction. La broche est introduite dans le canal médullaire jusqu'au foyer de fracture (fig. 20).
Des manipulations externes, associées à une traction axiale, permettent le plus souvent un
engrènement partiel. Sous contrôle radioscopique de face et de profil, l'extrémité de la broche est
correctement orientée grâce à son béquillage. Elle est alors poussée dans le fragment proximal.
L'embrochage descendant du cubitus se fait par la métaphyse supérieure, sur le versant externe de
la crête cubitale, dans l'épaisseur protectrice de l'anconé. Après franchissement du foyer de fracture
des deux os, les deux broches sont ancrées dans la métaphyse opposée à leur point d'introduction. Il
est parfois utile d'imprimer à la broche radiale une torsion axiale qui restitue la courbure pronatrice.
En fin d'intervention, les broches sont recourbées puis sectionnées au ras de la peau. Rarement, un
foyer de fracture irréductible impose l'abord direct du foyer de fracture pour assurer un embrochage à
ciel ouvert.
Suites opératoires
Comme pour les autres fractures, le plâtre postopératoire est inutile, la mobilisation de l'avant-bras
étant rapidement autorisée. La consolidation s'acquiert en six semaines environ sauf dans certaines
circonstances telles que les fractures ouvertes largement dépériostées et certaines fractures fermées
du tiers moyen du cubitus, région où l'os est immédiatement sous-cutané. Cependant, ce simple
retard de consolidation ne remet pas en cause la reprise de la fonction.
Les complications sont essentiellement représentées par les problèmes d'irritation cutanée due aux
broches, qui doivent être minimisés si l'opérateur explique à son patient la petite gêne transitoire et
sans gravité de la saillie de l'extrémité des broches.
Quant aux fractures itératives, inhérentes à l'enfant, l'ECMES n'a pas permis de les éviter
complètement lorsque les broches sont retirées trop tôt. C'est la raison pour laquelle, dans cette
localisation, le matériel d'ostéosynthèse ne doit être retiré qu'après 8 mois environ, et à condition de
contrôler la parfaite consolidation osseuse radiologique.
Haut de page
Fracture des métacarpiens [15]
L'application des principes de l'ECMES peut se concevoir dans les fractures du squelette
métacarpien chez l'enfant pour de telles fractures lorsque la réduction par manoeuvres externes et/ou
l'immobilisation du foyer sur attelle ou orthèse est impossible à obtenir. La plupart des indications
concerne les fractures métaphysaires distales des métacarpiens (et principalement du 5e avec
bascule > à 30°), les fractures extra-articulaires de la base du premier métacarpien ainsi que
quelques rares fractures diaphysaires instables des métacarpiens ou des phalanges [1].
Installation
Toutes ces ostéosynthèses périphériques peuvent se dérouler sous anesthésie locorégionale, si l'âge
de l'enfant l'autorise. L'usage de l'amplificateur de brillance est indispensable pour contrôler la
position des broches.
Ces fractures bénéficient d'une synthèse selon les principes codifiés par Foucher [4]. La bascule
palmaire du fragment épiphysaire est ainsi réduite [8] ; le doigt étant placé en triple flexion (MP, IPP,
IPD), l'opérateur exerce une poussée sur la tête métacarpienne par l'intermédiaire de P1 et de l'AMP.
Une incision cutanée sur le bord cubital de l'extenseur du 5e doigt autorise l'abord de la métaphyse
proximale ; la corticale est franchie à la pointe carrée. Des broches de Kirschner standards de faible
calibre peuvent être utilisées ; les broches dites de Foucher [4] disposent d'une extrémité mousse
minimisant les risques d'effraction articulaire. Chaque broche est béquillée à ses deux extrémités ; ce
béquillage proximal, réalisé dans le même plan que le précédent, permet le positionnement optimal
de l'extrémité distale de la broche, sans le recours à l'amplificateur.
Deux broches sont introduites successivement dans la cavité médullaire (fig. 21), le franchissement
du foyer de fracture s'effectuant avec un béquillage orienté en direction palmaire pour éviter toute
fausse route au niveau du foyer.
Proposée initialement par Kapandji [11], l'embrochage ascendant consiste à introduire par les faces
latérales de la métaphyse distale, deux broches précintrées et béquillées qui viennent diverger après
réduction dans le massif épiphysaire proximal du premier métacarpien (fig. 22).
Fracture diaphysaire
Deux broches sont utilisées, le point d'entrée pouvant être métaphysaire distal ou proximal suivant le
siège du trait de fracture.
Soins postopératoires
La main peut être immobilisée sur boule de Bonvallet ou dans un pansement simple pour 10 jours.
Haut de page
Conclusion
Références Bibliographiques
[1] BORDE J, LEFORT J. Traumatismes du poignet et de la main chez l'enfant. In : Tubiana R ed.
Traité de Chirurgie de la main, Tome 2, Masson. Paris. 1984 ; pp 722-739
[3] FIRICA A, POPESCU R, SCARLET M coll L'ostéosynthèse stable élastique : nouveau concept
biomécanique. Etude expérimentale. Rev Chir Orthop 1981 ; 67 (suppl 2) : 82-91
[4] FOUCHER G, CHEMORIN C, SIBILLY A Nouveau procédé d'ostéosynthèse dans les fractures du
tiers distal du cinquième métacarpien. Nouv Presse Med 1976 ; 5 : 1139-1140
[5] GENET F. Embrochage centro-médullaire dans les fractures déplacées du col du radius chez
l'enfant. Thèse de Médecine. Nancy. 1981
[6] GOODSHIP AE, KENWRIGHT J The influence of induced micromovement upon the healing of
experimental tibial fractures. J Bone Joint Surg 1985 ; 67 B : 650-655
[7] HOREAU M, CARLIOZ H Fractures de la diaphyse fémorale chez l'enfant. Ann Orthop
Ouest 1974 ; 6 : 110-114
[8] JAHSS SA Fractures of the metacarpals. A new method of reduction and immobilization. J Bone
Joint Surg 1938 ; 20A : 178-186
[9] JONES ER, ESAH M Displaced fractures of the neck of the radius in children. J. Bone Joint
Surg 1971 ; 53 B : 429-439
[10] JUDET J, JUDET R, LEFRANC J Fractures du col radial chez l'enfant. Ann Chir 1952 ; 16 : 1377-
1385
[11] KAPANDJI IA Ostéosynthèse à foyer fermé des fractures proximales non articulaires du premier
métacarpien : double brochage croisé ascendant. Ann Chir Main 1983 ; 2 : 179-185
[12] KARGER C, DIETZ JM, HECKEL T, de THOMASSON E, BRIOT B Devenir des cals vicieux
diaphysaires de l'avant-bras chez l'enfant. A propos de 108 fractures traitées par méthode
orthopédique. Rev Chir Orthop 1986 ; 72 (Suppl II) : 44-47
[13] McKIBBIN B The biology of fracture healing in long bones. J Bone Joint Surg 1978 ; 60B : 150-
162
[14] MATTHEWS LS, KAUFER H, GARVER DF, SONSTEGARD DA The effects on supination-pronation of
angular malalignement of fractures of both bones of the forearm. J Bone Joint Surg 1982 ; 64
A : 14-17
[15] MERLE M. Fractures des métacarpiens et des phalanges. In : Merle M, Dautel G eds. La main
traumatique, Tome 1, l'urgence. Masson. Paris. 1992 ; pp 45-66
[16] METAIZEAU JP. Ostéosynthèse chez l'enfant par embrochage centro-médullaire élastique stable.
Sauramps Medical. Montpellier. 1988 ; pp 27-37
[17] METAIZEAU JP. Ostéosynthèse chez l'enfant par embrochage centro-médullaire élastique stable.
Sauramps Medical. Montpellier. 1988 ; pp 93-102
[18] METAIZEAU JP, PREVOT J, SCHMITT M Réduction et fixation des fractures et décollements
épiphysaires de la tête radiale par broche centro-médullaire. Technique originale. Rev Chir
Orthop 1980 ; 66 : 47-49
[21] ZUCMAN J, MAURER P Les fractures vasculaires de l'ostéogenèse périfracturaire. Acta Orthop
Belg. 1968 ; 34 : 893-895
Figures
Fig. 1
Chaque extrémité d'une broche cintrée, et le sommet de sa courbure exercent une pression sur l'os. * : points de contact
os/broche ; R : force de rappel de la broche ; ---- forme initiale de la broche.
Fig. 2
Contrôle d'une angulation dans le plan de courbure des broches. A. Deux broches dont les courbures s'opposent
réalisent un montage équilibré. B. Les forces de rappel s'opposent à la contrainte F : R' = r' + F. C. Dès disparition de la
contrainte déformante, le montage revient à sa position d'équilibre. R : force de rappel des broches ; R' et r' : forces de
rappel du montage déformé ; F : contrainte déformante.
Fig. 3
Contrôle de la translation dans les plans des broches. A. Le montage au repos. B. En vue axiale, le canal médullaire est en
continuité. C, D. La force TRSL perpendiculaire à l'axe de l'os, appliquée près du foyer, provoque une translation au cours
de laquelle deux corticales vont se rapprocher l'une de l'autre (C). Réduisant le calibre du canal médullaire au niveau de la
fracture (D) ; en vue axiale les canaux pré- et postfracturaires ne sont pas en continuité, ils sont séparés par un isthme
rétréci, cette déformation rapproche les deux broches l'une de l'autre. Leurs forces de rappel centripètes exercent alors
sur les parois internes des corticales une action qui rétablira la largeur du canal médullaire dès disparition de la
contrainte déformante (E). R : force de rappel des broches au repos ; R' : force de rappel des broches déformées ; TRSL :
contrainte déformante.
Fig. 4
Translation dans un plan perpendiculaire aux broches. A, B. Le montage au repos. C, D. Tout comme pour la figure 3, la
translation réduit l'isthme de communication entre les canaux pré- et postfracturaires. La réduction de la largeur du canal
médullaire au niveau du foyer suscite la même réaction de la part du montage. R : force de rappel des broches au repos ;
R' : force de rappel des broches déformées ; TRSL : contrainte déformante.
Fig. 5
Contrôle du décalage. A, B. Le montage dans sa position d'équilibre, en coupe (A), les broches ne développent sur l'os
aucune contrainte en rotation. C. La rotation de l'un des fragments imprime au montage une torsion. Eloignées de leur
position d'équilibre, les deux broches vont développer au niveau de leurs extrémités un couple de rappel C tendant à faire
tourner le fragment osseux en sens inverse (D). C. Couple de rappel exercé par les broches déformées. Rot : force de
torsion.
Fig. 6
Montage tripolaire. La première broche est introduite de façon tout à fait conventionnelle. La seconde pénètre dans l'os à
proximité de la première, suit son trajet (A), puis avant d'atteindre la métaphyse, elle est retournée de 180° sur son axe (B)
de façon à ce que les deux pointes divergent dans le spongieux (C). Dès lors, la force de rappel de la seconde (R2)
s'oppose à celle de la première (R1).
Fig. 7
Montage contraint. Une force F, permanente, entretient l'angulation du montage. La broche dont la concavité se situe
dans le sinus de l'angulation tend à aggraver la déformation. Le fait de retourner cette broche de 180° sur son axe (B)
inverse le sens de la force de rappel R' qui désormais s'opposera à la contrainte déformante.
Fig. 8
A. Clous de Nancy en titane : diamètre et longueur différents. B. Extrémité béquillée, émoussée des broches en titane. C.
Extrémité sphérique du clou de Nancy.
Fig. 9
Embrochage bipolaire ascendant. Noter le cintrage en regard du foyer de fracture. Calcul de la longueur du clou de Nancy
dont 2 à 3 cm sont extraosseux.
Fig. 10
A. Introduction de la broche dans le canal médullaire. B. Passage du foyer de fracture en poussant la broche au marteau.
C. Impaction finale.
Fig. 11
Fig. 12
Installation sur table orthopédique, un amplificateur de brillance est placé du côté homolatéral.
Fig. 13
Fig. 14
A, B, C. Fracture spiroïde isolée du tibia avec déplacement secondaire sous plâtre. Reprise par ECMES.
Fig. 15
A. Enfant de 5 ans. Fracture médiodiaphysaire avec paralysie radiale d'emblée ; régression spontanée en deux mois. B.
Consolidation à 3 mois.
Fig. 16
A, B. Kyste essentiel de l'humérus. Indication de choix. Le montage doit être maintenu jusqu'à guérison du kyste.
Fig. 17
Représentation théorique de l'embrochage descendant d'une fracture supracondylienne. L'entrée des broches par deux
orifices distincts se fait au tiers supérieur de l'humérus : les broches sont ensuite orientées et poussées à travers le foyer
de fracture jusque dans la palette humérale.
Fig. 18
Fracture supracondylienne initialement stade IV du coude. Le traitement orthopédique ne permet pas malgré plusieurs
tentatives d'obtenir une réduction convenable. ECMES face et profil.
Fig. 19
Fracture du col radial. La broche est introduite à partir de l'extrémité inférieure du radius ; elle pénètre dans le col et la
tête radiale ce qui la remet au contact du condyle huméral. Dès lors une rotation de la broche, préalablement coudée à
son extrémité, va permettre une réduction anatomique de l'extrémité supérieure du radius.
Fig. 20
Fig. 21
Technique d'embrochage des fractures métaphysaires distales des métacarpiens. 1. Orientation palmaire du béquillage
lors du passage du foyer. 2. L'orientation du béquillage proximal permet le réglage de la divergence épiphysaire des
broches.
Fig. 22
Technique d'embrochage des fractures extra-articulaires de la base du premier métacarpien (double embrochage croisé
ascendant selon Kapandji).
44-020
Il dépend du métal utilisé. C’est ainsi que l’acier inoxydable doit être
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lortat-Jacob A et Boisrenoult P. préféré au titane, celui-ci étant quatre fois plus « souple ». Utiliser les
Techniques de pose d’un fixateur externe unilatéral chez l’adulte. Encycl Méd Chir fiches en titane augmenterait donc par quatre la mobilité focale. Même
(Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-020,
1999, 13 p.
si la tolérance théorique du titane est meilleure, en pratique les données
mécaniques interdisent son utilisation.
44-020 TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE Techniques chirurgicales
page 2
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE 44-020
A
B
6 Fiches épiphysaires.
A. ALJT.
B. OrthofixT.
4 Rigidité du montage en fonction de la position des fiches (en noir, les fiches
fondamentales).
Porte-fiche épiphysaire
Il a deux impératifs :
– il doit autoriser une prise transversale par rapport à la prise
diaphysaire ;
– il doit permettre d’orienter les fiches avec le plus de liberté possible
au gré de l’opérateur. En effet, les fragments sont souvent petits et il peut
être difficile de les épingler.
5 Position des fiches sur le porte-fiche. Les différents fixateurs règlent, chacun à leur façon, le problème de la
pièce épiphysaire.
page 3
44-020 TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE Techniques chirurgicales
page 4
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE 44-020
B
9 Principaux fixateurs à deux éléments. B. Fixateurs des Armées (FESSA). Fiches tubes et barres d’union complémentaires
A. Fixateur de Judet : fiches et cornières. avec leurs moyens d’union.
ALJt 2, seule la corticale proximale est perforée. Il était classique de au foyer. La fiche suivante à mettre en place est la fiche la plus éloignée
dire que ce forage devait être fait à la main. Cette notion date de l’époque du foyer. Celle-ci est impérativement mise en se servant du gabarit de
de la fiche autoperforante. Elle éviterait l’échauffement osseux et la pose. Systématiquement, le porte-fiche utilisé doit être le plus long
nécrose qui en résulte. En fait, lorsqu’on utilise un foret, on est dans les possible. On a vu l’intérêt mécanique qu’il y avait à couvrir au maximum
conditions habituelles de la mise en place d’un vissage. Afin de les segments. On présente le gabarit (ou la cornière en cas de fixateur à
minimiser l’échauffement, source de nécrose indiscutable, il faut utiliser deux éléments). La mise en place de la fiche la plus éloignée répond à la
des forets parfaitement affûtés. Ce n’est que lorsque les forets coupent même séquence technique que celle vue précédemment : incision
mal que l’échauffement devient préoccupant. cutanée, pointage, canon de perçage, forage et insertion en place de la
fiche. Les fiches intermédiaires sont posées selon la même séquence
Insertion de la fiche (fig 11E) technique en fonction des données mécaniques que l’on a vues.
Habituellement, pour une diaphyse fémorale, quatre fiches semblent
La fiche est mise en place à la main, afin de bien sentir le passage des nécessaires, trois fiches sont suffisantes pour une diaphyse tibiale.
deux corticales. Dès la sensation de dureté de la deuxième corticale, on
limite le vissage à quelques tours (deux habituellement). La première Contrôle radiologique
fiche est mise en place « à main levée » en repérant au besoin à
l’amplificateur de brillance, sa position par rapport au foyer. Elle doit La longueur des fiches doit être contrôlée après leur mise en place par une
être mise le plus près possible du foyer de fracture, mais à une distance radiographie de contrôle postopératoire ou par l’utilisation d’un
suffisante pour qu’une éventuelle infection sur fiche ne soit pas propagée amplificateur de brillance permettant les contrôles peropératoires. Ce
page 5
44-020 TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE Techniques chirurgicales
contrôle radiologique évite une modification secondaire du montage pour fiches coniques (Orthofixt par exemple), il est nécessaire d’estimer la
excès de longueur ou insuffisance de tenue osseuse. En cas d’utilisation de longueur des fiches en préopératoire par l’utilisation de calques.
page 6
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE 44-020
A B C
12 Stabilisation temporaire par plaque à foyer ouvert pour les fixateurs à deux
éléments.
page 7
44-020 TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE Techniques chirurgicales
stabiliser temporairement et mettre en place, sur une autre face de l’os, Fractures de mèches ou fiches
un fixateur unilatéral, sur un foyer réduit par ostéotaxis et stabilisé
temporairement par un fixateur d’appoint. Ce fixateur secondaire peut Elles peuvent se produire lors de la mise en place. En effet, le canal
être enlevé ou laissé selon les désirs de l’opérateur. osseux est fait à travers la peau et il est difficile de contrôler avec
précision les relations entre le matériel perforant et l’os. C’est ainsi que
Fixateur à trois éléments la face externe du fémur étant convexe, la mèche a tendance à déraper
Dans ce cas, la situation est plus simple. Les possibilités de manipulation en avant lorsqu’on fait une visée postéroexterne. Dès lors, fermement
secondaire, une fois les fiches mises en place, permettent de faire contenue dans son canon de perçage et glissant en avant ou en arrière,
véritablement de la chirurgie à foyer fermé. Toutefois, les possibilités elle se coude et elle se fracture. Il est impératif de préparer la pénétration
d’ostéotaxis sont variables d’un fixateur à l’autre. C’est ainsi que osseuse par poinçonnage. Pour les fixateurs qui n’utilisent pas de forage
certains nécessitent une réduction préalable, le fixateur étant mis sur un préalable, des précautions équivalentes doivent être faites pour éviter les
foyer à peu près réduit puis, secondairement, la réduction est fractures de fiches.
perfectionnée sous contrôle de l’amplificateur de brillance (Ortho-
Fixt). Quel que soit le modèle utilisé, on a toujours intérêt à mettre en
place le fixateur sur un foyer à peu près aligné. La mise en place du Soins locaux et suivi d’un fixateur externe
matériel de dynamisation en sera facilitée. Le positionnement des fiches
et des moyens d’union doit être réalisé en tenant compte des temps
thérapeutiques secondaires éventuels, par exemple ne pas gêner la Nettoyage du matériel
réalisation d’un lambeau dans une fracture ouverte de jambe, ou des La fiche est une source de contamination pour l’os. Les soins locaux sont
attitudes vicieuses pouvant être induites par le fixateur (rotation interne primordiaux. Ils doivent être quotidiens. Le nettoyage du corps du
de la hanche par un fixateur fémoral trop postérieur). fixateur ne peut être fait avec n’importe quel produit, certains sont
agressifs pour les composants métalliques (bétadine) et doivent être
Positionnement des fiches en fonction évités. Il est fait au mieux à l’eau et au savon par le malade lui-même. Le
des segments osseux corps doit être propre.
Le positionnement des fiches sur les différents segments osseux est
fonction du segment considéré et non du fixateur employé. Les principes Jonction fiche-peau
de pose doivent être respectés, quel que soit le modèle utilisé. La
figure 14 schématise les positions classiques des fiches selon les C’est le point crucial de la tolérance du fixateur. Une cicatrisation
différents segments osseux. spontanée s’effectue au contact de la fiche, colmatant le trajet menant à
l’os. Ce bourrelet de cicatrisation doit être respecté, mais aussi nettoyé
pour éviter qu’il ne contienne trop de germes. L’usage de la compresse
Complications peropératoires bétadinée, laissée à demeure, est formellement proscrite. En effet, elle
perd toutes ses propriétés antiseptiques et devient mécaniquement
agressive lorsqu’elle sèche et durcie. Les nettoyages doivent être faits
Blessures directes aux ammoniums quaternaires à la compresse douce, sans faire saigner.
La mise en place des fiches étant faite en percutané, on ne voit pas les Dans des milieux sociaux difficiles, il doit être confié à l’infirmière.
éléments sous-jacents, certains sont susceptibles d’être lésés lors de la Lorsque la coopération avec le malade est bonne, on peut lui confier ce
mise en place. Il peut se produire deux types d’incidents peropératoires : soin. Les conflits entre la peau et les fiches doivent être prévenus par un
– l’embrochage direct par le matériel peut se produire à certaines zones débridement cutané. Les conflits entre les barres ou les porte-fiches et la
qu’il faut connaître. À l’humérus, les broches supérieures risquent de peau doivent être prévenus par une distance suffisante des moyens
léser le nerf circonflexe ou le nerf radial. Les broches inférieures risquent d’union avec la peau.
de léser le nerf cubital (fig 15A). À la jambe, il faut signaler la possibilité
de blessure vasculaire au tiers supérieur du tibia (fig 15B) [30]. Ces Pansement laissé sur le fixateur
localisations doivent être abordées par une courte incision avec une
discission des éléments. Mais, plus redoutables et plus difficiles à parer, Il doit être le plus léger possible et cela dépend là aussi du niveau de
sont les échappées de matériel. Elles ne sont pas propres à coopération du malade. Dans des conditions saines, sur un malade
l’ostéosynthèse par fixateur externe, mais elles peuvent se voir. C’est coopérant, on doit laisser le fixateur totalement à l’air. Dès que les
ainsi qu’une échappée de la mèche peut embrocher l’artère humérale à conditions sont difficiles et qu’il est impossible de maintenir une hygiène
l’humérus, l’artère fémorale à la cuisse. Il est impératif d’éviter un suffisante, le fixateur doit être simplement emballé dans un grand
contre-appui lorsqu’on fait le forage car on plaque ainsi les éléments pansement d’isolement.
nobles contre la structure osseuse, ceux-ci ne pouvant plus fuir devant la
mèche. Ils sont donc éminemment exposés (fig 16) ;
– ailleurs, les éléments sont enroulés lors du forage. C’est ainsi qu’il Complications évolutives
peut se produire un effet de « moulinet » pour les aponévroses ou les
muscles qui, enroulés par le foret, attirent les éléments nobles à distance Infection locale
pour finir par les arracher. Il est impératif de faire ces traversées de
parties molles à l’aide d’un canon de perçage qui protège les éléments C’est « l’infection sur fiches ». Nous distinguons trois stades.
périphériques.
Rougeur cutanée
Hyperpression La périphérie de l’orifice devient inflammatoire, boursouflée,
La traversée osseuse doit être faite directement et ne doit pas être décalée douloureuse. Ces signes d’infection cutanée surviennent à n’importe
par rapport à la traversée cutanée. C’est ainsi qu’il ne faut pas réaliser le quel moment de l’évolution. Ils peuvent se voir précocement si les
très mauvais geste qui consiste à piquer à travers les parties molles puis précautions peropératoires n’ont pas été prises : incision franche de la
à modifier l’inclinaison du foret une fois l’os atteint (fig 17). On crée peau et protection de la peau de la brûlure thermique lors de la mise en
ainsi une zone d’hyperpression cutanée, susceptible de donner une place. Habituellement, ce stade de rougeur ne nécessite que des soins
nécrose cutanée. Par ailleurs, ce geste écrase les parties molles et risque locaux et une mise au repos. En effet, la mobilisation des articulations
de comprimer les vaisseaux. C’est ainsi qu’il a été décrit de véritables sus- et sous-jacentes entraîne une irritation de la peau au contact des
compressions de l’artère tibiale antérieure par les fiches transfixiantes à fiches. Par ailleurs, lorsque cette rougeur survient tardivement, elle peut
la partie haute de jambe [30]. Si la compression cutanée est facilement être le témoin d’une hypersollicitation (mise en charge). Le traitement à
soluble par une incision le long de la fiche, il n’en est pas de même des ce stade doit être local : pansement quotidien et humidification, voire
compressions musculaires. Il faut donc être très méticuleux lors de la alcoolisation des orifices. Si cette rougeur persiste, entraînant de façon
mise en place. durable l’arrêt de la rééducation, ce qu’il faut toujours éviter, on est en
page 8
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE 44-020
A B C D E
F G H I J
14 Exemples de mon-
tages en fonction des lo-
calisations avec différents
modèles.
A, B, C, D. Ortho-
FixT.
E, F, G, H. Mono-
TubeT.
I, J, K, L, M. ALJT.
K L M N N. Hoffmann 2.
page 9
44-020 TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE Techniques chirurgicales
droit alors de prescrire une antibiothérapie. L’antibiothérapie, à titre l’ostéolyse, les fiches perdent leur tenue et l’ostéosynthèse se trouve
exceptionnel, et c’est le seul moment où nous le faisons, est une trahie. L’apparition d’une ostéolyse importante nécessite une
antibiothérapie orale, simple, antistaphylococcique par une synergistine. modification du montage, avec l’ablation de la fiche responsable. Si le
On espère ainsi diminuer la prolifération de germes sans avoir la fixateur n’a plus qu’un rôle de soutien, alors que le foyer est proche de la
prétention de stériliser. C’est ainsi que la pristinamycine, prescrite à la consolidation, on peut ne pas remplacer cette fiche, mais souvent on est
dose de 3 g/j peut, de façon durable, améliorer la tolérance des fiches. amené, pour faire durer le fixateur externe, à remettre en place une ou
Cette antibiothérapie n’est prescrite qu’après échec des soins locaux. des fiches supplémentaires. Il ne faut jamais perdre de vue qu’un fixateur
externe est une ostéosynthèse à durée de vie limitée. Avec le temps, elle
Écoulement prend du jeu sous l’effet de cette ostéolyse.
Le stade suivant de l’infection sur les fiches est l’apparition de pus. Ces infections dont la fiche est le point départ, se voient le plus souvent
Tantôt il s’écoule librement, tantôt il faut presser les bords cutanés pour dans deux conditions : malades sales, négligeant les soins locaux, ou
faire apparaître une goutte de pus. D’habitude, paradoxalement, la sollicitations mécaniques excessives. Ces dernières sont de deux types :
douleur a diminué et il faut savoir examiner les orifices de fiches pour – d’une part, dans les montages « légers », c’est la fiche qui, se courbant,
déceler ce stade évolutif. Un prélèvement bactériologique est alors va irriter les bords de son canal osseux ;
pratiqué, en en connaissant les limites. En effet, il existe certainement – d’autre part, dans les régions proches des articulations, là où il existe
une contamination par des germes saprophytes et ce prélèvement n’a pas des zones de glissement cutané, c’est la mobilisation de la peau qui
forcément valeur absolue. Au vu de cet examen, s’il existe une entraîne une réaction cutanée. Il est alors impératif, au bistouri, de créer
population microbienne monomorphe, ou avec une dominante quasi le chemin cutané.
exclusive d’un germe, on peut mettre en route une antibiothérapie. Mais,
ce stade évolutif survenant le plus souvent assez tard dans la mise en Dans tous les cas, les soins locaux doivent réduire considérablement les
place du fixateur, il peut être difficile de réhospitaliser le porteur du infections sur fiches.
fixateur uniquement pour soigner un problème de fiches. C’est ainsi que
l’on peut être amené délibérément à pratiquer une antibiothérapie moins Infection articulaire
adaptée, uniquement pour avoir une possibilité de prescription orale. Le
but de cette antibiothérapie est de diminuer la population bactérienne de
façon quantitative sans sélectionner des germes dangereux. Les Certaines fiches proches de l’articulation doivent être surveillées de très
synergistines remplissent correctement ce rôle. En pratique, elles près car elles sont susceptibles d’entraîner une arthrite septique. C’est
améliorent de façon significative la tolérance des fiches. Cette ainsi que les ostéosynthèses épiphysaires sont menaçantes pour
antibiothérapie orale doit être associée à des soins locaux quotidiens. l’articulation. Il faut, en tout cas, proscrire les fiches qui traversent la
synoviale, mettant en communication la cavité articulaire avec
l’extérieur (fig 18). De même, lorsque les fiches respectent le cul-de-sac
Lyse osseuse
synovial, elles peuvent, par contiguïté, provoquer une infection
Le troisième stade est celui de l’apparition d’une ostéite radiologique. articulaire. Si la mobilisation articulaire devient douloureuse, si la
Lorsque l’infection sur fiches continue, elle finit par attaquer l’os, pression des culs-de-sac synoviaux est douloureuse, s’il existe une
réalisant une ostéolyse autour des fiches. Une radiographie s’impose, modification radiologique de l’interligne, il faut de toute urgence traiter
centrée sur les fiches infectées, qui peuvent être à distance du foyer de cette arthrite, ce qui complique considérablement l’évolution. De même,
fracture. Des incidences spécifiques peuvent être nécessaires. Les il faut rester très vigilant pour toutes les fiches qui sont à proximité du
ostéolyses sur fiches peuvent prendre des proportions importantes. Elles foyer. En effet, une infection importante sur fiches avec apparition de
sont augmentées par la sollicitation mécanique. C’est ainsi que plus les pus risque de provoquer une infection focale. On n’aura donc pas la
montages seront « légers », plus l’ostéolyse apparaît : la destruction même attention, ni la même rapidité d’action, en fonction du siège de la
osseuse en effet est à la fois infectieuse et mécanique. Sous l’effet de fiche. Une fiche proche de l’articulation ou proche du foyer fracturaire
page 10
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE 44-020
A B
D E F
Démontage
sera l’objet d’une surveillance particulièrement vigilante. De même, une Le fixateur externe peut se démonter. C’est surtout le cas des fixateurs à
fiche au contact du tendon rotulien représente un risque majeur trois composants. En effet, il existe un grand nombre de liaisons
d’infection très difficile à traiter (fig 19). mécaniques vissées. Le dévissage de ces éléments constamment
page 11
44-020 TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE Techniques chirurgicales
page 12
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE POSE D’UN FIXATEUR EXTERNE UNILATÉRAL CHEZ L’ADULTE 44-020
Agressivité du fixateur externe par une ostéosynthèse conventionnelle (enclouage secondaire) [4, 5, 21, 22, 23].
Le risque infectieux de cette méthode est très variable selon les auteurs,
Mettre un fixateur externe est un geste lourd. L’ostéosynthèse par 43 % pour Mc Graw en 1988 [23], 4 % pour Blachut en 1990 [5] et nul pour
fixateur externe est d’une grande agressivité : Bernat en 1996 [4]. Si cette technique est choisie, il nous semble préférable
– agressivité anatomique : on a vu les complications peropératoires de procéder en deux temps :
possibles ; – ablation du fixateur dans un premier temps ;
– agressivité physiologique : on a vu les enraidissements et toutes les – quelques jours après, lorsque les orifices de fiches sont cicatrisés,
difficultés qui en résultent ;
pratiquer l’enclouage dans les conditions d’asepsie conventionnelle.
– agressivité sur la consolidation : la non-consolidation doit être
intégrée dans le programme thérapeutique lorsqu’un fixateur externe a •
été mis en place. Elle doit être prévue dès le début du programme ;
• •
– agressivité psychologique : il est très difficile de supporter
psychologiquement un appareillage sortant de la peau, douloureux, On voit donc tout l’intérêt d’utiliser la fixation unilatérale. Si, dans
nécessitant des soins constants. Les fixateurs sont le plus souvent posés la décennie précédente, la course à la rigidité totale du foyer a
pour des situations traumatiques lourdes chez des jeunes qui supportent permis de faire de gros progrès sur la connaissance mécanique
très mal cette situation. L’encadrement psychologique est très des fixateurs externes, à l’heure actuelle, les conditions ont
important ; changé. Les fixateurs modernes ont une rigidité unitaire
– agressivité financière : l’ostéosynthèse par fixateur externe est très nettement plus importante. Les fixateurs sont réservés soit aux
onéreuse. Le prix de revient d’une ostéosynthèse doit toutefois être grandes pertes de substance osseuse, soit aux fracas
tempéré par son taux de réutilisation. Seules les fiches sont à usage comminutifs. Alors, les conditions biomécaniques de la
unique, les autres éléments du fixateur sont réutilisables. Le taux de consolidation sont totalement différentes de celles d’une fracture
réutilisation varie d’un fixateur à l’autre, c’est ce taux de réutilisation simple. Dans ces cas graves, les nécessités biomécaniques de
qui fait le prix de revient réel de l’ostéosynthèse. consolidation sont mal connues. Il peut paraître illogique de
Au total, l’ostéosynthèse par fixateur externe a des complications qui lui vouloir immobiliser millimétriquement deux extrémités osseuses
sont propres. Elles sont suffisamment nombreuses pour n’utiliser les distantes de 10 cm en cas de résection diaphysaire, alors que les
fixateurs qu’en cas de nécessité absolue. Le fixateur représente une parties molles, elles, ne seront pas immobilisées et auront une
servitude pour le blessé. Mais surtout la surveillance d’un fixateur mobilité très importante, entraînant une mobilisation inéluctable
externe par l’orthopédiste nécessite une vigilance particulière ; le du foyer de reconstruction. On voit donc que, dans l’incertitude
chirurgien doit acquérir des réflexes différents qui vont choquer ses des nécessités biomécaniques, il est nécessaire de privilégier
habitudes : tolérance d’un écoulement, maniement particulier des l’innocuité physiologique et fonctionnelle, c’est ce que fait le
antibiotiques, mise en charge précoce, difficultés d’appréciation de la fixateur externe unilatéral. Il semble que, misant sur cette
consolidation. Ces réflexes particuliers sont peut-être ce qu’il y a de plus amélioration fonctionnelle, on ait dans le même temps amélioré
difficile à acquérir dans l’usage des fixateurs. de façon non négligeable les résultats des fixateurs externes sur
la consolidation.
Possibilités d’enclouage secondaire
Une bibliographie particulièrement exhaustive peut être trouvée dans « Fixation externe du squelette ».
Dans un certain nombre de cas, lorsque le fixateur externe a permis de In : Meyrueis JP, Merloz Ph ed. Cahier d’Enseignement de la SOFCOT n° 58. Paris : Expansion
régler le problème cutané, il a été proposé de l’enlever et de le remplacer Scientifique Française, 1997.
Références
[1] Adrey J. Le fixateur externe d’Hoffmann couplé en ca- [11] De Bastiani G, Aldegheri R, Renzi-Brivio L. Dynamic [22] Maurer DJ, Merkow RL, Gustilo RB. Infection after in-
dre. Étude biomécanique dans les fractures de la axial fixation. Int Orthop 1986 ; 10 : 95-99 tramedullary nailing of severe open tibial fractures ini-
jambe. [thèse], Montpellier, 1970 tially treated with external fixation. J Bone Joint Surg
[12] De Bastiani G, Aldegheri R, Renzi-Brivio L. The treat- Am 1989 ; 71 : 835-838
[2] Behrens F, Johnson W. Unilateral external fixation : ment of fractures with a dynamic axial fixator. J Bone
methods to increase and reduce frame stiffness. Vet [23] McGraw JM, Lim E. Treatment of open tibial shaft frac-
Joint Surg Br 1984 ; 66 : 538-545
Surg 1987 ; 16 : 207-211 tures. External fixation and secondary intramedullary
[13] Egan JM, Shearer JR. Behaviour of an external fixa- nailing. J Bone Joint Surg Am 1988 ; 70 : 900-910
[3] Bennett RA, Egger EL, Histand M, Ellis AB. Compari- tion frame incorporating an angular separation of the [24] Merloz PH, Maurel N, Marchand D, Lavaste F, Barnole
son of the strenght and holding power of 4 pins design fixator pins. Clin Orthop 1987 ; 223 : 265-274 J, Faure C et al. Rigidité tridimensionnelle de l’appareil
for use with half pins external skeletal fixation. Clin Or- d’Ilizarov (original et modifié) implanté au fémur. Étude
thop 1989 ; 241 : 48-56 [14] Evans M, Kenwright J, Tanner KE. Analysis of single- expérimentale et déductions cliniques. Rev Chir Orthop
sided external fracture fixation. EngMed 1979 ; 8 : 133 1991 ; 77 : 65-76
[4] Bernat M, Lecoq C, Lempidakis M, Martin G, Aswad R,
Poitout DG. Ostéosynthèse interne secondaire après [15] Gardner TN, Evans M. Relative stiffness, transverse [25] Merloz PH, Petit PH, Maurel N, Lavaste F. Biomécani-
fixation externe pour fracture ouverte, récente ou an- displacement and dynamization in comparable exter- que des fixateurs externes en général et de l’appareil
cienne, du membre inférieur. Rev Chir Orthop 1996 ; nal fixators. Clin Biomech 1992 ; 7 : 231-239 d’Ilizarov en particulier. Pathologie locomotrice. Paris :
82 : 137-144 Masson, 1994 : 92-94
[16] Hoffman R. Rotules à os pour la réduction dirigée non
[5] Blachut PA, Meek RN, O’Brien PJ. External fixation and [26] Meyrueis JP. La fixation des foyers de fracture doit-elle
sanglante des fractures (ostéotaxis). Helv Med Acta
delayed intramedullary nailing of open fractures of the être rigide ? Rev Chir Orthop 1981 ; 67 (suppl II) :
1938 ; 5 : 844 78-81
tibial shaft. J Bone Joint Surg Am 1990 ; 72 : 729-735
[17] Huiskes R, Chao EY, Crippen TE. Parametric analysis [27] Meyrueis JP. Essai de définition théorique et pratique
[6] Bonnel F, Rabischong P, Adrey J, Perruchon E. Étude of pin bone stresses in external fracture fixation de- de la fixation rigide et de la fixation élastique. Rev Chir
biomécanique du fixateur externe en cadre. Insuffisan- vices. J Orthop Res 1985 ; 3 : 341-349 Orthop 1983 ; 69 : 338-339
ces, améliorations et codifications. Montpellier Chir
[18] Ilizarov GA. Principes fondamentaux de l’ostéosyn- [28] Meyrueis JP. Dynamisation du fixateur externe. Rev
1971 ; 17 : 529-535
thèse en compression distraction Ortop Traumatol Pro- Chir Orthop 1983 ; 69 : 375-376
[7] Bonnel F, Temoingt P, Micaleff JP. Étude biomécanique [29] Meyrueis JP, Mine J, Rochat G, Mayaudon JC, Tripon
tez 1971 ; 32 : 7-15
comparative des fixateurs externes (tibia et fémur). Rev PH. Étude mécanique comparative de fixateurs exter-
Chir Orthop 1983 ; 69 : 367-370 [19] Lavaste F, Mekarnia A, Bisserie M, Lortat-Jacob A. nes. Le modèle du service de santé des Armées. Rev
[8] Burnstein AH, Currey J, Frankel VH, Keiple KG, Lun- Étude comparative du comportement des fixateurs ex- Chir Orthop 1980 ; 66 : 317-321
seth P. Bone strength: the effect of screw holes. J Bone ternes. Optimisation de leur rigidité en fonction des sol- [30] Raimbeau G, Chevallier JM, Raguin J. Les risques vas-
Joint Surg Am 1972 ; 54 : 1143 licitations imposées en service, lors de différentes pos- culaires du fixateur externe en cadre à la jambe. Rev
tures. Rev Eur Techn Bioméd 1982 ; 4 : 225-226 Chir Orthop 1979 ; 65 (suppl II) : 77-82
[9] Burny FL. Elastic external fixation of tibial fractures:
study of 1421 cases. In : External fixation. Baltimore: [20] Lortat-Jacob A, Lelong P, Benoit J, Ramadier JO. Sta- [31] Sollogoub I, Asquier PH, Bonnard CH, Glorion B. Fixa-
Wilkins and Williams, 1979 bilité expérimentale du fixateur externe de Hoffmann. teur externe d’Ilizarov. Encycl Méd Chir (Elsevier, Pa-
Présentation d’un nouveau matériel. Rev Chir Orthop ris), Techniques chirurgicales-Orthopédie-Traumato-
[10] Cazenave A, Meyrueis JP. Techniques de pose des 1982 ; 68 : 83-90 logie, 44-020, 1989 : 1-5
fixateurs externes. In : Meyrueis JP, Merloz P éd. Fixa- [32] Wu JJ, Shyr HS, Chao EY, Kelly PJ. Comparison of
tion externe du squelette. Cahier d’enseignement de la [21] Matsoukis J, Thomine JM, Khallouk R, Biga N. En- osteotomy healing under external fixation devices with
SOFCOT n° 58. Paris : Expansion Scientifique Fran- clouage verrouillé de jambe secondaire après fixation different stiffness caracteristics. J Bone Joint Surg Am
çaise, 1997 : 82-87 externe : 25 cas. Rev Chir Orthop 1991 ; 77 : 555-561 1984 ; 66 : 1258-1264
page 13
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-030-A
44-030-A
La greffe osseuse est un apport de tissu osseux vivant ou non. Si le Ils ont un rôle ostéo-inducteur mais leur qualité mécanique est médiocre,
greffon provient du receveur lui-même, il s’agit d’une autogreffe ; si le sauf lorsqu’ils sont utilisés en matériau de comblement de
greffon provient d’un autre individu de la même espèce, on parle cavités.
d’allogreffe (anciennement homogreffe) ; si le donneur est d’une espèce
différente, il s’agit d’une xénogreffe. Ces dernières ne sont pas traitées
dans ce chapitre et sont assimilées aux substituts osseux. Caractéristiques en fonction du site donneur
Ces greffes peuvent être non vascularisées, vascularisées-pédiculées (on
parle alors de transferts osseux) ou vascularisées-libres (avec une
anastomose microchirurgicale des vaisseaux nourriciers). Autogreffes
Ces apports osseux, notamment les autogreffes, peuvent induire
localement la formation de tissu osseux qui va progressivement Elles ont un haut pouvoir ostéogénique et sont colonisées par de l’os
remplacer le tissu transplanté par résorption-substitution (creeping- néoformé en passant par une phase de résorption et reconstruction. Ce
substitution). Il s’agit alors d’une ostéo-induction. Dans d’autres cas, la remodelage permet une intégration complète du greffon. L’utilisation de
greffe peut se comporter comme le support biologique qui va permettre greffons vascularisés permet une consolidation plus rapide sans passer
une repousse osseuse à partir de l’os receveur appelée ostéoconduction. par cette phase de résorption [13].
page 2
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES 44-030-A
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
Prélèvement d’un greffon tibial spongieux est prélevé à la curette dans le massif trochantérien ; il est
possible d’extraire de 5 à 10 mL d’os, comme l’a montré Lindberg [24].
Prélèvement d’une baguette tibiale
La face interne du tibia procure des greffons corticospongieux longs, Autres sites
rectilignes et solides. Il est préférable d’utiliser la partie haute de la – Condyles fémoraux et pilon tibial. Ce dernier site, en cas d’arthrodèse
diaphyse, qui est plus large et plus plate que la partie distale. La longueur de cheville, est localisé dans le champ opératoire. Il procure de l’os
de ces baguettes peut aller jusqu’à 30 cm chez les patients de grande spongieux ou une baguette tibiale corticospongieuse qui peut être
taille. La longueur de cette baguette peut être appréciée avant translatée distalement afin de s’encastrer dans le calcanéus.
l’intervention en mesurant la distance qui sépare la tubérosité tibiale – Olécrâne et métaphyse radiale inférieure. Ils peuvent aussi donner une
antérieure et la région sus-malléolaire interne. Le patient est installé en petite quantité d’os spongieux pour des interventions sur le membre
décubitus dorsal, avec un garrot pneumatique à la racine de la cuisse qui supérieur. Les besoins en greffon doivent, dans ce cas, être très limités
est gonflé après surélévation du membre pendant 5 minutes. La peau est (par exemple : apport osseux pour une pseudarthrose de scaphoïde).
incisée au milieu de la face interne du tibia. L’os est atteint sans
décollement sous-cutané, puis le périoste est ruginé de chaque côté afin
d’exposer toute la face interne du tibia. La baguette osseuse est alors Transferts osseux pédiculés
découpée à la scie oscillante, en restant au moins à 5 mm de la crête
tibiale antérieure et du bord postérieur et en orientant la lame Les greffons peuvent être pédiculés sur des masses musculaires ou sur
obliquement vers le centre de la diaphyse de façon à rester à distance de des vaisseaux plus individualisés.
la corticale adjacente. Un ciseau à frapper permet de détacher la greffe à
ses extrémités sans la casser ni fragiliser le tibia. Le spongieux restant Autogreffes pédiculées sur des masses musculaires
est prélevé à l’aide d’une curette. Les baguettes corticales sont
conservées dans un récipient adapté contenant du sérum physiologique, Bord latéral de l’omoplate
ou enveloppées dans des compresses humidifiées de sérum
physiologique. Le périoste est alors suturé à l’aide d’un surjet. Le Il peut être prélevé sur une hauteur de 10 à 15 cm et une largeur de 4 cm,
drainage se fait en sous-cutané. Le débit de ces drains doit être surveillé, en conservant les insertions musculaires du minor teres, une partie de
et s’il est trop important (supérieur à 100 mL), le vide doit être « cassé » celles de l’infraspinatus et du subscapularis. Ce greffon
pendant 6 heures. Dans les suites de l’intervention, aucune contention corticospongieux à pédicule musculaire peut venir compléter l’apport
plâtrée n’est indiquée, et un appui total est autorisé. Cependant, le patient osseux d’une arthrodèse glénohumérale à sa partie inférieure.
doit éviter les mouvements de torsion pendant au moins 3 mois.
Crête iliaque postérieure
Prélèvement de spongieux dans la métaphyse tibiale supérieure
Pédiculée sur les masses musculaires thoracolombaires, elle peut être
Le prélèvement spongieux s’effectue dans la métaphyse et dans utilisée sur le rachis lombaire bas ou pour une arthrodèse sacro-iliaque
l’épiphyse. Une courte voie d’abord verticale (5 cm), en dedans de la après résection tumorale (fig 2). L’installation du patient et l’incision
tubérosité tibiale antérieure, permet de réaliser une fenêtre osseuse cutanée sont celles utilisées pour le prélèvement d’une crête iliaque
rectangulaire. Le spongieux est alors prélevé à l’aide de curettes de postérieure. Le muscle gluteus medius est désinséré et ruginé sur une
différentes tailles. Il ne faut cependant pas remonter dans la région sous- hauteur de 5 cm, et l’articulation sacro-iliaque est repérée. L’ostéotomie
chondrale, au risque de provoquer une fracture pathologique à ce niveau. de la crête iliaque est réalisée à l’aide de ciseaux à os, en conservant
Le greffon peut là aussi être prélevé à l’aide d’une tréphine par une l’insertion du fascia thoracolombaire. Le greffon tricortical, qui peut
courte incision cutanée. Des trajets divergents permettent d’obtenir mesurer jusqu’à 8 cm de large pour une hauteur de 3 à 4 cm, est ensuite
jusqu’à quatre carottes osseuses [47]. La fermeture est réalisée plan par relevé et libéré des plans profonds. Les veines sont soigneusement
plan sur un drain aspiratif, positionné en sous-cutané. La marche en coagulées, sans déborder en avant des apophyses transverses pour ne pas
appui total est autorisée immédiatement. blesser les racines. Le greffon peut ensuite être mobilisé et déposé
verticalement dans une gouttière paravertébrale comme apport osseux
Autres sites pouvant être utilisés pour prélever des greffons d’une arthrodèse postérolatérale. Il peut aussi servir de greffon pour une
Fibula arthrodèse sacro-iliaque.
Elle peut être prélevée simplement, sans sa vascularisation. Le
prélèvement de la partie moyenne de la diaphyse est aisé et sans Autogreffes avec pédicule vasculaire individualisé
conséquences fonctionnelles ; il est néanmoins souhaitable de rester à
10 cm au-dessus de la pointe de la malléole externe afin d’éviter une La fibula, lorsqu’elle est utilisée localement, peut être gardée pédiculée
déstabilisation de la cheville, et à 10 cm en dessous de l’interligne du sur sa vascularisation péronière [4]. Ce greffon permet de combler, soit
genou pour ne pas léser le nerf fibulaire. Le prélèvement de la partie une perte de substance au genou lors d’une arthrodèse fémorotibiale
proximale est possible, mais il doit être réalisé de préférence par voie (c’est le cas notamment dans les reconstructions du fémur distal où une
postéroexterne, avec repérage du nerf fibulaire. Le patient est installé en rotation de 180° du greffon autour de son axe vasculaire permet de
décubitus dorsal avec un gros coussin sous la fesse homolatérale, ou en combler la perte de substance) (fig 3), soit une perte de substance au
décubitus latéral avec un garrot à la racine de la cuisse. L’incision tibia, comme dans le cas d’une résection diaphysaire [37]. Le patient est
cutanée est centrée sur la diaphyse fibulaire ; elle débute 10 cm en installé comme décrit précédemment pour le prélèvement de fibula non
dessous de l’interligne du genou et s’arrête 10 cm au-dessus de la pointe pédiculé, et l’incision cutanée est la même. L’espace entre le peroneus
de la malléole externe. L’espace entre le muscle peroneus longus et le longus et le soléaire est repéré et la dissection est alors extrapériostée,
muscle soléaire est repéré et discisé afin d’exposer la diaphyse qui est laissant une couche musculaire antéroexterne. La dissection s’étend en
alors ruginée sur la hauteur désirée en évitant de léser les vaisseaux avant jusqu’à la membrane interosseuse, et en arrière jusqu’au flexor
péroniers. Deux écarteurs contre-coudés procurent une exposition très hallucis longus. La fibula est alors sectionnée à la hauteur voulue, ce qui
satisfaisante de la diaphyse et permettent de protéger les vaisseaux permet de mobiliser le segment diaphysaire et de sectionner
péroniers et tibiaux antérieurs lors des coupes osseuses. Les ostéotomies prudemment la membrane interosseuse, et ainsi de repérer le pédicule
sont réalisées de préférence à l’ostéotome, ou à l’aide d’une petite lame vascularisant la fibula qui habituellement prend naissance au niveau des
de scie oscillante. Il est préférable de lâcher le garrot avant la fermeture vaisseaux péroniers. Le pédicule est disséqué jusqu’à son origine. Le
de l’incision pour contrôler et compléter l’hémostase. La fermeture, greffon peut alors être mobilisé par translation externe afin de combler
uniquement de la sous-peau et de la peau, est réalisée sur un drain de un defect tibial, ou par rotation de 180° pour réaliser un apport osseux
Redon. Dans les suites, l’appui total est autorisé immédiatement. fémorotibial.
Grand trochanter
Autogreffes vascularisées libres
Il est abordé par une courte incision verticale de 5 cm, qui débute 1 cm
en dessous du sommet du grand trochanter. La fenêtre corticale doit être De nombreuses greffes de ce type ont été décrites. Elles exigent un
circulaire et de 1 à 2 cm de diamètre, dans la région trochantérienne. Le repérage soigneux du pédicule vasculaire (artère et veine) qui est
page 3
44-030-A TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES Techniques chirurgicales
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
2 Technique de prélèvement d’un greffon iliaque postérieur pédiculé sur le fascia thoracolombaire. Ce greffon peut être utilisé pour une greffe lombaire basse ou lombosacrée,
pour combler une perte de substance de l’aileron sacré ou pour réaliser une arthrodèse lombo-iliaque.
Allogreffes osseuses
Malgré leur faible pouvoir ostéo-inducteur (ils sont plutôt
ostéoconducteurs), les greffons osseux massifs et les allogreffes
spongieuses restent extrêmement utiles en chirurgie de reconstruction.
C’est le cas notamment en chirurgie tumorale, où de grandes résections
osseuses sont de préférence comblées avec des greffes osseuses afin
d’obtenir des propriétés biologiques proches de la normale. Les têtes
fémorales de banque fragmentées sont probablement ostéo-inductrices
ou constituent au moins un matériau permettant une ostéoconduction
satisfaisante ; leur utilisation est extrêmement courante pour les
comblements de petites cavités, notamment au cotyle et dans différentes
régions après curetage d’une tumeur bénigne. L’utilisation de tissu
osseux d’origine humaine a été strictement encadrée par le législateur
dans le cadre des lois de juillet 1994 (dites de bioéthique), puis des
nombreux textes réglementaires qui en découlent. Les prélèvements,
comme l’implantation de toute greffe, sont placés sous la responsabilité
du chirurgien qui les réalise. La conservation, la transformation, la
manipulation et la distribution des tissus d’origine humaine sont
strictement limitées aux seuls établissements autorisés, autorisation
délivrée au terme d’une procédure définie par décret en conseil d’État.
Les règles de sécurité sanitaire applicables aux allogreffes osseuses,
ainsi que les moyens de stérilisation et de conservation de ces greffons,
sont traités dans le fascicule 44-031 de l’Encyclopédie
Médico-Chirurgicale.
3 Autogreffe à l’aide
d’un péroné pédiculé. La Les greffes osseuses correspondent en pratique à deux types de greffons
rotation de 180° permet distincts :
de combler une perte
de substance articulaire
– d’une part, les allogreffes provenant de donneurs décédés et
et/ou fémorale distale. correspondant le plus souvent aux allogreffes massives (os longs,
hémibassin, vertèbres) qui ne peuvent être prélevées que dans des
sectionné puis anastomosé au site donneur [13, 18, 33, 50]. L’intérêt des établissements autorisés ;
greffons est qu’ils ne passent pas par une phase de résorption- – d’autre part, les têtes fémorales prélevées à l’occasion d’arthroplasties
reconstruction et, de ce fait, consolident beaucoup plus rapidement, et totales de hanche, qui ont le statut de résidus opératoires, et qui peuvent
peuvent ensuite s’épaissir. Cet épaississement du greffon est cependant être prélevées, après information et consentement éclairé du donneur,
très long (2 à 3 ans pour une fibula), ce qui constitue l’obstacle essentiel dans des établissements de soins non autorisés, mais dont les étapes de
page 4
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES 44-030-A
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
transport, de « sécurisation », de conservation et de distribution ne
peuvent être effectuées que par une banque de tissus agréée, ce qui
implique en pratique un accord de fonctionnement entre chaque
établissement préleveur et une banque.
Pseudarthroses
page 5
44-030-A TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES Techniques chirurgicales
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
naturelle permet d’augmenter la congruence articulaire). Pour l’épaule,
l’apophyse coracoïde prélevée localement procure un greffon
satisfaisant dans la majorité des cas. Ce greffon peut être vissé
verticalement ou horizontalement après avivement du bord de la glène.
Gosset a quant à lui décrit la butée armée, réalisée à l’aide d’une côte qui
est ostéosynthésée par une broche.
Comblement de spongieux
Le comblement d’une cavité, après curetage ou réduction d’une fracture,
a pour but de renforcer la solidité locale de l’os qui vient d’être plus ou
moins évidé. Si de l’os est utilisé, le comblement doit être complet et
serré afin d’obtenir une solidité primaire ; il doit réaliser un véritable
plombage, et les fragments doivent être coupés le plus fin possible et
tassés au chasse-greffon. Il est parfois nécessaire d’y associer un
renforcement par de l’os cortical ou une ostéosynthèse.
page 6
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES 44-030-A
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
taillé sur mesure, habituellement en forme de croissant. La partie Pour ces pertes de substance corticale fémorale, il est aussi possible
receveuse du cotyle est avivée à l’aide de curette, puis le greffon est vissé d’utiliser des baguettes d’allogreffe qui sont cerclées à l’extérieur du fût
dans la zone de découverture en veillant à ce que les têtes de vis ne soient fémoral. Ce type de greffon procure un renforcement mécanique
pas dans une zone où la greffe est fraisée. Il est alors possible de creuser satisfaisant et s’incorpore rapidement et de façon satisfaisante.
la butée à l’aide des fraises à cotyle, avant scellement de l’implant [41]. Les pertes de substance majeures nécessitent l’utilisation de greffes
Lors des arthroplasties totales de hanches itératives, les pertes de massives qui sont traitées plus loin.
substance de ce type peuvent être comblées à l’aide d’un fragment de
tête fémorale de banque. Il est alors préférable de l’armer d’un anneau • Prothèses de genou
de renfort métallique afin de diminuer le risque de résorption, donc Les indications de greffe pour les prothèses de première intention sont
d’échec mécanique [28, 41]. essentiellement des pertes de substance tibiale sur des déformations
Dans les changements de prothèse, la destruction osseuse est souvent frontales importantes. Cette greffe peut être en coin ou sous forme d’un
plus large et peut intéresser les différentes parois du cotyle. Le cube avec de l’autogreffe (produit de la coupe tibiale de l’autre plateau,
prélèvement d’autogreffe alourdit le geste opératoire et les suites, ce qui ou de coupe fémorale ou de la crête iliaque) ou de l’allogreffe (fragments
rend préférable l’utilisation d’allogreffes provenant de têtes de banque. de têtes de banque). Des vis pilotis stabilisent ces greffons avant le
Un anneau de soutien métallique est souvent utile et parfois scellement. Il est sans doute préférable de poser un plateau tibial muni
indispensable. Ce renfort, qui prend appui sur le trou obturateur, permet d’une tige d’extension endomédullaire afin de limiter les contraintes sur
de positionner le cotyle à la bonne hauteur [41] (fig 7). Ensuite, soit les la greffe.
defects sont comblés avant la mise en place du renfort et vissés (le Dans les prothèses itératives, le defect osseux peut intéresser le tibia et
greffon peut être une tête fémorale entière dans laquelle une cavité le fémur. Des fragments de têtes de banque, taillés en forme, sont vissés
cotyloïdienne est fraisée), soit les fragments de greffe sont encastrés sur l’os hôte puis retaillés à l’aide de l’ancillaire afin de reconstituer les
derrière cette plaque ou vissés avec elle. La cavité cotyloïdienne doit être épiphyses [11]. Dans ces cas aussi, il est préférable d’utiliser des tiges
reconstruite entièrement afin de sceller un implant dans des conditions d’extension médullaire [6] (fig 8).
proches de la normale. Si ces greffons s’incorporent, le stock osseux
cotyloïdien est alors reconstitué [41]. Il semble que certaines de ces
allogreffes utilisées dans ces conditions sont exposées à la résorption Reconstructions massives
tardive (5 à 10 ans), responsable de la faillite mécanique de l’implant
cotyloïdien [17, 28].
• Reconstructions fémorales
Problèmes techniques généraux
Les pertes de substance fémorale limitées de la région du Merckel Dans le précédent article de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale, les
peuvent être reconstruites à l’aide de fragments de têtes de banque, auteurs rapportaient des résultats très encourageants avec l’utilisation
notamment de col. Ces fragments sont encastrés en force entre la des allogreffes massives et, de ce fait, les indications étaient assez larges.
prothèse et le fémur restant au moment du scellement. Un cercle Nos résultats plus lointains (plus de 5 ans), ainsi que ceux d’autres
métallique peut, si cela est nécessaire, venir synthéser ce fragment. Ces équipes, nous incitent à beaucoup plus de modération dans nos
apports d’allogreffe ont tendance à se résorber, sans entraîner cependant indications. Les allogreffes massives ne sont probablement jamais
de faillite mécanique de la prothèse [19]. réhabitées et seule la jonction fusionne. Si ces reconstructions ne sont
Les pertes de substance corticale étendues sans fracture du fût fémoral pas armées d’un matériel, l’échec mécanique est quasiment inéluctable.
peuvent bénéficier d’une reconstruction osseuse endomédullaire selon Pour les reconstructions composites (allogreffes autour d’une prothèse)
la technique X-Change [5, 29] : des fragments de spongieux de têtes de en chirurgie tumorale, l’allogreffe se résorbe dans la majorité des cas
banque sont tassés contre les parois fémorales à l’aide d’un ancillaire dans les 5 premières années, en provoquant dans certaines localisations
spécifique. Une fois effectué cet apport osseux spongieux cylindrique et (comme le tibia proximal) une faillite de la reconstruction [1, 46]. Lors de
endomédullaire, il est possible de sceller une tige fémorale prothétique. la chirurgie de reprise des prothèses totales de hanche, lorsqu’il est
L’appui n’est autorisé qu’au bout de 6 semaines (fig 7). Lorsque la possible d’encastrer l’allogreffe dans le manchon osseux et périosté du
continence du fût fémoral est insuffisante, il est possible de contenir la receveur, les résultats sont plus constants, et l’allogreffe se résorbe
greffe spongieuse avec un treillis métallique cerclé autour de la moins fréquemment.
diaphyse. Ce type de reconstruction procure de bons résultats Nous pouvons tirer plusieurs enseignements de ces constatations :
fonctionnels et radiologiques à court terme. Il semble cependant que – les allogreffes massives ostéocartilagineuses du membre inférieur
l’implant fémoral migre vers le bas de façon régulière, ce qui est (qui remplacent une épiphyse ou une articulation dans son ensemble)
inquiétant pour l’avenir. sont inéluctablement vouées à l’échec mécanique ;
page 7
44-030-A TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES Techniques chirurgicales
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
– toute reconstruction massive par allogreffe impose d’armer cette que ces deux séries d’images soient géométriquement identiques quant
dernière avec une ostéosynthèse ou une prothèse ; à l’incidence et à l’agrandissement (intérêt des téléradiographies). Il est
– en chirurgie tumorale, une reconstruction par autogreffe ou allogreffe rare d’avoir à se préoccuper en détail de la morphologie extérieure
et autogreffe doit être préférée au « tout allogreffe », chaque fois que cela globale de la pièce osseuse, en dehors des greffes d’hémibassin et des
est techniquement réalisable ; reconstructions d’une épiphyse à l’aide d’une allogreffe
– dans les reprises de prothèse totale de hanche il faut, quand cela est ostéocartilagineuse massive sans prothèse. Il est même bien souvent
possible, encastrer le manchon d’allogreffe dans le fût fémoral restant. inutile de respecter l’homologie « droite/gauche » (on peut remplacer
un fémur droit par un fémur gauche si la greffe n’est là que pour combler
Choix de la greffe la région métaphysaire et diaphysaire autour d’une prothèse). De même,
La perte de substance osseuse prévisible est appréciée sur les il n’est pas obligatoire de respecter l’« homologie de segment » (on peut
radiographies et sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) en souvent reconstruire un tibia supérieur avec un tibia inférieur retourné,
pathologie tumorale. Le choix du greffon dépend des mensurations ou encore remplacer une diaphyse tibiale d’enfant par un segment
radiologiques comparant les clichés du patient et ceux du greffon ; il faut d’humérus d’adulte).
page 8
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES 44-030-A
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
ce qui a pour effet de diminuer le risque de fracture de la greffe et de
pseudarthrose à la jonction comme l’a montré Ozaki [36].
Jonctions
Le contact osseux « greffon-hôte » peut se faire de deux manières :
– simple affrontement bout à bout, cela quelle qu’en soit la forme
(plane, oblique ou en « marche d’escalier »). Il y a alors intérêt à
entourer la jonction d’un manchon d’autogreffe spongieuse autogène,
ou d’une palissade de baguettes corticospongieuses cerclées [49]. Il
semble préférable que le diamètre de l’allogreffe soit inférieur à celui de
la diaphyse receveuse, afin de faciliter l’ostéoconduction d’un éventuel
cal périphérique à partir du périoste de l’os receveur. Si les conditions
locales le permettent, la conservation d’un manchon périosté ou
corticopériosté augmente les chances de fusion de cette jonction ;
– encastrement : lorsqu’il est possible, ce montage est probablement un
facteur de stabilité et un garant supplémentaire de fusion. L’idéal, en cas
de reprise de prothèse totale de hanche, est d’encastrer le manchon
d’allogreffe dans le manchon ostéopériosté résiduel du fémur receveur
(cf fig 15) [3].
page 9
44-030-A TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES Techniques chirurgicales
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
10 Résection partielle diaphysaire du tibia distal pour un adamantinome. La reconstruction fait appel à une
ostéosynthèse centromédullaire et une autogreffe corticale prélevée à la partie moyenne de la diaphyse et
translatée plus bas. Des fragments de tête de banque viennent combler le reste du defect et le site de prise de greffe.
page 10
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES 44-030-A
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
A B
12 A. Schéma d’une arthrodèse d’épaule avec un montage composite.
B. Arthrodèse d’épaule associant une allogreffe et une ostéosynthèse par plaque pour la stabilité immédiate et un péroné vascularisé pour la consolidation à long terme.
Cas particuliers
page 11
44-030-A TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES Techniques chirurgicales
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
Allogreffes massives
Notre expérience des reconstructions de bassin par allogreffe massive
n’a pas été concluante en raison d’un fort taux d’échecs infectieux et
mécaniques. Ces nombreux échecs mécaniques sont peut-être dus au fait
que nos greffons étaient stérilisés par irradiation. Les équipes qui
utilisent des greffons cryoconservés semblent obtenir de meilleurs
résultats [2, 22, 32, 40]. L’allogreffe doit être choisie en fonction de la taille
du receveur. Elle est taillée aux dimensions du defect, et l’ostéosynthèse
doit être solide. De l’autogreffe est déposée aux jonctions. Il semble
préférable de positionner une prothèse cotyloïdienne plutôt que
d’utiliser la cavité osseuse de la greffe pour recevoir une prothèse
intermédiaire ou la tête de l’hôte.
Rachis
Les corporectomies antérieures ou les spondylectomies totales
impliquent, en plus de l’arthrodèse postérieure, l’utilisation d’un
comblement antérieur, qui peut être effectué avec du ciment ou des
prothèses. On obtient des résultats intéressants avec ces deux méthodes.
Il est possible de combler ce defect avec de l’allogreffe. Une tête de
banque taillée en forme de cube se prête facilement à ce type d’apport
osseux ; elle est encastrée après avoir distracté les corps vertébraux 16 Reconstruction corporéale de T11 après vertébrectomie totale pour tumeur.
adjacents. Il semble préférable d’y associer une ostéosynthèse antérieure Une tête de banque est encastrée et l’ostéosynthèse postérieure est complétée par
par plaque vissée sur les vertèbres adjacentes et dans le greffon une plaque antérieure. De l’autogreffe spongieuse a été déposée en postérolatéral
lors du temps postérieur.
(fig 16).En effet, les quelques cas stabilisés uniquement par une
ostéosynthèse postérieure se sont compliqués d’une résorption et d’un
tassement de la greffe. Une autogreffe iliaque tricorticale ou des et leurs indications doivent être bien posées. L’utilisation de
fragments de fibula donnent aussi de bons résultats. Minami a décrit reconstructions mixtes (allo- et autogreffe) s’avère être souvent la
l’utilisation d’un greffon fibulaire vascularisé anastomosé sur les solution idéale dans les larges defects osseux.
vaisseaux intercostaux dans cette indication [31]. L’utilisation d’allogreffes non irradiées, et surtout un respect des
groupes d’histocompatibilité tissulaire, permettront peut-être
• d’améliorer les résultats de ces allogreffes.
• • Le développement de nouveaux substituts osseux synthétiques
Les autogreffes restent la référence en matière de greffe osseuse. et de facteurs de croissance ouvre de nouveaux horizons, qui sont
Les allogreffes n’ont pas permis d’obtenir les résultats escomptés cependant encore dans le domaine de la recherche.
page 12
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES 44-030-A
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
A B C D
Références ➤
page 13
44-030-A TECHNIQUES ET INDICATIONS DES GREFFES Techniques chirurgicales
ET TRANSPLANTATIONS OSSEUSES ET OSTÉOCARTILAGINEUSES
Références
[1] Anract PH, Cotte JL, Katabi M, Ouaknine M, Tomeno [18] Hsu WW, Wood MB, Sim FH, Chao YS. Free vascular- [35] O’Connor MI, Sim FH, Chao EYS. Limb salvage for
B. Proximal reconstruction with large bone allograft and ized fibular grafting for reconstruction after tumour re- neoplasms of the shoulder girdle. Intermediate recon-
prostheses. Amsterdam : 7th World Congress of SI- section. J Bone Joint Surg Br 1997 : 79 : 36-42 structive and functional results. J Bone Joint Surg Am
ROT, 1996 1996 ; 78 : 1872-1888
[19] Jofe MH, Gerbhart MC, Tomford WW, Mankin HJ. Re-
[2] Bell RS, Davis AM, Wunder JS, Buconjic T, Mc Gover- construction for defects of the proximal part of the fe- [36] Ozaki T, Hillmann A, Bettin D, Wuisman P, Winkelmann
man B, Gross AE. Allograft reconstruction of the ace- mur using allograft arthroplasty. J Bone Joint Surg Am W. Intramedullary, antibiotic-loaded cemented, massive
tabulum after resection of the stage IIB sarcoma. allografts for skeletal reconstruction: 26 cases com-
1988 : 70 : 507-516
pared with 19 uncemented allografts. Acta Orthop
Intermediate-term results. J Bone Joint Surg Am
[20] Kirschner MH, Hofmann GO, Land W, Buhren V. Clini- Scand 1997 ; 68 : 387-391
1997 ; 79 : 1663-1674
cal experience with transplantation of allogenic vascu- [37] Ozaki T, Hillmann A, Wuissman P, Winkelmann W. Re-
[3] Charrois O. Reconstruction fémorale selon la techni- larized femoral diaphyses under immunosuppression. construction of tibia by ipsilateral vascularized fibula
que du « double fourreau » lors des reprises d’arthro- Amsterdam : 7th World Congress of SIROT, 1996 and allograft: 12 cases with malignant bone tumors.
plasties totales de hanche [thèse]. Paris : Université Acta Orthop Scand 1997 ; 68 : 198-301
[21] Langer F, Czitrom A, Pritzker K, Gross A. The immuno-
René Descartes. Faculté Cochin-Port-Royal, 1998
genicity of fresh and frozen allogeneic bone. J Bone [38] Papineau LJ. L’excision-greffe avec fermeture retardée
[4] Colterjohn NR, Bednar DA. Procurement of bone graft Joint Surg Am 1975 ; 57 : 216-220 délibérée dans l’ostéomyélite chronique. Nouv Presse
from the iliac crest. An operative approach with de- Méd 1973 ; 2 : 2753-2755
[22] Langlais F, Vielpeau C. Allografts of the hemipelvis af-
crease morbidity. J Bone Joint Surg Am 1997 : 79 : [39] Pho RWH. Malignant giant-cell tumour of the distal end
ter tumour resection. J Bone Joint Surg Br 1989 ; 71 :
756-759 of the radius treated by a free vascularized fibular
58-62
[5] Elting JJ, Mikhail WE, Zicat BA, Hubbell JC, Lane LE, transplant. J Bone Joint Surg Am 1981 ; 63 : 877-884
House B. Preliminary report of impaction grafting for [23] Lee MY, Finn HA, Lazda VA, Thistlethwaite JRJR, Si- [40] Poitout D, Gaujoux G, Lempidakis M. Total or partial
exchange femoral arthroplasty. Clin Orthop 1995 ; mon MA. Bone allografts are immunogenic and may reconstruction using allografts from the bone bank. Int
319 : 159-167 preclude subsequent organ transplants. Clin Orthop Orthop 1990 ; 14 : 111-119
1997 ; 340 : 215-219
[6] Engh GA, Herzwurm PJ, Parks NL. Treatment of major [41] Postel M, Kerboull M, Evrard J, Jp C. Arthroplastie to-
defects of bone with bulk allografts and stemmed com- [24] Lindberg EJ, Katchis SD, Smith RW. Quantitative tale de hanche. Berlin, Heidelberg, New York, Tokyo :
ponents during total knee arthroplasty. J Bone Joint analysis of cancellous bone graft available from the Springer-Verlag, 1985
Surg Am 1997 ; 79 : 1030-1039 greater trochanter. Foot Ankle Int 1996 ; 17 : 473-476 [42] Puget J, Utheza G. Reconstruction de l’os iliaque à
[25] Lortat-Jacob A. Infection osseuse post-traumatique. l’aide du fémur homolatéral après résection pour tu-
[7] Enneking WF, Mindell ER. Observations on massive meur pelvienne. Rev Chir Orthop 1986 ; 72 : 151-155
retrieved human allografts. J Bone Joint Surg Am Paris : Masson, 1992
1991 ; 73 : 1123-1142 [26] Mankin HJ, Doppelt S, Tomford W. Clinical experience [43] Rasmussen MR, Bishop AT, Wood MB. Arthrodesis of
the knee with a vascularized fibular rotatory graft. J
[8] Evrard J, Lebard JP. Pseudarthroses infectées de la with allograft implantation. Clin Orthop 1983 ; 174 :
Bone Joint Surg Am 1995 ; 77 : 751-759
diaphyse fémorale. Rev Chir Orthop 1971 ; 57 : 69-86
[44] Smith WS, Struhl S. Replantation of an autoclaved au-
527-546 [27] Mankin HJ, Gebhardt MC, Jennings LC, Springfield togenous segment of bone for treatment of chondrosar-
[9] Friedlaender GE. Immune responses to osteochondral DS, Tomford WW. Long-term results of allograft re- coma. A long-term follow-up. J Bone Joint Surg Am
allografts. Current knowledge and future directions. placement in the management of bone tumors. Clin Or- 1988 ; 70 : 70-75
Clin Orthop 1983 ; 174 : 58-68 thop 1996 ; 324: 86-97 [45] Stevenson S, Li XQ, Davy DT, Klein L, Vm G. Critical
[10] Friedlaender G, Tross RB, Doganis AC, Kirkwood JM, [28] Massin P, Tanaka C, Huten D, Duparc J. Traitement biological determinants of incorporation of non-
Baron R. Effects of chemotherapeutic agents on bone. des descellements acétabulaires aseptiques par re- vascularized cortical bone grafts. J Bone Joint Surg Am
J Bone Joint Surg Am 1984 ; 66 : 602-607 construction associant greffe osseuse et anneau de 1997 ; 79 : 1-16
[11] Ghavazi MT, Stockley I, Yee G, Davis A, Gross AE. Re- Müller. Analyse actuarielle sur 11 ans. Rev Chir Orthop [46] Tomeno B, Anract PH. Interest of allografts surround-
construction of massive bone defects with allograft in 1998 ; 84 : 51-60 ing Stems of Hip and Knee Massives Protheses. Is-
tanbul : European Musculo-Skeletal Oncology Society
revision total knee arthroplasty. J Bone Joint Surg Am [29] Meding JB, Ritter MA, Keating EMMDT, Faris PM. Im-
Meeting, 1996
1997 ; 79 : 17-25 paction bone-grafting before insertion of a femoral stem
with cement in revision total hip arthroplasty. A mini- [47] Van Damme PA, Merkx MA. A modification of the tibial
[12] Gilbert A. Surgical technique. Vascularized transfer of bone-graft-harvesting technique. Int J Oral Maxillofac
the fibula shaft. Int J Microsurg 1979 ; 1: 100-102 mum two year follow-up study. J Bone Joint Surg Am
1997 ; 79 : 1835-1841
Surg 1996 ; 25 : 346-348
[13] Han CS, Wood MB, Bishop AT, Cooney WP, III. Vascu- [48] Vidal J, Buscayret CH, Finzi M, Melka J. Les greffes
larized bone transfer. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 74 : [30] Merle d’Aubigné R, Dejovany JP. Diaphyso-epiphysial inter-tibio-péronières dans le traitement des retards de
1441-1449 resection for bone tumor at the knee. With report of consolidation jambiers. Rev Chir Orthop 1982 ; 68 :
nine cases. J Bone Joint Surg Br 1958 ; 40 : 385-395 123-132
[14] Harrison DH. The osteocutaneous free fibular graft. J
Bone Joint Surg Br 1986 ; 68 : 804-807 [31] Minami A, Kaneda K, Satoh S, Abumi K, Kutsumi K. [49] Wang JW, Shih CH. Allograft transplantation in aggres-
Free vascularized fibular strut graft for anterior spinal sive or malignant bone tumors. Clin Orthop 1993 ;
[15] Hernigou P, Beaujean F. Pseudarthroses traitées par
fusion. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 43-47 297 : 203-209
greffe percutanée de moelle osseuse autologue. Rev
Chir Orthop 1997 ; 83 : 495-504 [32] Mnaymneh W, Malinin T, Mnaymneh LG, Robinson D. [50] Weiland AJ, Daniel RK. Microvascular anastomoses of
Pelvic allograft: a case report with a follow-up evalua- bone grafts in the treatment of massive defects in bone.
[16] Hernigou P, Glorion CH, Girard-Pipau F, Goutallier D. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 61 : 98-104
tion of 5,5 years. Clin Orthop 1988 ; 255 : 128-132
Antibiotic impregnated bone graft, transfer and activity
[33] Moore JR, Weiland AJ, Daniel RK. Use of free vascu- [51] Weiner SD, Scarborough M, Vandre-Griend RA. Re-
of antibiotics in vitro and in vivo. J Bone Joint Surg Br 2
larised bone in the treatment of bone tumors. Clin Or- section arthrodesis of the knee with an intercalary al-
(suppl) : 1991 ; 73 : 185-186
lograft. J Bone Joint Surg Am 1996 ; 78 : 185-192
[17] Hooten JP, Engh C, Heekin RD, Vinh TN. Structural thop 1983 ; 175 : 37-44
[52] Zehr R, Enneking W, Scarborough M. Allograft-
bulk allografts in acetabular reconstruction. Analysis of [34] Moyikoua A, Pena-Pitra B. Intérêt de la greffe intertibio- prothesis composite versus megaprosthesis in proxi-
two grafts retrieved at post-mortem. J Bone Joint Surg péronière dans les pseudarthroses de jambe à risque mal femoral reconstruction. Clin Orthop 1996 ; 322 :
Br 1996 ; 78 : 270-275 septique. Rev Chir Orthop 1998 ; 84 : 358-362 207-223
page 14
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-031
44-031
Esprit des lois de bioéthique : distinguait deux catégories dans le monde qui nous entoure : les
statut juridique du corps humain personnes et les choses.
La personne est constituée d’un ensemble de droits et de devoirs propres
à la vie en société (elle peut même être morale et correspondre à une
L’utilisation de tissus d’origine humaine a été strictement encadrée par
association d’individus...), qui prennent fin à la disparition de celle-ci.
le législateur dans le cadre des lois de juillet 1994 (dites de bioéthique),
Elle est clairement distincte du corps en tant que tel.
puis des nombreux textes réglementaires qui en découlent (cf annexe).
Les choses ont été divisées depuis l’Antiquité en choses qui sont dans le
En ce qui concerne la loi, le législateur a clairement réaffirmé la doctrine commerce (res in commercio) et choses qui ne sont pas dans le
française qui consacre l’indivisibilité du corps et de ses éléments de la commerce (res extra commercium), correspondant à des choses sacrées
personne humaine. Il faut ici préciser que le droit français, comme celui (qui imposent la terreur ou qui ont trait au divin). C’est cette dernière
de la plupart des pays occidentaux, est l’héritier du droit romain, qui catégorie à laquelle les juristes se sont référés depuis l’Antiquité
lorsqu’ils avaient affaire au corps humain.
La doctrine française pose donc comme principe fondamental
l’indivisibilité de la personne et de l’ensemble de ses éléments corporels.
Philippe Anract : Praticien hospitalier universitaire. Cette position est certainement le mieux à même de protéger la personne
Bernard Tomeno : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service, humaine car si le corps est une chose, fût-elle sacrée, la personne est
Service de chirurgie orthopédique B.
Laurent Vastel : Praticien hospitalier.
propriétaire de son corps et il est alors délicat de lui interdire d’en
Jean-Pierre Courpied : Professeur, praticien hospitalier. disposer comme bon lui semble, et, par exemple, de vendre un de ses
Service de chirurgie orthopédique A et banque de tissus osseux. Hôpital Cochin, 27, reins ou certaines de ses cellules. En privant de valeur patrimoniale les
rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France. tissus concernés, on interdit de facto toute transaction commerciale sur
les tissus humains eux-mêmes.
© Elsevier, Paris
Toute référence à cet article doit porter la mention : Vastel L, Anract P, Tomeno B et On comprend donc l’intérêt de la position adoptée par la loi de
Courpied JP. Utilisation des allogreffes de banque en orthopédie. Aspects bioéthique qui, à partir de ce principe fondamental, encadre strictement
réglementaires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales –
Orthopédie-Traumatologie, 44-031, 1999, 4 p.
les activités thérapeutiques en rapport avec des produits d’origine
humaine. On comprend également, à côté de règles visant à garantir la
44-031 UTILISATION DES ALLOGREFFES DE BANQUE EN ORTHOPÉDIE Techniques chirurgicales
sécurité sanitaire, que c’est le souci d’éviter tout risque de dérives – de l’infection par les VIH1 et VIH2 (anticorps par deux techniques ou
commerciales qui motive certaines de ses prescriptions fondamentales : réactifs différents, dont au moins un par technique immuno-
consentement et gratuité du don, anonymat donneur-receveur, absence enzymatique mixte, antigène P24) ;
de valeur patrimoniale des tissus prélevés, interdiction de paiement à – de l’infection par le HTLV1 (anticorps) ;
l’acte des préleveurs, responsabilité de l’implanteur, agrément – de l’infection par le virus de l’hépatite C (anticorps par deux
seulement pour des structures publiques ou privées à but non lucratif... techniques ou réactifs différents) ;
– de l’infection par le virus de l’hépatite B (antigène HBs et anticorps
Conséquences pratiques de la loi et des anti HBc) ;
textes réglementaires qui en découlent – de la syphilis (anticorps TPHA [Treponema pallidum
haemagglutination assay]).
Un taux anormalement élevé d’alanine aminotransférase (ALAT) est
Règles de sécurité sanitaire une contre-indication à l’utilisation de la greffe. Légalement, la banque
Les bilans de sécurisation concernant les greffes tissulaires comprennent doit, par ailleurs, garder systématiquement un échantillon de sérum de
trois étapes majeures impératives. chaque donneur dans une sérothèque. Un examen bactériologique doit
– En premier lieu, la sélection des donneurs, vérifiant lors du être réalisé avec une mise en culture prolongée de plusieurs semaines.
prélèvement l’absence de contre-indication à l’utilisation ultérieure du Les textes récents n’imposent plus la réalisation systématique du
greffon. dépistage de l’infection par le virus Epstein-Barr (EBV), le
cytomégalovirus (CMV) et la toxoplasmose. La prudence s’impose
– La réalisation d’un bilan biologique visant à détecter la présence néanmoins vis-à-vis de ces agents infectieux en cas d’implantation chez
d’agents infectieux transmissibles. un receveur gravement immunodéprimé.
– Au terme de ces deux premières étapes, un troisième volet
correspondant soit à un bilan biologique complémentaire, soit à un Quarantaine
traitement stérilisateur, est nécessaire pour autoriser l’utilisation des
allogreffes. Le délai nécessaire à l’obtention de toutes les données La quarantaine est définie par les textes comme le délai nécessaire à
pertinentes pour la décision finale d’utilisation (validation), ou l’obtention des résultats des examens réalisés dans le cadre du bilan de
quarantaine, impose une conservation au sein de la banque dans des sécurisation, permettant une décision définitive quant à leur utilisation
conditions appropriées. ultérieure. Les conditions de levée de cette quarantaine doivent faire
l’objet d’un texte spécifique, non paru à ce jour. Toutefois, les
Sélection des donneurs recommandations du GESTO (Groupe d’étude pour les substituts
La première étape consiste à sélectionner les donneurs susceptibles de tissulaires en orthopédie) de 1993 en la matière sont toujours d’actualité.
ne pas faire courir de risque accru de contamination au receveur par un Celles-ci conditionnent la levée de la quarantaine aux critères suivants :
agent transmissible : infection bactérienne ou virale, néoplasie, agent – absence de critères d’exclusion dans les antécédents, négativité du
transmissible non conventionnel (ATNC, encore appelé prion). bilan biologique initial réalisé et :
Il est par ailleurs important de s’assurer de la qualité de l’os prélevé. Les – soit négativité d’un deuxième bilan sérologique réalisé chez le
critères d’exclusion au don sont précisés par une circulaire de donneur 4 mois, voire au mieux 6 mois après le prélèvement ;
l’Établissement français des greffes (EFG) de septembre 1997. Sont – soit négativité d’un bilan de biologie moléculaire (réaction de
ainsi des contre-indications formelles au prélèvement et à l’utilisation : polymérisation en chaîne [PCR]), réalisé dans le même temps que le
– la notion ou la suspicion d’infection virale par le virus bilan initial, et concernant au moins les virus de l’hépatite C et le VIH.
d’immunodéficience humaine (VIH), l’human T-cell lymphoma virus La PCR est une technique de biologie moléculaire surtout utilisée en
(HTLV), le virus de l’hépatite C ; pratique courante pour la détection virale. Elle permet, à partir d’un
– la notion d’infection récente ou chronique par le virus de l’hépa- échantillon de sang (ou de moelle osseuse), la détection directe du
tite B ; génome de l’agent recherché, après réplication et hybridation de
celui-ci (amplification). Cette technique est intéressante pour la
– la notion de tuberculose, de lèpre, de maladie parasitaire
sécurisation tissulaire du fait de son extrême sensibilité, excluant
transmissible, de mycose systémique ;
quasiment, lorsqu’elle est éventuellement réalisée sur plusieurs sites
– des éléments de la vie privée récente (12 derniers mois) susceptibles du génome viral, toute possibilité de faux négatifs pour le virus
d’accroître la probabilité pour le donneur d’être en période de recherché ;
séroconversion virale au moment du prélèvement : toxicomanie par
– soit la réalisation d’un traitement stérilisateur complémentaire, les
injections intraveineuses, homosexualité masculine ou partenaires
plus classiques étant les irradiations bêta ou gamma, mais de
sexuels multiples, séjour en milieu carcéral, accident d’exposition au
nombreux autres apparaissant ou réapparaissant aujourd’hui :
sang ou à ses dérivés ;
chauffage en chaleur humide, céramisation à très haute température,
– des antécédents personnels ou familiaux en relation potentielle avec délipidation mécanique et/ou chimique associée à un traitement par
une contamination par ATNC : démence ou maladie neurologique la soude ou l’urée 8M, suivi ou non d’une irradiation
d’étiologie inconnue pouvant évoquer une encéphalopathie subaiguë complémentaire...
spongiforme, antécédents familiaux de maladie de Creutzfeldt-Jakob,
Enfin, il faut noter que pour les greffons massifs prélevés dans le cadre
traitement par hormones hypophysaires extractives, intervention
de prélèvements multiorganes, les contrôles sérologiques des autres
neurochirurgicale ayant pu comporter une greffe dure-mérienne ou non
receveurs d’organes ou de tissus prélevés chez le même donneur
documentée ;
constituent une sécurité supplémentaire pour le tissu osseux, dont la
– tout antécédent néoplasique, même considéré comme guéri ; conservation peut être longue avant son implantation. La proportion de
– les maladies systémiques d’étiologies mal connues : polyarthrite greffons rejetés dans notre banque au terme de ce bilan est actuellement
rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, Horton, lupus érythémateux de 14 % des têtes fémorales prélevées, dans la majorité des cas en
disséminé, pseudopolyarthrite rhizomélique... ; rapport avec une élévation anormale des ALAT. Ce constat doit tenir
– les antécédents infectieux ostéoarticulaires locaux, même anciens, ou compte de la présélection effectuée avant le prélèvement.
généraux récents (séjour récent prolongé en réanimation, notion de
septicémie, infection active en cours). Règles de traçabilité, de bonnes pratiques
La qualité de l’os prélevé impose d’exclure les donneurs ayant des et modalités de remboursement par les organismes
antécédents fracturaires locaux, d’irradiation, ou de nécrose de la tête de sécurité sociale
fémorale.
Bilan biologique réalisé par la banque Traçabilité
Il est fixé par décret et doit comprendre les examens biologiques La traçabilité implique de nouvelles obligations pour le chirurgien,
nécessaires au dépistage : susceptible de faire l’objet de contrôles par les directions
page 2
Techniques chirurgicales UTILISATION DES ALLOGREFFES DE BANQUE EN ORTHOPÉDIE 44-031
page 3
44-031 UTILISATION DES ALLOGREFFES DE BANQUE EN ORTHOPÉDIE Techniques chirurgicales
Circulaire du 26/12/1995 relative au contrôle des tissus d’origine Arrêté du 01/04/1997 portant homologation des règles de bonne pratique
humaine utilisés dans les établissements publics et privés de santé. relatives au prélèvement des tissus et au recueil de résidus opératoires
Circulaire DGS - EFG du 14/02/1995 sur la sécurité des greffes issus du corps humain utilisés à des fins thérapeutiques.
tissulaires. Arrêté du 09/10/1995 fixant les modalités de transmission des
Circulaire EFG du 09/09/1997 relative aux spécifications techniques informations nécessaires au suivi et à la traçabilité des éléments et
concernant la sélection clinique des donneurs en vue du recueil de tissus produits du corps humain (organes, tissus et cellules et leurs dérivés)
lors d’interventions chirurgicales (résidus opératoires). utilisés chez l’homme à des fins thérapeutiques.
Circulaire EFG du 13/05/1997 relative aux spécifications techniques Arrêté du 26/01/1996 modifiant le titre III du Tarif interministériel des
concernant la sélection clinique des donneurs lors de prélèvements de prestations sanitaires relatif aux dispositifs médicaux implantables,
tissus sur donneurs décédés. implants issus de dérivés d’origine humaine ou en comportant et
Décret n° 97-306 du 01/04/1997 relatif aux conditions d’autorisation des greffons tissulaires d’origine humaine.
établissements de santé effectuant des prélèvements d’organes et de Loi n° 92-1477 du 31/12/1992 modifiée relative aux produits soumis à
tissus à des fins thérapeutiques. certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les
Décret n° 96-1041 du 02/12/1996 relatif au constat de la mort préalable services de gendarmerie et de douane, et notamment son article 18.
au prélèvement d’organes, de tissus ou de cellules à des fins Décret n° 96-327 du 16/04/1996 fixant les règles relatives à
thérapeutiques ou scientifiques et modifiant le Code de la santé publique. l’importation et à l’exportation d’organes, de tissus et de cellules du
Circulaire DGS n° 96-733 du 04/12/1996 relative au constat de la mort corps humain, à l’exception des gamètes.
préalable au prélèvement d’organes, de tissus et de cellules à des fins Article L 673-8 du Code de la santé publique et décret n°94-870 du 10/10
thérapeutiques ou scientifiques défini par le décret n°96-1041 du /1994 relatifs à l’Établissement français des greffes.
02/12/1996. Arrêté du 29/12/1998 portant homologation des règles de bonne pratique
Arrêté du 24/05/1994 fixant la liste des tissus et cellules pour lesquels le relatives à la conservation, à la transformation et au transport des tissus
prélèvement sur cadavre est autorisé. d’origine humaine utilisés à des fins thérapeutiques.
page 4
44-040
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-040
Mots-clés : fibula, perte de substance des membres, lambeau de soléaire, lambeau en îlot, greffe osseuse
vascularisée, lambeau libre.
– des branches cutanées directes [21, 22], passant à travers ou entre les
Dominique Le Nen : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux.
Frédéric Dubrana : Chirurgien des Hôpitaux.
muscles soléaire et long fibulaire (long péronier latéral) et se
Weiguo Hu : Professeur associé. distribuant directement à la peau (fig 2) ;
Marc Prud’homme : Assistant-chef de clinique.
Christian Lefèvre : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux.
Service de chirurgie orthopédique, traumatologique et plastique, CHU, hôpital de la Cavale Blanche,
– des branches musculocutanées passant à travers soléaire et long
boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest. fibulaire, et se distribuant ensuite à la peau.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Nen D, Dubrana F, Hu W, Prud’homme M et Lefèvre C. Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et
Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-040, 2002, 10 p.
44-040 Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie Techniques chirurgicales
4 5
3
6 4
1 *
A
1
7
5 3
4 *
B
2
3 Rapports de l’artère fibulaire.
A. Coupe au tiers moyen de la jambe. 1. Fibula ; 2. artère fibulaire ; 3. muscle long
fléchisseur de l’hallux ; 4. muscle tibial postérieur ; 5. muscle soléaire ; 6. artère
tibiale postérieure ; 7. tibia.
B. Coupe horizontale ; la ligne fléchée figure les différents temps du prélèvement de
la fibula, emportant un fourreau de muscles long fléchisseur de l’hallux et tibial
postérieur. 1. Muscle long fléchisseur de l’hallux ; 2. muscles fibulaires ; 3. muscle
tibial postérieur ; 4. muscle long fléchisseur commun des orteils ; 5. muscle so-
2 Branches cutanées is- léaire.
sues de l’axe fibulaire, dans
l’espace soléaire-long fibu-
laire. Ces artères ont une CONSÉQUENCES CHIRURGICALES
terminaison radiaire avec Le respect de l’unité fibula-pédicule fibulaire est primordial. Il faut
des anastomoses longitudi- s’en préoccuper tout au long du prélèvement.
nales (3, 4).
Le pédicule fibulaire étant très proche du long fléchisseur de l’hallux
et du muscle tibial postérieur, voire traversant ce premier, il est
prudent d’emporter un fourreau musculaire lors du prélèvement de
la fibula, ce qui a pour autre avantage d’améliorer les conditions
hémodynamiques du transfert [7, 11] (fig 3A, B).
Technique de prélèvement
2
Techniques chirurgicales Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie 44-040
2
1
6 4
5
6 Exposition de la face latérale de la fibula par dissection aux ciseaux. Ici, les
muscles fibulaires sont relevés. 1. Muscle long fibulaire ; 2. muscle court fibulaire ;
3. fibula ; 4. muscle long fléchisseur de l’hallux ; 5. muscle soléaire ; 6. vaisseaux
fibulaires.
2 3
1 4
*
A
6
5
7 La dissection antérieure se poursuit à travers le septum intermusculaire crural
1 antérieur, libérant les muscles extenseurs, en protégeant le paquet tibial antérieur.
1. Fibula ; 2. paquet tibial antérieur ; 3. long fléchisseur de l’hallux ; 4. muscle court
*
B fibulaire ; 5. vaisseaux péroniers ; 6. muscle soléaire.
5 Recherche de l’interstice musculaire soléaire - long fibulaire, qui mène à la fibula.
A. Vue peropératoire. paquet tibial antérieur qui est repéré. Il est nécessaire de prendre
B. Vue schématique. 1. Muscle soléaire ; 2. muscle fibulaire.
avec la fibula une coiffe de muscle tibial postérieur (jambier
postérieur). Pour certains, ce procédé évite de blesser les vaisseaux
longitudinal de la fibula. Le foramen (pénétration du pédicule
fibulaires et améliore le retour veineux quand le transfert est
fibulaire au niveau de l’os) étant situé au milieu de la fibula à + ou -
revascularisé [7, 11].
3 cm [3, 4], le dessin du greffon est centré sur le milieu de la fibula en
général, le pédicule nourricier devant obligatoirement être inclus Progression en arrière de la fibula (fig 7, 8, 9) : l’arcade fibreuse du
dans le prélèvement. soléaire est libérée à sa partie haute, ce qui permet d’exposer l’artère
L’abord est latéral en regard de la fibula et s’incurve vers l’arrière à tibiale postérieure et l’origine de l’artère fibulaire. Puis le muscle
la partie haute de la jambe, dans le but de bien exposer le pédicule long fléchisseur de l’hallux est désinséré en extrapériosté avec les
tibiofibulaire (fig 4). Après avoir incisé le fascia crural, l’espace entre ciseaux. En réclinant en arrière soléaire et long fléchisseur de
soléaire et muscles fibulaires est repéré, menant à la partie latérale l’hallux, on expose les vaisseaux fibulaires et le nerf tibial postérieur.
de la fibula (fig 5). Dès la prise de contact avec la fibula et pendant En fait, la fibulaire passant parfois à travers le long fléchisseur de
toute la durée du prélèvement, il est impératif de respecter le l’hallux, ce dernier peut être prélevé de nécessité. Le plan de
périoste et sa vascularisation. L’on procède à l’exposition osseuse, dissection passe en arrière entre vaisseaux fibulaires en dehors et
soit en ruginant en douceur avec une rugine de Cobb, soit plutôt en paquet tibial postérieur en dedans.
maniant des ciseaux mousses, pointe tournée vers la fibula, de Pour certains [7, 11], si une anastomose distale de la fibulaire au niveau
manière à prélever l’os et le périoste. La progression de la dissection du site receveur n’est pas envisagée, il est aussi préférable d’inclure
se fait dans l’axe de la fibula, et alternativement en avant et en tout le long fléchisseur de l’hallux pour améliorer les conditions
arrière (fig 6). hémodynamiques du transfert.
Progression en avant de la fibula (fig 7, 8, 9) : le septum séparant les Afin de faciliter ces temps, antérieur et postérieur, et une fois la
muscles fibulaires et les extenseurs est incisé (septum longueur de la greffe déterminée, nous sectionnons avec une scie de
intermusculaire crural antérieur). La dissection est toujours Gigli les deux extrémités de l’os, en protégeant bien les muscles et
extrapériostée, sans garder de coiffe musculaire sur cette partie les vaisseaux avoisinants lors de son maniement. L’une des
antérolatérale de la fibula. En réclinant les muscles des régions extrémités est chargée sur un petit crochet de Lambotte ou une pince
crurales latérale (muscles fibulaires) et antérieure (muscles à champ, ce qui permet, en mobilisant la fibula, de disséquer de
extenseurs), on expose la membrane interosseuse crurale. Elle est part et d’autre en avant et en arrière, avec une plus grande facilité
incisée en restant au plus près de la fibula pour ne pas blesser le (fig 8, 9, 10). On effondre ainsi avec plus d’aisance les cloisons
3
44-040 Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie Techniques chirurgicales
2
1
3
7
6 5 4
*
A
*
B
8 Incision de la membrane interosseuse crurale. latéral ; 2. membrane interosseuse ; 3. muscle tibial postérieur ; 4. extrémité distale du
A. Vue peropératoire. pédicule fibulaire ligaturé ; 5. long fléchisseur de l’hallux ; 6. muscle soléaire ; 7. vais-
B. Vue schématique. 1. Rétraction des muscles des compartiments antérieur et seaux fibulaires.
*
A *
B
10 A, B. Afin de faciliter la levée du transplant, et une fois la longueur de la greffe dé- à champ, ce qui permet, en mobilisant la fibula, de disséquer de part et d’autre en avant
terminée, il faut sectionner les extrémités de la fibula, avec une scie de Gigli (A). et en arrière, avec une plus grande facilité.
L’une des extrémités est chargée sur un petit crochet de Lambotte (B) ou une pince
4
Techniques chirurgicales Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie 44-040
*
A *
B
11 Vue postérieure montrant l’unité « pédicule-fibula ». B. Le pédicule fibulaire rejoint la fibula et donne le pédicule nourricier, après quoi il che-
A. Le pédicule fibulaire en dehors, et le pédicule tibial postérieur en dedans, sont mine, parallèle dans l’axe de cet os.
visibles, séparés par le nerf tibial postérieur.
*
A
*
B
5
44-040 Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie Techniques chirurgicales
Indications
La fibula autorise la reconstruction de longs defects osseux, au-delà
postérieur de la fibula, immédiatement en arrière du fascia
de 5 cm, a fortiori si le lit vasculaire est pauvre. Elle a prouvé, dans
recouvrant le soléaire [ 2 1 , 2 2 ] , permet la levée de lambeaux
ces indications, sa supériorité par rapport aux méthodes
ostéocutanés. C’est ainsi qu’il peut être prélevé des lambeaux de
conventionnelles de reconstruction, par greffon osseux non
16 cm de long sur 6 cm de large [1], axés sur deux à trois vaisseaux
vascularisé [11].
perforants. Un territoire cutané plus étendu peut être prélevé si
En pratique, le transfert osseux isolé est le plus utilisé en orthopédie-
nécessaire. À l’opposé, un petit territoire peut être associé à un
traumatologie. Il est rarement employé pédiculé, dans le traitement
transfert de fibula vascularisé.
des pertes de substances osseuses distales de la jambe (avec un
pédicule inversé), ou proximales du tibia ainsi que du fémur distal
¶ Lambeaux ostéomusculaires [2]
(avec alors un pédicule direct) (fig 15). Il est en fait presque toujours
La fibulaire fournissant en général un pédicule proximal dominant employé comme transfert libre :
destiné au soléaire latéral, il est possible de proposer un transfert – en traumatologie, dans la reconstruction de toute perte de
ostéomusculaire, utilisant tout ou partie du muscle selon les besoins substance osseuse étendue au membre supérieur ou inférieur
(fig 14). (fractures récentes, pseudarthroses...) (fig 16) [12] ;
*
A *
B *
C
*
D
*
E *
F
6
Techniques chirurgicales Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie 44-040
*
A
*
B
7
44-040 Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie Techniques chirurgicales
*
A *
C
*
B
17 Chondrosarcome du tibia.
A. Radiographie de profil, révélant un chondrosarcome qui fut découvert fortuitement, à l’occasion d’une fracture du calcanéus.
B. Radiographies à 7 ans de recul. Il faut noter l’épaississement de la fibula qui s’est « tibialisée », en raison d’une adaptation aux
contraintes mécaniques subies.
C, D. Radiographies de face et de profil, centrées sur le site d’ancrage distal, montrant l’incorporation parfaite de la fibula et du
greffon iliaque mis en place lors du même temps opératoire.
*
D
8
Techniques chirurgicales Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie 44-040
*
A
*
B *
C
*
D
Figure 19 et Références ➤
9
44-040 Fibula vascularisée. Techniques, indications en orthopédie et traumatologie Techniques chirurgicales
[2] Baudet J, Panconi B, Caix P, Schoofs M, Amarante J, Kadoura R. The composite fibula and
19 Schématisation d’un transfert de fibula dans le cadre soleus free transfer. Int J Microsurg 1982 ; 4 : 10-26
d’une pseudarthrose congénitale du tibia. [3] Cariou JL, Couturaud B, Tripon P, Lambert F, Bellavoir A. Le lambeau dédoublé de fibula :
étude anatomique et application clinique à la reconstruction fémorale post-traumatique. À
propos de six cas. Ann Chir Plast Esthét 1996 ; 41 : 169-184
[4] Cariou JL, Le Gall R. L’anatomie artérielle des lambeaux péroniers analysée par l’examen
doppler et l’artériographie. Ann Chir Plast Esthét 1991 ; 36 : 405-423
[5] Gilbert A. Vascularized transfer of the fibular shaft. Int J Microsurg 1979 ; 1 : 100-109
[6] Gilbert A. Fibular transfer. In : Wood MB, Gilbert A eds. Microvascular bone reconstruction.
London : Martin Dunitz, 1997 : 64-79
[7] Gilbert A. Free fibular transfer. Grabb’s Encyclopedia of flaps, 1998 : tome 2
[8] Judet H, Gilbert A. Long-term results of free vascularized fibular grafting for femoral head
necrosis. Clin Orthop 2001 ; 386 : 114-119
[10] Lopez-Casero R, De Pedro JA, Rodriguez E, Masquelet AC. Distal vascular pedicle-hemisoleus
to tibial length ratio as a main predictive index in preoperative flap planning. Surg Radiol Anat
1995 ; 17 : 113-119
[11] Masquelet AC, Gilbert A. Flaps in limb reconstruction. London : Martin Dunitz, 1997
[12] Mathoulin C, Gilbert A, Judet H, Judet T, Siguier M, Brumpt B. Transfert libre de péroné
vascularisé dans les pseudarthroses et pertes de substance fémorale. Rev Chir Orthop 1993 ;
79 : 492-499
[13] Menard P, Germain MA, Kapron AM, Foussadier F, Schwabb G, Bertrand JC. Reconstruction
mandibulaire par transfert libre de péroné. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1992 ; 93 : 98-105
[14] Menezes-Leite MC, Dautel G, Duteille F, Lascombes P. Transplantation of the proximal fibula
based on the anterior tibial artery. Anatomical study and clinical application. Surg Radiol Anat
2000 ; 22 : 235-238
[15] Piral T, Germain M, Princ G, Dubousset J. Transplant libre de péroné et attitudes pratiques en
cas d’absence d’artère tibiale postérieure. Ann Chir Plast Esthét 1997 ; 42 : 629-634
[16] Restrepo J, Katz D, Gilbert A. Arterial vascularization of the proximal epiphysis and the
diaphysis of the fibula. Int J Microsurg 1980 ; 2 : 49-54
[17] Sadasivan KK, Ogden JT, Albright JA. Anatomic variations of the blood supply of the soleus
muscle. Orthopedics 1991 ; 14 : 679-683
[18] Taylor GI, Miller GD, Ham FS. The free vascularized bone graft. A clinical extension of
microvascular techniques. Plast Reconstr Surg 1975 ; 5 : 533-544
[19] Weiland AJ, Moore JR. Microvascular free transfer of fibula. Grabb’s Encyclopedia of flaps,
1998
[20] Yajima H, Ishida H, Tamai S. Proximal lateral leg flap transfer utilizing major nutrient vessels to
Références the soleus muscle. Plast Reconstr Surg 1994 ; 93 : 1442-1448
[21] Yoshimura M, Shimada T, Hosokawa M. The vasculature of the peroneal tissue transfer. Plast
Reconstr Surg 1990 ; 85 : 917-921
[1] Baudet J. Indications et techniques des greffes osseuses vascularisées au membre supérieur.
In : Cahier d’enseignement de la Société française de chirurgie de la main. Paris : Expansion [22] Yoshimura M, Shimamura K, Iwai Y. Free vascularized fibular transplant. A new method for
Scientifique Française, 1998 : 55-77 monitoring circulation of the grafted fibula. J Bone Joint Surg Am 1983 ; 65 : 1295-1301
10
Lambeaux pédiculés de recouvrement des pertes de substance cutanée au niveau des membres
Chabane Touam : Chirurgien, chirurgie de la main et du membre supérieur, chirurgie des nerfs
périphériques, urgences mains
Résumé
Les pertes de substance cutanée au niveau des membres bénéficient actuellement de nombreuses
techniques de couverture qui ne font pas appel systématiquement à la microchirurgie. Cette évolution
est liée à une meilleure connaissance de la vascularisation cutanée [93] et musculaire [75].
Les lambeaux libres ont des indications précises et nécessitent une aptitude à la chirurgie sous
microscope. Les lambeaux pédiculés sont en revanche importants à connaître, car souvent
réalisables en urgence, d'exécution pas toujours difficile, ils permettent de régler les problèmes de
première intention.
Les lambeaux à pédicules larges considérés comme classiques quel que soit leur siège, et ne
correspondant à aucun territoire vasculaire systématisé, sont mis en balance avec les lambeaux
centrés sur un axe vasculaire. Ces lambeaux levés sur des artères de moyen et petit calibre,
permettent de traiter la grande majorité des pertes de substance cutanée des membres, sans recourir
à la microchirurgie. Ces différents lambeaux, fasciocutanés ou myocutanés pédiculés apportent leur
vascularisation propre.
Au membre supérieur, la majorité des lambeaux utilisés est fasciocutanée. Peu de lambeaux
musculaires peuvent être réalisés sans un retentissement sur la fonction globale du membre et de la
main, (seul le muscle brachioradial, fléchisseur accessoire du coude, peut être utilisé pour la
couverture de pertes de substance de la région du coude, sans préjudice fonctionnel).
Par souci de simplification, nous ne décrirons que les lambeaux les plus fréquemment utilisés
Plan
Lambeaux du membre supérieur
Lambeaux du membre inférieur
Haut de page
Lambeaux du membre supérieur
Décrit en 1896 par Tansini [108] pour les reconstructions mammaires, ce lambeau reste un des piliers
de la chirurgie reconstructrice. Il est largement utilisé depuis 1976 par de nombreux auteurs comme
lambeau de couverture ou comme transfert à visée fonctionnelle (réanimation de la flexion du coude
ou réanimation du triceps [34]).
Bases anatomiques
Le latissimus dorsi (muscle grand dorsal) est un muscle plat, triangulaire qui s'étend de la berge
interne de la coulisse bicipitale jusqu'aux apophyses épineuses des sixième et septième vertèbres
dorsales jusqu'à la cinquième vertèbre lombaire, le sacrum et l'os iliaque.
Cette division vasculaire permet dans certains cas la dissection élective du muscle (le plus souvent la
partie antérieure) sans léser la vascularisation et l'innervation de l'autre partie [5]. L'innervation est
assurée par le nerf thoracodorsal.
Technique de prélèvement
Installation
Le patient est en décubitus trois quarts dorsal avec un coussin sous la fesse homolatérale, le
membre supérieur est inclus dans le champ opératoire et repose selon le cas sur une tablette ou bien
il est accroché à un arceau (pour les transferts libres). L'intervention peut se dérouler aussi en
décubitus latéral.
Le dessin cutané au crayon dermographique suit en haut le bord antérieur du muscle et se poursuit
obliquement en bas en arrière jusqu'à la crête iliaque. Repérer le bord antérieur du muscle est
fondamental car la branche artérielle latérale du pédicule thoracodorsal chemine à 2 cm de ce bord
libre. Le bord supérieur du muscle peut également être repéré car il croise la pointe de l'omoplate.
La palette cutanée de taille variable (fonction du remplacement cutané souhaité) est dessinée sur le
corps musculaire pour bénéficier du maximum d'artères perforantes. La fermeture directe du site de
prélèvement autorise une largeur de palette de 6 à 7 cm (fig 2).
Levée du lambeau
Incision d'un seul tenant de proximal à distal des plans cutanés et sous-cutanés. On repère ensuite le
bord antérieur du muscle et le pédicule neurovasculaire est identifié pénétrant le muscle 10 cm
environ en dessous de l'insertion humérale du muscle et 2 cm en arrière de ce bord antérieur.
L'incision interne ou postérieure circonscrit un îlot cutané et rejoint l'incision distale. Un décollement
sous-cutané est pratiqué jusqu'à la ligne des épineuses si le prélèvement l'exige. Le bord supérieur
du muscle est séparé de la pointe de l'omoplate à laquelle il adhère et l'interstice entre grand dorsal
et grand rond est alors ouvert et le clivage des deux muscles est facile à faire. Une grande
compresse peut alors être insérée dans ce plan de clivage permettant ainsi de soulever l'ensemble
du muscle grand dorsal. La désinsertion du muscle dans sa partie distale se fait au bistouri
électrique, de proche en proche, d'avant en arrière décrochant ainsi son insertion sur la crête iliaque
et pouvant aller jusqu'aux apophyses épineuses (fig 3). Cette libération est facilitée par le
décollement à la main de l'espace avasculaire compris entre la face profonde du grand dorsal et le
thorax. Une hémostase soigneuse des pédicules secondaires issus des artères intercostales et
lombaires est nécessaire. Une fois le muscle libéré dans sa partie distale, on se porte alors au niveau
du hile neurovasculaire. La branche de l'artère thoracodorsale destinée au muscle serratus (grand
dentelé) est alors identifiée et ligaturée (fig 4). La dissection plus proximale du pédicule n'est pas
nécessaire. En cas de transfert libre, elle peut se poursuivre en prolongeant l'incision cutanée
jusqu'au niveau du creux axillaire.
Une fois le prélèvement terminé, le site donneur est fermé sur des drains aspiratifs qui seront laissés
en place plusieurs jours.
Variantes
La technique de prélèvement est la même, la fermeture du site donneur se fait sans tension
simplifiant ainsi les suites opératoires.
Lambeaux partiels
On peut prélever une partie du muscle pédiculé sur la branche supéromédiale ou sur la branche
latérale qui sont les branches de division de l'artère subscapulaire. La portion du muscle laissée en
place est vascularisée par les pédicules secondaires issus des artères intercostales et lombaires.
L'importance des pédicules secondaires est suffisante pour vasculariser la totalité du muscle mais il
faut au moins trois pédicules pour assurer cette fonction.
Lambeau libre
Il peut être utilisé pour couvrir n'importe quel endroit du corps. Du fait de son long pédicule, il est très
largement utilisé dans les grandes pertes de substance au niveau du membre inférieur.
Indications
Elles sont nombreuses. Le muscle grand dorsal peut recouvrir les faces antérieures, supérieures et
postérieures de l'épaule, les pertes de substance au niveau du bras et notamment de la face
postérieure du bras et du coude. Dans sa forme pédiculée, il peut aussi servir à la réanimation de la
flexion du coude.
Avantages et inconvénients
Le lambeau de grand dorsal apporte une très grande surface qui permet de couvrir de grandes pertes
de substance cutanée. Le préjudice fonctionnel est faible et seule la cicatrice peut constituer une
gêne esthétique.
Ce sont des lambeaux qui sont surtout utilisés comme lambeaux libres mais ils peuvent être utilisés
dans leur forme pédiculée pour la couverture de perte de substance de la région axillaire (en cas de
bride ou de rétraction).
Bases anatomiques
Le lambeau scapulaire est un lambeau vascularisé par l'artère circonflexe scapulaire (artère sous-
scapulaire), branche de l'artère subscapulaire. Elle passe entre le long triceps latéralement, le muscle
teres major (grand rond) en dessous et le muscle teres minor (petit rond) au-dessus. Après son
émergence entre les muscles, elle se divise en deux branches cutanées l'une horizontale (lambeau
scapulaire) et l'autre verticale (lambeau parascapulaire) qui est plus longue et semble être plus
constante et plus importante en calibre (fig 5).
Technique de prélèvement
Installation
L'intervention est menée en décubitus latéral, le membre supérieur pouvant être maintenu par un
arceau.
L'espace triangulaire, constitué par les muscles teres major, teres minor et par le long triceps est
repéré, on estime que le pédicule franchit le bord latéral de l'omoplate à la jonction tiers supérieur
deux tiers inférieurs. Le lambeau, en forme d'ellipse, est alors dessiné à cheval sur ce repère selon la
taille voulue. La palette cutanée peut être très grande (25 × 15 cm) (fig 6).
La dissection est menée de dedans en dehors après incision de la peau. Elle se fait en passant au
ras de l'aponévrose du muscle sous-épineux qu'il faut laisser en place (il n'y a pas de vrai plan de
clivage entre l'aponévrose et les muscles). La levée du lambeau se poursuit jusqu'à découvrir
l'interstice entre teres minor et teres major par lequel émerge le pédicule. Ce dernier est repéré grâce
à une coulée graisseuse. La dissection est alors plus prudente et pour obtenir un long pédicule,
plusieurs branches à destinée musculaire sont liées. On termine l'incision latérale du lambeau et la
dissection s'arrête là lorsque l'on veut couvrir une perte de substance au niveau de l'aisselle. La
rotation du lambeau à 180° sur son pédicule n'a pas d'incidence sur la vascularisation.
Elle est tout à fait superposable à celle du lambeau scapulaire sauf que le grand axe du lambeau est
vertical et parallèle au bord axillaire de l'omoplate.
Soins postopératoires
La fermeture du site donneur est faite de première intention, sur drainage aspiratif. Aucune
mobilisation excessive n'est autorisée pendant 2 à 3 semaines afin d'éviter tout épanchement
chronique au niveau du site donneur.
Variantes
Le lambeau cutanéo-osseux : un fragment du bord axillaire de l'omoplate peut être inclus lors de la
levée du lambeau parascapulaire.
Le lambeau libre : le transfert libre est beaucoup plus utilisé que la forme pédiculée.
Indications
Avantages et inconvénients
Ce sont des lambeaux fiables, minces qui n'entraînent aucun préjudice fonctionnel. Leur prélèvement
est beaucoup plus difficile que celui du grand dorsal (latissimus dorsi). Le préjudice cosmétique est
en revanche minime.
Décrit en 1982 par Song [102] ce lambeau peut être utilisé également dans sa version libre,
cutanéoaponévrotique ou composite avec un fragment osseux, et avec l'avantage d'une possible
resensibilisation. Pédiculé, il peut être levé sur un pédicule proximal ou distal.
Bases anatomiques
L'artère brachiale (artère humérale) donne naissance à l'artère brachiale profonde, première branche
de division qui s'engage dans la gouttière de l'humérus à la face profonde du muscle triceps. Elle se
divise au-dessous de l'insertion du deltoïde en deux branches :
- une branche antérieure (artère collatérale radiale antérieure), de petit calibre, qui accompagne le
nerf radial dans la gouttière du biceps entre les muscles brachial (muscle branchial antérieur) et
brachioradial (muscle long supinateur) (fig 7) ;
- une branche postérieure (artère collatérale radiale postérieure) qui chemine dans le septum
intermusculaire latéral, entre les muscles triceps et brachioradial : c'est l'artère du lambeau brachial
latéral. Elle est accompagnée par une ou deux veines satellites et du nerf cutané antibrachial
postérieur, branche du nerf radial. Le trajet de l'artère est parallèle au pilier latéral de l'humérus et
cette portion distale reçoit des artérioles périostiques (ce qui permet la levée d'un lambeau composite
ostéocutané). Au-delà de l'épicondyle, elle s'anastomose à l'artère récurrente radiale branche
ascendante de l'artère interosseuse postérieure.
Technique de prélèvement
Installation
L'intervention se fait en décubitus dorsal, le membre supérieur reposant sur une tablette, l'épaule est
incluse dans le champ opératoire. Elle se déroule dans un premier temps sous garrot.
La projection du septum intermusculaire latéral, dans lequel chemine l'artère collatérale radiale
postérieure est représentée par une ligne tracée entre l'acromion et l'épicondyle (fig 7).
La palette cutanée en forme d'ellipse à grand axe longitudinal, ne doit pas excéder 6 à 7 cm de large
si l'on veut refermer le site de prélèvement de première intention.
Levée du lambeau
Incision première du bord postérieur du lambeau jusqu'au fascia musculaire compris. L'aponévrose
du triceps est suturée au tissu sous-cutané (fig 8). La dissection se prolonge jusqu'au septum
intermusculaire entre triceps et brachioradial (long supinateur). On incisera ensuite et de la même
manière le bord antérieur du lambeau et la dissection se poursuivra jusqu'au septum intermusculaire
entre brachial antérieur et brachioradial (fig 9). Le lambeau reste alors pédiculé par le septum qui
contient les vaisseaux.
Le garrot peut alors être enlevé afin de permettre la dissection de l'artère brachiale profonde dans la
gouttière de l'humérus. La branche de division antérieure (pédicule collatéral radial antérieur) sera
liée. Le nerf radial devra être respecté tout au long de la dissection. Le lambeau est enfin levé après
ligature proximale de l'artère collatérale radiale postérieure (fig 10).
Le site de prélèvement est alors fermé sur drainage ; une greffe de peau peut être nécessaire si la
fermeture n'est pas possible.
Variantes
Pour le lambeau ostéocutané, le fragment osseux doit être limité en épaisseur pour ne pas fragiliser
l'humérus. Il peut cependant atteindre 10 cm de long. Le prélèvement doit emporter en bloc la
baguette osseuse, la cloison intermusculaire externe avec une fine couche des muscles brachioradial
en avant et triceps en arrière afin de préserver la vascularisation périostée.
Le lambeau cutané brachial latéral peut être pédiculé en proximal ou être utilisé comme transfert libre
(le calibre et la longueur du pédicule permettent des anastomoses dans de bonnes conditions).
Indications
Le lambeau à pédicule distal permet de couvrir les faces antérieure et postérieure du coude et le tiers
supérieur de l'avant-bras.
Le lambeau brachial latéral est surtout utilisé comme transfert libre dans les pertes de substance
cutanée à la main. Il apporte une peau de bonne qualité, souple et mince et peut être resensibilisé
grâce au nerf cutané brachial postérieur (branche du nerf radial).
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau fiable qui peut être fait en urgence. La séquelle cosmétique est mineure quand la
fermeture primaire est possible.
Le lambeau antébrachial pédiculé sur l'artère radiale a été décrit en 1981 par Guofan et al, il a été
introduit dans l'arsenal thérapeutique en chirurgie plastique par Song et al [103], Muhlbauer et al [78]
et Schoofs et al [95].
La suppression d'un des axes vasculaires principaux de l'avant-bras n'est pas préjudiciable à partir
du moment où l'artère ulnaire (cubitale) assure une bonne vascularisation de la main (test d'Allen).
C'est un lambeau fiable dont les indications, aujourd'hui sont plus restreintes depuis l'avènement de
lambeaux tels l'interosseux postérieur qui a l'avantage majeur de conserver les axes vasculaires
principaux de la main.
Bases anatomiques
L'artère radiale se projette à la face antérieure de l'avant-bras suivant une ligne qui joint le milieu du
pli du coude à la gouttière du pouls. Au tiers supérieur elle chemine en profondeur entre les muscles
brachioradial (long supinateur) et le fléchisseur radial du carpe (grand palmaire). Dans le tiers
inférieur de l'avant-bras, elle devient plus superficielle, longe le muscle brachioradial en dehors et le
fléchisseur radial du carpe en dedans. Sur son trajet, elle donne de petites branches musculaires
directes et des branches qui passent dans le septum intermusculaire pour s'arboriser ensuite à la
peau. Elle vascularise la région antérieure et dorsoradiale cutanée de l'avant-bras. Le drainage
veineux se fait par deux systèmes :
Un seul de ces systèmes suffit au drainage. La veine céphalique peut alors être préservée lors de la
levée du lambeau et être utilisée pour reconstruire l'artère radiale.
L'innervation sensitive de la palette cutanée du lambeau est assurée par le nerf musculocutané.
Technique de prélèvement
Installation
L'intervention est menée en décubitus dorsal, le membre supérieur reposant sur une tablette, et sous
garrot.
Il s'agit d'un lambeau à flux rétrograde. Le lambeau est dessiné sur l'axe de l'artère radiale qui est
facilement palpable à la partie distale de l'avant-bras.
Les limites sont représentées en dedans par la ligne joignant l'épitrochlée et le pisiforme, en dehors
par la saillie des muscles radiaux, en proximal la limite est à 3 cm en dessous du pli de flexion du
coude et en distal à 4 cm au-dessus du pli de flexion du poignet.
Les dimensions extrêmes de ce lambeau peuvent atteindre 20 cm de long sur 10 cm de large (fig 11).
Levée du lambeau
Avant de prélever le lambeau, il faut s'assurer que la main est bien vascularisée par l'artère ulnaire
en pratiquant un test d'Allen. Le doppler ou l'artériographie sont rarement nécessaires.
Habituellement, l'artère radiale est abordée au tiers supérieur de l'avant-bras entre muscle
brachioradial (long supinateur) et fléchisseur radial du carpe (grand palmaire). Elle est liée et son
extrémité distale est accrochée au lambeau pour éviter tout effet de cisaillement des branches
cutanées. Mais il est préférable de l'aborder en distal, car sa position superficielle au tiers inférieur de
l'avant-bras facilite son repérage et sa dissection (fig 12). Les branches destinées aux muscles sont
liées et le lambeau est progressivement levé. La branche sensitive du nerf radial est repérée en
dehors de l'artère radiale avant de s'engager sous le muscle brachioradial et doit être épargnée. Le
nerf musculocutané qui a été sectionné en proximal peut servir à resensibiliser le lambeau s'il est
suturé à un rameau nerveux lésé par le traumatisme.
Si la perte de substance à couvrir est très distale au niveau de la main, le point de rotation du
lambeau peut être distalisé en faisant passer le lambeau sous les tendons des muscles long
abducteur, long et court extenseurs du pouce [41].
Si le lambeau prélevé est de petite taille (moins de 4 cm), la fermeture primaire peut être réalisée.
Dans les autres cas une greffe de peau mince est nécessaire.
Variantes
Lambeau à pédicule proximal : la technique opératoire est la même. Le lambeau est dessiné plus
distalement au tiers inférieur de l'avant-bras et permet de couvrir des pertes de substance au niveau
du coude (fig 13).
Le lambeau radial peut être fasciocutané simple ou fasciocutanéo-osseux (une baguette osseuse
radiale peut être prélevée ce qui nécessite de préserver la vascularisation septale vers le radius). Le
lambeau radial peut être utilisé dans sa forme libre pour couvrir des pertes de substance cutanée à
n'importe quel endroit du corps.
Indications
Le lambeau radial est souvent utilisé en urgence pour couvrir de vastes pertes de substances de la
face dorsale de la main, du poignet (ses indications sont à mettre en balance avec celles des
lambeaux interosseux), il permet également de couvrir la région du coude.
Avantages - Inconvénients
Le lambeau radial est fiable. Il apporte des tissus de bonne qualité et permet de couvrir de grandes
pertes de substances. Son reproche majeur est le sacrifice d'un axe vasculaire important (qui par
ailleurs peut être réparé dans le même temps opératoire par la veine céphalique). On lui préfère
chaque fois que possible le lambeau interosseux postérieur.
C'est un lambeau fasciocutané en îlot vascularisé par l'artère interosseuse postérieure. Il a été décrit
indépendamment par Zancolli et al [119] et par Masquelet et al [71]. Ce lambeau est essentiellement
utilisé en îlot vascularisé à pédicule distal pour couvrir des pertes de substance cutanée au dos de la
main. L'existence de nombreuses anastomoses avec l'artère interosseuse antérieure permet de
l'utiliser dans sa forme typique comme lambeau à flux artériel rétrograde (c'est le même principe que
pour le lambeau radial).
Bases anatomiques
L'artère interosseuse postérieure (AIOP) est constante, elle émerge de la loge postérieure de l'avant-
bras, accompagnée de la branche postérieure du nerf radial à la partie inférieure du muscle
supinateur (court supinateur). Le point d'émergence de l'artère se situe à la jonction tiers supérieur et
tiers moyen de l'avant-bras sur une ligne joignant l'épicondyle à la tête de l'ulna. L'artère chemine
ensuite entre les muscles extenseur ulnaire du carpe (cubital postérieur) et extenseur propre du
cinquième doigt. Dans cette portion de son trajet, l'artère est incluse dans le septum séparant ces
deux muscles. Tout au long de son trajet, l'artère émet des branches perforantes qui traversent
l'aponévrose antibrachiale pour irriguer le revêtement cutané de la face postéroexterne de l'avant-
bras. De proximal à distal, l'artère se rapproche de la superficie et se termine au dos du poignet où
elle s'anastomose avec l'artère interosseuse antérieure (AIOA) et les branches ascendantes de
l'arcade dorsale du carpe. Dans 7 % des cas, l'anastomose AIOP-AIOA fait défaut. Cette variation
anatomique impose un abord distal premier de l'AIOP afin de s'assurer que le lambeau peut être
levé.
Technique de prélèvement
Installation
L'intervention se passe en décubitus dorsal, sous garrot, le membre supérieur reposant sur une
tablette.
Le trajet de l'AIOP est repéré par une ligne joignant l'épicondyle à l'articulation radiocubitale
inférieure. Le point d'émergence de l'artère est situé à la jonction du tiers moyen-tiers supérieur de
l'avant-bras (fig 14). Le dessin du lambeau est centré par le point d'émergence de l'artère
interosseuse. Une palette cutanée de 5 à 6 cm autorise une fermeture primaire du site de
prélèvement. Un lambeau plus grand et plus large (limites maximales 10 × 7 cm) nécessitera une
couverture par greffe de peau mince.
Levée du lambeau
Soins postopératoires
Le site de prélèvement est alors fermé directement ou recouvert d'une greffe de peau mince. Le
poignet doit être immobilisé afin d'éviter toute traction sur le pédicule.
Le retour veineux est parfois insuffisant, et il est nécessaire de faire saigner le lambeau pendant
quelques jours en enlevant des petites pastilles cutanées.
Variantes
Des lambeaux de grande taille (15 × 10 cm) peuvent être levés nécessitant de ce fait une greffe de
peau étendue.
Indications
Les meilleures indications du lambeau interosseux postérieur sont les pertes de substance cutanée
au dos de la main et les rétractions de la première commissure. La zone la plus distale que peut
atteindre ce lambeau est la face dorsale de P1, au prix d'une fixation temporaire du poignet en
extension.
Avantages - Inconvénients
Il est techniquement difficile à réaliser mais anatomiquement fiable. Il respecte les axes vasculaires
principaux de la main, contrairement au lambeau radial (chinois).
La brièveté de son pédicule ne permet pas de couvrir les zones dorsales au-delà de la première
phalange.
Le lambeau ulnaire postérieur a été décrit en 1988 par Becker et al [10]. Il est vascularisé par la
branche ascendante de l'artère ulnodorsale, branche de l'artère ulnaire au poignet.
C'est un lambeau fasciocutané qui peut être utilisé dans les pertes de substance cutanée dorsales ou
palmaires du poignet et de la main.
Bases anatomiques
L'artère ulnodorsale naît de l'artère ulnaire 2 à 4 cm en amont de l'os pisiforme. Elle chemine entre le
muscle fléchisseur ulnaire du carpe (cubital antérieur) et l'ulna. Elle est constante (99 % des cas) et
se divise en trois branches terminales : l'une destinée au pisiforme, l'autre au tiers distal du
fléchisseur ulnaire du carpe et la troisième à destinée cutanée se divise elle-même en deux branches
dont une est ascendante et l'autre descendante.
Technique de prélèvement
Installation
L'intervention est menée en décubitus dorsal, le membre supérieur reposant sur une table à bras et
sous garrot.
Dessin du lambeau
Le lambeau est dessiné à la demande sur le bord cubital du poignet et de l'avant-bras. Le point de
rotation est situé 2 à 4 cm au-dessus du pisiforme (fig 17).
Levée du lambeau
L'incision du lambeau peut alors être complétée. Il est levé de proximal à distal en incluant
l'aponévrose musculaire. La branche cutanée dorsale du nerf cubital doit être repérée et respectée
lors de l'incision cutanée postérieure. On peut maintenir une charnière cutanée distale si la rotation
n'excède pas 90°.
Soins postopératoires
Le site donneur est fermé de première intention sur drainage si la largeur du lambeau n'excède pas 3
cm. Le poignet sera immobilisé jusqu'à cicatrisation.
Variantes
- Lambeau en îlot : cette variante a l'avantage d'éviter la plicature cutanée inesthétique du lambeau
précédemment décrit ; mais sa dissection est plus minutieuse. La rotation du lambeau est plus aisée
sur son pédicule fascial.
- Le lambeau peut être fascial, la dissection obéit aux mêmes règles que pour un lambeau
fasciocutané.
Indications
C'est un lambeau qui permet de couvrir des pertes de substance de la face dorsale et du bord ulnaire
de la main ainsi que les faces antérieure et postérieure du poignet.
Dans sa forme fasciograisseuse, il permet de couvrir le nerf médian dans les récidives de syndrome
du canal carpien.
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau fiable qui respecte l'intégrité de l'artère ulnaire. Sa taille n'est pas négligeable car il
peut atteindre 15 cm de long sur 6 cm de large.
La zone de prélèvement, située en zone d'appui peut être à l'origine de quelques douleurs. La
charnière cutanée distale peut laisser un renflement inesthétique.
Lambeau inguinal
Décrit en 1972 par McGregor [64], le lambeau inguinal est d'utilisation très courante dans le
traitement des pertes de substance cutanée étendues de la main et du poignet. Il peut couvrir les
faces palmaire et dorsale de la main et de l'avant-bras ou recouvrir les deux faces de la première
commissure.
Ses indications ont considérablement diminué depuis l'avènement des lambeaux libres et des
lambeaux pédiculés prélevés au niveau de l'avant-bras ; mais il reste largement utilisé dans les
pertes de substance étendues.
Bases anatomiques
La vascularisation du lambeau repose sur l'artère circonflexe iliaque superficielle (ACIS) qui naît de
l'artère fémorale soit isolément, soit d'un tronc commun avec l'artère épigastrique superficielle (AES)
de 1 à 3 cm sous l'arcade crurale [10]. Elle peut naître de l'artère fémorale profonde ou de l'artère
circonflexe iliaque profonde [51]. Elle se dirige en haut et en dehors à la face profonde du panicule
adipeux en direction de l'épine iliaque antérosupérieure (EIAS). Elle passe toujours en dessous puis
en dehors de l'EIAS puis devient de plus en plus superficielle avant de s'arboriser (fig 19).
À côté de l'ACIS naît l'AES soit d'un tronc commun, soit isolément. Elle prend une direction verticale
Technique de prélèvement
Installation
Dessin du lambeau
Il est réalisé avant l'installation des champs opératoires. L'EIAS et l'épine du pubis sont repérées, ce
qui permet de tracer l'arcade crurale ; l'artère fémorale est également repérée et l'origine de l'ACIS
est notée 1 à 3 cm en dessous de l'arcade crurale. La droite joignant l'origine de l'ACIS et l'EIAS
constitue l'axe du lambeau (fig 19).
Au-delà de l'épine iliaque, le lambeau est dessiné à cheval sur la crête iliaque à raison de un tiers du
lambeau au-dessus et deux tiers en dessous [64]. Le lambeau mesure environ 20-25 cm de long sur
10-12 cm de large.
Les lambeaux beaucoup plus grands (35 × 15 cm), nécessitent l'inclusion de l'AES dans le
prélèvement pour plus de fiabilité vasculaire. L'incision supérieure doit donc être décalée en dedans.
La dissection de la partie distale du lambeau est simple jusqu'à l'EIAS. En deçà de l'épine, elle sera
plus prudente et se fera aux ciseaux plutôt qu'au bistouri ; jusqu'à voir le relief du muscle sartorius
(couturier). Le pédicule vasculaire est alors visible par transparence à travers le fascia. Si l'on
souhaite prolonger le pédicule il faut faire attention au nerf cutané fémoral latéral (nerf fémorocutané)
qui parfois peut être en position médiale par rapport au sartorius (habituellement il est situé dans
l'interstice entre les muscles tenseur du fascia lata et sartorius).
Une fois le lambeau levé, la fermeture du site de prélèvement est effectuée après avoir largement
décollé les tissus sous-cutanés surtout vers la ligne médiane abdominale. La fermeture se fait sur
drainage aspiratif et après avoir soigneusement coagulé tous les vaisseaux perforants.
Le lambeau est alors tubulé à sa base d'implantation (fig 21). La tubulisation est faite par des points
espacés, très superficiels pour éviter toute compression veineuse. La longueur du tube est
importante car elle va permettre la mobilisation de la main du plan de l'abdomen évitant ainsi les
phénomènes de macération.
La mise en place du lambeau sur la zone à couvrir au niveau de la main ou du poignet commence
par le « point d'angle » situé à la jonction tube-palette ; ensuite le lambeau est étalé et suturé.
La main est alors séparée de l'abdomen par un gros pansement cotonné. Un léger bandage est
nécessaire pour maintenir le coude au corps surtout lors de la phase de réveil qui peut être agitée.
Soins postopératoires
Chez l'adulte toute immobilisation est enlevée dès le réveil. Le patient est alors confortablement
installé dans son lit, un coussin sous le coude et un autre sous le genou. Les pansements sous la
main et l'avant-bras doivent être maintenus secs afin d'éviter toute macération. La surveillance du
lambeau est ainsi facilitée par la simplicité du pansement. Chez le petit enfant, une immobilisation par
un bandage type Dujarrier est nécessaire avec une fenêtre permettant la surveillance du lambeau. La
rééducation de la main peut être commencée dès le lendemain de l'intervention, de même que la
mise au fauteuil. Le lever du patient est possible dès la sédation des douleurs postopératoires.
Sevrage du lambeau
Il se fait à la troisième semaine postopératoire. Une épreuve de clampage préalable n'est pas
nécessaire ; mais des clampages transitoires à partir du douzième ou quinzième jour permettent une
autonomisation plus précoce du lambeau. Après section du pédicule et hémostase des vaisseaux, la
zone d'implantation du tube au niveau de la région inguinale est suturée.
Dégraissage
S'il est nécessaire, il ne doit pas être pratiqué avant plusieurs mois. Il peut être pratiqué par deux
voies latérales en deux temps opératoires, ou par une voie médiane en un seul temps.
Indications
Le lambeau inguinal reste un excellent lambeau de couverture des grandes pertes de substance de
l'avant-bras et de la main.
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau fiable et facile à réaliser. Il nécessite cependant un deuxième temps opératoire,
voire plus s'il y a nécessité de dégraissages itératifs.
Haut de page
Lambeaux du membre inférieur
Lambeaux gastrocnémiens
Le comblement de pertes de substance cutanée ou osseuse par lambeau musculaire est connu
depuis longtemps et Stark [105] en 1946 a utilisé cet artifice dans le traitement des ostéomyélites
chroniques. Ger [43] en 1971 les utilisa dans les ulcères de jambe. Depuis, ces lambeaux ont connu
un essor considérable.
Le triceps sural est un muscle volumineux qui fournit des lambeaux musculaires ou musculocutanés
très utiles. Ils sont au nombre de trois : le lambeau gastrocnémien médial (jumeau interne), le
lambeau gastrocnémien latéral (jumeau externe) et le lambeau soléaire.
Les deux premiers peuvent être musculaires purs ou musculocutanés, alors que le lambeau soléaire
est musculaire pur.
Bases anatomiques
Les deux muscles gastrocnémiens sont vascularisés par les artères de même nom (ou artères
jumelles) issues de l'artère poplitée en regard de l'interligne du genou. Cette vascularisation répond
au type I de Mathes et Nahai [75]. Les artères cheminent sur plusieurs centimètres à la face profonde
du corps musculaire avant de le pénétrer, de sorte qu'elles sont parfaitement visibles lors de la levée
du muscle.
Technique de prélèvement
Le patient est en décubitus dorsal, un coussin sous sa fesse controlatérale. L'intervention est menée
sous garrot. Les différents repères sont : l'interligne du genou, la ligne médiane postérieure du mollet,
la malléole médiale (malléole interne) et le bord postéro-interne du tibia.
Le dessin du lambeau suit en arrière la ligne médiane postérieure, en avant une ligne parallèle au
bord postéro-interne du tibia passant à 1 cm en arrière. La limite inférieure du lambeau se situe à 5
cm de la malléole interne ; en proximal, l'interligne articulaire du genou constitue la limite supérieure
(fig 22).
Levée du lambeau
L'incision est faite sur la ligne médiane postérieure en prenant soin de laisser en dehors le nerf sural
et la veine petite saphène (saphène externe). On incise ensuite le fascia musculaire profond entre le
relief des deux gastrocnémiens, au croisement de l'obliquité de leurs fibres musculaires. Le plan de
clivage entre le gastrocnémien et le soléaire est alors visualisé (fig 23).
L'incision est poursuivie vers le bas, il est facile de cliver le gastrocnémien du soléaire en décollant au
doigt l'espace avasculaire entre ces deux muscles. L'incision distale doit au maximum respecter le
tendon d'Achille pour ne pas le fragiliser. Une fois le lambeau levé en partie, le muscle est solidarisé
au tissu sous-cutané pour éviter tout cisaillement et tout effet de traction sur les artères perforantes
cutanées.
La dénervation du muscle, par section du nerf gastrocnémien médial est souhaitable afin d'éviter les
phénomènes de contraction à l'origine de traction sur les sutures et de douleurs postopératoires.
Le site donneur peut être couvert immédiatement par une greffe de peau mince. La couverture
secondaire est également possible.
Variantes
Le lambeau peut être musculaire pur, musculocutané ou peut être prélevé avec une palette cutanée
en îlot. Celle-ci doit être centrée sur le muscle et non pas sur le tendon (fig 24).
Indications
Le lambeau gastrocnémien médial permet de couvrir des pertes de substance cutanée de la face
antérieure du genou, de la face antéro-interne des deux tiers supérieurs de la jambe.
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau fiable, de réalisation facile et qui peut être fait en urgence. Le préjudice fonctionnel
est minime si l'on prend soin de ne pas fragiliser le tendon d'Achille.
Technique de prélèvement
Dessin du lambeau
Le patient est en décubitus dorsal, un coussin sous la fesse homolatérale, genou fléchi. L'intervention
est menée sous garrot. L'incision cutanée externe est située à 2 cm en arrière du péroné, l'incision
interne est médiane postérieure. La limite inférieure se situe à 10 cm du bord inférieur de la malléole
(externe) latérale (fig 25).
Levée du lambeau
L'incision externe est rectiligne, en arrière du péroné, l'incision interne est faite sur la ligne médiane.
Après incision cutanée, il faut s'assurer de prélever avec le lambeau, le nerf sural et la veine petite
saphène (nerf saphène externe et veine saphène externe). Comme pour le lambeau gastrocnémien
médial, il faut séparer les deux chefs gastrocnémiens.
Dans sa forme musculaire pure, la neurolyse du nerf péronier (SPE) sur plusieurs centimètres permet
de décroiser le lambeau du nerf et d'avancer le lambeau beaucoup plus loin sur la face antérieure du
genou.
Variantes
Ce lambeau peut être levé avec une palette cutanée en îlot. Comme pour son homologue médial, la
palette doit être centrée sur la masse charnue afin de bénéficier d'un maximum d'artères perforantes.
De plus, il faut se souvenir que le muscle gastrocnémien latéral descend beaucoup moins bas que le
muscle gastrocnémien médial.
Indications
Avantages - Inconvénients
Comme son homologue médial, il peut être réalisé en urgence et permet de couvrir des pertes de
substance de la région antéroexterne de la jambe.
On peut utiliser conjointement les deux chefs gastrocnémiens avec décroisement des tendons de la
patte d'oie pour le chef médial et du nerf péronier pour le chef latéral. Ceci permet une très bonne
couverture de toute la face antérieure du genou.
Le lambeau du muscle soléaire est un lambeau musculaire pur, utilisé dans les pertes de substance
du tiers moyen de la jambe.
Bases anatomiques
Le muscle soléaire appartient à la loge superficielle de la jambe. Il s'insère en proximal entre la face
postérieure de l'extrémité supérieure du tibia et de la tête de la fibula.
Les fibres musculaires du soléaire se terminent sur la face antérieure d'une lame tendineuse
terminale qui, elle-même fusionne avec la lame tendineuse des muscles gastrocnémiens (jumeaux)
pour constituer le tendon d'Achille (fig 26).
La vascularisation du soléaire est de type II de Mathes et Nahai [75]. Il reçoit de façon symétrique des
artères nourricières issues de l'artère tibiale postérieure et de l'artère péronière. Chacun des deux
axes donne un pédicule principal proximal, un à deux pédicules secondaires au tiers moyen et deux à
quatre pédicules mineurs au tiers distal (fig 27).
Cette répartition vasculaire permet le prélèvement d'une moitié du muscle soléaire. Des variations
vasculaires peuvent se voir. Elles concernent surtout les pédicules mineurs. Ces derniers peuvent
être nombreux et très développés permettant ainsi la levée du lambeau sur son pédicule distal. Ces
pédicules mineurs peuvent être rares et de faible calibre. Seule l'exploration opératoire permet une
évaluation précise.
Technique de prélèvement
Dessin de l'incision
Installation
L'intervention est menée en décubitus dorsal, un coussin sous la fesse controlatérale et sous garrot.
L'incision cutanée est située à 1 cm en arrière du bord postéromédial du tibia au tiers moyen de la
jambe. L'incision cutanée faite, l'aponévrose jambière est incisée et le plan de décollement permet
d'exposer en arrière le relief du chef médial du gastrocnémien et le muscle soléaire. Dans la partie
haute de l'incision, il faut rechercher le plan de clivage, avasculaire entre gastrocnémien médial et
soléaire.
Dans la partie basse, là où les fibres musculaires du soléaire se terminent sur la lame tendineuse
intramusculaire, une section dans le plan frontal est nécessaire afin de préserver la continuité entre la
lame terminale des gastrocnémiens et le tendon d'Achille (fig 26).
Dans sa forme habituelle, on prélève la moitié du muscle soléaire, une incision est alors pratiquée à
partir de l'extrémité distale. Cette section sagittale nécessite un temps d'hémostase. L'hémisoléaire
reste ainsi vascularisé par son pédicule principal proximal, alors que les pédicules mineurs et
secondaires sont liés afin de permettre la mobilisation du lambeau.
Variantes
Le prélèvement le plus habituel est celui de l'hémisoléaire médial. On peut prélever le soléaire dans
sa totalité mais l'arc de rotation est limité par l'importance de la masse musculaire.
L'hémisoléaire à pédicule distal est indiqué dans les pertes de substance de la moitié supérieure du
tiers distal de la jambe. Il faut d'abord s'assurer de la fiabilité des pédicules mineurs avant la levée du
lambeau. Cette constatation est opératoire, l'artériographie n'étant d'aucune utilité.
Indications
Il est indiqué dans les pertes de substance du tiers moyen de la jambe mais il est mis en balance
avec le lambeau musculocutané gastrocnémien médial qui sera indiqué dans les pertes de substance
plus importantes (supérieures à 10 cm).
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau fiable qui ne présente qu'un faible préjudice esthétique. Il permet par ailleurs de
combler des pertes de substance osseuses, notamment dans les ostéites chroniques ; le
retentissement fonctionnel est mineur.
Plusieurs types de lambeaux à pédicule proximal ont été décrits à la jambe. Leur fiabilité est
conditionnée par la levée de la lame porte-vaisseaux que constitue le fascia et par le rapport de la
longueur du lambeau sur la largeur du pédicule qui peut atteindre 3 sur 1 sans risque majeur de
nécrose. Le plus fréquemment utilisé est le lambeau saphène fasciocutané médial. Il est utilisé dans
les pertes de substance du genou, du tiers supérieur de la jambe et le creux poplité.
Bases anatomiques
La face cutanée médiale de la jambe est irriguée par trois groupes d'artères :
- l'artère saphène, qui accompagne le nerf saphène interne, donne de multiples branches cutanées.
Elle est considérée comme l'artère du lambeau (fig 28) ;
- des artères provenant de l'artère tibiale postérieure ;
- des artérioles perforantes provenant du muscle gastrocnémien médial (jumeau interne).
Il existe de nombreuses connexions entre ces trois réseaux vasculaires. Le drainage veineux est
assuré par la veine grande saphène (saphène interne).
Technique de prélèvement
Installation
L'intervention est menée en décubitus dorsal, membre en rotation externe, genou en semi-flexion.
Dessin du lambeau
Le bord antérieur du lambeau doit inclure la veine grande saphène dans le lambeau pour ne pas
risquer de léser l'artère saphène. En arrière, l'incision est située légèrement en dedans de la ligne
médiane. En proximal, l'incision antérieure doit s'évaser légèrement pour ne pas léser la veine
saphène. Le lambeau est de longueur variable, et peut descendre 8 à 10 cm au-dessus de la
malléole médiale.
Levée du lambeau
L'aponévrose profonde est également prélevée. La grande veine saphène (saphène interne) et le nerf
du même nom sont repérés à l'extrémité distale du lambeau et sont sectionnés.
L'aponévrose est fixée aux tissus sous-cutanés sur toute la longueur du lambeau. La dissection se
fait de distal à proximal selon un plan de clivage sous-aponévrotique.
Indications
Pour les pertes de substance homolatérales, le lambeau saphène peut recouvrir le tiers supérieur et
moyen de la face antérieure de la jambe, la face antérieure du genou et le creux poplité.
Quand il existe un foyer de fracture ou une ostéite, on lui préfère un lambeau musculaire.
Ce lambeau est volontiers utilisé en cross leg pour couvrir des pertes de substance relativement
étendues au niveau de la jambe (tiers inférieur) et de la cheville controlatérales. Un deuxième temps
opératoire (sevrage du lambeau) est alors nécessaire après la troisième semaine ; ce temps de
sevrage est précédé d'épisodes de clampage à la base du lambeau à partir de la fin de la deuxième
semaine postopératoire afin d'accélérer le processus d'autonomisation du lambeau.
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau fiable et facile à prélever. La séquelle esthétique est beaucoup moins importante
que celle du lambeau musculocutané gastrocnémien médial ; la section du nerf saphène n'a aucune
incidence fonctionnelle.
Les réseaux vasculaires satellites des nerfs cutanés (les artères neurocutanées) sont connus depuis
1892 (Quenu et Lejars) [87].
L'expérience clinique a montré que des lambeaux pédiculés sur ces vaisseaux neurocutanés sont
relativement fiables même chez des sujets à l'état vasculaire assez précaire.
Bases anatomiques
Le nerf sural ou saphène externe reçoit, dans la région rétromalléolaire, des anastomoses
vasculaires qui proviennent de rameaux malléolaires latéraux eux-mêmes issus de l'artère fibulaire
(péronière).
Technique de prélèvement
Installation
Dessin du lambeau
La longueur du lambeau est variable ; il peut atteindre 15 cm de long sur une largeur de 3 cm environ
à sa base, alors qu'en proximal la palette cutanée est plus évasée et peut atteindre 6 à 8 cm (fig 29).
Le bord latéral du tendon d'Achille et la projection de la fibula représentent les limites latérales du
lambeau ; la limite inférieure de l'incision latérale peut aller jusqu'à la pointe de la malléole latérale ;
en médial, l'incision peut aller jusqu'à l'insertion du tendon d'Achille sur le calcanéum ou descendre
plus bas pour rejoindre la perte de substance dans le cas où il existe un defect au niveau du talon
(une escarre talonnière par exemple).
Levée du lambeau
La peau est incisée jusqu'au fascia jambier inclus ; la dissection se fait de proximal à distal jusqu'au
niveau de l'espace rétromalléolaire. En proximal, on ligature la veine petite saphène (veine saphène
externe) et le nerf sural (nerf saphène externe) est sectionné. Au niveau de l'espace intertibiofibulaire
on découvre une atmosphère graisseuse qu'il faut emporter avec le lambeau car c'est dans cette
graisse que circulent les vaisseaux provenant de l'artère fibulaire et qui vascularisent le lambeau.
Pour cela, la dissection se fait en dedans en longeant le bord latéral du tendon d'Achille jusqu'à son
insertion.
La dissection terminée le lambeau est retourné de 180° et est posé sans aucune tension, sur la perte
de substance à couvrir (fig 30).
Le site de prélèvement est soit refermé de première intention, soit couvert par une greffe de peau
mince.
En postopératoire une attelle avec une chambre talonnière est confectionnée et mise en place pour
une durée de 3 semaines en moyenne. L'appui n'est autorisé qu'après cicatrisation parfaite.
Variantes
Le lambeau en îlot cutané à pédicule fascial est prélevé de la même manière. La palette cutanée,
centrée sur le nerf sural, est dessinée sur la face postérieure du tiers inférieur de la jambe. La taille
de la palette cutanée peut atteindre 6 à 8 cm de large sur 10 à 12 cm de long. La dissection du
pédicule fascial, qui contient la veine petite saphène, le nerf sural et son plexus artériel, doit s'arrêter
à trois travers de doigt soit 4 cm au-dessus de la pointe de la malléole latérale. La base
d'implantation fasciale permet une mobilisation plus aisée du lambeau (fig 31).
Indications
L'escarre talonnière constitue la meilleure indication pour ce lambeau, surtout chez les sujets à l'état
vasculaire précaire chez qui un lambeau plantaire médial ne peut être réalisé.
Avantages - Inconvénients
C'est un lambeau de réalisation facile qui permet de traiter des pertes de substance au niveau du
talon sur des terrains vasculaires précaires.
La vascularisation du lambeau est assurée par une ou plusieurs branches cutanées, issues d'un
rameau perforant de l'artère fibulaire postérieure (artère péronière). Ce rameau traverse la membrane
interosseuse dans l'angle du dièdre tibiofibulaire qui est un repère constant. Ce rameau perforant
rejoint l'artère malléolaire latérale (malléolaire externe), branche de l'artère tibiale antérieure. Cette
anastomose se fait à des niveaux variables.
Technique de prélèvement
Installation
Dessin du lambeau
Dans sa forme habituelle, ce lambeau s'étend entre la crête postérieure de la fibula et la crête tibiale.
La limite inférieure doit inclure la dépression entre le tibia et la fibula, repère important et constant de
l'émergence du rameau perforant (fig 33).
L'incision première intéresse la partie antérieure du lambeau ; elle se poursuit en distal en regard du
pédicule prémalléolaire latéral et va jusqu'au sinus du tarse. Le pédicule est alors repéré en regard
du ligament tibiofibulaire (tibiopéronier antérieur). Une fois le pédicule vasculaire visualisé, on
complète les incisions cutanées antérieure et postérieure.
L'incision proximale du lambeau entraîne la section du nerf fibulaire superficiel (nerf musculocutané).
La levée du lambeau se fait de la partie proximale à la partie distale, en prenant soin de prendre
l'aponévrose des muscles extenseurs et le septum entre le muscle tibial antérieur (jambier antérieur)
et le muscle extenseur commun des orteils. L'aponévrose est amarrée à la palette cutanée. En partie
distale, le fascia est incisé au large des branches fasciocutanées et une large palette septofasciale
dans la région prémalléolaire latérale est levée. L'artère malléolaire latérale est liée en amont de
l'anastomose avec la branche perforante de l'artère fibulaire. L'artère fibulaire est à son tour liée dans
l'espace intertibiofibulaire juste après sa sortie de la membrane interosseuse. La dissection se
poursuit alors à distance des vaisseaux sur 4 à 5 cm (fig 34). Le point de rotation du lambeau est
situé au bord externe de l'articulation médiotarsienne, et l'on peut couvrir en arrière la coque
talonnière.
Soins postopératoires
Au niveau de la zone donneuse, l'extrémité proximale du nerf fibulaire superficiel sera enfouie dans
les muscles pour éviter les douleurs névromateuses. Tout le site donneur est recouvert par une greffe
de peau mince. Une immobilisation par attelle maintenant la cheville à angle droit est nécessaire pour
2 semaines.
Une surveillance soigneuse de l'hémodynamique de ce type de lambeau est nécessaire car la stase
veineuse est fréquente, et dans ce cas il ne faut pas hésiter à faire de petites incisions sur le lambeau
pour le faire saigner pendant quelques jours, jusqu'à restauration d'un réseau vasculaire de retour
suffisant.
Variantes
Ce lambeau est indiqué dans les pertes de substance cutanées du quart inférieur de la jambe sur sa
face médiale et la région malléolaire médiale. Le dessin du lambeau est identique à la description
précédente. Il faut contrôler en premier l'artère malléolaire antérolatérale (malléolaire externe) après
l'incision antérieure du lambeau ; si les vaisseaux sont présents et de bonne qualité, la dissection
peut alors se poursuivre. L'artère malléolaire antérolatérale est liée en distal, après l'origine de ses
branches cutanées ; la branche perforante de l'artère fibulaire postérieure (péronière postérieure) est
également liée. L'artère malléolaire antérolatérale accompagnée de ses veines est disséquée jusqu'à
l'artère tibiale antérieure.
Le lambeau levé et pédiculé sur l'artère malléolaire antérolatérale peut être mobilisé. Un large tunnel
sous les tendons extenseurs est nécessaire pour faire passer le lambeau au niveau de la face
médiale de la jambe. La longueur maximale du pédicule malléolaire antérolatéral est de 4 à 5 cm (fig
35).
La palette cutanée est dessinée au milieu de la face latérale de la jambe. Le pédicule est contenu
dans le tissu sous-cutané, aponévrose comprise. La dissection du pédicule peut aller jusqu'au sinus
du tarse ou s'arrêter au niveau du rameau perforant.
Indications
Dans sa forme habituelle, à flux rétrograde, ce lambeau est indiqué dans les pertes de substance du
dos du pied et du cou de pied. Il peut également couvrir une perte de substance du talon mais hors
zone portante.
Dans sa forme à flux antérograde, il permet de couvrir des pertes de substance du quart inférieur de
la jambe, et la région malléolaire médiale.
Avantages - Inconvénients
Le principal inconvénient correspond aux variations anatomiques des petits réseaux vasculaires de la
cheville auxquelles il faudra s'adapter.
Le lambeau plantaire médial (plantaire interne) est un lambeau cutanéoaponévrotique sensible, basé
sur l'artère plantaire médiale et des rameaux du nerf plantaire médial. Il est prélevé sur la voûte
plantaire et permet la couverture de la région malléolaire médiale, et surtout les pertes de substance
au niveau de la coque talonnière.
Bases anatomiques
L'artère tibiale postérieure se divise à l'entrée du canal plantaire en artère plantaire latérale (la plus
importante) et en artère plantaire médiale.
L'artère plantaire médiale se divise à son tour en une branche profonde et une branche superficielle.
Le rameau superficiel chemine entre l'abducteur et le court fléchisseur de l'hallux et se termine en
artère collatérale médiale du gros orteil. Sur son trajet, elle émet des rameaux pour ces deux muscles
ainsi que des artères perforantes qui traversent l'aponévrose plantaire et vascularisent la peau de la
voûte plantaire (fig 36).
Le rameau superficiel de l'artère plantaire médiale présente des anastomoses avec l'artère
métatarsienne dorsale du premier espace et le système plantaire latéral. Ces anastomoses autorisent
le prélèvement d'un lambeau à pédicule inverse. Le nerf plantaire médial accompagne en profondeur
l'artère plantaire médiale et donne constamment un ou deux rameaux sensitifs pour la voûte
plantaire, avant de se terminer en ses deux branches médiale et latérale.
Technique de prélèvement
Installation
Le patient est en décubitus dorsal, un coussin sous sa fesse controlatérale, l'intervention est menée
sous garrot.
Le dessin de la palette cutanée (taille maximale 8 cm × 5 cm) suit en la respectant la zone d'appui
plantaire. L'incision médiale suit une ligne reliant la gouttière rétromalléolaire et le sésamoïde de
l'hallux (fig 37).
Levée du lambeau
L'incision médiale se fait d'un seul tenant depuis le sésamoïde jusqu'à la gouttière rétromalléolaire.
Les vaisseaux plantaires médiaux sont repérés au bord supérieur de l'abducteur de l'hallux. Le nerf
plantaire médial sert de fil conducteur de la dissection. Cette dernière est menée d'abord de la partie
proximale à la partie distale. L'abducteur de l'hallux est sectionné avec précaution pour exposer le
pédicule (fig 38). Tous les éléments qui sont situés en position plantaire par rapport au nerf, sont
soulevés avec le lambeau. Il faut ensuite repérer à l'extrémité distale du lambeau, le nerf collatéral de
l'hallux. Celui-ci est ensuite séparé du rameau superficiel de l'artère plantaire médiale. La dissection
du nerf collatéral médial de l'hallux mène au nerf plantaire médial qui est refoulé en profondeur, ce
qui permet de découvrir la branche sensitive destinée au lambeau. Ce filet sensitif très court
nécessite une dissection intraneurale fine pour permettre la mobilisation du lambeau (il est conseillé
d'utiliser des instruments de microchirurgie) (fig 39).
La levée du lambeau n'est possible qu'une fois les branches superficielles et profondes de l'artère
plantaire médiale liées en distal. Les incisions latérale et postérieure du lambeau sont complétées
sans risque et permettent ainsi sa mobilisation. Le lambeau est posé sur la zone à couvrir sans
aucune tension, le pédicule est glissé dans une tranchée réalisée entre la zone donneuse et la zone
à couvrir (fig 40).
La zone de prélèvement est couverte immédiatement par une greffe de peau semi-épaisse après
capitonnage musculaire soigneux permettant de couvrir le nerf plantaire médial.
Variantes
Le lambeau plantaire médial à pédicule distal : l'existence d'anastomoses distales entre l'artère
plantaire latérale et l'artère tibiale antérieure permet la levée d'un lambeau plantaire médial basé sur
l'artère plantaire latérale.
L'artère tibiale postérieure est liée en amont de sa division en artère plantaire latérale et médiale.
Cet artifice permet d'avancer le lambeau plantaire médial jusqu'à la zone d'appui de l'avant-pied (fig
41).
Indications
Dans sa forme typique, la meilleure indication est constituée par les pertes de substance de la zone
d'appui du talon.
Avantages - Inconvénients
Le lambeau plantaire médial apporte des téguments dont la qualité mécanique est la meilleure pour
couvrir une zone d'appui. L'inconvénient majeur est sa difficulté de prélèvement. Il est contre-indiqué
chez le sujet âgé, chez qui l'état vasculaire est précaire et en cas de pied plat.
Références Bibliographiques
[1] Acland RD The face iliac flap. Plast Reconstr Surg 1979 ; 64 : 30
[2] Acland RD, Schusterman M, Godina M, Eder E, Taylor GI, Carlisle I The saphenous neurovascular
free flap. Plast Reconstr Surg 1981 ; 67 : 763-774
[3] Angrigiani C, Grilli D, Dominikow D, Zancolli E Posterior interosseous reverse forearm flap :
experience with 80 consecutive cases. Plast Reconstr Surg 1993 ; 92 : 285-293
[4] Argenta LC, Marks MW, Pasyk KA Advances in tissue expansion. Clin Plast Surg 1985 ; 12 : 159-
171
[5] Axer A, Segal D, Elkon A Partial transposition of the latissimus dorsi. A new operative technique
to restore elbow and finger flexion. J Bone Joint Surg 1973 ; 55 : 1259-1264
[6] Barclay TL, Cardoso E, Sharpe DT, Crockett DJ Repair of lower leg injuries with fasciocutaneous
flaps. Br J Plast Surg 1982 ; 35 : 127-132
[7] Barclay TL, Sharpe DT, Chisholm EM Cross leg fasciocutaneous flaps. Plast Reconst
Surg 1983 ; 72 : 843-847
[8] Bartlett SP, May JW The latissimus dorsi muscle : a fresh cadaver study of the primary
neurovascular pedicle. Plast Reconstr Surg 1981 ; 67 : 631-636
[9] Barwik WJ, Goodkind DJ, Serafin D The free scapular flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 69 : 779
[10] Becker C, Gilbert A Le lambeau cubital. Ann Chir Main 1988 ; 7 : 136-142
[11] Beveridge J, Masquelet AC, Romana MC, Vinh F Anatomic basis of a fasciocutaneous flap
supplied by the perforating branch of the peroneal artery. Surg Radiol Anat 1988 ; 10 : 195-199
[12] Bostwick J, Nahai F, Wallace JG, Vasconez LO Sixty latissimus dorsi flaps. Plast Reconstr
Surg 1979 ; 63 : 31-41
[13] Braun FM. Le lambeau antébrachial libre ou en îlot en chirurgie de la main. [Thèse]. Strasbourg,
1984
[14] Braun FM, Hoang PH, Merle M, Van Genechten F, Foucher G Technique et indication du lambeau
antébrachial en chirurgie de la main. À propos de 33 cas. Ann Chir Main 1985 ; 4 : 85-97
[15] Buchler U, Frey HP Retrograd posterior intercutaneous flap. J Hand Surg 1991 ; 16A : 283
[16] Budo J, Finucan T, Clarke J The inner arm fasciocutaneous flap. Plast Reconstr
Surg 1984 ; 73 : 629-632
[17] Carriquiry CE Heel coverage with a deepithelialized distally based fasciocutaneous flap. Plast
ReconstrSurg 1990 ; 85 : 116-119
[18] Chow JA, Bilos ZJ, Hui P, Hall RF, Seyfer AE, Smith AC The groin flap in reparative surgery of the
hand. Plast Reconstr Surg 1986 ; 77 : 421-426
[19] Cohen BE The shoulder defect correction with the island latissimus dorsi flap. Plast Reconstr
Surg 1984 ; 74 : 650-655
[20] Cormack GC, Duncan MJ, Lamberty BG The blood supply of the bone component of the
compound osteocutaneous radial artery forearm flap. An anatomical study. Br J Plast
Surg 1986 ; 39 : 173-175
[21] Cormack GC, Lamberty BG Fasciocutaneous vessels in the upper arm : application to the design
of new fasciocutaneous flaps. Plast Reconstr Surg 1984 ; 74 : 244-248
[22] Cormack GC, Lamberty BG A classification of fasciocutaneous flaps according to their patterns of
vascularisation. Br J Plast Surg 1984 ; 37 : 80-87
[24] Costa H, Soutar DS The distally based island posterior intercutaneous flap. Br J Plast
Surg 1988 ; 41 : 221-227
[25] Couto Nakatani L. Les pédicules artériels cutanés péroniers. Mémoire d'anatomie. Faculté de
médecine de Paris, 1982 : no 51.
[26] Culberston JH, Mutimer K The reverse lateral upper arm flap for elbow coverage. Ann Plast
Surg 1987 ; 18 : 62-66
[28] Dimond M, Barwik WJ Treatment of axillary burn scar contracture using an arterialized scapular
island flap. Plast Reconstr Surg 1983 ; 72 : 388-392
[29] Dolmans S, Guimberteau JC, Baudet J The upper arm flap. J Microsurg 1979 ; 1 : 162-165
[30] Don Parsa F, Katz D, Spira M A new experimental free flap. Int J Microsurg 1980 ; 2 : 213-216
[31] Donski PK, Fogdestam I Distally based fasciocutaneous flap from the sural region. A preliminary
report. Scand J Plast Reconstr Surg 1983 ; 17 : 191-196
[32] Dos Santos LF. Le lambeau scapulaire et l'artère cutanée scapulaire. Mémoire du laboratoire
d'anatomie. Paris, 1980
[33] Dos Santos LF The scapular flap. A new microsurgical free flap. Rev Brasil Chir 1980 ; 70 : 133-
141
[34] Du Toit GT, Levy SJ Transposition of latissimus dorsi for paralysis of triceps brachil. Report of a
case. J Bone Joint Surg 1967 ; 49B : 135-137
[35] Fachinelli A. L'artère saphène externe. Mémoire du laboratoire d'anatomie. Faculté de Médecine
de Paris, 1979 : no 41
[36] Fatah MF, Nancarrow JD, Murray DS Raising the radial artery forearm flap : the superficial ulnar
arterytrap. Br J Plast Surg 1985 ; 38 : 394-395
[37] Feldman JJ, Cohen BE, May JW Medial gastrocnemius myocutaneous flap. Plast Reconstr
Surg 1978 ; 61 : 535
[38] Fenton OM, Roberts JO Improving the donor site of the radial forearm flap. Br J
PlastSurg 1985 ; 38 : 504-505
[40] Foucher G, Gilbert A, Merle M, Jacob Y. Lambeau radial « chinois ». In : Tubiana R ed. Traité de
chirurgie de la main. Paris : Masson, 1984 : 244-249
[41] Foucher G, Van Genechten F, Merle M, Michon J A compound radial artery forearm flap in hand
surgery. An original modification of the chinese forearm flap. Br J Plast Surg 1984 ; 37 : 139-
148
[42] Gelberman RH, Nunley JA, Koman LA The results fo radial and ulnar artery repair in the
forearm. J Bone Joint Surg 1982 ; 64 : 383-387
[43] Ger R The technique of muscle transposition in the operative treatment of traumatic and
ulcerative lesions of the leg. J Traum 1971 ; II : 502-510
[44] Gilbert A, Teot L The free scapular flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 69 : 601-606
[45] Grabb WC, Argenta LC The lateral calcaneal artery skin flap. Plast Reconstr Surg 1981 ; 68 : 723
[46] Graf P, Biemer E Morbidity of the groin flap transfer : are we getting something for nothing ?. Br
J Plast Surg 1992 ; 45 : 86-88
[47] Guiga M. Lambeau inguinaux dans les traumatismes de la main, poignet, avant-bras. [thèse],
Paris, 1981
[48] Gumener R, Zbrodowski A, Montandon D The reversed fasciocutaneous flap in the leg. Plast
Reconstr Surg 1991 ; 88 : 1034-1043
[49] Haertsch PA The surgical plane in the leg. Br J Plast Surg 1981 ; 34 : 464-469
[50] Hamilton SG, Morrison WA The scapular free flap. Br J Plast Surg 1982 ; 35 : 2
[51] Harii K, Ohmori K, Torii S, Sekiguchi J Microvascular free skin flap transfer. Clin Plast
Surg 1978 ; 5 : 239-263
[52] Harii K, Yamada A, Ishihara K, Miki Y, Itoh M A free transfer of both latissimus dorsi and serratus
anterior flaps with thoraco dorsal vessel anastomoses. Plast Reconstr Surg 1982 ; 70 : 620-629
[53] Harrisson DH, Morgan BD The instep island flap to resurface plantar defects. Br J Plast
Surg 1981 ; 34 : 315-318
[54] Hovnanian AP Latissimus dorsi transplantation for loss of flexion or extention at elbow :
preleminary report on technic. Ann Surg 1956 ; 143 : 493-499
[55] Kaplan EN, Pearl RM An arterial medical arm flap - vascular anatomy and clinical
applications. Ann Plast Surg 1980 ; 4 : 205-209
[56] Katsaros J, Schusterman M, Beppu M, Banis M The lateral upper arm flap : anatomy and clinical
applications. Ann Plast Surg 1984 ; 12 : 489-500
[57] Khashaba AA, Mc Gregor IA Haemodynamics of the radial forearm flap. Br J Plast
Surg 1986 ; 39 : 441-450
[58] Leclerc C, De Nosmandie PH, Brunelli F Couverture cutanée du tiers inférieur de jambe par le
lambeau soléaire distal. Ann Chir Plast Esthet 1987 ; 32 : 140-143
[59] Legre R, Kevorkian B, Magalon G Analyse des sequelles du lambeau antébrachial à pedicule
radial. À propos d'une série de 26 cas. Ann Chir Main 1986 ; 5 : 208-212
[60] Lin SD, Lai CS, Chiu CC Venous drainage in the reverse forearm flap. Plast Reconstr
Surg 1984 ; 74 : 508-512
[61] Lister GD, Mc Gregor TA, Jackson I The groin flap in hand injuries. Injury 1973 ; 4 : 229
[62] Mc Craw JB, Penix JO, Baker J Repair of major defects of the chest wall and spine with the
latissimus dorsi myocutaneous flap. Plast Reconstr Surg 1978 ; 62 : 197-206
[63] Mc Graw JB, Fishman JH, Sharzer C The versatile gastrocnemius myocutaneous flap. Plast
Reconstr Surg 1978 ; 62 : 15
[64] Mc Gregor IA, Jackson I The groin flap. Br J Plast Surg 1972 ; 25 : 3-16
[66] Martin D, Legaillard P, Bakhach J, Hu W, Peres JM, Rivet D , et al. Le lambeau brachial «
extrême » : une utilisation pédiculée distale du lambeau brachial externe. Étude
préliminaire. Ann Chir Plast Esthet 1994 ; 39 : 321-326
[67] Maruyama Y, Onishi K, Iwahira Y The ulnar recurrent fasciocutaneous island flap : reverse
medial arm flap. Plast Reconstr Surg 1987 ; 79 : 381-388
[68] Masquelet AC Anatomy of the radial forearm flap. Anat Clin 1984 ; 6 : 171
[69] Masquelet AC, Beveridge J, Romana MC The lateral supramalleolar flap. Plast Reconstr
Surg 1988 ; 81 : 74-81
[71] Masquelet AC, Penteado CV Le lambeau interosseux postérieur. Ann Chir Main 1987 ; 6 : 131-
139
[72] Masquelet AC, Romana MC Le lambeau supramalléolaire externe dans la chirurgie réparatrice du
pied. J Chir 1988 ; 125 : 367-372
[73] Masquelet AC, Romana MC Le lambeau supramalléolaire externe. Chirurgie 1987 ; 113 : 232-
236
[74] Matev I The osteocutaneous pedicle forearm flap. J Hand Surg 1985 ; 10B : 179-182
[75] Mathes S, Nahai F Classification of the vascular anatomy of muscles : experimentation and
clinical correlation. Plast Reconstr Surg 1981 ; 67 : 177-178
[76] Mathes S, Nahai F. Clinical applications for muscle and musculo cutaneous flaps. St Louis : CV
Mosby, 1982
[77] Mestdagh H, Houlke M Vascular anatomy of the pisiform bone. Ann Chir Main 1984 ; 3 : 145-148
[78] Muhlbauer W, Herndl E, Stock W The forearm flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 70 : 336-342
[79] Nassif TM, Vidal L, Bovet JL, Baudet J The parascapular flap : a new cutaneous microsurgical
free flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 69 : 591-596
[80] Oberlin C, Alnot JY, Duparc J La couverture par lambeaux des pertes de substance cutanée de la
jambe et du pied. À propos de 76 cas. Rev Chir Orthop 1988 ; 74 : 526-538
[81] Oberlin C, Azoulay B, Sarcy JJ The posterolateral malleolar flap : a distally based
neurocutaneous flap of the leg. report on 14 cases. Plast Reconstr Surg 1995 ; 96 (2) : 400-407
[82] Oberlin C, Saffar PH Le lambeau en îlot plantaire interne. Étude anatomique et applications
chirurgicales. Rev Chir Orthop 1984 ; 70 : 151-154
[83] Ohmori K, Harii K Free groin flaps : their vascular basis. Br J Plast Surg 1975 ; 28 : 238-242
[85] Penteado CV, Masquelet AC, Chevrel JP The anatomical basis of the posterior interosseous
artery. Surg RadiolAnat 1986 ; 8 : 209-214
[86] Ponten B The fasciocutaneous flap :its use in soft tissue defects of the lower leg. Br J Plast
Surg 1981 ; 34 : 215-220
[87] Quenu J, Lejars F Étude anatomique sur les vaisseaux sanguins des nerfs. Arch
Neurol 1892 ; XXIII (67) : 1-33
[88] Reid CD, Moss ALH One stage flap repair with vascularised tendon grafts in dorsal hand injuay
using the « chinese » forearm flap. Br J Plast Surg 1983 ; 36 : 473-479
[89] Revol S, Servant JM, Banzet P Les possibilités actuelles de couverture des pertes de substance
cutanée posttraumatiques des jambes et des talons. J Trauma 1981 ; 2 : 149-156
[90] Russel RC, Pribaz J, Zook EG, Leighton WD Functional evaluation of latissimus dorsi donor
site. Plast Reconstr Surg 1986 ; 78 : 336-340
[91] Saffar PH Le lambeau myocutané du jumeau interne. Rev Chir Orthop 1981 ; 67 (suppl II)
: 110-113
[92] Salibian AH, Meniak FJ Bipedicle gastrocnemius myocutaneous flap for defects of the distal one
third of the leg. Plast Reconstr Surg 1982 ; 70 : 17-23
[93] Salmon M. Les artères de la peau. Étude anatomique et chirurgicale. Paris : Masson, 1936
[94] Schoofs M, Bienfait B, Calteux N, Dachy CH, Vandermaeren CH, De Coninck A Le lambeau
aponévrotique de l'avant-bras. Ann Chir Main 1983 ; 2 : 197-201
[95] Schoofs M, Leps P, Millot F Intérêt du lambeau brachial externe libre en chirurgie de la
main. Ann Chir Main 1989 ; 8 : 217-221
[96] Schusterman M, Alland RD, Davis JC, Beppu M. The lateral arm flap, an experimental and clinical
study. In : Williams HB ed. Transactions of the VIII International congress of plastic surgery,
Montreal : IPRS, 1983 : 132 p
[97] Servant JM, Banzet P Le lambeau myocutané de grand dorsal. Son utilisation en chirurgie
réparatrice. Chirurgie 1983 ; 109 : 233-244
[98] Shanahan RE, Gingrass RP Medial plantar sensory flaps for coverage of heel defects. Plast
Reconstr Surg 1979 ; 64 : 295-297
[99] Silverton JS, Nahai F, Jurkiewcz MJ The latissimus dorsi myocutaneous flap to replace a defect
on the upper arm. Br J Plast Surg 1978 ; 31 : 29-31
[100] Smith PJ, Foley B, Mc Gregor IA, Jackson I The anatomical basis of the groin flap. Plast Reconstr
Surg 1972 ; 49 : 41-47
[101] Song R, Song YG, Yu Y, Song YL The upper arm free flap. Clin Plast Surg 1982 ; 8 : 27
[102] Song R, Gao Y, Song YG, Yu Y, Song YL The forearm flap. Clin Plast Surg 1982 ; 9 : 21
[103] Song R, Gao Y, Song Y The chinese flap. Clin Plast Surg 1982 ; 9 : 21
[104] Song R, Sun G, Huang J The longitudinal cross leg flap. Clin Plast Surg 1982 ; 9 : 119-121
[105] Stark WJ The use pedicled muscle flaps in the surgical treatment of chronic osteomyelitis
resulting from compound fracture. J Bone Joint Surg 1946 ; 28 : 343-350
[108] Tansini I Nuovo processo per l'amputazionedella mammella per cancre. Riforma
Med 1896 ; 12 : 3
[109] Timmons MJ The vascular basis of the radial forearm flap. Plast Reconstr Surg 1986 ; 77 : 80-92
[110] Timmons MJ, Missotten FE, Roole MD, Davies DM Complications of radial forearm flap donor
sites. Br J Plast Surg 1986 ; 39 : 176-178
[111] Tobin GR Inferiorly based soleus muscle flap. Br J Plast Surg 1978 ; 31 : 210
[112] Tobin GR, Schusterman MA, Peterson GH, Nichols G, Bland KT The intramuscular neurovascular
anatomy of the latissimus dorsi muscle : the basis for splitting the flap. Plast Reconstr
Surg 1981 ; 67 : 637
[113] Tolhurst DE Surgical indications for fasciocutaneous flaps. Ann Plast Surg 1984 ; 13 : 495-503
[114] Townsend PL An inferiorly based soleous flap. Br J Plast Surg 1978 ; 31 : 210
[115] Urbaniak JR, Koman LA, Goldman RD, Amstrong NB, Nunley JA The vascularized cutaneous
scapular flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 69 : 772-777
[116] Wright JK, Watkins RP Use of the soleus muscle flap to cover part of distal tibia. Plast Reconstr
Surg 1981 ; 68 : 957-961
[117] Yang G Forearm free skin flap transplantation. Nat Med J China 1981 ; 61 : 139-142
[118] Yoshimura M, Imura S, Shimamura K, Yamauchi S, Nomura S Peroneal flap for reconstruction in
the extremity : preliminary report. Plast Reconstr Surg 1984 ; 74 : 402-409
[119] Zancolli AE, Angrigiani C Posterior interosseous island forearm flap. J Hand
Surg 1988 ; 13B : 130-135
[120] Zancolli EA, Angrigiani C Colgado dorsal de antebrazo. Rev Asoc Argent Orthop
Traumato 1986 ; 51 : 161
[121] Zancolli EA, Mitre H Latissimus dorsi transfer to restore elbow flexion. An appraisal of eight
cases. J Bone Joint Surg 1973 ; 55A : 1265-1275
Figures
Fig. 1
Vascularisation du muscle latissimus dorsi. 1. Artère axillaire ; 2. artère thoracodorsale ; 3. branche transversale ; 4.
branche latérale ; 5. branches perforantes intercostales et lombaires ; 6. branche destinée au muscle serratus.
Fig. 2
Installation et dessin du lambeau musculocutané. 1. Pointe de l'omoplate et bord supérieur du muscle ; 2. bord antérieur
du muscle ; 3. palette cutanée.
Fig. 3
Désinsertion distale du muscle sur la crête iliaque et sur les apophyses épineuses en arrière.
Fig. 4
La ligature de la branche destinée au muscle serratus (grand dentelé) permet une plus grande mobilisation du muscle
latissimus dorsi. 1. Vaisseaux axillaires ; 2. nerf du muscle latissimus dorsi ; 3. muscle teres major ; 4. vaisseaux
circonflexes scapulaires ; 5. pédicule vasculaire du muscle latissimus dorsi ; 6. pédicule vasculaire du muscle serratus.
Fig. 5
Point d'émergence de l'artère circonflexe scapulaire (3) et ses branches de division horizontale (4) et verticale (5). 1.
Muscle sous-épineux ; 2. muscle teres minor ; 6. muscle latissimus dorsi ; 7. muscle teres major ; 8. muscle long triceps.
Fig. 6
Fig. 7
Dessin du lambeau centré sur l'axe 1-2, ligne joignant l'acromion (1) à l'épicondyle (2) et correspondant à la projection du
septum intermusculaire dans lequel chemine le pédicule vasculaire.
Fig. 8
Fig. 9
Levée de la partie antérieure du lambeau. 1. Artère collatérale antérieure ; 2. nerf radial ; 3. muscle brachioradial.
Fig. 10
Levée du lambeau brachial latéral à pédicule distal après ligature de l'artère collatérale postérieure (1).
Fig. 11
Fig. 12
Levée du lambeau radial : le repérage distal de l'artère radiale est plus aisé vu sa position sous-cutanée. La dissection se
fait de distal à proximal quelle que soit la variante du lambeau. Toutes les branches à destinée musculaire sont liées (A).
Une fois la moitié du lambeau levée (1), l'autre partie est incisée et levée de la même manière (2). A. 1. Artère radiale ; 2.
muscle brachioradial (long supinateur). B. 1. Muscle brachioradial ; 2. artère radiale ; 3. muscle flexor carpi radialis (grand
palmaire).
Fig. 13
A. Levée d'un lambeau à pédicule proximal permettant la couverture de la région du coude. B. Levée d'un lambeau à
pédicule distal pour couvrir une perte de substance à la main.
Fig. 14
Dessin du lambeau : 1. Point d'émergence de l'artère interosseuse postérieure. Ce point est situé sur la ligne joignant
l'épicondyle et l'articulation radiocubitale inférieure à la jonction du tiers supérieur et des deux tiers inférieurs.
Fig. 15
Levée du lambeau : dissection du pédicule interosseux postérieur par incision de l'aponévrose sur le relief de l'extenseur
propre du cinquième doigt (2) et l'extenseur ulnaire du carpe (1).
Fig. 16
Lambeau interosseux postérieur levé après ligature de l'artère interosseuse postérieure qui est solidarisée à la palette
cutanée (A). Le septum est sectionné au ras de l'ulna (B). 1. Extenseur propre du cinquième doigt ; 2. extenseur ulnaire du
carpe ; 3. ulna ; 4. septum intermusculaire ; 5. artère interosseuse postérieure.
Fig. 17
Dessin du lambeau, taille maximale. 1. Os pisiforme ; 2. point d'émergence de l'artère ulnaire postérieure.
Fig. 18
Levée du lambeau. 1. Pédicule ulnaire postérieur ; 2. fléchisseur ulnaire du carpe ; 3. branche descendante ; 4. branche
ascendante.
Fig. 19
Dessin du lambeau inguinal : un tiers du lambeau est dessiné au-dessus de l'épine iliaque et deux tiers en dessous
(McGregor). 1. Artère épigastrique superficielle ; 2. épine iliaque antérosupérieure ; 3. artère circonflexe iliaque
superficielle ; 4. épine du pubis.
Fig. 20
Fig. 21
Fig. 22
Lambeau gastrocnémien médial. Dessin du lambeau musculocutané : l'incision médiale est située 1 cm en arrière du bord
postéromédial du tibia. L'incision postérieure est médiane.
Fig. 23
Clivage des deux muscles gastrocnémiens, le nerf sural (1) est laissé intact en dehors.
Fig. 24
Lambeau musculocutané avec une palette cutanée en îlot. A. Dessin de la palette cutanée ; B. levée du lambeau ; 1.
muscle gastrocnémien médial ; 2. tendon du plantaire grêle ; 3. muscle soléaire ; C. rotation du lambeau pour couvrir le
genou.
Fig. 25
Lambeau gastrocnémien latéral. Dessin de l'incision latérale située 2 cm en arrière de la fibula, l'incision postérieure est
médiane. Le lambeau ne descend pas aussi bas que son homologue médial.
Fig. 26
Le tendon d'Achille est constitué par la lame tendineuse terminale du muscle soléaire (2) et des muscles gastrocnémiens
(1). La section de la lame tendineuse dans le plan frontal (3) ne doit pas fragiliser le tendon d'Achille.
Fig. 27
Anatomie vasculaire du muscle soléaire. 1. Artère tibiale postérieure ; 2. pédicule principal proximal ; 3. pédicules
secondaires ; 4. pédicules mineurs ; 5. artère fibulaire.
Fig. 28
Dessin du lambeau fasciocutané saphène médial : il est centré par l'artère saphène (branche de division de l'artère
descendante du genou) (2). Les artères perforantes provenant du muscle gastrocnémien médial sont un apport vasculaire
supplémentaire (1).
Fig. 29
Fig. 30
Rotation du lambeau de 180° pour couvrir une perte de substance du talon. L'oreille inesthétique finit par s'affaisser en
quelques semaines.
Fig. 31
Lambeau rétromalléolaire latéral en îlot : la peau est incisée, deux volets cutanés sont écartés ce qui permet de lever la
palette cutanée (de taille variable) sur un pédicule fascial porte-vaisseaux. 1. Tendon d'Achille ; 2. veine petite saphène ; 3.
nerf sural ; 4. pédicule fascial.
Fig. 32
Vascularisation de la région malléolaire latérale : 1. Artère tibiale antérieure ; 2. rameau perforant de l'artère fibulaire ; 3.
branche cutanée destinée au lambeau ; 4. artère malléolaire antérolatérale (malléolaire externe).
Fig. 33
Dessin du lambeau supramalléolaire latéral, la palette cutanée s'étend entre la crête tibiale et la fibula. 1. Point
d'émergence du rameau perforant de l'artère fibulaire.
Fig. 34
Levée du lambeau supramalléolaire latéral à flux rétrograde. L'artère malléolaire latérale et le rameau perforant de l'artère
fibulaire sont liés.
Fig. 35
A. Lambeau supramalléolaire latéral à flux antérograde. L'artère malléolaire latérale est liée en distal et la branche
perforante de l'artère fibulaire est liée en proximal. B. Le lambeau décroisé est pédiculé sur l'artère malléolaire
antérolatérale. Il est passé sous les tendons extenseurs et va couvrir la face médiale du quart inférieur de la jambe.
Fig. 36
Anatomie vasculaire : 1. Nerf plantaire médial ; 2. artérioles cutanées ; 3. muscle abducteur de l'hallux ; 4. artère plantaire
médiale.
Fig. 37
Dessin du lambeau.
Fig. 38
Section de l'abducteur de l'hallux. Le paquet vasculonerveux repéré est mis sur lacs.
Fig. 39
La dissection endoneurale de la branche sensitive destinée au lambeau doit se faire à l'aide de loupes grossissantes ou
sous microscope.
Fig. 40
Levée d'un lambeau sensible. Section du pont cutané entre le site de prélèvement et le site receveur pour y faire passer le
pédicule vasculonerveux.
Fig. 41
Lambeau pédiculé sur l'artère plantaire latérale (A). Ligature de l'artère tibiale postérieure en amont de la bifurcation en
artère plantaire médiale et latérale (B), ce qui permet de couvrir des pertes de substance en regard de la tête du premier
métatarsien.
Résumé
Le traitement des escarres est préventif. Ce sont les massages, les précautions prises pour tout
malade en décubitus, et le nursing qui représentent le premier traitement de l'escarre. L'escarre ne
doit pas apparaître, si elle apparaît c'est qu'il y a eu faute de nursing. Toutefois, une fois qu'elle est
constituée, l'escarre nécessite des soins bien particuliers, qui sont infirmiers, médicaux, et en fin de
parcours, parfois dans certains cas, chirurgicaux.
On voit donc que le chirurgien n'intervient dans le traitement de l'escarre qu'en bout de chaîne, après
avoir constaté l'échec des traitements médicaux. On conçoit donc que la chirurgie de l'escarre soit
particulièrement peu appréciée du chirurgien. En effet, c'est une chirurgie ingrate, qui ne fait que
réparer l'échec, qui est source d'interventions difficiles, souvent itératives, et qui procure elle-même
un grand nombre d'échecs.
Nous décrivons donc les techniques utilisables en cas d'escarre constituée, sans nous étendre sur
tout ce qui est en amont du traitement chirurgical, le nursing, la prévention et la renutrition.
Plan
Conditions d'opérabilité d'une escarre
Techniques de recouvrement des escarres
Suites opératoires
Conclusion
Haut de page
Conditions d'opérabilité d'une escarre
- Evolution à manifestation cutanée d'une maladie cachectisante ou alitante de façon définitive : c'est
l'escarre du vieillard dénutri. Elle représente, en fait, très souvent, la fin de cette maladie générale
qu'est la vieillesse. Cette escarre médicale n'est en aucun cas une indication opératoire.
- Escarre, accident aigu, intercurrent chez un malade qui récupère par ailleurs : c'est l'escarre de
réanimation, après traumatisme crânien, après maladie aiguë guérie. Ces escarres, elles, sont
éminemment chirurgicales. En effet, la cicatrisation spontanée est souvent possible, mais au prix
d'une cicatrice adhérente, instable, douloureuse, provoquant une gêne fonctionnelle importante. Ces
escarres doivent donc être opérées, d'une part pour hâter la cicatrisation, d'autre part pour assurer un
résultat fonctionnel de bonne qualité. C'est donc à ce deuxième groupe de malades que s'adressent
les techniques que nous décrivons.
- Escarre chez les malades neurologiques :
- Les atteintes sensitives d'origine neurologique sont cause d'un grand nombre d'escarres. Les
paraplégiques et tétraplégiques, traumatiques ou médicaux, font des escarres très creusantes, parce
que non douloureuses. Ces malades font aussi volontiers des récidives ; c'est la raison pour laquelle
ces escarres doivent être traitées avec la plus grande parcimonie chirurgicale et un souci d'économie
tissulaire. Toutefois, elles doivent pratiquement toutes être opérées, hormis les petites pertes de
substance. En effet, pour un paraplégique, l'impossibilité de s'asseoir que représente une escarre est
une incapacité temporaire totale ; sa vie de relation est complètement détruite. La nécessité de guérir
rapidement ces escarres est primordiale sous peine de désinsertion sociale et de conséquences
socio-économiques particulièrement lourdes. Là encore, le nombre de récidives, la mauvaise
trophicité des tissus, rendent la chirurgie de l'escarre particulièrement difficile et décevante.
Principes du traitement
- L'escarre est une nécrose provoquée par une hyperpression. Cette nécrose est cutanée, sous-
cutanée, musculaire, et parfois osseuse. La nécrose cutanée n'est que l'extériorisation visible de
l'escarre. Les dégâts sous-jacents sont souvent plus importants, notamment à l'ischion. Un petit
pertuis correspond, en fait, très souvent, à une vaste poche abcédée avec un nécrose musculaire
importante et une atteinte osseuse. Le premier temps doit donc être l'excision, soit chirurgicale (en un
temps), soit médicale (au jour le jour) par détersion (trypsine et petits ciseaux). Ce n'est qu'une fois
l'excision faite qu'on pourra alors envisager les possibilités de fermeture de l'escarre. L'excision a
pour but de ne laisser en place que des éléments vivants susceptibles de bourgeonner. Certes, une
petite perte de substance sera susceptible de bourgeonner spontanément, mais en fait, après
excision, la perte de substance est vaste et elle nécessitera le plus souvent un geste chirurgical de
couverture cutanée.
- L'escarre intéresse tous les éléments de couverture d'une zone d'appui, peau, tissu cellulaire sous-
cutané, muscles et même parfois l'os lui-même. Le temps d'excision est fondamental. On ne peut
couvrir que des éléments vivants. Lorsque l'escarre est trop sale, ou lorsque l'opérateur n'a pu avoir
la certitude de la qualité de l'excision, on a intérêt à reporter la couverture à une date ultérieure et à
laisser ouvert sur du Dakin®.
- Le temps de couverture de l'escarre ne vise pas tant à assurer un revêtement cutané continu qu'à
apporter des parties molles vivantes qui, d'une part, vont éviter l'hématome suppuré post-opératoire
en comblant la cavité d'excision et qui, d'autre part, vont prévenir la récidive en matelassant la zone
d'appui. Il serait très insuffisant de se contenter de recouvrir la saillie osseuse par de la peau. Il faut
raisonner en transfert de parties molles comblant et matelassant.
Préparation
Un malade porteur d'escarre doit subir avant son intervention une préparation qui peut prendre un
certain temps : jusqu'à 15 jours parfois. Les causes d'échec sont suffisamment nombreuses pour que
tout soit mis en oeuvre pour les diminuer.
- Renutrition : la réalimentation doit être entreprise. Au besoin, dans un certain nombre de cas, on
peut s'aider d'une sonde gastrique pour augmenter la ration calorique de base. La sonde gastrique
ne doit pas être systématique car elle nécessite une surveillance rigoureuse, elle coupe l'appétit et
elle provoque des diarrhées. Elle est donc très mal ressentie par les malades.
- Préparation colique : on ne peut opérer une escarre du siège sans avoir un contrôle du transit
intestinal. Il faut savoir traiter les diarrhées et il faut mettre les malades qui n'ont pas de sphincter en
régime sans résidu. Ces précautions n'ont d'intérêt que si elles sont mises en route plusieurs jours
avant l'intervention.
- Traitement des contractures : on ne peut opérer un malade rétracté soit pour des raisons
posturales, soit à cause de sa spasticité. Il faut donc commencer par traiter les attitudes de rétraction
par postures et ténotomies. La spasticité doit être traitée médicalement (Liorésal® ou Valium®).
Anesthésie
Elle pose plusieurs problèmes : pour notre part, nous n'hésitons plus à faire des rachianesthésies
malgré la proximité de l'escarre infectée. Sur plusieurs centaines d'escarres opérées ainsi, nous
n'avons pas eu de méningites. Les malades neurologiques, qui n'ont pas de sensibilité, peuvent être
opérés sans anesthésie, mais il est préférable de faire une rachianesthésie si la spasticité peut gêner
le geste opératoire. La position opératoire est souvent imposée par l'état du malade. Le décubitus
ventral souhaité par l'opérateur n'est pas toujours toléré par le malade. Il faut donc savoir se
contenter d'un décubitus latéral, le bassin penché en avant. L'anesthésie enfin doit prendre en
compte la possibilité d'hyperréflectivité autonome (hypertension +++) chez les tétraplégiques.
Haut de page
Techniques de recouvrement des escarres
Excision-suture
Elle est possible dans certains cas, lorsque la perte de substance est allongée. Elle semble moins
glorieuse. Mais en fait, elle est très intéressante car elle est très économe en parties molles.
Le malade est installé en décubitus latéral. L'excision est menée de proche en proche, sans
parcimonie et sans excès, d'une manière habituelle. Après l'excision cutanée et musculaire, on prend
contact avec l'os qui est simplement avivé à la curette ou à la pince-gouge. La suture est faite après
lavage abondant au Dakin® ou à la Bétadine®, plan par plan. Il est impératif d'amener en regard de
l'os une couverture de parties molles vivantes, muscles au mieux, parfois purement tissu adipeux
sous-cutané. La peau n'est que le dernier élément à considérer. Certes, il faut refermer pour obtenir
une cicatrice stable, mais ne refermer que la peau sur une cavité serait une faute. Il faut combler la
perte de substance profonde en regard de l'os. La suture est faite au fil résorbable sur drainage
aspiratif. La peau est suturée au fil de nylon ou à l'agrafe.
Avantages
Technique fiable de grande simplicité, elle ne ferme pas la porte à des gestes plus complexes,
secondairement, en cas d'échec.
Inconvénients
La suture est parfois faite sous traction, dès lors c'est l'échec prévisible. Parfois, le plan profond
cicatrise mal et, malgré la cicatrisation cutanée, le résultat n'est pas très satisfaisant car l'os n'est pas
matelassé. La récidive est à prévoir. La suture, en fait, est souvent faite perpendiculairement aux
lignes de force de traction sur la cicatrice. La récidive est donc fréquente. Il serait tentant, pour
gagner de la place, de faire une résection osseuse, qui permettrait dans certains cas de faire une
suture directe. Cette résection semble possible chez le paraplégique. On peut gagner un peu de
possibilités de couverture en réséquant une partie de trochanter. Ce sera sans conséquences
fonctionnelles.
Indications
La petite perte de substance traînante, interdisant la station assise, doit être traitée par excision-
suture. L'alternative à cette technique doit être l'abstention chirurgicale. Lorsqu'on hésite entre
poursuivre les soins locaux et faire une intervention, c'est là que se situe la place de la suture directe.
Mais lorsqu'on hésite avec une plastie, c'est la plastie de voisinage qu'il faut choisir.
Autres indications
L'excision-suture peut être utilisée dans d'autres localisations : les escarres ischiatiques en sont
souvent une bonne indication. En effet, à ce niveau, la peau manque rarement et, à l'aide d'une
plastie musculaire a minima, on peut à la fois recouvrir et matelasser. Il faut toutefois se garder
d'étendre les indications de l'excision-suture qui serait faite grâce à une ischiectomie. L'ischion doit
être absolument respecté sous peine de voir apparaître des déséquilibres à la station assise. Au
sacrum, l'excision-suture est rarement réalisable. Au talon, chez le malade neurologique, qui ne
marchera plus, la calcanéectomie permet de fermer des escarres très étendues, par simple excision-
suture. Mais, si le malade doit remarcher, il faut faire appel au lambeau plantaire interne que nous
verrons plus loin.
Elles reposent sur le décollement et la mobilisation d'un lambeau. Le décollement peut se faire à trois
niveaux : sous-cutané, sous-aponévrotique, sous-musculaire ; on parlera donc de lambeaux cutanés
purs, fasciocutanés ou musculocutanés.
Ils n'ont que de rares indications dans le cadre de la chirurgie des escarres. Nous utilisons encore le
lambeau LLL et le lambeau cutané fessier de Griffith.
Décrit par Dufourmentel, il s'adresse aux pertes de substance losangique. On trace la bissectrice de
l'angle formé par le prolongement d'un des côtés du losange avec le prolongement de la petite
diagonale du losange. C'est sur cette bissectrice que l'on découpera le bord proximal du lambeau en
L. La longueur de ce lambeau doit être égale ou un peu supérieure au côté du losange à couvrir,
l'autre branche du lambeau en L est découpée sur la perpendiculaire à la médiane du losange. Le
lambeau en L est décollé et il couvre la perte de substance par rotation, il s'échange avec un
deuxième lambeau représenté par la peau adjacente qui couvre très bien la zone donneuse.
Avantages
Lambeau très fiable, sûr et simple, il couvre les pertes de substances sacrées avec facilité.
Inconvénients
Il est cutané pur. Il ne fait que couvrir, sans apporter aucun capitonnage sous-jacent. Il convient mal
aux vastes pertes de substance. Il fait des cicatrices traversant la fesse qui vont compliquer la
situation en cas de récidive. Les indications doivent rester rares.
Il s'agit d'un lambeau dermograisseux monobloc de rotation qui consiste à amener sur la perte de
substance une peau bien vascularisée qui assurera une couverture de bonne qualité.
Technique
Le malade est placé en décubitus ventral ; après excision large de l'escarre, le lambeau est dessiné
le long de la crête iliaque, partant de l'épine iliaque postérosupérieure et allant très loin en avant
jusqu'à l'épine iliaque antérosupérieure ; le décollement est effectué en sus-aponévrotique, sur toute
la longueur de l'incision ; ce sont les derniers centimètres de décollement qui donnent le mou
nécessaire à une suture sans tension. La rotation permet un avancement de la peau et du tissu
cellulaire sous-cutané fessier qui va jusqu'à la zone donneuse permettant de couvrir des pertes de
substance de 10 cm de large environ. La suture est faite en deux plans après une hémostase
soigneuse. La fermeture de la zone donneuse est faite soit directement, soit à l'aide d'un triangle
d'avancement. Il est rare que l'on soit obligé de faire une greffe de peau. La fermeture est faite sur
deux drains aspiratifs de Redon : un dans la zone donneuse, un autre dans la zone receveuse. Ces
deux drains drainant des décollements différents doivent être bien individualisés. En effet, la
complication (hématome ou sepsis) n'a pas la même valeur, qu'elle survienne sur zone donneuse ou
sur zone receveuse, nous y reviendrons.
Soins postopératoires
Les Redon de la 24e heure sont mis en culture bactériologique. Les résultats serviront de base à une
éventuelle antibiothérapie. Les Redon sont laissés tant qu'ils donnent. Un nursing très strict est
indispensable : il est interdit de mettre en charge les plasties fessières avant le 45e jour. Le décubitus
ventral (quand il est toléré) doit être alterné avec les postures en décubitus latéral.
Avantages
C'est une technique très sûre. Le lambeau est parfaitement vascularisé. La nécrose n'est pas à
craindre sur une fesse vierge. C'est un lambeau qui ne « balafre » pas la fesse et qui, en cas de
récidive d'escarre, laisse toutes possibilités pour une chirurgie autre.
Inconvénients
C'est un lambeau peu épais. Il matelasse assez mal. Il recouvre, mais ne remplit pas une cavité. Or,
les escarres sacrées sont souvent creusantes et la couverture cutanée simple n'est pas suffisante,
elle laisse une zone déprimée, source d'hématome et de surinfections. Par ailleurs, la couverture
cutanée est mince et fragile. Elle ne met pas à l'abri de la récidive. Enfin, ce décollement cutané pur
n'est faisable que sur une fesse non cicatricielle. Toute cicatrice rend précaire la vascularisation de
ce vaste lambeau.
Ils sont levés en dessous de l'aponévrose. Ils emportent la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et
l'aponévrose sous-jacente ; ils emmènent donc la vascularisation qui court sur l'aponévrose. On peut
donc faire des pédicules plus audacieux permettant des rotations impossibles par simples lambeaux
cutanés. Ils correspondent à une vascularisation artérielle et veineuse bien définie. On peut donc
établir une véritable cartographie de lambeaux fasciocutanés. Dans la chirurgie de l'escarre, seul le
lambeau de tenseur du fascia lata (TFL) est utilisé.
Principe
Le muscle tenseur du fascia lata a un petit corps musculaire vascularisé par une artère unique (type I
de Mathes). Cette artère naît 8 cm sous l'épine iliaque antérosupérieure, elle aborde le muscle par
son bord antérieur, puis elle court sur la face superficielle du fascia lata et s'épuise au quart inférieur
de la cuisse. Le territoire cutané de cette artériole descend donc très bas sur la cuisse.
Technique
Le malade est installé en décubitus dorsal, un gros coussin sous la fesse ; en préparant tout le
membre inférieur, on commence par l'excision de l'escarre, puis on dessine un lambeau dont la partie
postérieure est représentée par la partie la plus antérieure de l'escarre. On s'aide d'un patron de toile
pour apprécier la longueur à donner à ce lambeau, on incise la berge antérieure en traversant
d'emblée peau, tissu cellulaire sous-cutané et aponévrose. La berge antérieure doit se trouver sur
une ligne allant de l'épine iliaque antérosupérieure au condyle externe. On fait la section transversale
et le lambeau comportant l'aponévrose est levé en partant du bas. La rotation vers l'arrière permet la
couverture de la perte de substance, par une suture en deux plans, sur drain de Redon. Lorsque le
lambeau n'est pas trop large, dans un grand nombre de cas, la fermeture directe de la zone
donneuse est possible. Sinon, on applique une greffe cutanée sur la zone non suturée.
Avantages
Il s'agit d'un lambeau très sûr et très utile pour toutes les pertes de substances cutanées de la racine
du membre inférieur. On peut prendre des lambeaux allant jusqu'à 8 cm du genou (Mathes). En fait,
sa fiabilité dès lors n'est plus totale et il faut le limiter à 15 cm au-dessus du genou. Sa rotation est
très plaisante et il rend de grands services dans les escarres trochantériennes et parfois même dans
certaines reprises d'escarres ischiatiques.
Inconvénients
Il s'agit d'un lambeau fasciocutané. On applique sur la perte de substance une aponévrose lisse qui
fait assez souvent des séromes ; il n'adhère pas aussi bien aux plans profonds qu'un muscle ou que
du tissu cellulaire.
- La fermeture de la zone donneuse est souvent difficile et laisse une cicatrice lorsqu'on a recours à
la greffe de peau.
- Chez les sujets obèses, la rotation n'est pas aisée et crée une « oreille » à la partie antérieure, alors
le lambeau très épais est difficilement suturé bord à bord sur la zone receveuse.
Lambeaux musculocutanés
Ils sont l'indication de choix dans les escarres creusantes. Deux types de lambeaux sont couramment
utilisés, les lambeaux de grand fessier et les lambeaux des ischiojambiers.
Rappel anatomique
Le grand fessier est une véritable « mine d'or chirurgicale » en raison de sa taille (c'est le plus gros
muscle de l'organisme) et de sa double vascularisation, la vascularisation cutanée étant assurée à
partir du muscle par les artères perforantes. Le grand fessier peut être divisé en deux territoires
fonctionnels sur le plan vasculaire.
- Le « faisceau supérieur » est vascularisé par l'artère fessière. Celle ci sort du petit bassin à la partie
supérieure de la grande échancrure, au-dessus du pyramidal. Très tôt après sa sortie, elle se divise
en branche profonde entre moyen et petit fessier. C'est la branche superficielle, qui se dirigeant en
haut et en dehors, cheminant à la face profonde du grand fessier, va donner des branches terminales
vers le muscle grand fessier.
- Le « faisceau inférieur » est vascularisé par l'artère ischiatique. Celle-ci sort du petit bassin par la
grande échancrure, sous le pyramidal. Elle se divise juste après le passage dans la fesse en quatre :
Cette richesse vasculaire (type III de Mathes) rend possibles des plasties musculocutanées se
servant soit du pédicule supérieur, soit du pédicule inférieur.
Technique
Le malade est installé en décubitus ventral ou en décubitus latéral, le bassin penché en avant.
L'excision de l'escarre est faite dans un premier temps, puis la plaie excisée est tamponnée
temporairement avec une grande compresse imbibée de Dakin®. On taille alors un lambeau
triangulaire à base médiane représentée par les limites de l'escarre sacrée et à pointe
trochantérienne.
Variantes techniques
Dans les vastes pertes de substance, on peut utiliser deux VY se rejoignant sur la ligne médiane.
Avantages
C'est un lambeau particulièrement sûr. Il peut être utilisé même lorsque la fesse est traversée de
cicatrices. En effet, la vascularisation perforante vient de la profondeur. Le VY du grand fessier peut
donc être un excellent moyen de sauvetage des escarres multiopérées. Il est peu sujet aux séromes
car la face profonde du lambeau est musculaire. Il couvre très bien et il matelasse bien par son
épaisseur musculaire ; il est vraisemblablement moins sensible à l'infection postopératoire que les
lambeaux cutanés purs ou fasciocutanés.
Inconvénients
Le prélèvement d'une partie du grand fessier est sans conséquence fonctionnelle lorsqu'il est
unilatéral. Nous n'osons pas le faire bilatéral chez les sujets susceptibles de se remettre debout.
Technique
Le malade installé en décubitus ventral penché en avant, la cuisse fléchie, le membre inférieur étant
en bord de table, on commence par exciser la poche ischiatique. On arrive au contact de l'ischion qui
est le plus possible respecté. La résection osseuse doit être limitée à un curetage avec avivement de
la tubérosité ischiatique. La résection de l'ischion ne doit pas être faite sous peine de déséquilibrer la
station assise. Par ailleurs, ce temps d'excision est peu hémorragique tant qu'on reste au contact de
la face superficielle de la tubérosité ischiatique. Il n'en est pas de même lorsqu'on arrive au contact
des bords latéraux de l'ischion. La plaie est tamponnée avec du Dakin®. Le temps de couverture est
fait avec des instruments propres, différents de ceux qui ont servi à l'excision. Le lambeau est
ovalaire, découpé horizontalement ; la partie inférieure du lambeau ne doit pas être plus basse que le
pli fessier inférieur ; au niveau de l'incision inférieure, le bistouri traverse la peau, le tissu cellulaire
sous-cutané et l'aponévrose du grand fessier. Dès lors, on discise aux ciseaux les fibres musculaires,
on trouve le plan du nerf sciatique qui est repéré. On le protège par une paire de ciseaux et les fibres
musculaires sont sectionnées transversalement à l'aplomb de l'incision cutanée inférieure. Au niveau
de l'incision supérieure du lambeau, on traverse la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et
l'aponévrose fessière superficielle. Le lambeau est mobilisé en bloc avec le muscle grand fessier qui,
à la demande, est décollé du tissu cellulaire sous-cutané. On est amené à sectionner quelques fibres
musculaires transversales à la partie haute, en pleine fesse. Dès lors, le lambeau tourne très bien. Le
muscle est suturé aux berges de la perte de substance profonde, au contact de l'ischion. La suture
cutanée est faite bord à bord. La zone donneuse est refermée directement en deux plans. Là encore,
les sutures sont faites sur deux drains aspiratifs distincts, un pour la zone donneuse et un pour la
zone receveuse.
Avantages
Le lambeau de grand fessier en îlot est une solution particulièrement simple et élégante aux escarres
ischiatiques. La dissection musculaire est très simple. La vitalité du lambeau est excellente. Les
séquelles fonctionnelles sur la zone donneuse sont minimes et la fermeture directe de la zone
donneuse limite au maximum les cicatrices, préservant l'avenir. Surtout, ce lambeau apporte un
matelassage très satisfaisant à l'ischion. La vascularisation excellente, le contact du muscle sur l'os
font que les échecs pour séromes ou pour infection sont rares.
Inconvénients
Ce lambeau impose l'intégrité du pédicule inférieur du grand fessier. Or ce pédicule peut avoir été
lésé dans une plastie précédente pour escarre sacrée traitée par lambeau musculocutané en VY. En
dehors de cette restriction, ce lambeau est des plus simples et des plus sûrs.
Le principe de l'îlot musculocutané peut être étendu aux fibres supérieures du grand fessier. On a
alors une dissection plus difficile. Il convient de respecter la branche anastomotique partant de
l'ischiatique afin de préserver l'avenir, pour pouvoir se resservir du grand fessier secondairement
pour des récidives d'escarre. L'îlot de grand fessier supérieur « tourne » moins bien que l'îlot de
grand fessier inférieur. Il permet toutefois de couvrir des pertes de substance atypiques dans la partie
supérieure de la fesse.
Technique
Le malade est installé en décubitus ventral, le membre inférieur pendant hors de la table pour fléchir
la hanche. On commence par l'excision de l'escarre. Puis, après avoir changé d'instruments, on taille
un triangle cutané dont la base est représentée par le bord inférieur de l'escarre. Le bistouri traverse
la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et l'aponévrose. On repère par la branche externe du triangle
la jonction entre le biceps et le vaste externe. Par le bord interne du triangle, il faut faire une
dissection prudente car c'est par là que les pédicules nourriciers arrivent. On fait une section
transversale basse du corps musculaire. La section doit être faite au moins au tiers moyen de la
cuisse car les pédicules artériels pénètrent le muscle au tiers supérieur de la cuisse. Le triangle
cutané glisse vers le haut. On s'aide aussi de la désinsertion ischiatique. Ainsi libéré, le lambeau a le
double intérêt de matelasser la tubérosité ischiatique et d'assurer la couverture cutanée.
Avantages
C'est un lambeau très sûr, mais il nécessite des précautions techniques : la vascularisation du biceps
est assurée par trois pédicules dominants venant de la fémorale profonde et abordant le bord interne
du muscle ; on ne peut en sectionner sans faire courir un risque d'ischémie au lambeau. Tout le tiers
supérieur du bord interne doit donc être respecté. Le muscle coulisse en fait très bien sans faire de
dissection profonde et sans désinsérer le court biceps de la ligne âpre. On peut prélever en même
temps le demi-tendineux en cas de perte de substance étendue ; dès lors, on peut réaliser des
triangles cutanés de 8 à 10 cm de base. L'ascension se fait après section basse du demi-tendineux.
La dissection du bord externe de celui-ci ne doit pas être faite. L'ascension se fait en bloc avec le
biceps, en repérant le bord externe du biceps et le bord interne du demi-tendineux. Ce vaste lambeau
d'avancement permet de répondre aux escarres ischiatiques étendues.
Inconvénients
Le lambeau d'ischiojambiers en VY ne reconstruit pas le pli fessier et les contraintes cutanées sont
importantes lors de la flexion de hanche et surtout dans la station assise. Il serait la cause de plus de
récidives. C'est pourquoi Ch. Kauer a décrit un procédé visant à horizontaliser le triangle cutané,
reconstituant ainsi le pli fessier. Cet élégant artifice technique nécessite une dissection minutieuse
qui diminue la fiabilité de ce lambeau. Par ailleurs, la vascularisation cutanée de la face postérieure
de cuisse est assurée par très peu d'artérioles perforantes. Il n'est pas rare que la pointe du triangle
parfois se nécrose, ce qui est sans gravité, mais qui complique la cicatrisation de la zone receveuse.
La technique du lambeau cutané ou fasciocutané en îlot levé avec son pédicule vasculaire est très
utilisée en chirurgie plastique. Elle a peu d'indications dans le cadre de la chirurgie des escarres. En
effet, le lambeau cutané en îlot matelasse peu, il recouvre certes, mais on a vu qu'il n'y avait là
qu'une faible partie du problème. Toutefois, au pied, le lambeau plantaire interne est une technique
très intéressante pour les escarres talonnières.
Technique
Ce lambeau fasciocutané en îlot est pédiculé sur l'artère plantaire interne (fig. 11). L'intervention est
menée en décubitus dorsal, sous garrot pneumatique, le membre inférieur en rotation externe. On
aborde le pédicule tibial postérieur par une incision partant deux centimètres derrière la malléole
interne et se terminant sur la tête du premier métatarsien, on repère facilement le paquet
vasculonerveux, sa gouttière est en avant de la gouttière du fléchisseur. Dans sa propre gouttière, à
la partie haute, l'artère est l'élément le plus antérieur. La dissection amène à repérer la division de la
tibiale postérieur : la plantaire externe est volumineuse, elle semble poursuivre la direction de la
tibiale postérieure, pour plonger vers la plante. La plantaire interne est plus fine et reste à la face
interne de la plante (fig. 12). Après la division en plantaire interne et plantaire externe, le nerf devient
plus dorsal que l'artère, si bien qu'après la division, suivre le nerf plantaire interne est une sécurité
pour l'artère et la veine plantaires internes ; après avoir repéré le nerf plantaire interne, le pédicule est
disséqué avec discision de l'abducteur du gros orteil. Le plan est donné par le nerf plantaire interne.
On lie toutes les branches à visée dorsale, en respectant soigneusement les branches à visée
plantaire que l'on ne doit même pas voir au cours de la dissection. Cette dissection est menée
jusqu'à la base du premier métatarsien. Dès lors, on fait le tracé antérieur du lambeau. Il est pratiqué
juste en arrière de la tête des métatarsiens, on commence par décrocher la jonction entre l'incision
antérieure et la dissection interne. On repère alors très bien la profondeur de la dissection qui doit
emporter l'aponévrose plantaire moyenne. On prolonge le décollement vers l'extérieur et l'incision
externe est pratiquée. En levant le lambeau, on voit apparaître une anastomose avec la plantaire
externe qu'il faut lier. Par ailleurs, à la partie moyenne de la plante, l'artère plantaire interne est
souvent un peu coudée et chemine plus externe qu'on ne le croit. C'est le temps dangereux dans la
dissection, il est impératif d'avoir repéré le pédicule par l'incision interne. La levée du lambeau est
pratiquée par la section transversale postérieure. On sectionnel la peau, le tissu cellulaire sous-
cutané et l'aponévrose plantaire moyenne, transversalement jusqu'au ras du pédicule. Dès lors, on
peut mobiliser après décollement sous-cutané l'îlot plantaire. On lâche le garrot et on fait l'hémostase
plantaire. On creuse une tranchée en direction de la perte de substance talonnière, le lambeau est
mis en place après excision de l'escarre. La zone donneuse est recouverte par une greffe de peau en
filet. Le lambeau est suturé à la zone receveuse en surveillant sa vascularisation ; cette suture est
faite si possible sur drainage aspiratif ; lorsque la couverture n'est pas étanche, il faut se contenter
d'un faisceau de crins.
Variantes techniques
Le prélèvement du lambeau peut emporter la chair carrée de Sylvius. On a alors un lambeau plus
épais qui matelasse mieux. Mais la zone donneuse pose plus de problèmes car elle est tendineuse,
et la prise de greffe cutanée est moins simple.
Le prélèvement peut être fasciocutané sensible en emportant les éléments nerveux plantaires qui se
présentent au cours de la dissection antérieure. Malheureusement, ces prélèvements nerveux
provoquent une anesthésie plantaire des orteils concernés, qui régresse avec le temps, mais qui est
gênante pendant longtemps.
Avantages
Ce lambeau procure une couverture très satisfaisante pour l'escarre talonnière au stade « aigu » ou
au stade de séquelle chronique. La peau transplantée s'incorpore parfaitement. Et secondairement,
elle peut même se transformer en véritable coque talonnière de même consistance qu'une coque
talonnière normale. Les séquelles sur la zone donneuse sont peu importantes même si, parfois, la
cicatrisation est un peu longue. La zone donneuse n'est pas une zone d'appui, d'une part, et la
rétraction de la greffe cutanée la réduit à sa plus simple expression, d'autre part.
La taille de ce lambeau peut être très grande : on peut prélever toute la peau plantaire qui n'est pas
en appui, sans risque vasculaire et sans séquelles fonctionnelles notables.
En sectionnant l'artère plantaire externe, on peut accroître encore l'arc de rotation du lambeau pour
couvrir dès lors jusqu'au quart inférieur de jambe.
Inconvénients
La dissection n'est pas toujours très simple. Dans un certain nombre de cas, le plan est difficile à
trouver. Par ailleurs, le débit de l'artère plantaire interne est assez faible et il faut se méfier de la
coudure du pédicule susceptible de le thromboser. Il faut savoir ne pas suturer de façon trop serrée
l'îlot à la zone receveuse. Il faut surveiller de très près la couleur et la chaleur du lambeau et être prêt
à faire sauter des points au moindre doute. Le lambeau plantaire interne est très sûr sur le plan du
territoire vasculaire, il est par contre très délicat sur le plan du débit sanguin dans le pédicule. Il faut
au moindre doute faire une artériographie préopératoire. Si l'artère tibiale postérieure n'est pas
absolument saine (athérome ou traumatisme), il faut renoncer au lambeau plantaire interne.
Chez le malade privé de sa sensibilité pour des raisons neurologiques, l'atteinte des plans profonds
peut aller jusqu'à l'articulation. Si la présence ou non d'une ostéite ne pose pas de problème
technique, la présence d'une communication articulaire impose la résection de hanche. Le diagnostic
préopératoire est souvent difficile. L'état infectieux est souvent grave, mais une arthrite fistulisée peut
être apyrétique. La douleur manque dans ce tableau neurologique. La radiographie est difficile à
interpréter car les malades neurologiques ont souvent un pincement articulaire de « non-usage ». La
fistulographie est rarement démonstrative. En fait, deux signes imposent le diagnostic : l'issue de
liquide articulaire par l'escarre lors de la mobilisation de la hanche, et la découverte de l'articulation
lors de l'excision chirurgicale. La résection de hanche s'impose.
Technique
La résection doit être large, sous-trochantérienne, menée par la voie d'excision de l'escarre. Ce
temps est souvent hémorragique. La fermeture directe est alors possible par le gain considérable en
parties molles apporté par la résection. On fait « monter » toutes les parties molles de cuisse et la
suture est faite en deux plans avec un drain dans la cavité cotyloïdienne. Nous mettons en place un
fixateur iliofémoral pour une durée de 45 jours afin de limiter les mouvements de la hanche (fig. 14).
En l'absence de fixateur, les sutures ne tiennent pas. Bien souvent chez des malades neurologiques,
le fixateur ne tient pas plus d'un mois, mais il permet la cicatrisation cutanée.
Avantages
La résection de hanche permet de refermer, sans plastie, des escarres très importantes, chez des
malades souvent multiopérés. On peut fermer des escarres tronchantériennes ou ischiatiques, voire
doubles trochantériennes et ischiatiques, sans geste plastique. La résection de hanche est sans
conséquence fonctionnelle pour la station assise et elle permet de régler l'attitude vicieuse en flexion,
adduction, rotation interne des rétractions spastiques.
Inconvénients
C'est une intervention lourde qui saigne beaucoup. La cavité cotyloïdienne n'est pas comblée par les
parties molles. Il peut y avoir des fistules articulaires, stériles au début, infectieuses après un certain
temps d'évolution. En cas de fistule persistante, il faut avoir recours au lambeau de vaste externe (fig.
15) : le vaste externe est sectionné de son insertion sur le tendon quadricipital, il est disséqué du
droit antérieur, et il est remonté jusqu'à 10 cm en dessous de la crête intertrochantérienne. Il est alors
basculé et il plonge dans la cavité cotyloïdienne qu'il remplit parfaitement. La peau est refermée
simplement. Ce lambeau de vaste externe est très fiable. Il peut même parfois être remonté jusqu'au
périnée en cas de vaste perte de substance, lorsqu'il est associé à la résection de hanche.
Haut de page
Suites opératoires
Suites simples
Elles ne sont pas toujours simples. Un schéma standard peut être décrit en sachant qu'il n'est pas
rare qu'il ne soit pas suivi.
- Les drains de Redon sont laissés tant qu'ils donnent. En effet, le décollement est une des hantises
de l'opérateur. On peut être amené à laisser les drains en place longtemps, plus que pour la chirurgie
orthopédique conventionnelle (jusqu'à 15 jours parfois). Il faut savoir enlever assez vite le drain de
Redon de la zone donneuse et laisser plus longtemps, jusqu'à assèchement total, celui de la zone
receveuse. On met en culture le liquide du drainage de la zone receveuse de la 24e heure. C'est lui
qui servira de base pour l'antibiothérapie.
- L'antibiothérapie est prescrite très largement : en pré- et peropératoire, c'est la prévention de la
gangrène gazeuse qui est assurée par l'association pénicilline et Flagyl® ou mieux par l'Augmentin®.
Dès le retour de la culture du drain, on ajuste l'antibiothérapie. On peut être amené à prescrire des
associations lourdes en raison de la variabilité et de la multiplicité des germes retrouvés. Mais il s'agit
d'une antibiothérapie discutée et documentée dont on ne peut se passer. En effet, la culture du drain
est le reflet fidèle de l'état focal. On sait bien que l'aspect cutané et clinique peut être rassurant alors
que l'hématome opératoire, profond, se surinfecte et va donner un décollement infecté dans les jours
qui viennent. Les antibiotiques sont poursuivis jusqu'à ablation des drains. En cas de doute clinique,
on peut faire des cultures itératives qui permettent d'ajuster les antibiotiques. Il ne faut pas prescrire
d'antibiotiques au vu des prélèvements faits sur l'escarre, en préopératoire. La flore retrouvée est en
effet multiple, et ce n'est pas celle qui persiste après l'excision chirurgicale. La culture des drains de
Redon est bien plus fiable et permet d'alléger les thérapeutiques.
- Les fils et agrafes sont enlevés tard : vers le 21e jour. Il n'y a aucun inconvénient à les laisser
longtemps. Par contre, les téguments des malades neurologiques cicatrisent lentement et les
désunions sont à craindre.
- Les opérés sont posturés en alternance sans mettre en appui la région opérée. L'appui sur la plastie
est autorisé au deuxième mois. Avant, une longue préparation locale doit être faite, pour assurer la
souplesse et l'élasticité de la zone opérée. A partir du premier mois, la région doit être massée et les
cicatrices doivent être mobilisées. Pour les escarres ischiatiques, on doit attendre la fin du premier
mois pour reprendre les flexions de hanche.
Complications
- La nécrose du lambeau est le plus souvent une faute technique. En fait, la nécrose ne doit pas se
produire sur une escarre de première intention. Par contre, chez les neurologiques multiopérés, on
peut avoir une appréciation un peu trop optimiste de la vascularisation restante, et la nécrose
survient. Elle peut survenir aussi chez les sujets trop gras où la suture cutanée est faite sous tension
en raison de l'épaisseur du tissu cellulaire sous-cutané. Il faut, après mise en place du lambeau,
regarder la coloration cutanée et ne pas hésiter à faire sauter des points cutanés, quitte à avoir une
suture lâche. La nécrose n'est pas toujours totale, et une retouche du lambeau est possible dès que
la nécrose semble bien définie.
- L'infection postopératoire se produit dans 10 % des cas environ. Elle se manifeste de plusieurs
façons. Tantôt elle est évidente. La fièvre et la rougeur locale ne font pas de doute. Il faut savoir que
ce tableau d'infection aiguë peut être trompeur. En effet, l'oedème local est parfois ischémiant pour le
lambeau. Le traitement de l'infection lève l'ischémie. Un lambeau cyanique doit donc être mis aux
antibiotiques au plus vite. Ailleurs, c'est un écoulement entre deux points, sans fièvre, qui fait le
diagnostic. Ailleurs enfin, c'est sur la culture du Redon qu'on parlera d'infection. Le traitement est
d'abord et avant tout médical. L'antibiothérapie a une grande efficacité sur un foyer opératoire aussi
vascularisé. Après quelques jours d'antibiotiques, si l'évolution n'est pas favorable, il faudra
réintervenir pour nettoyer, évacuer l'hématome infecté et refermer sur de nouveaux drains. Cette
intervention ne doit pas être effectuée trop tardivement car le lambeau infecté se rétracte et la
fermeture lors de la réintervention est parfois difficile. Plus l'intervention est précoce, plus elle est
efficace et simple. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'un grand nombre d'infections focales
guérissent par antibiotiques seuls. Nous mettons tout à fait à part les infections sur zone douteuse
qui, elles, ne sont jamais chirurgicales. Elles sont parfois longues à guérir, mais n'influencent pas le
résultat final.
- La désunion est rarement le fait de la zone receveuse. Quand c'est le cas, il peut s'agir soit d'une
faute de l'opérateur, soit d'une faute de nursing. Toute désunion sur la zone receveuse doit être
resuturée. Si la cause en est une traction excessive sur la suture, il faut reprendre la plastie et
l'agrandir. S'il s'agit d'une faute de nursing, on peut se contenter d'une suture large, au lit du malade,
par un ou deux gros points. Les désunions sur la zone donneuse sont sans gravité. Elles guérissent
habituellement spontanément sans séquelles pour la plastie. Toutefois, un certain nombre de
désunions sur zone donneuse peuvent nécessiter un traitement chirurgical si elles sont trop larges
(suture secondaire ou plastie).
- Les séromes ou hydromes sont de traitement difficile. Ils sont le fait presque électif des lambeaux
fasciocutanés. Ils sont rares dans les lambeaux cutanés, et exceptionnels dans les lambeaux
musculocutanés. Il s'agit d'épanchements liquidiens clairs, stériles qui décollent le lambeau. Tant qu'il
ne sont pas fistulisés, on a intérêt à les ponctionner de façon répétitive. Par contre, s'ils sont
fistulisés, ils ne vont pas manquer de se surinfecter, provoquant des infections focales très difficiles à
traiter. Il faut donc les opérer. L'intervention consiste à reprendre la plastie en totalité, à enlever la
paroi de la poche, à refermer sur drains et, si possible, à appliquer la plastie au fond osseux par des
points transosseux. Mais, là aussi, l'intervention pour hydrome n'est pas toujours couronnée de
succès.
Haut de page
Conclusion
Nous n'avons pas la possibilité de décrire toutes les situations, ni toutes les techniques disponibles
pour traiter les escarres de décubitus. Nous avons fait une sélection dans les méthodes que nous
utilisons pour ne garder que les plus fiables. Bien d'autres procédés ont été décrits. Il faut les
connaître car on peut être amené à utiliser des techniques d'exception dès qu'on a affaire à des
maladies multiopérés. C'est ainsi que le lambeau en îlot de droit interne peut être utilisé dans les
escarres ischiatiques, mais sa fiabilité n'est pas totale et nous pensons qu'il ne doit pas faire partie
des procédés de routine. En fait, devant la variété des possibilités, la plus grande difficulté est de
choisir une technique s'adressant à une escarre vierge. Nous avons donc résumé nos indications
actuelles dans le tableau I. Le tableau est guidé par l'état du malade et par la taille de l'escarre. Mais
deux autres éléments doivent être pris en compte : la possibilité de récidive et l'habitude de
l'opérateur. Ces deux éléments font qu'on aura souvent intérêt à choisir l'intervention la plus simple,
ne serait-ce que pour préserver l'avenir.
Références Bibliographiques
[1] BESINS T. - Traitement médico-chirurgical des escarres chez le malade neurologique. - Thèse
Paris-Ouest, 1978.
[2] KAUER Ch Escarre ischiatique : reconstruction du pli fessier. Ann. Chir. Plast.
Esthet. 1985 ; 30 : 171-174
[3] KAUER Ch, SONSINO G The need for skin and muscle saving techniques in the repair of
decubitus ulcers. Scand. J. Plast. Reconstr. Surg. 1986 ; 20 : 129-131
[6] MASQUELET AC, NORDIN JY, PAGES C Recouvrement des pertes de substances sacrées et
ischiatique par lambeaux musculo-cutanés. Presse Méd. 1985 ; 14 : 277-279
[7] MATHES S.J., FOAO NAHAI. - Clinical applications for muscle and musculo-cutaneous flaps. -
C.V. Mosby Company, ed., Saint Louis, 1982.
[8] MINAMI RT, MILLS R, PARDOE R Gluteus meximum myocutaneous flaps for repair of pressure
sores. Plast. Reconstr. Surg. 1977 ; 60 : 242
[11] STALLINGS JO, DELGADO JP, CONVERSE JM Turnover island flap of gluteus maximus muscle for
the repair of sacral decubitus ulcer. Plast. Reconstr. Surg. 1974 ; 54 : 52-54
Tableaux
Tableau I.
Escarre ischiatique
Biceps en VY
basse
Figures
Fig. 1
Excision, décollement et suture d'une escarre trochantérienne. A. Aspect préopératoire. L'escarre présente un dessin très
irrégulier. B. L'excision est losangique, les berges de la plaie sont largement décollées. C. On excise la bourse
trochantérienne et on aborde le trochanter qui est avivé au ciseau frappé. D. La suture est faite en deux plans, un plan
profond au fil résorbable, un plan superficiel cutané. Un drainage aspiratif est mis en place.
Fig. 2
Les différents plans de décollement : le décollement cutané définit les « hazard flaps » (lambeaux à risque). C'est un
lambeau cutané pur.
Fig. 3
A. Le lambeau LLL est un moyen simple de refermer une perte de substance losangique. Il s'agit d'un lambeau de double
échange cutané pur. Schéma théorique selon Dufourmentel. B, C. Réalisation pratique. Il est impératif de mettre deux
drains de Redon, un dans la zone donneuse, un dans la zone receveuse.
Fig. 4
A. Lambeau cutané fessier selon Griffith. B. Le décollement va très haut, jusqu'à l'épine iliaque antérosupérieure. On
décolle au niveau du tissu cellulaire sous-cutané. C. On recouvre sans tension la perte de substance. D. Cette suture est
faite en deux plans sur deux drains aspiratifs.
Fig. 5
A. Le décollement sous l'aponévrose définit le lambeau fasciocutané. Ce lambeau emporte la vascularisation qui chemine
entre la peau et l'aponévrose. Le lambeau fasciocutané de tenseur du fascia lata est en fait un lambeau musculaire à sa
partie haute. B, C, D. Il est antéroexterne à la cuisse, et peut descendre jusqu'à 15 cm du genou. Sa rotation est très large,
son territoire de couverture est donc très important.
Fig. 6
A Exemple de couverture d'une escarre trochantérienne par lambeau de tenseur du fascia lata. B. Le décollement emporte
l'aponévrose. C. La zone receveuse est suturée en deux plans sur un drain aspiratif. La zone donneuse est recouverte par
une greffe cutanée. D. Exemple clinique.
Fig. 7
La vascularisation du grand fessier est double. Les faisceaux supérieurs sont sous la dépendance de l'artère fessière (A).
Les faisceaux inférieurs sous la dépendance de l'artère ischiatique (B). Le volume considérable du grand fessier le rend
donc utilisable faisceau par faisceau.
Fig. 8
Lambeau de grand fessier en VY. A. Le dessin est triangulaire à pointe trochantérienne et à base sacrée. B. Une fois la
peau franchie, on traverse le grand fessier jusqu'à trouver le plan de glissement profond, là ou passe le nerf sciatique. C.
Les fibres musculaires trochantériennes sont sectionnées. On décolle le lambeau en partant de sa partie externe. On
repère soigneusement une branche anastomotique dont l'hémostase peut être difficile. La translation vers la ligne
médiane permet la couverture de l'escarre sacrée. D. La suture est faite en deux plans avec deux drains aspiratifs.
Fig. 9
Lambeau de grand fessier en îlot. A. Excision de l'escarre ischiatique menant jusqu'au contact de l'os avec avivement
osseux. Il n'est pas pratiqué d'ischiectomie. B. Un lambeau losangique est découpé, il emporte la peau et la totalité de
l'épaisseur du grand fessier. Le décollement est fait de la partie basse vers la partie haute, après avoir pris le repère du
plan de glissement du nerf sciatique. Ce lambeau est remonté puis il est basculé de 90° en direction de la perte de
substance ischiatique. Pour cela, il est préférable de faire une tranchée cutanée. Toutefois, lorsque cela est possible, on
peut aussi faire un décollement sous-cutané. C. Suture de la zone donneuse en deux plans sur un drain de Redon. Suture
de la zone receveuse de la même façon.
Fig. 10
Lambeau musculocutané d'ischiojambier. A. La vascularisation du biceps est assurée par trois troncs principaux venant
de la fémorale profonde. La partie moyenne du corps musculaire représente, au niveau de son bord médial, un « no man's
land » au niveau duquel il faut décoller très prudemment. B. Excision de l'escarre ischiatique selon la technique
habituelle. C. Section basse du muscle biceps et, après avoir repéré le plan de glissement à la partie basse et à la partie
haute, décollement purement externe, respectant le bord interne. Ce décollement permet de venir couvrir la perte de
substance ischiatique. D. Suture en deux plans de la zone donneuse et de la zone receveuse avec deux drains aspiratifs.
Fig. 11
Schéma du canal calcanéen. L'artère plantaire interne naît par division de l'artère tibiale postérieure en plantaire interne et
plantaire externe. Elle se dirige vers l'arche interne, dans l'épaisseur du muscle abducteur du gros orteil. Le nerf plantaire
interne à la partie moyenne de son trajet est en situation dorsale.
Fig. 12
Lambeau plantaire interne. A. L'incision est postéro-interne, derrière la malléole interne ; en avant, elle respecte les zones
d'appui tant antérieures que postérieures. B. La dissection commence par le canal calcanéen, puis on sectionne dans le
sens des fibres l'abducteur du gros orteil. On prend le repère du nerf plantaire interne qui doit être respecté. Le niveau du
nerf plantaire interne sert de repère au plan de dissection antérieure transversale. C. La levée du lambeau est faite
prudemment. La dissection est menée, par voie rétrograde, le plus au large possible par rapport au pédicule afin de lui
garder une atmosphère cellulaire protectrice. Le lambeau est tourné en direction de la perte de substance talonnière. Il
prend le chemin de cette perte de substance par une large tranchée. D. La suture est faite en deux plans sur un drain
aspiratif au niveau de la zone receveuse. La zone donneuse est recouverte par une greffe cutanée.
Fig. 13
Escarre trochantérienne compliquée d'arthrite de hanche : résection de hanche. A. Ce n'est que l'exploration
peropératoire qui permet de faire avec certitude le diagnostic de présence ou d'absence d'arthrite de hanche. Une fois ce
diagnostic fait, la résection osseuse est faite à la scie de Gigli. B. Le raccourcissement provoqué par cette résection sous-
trochantérienne large permet une ascension globale du fût fémoral et des muscles de la cuisse qui peuvent être suturés
aux muscles fessiers. C. La hanche est temporairement stabilisée par un fixateur externe iliofémoral afin de permettre la
cicatrisation. La suture est faite sur un drain de Redon.
Fig. 14
Exemple de montage.
Fig. 15
Lorsque la cavité de résection est importante, on peut avoir intérêt à la combler par un lambeau de vaste externe. Le vaste
externe est prélevé par une grande incision externe, il est disséqué en bas du crural et il est remonté jusqu'à 8 cm en
dessous de la crête trochantéririenne. Il est basculé vers le haut et comble très bien la cavité de résection.
Résumé. – Malgré les améliorations technologiques des 25 dernières années, une récupération complète des
lésions des nerfs périphériques reste évasive à ce jour.
Il est clair que la réponse à l’amélioration des résultats des réparations nerveuses périphériques est plus
biologique que chirurgicale. La régénération des nerfs périphériques est un processus biologique qui implique
non seulement la cellule nerveuse mais aussi les composants non neuronaux comme les cellules de Schwann,
les fibrobastes, les cellules endothéliales et les macrophages. L’anatomie et la réponse du traumatisme des
nerfs périphériques sont importantes pour le chirurgien. Les systèmes de classification comportent six
catégories. Les informations de l’examen clinique exigent la connaissance des lésions anatomiques du nerf.
Les principes pour la coaptation des extrémités séparées des nerfs sont ébauchés : préparation des extrémités
avec souvent résection, approximation avec cartographie des extrémités nerveuses, affrontement des
extrémités nerveuses avec une attention spéciale pour ponter les fascicules avec un contact optimal (une
coaptation indirecte peut être réalisée en interposant une greffe nerveuse), maintien de l’affrontement par
utilisation d’une suture.
La suture épineurale est la méthode traditionnelle de réparation mais la préférence est donnée à la suture
épipérineurale.
L’aspect le plus important d’une suture nerveuse est d’être atraumatique en évitant la tension de la suture et
en plaçant la réparation ou la greffe dans un environnement non cicatriciel.
Les sutures nerveuses partielles sont techniquement plus faciles immédiatement après le traumatisme. Si les
deux extrémités du nerf peuvent être repérées lors de l’exploration initiale, la réparation secondaire sera
effectuée au bout de 2 mois environ. Un defect nerveux peut être ponté par une greffe nerveuse en urgence
mais cela est une exception plutôt qu’une règle ; la greffe nerveuse est généralement réalisée secondairement.
Il n’y a aucune étude précise qui montre la supériorité des greffes vascularisées, excepté dans un milieu
cicatriciel.
Les réparations nerveuses utilisant la colle de fibrine sont généralement des techniques fiables. Les tubes de
plusieurs types de matériaux biodégradables et non biodégradables, synthétiques ou biologiques, ont été
utilisés avec succès dans un nombre limité d’application clinique pour ponter des pertes de substance
nerveuse. C’est une nouvelle approche dans la chirurgie reconstructive des nerfs périphériques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Durandeau A et Fabre T. Chirurgie des nerfs périphériques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales
– Orthopédie-Traumatologie, 44-075, 2001, 11 p.
44-075 Chirurgie des nerfs périphériques Techniques chirurgicales
IV
Classification des lésions nerveuses V
V BP
S
BP
ANATOMIE CHIRURGICALE IV
Le neurone constitue l’unité fonctionnelle de base de toute
l’organisation du système nerveux. Les neurones sont moteurs
A
sensitifs ou végétatifs. Les axones sont entourés de cellules de
Schwann d’origine ectodermique. Elles ont un rôle de nutrition pour DH JT
l’axone. Les axones des fibres nerveuses de petit calibre sont 1 Cartographie du nerf ulnaire au canal de Guyon et au poignet.
simplement entourés par le cytoplasme des cellules de Schwann
(fibre non myélinisée). contusion des extrémités nerveuses avec dilacération et perte de
Les axones des fibres nerveuses de gros calibre sont entourés d’un substance qui contre-indique une suture en urgence).
nombre variable de couches concentriques formant la gaine de Lors des traumatismes violents avec fracture, il existe des lésions
myéline [4]. Ces fibres sont dites myélinisées. Le nœud de Ranvier par compression, étirement, ischémie qui vont se surajouter à
sépare deux cellules de Schwann ; la vitesse de conduction nerveuse l’écrasement des tissus. Il existe souvent un épaississement épineural
est proportionnelle au diamètre de l’axone. avec névrome intraneural ou parfois un rétrécissement
Les fibres nerveuses sont groupées en fascicules, entité chirurgicale correspondant à une rupture d’une partie du tronc nerveux.
du nerf bien visible au microscope. Ces fascicules sont constitués On retrouve également des lésions nerveuses après plaies négligées
par un ensemble de fibres au sein d’un tissu conjonctif que l’on en raison de l’apparition d’un déficit moteur ou sensitif.
appelle l’endonèvre. Chaque fascicule est limité par le périnèvre qui
Seddon en 1943 a introduit une classification fonctionnelle décrivant
est une gaine conjonctive résistante, formant une véritable barrière
trois types de lésions nerveuses : la neurapraxie, l’axonotmésis et le
de diffusion. Ce périnèvre a un rôle mécanique de protection et il
neurotmésis.
sépare le milieu endoneural du tissu conjonctif périphérique que l’on
appelle l’épinèvre. Le nombre de fascicules varie considérablement Sunderland [56] développe la classification de Seddon en incluant le
en fonction du nerf et du niveau considéré. Les nerfs peuvent être premier degré lésionnel (neurapraxie), le second degré
monofasciculaires, oligofasciculaires (deux à dix fascicules) et (axonotmésis) et le neurotmésis comme cinquième degré. Le
polyfasciculaires (plus de dix fascicules) [43]. troisième degré correspond à une atteinte de l’endonèvre et le
quatrième degré correspond à une atteinte interfasciculaire sévère
L’intrication des fibres motrices, sensitives et végétatives est
du nerf où aucune régénération ne peut survenir. MacKinnon [61] a
complexe. L’ensemble du tissu conjonctif épineural, périneural et
décrit un sixième degré observé dans les lésions nerveuses en
endoneural occupe plus de la moitié de la surface de la section d’un
continuité. Il correspond à une mosaïque des cinq types de lésions
tronc nerveux (63 % pour le nerf médian au poignet, 71 % pour le
de Sunderland dans différents fascicules et à des niveaux variables
nerf sural). Il faut donc obligatoirement réséquer l’épinèvre des
sur le nerf (fig 2).
extrémités des greffons nerveux ou torons pour que la tranche de
section comporte le moins possible de tissu conjonctif comme l’avait
¶ Neurapraxie
proposé Narakas [44].
La topographie fasciculaire est extrêmement variable d’un sujet à Elle se réfère à un bloc de conduction local ; la continuité des axones
l’autre. Sunderland [56] a bien montré que le nerf a une structure est préservée ainsi que l’excitabilité des structures nerveuses en aval
plexiforme avec modification de la répartition axonale entre les de la lésion. La paralysie motrice est complète avec un respect
fascicules et les groupes fasciculaires. Il avait indiqué que la substantiel des fonctions sensitives et sympathiques. Cette lésion
structure fasciculaire changeait tous les 15 mm. S’il existe une grande correspond à un bloc de démyélinisation local. La récupération se
perte de substance nerveuse, les tranches de section ne sont pas fait dans des délais variables, pouvant aller jusqu’à 12 semaines.
identiques.
¶ Axonotmésis
En réalité, Jabaley [29] a montré que cette disposition se retrouvait à
la partie proximale des membres, mais à la partie distale, les Elle implique une perte de la continuité axonale au site lésionnel
fascicules sont individualisés en éléments moteurs ou sensitifs (il (étirement ou compression). La dégénérescence wallérienne du
faut donc avoir une bonne concordance fasciculaire pour espérer une segment distal est complète mais les tubes endoneuraux demeurent
bonne récupération après suture distale) (fig 1). intacts. Le temps de récupération correspond donc au temps mis
Sur le plan chirurgical, il n’y a pas de cartographie chirurgicale au par la régénération axonale pour atteindre les cibles motrices
niveau proximal car les fibres motrices et sensitives sont distales. Le signe de Tinel progresse à la vitesse de 1 mm/j. Les tubes
entremêlées. Au niveau distal, la cartographie est possible et elle endoneuraux guident la repousse axonale jusqu’aux cibles sensitives
permet l’affrontement des groupes fasciculaires moteurs ou sensitifs. ou motrices. L’endonèvre n’étant pas lésé et la membrane basale
des cellules de Schwann étant intacte, la récupération est en général
Les nerfs sont vascularisés par un système extrinsèque et intrinsèque
complète mais une lésion très proximale peut entraîner une
largement anastomosés avec une grande variabilité de la distribution
dénervation prolongée des organes terminaux cibles, entraînant une
vasculaire. Les vaisseaux abordent le nerf par le « mésonèvre » qui
limitation de la récupération fonctionnelle (par exemple muscles
relie l’épinèvre aux tissus conjonctifs ambiants. Lundborg [33, 34] a bien
intrinsèques de la main).
mis en évidence la sensibilité du nerf à l’étirement et l’existence de
véritables arcades longitudinales anastomosées entre elles.
¶ Troisième degré de lésion
L’axone est endommagé mais il y a également des lésions
LÉSIONS NERVEUSES endoneurales. Le périnèvre demeure intact. La récupération est donc
Les lésions des nerfs périphériques résultent de sections nerveuses variable et peu prédictible. La récupération est toujours incomplète
par arme blanche, vitre, verre, scie ou tronçonneuse (il existe une car un certain nombre de fibres sont englobées et perdues dans la
2
Techniques chirurgicales Chirurgie des nerfs périphériques 44-075
2 3 2 Classification de Sunderland.
1. Vaisseau ; 2. myéline ; 3. axone ; 4. périnèvre ; 5. épinèvre ; 6. endonèvre.
a. Nerf normal ; b. Sunderland I ou neurapraxie (disparition de la myéline, présence des fas-
4 cicules) ; c. Sunderland II ou axonotmésis (disparition de la myéline et des fascicules,
conservation des tubes endoneuraux) ; d. Sunderland III (disparition des tubes endoneu-
raux, le périnèvre est respecté) ; e. Sunderland IV (disparition du périnèvre, l’épinèvre est
5
respecté) ; f. Sunderland V (perte de la continuité du nerf).
1 6
b c
e
f
JT
cicatrice fibreuse endoneurale. La membrane basale originelle des ¶ Segment nerveux distal
cellules de Schwann étant lésée, une mauvaise orientation des fibres
vers les récepteurs sensitifs ou moteurs est possible. La récupération À partir d’une lésion de degré 2, un processus dégénératif apparaît,
est donc très variable en fonction du degré de cicatrisation appelé dégénérescence wallérienne. Ce phénomène commence à
endoneurale et du type du nerf, plus ou moins moteur ou sensitif. partir de la lésion et s’étend distalement avec dégradation de la
membrane myélinique et des axones. Les cellules de Schwann
¶ Quatrième degré de lésion prolifèrent et phagocytent la myéline et les débris axonaux. Les
tubes endoneuraux formés à partir de la lame basale des cellules de
Le nerf est en continuité grâce à son épinèvre, mais il existe une Schwann rétrécissent progressivement en diamètre. Ils vont former
véritable cicatrice au site lésionnel, avec une perte de la continuité
des colonnes de cellules de Schwann appelées « bandes de
du périnèvre. Après la dégénérescence wallérienne du bout distal,
Büngner ». L’extrémité proximale du moignon distal contient des
la régénération des fibres nerveuses va se trouver bloquée par la
cellules de Schwann et des fibroblastes épineuraux et cela aboutit à
cicatrice lésionnelle, entraînant la formation d’un névrome
intranerveux. la formation d’un gliome si le nerf n’est pas réparé.
La percussion du site lésionnel donne des paresthésies dans le
territoire sous-jacent mais il n’y a pas de progression vers la partie RÉGÉNÉRATION NERVEUSE (YOUNG-MACKINNON)
distale. La récupération ne peut être obtenue qu’après réparation
nerveuse par suture ou greffe. Les substances produites à l’intérieur du corps cellulaire vont être
utilisées pour reconstruire l’axone endommagé. Elles vont aboutir
¶ Neurotmésis au site lésionnel en utilisant les deux systèmes du transport
axoplasmique lent et rapide.
Elle se caractérise par une rupture totale du nerf ou une destruction
La régénération nerveuse se présente sous forme d’un cône de
de sa structure interne (périnèvre et tubes endoneuraux). La
désorganisation de la structure interne nécessite une réparation croissance avec à son extrémité de multiples prolongements qui
nerveuse pour obtenir une récupération fonctionnelle par suture ou constituent des unités régénérantes. Ces fibres sont secondairement
par greffe. remyélinisées. Les cellules de Schwann sont intimement associées
aux unités de régénération et elles servent de guide. Les bourgeons
axonaux vont tenter de pousser distalement dans les anciens tubes
DÉGÉNÉRESCENCE NERVEUSE endoneuraux mais également dans de nouveaux tubes endoneuraux
(YOUNG-MACKINNON) [61] fabriqués par les cellules de Schwann. Si ces fibres établissent un
contact distal approprié, une maturation se produit alors que les
¶ Segment nerveux proximal
fibres qui n’ont pas établi de contact tendent à se détériorer. Le
Les modifications dégénératives apparaissent sur une distance neurotropisme influence la direction de la régénération nerveuse car
variable, le long de la portion proximale du nerf ; l’étendue de la l’axone a la capacité de modifier sa direction et de régénérer vers
dégénérescence traumatique est directement proportionnelle à la une cible appropriée en réponse à la libération de facteurs
sévérité de la lésion. Une évaluation exacte de la dégénérescence trophiques par le site cible. La vitesse de régénération est de 1 mm/j
rétrograde ne peut pas être faite avant plusieurs jours, sauf si on a en moyenne. Cette vitesse varie avec le mécanisme de la lésion, l’âge
une section franche. Les cellules de Schwann et les fibroblastes et l’espèce considérée. La plaque motrice du muscle reste intacte
épineuraux prolifèrent et aboutissent à une formation cicatricielle. pendant 1 an environ après dénervation. Les axones régénèrent vers
La régénération axonale peut être emprisonnée au sein de cette les plaques motrices originales mais aussi vers de nouvelles plaques
cicatrice formant un névrome cicatriciel. motrices. Les récepteurs sensitifs tolèrent bien une longue période
Lors de la recoupe nerveuse proximale pour réparer le nerf, il faut de dénervation, ce qui explique qu’une sensibilité de protection peut
avoir des fascicules normaux, ce qui oblige à effectuer plusieurs être retrouvée des années après une lésion nerveuse. La régénération
recoupes successives afin de ne pas avoir un tissu cicatriciel. d’un nerf périphérique aboutit fréquemment à un résultat incomplet.
3
44-075 Chirurgie des nerfs périphériques Techniques chirurgicales
4
Techniques chirurgicales Chirurgie des nerfs périphériques 44-075
8 Suture épineurale.
5
44-075 Chirurgie des nerfs périphériques Techniques chirurgicales
14 Résection progressive
du névrome proximal afin
d’obtenir des fascicules
mais sans fibrose épineu-
11 Suture épipérineurale. rale.
6
Techniques chirurgicales Chirurgie des nerfs périphériques 44-075
15 Retournement des torons du nerf sural pour éviter la fuite des axones par les
collatérales.
17 Greffe nerveuse par quatre torons du nerf radial au bras avec trois fils de suture
9/0 à chaque extrémité associés à un fibrinocollage.
7
44-075 Chirurgie des nerfs périphériques Techniques chirurgicales
19 Fibrinocollage com-
plémentaire après suture.
8
Techniques chirurgicales Chirurgie des nerfs périphériques 44-075
site de la suture, ce qui faciliterait par ailleurs une absorption une terminaison nerveuse atteint un muscle dénervé car il a une
sélective du rayon laser et diminuerait les risques de lésions sensibilité diffuse sur l’ensemble de sa surface à l’acétylcholine [11].
nerveuses induites par la chaleur. Lorsqu’il existe une avulsion des branches terminales du nerf dans
un muscle, il est possible d’effectuer cette neurotisation en divisant
[59]
le plus grand nombre de fascicules du greffon et en introduisant ces
ANASTOMOSES LATÉRALES SELON VITERBO
fascicules dans le muscle sur la plus grande surface possible en
Après une expérimentation sur le rat, Viterbo a proposé de réaliser superficie et en profondeur. On suture ensuite chaque fascicule au
des anastomoses latérales. Il arrive ainsi à obtenir une régénération fascia musculaire.
du nerf anastomosé avec réinnervation musculaire. Il a utilisé cette
technique pour les paralysies faciales mais de nombreuses
applications sont possibles, notamment pour les nerfs collatéraux SUBSTITUTS NERVEUX
des doigts, lorsqu’il existe une perte de substance. On anastomose
le collatéral sur le collatéral controlatéral. ¶ Matériaux
Cela permet d’obtenir une sensibilité de protection de la pulpe [58]. De très nombreux conduits d’aide à la repousse nerveuse ont été
utilisés depuis la fin du XIXe siècle. Ainsi, des guides d’origine
biologique ou synthétique, résorbables ou non, ont été à l’origine
AUTOGREFFES NERVEUSES VASCULARISÉES d’une importante recherche expérimentale avec des applications
Lorsque les tissus sont scléreux et dévascularisés avec une trophicité cliniques encore limitées pour les pertes de substance étendues des
médiocre, il vaut mieux utiliser une greffe vascularisée mais cette gros troncs nerveux [24]. Le principe de base de ces substituts est de
technique ne s’adresse qu’à des cas bien précis. guider la régénération nerveuse par une technique d’intubation des
Strange [54] réalisait sa greffe en deux temps en anastomosant le tronc extrémités du nerf à greffer dans le neuroguide.
du nerf ulnaire au nerf médian proximal et, dans un deuxième Les substituts biologiques autologues qui ont donné les meilleurs
temps, il effectuait l’anastomose distale entre le nerf ulnaire résultats sont les veines [55] et le muscle strié dénaturé qui peuvent
revascularisé et le nerf médian (quatrième au sixième mois). être utilisés séparément ou sous forme d’implant composite [15, 26].
En présence de lésions plurinerveuses au bras avec une longue perte Les greffes nerveuses à l’aide de ces substituts d’origine biologique
de substance sur plusieurs nerfs, il faut privilégier la réparation du donnent des résultats fonctionnels satisfaisants pour les petites
nerf médian en utilisant le nerf cubital comme greffon vascularisé, pertes de substance nerveuses (inférieures à 30 mm) des nerfs
le plus souvent pédiculé sur son artère collatérale. Il est possible de digitaux [37]. En revanche, les résultats restent inférieurs à ceux des
combler ainsi une perte de substance de 15 cm. Pour les longues greffes conventionnelles pour les pertes de substance des nerfs
pertes de substance du sciatique, au tiers inférieur de la cuisse, on mixtes supérieures à 40 mm.
privilégie la réparation du nerf tibial postérieur en utilisant le nerf Les substituts d’origine synthétique font l’objet de nombreux
fibulaire commun pédiculé [47]. travaux de recherche actuellement. Une grande variété de matériaux
Dans des séquelles de syndrome de loge [23], il est possible d’utiliser résorbables ont été utilisés pour élaborer des guides de repousse
le nerf sural vascularisé libre ou le nerf cutané médial de l’avant- nerveuse [8, 18, 21, 49, 50]. Néanmoins, les caractéristiques physico-
bras vascularisé [ 1 6 ] mais ces techniques sont d’indication chimiques des conduits résorbables [36] influencent notablement la
exceptionnelle car l’orientation actuelle se fait plutôt vers un repousse axonale (composition chimique, pureté, porosité,
lambeau musculaire assurant un apport vasculaire local pour une épaisseur...). Les applications cliniques utilisant ce type de matériaux
greffe nerveuse classique. restent encore limitées [35, 53] et les résultats semblent inférieurs aux
greffes nerveuses autologues pour les grandes pertes de substance
Le prélèvement du nerf ulnaire vascularisé se fait à deux niveaux : nerveuses.
– au bras, dans sa portion vascularisée par le pédicule
artérioveineux huméral collatéral interne et supérieur. On obtient ¶ Technique chirurgicale
un greffon de 15 à 20 cm de long ;
Le guide d’aide à la repousse nerveuse synthétique ou biologique
– à l’avant-bras, dans sa portion vascularisée par l’artère récurrente doit avoir un diamètre interne supérieur au diamètre externe du
ulnaire. Il est possible d’avoir un greffon de 20 cm. nerf à greffer afin d’éviter tout risque de rétrécissement de chacune
Au bras, il faut repérer l’artère collatérale interne supérieure qui naît des deux extrémités du nerf. Les deux moignons nerveux doivent
d’un à quatre travers de doigt sous le tendon du muscle grand être minutieusement préparés pour pouvoir être introduits sur 3 à
pectoral à un niveau variable. La dissection est réalisée de proximal 5 mm dans le guide sans interposition de tissu conjonctif. Les points
en distal et emporte en bloc artère, veine et nerf ulnaire avec les d’amarrage (monofil 9/0 ou 10/0) passent dans le guide de dehors
tissus graisseux adjacents. Les branches allant au muscle vaste en dedans (entre 3 et 5 mm du bord libre) puis en épipérineural
médial sont ligaturées. À la partie moyenne du bras, il faut dans le moignon du nerf et de nouveau dans le guide de dedans en
sectionner la cloison intermusculaire interne. On obtient ainsi un dehors pour être noués à l’extérieur du guide.
long greffon que l’on peut disséquer jusqu’au coude. Le muscle strié peut être dénaturé [26, 38] soit par congélation (azote
À l’avant-bras, le nerf ulnaire et l’artère ulnaire ont un trajet parallèle liquide, cryospray) suivie d’une décongélation en milieu
sur une longueur de 15 à 20 cm. L’artère ulnaire est sectionnée après hypotonique à température ambiante, soit par la chaleur à l’aide de
ligature dans le canal de Guyon. La dissection se poursuit de façon micro-ondes (250 W, 100 à 120 s). Il faut obtenir un greffon de la
rétrograde en y incluant une ou deux veines concomitantes et en taille de la perte de substance du nerf en tenant compte de la
réalisant l’hémostase de petits vaisseaux. rétraction du greffon induite par ces traitements. Après
dénaturation, les myofibrilles sont détruites et la régénération
Ces deux types de greffes ne sont utilisés que dans les lésions médio-
nerveuse va s’effectuer à l’intérieur des membranes basales du
ulnaires avec perte de substance importante ne permettant pas la
muscle qui rappelle l’organisation des tubes endoneuraux.
réparation des deux nerfs par greffe. Le nerf ulnaire vascularisé sert
à réparer le nerf médian.
¶ Perspectives
Le concept d’organes bioartificiels développé ces dernières années
NEUROTISATIONS INTRAMUSCULAIRES semble particulièrement adapté au modèle de la lésion nerveuse
Un muscle normalement innervé ne peut accepter une nouvelle périphérique. L’ensemencement de guides avec des cellules de
innervation mais un muscle dénervé peut accepter de nouvelles Schwann autologues [3, 12, 20, 21], l’incorporation dans les parois des
innervations ; des plaques motrices peuvent se former à l’endroit où matériaux résorbables de microcapsules contenant des facteurs de
9
44-075 Chirurgie des nerfs périphériques Techniques chirurgicales
croissance neuronaux ou le recours à des cellules modifiées par Les résultats sont variables suivant le nerf lésé et la technique
thérapie génique [27, 28] permettent d’imaginer un guide capable de utilisée.
faciliter la régénération nerveuse pour de grandes pertes de À l’épaule : la suture secondaire du nerf axillaire nous donne plus
substance. de 90 % de bons et très bons résultats car ce nerf est essentiellement
moteur et le site lésionnel est proche des effecteurs. Les autogreffes
nerveuses entraînent 80 % de bons et très bons résultats.
ALLOGREFFES
Au bras : Alnot obtient par suture ou par greffe 70 % de bons ou
Il est possible d’utiliser des allogreffes congelées (MacKinnon) mais
très bons résultats. Les lésions proximales du nerf médian et du nerf
cette technique nécessite un traitement immunosuppresseur au long
ulnaire donnent 70 % de bons résultats après suture primitive, 60 %
cours qui risque d’induire des effets secondaires néfastes sur
de bons résultats après suture secondaire et 42 % de bons résultats
différents parenchymes.
après autogreffe nerveuse.
Personnellement, nous ne pensons pas avoir le droit d’utiliser ces
Au poignet : les lésions distales du nerf médian et du nerf ulnaire
substances immunosuppressives alors que les greffes nerveuses
ne permettent que 50 % de récupération supérieure à M3 S3. Il
autologues ou les substituts nerveux associés à des greffes de
persiste 12 % de signes irritatifs à type causalgique et 30 %
cellules de Schwann peuvent donner des résultats identiques.
d’intolérance au froid.
À la main : la récupération après suture des nerfs collatéraux donne
NEUROLYSE DE LA SUTURE 13 à 20 % de très bons résultats et 28 à 74 % de bons résultats suivant
Si la plaie a été franche et la suture réalisée par un chirurgien les séries [58]. La greffe des nerfs collatéraux ne donne un résultat
habitué aux sutures microchirurgicales avec un temps favorable qu’une fois sur deux et la longueur de la greffe influe sur
d’immobilisation correct, il n’y a pas d’argument pour reprendre une les résultats.
suture réalisée dans de telles conditions. La reprise, même tardive, La greffe veineuse donne 66 % de bons résultats pour une perte de
est légitime lorsque les résultats moteurs et sensitifs sont nuls mais substance entre 1 et 3 cm. Les greffes musculaires et les tubes en
si le blessé a retrouvé une sensibilité de protection au bout de 1 an, acide polyglycolique ne permettent un bon résultat qu’une fois sur
il vaut mieux s’abstenir, même si on a un résultat médiocre car le trois.
patient a épuisé une grande partie de sa capacité de régénération et Au genou : les réparations du nerf péronier commun donnent 64 %
remplacer une suture primitive par une greffe fasciculaire tardive ne de bons et très bons résultats mais, dans les laxités aiguës, le
lui donnera pas un meilleur résultat. pourcentage tombe à seulement 36 % de bons et très bons résultats
Si, en revanche, le patient n’a pas bénéficié de l’expérience d’un car il existe des lésions multiples sur le nerf.
chirurgien habitué à cette pathologie, il est légitime de réaliser une
nouvelle intervention, la plus précoce possible (quelques semaines),
surtout si on ne constate pas une progression du signe de Tinel à FACTEURS INFLUENÇANT LA RÉCUPÉRATION
deux examens successifs. L’examen électrique est peu utile pour – Âge : avant 10 ans, la récupération est le plus souvent complète
prendre une décision, sauf s’il montre une réinnervation du premier (90 %) alors qu’entre 10 et 20 ans, on n’obtient que 75 % de
muscle effecteur devant être réinnervé. récupération favorable. Entre 20 et 50 ans, on n’obtient que 50 à
70 % de récupération et au-dessus de 50 ans, les résultats sont
médiocres, les sujets jeunes ayant plus de capacités de réorganisation
Évaluation des résultats et facteurs de leur cortex.
pronostiques des réparations – Niveau de la lésion : les lésions proximales avec des effecteurs
éloignés ont peu de chances de récupération. Les traumatismes
nerveuses distaux ont un meilleur pronostic.
– Temps : les réparations effectuées avant 6 mois ont un meilleur
ÉVALUATION DES RÉSULTATS pronostic, après 12 mois les chances de récupération sont très
La réapparition d’une contraction musculaire volontaire est précédée inférieures.
par la récupération du tonus et de la sensibilité musculaire. La force Le mécanisme a une importance considérable. Les traumatismes
de contraction est cotée selon les critères du Medical Research sévères sont souvent associés à des lésions vasculaires, à des lésions
Council (MRC) de M0 à M5. La récupération motrice est en général musculaires graves et à des fractures comminutives. Il en est de
lente et sa valeur dépend du nombre d’axones régénérés et de la même pour les lésions par balle à haute énergie.
qualité des fibres musculaires. La récupération des nerfs sensitifs a un meilleur pronostic que les
Après 3 ans ou lorsque l’on n’obtient plus de fibrillation à l’examen lésions des nerfs moteurs et les nerfs moteurs ou sensitifs ont une
électrique, il est illusoire de pouvoir espérer une réinnervation. meilleure récupération que les nerfs mixtes.
Le retour de la sensibilité est long et il peut s’échelonner sur 2 à Les sutures sans tension ont un meilleur pronostic que les greffes
3 ans en fonction du site lésionnel. La sensibilité de protection va nerveuses car il n’y a qu’une seule ligne de suture.
progressivement être remplacée par une sensibilité discriminative. Les longues pertes de substance nerveuse, supérieures à 12 cm, ont
Les tests vibratoires et de reconnaissance d’objets apportent une aide un pronostic médiocre car la récupération est proportionnelle au
dans l’analyse de la réinnervation sensitive qui est cotée de S0 à S4 nombre d’axones qui passent et nous ne disposons pas de
(critères du MRC). suffisamment de torons pour effectuer la réparation.
L’intolérance au froid doit également être notée.
La surveillance de la réinnervation se fait par l’étude du signe de
Tinel qui doit progresser de la partie proximale à la partie distale à Conclusion
la vitesse de 1 mm/j en moyenne. La recherche de ce point excitable
doit être effectuée en percutant le trajet du nerf depuis l’extrémité La réparation des lésions traumatiques des nerfs périphériques pose de
du membre en remontant vers la partie proximale. nombreux problèmes plus physiopathologiques que techniques. On
L’examen électrique de contrôle ne doit pas être effectué trop connaît mieux les phénomènes qui accompagnent une section nerveuse.
précocement (4 mois pour le nerf médian et le nerf cubital au Les faisceaux de régénération vont permettre la recolonisation de
poignet et 6 mois pour les autres nerfs). l’extrémité distale du nerf jusqu’aux effecteurs musculaires ou cutanés.
10
Techniques chirurgicales Chirurgie des nerfs périphériques 44-075
Les techniques de réparation microchirurgicale des nerfs par suture, fonctionnement de la cellule de Schwann. On peut espérer la
greffe ou colle biologique permettent de diminuer les phénomènes de constitution de banques de nerfs ou de substituts nerveux capables de
prolifération du tissu conjonctif. La recherche doit essayer de stimuler remplacer la greffe nerveuse conventionnelle mais cela ne pourra être
cette régénération nerveuse grâce à une meilleure connaissance du apprécié qu’en fonction des résultats cliniques.
Références
[1] Almquist EE. Nerve repair by laser. Orthop Clin North Am [21] Fabre T, Schappacher M, Bareille R, Dupuy B, Soum A, [42] Meyer VE, Namoli B, Lassmann H. The surgical cut surface
1988 ; 19 : 201-208 Bertrand-Barat Jet al. Study of a trimethylenecarbonate-co- of peripheral nerves. Int J Microsurg 1980 ; 2 : 187-192
[2] Alnot JY. Les différentes possibilités thérapeutiques : suture (-caprolactone polymer (Part 2): in vitro cytocompatibility
analysis and in vivo ED1 cell reponse of a new nerve guide. [43] Millesi H, Terzis JK. Problems of terminology in peripheral
directe, greffe nerveuse, neurolyse. In : Les lésions trauma- nerve surgery. Microsurgery 1983 ; 4 : 51-56
tiques des nerfs périphériques. Paris : Expansion Scientifi- Biomaterials 2001 ; 22 : 2957-2958
que Française, 1997 : 48-56 [22] Gilbert A. Colle biologique. Arguments expérimentaux et [44] Narakas AO. The use of fibrine glue in repair of peripheral
cliniques. Ann Chir Main 1989 ; 8 : 299-301 nerves. Orthop Clin North Am 1988 ; 19 : 187-189
[3] Ansselin AD, Fin T, Davey DF. Peripheral nerve regenera-
tion through nerve guides seeded with adult Schwann [23] Gilbert A. Vascularized sural nerve graft. Clin Plast Surg [45] Narakas AO. Compressions and traction neuropathies
cells. Neuropathol Appl Neurobiol 1997 ; 23 : 387-398 1984 ; 11 : 73-77 about the shoulder and arm. In : Operative nerve repair and
[4] Antoine JC. Anatomie et physiologie du nerf périphérique. reconstruction. Philadelphia : JB Lippincott, 1991 :
[24] Guinard D. Substituts des nerfs utilisés comme greffons. In : 1165-1166
Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
Cahiers d’enseignement de la société de chirurgie de la
SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-005-A-10, 1999 : 1-4 [46] Noble J, Munro CA, Prasad U, Midha R. Analysis of upper
main. Paris : Expansion Scientifique Française-Elsevier,
[5] Bertelli JA, Mira JC. Nerve repair using freezing and fibrin 2000 : 65-79 and lower extremity peripheral nerve injury in a population
glue wrapping. Immediate histology improvement of of patients with multiples injuries. Trauma 1998 ; 45 :
axonal coaptation. Microsurgery 1993 ; 14 : 135-140 [25] Haas HG. A method to reduce tension at the suture site. 116-121
J Reconstr Microsurg 1996 ; 12 : 317-320
[6] Bonnel F. Nerfs périphériques. Anatomie et pathologie chi- [47] Oberlin C, Alnot JY, Comtet JJ. Les greffes nerveuses tron-
rurgicale. Paris : Masson, 1989 : 1-19 [26] Hall S. Axonal regeneration through acellular muscle grafts. culaires vascularisées. Techniques et résultats de 27 cas.
[7] Bonney G, Birch R, Jamieson AM, Eames RA. Experience J Anat 1997 ; 190 : 57-71 Ann Chir Main 1989 ; 8 : 316-323
with vascularised nerve graft. Clin Plast Surg 1984 ; 11 : [27] Heath CA, Rutkowski GE. The development of bioartificial
137-142 [48] Oberlin C, Teboul F, Touam C. Voies d’abord des nerfs du
nerve grafts for peripheral nerve regeneration. Trends Bio-
membre supérieur. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques
[8] Borkenhagen M, Stoll RC, Neuenschwander P, Suter UW, technol 1998 ; 16 : 163-168
et Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales
Aebisher P. In vivo performance of a new degradable poly- [28] Hudson TW, Evans GR, Schmidt CE. Engineering strategies – Orthopédie-Traumatologie, 44-225, 2001 : 1-20
ester urethane system as nerve guidance channel. Bioma- for peripheral nerve repair. Clin Plast Surg 1999 ; 26 :
terials 1988 ; 19 : 2155-2165 617-668 [49] Perego G, Cella GD, Aldini NN, Fini M, Giardino R. Prepa-
ration of a new guide from a poly (L-Lactide-co-6-
[9] Bourrel P, Ferro RM, Lorthior JM. Résultats cliniques com- [29] Jabaley ME. Internal topography peripheral nerves as caprolactone). Biomaterials 1994 ; 15 : 189-193
parés des sutures nerveuses « mixtes » épipérineurales et related to repair. In : Operative nerve repair and reconstruc-
des sutures névrilemmantiques. À propos d’une série de tion. Philadelphia : JB Lippincott, 1991 : 231-240 [50] Rosen JM, Padilla JA, Nguyen KD, Siedman J, Pham HU. Arti-
190 cas de plaies des nerfs de la main. Sem Hôp Paris 1981 ; ficial nerve graft using glycolide trimethylene carbonate as
57 : 2015-2023 [30] Koshima I, Okumoto K, Umedan, Moriguchi T, Ishii R, a nerve conduit filled with collagen compared to sutured
[10] Breidenbach WP, Terzis JK. The anatomy of free vascu- Nakayama Y. Free vascularized deep peroneal nerve grafts. autograft in a rat model. J Rehabil Res Dev 1992 ; 29 : 1-12
larised nerve grafts. Clin Plast Surg 1984 ; 11 : 11-65 J Reconstr Microsurg 1996 ; 12 : 131-141
[51] Schoofs M. L’usage de la colle biologique en microchirur-
[11] Brunelli G. Les neurotisations musculaires directes. Ann Chir [31] Kuderna H. Fibrin Kleber System Nervenklebung. Dtsch gie de la main. Ann Chir Plast Esthét 1999 ; 44 : 132
Main 1989 ; 8 : 324-328 Zahn Mund Kiefer u-Gesichts Chirurg 1979 ; 3 : 325-355
[52] Stancic MF, Mikocic V, Potocnjak M, Drajanic P, Sasso A,
[12] Bryan DJ, Wang KK, Chalakis-Haley D. Effects of Schwann [32] Lauto A, Dawes JM, Piper JA, Owen ER. Laser nerve repair by MacKinnon SE. The value of an operating microscope in
cells in the enhancement of peripheral nerve regeneration. solid protein band technique. Microsurgery 1998 ; 18 : peripheral nerve repair. Int Orthop 1998 ; 22 : 107-110
J Reconstr Microsurg 1996 ; 12 : 439-446 60-64
[53] Stanec S, Stanec Z. Reconstruction of upper extremity
[13] Bunge RP. The role of the Schwann cells in trophic support [33] Lundborg G. Nerve injury and repair. Edinburgh : Churchill peripheral nerve injuries with PTFE conduits. J Reconstr
and regeneration. J Neurol 1994 ; 241 : 19-21 Livingstone, 1988 : 32-63 Microsurg 1998 ; 14 : 227-232
[14] Chaise F. Les plaies des nerfs collatéraux palmaires des [34] Lundborg G, Dahlin LB. Structure and function of peri-
doigts. In : Les lésions traumatiques des nerfs périphéri- [54] Strange FG. An operation for nerve pedicle grafting. Br J
pheral nerve. In : Operative nerve repair and reconstruc- Surg 1947 ; 34 : 423-425
ques. Paris : Expansion scientifique française, 1997 : tion. Philadelphia : JB Lippincott, 1991 : 3-18
106-114 [55] Strauch B, Ferder M, Lovelle-Allen S, Moore K, Kim DJ, Llena
[15] Colonna M, Anastasi GP, Cavallaro G, Signorini M, Toma- [35] MacKinnon SE, Dellon AL. Clinical nerve reconstruction
J. Determining the maximal length of a vein conduit used
sello F. Nerve regeneration through autogenous vein with a bioabsorbable polyglycolic acid tube. Plast Reconstr
as an interposition graft for nerve regeneration. J Reconstr
grafts: an SEM evaluation. J Reconstr Microsurg 1996 ; 12 : Surg 1990 ; 85 : 419-424
Microsurg 1996 ; 12 : 521-527
205-210 [36] Mainil-Varlet P, Gogolewski S, Neuewenhuis P. Long-term
soft tissue reaction to various polylactides and their in vivo [56] Sunderland S. Nerves and nerves injuries. New York : Chur-
[16] Comtet JJ, Bertrand HG, Condamine JL, Herzberg G. Greffe chill Livingstone, 1978 : 133-141
vascularisée du nerf brachial cutané interne à l’avant-bras. degradation. J Mater Sci Mater Med 1996 ; 7 : 713-721
In : Nerfs périphériques. Le membre supérieur. Paris : [37] Malizos KN, Dailiana ZH, Anastasiou EA, Sarmas I, Souca- [57] Travers V, Apoil A. La suture laser. Étude expérimentale.
Masson, 1990 : 169-172 cos PN. Neuromas and gaps of sensory nerves of the hand: Ann Chir Main 1989 ; 8 : 312
[17] de Medinaceli L, Merle M. Applying cell surgery to nerve management using vein conduits. Am J Orthop 1997 ; 26 : [58] Tropet Y. Réparation des nerfs digitaux. Techniques. Résul-
repair. A preliminary report of the first ten human cases. 481-485 tats. Indications. In : Cahiers d’enseignement de la société
J Hand Surg Br 1991 ; 16 : 499-503 [38] Meek MF, den Dunnen WF, Schakenraad JM, Robinson PH. française de chirurgie de la main. Paris : Elsevier, 2000 :
[18] den Dunnen WF, Van der Lei B, Robinson PH, Holwerda A, Evaluation of functionnal recovery after nerve reconstruc- 47-63
Pennings AJ, Schakenraad JM. Biological performance of a tion with a poly (DL-Lactide-epsilon-caprolactone) nerve [59] Viterbo F, Trindade JC, Hoshino K, Mazzoni A. Two end to
degradable poly (lactic acid-e-caprolactone) nerve guide: guide filled with modified denatured muscle tissue. Micro- side neurorraphies and nerve graft with removal of the
Influence of tube dimensions. J Biomed Mater Res 1995 ; 29 : surgery 1996 ; 17 : 555-561 epineural sheath. Br J Plast Surg 1994 ; 47 : 75-80
755-766
[39] Menovsky T, Beek JF, Thomsen SL. Laser (assisted) nerve [60] Wilgis EF. Nerve repair and grafting. In : Green DP ed.
[19] Egloff DV, Narakas A. Anastomoses nerveuses par fibrino- repair. A review. Neurosurg Rev 1995 ; 18 : 225-235
collage. Rapport préliminaire. Ann Chir Main 1983 ; 2 : Operative hand surgery. New York : Churchill Livingstone,
101-105 [40] Merle H, Dautel G. Vascuralised nerve grafts. J Hand Surg Br 1988 : 1385-1393
1991 ; 16 : 483-488
[20] Fabre T. Contribution à l’élaboration de biomatériaux [61] Young PK, MacKinnon SE. Dégénérescence et régénéra-
hybrides dans le cadre de la réparation de pertes de subs- [41] Merle M. Plaies des nerfs périphériques. Une véritable tion nerveuse. In : Les lésions traumatiques des nerfs péri-
tance nerveuse périphérique. [thèse]. Université Victor urgence. In : Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Paris : phériques. Paris : Expansion Scientifique Française, 1997 :
Segalen Bordeaux 2, 1999 Expansion Scientifique Française, 1987 : 371-380 16-26
11
44-078
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-078
Introduction Les localisations électives des syndromes des loges sont les
extrémités des membres (avant-bras, main, jambe et pied) en raison
de la constitution bien définie de loges ostéofibreuses à ces niveaux.
Il est à présent clairement établi que le syndrome des loges est une Cependant, les syndromes des loges aigus peuvent survenir dans
entité regroupant les manifestations cliniques diverses d’une des circonstances inhabituelles. Nous citerons comme exemples le
situation conflictuelle entre un contenant peu extensible, la loge, et syndrome des loges à la jambe résultant d’une fracture des plateaux
un contenu extensible, le muscle [9] ; l’augmentation de pression à tibiaux ou du pilon tibial [42] et les syndromes des loges intéressant
l’intérieur de la loge réduit le flux capillaire et compromet la viabilité isolément une loge ou un muscle comme la loge postérieure
des tissus. La souffrance tissulaire est avant tout une anoxie profonde de jambe dans le cas particulier d’une fracture de jambe
musculaire mais les axes nerveux qui cheminent à l’intérieur de la peu déplacée [37], la loge médiale du pied dans une fracture du
loge peuvent également souffrir par un double mécanisme calcanéus [35] , le muscle carré pronateur dans une fracture de
d’ischémie et de compression, responsable de déficits moteurs et l’extrémité inférieure du radius [71]. En réalité, tout traumatisme des
sensitifs. La notion cruciale d’augmentation de pression dans un membres ou des ceintures est susceptible d’induire un syndrome
espace clos et la réversibilité jusqu’à un certain stade des lésions des loges [1, 2, 6, 28, 41, 52, 55, 74, 82], ce qui justifie une attitude de vigilance
musculaires et nerveuses justifient amplement les interventions extrême et systématique vis-à-vis de cette redoutable complication.
chirurgicales de décompression par fasciotomie en l’absence
desquelles l’évolution se fait vers la fibrose aseptique ou la nécrose
infectieuse. La possibilité d’évolutions dramatiques, pouvant mener Principes de traitement des syndromes
à l’amputation d’un membre, est l’occasion d’insister sur des loges aigus
l’importance de la formation des médecins et du personnel soignant,
dans la détection et la prévention d’un syndrome des loges aigu. La décompression chirurgicale que réalise une fasciotomie est le seul
moyen de réduire la pression à l’intérieur d’une loge et de préserver
la viabilité des tissus.
Alain Charles Masquelet : Professeur des Universités, service de chirurgie orthopédique, traumatologique et Le diagnostic d’un syndrome des loges aigu repose sur des
réparatrice, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France. symptômes et des signes cliniques : la douleur spontanée - souvent
Toute référence à cet article doit porter la mention : Masquelet AC. Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-078, 2001, 18 p.
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
sans commune mesure avec le traumatisme initial ou l’intervention – La fasciotomie doit intéresser toute l’étendue de la loge. Une
antérieure -, l’augmentation de volume des parties molles, la fasciotomie incomplète ne permet pas la décompression de la totalité
palpation douloureuse d’une loge définie. Les manœuvres de la loge et accentue, en revanche, la souffrance tissulaire par la
d’étirements musculaires sont en général suffisantes lorsqu’elles sont production d’une hernie musculaire.
douloureuses pour affirmer l’existence d’un syndrome des loges – Le seul moyen d’être sûr de réaliser une fasciotomie complète est
aigu. La constatation d’une souffrance nerveuse distale est déjà une de faire une longue incision cutanée sur toute l’étendue de la loge.
indication opératoire. Plus que le chiffre brut de la pression Les fasciotomies sous-cutanées doivent être proscrites ; elles
intratissulaire, dont la mesure nous paraît désormais obligatoire, exposent au risque de lésion des nerfs superficiels et des muscles
c’est la notion de seuil critique différentiel qui semble pertinente car sous-jacents, avec la formation d’hématomes susceptibles d’accroître
plus adaptée à chaque cas clinique [26, 32, 43]. encore la pression intratissulaire.
Il est admis actuellement qu’une pression différentielle inférieure à
30 mmHg confirme l’indication d’une fasciotomie (D = pression – Les tunnels fibreux, lieu de passage des troncs nerveux à l’entrée
diastolique – pression de la loge). et à la sortie des loges, doivent être systématiquement ouverts
(tunnel carpien au poignet, tunnel tarsien à la cheville).
Il ne faut pas craindre de répéter que seule la décompression
chirurgicale permet l’expansion nécessaire du contenu d’une loge – L’incision cutanée ne doit pas être refermée immédiatement en
soumise à une hyperpression. Chacune des enveloppes entourant le regard de la loge. Un procédé de resserrement progressif des berges
muscle peut jouer un rôle dans la genèse ou le maintien d’une permet dans la majorité des cas d’aboutir à une suture linéaire
pression élevée. secondaire qui évite les effets fonctionnels et esthétiques négatifs des
– Le plâtre et les pansements serrés ont été initialement incriminés greffes de peau.
comme seuls responsables de la compression. En réalité, un plâtre, Seules les incisions cutanées placées en regard des nerfs libérés
par une compression localisée résultant d’une malfaçon, peut peuvent et doivent être suturées de première intention.
induire une souffrance musculaire génératrice d’un œdème local.
Quoi qu’il en soit, la simple section du plâtre ne suffit jamais à
assurer la décompression d’une loge dont le seuil critique de Traitement chirurgical des syndromes
pression a été dépassé. des loges aigus du membre supérieur
– La peau, dans certaines situations, peut constituer un facteur
limitant l’expansion complète du contenu de la loge après la Une place prépondérante est ici accordée à l’avant-bras, lieu électif
fasciotomie qui est le geste essentiel [19, 47]. La peau, en elle-même, des syndromes des loges.
peut jouer un rôle compressif dans certaines loges où le fascia est
peu développé, comme dans les segments proximaux des membres,
et dans les cas de brûlures lorsque la rétraction de l’escarre devient TRAITEMENT D’UN SYNDROME DES LOGES AIGU
un élément plus compressif que le fascia. Enfin, dans certaines À L’AVANT-BRAS
localisations, il est nécessaire, outre la fasciotomie, de réaliser une
épimysiotomie pour libérer les muscles des couches profondes ou
¶ Décompression de la loge antérieure (fig 1)
des muscles comportant plusieurs faisceaux. Ainsi, doit-on réaliser Historiquement, il semble bien que Bardenheuer [3] ait été le premier
systématiquement un tel geste pour le fléchisseur commun profond à réaliser une fasciotomie à l’avant-bras. Jepson [28] puis Moulonguet
des doigts et le long fléchisseur du pouce à l’avant-bras [12]. Il en est et Seneque [44] insistèrent sur la nécessité d’une fasciotomie chez
de même pour le deltoïde et l’ensemble de l’éventail fessier. certains patients mais sans décrire la technique en détail. Garber [18]
De ce qui précède, on peut inférer un certain nombre de règles de conseillait la fasciotomie associée à une libération des gaines des
pratique chirurgicale face à un syndrome des loges aigu. fléchisseurs, une exploration des nerfs médian et ulnaire et de
Dans les situations « limites » (absence de signe de souffrance l’artère humérale au coude. Eichler et Lipscomb [13] ont, les premiers,
nerveuse, pression différentielle supérieure à 30 mmHg), il n’y a pas décrit un abord chirurgical détaillé et Eaton et Green [12] ont mis au
de place pour l’indécision ; ce qui signifie qu’il vaut mieux réaliser point l’opération de décompression de l’avant-bras en associant
ce qui apparaîtra a posteriori comme une fasciotomie préventive que fasciotomie et épimysiotomie de la couche musculaire profonde.
de laisser évoluer un authentique syndrome des loges.
Une fois que l’indication chirurgicale a été décidée, il faut réaliser Technique chirurgicale
l’intervention le plus vite possible ; il s’agit d’une urgence vasculaire. Trois types d’incision antérieure sont possibles, l’incision ulnaire,
– Dans les formes décelées tardivement (24 à 36 heures), l’indication l’incision curviligne et l’incision brisée (fig 2). Dans tous les cas,
de fasciotomie est discutable [16, 20, 65]. Certains auteurs [65] défendent l’incision commence au coude et se termine à la paume de la main
néanmoins la fasciotomie qui permet de réaliser les excisions car le ligament annulaire antérieur du carpe doit être
musculaires nécessaires susceptibles de réduire les séquelles impérativement sectionné. L’incision ulnaire a l’avantage de ne pas
fonctionnelles. D’autres auteurs [16, 32] conseillent l’abstention laisser le médian à découvert et possède peut-être une supériorité
opératoire en arguant du fait que l’ouverture de la loge transforme d’ordre esthétique. Nous la pratiquons lorsqu’il n’y a aucun signe
inéluctablement un foyer de myonécrose aseptique en myonécrose de souffrance du nerf médian. En revanche, les incisions curviligne
septique ; ce qui conduit à des incisions itératives comportant le ou brisée permettent une exploration complète de tous les axes
risque d’exposition des foyers de fracture, d’amputation, voire de vasculonerveux. En cas de souffrance du nerf médian, elles
décès. En outre, dans certaines localisations comme la loge deviennent nécessaires pour libérer tous les obstacles sur le trajet du
antérieure de jambe, la nécrose aseptique évolue vers une fibrose nerf. C’est la voie d’abord curviligne (fig 2B) que nous décrivons en
rétractile avec un effet heureux de ténodèse, limitant ainsi la chute détail.
du pied en équin. En fait, chaque cas vu tardivement doit être Le dessin de l’incision commence à 1 cm au-dessus et 2 cm en
discuté selon ses particularités propres. Au-delà de 36 heures, alors dehors de l’épitrochlée. Elle traverse obliquement la fossette
même que les phénomènes douloureux commencent à régresser, il y antérieure du coude et rejoint la ligne médiane à l’union du tiers
a probablement plus de risques à faire une fasciotomie qu’à moyen et du tiers inférieur de l’avant-bras. Au poignet, elle reste du
préconiser une abstention vigilante. côté ulnaire du palmaris longus pour éviter une blessure de la
En revanche, lorsque le début du syndrome ne peut être fixé avec branche thénarienne sensitive du nerf médian, et chemine dans l’axe
précision mais qu’il reste inférieur à 24 heures et que le patient est du quatrième rayon. L’aponévrose antébrachiale est sectionnée dans
hyperalgique, l’indication d’une fasciotomie est licite, en rappelant toute sa longueur et, dans sa continuité, le ligament annulaire
toutefois qu’il faudra probablement affronter les complications antérieur du carpe. Puis chaque muscle est exploré et, s’il persiste la
inhérentes aux excisions musculaires. moindre tension, l’épimysium est incisé (fig 3). Ce geste concerne
2
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
3 Aponévrotomie à l’a-
vant-bras.
Il est nécessaire de réaliser
2
une épimysiotomie complé-
5 mentaire des muscles flé-
chisseurs profonds des
1 doigts et long fléchisseur du
pouce.
6 3
4
*
A
1 2 3 4 5 6 7 8 9
10
28 11
12
27
13
26
14
Certains auteurs recommandent la prise de pression pendant
*
B
l’intervention, mais ce geste ne nous semble pas indispensable.
25 24 23 22 21 20 19 18 17 16 15 Quant à l’attitude vis-à-vis des lésions musculaires, elle doit être
1 A. Coupe schématique des différentes loges de l’avant-bras. mesurée ; connaissant la capacité de régénération des muscles,
1. Loge antérieure, partie profonde ; 2. loge antérieure, plan superficiel ; 3. loge ex- certaines lésions peuvent évoluer favorablement après
terne ; 4. loge postérieure ; 5. radius ; 6. cubitus.
B. Coupe de l’avant-bras à l’union tiers supérieur-tiers moyen. Éléments anato- décompression. Les zones manifestement nécrotiques doivent être
miques (segment inférieur de la coupe). excisées mais il faut savoir que l’appréciation de la vitalité tissulaire
1. Veine cubitale ; 2. artère cubitale ; 3. petit palmaire ; 4. fléchisseur commun su- est plus aisée à formuler 48 heures plus tard.
perficiel ; 5. grand palmaire ; 6. nerf médian ; 7. rond pronateur ; 8. veine mé-
diane ; 9. long supinateur ; 10. artère radiale ; 11. branche antérieure sensitive du ¶ Décompression de la loge postérieure
nerf radial ; 12. veine radiale superficielle ; 13. premier radial ; 14. deuxième ra-
dial ; 15. court supinateur, faisceau profond ; 16. court supinateur, faisceau super- Elle s’avère de principe nécessaire lorsque l’étiologie est celle d’une
ficiel ; 17. extenseur commun des doigts ; 18. branche postérieure motrice du ra- compression longtemps maintenue sur les deux faces de l’avant-
dial ; 19 . fléchisseur propre du pouce ; 20. extenseur propre du 5 ; 21. artère bras (comas toxiques, crush syndrome). Dans le cas d’un syndrome
interosseuse antérieure ; 22. long abducteur du pouce ; 23. nerf interosseux anté- des loges antérieur, initialement isolé, le compartiment postérieur
rieur ; 24. court extenseur du pouce ; 25. cubital postérieur ; 26. cubital antérieur ;
27. nerf cubital ; 28. fléchisseur commun profond. peut souffrir par réduction du débit de perfusion de l’artère
interosseuse antérieure qui vascularise presque entièrement les
muscles extenseurs. Au moindre doute, une prise de pression peut
surtout le fléchisseur commun profond des doigts et le long
être renouvelée en peropératoire après décompression de la loge
fléchisseur du pouce. S’il existait, avant l’intervention, des signes de
antérieure. La voie d’abord de décompression de la loge dorsale est
souffrance du nerf médian, le trajet entier du nerf doit être vérifié.
verticale en pleine face postérieure (fig 5). Elle commence à 2 cm en
Les compressions localisées possibles sont le lacertus fibrosus, le
position distale par rapport à l’épicondyle et s’arrête à 7 cm au-
bord proximal du pronator teres, le bord proximal du flexor
dessus du poignet. Le fascia est incisé sur toute la longueur de
digitorum sublimis et le canal carpien.
l’incision cutanée et la décompression de la loge postérieure suffit
Il est possible, dans les cas opérés précocement, d’éviter la grande en général à décomprimer la loge externe.
incision et de procéder par deux voies d’abord séparées (fig 4).
L’incision proximale s’arrête au milieu de l’avant-bras à l’endroit de ¶ Soins postopératoires
la jonction myotendineuse des fléchisseurs. L’autre incision distale
est l’incision standard de libération du tunnel carpien. Cet abord Sauf au poignet, où la fermeture de l’incision du canal carpien est
par deux incisions séparées a l’avantage de laisser un pont cutané en général réalisable d’emblée, les incisions sont laissées ouvertes et
qui protège les tendons à la partie basse de l’avant-bras. En l’avant-bras est recouvert d’un pansement volumineux, non serré,
revanche, l’aponévrotomie reste incomplète car il est déconseillé de en plaçant les compresses en longueur dans l’axe du membre. Une
faire une aponévrotomie sous-cutanée à l’avant-bras en raison des attelle plâtrée maintient le coude à 90° de flexion et le poignet en
veines et des petits nerfs sensitifs superficiels. De plus, cette légère extension pour éviter la luxation antérieure des tendons
approche incomplète ne permet pas d’explorer le long fléchisseur fléchisseurs. Le membre est surélevé, main et coude dans un même
du pouce. plan horizontal, un peu au-dessus du niveau du cœur. La
*
A *
B *
C
2 Décompression de la loge antérieure de l’avant-bras.
A. Incision cubitale.
B. Incision curviligne.
C. Incision brisée.
Le segment de l’incision destinée à libérer le canal carpien est tracé dans l’axe du quatrième rayon.
3
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
*
B
*
A
4
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
2 *
B
*
A
5
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
1
2
*
A *
B
6
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
7
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
14 Rapprochement progressif des berges cutanées par un procédé de traction élastique continu. Le rapprochement a été obtenu au 5e jour (avec la permission du Dr Gunnar
Blomqvist).
*
A *
B *
C
15 Fasciotomie des loges antérieure et postérieure de cuisse.
A. Tracé de l’incision cutanée. Une seule incision cutanée est suffisante.
B. L’incision du fascia lata décomprime la loge antérieure.
C. La désinsertion du vaste externe permet d’exposer la cloison aponévrotique qui sépare la loge antérieure et la loge postérieure.
8
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
1 2 3 4 5 6
1
9 8 7
1 17 Décompression des loges dorsales du pied. Loge des interosseux.
Deux incisions à la face dorsale de l’avant-pied sont nécessaires. La loge latérale et la
2 loge de l’adducteur peuvent également être ouvertes par la voie dorsale.
1. Muscle adducteur de l’hallux ; 2. muscle court fléchisseur de l’hallux ; 3. loge
3 du premier interosseux dorsal ; 4. muscle adducteur de l’hallux (chef oblique) ; 5. loge
du second interosseux dorsal ; 6. muscles interosseux dorsaux 3 et 4 et interosseux
plantaires 3-5 ; 7. loge latérale ; 8. loge centrale superficielle ; 9. tendon du long fléchis-
seur de l’hallux.
*
A
4 3 2 1 5
6
6 4
7
3
8 2
9 1
7
8 *
B
14
10
*
A 13
11 12
18 Décompression des loges plantaires. *
C
A. Incision cutanée médiale (voie de Henry). La voie d’abord suit la courbure de la voûte plantaire. Elle peut être prolongée vers le haut pour ouvrir le canal tarsien.
B. Approche médiale pour libérer les quatre loges plantaires du pied.
1. Tendon du fléchisseur long de l’hallux ; 2. tendon du fléchisseur commun des orteils ; 3. scaphoïde tarsien ; 4. tendon tibial postérieur ; 5. premier cunéiforme ; 6. premier
métatarsien ; 7. muscle fléchisseur court de l’hallux ; 8. muscle abducteur de l’hallux.
C. Approche médiale du pied pour libérer les quatre loges plantaires. L’abducteur de l’hallux peut être récliné du côté plantaire (flèche en pointillés), ce qui permet d’explorer
le paquet vasculonerveux ou du côté dorsal pour exposer le septum intermusculaire profond (flèche pleine).
1. Tendon du fléchisseur commun des orteils ; 2. loge médiale ; 3. tendon du fléchisseur long de l’hallux ; 4. tendon tibial postérieur ; 5. tête du talus ; 6. muscle court extenseur
des orteils ; 7. tubérosité antérieure du calcanéus ; 8. tendon du court péronier latéral ; 9. tendon du long péronier latéral ; 10. loge latérale ; 11. paquet neurovasculaire plan-
taire latéral ; 12. loge centrale superficielle. 13. loge centrale profonde ; 14. paquet neurovasculaire plantaire médial.
9
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
*
A *
B
10
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
Tableau I. – Classification des syndromes de Volkmann constitués à l’avant-bras, selon leur gravité.
Benkeddache (1985) Sundararaj (1985)
Seddon (1960) Zancolli (1965) Tsuge (1975)
(selon l’atteinte nerveuse) (selon la rétraction)
segment nerveux préalablement revascularisé. Cette intervention • Technique de la désinsertion musculaire à l’avant-bras
peut encore avoir quelques indications lorsqu’il existe une perte de
Cette intervention initialement décrite par Page [48], puis développée
substance importante des nerfs médian et ulnaire. La greffe nerveuse
par Scaglietti [59], a été introduite en France par Gosset [21, 22].
vascularisée semble actuellement apporter une meilleure
récupération que la greffe conventionnelle [11, 15, 40, 76]. Le retour de la C’est une technique standard pour une rétraction modérée
sensibilité est capital car il conditionne le reste du traitement. En intéressant les fléchisseurs des doigts.
effet, un gain d’extension et d’ouverture d’une main insensible ou L’intervention est menée sous anesthésie générale et garrot de bras,
douloureuse présente peu d’intérêt pour l’amélioration de la haut placé. L’incision cutanée est tracée en « zigzag » de la région
fonction globale. sus-trochléenne jusqu’au tiers inférieur de l’avant-bras (fig 21). Les
veines antérieures doivent être épargnées ainsi que le nerf
¶ Traitement des rétractions
musculocutané. Après incision de l’aponévrose et repérage de
Généralités l’insertion des muscles épitrochléens, l’artère et la veine humérales
et les nerfs médian et ulnaire sont identifiés. Le nerf ulnaire est libéré
La rétraction intéresse, dans les cas graves, toutes les chaînes de la gouttière épitrochléo-olécranienne jusqu’à l’arcade du flexor
articulaires ; flexion du coude, flexion et pronation du poignet, griffe carpi ulnaris et chargé sur un lacs. Puis on suit le nerf médian en le
des doigts et adduction du pouce donnent un aspect singulier au
libérant jusqu’au bord proximal du pronator teres qui est dégagé.
membre supérieur caractéristique du syndrome de Volkmann
Une spatule est ensuite introduite entre le brachial antérieur et
constitué. En règle générale, la correction des déformations digitales
l’origine commune sur l’épitrochlée des muscles fléchisseurs et
est reportée après le traitement des rétractions de l’avant-bras, sauf
pronateurs. La spatule est poussée en dedans à la face profonde des
en cas de rétraction des interosseux responsable d’une attitude
intrinsèque plus. C’est une situation peu commune qui nécessite une muscles et ressort entre les deux chefs huméral et cubital du flexor
libération première des intrinsèques pour obtenir un enroulement carpi ulnaris. On doit dans cette manœuvre prendre garde au nerf
passif des doigts. ulnaire (fig 22). Puis on détache au bistouri l’insertion commune des
muscles. On libère ainsi le pronator teres, le flexor carpi radialis, le
Traitement des rétractions à l’avant-bras palmaris longus, le chef huméral du flexor carpi ulnaris et le flexor
digitorum sublimis. La capsule articulaire du coude est alors exposée
De nombreuses opérations ont été proposées dans le but de
redonner une fonction satisfaisante à la main. Plusieurs façons de ainsi que l’apophyse coronoïde. Dans un deuxième temps, le chef
traiter les rétractions ont été envisagées : cubital du flexor carpi ulnaris est désinséré en sous-périosté de la
face médiale du cubitus. L’importance de la désinsertion dépend du
– le raccourcissement du squelette antébrachial est actuellement degré de la rétraction mais en général on est obligé d’étendre la
abandonné ; désinsertion jusqu’au tiers moyen de l’avant-bras. Dans le même
– les ténotomies ne se justifient que par des transferts palliatifs temps, toutes les insertions du flexor digitorum profundus sont
ultérieurs et en l’absence d’atteintes nerveuses ; libérées en procédant de la face médiale vers la face antérieure
– les opérations d’allongement tendineux se conçoivent pour des jusqu’à la membrane interosseuse. La libération musculaire en
rétractions limitées et partielles : elles ont l’inconvénient de diminuer regard de l’espace interosseux doit être menée avec précaution pour
la force de flexion mais peuvent, dans certains cas de rétraction ménager le pédicule vasculonerveux interosseux antérieur (fig 23).
légère, donner d’excellents résultats [73]. Dans les cas qui s’accompagnent d’une paralysie nerveuse sensitive
et motrice, la neurolyse doit être effectuée en même temps que la
En réalité, deux techniques essentielles sont utilisées avec leurs
indications respectives : désinsertion musculaire. Le nerf ulnaire est passé en avant de
l’épitrochlée pour être placé près du nerf médian. Le lacertus
– la désinsertion musculaire, d’étendue variable, est proposée fibrosus du biceps a été naturellement sectionné. La masse
lorsque la rétraction est modérée et que les fléchisseurs ont conservé musculaire est translatée vers l’extrémité du membre jusqu’à obtenir
une force satisfaisante ; l’extension digitale désirée, la translation étant habituellement de 2
– l’excision des muscles cicatriciels est indiquée en cas de rétraction à 3 cm. Les muscles sont fixés en place, en plusieurs endroits, au
importante et de force faible des fléchisseurs ; une chirurgie périoste et au tissu sous-cutané. Après fermeture de l’incision sur
palliative de transfert tendineux est habituellement nécessaire dans drainage aspiratif, le membre est immobilisé dans une attelle plâtrée,
un second temps. coude à 90° de flexion, poignet et doigts en extension et avant-bras
11
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
4 3 2 1
1
6 5 4
*B
24 Désinsertion élargie
2 A. Lorsque la désinsertion intéresse le long fléchisseur du pouce, il est prudent
de réaliser une deuxième voie d’abord située sur le versant radial de l’avant-bras.
7 1. Nerf radial ; 2. court supinateur ; 3. long supinateur ; 4. artère radiale ; 5. long
fléchisseur du pouce ; 6. masse des fléchisseurs et du rond pronateur désinsérée.
B. La mobilisation en masse des fléchisseurs désinsérés permet un glissement dis-
tal de 3 à 4 cm.
1. Radius ; 2. court supinateur ; 3. muscle fléchisseur des doigts ; 4. cubitus ; 5.
6 membrane interosseuse ; 6. artère et nerf interosseux antérieurs.
3 4 5
23 Désinsertion des muscles rétractés. distale de 3 à 4 cm (fig 24B). Les nerfs médian et ulnaire doivent être
Les muscles fléchisseurs et pronateur ont été détachés de l’épitrochlée. libérés des gangues scléreuses qui les entourent. En cas de rétraction
La désinsertion se poursuit à la face interne du cubitus (cubital antérieur) en regard sévère, il est préférable de laisser persister quelques degrés de
de la capsule et de la membrane interosseuse (muscles fléchisseurs et pronateurs). Il faut rétraction car une libération complète entraîne immanquablement
prendre garde au pédicule interosseux antérieur. une diminution importante de la force musculaire. La diminution
1. Tronc commun des artères interosseuses ; 2. artère et nerf interosseux antérieurs ; 3. de la force musculaire peut rendre nécessaires des transferts
membrane interosseuse ; 4. cubitus (désinsertion du fléchisseur profond) ; 5. capsule
palliatifs qui seront réalisés ultérieurement.
articulaire ; 6. épitrochlée ; 7. muscle brachial antérieur.
Certaines critiques peuvent être adressées à l’encontre de l’opération
de désinsertion :
en supination. La mobilisation active et passive est tôt commencée.
Le plâtre est enlevé à la deuxième semaine. Correctement réalisée, – l’imprévisibilité du résultat ;
cette intervention donne de bons résultats.
– le risque de récidive de la déformation avec la croissance ;
• Désinsertion élargie – l’absence d’excision des tissus fibreux.
Dans les cas où l’aire de rétraction est plus étendue, il peut se révéler Néanmoins, entre des mains expérimentées, et à condition que
nécessaire d’élargir la désinsertion au pronator teres et au flexor l’indication en soit correctement posée, cette intervention donne de
pollicis longus. La première partie de l’opération est réalisée dans bons résultats.
les conditions décrites précédemment. Pour aborder le rond
pronateur et le long fléchisseur du pouce, il nous semble préférable • Excision des tissus fibreux
de faire une deuxième incision cutanée sur le bord radial de l’avant- L’excision des tissus fibreux a été préconisée par Seddon [61, 62, 63] dans
bras, contrairement à Tsuge [77] qui préconise l’exposition des deux un but de neurolyse et de libération de la rétraction. L’incision en
muscles par un large décollement cutané à partir de la première « zigzag » est tracée de la face antérieure du coude jusqu’au poignet.
incision. Dans les rétractions étendues, en effet, le revêtement cutané Après excision du fascia, les nerfs ulnaire et médian sont repérés et
est souvent adhérent aux muscles sous-jacents et les grands libérés au poignet et au coude en zone saine. Le flexor digitorum
décollements comportent un risque important de nécrose. En sublimis est exposé et son atteinte moins sévère permet parfois de le
réclinant le brachioradialis, on expose le pronator teres et le radius. conserver. En revanche, le flexor digitorum profundus et le flexor
Le pronator teres est désinséré en prenant soin de ne pas léser la pollicis longus sont excisés à la jonction musculotendineuse.
branche sensitive du nerf radial (fig 24A). Puis c’est au tour du flexor L’excision peut également intéresser une portion du flexor digitorum
pollicis longus d’être désinséré du radius en sous-périosté. La sublimis. La rétraction des doigts est dès lors corrigée et la libération
désinsertion est réalisée en direction de l’espace interosseux jusqu’à du médian est commencée du côté proximal. Il peut se révéler
rejoindre la zone de libération des fléchisseurs. On peut alors nécessaire d’exciser également le pronator teres et le pronator
mobiliser en masse les fléchisseurs et les faire glisser en position quadratus qui, à lui seul, peut constituer un obstacle à la liberté de
12
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
13
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
• Résultat
5 cm
On peut espérer, dans les meilleurs cas, une mobilité complète des
doigts avec une force de prise égale à la moitié de celle du côté
opposé [34].
Récemment, Gousheh [23] a proposé la réanimation de la flexion des
doigts par le transfert pédiculé du grand dorsal homolatéral
prolongé par une bande d’aponévrose (fig 28) ou par le transfert
pédiculé du biceps prolongé par une greffe tendineuse (fig 29).
14
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
*
B
28 Technique proposée par Gousheh [41] pour la réanimation des extenseurs ou des fléchisseurs des doigts dans les pa-
ralysies étendues.
A. Prélèvement d’un lambeau pédiculé de grand dorsal pour la réanimation des tendons extrinsèques (fléchisseurs
ou extenseurs) des doigts. Le lambeau est dessiné sur la totalité de la longueur du muscle grand dorsal et sur une
*
A portion en continuité de l’aponévrose fessière.
B. Le grand dorsal est transféré sur les extenseurs ou les fléchisseurs des doigts. L’effet obtenu est maximal en ex-
tension du coude.
15
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
fléchisseurs dans le secteur résiduel de mobilité, c’est l’indication fracture de jambe, une griffe des orteils peut relever de plusieurs
habituelle d’une désinsertion plus ou moins étendue selon les cas, étiologies possibles :
associée à la neurolyse.
– une faiblesse des intrinsèques ;
Les allongements tendineux ne peuvent se concevoir que pour des
rétractions très localisées. – une lésion nerveuse ;
Lorsque la rétraction est très importante avec une paralysie des – une rétraction ischémique des fléchisseurs ;
fléchisseurs et une atteinte sensitive sévère, l’état des masses – un possible englobement des fléchisseurs dans le cal de la fracture
musculaires réduites à des blocs fibreux conduit à une opération situé au tiers inférieur ; dans ce dernier cas, les orteils peuvent être
d’excision qui, dans le même temps, libère les nerfs et traite la étendus lorsque la cheville est en flexion plantaire.
rétraction. Certains examens complémentaires aident à mieux cerner l’origine
Certaines atteintes nerveuses jugées irréversibles peuvent requérir de la déformation fixée, et concernent l’évaluation musculaire et
des greffes. nerveuse (électromyogramme [EMG]), squelettique (radiologie) et
vasculaire (doppler, artériographie). Des confusions diagnostiques
L’excision de quelques zones fibreuses ne peut être envisagée que
sont en effet possibles d’après le seul examen clinique et, à titre
dans certaines formes très localisées de dégénérescence musculaire
d’exemple, une rétraction d’un petit muscle du pied peut masquer
sans trouble neurologique.
un authentique syndrome du canal tarsien.
Les déformations de la main doivent être traitées dans un second Le traitement proprement dit doit être conservateur au début car il
temps après les libérations musculaires et nerveuses, sauf quand la existe des cas de récupération partielle spontanée. Les attelles, les
main se présente en position « intrinsèque plus », par rétraction des étirements musculaires, les mobilisations articulaires parviennent à
muscles intrinsèques. Il s’agit là d’une situation peu commune dans réduire les rétractions modérées. L’échec du traitement conservateur
les syndromes de Volkmann constitués mais, dans ces cas-là, la ne peut être constaté avant 6 mois.
libération intrinsèque doit précéder la libération des muscles de
Le traitement chirurgical, mené sous garrot, réalise dans un premier
l’avant-bras.
temps l’excision des muscles fibreux de la superficie vers la
Enfin, les opérations palliatives de restauration fonctionnelle profondeur et l’allongement du tendon d’Achille associé
utilisant des transferts tendineux doivent être réalisées à distance éventuellement à une capsulotomie postérieure de la cheville.
lorsque les interventions de libération tendineuse, articulaire et La chirurgie des transferts palliatifs est exceptionnelle dans les
nerveuse ont été effectuées à l’avant-bras et à la main. syndromes de Volkmann constitués de la jambe [31]. En revanche, les
En revanche, le transfert libre d’un muscle peut être réalisé dans le interventions de correction des déformations sont nombreuses et
même temps que l’excision des tissus fibreux qui intéresse, dans ces utiles pour redonner au pied un appui au sol normal :
cas, la totalité des parties molles de l’avant-bras. Les déformations à
– fasciotomie plantaire et allongement tendineux pour corriger la
la main doivent cependant avoir été préalablement corrigées.
griffe ;
– double arthrodèse sous-talienne et médiotarsienne ;
Traitement du syndrome de Volkmann – arthrodèse ou arthroplastie des articulations interphalangiennes
des orteils ;
constitué au membre inférieur
– opération de Keller pour hallux flexus ;
La fréquence de survenue des syndromes des loges au membre – ostéotomie du tarse ;
inférieur est probablement sous-estimée en raison des atteintes – ostéotomie tibiale de dérotation tridimensionnelle [29].
limitées et partielles réalisant des tableaux cliniques incomplets.
L’existence d’ulcérations neurologiques, de douleurs rebelles et de
Ellis [14], en 1958, relevait neuf cas de rétractions ischémiques sur 225
déformations non corrigées peut dans certains cas extrêmes faire
fractures de jambe. Owen et Tsimboukis [47], en 1967, constataient
proposer une amputation. Il est important de souligner, pour le
dans une étude rétrospective l’existence de dix cas de rétractions au
pronostic fonctionnel, que la jambe peut être gardée quelle que soit
membre inférieur sur une série de 100 fractures. Ces proportions
l’étendue de l’excision musculaire, à condition que la cheville soit
sont considérables. Elles signifient qu’un certain nombre de
fixée à 90° et que le pied soit sensible.
syndromes des loges localisés passent inaperçus au membre
inférieur, d’autant que le compartiment le plus affecté est la loge
postérieure profonde dont on connaît la difficulté d’exploration
clinique. Bowden et Gutmann [7], en 1949, ont constaté que la loge
Syndromes d’effort
des péroniers était peu affectée et Seddon [61] a confirmé ce fait en
montrant que les muscles les plus concernés par la rétraction GÉNÉRALITÉS
ischémique étaient le fléchisseur des orteils, le tibialis posterior et
surtout le flexor pollicis longus (60 % des cas). Les nerfs qui Les syndromes d’effort sont une variété particulière de syndrome
traversent les loges souffrent par compression et ischémie des loges. Ils sont induits par l’effort et se présentent sous deux
contemporaine du syndrome d’hyperpression, tandis que ceux situés formes, la forme aiguë et la forme récurrente. La forme aiguë est
en dehors des loges restent intacts. L’ischémie de la physe est semblable aux formes traumatiques dans ses manifestations
susceptible chez l’enfant d’entraîner à long terme un défaut de cliniques.
croissance et donc une inégalité de longueur des membres inférieurs. L’hyperpression dans la loge est telle qu’une décompression rapide
Les déformations du pied reflètent l’atteinte préférentielle d’une des est nécessaire pour prévenir la nécrose musculaire. En revanche,
loges de la jambe. Ainsi, la rétraction ischémique des muscles de la dans la forme récurrente [52, 68, 69, 70], l’exercice fait augmenter la
loge profonde entraîne une griffe des orteils et un cavus fixé [29]. À la pression dans la loge musculaire, suffisamment pour compromettre
loge antérieure, la nécrose musculaire a pour conséquence un pied la microcirculation, entraînant un début d’ischémie et donc une
tombant mais, avec le temps, la rétraction fibreuse postérieure douleur, mais rarement un déficit neurologique.
superficielle entraîne un équin varus. L’atteinte simultanée des deux La douleur reste le signe d’alarme. Elle disparaît lorsque l’activité
loges postérieures donne un tableau complexe de déformations responsable cesse ou se ralentit mais réapparaît à l’occasion d’un
associant un équin, un cavus, une adduction de l’avant-pied et une nouvel effort. Si l’effort intense est poursuivi en dépit de la douleur,
griffe des orteils. Les rétractions discrètes sont souvent mises à tort sous produits dopants par exemple, le syndrome chronique peut se
sur le compte d’une raideur d’immobilisation. En réalité, après une transformer en forme aiguë.
16
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann 44-078
La première description de syndrome des loges d’effort semble L’examen clinique à froid est la plupart du temps négatif. On note
revenir à Wilson [17], médecin de l’expédition Scott au Pôle Sud. Les parfois immédiatement après l’effort une hypoesthésie sur le dos du
premières formes chroniques de syndromes des loges intéressant la pied, parfois associée à des hernies musculaires du tiers inférieur de
jambe ont été publiées par Mavor [39] en 1956, Renemann [56] en 1968, jambe (20 à 60 % des cas) qui peuvent entraîner une irritation du
Puranen [54] en 1974 et Styf [70] en 1986. D’autres localisations ont été nerf musculocutané. Devant une douleur survenant à l’effort,
récemment rapportées intéressant les muscles interosseux dorsaux à plusieurs diagnostics, autres que le syndrome des loges, doivent être
la main [55, 68] et les muscles de l’avant-bras [71, 75]. Le pied peut discutés :
également être le siège de syndrome des loges récurrent [46].
– une claudication intermittente mais qui survient chez des patients
en général plus âgés ;
PATHOGÉNIE – une fracture de fatigue responsable d’une douleur localisée et
Dans les formes récurrentes des syndromes des loges, localisable à la scintigraphie ;
l’augmentation de pression est la résultante de la limitation du – une ténosynovite où l’on retrouve des signes d’inflammation et
compartiment et de l’augmentation du volume à l’intérieur. La loge de crépitation ;
antérieure de jambe est habituellement la plus vulnérable car très
peu extensible. Deux ordres de phénomènes interviennent lors d’un – une syndrome tibial interne qui peut être confondu avec un
effort physique dans les conditions physiologiques normales : syndrome des loges postérieur chronique [54]. Il s’agit semble-t-il en
réalité d’une réaction périostée à l’effort musculaire, car l’étude des
– lors d’une contraction, qu’elle soit isométrique ou isotonique, la pressions ne milite pas en faveur d’un syndrome des loges.
pression augmente suffisamment pour rendre le muscle ischémique ;
En définitive, la prise de pression à l’intérieur de la loge est
– lors d’un exercice prolongé, le volume d’un muscle s’accroît de essentielle pour affirmer le diagnostic de syndrome des loges
20 %. Cette augmentation de volume est le reflet de l’augmentation récurrent et proposer un traitement approprié [69]. Chez un sujet
de perméabilité capillaire résultant de l’accumulation de liquide normal, la pression de la loge au repos est de 0 ± 4 mmHg. La
dans les espaces cellulaires et extracellulaires. pression monte à plus de 50 mmHg à l’effort, puis descend
D’autres facteurs peuvent intervenir comme des anomalies immédiatement après la cessation de l’activité physique. Chez un
veineuses ou lymphatiques ou des hémorragies intramusculaires sujet porteur d’un syndrome chronique, la pression de repos est
chez des sujets non entraînés. voisine de 15 mmHg à l’effort et surtout elle reste stationnaire à plus
de 30 mmHg pendant 5 minutes après la cessation de l’activité.
DIAGNOSTIC
Le syndrome de la loge antérieure de la jambe est plus fréquent TRAITEMENT
dans sa forme récurrente que dans sa forme aiguë. Il frappe les Le traitement logique est alors une fasciotomie réalisée selon les
soldats nouvellement enrôlés, les coureurs de marathon ou les principes techniques que nous avons déjà évoqués. Lorsqu’il existe
joggeurs occasionnels. Pour un individu donné, le début des une hernie, l’incision est centrée sur le defect aponévrotique en
douleurs apparaît pour une distance et une vitesse spécifiques. prenant soin des nerfs sensitifs superficiels.
Références ➤
17
44-078 Traitement chirurgical du syndrome des loges et du syndrome de Volkmann Techniques chirurgicales
Références
[1] Abdul-Wamid AK. First dorsal interosseous compartment [27] Ikuta Y, Kubo T, Tsuge R. Free muscle transplantation by [56] Renemann RS. The anterior and the lateral compartment
syndrome. J Hand Surg Br 1987 ; 12 : 269-272 microsurgical technique to treat severe Volkmann’s con- syndrome of the leg due to intensive use of muscles. Clin
[2] Apoil A, Karren CH, Augereau B, Pupin P. Pathogénie du tracture. Plast Reconstr Surg1976 ; 58 : 407-411 Orthop 1975 ; 113 : 69-80
syndrome de Volkmann de la première commissure de la [28] Jepson PN. Ischemic contracture. Experimental study. Ann [57] Renemann RS, Slaaf DW, Lindbom L, Tangelder GJ, Arfors
main et déductions thérapeutiques. Ann Chir Main 1982 ; Surg 1926 ; 84 : 785 KE. Muscle blood flow disturbances produced by simulta-
1 : 210-213 [29] Karlstrom G, Lonnerholm T, Olerud S. Cavus deformity of neously elevated venous and total muscle tissue pressure.
[3] Bardenheuer L. Die Entschung und Behandlung der ischä- the foot after fracture of the tibial shaft. J Bone Joint Surg Am Microvasc Res 1980 ; 20 : 307-318
mischen Muskelkontractur und Gangrän. Dtsch Z Chir 1975 ; 57 : 893-900 [58] Revol M, Servant JM. Paralysies médio-cubitales hautes. In :
1911 ; 108 : 44 [30] Kelly AP, Whitesides TE. Transfibular route for fasciotomy Paralysies de la main et du membre supérieur. Paris : Medsi,
[4] Benkeddache Y, Gottesman H, Hamidani M. Proposition of the leg. J Bone Joint Surg Am 1967 ; 49 : 1022-1023 1980 : 226
d’une nouvelle classification du syndrome de Volkmann au [31] Kikuchi S, Hause M, Watanabe M. Ischemic contracture in [59] Scaglietti O. Sindromi cliniche immediate e tardive de
stade de séquelles. Ann Chir Main 1985 ; 4 : 134-142 the lower limb. Clin Orthop 1978 ; 134 : 185-192 lesioni vascolari nelte fratture degli arti. Riforma Med 1957 ;
[5] Berman SS, Schilling JD, Mclntyre KE, Hunter GC, Bernhard [32] Letenneur J, Arnaud JP, Frieh JM, Meynet JC, Oudet D, 71 : 749-755
VM. Shoelace technique for delayed primary closure of Rogez JM et al. Syndrome des loges des membres infé-
fasciotomies. Am J Surg 1994 ; 167 : 435-436 [60] Schenck RR. Free muscle and composite skin transplanta-
rieurs. Ann Orthop Ouest 1989 ; 21 : 155-188 tion by microneurovascular anastomoses. Orthop Clin
[6] Bonutti PM, Bell GA. Compartment syndrome of the foot. [33] Littler JW, Cooley SG. Opposition of the lumb and its resto- North Am 1977 ; 8 : 367-375
A case report. J Bone Joint Surg Am 1986 ; 68 : 1449-1451 ration by abductor digiti quinti transfer. J Bone Joint Surg Am [61] Seddon HJ. Volkmann’s contracture. Treatment by exci-
[7] Bowden RE, Gutmann E. The fate of voluntary muscle after 1963 ; 45 : 1389-1396 sion of the infect. J Bone Joint Surg Br 1956 ; 38 : 152-174
vascular injury in man. J Bone Joint Surg Br 1949 ; 31 : [34] Manktelow RT, Zuker RM, McKee NH. Functioning free
356-368 [62] Seddon HJ. L’ischémie de Volkmann. Une nouvelle étude
muscle transplantation. J Hand Surg Am 1984 ; 9 : 32-39
de son traitement. Rev Chir Orthop 1960 ; 46 : 149-162
[8] Burkhalter W, Christensen RC, Brown P. Extensor indicis [35] Manoli A, Weber TG. Fasciotomy of the foot: an anatomical
proprius opponenplasty. J Bone Joint Surg Am 1973 ; 55 : study with reference to release of the calcaneal compart- [63] Seddon HJ. Volkmann’s ischaemia in the lower limb. J Bone
725-732 ment. Foot Ankle 1990 ; 10 : 267-275 Joint Surg Br 1966 ; 48 : 627-636
[9] Christel P, Roulot E. Syndrome des loges. Encycl Méd Chir [36] Masquelet AC, Penteado CV. Le lambeau interosseux pos- [64] Shangai sixth people’s hospital. Free muscle transplanta-
(Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), térieur. Ann Chir Main 1987 ; 6 : 131-139 tion by microsurgical neurovascular anastomoses. Report
Appareil locomoteur, 15-110-A-10,1994 : 1-12 of a case. Chin Med J 1976 ; 2 : 47-50
[37] Matsen FA, Clawson DK. The deep posterior compartmen-
[10] Cohen MS, Garfin SR, Hargens AR, Mubarak SJ. Acute com- tal syndrome of the leg. J Bone Joint Surg Am 1975 ; 57 : [65] Shaw CJ, Spencer JD. Late management of compartment
partment syndrome. Effect of dermotomy on fascial 34-39 syndromes. Injury 1995 ; 26 : 633-635
decompression in the leg. J Bone Joint Surg Br 1991 ; 73 :
287-290 [38] Matsen FA, Krugmire RB. Compartmental syndromes. Surg [66] Sirbu AB, Murphy MJ, White AS. Soft tissue complication of
Gynecol Obstet 1978 ; 147 : 943-949 fracture of the leg. Calif West Med 1944 ; 60 : 53-56
[11] Doi K, Kuwata N, Sakai K, Tamaru K, Kawai S. A reliable
technique of free vascularized sural nerve grafting and pre- [39] Mavor GE. The anterior tibial syndrome. J Bone Joint Surg Br [67] Strange FG. An operation for nerve pedicle grafting. Pre-
liminary results of clinical applications. J Hand Surg Am 1956 ; 38 : 513-517 liminary communication. Br J Surg 1947 ; 34 : 423-425
1987 ; 12 : 677-684 [40] McCullough CJ, Gagey O, Higginson DW, Sandin BM, [68] Styf J, Forssblad P, Lindborg G. Chronic compartment syn-
[12] Eaton RG, Green WT. Epimysiotomy and fasciotomy in the Crow JJ, Sebille A. Axon regeneration and vascularisation of drome in the first dorsal interosseous muscle. J Hand Surg
treatment of Volkmann’s ischemic contracture. Orthop Clin nerve grafts. An experimental study. J Hand Surg Br 1984 ; Am 1987 ; 12 : 757-762
North Am 1972 ; 3 : 175-186 9 : 323-327
[69] Styf J, Korner L, Suurkula M. The muscle intramuscular pres-
[13] Eichler GR, Lipscomb PR. The changing treatment of Volk- [41] McLardysmith P, Burge PD, Watson NA. Ischaemic con-
sure and muscle blod flow during exercise in chronic com-
mann’s ischemic contractures from1955 to1965 at the tracture of the intrinsec muscles of the hands. A hazard of
partment syndrome. J Bone Joint Surg Br 1987 ; 69 : 301-305
Mayo Clinic. Clin Orthop 1967 ; 50 ; 215-223 physical restraint. J Hand Surg Br 1986 ; 11 : 65-67
[42] McQueen MM. Compartment syndromes. In : Court- [70] Styf J, Korner LM. Chronic anterior compartment syn-
[14] Ellis H. Disabilities after tibial shaft fractures. J Bone Joint Surg drome of the leg. Results of treatment by fasciotomy. J Bone
Br 1958 ; 40 : 190-197 Brown CM, McQueen MM, Quaba AA eds. Management
of open fractures. London : Martin Dunitz, 1996 Joint Surg Am 1986 ; 68 : 1338-1347
[15] Faschinelli A, Masquelet AC, Restrepo J, Gilbert A. The vas- [71] Summerfield SL, Folberg CR, Weiss AP. Compartment syn-
cularized sural nerves. Anatomy and surgical approach. Int [43] McQueen MM, Courtrown CM. Compartment monitor-
ing in tibial fractures. The pressure threshold for decom- drome of the pronation quadratus: a case report. J Hand
J Microsurg 1981 ; 3 : 57-62 Surg Am 1997, 22 : 266-268
pression. J Bone Joint Surg Br 1996 ; 78 : 99-104
[16] Finkelstein JA, Hunter GA, Hu RW. Lower limb compart-
ment syndrome; course after delayed fasciotomy. J Trauma [44] Moulonguet P, Seneque J. Syndrome de Volkmann. Bull [72] Sundararaj GD. Management of Volkmann’s ischaemic
1996 ; 40 : 342-344 Mém Soc Nat Chir 1928 ; 54 : 1094 contracture of the upper limb. J Hand Surg Br 1985 ; 10 :
[45] Mubarak SJ, Owen CA. Double incision fasciotomy of the 401-403
[17] Freedman BJ. Dr Edward Wilson of the Antartic: a bio-
graphical sketch, following by an inquiry into the nature of leg for decompression in compartment syndromes. J Bone [73] Sundararaj GD, Mani K. Pattern of contracture and reco-
this last ilness. Proc R Soc Med 1953 ; 47 : 7-13 Joint Surg Am 1977 ; 59 : 184-187 very following ischaemia of the upper limb. J Hand Surg Br
[46] Muller GP, Masquelet AC. Syndrome de loge d’effort du 1985 ; 10 : 155-161
[18] Garber JN. Volkmann’s contracture as complication of frac-
tures of the forearm and elbow. J Bone Joint Surg 1939 ; 21 : pied. Rev Chir Orthop 1995 ; 81 : 549-552 [74] Tarlow SD, Achterman CA, Hayhurst J, Ovadia DN. Acute
154-168 [47] Owen R, Tsimboukis B. Ischemia complicating closed tibial compartment syndrome in the thigh complicating fracture
[19] Gaspar DJ, Kohl RD. Compartment syndromes in which the and fibular shaft fractures. J Bone Joint Surg Br 1967 ; 49 : of the femur. A report of three cases. J Bone Joint Surg Am
skin is the limitating boundary. Clin Orthop 1975 ; 113 : 268-275 1986 ; 68 : 1439-1446
65-67 [48] Page CM. An operation for relief of flexion-contracture in [75] Tompkins DG. Exercise myopathy of the extensor carpi
[20] Godinger JJ, Huc De Bat JM, Lecestre P, Lortat-Jacob A, the forearm. J Bone Joint Surg 1939 ; 21 : 233-234 ulnaris muscle. Report of a case. J Bone Joint Surg Am 1977 ;
Aubert JD, Ramadier JO. Syndrome ischémique post- [49] Parks A. The treatment of established Volkmann’s contrac- 59 : 407-408
traumatique des loges de la jambe. Rev Chir Orthop 1979 ; ture by tendon transplantation. J Bone Joint Surg Br 1951 ; [76] Townsend PL, Taylor GL. Vascularized nerve grafts using
65 : 221-229 33 : 359-362 composite arterialised neurovenous systems. Br J Plast Surg
[21] Gosset J. La désinsertion chirurgicale des muscles de la loge [50] Patman RD, Thompson JE. Fasciotomy in peripheral vascu- 1984 ; 37 : 1-17
antérieure de l’avant-bras dans le traitement de contractu- lar surgery. Report of 164 patients. Arch Surg 1970 ; 101 : [77] Tsuge K. Treatment of established Volkmann’s contrac-
res et rétractions ischémiques. J Chir 1956 ; 72 : 487-494 663-672 ture. J Bone Joint Surg Am 1975 ; 57 : 925-929
[22] Gosset J. Les nécroses ischémiques et anoxiques des [51] Phalen GS, Miller RC. The transfer of wrist extensor muscles
[78] Viegas SF, Rimoldi R, Scarborough M, Ballantyne GM.
muscles de l’avant-bras et de la main. Ann Chir 1975 ; 29 : to restore or reinforce flexion power of the fingers and
Acute compartment syndrome in the thigh: a case report
1059-1064 opposition of the thumb. J Bone Joint Surg 1947 ; 29 :
and a review of the litterature. Clin Orthop 1988 ; 234 :
[23] Gousheh J. Biceps transfer for finger flexion and latissimus 993-997
232-234
dorsi transfer for finger flexion or extension. In : Tubiana R, [52] Phillips JH, MacKinnon SE, Murray JF, McUrtry RY. Exercise-
Gilbert A, Masquelet AC eds. An Atlas of surgical tech- induced chronic compartment syndrome of the first [79] Volkmann R. Die ischaemischen Muskellähmungen und
niques of the hand and wrist. London : Martin Dunitz, interosseous muscle of the hand: a case report. J Hand Surg Kontrakturen. Zentrabl Chir 1881 ; 51 : 801
1999 : 351-354 Am 1986 ; 11 : 124-127 [80] Wells J, Templeton J. Femoral neuropathy associated with
[24] Halpern AA, Greene R, Nichols T, Burton DS. Compartment [53] Pisan M, Klaue K. Compartment syndrom of the foot. Eur J anticoagulant therapy. Clin Orthop 1977 ; 124 : 155-160
syndrome of the interosseous muscles. Early recognition Foot Ankle Surg 1994 ; 1 : 29-36 [81] Zancolli E. Tendon transfers after ischemic contracture of
and treatment. Clin Orthop 1979 ; 140 : 23-25 [54] Puranen J. The medial tibial syndrome: exercise ischaemia the forearm. Classification in relation to intrinsic muscles
[25] Harris I. Gradual closure of fasciotomy wounds using a of the medial fascial compartment of the leg. J Bone Joint disorders. Am J Surg 1965 ; 109 : 356-360
vessel loop shoelace. Injury 1993 ; 24 : 565-566 Surg Br 1974 ; 56 : 712-715 [82] Ziu I, Mosheiff R, Zeligowski A, Lilbergal M, Lowe J, Segal D.
[26] Heckmann MM, Whitesides TE, Grewe SR, Rooks MD. [55] Reid RL, Travis HT. Acute necrosis of the second Crush injuries of the foot with compartment syndrome:
Compartment pressure in association with closed tibial interosseous compartment of the hand. J Bone Joint Surg immediate one-stage management. Foot Ankle 1989 ; 9 :
fractures. J Bone Joint Surg Am 1994 ; 76 : 1285-1292 Am 1973 ; 55 : 1095-1097 185-189
18
Principes de traitement chirurgical de l'infection osseuseInfection sur os continu
Résumé
Le traitement chirurgical de l'infection osseuse sur os solide repose sur un triptyque thérapeutique :
excision - comblement - couverture.
Plan
Excision : nettoyage d'un foyer osseux infecté sur os solide
Comblement de la cavité
Comblement par des matériaux inertes
Fermeture cutanée
Non-fermeture cutanée
Fragilisation
Haut de page
Excision : nettoyage d'un foyer osseux infecté sur os solide
Préparation du malade
Bilan général
lit du malade est un prélèvement abondant, fait d'un liquide venant de la profondeur. Il faut éliminer
les prélèvements faits par un écouvillon promené sur une plaie mal nettoyée. Le plus souvent, ces
prélèvements techniquement incorrects ne poussent pas (écouvillon desséché) ou montrent une flore
trop abondante par contamination.
- L'antibiothérapie préopératoire est fortement conseillée. Elle comporte une bithérapie synergique
par voie parentérale, encadrant l'intervention à risque septique pendant 15 jours afin d'éviter une
dissémination peropératoire. Quand l'état infectieux n'est pas inquiétant, on a intérêt à attendre
d'avoir fait des prélèvements profonds peropératoires pour commencer l'antibiothérapie. Au-delà du
15e jour, si on le désire, le relais peut être pris par un antibiotique de la même famille par voie orale
pour la durée souhaitée. Il est à noter que certains antibiotiques par voie orale n'ont aucune efficacité
osseuse en raison de leur faible concentration sérique et d'un rapport taux sérique sur taux osseux
défavorable. C'est notamment le cas de l'oxacilline.
Bilan local
- Les radiographies : systématiquement, les clichés de face et de profil seront complétés par des
incidences de trois quarts. On visualise ainsi au mieux une différence de tonalité sur un segment
osseux qui pourrait traduire le séquestre. Il faut le plus souvent s'aider de tomographies de face et de
profil. En effet, l'appréciation peropératoire de la vitalité des fragments étant très difficile, on ne
saurait trouver suffisamment d'examens préopératoires pour apprécier la vitalité de ces fragments. Il
est ainsi notamment utile de retrouver des radiographies anciennes afin de connaître le passé de
certains fragments osseux. On peut découvrir des écailles qui étaient quelques temps auparavant
totalement libres et qui, donc, ont peu de chance d'être encore vivantes, même si un gros cal
périphérique les englobe.
- La tomodensitométrie (scanner) peut être d'un précieux appoint. Elle permet, notamment, d'avoir
une bonne appréciation du canal médullaire, ce qui est indispensable quand on recherche un « grelot
» intraosseux. Par ailleurs, la réaction corticale est souvent tellement importante que seul le scanner
peut trouver un séquestre endomédullaire. Par la différence de tonalité, il permet aussi d'apprécier
une éventuelle présence de pus endomédullaire.
- La résonance magnétique nucléaire ne semble pas pouvoir donner une appréciation valable de la
vitalité des fragments.
- La fistulographie est demandée très fréquemment, mais elle est souvent décevante. Si, dans
certains cas, elle permet d'affirmer la communication entre la fistule et l'os, sa négativité n'élimine
absolument pas l'origine osseuse de l'infection. Elle permet, dans un certain nombre de cas, de
mettre en évidence des poches et des récessus qui guideront le geste opératoire. Elle doit donc être
considérée comme un apport technique plus que comme un apport diagnostique. Mais souvent, un
trajet anfractueux est mal opacifié. Il peut être intéressant de la coupler au scanner (fistuloscanner).
- L'artériographie doit être demandée chaque fois qu'une fistule se situe à proximité des axes
vasculaires. Elle permet de prévoir les difficultés techniques.
Intervention
Installation
Elle doit permettre un accès à la totalité du membre. On doit pouvoir aborder la face de l'os opposée
à la voie d'abord. Il faut donc, dans cette installation, prévoir des drainages à distance. Il s'agit d'une
installation extensive qui varie en fonction de chaque localisation. On opère le plus souvent possible
sous hémostase préventive. Celle-ci a un double intérêt :
- d'une part, limiter l'hémorragie peropératoire qui est souvent très importante dans ces tissus
scléreux ;
- d'autre part, mieux juger la vitalité de l'os et donc mieux apprécier l'excision à faire.
On peut avoir intérêt à injecter du bleu de méthylène dans la fistule, au tout début de l'intervention de
nettoyage d'un foyer ostéitique, pour visualiser des récessus fistuleux qui auraient pu passer
inaperçus. Il ne faut pas attendre de l'injection de bleu de méthylène, un diagnostic concernant
l'origine osseuse de la fistule. Ce diagnostic doit avoir été porté en préopératoire. Mais ce geste
simple peut être d'un certain secours pour apprécier l'extension infectieuse dans les parties molles.
Voie d'abord
Elle doit être la voie d'abord principale habituelle de la diaphyse intéressée. Ce n'est que dans les
cas où la fistule siège sur une voie d'abord classique conventionnelle que l'on aborde le foyer
ostéitique en excisant la fistule. Ailleurs, on fait appel aux voies d'abord habituelles.
À l'humérus (fig 1)
La voie antéroexterne est la plus utilisée. Le malade est installé en décubitus dorsal. Le membre
supérieur est posé sur une tablette, l'avant-bras reposant sur la partie latérale de l'abdomen. La
totalité du membre est badigeonnée, en prévoyant une installation des champs qui permette l'abord
axillaire. La bande d'Esmarch est mise en place, modérément serrée, une broche de Steinmann ou
une pointe carrée est plantée dans l'extrémité supérieure de l'humérus. Elle permet un appui de la
bande d'Esmarch réalisant une hémostase préventive, même pour les lésions les plus hautes de la
diaphyse humérale. La voie d'abord antéroexterne part immédiatement en arrière du V deltoïdien et
descend vers l'épicondyle. La cloison intermusculaire externe est laissée en arrière. On désinsère le
brachial antérieur et le long supinateur. On repère le nerf radial. Il devient externe, quatre travers de
doigt au-dessus de l'interligne du coude (environ 10 cm au-dessus de l'épicondyle). La diaphyse est
abordée en ruginant. La voie brachiale interne passant le long des vaisseaux est fortement
déconseillée. En effet, elle permet, certes, un bon abord de la diaphyse mais, en cas de récidive
infectieuse après la séquestrectomie, il y a un risque de voir apparaître une fistule interne
particulièrement difficile à traiter en raison de la proximité des vaisseaux.
À l'avant-bras (fig 2)
- La voie d'abord la plus utilisée pour le radius est la voie externe : installation en décubitus dorsal, le
coude est posé sur une tablette, on prépare la totalité du membre supérieur jusqu'au creux axillaire.
On met en place un garrot pneumatique. L'incision retrouve une ligne qui part de l'épicondyle (fig 3)
et qui se dirige vers la styloïde radiale. Dès l'aponévrose superficielle franchie, on cherche l'interstice
entre le long supinateur et les radiaux, ce qui est rendu facile par la direction des fibres musculaires
d'une part, et par la mobilisation des muscles d'autre part ; la partie basse de l'incision doit respecter
la branche antérieure superficielle sensitive du nerf radial.
- Le cubitus est abordé dans la même installation en pliant le coude et en portant en forte rotation
externe le membre supérieur. L'incision est strictement postérieure, sur la crête cubitale. Au bistouri,
on incise franchement jusqu'au périoste. Il est fortement déconseillé d'utiliser des voies d'abord
uniques (voie de Henry) qui permettraient d'exposer le radius et le cubitus par une seule incision.
Dans une atmosphère infectieuse, le risque de synostose est encore plus grand et les dissections
vasculaires, dans un tissu scléreux, sont souvent laborieuses, donc dangereuses.
Au fémur (fig 4)
La voie d'abord est le plus souvent postéroexterne. Installation en décubitus latéral, ou installation de
trois quarts, un gros coussin sous la fesse, un contre-appui au niveau de l'autre hanche. On
badigeonne la totalité du membre inférieur, l'hémostase préventive est assurée par un garrot
pneumatique lorsque la lésion est basse, mais très souvent, l'emplacement du garrot gêne pour
atteindre le tiers moyen de la diaphyse : on préférera donc la bande d'Esmarch stérile, bloquée en
haut par une pointe carrée dans le trochanter. Il est ainsi possible d'aborder même la région sous-
trochantérienne sous couvert de l'hémostase préventive.
L'incision retrouve une ligne qui part du sommet du grand trochanter et qui se termine au niveau du
condyle externe. Le plan externe incisé, on prend contact avec le vaste externe. Celui-ci est soulevé
à l'aide d'une rugine qui cravate la diaphyse fémorale, mettant en tension les fibres musculaires. La
rugine est remplacée par un écarteur contre-coudé et, au bistouri électrique, on incise le vaste
externe au ras de la cloison intermusculaire externe, laissant quelques millimètres de fibres s'insérer
sur cette cloison, évitant de pénétrer dans la loge postérieure. De proche en proche, au bistouri
électrique, on s'étend vers le haut et vers le bas, on voit apparaître les perforantes qui sont liées une
à une. L'abord fémoral postéroexterne représente l'autoroute par laquelle la quasi-totalité des gestes
vont pouvoir être faits.
Au tibia (fig 5)
À ce niveau, la situation est plus simple puisque, le plus souvent, la fistule est antéro-interne, lieu de
la voie d'abord préférentielle.
Geste osseux
Séquestrectomie
La voie d'abord est menée de proche en proche jusqu'à atteindre le foyer osseux. Chemin faisant, on
excise a minima et prudemment les zones manifestement infectées et purulentes. Le raclage à la
curette ou à la rugine est un geste préférable à l'excision au bistouri (fig 6). En effet, la pénétration
des antibiotiques au niveau des parties molles est telle qu'il peut être laissé du tissu douteux à
condition qu'il soit parfaitement vivant. Or, on va voir l'intérêt primordial de la couverture osseuse.
Une excision outrancière des parties molles risque de rendre impossible la fermeture. Par ailleurs,
l'excision des tissus scléreux peut être inquiétante, car elle mène à proximité d'éléments nobles. La
totalité de la zone infectée est exposée en prenant le repère avec l'os sain au-dessus et au-dessous.
Dès lors, apparaît le séquestre, d'aspect blanc nacré, ne saignant pas lorsqu'on le frappe avec un
ciseau ou lorsqu'on le perfore à la mèche. Parfois, il est libre et il vient à la simple pince à disséquer
(fig 7), parfois, il est dans la continuité osseuse mais avec un véritable sillon de démarcation entre
l'os saignant et l'os mort. C'est le « séquestre dans la continuité ». Parfois, il est très difficile de faire
la limite entre l'os nécrosé et l'os mort. La résection doit être alors prudente. Celle-ci n'est jamais faite
au ciseau frappé. L'os ostéitique est cassant, on risque de provoquer des éclats.
- Technique (fig 8) : on repère très minutieusement la zone non vivante. On perfore à la périphérie
avec une mèche de 2,5 mm. On transforme donc le séquestre en timbre-poste dont on complète
l'exérèse au ciseau frappé (fig 8). La scie oscillante est rarement utilisable en raison de l'habituelle
dureté de l'os ostéitique. La tranche de section est inspectée, elle doit être bien saignante. À noter
que, si, pour l'ostéite post-traumatique, le séquestre est souvent bien individualisé avec une limite
nette, il n'en est pas de même pour l'ostéomyélite hématogène où, au cours du temps, il s'est produit
une régénération de cet os infecté : on retrouve une association d'os jeune, saignant et d'os ancien
séquestré. On trouve, à certains endroits, une corticale « sandwich » associant des tranches d'os
vivant et d'os nécrosé, ce qui rend l'exérèse particulièrement difficile. Il convient donc d'être
particulièrement parcimonieux lors de l'excision de l'ostéomyélite hématogène.
Trépanation (fig 9)
- Technique : la trépanation ne sera jamais faite au ciseau frappé. On utilise soit la scie oscillante
avec deux lames parallèles, soit la mèche ; on fait soit une double rangée de perforations à la mèche
de 2,5 mm, soit une perforation unique à la mèche de 4,5 mm. La trépanation est agrandie de proche
en proche en veillant à ne pas fragiliser. Il est dangereux d'enlever plus du quart de la circonférence
d'une diaphyse au membre inférieur. Par ailleurs, le risque de fragilisation doit être pesé en fonction
de la qualité de l'os sous-jacent. Un os d'ostéomyélite chronique peut être volumineux, mais fragile
par son manque d'élasticité. Il faudra donc être modéré dans sa trépanation. L'étendue de la
trépanation doit être guidée par les examens préopératoires. C'est l'intérêt de la tomodensitométrie
qui permet de rechercher un corps étranger, un séquestre ou un morceau de matériel
centromédullaire. Dès la trépanation effectuée, on envoie des fragments de matériel endomédullaire
à l'étude bactériologique afin de connaître le germe responsable de l'infection profonde. Un lavage
soigneux au Dakin® est effectué. Le Dakin® est l'antiseptique de choix pour ces nettoyages
peropératoires. Il a d'une part, un effet de désinfection locale indiscutable et d'autre part, un effet
hémostatique temporaire qui permet de mieux visualiser encore le saignement des corticales. Il est
parfaitement innocent sur le plan bactériologique à condition d'être stocké en flacon à usage unique
et de respecter les dates de péremption.
Le but de cette méthode est de visualiser la vitalité de l'os. Le bleu de disulphine injecté en
intraveineux colore en totalité le malade qui devient entièrement bleu. Seuls les tissus non
vascularisés restent blancs. L'opérateur peut donc limiter l'excision aux seuls fragments osseux
blancs, non colorés en bleus. Cette technique décrite en France par Jenny est très séduisante. Elle
pose toutefois un certain nombre de problèmes qui en ont fait restreindre l'utilisation. La surveillance
per- et postopératoire d'un malade « bleu » peut être difficile. Par ailleurs, le malade et les familles
supportent mal l'aspect bleu des téguments qui dure 48 heures. L'appréciation de la nécrose peut
être, en fait, difficile à faire car l'os ostéitique présente souvent un aspect « feuilleté » avec des
couches osseuses vivantes envahissantes, recouvrant des couches blanches non vascularisées.
Enfin, cette méthode montre l'os nécrosé à un moment donné, mais on sait que la nécrose est
variable dans le temps ; cette zone nécrosée peut se réhabiter secondairement. Personnellement,
nous n'utilisons plus la coloration vitale au bleu de disulphine pour ces diverses raisons, mais cette
méthode peut rendre des services dans certains cas ; certaines équipes continuent à l'utiliser, mais il
est de plus en plus difficile de trouver le produit.
Ablation du matériel
Le nettoyage du foyer comporte, dans un premier temps l'ablation éventuelle du matériel. Ce geste
ne comporte pas de difficultés particulières. Il nécessite l'abord de la totalité du foyer. Il nécessite,
aussi, la parfaite connaissance du matériel implanté, pour disposer de l'instrumentation ancillaire.
Ablation de plaque
Il faut avoir à portée de la main un jeu complet de tournevis cruciforme, hexagonal ou à pan. Les
trous de vis seront nettoyés à la curette « grain de mil ». Passé un certain délai, l'ablation du matériel
de vitallium peut être extrêmement laborieuse en raison de l'incorporation osseuse à l'intérieur du
filetage. Souvent, les vis sont trouvées fracturées. La plaque peut donc être enlevée sans difficulté,
mais en laissant le filetage intraosseux. L'ablation de ce filetage résiduel nécessiterait une
trépanation hautement fragilisante. L'indication de l'ablation de ce filetage résiduel doit être mûrement
réfléchie. Dans bon nombre de cas, lorsque la suppuration est modérée, il est préférable de laisser le
filetage enfoui dans l'os, plutôt que de prendre un risque de fracture secondaire (fig 10).
Ablation du clou lui-même - Technique : incision reprenant l'incision au niveau du point d'introduction.
Discision a minima jusqu'à atteindre le sommet du clou.
- Clou de Müller (fig 11 A) : le cône est vissé dans le clou et l'extraction est faite le plus souvent sans
grande difficulté. L'abord peut être minime, le nettoyage du foyer opératoire pouvant être fait à la
curette, presque à l'aveugle (fig 11 D).
- Clou de Küntscher : l'exérèse peut être plus laborieuse, il faut absolument aborder l'oeillet. Ceci
peut nécessiter une trépanation au niveau supérieur si le clou est enfoui. Il est souvent nécessaire de
faire une voie d'abord relativement extensive à ce niveau, pour glisser le crochet d'extraction.
- Clou fracturé (fig 11 B) (traduisant les difficultés de consolidation de la fracture). L'ablation du
fragment supérieur ne pose pas de difficultés techniques. Elle est faite soit par le cône vissé, soit par
le crochet introduit dans l'oeillet. La partie distale peut être plus laborieuse à enlever. Lorsque la
fracture du clou siège au tiers supérieur, on peut arriver, dans un certain nombre de cas, à glisser le
cône de petit calibre de matériel de Müller qui, vissé à force, crée un véritable filetage dans la partie
résiduelle du clou assurant une prise suffisante pour en faire l'extraction. Lorsque l'extrémité du
fragment restant est trop distale, on est obligé de faire une trépanation basse pour chasser le clou de
bas en haut.
Nettoyage de la diaphyse
La fistulectomie est l'intervention souhaitable. Elle permet l'ablation des tissus mous nécrosés,
scléreux ou infectés. Si ce geste est souhaitable, il est rarement réalisable. En effet, la fistulisation se
fait souvent dans des zones anatomiquement dangereuses : creux axillaire pour l'extrémité
supérieure de l'humérus (fig 13), face interne de l'humérus, face interne de cuisse ou pli inguinal,
creux poplité. Le nettoyage doit être prudent, respectant les éléments nobles. C'est la
séquestrectomie ou le nettoyage focal qui guérit et non l'excision isolée d'une fistule. À l'inverse,
laisser dans un trajet fistuleux des fragments faisant corps étrangers, serait une faute. On s'aide de la
fistulographie et des opacifications vasculaires. Après l'abord focal, on cathétérise le trajet fistuleux.
Une pince est conduite dans ce trajet, partant de l'extérieur et se dirigeant vers la cavité osseuse.
Lorsque le trajet est large, on peut l'explorer.
- Deux écarteurs de Farabeuf présentent le trajet et le contenu de la fistule. La curette caresse avec
une certaine fermeté les parois de la poche jusqu'à ne plus rencontrer que des tissus adhérents. Le
tissu fongueux rougeâtre doit être excisé.
Lorsque l'exploration préopératoire par fistulographie montre une poche volumineuse à proximité des
éléments nobles, il convient de commencer par un repérage de ces éléments nobles pour pouvoir
faire un nettoyage correct de la fistule. La dissection des éléments nobles peut être particulièrement
difficile et risquée dans une atmosphère septique avec un environnement de parties molles
scléreuses, la réparation d'une plaie artérielle ou veineuse iatrogène étant des plus aléatoires en
raison de l'infection de proximité.
La fermeture de la fistule est rarement faisable. Elle n'est pas souvent souhaitable. Elle peut servir de
trajet de drainage. Lorsque l'excision a été correcte et que les parois de la fistule sont bien vivantes,
on a intérêt à la refermer par une fermeture large allant appliquer des tissus sains les uns par rapport
aux autres. Un drainage soigneux déclive est alors proposé. Lorsque les tissus du trajet fistuleux
n'ont pu être excisés en totalité, ou lorsqu'il existe encore un doute sur la qualité des parois
fistuleuses, on a intérêt à laisser le trajet fistuleux tel quel, quitte même à l'aménager de façon
temporaire, en s'en servant comme d'un orifice de drainage, la fermeture spontanée devant survenir
s'il n'y a plus de production liquidienne en profondeur.
Haut de page
Comblement de la cavité
Comblement musculaire
L'excision amène à créer une cavité qui doit impérativement être comblée afin d'éviter la récidive.
Principes
Le comblement musculaire de la cavité ostéitique est une solution satisfaisante pour plusieurs
raisons : un muscle bien vascularisé permet d'apporter un tissu vivant. Par ailleurs, le muscle vivant
rend efficace l'antibiothérapie générale en augmentant considérablement les taux locaux. Enfin, sur le
comblement musculaire, on peut facilement pratiquer une greffe de peau qui va amener la couverture
cutanée. Malheureusement, le comblement musculaire se heurte à une difficulté principale qui est
celle de trouver du muscle dans des zones plus ou moins sclérosées par l'infection chronique.
Quels muscles ?
Le comblement musculaire, dans certaines régions particulièrement charnues, peut être fait à l'aide
d'un muscle de voisinage dont on détourne l'insertion distale. Certains muscles se prêtent à cette
intervention. C'est ainsi que le biceps crural peut être désinséré de son insertion péronière et remonté
de 7 ou 8 cm pour venir combler une cavité osseuse de l'extrémité inférieure du fémur. Il est à noter,
toutefois, que la vascularisation du biceps étant habituellement perforante et transversale, une
libération trop extensive du muscle entraînerait sa nécrose. La dissection extensive permet de voir
les vaisseaux arrivant à la face postérieure du muscle et de les respecter ou de les lier à la demande.
Les muscles habituellement les plus utilisables sont le jambier antérieur (fig 14) dont la dissection doit
être prudente, et l'arc de rotation de ce fait assez limité, de même le court péronier latéral permet de
couvrir des pertes de substance peu importantes du tiers moyen de jambe. Le brachial antérieur, le
cubital antérieur et le cubital postérieur sont utilisables au membre supérieur ; mais le prélèvement de
ces muscles doit être réfléchi compte tenu des séquelles fonctionnelles possibles.
Ces lambeaux musculaires de voisinage seront réalisés selon les principes techniques suivants :
l'avivement et la résection osseuse sont menés de façon classique. La cavité doit être régulière afin
qu'elle puisse être facilement bouchée par le lambeau. Il convient notamment de réséquer la berge
osseuse par laquelle le muscle va plonger dans la cavité. Il serait dangereux de maintenir un bord
saillant susceptible de faire chevalet, provoquant une ischémie du lambeau (fig 16). Le muscle est
faufilé par un laçage au nylon gainé (afin de pouvoir coulisser). On réalise un tunnel à la partie la plus
profonde de la cavité à boucher. Les deux brins du nylon gainé sont passés dans ce tunnel, ils sont
noués à la face opposée du segment de membre, soit sur un bourdonnet, soit sur un bouton. Il est
souvent nécessaire de suturer le muscle à sa périphérie aux parties molles environnant la cavité de
résection. Le drainage est le temps fondamental de cette intervention : lorsque la suture cutanée
étanche est possible, on fera appel à un drainage aspiratif, sinon on utilisera les procédés de
drainage décrits plus loin. Une greffe cutanée recouvre la zone exposée du muscle (fig 17).
Deux muscles sont particulièrement utilisables pour combler les cavités ostéitiques, en raison de leur
vascularisation : le grand dorsal et le jumeau interne.
Installation : malade sur le dos, un coussin sous la fesse opposée, garrot pneumatique. On
commence par le temps d'excision. Après avoir changé d'instruments, on passe au temps de
comblement musculaire. L'incision est postéro-interne, suivant la ligne d'incision de ligature de l'artère
tibiale postérieure. Une fois la peau franchie, l'opérateur glisse vers l'arrière, donc plus superficiel. Il
incise l'aponévrose du triceps et repère de haut en bas le plan du triceps. Le passage entre le jumeau
et le soléaire est très facilement trouvé. Le plan de clivage entre les jumeaux est souvent plus difficile
à trouver, le sillon intergémellaire n'étant parfaitement individualisé qu'en bas, au niveau de la
jonction avec le tendon d'Achille. On passe un fil repère prenant en bloc l'aponévrose profonde du
triceps et le muscle. De bas en haut, on remonte le muscle qui est décollé du soléaire sans difficulté,
en le clivant du jumeau externe. À la partie haute du décollement, il faut inciser franchement le plan
fibreux superficiel, ce qui permet d'aborder la face profonde du jumeau interne très haut ; à partir du
pli de flexion du genou, la dissection devient prudente jusqu'à voir apparaître l'artère jumelle qui est
remontée jusqu'à sa naissance. Le pédicule qui permet la rotation doit être le seul axe artérioveineux
jumeau interne. Tous les autres éléments sont sectionnés autour, et on dispose ainsi d'un très
volumineux lambeau musculaire dont l'arc de rotation et la couverture sont très importants. Le
passage en direction de la cavité ostéitique peut être fait de deux façons, soit en glissant en sous-
cutané : dans ce cas, le canal sous-cutané doit être très large, ne constituant en aucun cas une
striction. Cette solution est souvent dangereuse en cas d'oedème postopératoire qui pourrait
comprimer le pédicule. C'est pourquoi nous lui préférons la tranchée dans les parties molles en
direction de la cavité à boucher. L'axe de cette tranchée est soigneusement étudié, il doit être
rectiligne, et l'incision est menée franchement jusqu'à ce que le lambeau ait un trajet libre. Alors le
lambeau est appliqué par des points transosseux. Le muscle ne doit subir aucune traction excessive,
ni aucune coudure de son pédicule. Habituellement, c'est la face aponévrotique profonde blanc nacré
qui s'applique le plus facilement dans la cavité. Ce positionnement expose donc la face musculaire
rose à la superficie cutanée. Elle peut être facilement recouverte d'une greffe de peau. On a intérêt à
retarder ce temps de greffe cutanée en raison des possibilités de variation de volume du lambeau
d'une part, et de la possibilité de rétraction des berges d'autre part, qui diminuerait autant la greffe
cutanée. La grande incision postéro-interne est refermée sur un drainage aspiratif.
Dans les suites opératoires, le lambeau est inspecté dès le soir de l'intervention. En effet, un éventuel
oedème postopératoire pourrait compromettre la vitalité du lambeau et il pourrait être nécessaire de
faire sauter un point rapidement. Le pansement est refait tous les 5 jours environ jusqu'à la décision
de la greffe cutanée. Il convient de rééduquer rapidement la cheville afin d'éviter un équin du pied, qui
Zones d'utilisation : le lambeau de jumeau interne permet de combler des cavités osseuses sur le
tiers supérieur du tibia, face interne et face externe, et permet de remonter sur la face antérieure du
genou, la rotule et même la partie basse du fémur. Il est d'une très grande fiabilité, il laisse peu de
séquelles, mais il ne peut résoudre les comblements musculaires au-delà de la partie moyenne de la
jambe.
Le muscle grand dorsal a une vascularisation unique par une artère relativement volumineuse,
branche de l'artère axillaire. On peut donc le pédiculer autour du creux axillaire en sectionnant toutes
ses attaches périphériques.
Technique : malade en décubitus dorsal, légèrement de côté. On prépare tout le membre supérieur,
la racine du cou, toute la paroi thoracique jusqu'à la racine de la cuisse. L'incision est faite sur la ligne
axillaire moyenne. Une fois le plan superficiel et l'aponévrose franchis, on reconnaît facilement le
grand dorsal dont les fibres partent du creux axillaire pour se diriger vers l'aponévrose lombaire en
bas et en dedans. On commence par désinsérer le muscle de son insertion basse. On peut prélever
quelques centimètres de l'aponévrose lombaire sans inconvénient. On remonte le muscle grand
dorsal, en sectionnant progressivement la membrane tendineuse d'insertion sur les apophyses
épineuses et, partant de ce plan de clivage, on trouve facilement d'une part le bord axillaire, d'autre
part, l'artère nourricière. On peut prélever son nerf. L'apparition, à la face profonde du muscle, de
l'artère doit rendre prudent lors de la dissection. Celle-ci ne doit pas, pour autant, être arrêtée et il faut
remonter jusqu'à l'artère axillaire en sectionnant un certain nombre de petites branches qui se
rendent en périphérie. Lorsqu'on est au contact de l'artère axillaire, on a un arc de rotation très
important. Le muscle peut être tunnellisé pour recouvrir et combler tout foyer ostéitique partant du
tiers supérieur de l'humérus, le moignon de l'épaule, la région claviculaire. Il est possible de combler
des cavités ostéitiques vertébrales cervicales jusqu'en C3. Le gril costal est facilement recouvert par
ce muscle volumineux. Il est toutefois relativement peu aisé de lui faire traverser la ligne médiane
pour aller recouvrir des côtes moyennes ou basses controlatérales. La fermeture de l'incision axillaire
moyenne est faite sur drainage aspiratif. Là encore, le muscle est laissé à l'air, il sera recouvert
secondairement par une greffe cutanée mince.
Le jumeau externe : il a la même vascularisation que le jumeau interne. Son utilisation chirurgicale
peut être la même. Il répond bien aux cavités latérales. En fait, s'il est peu utilisé, c'est que la face
externe de jambe est plus charnue et la nécessité du comblement musculaire s'y fait moins sentir. En
outre, sa rotation nécessite souvent un décroisement délicat avec le nerf sciatique poplité externe.
Si le grand dorsal et les jumeaux sont d'une grande simplicité d'utilisation, d'une grande fiabilité, les
autres muscles sont plus difficiles à utiliser, en raison de leur vascularisation.
Le soléaire (fig 21) : son intérêt est grand car il est charnu plus bas que les jumeaux. Par ailleurs, il
est plus large et s'étale facilement. La vascularisation du soléaire est double : d'une part, un pédicule
l'abordant par sa partie haute venant de la tibiale postérieure juste après sa naissance et, d'autre
part, des pédicules moyens et inférieurs transversaux courts qui naissent de l'artère tibiale
postérieure et de la péronière.
Le soléaire peut donc être mobilisé sur son pédicule supérieur après sacrifice des pédicules
inférieurs. Cette technique est sûre. Certains ont pu proposer de pédiculer le soléaire sur ses
pédicules inférieurs en sectionnant le pédicule supérieur et en mobilisant le muscle en partant du
haut (fig 22). Cette technique est moins sûre, mais elle permet de couvrir et de combler des cavités
nettement plus basses. Nous ne détaillerons pas la technique du lambeau de soléaire, décrite par
ailleurs dans cet ouvrage [3]. Il est à noter que le lambeau de soléaire est une intervention nettement
moins simple que le lambeau de jumeau interne. En effet, si on trouve facilement le sillon
intersoléaire marqué par un pédicule veineux, la dissection de la face antérieure, profonde, du
soléaire est souvent difficile : elle se fait au contact de l'artère tibiale postérieure et nécessite une
grande minutie afin de conserver au maximum les pédicules nourriciers du muscle, le clivage avec le
fléchisseur commun des orteils étant difficile. Par ailleurs, le soléaire permet, certes, d'atteindre des
zones inaccessibles au jumeau interne, mais ne permet pas de descendre jusqu'au tiers inférieur de
jambe (fig 23). Enfin, la fiabilité du lambeau de soléaire à pédicule inférieur n'est pas aussi grande
que celle du lambeau de jumeau interne en raison de variabilités de vascularisation possibles.
Le lambeau de pédieux est pédiculé sur l'artère tibiale antérieure. Il permet d'atteindre le quart
inférieur de jambe et la tibiotarsienne. Malheureusement, il entraîne le sacrifice de la tibiale
antérieure qui est le plus souvent sans conséquence, certes ; et il n'est pas sans conséquence
fonctionnelle sur les orteils.
Le muscle grand fessier (fig 24) : la vascularisation du grand fessier est assurée par deux pédicules
principaux, l'un, centré sur l'artère ischiatique, l'autre, supérieur, venant de l'artère fessière. Le
muscle grand fessier peut donc être pédiculé sur l'un ou l'autre de ses pédicules. En se servant du
pédicule ischiatique, on peut couvrir facilement des ostéites trochantériennes. À l'inverse, le pédicule
supérieur permet de couvrir des pertes de substance osseuse sacrée. Il est à noter que le
prélèvement du muscle grand fessier n'est pas sans conséquence fonctionnelle, il doit donc être
réservé aux malades paraplégiques qui présentent très souvent des ostéites, voire des arthrites de
cette région [15].
- Le long fléchisseur propre du gros orteil est musculaire très bas. Sa vascularisation se fait par cinq
ou six artérioles venant de la péronière, ce qui rend dangereux de le lever de plus de 5 cm. C'est un
lambeau de petite taille, de dissection délicate par ses rapports intimes avec l'artère péronière et ses
adhérences au péroné [3].
- L'extenseur propre du gros orteil, l'extenseur commun des orteils, le long péronier latéral et le court
péronier latéral ont des arcs de rotation faible, et un faible volume qui les rendent peu aptes au
comblement des cavités ostéitiques.
Le muscle jumeau interne peut être utilisé en hétérojambier. Il est prélevé sur la jambe controlatérale
selon la technique décrite précédemment. La transposition hétérojambière nécessite plusieurs
précautions. Le repérage de la position des deux membres inférieurs doit être soigneux. Grâce au
très important arc de rotation du muscle jumeau interne, on peut le plus souvent éviter les positions
jambes croisées, et ces lambeaux peuvent être faits jambes parallèles parfois, avec une légère
flexion du genou du côté du membre receveur.
Le muscle jumeau interne est suturé dans la cavité osseuse à combler, il est de même solidement
amarré aux berges des parties molles avoisinantes. C'est le fixateur externe qui maintient la position
avec le moins grand inconfort pour le malade, et avec la plus grande sécurité. Il permet de surveiller
parfaitement la vitalité du lambeau tout en faisant les pansements. On positionne des fiches sur les
deux faces internes des tibias en faisant des prises très allongées sur chacune des diaphyses
tibiales, trois fiches au moins étant nécessaires par diaphyse. La jonction entre les deux membres est
assurée par les pièces de fixateur, quel qu'en soit le type. Il est à noter que les deux membres
inférieurs vont être suspendus. Dès lors, il va y avoir une contrainte en glissement du porte-fiche par
rapport à la fiche, contrainte tout à fait inhabituelle pour laquelle le fixateur n'est pas conçu. Il faut
donc périodiquement resserrer et contrôler la jonction fiche-porte-fiche qui est très fortement
sollicitée. À la troisième semaine, le pédicule du lambeau musculaire est sectionné. On pourra alors,
réaliser la greffe de peau sur le moignon du muscle donneur. On a souvent intérêt à associer une
greffe cutanée au niveau receveur. Cette technique est particulièrement lourde. Elle comporte un
risque majeur de thrombose veineuse. Elle transforme une intervention à visée fonctionnelle en
intervention à risque vital. Les anticoagulants doivent être prescrits de façon efficace, et même ainsi,
ils ne mettent pas à l'abri des embolies pulmonaires. Le lambeau musculaire hétérojambier s'adresse
donc peu aux cavités ostéitiques simples, mais beaucoup plus aux reconstructions des membres
comportant des avulsions des parties molles.
Par ailleurs, le sevrage d'un lambeau de jumeau interne en cross leg risque de provoquer une
nécrose partielle du muscle. En effet, le pédicule vasculaire est unique et puissant. Le relais
vasculaire par la périphérie est souvent difficile. Il serait facilité par la prise d'une palette cutanée. Le
lambeau cross leg de jumeau interne doit être le plus souvent possible un lambeau musculocutané,
ce qui augmente la « rançon cicatricielle » de la zone donneuse. Cette technique reste donc une
technique d'exception surtout dans le traitement de l'ostéite sur os consolidé.
Haut de page
Comblement par des matériaux inertes
Depuis très longtemps, le comblement des cavités ostéitiques par des matériaux inertes a été tenté.
Toutes les tentatives se sont soldées par des échecs, le matériau de comblement faisant corps
étranger. Ce n'est que lorsqu'on a trouvé des produits remplissant la cavité, d'une part, et diffusant
des antibiotiques, d'autre part, que cette solution a pu être retenue.
Ciment acrylique
Principes
Sur le plan historique, c'est Buchholz qui, le premier a établi que le ciment acrylique pouvait servir de
vecteur à un antibiotique : la gentamicine. Celle-ci, mélangée au ciment, est relarguée
progressivement à la périphérie. Cette association ciment-gentamicine a donc le double intérêt de
combler une cavité d'une part, et de produire une antibiothérapie locale d'autre part. L'évolution du
relargage de l'antibiothérapie a été étudiée par Wahlig. Il a montré que les concentrations
d'antibiotiques autour du ciment décroissaient de façon progressive, les taux étant très importants
dans les premiers jours et diminuant progressivement jusqu'à la fin du premier mois. On obtient ainsi
des concentrations locales d'antibiotiques nettement supérieures à ce que l'on obtiendrait par voie
parentérale. Jenny a étudié les concentrations de gentamicine dans des foyers remplis de ciment
acrylique imprégnés d'antibiotiques. Localement, il observe des taux dépassant 200 g/L, alors que
la concentration minimale inhibitrice (CMI) habituelle du germe sensible à la gentamicine est de 20
g/L. Les taux décroissent rapidement, mais, pour Jenny [7], ils restent supérieurs à la CMI pendant
des mois. Il est à noter que la concentration sérique de gentamicine reste toujours très faible, ne
provoquant aucun risque de toxicité générale. Il semble que la diffusion de gentamicine puisse durer
très longtemps puisqu'on retrouverait même des traces de gentamicine dans les urines jusqu'au
troisième mois. À l'heure actuelle, seul le Palacos-Gentamincine® est commercialisé.
Il se présente sous deux formes, soit comme du ciment à os habituel, non polymérisé (la gentamicine
étant incluse dans la poudre), soit sous forme de billes présentées en chapelet de 20, chaque bille
faisant 1 cm de diamètre (« gentabilles »). Nous verrons plus loin l'utilisation du ciment aux
antibiotiques, nous ne détaillerons que l'utilisation des billes.
Technique (fig 8)
Après excision du foyer, on comble la cavité à l'aide d'un chapelet. On peut être amené à utiliser
deux, voire trois chapelets, les billes devant assurer le remplissage de la cavité. On peut les laisser
en place à demeure, définitivement. Ce doit être le cas lorsque l'on pense avoir fait une excision
suffisante, les chances de guérison définitive étant possibles. Mais, en fait, le plus souvent, les billes
enfouies sont utilisées lorsque l'on a l'intention de réintervenir secondairement. On leur fait jouer le
rôle d'un désinfectant temporaire d'une cavité en attendant le traitement définitif secondaire : greffe
ou matériel prothétique. On préfère le plus souvent pouvoir les enlever sans réintervenir. En effet, au-
delà du 21e jour, on est en droit de penser que, la quantité d'antibiotiques relarguée étant plus faible,
les billes forment alors des corps étrangers et deviennent néfastes. Afin de pouvoir les enlever sans
intervention chirurgicale, on les fait sortir de la peau. Il faut éviter de les faire sortir par la cicatrice, car
elles nuiraient à la cicatrisation, pouvant être facteur de fistules secondaires. Une contre-incision
déclive est pratiquée, le chapelet est passé à travers les parties molles. Le trajet doit être strictement
rectiligne, la moindre coudure risquant d'entraîner un blocage des billes dans la plaie. Elles doivent
être mobilisées dès le troisième jour, puis chaque jour, on tire le chapelet de la longueur d'une bille.
Pendant tout ce temps, le drainage doit être maintenu en place. En effet, la mobilisation des billes
peut entraîner un saignement non négligeable. La totalité du chapelet est enlevée au 21e jour. Le
drainage est maintenu pendant les 24 heures qui suivent l'ablation du chapelet.
Indication
- Une fermeture cutanée étanche. En effet, si on ne peut fermer, l'antibiotique ne sera pas relargué
dans la plaie mais dans le pansement.
- Cette nécessité de fermeture cutanée fait à la fois la simplicité et les limites de cette technique. En
effet, on réalise une fermeture étanche, c'est donc l'assèchement per priman qui est alors visé.
L'utilisation des gentabilles ne peut donc répondre aux cas les plus difficiles où il existe une avulsion
cutanée. Elles peuvent être associées à d'autres techniques (lambeau musculaire).
- Les germes doivent être sensibles à la gentamicine. Cette condition sine qua non n'est pas toujours
remplie. Certains auteurs ont pu soutenir que l'augmentation considérable de concentration locale
modifie la notion de sensibilité du germe à l'antibiotique. Il semble que cette notion soit parfois vraie.
C'est ainsi qu'il faut faire préciser par les bactériologistes quel est le type de non-sensibilité d'un
germe à la gentamicine. Certains germes ne métabolisent absolument pas l'antibiotique et une
augmentation des concentrations ne change rien au comportement du germe vis-à-vis de
l'antibiotique. Dans ce cas, le bactériologiste doit préciser qu'il existe une prolifération du germe au
contact de la pastille de gentamicine. Mais quand il existe un certain diamètre d'inhibition sur la boîte
de Petri, on peut penser que l'utilisation des « gentabilles », en ayant des concentrations locales très
importantes, peut avoir une certaine efficacité, alors que, classiquement, on parlerait de résistance du
germe à la gentamicine.
- L'utilisation des « gentabilles » ne saurait se concevoir qu'en complément d'une excision complète
du foyer infectieux. Ce n'est qu'un traitement adjuvant (Jenny). Il ne vient qu'après l'ablation des
corps étrangers, l'ablation des tissus dévitalisés. Dès lors, il devient difficile d'affirmer que c'est la
présence des « gentabilles » qui a amené la guérison.
La technique des « gentabilles » est maintenant bien contrôlée. Elle a ses possibilités et ses limites.
Elle est généralisée. Il n'en est pas de même des deux techniques suivantes qui n'ont pas dépassé le
stade expérimental.
Le remplissage de la cavité par du plâtre de Paris, imprégné d'antibiotiques, a été utilisé par certaines
équipes à l'initiative de Bascoulergue. Le plâtre de Paris présente des avantages par rapport au
ciment. Il est totalement inoffensif, il n'entraîne aucune réaction à un corps étranger au niveau de l'os.
Il se résorbe en quelques semaines, laissant alors à l'os la possibilité de se régénérer. Il peut donc
être utilisé même en cas de fracture, n'inhibant pas la formation du cal osseux. En outre, initialement,
certains auteurs ont pu penser qu'il était capable d'avoir un rôle ostéogénique, ce qui n'a pas été
vérifié par l'utilisation clinique. De nombreux antibiotiques peuvent être mélangés au plâtre. Il sont
comme dans le ciment acrylique libérés lentement à des taux habituellement supérieurs aux
concentrations minimales inhibitrices. Les courbes de relargage d'antibiotiques sont de trois types :
pour les aminosides, il existe un pic rapide suivi d'une décroissance asymptomatique, comparable à
la libération de gentamicine par le ciment. Pour la Fucidine®, la libération est faible et à peu près
constante. Pour la rifampicine, la libération est faible, constante, linéaire, mais s'effondrant
brutalement passé un certain délai. De toute façon, la durée de relargage ne peut bien évidemment
excéder la durée de vie du plâtre qui est d'environ 45 jours. Cette technique paraît intéressante par
sa simplicité et son innocuité, les billes étant enfouies et ne nécessitant pas de réintervention. En fait,
là encore, les résultats cliniques sont très difficiles à apprécier du fait de l'aspect multifactoriel de la
guérison. Les premières publications sur le sujet semblent intéressantes [20].
Braun utilise la fibrine dans laquelle il incorpore des antibiotiques. Sur le plan technique, il utilise trois
composants :
Le mélange de ces trois composants réalise une pâte de fibrine dont la consistance ressemble à celle
d'un caillot sanguin. Cette technique présente plusieurs avantages : le produit final qui distribue ses
antibiotiques est très physiologique, il présente une certaine plasticité pendant la période de
polymérisation, lui permettant de s'adapter parfaitement à la forme de la cavité. Lors de sa résorption,
il est remplacé progressivement par un tissu de granulation dont on verra plus loin l'intérêt. Le
relargage d'antibiotiques est très élevé dans les premiers jours, mais il est peu élevé par la suite.
Enfin, il présente l'intérêt d'être une solution injectable. Braun a pu ainsi en injecter dans des fistules
peu évolutives pour en obtenir le tarissement temporaire, à défaut de guérison. Cette technique
paraît très séduisante, mais elle n'est pas encore généralisée sur le plan clinique.
Autres matériaux
condamne toutes les méthodes utilisant des matériaux résorbables trop rapidement. En revanche,
des matériaux non résorbables ou résorbables trop lentement, risquent de produire un effet « corps
étranger ». À l'heure actuelle, le concept d'antibiothérapie locale est très discuté dans le traitement de
l'infection osseuse. Il semble pouvoir avoir un rôle important dans la décontamination des parties
molles et c'est dans ce cadre qu'il a son plus vif intérêt. Mais penser stériliser en profondeur de façon
durable, un os infecté par des antibiotiques locaux semble relever de l'utopie. Utilisées comme
adjuvant lors d'une réintervention précoce pour infection, les « gentabilles » ont fait leur preuve. Leur
demander plus est un leurre.
Haut de page
Fermeture cutanée
L'opérateur a deux possibilités, soit refermer, soit laisser ouvert. En présence d'infection, la fermeture
cutanée doit être menée de façon différente de la fermeture faite dans la chirurgie orthopédique
classique. En effet, dans cette atmosphère infectieuse, il faut avoir la hantise du décollement dans
lequel se mettrait un hématome rapidement surinfecté. Il faut donc faire appel à des fermetures très
larges, prenant à distance des parties molles, bien vivantes. Si la fermeture d'une incision vierge ne
pose pas de problème, lorsqu'un long passé fistuleux a modifié les parties molles, ou lorsqu'il a été
nécessaire d'exciser une fistule, la fermeture cutanée peut être particulièrement laborieuse. On
pourrait être tenté de faire des gestes de plastie cutanée qui permettraient d'amener de la peau saine
en regard de l'incision. Ces gestes cutanés purs sont le plus souvent à proscrire, en raison de la
médiocre qualité du recouvrement cutané et des décollements cutanés non négligeables qu'ils font
faire. Nous leur préférerons deux techniques inspirées du même principe.
Cette technique s'adresse aux plaies dont les berges cutanées adhèrent à l'os. C'est le cas, le plus
souvent, au tibia. Au bistouri, l'opérateur décolle de 1 cm environ les berges de la peau de façon à
pouvoir obtenir du mou et refermer en direct.
Cette technique s'adresse aux vastes avulsions cutanées et aux rétractions musculaires périfocales.
À la rugine ou au ciseau frappé, en prenant un plan intramusculaire, on décolle les parties molles en
bloc, sans chercher à disséquer la peau. On gagne ainsi une quantité très importante de parties
molles susceptibles de venir recouvrir la zone d'excision ostéitique. Ce geste est facilement réalisable
au fémur, il ne pose pas non plus de grosses difficultés au tibia où il faut savoir décoller en arrière et
en dedans, en restant superficiel par rapport au paquet tibial postérieur ; en avant et en dehors, on
peut, sans arrière-pensée, aller dans les muscles péroniers, l'artère tibiale antérieure étant le plus
souvent très à distance. La suture cutanée doit viser à appliquer la berge cutanée sur l'os sous-
jacent. Le point à utiliser sera volontiers « loin-près-près-loin » (fig 30). Cette suture permet de
reporter à distance les tractions tout en envaginant la berge suturée en direction de la profondeur.
Ils peuvent être utilisés dans la fermeture de l'ostéite sur os solide. Nous détaillerons plus loin les
principales techniques utilisables par le chirurgien orthopédiste. Notons que, s'ils sont facilement
réalisables à la cuisse ou au membre supérieur, ils sont délicats à la jambe.
Drainage
Le drainage est le temps fondamental de la chirurgie septique osseuse avec fermeture cutanée.
Drainage aspiratif
Il doit être capable d'assumer l'évacuation de liquide épais, voire même purulent ; le diamètre des
drains doit être beaucoup plus volumineux que pour la chirurgie conventionnelle. Le trajet du drain
doit être calculé. Il est dangereux de demander à un drain à la fois d'assumer le drainage d'un
décollement des parties molles et l'assèchement d'un foyer osseux. Il faut donc mettre un drain au
contact de l'os qui ne drainera que l'os, et un drain dans les parties molles qui ne drainera que le
décollement des parties molles. Le point de sortie des drains doit être réfléchi. Il doit être dans le
prolongement de l'incision, permettant l'excision en bloc de son trajet lors d'une éventuelle récidive
infectieuse. Le drain des parties molles pourra avoir une sortie classique, il sera relié à l'aspiration par
drainage de Redon®. Le drain intraosseux doit, lui, impérativement sortir en position déclive afin
qu'une éventuelle récidive infectieuse soit spontanément drainée par un trajet fistuleux organisé. Il
faudra inscrire sur chacun des drains, leur origine, leur direction et, au besoin, un schéma du
drainage sera affiché sur la pancarte du malade.
La durée du drainage est différente de la chirurgie conventionnelle. Si les drains de petit diamètre mis
dans des décollements cutanés peuvent être enlevés assez rapidement (troisième ou quatrième
jour), il faut attendre l'assèchement complet pour enlever des drains volumineux ou positionnés à
l'intérieur de l'os. Ces drains fondamentaux ne seront enlevés qu'après 3 jours d'assèchement
consécutif. Pour les prélèvements sur drains : au cours du maintien de ces drains intraosseux, on
enverra à l'étude bactériologique le contenu des flacons afin d'analyser les germes restants en
cause, ce qui pourrait amener à modifier éventuellement le traitement antibiotique.
La fixation des drains est un point fondamental. En effet, ces drains volumineux vont rester en place
longtemps et leur point de sortie cutanée sera irrité par les mouvements à ce niveau. Il faut donc
effectuer une double fixation afin qu'une mobilisation de la partie distale du tuyau ne se répercute pas
par une mobilité de celui-ci au niveau de sa sortie cutanée (fig 31).
Lorsqu'il est impossible d'assurer l'étanchéité de la cavité, on peut être amené à pratiquer un
drainage non aspiratif. Celui-ci doit répondre à plusieurs impératifs. Le trajet doit être direct, sans
chicane. Le point de sortie du drain doit être déclive. Cette situation déclive ne sera pas la même
chez un malade alité ou chez un malade debout. Le matériel de drainage est multiple. Il a deux
fonctions : assurer l'évacuation mécanique des sérosités, former un trajet qui, ses parois étant saines
et la production profonde diminuant, se tarira spontanément.
- Les drains de différents calibres peuvent être utilisés. Ils ont l'avantage de créer des véritables
canaux de drainage. On utilise volontiers des drains de diamètre 25 ou 30. Les drains en silicone
(Silastic®) sont mieux tolérés, moins irritants. Ils doivent être enlevés à partir du 10e jour, le trajet
étant formé à ce moment.
- Les lames : la lame ondulée de caoutchouc doit être de bonne largeur. Elle est passée en va-et-
vient jusqu'à venir au contact du foyer. Elle a comme avantage de représenter un drainage souple,
peu irritant, donc peu dangereux pour la périphérie. Là encore, il faut réfléchir à la double fonction de
la lame chaque fois qu'on en met une : drainage mécanique d'une part, et constitution d'un trajet
d'autre part. Le drainage mécanique est très correctement assuré par la lame, sa fonction de création
d'un trajet est moins satisfaisante car la lame souple ne permet l'écartement des berges que de façon
temporaire. La lame a l'avantage lors des drainages de courte durée de permettre une fermeture
rapide à son ablation. Des lames plus rigides en silicone (Silastic®) assurent mieux la pérennité du
trajet évacuateur.
- Les mèches sont des moyens de drainage peu efficaces. La mèche iodoformée est tassée à force
dans le trajet. Elle assure correctement le trajet drainant, elle assure moins bien l'évacuation
mécanique en faisant souvent bouchon. Les mèches sont volontiers utilisées après l'ablation du
drainage par un drain ou lame afin d'éviter la fermeture trop rapide du trajet de drainage alors que la
production liquidienne est en train de se tarir.
- Drains, mèches ou lames ont en commun le redoutable danger de mettre en contact la cavité
osseuse avec l'extérieur et donc de risquer de contaminer un foyer osseux. Si ceci est tolérable
lorsqu'il s'agit d'un foyer ostéitique sur os continu, cela est formellement contre-indiqué lorsque l'on a
réalisé une éradication complète de l'infection. C'est ainsi qu'une reprise infectieuse de prothèse ou
un nettoyage d'une ostéosynthèse ne doivent jamais être traités autrement que par un drainage
aspiratif.
Le principe de l'irrigation-lavage est d'entretenir un flux continu liquidien à l'intérieur d'une cavité, ce
qui permet le nettoyage de cette cavité en permanence, sans pour autant nuire au bourgeonnement
et à la cicatrisation.
Technique
L'arrivée liquidienne est effectuée par un tuyau de bon calibre (10 mm environ) et la récupération du
produit de lavage doit être faite par un tuyau de diamètre équivalent branché sur l'aspiration murale.
Classiquement, au niveau de la cavité, les deux tuyaux, multiperforés tous les deux, doivent être
accolés en canon de fusil. En fait, Evrard a montré les risques de cette technique, la récupération du
liquide introduit est souvent irrégulière et, si le système d'aspiration diminue d'efficacité, le foyer
risque d'être inondé par le produit d'irrigation. Il conseille donc l'utilisation d'un drain unique
multiperforé, la totalité des trous devant être à l'intérieur de la cavité osseuse. Il montre par des
injections de produit opaque que le liquide s'extravase au niveau de la partie proximale du drain pour
être récupéré dans la partie distale. Il existe un halo en fuseau autour d'un drain multiperforé, ce halo
remplissant parfaitement la cavité. L'évolution dans le temps montre une régression du volume de la
cavité, les prélèvements bactériologiques du liquide d'aspiration permettent de suivre la stérilisation
du foyer. En règle l'irrigation n'a pas une importance fondamentale car il semble en fait que ce soit
plus l'effet mécanique du lavage qui soit efficace que l'antibiotique ou l'antiseptique local apporté. La
perfusion de Dakin® dilué est très utilisée, la perfusion d'antibiotique aussi. Il faut déconseiller l'usage
de la Bétadine®, car ce produit fait un dépôt qui encrasse et finit par obstruer la tuyauterie. La
quantité de liquide à passer dans les 24 heures est variable. Il faut maintenir un flux continu sous
peine de voir se boucher les drains. Habituellement, 4 à 5 L/24 h sont utilisés. On fait un bilan écrit
des entrées et des sorties afin de contrôler l'éventuelle fuite dans le système d'aspiration. En
pratique, nous associons à cette irrigation-lavage un drainage aspiratif de Redon® de diamètre
habituel pour « prendre le relais ».
Indication
L'irrigation-lavage est un excellent moyen de nettoyage des cavités osseuses, mais il nécessite une
fermeture cutanée parfaite et il présente le risque de recréer des plans de décollement en cas
d'inefficacité temporaire de l'aspiration. Nous réservons donc l'irrigation-lavage aux cavités
inextensibles ou en tout cas ineffaçables. Un canal médullaire sera volontiers traité par irrigation-
lavage ainsi qu'une articulation (genou, par exemple). En fait, il nous paraît dangereux de laisser en
place une irrigation-lavage au-delà du huitième jour en raison du risque de changement de germe. En
effet, il est difficile de maintenir en parfaite asepsie une irrigation-lavage au-delà de ce délai ; le
risque de contamination par les manipulations est grand, et nous conseillons de l'enlever au-delà de
1 semaine. On peut s'aider des prélèvements bactériologiques faits sur le liquide d'aspiration,
l'irrigation étant enlevée dès que les prélèvements sont négatifs.
Haut de page
Non-fermeture cutanée
Certains foyers extrêmement purulents menacent l'état général du malade, ils ne doivent pas être
refermés. On laisse alors délibérément ouvert sur des compresses imbibées de Dakin®. Le fait de
laisser ouvert est une sécurité ; on peut, par des lavages quotidiens, assurer une stérilisation rapide
du foyer. Mais il faut savoir que cette sécurité n'est pas absolue. En effet, il peut exister une rétention
purulente profonde malgré une ouverture cutanée. L'ouverture cutanée doit être aménagée de telle
sorte qu'elle assure un drainage naturel sous peine de rétention récidivante. Par ailleurs, lorsque les
parties molles sont très volumineuses, il peut se former un cloisonnement au sein de celles-ci,
enfermant du pus en profondeur alors qu'en superficie, on peut avoir une impression de
bourgeonnement satisfaisant. Cette non-fermeture cutanée est le plus souvent pratiquée dans des
zones particulièrement charnues : fesse, cuisse. Les pansements sont donc très douloureux et
doivent être, de façon répétée, effectués sous anesthésie générale. Au prix de ces différentes
servitudes, lorsque l'infection des parties molles est menaçante pour la vie du malade, laisser ouvert
représente une sécurité vitale.
Il est toutefois important de savoir que l'os cortical ne supporte pas longtemps l'exposition à l'air, il se
nécrose. Dès lors qu'on a opté pour le maintien d'une ouverture cutanée, on sera vraisemblablement
contraint à faire une résection osseuse. Ces interventions laissées ouvertes sans fermeture cutanée
sont très hémorragiques dès l'ablation du garrot ou de la bande d'Esmarch. Les bandages sont
traversés, le pansement doit impérativement être légèrement compressif. Il ne sera refait qu'au bloc
opératoire ; en cas de saignement, il faut éviter de l'ouvrir au lit du malade ; on se contente de
remettre des bandes Velpeau par-dessus les premières, réalisant une compression. Certaines
excisions trop hémorragiques pourront même être renfermées sur des champs imbibés de Dakin®
formant tampon hémostatique (fig 34). Ces pansements sont très efficaces sur le saignement. Ils sont
aussi très efficaces sur le plan infectieux. Ils imposent d'être refaits sous anesthésie générale tous les
deux jours tant que l'état général et l'hémorragie locale l'imposent. Il est impossible de laisser ouvert
sur du matériel prothétique, le bourgeonnement ne se faisant pas sur ces corps étrangers.
Ces contre-indications limitent donc considérablement l'utilisation de la chirurgie à ciel ouvert encore
qu'il soit possible de laisser ouvert dans un premier temps, et de faire une fermeture secondaire
lorsque l'état local et général le permet.
L'incision cutanée va franchement d'emblée jusqu'à l'os, circonscrivant la fistule. À la périphérie, elle
décolle légèrement les berges cutanées. L'os est ruginé jusqu'à ce qu'il prenne un aspect sain.
L'excision osseuse est menée en partant du centre du foyer infecté, enlevant la quasi-totalité des
tissus osseux nécrosés ou infectés. Les berges de la zone à exciser sont aplanies de façon à
rejoindre le fond en pente douce. L'intervention est terminée par un pansement gras fortement
appliqué dans le fond de la cavité de saucérisation. Lorsque la saucérisation est très étendue, au
tibia, on peut être amené à pratiquer une marsupialisation (fig 36 et 37). La trépanation est menée
sur toute la hauteur de la cavité diaphysaire. Les berges cutanées sont légèrement décollées de part
et d'autre de la trépanation, puis elles sont passées à l'aide de fils transosseux à l'intérieur de la
cavité médullaire. La peau est donc appliquée à l'intérieur de l'os. Seul le fond de la cavité médullaire
reste osseux et cruenté. Il est comblé par un pansement gras. La saucérisation est une technique
très ancienne de traitement de l'ostéite chronique. Elle a, pour elle, le mérite de la simplicité, mais elle
n'est pas dénuée d'inconvénients.
Les pansements sont souvent douloureux. Ils doivent être pratiqués tous les deux jours en nettoyant
et en remettant un pansement gras. La cicatrisation est très lente. Le bourgeonnement survient par
les berges cutanées d'une part et d'autre part par le fond. Les berges cutanées envoient rapidement
du bourgeon vers le centre, mais le fond osseux dur est recouvert très lentement. Il peut même se
nécroser avant que le bourgeon ne survienne, nécessitant un complément d'excision. La taille et la
forme de la saucérisation influent directement sur la rapidité de la cicatrisation. Une petite
saucérisation de 3 cm de long sur 1 cm de large guérira rapidement. À l'inverse, une saucérisation
plus vaste, mais surtout de réalisation arrondie et non elliptique, sera très longue à cicatriser (fig 38).
Enfin, la saucérisation est souvent faite sur des membres inférieurs trophiques ayant subi de
nombreuses interventions. On conçoit donc que, d'une part, il existe des difficultés de cicatrisation et
que, d'autre part, il puisse exister après cicatrisation des zones cicatricielles fragiles. C'est ainsi qu'à
l'heure actuelle, grâce aux procédés de couverture cutanée et grâce aux procédés nouveaux de
comblement musculaire, les indications de la saucérisation doivent être exceptionnelles.
Haut de page
Fragilisation
Risque
La fragilisation doit être l'angoisse de tout chirurgien excisant de l'os infecté sur un foyer consolidé ou
sur un os continu. En permanence, l'opérateur doit hésiter entre une satisfaction concernant
l'assèchement et une inquiétude concernant la solidité de l'os restant. Pour la diaphyse fémorale, la
résection du tiers de la circonférence représente un risque mécanique considérable. Cette
importance de résection, en revanche, serait plus tolérable au tibia où les conditions mécaniques
sont plus favorables. Par ailleurs, il faut savoir que la moindre désaxation entraîne un surcroît de
contraintes. C'est ainsi que la fragilisation doit être appréciée non seulement en fonction de l'excision
osseuse mais aussi en fonction de l'axe mécanique de l'os. Enfin, la qualité de l'os infecté n'est pas
celle d'un os normal. Un os d'ostéomyélite chronique peut être très volumineux, il sera pourtant
fragile par manque d'élasticité. Au demeurant l'opérateur aura le plus souvent intérêt à sous-estimer
la solidité de l'os après excision, afin d'éviter de voir survenir la redoutable fracture sur os infecté.
Deux précautions alors s'imposent : la fixation externe préventive, la greffe osseuse systématique.
En cas de doute sur la fragilité, sur la solidité du segment osseux, nous préférons utiliser un fixateur
externe préventif. Nous détaillerons plus loin l'utilisation des fixateurs externes en matière d'infection
osseuse. En l'occurrence, l'os ayant une continuité osseuse, on demandera à l'ostéosynthèse externe
d'être uniquement un complément biomécanique. On peut donc réaliser des montages
particulièrement légers, donc peu agressifs sur le plan musculaire, un seul plan de fixation sera le
plus souvent utilisé quel que soit le matériel dont on dispose (fig 39). Ce n'est qu'exceptionnellement
que l'on pourra utiliser un appareillage plâtré. En effet, le plâtre est inutilisable au fémur, et au tibia, il
rend souvent difficile la surveillance cutanée et les soins locaux.
Nous détaillerons dans le chapitre suivant les procédés de reconstruction osseuse d'un foyer
septique non consolidé. Les mêmes règles sont valables lorsqu'il s'agit de renforcer un foyer fragilisé
par l'excision.
- Chirurgie à foyer fermé (fig 40 B) : dès la normalisation des signes biologiques, une greffe
corticospongieuse apposée est réalisée par une voie d'abord vierge dans un environnement de
parties molles saines : greffe postérieure au fémur, greffe intertibiopéronière à la jambe, par exemple.
- Chirurgie à foyer ouvert (fig 40 A) : la greffe spongieuse à ciel ouvert peut rendre des services
appréciables. Remplir la cavité osseuse par de l'os spongieux permet ainsi, d'une part, de la combler
et, d'autre part, d'obtenir un renforcement mécanique à moyen terme. Au fémur, cette intervention est
très satisfaisante et, dans notre expérience, elle a été constamment couronnée de succès, tant sur le
plan mécanique que sur le plan infectieux. Au tibia, il n'en est pas de même. En effet, l'environnement
de parties molles est très différent et le bourgeonnement a beaucoup de mal à survenir, la greffe de
l'os spongieux à ciel ouvert ayant tendance à être enlevée par érosion mécanique au cours des
pansements. La greffe spongieuse à ciel ouvert dans l'ostéite tibiale sur os continu est une
intervention qui, dans notre expérience, nous a déçus. Nous aurions tendance, à l'heure actuelle, à
lui préférer une couverture par lambeau cutanéomusculaire suivi d'un renforcement par une autre
voie d'abord. Au membre supérieur, la greffe spongieuse à ciel ouvert sur ostéite chronique semble
donner des résultats favorables.
Références Bibliographiques
[1] Alnot JY, Oberlin C. Les lambeaux pédiculés de recouvrement des pertes de substance cutanée
au niveau des membres. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales - Orthopédie-
traumatologie, 44-070, 4 11 03, 18 p
[2] Aro HT, Chao EY Biomechanics and biology of fracture repair under external fixation. Hand
Clin 1993 ; 9 : 531-542
[4] Casey R. Les lambeaux musculaires pédiculés à la jambe. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
Techniques chirurgicales-Chirurgie plastique, 45-860, 1987 : 28 p
[5] Casey R. Les lambeaux fasciocutanés pédiculés de la jambe. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
Techniques chirurgicales-Chirurgie plastique, 45-850, 1996, 26 p
[6] Evrard J, d'Aubigne Merle Traitement des pseudarthroses infectées de la diaphyse fémorale. Rev
Chir Orthop 1978 ; 64 : 45-58
[7] Gustilo RB, Anderson JT Prevention of infection in the treatment of one thousand and twenty five
open fractures of long bones. J Bone Joint Surg 1976 ; 58A : 453-458
[8] Gustilo RB, Merkow RL, Templeman D The management of open fractures. J Bone Joint
Surg 1990 ; 72A : 299-303
[9] Huiskes R, Chao EY Guideline for external fixation frame rigidity and stresses. J Orthop
Res 1986 ; 4 : 68-75
[10] Jenny G, Kempf I, Jaeger JH, Bitar S, Gebauer G Coloration vitale au bleu de disulphine dans la
cure chirurgicale de l'infection osseuse. Rev Chir Orthop 1977 ; 63 : 531-537
[11] Jenny G, Kempf I, Jaeger JH, Konsbruck R Utilisation de billes de ciment acrylique à la
gentamicine dans le traitement de l'infection osseuse. Rev Chir Orthop 1977 ; 63 : 491-500
[14] Lortat-Jacob A, Faivre M, Benoit J, Ramadier JO, Laurian C, Cormier JM Les séquelles au pied du
syndrome de Volkmann. Rev Chir Orthop 1981 ; 67 : 617-624
[16] Lortat-Jacob A, Hardy PH Infection des fractures de jambe. Technique et intérêt de la greffe
spongieuse à ciel ouvert appuyée sur le péroné. Acta Orthop Belg 1992 ; 58 (suppl 1) : 236-
251
[19] Lortat-Jacob A, Sutour JM, Beaufils PH, Jouanin TH Infection après enclouage centro-médullaire
pour fracture diaphysaire du fémur et du tibia. Rev Chir Orthop 1986 ; 72 : 485-494
[20] Marotte JH, Samuel P. Les fixateurs externes. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Techniques
chirurgicales-Orthopédie-traumatologie, 44020, 4 9 06, 21 p
[21] Masquelet AC, Augereau B, Apoil A, Nordin JY Traitement des fractures complexes de jambe par
lambeaux musculaires de recouvrement pédiculés ou libres par apport osseux
complémentaire. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 (suppl 2) : 117-121
[22] Masquelet AC, Nordin JY, Pages G Recouvrement des pertes de substance sacrée et ischiatique
par des lambeaux musculo-cutanés. Presse Med 1985 ; 14 : 277-279
[23] Nast-Kolb D, Schweiberer L Treatment concept in infected bone and soft tissue
defects. Orthopade 1994 ; 23 : 430-436
[26] Reis ND, Zinman C, Besser MI, Shiffrin LZ, Rosen H A philosophy of limb salvage in war : use of
the external fixation. Mil Med 1991 ; 156 : 505-520
[29] Schandelmaier P, Krettek C, Rudolf J, Tschorne H Outcome of tibial shaft fractures with severe
soft tissue injury treated by unreamed nailing versus external fixation. J Trauma 1995 ; 39 : 707-
711
[30] Varlet A, Dauchy PH Billes de plâtre de Paris aux antibiotiques dans le traitement de l'infection
osseuse. Nouvelles associations plâtre-antibiotiques. Rev Chir Orthop 1983 ; 69 : 239-244
[31] Veng WN, Shih CH Management of infected tibial intra-medullary nailing using an organized
treatment protocol. J Formos Med Assoc 1992 ; 91 : 879-885
Figures
Fig. 1
Voie d'abord antéroexterne pour l'humérus. À noter la bande d'Esmarch stérile, une pointe carrée plantée dans le trochiter
permettant d'opérer au tiers supérieur sous hémostase préventive. Toutefois la bande ne doit pas être trop serrée pour
éviter les lésions nerveuses. Repérage de l'interstice musculaire ; le nerf radial doit être vu : il devient externe, quatre
travers de doigt au-dessus de l'interligne du coude.
Fig. 2
Voie d'abord externe de l'avant-bras passant entre le long supinateur et les radiaux.
Fig. 3
Une seule installation permet l'abord des deux os de l'avant-bras par deux voies distinctes. A. La table étant en position
haute, le membre supérieur est posé sur une tablette. On peut pratiquer la voie externe pour le radius. B. La table est
baissée au maximum. L'avant-bras reste posé sur une tablette en position haute et provoque une pronation automatique
de l'avant-bras qui permet l'abord du cubitus.
Fig. 4
Voie d'abord externe pour le fémur. A. Position sur la table. B. Une pointe carrée volumineuse est plantée dans le
trochanter, une bande d'Esmarch stérile est mise en place. On peut ainsi aborder jusqu'à la région trochantérienne sous
hémostase préventive. C. Les plans sous-cutanés étant franchis, on repère le plan externe et on glisse une rugine en
arrière au niveau de la cloison intermusculaire. D. Cette rugine va prendre contact avec l'os, et cravater la face externe du
fémur, tendant les fibres musculaires qui sont désinsérées de l'os sur 1 ou 2 cm, pour permettre la mise en place d'un
écarteur contre-coudé. E. Cet écarteur contre-coudé présente la face externe du fémur et rend aisée la dissection des
perforantes et leur hémostase.
Fig. 5
Fig. 6
Le nettoyage des plans musculaires est effectué au mieux le plus souvent par un raclage à la rugine.
Fig. 7
Fig. 8
Trépanation d'un os ostéitique. A. Les perforations sont faites à la mèche. B. Ablation du « timbre-poste » préparé. C.
Nettoyage de la fistule à l'aide d'une compresse. D. Un chapelet de « gentabilles » est passé par l'orifice fistuleux. E. Il
vient remplir correctement la cavité ostéitique. F. Fermeture sur un drain de Redon®. Les billes dépassent de la peau,
elles seront mobilisées dès le 2e jour pour être enlevées au 12e jour.
Fig. 9
A. Il est dangereux, lors d'une résection osseuse, de dépasser le quart de la circonférence de la diaphyse. B. L'usage du
ciseau à frapper est prohibé, risquant de provoquer des éclats.
Fig. 10
L'ablation d'une vis cassée nécessite l'usage de la tréphine et risque de réaliser une zone de fragilisation. Il peut être
préférable d'abandonner l'extrémité de la vis.
Fig. 11
Ablation d'un clou de Müller infecté. A. Lorsque celui-ci est intact, on utilise le cône d'extraction. B. Lorsque le clou est
cassé, on peut quand même tenter l'extraction avec le cône d'extraction le plus petit ; vissé à force, il peut créer son
propre filetage et permettre l'ablation du clou jusqu'au tiers supérieur. Sinon, il faudra faire une trépanation basse. C.
L'alésage du canal médullaire le nettoie généralement correctement dans la zone rétrécie du sablier. D. À la partie haute, il
faut avoir recours à la curette gynécologique.
Fig. 12
Le nettoyage du canal médullaire nécessite une trépanation supérieure et inférieure et le cathétérisme de la diaphyse par
un fil qui sera remplacé par une gaze (mèche à prostate).
Fig. 13
Le nettoyage du trajet fistuleux sera particulièrement prudent à proximité des éléments nobles. Il sera gratté à la curette.
Si le foyer n'est plus productif, la fistule se tarira spontanément.
Fig. 14
Lambeau de voisinage : le court péronier latéral ne peut être mobilisé que sur quelques centimètres pour couvrir les
pertes de substance peu étendues du tiers moyen de jambe, et son prélèvement n'est pas sans conséquences
fonctionnelles.
Fig. 15
La cavité à combler doit être travaillée de telle sorte qu'elle se prête correctement au remplissage par le muscle.
Fig. 16
Il faut éviter que les berges de la cavité osseuse ne soient acérées, risquant de provoquer une ischémie locale du lambeau
musculaire.
Fig. 17
Les lambeaux musculaires purs sont recouverts secondairement par une greffe cutanée.
Fig. 18
Fig. 19
Fig. 20
Lambeau du grand dorsal. L'installation est faite en décubitus dorsal. L'opérateur commence par la dissection antérieure,
trouve facilement l'interstice musculaire puis, en arrière, il le dissocie de l'aponévrose. On a intérêt à emporter 1 ou 2 cm
d'aponévrose dans ce temps, pour permettre une manipulation aisée du lambeau. La dissection est menée jusqu'à voir le
pédicule artériel, à sa naissance de l'artère axillaire. Zone accessible au lambeau de grand dorsal en e et f.
Fig. 21
Lambeau de soléaire à pédicule supérieur. On a sectionné au ras du paquet tibial postérieur, une des deux branches
nourricières permettant la rotation du lambeau.
Fig. 22
Le soléaire peut être pédiculé sur ses pédicules inférieurs après section de un ou deux pédicules supérieurs mais ce
lambeau est d'une fiabilité moindre.
Fig. 23
Fig. 24
Lambeaux musculaires utilisant le grand fessier. Le grand fessier peut être mobilisé sur un seul de ses deux pédicules.
On peut donc le faire tourner soit autour du pédicule supérieur, en sectionnant le pédicule inférieur, soit l'inverse. Il
permet de couvrir des pertes de substance sacrée ou ischiatique.
Fig. 25
Fig. 26
A. Lambeau de grand dorsal microanastomosé, utilisé pour combler une vaste perte de substance de jambe. B.
Couverture cutanée par greffe de peau. Il est à noter que le lambeau de grand dorsal peut être utilisé en lambeau libre
myocutané.
Fig. 27
Technique de Braun : injection dans le trajet fistuleux de fibrinogène humain et de thrombine, mélangés à une solution
aqueuse de gentamicine.
Fig. 28
Pour fermer une fistule à la jambe, il peut être nécessaire de « recréer les plans » (Evrard). Décollement sous-cutané et
fermeture en deux plans.
Fig. 29
Pour les jambes multi-opérées, on ne peut pas recréer les plans, il faut avoir recours à la « sculpture des parties molles ».
La rugine va latéralement chercher un plan qui peut, dans certains cas, passer dans les muscles. On soulève en bloc les
berges cutanées et sous-cutanées, permettant une fermeture directe en un plan très épais.
Fig. 30
Lorsqu'on éprouve des difficultés à fermer, on a intérêt à utiliser le point : « loin-près-près-loin » qui permet de répartir la
tension à distance de la zone de suture, tout en invaginant la zone de suture vers la profondeur, supprimant les espaces
morts.
Fig. 31
Les drainages pour infection étant appelés à être laissés en place longtemps, il faut impérativement les fixer en deux
endroits à la peau, afin d'éviter les frottements au niveau du point de sortie du drain.
Fig. 32
Un drainage non aspiratif doit impérativement être déclive. On peut utiliser des mèches (1), des lames (2) ou des drains
(3).
Fig. 33
Schéma d'une irrigation-lavage (inspirée d'Evrard). C'est le même tuyau qui assure apport et évacuation des liquides. On y
ajoute volontiers un drainage aspiratif pour récupérer les extravasations trop importantes.
Fig. 34
Fermeture temporaire sur champ imbibé. À la cuisse, lorsqu'on laisse ouvert, le saignement est très important. Il peut être
intéressant de tasser, dans la plaie opératoire, des champs imbibés d'antiseptiques (Dakin®), et de refermer la peau par-
dessus. Les zones cruentées, mises au contact du Dakin®, feront spontanément leur hémostase. Ces pansements doivent
être refaits au bloc opératoire, au bout de 48 heures.
Fig. 35
Saucérisation.
Fig. 36
Dans certains cas, on peut, après décollement cutané, invaginer la peau à l'intérieur de la cavité de saucérisation. C'est la
marsupialisation.
Fig. 37
Dans certains cas, on peut, après décollement cutané, invaginer la peau à l'intérieur de la cavité de saucérisation. C'est la
marsupialisation.
Fig. 38
Une saucérisation arrondie doit être évitée, sous peine de rencontrer de grosses difficultés de cicatrisation spontanée. La
saucérisation doit être elliptique, ovalaire, très allongée.
Fig. 39
En cas de fragilisation, après résection pour infection, il faut impérativement utiliser un fixateur externe préventif.
Fig. 40
A. Le renforcement d'une ostéite fragilisante peut être fait par spongieux autologue, laissé ouvert (technique de
Papineau). B. Le renforcement peut être fait par une autre voie d'abord, saine, et dès lors, utiliser une baguette
corticospongieuse, vissée. La fermeture cutanée est impérative.
Plan
Infection précoce d'une ostéosynthèse ou d'une prothèse : « reprise précoce »
Pseudarthroses infectées
Haut de page
Infection précoce d'une ostéosynthèse ou d'une prothèse : « reprise
précoce »
La survenue d'une infection aiguë au niveau d'un foyer opératoire osseux impose le plus souvent une
reprise opératoire : c'est la « reprise précoce » décrite par Judet et Letournel.
L'apparition d'une infection osseuse impose un traitement antibiotique. Nous ne détaillerons pas dans
ce chapitre le versant médical du traitement de l'infection ; il fait l'objet d'un chapitre spécifique de ce
volume.
Diagnostic
- la fièvre : c'est l'élément fondamental. La température du troisième jour peut encore être élevée,
mais elle doit suivre une courbe progressivement décroissante. Deux types de courbe thermique sont
inquiétants : la courbe en plateau élevé, n'ayant aucune tendance à décrocher, et la courbe qui
remonte, après avoir subi une décroissance postopératoire. Ces deux aspects sont éminemment
évocateurs d'une suppuration locale (fig 1) ;
- les signes fonctionnels : ils sont, en fait, décevants. La douleur est un signe très inconstant. Elle
permet de s'inquiéter lorsqu'elle est à distance, témoin d'une inflammation au-delà du foyer opératoire
;
- l'aspect local : il est fondamental. La cicatrice peut être rouge, boursouflée. Il peut exister un
érythème périphérique. La palpation est soigneuse et répétée. Elle recherche une fluctuation qui
signerait la collection. On inspecte soigneusement les écoulements que l'on provoque par la
palpation. Tantôt, on acquiert la conviction formelle de l'infection postopératoire par l'issue de liquide
purulent, entre les points de la cicatrice ou au niveau des trajets de drain. Ailleurs, l'aspect local peut
être tout à fait rassurant. En effet, l'importance des parties molles, à la cuisse par exemple, retarde
considérablement l'apparition des signes cutanés de l'infection profonde. Une cicatrice peut être
parfaitement claire et souple, alors qu'existe en dessous une infection grave. Il faut savoir, toutefois,
que plus l'infection sera proche de la peau, plus la manifestation cutanée sera précoce. Au tibia, une
infection osseuse se manifestera très vite par une rougeur cutanée. Il en est de même au cubitus,
alors qu'à la cuisse ou à la hanche, l'aspect local peut être particulièrement trompeur.
- un prélèvement peut être négatif, soit que le malade est sous antibiotiques, soit que la quantité de
liquide est insuffisante ;
- un prélèvement peut être faussement positif parce que contaminé par la flore cutanée.
Technique de prélèvement :
- il faut envoyer en culture du liquide en grande quantité (dans la mesure du possible) et venant de la
profondeur. Lorsque la plaie est fistulisée, il faut désinfecter la peau puis exprimer les berges de la
plaie pour en faire couler du liquide dans un tube stérile. L'usage de l'écouvillon est contre-indiqué
car un tel prélèvement va nécessiter des manipulations répétées au laboratoire, susceptibles de le
contaminer. Le prélèvement est un geste médical qui doit être fait par un médecin compétent,
conscient qu'il va engager la thérapeutique de façon quasi définitive. Il faut interdire les prélèvements
« sauvages » faits hors contrôle médical, dont on ne connaîtrait pas la qualité technique ;
- la ponction : nous la préférons au prélèvement classique au lit du malade. La ponction sera
pratiquée avec les plus grandes protections d'asepsie jusqu'au contact du foyer opératoire. On
prélève le plus possible de liquide : pus ou hématome postopératoire dans lequel on pourra trouver, à
la culture, des germes imposant la réintervention (fig 2).
Les résultats sont obtenus en 24 ou 48 heures. Le malade est mis sous antibiotiques au moment de
la réintervention. Letournel préfère attendre quelques jours sous antibiotiques avant de réintervenir,
afin de limiter l'inflammation locale. Cette attitude est certainement intéressante lorsqu'il existe une
importante inflammation. Une intervention dans de telles conditions pourrait rendre difficile la
fermeture. Mais, la plupart du temps, l'intervention est faisable rapidement.
- Ailleurs, on conserve un doute sur l'infection postopératoire, il faut s'aider des examens biologiques
: la numération formule sanguine a un intérêt si elle montre une élévation progressive de la
leucocytose avec notamment l'apparition de formes jeunes de globules blancs (métamyélocytes). La
vitesse de sédimentation n'a aucun intérêt en postopératoire immédiat. Il n'en est pas de même de la
protéine C-réactive (CRP), témoin très fiable d'une inflammation. Il existe un pic d'élévation de la
CRP, de façon banale après l'intervention, mais la CRP doit décroître dès le septième jour.
L'évolution infectieuse peut être même suivie sur la CRP, la réascension du taux de CRP traduisant
le plus souvent une évolution infectieuse. Cet examen simple à réaliser est très fiable. Il est
malheureusement très sensible et il est influencé par d'autres facteurs d'inflammation. Là encore, le
doute ne saurait être levé que par la preuve bactériologique. C'est tout l'intérêt de répéter la ponction.
Il s'agit d'une intervention à visée de nettoyage. Elle part du principe qu'au début de l'infection, donc
en postopératoire immédiat, les germes sont seulement apposés à l'os et au matériel. Un grand
lavage peut donc amener la guérison de cette infection. En effet, l'os est lent à réagir à l'infection, la
réaction inflammatoire y est infiniment plus lente à survenir qu'au niveau des tissus mous. Un
nettoyage de la totalité de la plaie opératoire a donc des chances d'amener la guérison.
On prévoit une installation au moins équivalente à celle qui a permis la mise en place du matériel. Il
faut donc préparer tout le membre. On excise la voie d'abord de façon elliptique afin d'enlever, en
bloc, les berges de l'incision cutanée avec les points de pénétration des fils. Le tissu cellulaire sous-
cutané est abordé en zone saine, l'aponévrose est nettoyée. Il n'est pas indispensable de l'exciser, il
est souvent possible de se contenter d'un grattage à l'aide de la rugine de Lambotte. Il en est de
même au niveau musculaire où l'excision ne doit pas être considérée comme le but à atteindre. Il faut
faire un nettoyage suffisant sans sacrifice de parties molles. En effet, les parties molles sont bien
vascularisées et l'action des antibiotiques y est souvent spectaculaire. Toute zone dévitalisée, en
revanche, doit être excisée ; une zone recouverte d'un bourgeon infectieux doit être simplement
grattée, avivée. On aborde ainsi l'os. Le matériel d'ostéosynthèse est contrôlé. On fait des
prélèvements au contact du matériel.
On vérifie la tenue des vis. On resserre éventuellement les vis. Si une vis ne tient pas, elle est
changée. Dans certaines ostéosynthèses par plaque, on peut être ainsi amené à enlever
temporairement la plaque afin de pratiquer un nettoyage focal de la corticale sous le matériel, la
plaque étant remise en place ensuite. Le nettoyage est fait « à grande eau ». L'intérêt de l'adjonction
d'antibiotiques dans le liquide de lavage n'est pas démontré. On peut y adjoindre en revanche des
antiseptiques (Dakin®, Bétadine®). Mais en fait c'est l'effet mécanique du lavage qui semble le plus
intéressant. Dans cet ordre d'idée, lorsqu'on dispose du matériel de nettoyage sous pression
(Karcher®), il faut absolument s'en servir.
Si l'enclouage a été fait à foyer ouvert, un nettoyage du foyer fracturaire s'impose. On commence par
reprendre l'incision de mise en place du clou (fessière pour le fémur, tubérosité tibiale antérieure pour
le tibia). On lave abondamment selon les principes décrits plus haut. Le clou n'est pas enlevé. On
injecte du liquide avec un cathéter sous forte pression à l'intérieur du canal médullaire. L'abord focal
doit être systématique et un nettoyage focal est effectué. Si le clou n'est pas vu (excellent contact
osseux), on se contente de nettoyer les corticales visibles. Mais souvent, il existe une communication
focale, ce qui permet d'aborder directement le foyer. Là encore, on se contente de faire un lavage
abondant du foyer. L'enclouage centromédullaire à foyer fermé pose souvent un problème. L'issue de
pus au niveau de l'incision qui a permis la mise en place du clou impose la reprise et le nettoyage à
ce niveau. Faut-il aborder le foyer qui n'a pas été ouvert lors de la mise en place du clou ? S'il existe
une collection focale, elle doit impérativement être évacuée par une incision focale. On est dès lors
ramené au cas de figure précédent, celui du clou à foyer ouvert. S'il n'y a pas de collection focale, on
peut éviter l'ouverture du foyer sous couvert d'une surveillance clinique et biologique.
Le but à obtenir doit être l'immobilisation du foyer. Le matériel est tolérable s'il remplit parfaitement
son rôle, son effet « corps étranger » étant largement contrebalancé par son rôle de stabilisation
mécanique. Le matériel laisse persister un risque de reprise infectieuse, mais il permet la
consolidation. Il existe, en quelque sorte, une course de vitesse entre l'infection et la consolidation.
Une infection à bas bruit, torpide, ou même relativement importante, très productrice, mais
parfaitement drainée, est tout à fait compatible avec la survenue d'une consolidation à condition que
l'immobilisation soit parfaite et que le contact osseux soit large.
- Une plaque remplissant parfaitement son rôle doit être laissée en place. En revanche, si elle laisse
persister une mobilité focale, elle doit être inéluctablement enlevée et remplacée par une
ostéosynthèse plus satisfaisante. Plutôt que de s'orienter vers une autre ostéosynthèse interne, il faut
faire appel au fixateur externe.
- Clous centromédullaires : le problème est plus difficile pour l'enclouage centromédullaire. En effet, il
a été démontré qu'une infection sur un enclouage centromédullaire est plus difficile à éradiquer [12].
Au fémur, l'importance des parties molles rend possible le maintien du clou centromédullaire. Au tibia,
en revanche, l'os est sous-cutané et le clou doit le plus souvent être enlevé. D'une part, il est souvent
exposé par les problèmes cutanés de l'infection et par la nécrose osseuse. D'autre part, le traitement
de l'ostéite post-traumatique tibiale est plus difficile ; les lambeaux musculaires sont difficiles et les
parties molles se prêtent mal aux plasties locales.
En outre, hormis pour les clous verrouillés, la stabilisation assurée est souvent médiocre, le clou
bloquant mal la rotation. Il remplit mal son rôle de stabilisation. On a d'autant moins d'arrière-pensée
à l'enlever.
Au membre inférieur
Au fémur : il faut tenter le maintien du clou. L'ablation de celui-ci, en effet, entraîne, quasi
inéluctablement, une non-consolidation dont le traitement est très lourd. En revanche, le maintien du
clou est souvent tolérable, et en raison de l'importance des parties molles, une ostéite résiduelle y est
facilement traitée par l'ablation du matériel, ce qui n'est pas le cas au tibia. Nous ne voyons que deux
raisons à enlever un enclouage centromédullaire fémoral lors d'une reprise précoce pour infection :
une mauvaise tenue mécanique ou un état infectieux grave. Il n'est, en effet, pas rare que l'infection
postopératoire au fémur soit préoccupante pour l'état général du malade et qu'il faille, dès lors,
d'emblée, pratiquer un traitement plus lourd pour des raisons vitales : foyer laissé ouvert, ablation du
matériel et fixateur externe.
Au tibia : le maintien du clou se justifie moins. Le nettoyage focal d'un enclouage de jambe est une
intervention souvent décevante, il n'y a pas beaucoup de parties molles à nettoyer. On est très vite
sur l'os, qui, lui-même, est rapidement dévitalisé par l'infection. Par ailleurs, même si l'on parvient à
obtenir la consolidation grâce à l'enclouage, le traitement de l'ostéite post-traumatique y est
particulièrement difficile [8]. C'est la raison pour laquelle nous aurions tendance, à l'heure actuelle, à
conseiller l'ablation du clou tibial lorsqu'il est infecté, quel que soit le stade auquel l'infection est
découverte, même au stade d'infection précoce, et de pratiquer un traitement précoce de
pseudarthrose suppurée (greffe spongieuse à ciel ouvert ou greffe intertibiopéronière) [19].
Au membre supérieur
Les délais de consolidation sont plus courts, si bien que dans la course de vitesse entre l'infection et
la consolidation, il est plus facile de jouer la carte du maintien du matériel. Le nettoyage focal y est
donc particulièrement indiqué, c'est là que l'opération de reprise précoce donne ses meilleurs
résultats. Il faut, toutefois, respecter les principes énoncés plus haut : qualité du nettoyage, stabilité
parfaite de l'ostéosynthèse.
En zone épiphysaire
La reprise précoce est une intervention souvent difficile. L'os spongieux se défend assez mal contre
l'infection, le nettoyage focal risque d'enlever beaucoup de matériel osseux s'il n'est pas prudent. Le
matériel prend rapidement du jeu dans un os de qualité moyenne. La couverture des parties molles
des épiphyses étant souvent précaire, le matériel y est volontiers exposé. Enfin, il persiste très
souvent un doute pour une éventuelle infection articulaire associée. En l'absence d'infection
articulaire, le matériel doit être laissé en place. S'il existe des difficultés de couverture cutanée, une
exposition partielle de la plaque peut être tolérée. En effet, les délais de consolidation étant souvent
rapides dans cette zone, l'exposition de la plaque ne sera que temporaire. Sitôt la consolidation
obtenue, l'ablation de la plaque amène la guérison (fig 4). Il faut savoir, en outre, que l'ablation de
Lorsqu'il existe une infection articulaire associée, il faut dissocier le traitement de la fracture de celui
de l'arthrite [12]. Le nettoyage de la fracture est mené de la façon décrite plus haut. Une fois le
matériel nettoyé, on pratiquera le traitement de l'infection articulaire. Il convient de respecter les
principes classiques du traitement de l'arthrite septique :
Elle doit amener un bon résultat rapide. Le diagnostic d'arthrite associée est souvent très difficile à
faire. En effet, aucun signe clinique biologique ou radiologique n'est fiable au stade initial de
l'infection. La ponction articulaire est intéressante. Elle doit être faite par voie antérieure, à distance
de la cicatrice d'ostéosynthèse. Elle est calculée de telle sorte que l'aiguille ne traverse pas des
zones douteuses, mais va directement dans l'articulation. Elle est souvent faussement négative,
l'aiguille ne ramenant pas de liquide. Il faut s'assurer de la position intra-articulaire par une injection
de quelques gouttes de produit de contraste sous couvert de l'amplificateur de brillance. Même
techniquement correcte, la ponction peut être faussement rassurante :
- soit parce qu'il y a très peu de liquide ; il faut dans ce cas faire un véritable lavage articulaire
peropératoire par du sérum physiologique et mettre le produit de lavage en culture ;
- soit on trouve un liquide qui reste stérile à la culture (malade sous antibiotiques).
Bien souvent ce n'est que devant l'échec d'une réintervention précoce pour infection que l'on porte le
diagnostic de l'infection articulaire. Dans la majorité des cas, on pratique une réintervention sans tenir
compte d'une éventuelle atteinte articulaire. Devant une récidive infectieuse après reprise précoce de
fracture cervicotrochantérienne ostéosynthésée, on peut encore proposer une deuxième intervention
à visée de nettoyage. Ce n'est qu'en cas d'échec de deux interventions de nettoyage qu'il faut se
résoudre à porter le diagnostic d'arthrite de hanche associée ; le traitement de cette infection est
particulièrement difficile. La résection tête et col est vraisemblablement la solution de sécurité pour
l'infection, mais elle représente un handicap fonctionnel effroyable avec une morbidité très importante
chez ces sujets âgés. C'est pourquoi, dans certains cas, on peut malgré tout, dans certaines
conditions et sous certaines précautions, tenter la mise en place d'une prothèse. Notons que pour
nous, à l'heure actuelle, la résection de hanche est fixée temporairement par fixateur iliofémoral pour
des raisons mécaniques et infectieuses (fig 5).
Lorsque le diagnostic d'infection postopératoire aiguë est fait après une arthroplastie de hanche,
l'indication de reprise précoce est formelle. Rappelons le rôle fondamental de la ponction dans le
diagnostic.
Technique
La position opératoire doit être identique à la position qui a permis la mise en place de la prothèse. La
reprise de la voie d'abord est menée plan par plan comme décrit plus haut. Dès lors, on aborde le
plan profond aponévrotique qui, le plus souvent, est le plan externe. Lorsque manifestement,
l'infection se prolonge en profondeur, on franchit sans arrière-pensée l'aponévrose. Le nettoyage est
mené dans les plans profonds de façon identique aux nettoyages des ostéosynthèses. En cas de
voie de Moore (postérieure), il est souvent difficile de nettoyer la coulée cellulaire du sciatique. Il
convient donc, dans un premier temps, de repérer le sciatique en zone saine, soit à la partie haute de
l'incision, soit à la partie inférieure au niveau de l'ischion. Une fois le sciatique repéré, il est protégé
sur un lacs ou maintenu à distance par une broche écartante puis la résection des plans profonds
postérieurs est menée sans difficulté : pelage des pelvitrochantériens, résection de la partie restante
de la capsule. Il convient, impérativement, de continuer le nettoyage jusqu'à la prothèse. Le
nettoyage au contact de la prothèse peut être très difficile. C'est la raison pour laquelle il faut luxer la
prothèse et pratiquer l'ablation temporaire de la prothèse fémorale.
L'extraction temporaire de la prothèse fémorale est faite sans difficulté. On pratique alors le nettoyage
de la diaphyse à la curette. La curette gynécologique est souvent utile, car elle est plus tranchante et
plus agressive vis-à-vis de l'os. Il peut être parfois très difficile de pratiquer l'ablation, même précoce,
de certaines prothèses autostables ou réhabitables (prothèse madréporique). Il paraît préférable,
toutefois, de faire ce geste afin de faire le nettoyage le plus satisfaisant possible.
S'il n'existe pas de pièce prothétique cotyloïdienne (prothèse céphalique simple), le nettoyage à la
curette est mené en respectant scrupuleusement le cartilage. Une prothèse fémorale identique à
celle qui vient d'être enlevée est remise en place. Il est à noter que, s'il existe une dégradation
cotyloïdienne précoce, ce qui est parfois le cas, on peut être amené à cimenter une pièce
cotyloïdienne à l'aide de ciment aux antibiotiques. On change alors la queue fémorale pour une
queue de prothèse totale. Au niveau fémoral, la remise en place de la prothèse fémorale est
pratiquée dans la même intervention. Si la prothèse a pris du jeu, il ne faut pas hésiter à pratiquer un
scellement par du ciment aux antibiotiques. Cette technique a l'avantage, d'une part, d'apporter
localement l'antibiothérapie souhaitée, d'autre part, d'améliorer les chances de guérison de l'infection
par une meilleure stabilité des éléments prothétiques.
Il faut extraire la prothèse fémorale de sa gaine de ciment. Ceci est le plus souvent fait sans aucune
difficulté, le ciment n'ayant aucune adhérence sur le métal. On pratique le nettoyage cotyloïdien sans
enlever la pièce cotyloïdienne cimentée. En effet, il est impossible d'extraire le cotyle prothétique de
sa gaine de ciment. On est donc contraint de pratiquer un nettoyage pièce en place. En cas de cotyle
prothétique vissé, ou non scellé, il est fortement conseillé de pratiquer l'ablation temporaire du cotyle
afin de nettoyer l'interface os/prothèse. Le ciment fémoral n'est pas enlevé. En effet, cette
intervention serait particulièrement difficile en l'absence de tout descellement. Par ailleurs, on est en
droit d'espérer que l'interface os/ciment n'est pas infectée au stade initial de l'infection. La pièce
prothétique fémorale est remise en place après nettoyage complet de la cavité prothétique. Elle
rentre sans difficulté dans sa gaine de ciment, en ayant une tenue aussi bonne que lors de
l'intervention précédente. La fermeture est menée en visant à effacer les espaces morts. C'est ainsi
que dans certains cas, on pourra être amené à refermer en un plan. Nous déconseillons l'utilisation
de l'irrigation-lavage en cas de reprise précoce d'une arthroplastie. En effet, il nous semble préférable
d'effacer les décollements au lieu de les maintenir par l'irrigation. Si le germe est sensible à la
gentamicine, il peut être utile de refermer sur des billes de gentamicine (« gentabilles ») enfouies [11].
L'utilisation des gentabilles au contact d'un matériel prothétique interdit de les laisser sortir par la
plaie, sous peine de contamination secondaire postopératoire de dehors en dedans. Le drainage
aspiratif est utilisé avec les précautions décrites précédemment. Les excisions périprothétiques, dans
un certain nombre de cas, ont pu déstabiliser la prothèse. Dès lors, le risque de luxation devient
grand et ce peut être une sage précaution que de mettre une traction-suspension postopératoire pour
la durée de cicatrisation des parties molles (21 jours). Pour les prothèses totales, on peut utiliser une
butée vissée antiluxation.
Infection superficielle
Le diagnostic d'infection superficielle est très difficile à faire. Cliniquement, avant l'intervention, il est
impossible d'affirmer que le liquide purulent qui sort de la plaie vient uniquement des plans
superficiels. La ponction articulaire règle bien souvent le problème. Mais sa négativité ne doit pas
faire conclure de façon formelle à l'infection superficielle. Pendant l'intervention, la difficulté peut être
aussi grande. En effet, le pertuis aponévrotique qui fait communiquer avec les plans profonds, peut
être minime. Dès lors, il nous paraît préférable de pratiquer, malgré l'absence de communication
visible, une ouverture systématique du plan aponévrotique profond. Ce temps peut être fait sans
grand risque infectieux à condition de prendre certaines précautions techniques : changement
complet d'instruments, changement de champs périphériques, nettoyage soigneux et brossage du
plan superficiel avant incision, changement de gants. Une courte incision est menée sur l'aponévrose
profonde. Elle aura, le plus souvent, la désagréable surprise de voir venir de la profondeur, des
éléments manifestement infectieux. On est dès lors amené au cas de figure précédent.
Toute fistulisation d'un foyer opératoire doit être réopérée. En effet, la mise en contact avec l'extérieur
d'un hématome, ne serait-ce qu'à titre temporaire, représente un risque infectieux majeur. Il faut donc
impérativement pratiquer une réintervention précoce, même si le liquide qui s'évacue paraît banal.
Les prélèvements faits au lit du malade peuvent être stériles, l'indication de reprise opératoire
précoce n'en est pas moins posée. Certes, dans certains cas, il est nécessaire d'y surseoir :
anticoagulants efficaces, état général précaire d'un malade âgé. L'intervention est indiquée dans tous
les autres cas. Elle permettra d'éviter la survenue d'une infection secondaire, de dehors en dedans.
Technique
L'installation doit être large et confortable. Il faut pouvoir manipuler le membre dans tous les sens afin
de faire sortir l'hématome de la profondeur. Il est inutile en cas de stérilité des prélèvements
préopératoires de faire un démontage complet des pièces prothétiques. On peut se contenter d'une
évacuation simple avec une fermeture sur des drainages aspiratifs.
Au genou, la reprise précoce d'une arthroplastie infectée est nettement moins satisfaisante qu'à la
hanche. Les parties molles sont peu abondantes, le nettoyage risque d'entraîner des difficultés de
fermeture.
Technique
Le malade est en décubitus dorsal. Garrot pneumatique à la racine de la cuisse, assurant une
hémostase préventive. Reprise de la voie d'abord en excisant le trajet du Redon®. Nettoyage du tissu
cellulaire sous-cutané à la rugine et à la curette. Il faut, à tout prix, se méfier des excisions du tissu
cellulaire sous-cutané qui dévascularisent la peau et risquent de provoquer une nécrose cutanée
secondaire. Luxation de l'appareil extenseur.
Les prothèses à glissement sont scellées sur l'épiphyse. Il est difficile d'en pratiquer l'ablation
temporaire car le scellement est fait en os spongieux, friable ; on risque de créer des dégâts
importants en pratiquant l'ablation temporaire. Par ailleurs, les pièces prothétiques sont souvent
rétentives par rapport au ciment acrylique ; la prothèse, de ce fait, ne sort pas facilement de la gaine
de ciment mais arrache le ciment avec elle. Il est donc préférable de se contenter d'un nettoyage
périphérique aussi complet que possible, en sachant que cette situation est nettement moins
favorable. Là encore, la fermeture sur gentabilles est souhaitable lorsque les germes sont sensibles à
la gentamicine.
Lorsque l'infection survient après une nécrose cutanée, il serait désastreux de vouloir refermer par
suture directe. L'incision de décharge postérieure est un geste à proscrire en raison du risque de
nécrose et du peu de gain cutané qu'elle procure. La prothèse doit être recouverte par un lambeau
musculaire venant du jumeau interne, le plus souvent. La technique opératoire a été décrite plus
haut. La couverture de la prothèse est, largement et sans difficulté, assurée par le lambeau ; l'incision
de prélèvement du jumeau interne est refermée sur drainage, une greffe cutanée mince est faite sur
la zone cruentée exposée du lambeau. Cette greffe cutanée peut être faite soit d'emblée, soit
secondairement lorsque le lambeau musculaire a acquis sa forme définitive (fig 6).
Haut de page
Pseudarthroses infectées
Lorsque l'infection focale n'a pas permis la consolidation du foyer fracturaire, rapidement se trouvent
associés trois problèmes : l'infection, l'absence de continuité osseuse et la couverture cutanée. Ces
trois difficultés, constamment associées à des degrés divers, conditionnent l'évolution et le traitement
En revanche, l'os cortical ou corticospongieux en fragments volumineux et rigides assure une tenue
mécanique à laquelle ne peut prétendre l'os spongieux. Ces deux méthodes ont donc chacune leurs
avantages et leurs inconvénients (tableau I).
À ces deux méthodes, s'oppose la technique d'Illizarov, qui fait appel à un principe totalement
différent, celui de la régénération de l'os sous l'effet de contraintes mécaniques parfaitement
réparties, la régénération ayant pour effet de guérir l'infection sans même qu'on ait à faire un
nettoyage focal. « L'infection brûle au feu de l'os » (Ilizarov). Alors que les deux premières méthodes
(greffe à foyer fermé et greffe spongieuse à ciel ouvert) sont parfaitement connues avec des séries
importantes de pseudarthroses suppurées traitées de cette façon, la méthode d'Ilizarov,
révolutionnaire, faisant appel à des principes de régénérescence osseuse tout à fait nouveaux, ne
peut se prévaloir en France, ni du recul, ni de l'importance de séries publiées, ce qui rend impossible
toute comparaison réelle. Cette méthode est décrite dans un autre chapitre de cet ouvrage. Nous ne
la détaillerons pas.
Excision
L'abord est fait comme pour le nettoyage d'un foyer ostéitique. Les principes de l'excision d'une
pseudarthrose infectée sont les mêmes : utilisation de l'hémostase préventive (garrot pneumatique ou
bande d'Esmarch stérile), voie d'abord permettant une exposition élargie de la diaphyse. L'abord
osseux sera le plus souvent fait en décortication.
Dès la peau franchie, les instruments tranchants vont droit jusqu'à l'os. Une fois le contact osseux
pris, on saisit le ciseau à décortiquer, le pouce sous le manche, les quatre doigts à la partie
supérieure du manche, longitudinalement. Le marteau le frappe à petits coups.
Un bruit mat signifie que l'on est en train de pénétrer dans l'os, un bruit trop aigu signifie que l'on
n'emporte pas suffisamment d'os avec le ciseau frappé. Le passage circonférentiel ayant été fait
transversalement, on prend alors un ciseau plus large et on fait une décortication longitudinale,
toujours guidée par le bruit du ciseau tenu quatre doigts au-dessus, le pouce en dessous. Les
copeaux détachés sont préservés par les écarteurs de Hohmann.
La décortication doit être considérée comme un abord autant que comme un avivement susceptible
de procurer un épaississement substantiel de l'os. En fait, très souvent, les décollements infectieux
rendent impossible la création de copeaux ostéomusculaires satisfaisants.
L'ablation de tous les corps étrangers est le premier temps. Fil non résorbable, vis, cercles et plaques
sont enlevés. L'excision osseuse est le temps suivant. Pour la conduite à tenir vis-à-vis de l'os, les
avis divergent. Classiquement, deux écoles s'imposent : Evrard [6] fait des excisions limitées
réalisant un nettoyage focal visant à assurer l'assèchement.
À l'opposé, Judet et Letournel n'ont pas hésité à prononcer le mot d'« excision carcinologique » pour
qualifier leurs excisions. Pour notre part, nous pensons que l'excision doit être suffisante mais non
extensive. En aucun cas, elle ne doit être carcinologique car ce terme entraîne une notion d'excision
de parties molles qu'il faut à tout prix éviter. Nous enlevons les séquestres et nous faisons une
excision osseuse volontairement limitée. Il convient, en effet, de se poser le problème de la
reconstruction ultérieure dès le temps d'excision. Par ailleurs, la conduite à tenir vis-à-vis de l'os
nécrosé est souvent difficile à définir. Une excision complète permettra un nettoyage satisfaisant du
foyer avec un assèchement rapide, mais sera plus difficile à reconstruire.
Une excision incomplète risque de voir réapparaître les phénomènes infectieux qui vont
compromettre la greffe ultérieure. Evrard et al hésiteront à faire une résection diaphysaire. Pour nous,
si la résection diaphysaire est nécessaire, elle doit être pratiquée, le mode de reconstruction devant
alors être adapté. Il faut, toutefois, garder présent à l'esprit que la nécrose osseuse n'est qu'un
instantané. Un os nécrosé est susceptible de se réhabiter à condition qu'il existe un environnement
correctement vascularisé et une infection contrôlée. Au cours de cette intervention, de nombreux
prélèvements bactériologiques sont faits afin de saisir le germe responsable de l'infection en
profondeur et d'adapter le traitement antibiotique.
Fermeture cutanée
C'est le temps fondamental lorsqu'on s'oriente vers une reconstruction par de l'os cortical ou
corticospongieux. Chaque fois que cela est possible, la fermeture directe plan par plan est pratiquée.
Malheureusement, très souvent, l'infection a sclérosé les parties molles et la fermeture cutanée n'est
plus possible simplement. Si c'est rarement le cas à la cuisse, c'est une situation fréquente à la
jambe. On doit donc faire appel à des procédés sophistiqués de fermeture. Lorsque les germes sont
sensibles à la gentamicine, on peut avoir intérêt à refermer sur des gentabilles qui, outre l'effet
antiseptique , auront un effet mécanique de préparation du lit de la greffe.
Nous ne ferons que rappeler les lambeaux musculaires qui ont été décrits précédemment. Les
muscles sont susceptibles d'assurer la couverture d'un foyer. On peut les transposer avec une palette
cutanée (lambeau myocutané). Cette méthode est largement utilisable où le jumeau interne emmène
sans difficulté une vaste raquette cutanée [22]. Mais pour nous, la rançon cicatricielle du lambeau
myocutané de jumeau est rédhibitoire. Nous préférons utiliser le jumeau comme lambeau musculaire.
Pour le lambeau de grand dorsal en revanche, nous n'hésitons pas à prélever une importante zone
cutanée car la zone donneuse se referme facilement. Les autres muscles utilisables à la jambe sont
des muscles profonds, n'ayant pas de secteur cutané sous leur dépendance vasculaire [21]. On est
donc obligé de leur apposer une greffe mince qui en assurera l'épidermisation. La couverture d'un
foyer de pseudarthrose par lambeau musculaire a le mérite, en outre, d'assurer un environnement
vascularisé à la future greffe osseuse.
Lambeaux fasciocutanés
- Le lambeau fasciocutané interne (fig 9) couvre correctement le tiers supérieur de jambe et le genou
[5].
- Technique : malade en décubitus dorsal, la découpe du lambeau comporte une incision antérieure
longitudinale 2 cm en arrière de la crête tibiale, descendant jusqu'à 5 cm au-dessus de l'insertion du
tendon d'Achille. La largeur du lambeau peut aller jusqu'à 5 cm. L'incision traverse sans décollement
la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et le fascia sous-jacent. On soulève en bloc le lambeau
fasciocutané du plan musculaire. Il convient de faire ce décollement prudemment, en évitant un
décollement parasite entre la peau et le fascia. Pour ce faire, des fils de traction sont passés, prenant
d'emblée l'aponévrose. On a intérêt à inclure dans ce lambeau le pédicule saphène interne qui est
porteur d'une vascularisation non négligeable. La zone donneuse est recouverte extemporanément
par une greffe cutanée mince.
- Le lambeau fasciocutané externe a une découpe semblable à celle du lambeau interne, mais il
descend moins bas, devant s'arrêter 10 cm au-dessus du calcanéum. Il couvre correctement la face
externe de jambe et la partie externe du genou. En fait, son utilisation est moindre car il s'agit de
régions où le déficit cutané se fait moins souvent sentir.
- Le lambeau bipédiculé (fig 10) est un lambeau très intéressant car il permet de recouvrir la région
basse de jambe. La double vascularisation de ce lambeau (pédicule supérieur et pédicule inférieur)
rend possibles des couvertures dans des zones difficiles, notamment antéro-internes. Il doit être
impérativement longitudinal.
- Technique : on commence par ovaliser la perte de substance cutanée. On fait une incision parallèle
au grand axe de la perte de substance cutanée, en arrière de celle-ci. La largeur du lambeau dépend
de la largeur de la perte de substance cutanée. On essaye, si possible, de faire le décollement sous-
aponévrotique et on translate le lambeau vers la perte de substance. L'arc de rotation de ce lambeau
est assez peu important malgré un décollement relativement important. En fait, très souvent, on
s'adresse à la face interne du tibia sur des jambes multiopérées, où des adhérences et des
remaniements scléreux rendent impossible la découverte du plan sous-aponévrotique. Il faut, alors,
faire le décollement en bloc au ras de l'os, sans chercher à découvrir un plan de clivage
physiologique. La zone donneuse est recouverte extemporanément par une greffe cutanée mince.
- Autres lambeaux fasciocutanés. D'autres lambeaux sont décrits dans cet ouvrage [5] : lambeau
postérieur (fig 11), lambeau antéroexterne et lambeau fasciocutané à pédicule inférieur ; ils sont, en
fait, d'indication tout à fait exceptionnelle dans les pseudarthroses suppurées de jambe. Nous ne les
détaillerons pas.
- Lambeaux hétérojambiers. Lorsque les lambeaux fasciocutanés ne sont plus possibles (cicatrices
sur la jambe blessée ou lésion trop basse et trop large pour être accessible à un lambeau classique),
on fait appel à un lambeau hétérojambier. Le cross-leg à visée de couverture cutanée utilise le
lambeau fasciocutané interne. L'utilisation d'un lambeau longitudinal d'une part, interne d'autre part,
avec un pédicule permettant un arc de rotation très important, autorise des positions hétérojambières
beaucoup plus confortables pour le blessé. Là encore, la fixation sera le plus souvent assurée par un
fixateur externe. En effet, d'une part, très souvent la pseudarthrose infectée a déjà son propre fixateur
externe, d'autre part, avec les fixateurs modernes, un seul plan de fixation sur la jambe donneuse est
suffisant. Par ailleurs, la fixation par plâtre ou pansement à l'Élastoplaste® est mal tolérée et ne
permet pas de faire les pansements correctement.
- Quoi qu'il en soit, les lambeaux dans le cadre de l'infection sur os non consolidé n'ont qu'un seul
rôle thérapeutique : la couverture cutanée. Ils ne représentent pas une méthode en eux, ils doivent
être intégrés dans le cadre du triptyque : « excision, stabilisation, reconstruction ».
Stabilisation
La consolidation impose une stabilisation parfaite, du moins dans un premier temps. En cas
d'infection, le plus souvent le matériel d'ostéosynthèse est considéré comme un corps étranger
nuisant à l'assèchement. Il est enlevé et remplacé par un fixateur externe. Toutefois, il est
indiscutable qu'un certain nombre de malades peuvent consolider matériel en place. L'ablation du
matériel ne doit pas être systématique mais raisonnée. C'est ainsi qu'un clou centromédullaire
remplissant parfaitement son rôle mécanique peut être laissé en place [31]. Dans la discussion sur
l'ablation du matériel d'ostéosynthèse interne, plusieurs éléments doivent être pris en compte.
- La date d'apparition de l'infection. Un sepsis très précoce impose une longue période où le matériel
sera laissé en place ; or, au bout d'un certain temps, souvent, il se produit une ostéolyse septique
autour du métal réduisant d'autant l'efficacité mécanique du matériel. Si l'ostéolyse survient avant
l'apparition du cal, on risque de se voir trahi sur le plan mécanique. Il se produit donc une course de
vitesse entre la consolidation et l'infection. Il faut savoir apprécier les possibilités de l'une et de l'autre.
- Plus l'infection se manifeste tôt, plus le risque de réapparition du sepsis avant la consolidation est
grand.
- Une infection grave avec un germe résistant fera pencher en faveur de l'assèchement à tout prix,
donc de l'ablation du matériel [26].
- Une infection à germe sensible à la gentamicine pourra faire espérer un assèchement avec
maintien du matériel grâce aux gentabilles.
- Une reconstruction importante avec une résection diaphysaire imposera un assèchement parfait, la
sécurité sera donc de faire l'ablation du matériel. En fait, si on peut dans certains cas guérir
l'infection, matériel en place et obtenir la consolidation, l'assèchement à coup sûr du foyer nécessite
l'ablation du matériel remplacé par un fixateur externe.
Dans ce débat qui divise les chirurgiens orthopédistes, un élément fondamental doit être pris en
compte : la qualité du fixateur externe utilisé. Un fixateur moderne utilisé correctement alourdit les
suites opératoires, mais ne doit pas avoir de complications qui lui sont propres.
La fixation externe dans la pseudarthrose suppurée doit assurer une immobilisation parfaite [2]. Toute
mobilité focale non contrôlée risque d'entraîner une récidive infectieuse et une non-fusion de la greffe
ultérieure. Par ailleurs, il est fréquent d'avoir à faire des gestes secondaires. Il faut donc lors de la
mise en place du fixateur externe « ne pas couper les ponts » par des fiches ou des barres d'union
qui interdiraient la chirurgie secondaire. Les fixateurs externes sont décrits, par ailleurs, dans cet
ouvrage [20]. Rappelons simplement qu'un fixateur externe moderne doit permettre de faire des
fixations en un seul plan diaphysaire. L'utilisation d'un deuxième plan, perpendiculaire ou non au
premier, constitue une gêne pour la chirurgie secondaire, et un facteur important de séquelles
fonctionnelles. Fiches transfixiantes et plans multiples de fixation doivent donc être évités au
maximum. Lorsqu'il existe un contact osseux résiduel, l'ostéosynthèse externe peut facilement être
allégée, l'os reprenant une partie des contraintes. En cas de résection diaphysaire, il faut faire appel
à un matériel de grande stabilité et respecter certaines règles de la fixation diaphysaire [9] (tableau
II). Les fiches doivent avoir au moins 5 mm de diamètre. Les porte-fiches doivent être très allongés
afin d'assurer des prises étendues sur les diaphyses (fig 12). Les procédés d'union entre les porte-
fiches (barres ou cornières) doivent être de diamètre suffisant. À ce prix, on peut réaliser, quel que
soit le niveau de segment de membre, une ostéosynthèse en un seul plan. Certains matériels ont été
d'emblée conçus dans ce but (fixateur ALJ, fixateur Ortho-Fix). D'autres toutefois peuvent être utilisés
en un seul plan, certains avec une maniabilité moindre (fixateur des armées) ou pour d'autres, avec
une nécessité de pièces spéciales (pour le matériel de Hoffmann, poignées Versailles et fiches 5
mm). Il semble, toutefois, que, quel que soit le matériel, en respectant les principes énoncés plus
haut concernant la fixation diaphysaire, on puisse réaliser des ostéosynthèses en un seul plan. Le but
à obtenir est un fixateur unilatéral [18]. Au fémur, le fixateur unilatéral sera posé en arrière de la
cloison intermusculaire externe, donc très postérieur, ne nuisant pas au plan de glissement antérieur
du quadriceps sur la cuisse. On limitera ainsi au maximum les risques de raideur de genou
provoquée par la transfixion musculaire.
À la jambe, le plan de fixation est antéro-interne, là où l'os est sous-cutané (fig 13). On laisse donc
possible toute chirurgie secondaire postéroexterne. Au membre supérieur, la fixation par fixateur
unilatéral est plus classique et plus facile à réaliser, les contraintes étant moindres. Le plan de
fixation huméral doit être antéroexterne, mais il peut être nécessaire de faire la mise en place des
fiches de la partie basse de l'humérus sous contrôle de la vue (en raison du nerf radial). La fixation
par fixateur externe des deux os de l'avant-bras doit être faite, elle aussi, en un plan.
Au radius, le plan est externe. Au cubitus, il est interne. Ces deux fixateurs seront souvent reliés l'un
à l'autre, afin de bloquer la pronosupination en position intermédiaire pendant la période de
cicatrisation.
Le fixateur externe moderne doit permettre de faire une fixation au niveau des épiphyses. Certains
systèmes ont prévu d'emblée cette possibilité, grâce à des pièces spécifiques [14] (plaques à noix du
fixateur ALJ) (fig 14). D'autres ont la possibilité de s'adapter à certaines situations avec une
maniabilité plus ou moins grande (cornières en T du fixateur de Judet, prise perpendiculaire pour le
fixateur Ortho-Fix, poignée B115 et B116 du fixateur externe de Hoffmann) (fig 15). La nécessité de
faire une ostéosynthèse épiphysaire est une éventualité fréquente. Ce n'est qu'en cas de très grosse
ostéoporose ou de fragment épiphysaire trop petit, que l'on sera amené à pratiquer un pontage de
l'articulation. Le pontage de l'articulation du genou se fait par une prise fémorale dont les fiches
doivent impérativement respecter le plan de glissement du quadriceps (fig 16). Sur ce montage
principal fémorotibial, on branchera une prise épiphysaire relais, stabilisant les fragments. Il ne s'agira
que d'un épinglage épiphysaire. Secondairement, lorsque la consolidation sera sur le point d'être
obtenue, ce groupe de fiches pourra devenir le seul plan de fixation, après ablation du fixateur
fémoral. En effet, le pontage de l'articulation est le plus souvent temporaire, il faut prévoir d'emblée la
possibilité de transformer ce relais fémorotibial en une fixation directe ; celle-ci est beaucoup moins
sollicitée lorsque le foyer est proche de la consolidation ; un seul plan de fixation épiphysaire suffira.
À la cheville, le pontage de l'articulation se fait par l'intermédiaire de fiches calcanéennes et
métatarsiennes. Là encore, au plan principal de fixation tibiocalcanéen, on peut ajouter un relais
accessoire épinglant les fragments épiphysaires.
Le pontage temporaire d'une articulation peut être fait pour des raisons posturales, un équin peut être
immobilisé puis rééduqué grâce à une prise dans les métatarsiens ; cette prise temporaire du pied
par « un fixateur antiéquin » a, en outre, l'intérêt de limiter les mouvements de parties molles, ce qui a
un effet bénéfique sur la cicatrisation. Après une phase statique d'immobilisation de l'articulation, on
peut lutter contre une éventuelle attitude vicieuse en remplaçant la barre d'union par un sandow ; ce
rappel continu permet parfois de venir à bout de l'équin, et rend possible la mise en appui ; en effet, il
ne faut jamais mettre en appui un fixateur externe antiéquin relié à une barre rigide, sous peine de
fractures de fiches ou de fractures de métatarsiens.
Reconstruction
Greffe corticospongieuse
Date
Voie d'abord
- Certains pratiquent la reconstruction focale par la même voie d'abord. Cette technique a le mérite
de la simplicité et permet une greffe en position anatomique. On respecte les copeaux de
décortication des extrémités supérieures et inférieures. On retrouve le foyer excisé, on l'avive et on
recrée un lit à la greffe par excision du tissu cicatriciel. C'est l'intérêt des chapelets de gentabilles qui
maintiennent un espace à la greffe. L'avivement des fragments osseux restants est soigneux, une ou
plusieurs baguettes corticospongieuses sont mises en place ; elles doivent recouvrir d'au moins 2 cm
les extrémités de l'os à greffer (fig 18). Des copeaux de spongieux sont positionnés dans la cavité
focale, de façon à assurer le volume osseux. La fermeture cutanée est faite en deux plans sur
drainage aspiratif. Cette technique, malheureusement, expose au risque de récidive infectieuse avec
lyse du greffon. C'est pourquoi, le plus souvent, on préfère utiliser une voie d'abord différente pour la
reconstruction.
- Voie d'abord vierge : il existe, en effet, le plus souvent, une voie d'abord qui n'a pas encore été
utilisée. Au fémur, la voie postérieure laissant le sciatique en dehors a le plus souvent été respectée
au cours de l'histoire de la pseudarthrose suppurée. Cette voie permet de mettre en place une greffe
corticospongieuse dans des conditions satisfaisantes, parfaitement environnées d'un lit musculaire
vivant. À l'humérus, la voie antéro-interne est souvent utilisable, l'abord le plus habituel des excisions
étant la voie externe ou exceptionnellement la voie interne. Cette voie antéro-interne laissant en
arrière le paquet vasculaire est symétrique de la voie externe décrite précédemment. Elle permet tout
geste de reconstruction avec une grande sécurité.
- Indications : la reconstruction par une voie d'abord vierge est préférable sur le plan infectieux. Elle
n'est pas toujours possible pour des raisons locales. Sur le plan mécanique, elle est moins
satisfaisante (fig 19). Elle présente un intérêt indiscutable pour renforcer un foyer où persiste un
contact osseux. Mais lorsqu'on reconstruit une résection diaphysaire circonférentielle, la greffe se
trouvera obligatoirement dans le foyer septique, il y a donc moins d'intérêt à utiliser une autre voie
d'abord.
Greffons
Les prélèvements de greffons doivent être très importants. La crête iliaque antérieure donne une
quantité le plus souvent suffisante. On prélève habituellement les deux corticales. La longueur de la
baguette prélevée a été mesurée préalablement sur la radio. Il est impératif d'avoir une baguette
continue susceptible de ponter la perte de substance osseuse. On complète le prélèvement par une
prise de greffon spongieux en quantité la plus importante possible. La face interne du tibia est
susceptible de procurer une excellente baguette de reconstruction. Elle a l'avantage d'avoir une
tenue mécanique non négligeable. Elle est toutefois plus difficile d'incorporation qu'une crête iliaque.
Par ailleurs, elle risque de fragiliser un tibia sain. Enfin, elle laisse peu de possibilité de prélèvement
de spongieux. Le péroné est un greffon utilisable accessoirement. Il a d'excellentes qualités
mécaniques, mais de très grosses difficultés d'incorporation. Il est donc réservé aux cas où il est
nécessaire de prélever une quantité très importante de greffons et où les prélèvements classiques
(crête iliaque antérieure et tibia) sont dépassés.
- Mise en place des greffons : les greffons doivent être appliqués au moins 1,5 cm sur chacune des
extrémités osseuses, pontant le defect par une pièce osseuse monobloc. Le contact avec les
extrémités de l'os receveur doit être parfait. Celui-ci doit être soigneusement avivé jusqu'à en être «
saignant ». Si les parties molles assurent une tenue suffisante aux greffons, il est inutile d'y ajouter
une ostéosynthèse. Mais il peut être utile, dans certains cas, de visser l'os cortical aux fragments
supérieur et inférieur. Le spongieux est tassé autour de la reconstruction par os cortical. La peau est
refermée, de façon étanche sur drainage aspiratif, au besoin, on aura mis des billes de gentamicine.
À la jambe, les conditions sont plus défavorables. Il peut être difficile de trouver une voie vierge (voie
antéroexterne). C'est l'intérêt de la GITP (fig 20). Le principe de la GITP est de mettre en place un
greffon par voie externe d'une part (parties molles vivantes) et solidarisant le tibia au péroné, d'autre
part. Deux techniques sont possibles.
Malade sur le dos, incision antéroexterne, le long du bord antérieur du péroné. On prend contact
avec le péroné en passant dans l'interstice entre le long et le court péronier latéral. On rugine la face
antérieure du péroné. On prolonge l'action de la rugine jusqu'à ce qu'elle vienne en contact avec la
membrane interosseuse. Celle-ci est ruginée en repoussant en avant la totalité des parties molles
antérieures de la jambe. Il faut rester très soigneusement au contact de la membrane afin d'éviter de
léser le paquet tibial antérieur. On parvient à bout de rugine jusqu'à la crête tibiale externe et la face
antéroexterne du tibia. Celui-ci est avivé soigneusement.
Malade installé en décubitus ventral. Incision le long du péroné, on rugine la face postérieure du
péroné et on reste soigneusement au contact de la membrane interosseuse. On récline ainsi en
arrière toutes les parties molles de la loge postérieure de jambe, l'artère péronière devant « partir »
avec ces parties molles. L'avivement tibial est mené de la même façon que par la voie antéroexterne.
Cette voie d'abord rétropéronière est relativement confortable, car le péroné est un élément
postérieur de la jambe. En revanche, il fait pratiquer, dans un certain nombre de cas, le sacrifice
involontaire de l'artère péronière : il est donc souhaitable de faire une artériographie préopératoire.
On prend une baguette corticospongieuse de 4 cm plus longue que l'espace à combler. La crête
iliaque antérieure est le plus souvent utilisée mais, si l'intervention est pratiquée en décubitus ventral,
on fera appel à la crête iliaque postérieure. Après le prélèvement d'une baguette continue
corticospongieuse, on complète par la prise de quantité importante de spongieux. On préférera les
greffons iliaques aux greffons tibiaux.
En effet, si les greffons tibiaux ont une meilleure qualité mécanique, ils sont plus scléreux et ils
présentent plus de difficultés d'incorporation. Par ailleurs, il n'est pas possible de trouver des
quantités importantes de spongieux au tibia. Le greffon péronier n'a pas d'indication pour la GITP en
raison de sa morphologie et des difficultés d'incorporation.
Le greffon est taillé selon la forme d'un losange dont la longueur dépasse de 4 cm la longueur à
combler, la largeur étant de 0,5 cm supérieure à l'espace intertibiopéronier. Une pince écartante
agrandit provisoirement l'espace intertibiopéronier. L'ablation de la pince permet le resserrage
spontané du péroné sur le greffon qui est, dès lors, parfaitement encastré entre le tibia et le péroné.
Habituellement, le greffon est autostable et c'est un des avantages de cette technique. Les parties
molles sont refermées sans problème particulier.
Cette technique nécessite un péroné continu. S'il est mobile, il faut commencer par le synthéser, soit
par une plaque ou une vis péronéotibiale si les conditions locales le permettent, soit par deux fiches
de fixateur, mises en relais sur le fixateur principal. Parfois, le péroné mobile présente un troisième
fragment, qui peut être rapproché du tibia, diminuant d'autant l'espace intertibiopéronier à greffer.
Suites opératoires
La GITP est un procédé très sûr de consolidation des pseudarthroses suppurées de jambe. Elle
nécessite plusieurs conditions :
On conçoit donc qu'elle réponde à des pseudarthroses suppurées de gravité moyenne. Elle a pu être
utilisée dans les formes graves avec résection diaphysaire, en réalisant une solidarisation
péronéotibiale supérieure et inférieure, sans chercher à greffer le foyer. Elle a pu procurer dans ces
cas certaines satisfactions, mais avec des délais très importants et un risque de fracture itérative
considérable. Dans ces formes graves avec avulsion osseuse et cutanée, elle nous semble
dépassée.
La paternité de cette intervention est difficile à définir. Le premier à l'avoir décrite est Roy-Camille . Il
l'avait vu pratiquer à Montréal par Papineau [24]. Il lui a donc donné son nom. Mais le principe de la
greffe spongieuse à ciel ouvert est décrit dans le livre de Burri [3] : Post traumatische Osteitis. Il est
donc préférable de donner le nom de l'opération de Burri-Papineau à cette technique. Cette
intervention repose sur plusieurs principes :
Nous commencerons par la description de la technique classique, nous en verrons les inconvénients
et les risques pour définir l'état actuel de la GSCO et nous proposerons des modifications techniques.
Face au tryptique pathologique : infection profonde - avulsion des parties molles - insuffisance
mécanique osseuse, l'opération de Papineau a le mérite de proposer un protocole thérapeutique
unique, comportant deux temps opératoires principaux. Le premier temps opératoire (P1) comporte
l'excision et la stabilisation. C'est le traitement classique de l'infection focale.
L'originalité de la méthode tient au deuxième temps opératoire (P2) qui, en une seule intervention, la
GSCO, règle deux problèmes : la consolidation osseuse et la couverture cutanée. Nous prendrons
pour type de description une pseudarthrose suppurée ayant nécessité une résection diaphysaire
circonférentielle (fig 23).
L'intervention est menée sous garrot pneumatique, l'exposition osseuse est faite en passant à travers
la fistule qui à la jambe est le plus souvent interne. L'excision cutanée doit être minime. Même si la
peau est scléreuse, adhérente à l'os, elle doit être respectée et soulevée en bloc par un ruginage de
la face interne. On tente alors une décortication dont la technique a été décrite plus haut. Celle-ci est
très rarement satisfaisante. En effet, les attaches musculaires sont inexistantes à la face interne. En
arrière et en dehors, il est très rare que l'on arrive à soulever des copeaux de décortication
satisfaisants. Seules, les pseudarthroses hypertrophiques sont facilement décortiquées, mais alors
on a l'inquiétude de laisser des éléments infectés dans des copeaux de décortication. Le nettoyage
focal est pratiqué comme décrit précédemment. Il doit être mené sans agressivité mais sans
pusillanimité. L'excision doit être suffisante mais non abusive. Les séquestres libres sont enlevés, l'os
manifestement nécrosé, ivoirien est réséqué. Il convient de laisser en place uniquement du tissu
parfaitement vivant. L'intervention est terminée par la mise en place d'un fixateur externe.
Papineau décrit son intervention sur enclouage centromédullaire [24]. Nous pensons que cet
enclouage stabilise mal le foyer (possibilité de rotation sauf en cas d'enclouage verrouillé) et que la
présence du clou prive le foyer d'une quantité importante d'os spongieux. Enfin, le risque infectieux
de cet enclouage dans une pseudarthrose suppurée doit être pris en considération.
Le fixateur externe a été décrit précédemment. Sa mise en place ne pose pas de problème
particulier. Il est toutefois impératif d'avoir un montage le moins encombrant possible, tout en étant
inébranlable, en raison des pansements qui seront pratiqués dans les suites. La plaie opératoire est
bourrée de gras, et un pansement compressif est pratiqué. Ce n'est qu'après ce pansement
compressif que le garrot est enlevé. En effet, ces excisions osseuses et cutanées saignent parfois de
façon considérable. Il est impératif de pratiquer un pansement circulaire sous le fixateur au contact de
la peau, comprimant directement le foyer. Ce pansement assure l'hémostase et ne sera desserré
qu'à la sixième heure.
Période entre P1 et P2
Le pansement est défait au cinquième jour. La plaie est lavée abondamment « à grande eau », les
antiseptiques ajoutés à l'eau de lavage n'ont qu'un rôle accessoire, c'est le lavage mécanique qui
assure la détersion de la plaie. Habituellement, le premier pansement est propre. Il n'y a plus de pus,
le lavage est donc relativement bref, d'autant qu'à ce stade, la plaie a encore tendance à saigner. Un
pansement gras est de nouveau appliqué dans le fond dans les anfractuosités de la plaie ; ce
pansement sera refait tous les jours jusqu'à ce qu'apparaisse le tissu de granulation. S'il est constant
que le premier pansement soit propre, habituellement on voit réapparaître une certaine purulence aux
alentours du dixième jour. Cette purulence, au début, doit être traitée par modifications des soins
locaux et au besoin, par pansement humide au Dakin®. Il faut éviter les pansements bétadinés, car,
la Bétadine® se desséchant, elle fait croûte au fond de la plaie et ne déterge plus. Si des pansements
humides au Dakin® ne viennent pas à bout de la purulence, il faut se poser le problème d'une
excision itérative et d'une modification de l'antibiothérapie. Habituellement, au 15e jour, on a acquis la
certitude que la totalité des éléments restants sont vivants. C'est alors qu'on peut pratiquer la greffe
spongieuse.
Greffe spongieuse
Toutes les épiphyses sont susceptibles de fournir de l'os spongieux. Les quantités à trouver sont
souvent très importantes. Il convient donc de prévoir plusieurs zones de prélèvement. Le site
donneur principal, pour nous, est la crête iliaque postérieure. Celle-ci impose un prélèvement en
décubitus ventral.
à obtenir est de racler les corticales à l'aide des curettes (fig 25). Toute fracture de la corticale va
donc priver l'opérateur de l'appui de la curette, diminuant d'autant la possibilité de prélever de l'os.
Les curettes s'insinuent entre les corticales. Pour ce faire, il convient de disposer de curettes de
diamètre croissant allant de 6 à 12 mm. On est aidé par les curettes à long manche qui permettent
une manipulation plus vigoureuse. Au début du prélèvement, on utilise des curettes de taille
croissante jusqu'à obtenir un trou d'environ 10 mm. Dès lors, la curette de 10 mm va s'insinuer entre
les corticales en avant, en arrière, suivant la morphologie complexe de l'aile iliaque. On peut aller très
loin vers le bas et on sent parfaitement les limites qui amèneraient à sortir de la tubérosité iliaque
postérieure. On parvient habituellement à faire des prélèvements considérables en jouant avec des
curettes de taille différente (fig 26). Les deux massifs iliaques postérieurs fournissent couramment
une quantité d'os spongieux de la taille du poing. La fermeture est faite sur Redon® en deux plans à
points séparés sur la peau en raison de la fréquence des hématomes et de l'éventualité non
exceptionnelle d'une infection du site de prélèvement. Les 24 premières heures, le drainage n'est pas
mis en aspiration. Au début de notre expérience, nous avons comblé la zone donneuse avec du
matériel résorbable afin de limiter l'hémorragie, mais nous avons eu un nombre important d'infections
postopératoires et nous y avons renoncé.
- Lorsque la quantité prélevée sur les deux crêtes iliaques postérieures est insuffisante (ce qui est
très rare lors des prélèvements de première intention), on continue l'intervention par une prise de
greffe sur le trochanter et, éventuellement, sur le condyle fémoral. Ces prélèvements faits en zone
porteuse sont dangereux en raison du risque de fragilisation et de fracture secondaire. La trépanation
doit être faite impérativement en zone proche de l'articulation, totalement épiphysaire et ne doit pas
emporter d'os cortical. L'évidement de l'épiphyse est fait, là encore, à la curette, de diamètre
croissant. On se limitera à évider la moitié externe du condyle et la partie supérieure du trochanter.
Par ailleurs, il faut être très vigilant à ne pas faire de pénétration articulaire. Il est illusoire de mettre
en décharge un éventuel prélèvement trop important. En effet, l'os spongieux prélevé ne se reforme
jamais et la fragilisation est quasiment définitive.
- Prélèvement de spongieux en décubitus dorsal
- reconstruction anatomique ;
- volume osseux important ;
- tassement correct ;
- contact important avec les extrémités osseuses.
- Il est parfois utile de commencer par un petit complément d'excision, puis on met en place la greffe.
On commence par le contact greffe/os receveur. L'avivement des extrémités osseuses est assuré par
une décortication copieuse (c'est la « pétalisation » de Roy-Camille). La greffe est apposée en arrière
du fragment supérieur avivé et tout autour de lui. On fait le même geste au niveau de l'extrémité
inférieure puis on met en place l'os spongieux à la partie moyenne. L'ensemble doit réaliser une
reconstruction anatomique avec un volume osseux au moins égal au volume de l'os réséqué. Le
spongieux est tassé modérément. Un spongieux insuffisamment tassé n'aura pas de tenue
mécanique pendant la période de cicatrisation. Les pansements risqueront alors de l'enlever ou de le
tasser, lui faisant perdre sa morphologie ou son volume. Par ailleurs, un spongieux insuffisamment
tassé n'aura pas une solidité mécanique suffisante en fin d'incorporation. À l'opposé, s'il est trop
tassé, le spongieux risque d'avoir, vis-à-vis du bourgeon, un comportement proche de l'os cortical,
avec une impossibilité pour le bourgeon de pénétrer à l'intérieur de ses mailles. L'intervention est
terminée par un pansement gras.
Le premier pansement est fait au cinquième jour. La plaie est lavée abondamment. Habituellement, à
ce stade, elle est parfaitement propre. On se contente donc d'un pansement gras. Classiquement,
selon Roy-Camille, le pansement doit être refait tous les jours en utilisant une irrigation de 1 à 2 L de
liquide. Ce lavage mécanique est pratiqué tous les jours et la plaie est pansée sur du gras. Nous
verrons plus loin les modifications que nous apportons habituellement à ce schéma classique.
Suites mécaniques
L'appréciation de la consolidation est faite sur des nuances radiographiques. En effet, le spongieux
après une phase de décalcification (pendant les 2 premiers mois) va se densifier pour obtenir sa
densité finale aux alentours du sixième mois, la solidité mécanique survenant 1,5 mois ou 2 mois
après cette période.
Antibiothérapie [25]
- Insuffisances cutanées
- La cicatrisation peut n'être pas complète. Il peut exister des difficultés pour la formation des derniers
centimètres de bourgeon. Un avivement suivi d'une greffe spongieuse itérative a minima a été
proposé par Roy-Camille (mini-Papineau). Plus inquiétantes sont les ulcérations chroniques après
cicatrisation initiale. S'il est classique que le Papineau rejette un peu de sérosités dans le cours de la
première année qui suit la guérison clinique, il est beaucoup plus inquiétant de voir apparaître des
ulcérations tardives, trophiques, sur une peau adhérente et sur une zone cicatricielle remaniée.
- Insuffisances mécaniques
- L'opération de Burri-Papineau ne remplit pas toujours son rôle de consolidation mécanique.
L'insuffisance osseuse peut être le fait d'un volume osseux initial insuffisant par faute technique mais,
dans un certain nombre de cas, une érosion progressive du spongieux exposé à l'air se produit. Par
ailleurs, les irrigations-lavages tassent et creusent la greffe spongieuse à ciel ouvert, si bien que,
lorsque la progression du bourgeonnement est lente, l'os spongieux s'élimine progressivement.
Ailleurs, le volume osseux est suffisant mais l'os reconstitué n'est pas en situation anatomique. En
effet, le positionnement de la greffe peut être difficile et nécessiter des radios peropératoires. Le
spongieux étant malléable, il peut très bien ne pas reconstruire le fût diaphysaire de façon
anatomique.
- Insuffisances mécaniques et cutanées sont liées
- En effet, plus le bourgeonnement est long à se produire, plus les pansements seront répétés et
éroderont l'os. C'est ainsi qu'une fermeture rapide sera garante d'une meilleure consolidation : « le
temps c'est de l'os ». Les lenteurs de cicatrisation ont deux causes principales :
Principes
- Excision suffisante : le maintien d'une infection torpide risque d'entraîner un bourgeon itératif
dévorant la greffe.
- Un environnement de parties molles vivantes : cette condition est plus facilement retrouvée au
fémur qu'à la jambe où elle nécessite des artifices techniques que nous détaillerons.
- Un volume de spongieux greffé au moins égal, voire supérieur, à la quantité d'os réséqué.
- La greffe spongieuse doit être en position anatomique. Le spongieux est pendant longtemps moins
solide que l'os cortical. La moindre désaxation ou le moindre pic de contrainte au niveau de la
reconstruction entraînera une faiblesse intolérable.
Dans les faits, l'utilisation du spongieux facilite grandement la reconstruction. En effet, sur le plan
infectieux, il est susceptible de s'incorporer malgré une contamination bactérienne. Certes, l'infection
avérée lysera les copeaux spongieux mais le bourgeon charnu s'insinuant à l'intérieur du greffon
osseux sera tout à fait capable de venir à bout d'une colonisation bactérienne modérée, aidée par
des antibiotiques adaptés.
Sur le plan cutané, utiliser le spongieux autorise une approximation qui va simplifier
considérablement des gestes de chirurgie plastique. C'est ainsi qu'il est même souhaitable de ne pas
faire une fermeture étanche mais de laisser un espace entre des points lâches pour permettre aux
sérosités de s'évacuer. Une telle approximation cutanée entraînerait immanquablement une infection
dans une reconstruction par de l'os cortical ou corticospongieux, mais elle est sans conséquence,
voire souhaitable lorsque l'on fait appel au spongieux.
Cas particuliers : à la jambe, GSCO appuyée sur le péroné (GSAP) (fig 28)
À la jambe, les conditions locales font qu'il est difficile de constituer un réceptacle satisfaisant à la
GSCO. D'une part, les parties molles sont peu abondantes, d'autre part, au niveau de la face interne
du tibia, les pansements et l'évolution spontanée érodent très rapidement la greffe spongieuse. Nous
avons donc cherché à augmenter le volume de spongieux greffé [16]. L'appui péronier présente donc
un triple avantage : d'une part, il fait positionner la greffe dans des parties molles vivantes et
susceptibles de fournir un excellent bourgeon charnu ; d'autre part (fig 29), il fait profiter la
reconstruction de l'apport mécanique de la synostose tibiopéronière. Cette technique nécessite le
sacrifice de la corticale postéroexterne. Nous ne faisons donc de GSAP à la jambe que lorsque la
corticale postéroexterne n'est pas de bonne qualité. Si cette corticale est vivante, barrant l'espace
intertibiopéronier par un os vivant, nous renonçons à cette technique au profit de la classique greffe
intertibiopéronière décrite précédemment (fig 30).
- L'excision est menée sous garrot pneumatique, comme décrit précédemment en décubitus dorsal.
Si l'état de la corticale postéroexterne le nécessite, on se trouve donc en situation de résection
diaphysaire. Le bistouri continue, il prend contact avec le péroné. Le plus souvent, l'artère péronière
n'est pas vue, restant en arrière. On avive le péroné. Lorsqu'il est très mobile, on le stabilise soit par
un relais sur le fixateur externe, soit par une vis tibiopéronière. On termine l'intervention par « une
sculpture des parties molles » telle qu'on l'a décrite précédemment, réalisant un réceptacle
parfaitement vivant à la future greffe spongieuse, les parois de ce réceptacle étant les muscles de la
loge externe d'une part, le péroné avivé d'autre part, les extrémités du tibia (fragment proximal et
distal) et les parties molles soulevées en bloc. Les parois sont maintenues suspendues par des gros
fils de nylon au fixateur externe. Un pansement compressif est appliqué (fig 31).
- Lors du deuxième temps de greffe spongieuse, une quantité très importante d'os est prélevée. La
greffe doit, en effet, être massive. En plus, elle nécessite un volume d'autant plus considérable qu'elle
intègre l'espace intertibiopéronier. Les greffons sont tassés comme décrit précédemment, d'abord au
niveau des extrémités tibiales, puis sur le péroné, et enfin, l'ensemble est modelé pour avoir
globalement la forme du tibia réséqué, tout en comblant l'espace intertibiopéronier. Le greffon
spongieux est maintenu en place par une fermeture cutanée lâche. La suspension des parties molles
d'une part, la légère rétroposition de la greffe par rapport à un tibia physiologique d'autre part,
donnent du mou à la peau, si bien que la fermeture cutanée est le plus souvent praticable. Nous ne
cherchons pas à obtenir une fermeture étanche, mais un rapprochement réduisant la perte de
substance cutanée au maximum tout en laissant s'écouler les sérosités. L'intervention est terminée
par un pansement gras, légèrement compressif.
- Les suites opératoires sont modifiées par rapport à la technique de Burri-Papineau standard. Le
premier pansement est fait au cinquième jour, puis il est fait le plus rarement possible. La qualité de
l'environnement de parties molles fait que le bourgeonnement est obtenu très rapidement et l'os
spongieux rapidement colonisé par le bourgeon. Les plaies sont très rarement suintantes. Il n'y a
donc aucune nécessité à l'irrigation que nous ne pratiquons plus. La diminution des soins locaux, la
rapidité de cicatrisation font qu'il y a peu de déperdition osseuse au cours de la cicatrisation. Par
ailleurs, la perte de substance cutanée et la zone d'épidermisation secondaire étant réduites de façon
considérable, la qualité de la peau néoformée est bien meilleure. Nous diminuons ainsi les séquelles
cutanées de l'intervention.
- Le bilan radiologique doit être fait au cinquième mois après la greffe. Trois possibilités se présentent
à ce stade.
- L'os est solide ou presque. À la désolidarisation du fixateur, la mobilité focale est devenue
inexistante. On peut enlever le fixateur. L'appui est autorisé avec prudence sous couvert d'une
orthèse (un tiers des cas).
- L'os est présent, en quantité suffisante et la mobilité focale persiste. Il suffit d'attendre. On met le
malade en appui avec le fixateur qui sera enlevé au septième ou au huitième mois (un tiers des cas).
- Il manque de l'os qui s'est manifestement lysé, il faut faire une greffe spongieuse itérative. La
quantité d'os nécessaire est peu importante. C'est la raison pour laquelle dans les greffes
spongieuses itératives, nous nous contentons d'un prélèvement, en décubitus dorsal, sur les crêtes
iliaques antérieures (une ou deux). L'intervention de greffe itérative est faite en un seul temps. Après
avoir prélevé l'os, on se reporte sur le foyer de pseudarthrose. L'avivement est fait à la curette en
retrouvant le trait. Au cinquième mois, le spongieux incorporé a une texture suffisamment dure pour
qu'on puisse cureter le foyer.
- Le spongieux est fortement tassé dans le foyer. La fermeture cutanée est faite en pratiquant « la
sculpture des parties molles » décrite dans cet ouvrage. Cette fermeture n'est jamais totale mais
suffisante pour ne pas perdre d'os lors des pansements et procurer un environnement de parties
molles vivantes à cet apport osseux. L'incorporation de cet os nouveau au cinquième mois est
habituellement très rapide.
Les gestes de « sculpture des parties molles » et de rétroposition du greffon spongieux massif et
l'appui péronier ont donné à la GSCO à la jambe, une grande fiabilité. Toutefois, il est indiscutable
que la confection du réceptacle à la greffe spongieuse peut nécessiter certaines précautions. En cas
de vascularisation précaire, il convient impérativement de faire une artériographie préopératoire afin
de s'assurer du rôle seulement accessoire de l'artère péronière. En cas de très vaste avulsion
cutanée, la confection du réceptacle de parties molles peut nécessiter un geste plastique (lambeau
hétérojambier le plus souvent).
Au prix de ces précautions, la GSAP est susceptible de répondre aux pseudarthroses suppurées de
jambe graves ayant nécessité une résection diaphysaire. Les formes avec absence totale de parties
molles ne sauront être traitées par cette technique isolée ; elles nécessitent la réalisation d'un
réceptacle de parties molles, par un lambeau notamment. Les formes avec contact cortical
postéroexterne relèveront, elles, de la GITP.
Au fémur
L'importance des parties molles habituellement rencontrées à la cuisse donne une bonne fiabilité à la
GSCO qui peut même être utilisée en cas d'écaille corticale résiduelle, en l'absence de résection
diaphysaire circonférentielle (fig 32). Les conditions mécaniques à la cuisse étant toutefois
particulièrement sévères, afin d'éviter les fractures itératives plusieurs principes doivent être
respectés.
- L'axe du membre inférieur : la moindre désaxation entraînera un pic de contraintes dangereux pour
la solidité finale du membre. La perfection de l'axe du membre est facile à obtenir grâce aux fixateurs
externes permettant une correction secondaire (« ostéotaxis » selon Hoffmann).
- Le volume de l'os reconstruit : toute insuffisance de volume greffé répondra inéluctablement à une
fragilité. Les quantités d'os à prélever sont donc souvent considérables. Il est exceptionnel que l'on
soit « à court de matériel osseux » à condition d'utiliser les artifices techniques que nous avons
décrits précédemment.
- Greffes en position anatomique : la greffe doit ponter la perte de substance en position anatomique,
ce qui peut être difficile à réaliser, d'autant que les parties molles multiopérées n'ont pas une
souplesse totale, donnant une liberté de positionnement souvent limitée.
- Le respect de la mobilité du genou est une condition fondamentale pour la solidité de la greffe au
fémur. C'est l'intérêt de l'utilisation des fixateurs unilatéraux.
- Protection par fixateur externe de tout foyer insuffisamment solide : c'est ainsi que, pour nous, toute
ostéite fémorale ayant nécessité une excision un peu importante sera protégée par un fixateur
externe unilatéral postéroexterne, laissant libre la mobilité du genou.
Nous rapportons une série de 24 cas sans fracture itérative. Nous pensons que les précautions
énoncées précédemment sont cause de ce bon résultat, autant que l'utilisation de la GSCO. En effet,
la réhabitation d'un greffon corticospongieux se fait en partant de l'os sain par une zone d'ostéolyse
progressant le long du greffon. Lorsque le front d'ostéolyse venant du fragment supérieur rejoint le
front d'ostéolyse venant du fragment inférieur (huitième mois environ), il existe une zone de faiblesse
(fig 33). C'est ainsi que, dans les reconstructions par os cortical, Letournel observe 20 fractures
itératives sur 50 cas. Par ailleurs, la lenteur relative d'incorporation du spongieux est largement
compensée par la position anatomique de la reconstruction. En effet, les reconstructions corticales
faites selon Evrard par une autre voie d'abord nécessitent un remodelage osseux en fonction des
contraintes, qui doivent être appliquées très progressivement. Même lorsque l'incorporation osseuse
est terminée, la diaphyse fémorale reste fragile longtemps. C'est ainsi que, pour nous, la GSCO à la
cuisse reste une intervention très fiable à condition de respecter les principes énoncés
précédemment.
- Insuffisances osseuses
- Dans un certain nombre de cas, malgré les précautions décrites précédemment, une partie
importante du spongieux ne s'incorpore pas. On se retrouve, en fin de protocole, avec une
insuffisance mécanique. Deux possibilités sont offertes pour pallier cette faiblesse osseuse.
- La greffe corticospongieuse de renforcement : pratiquée par une autre voie d'abord, un greffon
corticospongieux est appliqué à l'os de Papineau.
- Dans notre série, cette technique nous a donné une fois sur deux une récidive infectieuse.
- La GSCO itérative : l'insuffisance mécanique, le plus souvent, ne nécessite pas un renforcement de
la totalité de la greffe, la faiblesse osseuse venant de cavités à l'intérieur de la greffe spongieuse.
Ces cavités, repérées à la radio, sont retrouvées en peropératoire à la curette, elles contiennent des
fongosités que l'on prélève. On s'aide de la mobilité focale pour retrouver le trait d'insuffisance
mécanique et on recrée une cavité dont les parois sont totalement osseuses. Au 15e jour, la greffe
spongieuse itérative est pratiquée. Elle nécessite des quantités d'os relativement peu importantes,
c'est la raison pour laquelle, dans ces cas, nous utilisons habituellement les crêtes iliaques
antérieures ou les tubérosités tibiales. La bonne époque pour faire cette GSCO itérative est le
cinquième mois. À cette date, le spongieux précédemment greffé est suffisamment incorporé pour
résister à la curette et les zones qui ne s'incorporent pas sont déjà parfaitement délimitées. La GSCO
itérative peut même, dans un certain nombre de cas, être répétée plusieurs fois de suite toujours à 5
mois de la précédente. Ces renforcements pratiquement préventifs effectués au cinquième mois
permettent à la GSCO d'obtenir des délais de consolidation tout à fait comparables à ceux de la
chirurgie à foyer fermé avec greffe corticospongieuse. Malgré l'absence d'environnement charnu,
l'incorporation du spongieux se fait sans difficulté, la greffe spongieuse itérative étant environnée de
spongieux « en plein effort ostéogénique ».
- Insuffisances cutanées
- En cours de cicatrisation, dans un certain nombre de cas, le bourgeon cesse de progresser. Tantôt,
il s'agit d'une perte de substance plus arrondie qu'ovalaire où la cicatrisation par le bourgeon finit par
s'épuiser. Il faut aviver la greffe spongieuse en perforant en profondeur le greffon.
Tantôt, il s'agit d'une absence de cicatrisation par persistance de l'infection, les berges progressent
mais le coeur de la GSCO se creuse, est sale ; l'os spongieux reste mou. Il s'agit d'une insuffisance
d'excision qui nécessite un complément d'excision. Ce complément d'excision sera, au mieux, fait au
cinquième mois, retrouvant les principes de la GSCO itérative. Tardivement, alors que la cicatrisation
est obtenue, la peau peut rester adhérente, provoquant des troubles trophiques. Ces troubles
trophiques répondent très mal aux greffes cutanées, il faut savoir leur proposer des gestes de plastie
secondaire. Habituellement, c'est aux localisations jambières basses que l'on retrouve ces troubles
trophiques. Le traitement en est donc souvent difficile, sur des jambes porteuses de nombreuses
cicatrices d'une part, et de trophicité globale peu satisfaisante d'autre part. À l'heure actuelle, notre
tendance irait plutôt aux lambeaux fasciocutanés, bipédiculés. Notons que les modifications
techniques que nous proposons à la GSCO ont considérablement réduit le nombre de ces
complications cutanées. La fermeture cutanée réduisant considérablement la zone d'épidermisation
secondaire et l'ovalisation systématique des pertes de substance rendent ces troubles nettement plus
rares qu'au début de notre expérience.
Références Bibliographiques
[1] Alnot JY, Oberlin C. Les lambeaux pédiculés de recouvrement des pertes de substance cutanée
au niveau des membres. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales - Orthopédie-
traumatologie, 44-070, 4 11 03, 18 p
[2] Aro HT, Chao EY Biomechanics and biology of fracture repair under external fixation. Hand
Clin 1993 ; 9 : 531-542
[4] Casey R. Les lambeaux musculaires pédiculés à la jambe. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
Techniques chirurgicales-Chirurgie plastique, 45-860, 1987 : 28 p
[5] Casey R. Les lambeaux fasciocutanés pédiculés de la jambe. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
Techniques chirurgicales-Chirurgie plastique, 45-850, 1996, 26 p
[6] Evrard J, d'Aubigne Merle Traitement des pseudarthroses infectées de la diaphyse fémorale. Rev
Chir Orthop 1978 ; 64 : 45-58
[7] Gustilo RB, Anderson JT Prevention of infection in the treatment of one thousand and twenty five
open fractures of long bones. J Bone Joint Surg 1976 ; 58A : 453-458
[8] Gustilo RB, Merkow RL, Templeman D The management of open fractures. J Bone Joint
Surg 1990 ; 72A : 299-303
[9] Huiskes R, Chao EY Guideline for external fixation frame rigidity and stresses. J Orthop
Res 1986 ; 4 : 68-75
[10] Jenny G, Kempf I, Jaeger JH, Bitar S, Gebauer G Coloration vitale au bleu de disulphine dans la
cure chirurgicale de l'infection osseuse. Rev Chir Orthop 1977 ; 63 : 531-537
[11] Jenny G, Kempf I, Jaeger JH, Konsbruck R Utilisation de billes de ciment acrylique à la
gentamicine dans le traitement de l'infection osseuse. Rev Chir Orthop 1977 ; 63 : 491-500
[14] Lortat-Jacob A, Faivre M, Benoit J, Ramadier JO, Laurian C, Cormier JM Les séquelles au pied du
syndrome de Volkmann. Rev Chir Orthop 1981 ; 67 : 617-624
[16] Lortat-Jacob A, Hardy PH Infection des fractures de jambe. Technique et intérêt de la greffe
spongieuse à ciel ouvert appuyée sur le péroné. Acta Orthop Belg 1992 ; 58 (suppl 1) : 236-
251
[19] Lortat-Jacob A, Sutour JM, Beaufils PH, Jouanin TH Infection après enclouage centro-médullaire
pour fracture diaphysaire du fémur et du tibia. Rev Chir Orthop 1986 ; 72 : 485-494
[20] Marotte JH, Samuel P. Les fixateurs externes. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Techniques
chirurgicales-Orthopédie-traumatologie, 44020, 4 9 06, 21 p
[21] Masquelet AC, Augereau B, Apoil A, Nordin JY Traitement des fractures complexes de jambe par
lambeaux musculaires de recouvrement pédiculés ou libres par apport osseux
complémentaire. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 (suppl 2) : 117-121
[22] Masquelet AC, Nordin JY, Pages G Recouvrement des pertes de substance sacrée et ischiatique
par des lambeaux musculo-cutanés. Presse Med 1985 ; 14 : 277-279
[23] Nast-Kolb D, Schweiberer L Treatment concept in infected bone and soft tissue
defects. Orthopade 1994 ; 23 : 430-436
[26] Reis ND, Zinman C, Besser MI, Shiffrin LZ, Rosen H A philosophy of limb salvage in war : use of
the external fixation. Mil Med 1991 ; 156 : 505-520
[29] Schandelmaier P, Krettek C, Rudolf J, Tschorne H Outcome of tibial shaft fractures with severe
soft tissue injury treated by unreamed nailing versus external fixation. J Trauma 1995 ; 39 : 707-
711
[30] Varlet A, Dauchy PH Billes de plâtre de Paris aux antibiotiques dans le traitement de l'infection
osseuse. Nouvelles associations plâtre-antibiotiques. Rev Chir Orthop 1983 ; 69 : 239-244
[31] Veng WN, Shih CH Management of infected tibial intra-medullary nailing using an organized
treatment protocol. J Formos Med Assoc 1992 ; 91 : 879-885
Tableaux
Tableau I.
Os
Os spongieux
corticospongieux
Adaptation
faible importante
morphologique
Résistance à
très faible importante
l'infection
Vitesse
rapide assez lente
d'incorporation
Fractures itératives
fréquentes rares
Tableau II.
Tableau III.
Geste de
Délai de Greffe Fracture
Amputation cicatrisation
consolidation itérative itérative
cutanée
10 GSCO selon
0 11 mois 5 6 1
Papineau*
*Technique décrite par Roy-Camille et al ; ** Greffe spongieuse à ciel ouvert appuyée sur le péroné avec fermeture
cutanée partielle ; *** Une nouvelle GSCO, 1 greffe postérieure, 3 greffes intertibiopéronières ; **** 9 GSCO, 1
GSCO
associée à une greffe postérieure.
Figures
Fig. 1
A. Courbe thermique rassurante. Les courbes B et C sont tout à fait caractéristiques d'une infection post-opératoire.
Fig. 2
Au moindre doute, il sera pratiqué une ponction du foyer opératoire en passant à distance de la zone de suture cutanée.
Fig. 3
Reprise précoce pour infection d'une ostéosynthèse par plaque. A. Excision cutanée. B. Nettoyage des parties molles par
raclage à la rugine. Le matériel est laissé en place s'il remplit son rôle.
Fig. 4
A. En zone épiphysaire, lorsque la consolidation est envisageable rapidement, il est possible de laisser une plaque
exposée pendant plusieurs semaines jusqu'à obtention d'une consolidation osseuse (B). Lorsque la plaque est enlevée, il
est possible de pratiquer une fermeture cutanée sur drainage (C).
Fig. 5
Exemple de montage visant à stabiliser, par fixateur externe, la résection tête et col.
Fig. 6
Reprise pour infection de prothèses totales de genou. La prothèse a été enlevée et changée pour une prothèse à queue
longue, cimentée au Palacos Gentamicine®. La perte de substance cutanée et sous-cutanée a été comblée par un
lambeau de jumeau interne.
Fig. 7
Technique de la décortication. A. On aborde l'os directement sans utiliser de rugine. B. Un premier passage du ciseau à
décortiquer est effectué transversalement, donnant le repère de la morphologie osseuse. C. Le deuxième passage des
ciseaux est longitudinal, enlevant des copeaux qui sont protégés au fur et à mesure par les écarteurs de Hohmann.
Fig. 8
Différents types de lambeau pour couverture cutanée. 1. Lambeau cutané pur ; 2. lambeau fasciocutané ; 3. lambeau
myocutané.
Fig. 9
A. Dessin du lambeau fasciocutané interne. B. Le décollement doit impérativement être fait entre le muscle et le fascia qui
est soulevé avec la peau.
Fig. 10
Le lambeau bipédiculé peut rendre des services précieux au quart inférieur de jambe. Il s'agit d'un lambeau fasciocutané.
La zone donneuse est recouverte d'une greffe de peau.
Fig. 11
Fig. 12
Principes de la fixation externe diaphysaire : les fiches doivent avoir au moins 5 mm de diamètre. Les prises doivent être
très étendues sur les diaphyses, une fiche étant mise le plus près possible du foyer sans toutefois être dans la zone
infectée, une fiche est mise le plus loin possible du foyer dans la mesure du matériel disponible. Quatre fiches par
fragment permettent, dans de telles conditions, une stabilisation en un seul plan de fixation avec la plupart des fixateurs
externes.
Fig. 13
Positionnement des plans de fixation. A. À la jambe : on utilisera un plan antéro-interne. B. Au fémur : c'est un plan
postéroexterne qui laisse libre le plan de glissement du quadriceps.
Fig. 14
Fig. 15
Possibilités de prise épiphysaire. A. Poignée à ancrage oblique (Hoffmann). B. Poignée en T du fixateur de Judet.
Fig. 16
La plaque à noix peut être utilisée comme simple relais d'une ostéosynthèse fémorotibiale. Ce relais peut être transformé
en fixateur externe principal par ablation du plan fémoral lorsque la consolidation est sur le point d'être obtenue.
Fig. 17
Fixateur externe postural. En cas d'anesthésie plantaire, ou de paralysie des releveurs, ou de lésion basse de jambe,
systématiquement on utilisera un fixateur externe évitant la mise en équin.
Fig. 18
Résection diaphysaire traitée par greffe corticospongieuse mise en place par la voie d'abord initiale.
Fig. 19
Résection diaphysaire quasi totale greffée par une autre voie d'abord. Technique très sûre sur le plan infectieux. L'os
reconstruit a une morphologie peu satisfaisante sur le plan mécanique mais, au cours du temps, les contraintes le
réorganisent.
Fig. 20
Fig. 21
La voie d'abord la plus fréquente pour la greffe intertibiopéronière est la voie rétropéronière. Malade en décubitus ventral.
On prend contact avec le péroné et on décolle en bloc le paquet péronier et le paquet tibial antérieur sans faire courir de
risque au paquet tibial postérieur.
Fig. 22
Fig. 23
Exemples de résection diaphysaire du fémur traitée par greffe spongieuse à ciel ouvert (technique de Papineau). A.
Infection sur plaque fémorale. B. La résection diaphysaire est rendue nécessaire par l'infection. C. Séquestre. D.
Reconstruction par spongieux. E. La plaie est largement laissée ouverte. F. Fermeture cutanée en 3 mois (le fixateur a été
allégé). G. Aspect à 9 mois (une greffe spongieuse itérative a été nécessaire).
Fig. 24
Sites de prélèvement du spongieux. En décubitus ventral, on peut accéder aux deux crêtes iliaques postérieures, au
trochanter, au condyle et à la tubérosité tibiale antérieure.
Fig. 25
Technique de prélèvement de spongieux. Une petite trépanation permet, à l'aide de curettes adaptées, d'évider le massif
iliaque postérieur, procurant des quantités très importantes de spongieux.
Fig. 26
Un jeu complet de curettes de toutes les tailles, à long manche, est nécessaire pour faire des prises de spongieux
satisfaisantes.
Fig. 27
L'espace entre les fragments est rempli de spongieux qui doit, d'une part, être modérément tassé, d'autre part, être très
appliqué au fragment (« pétalisation » selon Roy-Camille).
Fig. 28
Greffe spongieuse à ciel ouvert appuyée sur le péroné. Le spongieux est mis en place entre les extrémités tibiales et va
d'emblée prendre appui sur le péroné avivé (GSAP).
Fig. 29
Greffe spongieuse à ciel ouvert appuyée sur le péroné. Le spongieux est mis en place dans une cavité dont les parois
sont essentiellement musculaires, permettant un envahissement rapide du spongieux par le bourgeon.
Fig. 30
À la jambe, lorsqu'il existe une continuité corticale externe, l'utilisation de la greffe spongieuse à ciel ouvert est
déconseillée. La corticale restante gêne la progression du spongieux. Dans cette situation, il est préférable de faire appel
à la greffe intertibiopéronière.
Fig. 31
Sculpture des parties molles : c'est le temps fondamental de la greffe spongieuse à ciel ouvert modifiée. Le spongieux
doit, impérativement, être posé dans un réceptacle plus ou moins rétentif et bien vascularisé.
Fig. 32
Renforcement d'une ostéite postfracturaire par greffe spongieuse à ciel ouvert. Au fémur, l'importance des parties molles
rend possible l'utilisation du spongieux sur un os continu, alors que ce n'est pas le cas au tibia. A. Ostéite postfracturaire
sur enclouage. B. Aspect peropératoire. C. Fragilisation après trépanation. D. Aspect radiographique. E. Aspect 6 mois
après greffe spongieuse à ciel ouvert. Noter qu'il a été utilisé un fixateur externe préventif en un plan postéroexterne,
genou 0/110°.
Fig. 33
La reconstitution des résections diaphysaires par greffe spongieuse à ciel ouvert met davantage à l'abri de la fracture
itérative. La creeping-substitution progresse longitudinalement le long du greffon corticospongieux, précédée d'un front
d'ostéolyse. Lorsque les deux zones d'ostéolyse partant du fragment proximal et du fragment distal se rejoignent, il existe
une zone de fragilité importante. L'envahissement du bourgeon se faisant de façon périphérique et centripète, il n'y a pas
de zone élective de fragilité.
Résumé
Il existe deux types d'arthrite bactérienne : d'une part, les infections articulaires avec présence de
germes dans le liquide articulaire, d'autre part, des réactions inflammatoires articulaires, secondaires
à certains germes, le streptocoque notamment. Le chirurgien est exceptionnellement confronté à ce
deuxième type d'arthrite. Nous ne décrirons donc que les arthrites avec présence de germes dans le
liquide articulaire.
Le plus souvent, c'est un agent extérieur qui fait pénétrer le germe dans l'articulation. Une plaie
articulaire, incorrectement traitée, peut être responsable de l'infection, mais en fait la cause la plus
fréquente des arthrites infectieuses reste les gestes thérapeutiques ou diagnostiques intra-articulaires
: infiltrations, arthrographie, ou chirurgie articulaire. Dans ce cas, c'est le plus souvent le
staphylocoque doré qui est en cause. La contamination articulaire est très rarement métastatique au
cours d'une septicopyoémie. Ces formes rares sont le plus souvent le fait de certains germes
(streptocoques notamment), ou de certaines articulations pathologiques (polyarthrite rhumatoïde).
Plan
Anatomie pathologique
Conséquences pratiques
Antibiotiques
Prescription
Immobilisation
Conduite à tenir vis-à-vis du liquide articulaire
Synovectomie
Arthrodèse
Amputations
Indications
Séquelles articulaires postinfectieuses
Infection des fractures articulaires
Haut de page
Anatomie pathologique
L'infection articulaire engendre une succession de phénomènes pathologiques qui passent par trois
stades. Ces stades ont été parfaitement décrits par Steen-Jensen lors d'un protocole expérimental
d'arthrite du genou chez le lapin [14].
- Premier stade : c'est celui des réactions synoviales. Dans les cinq premiers jours qui suivent
l'inoculation articulaire, on assiste à une prolifération synoviale : congestion vasculaire avec infiltration
leucocytaire. Dès le 3e jour, apparaît une modification du cartilage articulaire. Il devient plus mou et
plus déformable. On conçoit que sur une articulation en charge, on puisse déjà observer un
pincement de l'interligne. Les causes exactes de ces modifications articulaires sont difficiles à définir.
Steen-Jensen estime que des enzymes protéolytiques sont libérées des leucocytes et des cellules
bordantes de la synoviale. Ce ne semble pas être le seul processus, car le liquide synovial, dans le
même temps, change considérablement. Il devient donc un milieu d'imbibition défavorable pour le
cartilage qui, par simple modification physico-chimique, perd ses propriétés. Dans le même temps, la
prolifération synoviale se fait en direction de ses insertions sur l'os. La synoviale pénètre dans le tissu
osseux, attaquant le cartilage directement à cet endroit par contiguïté.
- Deuxième stade : à partir du 11e jour, apparaît le pannus synovial, véritable prolifération abcédée
de la synoviale. Ce pannus siège essentiellement au niveau du condyle fémoral. A l'intérieur de cette
prolifération, on trouve des abcès. Le cartilage continue à perdre de sa hauteur, mais il n'est pas
encore attaqué directement sur sa surface portante. Par contre, dès ce stade, on trouve des
modifications des ligaments latéraux et des éléments périarticulaires.
- Troisième stade : l'ostéoarthrite.
A partir du 17e jour, l'infection a largement dépassé la cavité articulaire. Les ligaments latéraux et la
capsule sont détruits, l'infection pénètre dans les extrémités osseuses, provoquant une ostéite. Au
niveau des zones portantes, il existe des ulcérations cartilagineuses avec une participation
ostéomyélitique sous-jacente. Le cartilage articulaire a perdu globalement la moitié de sa hauteur.
Haut de page
Conséquences pratiques
Ces trois stades décrits dans un protocole expérimental se retrouvent en clinique humaine. La
guérison de l'infection articulaire sans séquelle ne peut être obtenue que si le traitement est efficace
lors du premier ou du deuxième stade. On voit, par ailleurs, le rôle fondamental de la synoviale, seul
moyen de défense de l'infection articulaire. Au début, dans les suites immédiates de l'inoculation,
c'est elle qui, par sa réaction inflammatoire, lutte contre les germes ; puis, par ces modifications du
liquide articulaire, elle a un effet bactéricide intra-articulaire.
Dans un deuxième temps, débordée par l'infection, elle s'abcède. Elle devient alors néfaste, et elle
est même responsable de la propagation infectieuse au-delà de l'articulation : à l'os d'une part, aux
formations ligamentaires périphériques d'autre part. On voit, par ailleurs, que les modifications
cartilagineuses restent assez longtemps réversibles. Ce n'est qu'au troisième stade que se
produisent des ulcérations par attaque directe du liquide infecté contre le cartilage. Avant, il s'agit,
soit de modifications physico-chimiques vraisemblablement réversibles, soit d'une attaque
périphérique du cartilage par la synoviale sans conséquence fonctionnelle prévisible. A chacun des
stades répond une attitude thérapeutique.
Haut de page
Antibiotiques
La ponction
L'antibiothérapie est la base du traitement. Elle doit être adaptée aux germes, au vu d'un
antibiogramme. C'est l'intérêt de faire la ponction articulaire et de mettre en culture le liquide. La
ponction est le temps fondamental, puisqu'elle apporte, d'une part, le diagnostic et, d'autre part, le
traitement médical.
Les staphylocoques
Le germe rencontré le plus souvent est un staphylocoque. Le clinicien, habituellement, a quatre types
de staphylocoques à traiter.
Haut de page
Prescription
Au vu de l'antibiogramme, on prescrit une bithérapie par voie parentérale afin d'obtenir des taux
sériques élevés jusqu'à normalisation des signes généraux. Dans un deuxième temps, au vu de la
normalisation de la courbe de température, on est autorisé à prescrire une mono-antibiothérapie
orale qui est poursuivie 15 jours après la normalisation des signes locaux. S'il y a eu des
hémocultures positives, le traitement comporte obligatoirement trois semaines d'antibiothérapie
parentérale et trois semaines d'antibiothérapie orale.
Haut de page
Immobilisation
L'infection articulaire guérit d'autant mieux que les mouvements sont supprimés. Les parties molles
ne sont plus alors irritées par la mobilisation et la réaction inflammatoire synoviale est nettement
diminuée. Le plâtre est très souvent utilisé. Un plâtre circulaire est confectionné. Il est fendu en
bivalve au 10e jour pour surveiller l'état local. L'attelle plâtrée peut être utilisée, mais elle est rarement
bien adaptée.
Au coude, le plâtre brachio-palmaire doit impérativement être fait en position de fonction : flexion à
90°, pronosupination intermédiaire (fig. 1).
Le poignet est immobilisé par une manchette plâtrée à 10° de flexion dorsale.
Les métacarpo-phalangiennes sont immobilisées dans une boule plâtrée à 60° de flexion au moins.
Les interphalangiennes distale et proximale sont immobilisées dans une position proche de
l'extension (fig. 2 et 3).
L'immobilisation de la hanche est plus difficile à réaliser. Le plâtre pelvi-pédieux est généralement
mal toléré (fig. 4). On se contente donc souvent de mettre le malade en traction-suspension afin, par
la détente articulaire, d'éviter le tassement cartilagineux et de permettre une immobilisation relative
(fig. 5).
Le genou est immobilisé dans un plâtre cruro-pédieux à 20° de flexion. La cheville est mise dans une
botte plâtrée à angle droit (fig. 6).
La discussion est de savoir si on a le droit de faire appuyer sur un membre inférieur atteint d'une
arthrite. En effet, le cartilage, ramolli par les phénomènes que nous avons vus, aurait
vraisemblablement besoin d'être mis en décharge.
Haut de page
Conduite à tenir vis-à-vis du liquide articulaire
Ponction
- La ponction articulaire est le temps fondamental du traitement de l'arthrite. En effet, par ce simple
geste, on a, d'une part le diagnostic médical et, d'autre part, le traitement médical. Pratiquement,
toutes les articulations peuvent être ponctionnées, mais la ponction est un geste dangereux qui doit
être fait dans des conditions d'asepsie rigoureuse et en connaissant parfaitement les rapports
anatomiques.
- A l'épaule, la ponction est faite soit par voie antérieure, en passant légèrement en dehors du sillon
delto-pectoral dont le repère supérieur est la coracoïde (fig. 7A), soit par voie externe
transdeltoïdienne (fig. 7B).
- Le coude est ponctionné par voie postéro-interne (fig. 8A) ou par voie antéro-externe (fig. 8B).
- Le poignet est ponctionné par voie dorsale.
- Les articulations des doigts sont accessibles par voie dorsale, latéralisée en dedans ou en dehors.
- La hanche est difficile à ponctionner en raison de sa profondeur. La ponction est faite par voie
antérieure (fig. 9) ; le repère de la tête fémorale est donné par la projection de l'artère fémorale sur la
ligne de Malgaigne. On récline le paquet vasculaire en dedans avec les doigts et on introduit l'aiguille
légèrement en dehors. Si la ponction est blanche, il faut alors faire appel au lavage articulaire en
introduisant un peu de liquide qui est réaspiré. Il peut être utile de s'aider de l'amplificateur de
brillance et d'un peu de produit de contraste pour s'assurer qu'on a effectivement pénétré dans la
cavité articulaire.
- La ponction ne doit pas être répétée trop fréquemment. En effet, le risque de surinfection n'est pas
négligeable. Une ponction diagnostique et évacuatrice est absolument indispensable ; une
succession de ponctions à visée évacuatrice l'est beaucoup moins.
- Le liquide est examiné cliniquement : est-il purulent ? Est-il simplement épais et filant ?
Il est aussi envoyé en biochimie pour étudier ses propriétés et les éléments cellulaires sont comptés ;
en cas de doute diagnostique avec une éventuelle poussée de chondrocalcinose, on fait rechercher
des microcristaux.
Lavage articulaire
Lorsque l'épanchement articulaire se reproduit, il peut être intéressant de faire un véritable lavage.
- Technique : le plus souvent, sous anesthésie générale, l'articulation est ponctionnée avec un très
gros trocart. Un autre gros trocart évacuateur est introduit par une autre voie d'abord. Dans le premier
trocart, on fait couler une perfusion contenant du liquide mélangé d'antibiotique ou d'antiseptique.
Une quantité très importante de liquide doit passer. En effet, c'est l'effet mécanique du lavage qui
importe plus que la qualité du liquide introduit. Le lavage articulaire est un temps très important dans
le traitement de l'infection. Toutefois, si l'épanchement articulaire se reproduit, il est
vraisemblablement inutile de recommencer les lavages. Il y a alors une étape supérieure à franchir :
modifications d'antibiotiques et éventuellement synovectomie.
L'arthroscope permet d'introduire de très grosses quantités de liquide et de faire un lavage des plus
efficaces. Il doit impérativement être fait sous anesthésie générale. Il est parfaitement adapté aux
lavages du genou, mais les autres articulations, ayant une cavité articulaire réduite, se prêtent moins
bien au lavage arthroscopique.
L'arthroscope est introduit par voie antéro-interne. Dans un premier temps, on se contente de remplir
l'articulation avec le liquide de lavage. Ce liquide est évacué par l'arthroscope. Ce geste est répété de
nombreuses fois après une longue période de lavage ; lorsque le liquide évacué est relativement
clair, on peut continuer par une arthroscopie classique. On met alors le trocart d'évacuation
supérieure dans le cul-de-sac quadricipital. Il faut noter toutefois que l'arthroscopie en milieu septique
est souvent très difficile à faire et qu'elle est décevante. En effet, la synovite gêne considérablement
et, par ailleurs, les cloisonnements se font rapidement dans l'articulation. Le rôle de l'arthroscopie est
donc, en fait, d'assurer un meilleur lavage. Il est rare qu'on puisse visualiser correctement l'état des
cartilages.
Evacuation chirurgicale
L'arthrotomie peut être justifiée. Elle doit être pratiquée selon les voies d'abord classiques et
confortables pour chacune des articulations. En fait, cette évacuation chirurgicale est d'indication très
rare, car sa place est limitée entre, d'une part, les évacuations à l'aiguille au trocart ou à
l'arthroscope, et, d'autre part, les synovectomies.
Haut de page
Synovectomie
Cette intervention très ancienne a été décrite en 1895 par Albertin [1]. Le principe est d'enlever la
synoviale lorsqu'elle est abcédée. On a vu que ce principe, empiriquement découvert au départ, était
tout à fait justifié dans l'évolution et la physiopathogénie de l'infection articulaire.
Voie d'abord
On utilise une voie interne, soit voie de Gernez passant en arrière du vaste interne et luxant l'appareil
extenseur, soit voie parapatellaire interne passant entre le droit antérieur et le vaste interne (fig. 14A).
Une fois le plan musculaire abordé, on dissèque la poche articulaire en faisant le tour du cul-de-sac
quadricipital supérieur (fig. 14B). On repère les insertions supérieures de la synoviale en repérant
d'éventuels récessus remontant à la face antérieure du genou. On fait l'exérèse de la synoviale en
désinsérant celle-ci du fémur d'abord (fig. 14C). La face antérieure de l'os est raclée à l'aide de la
rugine de Lambotte. On aborde ainsi l'articulation. On luxe l'appareil extenseur et on débarrasse
l'échancrure intercondylienne de toute la prolifération synoviale que l'on trouve (fig. 14D). On glisse
une pince à hémostase latéralement aux bords périphériques des ménisques et on enlève « à
l'arraché » le plus possible de synoviale. Il est impossible de faire une synovectomie totale par cette
simple voie d'abord antérieure (fig. 14E). S'il existe un pannus synovial postérieur important, il serait
alors indispensable de faire un deuxième temps opératoire en décubitus ventral pour aborder le creux
poplité. En pratique, ce geste est rarement nécessaire. La synovectomie est donc forcément
incomplète, mais elle peut être suffisante pour permettre la guérison. On ne peut parler d'éradication
bactérienne totale mais de diminution de la quantité de germes permettant aux antibiotiques de
remplir leur rôle avec plus d'efficacité. L'intervention est terminée par une suture des plans
musculaires le plus soigneusement possible et une fermeture cutanée étanche. On met en place
deux drains aspiratifs, un se dirigeant vers le haut et un vers le bas et en arrière. Une immobilisation
plâtrée temporaire est pratiquée.
Suites opératoires
L'antibiothérapie est poursuivie. Les drains aspiratifs de Redon sont enlevés lorsqu'ils ne donnent
plus. L'articulation est mobilisée à partir du 12e jour lorsque la cicatrisation cutanée est correcte.
Epaule
Coude
La synovectomie doit être faite par deux voies d'abord, postéro-externe d'une part et antérieure
d'autre part.
Poignet
La synovectomie est faite sans grande difficulté. La voie d'abord dorsale permet de faire une bonne
dissection de la cavité articulaire.
Hanche
Elle pose plus de difficultés : la voie d'abord est antérieure, voie de Hueter. Cette voie d'abord permet
un bon jour sur l'articulation, mais elle n'expose pas la totalité de la synoviale ; il est nécessaire de
luxer la hanche pour visualiser celle-ci. La luxation, même antérieure, alourdit considérablement
l'intervention (enraidissement et risque de nécrose secondaire) ; c'est la raison pour laquelle elle ne
doit pas être pratiquée systématiquement. Lorsque la synovectomie a pu être menée de façon
suffisamment complète sans luxation, il est préférable d'en rester là.
Cheville
La voie d'abord est antéro-externe. La dissection articulaire est faite sans difficulté et la synovectomie
peut être très satisfaisante, même si la quantité de synoviale enlevée n'est pas très importante ; elle
est toutefois souvent assez complète.
Limites de la synovectomie
On a vu que pour chacune des articulations, une voie d'abord unique était impossible pour enlever la
totalité de la synoviale. Si, au coude, deux voies d'abord sont utilisables de façon concomitante, ce
n'est pas toujours forcément le cas. Toutefois, le caractère incomplet de la synovectomie n'est pas
gage de mauvais résultats ; c'est ainsi que Gérard [7] sur seize synovectomies du genou trouve onze
succès pour cinq échecs sur le plan infectieux, et à la hanche où manifestement la synovectomie a
dû être moins importante, il décrit trois succès sur trois cas. La synovectomie, même incomplète, est
donc un excellent moyen de guérison d'infection articulaire à condition que le stade évolutif de
l'infection soit celui de la synovite abcédée sans réaction osseuse sous-jacente ; plus que des raisons
anatomiques, c'est l'évolution de l'infection qui doit être invoquée dans les échecs de synovectomie.
Par ailleurs, sur le plan fonctionnel, l'enraidissement est habituel mais limité et tout à fait compatible
avec un résultat fonctionnel correct à condition que la mobilisation ait été pratiquée précocement, dès
la cicatrisation cutanée. C'est d'ailleurs l'avis de Ballard [2] qui préconise la mobilisation immédiate
après chirurgie de l'infection articulaire, que ce soit évacuation chirurgicale ou synovectomie.
Haut de page
Arthrodèse
L'arthrodèse supprime la cavité articulaire par fusion entre les épiphyses. Elle guérit l'infection
articulaire en enlevant la synoviale abcédée et les séquestres cartilagineux ; mais elle ne peut guérir
l'infection osseuse associée dans les formes graves d'ostéoarthrite. Le résultat fonctionnel de
l'arthrodèse dépend de l'articulation fusionnée, la fusion articulaire assurant stabilité et indolence aux
dépens de la mobilité ; pour certaines articulations, la suppression de la mobilité est plus gênante que
pour d'autres : enraidir un coude est plus lourd de conséquences qu'enraidir un poignet. Par ailleurs,
sur un membre, un enraidissement biarticulaire est beaucoup plus grave : une raideur associée du
genou et de la hanche rend impossible, pour le malade, l'accès à son pied. En fait, dans l'infection
articulaire, l'arthrodèse n'est proposée qu'au stade d'ostéoarthrite où la fonction est habituellement
désastreuse. A ce stade, l'intervention enraidissante ne peut qu'apporter une amélioration
fonctionnelle, encore ne doit-elle être proposée qu'après un bilan très complet des articulations sus-
et sous-jacentes.
Principes techniques
Voie d'abord
Elle répond moins à des impératifs anatomiques qu'à des nécessités infectieuses. En effet, les
muscles moteurs de l'articulation peuvent être sacrifiés si l'éradication des foyers infectés le
nécessite. C'est ainsi qu'on est en droit de faire une section de l'appareil extenseur du genou par
exemple.
Avivement
Il est fondamental. La totalité du cartilage articulaire est enlevée, puis les coupes osseuses sont
faites de façon à obtenir un contact le plus large possible dans la position choisie (fig. 15). En fait,
l'infection impose le plus souvent des excisions larges, voire épiphysaires, car elle envahit
rapidement le spongieux qui prend alors l'aspect caractéristique en sucre mouillé. Il est en fait très
difficile de savoir où arrêter l'excision, car l'aspect macroscopique du spongieux infecté est peu
différent de celui du spongieux ostéoporotique par immobilisation. Quoi qu'il en soit, on est souvent
amené à faire une excision qui supprime une partie importante du contact. Dès lors, vont se poser
deux ordres de problèmes.
La fusion de l'arthrodèse nécessite une stabilisation mécanique parfaite et prolongée, car les délais
de fusion sont longs. La stabilisation mécanique par ostéosynthèse interne est possible, mais elle
réclame plusieurs impératifs. Elle doit être parfaite, nécessitant des montages extensifs en raison de
contraintes mécaniques. En effet, le blocage de l'articulation entraîne une augmentation très
importante des contraintes. Les montages sont donc fortement sollicités.
Les montages sont souvent difficiles à réaliser en raison des excisions osseuses et du fréquent
manque de stabilité spontanée du foyer. Les ostéosynthèses pontent souvent des vides osseux
importants, situation mécanique peu satisfaisante.
L'ostéosynthèse ne doit pas représenter un risque infectieux. Si un matériel léger enfoui dans l'os est
tolérable vis-à-vis de l'infection, une vaste plaque pontant un défect osseux sera vraisemblablement
source d'un échec infectieux. On voit donc que l'excision, en fait, est au coeur du débat et qu'elle
conditionne l'ostéosynthèse. Un large défect osseux nécessiterait une ostéosynthèse extensive. On
Le fixateur externe doit être stable et les mouvements focaux doivent disparaître. Si les montages
n'ont habituellement pas les mêmes nécessités de respect des plans de glissement périarticulaire, ils
doivent être simples pour permettre des modifications secondaires éventuelles, soit pour des raisons
de contact osseux, soit pour des raisons de position.
- l'os en contact est infecté, il a un pouvoir ostéogénique moindre ; par ailleurs, les parties molles
périfocales sont souvent scléreuses et fournissent une vascularisation médiocre au foyer ;
- le contact focal est souvent partiel en raison de l'excision et des géodes ; le vide focal risque
fréquemment de se surinfecter, nuisant encore à la consolidation ;
- le fixateur externe a classiquement un rôle défavorable sur la consolidation : tantôt il pérennise les
écarts interfragmentaires, interdisant l'impaction focale ; tantôt, il laisse persister une micromobilité
focale en raison de l'importance des sollicitations.
Pour lutter contre ces difficultés de consolidation, deux types de solutions sont proposés.
Mise en charge
Greffe osseuse
La greffe corticospongieuse apposée nécessite une voie d'abord vierge. Elle impose la fermeture
cutanée totale. Elle ne s'applique pas toujours très bien au foyer que l'on souhaite renforcer. Elle a un
risque de récidive septique. Enfin, elle renforce l'os là où il est le plus souvent continu, donc elle est
peu satisfaisante tant sur le plan mécanique que sur le plan infectieux.
La greffe spongieuse à ciel ouvert est lente à s'incorporer dans cette atmosphère de parties molles
scléreuses peu propices au bourgeonnement. La constitution d'un réceptacle est souvent difficile. La
quantité de spongieux nécessaire est très importante. Il s'agit en effet, parfois, de véritables
reconstructions épiphysaires. Enfin, la « corticalisation » est lente et les contraintes étant
considérables, le risque de fracture itérative est important. Mais en raison de sa fiabilité vis-à-vis de
l'infection et compte tenu de sa maniabilité peropératoire, elle a pour nous, une place prépondérante
dans l'arthrodèse pour arthrite septique .
Voie d'abord
- Position : en décubitus dorsal, l'épaule opérée est fortement surélevée. Elle ne repose pas sur la
table, permettant un accès à l'épine de l'omoplate. Des cale-pieds sont mis en place afin de pouvoir
baisser les pieds du malade.
- Incision (fig. 18A) : elle part de la coracoïde en haut et se dirige en bas vers le bord externe du bras.
La longueur de l'incision dépend de l'étendue des lésions osseuses : 8 centimètres suffisent à avoir
un excellent jour articulaire.
- Plans profonds (fig. 18B) : la veine céphalique est le repère du sillon séparant grand pectoral en
dedans et deltoïde en dehors. Dès qu'elle est repérée, elle est disséquée sur toute la hauteur de
l'incision. Elle est laissée en dehors. Elle peut être respectée, mais quand on s'agrandit vers le haut,
elle doit être liée. Dans le fond du sillon, se distingue le coracobiceps qui est laissé en dedans et le
sous-scapulaire, élément transversal qui peut être réséqué en bloc avec la capsule (fig. 18C).
- L'avivement huméral est mené en premier. Il prend en compte la position dans laquelle on réalise
l'arthrodèse. En fait, le plus souvent, l'avivement est fait in situ par ablation à la curette des restants
cartilagineux. Puis l'exposition de la glène est faite par mise en place des broches écartantes, ou de
pointes carrées de 2 mm, dans le col de l'omoplate (fig. 18D). Un écarteur contre-coudé chasse la
tête de l'humérus vers l'arrière. La glène est impérativement avivée in situ à la curette en raison de sa
petite dimension et de la faible épaisseur de l'omoplate. C'est donc sur la tête de l'humérus que l'on
doit ajuster le contact en fonction de la position souhaitée par petites retouches au ciseau frappé.
- La position idéale n'existe pas (fig. 18E). On est tenté de mettre de l'abduction, mais on risque de
créer des douleurs dorsales. La rotation externe doit être évitée à tout prix en raison du risque
d'éloignement de la main par rapport au corps. La main doit pouvoir aller à la bouche. La position
d'enraidissement est donc : abduction 30°, antépulsion 30°, rotation interne 10°.
- L'ostéosynthèse (fig. 18F) est mixte, interne et externe. Deux vis directes sont mises en place
partant de la tête humérale ; elles vont prendre la glène en visant vers le bas le pilier de l'omoplate.
Ces vis assurent la position et le contact mais elles doivent être protégées par un fixateur externe en
raison des contraintes. Trois fiches prennent l'épine de l'omoplate, et trois autres prennent l'extrémité
supérieure de l'humérus. On peut très prudemment mettre deux fiches de petit calibre dans la moitié
externe de la clavicule pour réaliser une triangulation. La fermeture est faite sur drain aspiratif. En cas
de contact insuffisant, on peut, dès la cicatrisation obtenue et dès la guérison des phénomènes
infectieux, envisager la greffe osseuse.
- La greffe complémentaire est difficile à réaliser. La greffe spongieuse à ciel ouvert n'a pas sa place
à l'épaule en raison de la profondeur des parties molles. Nous lui préférons une greffe
corticospongieuse effectuée par voie postérieure.
Elle est difficile à réaliser en raison de la petite taille des surfaces articulaires. Par ailleurs, la qualité
du résultat fonctionnel impose le respect de la pronosupination chaque fois que cela est possible.
- La voie d'abord est postérieure en décubitus latéral (fig. 19A). On récline le triceps vers le haut, soit
en détachant une pastille d'olécrane (voie de Fustec), soit en faisant une section transolécranienne
en zone articulaire (fig. 19B). La voie extra-articulaire de Fustec est préférable, car elle ne fragilise
pas l'extrémité supérieure du cubitus qui servira d'appui à l'ostéosynthèse de l'arthrodèse.
- L'avivement (fig. 19C) est commencé sur l'humérus en portant le coude en forte flexion. On ne
cherche pas à faire une coupe osseuse en raison de la petite taille des épiphyses, on se contente
d'enlever le cartilage. Le contact inter-épiphysaire est assuré en approfondissant la grande cavité
sigmoïde. La plaie est refermée après suture du triceps au fil résorbable et cerclage de l'olécrane au
fil d'acier (fig. 19D).
- La position est l'angle droit (fig. 19E). La prono-supination présente un risque d'enraidissement
quasi spontané. C'est la raison pour laquelle l'immobilisation même temporaire de la prono-supination
doit être impérativement faite en position intermédiaire.
- L'ostéosynthèse est rarement un vissage direct humérocubital qui ne tiendrait pas suffisamment. On
préfère utiliser un fixateur externe. Le montage doit comporter une triangulation entre l'humérus en
haut, un groupe de fiches cubitales et un groupe de fiches radiales. Les fiches antibrachiales ne
doivent pas être d'un diamètre supérieur à 4 mm sous peine de fragilisation. Lorsque la fusion est
proche (3e mois), on peut enlever les fiches radiales et rééduquer la pronosupination (fig. 19F).
- La greffe complémentaire éventuelle peut se faire, soit par voie interne, soit par voie postérieure. Le
type de greffe dépend de la possibilité de fermeture cutanée. Souvent, de gros dégâts des parties
molles postérieures imposent la greffe spongieuse à ciel ouvert par voie postérieure.
Arthrodèse du poignet
Arthrodèse de hanche
Alternatives
A la hanche, l'arthrodèse est difficile à réaliser quelle que soit la technique utilisée, en raison des
problèmes de voie d'abord, de mise en contact et d'ostéosynthèse. Par ailleurs, la suppression de la
mobilité n'est pas une garantie de succès sur le plan infectieux. L'arthrodèse doit donc être discutée
avec deux autres types d'interventions : la résection tête et col, opération de Girdlestone d'une part,
et la coaptation trochantéro-iliaque de Judet d'autre part. Nous ne décrirons pas la technique de ces
deux interventions qui sont détaillées ailleurs dans cet ouvrage. Dans le triptyque fonctionnel :
stabilité, mobilité, indolence, la résection assure la mobilité et l'indolence au prix d'une instabilité et
d'un raccourcissement très importants ; l'arthrodèse vise la stabilité et l'indolence aux dépens de la
mobilité ; la coaptation, elle, essaie de faire un compromis fonctionnel entre une stabilité moyenne,
une mobilité non négligeable, malheureusement souvent aux dépens de l'indolence et d'une
médialisation dangereuse pour l'avenir du genou (genu valgum).
Aucune de ces trois interventions n'ayant fait preuve d'une supériorité pour la guérison de l'infection,
l'indication est souvent très difficile à poser et doit être longuement discutée cas par cas. Par ailleurs,
on sait à présent qu'il est possible de faire une prothèse totale après arthrite asséchée (nous y
reviendrons). L'intervention choisie ne doit donc pas « couper les ponts » pour l'éventuelle prothèse
secondaire dont le succès ne dépend en fait que de deux éléments anatomiques : l'absence de
médialisation excessive, qui interdirait de trouver la place de la prothèse, et la conservation des
fessiers. Il est donc plus facile de faire une prothèse après résection qu'après arthrodèse ou
coaptation trochantéro-iliaque. Par ailleurs, la technique d'arthrodèse de hanche selon Müller avec
ostéotomie du bassin, médialisation, ostéotomie du trochanter et ostéosynthèse par plaque vissée
doit être proscrite : elle ne respecte pas les fessiers, elle médialise de façon excessive et la synthèse
volumineuse représente un risque infectieux notable.
Le malade est installé en décubitus latéral, la position du membre inférieur est réglée avant le début
de l'intervention par des « appuis arthrodésés » (fig. 21A).
La voie d'abord (fig. 21B) est une voie de Moore classique avec repérage du bord postérieur du
moyen fessier, section des pelvi-trochantériens, résection capsulaire, luxation postérieure en portant
la jambe à 90° vers le haut.
On commence par l'avivement de la tête, ce qui permet de gagner un peu de jour sur le cotyle. Le
cotyle est exposé en disposant des broches écartantes à la périphérie ; on récline la tête et le col en
s'aidant d'une traction sur le col (crochet de Lambotte ou compresse passée sous la base du col). Il
est rarement possible de glisser un écarteur contre-coudé dans l'arrière-fond. Le cotyle est travaillé
au ciseau frappé et à la fraise. Il peut être tentant d'effondrer l'arrière fond afin de créer un contact
entre le toit du cotyle et le bord supérieur du col, mais ce geste est peu souhaitable en raison de la
médialisation qu'il entraîne.
L'ostéosynthèse classique est constituée par trois vis de Venable fémoro-iliaques protégées par un
plâtre pelvi-pédieux ou un fixateur externe ilio-fémoral. La mise en place du fixateur ne peut être faite
qu'en décubitus dorsal. C'est la raison pour laquelle on utilise volontiers la voie antérieure de Watson-
Jones.
En décubitus dorsal, un gros coussin sous la fesse du côté malade, l'incision part de l'épine iliaque
antéro-supérieure et regagne la face externe de la cuisse au niveau du grand trochanter. On repère
l'interstice entre le moyen fessier qui est laissé en arrière et le tenseur du fascia lata qui est récliné en
avant ; trois écarteurs contre-coudés exposent l'articulation, un au bord inférieur du col, un au bord
supérieur du col ; le 3e est passé au-delà de la colonne antérieure du cotyle. Après excision
capsulaire, la tête est luxée en avant en forte adduction et rotation externe.
Cette voie permet la mise en place d'un fixateur qui doit répondre à plusieurs impératifs. La prise
fémorale doit être constituée par 4 fiches postéro-externes afin de ne pas enraidir le genou. Elles
doivent avoir un diamètre au moins égal à 5 mm. La prise iliaque est faite dans la crête ; on doit lui
adjoindre volontiers une prise directe dans le toit du cotyle (fig. 22A). L'ensemble réalise une
triangulation qui peut même souvent se passer d'ostéosynthèse interne. Il nous paraît, en tout cas,
inutile et traumatisant de faire une prise dans l'aile iliaque controlatérale ; un fixateur moderne doit
pouvoir l'éviter.
Position de l'arthrodèse
Elle doit être discutée à chaque fois. La mise en flexion privilégie la station assise, la mise en
extension facilite la marche et la station debout. Il faut éviter la rotation interne qui éloigne le pied de
l'axe du corps dans les mouvements de flexion du genou. Il ne doit y avoir ni abduction ni adduction
en raison du risque de retentissement sur le genou sous-jacent.
Elle est cortico-spongieuse. La greffe spongieuse à ciel ouvert n'a aucune place dans l'arthrodèse de
hanche. Laisser ouvert un foyer coxo-fémoral est un risque majeur de non-cicatrisation. La greffe
corticospongieuse peut être faite, soit par voie antérieure, directe intrafocale, soit par reprise de la
voie postérieure extrafocale ischio-trochantérienne (technique de Brittain-Trumble). La technique
originelle de Brittain prévoyait une ostéotomie fémorale dans laquelle un volumineux greffon était
poussé jusqu'à l'ischion. Il nous semble préférable de visser le greffon sur le trochanter en prenant
contact avec l'ischion après repérage soigneux du nerf sciatique. Si la greffe est haute, le sciatique
est laissé en avant, mais le plus souvent, on est amené à laisser le sciatique en arrière.
Arthrodèse du genou
- La voie d'abord (fig. 23) est antérieure, dictée par les nécessités infectieuses plus que par les
nécessités anatomiques. On sectionne le ligament rotulien, ce qui permet de relever en bloc l'appareil
extenseur. L'exposition est, dès lors, excellente. Après excision des parties molles et section des
éléments ligamentaires de l'échancrure intercondylienne, le tibia est propulsé sous le fémur (fig. 23A)
genou plié à 90°. Il sert de billot à la coupe fémorale qui est faite à la scie oscillante et à la lame de
Pauwels. Puis, l'extrémité supérieure du tibia est posée sur le fémur qui sert à son tour de billot à la
coupe tibiale (fig. 23B). Les coupes doivent être faites en tenant compte de la position de
l'arthrodèse.
- Position de l'arthrodèse
- Celle-ci dépend du raccourcissement imposé par l'avivement. En effet, une diminution de longueur
fonctionnelle de 4 cm environ est souhaitable pour pouvoir passer le pas. Cette différence de
longueur peut être obtenue, soit par l'avivement, soit par la mise en légère flexion. Il ne doit pas y
avoir de varus ou de valgus. La position habituelle est : flexion 10 à 20°, varus et valgus = 0, rotation
indifférente.
- L'ostéosynthèse (fig. 24) est faite par un fixateur externe. Lorsque le contact osseux est bon, la
largeur des épiphyses procure une stabilisation très importante et un seul plan de fixation antérieur
ou un cadre latéral de Charnley peuvent suffire (fig. 24A). Par contre, dès qu'existe un vide osseux
(ablation de prothèse infectée), le montage doit être particulièrement stable, ce qui oblige, avec le
matériel de Hoffmann, à utiliser un double cadre latéral complété par un plan antérieur. Avec les
fixateurs plus rigides (ALJ, fixateur des armées, Judet), deux plans antéro-interne et antéro-externe
suffisent (fig. 24B).
- La greffe complémentaire (fig. 25) est indiquée dès qu'il existe un vide épiphysaire. La greffe
corticospongieuse avec fermeture cutanée se prête mal à cette localisation (difficultés de voie
d'abord, difficultés d'adaptation de la greffe au foyer). Nous pratiquons donc, le plus souvent, la greffe
spongieuse à ciel ouvert, remplissant la cavité intraépiphysaire par du spongieux. Parfois, lors de la
réalisation de l'arthrodèse, l'infection est telle qu'il peut paraître préférable de ne pas refermer. On
peut, même, dans cette première intervention, laisser délibérément un écart interfragmentaire pour
pouvoir nettoyer le foyer. Le pansement est fait sur des compresses imbibées de Dakin, ou sur des
compresses grasses. Les suites sont celles de l'intervention de Burri-Papineau (1er pansement au 5e
jour et greffe spongieuse à ciel ouvert au 15e jour). Dans le deuxième temps opératoire, le foyer est à
nouveau nettoyé, profitant de l'écart interfragmentaire. L'os spongieux prélevé habituellement sur les
deux crêtes iliaques postérieures est tassé dans le foyer et dans les lacunes épiphysaires. Le
montage du fixateur est alors modifié, les extrémités osseuses étant mises au contact. Nous
préconisons cette technique dans les formes graves, notamment dans les ablations de prothèses
totales infectées [11].
Arthrodèse de la cheville
- La voie d'abord (fig. 26A) est double, le plus souvent. Une voie antérieure ou antéro-interne permet
une bonne exposition de l'articulation. Par cette voie, on fait l'avivement tibial et astragalien (fig. 26B).
Si les dégâts articulaires sont importants, on peut être amené à réséquer la malléole interne, ce qui
autorise une certaine impaction (fig. 26C). Toutefois, cette impaction se fait obligatoirement avec un
certain varus. Il est donc impératif de pratiquer une section de la malléole externe (fig. 26D). On peut,
certes, faire la résection externe par voie endoarticulaire, à l'aveugle, mais il est souvent préférable
de faire une voie externe afin d'enlever une rondelle systématisée. On peut ainsi, même dans les
formes graves où les résections osseuses tibiales et astragaliennes ont été importantes, obtenir un
contact focal.
- Ostéosynthèse
- Lorsque le contact est important, un vissage direct, selon Meary, est tout à fait licite (fig. 26E).
Lorsque l'état infectieux a nécessité une excision notable, l'absence de contact impose l'usage du
fixateur externe qui doit comprendre une triangulation entre un groupe de fiches tibiales, un groupe
de fiches calcanéennes et une prise métatarsienne. Ces prises doivent pouvoir être libérées
individuellement afin de corriger ou de modifier la position (varus de l'arrière-pied, équin ou prono-
supination) (fig. 26F).
- La position doit être proche de l'angle droit, un équin de 10° environ est tolérable. L'avant-pied et le
calcanéum doivent être immobilisés, en parfaite position indifférente. Un enraidissement de la sous-
astragalienne et de la médiotarsienne survient en effet fréquemment, et tout vice d'immobilisation
risque de pérenniser un défaut d'appui, compromettant le résultat fonctionnel.
- La greffe complémentaire est le plus souvent une greffe spongieuse à ciel ouvert [12]. L'« usage de
cette greffe permet de maintenir l'écart interfragmentaire, si celui-ci est nécessaire pour la position.
On peut, ainsi, privilégier la position aux dépens du contact, le contact étant amélioré secondairement
par une greffe spongieuse à ciel ouvert. On voit donc qu'il existe deux types d'arthrodèse tibio-
tarsienne pour arthrite en fonction de la gravité des dégâts infectieux. L'avivement réglé avec
synthèse par vissage et botte plâtrée répond aux formes simples. La résection avec fixateur externe
et greffe spongieuse à ciel ouvert répond, elle, aux formes graves.
Haut de page
Amputations
Elles peuvent encore être indiquées en raison de la gravité infectieuse. C'est plus le fait de certains
germes virulents (anaérobies) chez certains sujets que le fait de certaines articulations. Mais, dans ce
contexte infectieux sévère, il s'agit en fait plus du problème de l'éradication d'un foyer infectieux que
de l'infection d'une articulation.
Haut de page
Indications
On a vu que l'infection articulaire passait par des stades anatomiques. A chacun de ces stades
correspond une étape thérapeutique.
Haut de page
Séquelles articulaires postinfectieuses
La douleur, elle, peut être le fait, soit des modifications capsulo-ligamentaires, soit des destructions
cartilagineuses : tantôt le cartilage perd globalement de sa hauteur dans un pincement régulier, tantôt
il présente des ulcérations en coup d'ongle sur une partie seulement de l'articulation.
L'arthrolyse après arthrite peut être tentée, mais il faut savoir qu'elle donne de moins bons résultats
que l'arthrolyse pour raideur non septique [6].
- les phénomènes infectieux doivent être absents depuis un an au moins ; la VS doit être normalisée ;
- l'interligne articulaire doit être préservé et il faut s'assurer de l'absence de fusion partielle de
l'articulation ;
- les épiphyses ne doivent pas avoir subi de bouleversements morphologiques.
Sur le plan technique : l'arthrolyse après arthrite pose des difficultés importantes, car les adhérences
sont souvent très importantes et nécessitent parfois une véritable sculpture intra- et périarticulaire.
Les suites sont souvent décevantes. L'échec infectieux est relativement rare. Par contre, le
réenraidissement à bas bruit est assez fréquent. Les résultats finaux sont donc nettement moins bons
que dans l'arthrolyse classique.
Arthrolyse arthroscopique
Au genou, l'arthrolyse peut se faire par voie endoscopique. L'indication doit alors être posée plus
précocement, avant l'organisation des adhérences entre le quadriceps et la diaphyse fémorale. On
doit faire cette technique avant le 5e mois qui suit la guérison clinique et biologique de l'infection.
Dans un premier temps, l'arthroscope est introduit par voie antérointerne et, à l'aveugle, il décolle en
force le cul-de-sac sous-quadricipital. Puis on libère les rampes condyliennes internes en glissant
l'arthroscope au ras de la joue du condyle interne. Dans un deuxième temps, par voie antéro-externe,
on décolle la rampe condylienne externe. Si ces deux gestes ne suffisent pas, on peut être amené à
sectionner les ailerons rotuliens. Cette technique est relativement fiable et permet une excellente
arthrolyse intra-articulaire : elle doit donc être d'indication précoce.
Il est le plus souvent décevant. Les douleurs périarticulaires relèvent de la physiothérapie. Elles
peuvent être rebelles. Lorsque existent des lésions cartilagineuses, on peut proposer un traitement
proche de celui de l'arthrose. Il faut attendre la guérison des phénomènes inflammatoires depuis au
moins un an. C'est ainsi qu'une ulcération cartilagineuse du compartiment interne du genou peut être
améliorée par une ostéotomie tibiale. L'arthroplastie doit être d'indication prudente, mais en
respectant les délais, car elle est souvent décevante : l'enraidissement postopératoire y est fréquent,
et les prothèses sont plus souvent douloureuses que dans les autres indications.
Haut de page
Infection des fractures articulaires
Infection précoce
L'étude rétrospective des infections des fractures articulaires nous a montré que le pronostic était à
l'articulation. L'infection du foyer de fracture est maîtrisée par la réintervention précoce ; dans les plus
mauvais cas, le foyer osseux nécessite une greffe osseuse. Par contre, en l'absence de guérison
infectieuse articulaire, la situation devient très vite compliquée et le pronostic fonctionnel compromis.
En cas d'infection précoce, avant la 3e semaine, un grand lavage articulaire et un grand nettoyage
focal avec fermeture de la synoviale et maintien du matériel d'ostéosynthèse épiphyso-diaphysaire
sont souhaitables. Ils suffisent dans la majorité des cas.
Infection semi-précoce
Soit que le diagnostic ait été fait tardivement, soit que le nettoyage opératoire précoce n'ait pas suffi,
l'infection vue aux alentours de la 3e semaine pose des problèmes tout différents. En effet, on a vu la
nécessité absolue d'une action efficace sur l'infection articulaire. Or, à ce stade, la synovectomie est
le plus souvent indispensable. Dès lors, on ne peut refermer l'articulation qui se trouve au contact du
matériel épiphysaire (vis et plaques). La guérison articulaire devient alors très problématique. Enlever
le matériel, c'est compromettre le résultat par déplacement osseux et impossibilité de rééducation. Il
faut donc remplacer le matériel par un fixateur externe épiphysaire avec fermeture cutanée. Les
suites sont celles de la synovectomie classique avec rééducation au 12e jour lorsque la cicatrisation
est obtenue. Il se produit très rapidement un cloisonnement articulaire qui exclut les fiches. Par
ailleurs, souvent les fiches appliquent la peau sur l'épiphyse. Elles se trouvent donc exclues d'elles-
mêmes de l'articulation. On est alors dans les meilleures conditions pour venir à bout de l'infection
articulaire. Secondairement, sur une articulation asséchée, des gestes osseux métaphysaires seront
possibles (greffe), mais le problème articulaire étant réglé, la situation sera simple.
C'est le problème le plus délicat. C'est la raison pour laquelle tout doit être mis en oeuvre pour
l'éviter. L'association d'une pseudarthrose infectée épiphysaire et d'une arthrite chronique relève
théoriquement de l'arthrodèse, mais celle-ci est très difficile à réaliser. L'avivement sur un os friable,
car non consolidé et infecté, est dangereux (fig. 27A). La vitalité de l'épiphyse pseudarthrosée est
douteuse. Si on la conserve, la consolidation et la fusion de l'arthrodèse seront très difficiles à obtenir
(fig. 27B). En outre, la conservation du fragment épiphysaire peut s'avérer impossible. On se trouve,
dès lors, dans la nécessité de reconstruire une épiphyse, ce qui nécessite des quantités de matériel
osseux très importantes (fig. 27C). De plus, cette greffe doit fusionner avec le fragment proximal, ce
qui est une autre difficulté majeure.
On voit donc la nécessité absolue de dissocier, dans la mesure du possible, le problème articulaire et
le problème osseux. Vouloir obtenir à tout prix l'arthrodèse d'emblée paraît, en effet, trop difficile.
Notre attitude, à l'heure actuelle, consiste à faire en premier le traitement de la pseudarthrose
infectée, sans tenter l'arthrodèse (fig. 27D). Si l'état infectieux le permet, nous inspirant de la
technique de Burri-Papineau, nous pratiquons, le plus souvent en trois temps groupés, deux
interventions.
1er temps : excision et stabilisation. Nous faisons un geste purement osseux en excisant les
séquestres et en nettoyant le foyer, quitte à faire, si le besoin s'en fait sentir, une résection
circonférentielle. La fixation est confiée au fixateur externe. Il ponte, le plus souvent, l'articulation
avec un relais dans l'épiphyse pour obtenir la suppression des micromouvements. L'intervention est
terminée par une suspension des parties molles aux barres du fixateur, créant un réceptacle à la
greffe secondaire, et par un pansement gras.
Le pansement est refait au 5e jour, puis tous les jours, jusqu'à la greffe spongieuse qui est faite au
15e jour.
Le 2e temps opératoire (greffe) est commencé par la prise d'os spongieux en décubitus ventral sur
les crêtes iliaques postérieures, puis en décubitus dorsal. L'os est mis en place, modérément tassé,
et les parties molles sont rapprochées, réalisant une fermeture cutanée partielle. Dans les suites, la
plaie se referme habituellement rapidement.
Il est parfois nécessaire de faire une greffe spongieuse complémentaire vers le 5e mois. Pendant ces
délais, l'articulation s'enraidit, voire dans certains cas, se fusionne et il est rare que l'on soit amené à
faire une arthrodèse secondaire.
Références Bibliographiques
[1] ALBERTIN D De la synovectomie dans les arthrites infectieuses aiguës du genou. Prov.
Méd. 1895 ; 11 : 1895-197
[2] BALLARD A, BURKHALTER WE, MAYFIELD GW, BROWN PW The functional treatment of pyogenic
arthritis of the adult knee. J. Bone Joint Surg. 1975 ; 57-A : 1119-1123
[3] CLAWSON DK, DUNN AW Management of common bacterial infections of bone and joints. J.
Bone Joint Surg. 1967 ; 49-A : 164-182
[4] EVRARD J Irrigation continue d'antibiotiques ; enseignements d'une série de 100 cas. Rev. Chir.
Orthop. 1971 ; 57 : 439-447
[5] EVRARD J, HOURTOULLE P, ROURE JL, D'AUBIGNE MERLE Les arthrodèses de hanche pour
arthrite septique. Etude critique. Rev. Chir. Orthop. 1985 ; 71 : 87-93
[6] EVRARD J, POSTEL M Opérations mobilisatrices du genou dans les raideurs d'origine
septique. Rev. Chir. Orthop. 1978 ; 64 : 685-690
[8] HAUTIER A Les résultats éloignés des synovectomies dans les arthrites aiguës à pyogène du
genou. Rev. Chir. Orthop. 1969 ; 55 : 163-167
[9] KELLY PJ, MARTIN WJ, COVENTRY MB Bacterial (suppurative) arthritis in the adult. J. Bone Joint
Surg. 1970 ; 52-A : 1595-1602
[10] LIDGREN L, LINDBERG L Twenty-nine cases of bacterial arthritis. A prospective study. Acta
Orthop. Scand. 1973 ; 44 : 263-269
[13] LORTAT-JACOB A., MOULUCOU A., BEAUFILS Ph. - Infection post-traumatique du fémur. - Rev.
Chir. Orthop., (sous presse).
[14] STEEN-JENSEN J., RIEGEL S., NIELSEN P., FRIMODT-MÖLLER N. - The natural course of
pyogenic arthritis in rabbits. - Communication au Meeting Annuel du Groupe Européen d'Etude
de l'infection Articulaire. Kirstianstad, Mai 1985.
[15] TRAVERS V, KOECHLIN P, APOIL A, BONNET JC Traitement des arthrites aiguës à pyogènes des
grosses articulations des membres. Rev. Chir. Orthop. 1985 ; 71 : 235-240
Figures
Fig. 1
L'immobilisation du coude et du poignet, lors d'une atteinte infectieuse, doit impérativement être faite en position de
fonction : coude fléchi à 90°, prono-supination intermédiaire, 10° de flexion dorsale du poignet.
Fig. 2
La position de fonction dans laquelle la main doit être immobilisée est : métacarpo-phalangienne fléchie à 60°,
interphalangienne proximale à 30°, interphalangienne distale à 20°.
Fig. 3
Fig. 4
Le plâtre pelvi-pédieux est souvent mal toléré. Par ailleurs, il immobilise mal la hanche. Il doit donc être réservé à des
applications tout à fait exceptionnelles.
Fig. 5
Fig. 6
Fig. 7
La ponction de l'épaule doit être faite, soit par voie externe (A), soit par voie antérieure (B).
Fig. 8
A. Ponction du coude faite par voie postéro-interne en laissant en arrière le nerf cubital dont le repère est le sillon
épitrochléo-olécranien parfaitement palpable. B. Ponction du coude par voie antéro-externe en prenant comme repère le
bord supérieur de la tête radiale.
Fig. 9
Ponction de hanche par voie antérieure. La main récline le paquet vasculo-nerveux, l'aiguille est introduite légèrement en
dehors de l'artère fémorale jusqu'à prendre contact avec l'os parfaitement perpendiculaire au plan du malade.
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
Technique d'irrigation-lavage selon Evrard. A l'intérieur de l'articulation, un tuyau unique multiperforé sert à l'admission et
à la récupération des liquides. La quantité de liquide est relativement importante. Un débit continu doit être maintenu. Les
quantités entrées et sorties sont soigneusement notées. Il faut s'assurer de la bonne qualité de l'aspiration et du retour
évacuateur afin d'éviter les afflux liquidiens intra-articulaires provoquant des décollements et risques de récidive
infectieuse.
Fig. 13
Lavage arthroscopique du genou. L'arthroscope permet de faire un lavage très efficace par les quantités de liquide
introduites et par la possibilité d'introduire un liquide dans les recoins articulaires. La vision intra-articulaire, par contre,
est souvent plus difficile dans une atmosphère infectée.
Fig. 14
Synovectomie du genou par voie antéro-interne (voie d'abord de Gernez). A) Incision cutanée. B) On passe en arrière du
vaste interne. C) On aborde le cul-de-sac synovial qui est volumineux et exubérant. Désinsertion du cul-de-sac à la rugine.
D) Après luxation de l'appareil extenseur, nettoyage aux ciseaux de l'échancrure intercondylienne. E) Nettoyage des
rampes latérales.
Fig. 15
Arthrodèse pour arthrite septique. L'avivement emporte la totalité du cartilage. Les coupes sont faites de façon à assurer
un contact parfait dans la position choisie par l'opérateur.
Fig. 16
Arthrodèse pour arthrite septique. La stabilisation est confiée le plus souvent à un fixateur externe.
Fig. 17
Fig. 18
Arthrodèse de l'épaule, par voie delto-pectorale. A) L'incision part de la coracoïde pour retrouver le bord externe du bras.
B) La veine céphalique est laissée en dehors. C) Le sous-scapulaire est incisé en bloc avec la capsule. D) L'exposition est
facilitée par la mise en place de pointes carrées ou de broches de Steinmann dans le col de l'omoplate. E) L'avivement est
fait en position de fonction. F) L'ostéosynthèse comporte un fixateur externe huméro-acromial. On y associe volontiers, si
l'élément septique le permet, un vissage huméro-scapulaire. On peut prudemment, dans certains cas, mettre des fiches
claviculaires. L'ensemble réalise un montage suffisamment rigide.
Fig. 19
Arthrodèse du coude. A) Installation en décubitus latéral. B) Section de l'olécrane et relèvement du triceps après repérage
du nerf cubital. C) L'avivement est fait en portant le coude en très forte flexion, ce qui permet d'exposer l'extrémité
inférieure de l'humérus. D) La voie d'abord est refermée par suture du triceps et cerclage de la pastille olécranienne. E)
L'avivement doit être fait de façon à ce que le contact soit parfait, à angle droit. F) Au 3e mois, les fiches radiales ont été
enlevées. On peut rééduquer la prosupination.
Fig. 20
A) Arthrodèse du poignet : ostéosynthèse selon Mannerfelt. Un clou de Rocher, ou une broche volumineuse, est passé
dans le 3e métatarsien, traverse le carpe et pénètre dans le radius. B) Technique du greffon dorsal. La courbure de la
greffe prélevée sur la crête iliaque permet d'obtenir la légère flexion dorsale désirée. Cette technique peut être utilisée soit
de première intention, soit en complément d'une autre technique (Mannerfelt, par exemple) lorsque le contact osseux
paraît insuffisant. De même, c'est la technique de choix en cas d'échec de fusion.
Fig. 21
Arthrodèse de hanche par voie postérieure. A) Installation en décubitus latéral avec les appuis à arthrodèse, choix de la
position. B) Luxation en forte rotation interne et avivement de la tête fémorale à la pince-gouge.
Fig. 22
Cliquez sur une image pour l'agrandir
Arthrod?se de hanche fix?e par fixateur externe. Le plan des fiches f?morales est post?ro-externe, laissant libre le glissement du quadriceps. Au niveau
iliaque, les fiches sont mises dans la cr?te iliaque.
On peut associer volontiers un 2e plan de fixation iliaque en positionnant les fiches dans le toit du cotyle. La greffe secondaire compl?mentaire est volontiers
r?alis?e par la technique de Brittain avec un greffon p?dicul? de carr? crural.
Fig. 23
Arthrodèse du genou. A) La coupe fémorale est faite en se servant du tibia comme billot. B) La coupe tibiale est faite en
inversant la position. C'est alors le fémur qui sert de billot.
Fig. 24
Arthrodèse du genou : ostéosynthèse par fixateur externe. A) Lorsque le contact osseux est suffisant, un seul plan de
fixation suffit. B) Lorsqu'il existe une perte de substance focale, il faut faire appel à deux plans de fixation.
Fig. 25
La greffe complémentaire de l'arthrodèse du genou est au mieux effectuée selon la technique de Papineau avec
comblement spongieux de la cavité résiduelle.
Fig. 26
Arthrodèse de cheville. A) La voie d'abord est le plus souvent double. La voie d'abord antéro-interne permet un bon
contrôle de l'articulation tibio-astragalienne, mais il est nécessaire souvent de pratiquer une incision antéro-externe afin
de contrôler le versant péronier. B) La coupe est faite au ciseau frappé tant au niveau tibial..., C)...qu'au niveau
astragalien. Il peut être nécessaire de réséquer la malléole interne afin d'améliorer le contact. D) Dès lors, il est impératif
de pratiquer une ostéotomie de la malléole externe. E) L'ostéosynthèse, en cas de contact satisfaisant, peut être faite
selon la technique de Meary par deux vis en triangulation. F) Dès qu'il existe une perte de substance osseuse, il faut faire
appel à la fixation externe tibio-astragalo-métatarsienne.
Fig. 27
Arthrodèse pour fracture articulaire infectée. A) L'avivement articulaire est très difficile à réaliser lorsque la fracture n'est
pas encore consolidée. B) On risque de créer des éclats et des refends isolant des fragments de vitalité douteuse, rendant
illusoire la fusion de l'arthrodèse. C) Il est certes possible de réséquer l'épiphyse infectée dans son intégralité mais, dès
lors, on a à faire une reconstruction très importante, l'arthrodèse étant, là encore, très difficile à obtenir. D) Il est
préférable de tenter d'obtenir la fusion de la fracture supra-articulaire en maintenant une infection torpide de l'articulation
et, secondairement sur une épiphyse consolidée, de faire une arthrodèse qui sera bien plus simple.
Résumé
L'acte chirurgical techniquement parfait ne saurait avoir un résultat favorable qu'en l'absence
d'infection. La prescription d'antibiotiques aide à réaliser ce contrat. La prescription d'antibiotiques est
une technique chirurgicale comme une autre, même si elle ne fait pas appel aux mêmes instruments
que les autres.
Or, le chirurgien orthopédiste prescrit peu d'antibiotiques. Quand il le fait, c'est sous contrôle de
l'anesthésiste. Progressivement, il perd donc l'habitude de manier les antibiotiques, d'autant que
l'idée même d'une infection lui fait horreur et que les antibiotiques sont le témoin de cette éventualité.
L'expérience montre que lorsqu'il faut traiter par antibiotiques, le chirurgien le fait mal. Nous voulons
dans cet article faire une mise au point des recettes techniques qui devraient permettre d'éviter des
erreurs flagrantes. Rappelons que la prescription d'antibiotiques est sous la responsabilité du
chirurgien certes, mais il est aussi de son devoir de se faire aider par les avis des spécialistes,
infectiologues, microbiologistes et anesthésistes. La prescription ne doit pas être un acte solitaire
mais le fruit d'une concertation à trois, au moins.
Enfin, nous ne saurions trop insister sur le fait que c'est le chirurgien qui est responsable devant les
tribunaux de l'infection postopératoire. Il serait regrettable de le voir se désinvestir de ce douloureux
problème.
Plan
Antibioprophylaxie
Antibiothérapie curative
Quelques fautes à ne pas commettre
Haut de page
Antibioprophylaxie
Elle n'est plus contestée. Son efficacité est démontrée [3]. Rappelons toutefois quelques principes.
Les antibiotiques sont très efficaces s'ils sont administrés avant la contamination.
Elle doit être faite avant le geste opératoire. Devant un geste opératoire qui se complique, le
chirurgien peut avoir la tentation de prescrire une antibiothérapie. L'efficacité sera bien moindre [5].
L'antibioprophylaxie n'est pas une panacée. Si l'inoculation peropératoire est trop importante, aucun
antibiotique ne pourra éviter l'apparition de l'infection. Le chirurgien doit donc encore et toujours lutter
contre la contamination peropératoire par tous les moyens. La préparation cutanée doit faire l'objet
d'un protocole écrit et défini. L'aérocontamination peropératoire doit être combattue par tous les
moyens. Même avec un flux laminaire, la discipline opératoire doit être respectée : habillements
étanches, contrôle du va-et-vient dans les salles. Enfin, les pansements postopératoires doivent être
étanches ; en effet, nous avons montré que chez la personne âgée, la contamination postopératoire
existait [4].
Protocole
L'antibioprophylaxie doit faire l'objet d'un protocole défini que l'on ne peut transgresser que pour des
raisons bien particulières. La prescription ne doit être que : « oui ou non », il faut mettre le malade au
protocole. Les différents protocoles utilisables sont parfaitement définis dans une conférence de
consensus organisée par la Société française d'anesthésie-réanimation [8] (tableau I). À l'heure
actuelle, le plus couramment admis est celui utilisant les céphalosporines de deuxième génération.
Nous ne discuterons pas l'intérêt de ces molécules par rapport aux céphalosporines de première
génération. Par rapport aux protocoles utilisant la méticilline, il est vraisemblable qu'on « couvre »
mieux ainsi les contaminations rares mais possibles par des bacilles à Gram négatif.
Nous rappellerons la classification du National Research Council (tableau II). Les interventions de
classe I sont impérativement soumises à l'antibioprophylaxie. Pour les interventions de classe II, la
décision de la mise au protocole doit être le fruit d'une réflexion multidisciplinaire intégrant :
Fractures ouvertes
La notion même de protocole doit s'effacer devant une prescription raisonnée, qui doit couvrir le
risque infectieux dans sa totalité : germes telluriques, germes cutanés, germes hospitaliers. C'est
ainsi que l'antibiothérapie doit comporter une protection de la gangrène gazeuse (pénicilline-Flagyl®
ou Augmentin®) ; en fait, la prescription survenant après la contamination, on peut difficilement parler
d'antibioprophylaxie. Outre la « couverture » de la contamination éventuelle par anaérobies, on a
besoin, dans la majorité des cas, d'une protection contre des germes communautaires peu virulents
[1] répondant donc aux céphalosporines de deuxième génération ou à l'Augmentin® (tableau III). La
seule discussion est la durée de la prescription qui doit dépendre de la technique opératoire ainsi que
des suites locales et générales [2].
Haut de page
Antibiothérapie curative
Elle ne peut être que le fruit d'une réflexion multidisciplinaire devant l'antibiogramme entre le
chirurgien, l'anesthésiste et le microbiologiste.
Antibiogramme
Il sert de base à la discussion, mais il n'est qu'une base et n'est pas le seul des éléments à prendre
en compte. La qualité du prélèvement doit être discutée. S'agit-il d'un prélèvement de profondeur ?
Peut-il exister une contamination parasite (cutanée, manipulation) ou au contraire, le prélèvement
négatif a-t-il été correctement effectué ? Il faut savoir ne pas tenir compte d'un résultat témoignant
d'une contamination comme d'un résultat négatif faussement rassurant. C'est dire le rôle majeur du
prélèvement dont la qualité ne doit pas pouvoir prêter le flanc à la discussion. Mieux vaut ne pas faire
de prélèvements que d'avoir des renseignements erronés, dus à un prélèvement discutable.
Choix de l'antibiotique
Il doit inclure l'état clinique, la présence de matériel et la durée prévisible de l'antibiothérapie. Il faut
connaître, pour chaque antibiotique, le rapport taux sérique/concentration osseuse. Ce rapport fait
choisir certaines molécules plutôt que d'autres (tableau IV). On voit que certains antibiotiques ont une
pénétration osseuse faible (aminosides et bêtalactamines) et d'autres une concentration osseuse
majeure (quinolones). Ce rapport conditionne le choix de l'antibiotique et d'autre part, le mode
d'administration [6]. Les antibiotiques à forte diffusion osseuse peuvent être prescrits per os. Enfin, il
faut savoir que certains antibiotiques ont une efficacité plus grande que d'autres en présence de
matériel par effet antiadhésion (quinolones notamment). Les principales prescriptions sont résumées
dans le tableau V.
Situations cliniques
Elles sont décrites schématiquement dans le tableau VI. Il n'y a là que des schémas thérapeutiques
[7]. Chaque situation peut sortir du cadre en fonction de l'évolution ou de l'état clinique. Mais il faut
savoir se rapporter régulièrement au schéma décrit pour savoir si l'on n'est pas en train de pratiquer
une dérive thérapeutique. En tout cas, nous voudrions stigmatiser quelques fautes à ne pas
commettre.
Haut de page
Quelques fautes à ne pas commettre
- Les synergistines (Pyostacine® et Staphylomycine®) n'ont d'efficacité dans l'infection osseuse que si
le germe est aussi sensible à l'Érythromycine®.
- Méticilline et oxacilline ne sont pas utilisables per os dans l'infection osseuse. En effet,
l'administration orale donne très vite des taux sériques très élevés dont l'élimination rénale est tout
aussi rapide avant même qu'il n'y ait eu une pénétration osseuse, faute de pouvoir répartir les prises
dans la journée.
- Péflacine®, Fucidine®, Rifadine® et Fosfocine® ne doivent pas être utilisées en monothérapie en
raison du risque de créer des résistances. En fin de traitement, lorsque la population microbienne est
devenue rare, voire quasi nulle, on peut les utiliser en monothérapie.
- Les antibiotiques ne diffusent pas tous dans l'os de la même façon. Cette différence de cinétique
risque de provoquer des situations de monothérapie focale. La Rifadine®, par exemple, a un fort
tropisme osseux. Elle doit donc être prescrite avec un léger décalage en association avec d'autres
molécules dont la vitesse de pénétration est moindre (vancomycine par exemple).
- La prescription d'antibiotiques pour des bacilles à Gram négatif doit toujours attendre
l'antibiogramme.
- Dans le cadre de l'infection osseuse, hormis le changement de prothèse septique, il n'y a pas de
place pour une antibiothérapie au long cours. Un état infectieux persistant après 3 mois
d'antibiotiques (au plus) doit être considéré comme un problème chirurgical.
Références Bibliographiques
[1] Antrum RN, Solokin JS A review of antibiotic prophylaxis for open fractures. Orthop
Rev 1987 ; 16 : 4
[2] Clancey GJ, Wansen ST Open fractures of the tibia. A review of one hundred and two cases. J
Bone Joint Surg 1978 ; 60A : 118
[3] Hill C, Mazas F, Flamant R, Evrard J Prophylactic cefazolin versus placebo in total hip
replacement. Lancet 1981 ; 1 : 795-797
[5] Norden CW Antibiotic prophylaxis in orthopaedic surgery. Rev Infect Dis 1991 ; 13 (suppl 10)
: S842-S846
[7] Popi. Guide du traitement des infections. Montmorency : Editions 2M2, 1995 : 335 p
Tableaux
Tableau I.
Tableau I. - Antibioprophylaxie
standard.
Tableau II.
ostéotomie, fractures
Classe II fermées, protocole standard à discuter
propre
rachis, chirurgie
articulaire
Tableau III.
Premier protocole
- Pénicilline 10
pendant 24 heures, voie
millions
intraveineuse
+
- Flagyl? 0,5 g ? 3
associés à
- céphalosporines de deuxième génération dont la dose
dépend de
l'état clinique, jusqu'à 8 jours, par voie intraveineuse.
Deuxième protocole
pendant 24 heures, voie
- Augmentin? 3 g
intraveineuse
+
- Flagyl? 0,5 g ? 3
Tableau IV.
bêtalactamines
10 à 30 %
glycopeptides 10 à 30 %
aminosides 30 %
acide fusidique 50 %
50 à 100 %
quinolones 50 à 100 %
rifampicine
Tableau V.
Tableau VI.
Ostéomyélite hématogène
Résumé
Depuis une dizaine d'années le traitement des tumeurs malignes primitives des membres n'est plus
qu'exceptionnellement l'amputation : les progrès de la chimiothérapie, réduisant le risque de
métastases, et ceux de la chirurgie reconstructrice par prothèse ou allogreffe, permettent de
conserver le membre et sa fonction.
Conduit dès la biopsie par une équipe pluridisciplinaire et rodée, ce traitement de conservation des
membres aboutit à près de deux guérisons sur trois dans les tumeurs primitives.
Les métastases peuvent aussi bénéficier de ces techniques chirurgicales : leur but est alors
d'améliorer sinon le pronostic vital, du moins la qualité de la survie.
Après avoir évoqué quelques aspects généraux de la chirurgie de « conservation des membres »
nous préciserons les techniques de reconstruction de la hanche et du genou, qui représentent près
des trois quarts des localisations des tumeurs osseuses.
Plan
Indications de l'exérèse reconstruction
Conditions
Techniques de reconstruction de la hanche
Exérèse palliative de tumeur métastatique (fig. 4)
Traitement curatif des tumeurs primitives n'atteignant pas l'articulation
Traitement curatif d'une tumeur primitive métaphysaire avec atteinte articulaire
Traitement palliatif des métastases
Conclusion
Haut de page
Indications de l'exérèse reconstruction
- L'exérèse curative se justifie dans les tumeurs primitives, que leur traitement soit essentiellement
chirurgical (chondrosarcome) ou plus souvent mixte (ostéosarcome, Ewing).
- L'exérèse doit être carcinologique, comportant l'ablation monobloc de la tumeur et de la voie d'abord
de la biopsie, passant en tout point en tissus indemnes : elle est alors dite « large ». Ce large
sacrifice des parties molles pose de difficiles problèmes de reconstruction : osseux, musculaires
(pouvant justifier des transferts musculaires), voire vasculaires (avec greffons artériel et veineux) et
nerveux.
- La résection-prothèse peut également réaliser une chirurgie palliative pour une tumeur secondaire,
dont le traitement conservateur est impossible ou a échoué. Dans ce cas, la tumorectomie même
incomplète facilite le traitement radio- et chimiothérapique en limitant le volume cible tumoral, mais
surtout règle le problème mécanique de l'ostéolyse. Il n'est pas alors envisagé de chirurgie complexe
complémentaire (transfert, greffe), ni d'immobilisation prolongée, mais au contraire une reprise rapide
de la fonction. Néanmoins, la morbidité de cette chirurgie lourde ne paraît acceptable que pour des
patients dont le pronostic vital dépasse 6 mois.
- En fait, cette distinction entre traitement curatif de tumeur primitive, et palliatif de métastases doit
être nuancée...
- L'exérèse reconstruction palliative peut être proposée pour une tumeur primitive métastatique
d'emblée et dont l'exérèse carcinologique est impossible. Elle facilite néanmoins le traitement médical
et améliore le confort de survie.
- A l'inverse, une métastase isolée, dont le foyer primitif a été éradiqué, doit être traitée avec toute la
rigueur d'excision carcinologique d'une tumeur osseuse primitive.
Haut de page
Conditions
Cette chirurgie ne peut être entreprise que dans des conditions précises.
- seulement après l'imagerie (scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]), car on peut
confondre après biopsie l'envahissement tumoral avec les suffusions ou l'oedème postopératoire ;
- par une voie d'abord compatible avec une exérèse carcinologique ultérieure : la méconnaissance de
cette règle fondamentale a empêché nombre de patients de bénéficier de la chirurgie non mutilante ;
- avec une asepsie majeure : le moindre ennui septique hypothèque la chirurgie de reconstruction, et
risque de retarder la chimiothérapie ;
- en zone utile : un examen extemporané peut permettre de vérifier la validité du prélèvement.
- bilan de l'efficacité de la chimiothérapie par examens itératifs : radios, scanner, IRM, scintigraphie ;
- asepsie absolue : intervention en salle blanche avec une équipe rodée à cette chirurgie ;
antibiothérapie périopératoire ; fiabilité des lambeaux évitant la nécrose cutanée : un échec septique
amènerait à la chirurgie mutilante qu'on voulait éviter ;
- disponibilité d'un chirurgien vasculaire, en cas de geste complémentaire ; réserve de sang
importante ;
- stock de prothèses et d'allogreffes de différentes tailles, pour faire face à des difficultés de
reconstruction imprévues.
Cette chirurgie doit donc être réservée à des équipes familiarisées avec cette pathologie.
Haut de page
Techniques de reconstruction de la hanche
Nous envisagerons ici les tumeurs prenant leur origine au niveau de l'extrémité supérieure du fémur
(les tumeurs qui, ayant leur origine au niveau du bassin, se propagent à l'articulation sont traitées
dans d'autres articles ).
- du type de la tumeur : tumeur primitive dont on veut réaliser l'exérèse curative, ou tumeur
secondaire, pour laquelle on propose une chirurgie palliative ;
- de l'extension de la tumeur, selon qu'elle reste localisée au fémur, ou qu'elle s'étend à l'articulation.
L'exérèse comporte l'extrémité supérieure du fémur et les muscles qui s'y insèrent. Une arthrotomie
est réalisée, aucun geste d'excision cotyloïdienne n'étant nécessaire. L'intervention est
habituellement menée par un abord externe.
La reconstruction se fait à l'aide d'une prothèse totale de hanche manchonnée par une allogreffe
(prothèse totale « composite »).
L'exérèse comprend cette fois non seulement l'extrémité supérieure du fémur et les muscles
adjacents, mais une ablation monobloc de toute la cavité articulaire intracapsulaire, et de la partie
adjacente du cotyle : il s'agit donc d'une arthrectomie sans ouverture articulaire. Il peut s'agir soit
d'une excision cotyloïdienne « a minima », passant par la périphérie de l'os sous-chondral, soit d'une
résection complète, enlevant tout le segment moyen, acétabulaire, de l'os iliaque. La voie d'abord est
habituellement une voie externe en Y, dérivée de la voie d'Ollier.
Haut de page
Exérèse palliative de tumeur métastatique (fig. 4)
L'objectif n'est pas alors de réséquer de façon carcinologique la tumeur, mais de réduire le volume
tumoral, et de permettre une récupération rapide et indolore de l'appui avec possibilité précoce d'un
traitement complémentaire, notamment par radiothérapie. Le plus souvent on utilisera une prothèse
dite de reconstruction, sans allogreffe. La voie d'abord visera à permettre une excellente stabilité
prothétique, avec une reprise de l'appui dans les jours postopératoires.
Haut de page
Traitement curatif des tumeurs primitives n'atteignant pas l'articulation
Principes techniques
Exérèse (fig. 5)
Nous prendrons comme exemple le cas d'une tumeur maligne diaphysométaphysaire, envahissant le
quadriceps, épargnant l'articulation, et dont l'exérèse justifie une résection osseuse de 15 cm, avec
une excision monobloc des tissus avoisinants. On laisse environ 2 à 3 cm de tissus mous sains
autour des zones qui paraissent suspectes à l'imagerie. La résection osseuse se fait au moins 3 cm
au-dessous de la zone d'extension tumorale médullaire repérée par le scanner et surtout l'IRM.
- le manchon capsulaire, inséré sur la ligne trochantérienne ; par contre, les 2 cm juxtacotyloïdiens de
la capsule, utiles pour stabiliser la prothèse, peuvent être conservés ;
- le grand trochanter et une collerette de l'éventail fessier (gluteus medius- moyen fessier -, et gluteus
minimus - petit fessier -) qui s'y insère ;
- le tendon distal de l'iliopsoas - psoas iliaque - et éventuellement la partie de ce muscle accolée à la
capsule, voire toute la partie distale de ce muscle ;
- le quadriceps en regard de la résection osseuse, c'est-à-dire tout le rectus femoris (droit antérieur),
le vastus lateralis (vaste externe) avec la partie de la cloison intermusculaire externe où il s'insère, et
le vastus medialis (vaste interne) ;
- l'insertion trochantérienne des pelvitrochantériens et l'insertion fémorale des adducteurs et du
gluteus maximus.
On commence par disséquer les faces antérieure puis postérieure de la tumeur, en plaçant
successivement le membre inférieur en rotation externe puis interne pour faciliter la dissection. La
dissection interne se fera après avoir sectionné distalement la diaphyse, et l'opération se terminera
par la résection juxtaarticulaire.
Nous utilisons :
- une tige fémorale cimentée. En effet, cette solution paraît la plus fiable chez les patients qui vont
être soumis à une chimiothérapie intensive (gênant la repousse osseuse dans une prothèse non
cimentée) et de surcroît exposés à des complications infectieuses du fait de la leucopénie post-
chimiothérapique. Le ciment aux antibiotiques permet en effet d'éviter la fixation des infections
hématogènes sur l'arthroplastie. On utilisera une tige permettant un remplissage diaphysaire maximal
au niveau de la zone de résection : ce diamètre est mesuré sur le pangonogramme ;
- une cupule cimentée, du moins chez l'adulte. Le caractère extensif de l'excision des parties molles
risquant de rendre l'articulation instable, mieux vaut essayer d'avoir la meilleure stabilité passive : on
utilise volontiers une cupule avec un rebord antiluxation, postérieur et supérieur. Si le diamètre
extérieur de la cupule peut atteindre 50 mm, il y a avantage à utiliser une tête de gros diamètre (32
mm) mais en préférant alors le couple alumine-polyéthylène, moins sujet à l'usure que le couple
métalplastique ;
- une allogreffe de manchonnage de la prothèse fémorale, qui représente un authentique progrès :
c'est en effet la meilleure façon de bénéficier d'une fonction active des abducteurs si le grand
trochanter ne peut être conservé, ce qui est habituel. En effet, la suture des fessiers de l'opéré sur le
tendon terminal des fessiers conservés sur l'allogreffe se révèle fiable. De plus, les autres parties
molles périprothétiques adhèrent sur la prothèse manchonnée et assurent une bonne stabilité ;
- sur le plan mécanique le bénéfice des allogreffes est moins certain. Néanmoins, comme elles sont
solidaires avec l'os receveur par une marche d'escalier, elles permettent de mieux faire face aux
contraintes en rotation, et peuvent donc absorber une partie des contraintes de la marche, quoique
leur réhabitation demeure très partielle. Les allogreffes doivent être cimentées sur la tige prothétique,
car il n'y a aucune possibilité de repousse osseuse dans une tige poreuse à partir d'une allogreffe.
Temps d'exérèse
Installation (fig. 6 A)
L'intervention est réalisée sous flux laminaire avec antibiothérapie périopératoire. Le malade est en
décubitus latéral, maintenu par des appuis pubien et fessier. Le membre inférieur, légèrement fléchi,
est installé sur des appuis à arthrodèse. La crête iliaque est dégagée ; un champ « portefeuille », à la
face antérieure de la table, recevra la jambe lors du temps de reconstruction, la cuisse étant alors en
flexion à 90°, en rotation externe sur le bassin, et la jambe perpendiculaire au sol.
Incision (fig. 6 B)
- Le membre étant en extension-rotation interne (fig. 7), on repère le piriformis (pyramidal), le rideau
formé par les gemelli (jumeaux) et l'obturatorius internus (obturateur interne), le quadratus femoris
(carré crural). Ils sont incisés à 2 ou 3 cm de la ligne intertrochantérienne postérieure ; dans leur
extrémité proximale est passé un fil de traction : on protège le nerf ischiatique (grand sciatique) en
rabattant ces muscles vers l'arrière, on décolle le vastus lateralis de l'aponévrose fémorale et on
sectionne la cloison intermusculaire au niveau où le vastus lateralis (vaste externe) s'insère sur elle.
On repère alors le nerf ischiatique au bord supérieur du tendon diaphysaire du gluteus maximus, et le
réclinant vers le dedans, on sectionne à 2 cm de la ligne âpre la lame d'insertion du faisceau profond
du gluteus maximus. Cette dissection est poursuivie vers le bas jusqu'au niveau de la résection
osseuse.
- La cuisse est alors portée en légère flexion-rotation externe (fig. 8) : on décolle le quadriceps de
l'aponévrose fémorale, arrivant au dièdre bord interne du vastus medialis, face antérieure des
adducteurs, passant en arrière du tenseur du fascia lata et du sartorius (couturier). L'iliopsoas est
sectionné au-dessus du petit trochanter, le corps musculaire est récliné vers le dedans, parfois en
entier, souvent en discisant le muscle, laissant adhérente à la capsule une partie de ses fibres. En
dedans, on ligature plusieurs branches de l'artère fémorale profonde, notamment l'artère circonflexe
médiale (circonflexe postérieure) et le tronc des artères quadricipitales et circonflexe latérale
(antérieure). Sont sectionnées plusieurs branches du nerf fémoral (nerf crural) destinées au
quadriceps, notamment les branches du rectus femoris (droit antérieur), du vastus lateralis, et la
branche supérieure du vastus intermedius (crural).
Le temps ultime de dissection se fait en maintenant l'extrémité distale du fragment diaphysaire par un
davier « réducteur » et en le levant progressivement. On voit ainsi se tendre les muscles insérés sur
la ligne âpre : en dehors, le gluteus maximus, en dedans, les adducteurs, réalisant un large éventail
musculaire, à la face postérieure duquel chemine l'escalier vasculaire des artères perforantes. Les
muscles sont progressivement sectionnés de haut en bas, tandis que l'abduction du fémur proximal
augmente, et que les perforantes sont ligaturées. On sectionne l'obturateur externe au bord inférieur
de la capsule (fig. 9 D) : l'épiphyse fémorale ne tient plus au cotyle que par le manchon capsulaire qui
est sectionné circonférentiellement à 2 cm du rebord cotyloïdien (fig. 9 E). La tête est extraite grâce à
une incision longitudinale supérieure sur la collerette, et à la section du ligament capitis femoris
(ligament rond). La pièce d'exérèse est radiographiée et envoyée à l'examen anatomopathologique,
ainsi que deux prélèvements sur les tissus restants (ligament capitis femoris, et moelle au niveau de
la tranche de section inférieure).
Temps de reconstruction
Préparation cotyloïdienne
La jambe est placée dans le champ portefeuille, la capsule est découpée en deux lambeaux à
insertion inférieure, le pulvinar est réséqué, le cartilage est abrasé à la fraise hémisphérique de
Müller jusqu'à l'os sous-chondral, sans aller au-delà de l'arrière-fond (fig. 10 A). On réalise à la gouge
de Postel 3 tranchées d'ancrage (à 9 h, 11 h, 2 h) et à la curette 2 trous ischiatique et pubien (fig. 10
B). Le porte-cupule asymétrique permet de positionner le mur antiluxation en arrière et en haut,
tandis que l'orientation de la tige-guide (qui fait un angle de 10° avec la verticale) permet de placer le
cotyle à 35°, et avec 10° d'antéversion (fig. 10 C). Tandis qu'on prépare le fémur, l'hémostase
cotyloïdienne est effectuée par tamponnement des orifices d'ancrage.
Préparation fémorale
Elle se fait aux alésoirs souples, tandis que la tranche de section est maintenue dans les mors d'un
davier réducteur. L'alésage est effectué progressivement de demi-millimètre en demi-millimètre,
jusqu'à ce que la tige diaphysaire rentre à frottement dur et se cale à son niveau définitif. Il est parfois
nécessaire, si la courbure diaphysaire est importante, d'aléser à 1, voire 2 mm au-dessus du
diamètre prévu. On termine par un curetage diaphysaire, un lavage et on tamponne la cavité
médullaire par une mèche à prostate.
On scelle alors la cupule cotyloïdienne, à 20° d'antéversion et à 35° d'inclinaison sur l'horizontale. On
vérifie que le rebord antiluxation se trouve à la partie postérosupérieure de l'articulation (fig. 10 D).
Taille des marches d'escalier : la stabilisation rotatoire de l'allogreffe se fait par une découpe en
marche d'escalier, mesurant moins de 1 cm de hauteur et dont l'hémicirconférence se fait par
résection externe au niveau de l'os receveur, et interne au niveau de l'allogreffe.
Après avoir préparé l'os receveur, la recoupe définitive en marche d'escalier de l'allogreffe est
réalisée. On peut alors faire un essai en implantant sur l'os receveur la prothèse manchonnée. On
vérifie que l'antéversion fémorale est satisfaisante, qu'il n'y a pas de piston, que la longueur du fémur
(en mesurant la distance entre l'écarteur boutonné sus-cotyloïdien et le niveau de résection fémorale)
a été restaurée.
Celui-ci est réalisé après obturation distale, en utilisant un ciment basse viscosité aux antibiotiques,
injecté à la seringue de la partie distale vers la partie proximale. On remplit d'abord le fémur receveur.
La prothèse est alors introduite dans l'allogreffe remplie de ciment, puis la tige de la prothèse
composite est enfoncée dans le fémur receveur.
- La stabilisation passive de la tête est assurée par la suture en paletot des deux lambeaux de
capsule au bord supérieur du col. Ceux-ci sont en effet restés insérés sur la région des cornes
cotyloïdiennes, et réalisent une fronde antiluxation très puissante, qui ne limite pas la mobilité
Le plan superficiel est reconstitué avec soin, notamment par sutures du suturant le fascia lata et de
l'aponévrose du gluteus maximus. Plusieurs drains aspiratifs sont mis en place.
Soins postopératoires
Le patient est laissé au lit pendant environ une semaine ; on réalise précocement des contractions du
quadriceps et des flexions-extensions du genou en décubitus latéral. La marche avec deux cannes-
béquilles est effectuée sans aucun appui pendant les 20 premiers jours, puis avec un appui contact
jusqu'à la 6e semaine. On ne rééduque pas les abducteurs avant cette date. Une canne-béquille
tenue dans la main opposée paraît souhaitable pendant les 3 premiers mois, jusqu'à ce que la
fixation des fessiers sur l'allogreffe soit complète. La chimiothérapie peut être reprise dès le 10e jour
postopératoire.
Haut de page
Traitement curatif d'une tumeur primitive métaphysaire avec atteinte
articulaire
Principes
Parfois la contamination cotyloïdienne paraît limitée à la seule cavité articulaire, sans atteinte des
parois cotyloïdiennes (fig. 2). Dans ce cas, après avoir détaché les fessiers du grand trochanter et les
avoir relevés, on dissèque la capsule et, sans ouvrir l'articulation, on résèque sa berge cotyloïdienne
aux ciseaux convexes puis concaves de Putti. Il n'y a pas d'interruption de la continuité des colonnes
cotyloïdiennes et la reconstruction est voisine de celle d'une prothèse totale de hanche.
Mais ailleurs, l'atteinte cotyloïdienne est plus importante et elle exige la résection monobloc du fémur
proximal, de toute la partie intracapsulaire de l'articulation, et du segment moyen, acétabulaire, de
l'os iliaque. Les limites de zone de résection cotyloïdiennes seront alors un trait horizontal situé au
bord supérieur de la capsule, et deux traits sur les branches iliopubienne et ilio-ischiatique, juste au-
delà des éminences iliopubiennes et ilio-ischiatiques (fig. 3). Les temps de la dissection sont
identiques aux temps précédents : préparation des faces antérieure et postérieure du fémur, section
des fessiers, préparation des bords antérieur et postérieur du cotyle. Section fémorale distale,
dissection de la face interne du fémur, puis réalisation des 3 ostéotomies cotyloïdiennes, et exérèse
monobloc fémorale et cotyloïdienne.
Pour pouvoir effectuer cette exérèse la voie d'abord est un Y, comportant une portion verticale
permettant la dissection fémorale, et se prolongeant en arrière et en avant, pour pouvoir relever
l'éventail fessier et aborder les colonnes antérieure et postérieure du cotyle. La reconstruction est
réalisée au niveau fémoral par une prothèse composite. Au niveau cotyloïdien une allogreffe
acétabulaire est utilisée : elle est fixée par deux grosses vis à l'ilion et une grosse vis dans les
Exérèse
La voie d'abord en Y est dérivée de la voie d'Ollier : elle comporte une partie verticale d'une
quinzaine de centimètres de long, le long de la face externe du fémur, excisant le trajet de la biopsie.
Elle se termine en haut 4 ou 5 cm au-dessous de la crête du vastus lateralis sur le grand trochanter.
En arrière, elle se prolonge vers l'épine iliaque postérosupérieure dans l'axe des fibres du gluteus
maximus, à la façon d'une voie de Kocher-Langenbeck. Vers l'avant, elle part plus horizontalement,
sectionnant le tenseur du fascia lata, le sartorius, et allant jusqu'au bord médial de l'iliopsoas. Les
deux bords antérieur et postérieur de l'éventail fessier étant isolés, ces muscles sont sectionnés à 1
ou 2 cm du grand trochanter : puis on passe entre fessiers et capsule, relevant les muscles, et
dégageant l'os iliaque 2 à 3 cm au-dessus de l'insertion supérieure de la capsule. Des écarteurs de
Steinmann maintiennent le relèvement de l'éventail fessier.
Le bord antérieur de la capsule est alors disséqué : on arrive jusqu'au bord antérieur de l'os iliaque,
qu'on dégage jusqu'à la naissance du ramus superior du pubis (branche horizontale du pubis). Des
écarteurs de Hohmann sont placés de part et d'autre de cette zone, évitant le pédicule obturateur :
une section à la scie est réalisée. Puis on se reporte en arrière : le muscle quadratus femoris et les
gemelli détachés de la ligne intertrochantérienne postérieure ont été basculés vers l'arrière,
protégeant le nerf ischiaticus. On aborde alors le tiers supérieur de la branche ilioischiatique où l'on
réalise également une section à la scie oscillante, protégée par des écarteurs de Hohmann.
Enfin, on dégage à la rugine et au doigt la face profonde médiale de l'acetabulum en partant de ses
bords antérieur et postérieur, et jusqu'à son bord supérieur. Une compresse de protection est mise en
place.
Reconstruction
Reconstruction acétabulaire
Puis, on ajuste progressivement les longueurs du ramus superior du pubis et la branche ilio-
ischiatique de la greffe.
Une fois l'ajustement satisfaisant, la fixation est effectuée à l'aide de 4 grosses vis. Deux partent du
toit du cotyle de l'allogreffe, et montent (l'une légèrement vers l'avant, l'autre légèrement vers l'arrière)
vers l'aile iliaque du receveur. Il s'agit de vis de diamètre 7 mm, dont le trajet est taraudé. Deux vis
identiques assurent l'ostéosynthèse du pubis et de l'ischion, ces vis canulées sont introduites sur des
broches qui pénètrent par les trous d'ancrage pubien et ischiatique de la cupule : la broche pubienne
se centre dans la cavité médullaire du pubis, et la broche ischiatique traverse la grosse tubérosité
(fig. 17 B).
Le blocage de ces 4 vis permet un montage efficace pour le cadre obturateur, et inébranlable au
niveau de l'aile iliaque. On peut alors sceller en place la cupule, selon l'inclinaison souhaitée. Enfin,
on place les deux autogreffes à la face profonde du cotyle le long des colonnes antérieure et
postérieure.
Reconstruction fémorale
Elle se fait selon la même technique que précédemment, ainsi que la stabilisation et la fermeture des
parties molles. La reprise de l'appui complet n'est pas autorisée avant le 3e mois.
Haut de page
Traitement palliatif des métastases
Principes
Alors que dans les résections carcinologiques vues précédemment la priorité était donnée à la qualité
de l'excision, gage de guérison, ici au contraire, la tumeur n'étant pas accessible à une exérèse
curative, l'intervention est surtout destinée à améliorer les conditions fonctionnelles de survie de
l'opéré. Elle vise donc essentiellement à limiter le volume tumoral (laissant les traitements associés
compléter son action) et à permettre une reprise rapide de la fonction avec une faible morbidité. On
recherche donc un compromis entre l'importance de l'excision et la stabilité articulaire active et
passive. Au niveau du fémur, la résection vise à enlever l'essentiel de la tumeur, en trouvant pour la
prothèse une assise mécaniquement satisfaisante. On utilise une prothèse de « reconstruction » (fig.
4) fixée par un ciment aux antibiotiques. L'utilisation d'une prothèse composite ne paraît pas indiquée
dans la mesure où l'intérêt essentiel de cette intervention beaucoup plus lourde est de faciliter la
réinsertion musculaire, ce qui n'est pas de mise ici puisque l'excision musculaire est minimale.
En ce qui concerne le cotyle, s'il est tout à fait indemne le choix pourra se faire entre une prothèse
fémorale intermédiaire avec cupule adaptée au cotyle, ou une prothèse totale. S'il y a une atteinte
significative du bassin on recourra non pas à des allogreffes, mais à des renforcements métalliques
par anneau cotyloïdien, et éventuellement longues vis « pilotis » venant s'ancrer dans les zones
indemnes de l'aile iliaque ou du cadre obturateur, augmentant ainsi la stabilité de la cupule cimentée.
Quant à la stabilisation, elle est essentielle chez ces patients qu'on veut remettre en charge
immédiatement pour améliorer leur qualité de survie. L'abord se fait par un digastrique gluteus
medius - grand trochanter - vastus lateralis. La capsule est conservée pour être suturée en paletot au-
dessus du col prothétique (fig. 18 A). La flexion de la hanche récline le digastrique vers l'avant et
permet l'abord du fémur proximal et de l'articulation (fig. 18 B).
Exérèse
Haut de page
Conclusion
On voit que la reconstruction de la hanche après exérèse de tumeur maligne d'extrémité supérieure
du fémur est loin d'être univoque, et qu'elle dépend des objectifs carcinologiques de l'intervention et
de l'extension tumorale. Le traitement chirurgical des métastases est assez simple, et apporte une
importante amélioration du confort du patient, si l'on a su limiter l'ampleur de cette chirurgie qui est
essentiellement fonctionnelle. L'utilisation de prothèse de résection sans allogreffe représente alors
un choix raisonnable.
Dans les tumeurs n'atteignant que l'épiphyse fémorale supérieure, l'exérèse avec reconstruction par
prothèse composite, comportant une allogreffe osseuse, mais surtout les tendons terminaux des
fessiers, a apporté une amélioration fonctionnelle remarquable, avec des résultats voisins de ceux
d'une prothèse totale classique. Il faut bien sûr s'assurer qu'il n'y a pas de contamination articulaire,
voire cotyloïdienne. Si tel est le cas on entre alors dans une chirurgie beaucoup plus difficile car
associant la prothèse fémorale composite et une allogreffe acétabulaire. Certes, elle donne des
résultats fonctionnels satisfaisants à moyen terme car les muscles fessiers sont conservés.
Cependant, le pronostic à long terme de ces volumineuses allogreffes demeurant incertain, elles ne
doivent être envisagées qu'avec une grande prudence.
Références Bibliographiques
[1] BROWN K. Complications of limb salvage. ISOLS. Montréal. 1991 ; 655 p
[2] CAMPANACCI M. Les résections du bassin pour tumeurs. Encycl Med Chir (Paris). Techniques
chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie (1986). 44-505. 4.11.7 ; 7 p
[3] CAMPANACCI M. Bone and soft tissue tumors. Springer Verlag. Berlin. 1990 ; 1131 p
[4] CHAO E, IVINS J (ISOLS 1981). Tumor prostheses for bone and joint reconstruction. Thieme
Stratton. New York. 1983 ; 493 p
[5] ENNEKING W. Musculo skeletal tumor surgery. 2 vol. Churchill Livingstone. New York. 1983 ;
1585 p
[6] ENNEKING W (ISOLS 1985). Limb salvage in musculo skeletal oncology. Churchill Livingstone.
New York. 1987 ; 661 p
[7] KOTZ R (ISOLS 1983). Design and application of tumor prostheses for bone and joint
reconstruction. ISOLS. Vienna. 1983 ; 330 p
[8] LANGLAIS F, VIELPEAU C Allograft of the hemipelvis after tumour resection. J Bone Joint
Surg 1989 ; 71B : 58-62
[9] LANGLAIS F, TOMENO B (ISOLS 1989). Limb salvage (major reconstruction in oncologie and non
tumoral conditions). Springer Verlag. Berlin. 1991 ; 826 p
[10] LANGLAIS F. Chirurgie conservatrice après résection de tumeur maligne primitive du membre
inférieur. In : « Cah Enseign SOFCOT ». (Conf Enseign) pp 189-210. Expantion Sci Fr. Paris.
1992 ; 275 p
[11] PHO R. Limb salvage : current trends. ISOLS. Singapore. 1993 ; 619 p
[12] TOMENO B, FORREST M. Les tumeurs osseuses de l'appareil locomoteur. 2 tomes. UNICET.
Paris. 1990 ; 400 p
[13] YAMAMURO T (ISOLS 1987). Limb salvage in musculo skeletal oncology. Springer Verlag. Tokyo.
1989 ; 692 p
Figures
Fig. 1
Tumeur primitive métaphysaire sans atteinte articulaire. A. Exérèse : elle comporte l'extrémité supérieure du fémur et les
muscles qui s'y insèrent, sans exérèse cotyloïdienne. B. La reconstruction se fait à l'aide d'une prothèse totale de hanche
manchonnée par une allogreffe (prothèse totale « composite »).
Fig. 2
Tumeur primitive métaphysaire avec épanchement articulaire. A. Résection : à l'exérèse fémorale s'associe une exérèse
cotyloïdienne « a minima » passant à la périphérie de l'os sous-chondral. B. Reconstruction : elle est effectuée à l'aide
d'une prothèse fémorale composite et d'une cupule épaisse cotyloïdienne standard.
Fig. 3
Tumeur primitive métaphysaire avec extension acétabulaire. A. Résection : l'exérèse monobloc comporte la métaphyse
fémorale, l'articulation, et toute la région acétabulaire du bassin. B. La reconstruction comporte une prothèse composite
fémorale et une allogreffe acétabulaire (associée à une double autogreffe).
Fig. 4
Métastase fémorale proximale : exérèse palliative et reconstruction. Une exérèse marginale est réalisée, avec
remplacement fémoral par une prothèse de reconstruction : le choix de la voie d'abord, les artifices de stabilisation, le
scellement, favorisent un appui précoce indolore.
Fig. 5
Marges de l'exérèse fémorale. A. En regard du petit trochanter. L'exérèse emporte monobloc avec l'os la totalité du
quadriceps, les insertions fémorales du gluteus maximus, des adducteurs, de l'iliopsoas. Ne sont pas réséqués le tenseur
du fascia lata et le sartorius. B. En regard de la diaphyse fémorale. L'exérèse fémorale associe le vastus lateralis (toute la
zone traversée par la voie d'abord de la biopsie), le vastus intermedius, le rectus femoris, les parties juxtafémorales du
vastus medialis, des adducteurs et du biceps femoris. BF : biceps femoris ; VM : vastus medialis ; VL : vastus lateralis
Fig. 6
Installation - Abord. A. Le patient est installé en décubitus latéral. B. L'incision circonscrit la zone de biopsie (non
représentée sur ces schémas pour en faciliter la lisibilité), qu'elle laisse en continuité avec les tissus sous-jacents.
Fig. 7
Dissection postérieure. Le membre inférieur étant en rotation interne (A) le nerf ischiatique est isolé : on sectionne les
pelvitrochantériens et le tendon diaphysaire du gluteus maximus (B).
Fig. 8
Dissection antérieure. Le membre inférieur étant en rotation externe (A) on passe en avant du quadriceps et on repère le
pédicule vasculonerveux fémoral. Les branches nerveuses destinées à la partie du quadriceps qui sera réséquée, ainsi
que les branches musculaires de l'artère fémorale profonde, sont ligaturées (B).
Fig. 9
Cliquez sur une image pour l'agrandir
B. Dissection proximale : lorsque l'envahissement du grand trochanter emp?che de r?aliser une trochant?rotomie, les muscles fessiers sont sectionn?s selon
un trajet arciforme ? 1 ou 2 cm du trochanter major. Les gluteus medius et minimus sont diss?qu?s de la capsule articulaire et r?clin?s vers le haut,
maintenus par des clous de Steinmann. La distance entre le clou sus-articulaire et le niveau de r?section f?morale distale est relev?e : elle devra ?tre
identique ? la fin du temps de reconstruction.
C. Temps interne : apr?s section f?morale distale la partie proximale est relev?e en abduction : les adducteurs sont sectionn?s ? environ 2 cm de leur
insertion sur la ligne ?pre.
D. Le temps sup?ro-interne se termine par une section du muscle obturateur externe au bord inf?rieur de la capsule.
E. Section capsulaire : celle-ci est ouverte en arbal?te au niveau de l'insertion cotylo?dienne ; elle m?nage deux lambeaux ant?rieur et post?rieur d'environ 15
mm de largeur, qui serviront ? stabiliser la proth?se de reconstruction.
Fig. 10
Préparation du cotyle et du fémur distal. A. Le fraisage du cotyle respecte l'os sous-chondral. B. Creusement des plots et
des tranchées d'ancrage de la cupule cimentée. C et C'. Scellement de la cupule à 35° d'inclinaison et 10° d'antéversion. D.
On vérifie que le rebord antiluxation de la cupule se trouve à la partie postérosupérieure de l'articulation. On prépare alors
la diaphyse fémorale distale, qui recevra la tige prothétique.
Fig. 11
Préparation de l'allogreffe. Elle comporte une excision du spongieux métaphysaire à la râpe rotative, l'alésage
diaphysaire, et la taille des marches d'escalier assurant la stabilisation rotatoire de l'allogreffe sur le fémur distal.
Fig. 12
Scellement fémoral. Il se fait de façon rétrograde, avec un ciment basse viscosité, après obturation diaphysaire.
Fig. 13
Stabilisation et cinématisation. A. La stabilisation est obtenue par une capsuloplastie grâce à une suture en paletot autour
du col de la prothèse. B et C. Cinématisation : les tendons des gluteus medius et minimus sont fixés par une suture en
paletot au tendon de l'allogreffe. Des sutures permettent de rapprocher de l'allogreffe les tendons des muscles
pelvitrochantériens, du gluteus maximus (en arrière), des adducteurs (en dedans), ainsi que la tranche de section du
quadriceps.
Fig. 14
Principes thérapeutiques et voie d'abord. A. Principes. L'exérèse emporte monobloc : le fémur proximal, l'articulation, la
région acétabulaire. La reconstruction est réalisée par une prothèse totale composite fémorale proximale, et une allogreffe
acétabulaire. Les colonnes antérieure et postérieure du cotyle sont renforcées à leur surface endopelvienne par deux
autogreffes iliaques. B. Incision. L'incision en Y comporte une portion verticale permettant l'exérèse fémorale (et assurant
l'excision du trajet de la biopsie) ; la partie postérieure discise le gluteus maximus dans l'axe de ses fibres. La partie
antérieure horizontale correspond au ramus iliopubien.
Fig. 15
Abord. On désinsère du fémur proximal les gluteus minimus et medius, les pelvitrochantériens et le gluteus maximus. En
avant, on sectionne le tendon du fascia lata et le sartorius.
Fig. 16
Résection cotyloïdienne. A. Préparation : les gluteus minimus et medius sont disséqués de la capsule, relevés vers le
haut, et maintenus par 3 clous de Steinmann. On repère les 3 zones d'ostéotomie périacétabulaires : pubienne, ischiatique
et sus-cotyloïdienne. B. Section du ramus du pubis. Elle est suivie de la section du ramus ischiaticus, puis du fémur
distal. Après la dissection de la face interne du fémur, on termine l'exérèse monobloc par l'ostéotomie sus-cotyloïdienne.
Fig. 17
Allogreffe acétabulaire. A. Préparation : fraisage respectant l'os sous-chondral. Creusement des tranchées d'ancrage de la
cupule, recoupe de l'allogreffe pour l'ajuster à la résection réalisée. B. Fixation de l'allogreffe. Le ramus du pubis et le
ramus ischiaticus sont ostéosynthésés par deux grosses vis canulées, montées sur une broche-guide. Deux autres
grosses vis (diamètre 7 mm) assurent l'ostéosynthèse du toit du cotyle de l'allogreffe sur l'aile iliaque restante.
Fig. 18
Voie d'abord. A. Incision postéroexterne classique, discisant le gluteus maximus, et suivie de l'isolement d'un digastrique
« fessier - grand trochanter - vastus lateralis ». La trochantérotomie est effectuée d'arrière en avant. B. La flexion de la
hanche récline le digastrique vers l'avant et permet l'abord du fémur proximal et de l'articulation.
Fig. 19
Reconstruction. Après mise en place de la prothèse scellée le grand trochanter est ramené en regard de la métaphyse
prothétique, à laquelle il est fixé par des cerclages métalliques. Les pelvitrochantériens et le tendon diaphysaire du
gluteus maximus sont réinsérés à la face postérieure du digastrique.
Plan
Introduction
Reconstruction du fémur distal par prothèse
Reconstruction du tibia proximal par prothèse totale de genou
Arthrodèses du genou après résection de tumeur primitive fémorale ou tibiale
Conclusion
Haut de page
Introduction
C'est au niveau du fémur distal et du tibia proximal que les tumeurs primitives des os sont les plus
fréquentes.
Les orientations thérapeutiques sont très voisines pour ces 2 localisations car on y fait appel soit à
des prothèses totales de genou contraintes, soit à des arthrodèses.
Les arthrodèses sont proposées lorsque l'extension tumorale nécessite une excision complète de
l'appareil extenseur, empêchant la mobilité active d'une prothèse. Cette orientation est d'autant plus
volontiers proposée qu'on se trouve en présence d'un sujet jeune et actif. En effet, l'arthrodèse est
compatible avec une activité intense, sans risque de détérioration ultérieure.
Les prothèses totales de genou sont proposées lorsqu'on peut conserver un appareil extenseur
efficace, et en particulier s'il y a une demande expresse de conservation de la mobilité, même au prix
d'une longévité moins grande de la reconstruction, comme le demandent souvent les femmes jeunes.
En fait, une excision complète de l'appareil extenseur distal n'est pas incompatible avec l'utilisation
d'une prothèse puisque des transferts musculaires peuvent être réalisés pour reconstruire l'appareil
extenseur.
On peut aussi utiliser une prothèse avec une orthèse externe dont le verrouillage en extension assure
une stabilité suffisante à la marche, mais qui permet, en la déverrouillant, d'avoir une position assise
genoux fléchis.
Haut de page
Reconstruction du fémur distal par prothèse
Principes
Exérèse (fig. 1)
La possibilité d'une chirurgie conservatrice au niveau du genou est liée à l'absence d'envahissement
du pédicule vasculonerveux. La voie d'abord doit donc en priorité permettre un contrôle du pédicule
(artère fémorale profonde, bifurcation du nerf ischiatique), ce qui explique le choix préférentiel d'une
voie antéro-interne qui permet à la fois la dissection pédiculaire et la conservation partielle de
l'appareil extenseur.
Quant à la résection elle doit être large, respectant les critères déjà évoqués (respect d'une couche
de muscle sain en périphérie de la tumeur, résection osseuse à 3 cm au moins de l'envahissement
médullaire). Si on considère une tumeur primitive métaphysaire interne avec extension au
quadriceps, celle-ci nécessitera bien souvent une résection fémorale de 20 cm. L'excision emportera
toute l'extrémité inférieure du fémur, protégée d'une épaisseur de tissus musculaires sains de 2 à 3
cm. Restent donc solidaires de l'os : le muscle vastus intermedius (crural) et articularis genus (sous-
crural), le cul-de-sac sous-quadricipital, la portion juxta-osseuse des muscles vastus medialis et
vastus lateralis (avec une exérèse variable selon la direction de l'extension de la tumeur), les
septums intermusculaires médial et latéral sur lesquels s'attachent les muscles, en arrière : la portion
juxta-osseuse du biceps femoris brevis (court biceps), des adducteurs, des gastrocnemius (jumeaux).
Ne sont donc pas réséqués : le rectus femoris (droit antérieur), la partie supérieure des vastus
medialis et lateralis, le biceps femoris longus (long biceps), les autres ischiojambiers, notamment les
muscles de la pes anserinus (patte-d'oie).
Les temps opératoires sont d'abord interne (avec contrôle vasculonerveux), externe (avec contrôle de
l'appareil extenseur), puis supérieur avec section de la diaphyse, enfin postérieur, en relevant celle-ci
; l'opération se termine par la désarticulation fémorotibiale.
Reconstruction
Par contre, l'articulation est soumise à des contraintes majeures, qui entraînent des fluages et des
usures des pièces en polyéthylène intermédiaires, quel que soit le modèle de prothèse. L'utilisation
de prothèses rotatoires diminue peut-être les contraintes sur les surfaces articulaires, mais
s'accompagne parfois d'une instabilité rotulienne lorsque l'excision quadricipitale a été importante,
par difficulté de contrôle actif de la rotation. On utilise habituellement une prothèse fémoropatellaire
qui apporte une meilleure indolence que le resurfaçage : celui-ci n'est proposé que lorsque l'exérèse
tumorale laisse une rotule fine, qui risquerait de se fracturer au niveau de l'insertion prothétique. Il ne
nous semble pas y avoir d'indication de prothèse composite de première intention au niveau du
genou chez l'adulte. En effet, le manchonnage de la prothèse s'accompagne d'une adhérence du
quadriceps à la greffe, qui limite la mobilité active du genou, et peut même entraîner quelques
complications. Nous réservons donc ces prothèses composites au traitement des descellements qui
surviennent après résection de plus de la moitié du fémur chez l'enfant en croissance.
Types de prothèse
La longévité des prothèses, satisfaisante au niveau de leur scellement diaphysaire, est hypothéquée
par l'usure des pièces articulaires, et aucun modèle de prothèse n'est totalement satisfaisant. Nous
présenterons ici la prothèse Guepar qui a été utilisée depuis 20 ans pour les reconstructions après
exérèse de tumeur bénigne, et depuis 10 ans pour les reconstructions après exérèse de tumeur
maligne.
- une pièce tibiale longue et volumineuse (type Guepar II) prenant un appui diaphysaire, et munie
d'un aileron épiphysaire ;
- une charnière située très en arrière, ce qui non seulement permet une flexion à 110° sans butoir,
mais surtout donne un grand bras de levier à l'appareil extenseur, précieux lorsque le quadriceps a
été amputé d'une large partie de son potentiel musculaire ; les paliers en polyéthylène utilisés sur les
prothèses pour arthrose sont ici remplacés par des paliers métalliques, en raison des contraintes que
subissent ces prothèses du fait des excisions des haubans tendineux et musculaires ;
- une pièce fémorale formant avec le tibia un valgus de 5° ; il y a donc des prothèses droite et
gauche. Cette pièce fémorale comporte 3 portions :
- la partie articulaire présente une trochlée profonde, symétrique, articulaire avec la prothèse
patellaire ;
- la pièce diaphysaire correspond à des résections de 10 à 25 cm ;
- la tige centromédullaire comporte une partie distale cylindrique ajustée à la cavité médullaire alésée
: son diamètre habituel est de 14 mm mais des tiges de 16 mm existent pour des résections distales
(en début de tromblon métaphysaire), ou chez des sujets âgés (aux cavités médullaires plus larges).
Fait suite à cette portion cylindrique une zone cannelée, dont le scellement au méthacrylate permet
notamment la résistance aux contraintes de rotation.
Temps d'exérèse
Installation
L'opéré est en décubitus dorsal sur table ordinaire, les pieds proches du bout de la table, le bassin
stabilisé par 2 cales, qui le maintiendront quand on fera tourner la table vers la droite ou la gauche.
L'opérateur se place distalement du côté sain, le 1er aide est situé plus proximalement du même côté,
le 2e aide en face. L'intervention est le plus souvent conduite sous garrot pneumatique : le membre
est vidé de son sang par surélévation pendant 5 min, sans effectuer aucune compression au niveau
de la tumeur ou au-dessous d'elle.
Incision (fig. 3)
C'est une longue voie parapatellaire interne quasi rectiligne, passant au bord interne de la rotule,
montant au bord antéro-interne de la cuisse sur 20 à 25 cm, descendant verticalement vers le bord
interne de la tubérosité tibiale jusqu'à 3 cm au-dessous de son bord inférieur. Si un geste vasculaire
se révélait nécessaire, l'incision pourrait être prolongée d'une dizaine de centimètres au-dessous de
l'interligne articulaire.
En regard de la voie d'abord de la biopsie, l'incision est en quartier d'orange, la circonscrivant à 10-15
mm, et traversant peau, tissu cellulaire sous-cutané et fascia femoris (aponévrose superficielle de la
cuisse) sans aucun décollement (les écarteurs à griffes sont proscrits). Toute la voie d'abord de la
biopsie est donc retirée en bloc avec le vastus medialis et l'os.
En haut, on sectionne le fascia femoris assez mince et on passe entre sa face profonde et le
quadriceps pour arriver à la jonction entre le vastus medialis et le rectus femoris. Cette lame
tendineuse de 5 à 10 mm de large, verticale, est incisée au bistouri selon son axe longitudinal, du
bord supérieur de la rotule jusqu'à 20 cm au-dessus. En profondeur apparaît le muscle vastus
medialis qu'il ne faut pas inciser car ce muscle protège la tumeur et sera excisé en monobloc avec
elle.
En bas, on incise verticalement l'aileron rotulien à quelques millimètres du bord interne de la rotule, le
ligament adipeux, le surtout fibreux à la face antérieure du tibia (expansion des vastes).
L'articulation est ouverte (dans le cas proposé ici elle est macroscopiquement indemne). Des champs
de bordure peuvent être fixés aux berges aponévrotiques de l'incision.
Il s'effectue en basculant le malade vers le côté sain. La jambe est presque en extension et en
rotation interne (fig. 4 A). Il peut être utile, une fois libérée la rotule, de la retourner pour favoriser
l'abord externe. L'excision emporte avec l'os le cul-de-sac sous-quadricipital (avec les muscles
articularis genus et vastus inter-medius), ainsi que la partie juxta-osseuse des 15 cm distaux du
vastus lateralis. On repère donc, en partant de la partie proximale de l'incision, l'espace entre le
vastus intermedius et le rectus femoris. Le tendon du vastus intermedius est détaché au bord
supérieur de la rotule, le décollement conduit alors au vastus lateralis. Seule est excisée sa partie
proche de l'os, avec la cloison intermusculaire sur laquelle il prend origine, et à la face postérieure de
laquelle s'insère également le biceps femoris brevis (il est enlevé en bloc avec la tumeur, après avoir
été également disséqué par voie postérieure). Les fibres hautes du vastus lateralis prenant insertion
au-dessus de la tumeur, et qui sont les plus antérieures de l'expansion directe, sont donc respectées
(fig. 4 B). On discise le vastus lateralis à partir de sa face profonde, en commençant au niveau
approximatif de section osseuse et en laissant donc insérée sur l'os et sur la cloison une couche
musculaire d'environ 2 cm. A la face superficielle du muscle apparaît, nacrée, la cloison
intermusculaire qui se continue avec le fascia lata. Ils sont incisés, l'hémostase de quelques
perforantes étant faite par ligature.
Ainsi, à la partie haute de l'incision on arrive dans la loge postérieure, tandis qu'à la partie basse on
tombe sur l'insertion du court biceps sur le septum intermusculaire latéral. En bas, l'incision se
prolonge jusqu'à la rotule, tandis qu'on fait l'hémostase de l'artère genus superolateralis (articulaire
supéroexterne).
L'opéré est maintenant basculé vers le côté atteint et le membre inférieur est fléchi et en rotation
externe (fig. 5 A). Dans le cas présent, la totalité du vastus medialis, au-dessous de la section
osseuse, est excisée avec la tumeur. On le décolle du fascia femoralis puis on incise en haut le
septum intermuscularis medialis à 2-3 cm de l'os. On aborde ainsi le canal fémoral où cheminent
l'artère et la veine fémorales (superficielles). A la partie basse, on sectionne l'aponévrose de Hunter
dans sa portion antérieure : les vaisseaux fémoraux reposent sur la nappe musculaire des
adducteurs, souvent amarrés de court à la tumeur par ses pédicules nourriciers (fig. 5 B). Ces
pédicules sont isolés et ligaturés ou clippés progressivement de haut en bas. Au bord supérieur du
condyle interne, le faisceau inférieur de l'adductor magnus (grand adducteur), berge interne de
l'anneau de l'adducteur, est sectionné. On peut alors mieux récliner vers l'arrière le paquet
vasculonerveux surtout si on fléchit le genou à angle droit, cuisse en forte abduction-rotation externe,
malléole externe reposant sur la jambe opposée. On voit alors se tendre les branches collatérales de
l'artère poplitée, qui l'amarrent à la face postérieure de l'articulation. Elles sont progressivement
ligaturées, libérant totalement le paquet vasculaire qui s'éloigne de la région intercondylienne.
Satellite du paquet vasculaire au-dessous du bord inférieur du faisceau moyen de l'adductor magnus,
le nerf sciatique chemine dans une coulée cellulograisseuse : on le récline vers le bas avec cette
coulée. On repère la naissance du péronier commun (sciatique poplité externe) qui part en dehors,
on le sépare du bord postéro-interne du biceps femoris brevis et on le dissèque jusqu'à l'interligne
articulaire. La totalité du pédicule vasculonerveux, dont la liberté avait été vérifiée par le scanner
préopératoire, est ainsi dégagée (fig. 5 C).
Il est parfois nécessaire d'avoir un abord plus complet sur l'axe vasculaire et notamment sur la partie
haute de l'artère et de la veine poplitées : l'incision cutanée est prolongée vers le bas, puis on sépare
le tibia du surtout capsulotendineux de sa face postéro-interne, réalisant une valve postérieure
comprenant les tendons de la pes anserinus et les insertions tibiales de la capsule et du ligament
collatéral médial (latéral interne). On aborde ainsi le bord latéral du gastrocnémien médial (jumeau
interne) : on en dissèque la face antérieure profonde, au contact de la coque condylienne, et la face
postérieure ; puis on sectionne le muscle à l'horizontale de l'interligne. Il est alors récliné vers l'arrière
permettant l'accès à l'axe vasculaire dans la gouttière gastrocnémien médial/gastrocnémien latéral.
Une dissection des vaisseaux à l'intérieur même de leur gaine, voire une résection avec greffe,
devient alors possible.
Les temps précédents ont donc permis : l'isolement des pédicules vasculonerveux, les dissections
antérieure, externe et interne. Le segment à réséquer reste solidarisé par les ligaments du genou
(ainsi que les gastrocnémiens et le poplité), le plan des adducteurs (et leur arcade vasculaire) et le
biceps femoris brevis. On détermine avec précision le niveau de section diaphysaire en utilisant
comme repère le bord inférieur des condyles fémoraux. Le muscle vastus medialis est sectionné au
bistouri électrique, ruginé de part et d'autre sur 1 cm, notamment au niveau de la ligne âpre ; on
marque le niveau de section diaphysaire, puis le fémur est coupé à la scie oscillante. Son extrémité
distale est alors saisie dans un davier réducteur qui la soulève progressivement amenant le genou en
extension. On voit alors se tendre les insertions musculaires sur la ligne âpre : la nappe musculaire
des adducteurs est sectionnée en haut à 1 ou 2 cm de l'os, puis plus bas à 2 ou 3 cm des limites de
la tumeur (fig. 6 A). On ligature progressivement les rameaux vasculaires issus des perforantes de
l'artère fémorale profonde. En avant du nerf péronier commun se trouve le biceps femoris brevis : on
conserve son insertion sur le septum intermusculaire latéral et le fémur, et on le sépare du biceps
femoris longus.
Le fémur distal ne tient plus au tibia que par les gastrocnémiens, le poplité (qu'on sectionne en arrière
au plan de l'interligne articulaire) et la capsule. On coupe les ligaments croisés, les ligaments latéraux
internes, puis externes (fig. 6 B).
La pièce opératoire réséquée est radiographiée et envoyée à l'anatomopathologie, ainsi que des
prélèvements des parties molles aux limites de l'excision (moelle proximale, graisse poplitée,
ligaments croisés).
Toute l'intervention a été menée en protégeant les masses musculaires par des champs imbibés de
sérum chaud. On met en place un pansement compressif, on lâche le garrot puis on vérifie
l'hémostase.
Temps de reconstruction
Il est habituellement possible de réaliser ce second temps sans garrot, encore qu'il puisse être
La jambe est maintenue verticale par l'aide. On dégage au bistouri 1 à 2 cm proximaux de l'épiphyse
tibiale, puis on régularise la surface supérieure à la scie oscillante selon une coupe perpendiculaire
au fût, tant dans le plan frontal que sagittal, et n'enlevant que le cartilage, au niveau de la concavité
du plateau interne. La résection par rapport à la surface des plateaux tibiaux est de 5 mm. La cavité
médullaire est préparée à la râpe Guepar II qui pénètre bien le spongieux (fig. 7 A). Parfois
l'étroitesse de la cavité diaphysaire nécessite un alésage : dans ce cas, le passage de l'alésoir de 11
mm sur 20 cm et de celui de 13 mm sur 10 cm permet le passage de la râpe. La direction de la
diaphyse centre habituellement la râpe, ne laissant que la possibilité de réglage en rotation : le milieu
de la platine doit se trouver environ à 1 cm en dedans du centre de la tubérosité tibiale (la distance
tubérosité-gorge de la trochlée est donc plus faible qu'anatomiquement). On vérifie également (fig. 7
B) l'axe du pied qui, maintenu perpendiculairement avec le tibia, doit être en rotation externe d'une
dizaine de degrés (le repère étant le bord interne du 1er métacarpien).
On prépare alors l'extrémité supérieure, manipulée par un davier réducteur (fig. 8). On y passe les
alésoirs souples jusqu'à 14 mm. La prothèse est essayée : elle doit rentrer à frottement dur ; il peut
être nécessaire de poursuivre l'alésage jusqu'à 15, voire 16 mm. On vérifie le positionnement en
rotation : le davier qui marque l'axe sagittal du fémur est dans le prolongement de la ligne âpre ; les
rotations de hanche sont symétriques, ou à prédominance externe (sans dépasser en rapport 2/1
pour les rotations externe et interne). On fait alors un essai global (prothèse fémorale définitive,
prothèse tibiale et paliers en polyéthylène d'essais, axe définitif), car il est essentiel de vérifier la
stabilité fémoropatellaire en fonction du positionnement de la pièce tibiale. En flexion jusqu'à 90° la
rotule ne doit pas avoir tendance à se luxer, malgré l'absence de suture des parties molles internes :
celles-ci n'auront en effet, du fait des excisions, qu'un rôle de couverture, mais pas de rôle
dynamique. S'il y a tendance à la subluxation externe, il faudra réduire la distance entre les centres
de la platine tibiale et de la tubérosité antérieure. On vérifie l'absence de tension des pédicules
vasculonerveux en extension complète. La position optimale étant trouvée, on enlève l'axe
prothétique, on marque la direction des ailerons tibiaux à travers les trous de la platine, puis on
prépare leur emplacement aux ciseaux larges (fig. 7 C). Les 2 cavités médullaires rincées, aspirées,
sont tamponnées par 2 mèches à prostate.
On prépare alors la prothèse rotulienne. Celle-ci est utilisée de principe, sauf si la rotule mesure
moins d'1 cm d'épaisseur (car elle serait alors fragilisée par le trou d'ancrage). A la scie oscillante, on
résèque la crête médiane de la face articulaire, abrasant le cartilage de toute la rotule. Au centre est
creusée à la fraise spéciale une cavité de 12 mm de diamètre et de 8 mm de profondeur, comportant
3 minimes plots d'ancrage divergents.
Scellement
Il est habituellement réalisé au ciment additionné d'antibiotiques ; 2 drains aspiratifs sont placés dans
chaque diaphyse, tandis que le ciment, assez liquide, est introduit à la seringue, après obturation
diaphysaire.
Il faut être vigilant lors de ce scellement car les prothèses sont très ajustées, et les impacteurs
spéciaux tibial et fémoral sont indispensables.
On commence par le tibia où on veille à bien placer les ailerons dans les rainures préparées. On a
habituellement le temps de sceller en même temps la tige tibiale et la prothèse rotulienne, qu'on
maintient fermement appliquée pendant la polymérisation.
Au niveau fémoral, on vérifie à nouveau la position en rotation ; l'impaction se fait à forte pression.
Après durcissement du ciment et mise en place des paliers métalliques définitifs, les pièces
prothétiques sont solidarisées, genou en flexion. Puis on réalise l'introduction de l'axe métallique, le
positionnement du circlip et la vérification de l'hémostase.
Celui-ci est très important car la qualité de la cicatrisation conditionne la reprise de la chimiothérapie
et les modalités de la rééducation.
Le genou est maintenu fléchi à 45°. La fermeture rapproche les plans, mais sans s'acharner à vouloir
les mettre au contact : s'il y a eu une résection importante, des points trop tendus risquent de
déchirer les parties molles lors de la flexion-extension et de ne plus jouer leur rôle.
Après chaque plan, on effectuera des mouvements doux en flexion à 90° et en extension complète,
refaisant les points qui tendent trop. Quelques points sont passés dans la lame tendineuse au niveau
de la tranche de section du vastus medialis et la réunissent à la face profonde du rectus femoris ; on
rapproche la lame tendineuse du bord interne du rectus femoris avec ce qui reste du fascia femoris et
de l'aponévrose de Hunter. Au niveau de l'aileron rotulien, une suture solide peut en général être
réalisée ; 2 drains de Redon sont placés à la partie haute et basse de la prothèse et un autre entre la
sous-peau et la peau, suturées aux points séparés. On termine par un grand pansement ouaté
légèrement compressif de Robert-Jones qui limite la stase veineuse au niveau de la sole plantaire et
du mollet.
Soins postopératoires
Ils comportent antibiotiques, anticoagulants, mobilisation passive par arthromoteur, associée à des
contractions statiques du quadriceps. L'ablation des fils est faite vers le 15e jour.
Au bout de 8 à 15 jours, on aboutit habituellement à 90° de flexion passive et à une extension active
avec un déficit de 10 à 20°. La marche avec appui complet, aidée de 2 cannes-béquilles, est
autorisée à partir de la 1re semaine.
La rééducation douce de l'extension permet au bout de 1 à 2 mois une marche subnormale, malgré
un déficit temporaire d'extension active qui justifie le port d'une canne de « sécurité ».
Nous avons évoqué le cas habituel, où l'exérèse peut être réalisée par la voie antéro-interne, qui
permet de mieux contrôler les pédicules vasculaires.
Il arrive cependant :
- que la tumeur soit à développement externe prédominant, nécessitant le recours à une voie d'abord
antéroexterne ;
- qu'il y ait eu une atteinte tumorale articulaire, nécessitant la résection des 2 berges articulaires,
Cette voie d'abord peut être choisie notamment en raison du siège prédominant de la tumeur en
dehors, ou à cause d'une biopsie réalisée par voie externe. Les temps opératoires principaux restent
les mêmes.
L'abord se fait par une incision du facia lata dans l'axe de ses fibres, puis la dissection au bistouri de
celui-ci sur le tubercule de Gerdy, le laissant en continuité avec l'aponévrose jambière et réalisant un
lambeau musculoaponévrotique à charnière postérieure. Il est prudent de disséquer d'emblée le nerf
péronier commun.
Le vastus lateralis est largement excisé, tandis qu'en dedans on passe dans la jonction tendineuse
rectus femoris - vastus lateralis, permettant de préserver le rectus femoris. Le vastus medialis, qui
comporte fort peu d'insertions sur la face interne de la diaphyse, peut être en grande partie conservé.
Le contrôle des vaisseaux fémoraux est délicat, et essentiellement réalisé une fois la diaphyse
sectionnée et attirée vers l'avant et le dehors.
Lorsque l'articulation est envahie par la tumeur avec contamination de la berge tibiale, celle-ci doit
être enlevée en monobloc avec le fémur distal, en passant au-delà de la zone de résection tibiale de
la capsule. Ceci ne pose aucun problème particulier sur les faces latérales et en arrière, où la section
doit passer à environ 1 cm au-dessous du plan articulaire. De même en bas, le ligament adipeux
sous-rotulien est laissé en monobloc avec l'articulation, tandis qu'en haut le vastus medialis reste
solidaire de la tumeur et du bord supérieur de la rotule.
Le temps difficile de cette arthrectomie est la dissection antérieure, si l'on veut conserver la continuité
de l'appareil extenseur pour mettre en place une prothèse.
En effet, toute la partie profonde de la rotule, jusqu'à l'insertion capsulaire, doit être enlevée en
monobloc avec le fémur et le tibia, tandis que sa partie superficielle, comportant l'insertion du rectus
femoris et du vastus lateralis ainsi que du ligament patellaire (tendon rotulien), doit être laissée en
continuité. Il s'agit cependant d'une solution réalisable : on ouvre l'aileron rotulien interne sans
sectionner la synoviale, on clive dans le plan coronal le tendon du vastus medialis et du rectus
femoris. On passe en dehors dans l'espace entre la capsule et l'expansion des vastes. Une
ostéotomie frontale à la scie rejoint chacune de ces zones de décollement. Elle permet de conserver
le centimètre superficiel de la rotule et ses insertions de l'appareil extenseur, tandis que son
centimètre profond participe à l'arthrectomie. Le reste de l'intervention ne présentera pas de
caractéristiques particulières, si ce n'est que l'amincissement rotulien ne permet pas toujours d'y
implanter un bouton prothétique.
Le potentiel musculaire n'est pas alors suffisant pour assurer une extension active. Cependant, la
dissection a réséqué le biceps femoris brevis et disséqué le biceps femoris longus. Celui-ci peut être
détaché au niveau de la tête du péroné et venir s'insérer au bord latéral de la rotule et à sa face
antérieure. S'il ne reste comme muscle que la moitié du vastus lateralis, le biceps sera transféré en
dedans de la prothèse, et viendra s'appliquer sur le bord médial de la rotule, réalisant une rêne qui à
la fois permet l'extension et évite la luxation externe. Les résultats de ces transferts restent
cependant modestes, puisqu'il n'y a pas synergie entre quadriceps et ischiojambiers.
Haut de page
Reconstruction du tibia proximal par prothèse totale de genou
Principes
Exérèse (fig. 12 A, B et C)
Elle comporte l'extrémité supérieure du tibia, recouverte des muscles qui s'y insèrent : le poplité, le
muscle tibial antérieur (jambier antérieur), le muscle soleus (soléaire), le muscle tibial postérieur. Bien
souvent, la tumeur envahit l'origine du ligament patellaire. Enfin, l'extension dans l'articulation
tibiofibulaire, fréquente, justifie de réséquer la berge fibulaire avec la capsule articulaire.
Habituellement, le pédicule vasculonerveux tibial postérieur n'est pas envahi par la tumeur, car il est
protégé par les muscles de la couche profonde. De même, il arrive souvent que le pédicule tibial
antérieur, qui chemine à mi-distance entre le tibia et la fibula, ne soit pas atteint. Le point le plus
délicat est représenté par la crosse de l'artère tibiale antérieure au bord supérieur de la membrane
inter-tibio-fibulaire.
Reconstruction
Elle fait appel au même type de prothèse que les tumeurs fémorales distales. La prothèse de
résection tibiale est faite sur mesure, assurant un remplissage diaphysaire après alésage. La
prothèse fémorale est une prothèse standard à appui cortical. Il paraît préférable d'effectuer un
resurfaçage fémoropatellaire en utilisant une prothèse fémorale avec un bouclier, plutôt qu'en utilisant
une prothèse ne recouvrant pas la trochlée.
- assurer une fermeture des parties molles, alors qu'il a souvent fallu pratiquer une importante
exérèse des parties molles traversées par la biopsie, gênant la fermeture ; cette fermeture est
apportée par le lambeau de gastrocnémien interne ;
- reconstruire un appareil extenseur fiable car vivant : ceci est volontiers assurés par une
translocation de la tête de la fibula.
Exérèse
La voie d'abord est antérieure, médiane ou très légèrement déjetée en dehors ; elle débute 4 ou 5 cm
au-dessus de la rotule, pour descendre 5 cm au-dessous du niveau de résection tibiale. A la jambe,
elle passe à 1 cm en dehors de la crête tibiale, en circonscrivant la cicatrice de la biopsie. Au niveau
de la rotule, le décollement se fera au-dessous du fascia femoris. Au niveau de la jambe, on essaiera
de respecter tout le réseau vasculaire sous-cutané par une dissection plus profonde.
On passe à la face interne du tibia, au bord superficiel des muscles de la pes anserinus, abordant le
bord médial du gastrocnémien interne. Les attaches proximales de celui-ci sont soigneusement
respectées. Par contre, on dissèque sa face profonde, jusqu'au hiatus qui sépare le gastrocnémien
interne du gastrocnémien externe et qui est marqué par des vaisseaux. Ainsi sera amorcé un
éventuel transfert de ce muscle. Le soleus et son arcade sont sectionnés à environ 1 cm du tibia (fig.
14 A). Ainsi en fléchissant la jambe on peut récliner le soleus vers l'arrière : ceci met en évidence le
paquet vasculonerveux tibial postérieur, d'où naissent les vaisseaux nourriciers de la tumeur. Ceux-ci
sont progressivement ligaturés. On récline également vers l'arrière le nerf tibial postérieur, et on
dissèque le nerf péronier commun jusqu'à l'insertion fibulaire du biceps femoris (fig. 14 B)
Le décollement permet d'arriver sur la tête de la fibula (fig. 15 A). On isole le nerf péronier commun et
le tendon terminal du biceps femoris, ainsi que le ligament collatéral latéral. Puis on suit la branche
de division antérieure du nerf péronier commun qui chemine à la face profonde du muscle tibial
antérieur au contact de l'artère tibiale antérieure. On prolonge la dissection de ce pédicule jusqu'au-
dessous de la zone de résection, discisant le muscle en une partie tibiale qui sera réséquée avec la
tumeur, et une partie juxtafibulaire qui sera conservée et qui reste innervée.
Si la reconstruction du ligament patellaire fait appel au tendon du biceps femoris, celui-ci est
sectionné 5 ou 6 cm au-dessus de sa terminaison, tandis que le ligament collatéral est désinséré du
fémur. On peut alors effectuer le temps le plus délicat de la dissection qui correspond au passage de
l'artère tibiale antérieure au bord supérieur du septum inter-tibio-fibulaire. Une section sagittale à la
scie de la tête de la fibula laisse en continuité avec le tibia sa portion juxta-articulaire. L'artère étant
libérée, le septum est sectionné (fig. 15 B).
On peut alors pratiquer la désarticulation tibiofémorale. Le ligament patellaire est sectionné en zone
saine, le ligament adipeux est laissé adjacent au tibia. On sectionne le ligament collatéral médial, les
ligaments croisés au niveau de l'échancrure. Enfin les 2 coques sont sectionnées à leur insertion
supérieure. On peut alors luxer vers l'avant l'épiphyse tibiale, et terminer la dissection postérieure. On
repère le niveau de la section distale du tibia et celui-ci est coupé à la scie. La pièce est
radiographiée et envoyée à l'anatomopathologie, avec un prélèvement spécifique sur les croisés et
sur la moelle osseuse du segment sous-jacent.
Reconstruction
Prothèse
Dans de très rares cas il est possible de conserver des parties molles non dévascularisées
antérieures, sur lesquelles on peut venir réinsérer le ligament patellaire, éventuellement en s'aidant
d'auto- ou d'allogreffes de fascia lata.
Mais ailleurs, la résection tibiale ne permet pas cette réinsertion distale et il faut trouver un artifice,
qui varie selon la longueur du tendon patellaire conservé.
Le lambeau de gastrocnémien interne est presque systématique, compte tenu de l'habituelle difficulté
à recouvrir la prothèse au niveau de l'épiphyse tibiale. On complète donc la discision entre le
gastrocnémien interne et externe, et on coupe transversalement le gastrocnémien interne à la
jonction de son tiers moyen et de son tiers inférieur, en ayant vérifié que la hauteur du gastrocnémien
lui permettra de venir cravater horizontalement l'épiphyse tibiale jusqu'à l'aponévrose du muscle tibial
antérieur conservé. Le muscle est basculé à 90°, son bord inférieur étant suturé avec l'aponévrose du
muscle tibial antérieur. On peut parfois réinsérer le ligament patellaire à la face profonde de ce
gastrocnémien, en évitant la déchirure musculaire par l'utilisation de plaque à plastie myocardique.
Souvent, la résistance du gastrocnémien à la traction n'est pas suffisante et il risque d'y avoir un
déficit d'extension active. On utilise alors comme appareil extenseur distal le tendon du biceps
femoris et le ligament collatéral latéral dont l'insertion sur la tête de la fibula a été préservée. Cette
tête de la fibula est transférée sur l'ancien site de la tubérosité tibiale par une double ostéotomie
diaphysaire de la fibula. Cette ostéotomie est réalisée par une brève discision des muscles péroniers
en regard du niveau de section tibiale, une seconde ostéotomie est réalisée à mi-chemin entre la tête
et cette zone. Ainsi, la fibula est totalement entourée de ses muscles qui vont lui apporter résistance
et vascularisation. Cette translocation un peu complexe nécessite bien entendu de vérifier qu'il n'y a
pas de tension anormale sur le nerf péronier commun : on peut l'éviter par une neurolyse
complémentaire. Deux cercles métalliques passés au niveau de la tête de la fibula passant autour de
la tige de la prothèse maintiennent la tête en position médiale. De surcroît, l'aponévrose du muscle
tibial antérieur est suturée au lambeau de gastrocnémien interne. Les tendons du biceps femoris et
du ligament collatéral sont suturés en paletot sur le reliquat du ligament patellaire et au surtout de la
face antérieure de la rotule. Ainsi est réalisé une médialisation de la tête de la fibula qui est
mécaniquement efficace et cicatrise rapidement.
Arthrectomie
La tumeur tibiale peut s'être propagée à l'articulation du genou, et il faudra dans ce cas pratiquer une
arthrectomie, qui correspond à l'excision de toute la partie intracapsulaire de l'épiphyse fémorale,
avec le temps difficile d'ostéotomie frontale de la rotule. Cette exérèse fémorale proximale
empêchera de pratiquer un lambeau de gastrocnémien à pédicule proximal.
L'extension tumorale peut exiger un tel sacrifice. Dans ce cas, il paraît plus sûr de reporter la jonction
des 2 parties de l'appareil extenseur en pleine rotule. On utilise alors une prothèse tibiale « composite
», l'épiphyse tibiale étant remplacée par une allogreffe qui manchonne la prothèse. Cette allogreffe
tibiale comporte également le ligament patellaire et la rotule. Une ostéotomie est pratiquée en plein
milieu de la rotule de l'allogreffe, suivie d'une ostéosynthèse avec l'hémirotule proximale du receveur
Haut de page
Arthrodèses du genou après résection de tumeur primitive fémorale ou
tibiale
Principes
La qualité des arthrodèses du genou par autogreffe de type Merle d'Aubigné-Juvara est bien connue.
Mais cette intervention est à l'origine d'une morbidité importante, notamment septique, liée au
caractère extensif des prélèvements osseux. L'utilisation d'allogreffes et de clous spéciaux a
radicalement transformé l'aspect de cette opération, la facilitant, assurant un appui précoce et une
consolidation quasi systématique. L'arthrodèse se fait en utilisant une allogreffe intercalaire
maintenue par un clou centromédullaire. L'utilisation de l'allogreffe évite toute dissection étendue
après résection. L'enclouage évite toute dévascularisation des extrémités osseuses, et assure une
mise au contact des fragments lors de l'appui. Il s'agit, en effet, d'un enclouage verrouillé, mais
dynamique, c'est-à-dire possédant des trous oblongs qui permettent un télescopage global des 2
foyers d'ostéosynthèse pouvant atteindre 10 mm. Ainsi, il n'y a pas de hiatus entre les fragments,
même si une résorption osseuse survient. La stabilité rotatoire du montage est essentiellement
assurée par une découpe en marches d'escalier de l'os receveur et de l'allogreffe au niveau
diaphysaire, et par un large contact des surfaces métaphysaires au niveau de l'articulation. De
surcroît, des verrouillages proximal et distal du clou peuvent éviter la rotation des fragments l'un par
rapport à l'autre. Enfin, on utilise des clous en titane sur mesure, doués d'une très grande résistance
en fatigue, et qui peuvent bénéficier de courbure anatomique : on utilise en effet des clous
fémorotibiaux bénéficiant d'un valgus frontal de 5°, reproduisant l'anatomie. Lorsque le clou doit être
mis en place dans un fémur intact, il bénéficie de plus d'une courbure antéropostérieure
correspondant à la courbure sagittale du fémur.
Cette exérèse ne présente aucun caractère particulier, si ce n'est qu'elle est facilitée par le fait que la
totalité du quadriceps sera enlevée en même temps que la tumeur. Le malade sera installé en
décubitus dorsal, le sacrum soulevé par un coussin, de façon à ce que la mise en flexion-adduction
de la hanche puisse permettre d'aborder le bord supérieur du grand trochanter.
Reconstruction (fig. 18 A et B)
Elle se fait à l'aide d'une allogreffe maintenue par un clou fémorotibial sur mesure. Ce clou plein est
introduit après alésage.
On commence par aléser aux alésoirs souples le fémur et le tibia, à partir de la zone de résection, et
sur un diamètre supérieur de 2 mm à celui du clou. Il en sera de même au niveau de la greffe, dont le
spongieux métaphysaire, immunologiquement compétent, est excisé. On vérifie le coulissement du
clou au niveau de ses 3 zones d'alésage.
On aborde la région trochantérienne, par discision du gluteus maximus et medius, le clou étant rentré
au niveau de la fossette digitale.
On peut alors pratiquer la taille des marches d'escalier : la résection est antérieure au niveau du
fémur receveur (pour conserver la ligne âpre bien vascularisée), et postérieure pour l'allogreffe. Le
clou est introduit par voie trochantérienne et il vient progressivement dans la cavité médullaire des 3
fragments osseux. Le montage est inébranlable. On réalise un verrouillage proximal du clou pour
éviter que celui-ci ne tourne dans la diaphyse et ne transforme le valgus en flexum. Le verrouillage
distal n'est effectué que si la stabilité ne paraît pas parfaite.
Des autogreffes sont mises en place autour de la jonction corticale : il s'agit de fragments osseux
prélevés sur l'épiphyse tibiale indemne. On s'efforce de recapuchonner la région de la jonction par le
muscle quadriceps attiré vers le bas par quelques fils. La fermeture est effectuée avec soin. Les
suites opératoires permettent un appui non limité dès le 15e jour postopératoire : celui-ci se révèle
indolore en raison de la stabilité du montage. En l'absence de chimiothérapie, la consolidation est
quasi systématique. Lorsqu'une chimiothérapie a eu lieu, elle est obtenue plus de 2 fois sur 3 en 1re
intention ; sinon une autogreffe, quelques mois après la fin du traitement adjuvant, apporte la
consolidation.
Les caractéristiques de l'excision sont identiques à ce qui a été rapporté pour les prothèses, et la
reconstruction se fait comme au niveau du fémur. A signaler que, le fémur étant intact, il conserve sa
courbure sagittale. On utilise donc un clou fémorotibial qui possède une double courbure
fémorotibiale frontale correspondant au valgus anatomique, et diaphysaire fémorale sagittale. Lors de
l'introduction du clou, on fait coïncider l'angulation fémorotibiale du clou avec la courbure sagittale de
la diaphyse fémorale, puis lorsque le clou atteint le genou, on le fait tourner progressivement de 90°
en continuant à l'enfoncer, ce qui lui permet à la fois d'épouser la forme du fémur et de reproduire le
valgus fémorotibial.
Haut de page
Conclusion
Les résultats des résections tumorales au niveau des tumeurs du tibia et du fémur sont
particulièrement satisfaisantes sur le plan oncologique où l'on fait passer en priorité la nécessité du
caractère large de l'excision : on renoncera à la conservation du membre si les pédicules
vasculonerveux sont atteints. On n'hésitera pas à recourir à une arthrodèse si la sécurité impose une
résection complète de l'appareil extenseur.
La morbidité des prothèses de genou est essentiellement représentée par les détériorations des
pièces articulaires, nécessitant des changements de paliers en polyéthylène, mais le résultat
fonctionnel des prothèses de reconstruction du fémur distal demeure cependant très honorable. La
reconstruction par prothèse du tibia proximal reste une opération délicate, en raison du caractère
sous-cutané de l'os, nécessitant une couverture par les parties molles, et de la difficulté de la
réalisation d'un appareil extenseur parfaitement fonctionnel.
Les nouvelles techniques d'arthrodèse par allogreffe et clou apportent à cette arthrodèse une grande
fiabilité immédiate et une excellente longévité : c'est donc une alternative qu'il faut ne pas savoir
oublier, notamment chez les adolescents aux importantes exigences sportives.
Références Bibliographiques
[1] BROWN K. Complications of Limb salvage. ISOLS. Montréal. 1991 ; 655 p
[2] CAMPANACCI M. Bone and Soft Tissue Tumors. Springer Verlag. Berlin. 1990 ; 1131 p
[3] CHAO E, IVINS J. Tumor prostheses for Bone and Joint Reconstruction. Thieme Stratton. (ISOLS
1981). New York. 1983 ; 493 p
[4] ENNEKING W. Musculo Skelettal Tumor Surgery (2 vol). Churchill Livingstone. New York. 1983 ;
1585 p
[5] ENNEKING W. Limb Salvage in Musculo Skeletal Oncology. Churchill Linvingstone. New York.
1987 ; 661 p
[6] KOTZ R. Design and Application of Tumor Prostheses for Bone and Joint Reconstruction. (ISOLS
1985). Vienna. 1983 ; 330 p
[7] LANGLAIS F, TOMENO B. Limb Salvage (Major Reconstructions in Oncologic and non Tumoral
conditions). Springer Verlag. Berlin. 1991 ; 826 p
[8] LANGLAIS F. - Chirurgie conservatrice après résection de tumeur maligne primitive du membre
inférieur. Conf Enseign SOFCOT. Expansion Scientifique Française. Paris. 1992 ; 257 p : pp 189-
210
[9] TOMENO B, FORREST M. Les tumeurs osseuses de l'appareil locomoteur (2 tomes). UNICET.
Paris. 1990 ; 400 p
[10] YAMAMURO T. Limb Salvage in Musculo Skeletal Oncology. Springer Verlag. (ISOLS 1987).
Tokyo. 1989 ; 692 p
Figures
Fig. 1
Les marges de l'exérèse. A. Coupe au tiers distal du fémur : on résèque en bloc avec le fémur le vastus medialis (et le
trajet de la biopsie), le vastus intermedius, le biceps brevis, et la partie juxtafémorale du vastus lateralis et des
adducteurs. B. Vue en perspective. AM. Adductor magnus ; BB. Biceps brevis ; BL. Biceps longus ; PA. Pes anserinus ;
RF. Rectus femoris ; VI. Vastus intermedius ; VL. Vastus lateralis ; VM. Vastus medialis.
Fig. 2
Prothèse de reconstruction. Il s'agit d'une prothèse charnière, dont les volumineuses tiges prennent un appui étendu sur
l'endoste alésé fémoral et tibial. On utilise un ciment aux antibiotiques basse viscosité, pressurisé.
Fig. 3
Voie d'abord. La voie d'abord antéro-interne est préférée : elle permet l'accès au pédicule vasculonerveux et une exérèse
musculaire et osseuse monobloc. L'incision cutanée parapatellaire interne circonscrit le trajet de la biopsie.
Fig. 4
Temps externe. A. Le membre inférieur étant en rotation interne, une arthrotomie parapatellaire interne permet de récliner
la rotule vers le dehors. B. On laisse en monobloc avec la tumeur : la capsule, les ligaments, le vastus intermedius,
l'articularis genus, le vastus medialis et la partie juxta-osseuse du vastus lateralis.
Fig. 5
Temps interne. A. Le membre inférieur étant en rotation externe, on détache du fémur les adducteurs, et du tibia la pes
anserinus et parfois le gastrocnemius medialis. B. On peut ainsi aborder le pédicule vasculonerveux et les 2 branches du
nerf ischiatique. C. On repère le niveau de section diaphysaire et quadricipitale, en prenant comme repère distal le bord
inférieur des condyles.
Fig. 6
Section diaphysaire et temps postérieur. A. Après section diaphysaire, le fémur distal est étendu par rapport au tibia : ceci
permet la section des adducteurs qui se tendent à sa face postérieure. B. On termine par la section de la capsule (coques,
ligaments, au ras de leur insertion tibiale).
Fig. 7
Préparation tibiale. A. Après résection à la scie de l'os sous-chondral, la diaphyse est préparée aux alésoirs, et la
métaphyse à la râpe. B. Le positionnement en rotation de la pièce tibiale est essentiel pour un bon centrage
fémoropatellaire. On positionne habituellement le centre de la platine de la pièce tibiale en regard du bord médial du
tubercule tibial ; l'angle formé par les axes du pied et du genou doit être respecté. C. Préparation des ailerons sagittaux de
la prothèse. Ce temps n'est effectué qu'après avoir vérifié, prothèses tibiale et fémorale en place, que la course rotulienne
est satisfaisante.
Fig. 8
Préparation fémorale. Après alésage diaphysaire, on vérifie la position en rotation de la prothèse, par rapport à la ligne
âpre, et en respectant les rotations externe et interne physiologiques.
Fig. 9
Reconstruction musculaire. On réinsère la pes anserinus, l'aileron rotulien interne et on rapproche les adducteurs du
rectus femoris. Quelques points maintiennent la tranche de section des vastus intermedius et medialis.
Fig. 10
Abord par voie antéroexterne pour une tumeur à développement externe, ayant justifié une biopsie à travers le vastus
lateralis.
Fig. 11
Arthrectomie. En cas d'extension intra-articulaire de la tumeur, il faut enlever en monobloc le fémur distal, la capsule et le
tibia proximal (A). Le temps délicat de cette intervention est l'ostéotomie frontale de la patella (B) qui permet de conserver
la continuité de l'appareil extenseur sans ouvrir la cavité articulaire.
Fig. 12
Les marges d'exérèse. A. Au niveau de l'épiphyse tibiale, l'exérèse enlève, en monobloc avec le tibia, le muscle tibial
antérieur (en dedans du pédicule tibial antérieur) et le muscle tibial postérieur (en avant du pédicule tibial postérieur),
ainsi que les parties juxtatibiales du flexor hallucis et du soléaire. B. Coupe au tiers moyen du tibia : la dissection passe
entre soléaire et gastrocnémien puis entre les 2 gastrocnémiens, préparant la translation antérieure de ce muscle. C.
L'exérèse emmène en monobloc avec le tibia : la capsule et les ligaments, la partie distale du ligament patellaire et le
ligament adipeux, le muscle poplité, la partie juxtatibiale des muscles tibiaux antérieur et postérieur, et du soléaire. ED.
Extensor digitorum ; PL. Péronier long ; FH. Flexor hallucis ; Sol. Soléaire ; GL. Gastrocnémien latéral ; TA. Tibial
antérieur ; GM. Gastrocnémien médial ; TP. Tibial postérieur ; P. Poplité.
Fig. 13
L'exérèse est parapatellaire interne en haut et distalement passe en dedans de la crête tibiale. Elle circonscrit la voie
d'abord de la biopsie.
Fig. 14
Temps interne. A. L'arthrotomie interne est limitée. On sectionne la pes anserinus pour préparer l'abord du pédicule
vasculonerveux ; en avant, on sectionne le ligament patellaire et en arrière le soléaire. B. La flexion du genou permet
d'aborder le pédicule vasculonerveux, et notamment d'isoler le nerf péronier commun et la crosse de l'artère tibiale
antérieure.
Fig. 15
Temps externe. A. La dissection se fait au-dessous des fascias crural et jambier. On commence par rechercher le nerf
péronier commun en arrière du biceps. B. On va successivement : isoler le péronier commun ; neurolyser ses branches
de division jusqu'au nerf tibial antérieur ; isoler le tendon du biceps femoris et le ligament collatéral latéral qui sont
sectionnés environ 6 cm au-dessus de la tête de la fibula ; ostéotomiser dans un plan sagittal la tête de la fibula et la
mobiliser par rapport à l'épiphyse tibiale ; isoler la crosse de l'artère tibiale antérieure, et disciser le muscle tibial antérieur
à l'aplomb du pédicule.
Fig. 16
Temps postérieur puis distal. On repère le niveau de section distale du tibia par rapport au plan de l'articulation. On
sectionne la capsule et les ligaments croisés au ras de leur insertion fémorale. On tire vers l'avant le tibia, permettant de
terminer la dissection de sa face postérieure. On sectionne alors distalement le tibia. On discise le muscle péronier pour
pratiquer une ostéotomie de la fibula à l'aplomb de la résection tibiale.
Fig. 17
Reconstruction de l'appareil extenseur. A. Coupe au tiers proximal du tibia : on note en dedans la translation vers l'avant
du gastrocnémien médial et en dehors la translation antérieure de la fibula : elle est maintenue par un cerclage s'appuyant
autour de la tige prothétique, et par la suture des bords antérieurs des muscles gastrocnémien médial et tibial antérieur.
B. De face : on note la transposition du gastrocnémien, et la suture du ligament patellaire restant au tendon du biceps et
au ligament collatéral latéral, dont les fibres s'insèrent sur la tête de la fibula.
Fig. 18
Reconstruction du fémur distal. A. De face, on note que le clou est verrouillé proximalement, il a une angulation de 5°
dans le plan frontal respectant le valgus diaphysaire fémorotibial. B. De profil, on note la marche d'escalier stabilisant en
rotation les jonctions diaphysaires.
Fig. 19
Reconstruction du tibia proximal. A, B. De profil, on note la courbure sagittale de la partie fémorale du clou, qui s'adapte à
la courbure de la diaphyse fémorale.
Amputations et désarticulations
des membres
A Camilleri
Note de présentation
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Quelle est de nos jours la place de l’amputation dans l’arsenal d’amputation. Cela permet, dans certains cas et notamment à la
thérapeutique dont dispose le chirurgien ? main, de proposer au patient des interventions qui aideront à
Les données épidémiologiques sont assez pauvres, mais permettent améliorer la fonction.
d’effectuer deux types de constatation dans les pays à niveau de vie L’appareillage du membre supérieur a progressé, tant pour les
élevé. matériaux utilisés dans les prothèses de vie sociale que pour les
D’une part, un vieillissement de la population, associé à une composants mécaniques et électriques des prothèses myoélectriques.
augmentation des artériopathies, notamment diabétiques. Ces Des évolutions sont cependant attendues pour diminuer le poids
pathologies concernent principalement une population d’hommes des prothèses et accroître leur fonctionnalité.
âgés, et sont responsables de près de 80 à 85 % des amputations. Au membre inférieur, la cause principale d’amputation est
D’autre part, une diminution importante du nombre d’amputés dans vasculaire. La technique du lambeau postérieur permet, tant en
les pathologies traumatique et tumorale pendant les 20 dernières transtibial qu’à la désarticulation du genou, d’améliorer la trophicité
années, du fait des progrès des traitements conservateurs. La cutanée, la cicatrisation et le capitonnage. Dans les autres
moyenne d’âge est nettement inférieure pour cette catégorie de indications, les myoplasties et surtout les myodèses s’avèrent
patients. indispensables, en particulier en transfémoral. À l’arrière-pied, la
Du fait de la majoration de la pathologie artérielle, le nombre technique d’arthrodèse tibiocalcanéenne avec astragalectomie
d’amputations n’a jamais été aussi important. (ATCA) conduit, avec une prothèse adaptée, à un résultat
Plusieurs faits nouveaux sont à retenir et concernent autant fonctionnel de qualité, stable dans le temps.
l’approche du patient que les techniques elles-mêmes. L’appareillage du membre inférieur est devenu plus léger et plus
La relation avec le patient s’est modifiée et tient compte des fonctionnel, grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux. Certains
recommandations actuelles. Dans un projet opératoire comportant composants prothétiques, tels les genoux ou les pieds composites,
les conséquences physiques et psychiques que l’on imagine, issus de la haute technologie, permettent un accès pour de jeunes
l’information du patient et de sa famille, chaque fois que les patients à un niveau de performance élevé.
circonstances le permettent, fait partie intégrante du traitement. Elle Le chirurgien, opérateur confirmé, connaît les différentes possibilités
constitue le point de départ essentiel, oblige à passer le temps thérapeutiques opposables à telle ou telle pathologie, avant de
nécessaire à lever toute ambiguïté sur l’acte envisagé et ses suites. s’engager dans une proposition d’amputation, car les méthodes
Elle permet, dans la majorité des situations, d’obtenir un d’investigation et les moyens thérapeutiques ont évolué.
consentement.
– En vasculaire, les dilatations artérielles par voie endoluminale, les
En ce qui concerne les techniques chirurgicales et l’appareillage. La
pontages, sont devenus des techniques courantes. Le suivi médical
terminologie sur les niveaux d’amputation a été modifiée et souscrit
des patients diabétiques diminue les complications. Cela n’empêche
aux usages internationaux.
cependant pas l’augmentation du nombre d’amputations.
La situation finale des cicatrices ne commande plus le dessin des
valves. – En traumatologie, si les techniques de réimplantation complète
restent limitées dans leurs indications et conduisent à des résultats
Au membre supérieur, la cause d’amputation la plus fréquente est
fonctionnels variables, la possibilité de réimplantation partielle
la traumatologie. Les techniques ont peu évolué, mais on connaît
atténue la conséquence du geste radical.
bien actuellement la nature des séquelles liées à un niveau précis
– La résonance magnétique, la chimiothérapie, les progrès des
méthodes de reconstruction sont devenus des clés dans la prise en
Antoine Camilleri : Chirurgien, praticien hospitalier, chef du service de chirurgie orthopédique, centre
charge du patient tumoral, et permettent également de réduire la
hospitalier de Gonesse, 25, rue Pierre-de-Theilley, 95500 Gonesse, France. part de l’amputation.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Camilleri A. Amputations et désarticulations des membres. Encycl Méd Chir (Editons Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales
– Orthopédie-Traumatologie, 44-102, 2000, 2 p.
44-102 Amputations et désarticulations des membres Techniques chirurgicales
L’opérateur apprécie également l’avenir fonctionnel et social du l’augmentation du nombre d’amputations dites « de sauvetage » ; la
patient. S’il choisit une chirurgie de conservation, il lui faut imaginer survie est parfois possible, mais l’appareillage est inenvisageable.
ce que sera le résultat et le temps qui sera nécessaire pour y parvenir. Chacun des auteurs a développé, dans son niveau de compétence,
Cela mène parfois à renoncer à la prouesse technique, pour se les principes qui paraissent les plus importants.
résoudre précocement à effectuer une amputation. Des notions d’appareillage sont exposées dans chaque rubrique afin
de donner au chirurgien des éléments pour optimiser son geste et
Sans minimiser l’impact psychologique, l’amputation est, de nos pour renseigner au mieux son patient sur les suites. Une stratégie
jours, pour les patients actifs, plus un passage vers une situation opératoire efficiente ne se conçoit en effet que dans le cadre d’une
fonctionnelle différente qu’un geste destructeur. étroite collaboration avec les médecins appareilleurs.
Pour les sujets vasculaires, la technique dite « à moignon fermé »,
permet un nombre important de cicatrisations en première intention. Remerciements pour sa précieuse collaboration au docteur Patricia Ribinik, médecine physique
On ne peut occulter cependant, pour les sujets les plus âgés, et réadaptation, centre hospitalier de Gonesse.
2
44-103
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-103
Amputations et désarticulations
des membres
P Anract
A Camilleri
JY Larivière
Prise en charge du patient avant,
R Terracher
D Ménager
pendant et après l’intervention
G Chiesa Résumé. – Se trouver en situation de décider une amputation ou une désarticulation peut poser à tout
N Vassilief opérateur différents problèmes. Ceux-ci sont évoqués successivement et concernent les étapes qui précèdent,
entourent et suivent l’acte chirurgical.
L’information du patient et/ou de sa famille débute ce processus. Elle est indispensable, objective, adaptée au
contexte pathologique. Elle respecte la psychologie du patient et permet en règle d’obtenir un consentement.
L’anesthésie et l’antalgie sont souvent des aspects concrets qui préoccupent en sus le patient. Accéder à une
antalgie efficace est de nos jours un objectif licite et recommandé, mais c’est aussi sans doute un des moyens
efficaces qui concourt à diminuer ou à éviter l’évolution vers l’algohallucinose.
Quel que soit le contexte ou le site d’amputation, certaines règles techniques générales sont à respecter et
définissent les bases de la chirurgie d’amputation.
Une fois l’intervention réalisée, le plus souvent le patient entre dans une phase de rééducation. Celle-ci est
précoce et constitue la première étape de la réadaptation qui autorise, grâce à l’appareillage, la récupération
fonctionnelle.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Aspect psychologique [3, 8, 15, 23, 24] intervient le plus tôt possible dans la prise en charge du futur opéré.
Une amputation imposée au patient sans lui laisser le temps de
l’accepter est probablement nocive et favorise la survenue du
L’environnement psychologique dans lequel se déroule le symptôme du membre fantôme.
« sacrifice » d’un membre revêt une grande importance pour le vécu La prise en charge psychologique des patients lors d’une amputation
de la situation nouvelle qu’est l’amputation, tant pour son ne requiert pas de connaissances élaborées en psychiatrie et en
acceptation que pour la prévention du syndrome douloureux. psychologie, mais simplement du bon sens et du temps afin
Deux situations peuvent se rencontrer : d’écouter et d’expliquer.
Elle est le reflet du respect que le chirurgien doit avoir vis-à-vis de
– l’amputation se discute dans le cadre de l’urgence extrême avec,
son patient. Parallèlement, un soutien psychiatrique ou
parfois, un patient inconscient. Il faut informer le patient, quand
psychologique peut être proposé au patient s’il le souhaite.
cela est possible, ou à défaut un membre de sa famille. L’indication
Cette préparation paraît fondamentale et représente l’essentiel de la
d’amputation dans cette situation doit être solidement étayée par
prévention pour éviter la survenue d’un membre fantôme
des arguments cliniques et radiologiques conservés dans le dossier
douloureux.
médical et si possible des documents photographiques ;
– de façon plus habituelle, cette intervention est programmée. Le
praticien a alors le temps d’informer le patient ; cette discussion Anesthésie et antalgie [1, 2, 6, 10, 11, 12, 13, 18, 19, 20, 21]
Toute référence à cet article doit porter la mention : Anract P, Camilleri A, Larivière JY, Terracher R, Ménager D, Chiesa G et Vassilief N. Amputations et désarticulations des membres. Prise en charge du patient avant, pendant et
après l’intervention. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-103, 2000, 6 p.
Amputation et désarticulations des membres.
44-103 Techniques chirurgicales
Prise en charge du patient avant, pendant et après l’intervention
Le membre fantôme douloureux ou « algohallucinose des amputés » recouvert d’une peau certes de bonne qualité, mais surtout sensible.
réalise un syndrome algique complexe du membre absent et pose la Faire abstraction de cet élément conduirait à des complications lors
question d’une véritable inscription douloureuse dans le système de l’appareillage, du fait de l’apparition de lésions cutanées en
nerveux central. La physiopathologie de ce syndrome qui fait territoire insensible. Celles-ci risquent d’évoluer rapidement vers de
intervenir de très nombreuses structures nerveuses, de l’étage larges zones d’ulcération.
supérieur cortical jusqu’aux éléments les plus distaux comme les
nerfs périphériques, rend le traitement d’autant plus complexe. Potentiel de cicatrisation
Celui-ci est multipolaire et associe des méthodes très variées, Il est lié au contexte vasculaire, apprécié par le bilan clinique et par
psychosomatiques et pharmacologiques, adaptées à chaque les investigations contributives à la décision, telles que le doppler
situation. La durée des différents traitements est très variable et peut ou la pression transcutanée d’oxygène (TcPO2). L’état nutritionnel
conduire, pour quelques rares patients, à un traitement à vie. est également un élément pronostic important, il est jugé sur le
dosage de la protidémie, de l’albuminémie, ainsi que sur le nombre
de lymphocytes, des chiffres respectivement inférieurs à 60 g/L,
Bases de la chirurgie d’amputation 30 g/L, 1 500 lymphocytes sont des données péjoratives.
L’équilibration de la glycémie chez le diabétique est enfin
indispensable [5].
DÉFINITION
Quelle qu’en soit la cause, l’amputation reste de nos jours un acte Tracé des incisions
lourd dans ses conséquences, tant psychologiques que physiques.
Il est effectué en début d’intervention à l’aide d’un crayon
Elle traduit l’échec des traitements médicaux et conservateurs face à
dermographique. Cette étape préalable est nécessaire car elle oblige
une pathologie donnée, mais ne concrétise pas pour autant l’entrée
à envisager les problèmes que l’on souhaite maîtriser, et contraint à
dans une phase d’abandon ou de renoncement. Elle peut se discuter
imaginer la forme définitive que l’on va tenter de donner au
tandis qu’évolue une autre pathologie, elle-même source
moignon.
d’inquiétude. Si la réalisation technique s’apparente à un geste
réputé facile, faisant appel à un matériel simple, plusieurs règles Maniement des téguments
doivent être respectées. L’acte opératoire n’est pas délégué aux plus
jeunes, car il requiert maîtrise technique et minutie. Les plus extrêmes précautions sont requises, d’autant que l’on se
trouve en contexte vasculaire. Les mêmes règles qu’en chirurgie
plastique prévalent et amènent à mobiliser les valves cutanées
UTILISATION DU GARROT manuellement, en évitant l’utilisation des pinces à griffe. Les valves
De type pneumatique, il est placé à la racine du membre. Son usage peuvent aussi être maintenues par des fils montés sur pinces-
est parfois facilité par l’utilisation d’un garrot stérile. En repères. Les qualités mécaniques et le degré de vascularisation des
cancérologie, mais aussi en présence d’une pathologie infectieuse, le téguments sont évalués.
garrot est gonflé après surélévation du membre, sans utilisation de
bande d’Esmarch. Son utilisation est proscrite quand existe une ¶ Muscles
souffrance tissulaire. C’est le cas dans les causes vasculaires, mais
aussi dans certaines situations traumatiques. Exposition et examen
Leur abord reste limité à la réalisation technique souhaitée. Les
dissections étendues aggravent la dévascularisation et favorisent les
INSTALLATION
collections hématiques ou infectieuses.
Il n’y a pas de standard défini. Elle est pensée et effectuée pour aider Un examen minutieux renseigne sur l’aspect, la coloration, la
à la réalisation des différents gestes prévus. Le badigeonnage contractilité. Les tissus musculaires jugés non ou mal vascularisés
extensif est débuté sur le site prévu de l’amputation, puis étendu au sont excisés, pour ne laisser que des fibres bien vivantes.
restant du membre, en terminant par la zone la moins propre. En
contexte infectieux, la partie septique du membre est exclue, pour Muscles et moignon
diminuer le risque contaminant, en l’enfermant dans une chaussette
plastifiée. En regard du site d’amputation, les muscles n’ont aucune utilité
fonctionnelle, puisqu’ils n’ont plus de cible effectrice. Ils améliorent
la trophicité globale du moignon et en capitonnent la partie la plus
PROTOCOLE OPÉRATOIRE distale. Ils sont ajustés par excisions itératives. Cette excision conduit
Plusieurs recommandations sont apportées selon les éléments à raccourcir les muscles à la longueur utile, mais aussi à les
anatomiques auxquels on s’adresse, qu’il s’agisse des téguments, des désépaissir, plutôt par leur face profonde, afin de respecter les
muscles, de l’os, des vaisseaux ou des nerfs. aponévroses superficielles et la vascularisation fasciocutanée.
2
Amputation et désarticulations des membres.
Techniques chirurgicales 44-103
Prise en charge du patient avant, pendant et après l’intervention
– elles s’opposent à certaines déformations liées aux déséquilibres Capillaires
musculaires occasionnés par l’amputation elle-même, notamment à
Ils sont souvent bien visibles au niveau des tissus et attestent de la
la cuisse ;
qualité de la vascularisation. Il faut les mettre à l’abri d’une
– elles contribuent à diminuer les douleurs fantômes, ainsi que les compression ultérieure, source d’ischémie localisée, en évitant les
contractions musculaires involontaires douloureuses, lors de la suffusions hémorragiques et hématomes, par une hémostase
station debout et de la marche ; soigneuse et un drainage satisfaisant. Un pansement trop serré, en
– elles ne nécessitent pas de modification du protocole de particulier chez les patients vasculaires, est contre-indiqué.
rééducation.
Elles sont cependant contre-indiquées en présence d’une infection, Hémostase
d’une atteinte musculaire ischémique ou de toute autre circonstance À toutes les étapes de l’intervention, et notamment après la levée
qui peut éventuellement nuire à la cicatrisation. du garrot, elle est réalisée avec soin. Elle est effectuée, selon le calibre
des vaisseaux, soit par ligature, soit par coagulation au bistouri
¶ Squelette
électrique, à l’aide d’instruments fins. Garante de suites simples, elle
Longueur diminue le saignement postopératoire et le risque d’hématome,
Le squelette constitue la structure rigide du segment de membre améliore indirectement la microcirculation tissulaire, abaisse le taux
restant. Il lui faut donc transmettre à l’appareillage les différentes de surinfection.
forces qui permettent au patient de récupérer le mouvement et de
¶ Nerfs
restaurer la fonction. Pour un segment de membre donné, plus le
squelette est long, meilleur est le résultat fonctionnel. Malgré les Indépendamment des gros troncs nerveux, que l’on identifie
progrès réalisés en matière d’appareillage, on ne peut améliorer la aisément, il faut repérer les nerfs à visée sensitive, dont certains
transmission des forces lorsque la longueur du bras de levier est cheminent dans l’espace cellulaire sous-cutané. Ces deux types de
insuffisante. nerfs nécessitent un traitement identique, car ils peuvent être à
Garder le plus long possible, c’est aussi savoir composer avec les l’origine de névromes douloureux. Beaucoup de choses ont été dites
nécessités qui conduisent à l’amputation. ou écrites sur l’attitude qu’il convient d’avoir chirurgicalement à
En chirurgie cancérologique, la détermination du niveau de section propos des nerfs [22].
osseuse est liée, entre autres données, au type de la tumeur, à Un nerf sectionné évolue constamment vers un névrome, qui
l’importance de l’envahissement. Il est très important de respecter correspond au mode de cicatrisation habituel. Celui-ci doit être situé
la stratégie définie, afin d’être carcinologiquement efficace. en dehors des zones de contrainte. Il faut éviter de placer la tranche
En traumatologie, il faut amputer au foyer distal, lorsqu’on se trouve de section nerveuse près de l’extrémité osseuse, dans un site qui
en présence d’une fracture bifocale, ou recourir à un artifice risque d’évoluer vers un tissu scléreux ou cicatriciel, soumis aux
plastique de recouvrement, devant un squelette dénudé. sollicitations mécaniques.
Ce principe, qui concerne la longueur, trouve cependant quelques Le nerf concerné est libéré sur quelques centimètres, attiré vers le
exceptions, notamment au niveau de l’arrière-pied. bas, puis coupé nettement, le plus haut possible, à l’aide d’une lame
de bistouri froid. Le tronc restant se rétracte à l’intérieur des tissus.
Préparation de l’extrémité osseuse Pour les gros troncs nerveux, une hémostase fine ou une ligature de
La section osseuse est réalisée à l’aide d’une scie qui peut être l’artère centrale du nerf est utile, afin d’éviter un saignement
simple, de Gigli ou motorisée. L’extrémité osseuse est traitée afin préjudiciable.
d’être la moins agressive. Elle est débarrassée des spicules Lors de la section d’un nerf, et quelle que soit la modalité
menaçants ; elle est parfois poncée, arrondie, afin de réaliser, en d’anesthésie ou d’analgésie, le cerveau recevrait une information
association avec l’ensemble des tissus, un complexe distal nociceptive dont il conserverait une trace. Pour éviter cet
fonctionnel. L’abrasion des arêtes osseuses est effectuée à l’aide inconvénient, il est recommandé soit d’infiltrer le périnèvre
d’une pince-gouge, d’une scie ou d’une râpe. La poussière d’os est préalablement à sa section par un anesthésiant à base de lidocaïne,
éliminée par un lavage au sérum physiologique. soit d’intervenir sous bloc nerveux [22]. Cette modalité diminuerait
L’attitude par rapport au périoste n’est pas univoque. Certains l’usage des antalgiques en postopératoire et abaisserait la fréquence
préfèrent le réséquer afin d’éviter la survenue d’ossifications, de l’algohallucinose [1, 7, 14, 16].
d’autres recommandent d’en conserver des lambeaux pour les
suturer en bout de squelette. Dans cette dernière éventualité, ils
peuvent être difficiles à individualiser, car réduits à une très fine DRAINAGE ET FERMETURE
membrane, en particulier chez le sujet âgé.
¶ Drainage
En cas de désarticulation, bien que les avis ne soient pas
convergents, la tendance actuelle est plutôt de garder le cartilage. Différentes attitudes sont rencontrées. Si l’absence de drainage est
licite en présence d’une chirurgie propre, limitée, avec décollements
¶ Vaisseaux
peu importants et effacement de tous les espaces par des points
On distingue les pédicules principaux à destinée distale, les d’affrontement, ailleurs la sécurité prime et impose d’assurer
pédicules nourriciers des différents tissus, enfin les capillaires l’élimination des sérosités.
intratissulaires. Dans une ambiance propre, et pour peu que le saignement soit
Pédicules principaux minime, le drain de Redon est une bonne solution. À l’opposé, s’il
existe un doute infectieux ou si une hémostase défectueuse a laissé
Selon le niveau d’intervention, le calibre des vaisseaux est plus ou persister un saignement, il faut mettre en place une lame de Delbet
moins important. Lorsque le calibre le permet, il faut disséquer en séton. Le moignon « laissé ouvert » correspond au mode de
l’artère et la veine et ligaturer l’extrémité des deux types de drainage le plus avancé. Responsable de séquelles dystrophiques
vaisseaux séparément au fil non résorbable, à l’aide d’un nœud de tissulaires, il est réservé aux étiologies infectieuses et vasculaires.
Meunier. Si le calibre des vaisseaux n’autorise pas une dissection
séparée, ceux-ci sont ligaturés ensemble. ¶ Fermeture cutanée
Pédicules nourriciers Non systématique, elle est cependant à privilégier. Elle permet
En amont du site d’amputation, quelle que soit leur destinée, ils l’évolution rapide vers une cicatrice fine, peu adhérente, très
sont respectés par une dissection minutieuse, économe et réduite à avantageuse, en vue de l’appareillage ultérieur. Elle est recherchée
ce qui est indispensable. dès que l’on se trouve dans des conditions de sécurité.
3
Amputation et désarticulations des membres.
44-103 Techniques chirurgicales
Prise en charge du patient avant, pendant et après l’intervention
1 Amputation transtibiale. Pansement. Schéma du
bandage réalisé avec des bandes de crêpe de 15 cm de large.
Le genou est en extension.
A. Débuter au-dessus du genou.
B. Faire deux aller-retour, avec une bande sous ten-
sion.
C. Terminer le pansement, en partant de l’extrémité
du moignon et en remontant des tours de bande
jusqu’au-dessus du genou.
3
*
A
1
*
B *
C
RADIOGRAPHIE POSTOPÉRATOIRE
Elle est réalisée en postopératoire et avant le départ en centre.
Ce document peut avoir une utilité médicolégale et est nécessaire
aux médecins appareilleurs lors de la première consultation.
PANSEMENT
Il est confortable pour le patient, absorbant pour les exsudats, stable
sur le moignon, réalisé pour être le moins douloureux lors de son
ablation. Après l’antisepsie cutanée, selon le type de fermeture
effectuée, on applique directement sur la zone opératoire des
1 3
compresses sèches ou vaselinées. Des pansements absorbants sont
ensuite apposés pour envelopper toute la partie distale du moignon.
Lorsqu’une lame a été mise en place, les compresses circonscrivent 2
ses extrémités, qui sont ensuite enfouies dans les pansements 1
absorbants. Des tours de bandes de crêpe, serrés modérément,
complètent le pansement (fig 1, 2). Le pansement est terminé par
l’application d’une contention tubulaire élastique en filet. Le patient *
A *
B
est installé dans son lit, le moignon en légère surélévation.
a
Prise en charge postopératoire
Débutée rapidement après l’intervention, elle s’évertue à prévenir
l’apparition des troubles orthopédiques et des complications liés au b
décubitus. Un intérêt particulier est porté lors du renouvellement
des pansements, à la réalisation d’une contention, modérément
compressive, par bande de crêpe. Une contention plus puissante,
assurée par un bandage élastique, est proscrite du fait des risques c
encourus, liés à un serrage excessif. Le rôle de ce bandage est
important et son utilisation quasiment constante permet de :
– diminuer l’œdème ;
– limiter, voire faire disparaître les douleurs ;
– faciliter la cicatrisation ;
*
C *
D
– préparer à l’appareillage ultérieur.
2 Amputation transfémorale. Pansement. Schéma du bandage réalisé avec des ban-
des de crêpe de 15 cm de large.
DE L’INTERVENTION AU PREMIER LEVER A. Débuter à la racine de la cuisse.
B. Faire deux aller-retour, avec une bande sous tension.
C. Terminer le pansement, en partant de l’extrémité du moignon et en remontant
¶ Installation du patient jusqu’à la racine de la cuisse.
Elle se fait en règle en décubitus dorsal. La traction continue qui D. Si le moignon est bref, passer le bandage en spica autour de la taille, avec effet
de rappel en extension.
était préconisée auparavant n’est plus utilisée. Lorsqu’il n’y a pas
4
Amputation et désarticulations des membres.
Techniques chirurgicales 44-103
Prise en charge du patient avant, pendant et après l’intervention
de composante vasculaire péjorative, la partie inférieure du lit est
surélevée afin de faciliter le drainage, le moignon est posé à plat sur 3 Amputé transfémoral au cours d’une
compétition sportive.
le plan du lit. L’articulation sus-jacente au moignon est l’objet d’une
attention particulière, afin d’éviter la survenue d’une attitude
vicieuse qui serait de nature à compromettre le résultat final de
l’appareillage. De ce point de vue, l’utilisation de coussins placés
sous le moignon est proscrite, notamment pour le niveau transtibial.
¶ Récupération
Elle consiste en soins locaux et intéresse le recouvrement de la force
musculaire grâce à des méthodes d’éveil et de renforcement. Un gain
progressif sur les amplitudes articulaires est recherché pour préparer
le membre lésé à supporter les contraintes qui accompagneront le
début de l’appareillage. La mobilisation est fréquente, au début
passive puis assistée, de moins en moins, jusqu’à l’obtention de
mouvements actifs. Il faut s’assurer régulièrement de la récupération
d’une amplitude articulaire satisfaisante sur les articulations sus-
jacentes à l’amputation.
Références ➤
5
Amputation et désarticulations des membres.
44-103 Techniques chirurgicales
Prise en charge du patient avant, pendant et après l’intervention
Références
[1] Bach S, Noreng MF, Tjellden NU. Phantom limb pain in [9] Gottschalk F. Transfemoral amputation. Biomechanics and [16] Melzack R. Phantom limbs. Sci Am 1992 ; 266 : 120-126
amputees during the first 12 months following limb ampu- surgery. Clin Orthop 1999 ; 361 : 15-22
tation, after preoperative lumbar epidural blockade. Pain [17] Murdoch G. Myoplastic techniques. Bull Pros Res 1968 ; 4 :
1988 ; 33 : 297-301 [10] Jensen TS, Krebs B, Nielsen J, Rasmunsen P. Phantom limb, 9-10
[2] Bromage PR, Melzach R. Phantom limbs and the body phantom pain and strump pain in amputees during the
first 6 months following limb amputation. Acta Neurol [18] Ollat H. Traitement pharmacologique de la douleur neuro-
schema. Can Anesth Soc 1974 ; 21 : 267-274
Scand 1984 ; 17 : 243-256 pathique. Rev Neurol 1992 ; 148 : 521-531
[3] Buckman R. Breaking bad news - Why is it still so difficult? Br
Med J 1984 ; 288 : 1597-1599 [11] Jensen TS, Krebs B, Nielsen J, Rasmunsen P. Immediat and [19] Parkes M. Factors determining the persistence of phantom
[4] Burgess EM, Romano RL, Zettl JH. The management of long term phantom limb pain in amputees: incidence, clini- pain in amputee. J Psychosom Res 1973 ; 17 : 97-108
lower-extremity amputations. Surgery. Immediate post- cal characteristics and relationship to pre-amputation. Pain
surgical prosthetic fitting. Patient care. First edition 1969. 1985 ; 21 : 267-278 [20] Sherman RA. Published treatments of phantom limb pain.
Revised edition 1996 for the world wibe web. Washing- Am J Phys Med 1980 ; 59 : 232-244
ton : Prosthetic and sensory aids service. Department of [12] Katz J, Melzack R. Pain “memories” in phantom limbs
veterans affairs, 1996, http://weber.u.washington.edu review and clinical observations. Pain 1990 ; 43 : 319-336 [21] Sherman RA, Tippens JK. Suggest guidelines for treatment
of phantom limb pain. Orthopedics 1982 ; 5 : 1595-1600
[5] Early JS. Transmetatarsal and midfoot amputations. Clin [13] Katz J, Vaccarino AL, Coderre TJ, Melzack R. Injury prior to
Orthop 1999 ; 361 : 85-90 neurectomy alters the pattern of anatomy in rats. Anesthe- [22] Smith DG, Fergason JR. Transtibial amputations. Clin
[6] Easson WM, Sask S. Body image in children. Arch Gen Psy- siology 1991 ; 75 : 876-883 Orthop 1999 ; 361 : 108-115
chiatry 1961 ; 4 : 619-621
[14] Malawer MM, Buch R, Khurana JS, Garvey T, Rice L. Post- [23] Tomeno B, Anract P. Amputations pour tumeurs. Amputa-
[7] Fisher A, Meller Y. Continuous postoperative regional anal- operative infusional continuous regional analgesia - a tech- tions du membre inférieur. In : Appareillage et rééduca-
gesia by nerve sheath block for amputation surgery: a pilot nique for relief of postoperative pain following major tion. Paris : Masson, 1996 : 41-48
study. Anesth Analg 1991 ; 72 : 300-303 extremity surgery. Clin Orthop 1991 ; 266 : 227-237
[8] Fisher K, Hanspal RS. Phantom pain, anxiety, depression, [24] Tomeno B, Anract P, Ouaknine M. Psychological manage-
and their relation in consecutive patients with amputated [15] Marsden F. Amputation: surgical technique and postop- ment, prevention and treatment of phantom pain in ampu-
limbs: case reports. Br MedJ 1998 ; 316 : 903-904 erative management. Aust N Z J Surg 1977 ; 47 : 384-392 tations for tumours. Int Orthop 1998 ; 22 : 205-208
6
44-106
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-106
Amputations et désarticulations
des membres
E Masmejean
M Ouaknine
P Valenti
Membre supérieur
Résumé. – Les amputations ou désarticulations au membre supérieur sont principalement le fait de la
A Camilleri
traumatologie. Membre de la préhension, de la relation aux choses et à autrui, enfin de l’expression, sa
G Chiesa
mutilation est lourde de conséquences, tant fonctionnelles que psychiques, quand on connaît la symbolique
puissante qui y est attachée. Sa fonction esthétique est essentielle.
Confronté à l’atteinte d’une partie plus ou moins importante du membre supérieur, le chirurgien va tenter de
conserver ou de rétablir une forme de préhension. Il essaye également de respecter, autant que faire se peut,
l’aspect esthétique.
Les différents sites lésionnels sont étudiés de distal en proximal. La main, « organe noble » par excellence, est
traitée en détail. L’atteinte de chaque doigt est envisagée, selon le niveau lésionnel, pour ses conséquences
ainsi que pour les possibilités de reconstruction éventuellement permises.
L’appareillage est évoqué pour chaque niveau. Sa fonctionnalité est en retrait sur ce que l’on est en mesure
d’attendre. La prothèse du membre supérieur, même de type myoélectrique, ne permet qu’une préhension
rudimentaire, insensible, qui en fait un outil d’appoint destiné à venir en aide à la main saine.
Les désarticulations à la racine du membre supérieur sont en règle liées à une pathologie tumorale. L’acte
chirurgical est conséquent et les séquelles importantes. La technique et les possibilités d’appareillage sont
décrites.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Emmanuel Masmejean : Chirurgien, assistant des Hôpitaux, chef de clinique à la Faculté, département de
chirurgie du membre supérieur et de la main (professeur JY Alnot), hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard,
75877 Paris cedex 18, France.
Mikaël Ouaknine : Chirurgien, attaché plein temps, chirurgie orthopédique B (professeur B Tomeno),
hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.
Philippe Valenti : Chirurgien, institut de la main, clinique Jouvenet, 6, square Jouvenet, 75016 Paris, ANESTHÉSIE ET INSTALLATION
France.
Antoine Camilleri : Chirurgien, praticien hospitalier, chef de service, chirurgie orthopédique, centre L’installation est classique, en décubitus dorsal sur table ordinaire
hospitalier de Gonesse, 25, rue Pierre-de-Theilley, 95500 Gonesse, France.
Gérard Chiesa : Médecin, chef de service, centre de rééducation et d’appareillage, 2, rue du Parc,
équipée d’une table à bras, un garrot pneumatique à la racine du
94460 Valenton, France. membre. En cas d’indication septique, la contre-indication à
Toute référence à cet article doit porter la mention : Masmejean E, Ouaknine M, Valenti P, Camilleri A et Chiesa G. Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur – Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et
Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-106, 2000, 15 p.
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
2
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
3
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
5 Amputation proximale de
l’index par voie dorsale.
A. Incision cutanée en
« raquette ». Vues dorsola-
térale et palmaire.
B. Transfert de l’extensor
indicis et ostéotomie obli-
que proximale de la base
du deuxième métacarpien.
C. Réinsertion du premier
interosseus dorsale sur le
deuxième interosseus dor-
sale avec capitonnage du
moignon osseux.
*
B
*
A
*
C
extrémité(s) distale(s). L’insertion du fléchisseur superficiel est manche d’outil sans diminuer de façon notable la force chez le
respectée si elle est présente, en cas d’amputation à la partie travailleur manuel. Ces arguments sont importants et interviennent
moyenne de la deuxième phalange (P2). La section proximale des dans les indications. L’amputation à la base du deuxième
tendons fléchisseurs permet d’éviter toute adhérence tendineuse métacarpien ou amputation de Chase assure une ouverture
locale et prévient la survenue d’un déséquilibre fléchisseur/ maximale de la commissure pouce-médius. L’« indexalisation » du
extenseur car chaque phalange a sa commande motrice propre. Il ne médius conduit à une meilleure intégration et utilité du doigt, mais
faut pas suturer ensemble fléchisseurs et extenseurs car cela donne diminue la force globale de la main, surtout en pronation [8, 29]. La
un moignon en flessum, non fonctionnel, avec souvent un syndrome dextérité de la main est grandement améliorée et son aspect est plus
du quadrige (par analogie aux chars romains attelés de quatre esthétique.
chevaux de front : si une des rênes se coince, le conducteur perd la
possibilité de diriger correctement les trois autres chevaux ; de Amputation à la base du deuxième métacarpien
même, si un fléchisseur est fixé, les trois autres ont une force et une ou amputation de Chase [8]
amplitude limitées).
• Protocole opératoire
• Temps osseux – Temps cutané.
Il est nécessaire de réséquer les condyles latéraux pour obtenir une L’incision est le plus souvent dorsale afin d’éviter une cicatrice
extrémité distale régulièrement arrondie, et non en « massue ». palmaire potentiellement gênante, elle circonscrit en « raquette » la
base de l’index (fig 5A). Elle est néanmoins parfois palmaire pour
• Fermeture des raisons esthétiques [14].
– Temps tendineux et osseux.
La suture cutanée dorsalisée fait que la néopulpe est reconstituée
Par voie dorsale, l’appareil extenseur est sectionné. Le tendon
avec la peau palmaire sensible.
extensor indicis est sectionné en amont de l’articulation
¶ Zone III (fig 4) métacarpophalangienne, puis transféré sur le tendon extensor
digitorum destiné au médius par une suture latérolatérale.
Elle s’étend de la tête de P1 à la base du métacarpien. En urgence, il L’adductor pollicis est désinséré du deuxième métacarpien et la
faut conserver le moignon le plus long possible. En secondaire, le section osseuse de la base est oblique en bas et en dehors, en
problème posé concerne la conservation d’un moignon court conservant l’articulation carpométacarpienne (fig 5B). Les tendons
d’index, à la base de P1 ou à plus forte raison à la tête du fléchisseurs sont sectionnés en proximal, poignet en flexion. Le
métacarpien. L’amputation à la base du métacarpien est alors tendon terminal du premier interosseus dorsale est suturé au tendon
l’alternative. Les arguments en faveur de la conservation sont de du deuxième interosseus dorsale (fig 5C), sans tension, de manière à
garder le maximum de largeur à la main et un appui pour un éviter un syndrome intrinsèque avec flessum MCP et tendance au
4
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
II
III
5
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
II
III
*
A *
B
Amputation du médius avec ostéotomie intracarpienne L’amputation du quatrième doigt altère le doigt qui forme l’arche
palmaire avec l’auriculaire. Grâce à la mobilité de son métacarpien,
Ces différentes raisons ont guidé plusieurs auteurs vers d’autres il fait partie de la portion adaptable de l’arche métacarpienne.
voies [16, 33], qui ont adapté la technique d’ostéotomie intracarpienne
de Le Viet [17, 18] à la transposition de l’index. ¶ Zone I (fig 9)
• Protocole opératoire Les troubles sont modérés mais la prise multipulpaire est altérée.
6
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
10 Translocation de l’auricu-
laire par ostéotomie intracar-
pienne selon Le Viet.
A. Résultat esthétique en
extension.
B. Résultat en flexion avec
enroulement complet des
doigts sans trouble de
rotation.
C. Résultat radiographi-
que.
*
B
*
A *
C
une limitation de la mobilité. Mais les résultats sur un très long recul sont réalisées au ciseau à frapper (lame de Pauwels) et régularisées
sont bons, sans aucune répercussion fonctionnelle du carpe. à la pince gouge. La résection doit emporter un peu plus d’os en
– Steichen [38] rapporte de bons résultats après résection simple du avant afin de ne pas modifier la concavité antérieure du condyle
quatrième métacarpien et c’est également notre expérience. Van carpien. Un davier rapproche les deux métacarpiens et le ligament
Overstraeten et Foucher [43] rapportent une étude comparative des intermétacarpien est suturé provisoirement. À ce stade, il importe
résections du quatrième métacarpien et des translocations selon Le de vérifier le bon positionnement de l’auriculaire, de face, main à
Viet, et donnent une préférence à la translocation avec ostéotomie plat et surtout en flexion des doigts. L’ostéotomie était fixée
intracarpienne. Récemment, nous avons fait état [21] de notre initialement par une vis, oblique en haut et en dehors. Actuellement,
expérience de l’amputation transmétacarpienne du quatrième rayon. l’auteur préfère l’ostéosynthèse par deux microagrafes à cheval sur
La technique est relativement simple, « anatomique », les résultats l’interligne hamatocapitatum, de réalisation beaucoup plus simple
sont bons. et donnant une synthèse solide. Un contrôle radiographique
peropératoire est utile. Après fixation, les faces latérales des bases
Translocation de l’auriculaire par ostéotomie intracarpienne de M3 et de M5 sont rapprochées, sans mise en contact afin d’éviter
selon Le Viet tout risque de mobilité douloureuse.
– Fermeture.
L’ostéotomie intracarpienne décrite par Le Viet [17, 18] a, selon son
Elle concerne la capsule articulaire et l’aponévrose des muscles
auteur, l’avantage de ne pas perturber le jeu des interosseux et de
interosseux. Réfection du ligament intermétacarpien et de la
conserver la mobilité carpométacarpienne. Cette technique ne
bandelette intertendineuse entre les extenseurs des troisième et
modifie pas le bord ulnaire de la main par rapprochement en masse
cinquième doigts.
du cinquième rayon et permet une rééducation précoce (fig 10).
• Phase postopératoire
• Protocole opératoire
Une immobilisation antalgique par attelle antibrachiopalmaire est
– Temps cutané. nécessaire pendant 2 semaines. La mobilisation des segments
Incision dorsale centrée sur le quatrième rayon emportant la totalité digitaux débute immédiatement sous couvert d’une syndactylie 3-5.
de la quatrième commissure en passant par le fond de la troisième, La consolidation est obtenue en 45 jours à 3 mois.
afin de reconstruire une troisième néocommissure sans traction
cutanée. Résection du quatrième rayon
– Temps dorsal. C’est la résection du quatrième métacarpien à sa base avec résection
Section des bandelettes tendineuses au ras du tendon du quatrième des interosseux correspondants [21]. La conservation de la base
extenseur afin de reconstruire, en fin d’intervention, une bandelette permet de ne pas modifier les rapports articulaires et de ne pas
entre l’auriculaire et le médius. Section haute de l’extenseur. altérer le carpe. Il importe de reconstituer le ligament
intermétacarpien entre le troisième et le cinquième métacarpien, ce
– Temps osseux et palmaire. qui permet le rapprochement du cinquième métacarpien mobile,
Désarticulation du moignon avec ligature des pédicules et section évitant les troubles de rotation et les divergences 3/5 (fig 11).
haute des fléchisseurs. Les nerfs intermétacarpiens sont sectionnés
et coagulés haut sous le retinaculum des fléchisseurs. Certains • Protocole opératoire
proposent de les enfouir dans les muscles interosseux [18] . La
désarticulation proprement dite est menée de distal en proximal – Temps cutané.
avec un temps délicat de libération antérieure sans effraction de la L’incision, débutée en zigzag palmaire, résèque un triangle brisé à
capsule. base distale. Dorsalement, une excision en « V » est réalisée.
– Ostéotomie. – Temps vasculonerveux et tendineux.
La capsule dorsale est incisée de bas en haut entre l’hamatum et le Les artères digitales sont ligaturées à leur origine. Les nerfs digitaux
capitatum, en remontant vers l’articulation médiocarpienne. Il est sont disséqués très haut afin d’être réséqués sous le retinaculum des
souvent utile d’ouvrir la partie inférieure du retinaculum dorsal. fléchisseurs. Les tendons fléchisseurs sont sectionnés après traction
L’ostéotomie dessinée à la face postérieure de l’hamatum se fait maximale. Le ligament métacarpien transverse profond, les muscles
selon une ligne perpendiculaire à la base de M5 au bord latéral de lombricaux et les interosseux sont identifiés.
celle-ci. Sur le capitatum, elle emporte la partie en dedans d’une – Temps osseux.
ligne parallèle au bord médial de la diaphyse de M3. Ces coupes La coupe osseuse est réalisée à la scie oscillante au niveau de la
7
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
11 Amputation du quatrième rayon avec conservation 12 Cinquième doigt : les trois zones
de la base du quatrième métacarpien. Reconstruction d’amputation (I, II, III).
du ligament transverse intermétacarpien.
III
II V II
IV
III
8
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
Deux catégories sont distinguées, selon le respect ou non de la du complexe triangulaire et de l’articulation radio-ulnaire inférieure
colonne du pouce ; pour le reste des atteintes, toute classification est contrôlé par la parfaite liberté des mouvements de prosupination.
paraît illusoire. En cas de lésion associée de l’articulation radio-ulnaire inférieure, la
Dans un premier temps, il faut s’efforcer de conserver le maximum résection de la tête de l’ulna peut être indiquée.
de longueur sur l’ensemble des segments amputés. La récupération La stabilisation ulnaire, qui doit être parfaitement contrôlée, est
de chacun des rayons n’est pas toujours prévisible et, le plus rendue délicate par ce geste.
souvent, un ou des gestes secondaires seront nécessaires. Toutes les La fermeture est mise à profit pour modeler harmonieusement le
techniques élémentaires utilisées après amputation unidigitale moignon.
peuvent être indiquées.
Le lambeau inguinal peut être une solution d’attente s’il existe un
PHASE POSTOPÉRATOIRE
problème de couverture. Le creusement de la première commissure,
la phalangisation du pouce et la translocation de doigts Un pansement confortable, modérément compressif, est réalisé. Les
endommagés sont autant de techniques possibles et utiles. mouvements de prosupination sont encouragés dès sédation des
phénomènes douloureux.
9
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
APPAREILLAGE
Les principes évoqués pour la DDP sont applicables. Les
conséquences de l’inégalité de longueur des segments huméraux,
après appareillage, sont toutefois compensables par des artifices
d’appareillage (coude à ferrures externes, raccourcissement du
segment prothétique antébrachial...) qui permettent d’en minimiser
les conséquences tant fonctionnelles qu’esthétiques.
Amputation transhumérale
Au niveau du bras, le lambeau antérieur est plus important que le
postérieur, tant en longueur qu’en largueur, afin d’obtenir une
cicatrice distale et postérieure. L’amputation du bras ne pose pas de
problème technique particulier. Mais, à ce niveau également, un
maximum de longueur est toujours préférable. En effet, si
l’appareillage nécessite ensuite la « prise » de l’épaule, la
conservation des muscles proximaux (pectoralis major, latissimus
dorsi) permet d’utiliser une pince humérothoracique non
négligeable. Enfin, comme à l’avant-bras et si cela est possible, le
moignon est façonné afin d’être compatible avec une prothèse
13 Amputation transradio-ulnaire. Appareillage. Différents types de prothèses
myoélectriques. myoélectrique.
APPAREILLAGE
Après l’hémostase, la fermeture en deux plans, sous-cutané et
Comme dans presque toutes les amputations, il faut préserver la
cutané, se fait le plus souvent sur un drain aspiratif de Redon.
longueur squelettique la plus importante. Les composants
prothétiques disponibles à ce niveau sont encombrants et
¶ Phase postopératoire
nécessitent, si l’on veut préserver la symétrie des segments, un
Un pansement confortable, légèrement compressif, est réalisé. Les raccourcissement variable selon le type de prothèse [5, 26].
mouvements du coude et de l’épaule sont encouragés dès sédation Si le moignon est court, l’insuffisance de coaptation, et donc de
des phénomènes douloureux. La technique de « bandage » du rétention, conduit à réaliser une emboîture qui englobe l’épaule. La
moignon est rapidement apprise au patient. L’appareillage peut limitation d’amplitude articulaire qui en résulte n’a que peu
débuter à partir de la sixième semaine. Il est conduit à l’aide d’une d’incidence fonctionnelle, car l’essentiel du déficit des mobilités
prothèse provisoire d’entraînement. actives de l’épaule est lié à la brièveté de l’humérus restant.
L’adaptation d’une prothèse mécanique sur moignon court est très
¶ Appareillage difficile, car le peu de longueur du bras de levier limite la
mobilisation de l’appareil et l’importance des efforts de traction sur
Les possibilités d’appareillage sont liées d’une part à la longueur du
la câblerie.
moignon, d’autre part à l’encombrement prothétique. En prenant
En cas de prothèse myoélectrique, la contraction du triceps permet
pour repère la distance entre les coupes osseuses et l’interligne
alternativement l’ouverture de la main, la supination et l’extension
carpien, il faut, pour une prothèse esthétique 5 à10 mm, pour une
du coude, celle du biceps, la fermeture de la main, la pronation et la
prothèse mécanique 30 à 70 mm, pour une prothèse myoélectrique
flexion du coude (fig 14).
50 mm [5]. Plus l’amputation est haut située, plus les mouvements
de prosupination sont réduits. Ils sont de toute façon limités, voire
empêchés, par l’emboîture de contact, l’amputé compense cependant L’amputation d’une partie du membre supérieur, notamment d’une
assez bien par les mouvements de rotation de l’épaule. Les main, crée un déficit fonctionnel considérable, d’autant plus
dispositifs prothétiques dits « à double emboîture », ainsi que la important qu’il s’agit du côté dominant. Le préjudice esthétique est
prosupination myoélectrique lourde et encombrante, sont difficiles à majeur. Il est amplifié par la symbolique relationnelle considérable
utiliser et, en pratique, peu prescrits. liée à la main. Face à ce handicap, l’appareillage apporte une
compensation, mais reste en retrait sur ce que le patient est en
Pour les prothèses myoélectriques, la contraction des extenseurs
mesure d’espérer. Tandis qu’au membre inférieur, l’évolution
permet l’ouverture de la main et celle des fléchisseurs la fermeture.
technologique permet d’améliorer la marche et d’accéder à des
La prosupination est obtenue par un changement dans la vitesse de
performances sportives, au membre supérieur, l’appareillage même
la contraction musculaire (fig 13).
de type myoélectrique n’autorise qu’une préhension rudimentaire
En cas de moignon court, la brièveté du levier osseux occasionne insensible. Il s’agit plus d’un outil d’appoint destiné à venir en aide
des contraintes importantes sur les parties molles du moignon lors à la main saine que d’une véritable prothèse de substitution. La
de l’utilisation d’une prothèse. Par ailleurs, la forme rétentive de miniaturisation des composants électriques et des batteries, l’apport
l’emboîture enserre étroitement le coude et limite la flexion. Ces de l’électronique, l’utilisation de microcontrôleurs de préhension et
désagréments peuvent conduire à l’abandon de l’appareillage, des systèmes de feed-back, permettent d’espérer un allègement du
surtout lorsqu’il est de type myoélectrique. En effet, dans ce cas matériel et l’obtention d’une préhension plus physiologique.
viennent s’ajouter aux difficultés de maniement, liées au poids du
Enfin, l’augmentation des degrés de liberté des articulations des
matériel qui pèse sur l’extrémité du moignon, les difficultés à
doigts prothétiques et l’amélioration de la qualité des gants de
trouver sur ce moignon court les contractions musculaires
recouvrement, dotés de palpeurs sensitifs, sont des voies
exploitables par les capteurs myoélectriques.
prometteuses.
10
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
¶ Installation
Le patient est installé en décubitus dorsal avec un volumineux
coussin sous le bord spinal de l’omoplate débordant sur l’épaule
controlatérale afin de laisser la face postérieure de l’épaule libre. Le
membre supérieur, pour être mobilisable, est inclus dans le champ
opératoire. La préparation du membre obéit aux règles habituelles
de l’asepsie. L’opérateur fait face au creux axillaire.
¶ Protocole opératoire
La voie d’abord est deltopectorale, étendue à sa partie distale au
segment antérieur du « V » deltoïdien. Sur cette incision, on branche,
à sa partie médiane antérieure, une incision oblique descendant à la 16 Désarticulation de l’épaule. Exposition de la veine céphalique.
face médiale du bras et on y associe une incision horizontale
postérieure (fig 15) rejoignant la première incision. L’exposition et la
mise en rotation externe permet la section du muscle sub-scapularis
section de la veine céphalique après ligature sont réalisées en
sur le trochin. Le teres major et le latissimus dorsi sont sectionnés
premier (fig 16). Le tendon du pectoralis major (fig 17) est sectionné
avant leur insertion sur l’humérus. La capsule est ouverte d’avant
sur son insertion humérale, et le muscle est récliné en dedans. Le
en arrière (fig 20). Le membre ne tient plus alors que par le caput
« V » deltoïdien est détaché de l’humérus et le coracobrachialis est
longum du triceps brachii qui est détaché du tubercule
sectionné sur la coracoïde. On expose alors sans difficulté le paquet
sous-glénoïdien.
vasculonerveux. La dissection du pédicule est poursuivie au-delà
de l’émergence des artères circonflexes afin de conserver les deux
vaisseaux circonflexes ainsi que le nerf axillaire, et donc la vitalité ¶ Appareillage
du muscle deltoideus (fig 18). Les nerfs ulnaris, medianus, radialis L’appareillage peut être commencé dès la cicatrisation cutanée [24, 39].
et musculocutaneus sont exposés et infiltrés à la lidocaïne. L’emboîture de la prothèse englobe largement la région scapulaire
L’infiltration est effectuée en sous-épineural. La section des nerfs est pour y trouver stabilité et confort avec le concours d’un harnais. Le
réalisée quelques minutes après l’infiltration. Le pédicule axillaire positionnement de l’effecteur terminal nécessite la contribution de
est lié avant d’être sectionné, chaque élément constitutif étant deux articulations prothétiques intermédiaires, l’épaule et le coude.
ligaturé séparément (fig 19). Celles-ci sont soit myoélectriques, soit hybrides. La complexité, le
La dissection est alors poursuivie en rotation interne permettant la poids et le peu de performance de tels appareils rendent compte du
section des muscles de la coiffe, teres minor, infrasupinatus, grand nombre d’échecs rencontrés en pratique courante,
suprasupinatus sur le trochiter. Le tendon du caput longum du l’appareillage fonctionnel étant volontiers délaissé par l’amputé
biceps brachii est sectionné sur le tubercule sus-glénoïdien. La unilatéral au profit d’une prothèse de vie sociale.
11
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
12
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
21 Désarticulation interscapulothoracique.
Temps antérieur. Tracé des incisions.
¶ Protocole opératoire
La désarticulation comporte trois temps opératoires, un premier
temps antérieur, un temps postérieur et un second temps antérieur.
Voie d’abord
L’incision suit la clavicula exposant la sternoclaviculaire. Elle atteint
l’acromion dont elle contourne le bord externe. À la jonction de la
spina scapulae et de l’acromion, l’incision descend verticalement,
puis se recourbe en avant en croisant le bord inférieur du teres
major, doublé par le latissimus dorsi et le pectoralis major. Le
passage se fait à l’endroit où les tendons quittent le creux axillaire
pour se fixer sur l’humérus. Cette incision remonte en avant 22 Désarticulation interscapulothoracique. Temps antérieur. Désarticulation de la
sternoclaviculaire.
verticalement dans la direction du sillon deltopectoral, se terminant
à la partie moyenne de la clavicula (fig 21). Elle délimite deux
lambeaux, un antérieur et un postérieur, dont les dimensions sont
équivalentes, permettant la fermeture après désarticulation. Lorsque
l’envahissement tumoral est étendu en avant, on ménage un
lambeau postérieur sur le bras et inversement afin de fermer en
première intention.
Premier temps antérieur
Il comporte une désarticulation de la clavicula. L’incision de
l’aponévrose et du périoste claviculaire antérieur permet d’exposer
la face antérieure de la clavicula, puis de ruginer la face inférieure.
Il faut être prudent lors du dégagement sous-périosté de la partie
médiale de la clavicula, et en particulier de son bord inférieur en
prenant soin de ne pas blesser le confluent veineux jugulo-sous-
clavier. La désarticulation se fait en regard de la sternoclaviculaire
(fig 22). L’extrémité médiale de la clavicula est alors saisie dans un
davier permettant de dégager toute la région sous-clavière. Après
avoir effondré l’aponévrose clavipectoroaxillaire en regard du
muscle sub-clavius, on expose la totalité du plexus brachial ainsi
que l’artère et la veine sous-clavière. L’artère et la veine sont
disséquées et liées séparément (fig 23). Le temps antérieur est
complété en sectionnant le tendon du pectoralis minor sur le
processus coracoideus. Le ligament coracoacromial et le tendon
conjoint partiront avec la pièce. Le tendon du pectoralis major est
sectionné aussi près que possible de son insertion humérale. On
découvre ensuite la face antérieure de la scapula recouverte par le
muscle sub-scapularis.
Temps postérieur
L’incision de la partie externe de la clavicula descend en arrière et
permet de dégager un lambeau cutané postérieur correspondant à
la face superficielle de la région scapulaire (fig 24). Ce lambeau est 23 Désarticulation interscapulothoracique. Temps antérieur. Ligature des vaisseaux
dégagé depuis la pointe de la scapula en bas et le long du bord sous-claviers.
spinal. Le muscle trapezius est libéré de ses différentes insertions
sur la clavicula, la spina scapulae et l’acromion. La partie distale de Second temps antérieur
l’incision postérieure, les tendons latissimus dorsi et teres major sont L’aide situé à côté de l’opérateur exerce une traction en abduction,
dégagés. Le latissimus dorsi est sectionné en regard de la pointe de attirant la scapula qui ne tient plus au thorax que par les muscles
la scapula. scapulothoraciques. Ces muscles sont libérés et coupés sur le thorax.
13
44-106 Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur Techniques chirurgicales
25 Désarticulation inter-
scapulothoracique. Second
temps antérieur. Section des
muscles scapulothoraciques.
¶ Appareillage
14
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre supérieur 44-106
Références
[1] Alnot JY, Masmejean E. Amputations unidigitales des [14] Foucher G, Debry R, Braun FM, Merle M. L’abord palmaire [30] Nishijima N, Yamamuro T, Fujio K. Toe-to-finger transfer
doigts. In : Tubiana R éd. Traité de chirurgie de la main. dans l’amputation proximale du deuxième rayon de la combined with wrap-around flap: a new technique for four
Paris : Masson, 1998 : 569-578 main. Rev Chir Orthop 1982 ; 68 : 581-583 finger amputation. J Hand Surg Am 1995 ; 20 : 213-217
[2] Alnot JY, Monod A. Le lambeau rectangulaire d’avance- [15] Hung LK, Leung PC. Salvage of the ring avulsed finger in [31] O’Brien B. Neurovascular island pedicled flaps for terminal
ment palmaire dit de Moberg-O’Brien dans les pertes de heavy manual workers. Br J Plast Surg 1989 ; 42 : 43-45 amputation and digital scars. Br J Plast Surg 1968 ; 21 :
substance distales des doigts. Ann Chir Main 1988 ; 7 : 258-261
[16] Iselin F, Peze W. Ray centralisation without bone fixation
151-157 for amputation of the middle finger. J Hand Surg Br 1988 ; [32] Paquin JM, Martinet N, André JM. L’appareillage des
[3] André JM, Paquin JM, Martinet N. Appareillage et rééduca- 13 : 97-99 amputés des membres supérieurs. J Réadapt Méd 1995 ;
tion des amputés du membre supérieur. Encycl Méd Chir 15 : 90-94
[17] Le Viet D. Translocation de l’auriculaire par ostéotomie [33] Peze W, Iselin F. Amputation esthétique du médius avec
(Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), intracarpienne. Ann Chir 1978 ; 32 : 609-612
Médecine Physique-Kinésithérapie, 26-269-A-10, 1990 : ostéotomie carpienne. Ann Chir Main 1984 ; 3 : 232-236
1-18 [18] Le Viet D. La translocation de l’auriculaire par ostéotomie [34] Posner MA. Ray transposition for central digital loss. J Hand
intracarpienne. Ann Chir Main 1982 ; 1 : 45-56 Surg Am 1979 ; 4 : 242-257
[4] Bitar C, Rombouts JJ. Transposition du cinquième rayon
pour séquelle d’amputation du quatrième doigt ou lors [19] Linberg BE. Inter scapulo thoracic resection for malignant [35] Razemon JP. La transposition de l’index sur le troisième
d’amputation pour lésion tumorale du quatrième doigt. tumor of the shoulder joint region. J Bone Joint Surg 1928 ; métacarpien dans les séquelles d’amputation du médius.
Acta Orthop Belg 1979 ; 45 : 527-537 10 : 344-349 Acta Orthop Belg 1973 ; 39 : 1170-1174
[20] Louis DS. Amputations in green DP. In : Operative hand [36] Saffar P, Glicenstein J. Translocation digitale par section
[5] Blohmke F. Otto-Bock : le manuel des prothèses-orthèses
surgery. New York : Churchill Livingstone, 1993 : 53-98 oblique des métacarpiens. Ann Chir 1976 ; 30 : 897-901
pour les membres supérieurs. Berlin : Schiele und Schön,
1992, 16-55 [21] Masmejean E, Alnot JY, Couturier C, Cadot B. Résection du [37] Sears H, Rendi J. A look at myoelectric prosthetic technol-
quatrième rayon pour lésions de l’annulaire : les amputa- ogy. O & P World 1999 ; 2 : 48-52
[6] Carroll RE. Levels of amputation in the third finger. Am J [38] Steichen JB, Idler RS. Results of central ray resection without
Surg 1959 ; 4 : 477 tions du quatrième rayon de la main. Rev Chir Orthop 1997 ;
83 : 324-329 bony transposition. J Hand Surg Am 1986 ; 11 : 466-474
[7] Carroll RE. Transposition of the index finger to replace the [39] Stevenson TR, Randall J, Duus EC. Shoulder reconstruction
middle finger. Clin Orthop 1959 ; 15 : 27-34 [22] Massart P, Foucher G. Résultats des lambeaux en îlot homo-
dactyles unipédiculés. Ann Chir Main 1988 ; 7 : 158-162 following disarticulation for ruptured mycotic aneurysm.
[8] Chase A. The damaged index digit. A source of compo- Plast Reconstr Surg 1984 ; 74 : 423-426
nents to restore the crippled hand. J Bone Joint Surg Am [23] Maurer P. Amputations de l’avant-bras (de la désarticula- [40] Thaury MN, Cauquil C, Vergnettes J, DeGodebout J, Ster J,
1968 ; 50 : 1152-1160 tion du poignet à l’amputation de l’avant-bras). In : Ster F. Le point sur les prothèses myoélectriques. In : De
Tubiana R éd. Traité de chirurgie de la main. Paris : Masson, Godebout J, Simon L éd. Appareillage du membre supé-
[9] Cohen L, Bunkis J, Gorden L, Walton R. Functional assess- 1998 : 578-585
ment of ray transfert for central digital loss. J Hand Surg Am rieur. Prothèses et orthèses. Paris : Masson, 1989 : 91-98
1985 ; 10 : 232-237 [24] Merimsky O, Kollender Y, Inbar M, Chaitchik S, Meller I. [41] Tubiana R, McCullough CJ, Masquelet A. Voies d’abord
Palliative major amputation and quality of life in cancer chirurgical du membre supérieur. Paris : Masson, 1992 :
[10] Coic B, Huet-Garat J, Kouvalchouk JF. Le devenir à moyen patients. Acta Oncol 1997 ; 36 : 151-157 1-355
terme et long terme des amputés du membre supérieur.
In : De Godebout J, Simon L éd. Appareillage du membre [25] Merle M, Dautel G. La main traumatique. Paris : Masson, [42] Vail TP, Harrelson JM. Treatment of pathologic fracture of
supérieur. Prothèses et orthèses. Paris : Masson, 1989 : 1995 the humerus. Clin Orthop 1991 ; 268 : 197-202
109-114 [26] Migueles JM. Increasing upper extremity prosthetic [43] Van Overstraeten L, Foucher G. Étude comparative des
success rates. O & P World 1999 ; 2 : 55-56 résections métacarpiennes et des translocations après
[11] Duparc J, Alnot JY. Amputations unidigitales des doigts. In : amputations des doigts médians. Ann Chir Main 1995 ; 14 :
Monographie de la société française de chirurgie de la [27] Moberg E. Aspects of sensation in reconstructive surgery of 74-83
main. Les mutilations de la main. Paris : Expansion Scienti- the upper extremity. J Bone Joint Surg Am 1964 ; 46 : [44] Venkataswami R, Subramanian N. Oblique triangular flap a
fique Française, 1984 : 61-70 817-825 new methode of repair for oblique amputations of the fin-
[12] Duspiva W, Biemer E, Hanfmann B. Should a single long [28] Mouchet A, Gilbert G. Couverture des amputations distales gertip and thumb. Plast Reconstr Surg 1980 ; 66 : 296-300
finger be replanted. Handchir Mikrochir Plast Chir 1984 ; 1 : des doigts par lambeau neuro-vasculaire homodigital en [45] Wright TW, Hagen AD, Wood MB. Prosthetic usage in
31-33 îlot. Ann Chir Main 1982 ; 1 : 180-182 major upper extremity amputations. J Hand Surg Am 1995 ;
[13] Foucher G. La reconstruction après amputation traumati- [29] Murray JF, Carman W, MacKenzie JK. Transmetacarpal 20 : 619-622
que du pouce. In : Cahier d’enseignement de la société amputation of the index finger: a clinical assessment of [46] Ye Q, Zhao H, Shen J. Modified en bloc resection procedure
française de chirurgie de la main. Paris : Expansion Scienti- hand strength and complications. J Hand Surg Am 1977 ; 2 : for malignant tumor of the shoulder girdle. Chung Kuo I
fique Française, 1993 : 65-76 471-481 Hsueh Ko Hsueh Yuan Hsueh Pao 1994 ; 16 : 378-382
15
44-109
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-109
Amputations et désarticulations
des membres
A Camilleri
P Anract
G Missenard
Membre inférieur
Résumé. – Les amputations ou désarticulations sont, au membre inférieur, essentiellement liées à la
JY Larivière
pathologie vasculaire. Les causes traumatiques et tumorales sont en diminution, du fait de l’essor des
D Ménager
traitements conservateurs.
Les différents sites lésionnels sont étudiés de distal en proximal.
La stratégie à adopter à l’arrière-pied n’est pas univoque. La fonction permise par la double arthrodèse est
satisfaisante, le résultat accessible par l’intervention de Syme garde beaucoup de partisans anglo-saxons.
L’arthrodèse tibiocalcanéenne avec astragalectomie (ATCA) est pourtant à privilégier.
À la jambe et au genou, la technique du lambeau postérieur améliore la cicatrisation et le capitonnage du
moignon. Lorsque le choix est possible, il n’est pas toujours aisé de décider entre une désarticulation du genou
et un Gritti ; les avantages et inconvénients de chaque technique sont exposés.
L’intérêt des myoplasties, et en particulier des myodèses, quand le contexte autorise à les réaliser, est admis
par beaucoup. Elles sont avantageusement utilisées dans les amputations transtibiales, et surtout
transfémorales où elles permettent de corriger la malposition spontanée du moignon.
L’appareillage du membre inférieur est devenu plus léger et plus fonctionnel, grâce à l’utilisation de nouveaux
matériaux. Certains composants prothétiques, tels les genoux ou les pieds composites, issus de la haute
technologie, permettent un accès pour de jeunes patients à un niveau de performance élevé. Les modalités
d’appareillage sont précisées pour chaque site.
La désarticulation de hanche et l’amputation transpelvienne sont des interventions réalisées, dans la majorité
des cas, pour une cause tumorale. La technique standard est décrite pour chaque intervention, de multiples
raisons peuvent amener l’opérateur à la modifier. Cela est le cas pour la voie d’abord et les lambeaux de
fermeture. L’amputation transpelvienne se caractérise par l’importance du geste opératoire qui est
l’équivalent d’une résection du bassin. Les deux interventions ont en commun la difficulté de l’appareillage.
Initialement imaginé pour traiter et appareiller les grandes hypotrophies du membre inférieur, le
« retournement de membre » a été secondairement utilisé comme traitement des tumeurs malignes du genou.
Actuellement, il est principalement utilisé comme alternative à l’amputation quand le traitement
conservateur ne paraît pas possible. La technique chirurgicale bien définie permet de limiter les complications
postopératoires. Malgré un résultat fonctionnel excellent après appareillage, l’aspect esthétique, controversé,
rend impérative l’information complète du patient et de sa famille.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Camilleri A, Anract P, Missenard G, Larivière JY et Ménager D. Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et
Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-109, 2000, 27 p.
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
*
A
3 Amputation transphalangienne et désarticulation interphalangienne. Tracé des
3 incisions. Valves plantaire et dorsale au niveau des orteils moyens. Troisième orteil.
A. Vue dorsale.
B. Vue latérale ou médiale.
1 *
B
*
A
4 Amputation transphalangienne et désarticulation interphalangienne. Tracé des
2 Les différents sites d’amputation et de incisions. Valves plantaire et dorsale au niveau du gros orteil et du cinquième orteil.
désarticulation au pied. 1. Désarticulation A. Gros orteil, vue médiale.
interphalangienne ; 2. amputation trans- B. Cinquième orteil, vue latérale.
7 phalangienne ; 3. désarticulation métatar-
sophalangienne ; 4. amputation transmé-
tatarsienne ; 5. désarticulation de Lis- ¶ Amputation transphalangienne et désarticulation
franc ; 6. désarticulation de Chopart ; interphalangienne
6 7. amputation de l’arrière-pied : double
arthrodèse et arthrodèse tibiocalcanéenne Le principe technique est identique pour les deux interventions.
avec astragalectomie.
2
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
* *
B
B
*
A *
A
*
C
¶ Appareillage
Aspects particuliers Le retentissement sur la fonction est généralement modeste, le
L’amputation la plus distale est l’amputation trans-P2 du gros orteil déroulement du pas postérieur est peu altéré. Lorsqu’il s’agit du
ou trans-P3 des autres orteils [58]. Elle est indiquée dans certaines gros orteil, il peut être plus important et traduire alors une raideur
étiologies, onychomycose, avulsion traumatique, déformation sévère articulaire associée à l’amputation ou une diminution de la
de la partie distale de l’orteil. Elle consiste en l’ablation de l’ongle, propulsion [38, 56]. Le déficit lié à la perte anatomique est parfois
amputation de la phalangette et suture des deux valves plantaire et majoré par l’existence de zones cutanées cicatricielles adhérentes
dorsale (fig 6). et/ou greffées, entraînant des douleurs. La prise en charge
prothétique se résume à la fourniture d’un petit appareillage de type
Lors d’une désarticulation interphalangienne, les saillies
orthoplastique visant à éviter la déviation, vers l’espace laissé
condyliennes sont réséquées sur les côtés pour obtenir une extrémité
vacant, des orteils restants, et à protéger le ou les moignons d’orteils.
distale régulièrement arrondie. Quel que soit le niveau, les artères
Ces petits appareils sont réalisés à l’aide de silicone bicomposant.
collatérales sont liées ou électrocoagulées. Les nerfs collatéraux sont
Ils sont façonnés sur le pied et introduits dans la chaussette. Il est
disséqués et sectionnés en amont des incisions cutanées, en tissu
possible de compenser partiellement le déficit de propulsion, en
sain, à distance des zones supposées de pression. Une
utilisant une semelle en fibre de carbone glissée dans la chaussure.
électrocoagulation à faible intensité semble utile. Les tendons
fléchisseurs et extenseurs sont sectionnés sur place, en évitant de les
[15, 17, 20, 42, 46, 62]
suturer l’un à l’autre. AMPUTATION TRANSMÉTATARSIENNE
Les saillies osseuses représentées par les têtes des premier et
¶ Désarticulation métatarsophalangienne cinquième métatarsiens et leurs bases sont repérées. Le siège désiré
de la résection osseuse, lié à l’état cutané plantaire, est situé en règle
Technique pour un orteil en médiodiaphysaire.
Le tracé des incisions suit le même principe que pour la
désarticulation interphalangienne, en privilégiant la technique à
¶ Tracé des incisions
valves frontales. Il est situé au niveau de la base d’implantation de Sur le dos du pied, une ligne transversale légèrement oblique réunit
l’orteil concerné. Les valves sont dessinées afin que leur le milieu de la diaphyse de M1 au milieu de la diaphyse de M5. Sur
rapprochement permette de recouvrir la perte de substance cutanée. les bords du pied, à la jonction des peaux plantaire et dorsale, et à
Pour le gros orteil et le cinquième orteil, cette technique autorise partir des points d’arrêt du tracé précédent, est dessinée la valve
une extension sur le bord correspondant du pied. plantaire. Celle-ci se poursuit distalement, le long de M1 et de M5,
jusqu’à la base du gros orteil et du cinquième orteil, elle s’incurve
Technique pour l’ensemble des orteils en passant à travers la peau plantaire pour suivre la ligne d’insertion
Deux valves plantaire et dorsale sont réalisées (fig 7). L’incision des orteils médians (fig 8A). Toute zone de souffrance cutanée est
transversale dorsale est faite à 0,5-1 cm, distalement par rapport aux excisée pour ne laisser qu’une valve parfaitement vascularisée [62].
interlignes métatarsophalangiens. L’incision plantaire est effectuée
¶ Protocole opératoire
en avant du coussinet plantaire à la base des orteils. Les deux valves
se réunissent sur les côtés du pied en regard du premier et du Après avoir incisé la peau, les tendons extensor hallucis longus,
cinquième métatarsien. Les opinions divergent quant à la extensor digitorum longus et extensor digitorum brevis sont
3
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
*
C
8 Amputation transmétatarsienne.
*
A A. Tracé des incisions, vue dorsolatérale.
*
B B. Amputation réalisée, vue de la valve plantaire.
C. Fermeture cutanée.
4
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
DÉSARTICULATION DE CHOPART
*
A *
B *
C
5
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
6
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
a c
*
B *
C
17 Arthrodèse tibiocalcanéenne avec astragalectomie. Résection osseuse. Talus
et pince bimalléolaire : (a) Bâillement de la coupe tibiale autour d’une charnière posté-
*
A rieure ; (b) Pièce de résection ; (c) L’arrière-pied après la résection.
15 Arthrodèse tibiocalcanéenne avec astragalectomie. Artifices techniques osseux qui
permettent de diminuer le volume distal.
1 18 Arthrodèse tibiocalcanéenne avec
A. Arrière-pied et cheville de face. Situation anatomique de départ.
astragalectomie. Coupe supérieure du cal-
B. Majoration du valgus calcanéen.
caneus avec schématisation selon les seg-
C. Translation externe.
ments antérieur (1), moyen (2) et posté-
rieur (3).
2
16 Arthrodèse tibiocalcanéenne avec
astragalectomie. Les coupes osseuses
du tibia et du péroné.
A. Vue de face.
B. Vue latérale.
3
3 2 1
7
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
*
A *
B
– Reconstruction plastique.
Le garrot est lâché, la recoloration est étudiée, l’hémostase est *
A *
B
soigneuse. L’excision concerne d’abord le lambeau plantaire en excès
par rapport au plan de la coupe antérieure calcanéenne. À ce des amputations partielles du pied, puisque ne persiste de celui-ci
moment, il n’est pas rare de sectionner les paquets plantaris medialis que la coque talonnière qui est appliquée sur l’extrémité inférieure
et lateralis. Les vaisseaux sont ligaturés distalement, les nerfs sont du tibia, après ablation du talus et du calcaneus. Le
réséqués en retrait par rapport au plan cutané. Le lambeau antérieur raccourcissement obtenu est le plus important des trois techniques
est ajusté, pour obtenir une suture sans tension. L’excédent tissulaire évoquées. La fiabilité de l’intervention est bonne. Son inconvénient
lié au raccourcissement osseux permet l’excision des plages cutanées est lié à la survenue fréquente d’un « savonnage » de la coque
cicatricielles ou fragilisées. talonnière, après un certain nombre d’années, qui fait perdre à la
Le drainage, assuré par deux Redon, est aspiratif. technique son principal avantage, l’appui distal.
Phase postopératoire. Tracé des incisions.
Le pansement est confortable et une attelle plâtrée postérieure L’incision débute à l’aplomb de la pointe de la malléole externe, et
protège le moignon des contraintes intempestives précoces. s’étend vers l’avant transversalement, jusqu’à rejoindre un point
Les suites opératoires sont relativement simples, le pansement est situé 1 cm en bas et en avant de la malléole interne. Elle est
renouvelé au troisième jour avec ablation des Redon. Débutent à ce poursuivie ensuite, sur la plante du pied, à partir d’un des points
moment le lever et la déambulation à l’aide de cannes anglaises, de référence, pour rejoindre le second, en traversant
sans appui pendant 4 à 5 semaines. L’appareillage est entrepris à transversalement la partie antérieure de la coque talonnière, à peu
l’issue de ce délai. près à l’aplomb de la calcanéocuboïdienne (fig 22).
Appareillage [44]. Protocole opératoire.
Une prothèse de type Syme est la solution. L’appui est distal. La Au niveau de la face antérieure du cou de pied, et dans l’axe de
diminution du volume distal du moignon, permise par les résections l’incision cutanée, les tendons extenseurs sont sectionnés, ainsi que
chirurgicales, rend le plus souvent inutile la fenêtre de chaussement le pédicule dorsalis pedis qui est ligaturé. Les branches du nerf
et limite les causes d’ulcération. Le raccourcissement dispense d’une peroneus superficialis sont recoupées en retrait par rapport à la
compensation controlatérale. Le résultat fonctionnel est excellent, berge cutanée. L’ensemble est relevé, à l’aide d’un écarteur, sur
surtout avec un pied prothétique en matériau composite. Le résultat quelques centimètres afin de favoriser l’exposition de la face
esthétique et les facilités d’appareillage doivent faire préférer antérieure de la tibiotarsienne. Celle-ci est ouverte, puis on désinsère
l’ATCA aux deux autres techniques (fig 21). au ras de l’os, de part et d’autre, les ligaments médial et latéral. Le
pédicule tibialis posterior est soigneusement protégé par un écarteur
• Intervention de Syme pour la suite de l’intervention. Le pied est alors positionné en flexion
Décrite en 1842, par James Syme [50, 71, 72], la technique s’est largement plantaire maximale, afin de faciliter le travail en profondeur dans la
développée et imposée dans les pays anglo-saxons [53]. Niveau ultime tibiotarsienne. La libération est ainsi poursuivie en arrière, avec
*
A *
B
8
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
Amputation transtibiale
CONTEXTE
C’est la plus fréquente des amputations. La pathologie vasculaire,
diabète compris, y est prépondérante, puisqu’elle concerne plus de
80 % des patients. Si la technique dite « d’amputation ouverte » est
toujours pratiquée, les techniques actuelles permettent d’obtenir, dès
l’instant que l’indication est judicieusement posée, près de 86 % [11]
de cicatrisation en première intention. Compte tenu de l’argument
de fréquence, il est logique de s’attarder sur le patient vasculaire, les
*
A *
B spécificités liées aux autres étiologies seront ensuite évoquées.
¶ Patient vasculaire
La chirurgie de revascularisation a effectué des progrès
considérables. Il devient rare de nos jours, en présence d’une
artériopathie sévère, que l’éventualité d’une amputation, se discute
en première intention.
L’emplacement de la cicatrice a longtemps conditionné la stratégie
opératoire. Cela n’est plus le cas actuellement, seule la qualité des
tissus qui recouvrent le moignon reste importante en vue de
l’appareillage.
Les études sur la vascularisation des lambeaux fasciocutanés [2, 75]
ont déterminé certaines équipes à proposer, notamment chez le
*
B patient vasculaire, différents types de lambeaux. Cela amène à
décrire plusieurs amputations [1, 28, 51, 60]. L’amputation à longue valve
*
A postérieure est la plus connue [10, 29, 65]. Elle privilégie les conditions
circulatoires favorables de la face postérieure du mollet. La cicatrice
24 Intervention de Syme. Stabilisation de l’aponeurosis plantaris à la marge anté-
rieure du tibia. est déportée vers l’avant, ce qui n’est guère gênant si elle est mobile
A. Vue latérale. par rapport aux plans profonds.
B. Points de fixation transosseux, vue antérieure. Le niveau [9, 65] se situe entre 12,5 et 15 cm sous l’interligne, ce qui
donne un moignon assez bref, cylindrique, dans une ambiance
ouverture de la capsule articulaire postérieure, puis exposition du tissulaire qui apparaît comme la plus favorable au niveau du
bord supérieur du calcaneus, jusqu’à parvenir à la face antérieure segment jambier.
du tendo Achillis. Celui-ci est désinséré au ras de la grosse tubérosité
calcanéenne, en prenant garde de pas léser la peau postérieure. ¶ Patient non vasculaire
Débute alors, conduite d’arrière en avant, la libération du calcaneus,
autant sur sa partie postérieure que sur ses faces médiale et latérale. En pathologie traumatique ou tumorale, les lésions déterminent le
Il faut rappeler les précautions indispensables lors de l’exposition niveau. Les amputations au segment jambier sont théoriquement
de la face médiale par rapport au paquet vasculonerveux. Le léser à étendues de la région supramalléolaire en distal jusqu’au niveau
cet endroit expose en effet à une nécrose de la coque talonnière ou à minimal requis en proximal, permettant de conserver l’insertion du
un déficit sensitif très préjudiciable. À la face inférieure du tendon rotulien et d’obtenir un arrondi qui rejoint la face postérieure
calcaneus, la dissection essaye de rester en sous-périosté. Le tibia et du tibia (fig 25).
le péroné sont ensuite sectionnés à la scie oscillante, environ 5 mm
au-dessus de la mortaise, selon une direction perpendiculaire à l’axe 25 Amputation transtibiale. Aspect du moignon
jambier dans les deux plans. Les saillies osseuses sont abrasées et le plus bref. On remarque l’arrondi de l’extrémité ti-
arrondies (fig 23). La coque talonnière est ramenée au plus près de biale et l’ablation du péroné.
la tranche osseuse, afin d’effacer tout espace de décollement et
surtout de favoriser son adhérence au squelette [15]. Elle est stabilisée
en suturant l’aponeurosis plantaris, à la marge antérieure du tibia, à
travers plusieurs trous transosseux qui ont été méchés au préalable
(fig 24). La suture est effectuée sur un drainage par Redon. Le
pansement, en dehors d’une contre-indication, est de type
compressif. Les phénomènes de cicatrisation, associés à la fonte de
l’œdème, permettront, au bout de plusieurs semaines, d’obtenir un
certain degré de rétraction au niveau de l’arrière-pied.
Appareillage.
Il est réalisé avec une prothèse de type Syme, fenêtrée, à appui
distal. Le bilan fonctionnel est excellent. Lorsque la coque talonnière
est mobile par rapport au tibia et que l’appui distal devient
douloureux et/ou source d’ulcération, il faut adjoindre un appui
sous-rotulien à la prothèse. Le résultat fonctionnel est alors similaire
à celui d’un amputé transtibial à moignon long. Il faut s’interroger
9
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
26 Amputation transti-
biale. Installation sur table
ordinaire avec appui-cuisse
inversé.
*
B
*
A *
B
10
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
32 Désarticulation du ge-
nou. Installations en décubi-
tus dorsal.
A. Léger trois quarts
sur table ordinaire.
B. Jambière repliée et
effacement du membre
*
A opposé.
les angles incite à leur excision qui reste économe, afin de ne pas
fragiliser la vascularisation du lambeau. Le drainage est assuré soit
par lame transfixante, soit par drain de Redon. Le pansement, très
peu serré, remonte au-dessus du genou et concerne tout le moignon.
Le membre inférieur n’est pas surélevé et le genou est maintenu en
extension sur le plan du lit. Le « coussin sous le genou », souvent
réclamé par le patient, est proscrit pour éviter le flessum. La lutte
contre l’œdème débute précocement par un bandage modérément
compressif.
11
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
12
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
*
A
*
B *
C
34 Désarticulation du genou. Plastie avec les muscles gastrocnemii.
A. La désarticulation est effectuée. L’appareil extenseur est relevé vers l’avant. Les muscles gastrocnemii sont séparés vers l’arrière.
B. Le ligament patellae est suturé aux reliquats des croisés.
C. Les deux chefs des muscles gastrocnemii sont amenés vers l’avant. Ils recouvrent les condyles et sont suturés aux bords du ligament patellae.
13
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
2
3
14
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
*
A *
B *
C
*
D
*
E
*
F
38 Amputation transfémorale du tiers distal : valves sagittales. Les différentes éta- C. Le moignon est en adduction maximale. Le tendon de l’adductor magnus est amené
pes de la myodèse. La dimension des flèches schématise l’importance de la force appli- sous forte tension, puis fixé par les points transosseux. Quelques points complémen-
quée sur chaque groupe musculaire. taires antérieurs et postérieurs complètent la myodèse.
A. L’extrémité fémorale est préparée. Les trous transosseux sont réalisés et les fils D. La hanche est en extension et le quadriceps modérément tendu est fixé à son tour.
non résorbables passés et laissés en attente. E. Les muscles ischiojambiers équilibrent la tension appliquée au quadriceps afin
B. Les deux lambeaux périostés encapuchonnent l’extrémité fémorale et sont char- de maintenir la hanche en extension.
gés sur les fils en attente. F. Le fascia lata est rapproché et suturé à l’aponévrose sous-cutanée.
15
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
16
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
Désarticulation et amputation
à la racine du membre inférieur
INTRODUCTION
Ces amputations sont réalisées dans la majorité des cas pour une
cause tumorale et plus rarement traumatique [14] . Elles sont
responsables d’une mutilation majeure dont l’appareillage reste
difficile et peu fonctionnel. Si la désarticulation de hanche n’expose
pas à de grandes difficultés techniques, il n’en est pas de même pour
l’amputation transpelvienne qui est une véritable résection du bassin 43 Désarticulation de hanche. Temps antérieur : dissection et ligature des vaisseaux
et qui, de ce fait, requiert un opérateur rompu à ces techniques [67]. fémoraux.
PRÉPARATION 44 Désarticulation de
hanche. Temps antérieur :
Les modalités de la préparation psychologique sont détaillées dans section des muscles anté-
le chapitre « Prise en charge du patient avant, pendant et après rieurs et exposition articu-
l’intervention » sous la rubrique « Aspect psychologique ». Le jour laire.
de l’opération, une sonde urétrale à ballonnet est positionnée et est
laissée en place plusieurs jours. L’antibioprophylaxie, qui est débutée
lors de l’induction anesthésique, est dirigée contre le staphylocoque,
les germes à Gram négatif et les germes anaérobies ; elle est
poursuivie 48 heures. Pour l’amputation transpelvienne, le futur
opéré, lors de son hospitalisation, est mis à un régime sans résidus
pendant 48 heures afin d’obtenir la vacuité intestinale durant l’acte obliquement en bas et en dehors. Elle croise l’arcade crurale sur son
chirurgical et une constipation de quelques jours dans les suites tiers externe, puis passe à la face antérieure et externe de la hanche
opératoires. Si l’uretère est adhérent à la tumeur, une sonde urétérale sous le grand trochanter et va rejoindre la précédente incision à la
est mise en place par endoscopie dans les 48 heures qui précèdent face postérieure de la cuisse. Les vaisseaux fémoraux sont abordés
l’intervention. sous l’arcade crurale. L’artère et la veine sont repérées séparément,
puis l’artère est liée en premier (fig 43). Ensuite, avant que ne soit
liée la veine, le membre est surélevé afin qu’il se vide de son sang.
DÉSARTICULATION DE LA HANCHE
Le nerf femoralis est ensuite repéré et infiltré avant d’être sectionné
le plus haut possible 5 minutes plus tard. Les muscles sont ensuite
¶ Installation
sectionnés au bistouri électrique. Il est préférable, dans un premier
Le patient peut être installé de deux façons, soit en décubitus dorsal temps, de couper les muscles les plus antérieurs, le rectus femoris et
avec un gros coussin sous la fesse homolatérale [4], soit en décubitus le sartorius, puis les adducteurs, ces derniers étant soit coupés en
latéral avec deux appuis, un sternal et un dorsal, afin de pouvoir plein corps musculaire, soit désinsérés de la branche ischiopubienne.
basculer le bassin vers l’arrière ou vers l’avant comme le préconise Sur le versant externe, le gluteus maximus peut être sectionné en
Sugarbaker (fig 41) [69]. plein corps musculaire ou désinséré du fémur, le tenseur du fascia
Une hémostase préventive à l’aide d’une bande d’Esmarch décrite lata, le gluteus minus et le tendon du gluteus medius sont coupés
par certains auteurs n’est pas souhaitable, car elle gêne la dissection près du fémur (fig 44). L’articulation de la hanche est largement
vasculaire et se révèle peu efficace. exposée. Il faut alors sectionner les muscles les plus postérieurs, le
membre est mis en rotation externe, ce qui permet de sectionner
¶ Protocole opératoire l’iliopsoas, sous contrôle de la vue au ras du petit trochanter. Puis
les ischiojambiers sont sectionnés en plein corps charnu ou
L’incision se fait habituellement en « raquette » antérieure, comme désinsérés de l’ischion, si la tumeur l’impose, en fléchissant la cuisse.
l’a décrit Boyd (fig 42) [7], elle peut cependant être modifiée en Le membre est alors positionné en rotation interne, le nerf
fonction des cicatrices existantes ou de l’envahissement tumoral. La ischiadicus est repéré, infiltré puis sectionné 5 minutes plus tard.
branche interne de cette incision débute à 2 cm en dedans de l’épine Les muscles pelvitrochantériens sous tension sont aisément
iliaque antérosupérieure, puis elle suit l’arcade crurale jusqu’à sa sectionnés à l’aide du bistouri électrique (fig 45). La capsule est
partie moyenne en regard des vaisseaux fémoraux. Elle se verticalise ensuite ouverte en avant, ce qui permet de luxer la tête fémorale,
ensuite pour se prolonger sur la face interne de la cuisse en restant à après section du ligament rond, avant de poursuivre la section
5 cm du pli fessier inférieur. Enfin, elle se dirige horizontalement à capsulaire inférieure. La pièce est ensuite envoyée en anatomie
la face postérieure de la cuisse. La branche externe part du même pathologique ou à l’incinération. Après un lavage abondant,
point en regard de l’épine iliaque antérosupérieure, puis se dirige l’hémostase est complétée. Il est parfois nécessaire de lier les
17
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
47 Amputation transpel-
vienne. Technique à lam-
beau postérieur. Tracé des
incisions. Vue latérale.
48 Amputation transpel-
vienne. Technique à lambeau
postérieur. Temps antérieur.
Repérage et ligature des vais-
seaux iliaques. L’iliopsoas,
le nerf femoris et le cordon sont
isolés.
46 Désarticulation de hanche.
Fermeture cutanée.
Protocole opératoire
• Temps antérieur
Le bassin est basculé vers l’arrière en trois quart dorsal et l’opérateur
se positionne en face du patient. L’abord est ilio-inguinal. L’incision
débute à la partie postérieure de la crête iliaque, suit son bord
supérieur avant de s’incurver au niveau de l’épine iliaque
antérosupérieure, pour rejoindre le pubis en suivant l’arcade crurale
(fig 47). Les muscles abdominaux sont désinsérés de la crête iliaque
à l’aide du bistouri électrique. L’arcade crurale est libérée de l’épine
iliaque antérosupérieure et réclinée médialement. Il convient alors
vaisseaux qui accompagnent le nerf ischiadicus, il est préférable de de libérer la fosse iliaque à l’aide d’un tampon monté, le péritoine
ne pas les coaguler afin de ne pas traumatiser le nerf [74] . La est refoulé en dedans avec l’uretère, le muscle iliaque est laissé
fermeture se fait sur un drainage aspiratif, l’iliopsoas est suturé sur inséré. Cette libération est prolongée en arrière jusqu’à l’articulation
les ischiojambiers et le grand lambeau musculocutané postérieur sacro-iliaque. Un champ est alors mis en place afin de diminuer le
rabattu vers l’avant et suturé à l’arcade crurale (fig 46). saignement. Le cordon spermatique est repéré et mis sur un lacs. La
paroi postérieure du canal inguinal est ouverte et les vaisseaux
AMPUTATIONS TRANSPELVIENNES
iliaques sont à leur tour repérés et isolés sur un lacs. L’iliopsoas et le
nerf femoralis sont, eux aussi, isolés sur une lame de Delbet (fig 48).
Il s’agit d’une intervention majeure qui peut se révéler très L’artère iliaque externe est ligaturée en premier puis, le membre
hémorragique au point de mettre en jeu le pronostic vital du patient ayant été surélevé, la veine est liée à son tour. Une double ligature
pendant et après l’intervention. Elle requiert un opérateur habitué à est souhaitable. De façon non exceptionnelle, le bombement
la chirurgie de résection du bassin et un environnement intrapelvien de la tumeur impose de repérer les vaisseaux iliaques
médicochirurgical adapté [68]. primitifs au-dessus de la masse tumorale avant de les lier. Dans ce
dernier cas, la vitalité du lambeau du gluteus maximus peut être
¶ Technique chirurgicale de l’amputation compromise. Parfois, le contrôle des vaisseaux n’est pas possible
transpelvienne avec lambeau musculocutané postérieur d’emblée. Dans cette éventualité, les coupes osseuses sont réalisées
en premier et, après ouverture de l’anneau pelvien, les vaisseaux
Nous prenons comme description type celle d’une amputation
sont contrôlés et ligaturés. Le nerf femoralis est repéré et infiltré
transpelvienne partielle dont la coupe osseuse postérieure passe à
avant d’être coupé le plus haut possible. Il devient possible de
travers l’aile iliaque. La voie d’abord décrite par Gordon-Taylor est
sectionner le psoas au niveau du détroit supérieur. À l’aide du
la plus utilisée [ 2 2 ] . Il faut cependant savoir s’adapter à
bistouri électrique et de la rugine, le pubis est libéré des insertions
l’envahissement tumoral et aux cicatrices existantes [14, 68].
du rectus femoris et du piriformis en haut, des abducteurs en bas et
du diaphragme pelvien en dedans. La vessie est ensuite refoulée à
Installation
l’aide d’un tampon monté, puis un grand champ, éventuellement
Elle se fait en décubitus latéral avec un appui dorsal et un appui associé à des compresses hémostatiques, fait l’hémostase de l’espace
sternal, afin de permettre la bascule du bassin en trois quarts ventral de Retzius. Une rugine permet de passer sous la symphyse sans
ou dorsal lors des différents temps opératoires. Un billot positionné léser l’urètre (identifié aisément grâce à la sonde urinaire mise en
au niveau de la charnière thoracolombaire procure une ouverture place avant l’intervention). La symphyse est repérée à l’aide d’une
satisfaisante de l’angle iliolombaire facilitant ainsi la dissection aiguille intramusculaire (ce temps est parfois délicat). La coupe
(fig 41) [66]. Le champ opératoire inclut l’ensemble du membre passe classiquement dans la symphyse. Elle est réalisée à l’aide d’un
inférieur, l’hémibassin, l’auvent costal et l’abdomen en débordant ciseau à frapper ou d’une scie de Gigli après protection des parties
de 3 cm au-delà de la ligne médiane. molles par deux écarteurs contre-coudés.
18
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
• Temps postérieur
49 Amputation transpel-
vienne. Technique à lam- L’incision repart de la tubérosité ischiatique et se porte en avant
beau postérieur. Temps péri- jusqu’au bord antérieur du fémur, puis remonte verticalement le
néal. long du bord antérieur du grand trochanter pour se recourber en
arrière et rejoindre l’origine de l’incision antérieure (fig 47, 50A).
Lors de ce temps, il faut libérer le lambeau cutanéomusculaire
postérieur avec précaution, afin de ne pas léser le pédicule glutéal
garant de la vitalité du lambeau musculaire postérieur du gluteus
maximus. L’aponévrose fessière est incisée en haut, le long du bord
supérieur du gluteus maximus, et celui-ci est libéré en haut de ses
insertions iliaques à l’aide d’une rugine. Vers le bas, son tendon est
sectionné près de la ligne âpre (fig 50B). Un gros fil repère est
positionné sur le tendon afin de faciliter sa mobilisation. Ce grand
lambeau myocutané est rabattu en arrière avec l’artère glutéale, ce
qui impose la ligature de ses collatérales les plus antérieures. Si la
conservation de l’artère glutéale n’est pas possible pour des raisons
carcinologiques, le lambeau de gluteus maximus n’est pas utilisable
pour la fermeture et il faut lui préférer un autre lambeau, décrit
dans les variantes techniques. Les muscles pelvitrochantériens sont
• Temps périnéal sectionnés à 1 cm de leur insertion fémorale et rabattus en arrière
Le membre est porté en abduction-flexion et l’incision antérieure (fig 50C), ce qui permet d’exposer la grande échancrure sciatique et
s’incurve, devient périnéale en passant à la racine de la cuisse, un l’ischion. Le nerf ischiadicus est repéré soit à son émergence à la
peu en dehors de la branche ischiopubienne, du pubis jusqu’à la grande échancrure sciatique, soit par voie endopelvienne juste après
tubérosité ischiatique. Les muscles ischiocaverneux et transverses du la naissance du tronc lombosacré. Le nerf est infiltré et coupé le plus
périnée sont désinsérés du versant interne de la branche haut possible. Le petit ligament sacrosciatique est sectionné près de
ischiopubienne, ainsi que les ischiojambiers s’ils gênent l’exposition l’épine iliaque postéro-inférieure et le grand ligament sacrosciatique
osseuse (fig 49). Ensuite, des champs marqués sont tassés dans les près de son insertion ischiatique. Le ligament iliolombaire est lui
différents espaces de décollement, et le malade est alors basculé vers aussi sectionné (fig 50D). La section osseuse postérieure dépend de
l’avant. l’envahissement iliaque s’il s’agit d’une tumeur. Elle peut se faire
50 Amputation transpelvien-
ne. Technique à lambeau posté-
rieur. Temps postérieur.
A. Tracé de l’incision cuta-
née.
B. Section du gluteus maxi-
mus.
C. Section des pelvitrochan-
tériens et du nerf ischiadi-
cus.
D. Section du ligament ilio-
lombaire. Vue antérieure.
*
B
*
A
*
C
*
D
19
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
*
B
*
A
*
B lambeau cutanéomusculaire postérieur habituel. Dans ce cas, il est
envisageable de conserver un lambeau myocutané antéromédial du
soit à l’aide d’une scie de Gigli, après avoir dégagé la grande quadriceps femoris pédiculé sur l’artère fémorale superficielle
échancrure sciatique en refoulant l’artère glutéale vers l’arrière, soit comme l’ont décrit Mnaymneh [47] et Sugarbaker [68, 69].
à l’aide de ciseaux à frapper ou d’une scie oscillante. L’ostéotomie
est débutée sur le versant externe de l’aile, les parties molles • Installation
endopelviennes sont protégées par des champs et des valves. Le
Elle est identique à la technique avec lambeau postérieur.
membre est ensuite porté en dehors, l’exposition endopelvienne est
alors plus large, les viscères pelviens sont refoulés en dedans, les
branches externes des vaisseaux iliaques et l’artère obturatrice sont • Protocole opératoire
liées. La libération du périnée est complétée par un décollement du – Incision cutanée.
corps caverneux et du diaphragme urogénital qui est sectionné au Elle débute au niveau de l’épine iliaque postérosupérieure, elle suit
bistouri électrique à 1 cm de son insertion sur la branche ensuite la crête iliaque jusqu’à l’épine iliaque antérosupérieure, puis
ischiopubienne. descend au milieu à la face latérale de la cuisse jusqu’à l’union tiers
La pièce est alors envoyée en anatomie pathologique ou à moyen-tiers supérieur. Elle s’incurve ensuite horizontalement
l’incinération. jusqu’à la partie moyenne de la face interne de la cuisse pour
remonter ensuite jusqu’à la racine de la cuisse. À ce niveau, elle se
• Fermeture dirige en dehors sous le pli fessier, puis elle monte verticalement en
Après lavage abondant et vérification de l’hémostase, le lambeau de restant à 3 cm de la marge anale pour rejoindre l’épine iliaque
grand fessier est basculé et vient combler le defect pelvien. Ce postérosupérieure (fig 52).
lambeau est suturé en haut aux muscles larges de l’abdomen, en – Temps postérieur.
dedans à l’arcade crurale et aux fibres tendineuses du rectus L’incision postérieure permet de désinsérer le gluteus maximus du
abdominis, et en bas aux adducteurs sur un drainage aspiratif sacrum et du coccyx et de commencer la libération des releveurs
(fig 51). dans la fosse ischiorectale. La crête iliaque est ensuite libérée de ses
Un bandage modérément compressif recouvre le pansement. insertions musculaires jusqu’à l’épine iliaque antérosupérieure
(fig 53).
¶ Variantes techniques en fonction du lambeau
– Temps antérieur.
myocutané utilisé pour la fermeture L’incision externe permet de libérer le vaste latéral de ses insertions
fémorales (fig 54A). La section distale du quadriceps femoris tient
Amputation transpelvienne avec lambeau musculocutané
compte de la longueur nécessaire à la couverture postérieure. Les
antéromédial
vaisseaux fémoraux superficiels, repérés au niveau du canal de
L’envahissement tumoral, la présence de cicatrices ou une Hunter, sont liés (fig 54B). Le quadriceps femoris avec le vaste
irradiation préalable imposent parfois de modifier la voie d’abord. médial sont relevés en emportant l’artère fémorale superficielle qui
Par exemple, lorsque le muscle gluteus maximus est envahi ou est plaquée à sa face profonde (fig 54C). Les collatérales sont liées
contaminé par une biopsie, il n’est pas possible de conserver le avant de repérer le paquet fémoral profond qui est lié à son tour. Le
20
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
*
A
*
B
*
C
*
B
*
A
tenseur du fascia lata, le sartorius et le rectus femoris sont sectionnés nerveux lombosciatique est sectionné. Le membre est ensuite
près de leurs insertions iliaques. Le lambeau est rabattu surélevé afin de terminer l’incision postéro-inférieure. Le
médialement afin d’exposer le pelvis. Le péritoine avec l’uretère sont diaphragme pelvien, les releveurs de l’anus et les piriformis sont
refoulés médialement. La vessie et l’urètre sont repérés, refoulés et sectionnés.
protégés afin d’ouvrir la symphyse pubienne au bistouri ou à la scie – Coupes osseuses.
de Gigli (fig 55A). Les vaisseaux iliaques sont isolés, l’artère et la L’aileron sacré est sectionné d’arrière en avant en débutant à sa
veine iliaque internes sont liées à leur origine. Les vaisseaux iliaques partie inférieure, en contrôlant en endopelvien à l’aide d’un doigt
externes sont repérés et préservés (fig 55B). Le muscle psoas est placé en avant du sacrum (fig 56). L’ostéotomie est complétée
sectionné au niveau du détroit supérieur en préservant le nerf d’avant en arrière. Le ligament iliolombaire est sectionné et la pièce
fémoral. De ce fait, le lambeau conserve une sensibilité. Le tronc se mobilise alors facilement.
21
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
Désarticulations partielles
En fonction de l’envahissement tumoral, la désarticulation
transpelvienne peut être plus partielle, notamment pour le versant
iliaque ou pubien. La coupe osseuse interne peut passer dans la
branche iliopubienne. La coupe iliaque peut être plus ou moins
médiale.
APPAREILLAGE
La prothèse canadienne (fig 59A, B) [45], utilisée pour l’appareillage
des patients après désarticulation de hanche ou amputation
transpelvienne, est constituée :
– d’une coque qui permet, lors de la marche, la transmission du
poids du corps pendant la phase d’appui, le guidage et la rétention
58 Amputation transpelvienne. Technique à lambeau de quadriceps femoris en de l’appareil ;
« îlot ». Principe de l’intervention avec îlot musculaire pédiculé sur les vaisseaux fé- – d’une ceinture qui participe à la rétention et équilibre les
moraux superficiels et le nerf saphène selon Sugarbaker et al. contraintes en varus de l’appareil lors de la mise en charge pendant
l’appui unipodal ;
– Fermeture.
Ce grand lambeau antérieur est positionné sans aucune difficulté – de la hanche, articulation métallique à axe simple, qui est située à
sur le defect postérieur et suturé sur plusieurs drains aspiratifs la partie inférieure de la coque en avant ; cette disposition est
(fig 57). indispensable pour permettre la stabilité en extension lors de la mise
en charge et éviter toute surépaisseur dans la région ischiatique en
Amputation transpelvienne avec lambeau antérieur de quadriceps position assise ;
femoris pédiculé en « îlot » – du segment crural composé d’un tube qui relie mécaniquement
Un lambeau musculocutané de quadriceps femoris distal en « îlot », l’articulation de la hanche à celle du genou et d’un béquillon
pédiculé sur les vaisseaux fémoraux et le nerf saphène, peut aussi escamotable ; celui-ci sert de butée d’extension de hanche en
être utilisé pour combler le defect pelvien (fig 58) [70]. position érigée et entraîne, en haut et en avant, la mousse d’habillage
lors du passage en position assise ;
Amputation transpelvienne avec lambeau musculocutané libre – du genou interposé entre la cuisse et la jambe, cette articulation
Lorsque aucun lambeau musculaire local ne peut être conservé, il n’offre pas de particularité et n’importe quel genou modulaire utilisé
est possible d’utiliser le membre amputé comme « membre banque pour les prothèses fémorales peut convenir ; la présence ou non d’un
» comme le propose Yamamoto [83] et de prélever un lambeau verrou dépend de l’habileté du patient ;
musculaire libre. Les muscles gastrocnemii du membre amputé – de la cheville, qui ne présente aucune caractéristique particulière ;
peuvent ainsi être prélevés avec leur pédicule, et éventuellement tous les types de cheville commercialisés peuvent être utilisés ;
22
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
59 Désarticulation de
hanche et amputations de
voisinage, transfémorale très
brève et transpelvienne. Ap-
pareillage. Prothèse cana-
dienne.
A. Vue antérieure, avec
revêtement esthétique
et décoré.
B. Vue de profil.
*
A *
B
¶ Bilan technique
Retournement de membre
Celui-ci apprécie l’état cutané, l’état vasculaire et le niveau à donner
C’est une alternative thérapeutique entre l’amputation et le à l’articulation tibiotarsienne pour qu’elle soit symétrique du genou
traitement conservateur pour les tumeurs malignes du membre controlatéral soit d’emblée, soit secondairement s’il s’agit d’un sujet
inférieur de l’enfant et de l’adolescent. encore en croissance.
Cela nécessite de compléter les bilans clinique et artériographique
INTRODUCTION par une radiographie-mensuration avec un âge osseux. Le réglage
pour que les « genoux » se retrouvent au même niveau en fin de
Le retournement a été imaginé en 1927 par Borggreve [5] pour croissance est calculé, compte tenu du raccourcissement dû au
remplacer par la cheville, un genou détruit par la tuberculose chez retournement de membre et de la suppression des cartilages de
une patiente atteinte d’une grande inégalité de membre. Plus tard, croissance épiphysaire du genou réséqué.
cette technique a été utilisée par Van Nes [77] pour tenter d’améliorer
la fonction de certaines hypoplasies congénitales du fémur. Ensuite, ¶ Bilan psychologique
Kotz et Salzer ont utilisé cette technique pour le traitement des
tumeurs osseuses malignes primitives du genou [33]. Actuellement, Quand un retournement de membre est décidé, le patient et ses
le retournement de membre est utilisé couramment soit de principe proches sont rencontrés à plusieurs occasions, afin de les informer
par certaines équipes, soit comme alternative à l’amputation quand et d’obtenir un consentement sur le projet envisagé. Les raisons qui
un traitement conservateur avec reconstruction par prothèse ou par motivent cette indication, les avantages par rapport à une
arthrodèse ne paraît pas possible. Si le recours le plus fréquent à amputation et les problèmes esthétiques sont longuement évoqués.
cette technique correspond à une localisation au genou (fig 60), Le mieux est de fournir au malade une cassette vidéo résumant les
d’autres montages sont réalisables selon le site concerné [16, 82]. Bien différents temps thérapeutiques jusqu’à l’appareillage, et
que cette intervention soit maintenant bien réglée, tant sur le plan éventuellement de le mettre en contact avec d’anciens opérés.
23
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
24
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
*
C
*
A *
B
62 Retournement de membre. Enfant de 8 ans. Sarcome ostéogène de l’extrémité inférieure du fémur. L’âge, la mauvaise réponse à la
chimiothérapie néoadjuvante, une marge d’exérèse probablement limite au niveau des vaisseaux font préférer un retournement
de membre.
A. Radiographies initiales.
B. Radiographie-mensuration avec prévision d’inégalité en fonction des possibilités de croissance des différents cartilages
de conjugaison restants.
C. Aspect à 1 mois postopératoire. Le pied a déjà dégonflé, il est parfaitement fonctionnel et la congruence de la jonction cuisse-
mollet est satisfaisante.
D. Radiographie mensuration à 1 an postopératoire. Allongement obligatoire pour avoir les deux « genoux » au même niveau en
fin de croissance. Rémission complète à 12 ans de recul.
*
D
l’anastomose. Elle ne pose aucun problème puisque réalisée en et postérieure. Celles-ci sont ajustées à la longueur du squelette. Les
général sur des vaisseaux parfaitement sains. La différence de décollements cutanés sont évités. Le quadriceps restant est suturé
diamètre entre les vaisseaux fémoraux et les vaisseaux poplités est aux jumeaux, pour maintenir le pied en position neutre, voire en
rattrapée par une section oblique. Il faut conserver une longueur de très léger équin. Les ischiojambiers sont suturés au jambier antérieur
vaisseaux adaptée réalisant un bon équilibre entre une suture sans et aux péroniers. Ces sutures musculaires renforcent la synergie de
tension et sans longueur excessive. La réalisation de ce temps est fonctionnement entre la cuisse et le « genou », après rééducation.
facilitée par la présence d’un chirurgien vasculaire qui maîtrise Cependant, en cas de section de cuisse très haute, la seule action des
parfaitement ce type de problème. Le nerf ischiadicus est lové à la muscles de la jambe suffit à mobiliser le pied retourné de façon
face postérieure du fémur, correctement « rangé », sans coude satisfaisante. La peau est fermée à points séparés avec un fil de gros
excessif. diamètre pour éviter tout effet de cisaillement lors de l’œdème
postopératoire et en rattrapant les éventuelles inégalités cutanées
¶ Suture des lambeaux musculaires et cutanés restantes. La position du nerf ischiadicus, la situation de
En principe, à ce stade de l’intervention, existe un excès de tissu l’anastomose vasculaire par rapport à la synthèse et à la suture
obligeant à réaliser des recoupes des valves musculaires antérieure cutanée sont précisées dans le compte-rendu opératoire. Ces
25
44-109 Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur Techniques chirurgicales
*
A *
B
63 Retournement de membre. Homme de 25 ans. Sarcome ostéogène fracturé
de l’extrémité inférieure du fémur reconstruit par prothèse massive à l’âge de 13 ans.
A. Descellement septique, avec importante perte de substance fémorale (à gau-
che). Juvara au ciment-antibiotiques (à droite).
B. Conscient des problèmes de reconstruction, des risques liés à une réimplanta-
tion ou de l’inconfort d’une arthrodèse, le patient choisit un retournement est de constater que les survivants sont des arthrodèses selon Juvara
de membre. Radiographie à 1 an de recul avec appareillage. ou des amputés en sursis. La raréfaction du stock osseux et les
complications infectieuses après chirurgie itérative obligent
renseignements seront très utiles en cas de réintervention, en malheureusement le chirurgien à proposer à ces patients une
particulier pour pseudarthrose. solution « définitive ».
L’amputation est une des possibilités. Elle est toujours très mal
acceptée. Les patients, considérés comme guéris ne peuvent se
PHASE POSTOPÉRATOIRE
résoudre aisément à entériner une décision aussi radicale, alors
Le membre est installé en légère flexion, un coussin sous la cuisse, qu’ils ont lutté de nombreuses années pour la conservation de leur
afin que la pointe du pied soit dans le vide. La partie inférieure du membre.
lit est surélevée pour favoriser le drainage. L’œdème est habituel, il L’arthrodèse selon Juvara est envisageable, mais de réalisation
est combattu par la mise en place d’une bande de crêpe et la technique souvent difficile. Le membre est préservé mais la fonction
prescription éventuelle d’anti-inflammatoires, il régresse en 2 à est celle d’une arthrodèse de genou.
3 semaines, ce qui permet de débuter l’appareillage.
Le Juvara avec reconstruction par ciment comblant la perte de
substance est fréquemment un temps intermédiaire après l’ablation
FORMES PARTICULIÈRES de la prothèse en milieu septique (fig 63A). Il permet, en plus de
l’assèchement du foyer, de se donner un temps de réflexion avec le
¶ Retournements à double étage patient et sa famille. La possibilité d’un retournement de pied est
évoquée et les avantages fonctionnels et les désagréments
Ils ont été décrits par Winkelman [82] pour des lésions atteignant le esthétiques de cette méthode par rapport à une arthrodèse massive
fémur et/ou la coxofémorale, comme alternative au remplacement sont discutés.
prothétique du fémur, mais surtout à la désarticulation de hanche.
Dans ces conditions, la cheville retournée devient un « genou » et le
genou une « hanche » (fig 64). Le résultat fonctionnel reste CONCLUSION
satisfaisant, avec une limitation des amplitudes évidente de la
Le retournement de membre s’avère être une alternative
nouvelle hanche. Le bilan global paraît positif par rapport aux
thérapeutique intéressante dans le traitement des tumeurs malignes
désagréments occasionnés par une désarticulation de hanche.
du membre inférieur et dans les échecs des reconstructions massives.
¶ Retournement dans les reprises pour échec L’intervention est bien réglée et permet une exérèse carcinologique
satisfaisante avec un résultat souvent définitif, au prix d’un aspect
de prothèse massive
esthétique discutable. Le bilan fonctionnel est à comparer à celui
Le traitement conservateur avec arthroplastie massive chez l’enfant obtenu par une amputation transfémorale haute ou une
et l’adolescent atteint maintenant un recul de presque 20 ans. Force désarticulation de hanche.
26
Techniques chirurgicales Amputations et désarticulations des membres. Membre inférieur 44-109
Références
[1] Alter AH, Moshein J, Elconin KB, Cohen MJ. Below-knee [26] Gray DW, Ng RL. Anatomical aspects of the blood supply to [54] Pinzur MS, Bowker JH. Knee disarticulation. Clin Orthop
amputation using the sagittal technique: a comparison the skin of the posterior calf : technique of below-knee 1999 ; 361 : 23-28
with the coronal technique. Clin Orthop 1978 ; 131 : amputation. Br J Surg 1990 ; 77 : 662-664 [55] Pirogoff NI. Resection of bones and joints and amputations
195-201 [27] Gritti R. Dell’amputazione del femore al terzo inferiore a and disarticulations of joints. Clin Orthop 1991 ; 266 : 3-11
[2] Batchelor JS, Moss AL. The relationship between fasciocu- della disartocolozione del ginocchio. Valore relativo di [56] Poppen NK, Mann RA, O’Konski M, Buncke HJ. Amputa-
taneous perforators and their fascial branches: an anatomi- cadauna, coll’inticazione di un nuovo metodo denomi- tion of the great toe. Foot Ankle 1981 ; 1 : 333-337
cal study in human cadaver lower legs. Plast Reconstr Surg nato amputazione del femore ai condili con lembo patel- [57] Pouyanne L, Honton JL. Amputation de Chopart, complé-
1985 ; 38 : 197-207 lare. Milan : Annaly universali di medicina, 1858 tée par arthrodèse tibio-tarsienne. Bordeaux Chir 1959 ; 2 :
[3] Baumgartner RF. Knee disarticulation versus above-knee [28] Humzah MD, Gilbert PM. Fasciocutaneous blood supply in 141-144
amputation. Prosthet Orthot Int 1979 ; 3 : 15-19 below-knee amputation. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : [58] Pulla RJ, Kaminsky KM. Toe amputations and ray resec-
[4] Bombart M. Amputations et désarticulations. In : Nouveau 441-443 tions. Amputations of the lower extremity. Clin Podiatr Med
traité de technique chirurgicale. Membres et ceintures. [29] Kendrick RR. Below-knee amputation in arteriosclerotic Surg 1997 ; 14 : 691-739
Membre inférieur. Paris : Masson, 1976 : 733-747 gangrene. Br J Surg 1956 ; 44 : 13-17 [59] Radcliffe CW. Functional considerations in the fitting of
[5] Borggreve J. Kniegelenkerzatz durch das in der beinlängsa- [30] Kirsch JM. La désarticulation de hanche. [thèse], Faculté de above-knee prostheses. Artif Limbs 1955 ; 2 : 35-60
chsen 180° gedrehte fussgelenk. Arch Orthop Unfallchir médecine Cochin-Port Royal, Paris, 1980 [60] Robinson KP, Hoile R, Coddington T. Skew flap myoplastic
1930 ; 28 : 175-178 below-knee amputation: a preliminary report. Br J Surg
[31] Kjolbye J. The surgery of the through-knee amputation. In :
[6] Bowker JH, San Giovanni TP, Pinzur MS. An improved tech- Murdoch G ed. Prosthetic and orthotic practice. London : 1982 ; 69 : 554-557
nique for knee disarticulation utilizing a posterior myofas- Edward Arnold, 1970 : 255-257 [61] Sabolich J. Contoured adducted trochanteric - controlled
ciocutaneous flap. In : ISPO. World conference of the inter- alignment method (cat-cam): Introduction and basic prin-
national society for prosthetics and orthotics, [32] Klaes W, Eigler F. Eine neue technik der trans-geniculaen
amputation. Chirurg 1985 ; 56 : 735-740 ciples. Clin Prosthet Orthot 1985 ; 9 : 15-26
Amsterdam,1998 : 373
[33] Kotz R, Salzer M. Rotation-plasty for childhood osteosar- [62] Sanders LJ. Transmetatarsal and midfoot amputations.
[7] Boyd HB. Anatomic disarticulation of the hip. Surg Gynecol Amputations of the lower extremity. Clin Podiatr Med Surg
Obstet 1947 ; 84 : 346 coma of the distal part of the femur. J Bone Joint Surg Am
1982 ; 64 : 959-969 1997 ; 14 : 741-761
[8] Brunel P, Heuls-Bernin B. Classification des genoux prothé- [63] Schuch CM, Pritham CH. Current transfemoral sockets.
tiques. Intérêt en pratique courante. In : Codine P, Brun V, [34] Lacroix B, Aveque C, Fouquet B, Eyssette M. Les différents
genoux prothétiques. Indications, résultats sur la qualité Clin Orthop 1999 ; 361 : 48-54
André JM éd. Amputation du membre inférieur. Appa-
de la marche et la dépense énergétique. In : Codine P, Brun [64] Sizer JS, Wheelock FC Jr. Digital amputations in diabetic
reillage et rééducation. Paris : Masson, 1996 : 211-221
V, André JM éd. Amputation du membre inférieur. Appa- patients. Surgery 1972 ; 72 : 980-989
[9] Burgess EM. The below knee amputation. Inter-Clin Inf Bull reillage et rééducation. Paris : Masson, 1996 : 222-230 [65] Smith DG, Fergason JR. Transtibial amputations. Clin
(n° 4)1969 ; 7 Orthop 1999 ; 361 : 108-115
[35] Lange TA, Nasca RJ. Traumatic partial foot amputation. Clin
[10] Burgess EM, Romano RL, Zettl JH. The management of Orthop 1984 ; 185 : 137-141 [66] Sugarbaker PH, Chretien PB. Hemipelvectomy in the lateral
lower-extremity amputations. US Veteran Administr 1969 ; position. Surgery 1981 ; 90 : 900-909
11TR : 10-16 [36] Larson U, Andersson GB. Partial amputation of the foot for
diabetic or arterio sclerotic gangren. Results and factors of [67] Sugarbaker PH, Chretien PB. Hemipelvectomy for buttock
[11] Burgess EM, Romano RL, Zettl JH. The management of prognostic value. J Bone Joint Surg Br 1988 ; 70 : 251-254 tumors utilising an anterior myocutaneous flap of quadri-
lower-extremity amputations. Surgery. Immediate post- ceps femoris muscle. Ann Surg 1983 ; 197 : 106-115
surgical prosthetic fitting. Patient care. First edition1969. [37] Loder RT, Herring JA. Disarticulation of the knee in children.
Revised edition1996 for the world wibe web. Washington : A functional assessment. J Bone Joint Surg Am 1987 ; 69 : [68] Sugarbaker PH, Chretien PB. Anterior flap hemipelvec-
Prosthetic and sensory aids service. Department of vete- 1155-1160 tomy. In : Sugarbaker PH, Malawer MM eds. Musculoskel-
rans affairs, 1996, http://weber.u.washington. edu etal surgery for cancer. Principles and techniques. New
[38] Mann RA, Poppen NK, O’Konski M. Amputation of the
York : Thieme Medical Publishers, 1992 : 138-149
[12] Camilleri A. L’arthrodèse tibio-calcanéenne avec astraga- great toe. A clinical and biomechanical study. Clin Orthop
1988 ; 226 : 192-205 [69] Sugarbaker PH, Chretien PB. Hip disarticulation. In : Sugar-
lectomie (ATCA) dans les écrasements du pied. Justifica-
baker PH, Malawer MM eds. Musculoskeletal surgery for
tion. Protocole opératoire. Indications. In : Cahiers d’ensei- [39] Maurer P. Amputations et désarticulations du membre cancer. Principles and techniques. New York : Thieme
gnement de la SOFCOT. Sauvetage des membres en inférieur. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médica- Medical Publishers, 1992
traumatologie. Paris : Expansion Scientifique Publications, les Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie-
2000 (à paraître) traumatologie, 44-100, 1978 [70] Sugarbaker PH, Karakousis CP, Malawar MM. Summary of
alternative approaches to hemipelvectomy. In : Sugarba-
[13] Camilleri A, Larivière JY. Conduite à tenir en présence d’une [40] Meir T. Faut-il encore faire des ostéomyoplasties dans les ker PH, Malawer MM eds. Musculoskeletal surgery for
amputation de Chopart traumatique. Arthrodèse tibio- amputations de jambe en1985 ? [thèse], Faculté de méde- cancer. Principles and techniques. New York : Thieme
calcanéenne avec astragalectomie (ATCA). Technique et cine de Créteil, Paris-Val de Marne, 1985 Medical Publishers, 1992 : 184-196
résultats. In : Codine P, Brun V, André JM éd. Amputation
[41] Ménager D. La prothèse canadienne. À propos de 131 cas [71] Syme J. Amputation of the ankle joint. Clin Orthop 1964 ;
du membre inférieur. Appareillage et rééducation. Paris :
traités au CRA à Valenton. [mémoire], Université René Des- 37 : 8-10
Masson, 1996 : 32-37
cartes, Paris, 1983
[14] Carter RS, Eastwood DM, Grimer RJ, Sneath RS. Hindquar- [72] Syme J. The classic. Surgical cases and observations: ampu-
[42] Ménager D. Les amputations du membre inférieur et leur tation at the ankle-joint. Clin Orthop 1990 ; 256 : 3-6
ter amputation for tumors of the musculoskeletal system. J
appareillage. In : Cahiers d’enseignement de la SOFCOT [73] Taminiau HM, Arndt JW, Van Bockel JH, Steenhoff RM,
Bone Joint Surg Br 1990 ; 72 : 490-493
n° 45. Paris : Expansion scientifique française, 1993 : Pauwels J. Evaluation of the lymph flow with lympho-
[15] Choudhury SN, Kitaoka HB. Amputations of the foot and 177-196
ankle: review of techniques and results. Orthopedics 1997 ; scintigraphy after rotation-plasty for the treatment of bone
20 : 446-457 [43] Ménager D, Chiesa G. Amputations partielles du pied. In : tumors. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 74 : 102-105
Codine P, Brun V, André JM éd. Amputation du membre [74] Tomeno B, Anract P, Ouaknine M. Psychological manage-
[16] Chow YN. Rotation-plasty for osteosarcoma at the ilium. A inférieur. Appareillage et rééducation. Paris : Masson,
case report. In : ISOLS. Complications of limb salvage, ment, prevention and treatment of phantom pain in ampu-
1996 : 243-253 tations for tumors. Int Orthop 1998 ; 22 : 205-208
1991 : 613-616
[44] Ménager D, Chiesa G, Ha Van G, Lefèvre B, Camilleri A. [75] Tomsa W. Beitrage zur anatomie und physiologie dre men-
[17] Christie J, Clowes CB, Lamb DW. Amputations through the Conduite à tenir devant une amputation de Chopart trau- schlichen haut. Arch Dermatol Syphilis (n° 1)1873 ; 5 :
middle part of the foot. J Bone Joint Surg Br 1980 ; 62 : matique. Méd Chir Pied 1988 ; 4 : 35-39
473-474 [76] Trezain B. Les désarticulés de hanche. À propos de 53 cas.
[45] Ménager D, Chiesa G, Lerner JM. La prothèse canadienne. [thèse], Faculté de médecine A et B, Nancy, 1976
[18] De Bari A, Krajbich JI, Langer F, Hamiltonk E, Hubbard S. In : Codine P, Brun V, André JM éd. Amputation du membre
Modified Van Nes rotation plasty for osteosarcoma of the [77] Van Nes CP. Rotation-plasty for congenital defects of the
inférieur. Appareillage et rééducation. Paris : Masson, femur making use of the ankle of the shortened limb to
proximal tibia in children. J Bone Joint Surg Br 1990 ; 72 : 1996 : 163-172
1065-1069 control the knee joint of a prosthesis. J Bone Joint Surg Br
[46] Millstein SG, McCowan SA, Hunter GA. Traumatic partial 1950 ; 32 : 12-16
[19] Duerksen F, Rogalsky RJ, Cochrane IW. Knee disarticulation foot amputations in adults. A long-term review. J Bone Joint
with intercondylar patellofemoral arthrodesis. An [78] Vaucher J, Blanc Y. La désarticulation du genou. Technique
Surg Br 1988 ; 70 : 251-254 opératoire - Appareillage. Rev Chir Orthop 1982 ; 68 :
improved technique. Clin Orthop 1990 ; 256 : 50-57
[47] Mnaymneh W, Temple W. Modified hemipelvectomy uti- 395-406
[20] Early JS. Transmetatarsal and midfoot amputations. Clin lising a long vascular myocutaneous thigh flap. J Bone Joint
Orthop 1999 ; 361 : 85-90 [79] Vichard P, Paquin JM, Bertin D. L’amputation de Gritti doit-
Surg Am 1980 ; 62 : 1013-1015 elle désormais remplacer l’amputation au 1/3 inférieur de
[21] Gebhart MJ, McCormack RR, Healey JH, Otis JC, Lane JM. [48] Murdoch G. Levels of amputation and limiting factors. Ann cuisse ? Chirurgie 1981 ; 107 : 285-291
Modification of the skin incision for the Van Nes limb R Coll Surg Eng 1967 ; 40 : 204-216 [80] Wagner FW Jr. Management of the diabetic neurotrophic
rotation-plasty. Clin Orthop 1987 ; 216 : 179-182
[49] Murdoch G. Myoplastic techniques. Bull Pros Res 1968 ; 4 : foot. Part II. A classification and treatment program for dia-
[22] Gordon-Taylor G, Wiles P. Interinnomino-abdominal betic, neuropathic, and dysvascular foot problems. In :
9-10
(hind-quarter) amputation. Br J Surg 1935 ; 22 : 671-681 AAOS Instructional course lectures. St Louis : CV Mosby,
[23] Gottsauner-Wolf F, Kotz R, Knahr K, Kristen H, Ritschl P, [50] Murdoch G. Syme’s amputation. J R Coll Surg Edinburgh 1979 : 143-165
Salzer M. Rotation-plasty for limb salvage in the treatment 1976 ; 21 : 15-30
[81] Wagner FW Jr. Partial foot amputations. In : AAOS. Atlas of
of malignant tumors at the knee. A follow-up study of [51] Persson BM. Sagittal incision for below-knee amputation in limb prosthetics: surgical and prosthetic principles. St
seventy patients. J Bone Joint Surg Am 1991 ; 73 : 1365-1375 ischemic gangrene. J Bone Joint Surg Br 1974 ; 56 : 110-114 Louis. : CV Mosby, 1981 : 315-325
[24] Gottschalk F. Transfemoral amputation. In : Bowker JH, [52] Pinzur M, Kaminsky M, Sage R, Cronin R, Osterman H. [82] Winkelmann W. Hip rotation plasty for malignant tumors
Michael JW eds. Atlas of limb prosthetics: surgical, pros- Amputations at the middle level of the foot. A retrospective of the proximal part of the femur. J Bone Joint Surg Am 1986 ;
thetic and rehabilitation principles. St Louis : CV Mosby, and prospective review. J Bone Joint Surg Am 1986 ; 68 : 68 : 362-369
1992 : 501-507 1061-1064 [83] Yamamoto Y, Minakawa H, Takeda N. Pelvic reconstruc-
[25] Gottschalk F. Transfemoral amputation. Biomechanics and [53] Pinzur MS. Restoration of walking ability with Syme’s ankle tion with a free fillet lower leg flap. Plast Reconstr Surg 1997 ;
surgery. Clin Orthop 1999 ; 361 : 15-22 disarticulation. Clin Orthop 1999 ; 361 : 71-75 99 : 1439-1441
27
44-145
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-145
Biopsies vertébrales
A Feydy
E Hoffmann
G Morvan
Résumé. – La biopsie vertébrale est le premier temps diagnostique des lésions infectieuses et tumorales
localisées du rachis. La ponction biopsie peut être réalisée par voie percutanée ou à ciel ouvert. Les biopsies
discovertébrales percutanées restent le moyen le plus économique et le moins traumatisant pour obtenir une
certitude diagnostique. La biopsie vertébrale percutanée a donc largement supplanté la biopsie chirurgicale,
grâce à un abord rachidien peu invasif, avec une efficience diagnostique de plus de 80 %. L’amélioration du
matériel de ponction, l’apparition de nouvelles méthodes de guidage ont contribué à améliorer l’efficacité et
l’innocuité de la méthode. Pratiquement toutes les lésions discovertébrales sont accessibles à une ponction
percutanée sous contrôle radiographique ou tomodensitométrique. Les techniques de biopsie percutanée
varient en fonction du segment rachidien, de la zone vertébrale à biopsier et des habitudes de l’équipe de
radiologie interventionnelle. Une parfaite collaboration doit exister entre le radiologue et le chirurgien qui est
susceptible de réaliser dans un deuxième temps l’exérèse tumorale. Il faut choisir une voie de biopsie dont le
trajet puisse être excisé dans sa totalité lors de la réalisation d’une exérèse carcinologique.
La chirurgie est nécessaire en cas d’incertitude diagnostique persistante après une biopsie percutanée non
concluante ou de réalisation impossible. La biopsie vertébrale par voie postérieure transpédiculaire est la plus
classique. La biopsie endoscopique du rachis regroupe l’ensemble des techniques qui ont en commun
l’utilisation d’un endoscope pour aider le geste chirurgical. L’endoscopie rachidienne est cependant rarement
purement diagnostique ; une chirurgie rachidienne complémentaire est le plus souvent associée. La voie
antérieure présterno-cléido-mastoïdienne permet l’exposition antérieure et latérale des corps et des disques
de C2 à T2. Les faces antérieures de C1 et C2 peuvent être abordées par un abord direct transoral.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Feydy A, Hoffmann E et Morvan G. Biopsies vertébrales. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-145,
2003, 12 p.
44-145 Biopsies vertébrales Techniques chirurgicales
*
A *
B
rachis regroupe l’ensemble des techniques qui ont en commun le contenu du canal rachidien, les tissus paravertébraux. Une
l’utilisation d’un endoscope pour aider le geste chirurgical. exploration complète nécessite des séquences pondérées en T1, T2,
L’abord chirurgical du rachis cervical est spécifique. La voie et en T1 après injection intraveineuse de gadolinium. Une
antérieure présterno-cléido-mastoïdienne permet l’exposition suppression du signal de la graisse améliore la sensibilité de
antérieure et latérale des corps et des disques de C2 à T2. Les faces détection de la plupart des lésions et des zones « inflammatoires ».
antérieures de C1 et C2 peuvent être abordées par un abord direct
transoral. PRÉPARATION DU PATIENT
Avant toute biopsie percutanée, il est préférable de réaliser une
consultation d’anesthésie. Le patient doit être à jeun et perfusé par
Biopsie percutanée guidée une voie veineuse. Un sédatif est administré per os 1 heure avant
l’examen. Le patient doit être mis en confiance, et installé de façon
par l’imagerie stable et confortable afin d’obtenir sa coopération. Une anesthésie
locale à la Xylocaïnet 1 % est faite au point de ponction et sur le
La biopsie vertébrale percutanée a largement supplanté la biopsie trajet du trocart. Un recours à la neuroleptanalgésie ou à une
chirurgicale grâce à un abord rachidien peu invasif et une efficience anesthésie générale peut être préconisé chez le jeune enfant ou lors
diagnostique de plus de 80 % [7, 20, 29]. de la ponction des vertèbres cervicales. Une hospitalisation pour
La biopsie percutanée peut être proposée pour les lésions de l’arc surveillance clinique d’au moins 24 heures est nécessaire après la
vertébral postérieur, des pédicules, mais aussi pour les lésions du biopsie. Les mesures d’asepsie sont comparables à celles des
corps vertébral et du disque intervertébral. Tous les étages interventions chirurgicales.
rachidiens, du rachis cervical supérieur au sacrum, peuvent ainsi
être biopsiés. MATÉRIEL DE BIOPSIE
La biopsie percutanée impose une anesthésie locale et se pratique à Il existe de nombreux types de trocarts qui diffèrent par la technique
l’aide d’une grande variété de trocarts. Le choix de la méthode de de mise en place, la longueur, le calibre et l’extrémité de la canule
ponction et de la voie d’abord varie selon les équipes, selon la biopsique (dentée, rétrécie ou en biseau). Les prélèvements obtenus
localisation de la lésion sur la vertèbre et selon le segment rachidien avec des trocarts de calibre interne supérieur à 2 mm conservent
concerné. La ponction de la lésion peut se faire sous contrôle l’architecture osseuse et les logettes de tissu médullaire [7]. Un
radioscopique ou tomodensitométrique. Lorsque la lésion à système coaxial permettant plusieurs passages est utilisé dans la
ponctionner est de petite taille, située au niveau du rachis cervical majorité des cas.
ou dorsal haut, située proche de structures vitales, un repérage Le trocart coaxial permet des miniforages, minicarottages, des
préalable et un guidage tomodensitométrique (TDM) sont aspirations de matériel pour examen cytologique, histologique et
préférables pour réduire les risques de complications [9, 25, 53]. bactériologique. Ce système permet plusieurs passages sans
effectuer des ponctions itératives, ainsi qu’une protection du trajet
de ponction. En effet, il faut réduire les risques de dissémination sur
BILAN PRÉBIOPSIQUE
le trajet de ponction.
Le bilan préalable doit impérativement comporter une hémostase L’utilisation de trocarts osseux autorise un prélèvement de grande
récente, un dossier d’imagerie complet (fig 1). La ponction biopsie taille, et permet de traverser une corticale et de ponctionner des
est toujours précédée d’un examen TDM centré sur la lésion. Cet lésions osseuses cernées par une ostéocondensation. En cas de
examen permet de choisir la position du malade lors de la ponction texture osseuse, un trocart de type Laredo thoracique ou lombaire
(procubitus, décubitus dorsal ou latéral). Il permet surtout ou un trocart de Mazabraud sont fréquemment utilisés en France.
d’analyser la masse tumorale et ses rapports anatomiques de Le trocart de Mazabraud existe en deux longueurs : 95 et 240 mm. Il
voisinage. Les rapports vasculaires éventuels sont mieux analysés permet d’obtenir des carottes osseuses de 10 à 20 mm de long et de
avec une injection intraveineuse de produit de contraste iodé. 2 mm de diamètre (fig 2). Le trocart de Laredo-Bard utilise un
L’analyse précise des images permet de rechercher les zones de système de mandrin-guide rigide intermédiaire. Il emprunte ainsi le
rupture corticale, facilitant ainsi la ponction vertébrale. On recherche même trajet que celui de l’aiguille fine utilisée lors de l’anesthésie
également la région osseuse la plus mince entre la lésion et le point locale. Il existe une version adaptée aux biopsies lombaires et une
de ponction (intérêt des coupes fines en haute résolution, lues en autre de plus petit calibre, destinée aux biopsies dorsales. Les lésions
fenêtres osseuses). La lecture des images en fenêtre tissulaire met en très condensantes nécessitent souvent un matériel spécifique de
évidence les zones de nécrose tumorale. En cas de nécrose tumorale forage, équipé d’un moteur pneumatique ou électrique. Des kits de
centrale, il est préférable de ponctionner en périphérie de la lésion, trocarts osseux coaxiaux à usage unique sont actuellement proposés
en dirigeant l’aiguille vers les zones charnues. par plusieurs fabricants. Le trocart d’Ackerman est complètement
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) est aussi presque métallique, et de conception classique. L’aiguille de Bonopty a un
toujours réalisée avant la biopsie vertébrale, afin d’analyser les dispositif coaxial original : le trocart central a une extrémité
composantes les plus inflammatoires et/ou les plus actives de la excentrée qui lui permet de forer un orifice de diamètre supérieur à
lésion. L’IRM permet de visualiser l’état des espaces intervertébraux, son propre calibre.
2
Techniques chirurgicales Biopsies vertébrales 44-145
1 3
4
3 Schéma du système de
biopsie à l’aiguille de type 5 Abord du rachis lombaire. L’étoile désigne l’aire de progression de l’aiguille dans
Tru-Cut, utilisé pour les lé- le « triangle d’accès » limité par : en arrière, le massif articulaire (1) ; en dehors et en
sions ostéolytiques avec avant, la crête iliaque (2) ; en haut, le plateau inférieur de la vertèbre supérieure (3) ; en
rupture de la corticale os- bas, le plateau supérieur de la vertèbre inférieure (4). D’après [14].
seuse.
3
44-145 Biopsies vertébrales Techniques chirurgicales
*
A *
B *
C *
D
6 Biopsie de l’espace L4-L5 pour une suspicion de spondylodiscite. Abord par voie Contrôle de profil (B) et de face (C) avec le trocart de biopsie en place. L’extrémité de la
postérolatérale droite (A). L’aiguille utilisée pour l’anesthésie locale se projette juste en tréphine est visible. En D, trocard et carottes biopsiques. Résultat négatif.
avant du massif articulaire ; sa pointe est dirigée vers la partie supérieure de l’espace.
7 2 1
3
8 +5
*
A
7 2 1
3
5
8 6
*
B 4
7 Biopsie corporéale lombaire pour une lésion mixte lytique et condensante (A).
Abord de la vertèbre par voie postérolatérale. Image avec le trocart en place au sein de la
lésion (B). Métastase de carcinome mammaire.
8 Schéma de l’abord du rachis thoracique de trois quarts sous contrôle scopique. La
croix figure le repère de positionnement de l’aiguille. Les repères anatomiques indiqués
le trocart doit être le plus parallèle au disque. Les corps vertébraux sont la tête de la côte (1), l’articulation costovertébrale (2), l’apophyse transverse (3),
peuvent en revanche être abordés suivant une direction ascendante la limite externe de l’apophyse articulaire (4), la ligne pleurale (5), le corps vertébral (6),
ou descendante. Une voie alternative latérale est possible sous la lame controlatérale (7), le canal rachidien (8). D’après [31].
contrôle TDM, afin d’éviter une ponction des structures
intrapéritonéales. Une variante a été décrite récemment, en utilisant
un guidage TDM. Le patient étant en décubitus latéral, le trocart est La voie transpédiculaire est particulièrement intéressante pour
dirigé directement vers le corps vertébral ou l’espace atteindre une lésion corporéale postérieure ou une lésion
intersomatique [18]. pédiculaire. Seules les rares lésions du tiers inférieur du corps
vertébral sont d’accès plus difficile par un abord transpédiculaire, et
Rachis dorsal peuvent nécessiter un abord électif.
À l’étage thoracique, l’abord est intercostal. Le sujet est placé en Une fois repéré l’étage pathologique, il faut rechercher le point de
procubitus, le côté à biopsier soulevé d’environ 35° par rapport à pénétration postérieur du pédicule vertébral. Le pédicule est ensuite
l’horizontale. L’aiguille est alors introduite verticalement à environ foré à l’aide d’une tréphine, puis le trocart est introduit jusqu’à la
4-5 cm de la ligne des épineuses, au sein d’une fenêtre délimitée par lésion vertébrale. Le guidage sous radioscopie permet de surveiller
la tête des côtes et les apophyses transverses (fig 1, 8, 9). Il est la progression en temps réel du trocart. Un équipement biplan est
important de progresser lentement d’une manière plus sagittale recommandé, car il autorise un contrôle simultané de face et de
qu’en lombaire tout en infiltrant à la Xylocaïnet diluée pour créer profil. La voie transpédiculaire est préférée par certains [52, 57], et
un volume extrapleural de sécurité [30, 41]. À cet étage également, un permet aussi de réaliser une biopsie en cas de vertébroplastie
guidage TDM (fig 10) peut simplifier la procédure en diminuant le percutanée, avec une excellente efficacité diagnostique [42]. Une
risque de complication [8]. modification du trajet de la voie d’abord transpédiculaire a été
La biopsie est plus aisée s’il existe une masse paravertébrale en proposée récemment ; cet abord « Bull’s-Eye » permet de réaliser
regard de la lésion, refoulant la plèvre. Une radiographie ou un plusieurs passages avec la même aiguille et un seul point de
examen TDM du thorax est indispensable en fin d’examen pour ponction [1].
s’assurer de l’absence de pneumothorax ou d’hémothorax [40].
¶ Particularités du rachis cervical
¶ Voie transpédiculaire
Au rachis cervical, compte tenu du risque de piqûre vasculaire et de
Aux étages thoracique et lombaire, une voie d’abord ponction neurologique, il est préférable de réaliser un repérage
transpédiculaire est réalisable sous contrôle scopique ou TDM [2, 23, TDM [25]. Le guidage scopique est cependant réalisable si l’opérateur
46, 48, 55]
. est entraîné.
4
Techniques chirurgicales Biopsies vertébrales 44-145
*
A *
B
*
A *
B
5
44-145 Biopsies vertébrales Techniques chirurgicales
*
A *
B
13 Biopsie percutanée
sous contrôle tomodensito-
métrique par voie postérola-
térale d’une lésion ostéolyti-
que du corps de C2.
Métastase d’un adénocarci-
nome peu différencié.
6
Techniques chirurgicales Biopsies vertébrales 44-145
7
44-145 Biopsies vertébrales Techniques chirurgicales
C
C
*
A 3 2 1
*
B
8
Techniques chirurgicales Biopsies vertébrales 44-145
2 A'
A
1
9
44-145 Biopsies vertébrales Techniques chirurgicales
*
A *
B
sont réclinés à l’aide de tampons montés. On accède ainsi à la face ¶ Technique opératoire
antérieure du rachis lombaire inférieur et du sacrum supérieur.
L’opérateur se place du côté de la voie d’abord. L’aide se place en
L’endoscope est introduit par une voie d’abord iliaque gauche ; le
face de lui si l’anesthésiste se tient à la tête du malade, ou à la tête
point d’introduction est situé à mi-distance entre l’ombilic et
du malade si l’anesthésiste se tient face à l’opérateur. La voie
l’épine iliaque antérieure. La mise en place de l’endoscope permet
d’abord antérolatérale accède au rachis cervical par les faces
d’éclairer le champ opératoire et de visualiser les éléments
antérieure et latérale du cou. Elle chemine en avant du muscle
anatomiques prévertébraux. On dégage la face antérieure du
sterno-cléido-mastoïdien (voie présterno-cléido-mastoïdienne). Elle
disque et le corps vertébral au tampon monté. Les hémostases des passe entre l’axe viscéral du cou et le paquet vasculaire. La voie
vaisseaux sacrés moyens (abord du disque L5-S1) et parfois de la d’abord antérolatérale autorise une biopsie antérieure et médiane
veine iliolombaire ascendante (abord du disque L4-L5) se font avec du rachis cervical de C2 à T2. Les disques sont blancs et en saillie
des clips vasculaires, car la coagulation à la pince bipolaire risque par rapport aux corps vertébraux. Le disque est repéré et ponctionné
de léser les chaînes sympathiques et hypogastriques. La biopsie avec une aiguille à ponction lombaire (18 G) sous contrôle
vertébrale ou discale peut être réalisée. On draine sur un Redon radiologique. Le ligament longitudinal antérieur est incisé en regard
laissé dans l’espace rétropéritonéal. du corps ou du disque à biopsier. La biopsie discale ou corporéale
On peut également choisir une voie antérolatérale plus classique de peut être effectuée avec des pinces à disques ou des curettes
type minilombotomie gauche qui donne accès aux corps vertébraux coudées. Le drainage se fait par un Redon. Il faut reconstituer le
et aux disques entre L2 et L5. plan de l’omohyoïdien et suturer le peaucier du cou.
Complications ¶ Complications
Les brèches péritonéales survenant lors du décollement sont L’hématome cervical suffocant par compression de l’axe trachéal
suturées. Les lésions des gros vaisseaux sont rares, en particulier si impose une chirurgie d’évacuation d’urgence. Les lésions de
le décollement des vaisseaux est mené avec précaution à l’aide de l’œsophage restent classiques et peuvent être prévenues par un
tampons montés. Les complications sexuelles (éjaculation rétrograde positionnement soigneux des écarteurs. L’abord gauche est préféré
et sécheresse vaginale) sont moins rares, elles ont été décrites lors pour le rachis cervical inférieur et la charnière cervicothoracique, en
de l’exposition de l’espace L5-S1. Une technique chirurgicale raison du moindre risque de léser le nerf récurrent.
adaptée, sans utilisation de bistouri électrique, réduit sensiblement
cette complication. BIOPSIE CHIRURGICALE DE LA FACE ANTÉRIEURE
DE C1 ET C2 PAR VOIE TRANSORALE [35] (fig 22)
Les faces antérieures de C1 et C2 peuvent être abordées directement
TECHNIQUE DE BIOPSIE CHIRURGICALE DU RACHIS
CERVICAL DE C2 À T2 PAR ABORD ANTÉRIEUR par un abord transoral. Cet abord donne accès à l’arc antérieur de
PRÉSTERNO-CLÉIDO-MASTOÏDIEN (fig 21) C1, à l’odontoïde, au corps de C2 et aux interlignes articulaires
C1-C2.
Cette voie d’abord classique du rachis cervical permet l’exposition
des faces antérieure et latérale des corps vertébraux et des disques ¶ Aspects techniques
de C2 à T2.
Le risque infectieux de cette voie d’abord justifie une préparation
¶ Installation et voie d’abord préalable de la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL). Pendant les
jours qui précèdent l’intervention, on procède à une désinfection des
L’abord du côté droit est préféré par les chirurgiens droitiers. voies aériennes supérieures. Le patient est installé la tête en légère
L’abord gauche est préféré pour le rachis cervical inférieur et la hyperextension, l’intubation nasotrachéale est préférée. La
charnière cervicothoracique, en raison du moindre risque de léser le désinfection de la sphère buccale est répétée par un antiseptique
nerf récurrent. peu agressif pour les muqueuses. Le chirurgien se place à la tête du
L’intervention est réalisée sous anesthésie générale avec intubation patient. L’ouverture de la bouche est assurée par un écarteur
endotrachéale. La sonde armée est munie d’un ballonnet à basse autostatique avec abaisse-langue.
pression pour éviter toute compression laryngotrachéale contre la
lame de l’écarteur. Le patient est installé en décubitus dorsal, soit
¶ Technique
sur table ordinaire, ou la tête posée sur une têtière. La tête est placée La paroi postérieure du pharynx est infiltrée jusqu’au plan osseux
en position neutre ou en rotation du côté opposé à la voie d’abord avec de la Xylocaïnet adrénalinée. L’incision est verticale du
pour certains. Les épaules sont abaissées par une traction élastique tubercule de l’atlas jusqu’au relief du disque C2-C3. Les faces
chez le sujet à cou court ; le calage des bras le long du corps suffit le antérieures de l’atlas et de l’axis sont dégagées à la rugine jusqu’au
plus souvent. Le niveau vertébral concerné est repéré à l’aide d’un bord latéral des articulations atloïdoaxoïdiennes, sans les dépasser
amplificateur de brillance. du fait de la proximité des vaisseaux vertébraux. La biopsie de la
10
Techniques chirurgicales Biopsies vertébrales 44-145
22 Biopsie chirurgicale de la
face antérieure de C1 et C2 par
voie transorale.
lésion peut alors être réalisée. La biopsie discale ou corporéale peut ¶ Complications
être effectuée avec des pinces à disques ou des curettes coudées. La
fermeture du plan musculaire prévertébral et de la muqueuse Le risque infectieux doit être prévenu par une bonne préparation
pharyngée se fait de la façon la plus étanche possible au fil préopératoire locale et par une couverture antibiotique
résorbable. Des soins de bouche sont faits quotidiennement jusqu’à périopératoire. La nécrose du plan muqueux peut être prévenue en
la cicatrisation, et une antibiothérapie de couverture est maintenue réalisant la voie d’abord au bistouri froid aux dépens du bistouri
8 jours. électrique.
Références
[1] Appel NB, Gilula LA. ″Bull’s-eye″ modification for trans- [11] Chevrot A, Godefroy D, Horreard P, Pallardy G. Biopsie [22] Huang TJ, Hsu RW, Sum CW, Liu HP. Complications in
pedicular biopsy and vertebroplasty. AJR Am J Roentgenol osseuse profonde au trocart sous contrôle de la radioscopie thoracoscopic spinal surgery : a study of 90 consecutive
2001 ; 177 : 1387-1389 télévisée. Ann Méd Interne 1980 ; 131 : 448-451 patients. Surg Endosc 1999 ; 13 : 346-350
[2] Ashiwaza R, Ohtsuka K, Kamimura M, Ebara S, Takaoka K. [12] Cortet B, Coquerelle P, Cotten A, Delambre C, Chastanet P, [23] Jelinek JS, Kransdorf MJ, Gray R, Aboulafia AJ, Malawer MM.
Percutaneous transpedicular biopsy of thoracic and lumbar Duquesnoy B et al. Valeur diagnostique de la ponction- Percutaneous transpedicular biopsy of vertebral body
vertebrae: method and diagnostic validity. Surg Neurol biopsie vertébrale dans les affections rachidiennes non lesions. Spine 1996 ; 21 : 2035-2040
1999 ; 52 : 545-551 infectieuses. Rev Rhum Mal Ostéoartic 1994 ; 61 : 505-511
[13] Dickman CA, Rosenthal D, Karahaliakos DG, Paramore CG, [24] Kattapuram SV, Khurana JS, Rosenthal DI. Percutaneous
[3] Bender CE, Berquist TH, Wold LE. Imaging-assisted percu- needle biopsy of the spine. Spine 1992 ; 17 : 561-564
taneous biopsy of the thoracic spine. Mayo Clin Proc 1986 ; Mican CA, Apostolides PJ et al. Thoracic vertebrectomy and
61 : 942-950 reconstruction using a microsurgical thoracoscopic [25] Kattapuram SV, Rosenthal DI. Percutaneous biopsy of the
approach. Neurosurgery 1996 ; 38 : 279-293 cervical spine using CT guidance. AJR Am J Roentgenol
[4] Berning W, Freyschmidt J, Ostertag H. Percutaneous bone
[14] Disques intervertébraux, discographie lombaire. In : Pal- 1987 ; 149 : 539-541
biopsy, techniques and indications. Eur Radiol 1996 ; 6 :
875-881 lardy G, Chevrot A éd. Arthrographies opaques. Paris :
[26] Kim DH, Jaikumar S, Kam AC. Minimally invasive spine
Masson, 1992 : 201-222
[5] Bommer KK, Ramzy I, Mody D. Fine-needle aspiration instrumentation. Neurosurgery 2002 ; 51 (suppl 5) : 15-25
[15] Fidler MW, Niers BB. Open transpedicular biopsy of verte-
biopsy in the diagnosis and management of bone lesions: a bral body. J Bone Joint Surg [Br] 1990 ; 72 : 884-885 [27] Kornblum MB, Wesolowski DP, Fischgrund JS, Herkowitz
study of 450 cases. Cancer 1997 ; 81 : 148-156 HN. Computed tomography-guided biopsy of the spine. A
[16] Fyfe IS, Henry AP, Mulholland RC. Closed vertebral biopsy.
[6] Bosca L. Prise en charge chirurgicale des tumeurs osseuses review of 103 patients. Spine 1998 ; 23 : 81-85
J Bone Joint Surg [Br] 1983 ; 65 : 140-143
primitives de l’articulation sacro-iliaque. [thèse de docto- [28] Kuklo TR, Lenke LG. Thoracoscopic spine surgery: current
rat en médecine]. Université Paris VI. 21 novembre 2002 [17] Gangi A, Kastler BA, Dietemann JL. Percutaneous vertebro-
plasty guided by a combination of CT and fluoroscopy. indications and techniques. Orthop Nurs 2000 ; 19 : 15-22
[7] Brenac F, Huet H. Efficience diagnostique des biopsies dis- AJNR Am J Neuroradiol 1994 ; 15 : 83-86 [29] Langer-Cherbit A, Chemla N, Vacherot B, Dupont AM,
covertébrales percutanées. Optimisation de la technique. [18] Garces J, Hidalgo G. Lateral access for CT-guided percuta- Godefroy D, Chevrot A. Value and results of radioguided
J Neuroradiol 2001 ; 28 : 7-16 neous biopsy of the lumbar spine. AJR Am J Roentgenol deep spinal biopsy. J Radiol 1994 ; 75 : 603-608
[8] Brugières P, Gaston A, Heran F, Voisin MC, Marsault C. 2000 ; 174 : 425-426
Percutaneous biopsies of the thoracic spine under CT guid- [30] Laredo JD, Bard M. Thoracic spine: percutaneous trephine
[19] Hamze B, Bossard P, Bousson V, Jomaah N, LeHir P, Wybier biopsy. Radiology 1986 ; 160 : 485-489
ance: transcostovertebral approach. J Comput Assist M et al. Radiologie interventionnelle du rachis lombaire.
Tomogr 1990 ; 14 : 446-448 J Radiol 2003 ; 84 : 253-262 [31] Laredo JD, Bard M, Cywiner-Golenzer C et al. Percutane-
[9] Brugières P, Gaston A, Voisin MC, Ricolfi F, Chakir N. [20] Hau A, Kim I, Kattapuram S, Hornicek FJ, Rosenberg AE, ous biopsy of musculoskeletal lesions. In : Bard M, Laredo
CT-guided percutaneous biopsy of the cervical spine: a Gebhardt MC et al. Accuracy of CT-guided biopsies in 359 JD eds. Interventional radiology in bone and joints. Vienna :
series of 12 cases. Neuroradiology 1992 ; 34 : 358-360 patients with musculoskeletal lesions. Skeletal Radiol 2002 ; Springer-Verlag, 1988 : 3-50
[10] Chevrot A, Godefroy D, Horreard P, Conquy-Langer S, Pal- 31 : 349-353 [32] Le Huec JC, Husson JL, Liquois F, Belliard R, Delavigne C,
lardy G. Biopsie osseuse profonde au trocart sous radiosco- [21] Hewes RC, Vigorita VJ, Freiberger RH. Percutaneous bone LeRebeller A. Abord rétropéritonéal endoscopique pour
pie télévisée dans les infections disco-vertébrales. Rev Rhum biopsy: the importance of aspirated osseous blood. Radio- arthrodèse de la colonne lombaire. Rachis 1996 ; 8 :
Mal Ostéoartic 1981 ; 48 : 51-57 logy 1983 ; 148 : 69-72 161-169
11
44-145 Biopsies vertébrales Techniques chirurgicales
[33] Leffler SG, Chew FS. CT-guided percutaneous biopsy of [42] Minart D, Vallée JN, Cormier E, Chiras J. Percutaneous [51] Stoker DJ, Kissin CM. Percutaneous vertebral biopsy: a
sclerotic bone lesions: diagnostic yield and accuracy. AJR coaxial transpedicular biopsy of vertebral body lesions review of 135 cases. Clin Radiol 1985 ; 36 : 569-577
Am J Roentgenol 1999 ; 172 : 1389-1392 during vertebroplasty. Neuroradiology 2001 ; 43 : 409-412
[52] Stringham DR, Hadjipavlou A, Dzioba RB, Lander P. Percu-
[34] Lombard J, Le Huec JC, Magendie J, Husson JL. Abord rétro- [43] Murphy WA, Destouet JM, Gilula LA. Percutaneous skeletal taneous transpedicular biopsy of the spine. Spine 1994 ;
péritonéal de L1-L5 endoscopique ou vidéo assistée tech- biopsy: a procedure for radiologists: results, review, and 19 : 1985-1991
nique. Rachis 2000 ; 12 : 19-27 recommendations. Radiology 1981 ; 139 : 545-549
[53] Tampieri D, Weill A, Melanson D, Ethier R. Percutaneous
[44] Olscamp A, Rollins J, Tao SS, Ebraheim NA. Complications aspiration biopsy in cervical spine lytic lesions. Indications
[35] Louis R. Chirurgie atloïdo-axoïdienne par voie transorale.
of CT-guided biopsy of the spine and sacrum. Orthopedics and technique. Neuroradiology 1991 ; 33 : 43-47
Rev Chir Orthop 1983 ; 69 : 381-391
1997 ; 20 : 1149-1152
[36] Mack MJ, Regan JJ, Bobechko WP, Acuff TE. Application of [45] Onimus M, Papin P, Gangloff S. Extraperitoneal approach [54] Tan HL, McMurrick PJ, Merriman TE, Torode IP. Thoraco-
thoracoscopy for diseases of the spine. Ann Thorac Surg to the lumbar spine with video assistance. Spine 1996 ; 21 : scopic biopsy of a pathological vertebral body. Aust N Z
1993 ; 56 : 736-738 2491-2494 J Surg 1994 ; 64 : 726-728
[37] Magendie J, Lesprit E, Polard JL, Le Huec JC, Husson JL. [46] Pierot L, Boulin A. Percutaneous biopsy of the thoracic and [55] Vallée C, Chevrot A, Gires F, Auberge T, Dupont AM, Pal-
Arthrodèse antérieure sous contrôle vidéo des fractures lumbar spine: transpedicular approach under fluoroscopic lardy G. Disco-dorsal vertebral biopsy. A propos of 150
thoraciques. Rachis 2000 ; 12 : 19-27 guidance. AJNR Am J Neuroradiol 1999 ; 20 : 23-25 cases performed under televised radioscopic control. Ann
Radiol 1986 ; 29 : 233-236
[38] Martin HE, Ellis EB. Biopsy by needle puncture and aspira- [47] Regan JJ, Mack MJ, Picetti GD 3rd. A technical report on
tion. Ann Surg 1930 ; 92 : 169-181 video assisted thoracoscopy in thoracic spinal surgery. [56] Vander Bijl AE, Taminiau AH, Hermans J, Beerman H,
Spine 1995 ; 20 : 831-837 Hogendoorn PC. Accuracy of the Jamshidi trocar biopsy in
[39] McAfee PC, Regan JR, Zdeblick T, Zuckerman J, Picetti GD the diagnosis of bone tumors. Clin Orthop 1997 ; 334 :
[48] Renfrew DL, Whitten CG, Wiese JA, El-Khoury GY, Harris
3rd, Geis WP et al. The incidence of complications in endo- 233-243
KG. CT-guided percutaneous transpedicular biopsy of the
scopic anterior thoracolumbar spinal reconstructive
spine. Radiology 1991 ; 180 : 574-576 [57] Ward JC, Jeanneret B, Oehlschlegel C, Magerl F. The value
surgery. A prospective multicenter study comprising the
first 100 consecutive cases. Spine 1995 ; 20 : 1624-1632 [49] Rosenthal D, Maquardt G, Lorenz R, Nichtweiss M. Ante- of percutaneous transpedicular vertebral bone biopsies for
rior decompression and stabilization using a microsurgical histologic examination. Result of an experimental histo-
[40] Metzger CS, Johnson DW, Donaldson WF. Percutaneous endoscopic technique for metastatic tumors of the spine. pathologic study comparing two biopsy needles. Spine
biopsy in the anterior thoracic spine. Spine 1993 ; 18 : J Neurosurg 1996 ; 84 : 565-572 1996 ; 21 : 2484-2490
374-378
[50] Roy-Camille R, Saillant G, Mamoudy P, Leonard P. Biopsie [58] Zucherman JF, Zdeblick TA, Bailey SA, Mahvi D, Hsu KY,
[41] Mick CA, Zinreich J. Percutaneous trephine bone biopsy of du corps vertébral par voie postérieure transpédiculaire. Kohrs D. Instrumented laparoscopic spinal fusion. Spine
the thoracic spine. Spine 1985 ; 10 : 737-740 Rev Chir Orthop 1983 ; 69 : 147-149 1995 ; 20 : 2029-2035
12
Voies d'abord du rachis
Résumé
Pour chaque segment rachidien, la voie d'abord postérieure, que nous décrirons en premier, est la
plus couramment utilisée, mais en règle générale, elle ne permet l'accès qu'aux arcs postérieurs des
vertèbres surtout aux niveaux cervical et dorsal où la présence de la moelle contre-indique
l'écartement du sac dural.
Seules des voies de réalisation délicate permettent un accès antérieur strict aux corps vertébraux et
elles ne sont possibles qu'à quelques niveaux : charnière occipitocervicale, rachis lombaire et
charnière lombosacrée.
Donc en pratique générale les corps vertébraux sont abordés par une voie antérolatérale qui impose
le choix du côté et que certaines structures anatomiques compliquent au niveau des charnières :
éléments vasculonerveux destinés à la face pour la charnière occipitocervicale, ceinture scapulaire
pour la charnière cervicothoracique, diaphragme pour la charnière thoracolombaire et vaisseaux
iliaques pour la charnière lombosacrée.
Plan
Voies d'abord du rachis cervical et de la charnière occipitocervicale
Voies d'abord du rachis thoracique et de la charnière cervicothoracique
Voies d'abord du rachis lombaire et des charnières thoracolombaire et lombosacrée
Haut de page
Voies d'abord du rachis cervical et de la charnière occipitocervicale
- voie postérieure ;
- voie antérolatérale, pré-sterno-cléido- mastoïdienne.
Voie postérieure
Elle donne accès à l'écaille de l'occipital, à la partie médiane de l'arc postérieur de C1 et enfin de C2
au rachis dorsal : aux épineuses, aux lames et aux massifs articulaires (fig. 1). Elle permet ainsi de
réaliser des ostéosynthèses et des arthrodèses prenant appui sur certaines de ces structures
osseuses. Elle autorise aussi la réalisation d'une décompression médullaire par laminectomie et
éventuellement par agrandissement du trou occipital ou une décompression radiculaire par
arthrectomie partielle.
Installation (fig. 2)
Abord du rachis
L'opérateur peut se placer à droite ou à gauche du patient : pour un droitier sa position à droite
favorise l'abord du rachis cervical inférieur et à gauche celui du rachis cervical supérieur. Après
incision cutanée et mise en place de deux écarteurs autostatiques, placés bien symétriquement, le
ligament nuchal est incisé au bistouri électrique jusqu'aux épineuses et jusqu'à la crête occipitale
longitudinale en veillant par la palpation à rester strictement médian dans ce ligament pour limiter le
saignement. Les tubercules des épineuses et le ligament interépineux sont exposés au bistouri
électrique. Chaque lame est dégagée à la rugine puis par une compresse tassée provisoirement qui
limite beaucoup le saignement ; ensuite entre deux arcs postérieurs ainsi ruginés les insertions
tendineuses des muscles sont sectionnées à chaque niveau aux bords inférieurs des épineuses et
des lames. Des écarteurs autostatiques profonds sont mis en place et si nécessaire la face
postérieure de chaque massif articulaire est exposée sans dépasser son bord externe, en
désinsérant à ce niveau les muscles au bistouri électrique (fig. 3). L'écaille occipitale est facilement
exposée sur 3 cm de part et d'autre de la ligne médiane en sous-périosté à la rugine et au bistouri ;
l'hémostase à la cire de plusieurs trous nourriciers est souvent nécessaire. Entre elle et l'épineuse de
C2, il est utile de repérer par palpation, l'arc postérieur de C1 et son tubercule pour que l'abord reste
strictement médian. L'exposition en sous-périosté de cet arc doit être prudente à la petite rugine et se
limiter à 15 mm de part et d'autre de la ligne médiane. En effet, un abord plus latéral pourrait
entraîner la blessure de veines vertébrales dont l'hémostase difficile ne serait obtenue que par
Fermeture
Elle se fait sur drain aspiratif et doit s'attacher à suturer soigneusement les muscles de la nuque en
deux plans pour éviter une faiblesse ultérieure des extenseurs, source de cervicalgies et parfois de
cyphose. Cette réparation peut être facilitée par la détente des bandes adhésives mises en place sur
les épaules au cours de l'installation. Un oedème de la cicatrice étant fréquent à ce niveau dans les
suites, les sutures cutanées doivent être peu serrées et retirées avant le 8e jour.
Elle donne accès aux corps vertébraux et aux disques de C2 à T2 et du côté de l'abord aux
articulations uncovertébrales, aux racines antérieures des apophyses transverses et enfin à l'artère
vertébrale de C3 à C7 (fig. 1). Son principe est de passer en avant du muscle sterno-cléido-
mastoïdien (SCM), puis entre l'axe aérodigestif en dedans et le paquet jugulocarotidien en dehors
(fig. 4). Le choix du côté de l'abord n'est dicté par les lésions que dans les rares cas d'intervention sur
l'artère vertébrale ou sur les articulations uncovertébrales. Plus souvent cette voie est utilisée pour
agir au niveau des disques et des corps vertébraux, et ces structures sont accessibles par les deux
côtés : le choix du côté dépend alors des niveaux vertébraux à opérer. Du côté droit le nerf récurrent
peut gagner l'axe aérodigestif en croisant la voie d'abord au niveau du rachis cervical inférieur : pour
éviter sa lésion il faut donc préférer un abord du côté gauche, si le rachis doit être exposé en dessous
de C5. En effet à gauche, le nerf récurrent a rejoint l'axe aérodigestif dans le médiastin et il est donc
au niveau de l'abord moins vulnérable car protégé par la gaine de cet axe. En revanche, si le but de
l'intervention est d'exposer le seul rachis cervical supérieur, il est plus commode pour un droitier
d'utiliser une voie d'abord du côté droit. Nous décrirons la voie d'abord à gauche, côté le plus utilisé,
et dans sa totalité, en sachant que le plus souvent l'abord se limite à une partie de cette voie.
Installation (fig. 5)
Le patient est en décubitus dorsal, bras le long du corps, sur une table ordinaire. Les cheveux sont
maintenus dans une coiffe et les yeux protégés par des compresses. Les épaules sont un peu
soulevées par un champ plié glissé sous les omoplates, qui maintient le cou en légère extension. Une
bande adhésive, appliquée sur le front et collée aux bords de la table, maintient le cou en rotation
neutre ou modérée vers la droite. Une rotation à gauche rendrait difficile l'écartement de l'axe
aérodigestif ; à l'inverse une rotation à droite de la tête supérieure à 20° rendrait difficile l'écartement
du SCM qui se trouverait tendu et pourrait induire une erreur d'appréciation de l'orientation des
vertèbres ; dans l'abord du rachis cervical supérieur cette rotation excessive gênerait l'exposition du
rachis en déplaçant la région carotidienne haute vers la ligne médiane. Si le rachis cervical inférieur
doit être abordé et pour pouvoir disposer de contrôles radiographiques peropératoires, il est utile,
surtout si l'opéré présente un cou court, de maintenir les épaules abaissées par deux bandes
adhésives passées sur les épaules et fixées chacune au bord homolatéral de la table. Avant
l'installation des champs, il est prudent de dessiner sur la peau le bord antérieur du SCM, la ligne
médiane, la jugulaire externe bien visible par compression du creux sus-claviculaire et l'incision
cutanée prévue. Si plus de deux disques intervertébraux doivent être exposés ou si l'intervention doit
porter au-dessus de C4, l'incision cutanée est longitudinale suivant le bord antérieur du muscle ; si
l'abord se limite à un ou deux niveaux et en dessous de C4, il est préférable pour le résultat
esthétique d'utiliser une incision transversale dans un pli du cou : il faut alors par palpation repérer la
transverse de C6 qui, porteuse d'un tubercule, est plus saillante, puis tracer une incision horizontale
de 6 cm à cheval sur le bord antérieur du SCM. Un contrôle radiographique, avec un index métallique
sur ce tracé d'incision, vérifie son bon centrage par rapport aux niveaux à atteindre, ou permet de
mesurer le décalage à donner à ce tracé vers le haut ou vers le bas. L'opérateur se place du côté de
l'abord, ici à gauche, ses aides en face de lui et à la tête du patient. Si une prise de greffe iliaque est
nécessaire elle sera installée du côté gauche ; les anesthésistes sont au pied de l'opéré et à droite de
son tronc.
Abord
Pour un abord étendu, l'incision cutanée longitudinale suit le bord antérieur du SCM, au maximum du
bord antérieur de la mastoïde au manubrium sternal. Le peaucier du cou est décollé de l'aponévrose
cervicale superficielle sous-jacente aux ciseaux et sectionné parallèlement. Si une incision cutanée
transversale a été choisie, il faut éviter de léser en dehors la veine jugulaire externe ; le peaucier est
ensuite sectionné lui aussi de façon transversale puis décollé au petit tampon monté de l'aponévrose
cervicale superficielle sous-jacente. La voie d'abord peut ainsi être verticalisée en maintenant la peau
et le peaucier écartés par un autostatique, ramenant à l'exposition de la voie longitudinale.
L'aponévrose cervicale est alors incisée de façon longitudinale sur toute la hauteur de la voie d'abord
parallèlement au bord antérieur du SCM. L'hémostase de veines cervicales transverses et la section
de rameaux nerveux est habituelle et, en haut, la ligature de la veine jugulaire externe peut être
nécessaire.
Deux portions de la voie d'abord sont alors à distinguer suivant les niveaux rachidiens à aborder :
portion basse ou sous-hyoïdienne (C3-T1) et portion haute ou sus-hyoïdienne (occiput-C2).
La palpation au doigt repère sous le bord antérieur du muscle SCM les battements carotidiens et la
dissection douce à deux doigts effondrant l'aponévrose cervicale moyenne prend contact avec la face
antérieure du rachis. Des écarteurs de Farabeuf peuvent alors être mis en place refoulant en dedans
l'axe aérodigestif, la thyroïde et les muscles sous-hyoïdiens et réclinant en dehors le paquet
jugulocarotidien. La dissection permet d'isoler des structures transversales qu'il faut lier et sectionner
(fig. 6) : muscle omohyoïdien, puis artère thyroïdienne supérieure en regard de C4, veine
thyroïdienne moyenne en regard de C5, artère thyroïdienne inférieure en regard de C6 ou de C7.
L'effondrement de l'aponévrose cervicale profonde et du fascia prévertébral aux tampons montés
permet alors d'exposer la face antérieure du rachis entre les deux muscles longs du cou. Un contrôle
radiographique, aiguille en place dans un disque, permet de vérifier les niveaux exposés. Le ligament
vertébral antérieur est ensuite incisé longitudinalement et ruginé de la face antérieure des corps
vertébraux. De chaque côté dans la concavité du corps une hémostase de l'artère segmentaire est
nécessaire au bistouri électrique et l'hémostase des trous nourriciers du corps est assurée à la cire.
Le ligament est ensuite séparé de la face antérieure des disques à aborder au bistouri ; l'exposition
de ces disques est améliorée en désinsérant de chaque côté les muscles long du cou sur 5 mm
jusqu'à la base de l'apophyse transverse. L'écartement peut être maintenu par un écarteur
autostatique mais ce type d'écartement, s'il est puissant et prolongé, peut léser l'oesophage,
entraîner un arrêt circulatoire prolongé dans la carotide primitive ou causer un oedème trachéal
postopératoire : nous préférons l'utilisation de trois grands écarteurs de Farabeuf, l'un médian
protégeant l'axe aérodigestif, un autre latéral protégeant les gros vaisseaux et un troisième supérieur
ou inférieur. Si ce troisième écarteur est suffisamment long et étroit, il est possible d'accéder par
palpation au doigt à l'angle antéro-inférieur de C2. Pour accéder à la charnière cervicodorsale, ce
troisième écarteur est placé vers le bas ; l'aponévrose cervicale moyenne est disséquée puis
sectionnée aux ciseaux dans la partie inférieure de l'incision et par dissection au doigt ou au tampon
monté la face antérieure de D1 et souvent celle de D2 peuvent être exposées. Si les lésions ne
l'imposent pas, il faut éviter de disséquer à ce niveau devant le muscle long du cou, car c'est le siège
du ganglion stellaire du sympathique dont la lésion provoque un syndrome de Claude Bernard-
Horner. En dehors, ce muscle est en rapport avec le dôme pleural, les vaisseaux sous-claviers et le
canal thoracique.
Dans cette portion cette voie d'abord gagne l'espace rétropharyngé en passant entre, d'une part l'os
hyoïde et le pharynx en avant, et d'autre part la carotide externe et la veine jugulaire interne en
arrière. Ce passage est barré par des éléments vasculonerveux destinés à la face et à l'axe
aérodigestif ; des éléments vasculaires sont liés mais il faut respecter les éléments nerveux : nerf
laryngé supérieur, nerf hypoglosse et nerf facial. L'aponévrose cervicale superficielle ayant été
incisée au bord antérieur du SCM et la veine jugulaire externe liée, il faut prendre garde à ne pas
léser le nerf spinal qui pénètre le bord antérieur du SCM en regard de C1. Le bord antérieur de ce
muscle est libéré de bas en haut jusqu'à la glande parotide dont le pôle inférieur, qui protège le nerf
facial et récliné vers le haut. A ce niveau il faut éviter la dissection au doigt qui pourrait léser la fine
paroi du pharynx. La dissection aux ciseaux permet d'isoler les veines destinées à la thyroïde à la
face et à la langue, parfois confluentes en un tronc (fig. 6) : elles sont ensuite sectionnées entre
ligatures. Le ventre postérieur du muscle digastrique qui descend obliquement en bas et en avant et
passe au-dessus de la grande corne de l'os hyoïde est repéré : derrière lui chemine le nerf
hypoglosse qu'il faut respecter (fig. 7). Le tendon intermédiaire du muscle digastrique est alors
sectionné et son ventre postérieur récliné en arrière. Il peut être utile aussi de sectionner le muscle
stylohyoïdien qui longe le bord antérieur de ce ventre postérieur du digastrique. Les branches
antérieures de la carotide externe sont ensuite repérées : outre l'artère thyroïdienne supérieure, déjà
sectionnée en regard de C4, il faut sectionner entre ligatures en regard de C2 et de C3 les artères
linguale et faciale. Le nerf laryngé supérieur qui apparaît en dedans de la carotide externe, sous
l'artère linguale, presque au contact des muscles prévertébraux, à hauteur de la grande corne de l'os
hyoïde, doit être repéré et respecté. En restant en dessous du nerf grand hypoglosse, la dissection
prudente de la paroi pharyngée et son refoulement vers le dedans permettent d'accéder à la face
antérieure du rachis jusqu'à C1, dont le tubercule antérieur bien palpable constitue un bon repère.
Variantes
- Si l'abord présterno-cléido-mastoïdien se limite à la partie haute, il est possible d'utiliser une incision
cutanée et du peaucier du cou transversale sous-mandibulaire [24]. Cette incision, associée à
l'excision de la glande salivaire sous-maxillaire avec ligature du canal de Wharton, à la mise en
extension du rachis cervical et à l'intubation nasale qui permet une fermeture complète de la bouche,
autorise un meilleur écartement vers la ligne médiane et par là un accès moins latéral à la charnière
occipitocervicale sans traverser la cavité buccale.
- Il est possible aussi de réaliser une incision cutanée en L inversé : débutant sous la symphyse
mentonnière, elle longe le bord inférieur du maxillaire inférieur jusqu'à l'angle de la mâchoire puis
s'incurve pour descendre comme classiquement le long du bord antérieur du SCM.
Si l'abord se limite à l'exposition de l'arc antérieur de C1 et de la face antérieure du corps de C2, il est
possible de réaliser un abord longitudinal présterno-cléido-mastoïdien mais rétrovasculaire, derrière
la gaine jugulocarotidienne. Les branches antérieures de la carotide externe et le nerf laryngé
supérieur sont ainsi évités mais l'accès à la charnière reste latéral et limité ne pouvant remonter au
dessus de C1. Dans cette voie, l'incision cutanée présterno-cléido-mastoïdienne s'incurve dans sa
partie supérieure vers l'arrière en regard de la mastoïde. Le SCM est partiellement désinséré de la
mastoïde, puis récliné vers l'arrière avec le nerf spinal, tandis que la gaine vasculaire est réclinée
vers l'avant. Les apophyses transverses sont alors palpables et en avant d'elles l'espace
rétropharyngé peut être prudemment disséqué jusqu'à la ligne médiane repérable par le tubercule
antérieure de l'atlas.
La face antérieure des corps et des disques ayant été exposée, le paquet jugulocarotidien est récliné
vers le dehors et les muscles long du cou et long de la tête sont désinsérés de la face antérieure des
apophyses transverses. Ces apophyses sont en regard de la moitié supérieure des corps vertébraux
et il faut prendre garde à ne pas engager la rugine dans l'espace intertransversaire en regard de la
moitié inférieure du corps vertébral : ce geste pourrait léser l'artère vertébrale. Ces muscles
désinsérés peuvent être placés sur lacs et réclinés vers le dehors ou vers le dedans. La résection du
bord antérieur des trous transversaires permet l'exposition de l'artère vertébrale sur la hauteur
nécessaire. Pour aborder les nerfs rachidiens dans les foramens intervertébraux, il est nécessaire de
désinsérer le scalène antérieur des tubercules antérieurs de chaque apophyse transverse et d'ouvrir
en regard de chaque nerf l'arcade tendineuse que réalise l'insertion de ce muscle entre deux
apophyses transverses. En protégeant l'artère vertébrale et le plexus veineux vertébral par un
écarteur fin, il est ainsi possible d'accéder à la face latérale du corps vertébral et à l'articulation
uncovertébrale.
Fermeture
Quelle que soit l'étendue d'une voie présterno-cléido-mastoïdienne, sa fermeture est simple :
réparation du muscle omohyoïdien par un point en X s'il a été sectionné, suture à points séparés du
peaucier du cou, sur un drain aspiratif et fermeture cutanée par agrafes ou surjet intradermique. Une
corticothérapie postopératoire de quelques jours est souhaitable pour diminuer l'oedème trachéal et
pharyngé postopératoire.
D'indication plus rare que la voie présterno-cléido-mastoïdienne, elle donne accès (fig. 1) :
Installation (fig. 9 B)
L'opéré est en décubitus dorsal, de trois quarts, tourné de 45° vers le côté opposé par un billot sous
l'épaule du côté de l'abord. La tête est elle aussi tournée du côté opposé à l'abord d'une vingtaine de
degrés, maintenue par une bande adhésive. L'épaule est abaissée par une bande adhésive fixée à la
table. L'incision cutanée est tracée sur la peau : elle suit le relief du bord postérieur du SCM, doit
monter jusqu'au bord postérieur de la mastoïde pour l'abord de C1 et descendre jusqu'à la clavicule
pour l'abord de C7.
Abord (fig. 9 C)
Le lobule de l'oreille est maintenu récliné vers l'avant par un point le fixant en avant du tragus.
L'incision cutanée rétromastoïdienne débute en regard du sommet de l'oreille et descend sur 6 cm au
bord postérieur du chef mastoïdien du SCM. Après hémostase des veines superficielles occipitale et
cervicales et section des branches auriculaires du plexus cervical superficiel, l'aponévrose cervicale
superficielle est incisée longitudinalement. La palpation doit repérer d'emblée l'apophyse transverse
de C1 saillante 1 cm en dessous de la mastoïde et en avant d'elle l'espace rétrostylien.
En réclinant vers l'avant le SCM qui protège le nerf spinal et les vaisseaux carotidiens, la palpation
reconnaît la face antérieure de cette apophyse transverse de C1 recouverte des muscles qui s'y
insèrent et qui protègent l'artère vertébrale dans son segment C1-C2. En dedans et en avant d'eux,
cette voie donne accès à l'articulation atloïdoaxoïdienne latérale dont la face antérieure doit être
exposée en sous-périosté en désinsérant les muscles long du cou et droit antérieur.
Quand cette voie est utilisée pour aborder l'artère vertébrale, les muscles qui s'insèrent sur l'occipital
sont progressivement désinsérés en sous-périosté vers l'arrière et vers la ligne médiane : en réclinant
le lambeau musculaire ainsi créé vers le bas et vers l'arrière, cette voie donne accès, en arrière des
apophyses de C1 et de C2, à un espace cellulograisseux où il est important de commencer par
repérer le nerf C2. Celui-ci est situé en arrière de l'artère vertébrale dans son segment C1-C2, séparé
d'elle par un plexus veineux dont l'hémostase peut nécessiter un tamponnement. Après exposition de
la face postérieure des apophyses transverses de C1 et C2, cette voie permet une chirurgie de
l'artère vertébrale et même un accès latéral au trou occipital en déplaçant, après ouverture du trou
transversaire de C1 l'artère vertébrale vers le dedans [7].
Après incision cutanée au bord postérieur du SCM, le peaucier du cou puis l'aponévrose cervicale
superficielle sont incisés sur toute la hauteur de l'abord. Dès lors la palpation pénètre dans un espace
celluloganglionnaire et permet de reconnaître en arrière le relief des apophyses transverses et en
avant les battements carotidiens. Un écarteur permet de récliner vers l'avant le SCM et le paquet
jugulocarotidien que ce muscle recouvre. Pour mieux aborder C2 et C3, il est utile de sectionner
partiellement son insertion mastoïdienne. Pour aborder C6 et C7, il est nécessaire de sectionner le
muscle omohyoïdien dans la partie inférieure de l'incision.
Pour aborder par cette voie l'artère vertébrale et les articulations uncovertébrales, il faut ruginer de
dehors en dedans les faces antérieures des apophyses transverses qui sont recouvertes par les
muscles long du cou et grand droit antérieur. Ces muscles peuvent ainsi être réclinés en dedans,
protégeant la chaîne sympathique cervicale située en avant d'eux et dont la lésion pourrait provoquer
un syndrome de Claude Bernard-Horner. Cette désinsertion musculaire progressive permet d'exposer
les bords latéraux des corps vertébraux, les uncus et les disques et de pratiquer une uncusectomie,
une foraminotomie antérieure ou une arthrodèse intersomatique.
Pour exposer l'artère vertébrale, les bords antérieurs de chaque apophyse transverse sont
prudemment ruginés des insertions des muscles intertransversaires puis réséqués au petit emporte-
pièce (fig. 10).
Il est aussi possible par cette voie d'exposer la face antérieure des corps vertébraux et des disques
en passant en avant des muscles long du cou et droit antérieur et en réclinant vers l'avant l'axe
aérodigestif avec le SCM et le paquet jugulocarotidien. Pour faciliter cette exposition, il peut être utile
chez les patients musclés de sectionner transversalement le tiers postérieur du muscle SCM, qui
sera réparé en fin d'intervention.
Cette voie rétrosterno-cléido-mastoïdienne permet aussi l'abord des nerfs rachidiens dans le foramen
intervertébral en arrière de l'artère vertébrale et dans leur trajet interscalénique. Le muscle scalène
antérieur s'insère sur le tubercule antérieur des apophyses transverses ; sa face antérieure est
recouverte d'une fine aponévrose sous laquelle descend le nerf phrénique, branche de C4, parfois
dédoublé qu'il faut repérer et respecter. Le muscle scalène antérieur est détaché des apophyses
transverses et des arcades tendineuses qui unissent leurs tubercules antérieurs. La résection de ces
tubercules et des racines antérieures des apophyses transverses permet l'exposition des foramens,
des nerfs rachidiens et de l'artère vertébrale.
Fermeture
Elle est simple et comprend la réparation du muscle omohyoïdien s'il a été sectionné, puis la suture
du peaucier du cou et de la peau sur un drain aspiratif.
Traversant la cavité oropharyngée, elles exposent à des complications infectieuses ce qui nécessite
une antibiothérapie de couverture adaptée à la flore buccale du patient, une désinfection soigneuse
bucconasale commencée avant l'intervention et le traitement des dents cariées. L'oedème
postopératoire est limité par une courte corticothérapie. Elles ne sont possibles que si l'ouverture
buccale est au moins de 25 mm.
Abord transoral de C1 et C2
Il donne accès à l'arc antérieur de C1, à l'apophyse odontoïde et au corps de C2 (fig. 11 A).
Installation
Après intubation nasale ou orale, l'opéré est installé en décubitus dorsal, tête en extension et le
chirurgien se place à la tête du patient. Une désinfection soigneuse de la cavité buccale est répétée.
Un écarteur buccal autostatique est mis en place, maintenant l'ouverture buccale et permettant par
fixation de différentes lames : l'abaissement de la langue, l'écartement de la sonde d'intubation et
l'utilisation d'écarteurs accessoires. La luette est fixée par un point au palais pour permettre une
bonne vision de la paroi postérieure du pharynx.
Abord (fig. 11 B)
La palpation de cette paroi permet de repérer le tubercule antérieur de C1 et en cas de doute, il est
souhaitable de pratiquer un contrôle radiographique avec index métallique en place. L'incision de
cette paroi est strictement médiane, sur 5 cm du bord supérieur de C1 jusqu'en regard de C2-C3,
faite directement jusqu'au plan osseux. En restant au contact de l'os, l'arc antérieur de C1 est ruginé
jusqu'au bord latéral des articulations atloïdoaxoïdiennes. Au-delà il existerait un risque de blessure
des vaisseaux vertébraux. Le corps de C2 est lui aussi ruginé des insertions ligamentaires et du
muscle long du cou, mais sur 1 cm seulement de part et d'autre de la ligne médiane dans sa partie
inférieure ; en effet au-delà il existe un autre risque de blessure des vaisseaux vertébraux. Ces deux
volets musculoligamentaires sont maintenus par un écarteur autostatique ou par des broches
plantées dans les masses latérales de C1 et dans le corps de C2. Dans cet abord une exposition trop
latérale pourrait blesser aussi le tronc sympathique, le nerf laryngé supérieur et au-delà la carotide
interne.
Fermeture
Elle est réalisée en deux plans à points séparés non résorbables, qui tomberont d'eux-mêmes. Une
sonde naso-oesophagienne d'alimentation et une antibiothérapie postopératoire parentérale et par
aérosols bucconasaux sont nécessaires jusqu'à cicatrisation de la paroi pharyngée.
Des abords transbuccopharyngés plus étendus vers le bas ou vers le haut ont été décrits ; ils restent
d'indication exceptionnelle.
Bien décrite par Stauffer [31], elle traverse sagittalement sur la ligne médiane la lèvre inférieure, le
menton, le maxillaire inférieur et la langue. Elle fournit ainsi un abord antérieur de C1 à C4. Après
réparation du maxillaire inférieur par cerclages, une immobilisation par halo-corset est nécessaire
pour éviter l'appui mentonnier d'une minerve.
Extensions supérieures
- La section du voile du palais sur un côté de la luette et la section d'un rectangle postérieur de palais
osseux permet d'accéder au-dessus de C1 à la moitié inférieure du clivus ou surface basilaire de l'os
occipital mais la réparation du palais osseux laisse souvent des séquelles.
- La section sagittale du palais muqueux et osseux fournit la même vision en hauteur. L'abord reste
étroit mais la réparation est plus satisfaisante.
- Enfin la maxillotomie supérieure qui est une combinaison en forme de T d'une ostéotomie Le Fort I
(séparation du palais du reste de la face) et d'une division sagittale du palais, fournit un abord du
sphénoïde à C3. La réparation du maxillaire supérieur se fait par cerclages et plaques vissées.
Voies combinées
Certaines déviations ou certaines tumeurs peuvent nécessiter la combinaison d'abords déjà décrits.
Seule l'installation est particulière : le patient est en décubitus latéral droit, la tête reposant sur une
têtière, pour que l'axe rachidien soit en rectitude. L'épaule gauche est fortement abaissée par une
bande adhésive fixée à la table et le membre supérieur gauche repose sur un appui horizontal. Le
thorax et le bassin sont maintenus par des appuis pour pouvoir utiliser les possibilités d'inclinaison
latérale de la table d'opération. Pour le temps postérieur, l'opérateur travaille assis.
Elle permet l'exérèse de tumeur corporéale à extension latérale et le traitement de certains cals
vicieux. L'incision cutanée en forme de L comprend une branche longitudinale présterno-cléido-
mastoïdienne puis se recourbe vers l'arrière au-dessus de l'articulation sternoclaviculaire pour longer
le bord supérieur de la clavicule quelques centimètres au-delà du bord postérieur du SCM. Le
peaucier du cou est incisé et séparé de l'aponévrose superficielle sous-jacente ; les bords antérieur
et postérieur du SCM sont alors repérés et cette aponévrose incisée le long de ces bords. La
palpation au doigt permet facilement de séparer la partie inférieure du SCM des structures
vasculonerveuses sous-jacentes puis de la sectionner transversalement en totalité 1 cm au-dessus
de la clavicule. Ce muscle peut ainsi être récliné en haut et en arrière avec le lambeau cutané qui le
recouvre. Le muscle omohyoïdien qui constitue avec l'aponévrose moyenne le plan sous-jacent est
sectionné et récliné. Le paquet jugulocarotidien étant disséqué et placé sur lacs, il est possible par
cette voie de combiner les possibilités des voies antérolatérale et latérale : exposition sur la ligne
médiane des corps vertébraux et des disques, latéralement du muscle long du cou recouvrant les
transverses et l'artère vertébrale dans son 2e segment, plus en dehors le muscle scalène antérieur
sous l'aponévrose duquel descend le nerf phrénique qu'il faut repérer et respecter et enfin en dehors
l'origine du plexus brachial. La fermeture se fait par réparation des muscles omohyoïdien, SCM et
peaucier du cou et par suture cutanée. Si l'acte chirurgical n'impose pas d'immobilisation particulière,
la cicatrisation musculaire est protégée par un collier cervical pendant 1 mois.
Haut de page
Voies d'abord du rachis thoracique et de la charnière cervicothoracique
Trois grands groupes de voies d'abord sont utilisables. Elles autorisent une exposition plus ou moins
sélective de l'un des éléments de la vertèbre (fig. 12).
Voie postérieure : elle donne accès à la totalité de l'arc postérieur de T1 à T12 (épineuses, lames,
massifs articulaires et apophyses transverses).
Voies postérolatérales :
Voies transthoraciques : elles donnent accès aux faces antérieure et latérale des corps vertébraux.
Trois voies sont à distinguer :
Dans leur description classique ces abords donnent accès au rachis thoracique de T4 à T12.
En ce qui concerne le rachis thoracique haut (T1-T4) et la charnière cervicothoracique, les rapports
antérieurs de ces segments avec le médiastin supérieur, rendent difficile leur exposition antérieure.
De nombreuses solutions ont été décrites, elles seront traitées à part.
Enfin quand il est nécessaire d'avoir accès simultanément aux faces postérieure et antérolatérale
d'un segment vertébral thoracique, des voies combinées sont possibles. Bien particulières, elles
seront également évoquées dans un chapitre séparé.
Voie postérieure
Installation et incision
Le patient est installé en décubitus ventral. Deux billots l'un thoracique, l'autre placé au niveau des
épines iliaques antérieures permettent d'éviter toute compression de l'abdomen. Lorsque le rachis
thoracique haut ou la charnière cervicothoracique doivent être abordés, il est alors indispensable
d'installer la tête sur une têtière afin de mieux stabiliser le rachis cervical. L'opérateur (droitier) se
place à gauche du patient. L'incision cutanée est rectiligne, centrée sur la ligne médiane et doit
déborder en cas d'arthrodèse de un ou de deux niveaux l'étendue de la fixation envisagée.
Le tissu cellulaire sous-cutané est incisé jusqu'à l'aponévrose superficielle. Un écarteur autostatique
permet une exposition aisée des plans superficiels. Les tubercules des apophyses épineuses sont
repérés de la main gauche à l'aide d'une pince à disséquer à griffes. L'aponévrose superficielle est
incisée au bistouri électrique. Cette incision doit rester parfaitement centrée sur les tubercules des
apophyses épineuses. Chaque tubercule est exposé en restant bien au contact de l'os jusqu'à
l'apparition des premières fibres musculaires. A l'aide d'une rugine de Cobb, la face latérale de
l'apophyse épineuse puis la lame jusqu'à la base de l'apophyse transverse sont ensuite exposées. Il
faut se rappeler qu'au niveau du rachis thoracique moyen et haut, les épineuses sont obliques en
haut et en avant ; la rugine doit donc suivre cette direction et ne pas s'enfoncer verticalement. C'est
également pour cette raison, qu'il est plus commode d'exposer un rachis thoracique de bas en haut. Il
est impératif durant tout ce temps, de bien rester au contact de l'os afin de limiter le saignement. A ce
niveau le plexus veineux périrachidien postérieur peut être responsable d'un saignement important,
notamment dans certaines pathologies (scoliose thoracique avec forte composante lordotique,
métastase rachidienne). Une fois la face latérale de l'épineuse et de la lame exposées, il faut
sectionner les muscles paraspinaux s'insérant au bord inférieur de l'épineuse (fig. 13). Deux rugines
de Cobb (l'une tenue par l'aide et l'autre par l'opérateur), en refoulant latéralement la masse
musculaire, tendent et exposent parfaitement ces insertions musculaires. Celles-ci sont alors
sectionnées au bistouri électrique au ras de l'os. Des compresses roulées, tassées dans la portion de
gouttière paravertébrale ainsi exposée, permettent de parfaire l'hémostase. Chacune des deux
gouttières paravertébrales est ainsi exposée sur la longueur désirée.
Dans un second temps, la zone isthmique des lames, les apophyses articulaires et les apophyses
transverses sont exposées. Les compresses roulées étant retirées, des écarteurs autostatiques plus
profonds sont mis en place. Aux extrémités du champ opératoire, l'utilisation d'écarteurs type « dos
d'âne » facilitent l'exposition. A l'aide d'une rugine de Cobb, toujours en restant au ras de l'os, chaque
apophyse transverse est exposée, il faut ensuite sectionner au bistouri électrique l'ensemble des
muscles et des ligaments s'insérant sur son pourtour. Au niveau de l'isthme, il est classique d'avoir à
faire l'hémostase du rameau dorsal des vaisseaux intercostaux.
Tout ou partie de la face postérieure du rachis thoracique peut ainsi être exposée.
Fermeture
Particularités
- Chez l'enfant et l'adolescent, les apophyses épineuses cartilagineuses et les ligaments interépineux
sont incisés longitudinalement sur la ligne médiane. A partir de ce cartilage, le périoste est décollé, à
la rugine de Cobb, de la base de l'apophyse épineuse et de la lame. Ceci facilite grandement
l'exposition et la rend, si l'on respecte bien ce plan sous-périosté, particulièrement peu hémorragique.
- En cas de scoliose, mieux vaut exposer dans un premier temps la concavité. L'abord de la
convexité est souvent plus laborieux. Dans les déviations sévères, il est possible de sectionner
transversalement à un niveau, les muscles paraspinaux pour faciliter l'exposition.
Voies postérolatérales
Costotransversectomie
Initialement décrit pour le traitement des spondylodiscites tuberculeuses , cet abord postérolatéral,
extrapleural donne accès à la face latérale du rachis (pédicules, faces latérales des corps vertébraux
et disques intervertébraux) (fig. 12). Il est réalisable des deux côtés de T1 à T10 ; il ne donne accès
qu'à deux ou au maximum trois vertèbres. Un abord plus important nécessiterait des résections
costales trop étendues.
D'une façon générale, la résection d'une côte permet l'accès à un espace discal ; la résection de
deux côtes à un corps vertébral et à deux espaces discaux ; la résection de trois côtes à deux corps
vertébraux et à trois espaces discaux.
Installation
L'intervention peut être menée en décubitus ventral mais le décubitus latéral strict est préférable. Un
billot est placé sous l'hémithorax opposé, juste sous l'aisselle. Une série d'appuis (pubien, fessier,
thoracique antérieur et thoracique postérieur) permettent, durant l'intervention d'incliner latéralement
le patient d'un côté ou de l'autre, afin de faciliter l'abord et d'améliorer la vision du champ opératoire.
L'opérateur se place à la face dorsale du patient.
Incision
Classiquement elle est rectiligne, paravertébrale, centrée sur la lésion, située latéralement à 2 ou 3
travers de doigt de la ligne des épineuses. A la partie basse du rachis thoracique (sous T7), à cette
branche verticale, il faut ajouter une branche inférieure oblique en dehors le long de la côte sous-
jacente à l'étage à aborder.
D'autres incisions ont été décrites : l'incision en T [1], la branche transversale du T étant centrée sur
la vertèbre à aborder, elle offre un meilleur jour mais expose au risque de nécrose cutanée ; une
incision strictement médiane est possible à condition qu'elle soit oblique en dehors à sa partie
inférieure et ce quel que soit le niveau à aborder.
Exposition du rachis
Après incision de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané, deux plans musculaires sont
successivement sectionnés au bistouri électrique : le plan superficiel du trapèze et le plan profond
constitué par les rhomboïdes au rachis thoracique moyen et par le grand dorsal au rachis thoracique
inférieur. La mise en place d'écarteur autostatique facilite l'exposition de la partie postérieure des
côtes, recouvertes par les digitations des muscles paraspinaux qui sont incisés longitudinalement. La
ou les côtes à réséquer sont alors dégagées de ces insertions musculaires, de leur angle postérieur
jusqu'aux apophyses transverses. Ces dernières sont elles aussi ruginées (fig. 14).
Le temps suivant est l'exposition sous-périostée de chacune des faces de la ou des côtes à réséquer
en prenant garde à ne pas réaliser de brèche pleurale. Chacune des côtes ainsi préparées est
sectionnée au costotome à 8 ou 10 cm de l'articulation costotransversaire. La plèvre pariétale est
ensuite refoulée progressivement jusqu'à sentir à bout de doigt la tête costale. L'apophyse transverse
est sectionnée à 1 cm de son extrémité. La côte n'est alors maintenue que par ses attaches au
niveau de l'articulation costovertébrale. En s'aidant de mouvements de torsion imprimés à la côte et
d'une rugine à ligament jaune celle-ci peut être détachée complètement. Il ne demeure alors dans le
champ opératoire que le contenu des espaces intercostaux (muscle, vaisseaux et nerfs intercostaux).
La plèvre pariétale est refoulée au tampon monté afin d'exposer la face latérale des corps vertébraux
et des disques. Si nécessaire les vaisseaux intercostaux peuvent être liés et sectionnés à la face
latérale des corps vertébraux. Il est également possible de sectionner entre deux ligatures le contenu
d'un espace intercostal afin d'améliorer l'étendue du champ opératoire. Par contre, il ne faut pas
sectionner les vaisseaux segmentaires au niveau du trou de conjugaison, car ceci pourrait altérer la
vascularisation médullaire.
Fermeture
Après s'être assuré de l'absence de brèche pleurale par une insufflation sous pression, le muscle
trapèze, la sous-peau et la peau sont fermés à points séparés sur un drainage aspiratif.
L'abord postérieur classique, tel qu'il a été décrit, permet l'exposition complète des arcs postérieurs.
Cependant dans certains cas (tumeur primitive ou secondaire, spondylodiscite...), il est nécessaire de
pouvoir accéder de façon concomitante aux corps vertébraux et aux disques intervertébraux. Au
niveau du rachis thoracique, l'abord postérieur ne permet pas l'exposition de ces éléments car la
moelle ne peut en aucun cas être réclinée. C'est pourquoi, dans ce type d'abord, il est nécessaire de
réséquer les structures rachidiennes postérolatérales pour accéder obliquement aux corps vertébraux
: c'est l'abord postérieur élargi.
Celui-ci peut être uni- ou bilatéral et représente en fait tout ou partie d'une costotransversectomie.
Une fois l'arc postérieur exposé classiquement, les articulations costotransversaires et la partie
attenante des côtes sont dégagées. La section transversale des muscles paraspinaux peut faciliter ce
temps. Une laminectomie est toujours réalisée. Latéralement, il est alors possible de réséquer la
transverse avec son articulation costotransversaire, le massif articulaire et le pédicule jusqu'à son
implantation sur le corps vertébral. Si la dissection du trou de conjugaison est hémorragique, son
hémostase est réalisée à la pince bipolaire et par tamponnement. Au niveau du rachis thoracique
moyen et haut, il est toujours possible de sectionner après ligature, un nerf intercostal (le nerf D1
devant toujours être respecté). Cette voie donne accès au disque intervertébral et à la partie
postérieure de la face latérale du corps vertébral. Cet abord étroit est parfois suffisant pour réséquer
une métastase rachidienne, cureter une spondylodiscite ou même réaliser une greffe intersomatique.
Bien souvent, l'abord est facilité par le fait que les structures à réséquer sont envahies par le
processus pathologique à exciser (extension postérolatérale d'une métastase vertébrale par
exemple).
Au maximum, comme l'a décrit Roy Camille [29], il est possible plus latéralement, comme dans la
costotransversectomie, de sectionner la côte en extrapleural et de la désarticuler au niveau de
l'articulation costovertébrale. Ainsi réalisé sur plusieurs étages et de façon bilatérale, cet abord
permet progressivement en passant d'un côté puis de l'autre, de placer des valves à la face
antérieure de plusieurs corps vertébraux. Les résections osseuses que nécessite cette voie
entraînent une déstabilisation rachidienne, il est donc impératif de terminer l'intervention par une
arthrodèse associée à une ostéosynthèse.
Voies transthoraciques
Installation, incision
L'abord est possible aussi bien par thoracotomie droite que gauche. Si l'indication n'impose pas un
côté particulier, mieux vaut réaliser une thoracotomie droite du fait de l'éloignement de l'aorte et du
coeur.
Le choix du niveau de la thoracotomie : compte tenu de l'obliquité des côtes, pour avoir une bonne
expostion d'une vertèbre, il faut réaliser la thoracotomie deux espaces au-dessus d'elle. Ainsi la
résection de la 5e côte permet en règle un abord du rachis dorsal de T5 à T11. Cependant aux limites
de cette zone, seul un travail oblique est possible ; dans l'exemple choisi, il peut ainsi être difficile de
réaliser une discectomie T5-T6. Un autre élément doit être pris en compte : l'obliquité des côtes. Plus
les côtes sont verticales, plus le niveau de la résection costale doit être haut situé par rapport à la
lésion à traiter.
Un moyen simple de choisir la côte à réséquer, est de tracer une ligne horizontale à partir de la lésion
ou du sommet de la déformation à traiter ; la côte située à la jonction de cette ligne et de la ligne
axillaire moyenne, est celle qu'il faudra réséquer.
L'intervention est menée en décubitus latéral strict (fig. 15). Un billot est placé sous l'hémithorax
opposé à l'abord. Une série d'appuis (pubien, fessier, thoracique antérieur et thoracique postérieur)
permet de bien caler le patient et de le basculer en avant ou en arrière en cours d'intervention pour
faciliter l'abord et améliorer la vision du champ opératoire. Une intubation sélective permet
l'affaissement du poumon du côté opéré et donc une meilleure vue du rachis tout en maintenant une
bonne ventilation controlatérale. Le membre supérieur homolatéral à l'abord est placé en antépulsion
et rotation interne, légèrement tombant afin d'écarter l'omoplate. Il est ainsi possible de remonter
sans difficulté jusqu'au 5e espace intercostal. L'opérateur se place à la face dorsale du patient.
L'incision suit la côte choisie, elle débute en arrière à 5 ou 6 cm de la ligne des épineuses et se
termine à un niveau plus ou moins proche de la jonction costocartilagineuse en fonction de
l'importance de l'abord nécessaire. Le plan musculaire superficiel (grand dorsal en arrière, grand
dentelé en avant) est sectionné le plus distalement possible afin d'en préserver l'innervation. La paroi
costale apparaît alors. La côte est dépériostée. Les intercostaux sont désinsérés au bord supérieur
de la côte d'arrière en avant et au bord inférieur d'avant en arrière. La côte est enfin ruginée sur sa
face profonde et sectionnée en avant puis en arrière. La cavité thoracique peut alors être ouverte
dans le lit de la côte réséquée.
Exposition du rachis
Fermeture
Si possible, la plèvre pariétale prérachidienne est suturée. Deux drains thoraciques, l'un postéro-
inférieur, l'autre antérosupérieur, sont mis en place. Les côtes sus- et sous-jacentes à la côte
réséquée sont rapprochées soit à l'aide d'un rapprocheur de côte, soit à l'aide d'un gros fil. La plèvre
pariétale est refermée à l'aide de points en X. Le plan des intercostaux, le grand dorsal, le grand
dentelé, la sous-peau et la peau sont ensuite suturés successivement.
En conclusion
Cet abord permet une vision correcte de la face latérale du corps vertébral. La vue sur sa face
antérieure n'est que tangentielle. Le pédicule vertébral homolatéral à l'abord peut être exposé après
résection de la tête de côte. Cet abord permet, en fonction de la côte réséquée, d'exposer le rachis
Variante et extension
Thoracotomie extrapleurale
Afin d'éviter l'ouverture de la cavité pleurale avec ses risques et ses conséquences, certains
préfèrent réaliser une thoracotomie purement extrapleurale [29]. L'intervention est identique à celle
qui vient d'être décrite jusqu'à la résection costale. Une fois la côte réséquée, la plèvre pariétale est
décollée de la paroi costomusculaire, deux espaces plus haut et deux espaces plus bas. Ce
décollement se fait au tampon monté à partir de la partie postérieure de l'incision après avoir réséqué
la tête et le col de la côte choisie. Le rachis thoracique est ensuite exposé comme précédemment. Le
jour qu'offre cette variante est bien moindre que celui donné par la classique voie transpleurale. Les
brèches pleurales sont possibles notamment en cas de processus inflammatoire ou infectieux, elles
doivent alors être suturées.
Installation et incision
Principalement réalisée du côté droit, elle donne accès au rachis thoracique de T3 à T11. Le patient
est installé en décubitus dorsal ; le bras droit est soulevé et repoussé loin vers le haut de telle sorte
que l'aisselle soit au niveau de la mandibule ; l'avant-bras est fixé sur un appui métallique (fig. 18).
L'incision cutanée est arciforme, à concavité vers le haut, contournant le sein droit ; elle débute en
dehors sur la ligne axillaire moyenne et se termine en dedans sur le bord latéral droit du sternum.
Cette voie nécessite la section de deux ou trois cartilages costaux. La section des troisième,
quatrième et cinquième cartilages permet l'abord de T4 à T11 ; celle des 2e, 3e et 4e cartilages
l'abord de T3 à T9 ; et enfin celle des 4e, 5e et 6e cartilages l'abord de T6 à T11.
Après incision cutanée et sous-cutanée, le plan musculaire superficiel est sectionné au bistouri
électrique (grand pectoral en avant, et grand dentelé en arrière). La côte choisie est repérée, son
périoste antérieur sectionné au bistouri électrique (fig. 19). Les fibres musculaires de l'espace
intercostal supérieur, sont désinsérées de dehors en dedans, ce qui ouvre alors généralement la
cavité pleurale. La côte sus-jacente est exposée en sous-périosté ; en avant son bord inférieur est
libéré afin de sectionner, entre deux ligatures, le contenu de l'espace intercostal. Le cartilage des
deux côtes ainsi exposées, est ensuite sectionné. En dedans, à 2 cm environ du bord latéral droit du
sternum, passe l'artère mammaire interne, il faut donc arrêter l'ensemble de ces gestes à ce niveau,
afin de ne pas risquer de léser cette artère. L'écarteur thoracique (écarteur de Finochietto) est alors
mis en place.
Une fois le poumon droit et la coupole diaphragmatique refoulés, la veine azygos est repérée sous la
plèvre pariétale. Cette plèvre est incisée longitudinalement à gauche de cette veine [23]. Les artères
intercostales sont ainsi exposées dans un segment où elles ne sont accompagnées pratiquement
d'aucune veine. C'est là qu'il faut les sectionner entre deux ligatures, aux niveaux choisis. Les corps
vertébraux sont alors exposés classiquement (fig. 20).
Fermeture
Elle comporte la réparation des cartilages costaux sectionnés, un drainage thoracique classique et
s'effectue plan par plan.
En conclusion
Cette voie donne accès aux faces antérieure et latérale droite des corps vertébraux ; l'accès à la face
antérieure est ici vertical, direct et c'est ce qui en fait son intérêt.
L'abord postérieur ne présente aucune difficulté particulière ; seule l'exposition des faces latérale et
antérieure des corps vertébraux pose du fait de leurs rapports avec les éléments du médiastin
supérieur, un problème. Nombreux sont les abords décrits : le choix sera fonction du type de
pathologie à traiter, de l'importance et de l'étendue du geste à effectuer.
Ils permettent parfois un abord suffisant des lésions à traiter mais doivent respecter le nerf T1 qui
participe à l'innervation du membre supérieur.
Voie présterno-cléido-mastoïdienne
Elle permet l'exposition de T1, du disque T1-T2 et parfois chez les sujets maigres et longilignes de
T2. Du fait de la lordose cervicodorsale, le disque T1-T2 et le corps de T2 sont profonds et
difficilement accessibles. Par ailleurs, la vision sur ces structures est oblique, masquée par le bord
supérieur du manubrium sternal. La discectomie T1-T2 et a fortiori la corporectomie T2 sont donc le
plus souvent impossibles. Tout au plus, est-il possible par cette voie, de terminer une ostéosynthèse
ou d'appuyer une greffe sur T2 [12].
- Le plus classique et probablement le moins utilisé, est celui décrit par Cauchoix et Binet [5] : voie
présterno-cléido-mastoïdienne gauche prolongée vers le bas par une sternotomie. Cette dernière
étant faite, les muscles sternohyoïdien et sternothyroïdien sont sectionnés. La plèvre pariétale est
refoulée. L'aponévrose cervicale moyenne est ouverte jusqu'au tronc veineux brachiocéphalique
gauche. Celui-ci peut être sectionné entre deux ligatures si un abord large est nécessaire. Cette voie
permet l'exposition directe de la face antérieure des trois premières vertèbres thoraciques et parfois
de la quatrième [10]. Elle présente cependant de nombreux inconvénients dont la nécessité de
réaliser une sternotomie et bien souvent de lier le tronc veineux brachiocéphalique gauche. Enfin, elle
reste de réalisation délicate [17].
- Réactualisée par Lesoin [20], une autre voie possible est celle comportant la mobilisation monobloc
sternobiclaviculaire. Celle-ci nécessite une section au tiers interne des deux clavicules et du sternum
L'intervention est menée en décubitus latéral strict (fig. 21). En règle, l'abord droit est préférable mais
en cas de scoliose à convexité gauche, un abord gauche est possible. L'incision cutanée contourne
l'omoplate, elle débute en arrière près de la ligne des épineuses au niveau de D1. Après section du
trapèze et du grand dorsal, les rhomboïdes sont désinsérés de l'omoplate (fig. 22). Celle-ci est alors
mobilisée en haut et en avant et maintenue par un écarteur. Après section de quelques digitations du
grand dentelé, le grill costal postérosupérieur est exposé. Il est alors possible de réaliser une
thoracotomie avec résection costale au niveau de la 3e ou de la 4e côte. Après incision de la plèvre
pariétale à gauche de l'azygos, cette veine est sectionnée entre deux ligatures au niveau de sa
crosse. On a ainsi accès au rachis thoracique supérieur .
Il est également possible de réséquer un véritable volet thoracique postérieur, en emportant la partie
postérieure des 2e, 3e et 4e côtes. Cette résection pariétale reste sans conséquence fonctionnelle car
recouverte par l'omoplate [15].
Ces voies donnent accès au rachis thoracique haut, du disque C7-D1 au disque T4 T5, en sachant
que les disques C7-T1 et T1 sont abordés très obliquement et croisés par le nerf T1, qu'il faut
respecter.
Une extension vers le rachis thoracique moyen est possible en prolongeant l'incision vers l'avant
dans l'axe de la 5e côte et en réséquant celle-ci jusque dans sa partie antérieure [15].
L'extension vers le rachis cervical est possible en associant à cette thoracotomie haute une voie
d'abord cervicale :
Il est également possible de réaliser ces deux temps opératoires par l'intermédiaire d'une seule
incision. Le patient est installé en décubitus latéral. Là aussi son maintien strict sur la table opératoire
facilite les divers temps de l'intervention, L'abord est mené par une incision en L. La branche verticale
de ce L est postérieure, médiane, centrée sur les épineuses, sa limite inférieure dépend du niveau
inférieur de la fixation à réaliser. A cette branche verticale, on associe une branche horizontale plus
ou moins étendue vers l'avant incisant le muscle trapèze. Il est alors possible de réaliser un abord
postérieur classique, puis plus en dehors de sectionner (comme lors d'un abord transthoracique
classique) le grand dorsal en arrière et le grand dentelé en avant, ce qui permet de découvrir la paroi
costale et de réaliser une thoracotomie. Le niveau de la thoracotomie est bien sûr fonction du niveau
de la lésion à traiter. Elle peut être effectuée plusieurs espaces au-dessus de la branche horizontale
de l'incision cutanée, le grand dorsal se laissant facilement récliner vers le haut. Au besoin à la partie
haute du rachis thoracique, l'omoplate peut être mobilisée après désinsertion des rhomboïdes. Les
deux faces postérieure et antérolatérale du rachis peuvent alors être contrôlées simultanément. Elles
ne sont séparées au niveau de la zone de thoracotomie que par la masse musculaire paraspinale qui
peut être, si la pathologie le justifie, incisée ou excisée.
Haut de page
Voies d'abord du rachis lombaire et des charnières thoracolombaire et
lombosacrée
L'abord postérieur du rachis lombaire est le plus souvent médian, mais pour les arthrodèses
postérolatérales, Wiltse a décrit une voie transmusculaire très utile ; la voie postérieure permet aussi
par un abord élargi d'atteindre le corps vertébral en contrôlant le sac dural.
La colonne antérieure du rachis lombaire est en rapport avec les gros vaisseaux, aorte et veine cave
inférieure, et avec l'ensemble des viscères abdominaux. Les corps vertébraux et les disques
intervertébraux lombaires peuvent être abordés latéralement par une voie extrapéritonéale, la
lombotomie ou par une voie antérieure transpéritonéale.
L'accès à la charnière thoracolombaire est barré par le diaphragme qui peut être sectionné ou
désinséré pour réunir l'abord rétropéritonéal et l'abord thoracique qui peut être trans- ou rétropleural.
Enfin, la charnière lombosacrée peut être abordée par une voie médiane transpéritonéale ou par une
voie antérolatérale rétropéritonéale.
Voies postérieures
Le patient repose en décubitus ventral sur un billot thoracique, hanches et genoux fléchis à 90°. Cette
position est préférée au genu pectoral car elle permet une meilleure liberté abdominale et entraîne
une tension moindre des masses musculaires paravertébrales qui doivent être réclinées. Enfin, elle
s'accompagne d'une diminution satisfaisante de la lordose lombaire en cas de chirurgie
intracanalaire.
Le repérage des étages à opérer est assuré par un contrôle radiographique de profil sauf, en
l'absence d'anomalie transitionnelle, lorsque la charnière lombosacrée est exposée.
Incision
L'incision est médiane centrée sur les apophyses épineuses des vertèbres à aborder. Elle est franche
jusqu'au ligament surépineux que l'on dégage ainsi que les tubercules postérieurs des apophyses
épineuses.
Si la crête des épineuses est respectée par l'intervention, le fascia thoracolombaire est incisé de part
et d'autre de la ligne médiane selon deux lignes parallèles pour conserver une zone d'insertion
aponévrotique.
Si une laminectomie est prévue, l'incision est médiane pour ne pas perdre de l'étoffe aponévrotique.
L'abord des gouttières paravertébrales nécessite une désinsertion uniforme des muscles paraspinaux
à la rugine de Cobb et au bistouri électrique en restant bien au contact des épineuses et des lames. Il
est important de tenir compte de la présence d'un éventuel spina bifida occulta décelable sur les
radiographies préopératoires et nécessitant une exposition précautionneuse.
Chez l'enfant, le périoste peut être facilement décollé après avoir incisé au bistouri les tubercules
postérieurs encore cartilagineux des épineuses.
L'hémostase est assurée pas à pas et complétée par la mise en place de compresses en rouleau,
bien tassées.
L'exposition (fig. 24) est menée jusqu'au bord latéral des isthmes et des massifs des articulaires où
des branches des artères dorsospinales nécessitent souvent une hémostase.
En cas d'abord bilatéral, des écarteurs autostatiques larges sont mis en place.
Si l'abord est unilatéral, un écarteur contre-coudé à pointe est appuyé sur la face latérale du massif
articulaire.
Dans certaines interventions, comme par exemple les arthrodèses postérolatérales, les apophyses
transverses doivent être exposées. Leur face postérieure est ruginée prudemment afin de ne pas les
fracturer. Il est commode alors d'écarter les masses paravertébrales par une valve pour libérer au
bistouri électrique les apophyses transverses sans passer en avant d'elles pour ne pas blesser les
nerfs rachidiens et le plexus veineux lombaire ascendant. Les muscles intertransversaires sont ainsi
désinsérés en assurant les hémostases souvent nécessaires à ce niveau.
Le repérage du sacrum est permis par la découverte de son plan osseux postérieur continu, par sa
sonorité à la percussion et par sa mobilisation qui entraîne le bassin. La vertèbre L5 est mobilisée par
un davier de Farabeuf prenant son apophyse épineuse.
L'exposition de l'aileron sacré nécessite latéralement la section des ligaments qui s'y insèrent.
Fermeture
Avec un drainage, non aspiratif si une brèche durale a été réalisée, la fermeture est assurée par une
suture des muscles et de l'aponévrose entre eux ou aux ligaments sur- et interépineux s'ils ont été
conservés.
Wiltse [34] a décrit un abord transmusculaire postérolatéral du rachis lombosacré qui présente
certains avantages. L'abord des massifs articulaires, des apophyses transverses et de l'aileron sacré
est plus direct et moins traumatisant que dans la voie d'abord médiane. Le saignement est moindre,
l'ischémie musculaire est limitée car la rétraction des masses musculaires est moins importante.
Enfin, il permet l'abord des hernies extraforaminales et facilite les visées pédiculaires.
Initialement, deux incisions curvilignes situées à 2 travers de doigt de la ligne médiane, juste en
dedans de l'épine iliaque postérosupérieure, étaient proposées.
La dissociation musculaire (fig. 26) dans le plan de clivage naturel qui existe entre les muscles
multifidus et longissimus, est effectuée aux ciseaux puis aux écarteurs de Farabeuf et conduite
jusqu'aux massifs articulaires qu'il faut libérer de leurs insertions musculaires ; en dehors d'eux, les
apophyses transverses et l'aileron sacré peuvent être facilement exposés après la mise en place d'un
écarteur autostatique.
Des hémostases sont régulièrement nécessaires sur le bord externe des isthmes et au niveau du
premier, voire du deuxième trou sacré.
Dans la partie inférieure de l'abord, un faisceau musculaire du multifidus doit être sectionné pour
exposer la face postérieure du sacrum.
Médialement, les lames peuvent être exposées jusqu'à la base des épineuses.
Si un prélèvement de greffe iliaque est nécessaire, il peut être réalisé, sans nouvelle incision
cutanée, par la poursuite en dehors et d'un côté, du décollement sus-aponévrotique déjà réalisé.
Fermeture
Après avoir vérifié l'hémostase et mis en place des drains, de chaque côté, dans les gouttières
articulotransversaires, l'aponévrose est suturée en deux plans. Le décollement sus-aponévrotique
doit être capitonné avant la fermeture cutanée pour éviter un hématome superficiel.
La voie d'abord postérieure peut, après laminectomie, donner un certain accès à la partie postérieure
du corps vertébral. Cet accès peut être élargi par exérèse des massifs articulaires et des pédicules.
Le sac dural, ne contenant pas la moelle en dessous de L1, peut être mobilisé et récliné : sa
décompression antérieure et la réalisation d'une arthrodèse intersomatique sont ainsi possibles à ce
niveau.
Si des arthrectomies totales ont été réalisées, une stabilisation complémentaire par arthrodèse est
nécessaire.
Lombotomie
Cette voie qui présente l'avantage d'être rétropéritonéale donne accès aux faces antérieure et
antérolatérale du rachis lombaire, du disque L1-L2 au disque L4-L5.
En principe, il est possible de réaliser cet abord tant à droite qu'à gauche, cependant, en l'absence
d'impératif lié à la pathologie à traiter, la voie gauche est préférable.
Il est en effet plus aisé et moins dangereux de mobiliser l'aorte que la veine cave inférieure beaucoup
plus fragile.
Le patient est installé en décubitus latéral droit strict. Un premier billot est placé sous l'aisselle du
patient, un second à la partie inférieure de l'hémithorax opposé à l'abord afin d'augmenter la distance
entre le grill costal et la crête iliaque.
Une série d'appuis (pubien, fessier, thoracique antérieur et thoracique postérieur) permet en
peropératoire d'incliner latéralement le patient vers l'avant ou l'arrière afin d'améliorer la vision du
champ opératoire.
Le membre inférieur droit est en flexion de hanche et de genou, le gauche en rectitude. Ils sont
également fixés à la table.
Incision
L'incision cutanée débute en arrière près de la pointe de la 12e côte et se termine en avant le long de
la gaine du grand droit à mi-distance entre l'ombilic et la symphyse pubienne après avoir contourné
l'épine iliaque antérosupérieure. Si le rachis lombaire haut doit être abordé, cette incision est
prolongée en arrière le long de la 12e côte jusqu'au bord externe des muscles paraspinaux.
Si le rachis lombaire bas doit être abordé, l'incision cutanée est prolongée vers le bas le long de la
gaine de grand droit.
Le plan musculaire superficiel est incisé au bistouri électrique, grand dorsal en arrière, grand oblique
en avant. Dans le plan sous-jacent, à la partie postérieure de l'incision, il faut sectionner le muscle
dentelé postérieur et inférieur, puis plus avant le petit oblique et le transverse. La section du
transverse doit être prudente, ce muscle est mince et adhérent au péritoine. Il est possible de réaliser
une boutonnière sur ce muscle puis au tampon monté de décoller celui-ci du péritoine et enfin de le
sectionner entre deux doigts introduits entre sa face profonde et le péritoine. Le péritoine est ensuite
largement décollé au doigt et au tampon monté de la face profonde de la paroi musculaire de part et
d'autre de cette incision tout d'abord vers l'avant (jusqu'à la limite inférieure de celle-ci) puis vers
l'arrière. Au fur et à mesure que ce décollement est réalisé vers l'arrière, l'aide attire en avant le sac
péritonéal et son contenu par l'intermédiaire d'une valve malléable placée sur un champ humide.
Il est important de bien rester au contact de la paroi musculaire représentée ici par le carré des
lombes ; la loge rénale qui reste adhérente au péritoine est ainsi progressivement réclinée avec lui en
avant et en dedans. La poursuite de ce décollement conduit au contact d'une importante marche
d'escalier musculaire représentée par le bord latéral du muscle psoas qu'il faut franchir sans pénétrer
dans l'espace qui le sépare du carré des lombes. L'uretère est adhérent au péritoine et se récline
avec lui.
Un écarteur autostatique permet d'ouvrir largement la voie d'abord. Une valve malléale ou une valve
de Leriche placée sur un champ humide écarte en dedans et en avant vers la ligne médiane le sac
péritonéal avec, à sa face profonde, la loge rénale. Le rachis apparaît alors recouvert dans sa partie
gauche par le bord interne du psoas qui s'insère par des arcades sur les disques intervertébraux et
qui est longé par la chaîne sympathique. L'aorte est palpable plus en avant.
Les vaisseaux segmentaires (artères et veines lombaires) cheminent dans la dépression des corps
vertébraux. Le rachis est donc abordé au niveau des disques intervertébraux. Le tissu cellulaire
rétrovasculaire est refoulé au tampon monté afin d'exposer les disques et de bien individualiser les
vaisseaux lombaires. Ceux-ci sont alors sectionnés entre deux ligatures au plus près de la ligne
médiane sur toute l'étendue nécessaire. Il est alors possible de refouler vers la ligne médiane l'aorte
pour parfaire l'exposition. En arrière la face latérale des corps vertébraux est recouverte par le bord
interne du psoas. Les arcades de ce muscle peuvent être désinsérées et refoulées en dehors et en
arrière avec le tronc du sympathique. L'exposition du rachis lombaire inférieur nécessite souvent la
section entre deux ligatures de la veine iliolombaire.
Fermeture
Les muscles de la paroi abdominale sont suturés plan par plan. La sous-peau et la peau sont enfin
refermées. La nécessité ou non d'un drainage aspiratif est fonction du geste effectué et de la qualité
de l'hémostase obtenue.
Extension
Si le rachis lombaire haut doit être abordé, l'incision peut être prolongée dans sa partie supérieure. La
partie externe des muscles paraspinaux est alors incisée le long de la 12e côte. Celle-ci est
dépériostée et sa moitié distale réséquée. Il faut prendre garde, durant ce temps, de ne pas ouvrir la
cavité pleurale. Un repère simple est de ne pas pénétrer à moins de 8 cm de la ligne des épineuses
dans le 11e espace intercostal. L'extrémité proximale de la 12e côte est écartée vers le haut avec son
insertion diaphragmatique.
Cette voie d'abord est d'utilisation beaucoup plus rare que la lombotomie car de réalisation plus
délicate, mais elle fournit une exposition des deux faces latérales du corps vertébral de L3 situé au
sommet de la lordose lombaire.
Installation
Le patient est installé en décubitus dorsal. Un billot permet d'augmenter la lordose lombaire.
L'opérateur est placé à droite du patient.
Incision
La ligne blanche et le péritoine sont prudemment incisés, le grand épiploon et le côlon transverse
sont refoulés vers le haut et les anses grêles vers la droite. La région de l'angle duodénojéjunal est
exposée (fig. 30). Dans sa partie basse, en regard du disque L3-L4, naît l'artère mésentérique
inférieure qui est bien visible.
L'angle duodénojéjunal est décollé juste au-dessus de l'origine de cette artère puis est refoulé vers la
droite. Le péritoine pariétal postérieur est incisé le long de l'aorte qui est facilement repérée.
Exposition du rachis
L'accès au rachis peut alors être réalisé à gauche de l'aorte ou à sa droite par une mobilisation
interaorticocave.
A gauche de l'aorte, les vaisseaux lombaires qui se dirigent latéralement sont liés. La face antérieure
du corps de L3 est progressivement dégagée et une valve contrecoudée est mise en place sur le
versant droit du corps vertébral et refoule l'ensemble des éléments vasculaires et digestifs.
Fermeture
Le péritoine pariétal postérieur est suturé sur un drain de redon aspiratif. La paroi est fermée plan par
plan.
Lassale et Gayet [19] ont décrit une voie d'abord antérieure autorisant une vertébrectomie de L1
et/ou L2 avec contrôle premier de l'aorte et de la veine cave inférieure, ligature bilatérale des
pédicules lombaires et exposition des deux faces latérales du rachis.
Le principe est de combiner un abord sous-péritonéal gauche du rachis lombaire à un abord trans-
puis rétropéritonéal de la veine cave inférieure et du flanc droit du rachis.
Installation
La patient est installé en décubitus dorsal avec un billot sous la charnière thoracolombaire.
Incision
Le temps rétropéritonéal gauche : le péritoine pariétal est décollé au tampon monté, ainsi que le
fascia rétrorénal gauche jusqu'au bord gauche de l'aorte. Pour obtenir une exposition de l'aorte et du
rachis jusqu'au disque D11-D12, il faut tout d'abord mobiliser la rate et l'estomac par un décollement
complet du mésogastre postérieur, conduit jusqu'au hiatus oesophagien. Il faut ensuite pratiquer un
décollement du fascia de Toldt gauche, une exposition de l'orifice aortique du diaphragme, facilitée
par la section du ligament triangulaire gauche du foie jusqu'à la veine sus-hépatique gauche, et enfin
une incision médiane du ligament arqué du diaphragme.
Le temps trans- et rétropéritonéal droit : le péritoine est incisé en avant sur la ligne médiane sur toute
la hauteur de l'abord cutané. Après avoir récliné les anses intestinales vers le bas et le foie vers le
haut, le péritoine pariétal postérieur est incisé au bord droit du duodénum et au-dessus le long de la
veine cave inférieure. Le bloc duodénopancréatique est mobilisé par un décollement
rétroduodénopancréatique et du fascia de Toldt droit. Ce décollement du côlon peut être étendu vers
le bas, si l'on souhaite étendre la dissection de la veine cave inférieure jusqu'à son origine. Il devient,
dès lors, possible de disséquer la veine cave en dessous de la lésion vertébrale, puis au-dessus
dans sa portion sus-rénale, sur 6 cm, à la face antérieure du diaphragme jusqu'aux veines du lobe de
Spiegel. Des lacs étant placés sur la veine cave de part et d'autre de la lésion, on peut exposer les
pédicules vasculaires rénal et gonadique droits et les veines lombaires. Après ligature des veines
lombaires droites, il devient possible de récliner la veine cave vers la ligne médiane, de faire
l'hémostase des artères lombaires droites nécessaire et enfin d'exposer le flanc droit des vertèbres.
Les deux décollements prévertébraux gauche et droit, communiquant sur toute la hauteur du rachis
lombaire en arrière de l'aorte, la quasi-totalité des viscères abdominaux peut être mobilisée et si
besoin extériorisée.
Fermeture
La fermeture est simple, l'orifice aortique du diaphragme est réparé au fil non résorbable ; les
viscères sont remis en place, sans péritonisation, sur des drains aspiratifs rétropéritonéaux.
Cette voie d'abord permet l'exposition antérieure plus ou moins extensive de la charnière
dorsolombaire de T9 à L5. Elle se caractérise par l'abord simultané de l'espace rétropéritonéal et de
la cavité thoracique avec la section ou la désinsertion du muscle diaphragme. L'abord thoracique
peut être réalisé en transpleural ou en rétropleural. Cette deuxième technique a une morbidité
moindre mais l'exposition est limitée vers le haut.
Cette voie d'abord est possible à droite comme à gauche, cependant en l'absence d'impératif, le côté
gauche est préféré car la coupole diaphragmatique est plus basse et l'abord droit est rendu plus
difficile par la présence du foie et de la veine cave inférieure.
Installation
Sous anesthésie générale avec une intubation sélective, le patient est installé en décubitus latéral
droit strict, stabilisé par des appuis pubien, sacré et thoraciques. Deux billots sont placés sous
l'aisselle droite et sous la charnière thoracolombaire.
L'incision suit le trajet de la côte à réséquer qui est classiquement la 9e ou la 10e côte, depuis le bord
externe des muscles paraspinaux jusqu'au cartilage costal puis elle s'infléchit pour rejoindre le bord
externe du grand droit entre l'ombilic et la symphyse pubienne.
La résection de la 9e côte permet d'étendre l'abord au corps de T9, celle de la 10e autorise
l'exposition de la 10e ou 11e vertèbre thoracique.
Le muscle grand oblique est incisé dans le sens de ces fibres sur toute l'étendue de la voie d'abord.
Dans le secteur abdominal de l'incision, les fibres du muscle petit oblique sont sectionnées. Le
muscle transverse apparaît. Ses fibres sont dissociées aux ciseaux pour découvrir le péritoine
pariétal qui sera décollé de la face profonde du muscle avant de compléter la section de ce dernier
au bistouri électrique. Si une brèche péritonéale se produit, sa suture est réalisée d'emblée.
Dans la partie thoracique de l'abord, les muscles superficiels sont sectionnés jusqu'à la côte à
réséquer dont le périoste est incisé. Une rugine libère le bord inférieur de la côte d'avant en arrière,
son bord supérieur d'arrière en avant et sa face antérieure, du cartilage costal à quelques centimètres
de la ligne médiane postérieure. La costectomie est alors réalisée ainsi que l'incision de la plèvre
pariétale.
La réunion des deux parties se fait par la section au bistouri froid de la pièce cartilagineuse.
Les trois secteurs, péritonéal, diaphragmatique et thoracique apparaissent. Le sac péritonéal est
progressivement dégagé de la face inférieure du diaphragme dans sa périphérie. Le poumon est
affaissé et refoulé vers le haut.
La section du diaphragme est alors débutée à 10 ou 15 mm de ses insertions costales afin d'éviter sa
dénervation et de faciliter sa réparation. Des fils repères sont mis en place régulièrement.
La face antérieure du carré des lombes et celle du psoas sont exposées ainsi que leurs arcades
diaphragmatiques.
La plèvre pariétale est incisée longitudinalement sur le flanc gauche du rachis. Après la ligature et la
section des pédicules intercostaux gauches, les corps vertébraux thoraciques inférieurs peuvent être
exposés.
Dans la partie abdominale, les viscères sont refoulés sous la coupole diaphragmatique gauche par
une valve malléable.
Le pilier gauche (fig. 32) est exposé, libéré du flanc gauche de l'aorte par un dissecteur, repéré par
un fil et sectionné à 1 cm et demi au-dessus des arcades du psoas et du carré des lombes laissant
en bas le sympathique et en haut le nerf grand splanchnique, qui traverse la partie supérieure du
pilier gauche. Les veines traversant ce pilier doivent être sectionnées entre deux ligatures.
Le rachis peut dès lors être exposé en réclinant l'aorte vers la droite par des valves après dissection
au tampon monté de l'espace celluleux rétroaortique et ligature des pédicules collatéraux à l'union
des faces antérieure et latérale des corps vertébraux lombaires supérieurs. Les disques qui sont plus
saillants et dépourvus de vaisseaux sont alors dégagés.
Les insertions du psoas sont détachées jusqu'au niveau des trous de conjugaison. Le tronc du
sympathique est récliné en arrière.
Fermeture
Installation et incision
L'incision suit les épineuses de T9 à T12 puis longe la 12e côte jusqu'en avant pour s'arrêter à 1
travers de doigt de l'épine iliaque antérosupérieure lorsque l'exposition concerne L2.
Cependant, l'incision peut être prolongée jusqu'au bord externe du grand droit pour permettre l'abord
de L4.
Les muscles de la paroi sont sectionnés plan par plan comme dans la lombotomie déjà décrite.
Dès lors, le décollement sous-pleural est complété de proche en proche ainsi que le décollement
sous-péritonéal. Les arcades du carré des lombes et du psoas sont désinsérées. Le pilier gauche du
diaphragme est sectionné à sa jonction tendinomusculaire.
Les corps vertébraux sont ensuite exposés comme dans l'abord transpleural.
Variante [23]
Si la 12e côte est courte, il est conseillé de réséquer la 11e côte puis de décoller la plèvre, à proximité
du rachis, de la face profonde de la 10e côte et de l'insertion périphérique du diaphragme. L'espace
rétropéritonéal est libéré et le diaphragme est désinséré de la pointe de la 12e côte, de l'apophyse
transverse de L1 ; le pilier gauche est enfin sectionné.
Fermeture
L'absence de brèche pleurale est vérifiée par insufflation. Le pilier gauche du diaphragme et les
arcades sont suturés. Un drain est mis en place le long du rachis. La paroi est refermée plan par
plan.
Cette voie donne l'accès direct aux disques L4-L5 et L5-S1 au niveau de la bifurcation aortique et de
l'origine de la veine cave inférieure. Il est souhaitable, en préopératoire, d'apprécier ces rapports
vasculaires sur le scanner, la résonance magnétique nucléaire ou une éventuelle cavographie.
Installation
Le patient est installé en décubitus dorsal avec la région sacrée surélevée soit par un billot soit par
l'angulation de la table de 30° environ. Une prise de greffe osseuse est préparée en fonction de
l'intervention. Le chirurgien est à droite du malade. L'inclinaison de la table en position de
Trendelenburg permet de récliner plus facilement les viscères vers le haut.
Incision
L'incision est médiane et de situation variable par rapport à l'ombilic suivant le niveau de la charnière
lombosacrée que l'on souhaite découvrir. Pour aborder l'étage L5-S1, l'incision est sous-ombilicale,
s'arrêtant à 3 travers de doigt du pubis. Pour aborder l'étage L4-L5, l'incision doit se faire à cheval sur
l'ombilic avec un tiers au-dessus et deux tiers au-dessous sur une longueur de 15 à 20 cm. Pour des
raisons esthétiques, une incision selon Pfannenstiel à 2 travers de doigt au-dessus de la symphyse
pubienne peut être préférée pour l'exposition du disque L5-S1.
Une moucheture est réalisée sur la ligne blanche immédiatement au-dessous de l'ombilic au bistouri
électrique puis l'aponévrose est sectionnée aux ciseaux. Le péritoine est incisé prudemment de façon
à éviter la lésion d'un élément intrapéritonéal. Des écarteurs autostatiques sont mis en place.
Le grand épiploon est refoulé vers le haut, les anses grêles sont réclinées vers la gouttière
pariétocolique droite. L'anse sigmoïde est refoulée à gauche dans la gouttière pariétocolique.
Enfin, les dernières anses grêles et le côlon transverse sont repoussés dans la région sus-ombilicale.
Le rectum est récliné vers l'avant par une valve malléable.
La saillie du promontoire, l'aorte et les artères iliaques sont repérées à la palpation. Le péritoine
pariétal postérieur est incisé sur la ligne médiane du promontoire à quelques centimètres au-dessus
de la bifurcation. L'espace rétropéritonéal est disséqué alors au tampon monté pour bien
individualiser l'aorte et ses branches terminales puis la veine cave et la veine iliaque primitive gauche
et enfin le plexus présacré qui longe la face antérieure de l'aorte et du promontoire entre les
vaisseaux iliaques (fig. 36). Ces éléments végétatifs doivent être respectés et sont habituellement
mobilisés vers le côté gauche.
La bifurcation aortique siège le plus souvent au niveau du corps vertébral de L4 ou du disque L4-L5.
L'artère mésentérique inférieure naît de l'aorte en regard de L3. Les veines iliaques droite et gauche
sont situées en arrière et au-dessous de la bifurcation aortique correspondant au niveau de L5 ou L4-
L5.
La veine iliaque primitive gauche doit être soigneusement décollée et repoussée latéralement pour ne
pas être lésée. Sur la ligne médiane, les vaisseaux présacrés, situés en arrière du plexus
hypogastrique supérieur, barrent l'accès aux disques et sont liés.
Exposition du rachis
- La mobilisation interiliaque : elle vise à dégager l'espace compris entre les deux artères iliaques
primitives qui sont décollées du plan osseux postérieur à l'aide de tampon monté et maintenues
écartées par des broches de Steinmann gainées. Cette manoeuvre permet l'exposition du disque L5-
S1 et quelquefois celui de L4-L5.
- La mobilisation inter- et transiliaque : la veine iliaque primitive gauche est parfois volumineuse et
barre l'accès au corps vertébral de L5. Elle doit être isolée au tampon monté de l'artère iliaque
primitive gauche, et chargée sur lacs afin de réduire son calibre.
- La mobilisation latéroaortique gauche : lorsque la bifurcation aortique est basse, l'abord du disque
L4-L5 est réalisé par la dissection du flanc gauche de l'aorte et de l'artère iliaque primitive gauche
jusqu'à visualiser le 4e pédicule lombaire gauche et parfois le 5e qui sont, au besoin, ligaturés. L'aorte
est progressivement refoulée vers la ligne médiane puis vers la moitié droite des corps vertébraux où
elle est maintenue par des broches de Steinmann. La veine iliolombaire, issue de la veine iliaque
primitive gauche, nécessite parfois une ligature.
- La mobilisation aortocave : après avoir mis des lacs sur les pédicules iliaques primitifs, la veine
cave inférieure et l'aorte, on écarte alternativement l'axe aorticocave à droite et à gauche en
abaissant chacun des pédicules iliaques primitifs. Le disque L4-L5 est parfaitement exposé dans
toute sa largeur jusqu'au psoas. Il faut habituellement lier le 4e pédicule lombaire. Les uretères et les
chaînes sympathiques restent nettement en dehors et ne sont ni disséquées ni traumatisées.
Fermeture
Après vérification de l'hémostase, le péritoine pariétal postérieur et la paroi sont suturés par points
séparés avec un drainage sous-péritonéal.
L'exposition rétropéritonéale de la charnière lombosacrée est plus étroite que par la voie
transpéritonéale car seule la partie latérale des corps vertébraux est abordée. Mais, le péritoine peut
être décollé au-delà du promontoire et des gros vaisseaux afin d'aborder la partie médiane des corps
vertébraux, le nerf présacré étant reconnu et respecté ; d'autre part, la voie pararectale est réalisable
simultanément des deux côtés [2].
En cas d'abord unilatéral, le côté gauche est préféré car la veine iliaque primitive est située en
dedans de l'artère.
Installation
Le patient est installé en décubitus dorsal avec une flexion des hanches à 30° pour détendre le
muscle psoas et les vaisseaux iliaques et faciliter ainsi l'exposition antérolatérale du rachis lombaire
inférieur.
L'incision est verticale légèrement arciforme et longe le bord latéral du muscle grand droit du niveau
de l'ombilic à quelques centimètres de la symphyse pubienne. L'aponévrose antérieure des grands
droits est incisée en laissant dans la partie basse l'anneau inguinal en dehors. Les vaisseaux
épigastriques superficiels sont liés. L'aponévrose postérieure des grands droits est ensuite incisée
sans ouvrir le péritoine. Les vaisseaux épigastriques inférieurs sont ligaturés et sectionnés. Le
péritoine pariétal est progressivement libéré de la paroi abdominale. Le sac péritonéal est récliné
médialement. La face antérieure du psoas apparaît, longée par le nerf génitocrural. La face latérale
du rachis et les vaisseaux sont alors exposés dans l'espace rétropéritonéal.
Le disque L4-L5 peut être exposé facilement en déplaçant l'aorte vers la droite après avoir ligaturé
les vaisseaux lombaires adjacents.
Le disque L5-S1 est abordé soit en dessous de la bifurcation aortique, soit, quand la bifurcation
aortique est basse, par le bord latéral gauche de l'artère et de la veine iliaques primitives. Il est alors
habituellement nécessaire de lier la veine iliolombaire avant de déplacer les vaisseaux vers la droite.
Fermeture
L'espace rétropéritonéal est drainé. Les feuillets antérieur et postérieur de la gaine du grand droit
sont suturés à l'aponévrose des muscles de la paroi.
L'incision, légèrement oblique, du côté gauche, en S allongé, part du bord latéral du grand droit à mi-
distance entre l'ombilic et la symphyse pubienne et rejoint en dehors la région lombaire entre la 12e
côte et la crête iliaque.
Les muscles de la paroi abdominale sont sectionnés selon le trajet de l'incision, puis après
décollement du péritoine, le contenu abdominal est déplacé vers la droite. La charnière lombosacrée
est ensuite exposée comme dans la voie d'abord précédemment décrite.
Fraser [13] propose de réaliser une incision cutanée oblique qui permet à la fois d'exposer la
charnière lombosacrée par une voie pararectale et de prélever un greffon iliaque. Le muscle oblique
externe est dissocié dans le sens de ses fibres puis décollé du muscle oblique interne jusqu'à la crête
iliaque latéralement. En dedans, la gaine des grands droits est incisée comme dans la voie
pararectale.
Références Bibliographiques
[1] BAUER R, KERSCHBAUMER F. Voies d'abord en chirurgie orthopédique et traumatologique.
Masson. Paris. 1993 ; pp 1-87
[3] BIRCH R, BONNEY G, HARSHALL RW A Surgical approach to the cervicothoracic spine. J Bone
Joint Surg 1990 ; 72B : 904-907
[4] CAPENER N The evolution of lateral rachotomy. J Bone Joint Surg 1954 ; 36B : 173-179
[5] CAUCHOIX J, BINET J, EVRARD J Les voies d'abord inhabituelles dans l'abord des corps
vertébraux cervicaux et dorsaux. Ann Chir 1957 ; 74 : 1463-1476
[6] CHARLES R, GOVENDER S Anterior approach to the upper thoracic vertebrae. J Bone Joint
Surg 1989 ; 71B : 81-84
[7] CORNU P, HENTATI K, CHABOLLE F , et al. Lateral approach to the foramen magnum. Surg
Radiol Anat 1990 ; 12 : 77-78
[8] CROCKARD HA. Midline ventral approaches to the cranio cervical junction and upper cervical
spine. In : Sherk HH ed. The cervical spine. An atlas of surgical procedures. JB Lippincott.
Philadelphia. 1994 ; pp 93-112
[9] DEBURGE A L'arthrodèse intersomatique des deux derniers espaces lombaires par voie trans-
péritonéale. Presse Med 1969 ; 77 : 639-642
[10] FANG HS, ONG GB, HODGSON AR Anterior spinal fusion : the operative approaches. Clin
Orthop 1964 ; 35 : 16-33
[11] FASEL J, MORSCHER E A contribution to the anatomic basis of the transoral approach of the
atlas and axis. Surg Radiol Anat 1988 ; 10 : 15-20
[12] FIELDING JW, STILLWELL WT Anterior cervical approach to the upper thoracic spine. A case
report. Spine 1976 ; 1 : 158-161
[15] HERNIGOU Ph, KOOLI M, FEVRIER MJ, GOUTALLIER D Abord antérieur du rachis dorsal haut par
voie sous-scapulaire. Rev Chir Orthop 1991 ; 77 : 353-358
[16] HODGSON AR, STOCK FE Anterior spinal fusion : A preliminary communication on the radical
treatment of Pott's disease and Pott's paraplegia. Br J Surg 1956 ; 44 : 266-275
[17] HODGSON AR, STOCK FE, FANG HS, ONG GB Anterior spinal fusion : the operative approach and
pathological findings in 412 patients with Pott's disease of the spine. Br J Surg 1960 ; 48 : 172-
178
[18] KURZ LT, PURSEL SE, HERKOWITZ HN Modified anterior approach to the cervicothoracic
junction. Spine 1991 ; 16 : 542-547
[19] LASSALE B, GAYET B, ANTONIETTI P, DEBURGE A. Abord antérieur médian pour vertébrectomie
de L1 et L2 avec contrôle premier de l'aorte et de la veine cave inférieure. In : réunion annuelle
de la SOFCOT. Paris 1987. Rev Chir Orthop 1988 ; 74 (suppl 2) : 67-70
[20] LESOIN F, AUTRICQUE A, VILLETTE L, JOMIN M Abord antérieur du rachis dorsal supérieur (D1 à
D4) par mobilisation monobloc sternobiclaviculaire. Neurochirurgie 1986 ; 32 : 269-271
[21] LOUIS R Technique de l'ostéotomie cervicale par double abord pour lésions traumatiques
anciennes. Rev Chir Orthop 1970 ; 56 : 325-344
[22] LOUIS R Chirurgie atloïdo-axoïdienne par voie transorale. Rev Chir Orthop 1983 ; 69 : 381-391
[23] LOUIS R. Chirurgie du rachis, anatomie chirurgicale et voie d'abord (2e ed). Springer Verlag.
Berlin, Heidelberg. 1993
[24] MAC AFEE PC, BOHLMAN HH, RILEY LH, ROBINSON RA, SOUTHWICK WO, NACHLAS NE The
anterior retropharyngeal approach to the upper part of the cervical spine. J Bone Joint
Surg 1987 ; 69A : 1371-1383
[25] MARCHAL JC, AUQUE J, HEPNER H, LEPOIRE J Abord trans-cléido-manubrial du rachis thoracique
supérieur (T1-T2). Neurochirurgie 1985 ; 31 : 317-321
[26] MENARD V Causes de la paraplégie dans la maladie de Pott, son traitement chirurgical par
l'ouverture directe du foyer tuberculeux des vertèbres. Rev Orthop 1894 ; 5 : 47-64
[27] MICHELI LJ, HOOD RW Anterior exposure of the cervical spine using a combined cervical and
thoracic approach. J Bone Joint Surg 1983 ; 65A : 992-997
[28] MIRBAHA MM Anterior approach to the thoraco-lumbar junction of the spine by a retroperitoneal-
extrapleural technic. Clin Orthop 1973 ; 91 : 41-47
[29] ROY-CAMILLE R, MAZEL C. Voie d'abord. In Roy-Camille ed. Atlas de chirurgie orthopédique
(tome Ier), généralités, rachis. Masson. Paris. 1992 ; pp 297-356
[30] SPENCER D, DEWALD R Simultaneous anterior and posterior surgical approach to the thoracic
and lumbar spine. Spine 1979 ; 4 : 29-36
[31] STAUFFER ES. Open mouth and transmandibular approaches of the cervical spine. In : Sherk HH
ed. The cervical spine. An atlas of surgical procedures. JB Lippincott. Philadelphia. 1994 ; pp 79-
91
[32] SUNDARESAN N, SHAH J, FOLEY KM, ROSEN G An anterior surgical approach to the upper
thoracic vertebrae. J Neurosurg 1984 ; 61 : 686-690
[33] TURNER PL, WEBB JK A surgical approach to the upper thoracic spine. J Bone Joint
Surg 1987 ; 69B : 542-544
[34] WILTSE LL, SPENCER CW New uses and refinements of the paraspinal approach to the lumbar
spine. Spine 1988 ; 13 : 696-706
Figures
Fig. 1
Structures vertébrales accessibles par les différentes voies d'abord du rachis cervical (A) et de la charnière
occipitocervicale (B). P : voie postérieure ; AL : voie antérolatérale présterno-cléido-mastoïdienne ; L : voie latérale
rétrosterno-cléido-mastoïdienne ; A : voie antérieure de la charnière occipitocervicale.
Fig. 2
Fig. 3
Exposition obtenue par l'abord postérieur de la charnière occipitocervicale et de la totalité du rachis cervical.
Fig. 4
Voie antérolatérale présterno-cléido-mastoïdienne. A. Coupe transversale montrant les différents plans traversés. B.
L'écartement de l'axe aérodigestif en dedans et du paquet jugulocarotidien en dehors mène sur la face antérieure du
rachis.
Fig. 5
Installation pour une voie antérolatérale présterno-cléido-mastoïdienne gauche. 1 : incision transversale ; 2 : incision
longitudinale ; J : relief de la veine jugulaire externe.
Fig. 6
Fig. 7
Voie antérolatérale présterno-cléido-mastoïdienne droite dans sa portion sus-hyoïdienne (1 : nerf hypoglosse ; 2 : nerf
laryngé supérieur). A. Rapports vasculonerveux. B. Exposition obtenue.
Fig. 8
Fig. 9
Voie latérale ou rétrosterno-cléido-mastoïdienne. A. Coupe transversale montrant les différents plans traversés. B.
Installation. C. Exposition obtenue.
Fig. 10
Voie latérale rétrosterno-cléido-mastoïdienne : exposition à un niveau de l'artère vertébrale et d'une branche antérieure de
nerf rachidien.
Fig. 11
Abord transoral de C1 et C2. A. Rapports rachidiens de la cavité buccale en position opératoire. B. Vue transbuccale de la
paroi postérieure du pharynx et de l'incision à réaliser.
Fig. 12
Secteurs exposés par les différentes voies d'abord du rachis thoracique : 1 : abord transthoracique antérolatéral ; 2 :
abord postérieur ; 3 : costotransversectomie ; 4 : abord postérieur élargi.
Fig. 13
Abord postérieur du rachis thoracique. A. Incision du ligament surépineux. B. Exposition des lames et des épineuses ;
section des muscles s'insérant au bord inférieur des apophyses épineuses.
Fig. 14
Costotransversectomie : aspect après incision du trapèze et exposition du plan costal. Les côtes sont abordées en sous-
périosté puis sectionnées à 8 ou 10 cm de l'apophyse transverse correspondante. La plèvre pariétale est décollée à partir
de l'articulation costovertébrale. 1 : apophyse transverse sectionnée ; 2 : disque intervertébral ; 3 : corps vertébral ; 4 :
plèvre pariétale ; 5 : trapèze ; 6 : apophyse transverse.
Fig. 15
Fig. 16
Abord transthoracique : rapport anatomique de l'hémimédiastin postérieur droit et de l'espace rétropleural. 1 : oesophage
; 2 : veine azygos ; 3 : vaisseaux intercostaux ; 4 : tronc du sympathique ; 5 : poumon.
Fig. 17
Abord transthoracique : aspect opératoire. La plèvre pariétale a été incisée. Les vaisseaux intercostaux ont été sectionnés
entre deux ligatures. Exposition du rachis. 1 : poumon ; 2 : vaisseaux intercostaux ; 3 : plèvre pariétale.
Fig. 18
Fig. 19
Thoracotomie antérieure selon Louis : aspect opératoire après section du muscle grand pectoral. En avant, les cartilages
costaux et le contenu d'un espace intercostal sont sectionnés. 1 : cartilage costal ; 2 : muscles intercostaux ; 3 : muscle
grand pectoral ; IV et V : 4e et 5e côtes.
Fig. 20
Thoracotomie antérieure selon Louis : aspect opératoire après ouverture de la cavité pleurale et mise en place de
l'écarteur thoracique (abord droit). En pointillé la ligne d'incision de la plèvre pariétale (à gauche de la veine azygos). Les
artères intercostales seront sectionnées à gauche de cette ligne. 1 : veine azygos ; 2 : vaisseaux intercostaux ; 3 : tronc
du sympathique ; 4 : poumon ; 5 : grand pectoral.
Fig. 21
Fig. 22
Thoracotomie haute : aspect opératoire après incision cutanée. Le grand dorsal en avant et le trapèze en arrière sont
ensuite sectionnés. 1 : trapèze ; 2 : grand dorsal ; 3 : grand rond ; 4 : sous-épineux ; 5 : grand rhomboïde.
Fig. 23
Voie d'abord postérieure du rachis lombaire et de la charnière lombosacrée. Installation en décubitus ventral.
Fig. 24
Voie d'abord postérieure du rachis lombaire et de la charnière lombosacrée. Abord bilatéral. Exposition du bord latéral
des massifs des articulaires à droite, des apophyses transverses et de l'aileron sacré à gauche. 1 : apophyse transverse ;
2 : isthme interarticulaire ; 3 : ligament surépineux ; 4 : massif articulaire ; 5 : lame ; 6 : ligament jaune ; 7 : apophyse
épineuse ; 8 : aileron sacré ; 9 : premier trou sacré postérieur.
Fig. 25
Voie d'abord de Wiltse. Projection des éléments osseux postérieurs à gauche, incision de l'aponévrose à droite. 1 :
apophyse transverse ; 2 : massif articulaire ; 3 : aileron sacré ; 4 : fascia thoracolombaire ; 5 : crête iliaque.
Fig. 26
Voie d'abord de Wiltse. Exposition des massifs articulaires et des transverses. 1 : fascia thoracolombaire ; 2 : masse
sacrospinale ; 3 : muscle multifidus ; 4 : muscle longissimus.
Fig. 27
Coupe horizontale de l'abdomen au niveau de L3. A. Abord antérolatéral rétropéritonéal par lombotomie. B. Abord
antérieur transpéritonéal. 1 : 11e côte ; 2 : péritoine pariétal postérieur ; 3 : pôle inférieur du rein gauche ; 4 : veine cave
inférieure ; 5 : aorte ; 6 : corps vertébral de L3.
Fig. 28
Lombotomie gauche. Installation en décubitus latéral droit. Incision cutanée dans l'axe de la 12e côte.
Fig. 29
Lombotomie gauche. Exposition antérolatérale du rachis lombaire. 1 : péritoine ; 2 : veine iliaque primitive gauche ; 3 :
veine iliolombaire ; 4 : aorte ; 5 : pilier gauche du diaphragme ; 6 : tronc sympathique ; 7 : pédicules lombaires sectionnés
; 8 : muscle carré des lombes ; 9 : muscle psoas.
Fig. 30
Abord transpéritonéal de L3. Dégagement de l'angle duodénojéjunal. 1 : grand épiploon et côlon transverse ; 2 : angle
duodénojéjunal ; 3 : anses grêles ; 4 : aorte ; 5 : péritoine pariétal postérieur ; 6 : corps vertébral ; 7 : artère mésentérique
inférieure.
Fig. 31
Fig. 32
Fig. 33
Fig. 34
Fig. 35
Abord transpéritonéal antérieur de la charnière lombosacrée. Incision du péritoine pariétal postérieur. 1 : veine cave
inférieure ; 2 : promontoire ; 3 : aorte.
Fig. 36
Abord transpéritonéal de la charnière lombosacrée. 1 : aorte ; 2 : veine cave inférieure ; 3 : vaisseaux présacrés ligaturés ;
4 : promontoire ; 5 : artère iliaque primitive droite ; 6 : veine iliaque primitive droite ; 7 : plexus hypogastrique supérieur.
Fig. 37
Abord pararectal rétropéritonéal de la charnière lombosacrée. Incision de la gaine du muscle droit et exposition de
l'espace rétropéritonéal. 1 : muscle droit ; 2 : feuillet antérieur de la gaine du muscle droit ; 3 : anneau inguinal superficiel
; 4 : feuillet postérieur de la gaine du muscle droit ; 5 : vaisseaux épigastriques superficiels ; 6 : péritoine ; 7 : vaisseaux
épigastriques inférieurs.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Allain J, Van Driessche S et Goutallier D. Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5) par voie antérieure mini-invasive. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et
Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-153, 2003, 13 p.
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
44-153 Techniques chirurgicales
- par voie antérieure mini-invasive
1 Exemple d’incision pa-
riétale pour une arthrodèse
L4-L5 par « mini-opened »
(cicatrice de 6 cm).
5 Les appuis thoraciques et pelviens droits doivent autoriser l’utilisation d’un rou-
lis vers la droite, tout en laissant un espace suffisant pour coller l’amplificateur de
brillance contre le flanc droit du malade afin d’obtenir de bons contrôles de profil (cf
fig 4).
– les techniques dites « mini opened » [19, 20, 25] dont le principe est de
diminuer la taille de l’incision pariétale grâce à l’utilisation
d’instruments spécifiques, l’éclairage par une lumière froide via un
câble stérile et un contrôle vidéoscopique peropératoire.
Dans les deux cas, du fait des rapports anatomiques entre le rachis
lombaire et les vaisseaux aorticocave et iliaques, l’abord du rachis
lombaire de L2 à L5 se fait classiquement par voie antérolatérale
gauche (l’aorte est moins fragile que la veine cave inférieure).
3 Un trocart étanche spécifique est inséré juste dans l’axe du disque, en avant de la
crête iliaque antérieure gauche, pour l’insufflation de CO2 et pour l’introduction de INSTALLATION DE L’OPÉRÉ
l’optique.
Le patient est positionné soit en décubitus dorsal strict, un coussin
les cas, le but et les principes de la technique chirurgicale doivent surélevant la cuisse gauche pour détendre le psoas (fig 4), soit en
rester identiques aux données établies de la chirurgie rachidienne décubitus latéral. Lorsque le patient est installé en décubitus dorsal,
conventionnelle. Il est par ailleurs essentiel d’avoir à l’esprit que la une table cassable devra être utilisée dans tous les cas où il peut
pratique de la vidéochirurgie rachidienne impose une parfaite devenir nécessaire de lordoser le patient pour ouvrir l’espace
maîtrise des techniques conventionnelles « ouvertes », afin de intersomatique (par exemple si le disque est très pincé). Les contre-
pouvoir convertir en chirurgie à ciel ouvert en cas de difficultés appuis doivent permettre l’utilisation temporaire peropératoire d’un
peropératoires. roulis latéral (fig 5), tout en autorisant le passage de l’amplificateur
de brillance de face et de profil. En cas de décubitus dorsal, le
membre supérieur droit est posé sur un appui classique à 90° de la
Techniques chirurgicales table opératoire et utilisé préférentiellement par les anesthésistes
pour les abords veineux. Le membre supérieur gauche est installé
Deux options chirurgicales mini-invasives ont été développées par sur un appui pontant la table au-dessus de la cage thoracique pour
les chirurgiens pour aborder le rachis : ne pas gêner les mouvements de l’équipe chirurgicale et le passage
– les techniques directement dérivées de la cœlioscopie, imposant, de l’amplificateur de brillance. Le chirurgien opérateur se positionne
pour créer un espace de travail, l’insufflation de gaz carbonique et soit sur le côté gauche de l’opéré (installation en décubitus dorsal),
l’utilisation de trocarts étanches [1, 2, 13] ; soit à sa droite (installation en décubitus latéral).
2
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
Techniques chirurgicales 44-153
par voie antérieure mini-invasive -
VOIES D’ABORD
Le rachis est systématiquement abordé par son bord antérolatéral
gauche pour éviter l’obstacle que forme à droite la veine cave
inférieure, plus fragile que l’aorte (il est également classique, par
lombotomie conventionnelle, de passer du côté gauche).
3
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
44-153 Techniques chirurgicales
- par voie antérieure mini-invasive
10 Après incision du fascia transversalis, apparition de la graisse prépéritonéale. 12 Le muscle psoas, dont les fibres courent verticalement vers leur insertion fémo-
C’est dans ce plan que doit se faire le décollement de la cavité rétropéritonéale. rale, est le repère essentiel de l’abord du rachis lombaire.
11 Ballonnet de dissec- lombaire (fig 12). Il est en effet parfaitement accessible au doigt lors
tion gonflé. du décollement rétropéritonéal. Il faut donc poursuivre la dissection
afin de passer juste en avant de ce muscle au contact de ses fibres, et
prendre garde à ne pas se perdre sur son bord latéral entre les fibres
du psoas et celles du carré des lombes. Il est ensuite étonnamment
facile de prendre contact avec le rachis, juste en dedans du psoas et
en arrière du péritoine sur lequel court l’uretère qui doit dans tous
les cas être identifié (ses reptations caractéristiques aident à son
repérage). Selon le niveau rachidien abordé, plusieurs formations
nerveuses traversant le muscle psoas sont successivement identifiées
lors de l’abord : nerfs iliohypogastrique, ilio-inguinal et
la fragilité du péritoine à cet endroit, et il est plus facile, comme cela génitofémoral. De même, en fonction de l’étage abordé, l’aorte et/ou
est décrit par Onimus, de passer plus superficiellement dans la paroi l’artère iliaque primitive gauche sont contrôlées sur le flanc
abdominale, c’est-à-dire en avant du feuillet postérieur de la gaine antérolatéral gauche du rachis. Il peut être nécessaire de récliner ces
du droit, juste sous ses fibres musculaires [27]. Arrivé au bord externe gros vaisseaux vers la ligne médiane pour visualiser la face
du droit, il faut sectionner le feuillet postérieur de la gaine du droit antérieure du rachis. La veine cave inférieure est plus à distance et
pour repasser dans la cavité rétropéritonéale et refouler le péritoine généralement non vue. En cas d’abord de la face latérale de L5, la
à droite comme dans l’abord rétropéritonéal précédemment veine iliaque primitive gauche est également repérée. Dans ce cas, la
décrit [27]. Une contre-incision dans la fosse lombaire gauche est veine lombaire ascendante, qui remonte profondément sur le flanc
ensuite utilisée pour l’introduction de l’endoscope et de la lumière gauche du rachis pour finir camouflée par les arcades du psoas [16],
froide. doit être systématiquement liée ou clippée pour éviter sa blessure
accidentelle. En effet, si cette complication survient, l’hémostase de
L’abord rachidien répond ensuite aux mêmes règles, quel que soit le
cette veine devient vite très difficile à réaliser du fait du saignement
type de l’incision pariétale. Une fois le péritoine bien repéré, l’espace
abondant, de sa position très profonde et de sa rétraction.
rétropéritonéal, physiologiquement virtuel, doit d’abord être créé
par dissection au doigt, au tampon monté ou grâce à un ballonnet Un contrôle à l’amplificateur de brillance est ensuite réalisé avant la
gonflable (fig 11). L’instrument choisi doit être glissé entre d’une part pratique de tout geste rachidien, pour éviter toute erreur d’étage.
le sac péritonéal et son contenu (refoulé en avant et à droite), et Le bord antérolatéral gauche du rachis est alors disséqué juste en
d’autre part les muscles larges de la paroi abdominale en arrière et avant des insertions corporéales du muscle psoas, qui sont
latéralement. Il est ainsi possible d’ouvrir pas à pas la cavité sectionnées à l’aide du bistouri électrique, d’une rugine ou aux
rétropéritonéale. L’utilisation d’un ballonnet de dissection est ciseaux. La chaîne sympathique, recouvrant la face antérolatérale du
intéressante car elle autorise un contrôle vidéoscopique de cette rachis, est le plus souvent partiellement réséquée pour donner
dissection. L’optique est en effet introduit dans le ballonnet qui est l’abord au rachis lombaire, tout comme dans la technique
transparent, permettant de visualiser parfaitement en arrière le conventionnelle à ciel ouvert. Certains auteurs s’attachent à la
muscle psoas (repère fondamental de cette technique), et en avant la préserver pour éviter les effets secondaires de la sympathectomie [20].
cavité péritonéale sur laquelle court l’uretère gauche. Le ballonnet Les disques intervertébraux sont facilement identifiés du fait de leur
est ensuite laissé gonflé 2 à 3 minutes afin de réaliser l’hémostase de convexité (les corps vertébraux sont eux concaves). Si les corps
la paroi. Au cours de ce temps essentiel à l’abord du rachis (encore vertébraux doivent être exposés (en particulier pour la mise en place
une fois également réalisable au doigt ou à l’aide d’un tampon de vis corporéales), les pédicules vasculaires métamériques
monté), les gestes doivent rester atraumatiques pour éviter la lombaires qui les croisent à mi-hauteur doivent être clippés (ou liés)
survenue d’une brèche péritonéale. Si malgré ces précautions une et sectionnés. Les racines nerveuses lombaires sont postérieures au
brèche survient (plus fréquemment chez les sujets âgés), une suture muscle psoas et ne doivent donc pas être visualisées lors de
au fil résorbable fin doit être immédiatement réalisée pour éviter l’intervention. Aucun geste ne doit théoriquement mettre en danger
son extension progressive. Ce temps opératoire doit donc être ces racines dans leur trajet extrarachidien, lors de la réalisation d’une
particulièrement soigneux. arthrodèse antérieure intersomatique.
Le relief du psoas est l’élément repère fondamental de cette L’utilisation de clous de Steinman plantés dans les corps vertébraux,
technique pour se diriger correctement en direction de la colonne à type d’écarteurs ou pour y appuyer des valves, est très utile. Il ne
4
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
Techniques chirurgicales 44-153
par voie antérieure mini-invasive -
Dans cette technique, les trocarts sont introduits en différents points GESTES RACHIDIENS
d’une ligne rejoignant la pointe de la 11e côte à l’épine iliaque Après l’obtention d’une bonne exposition rachidienne puis le
antérosupérieure. Le premier est inséré à travers la paroi abdominale contrôle à l’amplificateur de brillance du bon étage abordé, la
après un début de décollement rétropéritonéal au doigt ou au périphérie du disque intervertébral est incisée au bistouri au ras des
ballonnet. Pour l’introduction du premier trocart l’incision cutanée plateaux vertébraux. En fonction de la technique d’arthrodèse
mesure 2 à 3 cm, puis les muscles de la paroi abdominale sont choisie, le ligament commun vertébral antérieur est préservé ou non.
incisés au bistouri électrique. La discectomie est ensuite réalisée selon la technique classique, à
l’aide de curettes et de pinces à disque dont la longueur doit
Si une brèche péritonéale survient, elle doit être immédiatement absolument être adaptée à la technique choisie (mini-opened ou
suturée au fil résorbable pour refermer l’espace rétropéritonéal. En rétropéritonéoscopie fermée). Ce geste peut s’étendre en arrière vers
effet, en l’absence d’étanchéité de la néocavité rétropéritonéale, le le ligament commun vertébral postérieur aussi bien que par voie
gaz est directement insufflé dans la cavité péritonéale, et plaque de classique, car la visualisation du disque par l’intermédiaire de
façon irrévocable le contenu du sac péritonéal sur le rachis lombaire, l’optique est excellente, et de plus, les contrôles scopiques
rendant impossible son abord. peropératoires vérifient le bon positionnement des instruments
(fig 14).
Le CO2 est ensuite insufflé dans un système étanche, sous contrôle
manométrique de la pression d’insufflation, maintenant la distension
¶ Technique de l’arthrodèse par cage (fig 15)
de la cavité rétropéritonéale. La pression doit être constante aux
alentours de 10 mmHg, et contrôlée tout au long de l’intervention Plusieurs types de cages peuvent être utilisés pour la réalisation
afin d’éviter l’augmentation de la pression en gaz carbonique (PCO2) d’une arthrodèse : cages cylindriques vissées, cages rectangulaires
sanguine. Le même trocart permet simultanément l’insufflation et impactées, ou des cages de formes plus massives, reproduisant
l’introduction de l’optique de visualisation ou de tout autre partiellement la géométrie du disque et offrant une surface d’appui
instrument. plus importante (fig 16). Dans tous les cas, une fois la discectomie
effectuée, la préparation de la loge de la cage est réalisée avec
Deux autres trocarts sont ensuite introduits au-dessus et au-dessous différents instruments ancillaires, puis les plateaux vertébraux sont
du premier, sous contrôle vidéoscopique. L’optique, introduit à avivés, tout en respectant la plaque sous-chondrale pour éviter
travers le premier trocart en place, est retourné vers la paroi l’enfoncement secondaire des cages dans l’os spongieux.
abdominale. Ainsi, il permet de visualiser par la face profonde de la En cas d’utilisation de cages cylindriques vissées, la préparation de
paroi les points de pénétration des deux trocarts instrumentaux, et l’espace intersomatique est pratiquée à l’aide de fraises à main de
d’éviter tout risque de brèche péritonéale. Trois trocarts sont donc diamètres croissants (fig 17). Les fraises doivent strictement
finalement utilisés de façon interchangeable pour le passage de reproduire le trajet de l’implant définitif. L’angle idéal de
l’optique, du gaz et des instruments de travail. L’abord du rachis se pénétration reste discuté entre le plan frontal pur (risque d’effet
fait ensuite facilement entre le psoas en arrière et le péritoine en billot en flexion-extension) et une direction oblique en arrière et à
avant à l’aide de ciseaux de dissection, de minitampons montés et droite avec un angle de 30 à 45° (risque de pénétration dans le canal
de l’électrocoagulation. Le relief du rachis est très rapidement perçu du côté opposé à l’abord) (fig 18). Ainsi est préparée la loge de la
et l’aorte, sur son flanc antérolatéral gauche, est repérée. La veine cage intersomatique dont le diamètre est supérieur de 2 mm
5
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
44-153 Techniques chirurgicales
- par voie antérieure mini-invasive
15 Radiographies de contrôle de profil d’une arthrodèse
L3-L4 par cage intersomatique.
A. Face.
B. Profil.
*
A *
B
6
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
Techniques chirurgicales 44-153
par voie antérieure mini-invasive -
*
A *
B
Avantages et inconvénients
COMPLICATIONS GÉNÉRALES
Les taux de complications rapportés oscillent entre 3 et 10 % [18]. La
survenue d’une blessure de l’uretère [6] et/ou du tronc ou d’une des
branches de l’artère ou de la veine iliaque gauche [1, 29] est bien
entendu théoriquement à craindre au cours de tout abord
antérolatéral du rachis lombaire. Une technique rigoureuse, avec
repérage premier de l’uretère et un bon contrôle des gestes
rachidiens, doit éviter ce type de complications. Les autres
complications communes aux différentes techniques sont
20 Contrôle vidéoscopique de l’introduction d’une cage « HMA » dans l’espace in- principalement représentées par des problèmes de cicatrisation
tersomatique L4-L5. pariétale, d’hématome postopératoire du psoas, avec le risque de
parésie crurale et de phlébite du membre inférieur gauche.
décompression antérieure soit la reconstruction par greffe osseuse Tout comme dans la chirurgie conventionnelle, la sympathectomie
avec ou sans plaque de la colonne antérieure. Les métastases lombaire peut parfois aboutir à une sensation de jambe gauche
chaude en postopératoire.
corporéales peuvent également, dans certains cas, bénéficier de cette
technique pour la pratique de corporectomie-arthrodèse. La majorité
des auteurs s’accorde aujourd’hui pour réaliser les arthrodèses COMPLICATIONS PARIÉTALES
lombaires par la technique dite mini-opened, et pour réserver les
Les miniabords antérolatéraux de la région lombaire peuvent aboutir
abords par rétropéritonéoscopie fermée avec insufflation de gaz à à des éventrations de la paroi abdominale. Par ailleurs, ils
des gestes plus limités (biopsies, libération antérieure par n’éliminent pas totalement le risque de blessure des nerfs pariétaux,
discectomies avant correction par voie postérieure de scolioses parfois responsables de déhiscences pariétales ou de névromes
raides, apports osseux antérieurs après ostéosynthèse postérieure de douloureux décrits dans la chirurgie conventionnelle, mais ils
fractures …). doivent théoriquement en diminuer la fréquence [6] . L’abord
antérieur pur décrit par Onimus [25] a pour intérêt de respecter
Considérant que l’utilisation isolée de cages intersomatiques l’innervation de la paroi abdominale, alors qu’à l’inverse, l’abord
n’aboutit pas à une stabilisation suffisante du segment vertébral pararectal [4] aboutit au risque théorique plus important de
instrumenté, certains auteurs préconisent l’association à une plaque dénervation du muscle grand droit responsable d’une atonie
antérieure [15] ou la réalisation d’arthrodèses circonférentielles [8], en postopératoire de la paroi abdominale [27].
7
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
44-153 Techniques chirurgicales
- par voie antérieure mini-invasive
*
A *
B *
C
*
D *
E
*
A *
B
8
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
Techniques chirurgicales 44-153
par voie antérieure mini-invasive -
*
A *
B
9
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
44-153 Techniques chirurgicales
- par voie antérieure mini-invasive
27 Aspect à 6 mois de la
cicatrice de minilombotomie
pour une arthrodèse L4-L5
par cage chez une obèse.
*
A
26 Arthrodèse L3-L4
pour dislocation L3-L4 sur
scoliose chez une patiente de
74 ans.
A. Radiographie de
contrôle de face à 1 an
postopératoire.
B. Radiographie de
contrôle de profil à 1
an postopératoire.
*
B
10
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
Techniques chirurgicales 44-153
par voie antérieure mini-invasive -
11
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
44-153 Techniques chirurgicales
- par voie antérieure mini-invasive
*
B
*
A
*
D
*
C
33 Arthrodèse L4-L5 par plaque « MACS » sous rétropéritonéoscopie pour spondylolisthésis par lyse isthmique. Contrôles vidéoscopiques.
A. Aspect du disque
B. Incision de l’annulus fibrosus pour pratiquer la discectomie alors que les vis ont préalablement été insérées dans les corps vertébraux de L4 et de L5.
C. Avivement des plateaux vertébraux au ciseau à frapper
D. La plaque a été descendue sur les têtes de vis puis verrouillée à l’aide des écrous.
Conclusion
L’évolution que la chirurgie viscérale a vécue ces 20 dernières années
suffit pour comprendre l’intérêt majeur de la chirurgie rachidienne
antérieure mini-invasive. La vidéochirurgie appliquée au rachis permet
de bénéficier des avantages mécaniques et neurologiques de l’abord
antérieur du rachis, tout en évitant ses inconvénients grâce à
l’utilisation d’optiques, de moniteurs de contrôle, de la lumière froide et
d’instruments chirurgicaux spécifiques. Parallèlement à la mise au
point des instruments et des techniques chirurgicales, de nouveaux
implants ont été développés en collaboration avec les industriels. Leurs
résultats sur les taux de fusion apparaissent équivalents à ceux
rapportés avec les méthodes conventionnelles.Ces techniques imposent
de la part du chirurgien une formation et un entraînement particuliers.
Le qualificatif de mini-invasif s’adresse en effet à la paroi et à l’ensemble
des structures anatomiques traversées pour parvenir à la colonne et
seulement à elles. La qualité des gestes rachidiens de discectomie
(fig 34), d’avivement corporéal, d’apport osseux (fig 35) et
d’implantation du matériel doit absolument rester la même que dans les 34 Aspect vidéoscopique par voie antérolatérale gauche après discectomie L3-L4. La
techniques conventionnelles, sous réserve d’un taux d’échec qualité des gestes rachidiens doit reproduire les résultats de la chirurgie convention-
inacceptable et absolument non justifié par le caractère mini-invasif de nelle. La loge de la future cage doit être totalement vide de tout tissu discal.
ces techniques. Il ne faut donc pas oublier les possibilités de conversions
peropératoires du fait de difficultés ou de complications qui imposent, thoraco-phréno-lombotomie). Enfin, ces nouvelles techniques ne doivent
de facto, la parfaite maîtrise par le chirurgien des voies pas aboutir à une extension de nos indications d’arthrodèses lombaires,
antérieures conventionnelles (lombotomie, laparotomie voire sous prétexte de leur faible iatrogénicité.
12
Arthrodèses lombaires intersomatiques (de L2 à L5)
Techniques chirurgicales 44-153
par voie antérieure mini-invasive -
35 Arthrodèse L4-L5.
A. Aspect vidéoscopique
par voie antérolatérale
gauche du greffon interso-
matique tricortical. Les vis
corporéales ont été préala-
blement introduites. La
plaque sera ensuite descen-
due sur les vis par-dessus
le greffon.
B. Contrôle scanographi-
que avec reconstruction.
*
B
*
A
Références
[1] Allain J, Goutallier D. Indications et résultats des arthrodè- [12] Lazennec JY, Ramare S, Castel E, Laporte C, Benazet JP, [24] Olinger A, Hildebrandt U, Pistorius G, Lindemann W,
ses intersomatiques lombaires effectuées sous rétropérito- Saillant G. Abord antérieur rétropéritonéal minimisé du Menger MD. Laparoscopic 2-level fusion of the lumbar
néoscopie. Cah Ens Sofcot 2000; 75 : 139-48 rachis de T12 à S1. Bases anatomiques et applications chi- spine with Bagby and Kuslich implants. Chirurg 1996 ; 67 :
[2] Allain J, Goutallier D. Chirurgie endoscopique du rachis. In : rurgicales. Cah Ens Sofcot 2000 ; 75 : 170-181 348-50
Kahn MF, Kuntz D, Meyer O, Bardin T, Orcel P eds. L’actua- [13] Le Huec JC, Belliard R, Liquois F, Husson JL, Midy D, Le [25] Onimus M, Chataigner H. Abord du rachis lombaire anté-
lité rhumatologique 2001. Paris : Elsevier, 2001 : 493-505 Rebellier A. Arthrodèse de la colonne lombaire par abord rieur extrapéritonéal vidéo-assisté. Cah Ens SOFCOT 2000 ;
[3] Allain J, VanDriessche S, Odent T, Goutallier D. Traitement rétropéritonéal endoscopique. Technique et rapport pré- 75 : 161-9
du spondylolisthésis dégénératif : comparaison entre les liminaire de 10 cas. J Cœlio Chir 1996 ; 18 : 37-44 [26] Onimus M, Papin P, Gangloff S. Extra-peritoneal approach
arthrodèses antérieures par méthode conventionnelle to the lumbar spine with video assistance. Spine 1996 ; 21 :
(plaque vissée) et les arthrodèses par cage implantée sous [14] Le Huec JC, Husson JL, Polard JL, Trebuchet S, LeRebellier L. 2491-4
rétropéritonéoscopie. Rev Chir Orth 2001 ; 87 (6) : 2S38 Abord endoscopique du rachis lombaire : pièges, inci-
dents, complications. Rev Chir Orth 1997 ; 83 (suppl II) : 55 [27] Onimus M, Papin P, Gangloff S, Balique JG. L’abord anté-
[4] Buttner J, Schellnack K, Zippel H. Eine alternative Behand- rieur extra-péritonéal vidéo-assisté du rachis lombaire infé-
lungstrategie beim Lumbalen Bandscheibenschaden mit [15] Le Huec JC, Lui M, Skalli W, Josse L. Lumbar lateral inter- rieur. Rev Chir Orth 1999 ; 85 (2) : 183-8
der Bandscheibenendoprothese Modulartyp SB Charité. Z body cage with plate augmentation : in vitro biomechani- [28] Pelissé F, Puig O, Rivas A, Bago J, Villanueva C. Low fusion
Orthop 1987 ; 125 : 1-6 cal analysis. Eur Spine J 2002 ; 11 : 130-6 rate after L5-S1 laparoscopic anterior lumbar interbody
[5] De Peretti F, Hovorka 1, Fabiani P, Argenson C. New possi- [16] Louis R. Chirurgie du rachis. Anatomie chirurgicale et voies fusion using twin stand-alone carbon fiber cages. Spine
bilities in L2-L5 lumbar arthrodesis using a lateral retroperi- d’abord. Springer Verlag Ed. Berlin, 1982 2002 ; 27 : 1665-9
toneal approach assisted by laparoscopy: preliminary [29] Raskas DS, Delamarter RB. Occlusion of the left iliac artery
results. Eur Spine J 1996 ; 5 : 210-6 [17] Marnay TH. Chirurgie vidéo-assistée mini-invasive du after retroperitoneal exposure of the spine. Clin Orthop
[6] De Peretti F, Hovorka P, Argenson C. Voie antérieure de L2, rachis par voie antérieure. Cah Ens Sofcot 1999 ; 70 : 1997, 338 : 86-9
L3, L4 par rétropéritonéoscopie. Rev Chir Orth 1999 ; 85 : 161-184
[30] Regan JJ, Mc Afee PC, Guyer RD, Aronoff RJ. Laparoscopic
183-188 [18] Marnay TH, Vanesbroek G, Nitobe T. La chirurgie verté- fusion of the lumbar spine in a multicenter series of the first
[7] Eck KR, Bridwell KH, Ungacta FF, Lapp MA, Lenke LG, Riew brale antérieure vidéo assistée : évaluation technique, com- 34 consecutive patients. Surg Laparosc Endosc 1996 ; 6 :
D. Analysis of titanium mesh cages in adults with minimum plications et résultats. Rev Chir Orth 1996 ; 87 (Suppl II) : 36 459-68
two-year follow-up. Spine 2000 ; 25 : 2407-15
[19] Mathews HH, Evans MT, Molligan HJ, Long BH. Laparo- [31] Sandhu HS, Turner S, Kabo JM. Distractive properties of a
[8] Hinkley BS, Jaremko ME. Effect of 360-degree lumbar fusion scopic discectomy with anterior lumbar interbody fusion. threaded interbody fusion device. Spine 1996 ; 21 :
in a workers’compensation population. Spine 1997 ; 22 : A preliminary review. Spine1995 ; 20 : 1797-1802 1201-10
312-22
[20] Mayer MH. A new microsurgical technique for minimally [32] Steffen T, Tsantrizos A, Fruth I. Cages : designs and con-
[9] Husson JL, LeHuec JC, Polard JL, Trebuchet G, Lombard J, cepts. Eur Spine J 2000 ; 9 (suppl 1) : 89-94
Poncer R et al. Les pièges et les complications de l’abord invasive anterior lumbar interbody fusion. Spine 1997 ; 22 :
rétropéritonéal endoscopique pour l’arthrodèse de la 691-700 [33] Taylor BA, Vaccaro AR, Hilibrand AS. The risk of foraminal
colonne lombaire : à propos d’un cas original et revue de la violation and nerve root impingement after anterior place-
[21] Mc Afee PC, Cunningham BW, Lee GA, Orbegoso CM, ment of lumbar interbody fusion cages. Spine 2001 ; 26 :
littérature. Rev Chir Orth 1997 ; 83 (Suppl II) : 56 Haggerty CJ, Fedder IL et al. Revision strategies for salvag- 100-4
[10] Kuslich SD, Danielson G, Dowdle JD, Sherman J, Fredrick- ing or improving failed cylindrical cages. Spine 1999 ; 24 :
son B, Yuan H et al. Four-year follow-up results of lumbar 2147-53 [34] Tullberg T. Failure of a carbone-fiber implant : a case report.
spine arthrodesis using the Badgy and Kuslich lumbar Spine 1998 ; 23 : 1804-6
fusion cage. Spine 2000 ; 25 : 2656-62 [22] Mc Afee PC, Regan JJ, Geis WP, Fedder IL. Minimally inva- [35] Weiner BK, Fraser RD. Spine update : lumbar interbody
sive anterior retroperitoneal approach to the lumbar spine. cages. Spine 1998 ; 23 : 634-40
[11] Kulisch SD, McAfee PC, Regan JJ. Spinal instrumentation. Emphasis on the lateral BAK. Spine 1998 ; 23 (13) : 1476-84
In : Regan JJ, McAfee PC, Mack MF, eds. Atlas of endoscopic [36] Zucherman JF, Zdeblick TA, Bailey SA, Mahvi D, Hsu KY,
spine surgery. St Louis : Quality Medical publishing inc, [23] Obenchain TG. Laparoscopic lumbar discectomy : case Kohrs D. Instrumented laparoscopic spinal fusion. Prelimi-
1994 : 293-331 report. J Laparoendosc Surg 1991 ; 1: 145-9 nary results. Spine 1995 ; 20 : 2029-34
13
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-165
44-165
Introduction centrées sur la tumeur (cet examen étant très important pour bien
comprendre l’envahissement osseux) et une imagerie par résonance
magnétique (IRM) qui peut mieux préciser l’envahissement tumoral
La chirurgie du rachis tumoral est techniquement difficile. locorégional ainsi que celui de vertèbres sus- et sous-jacentes.
L’exérèse ainsi que la reconstruction des tumeurs du rachis diffèrent Lorsque la tumeur risque d’envahir une artère à destinée médullaire, une
selon leur nature histologique, la localisation dans la vertèbre et l’étage artériographie est indispensable. Selon la localisation tumorale, l’artère
rachidien (cervical, dorsal, lombaire). vertébrale est visualisée au rachis cervical ou l’artère d’Adamkiewicz
Les tumeurs en général se répartissent en tumeurs bénignes et en en dorsal. Cette artériographie peut en même temps permettre de réaliser
tumeurs malignes elles-mêmes décomposées en primitives et une embolisation [ 2 ] , très utile pour diminuer le saignement
secondaires (métastases). peropératoire. Elle est pratiquée de façon relativement courante même
Avant d’envisager la chirurgie de ces tumeurs, il est absolument si la tumeur n’est pas réputée comme très vascularisée. Elle est réalisée
nécessaire de pratiquer un bilan exhaustif, tant local que général, et par un neuroradiologue qui, par un cathétérisme sélectif, embolise tous
d’avoir une histologie sans aucune équivoque. C’est grâce à ces bilans les vaisseaux néotumoraux. Lorsque cette embolisation par voie
que vont être définies la stratégie mais également la technique systémique ne peut être faite à cause de la proximité d’une artère à
opératoire. C’est dire l’importance de cette séquence préopératoire. destinée médullaire, une embolisation par voie percutanée (antéro- ou
postérolatérale) peut être alors pratiquée.
Biopsie sous scanner Comme au rachis cervical, l’aide technique par les potentiels évoqués
somesthésiques est parfois requise, préservant de tout risque de déficit
Le radiologue doit alors discuter du trajet biopsique avec le chirurgien neurologique per- et postopératoire.
qui fera l’exérèse tumorale, pour que le trajet coïncide avec la cicatrice
de résection chirurgicale. Elle est faite à l’aide d’un trocart qui ramène
Charnière dorsolombaire
une carotte tumorale. L’avantage de cette technique est d’être simple et
peu invasive. En revanche, le trocart ne ramène que peu de matériel Cette localisation allie le problème des voies d’abord et le problème
tumoral, parfois non suffisant pour typer la tumeur de façon certaine. mécanique inhérents à toutes les « charnières », mais aussi le fait que
L’abord peut être fait par voie latérale ou par voie transpédiculaire. Cette l’artère d’Adamkiewicz peut être présente.
dernière est préférée (si cela est possible) en cas de tumeur maligne
primitive, car le trajet biopsique est alors réséqué lors de la chirurgie Rachis lombaire
d’exérèse tumorale. Le fait de marquer le point d’entrée du trocart
(comme lors d’une radiothérapie) peut être utile car, si la chirurgie de La difficulté technique est la profondeur du corps vertébral à ce niveau.
résection est faite longtemps après, le trajet de biopsie peut être oublié et Une chirurgie de résection vertébrale en un temps comme au rachis
donc non réséqué. dorsal est donc impossible. La résection en deux temps (voie antérieure
puis postérieure) ou trois (postérieure, antérieure puis postérieure) doit
Biopsie chirurgicale être choisie. L’avantage de cet étage rachidien est la possibilité de
récliner le fourreau dural sans trop de risque à partir de L3 en général.
Elle doit être systématiquement effectuée par le chirurgien qui doit faire
la résection tumorale. Sacrum
Le trajet biopsique doit tenir compte, en cas de forte suspicion de tumeur
maligne primitive, du temps chirurgical ultérieur d’exérèse qui devra La chirurgie du sacrum est techniquement plus difficile. Lors d’une
réséquer cette cicatrice en bloc avec la tumeur. Le defect osseux laissé résection sacrée, la localisation tumorale envahissant S1 ou S2 nécessite
par la biopsie peut être bouché par du ciment pour éviter à la tumeur de systématiquement un double abord, antérieur pour ligaturer les veines
s’écouler dans les parties molles. présacrées et libérer si nécessaire les éléments « nobles » situés dans le
Lorsque tout le bilan est pratiqué, l’histologie est sans équivoque, il est pelvis, puis une voie postérieure pour contrôler les racines nerveuses et
possible d’envisager la stratégie chirurgicale. En cas de métastase, le effectuer la résection tumorale. Si la tumeur est située en dessous du
score pronostique préopératoire de Tokuhashi [10], coté sur 12 points, disque S2-S3, une seule voie d’abord postérieure peut être pratiquée si
peut être évalué, bien que celui-ci ne soit pas adapté à toutes les la tumeur n’est pas trop grosse et n’envahit pas les anses intestinales. Le
situations [3]. problème mécanique, lors de la résection tumorale, n’intervient que si la
tumeur envahit S1. Pour les tumeurs situées en dessous de S1, aucune
reconstruction n’est nécessaire car l’anneau pelvien est préservé.
Stratégie opératoire
Technique chirurgicale
Généralités
Elle comprend l’exérèse chirurgicale ainsi que la reconstruction. Ceci
La stratégie dépend de la nature histologique de la tumeur, de la dépend surtout de la localisation tumorale sur la vertèbre et bien sûr de
localisation tumorale sur le rachis, de la localisation sur la vertèbre qui l’étage rachidien.
fera décider alors de la technique chirurgicale.
L’histologie a déjà été discutée lors du temps biopsique.
Deux types de chirurgie peuvent être pratiqués : Rachis cervical
– la chirurgie palliative en cas de métastases ou de tumeurs au-delà de Chirurgie d’exérèse tumorale
toutes ressources curatives. Elle a pour but de décomprimer le fourreau
dural et de stabiliser le rachis. Elle peut se faire par voie postérieure ou Tumeurs de l’arc postérieur de C1 (tumeurs exceptionnelles)
antérieure selon les cas ;
– la chirurgie « carcinologique ou curative » ayant pour but de réséquer La difficulté particulière de l’excision de l’arc postérieur de C1 est due,
toute la tumeur « en bloc ». bien entendu, à ses rapports avec l’artère vertébrale (fig 1). Après avoir
installé le malade tête fixée sur la têtière en cyphose maximale, l’abord
est centré sur l’arc postérieur de C1 ; le tubercule postérieur de C2 étant
Stratégie selon la localisation repéré, le champ opératoire est dégagé de la région sous-occipitale
jusqu’à C2. L’arc postérieur de C1 est dégagé au bistouri très
Rachis cervical prudemment à sa face postérieure, puis une spatule est engagée de haut
Cette localisation est surtout marquée par la présence des artères en bas entre la membrane occipitoatloïdienne et la face antérieure de
vertébrales. En cas de tumeur importante pouvant envahir ces artères, l’arc postérieur de C1. Le ligament interépineux C1-C2 est ensuite
une artériographie est donc indispensable pour apprécier sectionné et une spatule est encore passée à la face antérieure de l’arc
l’envahissement de ces dernières et pour alors pratiquer un « test du postérieur de C1, de bas en haut. Le tubercule de C1 peut être ainsi
ballonnet ». réséqué à la pince gouge, puis à partir de cette excision de 0,5 cm de
Il s’agit d’introduire un ballonnet dans l’artère vertébrale au contact de large environ, l’excision progresse par morcellement latéralement vers
la tumeur et de le gonfler. On voit alors l’existence ou non d’une la gauche et vers la droite. Avant chaque excision à la pince, il faut au
suppléance artérielle autorisant de pratiquer un clampage de l’artère préalable systématiquement passer une spatule au mieux en
vertébrale envahie pour effectuer un pontage artériel. Ce pontage permet intrapériosté, pour décoller la dure-mère et l’artère vertébrale de la face
alors de réséquer le segment artériel envahi avec la tumeur vertébrale. antérieure de l’arc postérieur de l’atlas. Il est indispensable d’avoir un
Si le test du ballonnet est négatif, en aucun cas le pontage ne peut être champ exsangue, ce qui n’est pas toujours facile en raison de la présence
effectué et la chirurgie n’est donc pas « carcinologique ». de plexus veineux péri-dure-mériens.
En cas d’envahissement de l’axe aérodigestif, un transit œso-gastro- Parfois, l’artère vertébrale est située dans un véritable canal osseux,
duodénal est nécessaire pour savoir si la tumeur est réséquable et la visible radiologiquement, dont l’arc postérieur de C1 forme la limite
coopération avec les oto-rhino-laryngologistes et les chirurgiens postérieure. Il faut alors enlever l’arc postérieur de C1 par morcellement
digestifs est indispensable. très prudent d’arrière en avant, jusqu’au plan de l’artère vertébrale.
page 2
Techniques chirurgicales TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM 44-165
1 Le danger des résections de l’arc postérieur de l’atlas est représenté par les
artères vertébrales et les veines adjacentes.
page 3
44-165 TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM Techniques chirurgicales
4 Section d’un ligament jaune au bistouri et à la rugine sous couvert d’une spatule.
page 4
Techniques chirurgicales TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM 44-165
page 5
44-165 TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM Techniques chirurgicales
page 6
Techniques chirurgicales TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM 44-165
C
12 A. Ostéosynthèse étendue par plaques postérieures. 14 Exérèse d’une apophyse transverse dorsale.
B. Pontage d’une zone d’excision.
C. Reconstruction cervicale antérieure par greffe et agrafe.
l’articulaire inférieure solidaire de la lame, mais ceci n’est pas toujours
reconstruction, par voie antérieure ou postérieure selon les cas, pour possible. L’apophyse transverse correspondante est soit réséquée elle
éviter une déstabilisation qui peut entraîner un rachis en « col de aussi, soit laissée latéralement.
cygne ».
Tumeurs de l’apophyse transverse
Rachis dorsal Elles peuvent être enlevées par voie médiane postérieure. Après avoir
réalisé un abord classique, on se porte très latéralement en dehors du
Chirurgie d’exérèse tumorale massif articulaire. La transverse est alors repérée facilement, oblique en
dehors et en arrière, elle est réséquée après avoir été sectionnée au ras de
Tumeurs de l’arc postérieur (épineuse ou lame) et du massif son insertion sur le pédicule et le massif articulaire (fig 14). Pour
articulaire l’enlever, il faut encore la libérer de l’articulation costale à l’aide d’une
La technique chirurgicale est identique à celle du rachis cervical de C2 à rugine de Farabeuf et couper les ligaments costotransversaires. Elle peut
C7. être ainsi enlevée en un seul bloc, et non par morcellement. Lorsque la
tumeur de l’apophyse transverse se prolonge plus en avant du pédicule
ou du corps vertébral, elle peut aussi être enlevée par une
Tumeurs du pédicule
costotransversectomie ou par une voie antérolatérale rétropleurale. Le
Les pédicules vertébraux unissent les massifs articulaires à la face choix entre ces différentes voies d’abord dépend du caractère isolé ou
postérieure des corps vertébraux. Ils naissent en arrière, à la jonction des non de la tumeur et de son extension en arrière (abord postérieur) ou en
articulaires inférieure et supérieure. C’est là qu’il faut les attaquer. Il faut avant (abord postérolatéral ou antérolatéral). Quand l’extension
d’abord réséquer l’articulaire inférieure de la vertèbre sus-jacente et le tumorale se fait à la fois en avant et en arrière, c’est l’indication de la
massif articulaire de la vertèbre correspondante. On peut parfois garder voie postérieure élargie (cf infra).
page 7
44-165 TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM Techniques chirurgicales
16 Laminectomie.
17 Costotransversectomie bi-
latérale et résection des pédi-
cules.
page 8
Techniques chirurgicales TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM 44-165
Chirurgie de reconstruction
Stabilisation de l’arc postérieur
La fixation postérieure se fait grâce à des plaques vissées dans les
pédicules selon des techniques déjà vues (cf supra). Bien sûr, d’autres
instrumentations peuvent être utilisées telles que les tiges associées à des
crochets.
Charnière dorsolombaire
Il s’agit d’un problème de voie d’abord. Pour les tumeurs situées au
corps vertébral, la voie antérolatérale est conseillée. L’abord se fait par
la 11e côte, et tout en restant en rétropleural, le diaphragme est désinséré
19 Section de la partie postérieure du corps vertébral au ciseau à frapper rejoignant petit à petit, de sa périphérie jusqu’aux piliers. Ceux-ci sont bien vus à la
la coupe effectuée en avant par la scie de Gigli.
face antérieure des premières vertèbres lombaires et sont désinsérés
facilement. L’arcade du psoas apparaît au niveau de L1 et la poursuite
de l’exérèse vertébrale au niveau lombaire se fait en passant au bord
interne de ce psoas en rétropéritonéal. Dans tous les cas, l’excision
tumorale se fait par morcellement après ligature des pédicules
vasculaires. Il importe également de bien ruginer le ligament commun
vertébral antérieur et la face controlatérale à l’abord. Ceci permet de
protéger au mieux le médiastin et les vaisseaux. Ce geste est plus aisé
que par costotransversectomie.
Tumeurs du pédicule
L’interligne des articulaires est sagittal, il suffit de réséquer d’abord le
massif articulaire en arrière du pédicule, respectant là aussi si possible
21 Montage final par greffe antérieure et plaques l’articulaire inférieure solidarisée de la lame. On arrive ainsi sur
postérieures. l’extrémité postérieure du pédicule qui part sagittalement « droit
devant ». C’est la direction de la pince gouge qui progressivement va
réséquer tout le pédicule, après avoir éventuellement à l’aide de spatules,
en force entre les deux vertèbres adjacentes (fig 21). L’ensemble est refoulé les racines sus- et sous-jacentes dans les trous de conjugaison.
parfaitement maintenu par les deux plaques vissées déjà mises en place,
les vis posées depuis les plaques vont aussi se ficher dans la greffe pour
Tumeurs de l’apophyse transverse
encore la stabiliser. Si besoin, deux greffes tibiales vissées dans les L’excision se fait par voie postérieure après dégagement très latéral du
transverses à côté des plaques peuvent renforcer l’apport osseux ; massif articulaire. Les muscles lombaires paravertébraux sont
désinsérés latéralement jusqu’à repérer l’extrémité de l’apophyse
– si cet apport osseux antérieur paraît insuffisant pour assurer la stabilité transverse. Il y a latéralement de nombreuses hémostases à faire.
à long terme du rachis, on peut effectuer une greffe postérolatérale L’apophyse est toujours beaucoup plus antérieure et plus profonde que
complémentaire. Cette greffe est formée d’une longue baguette tibiale l’on peut l’imaginer et son excision est souvent difficile à réaliser
qui est vissée au bord externe de l’une des plaques d’ostéosynthèse, dans (fig 22). Aussi est-il parfois nécessaire d’utiliser plutôt une voie
la racine des transverses des deux vertèbres sus- et sous-jacentes à la postérolatérale passant à travers ou en dehors des muscles
lésion. Cette greffe complémentaire peut être décidée de principe dans paravertébraux. L’excision se fait par morcellement progressif ou par
le même temps opératoire ou n’être effectuée que secondairement, au résection en bloc.
vu de l’aspect radiologique lors de la consolidation de la greffe
antérieure. Tumeurs du corps vertébral (arc antérieur)
Les soins postopératoires comportent le lever de l’opéré dans la semaine • Lésions de L1 à L4
postopératoire, sous couvert d’un corset moulé sur mesure en L’excision se fait très simplement par abord antérolatéral rétropéritonéal
polyéthylène qui est, en cas de lésions thoraciques hautes, un passant au besoin par la 11e ou 12e côte, en cas de lésions de la première
corset-minerve. vertèbre lombaire (fig 23A).
page 9
44-165 TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM Techniques chirurgicales
page 10
Techniques chirurgicales TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM 44-165
page 11
44-165 TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM Techniques chirurgicales
A B C
26 Indications et limites des vertébrectomies dorsales. postérieure élargie. Une résection parenchymateuse pulmonaire peut y être associée.
A. La lésion corporéale isolée est l’une des meilleures indications de la résection C. L’envahissement des deux pédicules ou d’une lame constitue un obstacle insurmon-
par voie postérieure élargie. table à une résection par voie postérieure élargie du fait du morcellement obligatoire de
B. L’envahissement d’un pédicule, d’un massif articulaire, voire de la transverse l’arc postérieur.
ou de la tête homolatérale reste accessible à une résection monobloc par voie
résection de l’arc postérieur (fig 26A). Il permet également une résection la résection. Il est recommandé de faire appel à un chirurgien digestif ou
monobloc en cas d’atteinte unilatérale d’un pédicule, voire d’une côte vasculaire pour effectuer ce temps de contrôle vasculaire et parfois de
adjacente ou, au maximum, d’un massif articulaire (fig 26B). libération des anses coliques gauches en cas de tumeur de gros volume.
L’atteinte de deux pédicules et/ou des lames est, comme à l’étage On peut opter pour une voie médiane sous-ombilicale transpéritonéale
cervical, la limite puisque celle-ci impose le morcellement tumoral ou une voie pararectale rétropéritonéale droite et/ou gauche selon la
(fig 26C). La présence de l’artère d’Adamkiewicz à un trou de position de la tumeur, ou une voie transversale par hémipfannenstiel
conjugaison correspondant à la lésion tumorale contre-indique toute droit et/ou gauche. Quoi qu’il en soit, à chaque fois que cela est possible,
résection complète de la tumeur, surtout par voie postérieure élargie. il faut opter pour une voie rétropéritonéale, moins douloureuse pour le
patient. Les voies latérales permettent de bien contrôler l’extension
Au rachis lombaire tumorale à l’aile iliaque et à l’articulation sacro-iliaque. Par cet abord
antérieur, on peut marquer les limites de section osseuse par un coup de
Les possibilités de chirurgie extratumorale sont plus limitées qu’aux ciseau à frapper et ce plan de section est retrouvé lors du temps
niveaux cervical et dorsal. postérieur de résection tumorale. Pour préserver les vaisseaux et/ou les
Une lésion isolée du corps vertébral (fig 27A) reste accessible à une anses intestinales, un champ en tissu « marqué », s’interposant entre les
spondylectomie totale par voie antérolatérale. L’atteinte de l’un des corps sacrés et la cavité pelvienne, peut être laissé et est récupéré par
deux pédicules interdit malheureusement toute résection extratumorale voie postérieure après la résection tumorale [4]. En cas d’adhérence de la
(fig 27B). Il faut rappeler que la vertébrectomie totale lombaire passe paroi rectale à la tumeur (ce qui est rare), le rectum doit être réséqué en
par un double abord qui ne peut être simultané. L’arc postérieur est bloc avec la tumeur et une colostomie d’amont doit être pratiquée [1]. Ce
réséqué dans un premier temps jusqu’à la partie postérieure du corps premier temps est souvent peu hémorragique car tous les vaisseaux sont
vertébral, ce qui implique le morcellement des pédicules. Le corps contrôlés. Ensuite, le malade est retourné pour pratiquer l’abord
vertébral est ensuite retiré en monobloc par l’abord antérolatéral. postérieur.
• Abord postérieur
Sacrum
On peut faire une voie médiane postérieure centrée sur les épineuses, ou
Les tumeurs du sacrum posent des problèmes techniques différents. La une voie en « étoile » (fig 28) permettant d’avoir un meilleur contrôle
chirurgie de résection carcinologique n’est proposée que pour les sur les faces latérales du sacrum et les articulations sacro-iliaques, ainsi
tumeurs malignes primitives et pour les chordomes (tumeur bénigne à que sur les ailes iliaques. Si la tumeur ne se situe que d’un seul côté, une
potentiel malin) considérés comme malins à part entière. La chirurgie hémivoie en « étoile » (fig 29) est effectuée. Lors de l’atteinte de S1, la
des tumeurs bénignes consiste le plus souvent en un curetage. charnière lombosacrée doit être bien individualisée, pour bien contrôler
le disque L5-S1, limite supérieure du plan de section de la tumorectomie.
Chirurgie d’exérèse En cas de tumeur de S2, c’est le disque S1-S2 qui représente ce plan de
section (fig 30). Une laminectomie lombosacrée ou sacrée est ensuite
Tumeurs de S1 et/ou S2 effectuée selon la localisation tumorale à la pince de Kérisson en faisant
attention à ne pas faire de brèche durale car, à ce niveau, la dure-mère a
Cette chirurgie comprend une double voie d’abord, antérieure dans un tendance à s’horizontaliser selon la configuration du sacrum. La
premier temps puis postérieure [9]. laminectomie pratiquée, il faut lier par un point de Meunier les racines
englobées par la tumeur, pour pouvoir pratiquer la résection monobloc
• Abord antérieur
de la tumeur. La ligature se fait à partir des racines L5 en cas de tumeur
Il est nécessaire pour contrôler les veines présacrées qui, si elles ne sont S1 (car la fossette de Cunéo et Marcille est le plus souvent envahie) et à
pas ligaturées, peuvent entraîner une hémorragie cataclysmique lors de partir de S1 en cas de tumeur de S2.
page 12
Techniques chirurgicales TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM 44-165
28 Voie en « étoile ».
29 Voie en « hémiétoile ».
L5
S1
1
S2
S4 3
On lie par un point de Meunier le fourreau dural, juste au-dessus de
S5 l’envahissement tumoral.
4
On repère le coccyx puis progressivement on libère les faces latérales
du sacrum avec section des muscles pyramidaux et du ligament sacro-
iliaque droit et gauche. On palpe alors facilement la tumeur présacrée.
La libération du rectum peut être faite par un chirurgien digestif si le
30 1, 2, 3, 4. Sections osseuses respectives des sacrectomies S1, S2, S3, S4.
rectum colle trop à la tumeur. Pour bien repérer le rectum, une bougie de
Hegar peut être introduite en préopératoire dans l’anus. Lorsque le
La résection tumorale se fait au ciseau de Pauwels après avoir délimité rectum est totalement libéré, on effectue la résection tumorale en bloc à
la limite supérieure de la tumeur en faisant les sections latérales au l’aide de ciseaux de Pauwels, en faisant attention aux racines sus-
niveau des ailerons sacrés, au large de la tumeur. Cette résection sacrée jacentes à la tumeur.
est souvent assez hémorragique et doit se faire rapidement. Lorsque le
sacrum est réséqué, le champ en tissu laissé lors de l’abord antérieur Chirurgie de reconstruction
apparaît, celui-ci est donc retiré. Les tranches osseuses sont cirées pour
effectuer une hémostase soigneuse. En cas d’hémorragie incoercible, Cette chirurgie n’est pratiquée qu’en cas de résection totale du sacrum,
l’utilisation de colle biologique est souvent efficace pour tarir le c’est-à-dire en cas de tumeur de S1. Deux attitudes thérapeutiques sont
saignement. alors possibles :
– aucune reconstruction : le rachis est alors maintenu par une sorte de
Tumeurs sacrées de S3 à S5 « hamac fibreux », le patient pouvant se mettre debout et marcher, avec
Cette localisation permet de simplifier la chirurgie car le temps de bien sûr une diminution de la taille ;
résection peut être pratiqué seulement par voie postérieure uniquement. – reconstruction par une instrumentation en triangulation, associée à
La voie d’abord peut être médiane ou en « étoile ». On pratique une des autogreffes : l’instrumentation relie les ailes iliaques restantes entre
laminectomie pour contrôler les racines sacrées. Une foraminectomie de elles, et chaque aile iliaque au rachis lombaire (fig 31). L’autogreffe est
la racine sus-jacente à la tumeur est faite (S2 pour une tumeur S3 ou S3 composée de morceaux de péroné et de baguettes tibiales s’appuyant sur
pour une tumeur S4). les ailes iliaques restantes et les faces latérales ou les faces transverses
page 13
44-165 TUMEURS DU RACHIS ET DU SACRUM Techniques chirurgicales
des vertèbres L4 ou L5. Ces autogreffes sont encastrées et vissées le plus la pièce réséquée. Ceci constitue un bon moyen de lutte contre une
souvent (fig 32). Le patient doit observer un décubitus d’au moins éventuelle infection.
3 mois.
En cas de résection tumorale de S1 ou S2, apparaît un grand vide laissé
en place pouvant s’infecter facilement. On préconise alors, durant le
temps antérieur, de faire un lambeau épiploïque qui est mis à la place de
Références
[1] Campanacci M. Chordoma. Bone and soft tissue tu- [5] Roy-Camille R. Tumeurs du rachis. In : Conférences [9] Stener B, Gunterberg B. High amputation of the
mors. Berlin : Springer-Verlag, Aulo Gaggi Editore, d’enseignement de la SOFCOT. Paris : Expansion sacrum for extirpation of tumors. Principles and tech-
1990 : 639-651 scientifique française, 1989 ; 34 : 137-160 nique. Spine 1978 ; 3 : 351-366
[2] Chiras J, Gastona A, Gaveau T, Sellier N, Marsault C, [6] Roy-Camille R, Benazet JP. Tumeurs extradurales du
Bories J. Embolisation préopératoire en pathologie ra- rachis. In : Atlas de chirurgie orthopédique. Générali-
chidienne : à propos de 21 cas. J Radiol 1983 ; 64 : [10] Tokuashi Y, Matsuzaki H, Toriyama S, Kawano H,
tés : rachis. Paris : Masson, 1989 : 271-293 Ohsaka K. Scoring system for the pre-operative eva-
397-402
[7] Roy-Camille R, Laredo JD, Bard M. Le bilan radiologi- luation of metastasis spine tumor progressis. Cancer
[3] Enkaoua EA, Doursounian L, Chatellier G, Mabesoone 1990 ; 15 : 1110-1113
F, Aimard T, Saillant G. A critical appreciation of the pre- que initial des tumeurs vertébrales. In : Rachis et
operative diagnostic Tokuhashi Score in a series of moelle. L’imagerie, aujourd’hui. Paris : Vigot, 1988 :
71 cases. Spine 1997 ; 22 : 2293-2298 157-167
[11] Tomita K, Toribatake Y, Kawanara N, Ohnart H, Kobe
[4] Gennari L, Azzarelli A, Quagliulo V. A posterior ap- [8] Roy-Camille R, Mazel C. Voies d’abord et techniques H. Total en bloc spondylectomy and circum spinal de-
proach for the excision of sacral chordoma. J Bone chirurgicales. In : Atlas de chirurgie orthopédique. Gé- compression for solitary spinal metastasis. Paraplegia
Joint Surg Br 1987 ; 69 : 565-568 néralités : rachis. Paris : Masson, 1989 : 319-320 1994 ; 32 : 36-46
page 14
Chirurgie des traumatismes du rachis cervical
Résumé
Au niveau du rachis cervical, l'importance relative des formations discoligamentaires par rapport au
support osseux est responsable de son extrême mobilité, mais aussi de sa fragilité. Les deux
premières vertèbres cervicales articulées entre elles et avec l'occipital forment une entité
fonctionnelle autonome, le rachis cervical supérieur (RCS), siège presque exclusif de la rotation : les
lésions traumatiques sont, à cet étage, très spécifiques. Les lésions du rachis cervical inférieur (RCI)
limité par les disques C2-C3 en haut et C7-D1 en bas présentent en revanche un aspect assez
univoque que nous avons classé, à la suite de Allen [2], Harris [11], Sénégas [22] en fonction du
vecteur lésionnel dominant qui les a créées.
Plan
Techniques de la voie postérieure
Technique de la voie antérieure
Indications thérapeutiques
Conclusion
Haut de page
Techniques de la voie postérieure
Les blessés doivent être endormis et surtout intubés avec la plus grande prudence, évitant toute
hyperflexion pour les lésions à déplacement antérieur et toute hyperextension en cas de fractures de
l'odontoïde à déplacement postérieur ou des pédicules de C2.
L'incision est strictement médiane avec pour repère les épineuses saillantes de C2 et C7 : il faut
dégager au bistouri le tubercule postérieur de C1, puis l'épineuse de C2 et progresser latéralement
jusqu'aux articulaires ; on revient alors sur C1 qui peut être dénudé sur 2 cm de part et d'autre de la
ligne médiane en courant le risque, si on se porte plus latéralement, de blesser les veines et même
l'artère vertébrale : en ce cas le tamponnement prolongé doit être le premier temps de l'hémostase,
l'utilisation, limitée, de la coagulation devant être parfaitement contrôlée.
Un greffon de 3 × 4 cm prélevé sur la crête iliaque postérieure est apposé après avivement à la fraise
du bord postéro-inférieur de l'arc postérieur de C1 (fig. 2 A) et création à la pince-gouge d'une
gouttière à la base de l'apophyse épineuse de C2 soigneusement libérée de ses attaches
ligamentaires. La fixation est assurée selon l'une des variantes de la technique de Gallie par un fil
métallique placé autour de l'arc postérieur de C1 puis sous l'apophyse épineuse de C2 où l'on a bien
respecté l'insertion du ligament interépineux C2-C3.
- Technique de Dubousset (fig. 2 B). Le fil métallique est plus facile à passer directement « en boucle
» autour de l'arc postérieur de C1 s'il est assez rigide (10 à 12 mm) mais son passage à travers le
greffon et sous l'apophyse de C2 est plus aisé lorsqu'il est souple comme par exemple les fils tressés
« en câbles » type Sofamor ou Acromed qui ont par ailleurs l'avantage de ne pas migrer dans le
canal lors de leur rupture.
- Technique de McGraw et Rusch (elle évite le refend du greffon lors de sa pénétration, comme dans
la technique précédente). Le greffon est simplement « appliqué » par le fil métallique.
- Les laçages prenant appui inférieur autour de l'arc postérieur de C2 (Brooks et Jenkins) sont plus
dangereux pour l'axe médullaire.
Elle nécessite la mise en place, sous contrôle visuel, d'une vis transarticulaire entre C2 et C1 : après
ouverture de la capsule articulaire, une broche de Kirchner refoule vers le haut les parties molles qui
protègent ainsi le nerf grand occipital et le volumineux plexus veineux situés à ce niveau (fig. 4 A).
L'avivement de l'interligne est difficile par cette voie très étroite et on peut se contenter d'une simple
fixation transarticulaire qui peut être d'ailleurs associée à une arthrodèse classique C1-C2 par fil
métallique médian (fig. 4 B).
Vissage pédiculaire de C2
La technique de Roy-Camille du vissage direct des traits de fracture est rendue difficile par
l'étroitesse du pédicule de C2 situé entre le canal médullaire et l'artère vertébrale. Le point d'entrée
de la mèche de 2,8 mm se situe au niveau du quadrant supéro-interne du massif articulaire de C2
(fig. 5), la direction du méchage est de 20° en dedans et de 20° en haut, la découverte et la
protection sous une spatule du bord interne du pédicule permettent de diminuer les risques
médullaires de cette intervention dont le risque artériel reste certain. La vis de 3,5 mm a
généralement une longueur de 30 mm. L'adjonction d'une plaque vissée, dont le trou supérieur a une
obliquité différente à droite et à gauche, entre C2 et le massif articulaire de C3 renforce
théoriquement la stabilité (fig. 6).
Ostéosynthèse occipitocervicale
Elle peut être rendue nécessaire en présence de lésions associées du rachis cervical supérieur.
L'importante rigidité qu'elle entraîne, non seulement en rotation (plus de 50 % de perte de mobilité)
mais aussi en flexion-extension peut éventuellement faire discuter l'ablation du matériel après
consolidation osseuse ; en revanche, lorsque la fixation doit être définitive, l'adjonction de greffons
corticospongieux ou même d'un greffon iliaque bicortical permet l'obtention d'une arthrodèse
comparable à celle utilisée pour le traitement des affections congénitales ou rhumatismales (fig. 7).
La fixation par plaque procurant la fixation la plus stable est la plaque de Fuentes (Benoit et Girard)
en forme de Y renversé, la branche supérieure prenant un appui solide dans l'écaille de l'occipital par
trois vis (fig. 8 A, B) de 9 à 16 mm de long ; les plaques de Roy-Camille ont un appui plus latéral (fig.
9).
L'installation du blessé a été décrite plus haut. Le secret d'une voie d'abord peu hémorragique est de
bien rester sur la ligne médiane et de refouler progressivement les muscles à l'aide d'écarteurs de
Beckmann. L'ostéosynthèse ne peut être réalisée avec sécurité que si les massifs articulaires ont été
bien exposés, le bistouri étant préféré à la rugine pour éviter d'aggraver les dégâts articulaires. Cette
Pour l'ostéosynthèse du rachis cervical inférieur, nous préférons les plaques de Roy-Camille, à trous
écartés de 13 mm, vissées dans les massifs articulaires par des vis de 3,6 mm, le forage préalable
ayant été effectué au moteur lent par une mèche « à butée » de 2,8 mm. Le point d'introduction du
vissage articulaire (le vissage pédiculaire du rachis cervical inférieur n'est pas recommandé par le
promoteur de la méthode, en raison du petit diamètre de ceux-ci) a été bien précisé par Roy-Camille .
Technique de Roy-Camille. Le point d'introduction de la vis (fig. 10 A, B, C) est situé au centre des
massifs articulaires à mi-distance (5 mm) des bords supérieurs et inférieurs de la facette et à mi-
distance (5 mm) de ses bords latéraux. La direction de visée est droit devant dans le plan sagittal et
droit devant ou 10° en dehors dans le plan horizontal, la vis la plus souvent utilisée mesure 14 mm de
long. Lors de cette pénétration franchement perpendiculaire au plan osseux, on doit sentir le passage
de la première puis de la deuxième corticale du massif articulaire, (cette dernière peut être repérée
par une broche de Kirchner avant de la perforer, ce repère permettant par ailleurs de choisir une vis
de 2 mm de longueur supérieure à la pénétration de la mèche).
La plaque est appliquée contre les massifs articulaires par les vis qui doivent être bloquées. Dans
notre expérience, cette prise postérieure n'est pas toujours très solide, en particulier en cas de rachis
ostéoporotique ; dans ce cas, on peut essayer de mettre en place des vis de 4 mm de diamètre ou
d'ajouter un cerclage métallique postérieur sous-épineux ou transosseux, à la base des épineuses.
Variantes
Pour Fuentes, le point d'introduction doit être reporté légèrement plus haut pour éviter l'émergence
de la racine (fig. 10 A, B, C) ; dans le même but, Nazarian et Louis [17] recommandent de débuter le
forage 3 mm seulement au-dessous de l'interligne et d'utiliser des vis de 13 à 16 mm de longueur, le
diamètre sagittal des massifs articulaires diminuant progressivement de 10 mm en C3 à 5,6 mm en
C7 [13]. Pour Magerl [16], le vissage peut commencer légèrement en dedans du milieu de l'articulaire
mais il doit être incliné de 25° en dehors pour prévenir toute atteinte de l'artère vertébrale ; par
ailleurs, cet auteur recommande une obliquité de 20° vers le haut parallèle à l'interligne articulaire, ce
qui lui permet d'utiliser des vis de 20 mm de long.
Autres moyens de contention. Nous signalerons la possibilité d'utilisation du matériel Apofix®, déjà
décrit pour C1-C2, des clamps de Magerl [12] à appui sous-lamaire par crochet (fig. 11) qui
permettent d'effectuer un effet de compression pouvant réduire le diamètre du trou de conjugaison si
l'on ne prend pas la précaution d'adjoindre une « cale osseuse » à la base de l'épineuse, des plaques
en vitallium de Louis [17], à trous espacés seulement de 8 mm, des plaques AO malléables de 2,7
mm d'épaisseur, à trous espacés de 8 mm, ou de 3,5 mm à espacement de 11 mm.
La solidité de toutes ces ostéosynthèses postérieures par vissage est étroitement liée à celle de l'os
receveur : satisfaisante chez l'adulte, la tenue des vis devient totalement insuffisante chez le sujet
plus âgé et une arthrodèse antérieure doit compléter le montage pour toute lésion instable.
Haut de page
Technique de la voie antérieure
Après réalisation de l'anesthésie générale et de l'intubation, le blessé est positionné sur la têtière (fig.
12) où il est fixé par de l'Elastoplaste® en très légère rotation droite, l'abord se faisant la plupart du
temps à gauche. Un billot sous les épaules permet d'obtenir une bonne lordose cervicale, élément
essentiel de toute réduction des déplacements osseux ou articulaires. La position en proclive est
indispensable pour diminuer le saignement peropératoire, ce qui implique le blocage des membres
inférieurs par un appui sous les pieds et une sangle au niveau des cuisses pour éviter la flexion des
genoux. L'abaissement des épaules par la sangle à l'Elastoplaste® facilite la vision des dernières
vertèbres à l'amplificateur de brillance.
Nous contrôlons, une fois l'installation réalisée, la réduction des lésions à l'aide de l'amplificateur de
brillance ; certains auteurs [22] réalisent l'intervention sous ce contrôle permanent, se servant du
générateur de rayons recouvert de champs stériles comme table d'instruments accessoires. Si un
alignement anatomique n'est pas obtenu, il faut le rechercher avant d'entreprendre la réalisation de
l'abord chirurgical. La réduction par voie antérieure des luxations uni- ou biarticulaires nous paraît
impossible et trop risquée ; si sous anesthésie et contrôle télévisé la réduction n'a pu être obtenue
par manipulation manuelle, le blessé est retourné et un abord postérieur sera réalisé. La seule
réduction incomplète que nous tolérons est celle des fractures-séparation unilatérales du massif
articulaire ou des fractures uniarticulaires car elle pourra être complétée peropératoirement. La voie
d'abord est droite (opérateur droitier) au-dessus de C5, gauche au-dessous. L'incision (fig. 13) est
horizontale pour l'abord d'un étage, ou oblique sur le relief même du muscle sternomastoïdien pour
deux étages ou plus ; cette incision oblique n'entraîne pas de cicatrice rétractile ou inesthétique si l'on
incise exactement au bord antérieur du muscle. Au cours de la traversée du tissu cellulaire « sous-
cutané », il faut coaguler les petites veines superficielles sur la pince à disséquer et essayer de
respecter les branches du plexus cervical superficiel ; en cas d'incision horizontale, il est alors
nécessaire de décoller les plans superficiels du peaucier pour se retrouver dans les conditions de
l'abord oblique. Le muscle peaucier est disséqué du plan sous-jacent aux ciseaux fins type
Metzenbaum puis incisé, entre les branches écartées du ciseau, par l'aide situé en face de
l'opérateur. Le deuxième repère musculaire est le muscle omohyoïdien dont la section entre deux
ligatures se fait de la même manière après avoir bien repéré ses bords supérieurs et inférieurs et
avoir chargé son corps plat sur les ciseaux. Sa section permet, en poursuivant la dissection vers le
bas, de franchir l'aponévrose cervicale moyenne. Au-dessus de C5, cette section n'est pas
indispensable. L'opérateur va alors repérer à la palpation les vaisseaux carotidiens et placer son
index gauche sur eux (fig. 14) ; avec des ciseaux mousse, il va trouver le plan entre les vaisseaux et
l'axe trachéodigestif en avant ; dès le passage trouvé, il faut, tout en laissant le doigt sur les
vaisseaux, repousser au tampon monté tout ce qui se trouve en avant, c'est-à-dire la thyroïde, la
trachée, et l'oesophage, et les confier à l'écarteur, généralement un grand Farabeuf tenu par l'aide
opposé. Cette dissection transversale met en tension certains éléments vasculaires tels que les
veines ou même l'artère thyroïdienne moyenne si la dissection est dirigée vers le bas ; ils sont bien
évidemment sectionnés entre deux ligatures après isolement sur un petit dissecteur. Le refoulement
vers le côté opposé de l'axe aérodigestif et de la thyroïde est complété et confié à l'aide opposé en
prenant bien soin que la lame de l'écarteur ait chargé l'oesophage qui a glissé sur le plan rachidien,
repoussé par le tampon monté. Il ne reste plus qu'à inciser l'aponévrose profonde aux ciseaux pour
repérer l'espace intermusculaire prévertébral, repère fondamental pour s'assurer que l'on est bien sur
la ligne médiane. En l'absence de lésion discale ou osseuse évidente, la prudence consiste à repérer
à l'aide d'une aiguille sous amplificateur de brillance le niveau rachidien. On peut alors placer
délicatement un ou deux petits écarteurs de type Hohman, sur la face latérale opposée des
vertèbres, leur pointe tenant d'ailleurs mieux dans le disque que sur la face osseuse. Certains
complètent l'exposition en plaçant un écarteur autostatique, l'expérience montre que l'écartement
L'ostéosynthèse antérieure par plaque est alors effectuée : pour s'adapter à la lordose cervicale, il est
indispensable de courber la plaque. Nous utilisons une plaque en titane (Lemaire) de 0,5 mm
d'épaisseur qui permet d'éventuels contrôles postopératoires en imagerie par résonance magnétique
(IRM), cette plaque ne comporte qu'une rangée de trous distants de 13 mm pour les plaques de 20
mm de long et de 18 mm pour les plaques de 25 mm de long mais elle est renforcée à ses quatre
angles par un pointeau. Elle est mise en place très aisément sous contrôle à l'amplificateur qui
permet d'enfoncer les quatre pointeaux de 5 mm dans les corps vertébraux par impaction (cette
impaction au marteau n'est pas recommandée en cas de canal étroit arthrosique). Les vis sont alors
fixées au corps vertébral (les têtes de vis ne dépassent que de 0,8 mm la plaque) (fig. 16). Leur
diamètre est de 4 mm, la longueur moyenne chez l'adulte de 16 mm, l'utilisation peropératoire de
l'amplificateur de brillance permet d'utiliser des vis dont l'extrémité peut perforer sur 1 à 2 mm le mur
postérieur vertébral, manoeuvre qui peut être contrôlée avant la mise en place de la vis par une petite
broche. Pour une arthrodèse monosegmentaire, le drainage par un seul Redon suffit (fig. 17). Il faut
reconstituer le plan de l'omohyoïdien et suturer le peaucier si l'on utilise un surjet intradermique pour
la fermeture cutanée. Un simple collier mousse (fig. 18), prévenant les mouvements de flexion-
extension, est nécessaire dans la période postopératoire ; nous recommandons d'asseoir à 45 ° les
opérés dès que leur réveil est effectif. Les complications possibles sont l'hématome compressif
suffocant qu'il faut reconnaître au plus tôt, complication très exceptionnelle et les dysphonies par
compression peropératoire du récurrent, généralement transitoires. En dehors de la chirurgie
itérative, les complications oesophagiennes ou récurrentielles définitives sont extrêmement rares.
Variantes
- Le greffon : la traumatologie concernant surtout des blessés jeunes, nous restons fidèles aux
greffons autologues iliaques exceptionnellement tibiaux ; certains utilisent des substituts osseux tels
le corail ou l'os conservé.
- Les plaques : elles ne sont toutes que des modifications de la plaque initiale AO de Sénégas [22] à
double fixation supérieure et inférieure ; elles peuvent être en titane (AO/ASIF, Orozco, Louis,
Caspar, Morscher).
Un abord antérolatéral oblique est recommandé : l'exposition de trois corps vertébraux est nécessaire
: en conduisant la dissection vers le bas on peut, après ligature de l'artère thyroïdienne inférieure,
exposer suffisamment, surtout chez la femme, C7 pour réaliser une corporectomie et même T1 pour
y placer une vis.
Après résection des deux disques adjacents, la partie antérieure du corps vertébral fracturée est
enlevée à la pince-gouge ou à la curette (fig. 19 A). L'exérèse est étendue au mur postérieur lorsque
celui-ci a reculé dans le canal (fig. 19 B) ; au cours de cette chirurgie de décompression canalaire,
progressive, on peut être amené à s'étendre vers les bords latéraux du corps vertébral : à ce niveau,
des fragments osseux peuvent avoir créé, lors du traumatisme initial, une lésion vasculaire vertébrale
au niveau du trou transversaire (fig. 20) ; lors de l'ablation de ces esquilles osseuses, l'hémostase
temporaire qu'elles assuraient va céder, entraînant une hémorragie très difficile à maîtriser. Si le
tamponnement prolongé et la coagulation « contrôlée » sont inefficaces, il faut savoir que la ligature
ou l'interruption du flux artériel par obturation au ciment du trou transversaire, seuls moyens de
contrôle de l'hémorragie, peuvent avoir des conséquences céphaliques graves en cas d'artère
vertébrale dominante. Après curetage soigneux des deux plateaux vertébraux « sains » supérieur et
inférieur et leur perforation à la pointe carrée (fig. 21 A), un greffon iliaque bicortical est impacté
verticalement (fig. 21 B). Une résection de ces plateaux ou un « curetage » trop appuyé reporteraient
l'impaction dans le spongieux corporéal avec perte de stabilité (fig. 22 A). Latéralement, les deux
faces corticales du greffon vont être en contact étroit avec les berges osseuses restantes du corps
vertébral réséqué ; il faut se méfier lors de cette impaction que le greffon reste bien vertical en
prenant soin de l'enfoncer alternativement en haut puis en bas ou mieux d'un seul bloc pour éviter sa
pénétration dans le canal par une de ses extrémités (fig. 22 B).
Une plaque antérieure va assurer le montage mais elle ne sera pas fixée au greffon, pour permettre
une meilleure mise en compression des interfaces osseuses supérieure et inférieure (fig. 23 A, B).
Cette technique nécessite un double drainage et le port d'un collier mousse ou mieux une minerve en
matière plastique (fig. 24) si la stabilité du montage ne paraît pas très satisfaisante ; contrairement à
la monosegmentaire, l'arthrodèse bisegmentaire entraîne un certain degré de diminution de mobilité
rachidienne, mais celle-ci reste très modérée.
L'installation est la même que celle précédemment décrite mais l'utilisation de deux amplificateurs de
brillance est recommandée (fig. 25) ; il en est de même de la mise en place d'une traction par un
étrier de Gardner. L'intubation doit être effectuée de préférence par voie nasopharyngienne, toute
hyperextension de la tête étant déconseillée ; ce mode d'intubation évite la présence de matériel
file:///C|/Documents%20and%20Settings/Samir%20Bellarbi.SAMIR/Burea...RACHIS/Chirurgie%20des%20traumatismes%20du%20rachis%20cervical.htm (7 of 52) [13/06/2004 20:09:25]
Chirurgie des traumatismes du rachis cervical
radio-opaque en regard de la fracture, ce qui gênerait le contrôle peropératoire de face dont le rayon
passe à travers la bouche maintenue ouverte par un tampon radiotransparent.
Avant d'entreprendre la voie d'abord, il est nécessaire d'obtenir une réduction correcte du
déplacement tout en conservant le maximum possible d'extension du fait des difficultés d'abord sur
un rachis fléchi ; cette difficulté est majorée en cas de sternum saillant et on peut sous amplificateur
évaluer avant l'incision le trajet probable de la vis par une broche : l'impossibilité d'obtenir un trajet
correct chez un sujet obèse à cou court ou cyphotique peut faire renoncer à opérer par voie
antérieure (fig. 26).
La voie d'abord est soit horizontale (6 cm de long) au niveau C5-C6, soit verticale. La dissection est
alors conduite de bas en haut jusqu'au disque C2-C3 ; elle est facilitée par l'emploi des écarteurs de
Hohman. Une résection partielle du bord antérieur du disque et parfois même de la partie
antérosupérieure du corps de C3 est indispensable pour positionner le point d'entrée de la broche au
bord inférieur de C2 et non sur sa face antérieure (fig. 27 A). La pénétration de la broche est suivie
sous contrôle à l'amplificateur dans les deux plans et la vis de 3,5 mm mise en place en évitant
qu'elle n'entraîne la broche guide. Une mèche souple peut aussi être utilisée guidée par un mandrin
rigide qui prend appui sur le bord inférieur de C2 (technique AO) (fig. 26) : les vis utilisées sont de
type AO [9] à pas de vis distal ou de Herbert à filetage complet. La revue de la littérature montre que
la mise en place de deux vis n'a aucun avantage sur le résultat final (fig. 27 B).
Les suites opératoires sont extrêmement simples, le port d'un collier devant être maintenu 2 mois
environ.
Arthrodèse C2-C3
A cet étage, il faut veiller à bien impacter le greffon profondément, le bord antéro-inférieur de C2,
véritable « bec », surplombant le corps de C3 (fig. 28).
Pour éviter la saillie de son bord supérieur, la plaque doit être soigneusement cintrée et appliquée
étroitement contre la face antérieure de C2 dont on peut réséquer le « bec » pour améliorer le
contact, la vis de C2 a par ailleurs un trajet oblique vers le haut.
Nous avons utilisé, dans certains cas, un simple vissage transcorporéal C3-C2 à partir du bord
inférieur du corps de C3, la vis perforant successivement le corps de C3, le greffon iliaque mis en
place au niveau de l'espace C2-C3 et finalement le corps de C2 et l'apophyse odontoïde (fig. 29) ;
cette technique est particulièrement recommandée en cas de lésion discoligamentaire C2-C3
majeure en hyperextension, le greffon n'étant maintenu par aucune mise en tension ligamentaire au
niveau des colonnes antérieures ou moyennes lésées par le traumatisme.
Pour la fracture de l'odontoïde de type III à trait oblique en bas et en avant et surtout celle associée à
une fracture des isthmes de C2, on peut réaliser une arthrodèse C2-C3 par plaque en trèfle type AO
ou plaque à lame antérieure (Sofamor) (fig. 30) : la vis médiane est dirigée par un canon placé au
centre de la plaque ; celle-ci comporte une palette antérieure qui s'oppose au glissement vers l'avant
de l'odontoïde. Le premier temps consiste à mettre en place la plaque dans l'espace C2-C3
Pour renforcer une arthrodèse postérieure peu stable, ou traiter par la même voie antérieure, une
lésion C1-C2 de type ligamentaire ou osseux et une lésion du rachis cervical inférieur, on peut
introduire sous contrôle de l'amplificateur de brillance, à partir du bord inférieur de C2, deux vis
divergeantes qui vont se fixer dans les masses latérales de C1, réalisant ainsi par voie antérieure la
même fixation que la technique de Magerl par voie postérieure (technique du service) (fig. 31 A, B).
Haut de page
Indications thérapeutiques
Elles sont déterminées par la notion d'instabilité qui résulte elle-même de la fragilité de cet étage
rachidien et de son exposition aux traumatismes.
Cette instabilité peut avoir un retentissement clinique grave en raison de rapports étroits existant
entre le support ostéo-discoligamentaire et son contenu, la moelle cervicale et ses racines ; ceci
explique la grande fréquence d'indication chirurgicale à ce niveau par rapport au reste du rachis.
Réduction, décompression éventuelle, stabilisation en constituent les trois étapes classiques.
L'obtention de cette stabilisation ne doit pas compromettre la mobilité, ce qui implique un abord aussi
direct que possible du rachis et une limitation des sacrifices discoligamentaires ; dans le même but,
l'utilisation combinée et harmonieuse de greffons osseux et de matériel d'ostéosynthèse spécifique
permet d'éviter toute immobilisation externe contraignante et prolongée comme par exemple le «
Halo Vest » qui n'est pas utilisé en Europe pour cette pathologie traumatique.
Techniques
Dislocations occipitocervicales
Les rares cas [19] qui ont survécu au traumatisme initial ont été stabilisés, après réduction, par
ostéosynthèse postérieure occipitocervicale (fig. 7).
Fractures de l'atlas
Le traitement « orthopédique » par mise en traction continue de 30 jours, suivi d'immobilisation par
minerve « à l'indienne » (fig. 24) pendant la même durée, est suffisant pour réduire le déplacement
des fractures des deux arcs et obtenir leur consolidation. Exceptionnellement, une ostéosynthèse par
plaque vissée pourrait être effectuée par voie antérieure sous-maxillaire ou même une arthrodèse C1-
file:///C|/Documents%20and%20Settings/Samir%20Bellarbi.SAMIR/Burea...RACHIS/Chirurgie%20des%20traumatismes%20du%20rachis%20cervical.htm (9 of 52) [13/06/2004 20:09:25]
Chirurgie des traumatismes du rachis cervical
C2 par vis selon Magerl (fig. 4 B). L'association possible d'une fracture de l'atlas à une autre lésion du
RCS, odontoïde en particulier, doit être recherchée avec soin, car elle contre-indique tout procédé
d'arthrodèse appuyé sur l'arc postérieur de C1, et oblige à rechercher un point fixe plus haut sur
l'écaille de l'occipital (fig. 8).
Il s'agit d'une lésion très instable résultant de la section traumatique du ligament transverse, principal
élément de stabilité entre C1 et C2. La simple mise en traction réduit très facilement l'écart anormal
entre l'arc antérieur de C1 et la face antérieure de l'odontoïde, mais ne peut en aucun cas assurer la
cicatrisation du ligament et donc contrôler l'instabilité. Une arthrodèse C1-C2 est indispensable pour
stabiliser cette entorse grave et éviter un déplacement brutal aux conséquences neurologiques
dramatiques ; elle entraînera malheureusement une limitation de 50 % de la rotation de la tête : cette
fusion osseuse C1-C2 est difficile à obtenir par les techniques classiques de type Gallie (fig. 2 et 3)
mais on peut lui associer une fixation transarticulaire par voie postérieure selon Magerl (fig. 4 A, B).
Lorsque la voie postérieure n'est pas praticable, que l'arc postérieur de C1 est fracturé ou lorsque l'on
veut traiter dans le même temps une lésion associée du RCI, on peut fixer C2 à C1 par voie
antérieure : deux vis, introduites au bord inférieur du corps de C2, peuvent être dirigées sous contrôle
de l'amplificateur de brillance, dans les masses latérales de C1, réalisant ainsi une bonne fixation
sans découverte des facettes articulaires (fig. 31 A, B) ; à noter que cette technique antérieure peut
compléter utilement une arthrodèse postérieure type Gallie, dont la stabilité paraît douteuse.
Fractures de l'odontoïde
On a assisté, ces dernières années, à l'abandon progressif des techniques de laçage postérieur C1-
C2 par fils souples ou rigides, au bénéfice du vissage par voie antérieure selon Böhler [5] (fig. 26 et
27).
Le vissage n'est cependant indiqué que pour les fractures de type II d'Anderson et d'Alonso à trait
transversal ou oblique en bas et en arrière (fig. 27). Sa réalisation est délicate, nécessitant une
réduction préalable sur la table d'opération en flexion antérieure, ce qui gêne l'abord, et un contrôle
de la pénétration de la broche de réduction sous un, ou mieux, deux amplificateurs de brillance (fig.
25). La simplicité des suites opératoires qui se résument au port d'un collier mousse et la possibilité
de reprise rapide de la déambulation permettent d'en étendre l'indication aux sujets âgés.
Pour les fractures de type III, à trait oblique en bas et en avant (fig. 30), le déplacement est
généralement modéré, et ne nécessite pas de réduction parfaite, tout au plus quelques jours de
traction ; le port d'une minerve « à l'indienne » permet d'obtenir une consolidation rapide de cette
fracture « trans-spongieuse ». En cas de déplacement important ou d'extension du trait de fracture
aux pédicules de C2, on peut réaliser une ostéosynthèse par voie antérieure à condition que le
matériel d'ostéosynthèse mis en place comporte un élément métallique en forme de « palette » placé
en avant de l'odontoïde : cette « palette » va s'opposer au glissement antérieur du fragment supérieur
lors du vissage ; ceci est réalisé par des plaques « en trèfle » type AO ou des plaques type Sofamor
(Vichard) (fig. 30). Les abords transbuccaux n'ont pas de place, dans notre expérience, pour le
traitement des lésions récentes, quant aux arthrodèses C1-C2, elles doivent être réservées en
matière de traumatologie odontoïdienne aux lésions associées complexes et aux pseudarthroses.
A ce niveau, les indications du service sont basées sur la classification que nous avons développée,
à la suite des travaux de Allen [2], Harris [11] et Sénégas [22]. Il s'agit d'une classification «
lésionnelle » qui attribue la responsabilité des différents types de traumatismes observés à un des
quatre vecteurs lésionnels dominants : flexion, compression, rotation, extension ; chacun de ces
types est subdivisé en trois en fonction de l'intensité du vecteur vulnérant. Reprenant la conception
des trois colonnes établie par Denis au niveau du rachis thoracolombaire, nous retrouvons (fig. 32),
au niveau cervical : la colonne antérieure, discocorporéale, la colonne moyenne qui est ici
uniquement discoligamentaire, et enfin la colonne postérieure articuloligamentaire. La colonne
moyenne, formée par la partie postérieure du disque et le ligament longitudinal postérieur, est la clef
de voûte de la stabilité du rachis cervical : sa lésion associée à celle de la colonne postérieure
entraîne, dans tous les traumatismes comportant un vecteur de flexion, une instabilité en flexion
durable et même évolutive ; il en est de même dans les traumatismes en extension où son atteinte,
associée à celle de la colonne antérieure, est responsable d'instabilité et souvent de neuroagressivité
; dans les traumatismes rotatoires elle est généralement lésée, ce qui permet la dislocation ou la
fracture d'une articulaire postérieure ; à l'opposé, elle peut être respectée dans certains traumatismes
en compression « pure ».
En conclusion, la mise en évidence d'une lésion traumatique de cette colonne moyenne dont la
cicatrisation spontanée est illusoire est pour nous synonyme de stabilisation chirurgicale.
Notre expérience repose sur nos travaux expérimentaux sur le singe [4], et sur le traitement au centre
hospitalier universitaire de Nice des traumatismes du RCI, dont 250 cas ont subi une intervention
chirurgicale.
Depuis 1979, nous avons adopté le principe de la réduction « orthopédique » des lésions déplacées,
suivie de leur stabilisation chirurgicale effectuée par voie antérieure dans plus de trois quarts des cas.
Lésions en flexion
Elles résultent d'un mouvement de bascule antérieure, autour d'un axe transversal situé au niveau du
corps vertébral sous-jacent [13]. Selon l'intensité et la durée de la force exercée, trois lésions
caractéristiques par leur siège électif au niveau des formations discoligamentaires peuvent se
produire.
Elle se rencontre chez un grand nombre de traumatisés où, comme l'objectivent clichés dynamiques
et IRM, la colonne moyenne reste intacte, il n'y a pas d'instabilité.
Les seules rares indications chirurgicales résultent de la création par le traumatisme d'une « hernie
discale » latéralisée, mise en évidence par la tomodensitométrie (TDM) et l'IRM. Plus difficile à
affirmer est le rôle aggravant du traumatisme en cas de lésion ostéophytique préexistante. Dans le
premier cas, la hernie « molle », rebelle au traitement médical et à symptomatologie radiculaire
concordante peut être traitée par discectomie par voie antérieure, suivie dans notre expérience d'une
arthrodèse intersomatique à l'aide d'un greffon iliaque encastré et d'une plaque en titane ; certains
[22] ne pratiquent pas d'arthrodèse, d'autres utilisent des greffons conservés ou synthétiques dans le
but d'éviter les douleurs et les possibles hématomes au niveau du site donneur. Dans le second cas,
il s'agit généralement de hernie « mixte », disco-ostéophytique et il faut faire appel aux techniques de
décompression radiculaire ou médullaire utilisées dans la chirurgie de l'arthrose cervicale :
uncoforaminectomie ou large décompression antérieure avec arthrodèse.
Elles résultent d'une atteinte de la colonne moyenne discoligamentaire, associée à celle des
formations capsuloligamentaires postérieures. Cette lésion instable se traduit par un déplacement
antérieur en flexion dont les signes radiologiques sont bien classiques [14] ; il faut savoir cependant
que cette instabilité peut ne s'objectiver radiologiquement que quelques jours après le traumatisme
qui « fixe » le rachis en position antalgique. L'indication chirurgicale est absolue, car même chez le
sujet jeune, la cicatrisation n'est pas possible quelle que soit la qualité de l'immobilisation «
orthopédique ». Elle est réalisée par voie antérieure qui permet de faire une exérèse complète du
disque remplacé par une arthrodèse intercorporéale. Cette stabilisation s'est révélée insuffisante
chez quelques patients arthrosiques où « l'usure » des articulaires postérieures n'a pas permis un
verrouillage parfait, après réduction, de cette lésion éminemment instable ; la prudence conseille
chez ces sujets de réaliser un complément d'immobilisation par minerve ou même extension
continue. Quant à la fixation postérieure par vis dans ces massifs très ostéoporotiques, elle nous
paraît peu fiable et on pourrait envisager de recourir à des techniques de type « Simons » (fig. 33)
analogues à celles utilisées en chirurgie tumorale. Le diagnostic d'entorse grave peut enfin être
méconnu lorsque cette lésion purement discoligamentaire est associée, chez le même blessé, à une
atteinte osseuse bien visible au bilan radiologique, telle que « tear drop » ou déplacement rotatoire ;
lorsque l'on suspecte une telle association, il ne faut pas hésiter à l'objectiver en cours d'intervention,
après la stabilisation chirurgicale de la lésion osseuse, par un cliché « dynamique » effectué par le
chirurgien sous contrôle de l'amplificateur de brillance. La présence d'une entorse grave à l'étage
adjacent à l'arthrodèse initiale indique alors une nouvelle fusion.
Luxations-fractures biarticulaires
L'arthrodèse antérieure peut être complétée chez le sujet jeune par une fixation par plaques
postérieures, réalisée dans le même temps opératoire ou quelques jours plus tard, en cas de luxation-
file:///C|/Documents%20and%20Settings/Samir%20Bellarbi.SAMIR/Bure...ACHIS/Chirurgie%20des%20traumatismes%20du%20rachis%20cervical.htm (12 of 52) [13/06/2004 20:09:25]
Chirurgie des traumatismes du rachis cervical
fracture à dégâts osseux importants ; chez les sujets âgés, on retrouve par ailleurs ici les mêmes
problèmes de stabilité que pour les EG : la luxation se constitue dans ces cas au-dessus d'un bloc
ostéophytique, parfois à l'occasion d'un traumatisme minime, et n'a pas toujours la gravité
neurologique des déplacements traumatiques du sujet jeune.
Lésions en compression
Ce mécanisme dominant est à l'origine de lésions anatomiques très spécifiques qui comportent
toutes une composante osseuse. Cependant, du fait de l'extrême mobilité du rachis cervical, une
force fléchissante est souvent associée à la compression avec possibilité de lésion discoligamentaire.
L'importance de la force compressive nous permet de différencier trois types de lésions.
Il s'agit d'une lésion très particulière due à un mécanisme de compression axiale sur un rachis fléchi
tel que le réalisent entre autres les accidents de plongeon en eau peu profonde ou de placages au
rugby [23]. La compression est à l'origine de lésions osseuses : fracture en « larme » du coin antéro-
inférieur du corps vertébral, trait sagittal transcorporéal, fracture verticale de l'arc postérieur ; les
forces de flexion forcée sont responsables des lésions discales (8 fois sur 10 au niveau du « tear
drop ») étendues à la colonne moyenne et aux formations capsuloligamentaires postérieures ; les
deux types de lésion osseuse et ligamentaire sont toujours associés, mais leur importance relative
est variable. On conçoit donc que certains « tear drop » à prédominance osseuse restent stables et
puissent être traités par extension et minerve ; en revanche, dès qu'il existe une perte de l'alignement
du bord postérieur corporéal sur le cliché de profil, traduisant une lésion de la colonne moyenne,
discoligamentaire, une stabilisation est indispensable car il s'agit d'une lésion à prédominance
discoligamentaire, donc instable et évolutive ; ceci correspond, pour l'Ecole française, à 90 % des
cas.
Nous traitons ces « tear drop » instables par ostéosynthèse-arthrodèse antérieure bisegmentaire
selon la technique décrite plus haut (fig. 19 et 21), il faut se méfier que le corps vertébral sus-jacent
au « tear drop » ne présente pas une lésion étagée à type de trait sagittal qui contre-indiquerait
l'utilisation de plaque à seule vis médiane. La fixation postérieure isolée par plaques ne nous paraît
pas capable de s'opposer aux forces fléchissantes antérieures qui s'exercent sur la colonne
antérieure lésée tant au niveau osseux que discal.
Fractures comminutives
Lésions en rotation
Le vecteur dominant de rotation est à l'origine de lésions asymétriques que nous avons groupées
sous le terme de « déplacements rotatoires traumatiques » [4]. Elles associent une lésion uni-
articulaire postérieure à une lésion de la colonne moyenne plus ou moins étendue vers l'avant au
disque intervertébral. La lésion uni-articulaire est déterminée par la vitesse et la force d'application du
vecteur rotatoire, généralement associé à une inclinaison latérale [4].
Les « déplacements rotatoires » présentent un aspect radiologique univoque qui traduit la rotation
vertébrale : déviation latérale de l'épineuse sur le cliché de face, antélysthésis modéré sur le cliché
de profil avec aspect de trois quarts du rachis sus-jacent à la lésion, bâillement uncovertébral [7] sur
le cliché de trois quarts ascendant ; ces clichés et surtout l'étude en TDM permettent de différencier
les trois lésions uni-articulaires : les luxations uni-articulaires (LUA), les fractures uni-articulaires
(FUA), les fractures-séparation du massif articulaire (FSMA) décrites par Judet et Roy-Camille [20].
Luxations uni-articulaires
Leur traitement est dominé par la nécessité d'une réduction préalable à la stabilisation. La réduction
est effectuée progressivement par traction à l'aide d'un étrier de Gardner, les poids étant augmentés
jusqu'à atteindre 10 ou 15 kg. En cas d'échec, la réduction manuelle sous anesthésie générale et
contrôlée sous amplificateur de brillance selon la technique de Galiber est recommandée ; des séries
importantes et notre propre expérience en ont confirmé l'innocuité. Le degré d'urgence de la
réduction est fonction de la présence ou non de signes neurologiques qu'ils soient radiculaires,
comme c'est le cas le plus fréquent, ou même médullaires. Après obtention de la réduction, nous
préférons pratiquer la stabilisation par une ostéosynthèse-arthrodèse antérieure monosegmentaire
(fig. 15) qui permet de bien contrôler la lésion discale, un fragment discal ayant pu être rétropulsé
dans le canal par la manoeuvre de réduction . Ce n'est qu'en cas d'impossibilité de réduction, en
particulier pour des luxations « vieillies » que nous recourons à la voie postérieure qui permet la
réduction de la luxation sous contrôle de la vue, en employant la manoeuvre classique du démonte-
pneu (fig. 34 A) qui va permettre de faire repasser en arrière la facette articulaire de la vertèbre
supérieure ; la stabilisation est assurée dans ce cas par une ostéosynthèse monosegmentaire par
deux plaques vissées, selon la technique de Roy-Camille (fig. 34 B) ; pour ces luxations traitées par
seule voie postérieure, une IRM préopératoire et un contrôle TDM postopératoire s'imposent pour
apprécier l'état du disque, toute complication neurologique postopératoire indiquant une exérèse
discale immédiate. Il ne nous paraît pas prudent d'aborder par voie antérieure une LUA non réduite
au préalable car les manoeuvres de distraction intercorporéale que nécessitera l'obtention de cette
réduction par le seul abord antérieur, même sous contrôle radiologique, ne sont pas certaines d'être
efficaces et peuvent même être neuroagressives.
Fractures uni-articulaires
Ces deux particularités des FUA justifient pour de nombreux auteurs l'abord postérieur qui permet la
réduction ou l'ablation de la facette fracturée sous contrôle de la vue (fig. 35 B), son éventuel
remplacement par une plaque en tuile [20] (fig. 36 A, B), et la stabilisation par deux plaques vissées.
Pour notre part, la réduction en hyperlordose et la contention par arthrodèse antérieure se sont
révélées aussi efficaces (fig. 16), sauf en cas d'utilisation d'un greffon de hauteur insuffisante ou en
cas de réduction incomplète, comme cela se voit dans les cas opérés après le premier mois ; une
décompression radiculaire secondaire selon les techniques décrites plus haut, et une fixation
complémentaire par plaques ont été nécessaires dans ces derniers cas. Les FUA ne sont souvent
que l'un des éléments d'une lésion « étagée » et toutes les lésions doivent obligatoirement être mises
en évidence avant d'entreprendre l'acte chirurgical, sous peine de voir apparaître un déplacement
secondaire au-dessus ou au-dessous d'une arthrodèse antérieure effectuée pour une « lésion
dominante ». Nous avons en effet constaté, dans notre expérience, un certain nombre de
déplacements secondaires de ces FUA dont le diagnostic initial n'avait pas été porté en l'absence de
bilans soigneux comportant une TDM. A l'opposé, certaines rares FUA sans déplacement, donc sans
lésion probable de la colonne moyenne, peuvent consolider avec un risque minime de déplacement
secondaire grâce à une immobilisation orthopédique, mais ce traitement ne peut être conseillé que si
une exploration complète par l'IRM confirme l'absence de toute lésion discale.
Elles résultent d'un mouvement forcé en rotation-extension ; complètement libéré par la fracture
pédiculaire en avant et la fracture lamaire en arrière, le massif articulaire s'horizontalise, et cette perte
de connexion avec le reste du rachis rend sa réduction difficile. La réduction et la fixation par voie
postérieure, selon les techniques décrites plus haut (fig. 37), sont donc préconisées par certains,
avec prise de deux étages .
Pour notre part, la réduction « orthopédique » en hyperlordose, suivie d'une arthrodèse antérieure
monosegmentaire, a toujours été suffisante pour faire disparaître les signes radiculaires et assurer la
stabilisation, bien que dans certains cas, la reposition du massif n'ait pas été parfaitement obtenue.
On peut essayer de parfaire cette réduction, lors de l'abord antérieur, par une manoeuvre de levier
effectuée à l'aide d'une spatule prenant appui après le premier temps de discectomie sur le corps
vertébral inférieur, le « soulèvement » du corps vertébral supérieur devant se faire asymétriquement.
Il faut insister à nouveau, à propos de ce type de lésion, sur la nécessité d'un bilan radiologique et
tomodensitométrique complet, devant un traumatisme du RCI, car notre série comporte plusieurs
FSMA dont le diagnostic initial a été méconnu, et qui se sont révélées secondairement sous la forme
d'un déplacement rotatoire caractéristique.
Lésions en extension
Entorses en hyperextension
Ce diagnostic est retenu en l'absence de toute lésion osseuse ou discale récente, quelle que soit la
gravité du tableau clinique. Les troubles neurologiques sont dus à une « sidération médullaire »
transitoire lors de l'hyperextension, véritable « neuropraxie » [3] ; on retrouve fréquemment un canal
constitutionnellement étroit [23] (indice de Torg < 0,8) chez le sujet jeune où la récupération rapide
est de règle, ou un canal étroit arthrosique chez le sujet âgé, où la récupération sera beaucoup plus
lente et incomplète.
Le traitement médical par corticothérapie à fortes doses doit être institué au plus tôt, l'immobilisation
par collier préférée à l'extension, les seules indications chirurgicales de large décompression
antérieure n'étant portées que secondairement devant une stagnation de la récupération
neurologique.
Il s'agit d'une lésion rare encore mal connue, mais pour laquelle l'étude scanographique et par IRM
est essentielle. La lésion est évidente, lorsque la luxation postérieure des articulaires est complète,
laissant le rachis en hyperextension, avec blocage des articulaires incarcérées entre le corps
vertébral et l'articulaire sous-jacente, cette éventualité rare se voit en cas d'arthrose importante ; elle
est plus difficile à diagnostiquer lorsque la lésion anatomique est une fracture-séparation du massif
articulaire bilatérale, éventualité plus fréquente dont le déplacement a été rendu possible par la
présence d'une importante lésion des colonnes antérieure et moyenne ; en effet, dans ce cas à un
premier mouvement forcé d'hyperextension brutale succède une flexion antérieure spontanée sous
l'influence du poids de la tête, le rachis étant complètement déstabilisé par l'importance des lésions
tant postérieures qu'antérieures, ce qui donne un aspect radiologique voisin de celui d'une luxation-
fracture biarticulaire en flexion. A ces atteintes articulaires postérieures par un mécanisme
d'extension, sont associées des lésions étagées caractéristiques des épineuses et des arcs
postérieurs qui expliquent en partie l'échec de la réduction par traction progressive, manoeuvre
d'ailleurs illogique dans ce type de traumatisme. Cette absence de réduction doit faire envisager ce
diagnostic de luxation-fracture biarticulaire en extension qui indique pour nous un abord postérieur
premier de réduction à ciel ouvert des dégâts articulaires et de stabilisation par plaques vissées dans
les articulaires saines sus- et sous-jacentes. Dans certains cas, la réduction n'a pu être obtenue
qu'au prix de l'ablation d'une facette incarcérée et le maintien de cette réduction à l'aide d'une plaque
« en tuile » de Roy-Camille (fig. 38).
Haut de page
Conclusion
Les lésions traumatiques du RCI rendues instables par la présence d'une atteinte de la « colonne
moyenne » discoligamentaire doivent être stabilisées chirurgicalement. Cette stabilité peut être
obtenue dans plus de trois quarts des cas par une seule voie d'abord antérieure, à condition qu'une
réduction des déplacements articulaires ait été obtenue préalablement par traction continue à l'aide
d'un étrier de Gardner ou par « manipulations » sous anesthésie générale contrôlée en permanence
à l'amplificateur de brillance. En revanche, la voie postérieure devient une nécessité en cas de lésion
articulaire postérieure uni- ou bilatérale non réductible « à ciel fermé » ; elle garde la préférence d'un
grand nombre dès qu'une atteinte radiculaire complique une lésion fracturaire uni-articulaire
postérieure. L'indication d'un abord combiné est réservée aux lésions biarticulaires postérieures en
raison de leur association quasi constante à une importante atteinte discoligamentaire antérieure :
pour les lésions en flexion nous préférons l'abord antérieur premier, pour les lésions complexes en
extension, la voie postérieure première peut seule permettre une réduction anatomique des
déplacements. Une meilleure analyse des lésions osseuses est due à la généralisation des examens
en TDM, alors que dans le même temps, l'IRM est devenue indispensable pour préciser les atteintes
discoligamentaires ou médullaires. Associées à la radiographie, ces deux techniques ont permis
d'établir le diagnostic de « lésions associées » dans 20 % des cas. Tout ceci doit concorder à
améliorer le résultat fonctionnel de ces blessés du rachis cervical.
Références Bibliographiques
[1] AEBI M, ZUBER K, MARCHESI D Treatment of cervical spine injuries with anterior
plating. Spine 1991 ; 16 (suppl 3) : S38-S45
[2] ALLEN BL, FERGUSON RL, LEHMANN RT, O'BRIEN RP A mechanistic classification of closed,
indirect fractures and dislocations of the lower cervical spine. Spine 1982 ; 7 : 1-27 [crossref]
[4] ARGENSON C, LOVET J, SANOUILLER JL, de PERETTI F Traumatic rotatory displacement of the
lower cervical spine. Spine 1988 ; 13 : 767-773
[5] BÖHLER J Anterior stabilization for acute fractures and non-unions of the dens. J Bone Joint
Surg 1982 ; 64A : 18-27
[6] DAVIS SJ, TERESI LM, BRADLEY WG, ZIEMBA MA, BLOZE AE Cervical spine hyperextension
injuries : MR findings. Radiology 1991 ; 180 : 245-251
[7] DOSCH JC. Trauma conventional radiologic study in spine injury. Springer Verlag. Berlin. 1985
[8] EISMONT FJ, ARENA MJ, GREEN BA Extrusion of an intervertebral disc associated with traumatic
subluxation or dislocation of cervical facets. Case report. J Bone Joint Surg 1991 ; 73A : 1555-
1560
[9] ETTER C, COSCIA N, JABERG H, AEBI N Direct anterior fixation of dens fractures with a
cannulated screw system. Spine 1991 ; 16 (suppl 3) : S25-S32
[11] HARRIS JH, EIDEKEN-MONROE B, KOPANIKY DR A practical classification of acute cervical spine
injuries. Orthop Clin North Am 1986 ; 17 : 15-30
[12] JEANNERET B, MAGERL F, WARD H, WARD JC Posterior stabilization of the cervical spine by
Hook plates. Spine 1991 ; 16 (suppl 3) : S56-S63
[13] LOUIS R. Chirurgie du rachis, anatomie chirurgicale et voies d'abord. Springer Verlag. Berlin.
1982
[16] MAGERL F, SEEMAN PS. Stable posterior fusion of the atlas and axis by transpedicular screw
fixation, cervical spine I. In : Kehr P, Weidne A eds. Springer Verlag. Vienne. 1987 ; pp 322-327
[17] NAZARIAN SM, LOUIS RP Posterior internal fixation with screw plates in traumatic lesions of the
cervical spine. Spine 1991 ; 16 (suppl 3) : S64-S71
[18] RIZZOLO SJ, PIAZZA MR, COTLER JM, BALDERSTON RA, SCHAEFER D,
FLANDERS A Intervertebral disc injury complicating cervical spine
trauma. Spine 1991 ; 16 (suppl 6) : S 187-S 189 [crossref]
[19] ROY-CAMILLE R. Rachis cervical supérieur : cinquième journée d'Orthopédie de la Pitié. Masson.
Paris. 1986
[20] ROY-CAMILLE R, LAURIN CA, RILEY LH. Atlas de chirurgie orthopédique. Tome premier :
généralités rachis. Masson. Paris. 1992
[21] SENEGAS J, GAUZERE JM. Plaidoyer pour la chirurgie antérieure dans le traitement des
traumatismes graves des cinq dernières vertèbres cervicales. SOFCOT. Réunion annuelle nov
1976 (suppl II, Rev Chir Orthop, 1976, 62)
[22] SENEGAS J, VITAL JM, BARAT M, CAILLE JM, DABADIE Ph Traumatismes du rachis
cervical. In: Encycl Med Chir (Ed.) Appareil locomoteur, 15-825-
A10 Paris Elsevier: 1987; 9 [interref]
[23] TORG JS, PAVLOV H, GENUARIO SE , et al. Neurapraxia of the cervical spinal cord with transient
quadriplegia. J Bone Joint Surg 1988 ; 68A : 1354-1370
Figures
Fig. 1
Installation pour la voie postérieure : noter les bandes d'Elastoplaste® qui abaissent les épaules et l'utilisation de la têtière qui facilite le contrôle à l'amplificateur de brillance.
Fig. 2
A. Arthrodèse C1-C2 : avivement à la fraise du bord inférieur de C1, sous lequel va s'appliquer le greffon iliaque. B. Arthrodèse postérieure C1-C2 : type Gallie. Technique de Dubousset :
le greffon iliaque est appliqué contre C1 et C2 par un fil métallique qui le transfixie.
Fig. 3
Le clamp Apofix® en titane pour l'arthrodèse postérieure C1-C2 : le crochet supérieur, solidaire de la tige, est placé au-dessus de l'arc postérieur de C1 ; l'inférieur, libre, sous C2, va
coulisser sur la tige lors de la mise en compression par une pince spéciale. La fixation est assurée par « sertissage » du crochet inférieur sur la tige à l'aide de la pince à sertir ; un fil
souple en titane peut solidariser les deux clamps droit et gauche.
Fig. 4
A. Arthrodèse postérieure C1-C2 selon Magerl [16] : le point d'introduction de la vis se situe à la partie postéro-inférieure de la lame de C2 ; son trajet peut être suivi grâce à l'ouverture de
la capsule articulaire et au contrôle sous amplificateur. B. Noter l'obliquité vers le haut (45°) et le trajet sagittal qui laisse l'artère vertébrale en dehors ; la pénétration de la masse latérale
de C1 se poursuit jusqu'à son bord antérieur. L'association à une arthrodèse type Gallie réalise un montage triangulaire très stable.
Fig. 5
Vissage « pédiculaire » de C2 selon Roy-Camille : noter la spatule indiquant le bord interne du pédicule qui a été repéré par l'intérieur du canal rachidien, et la direction de la vis = 20° en
haut et en dedans. Les quatre quadrants du massif articulaire de C2 vus par en arrière : en projection, l'artère vertébrale.
Fig. 6
Fig. 7
Ostéosynthèse-arthrodèse postérieure occipitocervicale : on peut utiliser soit un greffon iliaque échancré en bas et fixé à la plaque par des fils métalliques, soit des fragments
corticospongieux tassés sous la plaque.
Fig. 8
A. Plaque cervico-occipitale de Fuentes. B. Noter la longueur des vis occipitales, dont la prise est plus profonde sur la ligne médiane que celle des vis placées plus latéralement.
Fig. 9
Plaques de Roy-Camille et leur fixation latérale : au niveau C1 des fils métalliques unissent arc postérieur et plaques.
Fig. 10
Vissage transarticulaire des plaques postérieures. A. Technique de Roy-Camille [19, 20] : point d'introduction au milieu du massif articulaire, à mi-distance (5 mm) de ses bords
supérieurs et inférieurs et de ses bords latéraux. Forage droit devant ou 10° en dehors. B. Variante : Louis et Nazarian [17] , Fuentes [10] : point d'introduction plus haut (3 mm sous
l'interligne articulaire). Forage sagittal, perpendiculaire à la courbure cervicale. C. Variante : Magerl et Grob [16] : point d'introduction légèrement plus interne, direction plus oblique en
dehors et en haut (cf. fig. 11).
Fig. 11
Plaque de Mager [12] : la prise inférieure, sous-lamaire, est effectuée par un crochet (cf. fig. 10C).
Fig. 12
Installation pour la chirurgie cervicale antérieure : noter la surélévation de l'extrémité céphalique, fixée en rectitude ou en légère rotation droite dans la têtière, l'abaissement des épaules
par les bandes d'Elastoplaste® et la présence indispensable de l'amplificateur de brillance.
Fig. 13
Les incisions cutanées : - horizontales, se projetant un espace au-dessus de celui à fixer ; - verticales, sur le bord antérieur du relief du sterno-cléidomastoïdien.
Fig. 14
Voie d'abord antérieure entre l'axe aérodigestif et les gros vaisseaux repérés et protégés par l'index gauche de l'opérateur : le tampon monté refoule transversalement tous les éléments
prévertébraux. A noter l'importance des muscles postérieurs par rapport aux éléments antérieurs.
Fig. 15
Ostéosynthèse-arthrodèse monosegmentaire. A. Désinsertion au bistouri du disque des plateaux sus- et sous-jacents. B. Résection la plus complète possible du disque à la pince-gouge
fine ou à la pince à disque. C. Curetage soigneux des plateaux vertébraux enlevant le cartilage, mais ne pénétrant pas dans le spongieux corporéal.
Fig. 16
Arthrodèse monosegmentaire pour une fracture uni-articulaire : noter la plaque cintrée et la restauration de l'espace intercorporéal antérieur.
Fig. 17
Drainage de la voie antérieure. Un seul drain (3 mm) pour l'arthrodèse monosegmentaire (A), deux pour deux étages ou plus (B). Bien s'assurer de leur fixation et de leur efficacité en fin
d'intervention.
Fig. 18
Immobilisation postopératoire par collier mousse pour une arthrodèse monosegmentaire bien fixée.
Fig. 19
Fig. 20
En cas de lésions corporéales étendues latéralement, les fragments doivent être réséqués avec prudence à la pince fine, certains d'entre eux ayant pu assurer une hémostase temporaire
des veines ou même de l'artère vertébrale.
Fig. 21
A. Les assises supérieures et inférieures du futur greffon tricortical doivent être « saines », exemptes de toute atteinte traumatique ; un discret avivement à la fraise ou mieux quelques
perforations à la pointe carrée facilitent la fusion osseuse. B. Le greffon iliaque tricortical est encastré verticalement entre les deux plateaux vertébraux « sains », sus- et sous-jacents,
par de petits coups de marteau, la traction sur la tête facilitant son introduction.
Fig. 22
A. Les dangers de la résection du tissu osseux sous-chondral qui fait perdre toute solidité aux assises du greffon. B. L'impaction mal contrôlée d'un greffon, souvent trop petit, peut
avoir des conséquences graves et doit être reconnue avant la mise en place de la plaque qui masque les dégâts.
Fig. 23
A, B. Mise en place de la plaque préalablement courbée et correctement « ajustée » dans le sens vertical grâce à l'amplificateur de brillance, dont l'utilisation fréquente et même
permanente pour certains, permet de choisir la longueur de la vis qui doit « prendre » le mur postérieur cortical.
Fig. 24
Minerve en plastique bivalve utilisée dans sa version « à l'indienne » pour l'immobilisation des lésions du rachis cervical supérieur ; sans bandeau frontal pour les traitements «
orthopédiques », ou en période postopératoire pour les arthrodèses bi- ou plurisegmentaires du rachis cervical inférieur.
Fig. 25
Installation pour le vissage antérieur de l'odontoïde. Les deux amplificateurs sont disposés perpendiculairement, la traction constitue un apport essentiel. Le réglage de la têtière permet
la réduction du déplacement, sans l'obtention de laquelle la fixation interne est déconseillée.
Fig. 26
Après repérage préopératoire par une broche appliquée contre la face latérale du cou et dont le contrôle de la direction sous amplificateur renseignera sur la probabilité d'effectuer le
vissage, l'abord est réalisé. Une mèche souple dirigée par un mandrin rigide peut aider au forage.
Fig. 27
A. L'introduction de la broche-guide de réduction et de forage doit se faire à partir du bord inférieur (et non antérieur) du corps de C2 : une résection partielle du disque et du bord
antérieur de C3 permet de mieux choisir le point d'entrée idéal. B. La présence d'un pas de vis distal permet la mise en compression du trait de fracture.
Fig. 28
Arthrodèse antérieure C2-C3 pour fracture pédiculaire de C2 avec lésion discale majeure : le « bec » antéro-inférieur de C2 a été réséqué ; noter l'obliquité de la vis dans C2.
Fig. 29
Technique du service pour l'arthrodèse C2-C3 fixée par une seule vis transcorporéale introduite à partir du bord inférieur de C3.
Fig. 30
Ostéosynthèse-arthrodèse antérieure C2-C3 pour lésion complexe ou fracture de l'odontoïde à déplacement antérieur : la plaque « en trèfle » (Vichard) comporte un canon central qui
dirige la vis vers le sommet de l'odontoïde et une lame antérieure qui s'oppose au glissement vers l'avant de l'extrémité supérieure lors de la mise en compression du trait de fracture ;
deux vis antéropostérieures dans le corps de C3 assurent la stabilité de l'ensemble en participant à l'arthrodèse intersomatique.
Fig. 31
A, B. Ostéosynthèse antérieure C2-C1 pour lésions associées des deux vertèbres (technique du service) : les deux vis sont dirigées obliquement de façon divergente à partir du bord
inférieur de C2, vers les masses latérales de C1, sous contrôle télévisé.
Fig. 32
Les « trois colonnes » au niveau cervical : la colonne « moyenne » n'est ici constituée que par le ligament longitudinal postérieur et ses attaches discales (Argenson). Est ici représenté
le vecteur « flexion » avec le déplacement progressif de l'axe instantané du mouvement vers l'avant. (CA : colonne antérieure ; CM : colonne moyenne ; CP : colonne postérieure.)
Fig. 33
Fixation de lésions complexes étagées par voie postérieure selon la technique de Simons. Des broches sont fixées horizontalement dans la base des épineuses à partir d'un point
d'entrée latéral percutané ; elles sont reliées entre elles par des fils métalliques passés entre les lames en avant et les broches en arrière. Une greffe postérolatérale ou même du ciment
peuvent être disposés dans les gouttières paravertébrales.
Fig. 34
A. Luxation uni-articulaire réduite à l'aide d'une spatule glissée entre les deux facettes et manipulées selon la technique du « démonte pneu ». B. Fixation de la luxation réduite par deux
plaques vissées de Roy-Camille dans les deux massifs articulaires.
Fig. 35
A, B. Fracture uni-articulaire : ablation par voie postérieure d'un fragment articulaire neuroagressif.
Fig. 36
Fig. 37
Réduction et fixation par plaque postérieure d'une fracture-séparation du massif articulaire (FSMA) (à noter l'effet de rappel sur la plaque de la vis située dans le massif articulaire).
Fig. 38
Luxation-fracture biarticulaire en extension : il s'agit d'une fracture-séparation du massif articulaire bilatérale, irréductible par traction progressive (A, B) ; seul l'abord postérieur a permis
la réduction par ablation du massif articulaire fracturé et incarcéré, et la stabilisation grâce au remplacement du massif par une plaque en tuile de Roy-Camille (C). Deuxième temps
antérieur d'arthrodèse intercorporéale. Résultat à un an (D).
Résumé
En dehors de quelques cas très légers traités fonctionnellement, 60 % de ces lésions peuvent être
traitées de façon conservatrice orthopédiquement et seulement 30 % nécessitent une thérapeutique
chirurgicale, selon notre expérience.
Plan
Indications thérapeutiques
Réduction orthopédique
Chirurgie postérieure
Chirurgie antérieure
Double abord
Conclusion
Haut de page
Indications thérapeutiques
Il faut savoir si la lésion traumatique n'a pas déstabilisé le rachis au point que celui-ci ne puisse
maintenir dans les limites de la normale les déplacements intervertébraux. Pour ce faire, nous
raisonnons à partir de notre théorie des trois colonnes [13]. Pour assurer la fonction de stabilité, le
traumatisme doit avoir respecté les trois colonnes, c'est-à-dire la grande colonne antérieure
discocorporéale et les deux colonnes postérieures isthmo-articulaires solidarisées entre elles par les
ponts pédiculaires et lamaires. Chaque colonne est faite d'une alternance de parties osseuses et de
parties fibreuses discoligamentaires. Le rachis sera d'autant plus instable qu'il y aura de colonnes
altérées. Chaque colonne peut être altérée par une solution de continuité osseuse ou fibreuse, ou par
une perte de substance. Une lésion traumatique stable est celle qui n'altérera qu'une colonne dans
sa partie osseuse ou un pont horizontal. Par contre, les lésions de deux et trois colonnes seront
instables. Si les deux colonnes sont altérées dans leur partie osseuse, on pourra considérer qu'une
réduction avec contention sera suffisante pour obtenir une stabilisation rapide par consolidation. En
revanche, des lésions de colonne dans leur partie articulaire, donc discoligamentaire, n'auront que
peu de chance d'obtenir une cicatrisation solide et stable par un traitement conservateur. Ces lésions
seront donc franchement chirurgicales. De même, une perte de substance au niveau d'une ou
plusieurs colonnes, après réduction orthopédique, relèvera de la chirurgie. Ces pertes de substance
peuvent être soit une fracture cunéiforme sévère qui laisse apparaître des lacunes dans le corps
vertébral après réduction, soit une fracture frontale d'un corps vertébral laissant un vide sous le corps
vertébral sus-jacent, et enfin une perte iatrogène au niveau d'une colonne par une exérèse
excessive. Une perte de substance nécessite une réparation chirurgicale.
Statique, déformation
La fonction statique dépend de l'harmonie des courbures vertébrales. Toute déformation sérieuse
menacera donc cette statique, faisant courir au malade des risques de déséquilibre douloureux au
niveau du foyer et des courbures de compensation. Il peut s'agir d'une cyphose ou d'une scoliose
pouvant devenir pathogène entre 5° et 10° dans le foyer, selon la morphologie initiale du sujet. Toute
déformation vertébrale mérite donc une réduction orthopédique ou chirurgicale si la réduction
orthopédique n'est pas efficace (plus de 15° résiduels) (fig. 2).
La morphologie du canal vertébral et des foramens doit être respectée pour protéger la moelle
épinière et ses racines. En cas de déformation sévère aboutissant à une sténose canalaire plus ou
moins compressive, il sera donc nécessaire de rétablir au mieux les parois de ces canaux pour
supprimer la compression ou le potentiel ultérieur de compression (fig. 2). La réduction orthopédique
sera très souvent efficace mais en cas d'échec et de compression résiduelle, l'intervention
chirurgicale de libération canalaire devient indispensable. Il faut toutefois savoir que les structures
nerveuses n'occupent que 50 % du volume de ces canaux. Une sténose canalaire ne devra donc être
opérée qu'au-delà de 30 % de réduction du calibre des canaux.
Lésions nerveuses
Il existe des lésions neurologiques franchement irréversibles lorsque les structures nerveuses ont été
trop élonguées ou écrasées, voire coupées. En revanche, beaucoup d'autres lésions dues à une
compression partielle peuvent être récupérées lorsque la compression est ôtée, ce qui est donc le but
essentiel du chirurgien du rachis. Le délai pour libérer une structure nerveuse comprimée doit être
bref, si possible inférieur à 8 heures, soit par l'orthopédie ou par la chirurgie, mais au-delà de ce délai
la chirurgie reste indiquée car notre expérience nous a montré beaucoup de récupérations après des
décompressions tardives. Pour les lésions neurologiques essentiellement médullaires, on peut être
amené à pratiquer dans les premières 24 heures un traitement chimique visant à diminuer les
phénomènes de cytolyse et d'oedème au niveau du foyer. Selon l'atteinte des quatre fonctions,
l'indication finale pourra être strictement orthopédique ou chirurgicale pour une ou plusieurs raisons.
Lorsque l'atteinte des fonctions indiquera la chirurgie, il faudra choisir l'abord qui permettra de
récupérer le plus efficacement et le plus facilement possible chacune des fonctions.
Haut de page
Réduction orthopédique
Généralités
Dérivée de la technique de Böhler, notre technique de réduction orthopédique contrôlée des fractures
du rachis thoracolombaire nous permet depuis une trentaine d'années de réduire toutes les
déformations vertébrales récentes sans grand problème ni complication. Elle repose sur des
manoeuvres bien précises contrôlées sous amplificateur de brillance dans un cadre de réduction des
scolioses de Cotrel .
Indications
Toutes les déformations vertébrales supérieures à 5° méritent une réduction orthopédique avec
contention. Cette méthode peut être également le premier geste d'urgence pour des lésions
neurologiques avec sténose canalaire .
Technique
Alors que Böhler pratiquait une réduction avec traction cervicale et hyperlordose lombaire, nous
préférons une réduction en trois temps dans le cadre de Cotrel. Aucune anesthésie, locale ou
générale, n'est nécessaire. Le premier temps de la réduction va consister à installer une traction
axiale avec un casque de cuir céphalique et deux lacs pelviens (fig. 3). Un dynamomètre permet de
vérifier la mise en tension qui est de l'ordre de 10 à 15 kilogrammes. Le foyer traumatique est donc
tracté dans sa position de déformation, c'est-à-dire en cyphose du foyer. Cette traction, contrôlée
sous amplificateur de brillance, permet de vérifier que le volume corporéal est rétabli par
l'appréciation de la distance entre les disques sus- et sous-jacents. En cas de luxation, ce temps
permet de rétablir la hauteur du disque lésé et d'amener la pointe inférieure de l'articulaire luxée au
sommet de la facette sous-jacente. Le deuxième temps va consister à rétablir une lordose modérée
en passant un lacs sous le foyer traumatique pour tracter le rachis verticalement vers le haut (fig. 4).
On arrête la tension de ce lacs lorsqu'il existe une lordose physiologique. Cette façon de procéder
permet, lorsqu'il existe un fragment de mur postérieur déplacé dans le canal vertébral, d'ouvrir son
logement corporéal et de permettre sa réintégration vers l'avant par la tension du ligament
longitudinal postérieur. Une lordose qui serait provoquée avant la mise en tension axiale en cyphose
fermerait au contraire cette logette, rendant ainsi impossible la réduction du fragment postérieur. Le
troisième temps va consister à réaliser un corset plâtré classique de Böhler avec les trois appuis
sternal, dorsal et pubien, sans oublier la fenêtre épigastrique. Lorsque le malade ne présente aucune
paraplégie, il peut être levé le jour même avec sortie le deuxième ou troisième jour si aucun
phénomène de subocclusion réactionnelle au traumatisme n'apparaît. Lorsque le malade est atteint
d'une paraplégie, il faut indiquer dès la réalisation du plâtre un changement d'appui du type Guttmann
en inclinant alternativement le malade à droite et à gauche toutes les 3 heures, en coinçant le flanc
opposé par un traversin [8]. En général, ce malade sera opéré dans les heures qui suivent, si bien
que le plâtre sera fendu en bivalve, ce qui permettra une manipulation aisée pour l'installer sur la
table opératoire avec une nouvelle traction axiale qui permettra d'ôter les deux valves. Les malades
ambulatoires sont reconvoqués 3 semaines après le premier plâtre pour vérifier s'il n'existe pas déjà
une perte de réduction, ce qui indiquerait la réalisation dans le cadre d'un nouveau corset (fig. 5).
Incidents
Pour éviter une atrophie musculaire après 3 mois de corset plâtré, délai habituel, il faut prescrire au
malade dès le 45e jour des exercices proprioceptifs isométriques pour maintenir la musculature
abdominale et spinale.
Haut de page
Chirurgie postérieure
Généralités
Nous allons décrire notre technique que nous utilisons depuis plus de 20 ans, basée sur le principe
des plaques vissées dans les pédicules de Roy-Camille. Bien entendu, d'autres moyens
d'ostéosynthèse vertébrale peuvent être utilisés, comme le matériel de Cotrel-Dubousset, le fixateur
interne de Dick et les dérivés de ces trois matériels de base .
Indications
On utilisera de préférence la voie postérieure pour les traumatismes thoracolombaires avec lésions
neurologiques franchement irréversibles et pour les autres traumatismes, lorsqu'il n'existe pas une
nécessité impérative de réparer une perte de substance des corps vertébraux ou d'ôter une
volumineuse compression antérieure que la réduction orthopédique n'a pu effacer. De même, la voie
postérieure sera utilisée de préférence à la voie antérieure chez un sujet obèse ou à haut risque
opératoire.
Avantages, inconvénients
L'ostéosynthèse par plaques vissées est un montage semi-rigide qui nécessite le maintien d'un
corset en coutil baleiné pendant les 3 mois qui suivent l'intervention. Les avantages de notre méthode
sont : l'absence en général d'ablation de matériel étant donné que nos montages sont souvent courts
avec fusion associée des articulations postérieures ; l'abord ne nécessitant pas la découverte des
apophyses transverses, on respecte les pédicules vasculonerveux des muscles spinaux dont le
cheminement se fait juste en dehors des isthmes ; et enfin, la réalisation d'une arthrodèse intra-
articulaire avec des copeaux corticospongieux prélevés aux dépens des épineuses évite le plus
souvent le prélèvement associé d'une greffe iliaque. Notre méthode d'intervention sous traction
vertébrale lordosante permet une réduction peropératoire facile, ce qui évite en général des
manoeuvres peropératoires trop agressives.
L'abord postérieur nécessite de retourner le malade sur la table opératoire après le début de
l'anesthésie générale dans son corset bivalve. On installe alors une traction vertébrale lordosante
comportant à la partie céphalique un casque de cuir, un moufle et un dynamomètre fixé à un crochet
dépendant de la table opératoire, et deux chaussures orthopédiques fixées à la table opératoire.
L'angulation progressive de la table opératoire en lordose, tout en maintenant une traction vertébrale
de 10 à 15 kg, permet d'obtenir ou de maintenir la correction du foyer traumatique que l'on contrôle
sous amplificateur de brillance. Le malade sera ainsi opéré sur des lésions réduites. L'abord est donc
médian postérieur ; les aponévroses sont désinsérées des apophyses épineuses au bistouri
électrique et les muscles sont détachés des épineuses puis des lames avec une très large raspatoire
incapable de passer entre deux apophyses transverses. Il faudra détacher les muscles de préférence
aux deux extrémités de l'incision où il n'existe pas de fracture puis on se rapprochera du foyer en
manipulant la raspatoire ou les ciseaux très précautionneusement pour ne pas pénétrer, à travers le
foyer de fracture, dans le sac dural. L'exposition se limitera latéralement au bord externe des facettes
articulaires en respectant les pédicules vasculonerveux situés entre les apophyses transverses.
Après mise en place des écarteurs et hémostase à la pince à coaguler, on va pouvoir pratiquer
suivant les besoins une décompression du canal vertébral et une stabilisation avec fusion.
vers le canal vertébral. Une luxation des facettes non réduite orthopédiquement méritera donc d'être
réduite en réséquant d'un tiers l'extrémité de la facette supérieure. On pourra utiliser la manoeuvre du
démonte-pneu pour remettre en position postérieure la facette luxée. S'il existe un syndrome
neurologique avec image radiologique de sténose, il faut pratiquer une laminectomie respectant les
facettes articulaires et les isthmes. Les berges osseuses de la laminectomie pourront être passées à
la cire pour réaliser leur hémostase. Les récessus latéraux sont explorés avec un dissecteur à la
recherche d'un foyer compressif, de même que la face postérieure des corps vertébraux et des
disques. Tout foyer de compression sera ôté ou repoussé vers l'avant pour les corps vertébraux. Ce
temps est volontiers hémorragique, c'est pourquoi il ne faut pas hésiter à utiliser les petits cotons
neurochirurgicaux tassés dans les foyers hémorragiques au niveau de chacun des récessus, sans
toutefois comprimer le sac dural. Des fragments du Surgicel® pourront être également utilisés à la
place des cotons en fin d'intervention. Les fragments osseux prélevés aux dépens des épineuses et
des lames sont donnés à l'instrumentiste qui va les débarrasser de tout élément fibrocartilagineux
pour les transformer en allumettes corticospongieuses qui serviront ultérieurement de greffes
osseuses.
Réparation durale
Il faut dégager et réparer les brèches durales avec un fil vasculaire 5 × 0 non résorbable serti d'une
petite aiguille courbe. Un point en X sera suffisant pour une brèche punctiforme, mais pour les autres
brèches il faut réaliser un surjet. En cas de perte de substance importante, un substitut dural pourra
être « patché ». Pendant la réparation d'une brèche durale, il faut savoir aspirer sur un coton
neurochirurgical pour ne pas aspirer une racine. Il peut être nécessaire d'ouvrir la dure-mère, lorsque
la lésion neurologique est complète, pour faire une vérification des lésions dont on pourra faire le
compte rendu au patient et à sa famille car l'imagerie par résonance magnétique (IRM)
postopératoire peut être perturbée par le matériel métallique. L'ouverture sera conseillée en cas de
grosse moelle tuméfiée par un hématome central. L'hématome sera vidé par une ponction à l'aiguille
très fine de la commissure postérieure. Lorsque le syndrome neurologique est partiel et que toute
compression épidurale a été ôtée, il n'est pas souhaitable d'ouvrir la dure-mère et d'ajouter un
microtraumatisme iatrogène. Si la déperdition de liquide céphalorachidien (LCR) a été importante, on
pourra reconstituer le contenu dural en introduisant à l'aide d'une aiguille fine et d'une seringue du
sérum salé isotonique jusqu'à ce que le sac dural redevienne cylindrique, sans plicature. En fin de
réparation durale, il est recommandé de disposer soit une double couche de Surgicel®, soit une
couche de colle biologique (fig. 7).
Pour l'ostéosynthèse, nous utilisons nos plaques en acier inoxydable, paires et symétriques à vissage
pédiculaire et trous rapprochés. Toutes ces plaques sont susceptibles d'être modelées et sectionnées
à la demande. Pour les pédicules supérieurs thoraciques, nous utilisons le plus souvent des vis de
diamètre 4,5 mm (mèche 2,8) et pour les autres, des vis de 5,5 mm (mèche 3,2). L'insertion des vis
se fait dans le plan sagittal avec une direction perpendiculaire au plan lamaire voisin. Le repérage du
point de pénétration des vis dépend du secteur thoracique. De T1 à T3, le point de pénétration se
situe à 3 mm au-dessous de la facette articulaire et 3 mm en dedans de son bord externe. Pour ce
seul secteur, la pénétration sera légèrement oblique en dedans. De T4 à T10, le point de pénétration
se situe à 5 mm en dedans du bord latéral des facettes articulaires et à 3 mm de son bord inférieur
sur une crête qui prolonge le bord supérieur de l'apophyse transverse. De T11 à L5, le point de
pénétration se situe sur une ligne verticale passant par le fond de la concavité de l'isthme à 4 mm au-
dessus du bord supérieur de cette concavité. Quoi qu'il en soit, de petites broches de Kirschner
peuvent être introduites d'un côté à l'aplomb des repères prévus, avec vérification sur l'amplificateur
de brillance de face et de profil du bon positionnement au centre des pédicules. Enfin, la pénétration
des vis doit être calculée de façon à ce que leur pointe ne dépasse pas le milieu des corps
vertébraux. Pour un adulte moyen, la longueur des vis va de 30 mm à T1 à 45 mm à L5. Pour les
ostéosynthèses devant atteindre le sacrum, nous disposons d'une plaque en papillon pour
l'arthrodèse L5-S1 en trois tailles et deux plaques à vissage oblique vers les ailerons sacrés pour les
arthrodèses de L3 ou L4 au sacrum (fig. 10).
La pénétration des vis sacrées se fait vers une double obliquité en suivant l'axe des trous des
plaques. Avant de mettre en place les plaques, les articulations intermédiaires entre les vis extrêmes
sont avivées en raccourcissant d'un tiers les facettes inférieures au niveau thoracique avec excision
du cartilage visible, et en excisant la partie sagittale des articulations lombaires à l'aide d'une pince-
gouge étroite. De même, au niveau lombaire on avive la partie sous-jacente à l'interligne articulaire
entre la pointe de l'articulaire inférieure et la lame sous-jacente. La plaque est mise en place à partir
de la vis supérieure puis alignée sur les articulations postérieures avec vissage de la vis inférieure.
Les vis intermédiaires sont ensuite vissées par rapport aux repères controlatéraux. Les copeaux
corticospongieux sont mis en place de façon élective au niveau des articulations postérieures avivées
puis la plaque est serrée derrière elles. Le montage doit prévoir pour une luxation un pédicule au-
dessus et un pédicule au-dessous du segment mobile luxé, pour les fractures, un pédicule au-dessus
et un pédicule au-dessous de la vertèbre fracturée, et dans les cas de lésion neurologique complète,
on préférera un montage plus long de deux vertèbres au-dessus et deux vertèbres au-dessous du
niveau lésionnel. Nous réalisons la plupart du temps une fermeture par des points séparés
musculaires, aponévrotiques, sous-cutanés et cutanés sans aucun drainage. Toutefois, si le
saignement peropératoire est trop important, afin d'éviter une compression du sac dural à travers une
laminectomie, il faut mettre un drainage aspiratif.
Soins postopératoires
Pour éviter un collapsus cardiovasculaire, on transfusera au malade les hématies recueillies par un «
cell-saver ». Il faudra faire la prévention lors des premiers jours postopératoires d'une subocclusion
en mettant une sonde gastrique pour les premières 24 heures et en contrôlant l'émission des gaz.
Les anticoagulants sont à proscrire pendant les 12 premières heures pour éviter des hématomes
périduraux. Les malades sans paralysie pourront être levés dès le lendemain de l'opération sous la
protection d'un corset en coutil baleiné que le malade conservera pendant 3 à 4 mois. Les malades
avec paralysie importante seront maintenus au lit en alternant toutes les 3 heures leur position pour
éviter l'apparition d'escarre. A partir de 15 jours à 3 semaines, ils pourront être assis sous la
protection d'un corset en coutil baleiné.
Incidents
Le premier incident à redouter est une déperdition sanguine importante lors de l'acte opératoire du
fait du caractère très hémorragique des traumatismes récents du rachis. Il faut donc savoir utiliser les
compresses chaudes et humides pour recouvrir les parties du champ opératoire loin des gestes
immédiats. Il faut savoir utiliser également à l'ouverture du canal vertébral les cotons
neurochirurgicaux humides et chauds et le Surgicel®, tassés dans les récessus latéraux, sans
comprimer toutefois le sac dural. Les fuites irréparables de LCR pourront être traitées soit par
l'adjonction au niveau de la brèche d'un morceau de muscle prélevé extemporanément sur la paroi,
soit par l'utilisation de Surgicel® doublé de colle biologique. Signalons qu'il ne faut jamais laisser un
drainage aspiratif au contact d'une brèche durale sous peine d'un engagement cérébelleux.
L'infection postopératoire ne peut relever que d'une faute d'asepsie. Il faut savoir rincer fréquemment
le foyer opératoire avec un sérum additionné d'antibiotiques.
Haut de page
Chirurgie antérieure
Généralités
Le maximum des lésions vertébrales se trouvent généralement en avant et il est donc logique de
prévoir de les réparer directement par un abord antérieur. Mais le rachis traverse des régions
anatomiques relevant de spécialités diverses, si bien que le chirurgien rachidien doit être capable
d'accéder au rachis par voie thoracique, thoracolombaire, lombaire ou abdominale. Cette nécessité
Indications
Trois types de lésions justifient un abord antérieur : les pertes de substance de la colonne antérieure,
les sténoses canalaires d'origine corporéale et les instabilités discoligamentaires sans accrochage
articulaire. Les pertes de substance sont représentées par d'importantes lacunes visibles au scanner
dans le corps vertébral d'une fracture très cunéiforme réduite orthopédiquement. De même, la
fracture frontale corporéale créant un vide au-dessous du rebord antéro-inférieur du corps vertébral
sus-jacent réclame un étayage antérieur. Les sténoses canalaires d'origine corporéale et supérieures
à 30 % de réduction du calibre méritent d'être décomprimées par voie antérieure, surtout s'il existe en
outre un syndrome neurologique incomplet. Une forte obésité peut représenter un obstacle pour cette
chirurgie. Des pathologies associées, thoraciques ou lombaires, peuvent représenter une contre-
indication à l'abord antérieur.
Nous avons décrit des voies d'abord antérieures pour un positionnement du sujet en décubitus dorsal
de façon à pouvoir travailler très près du plan sagittal médian et accéder ainsi directement dans le
canal vertébral. De même, l'ostéosynthèse s'en trouvera facilitée d'autant plus que le rachis restera
rectiligne, ce qui n'est pas toujours le cas en décubitus latéral. Nous installons de façon systématique
à nos malades une traction vertébrale avec le même matériel et les mêmes forces utilisées pour la
voie postérieure. Le sommet de l'angulation de la table se situe au niveau du foyer traumatique pour
réaliser un effet lordosant. Nous contrôlons sous amplificateur de brillance la bonne réduction qui est
ainsi obtenue avant même l'incision. Nous prélevons toujours un fragment de diaphyse péronière
pour servir de greffe et d'étai antérieur. Pour ce faire, nous réalisons une incision au-dessous du
milieu de la jambe avec une extrémité inférieure à 10 cm au moins de la malléole externe. Il faut
prévoir un segment de péroné de 3 à 4 cm pour le rachis thoracique haut, deux segments de péroné
pour le rachis thoracolombaire, trois segments de péroné pour le rachis lombaire. Pour accéder au
rachis thoracique de T3 à T10, nous réalisons une thoracotomie antérolatérale droite sous-
mamelonnaire avec section de trois ou quatre cartilages costaux qui seront resuturés en fin
d'intervention. Pour aborder la charnière thoracolombaire de T10 à L2, nous recommandons la
thoracophrénolombotomie gauche avec ouverture de la cavité pleurale et sans ouverture de la cavité
péritonéale. Un double drainage thoracique est nécessaire pour toutes les voies transthoraciques.
Pour les vertèbres lombaires moyennes, de L2 à L4, il est préférable d'utiliser la lombotomie
rétropéritonéale gauche avec une incision oblique parallèle aux pédicules vasculonerveux de
l'abdomen. Pour réparer des lésions situées sur la région lombosacrée de L3 à S1, nous préférons la
voie médiane transpéritonéale. Pour de plus amples détails sur ces voies d'abord, il faut consulter le
chapitre des voies d'abord de cet ouvrage ou notre livre sur la chirurgie du rachis [12].
Si l'abord antérieur est prévu pour la réparation d'une perte de substance sans sténose, la résection
osseuse corporéale et discale pourra se limiter à la partie antérieure libre ou mobile des corps
vertébraux et du disque, le mur postérieur pouvant être respecté. En revanche, s'il existe une sténose
canalaire avec syndrome neurologique, il faut réaliser une véritable rachotomie avec découverte de la
face antérieure du sac dural sur la hauteur des lésions déterminées par les radiographies dont le
scanner. Chacun des pédicules vasculaires est chargé sur un passe-fil puis ligaturé ou clippé avant
d'être sectionné à égale distance de l'aorte et des foramens. Les faces des corps vertébraux sont
ensuite ruginées, avec une rugine courbe de largeur moyenne manipulée avec douceur, de la face
latérale d'accès vers la face antérieure des corps vertébraux, en cheminant au-devant du ligament
longitudinal antérieur vers le début de la face controlatérale. Après cette libération, on peut introduire
une valve malléable coudée en S pour se mouler d'une part sur la face controlatérale des corps
vertébraux et retenir dans la concavité supérieure les gros vaisseaux prévertébraux. On peut alors
pratiquer l'exérèse du foyer traumatique en partant de 1 cm au-devant des foramens jusqu'à la face
antérieure des corps vertébraux, laissant en place un petit mur controlatéral. On utilise des pinces-
gouges, des curettes droites et courbes pour réaliser l'exérèse progressive du corps vertébral et d'un
disque ou de deux disques avoisinants. L'exérèse est souvent hémorragique, c'est pourquoi il faut
régulièrement mettre de la cire sur l'os spongieux sectionné. On arrive ainsi de proche en proche vers
le mur postérieur du corps vertébral. Pour extraire un gros fragment enclavé dans le canal vertébral, il
faut éviter de faire des manoeuvres qui s'exercent d'avant en arrière, mais plutôt dégager le disque
sus-jacent au fragment déplacé de façon à voir la dure-mère à la hauteur de l'espace intervertébral.
Puis, avec une curette courbe, on peut s'engager au-dessous du fragment enclavé et le tirer vers soi.
Il faut disposer alors des lames de Surgicel® recouvertes de compresses humides tièdes que l'on
laisse quelques minutes pour achever l'hémostase. Ainsi, la face antérieure du sac dural se trouve
complètement libre, bordée seulement d'un mur osseux à l'aplomb des foramens (fig. 13).
Stabilisation, arthrodèse
Nous décrirons notre technique habituelle qui nous donne des résultats régulièrement excellents
depuis 20 ans. Nous craignons en effet d'utiliser des matériaux inertes de substitution ou des moyens
d'ostéosynthèse trop agressifs en cas de démontage. Il faut en effet toujours redouter une blessure
des gros vaisseaux par une instabilité du montage et une reprise trop difficile en cas de complication
ultérieure. Notre technique repose sur trois facteurs nécessaires et suffisants pour une réparation
excellente de la colonne antérieure. Le premier facteur est représenté par des greffes sagittales de
diaphyse péronière ; le deuxième facteur est représenté par des plateaux vertébraux sains et
respectés dans leur corticale pour servir d'appui aux extrémités aplaties des greffes péronières ; le
troisième facteur est représenté par une plaque vissée antérolatérale prenant appui sur les corps
vertébraux sains sus- et sous-jacents à la décompression (fig. 14). Malgré la mauvaise réputation
classique du péroné, nous pouvons affirmer qu'il n'y a jamais eu de pseudarthrose dans tous nos cas
lorsque le péroné est placé dans les conditions énoncées. Il ne faut pas chercher en effet à appuyer
le péroné dans un lit spongieux qui est trop fragile. La plaque antérolatérale présente une situation
non dangereuse pour les gros vaisseaux car les têtes de vis et la plaque se dirigent vers des zones
neutres des espaces thoraciques ou lombaires. Lorsque la ou les greffes de péroné ont été
sectionnées aux dimensions exactes de la perte de substance entre deux plateaux vertébraux sains,
elles sont introduites avec force, puis la traction vertébrale est relâchée, ce qui entraîne un
phénomène de compression des greffes. Nous utilisons comme plaques vissées les mêmes plaques
que celles de l'ostéosynthèse postérieure. La plaque est choisie en fonction de la longueur des corps
vertébraux à fixer en sectionnant les trous en excès. La plaque est positionnée en mettant une
broche provisoire à chacune de ses extrémités de façon à ce qu'elle s'applique sur l'angle
antérolatéral des corps vertébraux. Les vis sont également les mêmes que celles de la voie
postérieure, avec un diamètre de 5,5. On fait un avant-trou de 1 cm avec une mèche de 3,2 dans les
corps vertébraux. La direction du vissage se fait vers la face opposée des corps vertébraux avec une
légère obliquité vers l'arrière, comme pour se diriger vers le pédicule du côté opposé. Il n'est pas
obligatoire d'essayer d'atteindre la corticale postérieure car le montage est suffisamment solide de
cette façon. La longueur des vis est environ, chez l'adulte, de 25 mm pour les vertèbres thoraciques
et de 35 à 45 mm pour les vertèbres lombaires. Au niveau des vertèbres thoraciques, on peut mettre
deux vis par corps vertébral et trois au niveau des corps vertébraux lombaires. Si on le souhaite, une
ou deux vis peuvent être mises également à l'aplomb des greffes. Un drainage aspiratif, double pour
la région thoracique, simple pour la région lombaire, est inutile pour la voie transpéritonéale médiane.
Soins postopératoires
Pour les voies thoraciques, le malade est gardé en décubitus dorsal avec un double drainage aérien
et liquidien que l'on maintiendra en général 4 jours. Une valve antireflux en Y est installée à
l'extrémité des deux drainages. En cours de fermeture pariétale, le chirurgien et l'anesthésiste ont
pris soin d'exsuffler le poumon avec clampage du drain après chaque expiration, afin de ramener le
poumon à la paroi. Il faut vérifier quotidiennement par l'auscultation et une radio thoracique au lit la
bonne réexpansion pulmonaire. Au niveau de la région lombaire pure, un drainage aspiratif de Redon
sera maintenu pendant 48 heures. Pour la voie transpéritonéale et la thoracophrénolombotomie
gauche, il faut instituer jusqu'à la reprise nette des gaz une diète absolue avec alimentation
parentérale sous protection antibiotique. L'anticoagulation n'est pas obligatoire, mais en cas de
risques ou de décubitus prolongé, il vaut mieux l'appliquer dès la 12e heure. Une anticoagulation trop
précoce peut être responsable d'hématome compressif pour le sac dural. En général, il suffit de
prescrire au malade un corset en coutil baleiné dès l'ablation des drains. La contention sera relâchée
après les repas et la nuit et devra être maintenue 4 mois environ. Il n'y a pas de rééducation spéciale
à prescrire, si ce n'est beaucoup de marche et ce de façon rapide.
Incidents
Les incidents possibles sont nombreux. Ils peuvent être vasculaires, nerveux ou respiratoires. Des
hématomes postopératoires peuvent relever d'une insuffisance technique dans la réalisation des
hémostases. Les complications nerveuses peuvent être dues à des manipulations intempestives au
moment de la décompression parce que le saignement est trop important et que le chirurgien travaille
sans vision directe du danger. Il vaut mieux utiliser des curettes qui vont du danger, de la profondeur,
vers la surface en se protégeant des gros vaisseaux par des valves malléables. Les incidents
thoraciques peuvent être un pneumothorax, un hémothorax ou une atélectasie. Un hémothorax peut
être dû à un lâchage vasculaire nécessitant une reprise s'il est trop important. Quant au
pneumothorax, il peut être dû à une insuffisance de réexpansion du poumon en cours de fermeture
ou à une fuite aérienne en postopératoire. Il faut donc s'assurer de la perméabilité et de l'étanchéité
du drainage thoracique que l'on peut adapter à une aspiration continue de 50 cm d'eau. L'atélectasie
est due à une obstruction bronchique qui peut nécessiter une endoscopie de désobstruction. Au
niveau abdominal, un syndrome subocclusif prolongé peut atteindre 4 jours sans représenter une
complication.
Haut de page
Double abord
Indications
Lorsqu'un seul abord n'est pas suffisant pour réaliser tous les buts que se propose la thérapeutique
chirurgicale, il faut réaliser un abord combiné. Ce peut être le cas de fractures comminutives avec
lésion neurologique présentant en outre soit une perte de substance antérieure, soit une grosse
compression antérieure.
Logiquement, il faut commencer par le temps qui permet la plus rapide efficacité surtout pour la
décompression neurologique. Malgré tout, il faut savoir qu'en commençant par un temps postérieur
on se trouvera gêné pour réaliser le temps antérieur. En effet, l'angulation sous le foyer de la table
opératoire permet de pousser le rachis vers l'avant et de rendre ainsi l'abord moins profond. Le temps
antérieur devient ainsi le plus souvent le premier temps à réaliser.
Bien entendu, on peut réaliser successivement dans la même séance les deux temps antérieur et
postérieur, mais la longueur opératoire risque d'être excessive d'autant plus que l'hémorragie peut
être importante et mal compensée par le seul « cell-saver ». Il nous apparaît donc préférable, ainsi
que nous le faisons de façon presque systématique, de réaliser les deux temps à une semaine
d'intervalle.
Haut de page
Conclusion
Notre technique nous permet d'obtenir d'excellents résultats. Le traitement orthopédique pur permet
de corriger immédiatement toutes les déformations, mais avec une perte de réduction ultérieure qui,
en tout cas, ne dépasse jamais la déformation initiale et évite donc les évolutions cyphosantes des
fractures non réduites. En revanche, les malades opérés ne présentent plus aucune perte de
réduction, en particulier par la voie antérieure. Nous obtenons ainsi une consolidation de 97 % des
cas. L'efficacité de la décompression antérieure pour les lésions neurologiques est évidente puisque
87 % des patients présentant un déficit en préopératoire ont vu leur cas s'améliorer. Nous obtenons
ainsi un taux moyen de récupération neurologique de 68,6 % en comparant la cotation des lésions
neurologiques avant la thérapeutique et la cotation à 1 an postopératoire.
Références Bibliographiques
[1] ARGENSON C, DALZOTTO H, de PERETTI F, LOVET J Les fractures du rachis thoracique (T1-T10).
A propos de 105 cas. Rev Chir Orthop 1989 ; 75 : 370-386
[2] BENAZET JP, MELCHIOR B, ROY-CAMILLE R, SAILLANT G Les « montages courts » par plaques
de Roy-Camille dans les fractures lombaires. Rev Chir Orthop 1989 ; 75 (suppl I) : 118-119
[3] BREHIER P. Chirurgie antérieure des fractures du rachis dorso-lombaire [Thèse]. Marseille. 1992
[4] DEHOUX E, BARRE J, MIRANCOURT T Intérêt de l'abord antérieur dans le traitement des
fractures du rachis thoraco-lombaire. Rev Chir Orthop 1988 ; 74 (suppl II) : 296-298
[5] DICK W The « fixateur interne » as a versatile implant for spine injuries. Spine 1987 ; 12 : 817-
831
[6] FLOMAN Y, FARCY JP, ARGENSON C. Thoracolumbar spine fractures. Raven Press. New York.
1993
[8] GUTTMANN L Initial treatment of traumatic paraplegia. Proc R Soc Med 1954 ; 47 : 1103-1121
[9] KANEDA K, HASHIMOTO T, ALBUMI K Anterior decompression and reconstruction with anterior
instrumentation for thoracolumbar burst fractures with neurologic deficits. Orthop
Trans 1990 ; 14 : 777
[10] KOSTUIK JP Anterior fixation for burst fractures of the thoracic and lumbar spine with or without
neurological involvement. Spine 1988 ; 13 : 286-293
[11] LOUIS C. Le traitement orthopédique des fractures du rachis thoraco-lombaire : à propos de 120
observations [Thèse]. Marseille. 1994
[13] LOUIS R, BONSIGNOUR RP, OUIMINGA R Réduction orthopédique contrôlée des fractures du
rachis. Rev Chir Orthop 1975 ; 61 : 323-344
[16] ROY-CAMILLE R, MASSIN P Traitement des fractures du rachis dorso-lombaire par la méthode de
Böhler. Rev Chir Orthop 1989 ; 75 : 479-489
[17] SENEGAS J, BAULNY D, GRENIER F L'ostéosynthèse du rachis dorsolombaire par plaque vissée
antéro-latérale. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 (suppl II) : 157-160
[18] STEFFEE AD, BISCUP RS, SITKOWSKI DJ Segmental spine plates with pedicle screw fixation. A
new internal fixation device for disorders of the lumbar and thoracolumbar spine. Clin
Orthop 1986 ; 203 : 45-53
Figures
Fig. 1
A. Schéma de la théorie des trois colonnes de R. Louis. 1. grande colonne antérieure discocorporéale ; 2, 3. colonnes
postérieures isthmoarticulaires. B. Instabilité de type osseux. C. Instabilité de type ligamentaire. D. Perte de substance
d'une « wedge-fracture » réduite. E. Perte de substance par fracture frontale.
Fig. 2
A. Schéma des troubles statiques après cyphose traumatique et hyperlordose compensatrice. B. Sténose canalaire avec
et sans compression médullaire. C. Lésions neurologiques irréversibles. D. Compression avec lésions réversibles par
décompression.
Fig. 3
Premier temps de réduction d'une fracture du rachis thoracolombaire dans un cadre de scoliose.
Fig. 4
Fig. 5
Fig. 6
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
Abord antérieur par thoracophrénolombotomie gauche. Ligature et section des pédicules métamériques et exposition du
rachis.
Fig. 13
Décompression antérieure avec ouverture du canal vertébral et mise en place des greffes de péroné.
Fig. 14
Mise en place d'une plaque vissée antérolatérale par voie thoracique droite.
Chirurgie du spondylolisthésis
Recommander cet article
Plan
Généralités
Traitement orthopédique de Wiltse [23]
Résection prophylactique des pointes articulaires sus-isthmiques (R Louis)
Reconstitution isthmique des spondylolyses (R Louis) (fig 1 et 2) [14]
Arthrodèse postérieure sans libération (fig 3)
Libération-arthrodèse « in situ postérieure » (fig 4)
Techniques de réduction-stabilisation par voie postérieure (fig 5 et 6)
Réduction - stabilisation par double abord antérieur et postérieur (R Louis) [15]
Haut de page
Généralités
Nous parlerons du spondylolisthésis du rachis lombosacré défini comme étant le glissement en avant
du corps vertébral, le plus souvent de la cinquième vertèbre lombaire sur le plateau sacré, mais
quelquefois des vertèbres sus-jacentes par rapport aux suivantes. Malgré sa grande fréquence (3 à 5
% de la population mondiale), le spondylolisthésis est le plus souvent bien toléré, si bien que 10 %
seulement des spondylolisthésis diagnostiqués sont opérés. Seront orientés vers la chirurgie les
spondylolisthésis douloureux de façon régulière, surtout à l'occasion de n'importe quelle activité
physique. Les sujets de moins de 50 ans qui souhaitent retrouver leurs activités physiques
professionnelles ou de loisirs pourront bénéficier d'un acte chirurgical car sinon ils devront changer
complètement leur mode de vie. Quelquefois, l'indication opératoire est portée sur l'évidence d'une
aggravation progressive du glissement vertébral ou de l'apparition de signes objectifs de lésions
radiculaires. Le spondylolisthésis est dû à une faillite de l'arc postérieur devenu incapable de retenir
le corps vertébral au-dessus du sacrum ou de la vertèbre sous-jacente. Cette faillite est due, dans 75
% des cas, à une lyse bilatérale des isthmes par fracture de fatigue sous les microtraumatismes
répétés d'une articulaire inférieure sus-jacente excessivement longue . Quelquefois, la cause est
congénitale, le plus souvent localisée en L5-S1, du fait d'une dysplasie des facettes et de l'arc
postérieur devenu atrophique et mal orienté. Souvent après 50 ans le spondylolisthésis est
dégénératif, plus volontiers localisé en L4-L5 avec usure arthrosique des facettes postérieures qui ne
sont plus rétentives. Enfin, rarement le spondylolisthésis peut être traumatique par luxation bilatérale
des articulations L5-S1. Le spondylolisthésis peut être assimilé à une fracture instable ayant rompu
les trois piliers du rachis selon notre conception, pilier antérieur et deux piliers postérieurs, d'où la
nécessité de les réparer de préférence tous les trois par réduction-fusion intersomatique ou intra-
articulaire et ostéosynthèse interne de chacun des piliers. Pour beaucoup d'auteurs, les douleurs
radiculaires s'expliquent par l'existence d'un nodule fibrocartilagineux dans la région isthmique
suivant la conception de Gill ou par l'existence d'une hernie discale associée. Pour nous, ce
mécanisme ne correspond qu'à 5-10 % des cas, le plus souvent les douleurs lombaires sont dues à
un excès de mobilité du segment mobile atteint avec distension ligamentaire et les douleurs
radiculaires sont le plus souvent dues à un excès de tiraillement des racines L5 et S1 poussées en
sens inverse au cours des mouvements de flexion-extension avec un effet de sténose dynamique en
extension dans les foramens [11]. Le plus souvent, il suffira donc d'immobiliser le segment mobile
pour que les douleurs disparaissent et lorsqu'il existe véritablement un syndrome de compression
objective, une libération est alors tout à fait indiquée avec ouverture obligatoire du canal. Nous avons
montré également que le spondylolisthésis entraînait progressivement un allongement des structures
rétrosacrées, c'est-à-dire surtout les racines sacrées, et un raccourcissement des structures
présacrées, c'est-à-dire les racines L5, les psoas, les nerfs fémoraux et les artères iliaques. Toute
réduction du spondylolisthésis va aboutir au phénomène inverse avec étirement, en particulier des
structures présacrées [15].
Haut de page
Traitement orthopédique de Wiltse [23]
Lorsqu'une spondylolyse douloureuse chez l'enfant est découverte quelques semaines à peine après
la première crise, avec radiologiquement une image de defect très serré, on peut la traiter comme
une fracture récente et appliquer un corset hémiculotte pour une période de 4 mois. Cette méthode a
pu aboutir ainsi à des consolidations spontanées.
Haut de page
Résection prophylactique des pointes articulaires sus-isthmiques (R Louis)
La surveillance des enfants, dans une famille où l'on a déjà traité un spondylolisthésis, permet
quelquefois de découvrir des images de néocontacts serrés entre les pointes articulaires inférieures
de L4 et les isthmes de L5, hypercondensés radiologiquement. Une scintigraphie osseuse permet de
confirmer l'hyperfixation des isthmes et donc la menace d'une prochaine spondylolyse. En pareil cas,
on peut alors proposer à la famille une résection d'un tiers à un quart de la pointe inférieure des
facettes articulaires sus-jacentes de L4. Nous avons réalisé cette technique depuis quelques années
sur quelques cas seulement avec une excellente évolution. La date de l'intervention doit être
postérieure à 8-10 ans à notre avis.
Haut de page
Reconstitution isthmique des spondylolyses (R Louis) (fig 1 et 2) [14]
Imaginée par Kimura en 1968, la greffe des defects isthmiques pour spondylolyse douloureuse sans
glissement a été depuis perfectionnée par de nombreux auteurs. La plupart des auteurs ont ajouté à
la greffe de Kimura [9] une ostéosynthèse bloquant uniquement l'arc postérieur mobile. Il s'agit des
techniques de Buck [3] avec vissage des defects, Nicol et Scott [17] avec cerclages métalliques
transversoépineux, Morscher avec crochets-vis bilatéraux et enfin Cotrel-Dubousset et Gillet [7] avec
une anse métallique sous l'épineuse de L5 à partir de deux vis pédiculaires L5.
Notre technique, à la différence des autres, prévoit l'immobilisation temporaire mais complète de l'arc
postérieur mobile greffé en le pontant à partir d'une plaque monobloc vissée dans les pédicules de L5
et les ailerons sacrés. C'est notre technique de choix, c'est donc celle que nous décrirons.
Le malade est opéré en décubitus ventral, sans compression abdominale, les cuisses fléchies à 30°,
par une incision médiane postérieure de L4 à S1. Les arcs postérieurs de L4, L5 et S1 sont dégagés
jusqu'au bord latéral des articulations postérieures. L'arc postérieur mobile de L5 est repéré et les
apophyses épineuses de L5 et L4 sont réséquées en tranches horizontales, elles-mêmes dédoublées
et débarrassées de tout tissu fibreux et recoupées en petits fragments corticospongieux pour servir
de greffons. Le quart inférieur des articulations postérieures L4-L5 est réséqué au ciseau à frapper.
Les deux defects sont dépouillés de tout tissu graisseux et fibreux et décortiqués jusqu'à la base de
l'apophyse transverse de L5 et la lame de L5 pour élargir le foyer de greffes. Les trous pour les vis
pédiculaires L5 sont réalisés en utilisant deux repères, premièrement la ligne verticale tangente au
fond de l'encoche isthmique et d'autre part une ligne horizontale tracée 4 mm au-dessus du bord
supérieur de l'encoche correspondant à la région isthmique. On fait un avant-trou à la mèche de 1 cm
de profondeur et on y introduit provisoirement un mandrin en baïonnette. Les greffes
corticospongieuses d'origine épineuse sont mises en place entre les deux moignons isthmiques
avivés, de la base de l'apophyse transverse jusqu'à la lame de L5 en les pressant avec l'extrémité
d'un doigt. Une de nos trois plaques « papillon » est choisie en fonction de la distance interpédiculaire
L5 puis glissée le long des deux mandrins. Un mandrin après l'autre est ôté et remplacé par une vis
de 5,5 mm de diamètre et 45 mm de long pour un sujet de taille moyenne. La vis est introduite dans
le plan sagittal paramédian avec une très légère inclinaison caudale de 5 à 10°. Un contrôle
peropératoire sur l'amplificateur de brillance peut être réalisé à la pose du mandrin et après la pose
des vis. Les trous à la mèche sont directement réalisés à travers les trous inférieurs des plaques pour
aller, avec une direction de 30 à 45° vers l'extérieur et les pieds du malade, dans les ailerons sacrés.
Deux vis de 45 mm sont également utilisées pour ces vis sacrées. Les vis sont alternativement
serrées pour permettre un bon positionnement de la plaque. Très souvent, l'arc postérieur mobile de
L5 doit être taillé avec une échancrure de chaque côté de la base de l'épineuse ôtée pour s'adapter à
la crête antérieure de la plaque papillon. La fermeture se fait en plusieurs plans, musculaire,
aponévrotique, sous-cutané et cutané par des points séparés sans aucun drainage. Les soins
postopératoires prévoient le maintien d'un corset en coutil baleiné pour 4 mois avec lever dès le
lendemain de l'opération. Nous interdisons au malade de fléchir la région lombosacrée, il doit
atteindre le sol en fléchissant les genoux, et pendant les premières semaines douloureuses, il doit
s'asseoir en maintenant une cuisse dans le prolongement du buste, le genou fléchi à 90°. Il pourra
commencer à s'asseoir normalement dès qu'il n'existera plus aucune douleur. La technique prévoit
l'ablation du matériel à 4 mois pour les sujets en période de croissance, et à 6 mois pour les sujets
ayant fini leur croissance. Au cours de cette intervention d'ablation du matériel, on vérifie la bonne
prise des greffes isthmiques et la liberté des articulations sus- et sous-jacentes. En cas de doute pour
une zone isthmique, on peut rajouter des greffes sans maintenir le matériel. En cas de limitation des
mouvements des articulations, on pourra ôter la petite lamelle osseuse qui peut recouvrir leur
capsule. Après l'ablation de matériel, le malade ne porte plus aucun corset et peut recommencer des
mouvements naturels à partir de la troisième semaine postopératoire et des activités physiques plus
poussées à partir de la sixième semaine. Nous avons obtenu un taux de fusion de 93,5 % [13]. Au
point de vue clinique, nous avons obtenu 86 % de bons et excellents résultats. Les résultats moyens
et mauvais relèvent de malades dont le disque correspondant à la spondylolyse était altéré par une
dégénérescence avec une perte de plus de un tiers de la hauteur et un glissement supérieur à 5 mm.
Il faut par conséquent récuser ce type de malade.
Haut de page
Arthrodèse postérieure sans libération (fig 3)
Haut de page
Libération-arthrodèse « in situ postérieure » (fig 4)
Pour un spondylolisthésis supérieur à 1 cm, lorsqu'on ne souhaite pas réaliser une réduction, surtout
si le foyer apparaît rigide du fait d'ostéophytes associés, on doit pratiquer une exérèse de l'arc
postérieur, avec libération du canal et des foramens et une fusion avec stabilisation par
ostéosynthèse. Le malade est opéré en décubitus ventral avec une flexion des cuisses à 30°. Par
une incision médiane postérieure, on expose les arcs postérieurs L3-S2. On repère l'arc postérieur
mobile que l'on va réséquer en le coupant d'abord au milieu à l'aide d'une pince-gouge puis en
détachant sur chaque moitié les ligaments jaunes sus- et sous-jacents. Il suffit alors, en la tenant
avec une pince forte, de tourner chaque moitié sur son axe pour finir de la désinsérer sans toucher
une racine ni faire saigner. On se porte alors sur chacun des foramens pour vérifier qu'il n'existe pas
un osselet surnuméraire qu'il faut ôter. La décompression va s'effectuer dans le canal vertébral et au
niveau de chacun des foramens L5-S1. Pour le canal vertébral, il faut exposer complètement la dure-
mère en réséquant les ligaments jaunes sus- et sous-jacents. On récline aussi la dure-mère sur
chacun de ses bords latéraux pour visualiser l'origine des racines L5 et S1. Les racines L5 sont
suivies vers les foramens, ce qui nécessite, pour les décomprimer, de réséquer une partie du
moignon isthmique supérieur qui effectue un crochet autour de la racine. Ce crochet peut être
réséqué soit avec des rongeurs soit en le fissurant avec un tout petit ostéotome. Très souvent, les
facettes sacrées doivent être également réséquées pour visualiser complètement chacune des
racines L5. De petites hémostases veineuses par électrocoagulation sont nécessaires, et en fin de
libération une petite épaisseur de Surgicel® est disposée dans le foramen derrière la racine pour
éviter le contact des greffes. Il est exceptionnel que l'on soit obligé de réséquer le bord postérieur du
plateau sacré recouvert d'une partie du disque L5-S1. On ne fera cette résection sous la racine S1
qu'en cas de racine vraiment tendue sur un relief très saillant. Cela pourra être réalise en réclinant la
racine et en utilisant un ostéotome incliné à 45° du sacrum vers le corps de L5. Une fine couche de
cire est nécessaire sur la tranche de section osseuse pour éviter son saignement. Il est rarement
utile, de même, de réséquer complètement ce bord postérieur du plateau sacré vers la ligne médiane
où il n'y a plus de compression.
Il faut réaliser ensuite la fusion avec stabilisation. L'instrumentiste, auquel on a donné tous les
fragments osseux de l'arc postérieur mobile, a débité cet os en microfragments corticospongieux de
10 à 12 mm de long sur 3 à 4 mm de large. L'arthrodèse doit être réalisée de préférence de L5 à S1,
mais si le spondylolisthésis dépasse 30 %, la marche d'escalier est tellement importante sans
réduction qu'il est préférable de visser les pédicules de L4 au sacrum sans visser les pédicules de L5,
trop difficiles à atteindre. Pour ce faire, nous utilisons nos plaques lombosacrées bilatérales prévues
pour L4 à S1 en les modelant avec une presse et des pinces fortes de façon à leur donner une forme
de baïonnette. Le trou supérieur de la plaque permet de visser dans les pédicules de L4 et les deux
trous sacrés obliques permettent le vissage dans les ailerons sacrés. Pour le vissage pédiculaire
lombaire, nous utilisons pour repère le croisement de deux lignes, une ligne sagittale tracée à partir
du fond de la région isthmique de L4 et une ligne horizontale tracée à 4 mm au-dessus du bord
supérieur de l'encoche isthmique. Le vissage sacré se fait directement dans les trous sacrés après
avoir vissé les pédicules lombaires en orientant de façon légèrement divergente vers le sacrum les
deux plaques. Pour un adulte moyen, les vis pédiculaires sont de 45 mm de long et de diamètre 5,5
mm, les deux vis sacrées ont également le même diamètre, la longueur de la vis sacrée supérieure
est de 45 mm et l'inférieure de 35 mm. L'orientation des vis sacrées se fait avec une inclinaison de 40
à 45° latéralement et caudalement. On ne cherche pas, dans notre technique, à atteindre la corticale
antérieure. Les greffes sont disposées sous les plaques à partir des articulations L4-L5 avivées par
excision des capsules et de la partie accessible des cartilages vers les facettes avivées du sacrum et
la région lamaire sacrée avoisinante. On termine par la pose d'une double couche de Surgicel® sur la
partie visible de la dure-mère. La fermeture se fait par des points séparés en plusieurs plans,
musculaire, aponévrotique, sous-cutané et cutané et ceci en général sans drainage. Comme les
opérations précédentes, les soins postopératoires prévoient un lever dès le lendemain de l'opération,
le port d'un corset en coutil baleiné pour 4 mois, l'interdiction de s'asseoir normalement tant qu'il
existe des douleurs, mais la position assise avec une cuisse dans le prolongement du buste, le
genou à 90°, est permise. Pour atteindre le sol, le malade doit éviter de fléchir la région lombaire
mais doit fléchir les genoux. On demande au malade de marcher souvent et un peu vite pour
maintenir sa musculature, sans faire une rééducation spéciale.
Variantes techniques
La plupart des auteurs anglo-saxons continuent à faire des greffes postérolatérales, c'est-à-dire de la
région externe des apophyses articulaires et des apophyses transverses vers les ailerons sacrés à
partir de greffons prélevés directement sur les crêtes iliaques. Le moyen d'ostéosynthèse peut être
complètement différent, soit des système à vis et tiges comme Cotrel-Dubousset [7] ou le système
modulaire d'Edwards [5] à tiges crantées sur lesquelles peuvent se déplacer des curseurs permettant
le passage de grosses vis pédiculaires. Pour ces techniques, le vissage pédiculaire est différent du
nôtre, les auteurs attaquent le milieu de la base des apophyses transverses avec une pointe carrée,
ils cathétérisent le cylindre pédiculaire et introduisent leurs vis avec une direction légèrement
convergente en avant. Pour ces matériels, les vis sacrées peuvent être placées dans deux directions
différentes, soit dirigées médialement à partir d'un trou pratiqué juste en dehors des articulations L5-
S1 avec une inclinaison médiale de 25° vers le cortex antérieur du sacrum, sous le plateau sacré, soit
les vis peuvent être dirigées latéralement avec une inclinaison latérale de 35° et une inclinaison
caudale de 25° pour rester parallèles au plateau sacré.
Haut de page
Techniques de réduction-stabilisation par voie postérieure (fig 5 et 6)
- Harrington [8] qui, par ses tiges prenant appui sur les ailerons sacrés et le bord inférieur des lames
de L1, a pu réaliser la réduction du spondylolisthésis ;
- Cloward [4] qui, par ses greffes intersomatiques introduites par voie postérieure (PLIF), permet
d'éviter un temps antérieur ;
- Roy-Camille [20] qui, par son système de plaques à vis pédiculaires, a permis de réaliser des
ostéosynthèses plus solides avec des montages courts et la possibilité d'ajouter une réduction par
effet de tire-fond sur la vertèbre olisthésique.
Nous décrirons la dernière amélioration de ces techniques, celle de Fabris, Constantini et Nena [6].
Les auteurs utilisent une incision médiane postérieure de L1 à S2. Ils réalisent l'ablation de l'arc
postérieur mobile et pratiquent la discotomie du disque olisthésique pour y introduire un levier qui
permet de distracter l'espace L5-S1. La réduction est complétée en utilisant le matériel de Harrington
modifié par Scaglietti comportant des béquilles inversées appuyées sur les ailerons sacrés et des
crochets supérieurs appuyés sur le bord inférieur des lames de L1. La distraction progressive et
douce le long des tiges crantées permet d'achever la réduction. L'excision du disque L5-S1 est
poursuivie avec résection, grâce à un ostéotome, du dôme saillant du plateau sacré quand il existe.
Le plateau inférieur de L5 est également avivé grâce à des ostéotomes spéciaux. La réduction est
pratiquement obtenue en 15 minutes. La tension des racines L5 et S1 est contrôlée visuellement et
par palpation avec un dissecteur. Des blocs de greffe iliaque prélevés directement par l'incision
médiane sous les muscles spinaux sont insérés dans l'espace intervertébral. Il s'agit de deux greffes
de 3 cm de long sur 1 cm de large et 1 cm de hauteur. Leur introduction à droite et à gauche exige de
récliner fortement le sac dural sur la ligne médiane. Les greffes sont introduites en force avec un
marteau, ce qui bloque la réduction. L'ostéosynthèse définitive est réalisée avec le matériel de Cotrel-
Dubousset avec vissage dans les pédicules de L5 et les pédicules de S1. Les tiges de Harrington-
Scaglietti sont alors ôtées. Les tiges de Cotrel sont mises en place en compression pour éviter le
déplacement des greffes. Le malade est maintenu au lit pendant 15 jours puis autorisé à se lever
sous la protection d'un corset pendant 3 mois. Les auteurs, sur 12 cas de spondylolisthésis sévères
traités, ont obtenu des réductions de 80 % de la déformation initiale avec bonne fusion de tous les
cas. Pas de complication neurologique à l'exception d'une parésie de L5 transitoire chez un malade.
Aucun déplacement secondaire. Bien entendu, la technique ne peut s'appliquer qu'à des
spondylolisthésis chez l'adolescent ou l'adulte jeune sans rigidité arthrosique du spondylolisthésis.
Variantes techniques
Certains auteurs, Scaglietti [20] et Bradford ont pratiqué des réductions préopératoires par mise en
traction des sujets avec hyperlordose pendant plusieurs semaines avant l'opération. Dès que la
réduction était satisfaisante, le malade était opéré pour être stabilisé, soit par voie postérieure, soit
par voie antérieure, soit les deux.
Schollner [21] a pu utiliser comme procédé de réduction deux plaques dont l'extrémité sacrée en
pointe était introduite dans les trous sacrés et les trous de l'extrémité supérieure utilisés pour le
vissage des pédicules de L5.
Haut de page
Réduction - stabilisation par double abord antérieur et postérieur (R Louis)
[15]
Nous allons décrire la technique que nous pratiquons depuis plus de 25 ans dans notre service. La
technique comporte un premier temps antérieur suivi 8 jours plus tard d'un temps postérieur. Bien
entendu, les deux temps pourraient être réalisés dans la même séance. La technique s'adresse aux
adolescents et aux adultes jeunes dont le disque olisthésique n'est pas rigide du fait de l'association
à une ostéophytose exubérante. Les sujets fortement obèses sont une contre-indication à l'abord
antérieur, trop difficile.
Sous anesthésie générale, le malade est positionné en décubitus dorsal avec une angulation de la
table sous le sacrum de façon à réaliser une angulation entre le tronc et les membres inférieurs de
30° environ. Une traction vertébrale bipolaire est installée à la tête par l'intermédiaire d'un casque de
cuir relié à un moufle et un dynamomètre. À l'autre extrémité, les pieds sont fixés à la table par des
chaussures orthopédiques avec surélévation de la jambe droite pour permettre le prélèvement d'une
greffe de péroné. Dès le début de l'anesthésie, avant même l'opération, la traction est montée
progressivement en quelques minutes à 15-20 kg en suivant sur l'amplificateur de brillance les
déplacements de la vertèbre olisthésique. La technique s'adresse à des spondylolisthésis supérieurs
à 30 % de glissement. La simple position opératoire peut suffire dans beaucoup de cas pour obtenir
une réduction satisfaisante à quelques millimètres près. Lorsque cette réduction est obtenue de cette
façon, on décide de réaliser seulement un enchevillement de péroné, et dans le cas contraire, on
envisage une réduction intraopératoire supplémentaire, instrumentale, avec vissage.
péroné dont l'extrémité inférieure est taillée en biseau, la section oblique postérieure, pour pénétrer
plus facilement. En fin de pénétration, le péroné ne doit pas émerger du plateau supérieur de L5. Le
péritoine pariétal postérieur est refermé par un surjet, les champs humides ôtés et la paroi
abdominale refermée par des points séparés, sans drainage.
Après le même abord transabdominal, le péritoine pariétal postérieur est ouvert sur la ligne médiane,
de la terminaison aortique jusqu'à 2 cm au-dessous du promontoire. Avec des tampons montés, on
expose les vaisseaux et le nerf présacré. Une fois reconnu, le plexus sacré doit être respecté et
déplacé, le plus souvent, vers la partie gauche de l'espace interiliaque. Les vaisseaux sacrés moyens
sont sectionnés entre deux clips. Les gros vaisseaux sont ensuite mobilisés, le plus souvent la
découverte des deux derniers disques lombaires se fait dans la bifurcation iliaque, quelquefois le
disque L4-L5 doit être exposé soit par clampage provisoire d'une grosse veine iliaque gauche, soit en
refoulant la terminaison aortique vers la droite. Lorsqu'il est nécessaire d'accéder au disque L3-L4, on
chemine entre la terminaison aortique et l'origine de la veine cave inférieure. On dégage le disque L5-
S1 de la ligne médiane jusqu'aux ailerons sacrés et on commence son excision. Dès que les deux
premiers centimètres du plateau sacré sont dégagés, nous utilisons nos élévateurs constitués de
pièces métalliques angulées de 90, 120, 150 et 180°. L'extrémité de l'élévateur est appuyée sur le
plateau sacré et sa face supérieure repousse vers le haut le plateau supérieur de L5. On obtient ainsi
progressivement l'élargissement de l'espace intervertébral L5-S1, ce qui permet d'exciser plus
profondément et d'atteindre le mur postérieur de l'anneau fibreux. On excise le tiers postérieur de
l'anneau fibreux de façon à voir la face antérieure de la dure-mère et on laisse en place une couche
fine d'anneau fibreux dans les angles postérolatéraux afin d'éviter la blessure des plexus veineux
intrarachidiens. La réduction verticale de la vertèbre L5 est interrompue lorsque l'on peut utiliser le
dernier élévateur plat de telle sorte que la hauteur de l'espace intervertébral dans sa partie antérieure
soit de 12 à 17 mm. Il reste alors à pousser le corps vertébral de L5 en utilisant notre deuxième
dispositif, le réducteur composé d'une partie axiale qui s'accroche sur le bord postérieur du plateau
sacré et d'une partie périphérique avec butée qui repousse la face antérieure du corps de L5, par un
mécanisme de vissage, tout en maintenant une élévation du corps de L5 par poussée verticale. Au
cours de la réduction, on doit vérifier régulièrement la tension des structures présacrées. En se
portant dans l'angle dièdre situé entre le promontoire et les ailerons sacrés, on peut sentir le relief
des racines L5. Si ces racines sont trop tendues, il faut arrêter la réduction ou la relâcher. On peut
également se servir, comme test de tension limite, de la tension des muscles psoas, la tension des
vaisseaux iliaques et la tension des nerfs fémoraux. Le contrôle de la réduction complète se fait à
l'aide de l'amplificateur de brillance et une contention provisoire est installée par l'intermédiaire de
deux broches de Steinmann passées au travers du rebord antérieur du plateau de L5 vers le plateau
du sacrum à droite et à gauche. La contention définitive est assurée par une grande vis métallique de
Judet de 7,5 mm de diamètre, en acier, dont le passage est préparé par une mèche de 4,5 mm de
diamètre introduite sagittalement à l'aplomb du plateau supérieur de L5 vers le milieu de l'espace
intervertébral et celui du corps du sacrum sur une longueur de 6 à 8 cm en moyenne dont 3 cm dans
le sacrum. Au cours de ces manoeuvres, des contrôles radioscopiques sont nécessaires. Le montage
est complété par l'introduction de quatre fragments verticaux de diaphyse péronière dont deux de 8 à
10 mm de haut placés derrière la vis et maintenus à elle par un cerclage de fil non résorbable passé
au travers de la lumière du péroné ; les deux autres fragments sont disposés au devant de la vis,
entre les plateaux vertébraux sur une hauteur de 12 à 17 mm. Le serrage définitif de la vis verrouille
les quatre fragments de péroné. Le péritoine pariétal postérieur est refermé de façon étanche, sans
drainage, ainsi que la paroi abdominale antérieure. Les soins postopératoires comportent une
alimentation parentérale, une antibiothérapie et une anticoagulation. L'alimentation orale est reprise
dès l'apparition certaine des gaz. Le malade est maintenu au lit jusqu'au deuxième temps réalisé 8
jours plus tard.
Le deuxième temps postérieur est absolument identique à l'arthrodèse postérieure sans libération (cf
supra). Nous imposons au malade, 1 jour après le deuxième temps, un corset plâtré simple sans
prendre une cuisse, pour une durée de 4 mois. Le malade peut se lever aussitôt le plâtre réalisé et il
peut retourner à des activités non physiques 2 à 3 semaines après l'opération. Pas de rééducation
spéciale, on recommande au malade de marcher beaucoup et vite. L'ablation du plâtre se fait après
contrôle radiographique à 4 mois. Les activités progressivement physiques peuvent reprendre 6 mois
après l'intervention.
Entre 1972 et 1994, nous avons opéré 85 malades de spondylolisthésis supérieur à 50 % avec la
technique du double abord et vissage antérieur. Nous avons obtenu une réduction du
spondylolisthésis initial de 74 % en moyenne . La cyphose lombosacrée a été réduite de 25° en
moyenne avec un maximum de 65°, ce qui a toujours permis de restituer une lordose physiologique
esthétique contrairement aux méthodes postérieures qui laissent très souvent un aspect de cyphose.
Nous n'avons eu à déplorer aucun décès, aucun trouble sexuel ni aucun sepsis dans cette série. Au
début de notre expérience, pour un enchevillement de péroné avec mauvaise orientation, nous avons
obtenu un syndrome de la queue de cheval qui a régressé immédiatement après la libération
postérieure.
De même, lors d'un vissage pour un spondylolisthésis de 40 %, nous avions aussi obtenu un
syndrome de la queue de cheval qui avait régressé par libération d'un excès de disque poussé dans
le canal. Depuis 15 ans, nous n'avons plus eu aucune de ces complications car nous savons éviter
l'excès de réduction par contrôle intra-abdominal de la tension des tissus présacrés. Nous avons
obtenu une fusion à 100 % et une disparition complète des douleurs lombaires ou radiculaires chez
83,3 % des malades ; les malades restants présentant quelquefois des lombalgies résiduelles. La
rétraction des muscles ischiojambiers a disparu chez tous les opérés. La reprise des activités
professionnelles ou de loisir s'est effectuée après un délai moyen de 10,4 mois.
Références Bibliographiques
[1] Bradford DS Repair of the defect in spondylolysis or minimal degrees of spondylolisthesis by
segmental wire fixation and bone grafting. Spine 1985 ; 10 : 673-679
[2] Bradford DS Management of severe spondylolisthesis. A combined approach for reduction and
stabilization. Spine 1979 ; 4 : 423-429
[3] Buck JE Direct repair of the defect in spondylolisthesis. Preliminary report. J Bone Joint
Surg 1970 ; 52B : 432-437
[5] Edwards CC. Instrumented Reduction of spondylolisthesis AAOS Course Indications for spinal
instrumentation, Portland, 1994
[6] Fabris DA, Costantini S, Nena U Surgical treatment of severe L5-S1 spondylolisthesis in children
and adolescents. Spine 1996 ; 21 : 728-733 [crossref]
[7] Gillet P. Preliminary results with the new CCD instrumentation for the lumbar and lumbosacral
spine. Proceeding of the 8th groupe International Cotrel Dubousset, Montpellier : Sauramps
Medical, 1992 : 161-166
[8] Harrington PR, Dickson J Spinal instrumentation in the treatment of severe progressive
spondylolisthesis. Clin Orthop 1975 ; 117 : 157-163
[9] Kimura M My method of filling the lesion with spongy bone in spondylolysis and
spondylolisthesis. Orthop Surg 1968 ; 19 : 285-295
[10] Louis R. Modifications évolutives de l'isthme vertébral lombosacré. Bull Assoc Anat 1964 ; 1135-
1152
[12] Louis R. Chirurgie du rachis (Anatomie chirurgicale et voies d'abord). Berlin : Springer Verlag,
1982 : 264-277
[13] Louis R Fusion of the lumbar and sacral spine by internal fixation with screw plates. Clin
Orthop 1986 ; 203 : 18-33
[14] Louis R Reconstitution isthmique des spondylolyses par plaque vissée et greffes sans
arthrodèse. Rev Chir Orthop 1988 ; 74 : 549-557
[15] Louis R Traitement chirurgical des spondylolisthésis à grand déplacement par la technique et la
réduction-fusion par double abord. Rachis 1990 ; 2 : 449-462
[16] Louis R, Maresca C Stabilisation chirurgicale avec réduction des spondylolyses et des
spondylolisthésis. Int Orthop 1977 ; 1 : 215
[17] Morscher E, Dick W. Internal fixation for spondylolisthesis. AO Spine Course Davos, Switzerland,
personal communication, 1986 : 14-19
[18] Nicol RO, Scott JHS Lytic spondylolysis - Repair by wiring. Spine 1986 ; 11 : 1027-1030
[19] Rigault P, Padovani JP Réduction des spondylolisthésis sévères. Int Orthop 1977 ; 1 : 215
[20] Roy-Camille R Quelques particularités techniques pour la réduction des spondyloptoses par le
matériel de Harrington. Nouv Presse Med 1973 ; 2 : 2621-2623
[22] Schollner D. Reduction of spondylolisthesis with Shollner plates (1974) Symposium Internat. Bad
wildungen. Communication personnelle. 1989
[24] Wiltse LL, Widel EH, Jackson DW Fatigue fracture : the basic lesion in isthmic spondylolisthesis. J
Bone Joint Surg 1975 ; 57A : 17-22
Figures
Fig. 2
Cliquez sur une image pour l'agrandir
A. Exposition des arcs post?rieurs L5-S1, r?section des ?pineuses et raccourcissement de l'articulaire inf?rieure de L4.
B. Les deux ?pineuses sont d?bit?es en greffons corticospongieux.
C. La zone du defect isthmique est d?barrass?e de tout tissu fibreux et les zones ? greffer sont d?cortiqu?es. Le trou p?diculaire L5 a ?t? pr?par?.
D. Mise en place des greffes corticospongieuses et rep?rage du trou p?diculaire L5 par un mandrin.
E. Installation de la plaque papillon, d'abord par les vis sup?rieures, puis vissage inf?rieur directement au travers des plaques.
F, G. H. Rep?rage et direction des vis p?diculaires et sacr?es.
Fig. 1
Les quatre techniques principales de reconstitution isthmique fixant seulement l'arc postérieur sans bloquer les
articulations L5-S1. Très souvent, ces méthodes créent une subluxation des facettes articulaires L5-S1. A. Buck. B.
Morscher. C. Nicol. D. Gillet.
Fig. 3
A. Décortication de la zone isthmique, décortication des facettes L5-S1, mise en place des greffes corticospongieuses
d'origine épineuse, préparation du trou pédiculaire L5. B. Mise en place de la plaque papillon.
Fig. 4
A. Section de la moitié de l'arc postérieur mobile, détachement des ligaments jaunes, ouverture de la capsule et exérèse
de chaque moitié de l'arc postérieur L5. B. Le sac dural est libéré, le foramen est encore comblé par le moignon supérieur
d'isthme et la facette sacrée. C. Après résection du crochet supérieur isthmique et d'une partie de la facette sacrée, la
racine L5 se trouve complètement libre. D. Mise en place d'une plaque papillon L5-S1. E. Lorsqu'il est impossible de
visser dans le pédicule de L5, on visse dans le pédicule de L4 avec deux plaques modelées en « baïonnette ».
Fig. 5
Cliquez sur une image pour l'agrandir
Fig. 6
Technique de la réduction-stabilisation par double abord antérieur et postérieur. A. Positionnement du malade avec
traction vertébrale lordosante et contrôle sous amplificateur de brillance de la réduction obtenue avant l'abord
transpéritonéal et le prélèvement de greffe péronière. B, C, D. Abord transpéritonéal, ouverture du péritoine pariétal
postérieur. Repérage du nerf présacré et de la disposition vasculaire. Lorsqu'il existe une grosse veine iliaque primitive
gauche, on est obligé de la clamper sinon l'exposition se fait dans la bifurcation iliaque.
Fig. 7
Cliquez sur une image pour l'agrandir
A. Technique de l'enchevillement de p?ron?. Apr?s r?duction par traction lordosante, on rep?re le plateau sup?rieur de L5 et sur la ligne m?diane on introduit
une broche de Kirschner dirig?e vers le centre du corps du sacrum. Un taraud de 8 mm de diam?tre creuse le long de la broche un tunnel qui descend
jusqu'? 3 cm au-dessous du plateau sacr?.
B. Introduction de 5 cm de diaphyse p?roni?re taill?e en biseau dans le tunnel pr?c?dent. Ult?rieurement, un temps post?rieur d'arthrod?se L5-S1 avec
Résumé
Le succès indiscutable du traitement chirurgical des sténoses du canal lombaire n'a été assis que
grâce à une sélection rigoureuse des patients, une analyse précise des sites de sténoses et une
technique opératoire adaptée à chaque processus compressif.
Plan
Indication opératoire
Technique de laminectomie pour cure de sténose globale étendue
Techniques particulières
Cas particuliers
Complications postopératoires précoces
Haut de page
Indication opératoire
Quand intervenir ?
L'indication opératoire ne doit être portée qu'après échec prolongé du traitement médical chez un
patient très invalidé par une symptomatologie plus ou moins caractéristique : lombora-diculalgie de
repos et claudication intermittente sévère ou sciatique atypique.
L'intervention ne peut être envisagée qu'après un bilan général anesthésique rigoureux. L'âge ne
sera pas une contre-indication à condition que l'état général soit bon. L'existence d'une myélopathie
cervicarthrosique devra faire discuter le niveau cervical ou lombaire de l'intervention ; une artérite des
membres inférieurs fera craindre des complications neurologiques dans les suites opératoires.
Où intervenir ?
Les éléments sténosants peuvent être osseux (ostéophytes profonds des articulaires le plus souvent)
ou mous (disque, capsule articulaire, ligament jaune).
La sténose peut être localisée à un étage ou pluriétagée. Elle peut être uni- ou bilatérale.
Elle peut être enfin permanente quelle que soit la position de la colonne lombosacrée, ou
intermittente ne survenant que dans certaines positions (lordose le plus souvent).
Il est important que l'étendue de la libération soit décidée en préopératoire sur le bilan clinique et
paraclinique, car les impressions opératoires sont trompeuses.
Pour les sténoses centrales, en ce qui concerne le diamètre sagittal médian, Verbiest [8] parle de
sténose absolue à 10 mm ou au-dessous et de sténose relative entre 10 et 12 mm. Ces chiffres n'ont
qu'une valeur indicative car ils ne tiennent compte ni du diamètre transversal interarticulaire ni surtout
du rapport contenant/contenu. En pratique ce qui importe, c'est le rapport entre la taille du canal
osseux et celle du fourreau dural, autrement dit de l'épaisseur de l'espace tampon.
Pour les sténoses latérales, on parle de sténose absolue du récessus latéral à 3 mm ou au-dessous,
et de sténose relative entre 3 et 5 mm [3].
Il arrive que l'imagerie révèle une compression radiculaire sévère asymptomatique : il est préférable
de la lever.
Le résultat de la chirurgie est ainsi étroitement lié à la parfaite connaissance préopératoire des
différents composants de la compression et à la libération effective de tous les niveaux et de tous les
sites sténosés.
Comment intervenir ?
Nous décrirons tout d'abord l'intervention habituelle sur sténose dégénérative globale, puis nous
envisagerons les techniques personnelles et les cas particuliers.
Haut de page
Technique de laminectomie pour cure de sténose globale étendue
Installation
Pour la plupart des opérateurs, le patient est installé dans une position dérivée de la position
génupectorale. Il repose sur le thorax et les genoux et/ou les épines iliaques antérieures avec
l'abdomen libre de toute compression. Cette position diminue la pression intra-abdominale, donc celle
des veines épidurales, et minimise le saignement opératoire. Une hypotension contrôlée, réalisée
chaque fois que l'état général du patient le permet, améliore le confort opératoire.
Hanches et genoux seront fléchis pour relâcher le sciatique en prenant soin d'éviter une flexion
exagérée, facteur de compression des axes vasculaires. Une contention élastique des membres
inférieurs est souhaitable. L'idéal est d'utiliser une table spéciale permettant de passer de la cyphose
à la lordose en toute sécurité durant l'intervention.
Après une incision médiane suivant la ligne des épineuses, les gouttières paravertébrales sont
dégagées au bistouri électrique jusqu'au bord externe des massifs articulaires en réalisant pas à pas
une hémostase soigneuse. Les écarteurs autostatiques sont mis en place.
Les articulaires souvent remaniées seront identifiées ainsi que les repères pédiculaires afin de bien
situer « mentalement » les trajets radiculaires. Cet abord est toujours laborieux du fait des
modifications anatomiques.
Les apophyses épineuses souvent néoarticulées entre elles sont sectionnées à leur base avec une
pince « tricoise » ou de Liston, et réséquées (fig. 5) ;
L'hypertrophie arthrosique des lames fait disparaître les espaces interlamaires et complique le temps
de laminectomie (fig. 5 B). Celle-ci commence sur la ligne médiane où il existe toujours une petite
zone de ligament jaune non recouvert d'os.
Le travail commence en règle au niveau de l'espace L5-S1. Le ligament jaune est désinséré au
bistouri de la lame sous-jacente, puis une spatule mousse ou un décolle - dure-mère libère les
adhérences entre la dure-mère et le ligament jaune. Ce dernier est partiellement réséqué au bistouri
ou à la pince de Kérisson. Les gestes devront être réalisés avec la plus grande prudence : la graisse
péridurale est absente et la dure-mère peut adhérer à la face antérieure des lames. C'est au niveau
du bord supérieur des lames que la sténose est la plus prononcée.
Les lames sont réséquées petit à petit à l'aide d'une pince de Kérisson ou d'une pinge-gouge (fig. 6
A) en prenant bien garde de ne pas traumatiser le fourreau dural vulnérable par l'absence de graisse
et qui ne contient que peu de liquide céphalorachidien (LCR) pour protéger les racines.
Au terme de ce temps de laminectomie, seule une étroite bande de fourreau dural est exposée, car
les apophyses articulaires souvent hypertrophiques sont proches de la ligne médiane. L'étendue en
hauteur de la résection dépend des données de l'imagerie préopératoire et des constatations in situ.
Ce temps fondamental permet de dégager les parties latérales du fourreau dural ainsi que les racines
(fig. 5 C). A ce stade les berges osseuses de la laminectomie sont constituées par la succession des
isthmes et des apophyses articulaires inférieures recouvrant les supérieures. A l'aide d'un petit ciseau
à frapper droit, il faut attaquer l'ostéophyte développé à la face antérieure et interne de l'apophyse
articulaire inférieure. La coupe oblique de dedans en dehors se fait aux dépens de la partie
antérieure de l'articulaire. Il faut prendre garde de ne pas fragiliser inutilement l'isthme pour ne pas
provoquer une séparation de l'articulaire inférieure.
Respecter 5 mm d'os à ce niveau est souhaitable. Le ciseau à frapper attaque ensuite la partie
interne de l'apophyse articulaire supérieure qui est le plus souvent responsable de la compression
radiculaire latérale. La frappe à ce moment doit être particulièrement maîtrisée car la racine est
coincée sous l'os attaqué. Les petits fragments osseux ainsi détachés sont retirés avec une pince à
disque (fig. 6 B). L'utilisation du ciseau à frapper est toujours préférable à celle de la pince de
Kérisson oblique qui comprime et menace la racine avec son talon. Ces manoeuvres permettant
d'exposer les racines sont réalisées de chaque côté et à tous les niveaux intéressés par la sténose.
Elles sont complétées par l'excision de la partie sagittale du ligament jaune responsable aussi de la
sténose latérale.
Dans la mesure du possible, il faut libérer bien latéralement les racines en respectant au maximum
les massifs articulaires. Une arthrectomie complète serait un facteur d'instabilité rachidienne.
Chacune des racines exposées doit être mobilisée prudemment et il faut s'assurer de l'absence de
tout élément compressif sur leur trajet.
- La racine peut être comprimée au niveau du récessus latéral et sera libérée lors de l'arthrectomie
partielle (fig. 5 D).
- la racine peut être étirée sous un pédicule et, pour qu'elle retrouve son aisance, une résection inféro-
interne du pédicule s'avérera, le cas échéant, nécessaire.
- La racine peut être comprimée dans le foramen entre le sommet de l'articulaire supérieure et le
pédicule et/ou le corps vertébral. La résection du pôle supérieur de l'articulaire peut s'imposer.
- Le disque peut être responsable de compression à deux niveaux :
En réalité, si les bombements discaux étagés sont fréquents, leur responsabilité dans la sténose est
discutée et l'excision discale est rarement indiquée. Par contre, les barres ostéophytiques de part et
d'autre du disque nécessitent fréquemment une résection.
Il importe donc de se souvenir que chaque racine, et plus particulièrement L5, peut être comprimée à
différents niveaux.
- barre transversale ;
- hernie banale extériorisée ;
- étoupe dans le récessus latéral autour de la racine.
Elle se fait après avoir vérifié la liberté de tous les éléments nerveux désignés par le bilan
radioclinique. Les compresses et les tampons hémostatiques seront méthodiquement retirés.
La dure-mère peut être recouverte de Spongel® ou de Pangen® mais le greffon graisseux est à
présent largement utilisé comme moyen de prévention de la fibrose postopératoire [1]. Il est prélevé
dans le tissu cellulaire sous-cutané et simplement posé sur le sac dural. Il doit être suffisamment
Un ou deux drains aspiratifs seront mis en place et la fermeture se fera plan par plan en veillant à ne
pas laisser de décollement.
Difficultés
Le déroulement programmé de l'intervention est bien souvent entravé par des « difficultés » :
Saignement
Malgré le soin porté à l'installation du patient, l'importance du saignement peut être problématique et
rendre périlleuse toute libération des éléments nerveux :
- l'hypotension contrôlée est un excellent moyen préventif, mais l'état des patients ne permet pas
toujours d'y recourir ;
- les tranches osseuses peuvent être enduites de cire, mais la tenue de celle-ci n'est pas toujours
satisfaisante ;
- l'électrocoagulation bipolaire permet de contrôler préventivement les veines péridurales mais est
peu efficace sur celles qui saignent.
On est ainsi le plus souvent ramené aux moyens habituels de clarification du champ opératoire :
coton, Surgicel® et aspiration. Cette dernière expose d'ailleurs à des pertes sanguines excessives et
les dispositifs de récupération-réinjection du sang trouvent ici une indication.
Brèches dure-mériennes
Malgré la minutie et la douceur des gestes de libération, ce sont des accidents fréquents qui
nécessitent d'exposer correctement la zone de déchirure et de la suturer en surjet avec un fil fin 5/0.
Lorsque la perte de LCR a été importante, il est souhaitable de réinjecter avec une aiguille très fine
une quantité équivalente de sérum salé isotonique dans le fourreau réparé.
Fractures articulaires
La libération radiculaire convenable implique une hémi-arthrectomie médiale qui est le plus souvent
bilatérale et ne menace pas la stabilité du niveau intéressé.
Par contre, l'arthrectomie totale, qu'elle soit de principe pour exposer une racine dans son foramen
ou accidentelle, va être responsable de contraintes excessives sur le massif opposé. En cas
d'arthrectomie bilatérale totale ou de rupture isthmique bilatérale, le risque d'instabilité est majeur et
l'arthrodèse du ou des étages impliqués doit se discuter.
Haut de page
Techniques particulières
Roy-Camille [5] effectue le temps de spinolaminectomie en monobloc dans les formes pluriétagées
afin de réaliser une approche plus rapide et moins traumatisante pour l'axe dure-mérien.
Avec une scie oscillante (lame de 25 mm) un trait sagittal bilatéral est réalisé à la jonction entre
massif articulaire et lame vertébrale (fig. 7 A). Ces deux coupes, droite et gauche, sont menées de
bas en haut.
La difficulté est de choisir le niveau d'attaque du trait de scie. Une section trop externe se ferait dans
l'épaisseur du massif articulaire, puis du pédicule. Le trait, compte tenu de l'étroitesse des lames, est
en règle générale à 5 mm en dedans du bord externe de l'isthme et à 8 mm en dedans de l'interligne
articulaire. La résection osseuse aura ainsi 15 à 18 mm de large. La limite en profondeur de la
section est marquée par la baisse de résistance de l'os à la scie et, de plus, le ligament jaune à la
face profonde de l'os arrête la scie (sauf au bord supérieur des lames où il faut être prudent).
Ce procédé permet d'éviter par ailleurs d'introduire des instruments entre lame et dure-mère.
Parfois le trait de scie est incomplet et la mobilisation des lames sera terminée par un petit ciseau à
frapper tout en tirant l'épineuse vers l'arrière et le côté opposé.
Le ligament jaune est coupé transversalement avec un bistouri à lame fine à la limite inférieure de la
laminectomie. L'épineuse inférieure est saisie dans un davier de Farabeuf pour être attirée vers le
haut, et les adhérences entre la face profonde de l'arc postérieur et la dure-mère sont décollées petit
à petit à l'aide d'une spatule. Puis le ligament jaune qui tapisse latéralement la face profonde des
articulaires sera sectionné (fig. 7 B). Les différents arcs postérieurs sont ainsi libérés jusqu'à la limite
supérieure de la laminectomie où le ligament jaune est comme en bas sectionné transversalement.
Au prix du respect scrupuleux des règles d'utilisation, ce procédé, qui peut paraître dangereux par
l'utilisation d'une scie motorisée, est en fait une façon élégante de ne pas comprimer le contenu dure-
mérien comme peuvent le faire les instruments classiques.
La décompression interne désigne le procédé qui traite la sténose en préservant la continuité des
arcs postérieurs.
Elle est encore appelée fenestration. Elle vise à prévenir l'instabilité postopératoire.
- Lin [2] propose de conserver le ligament surépineux et les épineuses et de décomprimer le sac
dural et les racines par une laminoarthrectomie partielle (fig. 8 A).
L'auteur précise que cette technique ne s'adresse pas aux sténoses avec hypertrophie de l'arc
postérieur. Mais il faut de plus souligner que, dans les sténoses centrales, c'est la partie supérieure
de la lame qui est la plus compressive. Cette modification de l'abord interlamaire, lorsqu'elle est
réalisable convient donc surtout aux sténoses latérales.
La fenestration nous paraît une excellente intervention que nous avons adoptée. En effet, elle est
moins agressive que la grande laminectomie, elle est moins hémorragique et elle déstabilise moins le
rachis, ce qui supprime un certain nombre d'indications d'arthrodèse.
La technique que nous utilisons est très proche de celle de Lin. Nous réalisons une laminectomie
partielle de la partie inférieure de la lame supérieure. Nous y associons, de façon quasi systématique,
la résection du bord supérieur de la lame sous-jacente car c'est ce bord supérieur qui est souvent
compressif et il est plus souvent indiqué de réséquer ce bord que de le désépaissir à la fraise. Nous
utilisons volontiers pour faire cette chirurgie une fraise rapide qui est plus précise que le ciseau
frappé mais qui ne soit jamais entrer en contact avec la dure-mère (risques d'enroulement).
Cependant, le ciseau frappé reste un instrument très utile pour la résection partielle des massifs
articulaires hypertrophiques. En effet, cette hypertrophie est essentiellement médiane et profonde.
On peut réséquer l'articulaire supérieure comme le fait Lin après avoir réséqué l'articulaire inférieure,
mais il est aussi très commode de procéder en se plaçant de la fenêtre du côté opposé. On voit ainsi
très bien la face profonde du massif articulaire controlatéral, et le ciseau frappé passant sous le
ligament interépineux (qui est respecté) va, en oblique, réséquer le massif hypertrophique avec
l'ostéophyte médian et profond (fig. 8 B, C).
En fin d'intervention, il faut bien entendu avoir réséqué tout le ligament jaune qui, lui aussi, est un
facteur de sténose.
- Sénégas [7] réalise une décompression interne originale qu'il qualifie de « recalibrage » du canal
lombaire (fig. 9) :
Haut de page
Cas particuliers
Sténose du récessus
Lorsque la clinique et l'imagerie concluent à une compression isolée d'une ou plusieurs racines dans
le récessus latéropédiculaire, un abord limité est à même de soulager le patient. Cet abord est uni-
ou bilatéral selon la nécessité.
L'approche est interlamaire en mordant plus ou moins sur la lame sus- et sous-jacente. Ensuite de
manière habituelle la partie médiale de l'articulaire inférieure est réséquée au ciseau, mais on peut
procéder comme dans la technique de fenestration décrite précédemment.
C'est sous la partie interne de la facette articulaire supérieure que se situe le conflit. La racine peut
être pincée par la portion latéropédiculaire de cette facette, mais aussi par une ostéophytose
paradiscale. Il faut également suivre la racine à la partie inférieure du récessus pour ne pas
méconnaître un conflit sous-isthmique.
Sténose foraminale
Elle est plus éloignée latéralement et la racine peut être coincée à ce niveau soit par un élément
discal, soit par la pointe de l'articulaire supérieure sous-jacente, voire les deux. La libération de la
racine à ce niveau peut conduire à une arthrectomie totale.
Instabilité
L'arthrodèse doit être réalisée chaque fois qu'il existe un risque d'instabilité postopératoire, c'est-à-
dire :
La greffe qui réalisera la fusion osseuse et la stabilisation à long terme est le plus souvent
transversosacrée et bilatérale.
Les gouttières paravertébrales sont dégagées au bistouri électrique jusqu'à la pointe des apophyses
transverses.
Ce temps un peu hémorragique impose une hémostase méticuleuse, et l'exposition se fait soit avec
des valves, soit avec des écarteurs de Hohman appuyés sur la pointe des transverses. L'avivement
des articulaires (facettes et face externe) et de l'aileron sacré se fait au ciseau à frapper. Pour éviter
toute fracture, l'avivement de la face postérieure des transverses se fait plus délicatement, soit à la
curette soit à la gouge.
Les greffons sont prélevés à la face externe d'une crête iliaque postérieure, soit par la même incision
à travers un décollement sous-cutané, soit par une contre-incision. L'idéal est d'obtenir de longs
copeaux spongieux pontant chaque étage, et cette greffe est augmentée de tous les fragments
conservés lors de la laminectomie.
Nous renforçons systématiquement nos arthrodèses par une ostéosynthèse de la région greffée [4].
L'arthrodèse avec plaques vissées que nous préconisons depuis 20 ans est devenue maintenant très
répandue car l'ostéosynthèse simplifie les suites immédiates et augmente le pourcentage de réussite
de la greffe. Cette ostéosynthèse se fait par deux plaques vissées dans les pédicules selon notre
technique routinière (fig. 10). Pour des raisons de confort opératoire le déroulement de l'arthrodèse
postérolatérale instrumentée doit se faire dans cet ordre : d'abord repérage pédiculaire, puis
avivement des gouttières, ensuite fixation des plaques et enfin mise en place des greffons osseux.
D'autres modalités d'arthrodèse existent. Grâce à une instrumentation spéciale, quelques séries
d'arthrodèses intersomatiques par voie postérieure ont été rapportées avec des résultats
satisfaisants.
Les suites de la greffe, en l'absence d'ostéosynthèse, imposent le port d'un lombostat rigide jusqu'à
la consolidation de la greffe, c'est-à-dire trois mois au moins. L'ostéosynthèse permet de n'utiliser
qu'une orthèse semi-rigide de jour.
Haut de page
Complications postopératoires précoces
Les deux complications principales sont les hématomes compressifs et les suppurations. Leur risque
de survenue est de l'ordre de 5 %.
Hématomes
Ils sont provoqués par les interventions hémorragiques et les drainages inefficaces. L'existence d'une
brèche dure-mérienne par le fait qu'elle s'oppose au drainage aspiratif est une cause fréquente
d'hématome.
L'hématome compressif peut se traduire par un tableau clinique aigu postopératoire fait de douleurs,
suivies d'un déficit moteur et sensitif uni- ou polyradiculaire pouvant aller jusqu'à la paraplégie.
Ailleurs, les signes sont plus frustes et il faut penser à palper la région opérée et rechercher le signe
de la sonnette : la pression de la zone opératoire déclenche des radiculalgies ou des douleurs
importantes.
L'existence d'un hématome compressif est une indication à la réintervention en urgence pour lever la
compression de la queue-de-cheval ; le meilleur examen complémentaire est l'imagerie par
résonance magnétique (IRM) qui permet de visualiser la présence et l'étendue de l'hématome.
Suppuration
Elle nécessite également une reprise chirurgicale. Elle justifie un bilan infectieux préopératoire
rigoureux et une antibioprophylaxie.
Références Bibliographiques
[1] DEBURGE A, BEX M, LASSALE B, BITAN F Technique chirurgicale dans le traitement des sténoses
du canal lombaire. Acta Orthop. Belg. 1987 ; 53 : 412-419
[2] LIN PM Internal decompression for multiple levels of lumbar spinal stenosis : a technical
note. Neurosurgery 1982 ; 11 : 546-549
[3] MIKHAEL MA, CIRIC I, TARKINGTON JA, VICK NA Neuroradiological evaluation of lateral recess
syndrome. Radiology 1981 ; 140 : 97-107
[5] ROY-CAMILLE R., BENAZET J.P. - Sténoses canalaires rachidiennes. Atlas de Chirurgie
orthopédique. - Masson, éd., Paris, 1989, tome 1, pp. 435-445.
[6] SAILLANT G coll. Canal lombaire étroit. Symposium SOFCOT, juillet 1989. Rev. Chir.
Orthop. 1990 ; 76 (Suppl. I) : 35-76
[7] SENEGAS J, ETCHEVERS JP, VITAL JM, BAULNY D, GRENIER F Le recalibrage du canal lombaire,
alternative à la laminectomie dans le traitement des sténoses du canal lombaire. Rev. Chir.
Orthop. 1988 ; 74 : 15-22
[8] VERBIEST H The significance and principles of computerized axial tomography in idiopathic
developmental stenosis of the bony lumbar vertebral canal. Spine 1979 ; 4 : 369-378
Figures
Fig. 1
La sténose peut être centrale (1) ou latérale (2,3). La sténose latérale peut siéger dans le récessus (2) ou dans le foramen
(3).
Fig. 2
Fig. 3
Sténose du récessus latéropédiculaire. A. Vue frontale. B. Vue sagittale. C. Vue axiale. La racine est comprimée entre le
mur vertébrodiscal et la partie interne de l'articulaire supérieure.
Fig. 4
Sténose foraminale. A. Vue frontale. B. Vue latérale. C. Vue axiale. Ici la racine L5 est comprimée par la pointe de
l'articulaire de S1.
Fig. 5
Laminectomie pour cure de sténose globale. Vue axiale. A. Section de l'épineuse (temps horizontal). B. Laminectomie
(temps vertical). C, D. Ouverture du récessus latéral (temps oblique).
Fig. 6
Laminectomie pour cure de sténose globale étendue. Vue opératoire. A. Après exposition des arcs postérieurs et section
des épineuses, laminectomie à la pince de Kérisson et à la gouge de Sicard. B. Ouverture du récessus latéral. Le ciseau à
frapper attaque l'articulaire inférieure (noter le biseau retourné). Les fragments osseux détachés sont retirés à la pince à
disque.
Fig. 7
Spinolaminectomie selon la technique de la « carapace de homard ». A. Section des arcs postérieurs à la scie oscillante.
B. Ablation monobloc des arcs postérieurs.
Fig. 8
« Fenestration ». A. Technique de Lin. B, C. Résection articulaire par approche controlatérale en respectant le ligament
sus-épineux.
Fig. 9
Recalibrage selon Sénégas. A, B. Vue postérieure avant et après. C, D. Vue sagittale avant et après.
Fig. 10
Arthrodèse par plaques vissées pédiculaires et greffe postérolatérale. A. Vue postérieure. B. Vue axiale (noter l'avivement
du dièdre inter-articulo-transversaire).
44-182
Introduction position assise et la position debout ; c’est donc la position de choix pour
réaliser une arthrodèse lombosacrée, surtout si elle est
L’arthrodèse lombaire peut être instrumentée ou non ; si elle n’est pas étendue.Néammoins, cette position sur quatre coussins n’assure pas
instrumentée elle sera le plus souvent postérolatérale, plus rarement toujours une parfaite liberté abdominale, notamment chez les sujets en
antérieure intersomatique. Si elle est instrumentée, on peut utiliser surcharge pondérale. Instrumenter jusqu’au sacrum une colonne
schématiquement des ostéosynthèses vissées dites rigides ou avec fils vertébrale en position genupectorale conduit automatiquement à fixer
sous-lamaires, plutôt semi-rigides. une importante cyphose lombosacrée.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Vital JM, Pointillart V et
Fermeture (fig 4)
Sénégas J. Stabilisation rachidienne chirurgicale dans la pathologie dégénérative En fin d’intervention, la fermeture se fait sur drainage aspiratif et est le
lombaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie-
Traumatologie, 44-182, 1998, 7 p.
plus anatomique possible avec, dans le cas de conservation des
épineuses, fixation transosseuse de l’aponévrose des masses
44-182 STABILISATION RACHIDIENNE CHIRURGICALE Techniques chirurgicales
DANS LA PATHOLOGIE DÉGÉNÉRATIVE LOMBAIRE
sacrolombaires. Un corset amovible en polyéthylène est mis en place même incision cutanée verticale et médiane et prolongée vers le bas. S’il
pour 3 mois en cas d’arthrodèse non instrumentée, 2 mois dans le cas faut beaucoup de greffons (arthrodèse de plus d’un niveau) il faut passer
d’arthrodèse instrumentée. en sous-cutané et atteindre le bord supérieur de la crête iliaque, pour
ensuite se porter sur sa face exopelvienne. Il faut éviter l’articulation
sacro-iliaque qui se situe à 4 cm de la crête; l’idéal est donc de prendre
des barrettes d’os corticospongieux sur la face exopelvienne de la crête
en s’arrêtant au spongieux qui peut être prélevé à la gouge de Stagnara ;
l’artère fessière apicale est dans l’échancrure sciatique ; enfin le nerf
clunéal supérieur accompagné d’une artère se situe à 8 cm de l’épine
iliaque postérosupérieure.
Il existe une autre façon élégante de prélever de l’os, sur la face
endopelvienne de la crête [16] : il faut passer entre l’aponévrose du grand
dorsal et celle de la masse sacrolombaire dans un plan beaucoup plus
anatomique que le plan sous-cutané créé artificiellement pour le
prélèvement précédemment décrit. On arrive aussi très facilement à la
face endopelvienne de la crête iliaque, le muscle iliaque se détache
moins facilement de l’os cortical que les fessiers, on peut néanmoins
prélever deux barrettes d’os corticospongieux et des copeaux d’os
spongieux. Dans cette voie, le nerf clunéal supérieur est protégé car il
passe au-dessus de l’aponévrose du grand dorsal ; par ailleurs, les
épanchements sérohématiques (de Morel-Lavallée) sont beaucoup
moins fréquents, puisque la dissection chirurgicale se fait dans un plan
de clivage naturel ; le seul inconvénient de cette voie est la faible
2 A. Voie d’abord médiane.
quantité d’os qui peut être recueillie.
B. Voie d’abord latérale.
Certains auteurs ont proposé, en remplacement de l’autogreffe,
l’allogreffe dont l’utilisation est freinée par le risque de transmission
Arthrodèse postérolatérale d’affection virale (virus de l’immunodéficience acquise, hépatite) même
Elle peut donc être réalisée par voie médiane ou latérale directe ; elle si ce risque est faible grâce aux préparations actuelles notamment par
nécessite une dissection soigneuse de l’arc postérieur jusqu’à la pointe irradiation. Les biomatériaux ont bien été étudiés, notamment par
des transverses. Au niveau du sacrum, il faut bien visualiser le dièdre à Passuti [31] ; il nous semble illicite de les utiliser seuls ; il faut au moins
la face externe de l’articulaire supérieure de S1 ; un écarteur de Taylor les mélanger à de l’autogreffe.
peut être fiché dans la partie la plus latérale de cet aileron ; on peut Nous rappelons encore une fois que, dans la chirurgie d’arthrodèse
soulever sur ce dernier au ciseau gouge un volet osseux qui sera retourné postérolatérale, l’autogreffe seule sera de préférence utilisée et sera
vers la transverse de L5. À tous les niveaux, il faut aviver au ciseau massive : les copeaux spongieux sont apposés sur les articulaires et entre
gouge les apophyses articulaires. La greffe est ainsi apposée sur les arcs les tranverses ; les barrettes corticospongieuses sont placées sur les
postérieurs, les articulaires ouvertes et les transverses : la greffe est alors transverses jusqu’aux ailerons sacrés si l’arthodèse est lombosacrée.
postérieure et latérale. L’os peut provenir de tout ou partie des arcs
postérieurs enlevés pendant la décompression ; il faut fragmenter cet os
qui a souvent le désavantage d’être bicortical ; pour l’éviter on peut, Instrumentations postérieures
avant d’enlever les épineuses, les diviser en deux segments Elles vont chercher, en rigidifiant les segments intervertébraux, à
corticospongieux grâce à une coupe médiane par un ciseau à os plat. En augmenter le taux de prise de greffe. Elles sont évidemment
réalité, dans la chirurgie d’arthrodèse pure il vaut mieux utiliser automatiquement associées à une greffe postérieure ou postérolatérale.
l’autogreffe ayant la meilleure qualité possible, c’est-à-dire l’os de la Ces instrumentations postérieures comprennent les implants rachidiens
crête iliaque postérieure (fig 5), les greffons sont donc prélevés par la qui, au niveau lombaire, peuvent être des fils lamaires, des vis
page 2
Techniques chirurgicales STABILISATION RACHIDIENNE CHIRURGICALE 44-182
DANS LA PATHOLOGIE DÉGÉNÉRATIVE LOMBAIRE
5 Prise de greffe.
A. Sur les épineuses.
B. En endopelvien.
C. En exopelvien.
pédiculaires, rarement des crochets et des liens entre les implants qui
sont des plaques ou des tiges. Nous décrirons à part le vissage
translaminofacettaire de Margel. La rigidité de l’instrumentation dépend
du type d’implant rachidien (la vis assure un meilleur ancrage osseux
que le fil sous-lamaire), du type de jonction entre l’implant et le lien, et
du type de lien ; on peut opposer ainsi schématiquement des
ostéosynthèses rigides (vis et tiges) et des ostéosynthèses semi-rigides
(cadre de Hartshill).
Cadre de Hartshill
Mis au point par Dove [9], il est rectangulaire, de diamètre 5 ou 6 mm
(selon sa longueur) ; il peut être galbé en lordose ou en cyphose. Il est 6 Passage de fil sous-lamaire.
fixé à la colonne par des fils sous-lamaires qui doivent être placés A. Correct.
soigneusement sous les lames : il faut d’abord faire des fenêtres B. Incorrect.
interlamaires assez larges, fenêtres qui sont souvent obtenues après un C. Double twist.
recalibrage ; on facilite ainsi la manœuvre de récupération du fil et on
diminue le risque d’hématorachis ; le fil qui doit être bien galbé (avec un médiane de l’arc neural (fig 6) ; avec ce galbe et cette zone de passage,
arrondi correspondant bien à la courbure de la jonction des deux lames, il appuie au minimum sur la dure-mère ; après passage sous-lamaire, il
voire aplati avec une extrémité relevée à 45° sur une longueur faut laisser libre vers la ligne médiane le bout proximal (qui vient de
correspondant au diamètre transverse d’un mord de porte-aiguille) est passer sous la lame) et maintenir par une pince de Kocher le brin distal
passé le plus souvent de bas en haut en restant au contact de la partie au contact de la peau ; les fils sont ainsi progressivement passés (deux
page 3
44-182 STABILISATION RACHIDIENNE CHIRURGICALE Techniques chirurgicales
DANS LA PATHOLOGIE DÉGÉNÉRATIVE LOMBAIRE
page 4
Techniques chirurgicales STABILISATION RACHIDIENNE CHIRURGICALE 44-182
DANS LA PATHOLOGIE DÉGÉNÉRATIVE LOMBAIRE
difficile problème, car cet os a une anatomie complexe et il a une forte
tendance à se déminéraliser avec l’âge. De Peretti [8] a bien démontré
qu’avec la vis dans le pédicule de S1 il fallait chercher le plateau
supérieur de cette première vertèbre sacrée, et donc avoir un point
d’entrée 1 mm au-dessous de l’interligne. La vis en S2 doit être
légèrement divergente vers le dehors pour ne pas atteindre la sacro-
iliaque ; elle passe entre 1er et 2e trou sacré et ne doit pas dépasser la
corticale antérieure car il y a risque de lésion des vaisseaux iliaques ou
du tronc lombosacré.
Les autres procédés de prise de bassin sont plutôt appliqués dans la
chirurgie de la scoliose : le procédé de Jackson [17] consiste à enfoncer le
bout distal de la tige dans la partie latérale et basse de l’aileron sacré ; la
tige maintenue par des vis pédiculaires en S1 et S2 vient s’appuyer sur la
face médiale de l’articulation sacro-iliaque. La vis iliosacrée de
Dubousset perfore l’aile iliaque et vient rejoindre le corps de S1 ; la tige
vient rejoindre un domino placé dans le dièdre iliosacré. Le procédé de
Galveston consiste à enfouir une tige correctement galbée dans l’aile
iliaque en dehors de la sacro-iliaque. Enfin, il existe des prises sacro-
iliaques qui permettent, sur une même prise métallique, de placer une
vis en S1, une autre en S2 et une dernière dans l’aile iliaque.
Ces trois derniers procédés assurent une prise solide sur l’aile iliaque,
mais ont le désavantage de ponter l’articulation sacro-iliaque sans
qu’elle ne soit greffée.
9 Point de pénétration des vis pédiculaires. Arthrodèses intersomatiques par voie postérieure
A. Vissage « droit devant ».
B. Vissage selon Fuentes. Le principe de la greffe intersomatique par voie postérieure a été établi
C. Vissage oblique en dedans. par Cloward [7] dans les années 1950. Il a été repris aux États-Unis par
Lin [24] et en France par Lerat [23].
il peut y avoir contusion radiculaire. Si une chirurgie de décompression Le but est d’obtenir une fusion intersomatique le plus près du centre des
intracanalaire a été réalisée avant l’ostéosynthèse, il est facile de mouvements intervertébraux ; mais pour obtenir un avivement correct
contrôler la face canalaire du pédicule et de protéger la racine libérée. des plateaux vertébraux, il faut une voie large, à distance des racines
S’il n’y a pas de geste intracanalaire, on peut utiliser le processus inférieures passant dans les récessus latéraux de l’étage et des racines
d’Owen qui consiste à réaliser une stimulation par sonde électrique dans supérieures passant dans les foramens sus-jacents. Par ailleurs, le
le pédicule [4] : on ne doit pas enregistrer de potentiel électrique dans le positionnement des greffes de façon stable et sur toute la tranche des
territoire de la racine exposée si la sonde est bien dans le pédicule. plateaux n’est pas facile. Cette technique d’arthrodèse lombaire
Malgré toutes ces précautions, la vissée pédiculaire reste un geste intersomatique par voie postérieure (ALIP ou PLIF des Anglo-Saxons)
aléatoire et Weinstein [38] décrit 20 % de visée en dehors des pédicules. a perdu de son succès devant la difficulté de réalisation, et les
Pour réduire ces aléas, on peut s’orienter vers la chirurgie assistée par complications observées notamment par recul des greffons. Dans les
ordinateur avec navigation où la visée est guidée par un système années 1990, l’arrivée sur le marché de cages en fibre de carbone, titane
optoélectronique relié à un logiciel 3 D [1]. ou acier inoxydable a relancé l’intérêt pour cette technique. Ces cages
Beaucoup d’auteurs ont essayé de comparer les avantages et les sont vissées ou impactées, elles sont rectangulaires ou coniques pour
inconvénients de l’ostéosynthèse et de l’arthrodèse non instrumentée. assurer une lordose. Un matériel ancillaire comprenant protecteur de
Garfin [12] et Zucherman [42] estiment que le taux de consolidation est racine, forêt pour préparer les plateaux vertébraux, facilite l’acte
supérieur quand il y a instrumentation, mais que le taux de complications opératoire mais n’évite pas totalement les écueils que sont le sacrifice
est aussi supérieur. articulaire suffisant pour manœuvrer et les tensions imposées parfois aux
structures nerveuses radiculaires ou de la queue de cheval.
Plus précisément Grubb [15] en 1991 estime que le taux de pseudarthroses Initialement, ces cages ont été utilisées comme des spacers redonnant
(qui d’ailleurs n’est pas toujours symptomatique) est de 35 % pour les de la hauteur à l’espace discal ; deux cages sont placées de part et d’autre
arthrodèses postérolatérales, et seulement de 6 % si une instrumentation de la ligne médiane ; elles sont remplies d’os spongieux et le reste du
est associée. disque est laissé en place.
Zdeblick [40] sur une série homogène et personnelle note : À l’heure actuelle, la tendance est d’évider le plus possible l’espace
– 65 % de fusion dans le cas d’arthrodèse postérolatérale ; discal, de bien aviver les plateaux et de placer des greffes en avant et
– 77 % de fusion dans le cas de greffe + ostéosynthèse ; entre les cages. On tend vers une vraie greffe intersomatique, la cage
– 95 % de fusion dans le cas de greffe + ostéosynthèse rigide. servant de cale comme l’os cortical de la technique de Cloward. Par
Les chiffres de Schwab [34] sont à peu peu près équivalents. Néanmoins, ailleurs, il existe un consensus pour estimer que l’ostéosynthèse
une des complications principales de ces arthrodèses rigides, qui postérieure avec greffe postérieure doit être systématiquement associée
donnent le meilleur taux de fusion, est l’altération du segment (fig 10).
intervertébral situé juste au-dessus du montage. On voit souvent, Finalement les avantages de ces cages intersomatiques sont :
quelques mois ou années après une pose d’une instrumentation rigide, – l’obtention d’une distraction intervertébrale, donc a priori un
une altération discoarticulaire entraînant lombalgie et même sténose. Ce élargissement des foramens, qui n’est pas toujours nécessaire surtout si
phénomène semble moins s’observer dans les ostéosynthèses semi- on prend soin de bien les élargir avant l’ostéosynthèse ;
rigides (comme le cadre de Hartshill) où le gradient de mobilité entre – une stabilisation primaire (puisque les trois colonnes sont
zones instrumentées et non instrumentées est plus faible. Dans le cas de verrouillées) en une seule intervention ; d’ailleurs l’effet antalgique est
vissage, pour éviter ce phénomène il ne faut pas hésiter à prendre dans souvent ressenti très précocement par les patients en postopératoire.
l’arthrodèse tout segment intervertébral présentant des signes de En revanche, les inconvénients sont : l’importance du sacrifice osseux
dégénérescence même débutante, et surtout essayer de placer les vis notamment au niveau des articulaires pour pouvoir manœuvrer
apicales le plus à distance des articulaires : la visée plutôt basse (donc facilement, l’obligation de réaliser une ostéosynthèse postérieure et
ascendante dans le plan sagittal) et convergente vers le milieu (donc avec enfin les risques neurologiques par traction sur les racines. L’effet de
un point de pénétration latérale) est souhaitable. stress shielding faisant reporter les contraintes sur les cages et non pas
L’apposition des greffons au niveau des articulaires et des transverses sur l’os qu’elles contiennent aurait pu faire craindre une résorption
peut se faire avant le positionnement des vis et doit se faire avant celui osseuse ; en fait Brantigan [3] a pu montrer une vraie fusion osseuse chez
des tiges qui gênent ce geste essentiel. La prise du sacrum pose un l’animal à 2 ans.
page 5
44-182 STABILISATION RACHIDIENNE CHIRURGICALE Techniques chirurgicales
DANS LA PATHOLOGIE DÉGÉNÉRATIVE LOMBAIRE
B C
10 Pose des cages intersomatiques.
A. Libération radiculaire.
A B. Cage et os en périphérie.
C. Stabilisation postérieure obligatoire.
Prothèse discale
Indications
C’est un concept en pleine évolution. La prothèse la mieux évaluée est
la S B Charité mise au point en Allemagne de l’Est (Dr K Schellnack) ; Schématiquement, la stabilisation chirurgicale lombaire peut être
elle comprend des plateaux en chrome-cobalt ancrés par voie antérieure proposée comme complément à une chirurgie de décompression ou pour
extrapéritonéale et une partie intermédiaire en polyéthylène permettant traiter une lombalgie prédominante.
des mouvements de flexion-extension, d’inclinaison et de faible
rotation. Les deux reproches faits à cette technique sont le rattrapage En complément d’une chirurgie
difficile en cas d’échec, et notamment de déplacement, et l’effet discuté de libération radiculaire
sur l’arthrose facettaire bien que la pose de prothèse assure une
distraction intervertébrale. Après dissectomie, on peut discuter chez le sujet jeune d’une
Néanmoins, des séries importantes avec un recul suffisant, dont celle de ligamentoplastie en cas de récidive herniaire ; l’instabilité est, en effet,
Griffith [13], sur 93 cas ne font état que de 6,5 % de complications aggravée par les sacrifices articulaires et le nettoyage discal soigneux ;
(rupture, migration, impaction) avec un bon résultat sur la lombalgie. la ligamentoplastie peut aussi être proposée dans le cas de hernie discale
touchant un disque situé au-dessus d’une anomalie de charnière car on
sait la relative instabilité de ces segments charnières.
Arthrodèses antérieures Après recalibrage on peut proposer une ostéosynthèse par cadre de Dove
s’il existe une discopathie en regard de la sténose levée, ou s’il a fallu
associer un geste discal. L’arc sacré peut être utilisé si l’arthrodèse doit
Voies d’abord s’étendre jusqu’au sacrum. Grob [14] montre, dans une étude prospective,
La lombotomie extrapéritonéale permet un abord des corps de L2, L3 et qu’il n’y a pas de différence significative dans les résultats entre les
L4 ; elle est limitée en haut par les piliers de diaphragme, et en bas par la patients arthrodésés et non arthrodésés.
bifurcation de l’aorte abdominale et de la veine cave inférieure. La voie Dans les sténoses importantes, s’il existe un spondylolisthésis
se fait plutôt à gauche pour éviter le foie ; l’incision se fait dans le dégénératif important, la laminectomie est préférable au recalibrage ; un
prolongement de la 12e côte pour atteindre la partie haute de L2 ; en vissage du segment olisthésique est alors obligatoire. Si le disque est
avant, l’incision suit le bord latéral des droits de l’abdomen à mi-chemin encore haut, on peut même discuter une arthrodèse intersomatique soit
page 6
Techniques chirurgicales STABILISATION RACHIDIENNE CHIRURGICALE 44-182
DANS LA PATHOLOGIE DÉGÉNÉRATIVE LOMBAIRE
par voie postérieure, soit par voie antérieure (le plus souvent multisegmentaire des scolioses dégénératives : l’ostéosynthèse
endoscopique). La laminectomie étendue avec arthrodèse segmentaire est souhaitable avec fils sous-lamaires ou vis pédiculaires.
postérolatérale peut être proposée chez le sujet âgé, car c’est un geste en
règle rapide pour bien décomprimer les racines et suffisamment efficace L’indication est plus difficile pour des lésions moins étendues et surtout
sur l’instabilité : on rappellera néanmoins que le taux de fusion diminue moins nettes. Il faut alors bien sélectionner la lombalgie chronique par
sensiblement en cas d’arthrodèse postérolatérale avec le nombre de des tests d’infiltration articulaire postérieure, par l’analyse des images
niveaux arthrodésés : ainsi pour Cauchoix [5] le taux d’échecs est de 5 % (pincement discal, translation dans le plan sagittal ou coronal sur les
pour un niveau, 20 % pour deux niveaux, et 40 % pour troix niveaux. clichés simples, présence d’air discal sur la coupe du scanner avec
altération des articulaires postérieures, hyposignal discal et atteinte des
S’il y a lombalgie prédominante plateaux vertébraux en imagerie par résonance nucléaire). En réalité,
tous ces tests ou signes sont aléatoires, et le test du fixateur externe de
Dans le cadre de la lombalgie, l’indication doit être bien posée car il faut Magerl [27], (matériel initialement utilisé pour traiter les fractures)
penser a priori que c’est l’hypermobilité ou le dysfonctionnement qui consistant à poser des fiches pédiculaires sous anesthésie générale puis
créent la douleur, ce qui n’est pas toujours vérifié. Il est des cas où la à verrouiller ou non par un appareil externe, est le moyen le plus sûr pour
discussion ne se pose pas trop, notamment dans les cas d’instabilité sélectionner les patients et les niveaux à arthrodéser.
Références
[1] Amiot LP, Labelle H, Deguise JA, Sati M, Brodeur P, [16] Hutchinson MR, Dall BE. Midline fascial splitting ap- [30] Onimus M, Papin P, Gangloff S. Extraperitoneal ap-
Rivard CH. Computed-assisted pedicle screw fixation : proach to the iliac crest forgraft : a new approach. proach to the lumbar spine with video assistance.
a feasibility study. Spine 1995 ; 20 : 1208-1212 Spine 1994 ; 19 : 62-66 Spine 1996 ; 21 : 2496-2494
[2] Blaimont P, Alameh M. Biomécanique de l’arthrodèse [17] Jackson RP, Ebelke DK, Mac Manus AC. The “sacro [31] Passuti N, Daculsi G, Rogez JM et al. Macroporous
lombaire. Acta Orthop Belg 1981 ; 47 : 605-618 iliac buttress” and new methods for correction with CD calcium phosphate ceramic performance in human
[3] Brantigan JW, Steffee AD. A carbon fiber implant to aid pedicule instrumentation. In : Proceedings of the 8th spine fusion. Clin Orthop 1989 ; 248 : 165-176
interbody lumbar fusion. Spine 1993 ; 18 : 2106-2117 International Congress on Cotrel Dubousset instrumen-
tation 1991. Montpellier : Sauramps Medical, 1992 : [32] Roy Camille R, Demeulenaere C. Ostéosynthèse du
[4] Calancie B, Madsen P, Lebwohl N. Stimulus evoked rachis dorsal lombaire et lombosacré par plaques mé-
EMG monitoring during transpedicular lumbosacral 135-139
talliques vissées dans les pédicules vertébraux et des
spine instrumentation. Initial clinical results. Spine [18] Johnson RM, Mac Guire EJ. Urogenital complications apophyses articulaires. Presse Med 1970 ; 78 :
1994 ; 19 : 2780-2786 of anterior approaches to the lumbar spine. Clin Or- 1447-1448
[5] Cauchoix J, David T. Arthrodèses lombaires : résultats thop 1981 ; 154 : 114-118
après plus de dix ans. Rev Chir Orthop 1975 ; 71 : [19] Kawaguchi Y, Mitsui H, Tsuji H. Back muscle injury af- [33] Saillant G. Étude anatomique des pédicules verté-
263-268 ter posterior lumbar spine surgery. Spine 1996 ; 21 : braux. Applications chirurgicales. Rev Chir Orthop
941-644 1976 ; 62 : 151-160
[6] Chow SP, Leong JC. Anterior spinal fusion for de-
ranged intervertebral disc : a review of 97 cases. Spine [20] Kim YE, Goel VK, Weinstein JN, Lim TH. Effects of disc [34] Schwab FJ, Nazarian DG, Mahmud F, Michelsen CB.
1980 ; 5 : 452-458 degeneration at one level on the adjacent level in the Effects of spinal instrumentation on fusion of the lum-
[7] Cloward RB. Lesions of the intervertebral discs and axial mode. Spine 1991 ; 16 : 331-335 bosacral spine. Spine 1995 ; 20 : 2023-2028
their treatment by interbody fusion methods (the pain- [21] Kurz LT, Garfin SB, Booth RE. Harvesting autogenous [35] Sénégas J. La ligamentoplastie intervertébrale, alter-
ful disc). Clin Orthop 1963 ; 27 : 51-77 iliac bone grefts. A review of complications and tech- native à l’arthrodèse dans le traitement des instabilités
[8] De Peretti F, Hovorka I, Argenson C. Bases anatomi- niques. Spine 1989 ; 14 : 1324-1381 dégénératives. Acta Orthop Belg 1991 ; 57 (suppl 1) :
ques expérimentales de la mise en place d’une vis [22] Lehmann TR. Long-term follow-up of the lower lumbar 221-226
dans le sacrum. In : Instrumentation rachidienne. Ca- fusion patients. Spine 1987 ; 12 : 97-103 [36] Stauss PJ, Novotny JE, Wilder DG, Grobler J, Pope
hier d’enseignement de la SOFCOT. Paris : Expansion
[23] Lerat JL, Rubini J, Vincent P, Besse JL, Moyen B. Ré- MH. Multidirectional stability of the Graf system. Spine
scientifique française, 1995
sultats de l’arthrodèse lombaire intersomatique par 1994 ; 19 : 965-972
[9] Dove J. Internal fixation of the lumbar spine : the Hart- voie postérieure dans le traitement du spondylolisthé-
shill rectangle. Clin Orthop 1986 ; 203 : 135-140 [37] Tiusanen M, Seitsalo S, Osterman K, Soini J. Anterior
sis isthmique. À propos de 27 cas revus avec un recul interbody lumbar fusion in severe low back pain.Clin
[10] Flynn JC, Price CT. Sexual complications of anterior de plus de 10 ans. Rev Chir Orthop 1996 ; 82 : 475-489 Orthop 1996 ; 324 : 153-163
fusion of the lumbar spine. Spine 1984 ; 9 : 489-491
[24] Lin PM. Posterior lumbar interbody fusion. Springfield :
[11] Fuentes JM, Bonnel F. Le vissage pédiculaire du ra- [38] Weinstein JN, Sprattk F, Spengler D et al. Spinal pedi-
CC Thomas, 1982
chis lombaire bas (L3-L4-L5) et de la charnière lombo- cule fixation : reliability and validity of roentgenogram-
sacrée. Rev Chir Orthop 1984 ; 70 : 479-482 [25] Louis R. Chirurgie du rachis : anatomie chirurgicale et based assessment and surgical factors on successful
voies d’abord. Berlin : Springer Verlag, 1982 screw placement. Spine 1978 ; 3 : 1012-1018
[12] Garfin SR. Spinal fusion : the use of bone screws in
vertebral pedicles summation. Spine 1994 ; 19 (suppl [26] Marchesi D, Schneider E, Glauser P, Aebi M. Morpho- [39] Wiltse LL, Spencer CW. New uses and refinements of
20) : 2300S-2305S metric analysis of the thoracolumbar and lumbar pedi- the paraspinal approach to the lumbar spine. Spine
cules, anatomoradiologic study. Surg Radiol Anat 1988 ; 13 : 696-706
[13] Griffith SL, Shelokov AP, Büttner-Janz K, Lemaire JP, 1988 ; 10 : 317-322
Zeegers WS. A multicenter retrospective study of the [40] Zdeblick TA. A prospective randomized study of lumbar
clinical results of the LINK SB Charité intervertebral [27] Magerl F. Stabilization of the lower thoracic and lumbar
spine with external skeletal fixation. Clin Orthop 1984 ; fusion. Preliminary results. Spine 1993 ; 18 : 983-991
prothesis. The initial european experience. Spine
1994 ; 19 : 1842-1849 189 : 125-141 [41] Zindrick MR, Knight GW, Bunch WH et al. Factors influ-
[14] Grob D, Humke T, Dvorak J. Degenerative lumbar [28] Mazel C. Instrumentation rachidienne flexible TWIN- encing the penetration of wires into the neural canal
spine stenosis. Decompression with and without arthro- FLEX dans les arthrodèses lombaires et lombosa- during segmental wiring. J Bone Joint Surg 1989 ;
desis. J Bone Joint Surg 1995 ; 77A : 1036-1041 crées. Série de 114 cas avec un recul de 1 an. Eur J 71A : 742-750
[15] Grubb SA, Lipscomb HJ. Result of lumbosacral fusion Surg Traumatol 1995 ; 5 : 271-277 [42] Zucherman J, Hsu K, Picetti G, White A, Wynne G, Tay-
for degenerative disc disease with and without intru- [29] O’Brien J. The role of fusion for chronic low back pain. lor J. Clinical efficacy of spinal instrumentation in lum-
mentation. Two to five year follow up. Spine 1982 ; 7 : OrthopClin North Am 1983 ; 14 : 639-647 bar degenerative disc disease. Spine 1992 ; 17 :
349-355 834-837
page 7
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-183
44-183
Toute référence à cet article doit porter la mention : Sénégas J et Pointillart V. Le patient est placé en décubitus ventral, la tête fixée sur une têtière, ou
Laminoplastie d’expansion du canal vertébral stabilisée. Encycl Méd Chir (Elsevier, mieux, fixée par un cadre de Gardner ou Mayfield pour éviter les
Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-183, 1998, 4 p.
traumatismes oculaires.
44-183 LAMINOPLASTIE D’EXPANSION DU CANAL VERTÉBRAL STABILISÉE Techniques chirurgicales
A B C D
E F G
H I J
Le positionnement se fera plutôt en flexion, ce qui facilite la voie Lorsque l’expansion du canal a été obtenue grâce à l’écartement des
d’abord et le geste chirurgical, réduit la compression médullaire deux volets ostéoligamentaires, il convient alors de la stabiliser par la
peropératoire par les éléments postérieurs et ne pose pas de problème fixation des agrafes en titane (Strycker) (fig 2B). À l’aide d’un foret
puisqu’il n’y a pas d’arthrodèse. spécial, qui permet à la fois de pénétrer la lame et de réséquer l’os
L’abord postérieur médian classique permet d’obtenir l’exposition des spongieux latéralement, on réalise un logement pour la pointe de
lames de C2 à C7. Les capsules articulaires ne sont pas ouvertes. l’agrafe sur chaque moitié de lame. Sa profondeur varie selon l’étage et
Deux tranchées sont creusées à l’aide d’une fraise de 3 mm sur toute selon la morphologie du patient. Elle varie de 5 à 10 mm. Le temps de
l’étendue de la zone rétrécie juste à la jonction des lames et des masses préparation du logement de l’agrafe est le plus délicat. Il convient de
latérales (fig 2A). Après un creusement de 1 mm, la suite du processus progresser prudemment entre les deux corticales jusqu’à la profondeur
est réalisée avec une fraise de 1 mm de façon à donner à l’échancrure un désirée sans détériorer l’une ou l’autre des deux corticales. Avant
aspect triangulaire rappelant une ostéotomie. Le fraisage est poursuivi d’insérer l’agrafe un fantôme de la pointe de l’agrafe est testé de façon à
jusqu’à la corticale antérieure des lames, qui doit être préservée. ce que la fixation se fasse sans difficulté.
On résèque ensuite les apophyses épineuses au ras des lames et une
tranchée médiane est créée au drill et à la pince de Kérisson. Elle permet Après avoir choisi la longueur correcte de l’ancrage, l’agrafe, tenue par
l’ouverture du canal sur la ligne médiane (fig 2B). un instrument spécial, est enfoncée dans ses deux logements en s’aidant
Les ligaments flavum (ligaments jaunes) situés à la partie supérieure et d’un maillet délicatement manipulé. La fixation est ensuite vérifiée à
à la partie inférieure de la laminoplastie sont réséqués tranversalement l’aide d’une pince. Il est essentiel de ne pas pousser trop brutalement
puis, en utilisant une pince spéciale en T, chaque volet droit et gauche l’agrafe dans un logement trop étroit pour ne pas faire éclater la lame.
est déplacé latéralement grâce à l’ostéoclasie de la corticale antérieure On peut, pour terminer, poser les fragments osseux provenant du
des lames, ce qui provoque la fermeture des ostéotomies latérales. broyage des épineuses au niveau des ostéotomies. La plaie opératoire
La dure-mère est ensuite décollée progressivement des lames à l’aide est suturée sur un drainage aspiratif. Un simple collier mousse est
d’une spatule, ce qui nécessite l’hémostase de vaisseaux épiduraux à la nécessaire pendant 2 mois pour le maintien de la colonne cervicale le
coagulation bipolaire. temps de consolidation des ostéotomies.
page 2
Techniques chirurgicales LAMINOPLASTIE D’EXPANSION DU CANAL VERTÉBRAL STABILISÉE 44-183
B
2 Vues opératoires.
A. Vues de haut.
B. Vues en coupe.
Références ➤
page 3
44-183 LAMINOPLASTIE D’EXPANSION DU CANAL VERTÉBRAL STABILISÉE Techniques chirurgicales
Références
[1] Arnold H, Feldman U, Missler U. Chronic spondylo- [11] Itoh T, Tsuji H. Technical improvements and results of [21] Shikata J, Yamamuro T, Shimizu K et al. Combined
genic cervical myelopathy: A critical evaluation of surgi- laminoplasty for compressive myelopathy in cervical laminoplasty and posterolateral fusion for spinal canal
cal treatment after early and long term follow-up. Neu- spine. Spine 1985 ; 10 : 729-736 surgery in children and adolescents.Clin Orthop 1990 ;
rosurg Rev 1993 ; 16 : 105-109 [12] Kimura I, Oh-Hama M, Singu H. Cervical myeolopathy 259 : 92-99
[2] Crandall PH, Gregorius FK. Long term follow-up of sur- treatment by canal-expansive l aminoplasty. J Bone
Joint Surg 1984 ; 66A : 914-920 [22] Skowronski J, Bielecki M. The results of laminectomy
gical treatment of cervical spondylotic myelopathy.
and laminoplasty in cervical myeloradiculopathy. Ann
Spine 1977 ; 2 : 139-147 [13] Kirita Y. Posterior decompression for cervical spondylo-
sis and ossification of the posterior longitudinal liga-
Med Univ Bialyst 1992 ; 37 : 71-73
[3] Gregorius FK, Estrin T, Crandall PH. Cervical spondy-
lotic radiculopathy and myelopathy. Acta Neurochir ment. Shujutsu 1976 ; 30 : 287-302
[23] Snow R, Weiner H. Cervical laminectomy and forami-
1975 ; 3 : 185-193 [14] Koyama T, Handa J. Cervical laminoplasty using com- notomy as surgical treatment of cervical spondylosis: A
pressive myelopathy due to developmental canal follow-up study with analysis of failures. J Spinal Di-
[4] Herman JM, Sonntag V. Cervical corporectomy and stenosis. Surg Neurol 1985 ; 24 : 663-667
plating for post laminectomy kyphosis. J Neurosurg sord 1993 ; 6 : 245-250
1994 ; 80 : 963-970 [15] Kurokawa T. Enlargement of the spinal canal by the
sagittal splitting of spinal processes. Bessatsu Seikei- [24] Tomiita K, Nomura S, Umeda S et al. Cervical lamino-
[5] Hirabayashi K. Expansive open-door laminoplasty for geka 1982 ; 2 : 234-240 plasty to enlarge the spinal canal in multilevel ossifica-
cervical spondylotic myelopathy. Jpn J Surg 1978 ; 32 : [16] Lin SM, Chiou YS, Hung CC. Compressive cervical mye- tion of the posterior longitudinal ligament with myelopa-
1159-1163 lopathy treated by canal expansive laminoplasty. J For- thy. Arch Orthop trauma Surg 1988 ; 107 : 148-153
[6] Hirabayashi K, Miyakawa J, Satomi K et al. Operative mos Med Assoc 1986 ; 85 : 161-168
results and postoperative progression of ossification [25] Tsuji H. Laminoplasty for patients with compressive mye-
[17] Nakano N, Nakano T, Nakano K. Comparison of the
among patients with ossification of cervical posterior results of laminectomy and open-door laminoplasty for lopathy due to so-called spinal canal stenosis in cervi-
longitudinal ligament. Spine 1981 ; 6 : 354-364 cervical spondylotic myeloradiculopathy and ossifica- cal and thoracic regions. Spine 1982 ; 7 : 28-34
[7] Hirabayashi K, Sasaki T, Takeda T. The posterior and tion of the posterior longitudinal ligament. Spine 1988 ;
13 : 792-794 [26] Yonenobu K, Fuji T, Ono K, Okada K, Yamamoto T, Ha-
anterior operation in treatment of cervical disc lesions rada N et al. Choice of surgical treatment for multiseg-
including cervical spondylosis: a long term follow-up [18] O’Brien M, Peterson D, Casey A, Crockard A. A novel mental cervical spondylotic myelopathy. Spine 1985 ;
study. Chubu Seisai-shi 1972 ; 15 : 786-788 technique for laminoplasty augmentation of spinal ca- 10 : 710-716
nal area titamin miniplate stabilization. Spine 1996 ;
[8] Hirabayashi K, Satomi K. Operative procedure and re-
21 : 474-484 [27] Yonenobu K, Hosono N, Isawaki M, Asano M, Ono K
sults of expansive open-door laminoplasty. Spine
1988 ; 13 : 870-876 [19] Sénégas J. Chirurgie des complications radiculomédul- et al. Laminoplasty versus subtotal corpectomy: a com-
laires de la cervicarthrose. Cahiers d’enseignement de parative study of results in multisegmental cervical
[9] Hirabayashi K, Wananabe K, Wakano K et al. Expan- la SOFCOT. Conférences d’enseignement. Paris : Ex- spondylotic myelopathy. Spine 1992 ; 17 : 1281-1284
sive open-door laminoplasty for cervical spinal stenotic pansion scientifique française, 1985 : 179-195
myelopathy. Spine 1983 ; 8 : 693-699 [28] Yoshida M, Otani K, Shibasaki K, Ueda S et al. Expan-
[20] Sénégas J, Guérin J, Vital JM, Duplan B, Dols JM. Dé-
[10] Hukuda S, Ogata M, Mochizuki T et al. Laminectomy compression médullaire étendue par voie antérieure sive laminoplasty with reattachment of spinous process
versus laminoplasty for cervical myeolopathy: Brief re- dans le traitement des myélopathies par cervicarth- and extensor musculature for cervical myelopathy.
port. J Bone Joint Surg 1988 ; 70B : 325-326 rose. Rev Chir Orthop 1985 ; 71 : 291-300 Spine 1992 ; 17 : 491-497
page 4
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-186
44-186
Technique de décompression
médullaire par voie antérieure
à l’étage cervical
V Pointillart R é s u m é. – Parmi les techniques de décompression de la moelle épinière, la
J Sénégas corporectomie par voie antérieure est l’une des plus efficaces, des plus sûres, et elle
permet une fixation stable de la colonne cervicale en récupérant la lordose lorsque
cela est nécessaire. En fonction de l’étendue de la sténose, on peut réaliser soit une
voie transdiscale avec arthrodèse type Cloward, soit une corporectomie partielle avec
arthrodèse vissée, soit une corporectomie complète permettant la décompression de
deux étages discaux, soit une corporectomie étendue. Ces techniques permettent
une décompression à la fois médullaire et radiculaire. L’auteur décrit les détails
pratiques, les pièges et les techniques de rattrapage.
Introduction osseux sans ostéosynthèse peut être utilisée pour une décompression à
un étage. Lorsque la décompression est plus étendue, l’adjonction d’une
Cette intervention permet une décompression large de la moelle épinière ostéosynthèse semble préférable (Sénégas [11, 12], Bohler [2]).
sur toute l’étendue de la sténose et une stabilisation rachidienne par
arthrodèse éventuellement instrumentée.
En fonction de l’étendue de la compression, une intervention à un étage Installation et voies d’abord
intersomatique peut être nécessaire, mais si deux étages adjacents sont
compressifs, on réalisera une corporectomie qui peut être étendue à Installation du patient
quatre corps vertébraux en fonction des besoins.
Nous décrirons ainsi quatre techniques : L’installation est très importante pour permettre un bon contrôle
– une technique dérivée de celle de Cloward ; radioscopique peropératoire.
– une technique de résection des ostéophytes à un étage ; Le patient est installé en décubitus dorsal légèrement en proclive, tête
libre et sans coussinet rétrocervical afin de diminuer le saignement
– une technique de corporectomie ; veineux. Il ne faut pas installer le patient trop en hyperextension, en
– une technique de corporectomie multiple. particulier lorsqu’il existe une myélopathie par cervicarthrose, car dans
cette position il existe un rétrécissement du ligament jaune qui peut
entraîner une décompensation de ce rétrécissement canalaire.
Historique L’hyperextension ne sera redonnée, si elle est nécessaire, qu’après la
décompression antérieure.
La technique de l’arthrodèse cervicale antérieure a évolué depuis la
première description faite par Robinson et Smith en 1955 [8]. Les épaules sont effacées vers le bas par traction sur les bras à l’aide de
bandes d’élastoplaste collées. L’amplificateur de brillance est placé à
L’utilisation isolée de greffons osseux proposée par Bailey et l’horizontale à la tête du patient de façon à permettre un contrôle
Badgley [1], Cloward [3, 4, 5], Verbiest [14], Simmons et Bhalla [13] a été permanent par vue latérale. Si une traction est nécessaire, la mise en
souvent critiquée, notamment dans les instabilités traumatiques, en place d’un étrier de Gardner ne gêne en rien l’installation. Le plus
raison des risques de déplacements secondaires. Sur rachis dégénératif, souvent, un soutien doit être placé du côté droit, sous la cuve de
ce type de complication est plus rare et cette technique de greffons l’amplificateur de brillance, afin que l’appui de l’opérateur sur celle-ci
ne modifie pas l’angle de repérage radioscopique pendant l’intervention.
L’utilisation d’un monitoring par potentiels évoqués somesthésiques est
Vincent Pointillart : Praticien hospitalier. tout à fait recommandée.
Jacques Sénégas : Professeur des Universités, chef de service.
Unité de pathologie rachidienne, centre hospitalier universitaire de Bordeaux, hôpital Pour la prise du greffon, la crête iliaque homolatérale à la voie d’abord
Pellegrin-Tripode, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France. est dégagée par mise en place d’un coussin sous la fesse.
© Elsevier, Paris
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pointillart V et Sénégas J. Voies d’abord
Technique de décompression médullaire par voie antérieure à l’étage cervical.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie-
Traumatologie, 44-186, 1998, 6 p.
L’abord du rachis se fait par une voie antérolatérale droite qui convient
mieux à la manipulation des instruments pour un opérateur droitier et ne
44-186 TECHNIQUE DE DÉCOMPRESSION MÉDULLAIRE PAR VOIE ANTÉRIEURE Techniques chirurgicales
À L’ÉTAGE CERVICAL
présente pas plus de risque pour le nerf récurrent. L’incision cutanée Intervention type de Cloward (fig 1)
peut être longitudinale, le long de la saillie du muscle
sternocléidomastoïdien, ou transversale, ce qui est plus esthétique et
suffit pour une intervention à un seul niveau. Après incision du plan Cette intervention permet la décompression d’un étage discal à la fois
sous-cutané, on découvre le muscle omohyoïdien qui peut être soit pour hernie discale et/ou ostéophytose, et une arthrodèse sans
récliné, soit sectionné entre deux fils repères. L’espace prévertébral est ostéosynthèse.
abordé en passant en avant du paquet vasculaire jugulocarotidien. Pour La discectomie est réalisée au bistouri profond lame 11. En fonction du
l’abord des vertèbres les plus basses il peut être nécessaire de lier l’artère pincement discal, il peut être nécessaire d’insérer un écarteur
thyroïdienne inférieure, pour l’abord du rachis cervical supérieur, il faut intersomatique de Cloward à lame fine afin d’ouvrir cet espace et
lier le tronc veineux thyrolinguofacial, et suivant le niveau instrumenté, d’introduire le centreur de Cloward. Ce centreur permet de fixer le tube
successivement l’artère thyroïdienne supérieure, l’artère linguale et protecteur des parties molles qui, muni de quatre ergots pointus, est fixé
éventuellement l’artère faciale. Le ligament vertébral antérieur est dans les corps vertébraux adjacents ; le centreur est alors retiré et la
repéré par son aspect blanc nacré entouré des deux muscles longus colli mèche de Cloward de diamètre variable de 12 à 16 mm permet de
(muscles longs du cou). Il faut le rechercher bien en profondeur et sur la réaliser un trou cylindrique à cheval entre les deux corps vertébraux. À
ligne médiane derrière le paquet oropharyngé qui est récliné par un noter qu’il existe sur cette mèche une jauge qui permet de prérégler la
écarteur de Richardson. profondeur du trou réalisé. La profondeur choisie laisse un rebord de
Le repérage par amplificateur de brillance permet le contrôle du niveau mur postérieur. Un contrôle par amplificateur de brillance est
exposé. évidemment souhaitable pour qu’il n’y ait pas de risques neurologiques
lors de cette manœuvre. On enlève l’ensemble du matériel de Cloward
et on peut alors réséquer les ostéophytes au moteur à fraise à rotation
Installation des écarteurs autostatiques de Cloward rapide. On complète la libération médullaire par l’ablation du ligament
commun postérieur, des éléments éventuellement discaux
Un écarteur à griffe est installé sous les deux muscles longus colli afin de rétroligamentaires et des ostéophytes grâce à l’utilisation d’une pince de
maintenir l’incision ouverte longitudinalement sans léser l’axe aérodigestif type Kérisson ou pince Hardy (1 mm de largeur). Le passage d’un
ici vasculaire. Un écarteur à valves mousses est installé transversalement et crochet à ostéophyte en arrière des corps vertébraux permet de vérifier
maintenu en position par un champ roulé sur le côté du cou afin d’éviter la la décompression obtenue.
projection du manche de l’écarteur sur le contrôle radioscopique. Vient alors la phase d’arthrodèse qui, du fait des risques de transmission
L’incision du ligament commun vertébral antérieur est effectuée au virale ou par prion, est actuellement réalisée à l’aide d’un greffon iliaque
bistouri électrique sur la ligne médiane ; on le dégage prélevé avec le matériel de Cloward.
progressivement latéralement en s’aidant soit d’un écarteur de Il s’agit d’un système de tréfine dont le diamètre est choisi de 2 mm
Hohman placé à la face latérale gauche du corps vertébral, soit à supérieurs à la taille du trou réalisé par la mèche de Cloward. Pour
l’aide d’une rugine fine. l’insertion du greffon, on peut s’aider de la mise en place d’un écarteur
Ce temps peut être parfois hémorragique. Il peut s’agir soit de veines intersomatique de Cloward très latéralement afin d’ouvrir l’étage discal
prévertébrales passant à la jonction entre la face antérieure du corps et d’introduire sans difficulté le greffon.
vertébral et son bord latéral, et l’hémostase sera alors réalisée au bistouri Une fois le greffon mis en place, on peut abraser la surface de ce greffon
électrique, sinon il peut s’agir d’un saignement osseux, et l’utilisation afin de le mettre tout à fait dans le plan du mur antérieur des corps
de la cire de Horsley permet de réaliser l’hémostase. vertébraux adjacents.
A B
C D
1 Technique de Cloward.
page 2
Techniques chirurgicales TECHNIQUE DE DÉCOMPRESSION MÉDULLAIRE PAR VOIE ANTÉRIEURE 44-186
À L’ÉTAGE CERVICAL
La fermeture de l’incision est réalisée éventuellement après suture du brillance, qu’il n’y a pas une zone ostéophytique qui reste saillante dans
muscle omohyoïdien sur un redon aspiratif mis au contact du rachis, un le canal médullaire. Le greffon iliaque est prélevé en fonction de la taille
paraplan cutané et un plan cutané. de la résection réalisée, qui est de l’ordre de 12 mm en hauteur. Ce
Le port d’une minerve est conseillé pendant 2 mois. greffon sera dans ce cas en général tricortical. Il est habituellement
nécessaire d’arrondir les angles de ce greffon pour faciliter son
introduction et améliorer le contact spongieux au niveau du centre du
Technique de résection des ostéophytes greffon. Une jauge de profondeur permet de calculer immédiatement la
taille des vis qui seront utilisées.
par voie transdiscale avec arthrodèse
Une fois le greffon mis en place on enlève l’écarteur intersomatique de
instrumentée (fig 2, 3) Cloward afin que ce greffon soit en compression. Une plaque en titane à
L’installation et la voie d’abord sont les mêmes que précédemment. quatre trous petits ou grands modèles, selon la taille de la résection
réalisée, est fixée par quatre vis bicorticales convergentes vers la ligne
La discectomie est réalisée à l’aide d’un bistouri lame 11. Le tiers médiane et parallèle aux plateaux vertébraux. La longueur des vis est en
supérieur de la vertèbre sous-jacente et le tiers inférieur de la vertèbre générale de 18 mm chez l’homme et 16 chez la femme mais peuvent
sus-jacente à l’espace discal sont réséqués au moteur à la fraise rotative atteindre 20, voire 22 mm en T1.
jusqu’à atteindre les ostéophytes postérieurs. La largeur du corps
vertébral étant de 20 mm, cette résection des tiers supérieur et inférieur La fermeture est réalisée sur le même modèle que précédemment.
des vertèbres doit avoir cette largeur afin d’assurer une décompression
satisfaisante des foramens. Afin d’améliorer la vision du canal Principe de l’instrumentation
médullaire, on peut mettre en place un écarteur intersomatique de
Cloward placé assez postérieurement sur le côté. Cela permet d’ouvrir Le principe d’un vissage bicortical est renforcé par les expériences de
l’espace discal en arrière et de réséquer les ostéophytes à la pince de Mainan [7] sur la qualité de la résistance à l’arrachement d’une prise
Kérisson ou à la pince de Hardy. bicorticale par rapport à une prise monocorticale.
L’utilisation du crochet à ostéophyte permet de contrôler la qualité de la Ces expérimentations ont été confortées par les travaux de Ryken [9, 10]
décompression et de vérifier, sous le contrôle d’amplificateur de et Gallagher [6]. L’instrumentation est représentée par un éventail de
2A 2B 2C
page 3
44-186 TECHNIQUE DE DÉCOMPRESSION MÉDULLAIRE PAR VOIE ANTÉRIEURE Techniques chirurgicales
À L’ÉTAGE CERVICAL
plaques en titane de 1,2 mm d’épaisseur et de 13 mm de largeur, avec moyenne du corps vertébral, c’est-à-dire la zone où il y a en règle le
des tailles variables de 24 à 92 mm et une forme en H permettant minimum de compression médullaire, ce qui permet de passer derrière le
l’insertion de vis par corps vertébraux. Ces plaques sont incurvées ligament commun vertébral postérieur et de trouver l’espace de
transversalement afin d’obtenir une bonne congruence plaque/vertèbres glissement entre ce ligament et la dure-mère. Cet orifice est ensuite
et d’améliorer la contention. Les trous vertébraux sont réalisés par une agrandi à la pince de Hardy de 1 mm en faisant extrêmement attention à
mèche de 2 mm de diamètre avec un guide de protection permettant un ne pas « talonner » lorsque l’on s’approche des zones les plus
réglage fin de la profondeur de pénétration. Les vis sont des vis compressives. Il est important de trouver le plus rapidement l’espace de
spongieuses de 4 mm, à longueur variable de 10 à 28 mm. Elles sont glissement entre le ligament commun vertébral postérieur et la dure-
autotaraudeuses, mais un taraud accessoire peut être utile pour la mère, car cet espace est avasculaire et permet une résection facile du mur
fixation du greffon iliaque où la corticale peut être plus épaisse. vertébral. Il faut là encore s’ingénier à aller assez loin latéralement pour
Il est important de choisir une plaque de longueur parfaitement adaptée être sûr de la qualité de la décompression. Il faut aussi évidemment
afin que les extrémités de la plaque ne rentrent pas en contact avec les parfaire la décompression sur les zones les plus compressives notées sur
vertèbres adjacentes, ce qui entraîne une détérioration rapide des disques le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) préopératoire.
adjacents à l’arthrodèse. Il peut exister un saignement veineux en général latéralisé lié au
saignement des veines épidurales. Cela est souvent un témoin de la bonne
La technique du vissage bicortical mérite d’être précisée. Il n’est pas
décompression. Si l’hémostase n’est pas possible à l’électrocoagulation
nécessaire de perforer la corticale postérieure à l’aide de la mèche et il
bipolaire, on utilisera du Surgicelt placé latéralement dans le canal.
faut se souvenir, qu’au milieu de la vertèbre, l’incurvation du mur
postérieur du corps vertébral par rapport à ces parties latérales rend ce Une jauge de profondeur contrôle la longueur des vis qui seront utilisées
mur plus antérieur. et permet le réglage de la mèche de 2 mm. On mesure la longueur du
greffon et éventuellement on met le patient plus en extension qu’il
Un contrôle d’amplificateur de brillance est ainsi logique.
n’était, ce qui facilitera l’introduction du greffon, le vissage étant alors
En revanche, l’insertion des vis perforera la corticale postérieure du réalisé une fois le patient mis en flexion.
corps vertébral. Au moment du serrage final des vis, il est important de Le prélèvement du greffon sera cette fois bicortical, respectant soit la
prévenir tout dérapage du tournevis qui pourrait alors glisser entre le corticale interne, soit la corticale externe de l’os iliaque. Le greffon est
greffon et les murs latéraux des corps vertébraux réséqués. retaillé pour s’adapter parfaitement à l’encoche réalisée dans les
vertèbres adjacentes à la corporectomie. On peut introduire le greffon
Corporectomie subtotale (fig 4) en force mais de façon très progressive afin d’éviter toute pénétration de
ce greffon au contact de la moelle épinière.
L’installation et l’incision sont les mêmes que précédemment, une Puis, le patient sera remis en tête légèrement en flexion afin d’assurer
double discectomie est réalisée de la même manière. Le corps vertébral une compression au niveau du greffon.
à enlever sera réséqué au moteur à fraise rotative. L’autre technique consiste à préfixer le greffon sur la plaque par une vis
Il suffit de perforer la corticale antérieure à l’aide de la fraise et ensuite de longueur 12 puis à l’introduire dans l’espace préparé à cet effet, la
d’évider le corps vertébral. On affine ensuite les plateaux vertébraux plaque prévenant toute pénétration excessive du greffon. La fixation se
supérieurs et inférieurs de la vertèbre concernée. fait comme précédemment.
Ceux-ci sont finalement enlevés à la pince à disque. Le port de la minerve est conseillé pendant 2 mois.
On avive ensuite les plateaux vertébraux des vertèbres adjacentes sur
lesquels sera secondairement insérée la greffe. L’ensemble de ces gestes
est préférablement réalisé avant l’exérèse du mur vertébral postérieur Corporectomie multiple (fig 5)
afin de protéger la moelle de tout traumatisme. Le mur vertébral
postérieur est progressivement affiné jusqu’à devenir le plus pellucide. L’installation et l’incision sont les mêmes. L’incision est plus étendue
Un crochet à ostéophyte est inséré sur la ligne médiane dans la partie que précédemment en fonction du nombre d’étages. Lorsqu’elle
page 4
Techniques chirurgicales TECHNIQUE DE DÉCOMPRESSION MÉDULLAIRE PAR VOIE ANTÉRIEURE 44-186
À L’ÉTAGE CERVICAL
remonte jusqu’au niveau C2, pour la fixation, il est nécessaire d’obliquer l’utilisation de la cire de Horsley dès qu’une zone ne devra plus être
l’incision à 2 cm sous le rebord du maxillaire inférieur afin de préserver retouchée contrôle facilement ce problème. En revanche, le saignement
la branche descendante du nerf facial. veineux qui vient du corps vertébral par sa partie postérieure ne se tarira
Les discectomies sont réalisées comme précédemment. qu’à la fin de la décompression. Lorsque l’on a atteint le ligament
Les corporectomies sont réalisées étage par étage, là encore comme vertébral commun postérieur, il faudra s’attacher, grâce à l’utilisation
précédemment. d’une coagulation bipolaire, à réaliser l’hémostase. L’ablation du
ligament vertébral peut également être source de saignement. Il faudra,
Une corporectomie à quatre niveaux est la longueur maximale à ce moment-là, recommencer avec une coagulation bipolaire. On peut
réalisable. Au-delà, il est plus facile de s’orienter vers une également glisser une pellicule de Surgicelt le long de la dure-mère à sa
décompression par voie postérieure. partie latérale où le saignement apparaît. Cette hémostase est importante
Le greffon est plus souvent tricortical dans cette intervention, afin car elle peut entraîner, si elle n’est pas faite correctement, un risque
d’améliorer la stabilité primaire du montage. d’hématorachis. Lorsqu’une traction a été mise en place, il est important
Il ne doit pas occuper l’ensemble de la largeur de la tranchée réalisée afin de réaliser le vissage après ablation des poids de la traction afin que le
de permettre le drainage éventuel d’un hématome épidural qui, lorsqu’il greffon soit en compression, ce qui facilite sa consolidation.
est compressif, peut entraîner des troubles neurologiques majeurs. L’introduction du greffon dans la gorge préparée peut parfois poser des
Le saignement est souvent plus abondant, et dans ces corporectomies problèmes et il peut exister un risque de glissement de ce greffon vers la
multiples il est prudent de prévoir une récupération peropératoire du moelle épinière. Afin d’éviter ce risque, on peut préfixer ce greffon sur
saignement. la plaque dans sa partie moyenne et les extrémités de cette plaque
empêcheront le glissement du greffon vers les cordons médullaires.
Le reste de la technique est similaire aux autres interventions.
Si, pour des raisons techniques, la mise en place de la plaque antérieure
Le port de la minerve est souvent prolongé jusqu’au troisième mois est impossible et que le greffon n’arrive pas à avoir une stabilité
postopératoire. spontanée suffisante, on peut se contenter de déposer les greffons broyés
dans la tranchée réalisée. En laissant le patient en décubitus dorsal sous
traction pendant 3 semaines, puis immobilisé par une minerve pendant
Sécurité technique lors de ces interventions 2 mois, on obtiendra une arthrodèse satisfaisante. Nous préférons broyer
et leurs remèdes ce greffon plutôt que de le laisser monobloc car il existe, lors des
manipulations, un risque de délogement de ce greffon dans la migration,
L’événement le plus gênant lors de l’intervention peut être un que ce soit en avant ou en arrière, qui serait source de conséquences
saignement veineux ou osseux. Lorsque le saignement est osseux, graves.
Références ➤
page 5
44-186 TECHNIQUE DE DÉCOMPRESSION MÉDULLAIRE PAR VOIE ANTÉRIEURE Techniques chirurgicales
À L’ÉTAGE CERVICAL
Références
[1] Bailey RW, Badgley CE. Stabilization of the cervical [6] Gallagher MR, Maiman DJ, Reinartz J, Pintar F, Voga- [10] Ryken TC, Goel VK, Clausen JD, Traynelis VC. As-
spine by anterior fusion. J Bone Joint Surg 1960 ; 42A : nandan N. Biomechanical evaluation of Caspar cervi- sessment of unicortical and bicortical fixation in a qua-
565-594 cal screws: Comparative stability under cyclical load- sistatic cadaveric model: Role of bone mineral density
ing. Neurosurgery 1993 ; 33 : 1045-1051 and screw torque. Spine 1995 ; 20 : 1861-1867
[2] Bohler J. Anterior plate stabilization for fracture-
[7] Maiman DJ, Pintar FA, Voganandan N, Reinartz J, To- [11] Sénégas J. Fractures et luxations récentes du rachis
dislocations of the lower cervical spine. J Trauma
selli R, Woodward E et al. Pull-out strength of Caspar cervical sans trouble neurologique. Rev Chir Orthop
1979 ; 20 : 203-205 1972 ; 58 : 353-361
cervical screws. Neurosurgery 1992 ; 31 : 1097-1101
[3] Cloward RB. Treatment of acute fractures and fracture [12] Sénégas J. L’arthrodèse antérieure du rachis cervical
dislocations of the cervical spineby vertebral body fu- [8] Robinson RA, Smith GW. Anterolateral cervical disc re- inférieur. Acta Orthop Belg 1991 ; 57 (suppl 1) :
sion. J Neurosurg 1961 ; 18 : 201-209 moval and interbody fusion for cervical disc syndrome. 108-114
Bull Johns Hopkins Hosp 1955 ; 96 : 223-224
[4] Cloward RB. The anterior approach for removal of rup- [13] Simmons EH, Bhalla SK. Anterior cervical discectomy
[9] Ryken TC, Clausen JD, Traynelis VC, Goel VK. Biome- and fusion. J Bone Joint Surg 1969 ; 51B : 225-237
tured cervical discs. J Neurosurg 1958 ; 15 : 602-617
chanical analysis of bone mineral density, insertion [14] Verbiest H. Anterolateral operations for fractures and
[5] Cloward RB. Complications of anterior cervical disc technique, screw torque, and holding strength of ante- dislocations in the middle and lower parts of the cervi-
operation and their treatment. Surgery 1971 ; 69 : 175- rior cervical plate screws. J Neurosurg 1995 ; 83 : cal spine. Report of a series of forty-seven cases. J
182 324-329 Bone Joint Surg 1969 ; 51A : 489-530
page 6
Chirurgie du disque intervertébral
Résumé
Résumé. - Une hernie discale peut se voir à chaque étage du rachis et son traitement chirurgical
diffère selon le niveau atteint. Pour chaque segment, les techniques les plus courantes sont
exposées.
Au niveau du rachis cervical, deux techniques sont décrites : l'excision discale par voie antérieure
avec arthrodèse intersomatique et ostéosynthèse et la libération radiculaire par abord postérieur.
Le traitement des hernies discales dorsales repose sur une voie d'abord antérolatérale transpleurale.
La technique standard de discectomie lombaire est exposée, suivie d'une description des techniques
adaptées aux cas particuliers que sont les hernies médianes et latérales et les récidives.
Plan
Introduction
Hernie discale cervicale
Hernie discale dorsale
Hernie discale lombaire
Haut de page
Introduction
La chirurgie du disque intervertébral concerne tous les gestes qui sont effectués sur le disque.
Cependant, nous nous sommes limités à la chirurgie de la hernie discale, laissant de côté les
arthrodèses intersomatiques lombaires. De même dans les voies d'abord, nous nous sommes limités
à l'essentiel, renvoyant pour les détails à l'article de Lassale et al [11].
Haut de page
La chirurgie du disque intervertébral cervical fait le plus souvent appel à un abord antérieur du rachis
[21]. La technique la plus répandue est celle décrite par Smith et Robinson [19] et c'est elle que nous
décrirons. La voie d'abord postérieure a des indications très restreintes et n'est que peu utilisée en
raison de ses risques neurologiques. Enfin il faut souligner l'intérêt de la chimionucléolyse cervicale
dans le traitement des hernies molles. Malgré une utilisation encore réservée à quelques centres, sa
fiabilité en fait une technique d'avenir.
Voie antérieure
Installation
Le patient est installé en décubitus dorsal, le cou maintenu en légère extension grâce à un coussin
glissé sous les omoplates. La tête est fixée en rotation neutre ou modérée du côté opposé à la voie
d'abord. Le choix du côté de l'abord dépend du niveau à opérer : au-dessous de C5, il faut préférer
une voie gauche, le nerf récurrent étant moins vulnérable de ce côté ; au-dessus de C5, l'abord peut
se faire indifféremment à gauche ou à droite. Si une arthrodèse est prévue, la crête iliaque antérieure
sera préparée du même côté.
Voie d'abord
C'est une voie pré-sterno-cléido-mastoïdienne prévasculaire. L'incision cutanée est transversale dans
un pli du cou en cas d'abord d'un seul disque, ou bien longitudinale si plusieurs étages doivent être
exposés. Un repérage radiographique préalable permet de centrer l'incision. Après exposition de la
face antérieure du rachis, une aiguille placée dans un disque permet de vérifier radiologiquement le
niveau. Le ligament vertébral antérieur est ensuite incisé longitudinalement sur la ligne médiane, puis
décollé de la face antérieure des corps vertébraux à l'aide d'une rugine et désinséré de la périphérie
du disque au bistouri. Il faut veiller, lors de ces manoeuvres, à ne pas léser les disques sus- et sous-
jacents (fig 1).
Discectomie
La moitié antérieure de l'anulus est excisée au bistouri fin (fig 2), puis la discectomie est complétée à
l'aide d'une pince à disque et d'une curette. La totalité du disque doit être ainsi retirée jusqu'au
ligament commun postérieur en arrière et d'un uncus à l'autre latéralement. Cette excision discale est
facilitée par l'utilisation du distracteur de Caspar, vissé dans les corps vertébraux adjacents (fig 3).
Chaque plateau vertébral est ensuite avivé à l'aide d'une curette ou d'une fraise en ayant soin de
respecter l'os sous-chondral (fig 4).
L'intervention sur le disque intervertébral peut alors soit s'arrêter après ce temps de discectomie, soit
le plus souvent être complétée par une arthrodèse intersomatique.
Arthrodèse intersomatique
L'avivement des plateaux vertébraux doit permettre d'obtenir deux surfaces planes et parallèles.
Un greffon tricortical est prélevé sur la crête iliaque antérieure homolatérale. Son épaisseur
correspond à la hauteur de l'espace intersomatique en distraction, qui est habituellement de 8 mm.
Sa profondeur doit être telle que sa face antérieure soit en retrait de la corticale antérieure des corps
vertébraux, d'environ 2 mm, sans faire saillie dans le canal rachidien.
La position du greffon dans l'espace préparé doit être strictement médiane. Une fois le distracteur
relâché, le greffon doit avoir une stabilité parfaite (fig 5).
Ostéosynthèse [6]
Elle n'est pas systématique mais elle est le plus souvent associée à l'arthrodèse. Son but est de
prévenir l'effondrement ou l'expulsion du greffon. Elle permet de plus de se passer de contention
externe rigide.
L'ostéosynthèse est effectuée à l'aide d'une plaque vissée dans les corps vertébraux adjacents (fig
6). Sa position doit être précise, à cheval sur l'espace arthrodésé et strictement médiane. Elle est
préalablement cintrée pour épouser la lordose cervicale. Le trajet des vis est préparé à la pointe
carrée ou à la mèche. Certains recommandent de passer la corticale postérieure du corps vertébral
afin d'améliorer la tenue du montage et d'éviter la mobilisation secondaire des vis [22]. Dans ce cas,
la perforation de la corticale postérieure doit évidemment se faire avec la plus grande prudence.
Fermeture
Après mise en place d'un drain aspiratif, le muscle omohyoïdien est réparé s'il a été sectionné, puis le
peaucier du cou est suturé par des points séparés. La fermeture cutanée se fait à l'aide d'agrafes ou
d'un surjet intradermique.
Soins postopératoires
Une contention par collier mousse est suffisante en cas d'ostéosynthèse. Sinon, il faut immobiliser le
rachis cervical par une minerve à appui mentonnier, occipital, sternal et dorsal haut pendant une
durée de 2 mois (la consolidation radiologique de l'arthrodèse est habituellement acquise à cette
date). Une corticothérapie postopératoire de courte durée est utile pour éviter l'oedème trachéal et
laryngé.
La voie d'abord postérieure, dans la chirurgie du disque cervical, doit être réservée à l'ablation d'une
hernie discale molle en situation postérolatérale. C'est une technique d'indication rare.
Installation
Le patient est installé en décubitus ventral, la tête fixée sur une têtière en U. L'absence de
compression des globes oculaires doit être soigneusement vérifiée. La table est légèrement inclinée
Voie d'abord
Un cliché radiographique permet de repérer l'étage concerné. L'incision cutanée est strictement
médiane, centrée sur cet étage. L'abord est ensuite unilatéral, permettant d'exposer l'espace
interlamaire et les deux lames adjacentes jusqu'au massif articulaire.
Le canal rachidien est exposé par voie interlamaire en excisant le ligament jaune (fig 7). L'abord
intracanalaire est ensuite élargi à l'aide d'une pince emporte-pièce, aux dépens des lames adjacentes
et de la partie médiale du massif articulaire (fig 8). Le bord latéral de la moelle cervicale est alors
visible, ainsi que la racine qui s'en écarte transversalement.
Ablation de la hernie
La racine est prudemment refoulée vers le haut ou vers le bas et la hernie peut alors être découverte
sous la forme d'un séquestre exclu qui est extrait à la pince à disque (fig 9). En cas de hernie sous-
ligamentaire, le ligament commun vertébral postérieur est incisé transversalement au bistouri fin, de
dedans en dehors, et l'ablation se fait de la même façon grâce à la pince à disque, sans curetage
discal complémentaire.
Fermeture
Elle se fait plan par plan sur un drainage aspiratif, en prenant soin de suturer en deux plans les
muscles de la nuque.
Soins postopératoires
La contention cervicale n'est pas nécessaire. Le drain est retiré au deuxième ou troisième jour et
l'ablation des fils est faite avant le huitième jour.
Ces indications sont les névralgies cervicobrachiales par hernie discale molle, sans déficit moteur
important. Il s'agit d'une technique récente dont l'usage est encore limité mais dont les résultats sont
très encourageants.
Haut de page
Hernie discale dorsale
Les hernies discales dorsales sont des lésions rares dont le traitement chirurgical est rendu difficile
par la vulnérabilité de la moelle dorsale et la situation anatomique du rachis dorsal.
Nous décrirons l'excision des hernies dorsales par voie d'abord antérolatérale [3], qui permet une
exposition large tout en limitant les risques de traumatisme médullaire.
Installation
Le patient est installé en décubitus latéral et l'opérateur se place à sa face dorsale. Le côté de la voie
d'abord sera de préférence à droite pour éviter la proximité du coeur et de l'aorte.
Voie d'abord
Le pédicule de la vertèbre sous-jacente est réséqué à la pince emporte-pièce (fig 12), ce qui permet
d'exposer la dure-mère, la face antérieure du canal rachidien et la hernie.
Excision discale
La portion latérale de l'anulus est incisée (fig 13) et le disque est excisé partiellement à l'aide de
pinces à disque et de curettes, en laissant intacte une fine épaisseur en arrière. L'espace
intersomatique est élargi vers le haut et le bas aux dépens des corps vertébraux adjacents à l'aide
d'une fraise (fig 14). Cela doit permettre d'obtenir une cavité ouverte latéralement et limitée en arrière
par la corticale postérieure des deux vertèbres et par la partie postérieure du disque. La corticale
postérieure de chaque vertèbre est progressivement amincie, jusqu'à ce qu'il soit possible d'effondrer
cette paroi à l'intérieur de la cavité, grâce à une spatule glissée à la face antérieure de la dure-mère
(fig 15). Cette spatule doit être placée sans aucune mobilisation de la moelle et permet de disséquer
les adhérences entre la dure-mère et le ligament vertébral postérieur. La partie postérieure du disque
est ainsi repoussée vers l'avant et peut être réséquée en même temps que les fragments corticaux,
sans risque de lésion médullaire. Le ligament vertébral postérieur est ensuite excisé, ce qui permet
de contrôler la qualité de la décompression jusqu'au foramen controlatéral. L'excision des hernies
dorsales est rendue difficile par leur fréquente calcification.
Arthrodèse intersomatique
Elle n'est pas systématique mais sera réalisée dans tous les cas où une résection osseuse large a
été nécessaire. Elle fait appel soit à un greffon iliaque tricortical, soit à des segments de la côte
réséquée, encastrés longitudinalement dans la cavité intersomatique (fig 16).
Fermeture
La plèvre prérachidienne est refermée puis, après réexpansion du poumon, la plèvre pariétale est
suturée sur deux drains thoraciques. La paroi est ensuite suturée plan par plan.
Soins postopératoires
La station debout est autorisée dès l'ablation des drains thoraciques, sous couvert d'un corset
maintenu 3 mois si une arthrodèse a été réalisée.
La même technique d'excision discale est réalisable par constotransversectomie qui a l'avantage
d'être une voie extrapleurale mais offre une exposition plus limitée que la voie antérolatérale.
Les voies d'abord postérieures (par laminectomie ou pédiculectomie) offrent un jour très limité sur les
lésions qui se situent en avant de la moelle, et entraînent un risque accru de complications
neurologiques [20].
Haut de page
Hernie discale lombaire
Les hernies discales lombaires sont, dans la grande majorité des cas, situées dans le canal rachidien
en position postérolatérale ou médiane. Leur traitement chirurgical repose alors sur un abord
postérieur médian, le plus souvent unilatéral. Les hernies latérales, foraminales ou extraforaminales,
plus rares, pourront être traitées soit en élargissant cette voie d'abord, soit en ayant recours à une
voie postérolatérale extraforaminale. La place de la chimionucléolyse mérite d'être soulignée. Sa
simplicité et son innocuité en font une technique de première intention dans un grand nombre de cas
[2].
C'est la voie d'abord utilisée pour le traitement chirurgical des hernies discales lombaires médianes et
postérolatérales.
Installation
Le patient est installé en décubitus ventral sur un billot thoracique, hanches et genoux fléchis à 90°.
Cette position permet d'éviter un excès de pression abdominale, cause de saignement, et d'obtenir
une réduction de la lordose lombaire. L'étage à opérer est repéré par un cliché radiographique de
profil. L'opérateur se place du côté de la racine comprimée.
Voie d'abord
L'incision est médiane, verticale, centrée sur l'étage en cause. Sa longueur peut être limitée à
quelques centimètres chez un sujet maigre. L'abord du rachis est unilatéral du côté de la
compression et expose les deux lames adjacentes jusqu'au massif articulaire. Les ligaments
surépineux et interépineux doivent être scrupuleusement respectés. Un écarteur contrecoudé à
pointe est appuyé sur la face latérale du massif articulaire et permet de refouler en dehors les
masses musculaires (fig 17).
L'abord intracanalaire se fait par voie interlamaire en excisant le ligament jaune. Celui-ci doit être
parfaitement vu et pour cela débarrassé du tissu graisseux qui le recouvre. L'éclairage du champ
opératoire doit être parfait, éventuellement complété par l'utilisation d'une lampe frontale.
Le ligament jaune est sectionné, à l'aide d'un bistouri fin, longitudinalement près de la ligne médiane
puis transversalement au ras de son insertion sur le bord supérieur de la lame sous-jacente (fig 18).
Ce geste doit être effectué avec prudence afin d'éviter une brèche de la dure-mère. Avant de le
sectionner transversalement, il est prudent de glisser une spatule mousse à la face profonde du
ligament jaune et de le soulever au fur et à mesure de son incision à l'aide d'une pince à griffe fine.
Le coin inféromédial étant soulevé, l'excision peut être effectuée à l'aide d'une pince emporte-pièce
ou poursuivie au bistouri. Il est souvent nécessaire, et d'autant plus que la hernie est haut située [8],
d'élargir cet abord interlamaire aux dépens des lames adjacentes et de la partie médiale du massif
articulaire (fig 19). Au niveau L5-S1, l'espace interlamaire se trouve en regard du disque et la racine
S1 est visible dans son trajet extradural ; l'abord interlamaire en L4-L5 permet d'exposer l'origine de
la racine L5, au-dessous de l'espace discal, qui est situé partiellement devant la lame de L4. Il faut
donc dans ce cas élargir l'abord vers le bas afin de suivre la racine, et vers le haut pour voir le
disque. Ce geste est effectué à l'aide d'une pince emporte-pièce après libération des adhérences de
la dure-mère par une spatule mousse.
Elle est conduite à l'aide de spatules mousses et d'une canule d'aspiration de petit diamètre. La
graisse et les veines épidurales sont refoulées en dedans et l'exploration doit permettre de voir la
racine et de repérer la hernie. Le bord externe de la racine doit être identifié et parfaitement exposé
et un complément de résection osseuse est parfois nécessaire latéralement.
Il est possible qu'une veine épidurale saigne ; son hémostase est obtenue par coagulation bipolaire
ou de préférence par tamponnement.
Après avoir repéré le bord externe de la racine, celle-ci peut être doucement refoulée vers la ligne
médiane afin d'exposer le disque (fig 20). Le plus souvent, la hernie se trouve en position
postérolatérale, en avant ou légèrement en dehors de la racine qu'elle refoule.
Si le ligament commun postérieur est intact, il est incisé en regard du disque à l'aide d'un bistouri fin,
soit longitudinalement, soit transversalement de dedans en dehors (fig 21). L'ablation de la hernie
peut alors se faire grâce à une pince à disque (fig 22).
Si le ligament est rompu et qu'il existe un fragment discal en voie d'exclusion, celui-ci est retiré à la
pince à disque par des manoeuvres douces évitant toute traction sur la racine. Dans ce cas,
l'exploration intracanalaire doit être poursuivie, à la recherche de fragments discaux exclus et migrés.
L'ablation de la hernie permet habituellement de mobiliser plus facilement la racine vers la ligne
médiane et de procéder sans risque à l'évidement discal. Celui-ci est systématique et doit être le plus
complet possible pour éviter le risque de récidive. Il est mené à l'aide de pinces à disque, droites et
angulées, maniées prudemment pour ne pas perforer le ligament commun vertébral antérieur en
avant duquel cheminent les gros vaisseaux (fig 23). Il est inutile et même nocif de cureter les
plateaux vertébraux et l'évidement discal peut être considéré comme complet lorsque la pince à
disque ne ramène plus de matériel discal.
Avant la fermeture, la liberté de la racine est contrôlée en la mobilisant doucement avec une spatule.
Si la racine reste peu mobile, il faut rechercher une compression résiduelle et notamment la présence
d'un fragment discal exclu. Il est également possible qu'une compression radiculaire d'origine
osseuse soit associée, dans le canal au niveau du récessus latéral ou dans le foramen. Il est dans ce
cas nécessaire de compléter la libération radiculaire par une arthrectomie partielle comme dans le
cas d'une sténose latérale, ou par une foraminotomie.
Fermeture
L'aponévrose est suturée par des points séparés sur un drain aspiratif. Les plans sous-cutané et
cutané sont fermés par des points séparés ou pour ce dernier par un surjet intradermique.
Soins postopératoires
Cas particuliers
La hernie en situation médiane se trouve à la face antérieure du sac dural et refoule la racine en
dehors et en arrière. Elle n'est donc pas visible au bord externe de celle-ci. Le disque doit être
abordé, comme pour une hernie postérolatérale, en dehors de la racine et le ligament incisé de la
même façon. L'évidement discal est conduit de dehors en dedans et permet de réduire
progressivement le volume de la hernie. Le sac dural et la racine peuvent alors être mobilisés plus
facilement et l'incision du ligament peut être prolongée en dedans. En cas de hernie sous-
ligamentaire, le fragment discal sera extrait sans difficulté. En revanche, en cas de hernie
transligamentaire ou exclue, le fragment doit être retiré sans soulever le sac dural et la racine. Il est
extrait à l'aide d'une pince à disque après avoir été abaissé dans l'espace discal correctement évidé.
Il est parfois impossible de mobiliser convenablement la racine ou le sac dural malgré un évidement
satisfaisant. Il ne faut alors pas hésiter à faire un abord controlatéral qui permettra selon la même
procédure de compléter l'excision du disque et d'explorer la totalité de la face antérieure du sac dural.
Un abord bilatéral est également nécessaire en cas de hernie médiane exclue de gros volume ou si
l'exploration par voie unilatérale n'a pas permis d'extraire le fragment discal responsable de la
compression. Enfin, en cas de syndrome de la queue de cheval, l'abord intracanalaire sera d'emblée
bilatéral.
Une hernie exclue ou en voie d'exclusion est parfois située en dedans de la racine, dans son aisselle.
La racine est refoulée en dehors et le risque est alors de la confondre avec une hernie en situation
postérolatérale.
C'est de nouveau insister sur la nécessité de parfaitement exposer la racine avant d'entreprendre un
geste sur le disque ou la hernie.
Le second risque dans ce type de hernie consiste à tenter d'extraire le fragment discal à travers
l'aisselle de la racine. Cette manoeuvre peut en effet, en cherchant à faire passer un gros fragment
entre le sac dural et la racine, entraîner des lésions radiculaires irréversibles. Il faut donc toujours
aborder le disque en dehors de la racine et procéder comme pour une hernie postérolatérale ou
médiane en débutant par l'évidement discal. Le sac dural et la racine sont progressivement refoulés
vers la ligne médiane jusqu'à ce que le fragment discal soit visible. Il peut alors être saisi par une
pince à disque, en dehors de la racine, et extrait latéralement.
Hernies latérales
Les hernies en situation foraminale ou extraforaminale posent un problème pour le choix de la voie
d'abord. Elles ne sont en effet pas toujours accessibles par voie interlamaire et leur ablation peut
nécessiter un abord extraforaminal. Il est donc important de disposer d'un bilan par imagerie de
bonne qualité permettant de situer avec précision la topographie de la hernie. Il faut d'autre part
rappeler qu'une hernie latérale comprime la racine qui quitte le canal par le foramen adjacent (racine
L5 pour une hernie L5-S1). La difficulté du traitement chirurgical de ces hernies est due à la nécessité
de décomprimer la racine dans son trajet foraminal sans compromettre la stabilité rachidienne. Il faut
pour cela éviter les sacrifices osseux excessifs aux dépens des apophyses articulaires et des isthmes
[4]. Deux voies d'abord, pouvant être associées, permettent l'ablation des hernies latérales : la voie
postérieure médiane élargie et la voie extraforaminale. L'arthrectomie totale est une solution de
dernière intention.
- Voie médiane élargie [5] : l'abord des hernies latérales par voie intracanalaire peut se faire de façon
unilatérale mais un abord bilatéral permet une vision plus oblique et une meilleure exposition de la
hernie et de la racine dans le foramen. Pour la même raison, l'opérateur se place du côté opposé à la
hernie.
- Après avoir ouvert le canal rachidien selon la technique déjà décrite, la racine comprimée doit être
exposée en réséquant la moitié inférieure de la lame sus-jacente puis, obliquement, la partie
antéromédiale du massif articulaire. L'exposition de la racine dans son trajet foraminal nécessite de
poursuivre cette résection oblique aux dépens de la face postérieure du foramen. Si la hernie est
exclue dans le foramen, elle est découverte pendant cet abord et retirée à la pince à disque. En cas
de hernie sous-ligamentaire, le disque est incisé dans le foramen et le fragment est retiré à la pince à
disque. La discectomie est ensuite effectuée de façon classique.
- Cette voie d'abord permet l'ablation des hernies foraminales mais ses limites, si l'on veut éviter un
sacrifice osseux et articulaire excessif, rendent difficile (voire impossible en cas d'exclusion) l'ablation
des hernies extraforaminales. Il faut alors recourir à la voie extraforaminale.
- Voie extraforaminale : elle peut être pratiquée indifféremment par voie d'abord médiane ou par voie
postérolatérale transmusculaire de Wiltse. Cette dernière n'est néanmoins possible qu'en cas de
hernie extraforaminale pure car elle ne permet pas d'exploration intracanalaire.
- L'abord est unilatéral du côté de la hernie et doit permettre d'exposer les apophyses transverses
des vertèbres sus- et sous-jacentes, le bord externe de l'isthme et la face externe du massif
articulaire (fig 24). Il est ainsi possible de voir le ligament intertransversaire et le bord externe du
ligament jaune. Ces deux structures limitent un espace par lequel sort un pédicule vasculonerveux
constitué de la branche dorsale de l'artère dorsospinale et de la branche dorsale du nerf rachidien.
Cet espace est élargi latéralement en excisant le ligament intertransversaire. Pour exposer l'orifice
externe du foramen, il est nécessaire de réséquer la partie inféromédiale de l'apophyse transverse
sus-jacente (fig 25) afin de libérer l'insertion tendineuse du psoas, puis le bord latéral du ligament
jaune. Ce dernier forme la paroi postérieure du foramen et c'est donc en avant que chemine le nerf
rachidien, au sein de tractus fibreux qu'il faut sectionner. Pour cela, une spatule est glissée le long de
la face postérieure de la racine et le tissu fibreux est incisé à l'aide d'un bistouri fin. La racine peut
alors être écartée latéralement donnant ainsi accès au disque et à la hernie (fig 26). Celle-ci est
habituellement un fragment exclu qui est retiré à l'aide d'une pince à disque (fig 27). Une incision de
l'anulus permet ensuite de compléter l'excision discale.
- Arthrectomie totale [5] : elle doit être réservée aux cas où l'abord extraforaminal est impossible,
notamment au niveau L5-S1 qui est parfois trop encastré dans le bassin, et aux difficultés
d'exposition par les voies d'abord précédentes.
- L'arthrectomie se fait de dedans en dehors à partir d'un abord interlamaire élargi et permet
l'exposition de la racine comprimée depuis son origine jusqu'à sa portion extraforaminale.
- Le risque de déstabilisation qu'entraîne ce geste rend nécessaire une arthrodèse postérolatérale
[9].
Devant la récidive d'une sciatique après un traitement chirurgical, il est avant tout nécessaire
d'apporter la preuve de son origine discale (scanner ou imagerie par résonance magnétique avec
injection de produit de contraste, discoscanner).
Le traitement chirurgical d'une récidive reprend les mêmes principes que la chirurgie de première
intention mais quelques détails l'en distinguent.
La voie d'abord doit souvent être plus large que pour une première intervention, et il est parfois utile
d'exposer les deux gouttières paravertébrales.
L'abord du canal rachidien doit débuter en zone saine, à distance de l'espace interlamaire. Le site de
la précédente intervention est recouvert d'un tissu fibreux cicatriciel (fig 28) qu'il ne faut pas chercher
à exciser en raison du risque de brèche de la dure-mère ou de plaie radiculaire. Il faut repérer les
berges de l'espace interlamaire (lames adjacentes et bord médial du massif articulaire) et le canal est
abordé à distance de ces berges à l'aide d'un ciseau gouge ou d'une fraise. Une fois la dure-mère
exposée en zone saine, l'exposition du canal progresse doucement vers la zone cicatricielle en
alternant la libération des adhérences par une spatule fine et la résection osseuse à l'aide d'une
pince emporte-pièce (fig 29). La racine doit être exposée de la même façon en zone non cicatricielle
puis prudemment libérée de ses adhérences. La hernie et le disque peuvent être alors exposés par le
bord externe de la racine (fig 30) et l'évidement discal est effectué de la même façon que dans la
chirurgie standard. La fibrose épidurale est très fréquente ; elle est plus ou moins marquée ; il ne faut
jamais chercher à l'exciser, car sa responsabilité dans les symptômes est quasi nulle ; son excision
partielle peut être nécessaire pour exposer le disque ou la racine.
Techniques particulières
Microdiscectomie [16]
L'excision des hernies discales lombaires est pratiquée par certains chirurgiens sous microscope,
permettant de réduire la taille de la voie d'abord. L'utilisation du microscope est également proposée
pour l'excision de hernies latérales par voie postérolatérale [14]. On peut toutefois se demander si le
problème est bien posé.
Vidéochirurgie
Le traitement chirurgical des hernies lombaires par discectomie sous contrôle endoscopique est une
technique récente, permettant le contrôle visuel de l'excision discale par un abord percutané. Il ne
s'agit pas encore d'une technique de routine et sa supériorité par rapport aux autres techniques
percutanées reste à démontrer.
L'excision discale par voie antérieure a été proposée pour le traitement des hernies discales
lombaires, soit par abord transpéritonéal, soit par abord rétropéritonéal. Elle est complétée dans ce
cas par une arthrodèse intersomatique. C'est une technique actuellement peu utilisée en raison des
complications liées à la voie d'abord et de l'absence de supériorité des résultats par rapport aux
techniques utilisant la voie postérieure.
Elle est effectuée sous anesthésie générale ou locale avec neuroleptanalgésie, en décubitus latéral.
L'aiguille est introduite par voie postérolatérale sous contrôle de l'amplificateur de brillance. L'injection
de la chymopapaïne (2 000 à 4 000 unités) se fait après la discographie qui permet de vérifier la
bonne position de l'aiguille, le caractère pathologique du disque et l'absence de fuite vasculaire ou
intradurale.
Nucléotomie percutanée
Elle consiste à réaliser l'évidement discal par voie percutanée, en introduisant les instruments par un
abord postérolatéral sous contrôle de l'amplificateur de brillance.
Cette technique n'a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à la nucléolyse, dont elle partage
les indications. Revel a même trouvé, dans une étude randomisée comparant la nucléotomie
percutanée automatisée et la chimionucléolyse, des résultats significativement meilleurs après
nucléolyse [18].
Références Bibliographiques
[1] Bauer R, Kerschbaumer F, Poisel S. Techniques en chirurgie orthopédique. Tome 1 : Rachis.
Paris : Masson, 1993
[3] Bohlman HH, Zdeblick TA Anterior excision of herniated thoracic discs. J Bone Joint
Surg 1988 ; 70A : 1038-1047
[5] Epstein NE Different surgical approaches to far lateral lumbar disc herniations. J Spinal
Disord 1995 ; 8 : 383-394
[7] Hanley EN, Delamarter RB et al. Surgical indications and techniques. In : The lumbar spine. The
international society for the study of the lumbar spine. Philadelphia : WB Saunders, 1996 : 492-
524
[8] Krämer J A new classification of lumbar motion segments for microdiscotomy. Eur Spine
J 1995 ; 4 : 327-334
[9] Kunogi J, Hasue M Diagnosis and operative treatment of intraforaminal and extraforaminal nerve
root compression. Spine 1991 ; 16 : 1312-1320
[11] Lassale B, Guigui P, Delecourt CH. Voies d'abord du rachis. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-150, 1995 : 22 p
[12] Mayer HM, Brock M Percutaneous endoscopic discectomy : surgical technique and preliminary
results compared to microsurgical discectomy. J Neurosurg 1993 ; 78 : 216-225
[13] Melvill RL, Baxter BL The intertransverse approach to extraforaminal disc protrusion in the
lumbar spine. Spine 1994 ; 19 : 2707-2714
[14] O'Brien MF, Peterson D, Crockard HA A posterolateral microsurgical approach to extreme lateral
disc herniation. J Neurosurg 1995 ; 83 : 635-640
[15] Onimus M, Destruelle N, Gangloff S Le traitement chirurgical des hernies discales cervicales.
Abord antérieur ou abord postérieur ? Rev Chir Orthop 1995 ; 81 : 296-301
[16] Pierron D, Robine D. Microdiscectomie lombaire conservatrice. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-185, 1990
[17] Polack Y, Lassale B. Nucléolyse cervicale. Communication aux journées du rachis de l'hôpital
Beaujon, Paris, 1996
[18] Revel M, Payan C, Vallée C, Laredo JC, Lassale B, Roux C , et al. Automated percutaneous
lumbar discectomy versus chemonucleolysis in the treatment of sciatica. A randomized
multicenter trial. Spine 1993 ; 18 : 1-7
[19] Smith GW, Robinson RA The treatment of certain cervical spine disorders by anterior removal of
the intervertebral disc and interbody fusion. J Bone Joint Surg 1958 ; 40A : 607
[20] Stillermann CB, Martin HW Management of thoracic disc disease. Clin Neurosurg 1992 ; 38 : 325-
352
[21] Vital JM, Pointillart V et al. Les hernies discales cervicales molles. In : Rachis cervical dégénératif
et traumatique. Cahiers d'enseignement de la SOFCOT, vol 48. Paris : Expansion Scientifique
Française, 1994 : 152-159
[22] Vital JM, Pointillart V et al. Voie d'abord et fixations antérieures du rachis cervical bas (C3 à C7).
In : Rachis cervical dégénératif et traumatique. Cahiers d'enseignement de la SOFCOT, vol 48,
Paris : Expansion Scientifique Française, 1994 : 64-73
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
A. Distracteur de Caspar. B. Distracteur de Caspar vissé dans les corps vertébraux. Mise en distraction de l'espace
intersomatique.
Fig. 4
Excision des ostéophytes antérieurs. Curetage du disque et avivement des plateaux vertébraux.
Fig. 5
Fig. 6
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
Ablation de la hernie. La racine est écartée prudemment vers le haut. Hernie discale dorsale.
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
Fig. 13
Excision discale.
Fig. 14
Réalisation à la fraise de la cavité postérolatérale, aux dépens des corps vertébraux adjacents.
Fig. 15
Fig. 16
Fig. 17
Coupe transversale du rachis lombaire montrant la position de l'écarteur contrecoudé, appuyé sur la face latérale du
massif articulaire.
Fig. 18
Fig. 19
Fig. 20
Fig. 21
Fig. 22
Ablation de la hernie.
Fig. 23
Excision discale.
Fig. 24
Voie extraforaminale. Exposition du bord latéral de l'isthme et de la face latérale du massif articulaire.
Fig. 25
Fig. 26
Fig. 27
Fig. 28
Fig. 29
Fig. 30
Le sac dural et la racine sont refoulés en dedans. La fibrose est laissée en place, sans tentative d'excision.
Résumé
Les traitements orthopédiques des déviations rachidiennes de l'adolescent ont récemment connu
d'importants bouleversements. Ces traitements, qui se limitaient autrefois à des techniques « lourdes
» associant plâtres et corsets contraignants, étaient appliqués systématiquement à toutes les
déviations, sans distinction pronostique. D'indiscutables excès thérapeutiques ont été commis, dont
la critique est aujourd'hui facile, compte tenu des progrès accomplis dans la connaissance de
l'évolution naturelle des scolioses.
La période actuelle est marquée par un sentiment de doute et une tendance au rejet des traitements
orthopédiques [16]. Ce scepticisme a pu être influencé par le refuge vers un traitement chirurgical
plus performant et plus sûr, mais aussi par un contexte psychosocial en profonde mutation, moins
enclin à subir des traitements contraignants pendant la période tourmentée de l'adolescence. La
réponse à ces interrogations nous paraît être une proposition de traitements plus éclectiques, « à la
carte », en harmonie avec le nouveau visage de la scoliose . Ainsi, à côté des traitements
traditionnels réservés aux cas difficiles et évolués, se développent des méthodes nouvelles utilisant
des matériaux originaux et des protocoles à temps partiel [19], adaptés aux scolioses souples et à
faible angulation que produit un dépistage de plus en plus précoce. Nous avons choisi de décrire en
détail ces techniques orthopédiques « médicalisées », réalisables intégralement en milieu hospitalier,
avec un équipement réduit et sans intervenant extérieur. D'autres méthodes, dont nous n'avons pas
d'expérience personnelle, ne seront que brièvement évoquées.
Plan
Bases biomécaniques
Techniques de traction vertébrale
Traitement orthopédique des scolioses
Traitement orthopédique des hypercyphoses
Haut de page
Bases biomécaniques
Les principes biomécaniques sur lesquels reposent les corrections orthopédiques des déviations
rachidiennes ont été établis empiriquement il y a plusieurs siècles. La réduction d'une courbure
rachidienne fait classiquement appel à deux mécanismes : une traction bipolaire axiale,
cervicopelvienne, et une flexion « trois points » associant une ou plusieurs forces transversales
équilibrées par des contre-appuis. Les récents concepts tridimensionnels des scolioses ont ajouté
une dimension « spatiale » à ces principes de correction. L'informatique moderne a permis de
concevoir de nouveaux types de corsets, agissant préférentiellement selon le principe de la détorsion
vertébrale, par déplacement rotatoire de volumes mobilisables.
La colonne vertébrale est une structure viscoélastique. Ceci signifie que si une force lui est
appliquée, la déformation qui en résulte s'accentue en fonction du temps, sans modification de la
force initiale. Le corollaire de cette viscoélasticité est la relaxation : si la déformation obtenue reste
constante, la force appliquée diminue en fonction du temps. Ceci explique les gains successifs de
correction obtenus sur les courbures en interposant des feutres entre le plâtre et une gibbosité. De
même, une tige de détraction vertébrale peut être remise en charge quelques jours après sa mise en
place à la faveur de ce mécanisme de relaxation, qui est responsable de la diminution de la force de
tension entre les crochets. Cette propriété viscoélastique est idéalement exploitée par les tractions
vertébrales qui permettent d'obtenir une déformation, donc une réduction de la courbure, progressive
en fonction de la durée d'application.
Les plâtres et corsets agissent par une combinaison de forces axiales de traction et de forces
transversales exercées par les appuis gibbositaires ou les mains de réduction. White et Panjabi ont
analysé la part respective de ces deux mécanismes (fig. 1). En traction, le moment fléchissant à
l'apex de la courbure est proportionnel à la force appliquée et à la flèche de la déviation. Ce moment
augmente donc selon l'importance de la courbure (fig. 1 A). Pour les forces transversales, le moment
est proportionnel à la distance qui sépare l'apex du point d'application de la force de contre-appui. Ce
moment diminue donc si la déformation augmente (fig. 1 B). La combinaison des deux mécanismes
(fig. 1 C) apporterait donc la meilleure efficacité puisque les fortes déformations seraient plus
accessibles à la traction axiale, alors que les courbures modérées répondraient mieux aux forces
transversales (fig. 2).
Le corset de Milwaukee illustre idéalement cette combinaison d'effets de réduction. Galante a par
ailleurs pu démontrer l'interdépendance des deux principes. Ainsi le mouvement axial
d'autograndissement dans le corset multiplie par 3 la force exercée par les mains réductrices. Au
contraire, un corset court sans superstructure agit exclusivement selon le principe d'une flexion 3
points. Une force transversale est contrée par deux forces opposées. Le système est en équilibre
lorsque la somme des forces et la somme des moments est nulle (fig. 3).
Haut de page
Techniques de traction vertébrale
La traction vertébrale a été mise au point dès 1964 par Cotrel. Elle a pour objectif de soustraire le
rachis à l'action de la pesanteur et de distendre les structures discoligamentaires en exploitant leurs
propriétés viscoélastiques. Elle aurait un effet de préparation et de protection médullaire avant une
correction opératoire.
La traction pelvienne est effectuée par deux boudins de cuir enrobés de mousse de polyéthylène
s'appuyant sur les crêtes iliaques (fig. 4 A, B). Les sangles de fixation se croisent sur la ligne
médiane en avant et en arrière et vont se réfléchir sur une plaque trochantérienne qui agit en relais
de traction. De là, les courroies vont passer au pied du lit pour revenir se fixer sur chacune des
plaques trochantériennes sous légère tension. La traction cervicale est assurée par une fronde
occipitomentonnière (fig. 4 C) ou par un bandeau frontal relié à une sangle occipitale et combiné à
des bretelles axillaires qui libèrent le menton. Une potence est fixée à la tête du lit, munie de deux
poulies. La hauteur des poulies est réglée de manière à incliner l'axe de traction à 40° par rapport au
plan du lit pour soulager l'appui mentonnier qui peut être source de douleurs. Sur la poulie inférieure
passera le filin relié à la têtière et au poids de traction, sur la poulie supérieure passe le filin relié à la
têtière et aux éventuelles sandalettes. La traction débute à 2 kg puis est progressivement augmentée
jusqu'à atteindre 10 % du poids corporel. Pour la traction vertébrale active, le dispositif est complété
par deux sandalettes munies d'anneaux de fixation (fig. 4 D). Un câble et deux poulies de renvoi
transforment l'extension active des genoux en élongation cervicale. Le réglage de la force de traction
est assuré par le raccourcissement progressif du filin à l'aide d'un tendeur qui s'y attache. Le système
peut être muni d'une barre brachiale, la traction complémentaire étant alors obtenue par une poussée
des bras, éventuellement en combinaison avec l'extension des genoux.
De nombreuses techniques de traction vertébrale avec halo ont été décrites . Nous n'utilisons plus
que les tractions par halo-suspension en fauteuil et la traction halopelvienne par sangles. La traction
halofémorale est abandonnée par la plupart des équipes et la traction halopelvienne avec fiches
iliaques est avantageusement remplacée par le halo-plâtre qui est décrit avec les appareils plâtrés.
Le halo crânien est un cercle en acier inoxydable perforé d'orifices taraudés, disponible en trois
tailles. Il est légèrement ovoïde pour s'adapter à la forme du crâne et sa portion postérieure est
déviée à convexité supérieure pour éviter l'appui en décubitus. La fixation se fait par quatre pointeaux
filetés de 6 ou 8 cm, dont la pointe est acérée et évasée en périphérie (fig. 5 A).
La surveillance du halo doit être rigoureuse pour éviter de redoutables complications. Les pointeaux
ne doivent être resserrés qu'une seule fois, 24 à 48 heures après leur pose. La survenue de douleurs
et d'un écoulement témoignent d'un pointeau mobile. Si la partie non filetée du pointeau disparaît
dans le cuir chevelu, il ne faut pas resserrer davantage pour éviter une pénétration de la table interne
qui pourrait occasionner une complication infectieuse intracrânienne. En cas de doute, il est
préférable de retirer le pointeau et d'en replacer un dans un orifice adjacent. Des radiographies
tangentielles et un scanner peuvent aider à apprécier le degré de pénétration du pointeau [32].
Le halo crânien a de multiples usages. Sans entrer dans le détail des indications qui ne font pas
l'objet de ce chapitre, nous citerons quelques applications de tractions par halo en préparation de
traitements orthopédiques ou chirurgicaux. Le halo peut être utilisé en traction monopolaire, par
exemple en suspension assise en fauteuil roulant (fig. 6 A). La traction s'effectue par des poids reliés
au halo par l'intermédiaire d'une poulie. Ce système permet une autonomie de déplacement du
patient (fig. 6 B) et peut être alterné avec une traction nocturne en décubitus, le lit étant placé en
position inclinée pour assurer un contrepoids efficace. Le halo s'utilise également en traction
bipolaire, non plus en halo fémoral ou halo pelvien, mais avec un système de sangles comparable à
celles utilisées pour la traction vertébrale active (fig. 6 C). Chez le petit enfant, une contre-traction sur
les membres inférieurs par bande collante peut être utilisée, éventuellement de manière unilatérale
pour corriger une obliquité pelvienne. Ce montage est particulièrement utile après un premier temps
opératoire de libération ou d'ostéotomie, en préparation du deuxième temps de fixation. Le montage
est alors souvent maintenu en peropératoire.
Haut de page
Traitement orthopédique des scolioses
Dérivée du plâtre d'Abott (1911) et de Risser (1953) [31], la technique du plâtre EDF (élongation,
dérotation, flexion latérale) a été mise au point par Cotrel et Morel en 1964 [7]. Tout en ayant subi
quelques modifications, cette méthode constitue aujourd'hui encore le principe de fabrication de la
plupart des plâtres et corsets utilisés pour traiter les scolioses.
- une forte élongation par traction longitudinale permettant une « ouverture » des courbures dans le
plan frontal et sagittal, par désencastrement des articulaires concaves ;
- une dérotation par appui costal ou transversaire en regard de la gibbosité ;
- une flexion latérale, adoptée du « turnbuckle cast » de Risser, qui complète la correction angulaire.
Avec l'expérience, quelques nuances et modifications ont été progressivement apportées au concept
EDF. L'élongation est beaucoup plus modérée que par le passé, ne dépassant plus 15 à 20 kg, ce
qui la rend beaucoup plus supportable par le patient et n'altère aucunement la correction globale.
L'appui sur les côtes convexes provoque un étirement des ligaments costotransversaires, sans
véritable effet de dérotation vertébrale. La pression gibbositaire exercée par le plâtre corrige donc
surtout par modelage thoracique, sans modifier substantiellement la rotation. Enfin, la flexion latérale
a été abandonnée par la plupart des équipes. Elle avait pour inconvénient d'écraser le thorax et de
verticaliser les côtes, d'amplifier les courbures compensatrices et de solliciter de manière
asymétrique les muscles paravertébraux, compte tenu du déséquilibre provoqué.
Matériel
La réalisation du plâtre est habituellement précédée d'une courte préparation orthopédique par
traction vertébrale active et nocturne, associée à une rééducation respiratoire pour anticiper la perte
de capacité vitale. La réduction se fait sur un cadre d'Abott modifié par Cotrel, qui permet d'effectuer
l'élongation et les dérotations par des bandes manipulables par un seul opérateur. Ce cadre
comporte (fig. 7 A) :
- six barres longitudinales de hauteur différente qui tournent sur leur axe par un dispositif à cliquets.
Les bandes de dérotation sont fixées par des douilles mobiles ;
- six barres transversales qui permettent la mise en tension de la bande hamac, des bandes
pelviennes droite et gauche, de la bande de suspension des membres inférieurs, et de la traction
cervicale par l'intermédiaire d'un tambour réglable latéralement et en hauteur ;
- deux rails métalliques transversaux de faible largeur qui servent d'appui au sacrum et à la nuque ;
- une bande de toile de 16 cm de large qui est tendue au milieu du cadre. Elle a pour rôle de
supporter le patient avant la mise en place de la traction cervicopelvienne.
La traction est assurée par une fronde occipitomentonnière munie d'un dynamomètre et par des
bandes de toile pelviennes. La dérotation est réalisée à l'aide de bandes de toile disponibles en deux
largeurs et d'une bande « à trois chefs » qui assure le rééquilibrage thoracique.
Le matériel plâtré comporte quatre à six bandes circulaires de 15 cm et des attelles thoraciques
découpées dans des bandes de 60 cm. Nous utilisons ainsi deux attelles antérieures et deux attelles
postérieures de quatre épaisseurs chacune, avec une échancrure pour le cou ménageant des
épaulettes latérales (fig. 7 B).
Installation
Nous prendrons comme type de description une scoliose double majeure thoracique droite et
lombaire gauche. Le patient, dont on vérifie la vaccination antitétanique, est habillé de deux
chemisettes en jersey, l'extérieure adhérant au plâtre, l'intérieure pouvant être changée en cours de
traitement (fig. 7 C). Des feutres sont alors placés aux endroits stratégiques. Certains ont un but de
protection, comme sur les crêtes iliaques, et seront laissés en place. D'autres doivent ménager des
espaces d'expansion et seront retirés après dessiccation du plâtre.
Le patient s'allonge sur le cadre qui le supporte par les rails transversaux et la bande hamac. La
fronde occipitomentonnière est positionnée ainsi que les bandes de traction pelviennes. Celles-ci se
croisent sur la ligne médiane en marquant le pince-taille et sont reliées de chaque côté en regard du
grand trochanter à des sangles reliées au dispositif de traction. Les membres inférieurs sont placés
dans un anneau de suspension en cuir permettant un contrôle de la lordose lombaire par le degré de
flexion imposé aux hanches. Cette flexion est habituellement modérée, de l'ordre de 30° (fig. 7 D). Le
bras convexe est posé sur la barre longitudinale médiane, la main du côté concave peut prendre
appui sur la poignée mobile, l'épaule en abduction de 60°. Cette position peut faciliter la dérotation de
l'épaule convexe en cas de courbure haute. L'élongation est amorcée au niveau des bandes
pelviennes, alternativement à droite et à gauche pour obtenir un équilibre pelvien parfait (fig. 7 E, F).
Le dynamomètre permet de doser l'importance de l'élongation, qui doit être comprise entre 10 et 20
kg.
Réduction
Dans l'exemple choisi, trois bandes de dérotation seront utilisées. Leur placement et leur tension sont
d'une importance capitale pour doser judicieusement les différentes composantes de leur action :
translation latérale, dérotation et effet sur l'équilibre sagittal (fig. 8A, B, C, D).
La bande de dérotation lombaire doit être étroite pour ne pas appuyer sur les côtes inférieures du
côté gauche. Elle s'applique sur la convexité gauche de la courbure lombaire et son chef inférieur est
tiré horizontalement vers la droite sous le tronc. Son chef supérieur est tendu verticalement en
passant au-dessus de la crête iliaque gauche. La résultante de son action ouvre l'angle iliolombaire
gauche, repousse l'apex vers la ligne médiane et dérote la composante lombaire de la courbure. Le
chef vertical est capital pour le réglage de la lordose. La bande de dérotation thoracique est plus
large que la précédente et se place au contact de la gibbosité droite, dans ses deux tiers inférieurs.
Le chef inférieur est dirigé horizontalement vers la gauche, en passant sous le thorax. Le chef
supérieur est tendu verticalement à droite, ou mieux obliquement vers la droite et le dehors. Il faut en
effet éviter à tout prix un appui excessif sur la partie latérale du thorax, ce qui verticaliserait les côtes
sans effet de dérotation. L'appui doit être exclusivement postérieur pour avoir un effet modelant sur la
gibbosité. Le placement de la bande doit impérativement englober la pointe de l'omoplate pour éviter
un appui sous-scapulaire excessif. La résultante de cette bande doit éviter une perte de cyphose
thoracique, elle a par ailleurs tendance à remonter l'épaule convexe, mouvement qui sera contrarié
par le chef supérieur de la bande axillaire.
La bande axillaire à trois chefs s'applique dans l'aisselle gauche, le point de jonction des bandes
étant situé en regard de l'épineuse de la vertèbre neutre supérieure. Elle doit assurer la contre-
traction et contre-rotation pour équilibrer l'action de la bande précédente. Deux chefs sont affectés à
la traction horizontale qui se fait obliquement vers le haut et la droite. Le troisième chef vertical
gauche provoque une rotation antérieure gauche et empêche la chute du haut du tronc et
l'accentuation de la lordose thoracique. Si un tel effet est souhaité, cette bande peut assurer la flexion
latérale de la technique EDF originale (fig. 8 D).
Après placement des bandes, il convient de vérifier le bon alignement de la tête, des ceintures
scapulaire et pelvienne, dans le plan frontal et sagittal. L'action des bandes dérotantes relâche un
peu la traction axiale, ce qui peut nécessiter des réajustements. Il peut être utile de déplacer la
traction cervicale légèrement vers l'avant pour respecter la cyphose thoracique.
Stagnara [32] a relevé cet effet pervers de la technique EDF sur l'équilibre sagittal : les forces de
traction et de contre-traction s'équilibrent bien dans le plan frontal, mais les dérotations ne sont
obtenues que par des forces verticales ascendantes, donc lordosantes à l'étage thoracique. Le
contrepoids n'est assuré que par le poids du sujet et un peu par la traction longitudinale. Or les
dérotations ne peuvent être efficaces que s'il persiste une cyphose thoracique, il faut donc veiller à
corriger ces défauts lors de la confection du plâtre.
Nous avons adopté la méthode préconisée par Cotrel, consistant à placer les bandes de dérotation
après l'application du plâtre. Cette technique permet un modelage plus harmonieux des zones
d'appui et la tolérance au plâtre s'en trouve améliorée. Après positionnement des bandes de
dérotation sur le jersey, des repères de tension sont marqués sur leur chef vertical ainsi que sur le
chef horizontal supérieur de la bande axillaire, qui seront détachés au moment du passage du plâtre.
La manoeuvre nécessite l'assistance de trois personnes pour être suffisamment rapide, et peut être
facilitée par plusieurs répétitions du placement correct des bandes. Dès que les bandes ont été
détachées, deux bandes plâtrées circulaires de 15 cm sont passées autour du jersey. Le pince-taille
est soigneusement modelé. Deux attelles larges de 60 cm sont alors positionnées en avant et en
arrière du tronc (fig. 9 A). Deux personnes maintiennent leurs bords en tension pour les étaler
transversalement avant leur application. Les épaulettes des deux attelles se rejoignent. La même
manoeuvre est répétée avec deux autres attelles, ce qui représente huit épaisseurs de plâtre de
chaque côté. Le plâtre est terminé en passant 2 ou 3 circulaires de 15 cm. Les bandes de dérotation
sont alors immédiatement repositionnées et remises en tension conformément au réglage initial (fig.
9 B, C, D). Pendant la prise du plâtre, un modelage manuel est effectué, en particulier au niveau du
pince-taille, des appuis gibbositaires, du contre-appui axillaire entre les reliefs du grand pectoral et du
grand dorsal. Un appui cyphosant dorsal supérieur peut être aménagé, en appliquant le haut du
plâtre jusqu'à la base de la nuque, surtout du côté concave.
Après verticalisation du patient, les berges du plâtre sont régularisées (fig. 9 E, F, G).
- En bas, l'appui sus-pubien est conservé, des « lunules » sont découpées latéralement pour
permettre la flexion des cuisses en position assise. En arrière, l'appui descend jusqu'au sacrum pour
éviter des mouvements de bascule antéropostérieure du bassin.
- En haut et en arrière, le plâtre doit envelopper le rachis thoracique et les omoplates. En avant, il faut
conserver l'appui sur le manubrium sternal et la moitié interne des clavicules. L'auvent cervical
concave peut être conservé en cas de courbure cervicothoracique.
Les fenêtres d'expansion sont découpées après dessiccation du plâtre. En arrière, la fenêtre
thoracique est dans le cas présent située à gauche. Son bord interne trace une ligne verticale entre
les vertèbres neutres supérieure et inférieure. En haut et en bas, les bords de la fenêtre sont
parallèles à obliquité costale. En dehors, la fenêtre s'arrête sur la ligne axillaire pour éviter
l'horizontalisation costale qui ferait perdre l'effet de la dérotation. En lombaire, la fenêtre droite est de
plus petite taille. Elle doit permettre le passage des feutres de correction successive positionnés
entre le plâtre et la convexité paraspinale gauche.
En avant, une large fenêtre thoracoabdominale est découpée qui conserve les indispensables contre-
appuis au niveau du manubrium sternal, de la face interne des clavicules et de la moitié externe des
auvents chondrocostaux. Ces auvents font contre-appui aux pressions postérieures du plâtre et
évitent une lordose thoracolombaire excessive. Cette découpe peut être asymétrique si un appui
modelant sur une saillie costale concave est souhaité. En bas, la fenêtre s'arrête à deux travers de
doigt au-dessus de l'ombilic, ce qui maintient l'abdomen inférieur et évite une ptôse gastrique qui peut
favoriser la fermeture de la pince mésentérique. Toutes les berges du plâtre sont alors
soigneusement renforcées.
Le plâtre EDF pour scoliose double majeure qui a été pris pour exemple est applicable à toutes les
localisations scoliotiques.
Une scoliose thoracique pure (fig. 8 A) est réduite sans bande de dérotation lombaire, le contre-appui
étant assuré par les bandes de maintien du bassin. Une simple fenêtre thoracique est découpée.
Si la courbure est thoracique gauche, les bandes doivent bien entendu être placées en direction
inverse. Les courbures lombaires et thoracolombaires (fig. 8B, C) sont traitées selon le même
principe. Il faut toutefois veiller à ne pas aggraver une contre-courbure sus-jacente par une flexion
latérale excessive. Pour cela la bande de dérotation doit avoir son bord supérieur placé en regard du
sommet de la gibbosité, et non pas plus haut pour éviter une translation de la courbure sus-jacente.
En cas de difficultés, il est quelquefois préférable de traiter ces courbes comme des doubles
majeures.
Les scolioses avec bassin oblique sont difficiles à équilibrer et le résultat est souvent décevant, en
particulier si la scoliose est malformative. L'angle iliolombaire peut être ouvert par une traction
symétrique sur les crêtes iliaques, en combinaison avec une translation latérale du tronc vers la
convexité de la courbure primitive pour horizontaliser L5. Dans d'autres cas ceci peut être obtenu par
une traction asymétrique qui cherche à abaisser l'aile iliaque du côté de la concavité pour tenter
d'horizontaliser le sacrum. La rééquilibration du tronc et la correction de la contre-courbure sus-
jacente sont effectuées par l'adjonction d'une bande de dérotation sur la moitié inférieure de la
courbure compensatrice et d'une bande à trois chefs sur la partie supérieure de cette courbure.
La protection des points d'appui sera assurée par des feutres placés au niveau de l'appui mentonnier
et de l'appui occipital avec un recouvrement latéral. Un feutre d'expansion prétrachéal sera retiré
après confection du plâtre.
Après confection du plâtre EDF, deux attelles transversales et cinq attelles longitudinales sont
utilisées. Les attelles transversales sont disposées en avant et en arrière en se rencontrant au niveau
des angles du maxillaire inférieur. Un moulage soigneux des branches horizontales du maxillaire, de
la région sous-mentonnière et de la courbure cervico-occipitale est effectué. Les attelles
longitudinales sont ensuite placées symétriquement des deux côtés. En avant, l'attelle part de la
région occipitale, se recourbe sous la branche horizontale du maxillaire pour se réfléchir sous le
menton et terminer sa course dans la zone sous-axillaire opposée. En arrière, l'attelle part de la
région rétro-auriculaire, rejoint la ligne médiane sous le sommet de l'occipital, se réfléchit en bas
jusqu'à la partie inférieure du rachis cervical pour terminer sa course dans la région sous-axillaire. La
dernière attelle longitudinale est placée en circulaire du menton à la région occipitale.
Plâtres postopératoires
L'évolution des instrumentations rachidiennes, plus fiables et plus stables que par le passé, a fait
chuter les indications de contentions plâtrées postopératoires. Parmi ces appareils de contention, le
halo-plâtre garde une place importante, pour stabiliser les interventions libératrices de la charnière
crâniocervicale.
Lorsque la contention plâtrée est indispensable en période postopératoire immédiate, elle est
habituellement assurée par une coquille postérieure qui a pu être confectionnée avant l'intervention.
Le plus souvent, le plâtre est réalisé en différé, avant la fin de la première semaine. Nous restons
fidèles à une installation en décubitus, sur cadre de Cotrel ou lit Stricker. D'autres équipes réalisent
ce plâtre en position debout, sous légère suspension cervicale. En décubitus, la traction
occipitomentonnière est très douce, uniquement destinée à obtenir un bon alignement. Le dos est
soutenu par une planchette de contreplaqué qui repose sur les rails transversaux. Les bandes de
dérotation sont remplacées par des bandes de soutien modérément tendues. Des feutres protègent
les zones d'appui et le site d'abord chirurgical. Le plâtre est réalisé selon la technique classique en
soignant tout particulièrement les appuis manubrial et sacré pour éviter tout mouvement
antéropostérieur. Les cicatrices chirurgicales rachidienne et iliaque devront être facilement
accessibles.
Plâtre d'élongation
Le plâtre d'élongation a été imaginé par Stagnara [32] en 1958 pour assurer une distraction lente et
progressive des déviations rachidiennes, en préparation d'une contention orthopédique ou d'un
traitement chirurgical secondaire. Ce dispositif reste d'une grande utilité pour la préparation
préopératoire de cyphoscolioses instables en cours de dislocation, potentiellement neuroagressives.
Il est composé de deux ceintures plâtrées, pelvienne et thoracocéphalique, réunies par deux vis
d'élongation à pas inversés qui permettent leur écartement progressif (fig. 11 A, B).
Le plâtre est réalisé en position debout, dans un cadre permettant une légère suspension. Deux
jerseys munis d'une cagoule pour couvrir la tête sont mis en place. Deux types de feutres sont
positionnés sur le patient. Des feutres d'expansion, qui seront retirés après confection du plâtre, sont
placés au niveau de la région prétrachéale, de la zone pectorale concave et du sacrum. D'autres
feutres de protection resteront adhérents au plâtre. Au niveau pelvien, ils couvrent les crêtes iliaques,
les trochanter et marquent le pince-taille. En cervicocéphalique, ils couvrent la région occipitale, le
cou, la gorge et le menton.
La ceinture pelvienne est réalisée à l'aide de deux bandes circulaires et de deux attelles de six
épaisseurs passant du sacrum au pubis en couvrant les ailes iliaques. Le pince-taille est
soigneusement moulé sur une large surface pour éviter tout excès de pression. En cas de bassin
Les deux ceintures sont reliées par des vis à pas inversé. Elles pénètrent de part et d'autre dans
deux tubes femelles taraudés intérieurement, munis d'ailettes permettant leur fixation au plâtre. Le
patient est placé en légère suspension pour bien positionner les ceintures, puis les vis sont scellées
en regard des lignes axillaires moyennes. Toutes les zones plâtrées inutiles sont alors découpées.
Nous ne recherchons pas l'appui sous-axillaire qui est toujours mal supporté. L'élongation est menée
de manière progressive, au rythme d'un tour par jour. Le patient doit rester capable de dégager la
tête de quelques millimètres et de la mobiliser. Les complications de cette technique restent rares si
les contre-indications sont bien respectées : cyphoses angulaires à sommet raide et irréductible,
sténoses rachidiennes, malformation d'Arnold-Chiari. Un test d'autoélongation préalable permet
d'anticiper ce type de complications neurologiques.
La confection et la surveillance d'un appareil plâtré rachidien se fait idéalement au cours d'une
hospitalisation de quelques jours. Nous avons l'habitude de préparer la réduction plâtrée par une
traction vertébrale de 2 ou 3 jours. Une fois le plâtre terminé, le patient reste hospitalisé pendant au
moins 48 heures. Ceci permet les retouches, l'apprentissage des soins sous plâtre et de la
kinésithérapie d'accompagnement.
- Les escarres sous plâtre. Il convient de vérifier l'absence d'arêtes, de plis ou de déplacements des
feutres. Il faut tenir compte des symptômes décrits par le patient tels que douleurs, tiraillements ou
impression que le feutre colle à la peau. Dans toutes ces circonstances, il est impératif de fenêtrer le
plâtre pour vérifier l'état cutané.
- Les accidents digestifs. La dilatation gastroduodénale est une complication rare mais redoutable,
due à un coude sur le troisième duodénum par pince aortomésentérique. La prévention consiste à
fractionner les repas et à éviter les boissons gazeuses. En cas de survenue des premiers signes, le
patient doit être mis en position genupectorale. Si cette manoeuvre ne suffit pas, il faut évacuer
l'estomac et retirer le plâtre. D'autres complications sont exceptionnelles : perforations gastro-
oesophagiennes, volvulus gastrique ou nécrose ischémique de l'estomac.
Méthodes traditionnelles
Corset de Milwaukee
Mis au point par Blount et Moe [3] en 1954, le corset de Milwaukee reste une orthèse très utilisée, en
particulier pour les scolioses infantiles et juvéniles non accessibles à une orthèse de contact, et pour
certaines localisations thoraciques hautes et cervicothoraciques. Depuis le modèle original, en cuir et
acier, garni d'un anneau sous-mandibulaire, le corset de Milwaukee a connu de nombreuses
modifications et améliorations qui en ont rendu l'acceptation plus facile . Il s'avère toutefois que ce
corset n'est pratiquement plus utilisé pour le traitement des scolioses de l'adolescent, en raison de
ces difficultés d'acceptation.
Le principe du corset de Milwaukee original est double. Il doit assurer une distraction longitudinale
entre la pièce pelvienne et l'anneau occipitomentonnier, ce mécanisme étant obtenu par un
autograndissement actif. Le corset agit également selon un système à 3 points, par l'adjonction de
mains réductrices qui appuient sur les convexités. Il est intéressant de noter qu'au début des années
1960, l'adjonction de ces coussins latéraux était très controversée, tant était grande la confiance dans
la distraction longitudinale. Actuellement tous s'accordent à reconnaître que le système 3 points est
plus efficace que l'élongation, à tel point que de récentes modifications tendent à abandonner
totalement ce principe de distraction, en remplaçant l'anneau occipitomentonnier par une boucle de
rééquilibration cervicale [17].
Elle doit répondre à deux impératifs : assurer un pince-taille efficace et une délordose lombaire. Sa
réalisation est simple et comprend le moulage d'un positif plâtré sur lequel est appliqué un plastique
thermomaléable, chauffé au four à plastique sans vide.
L'enfant est installé, muni de deux jerseys, en position debout dans un cadre de Haglund, les genoux
légèrement fléchis, la lordose effacée, les bras placés sur une barre à la hauteur des épaules (fig. 13
A). Ce moulage peut éventuellement être réalisé en décubitus sur table de Cotrel, les hanches
fortement fléchies pour obtenir une bonne délordose. Des repères sont matérialisés au feutre au
niveau des épines iliaques antérosupérieures (EIAS), du bord supérieur de la symphyse pubienne et
de l'appendice xiphoïde. On mesure les distances entre les deux EIAS, entre la xiphoïde et le bord
supérieur de la symphyse, entre le menton et la xiphoïde, entre le menton et la symphyse pubienne,
la largeur du cou et la distance entre l'angle sous-mentonnier et la protubérance occipitale. Une
attelle de 6 à 8 épaisseurs de plâtre, trouée à chaque extrémité et munie d'une cordelette est
préparée pour marquer le tour de taille. Après humidification, l'attelle est appliquée au-dessus des
crêtes iliaques autour de la taille. Elle est laissée plane en arrière et torsadée en avant et sur les
crêtes. Elle réalise une corde plâtrée qui entoure les EIAS après avoir marqué la taille au-dessus des
crêtes iliaques (fig. 13 B). Des bandes circulaires sont alors passées de la région sous-axillaire
jusqu'au pli sous-fessier, en marquant la région des crêtes iliaques et les trochanters. Les points de
repère sont redessinés à la face externe du plâtre ainsi que des lignes verticales antérieure et
postérieure (fig. 13 C). Le négatif est découpé à la scie à plâtre et immédiatement reconstitué (fig. 13
D). Il est coupé en bas à 25 mm en dessous du sillon sous-fessier, puis le positif est coulé dans le
moule obtenu. Sur ce positif sont tracés les emplacements des mâts postérieurs, à 5 cm de part et
d'autre de la ligne médiane. Tout le plâtre se trouvant en avant du plan défini par le repère xiphoïdien
et les deux EIAS est enlevé à la lime et l'ensemble du positif est lissé en approfondissant les sillons
des crêtes (fig. 13 E). Une bande de feutre ou une avancée plâtrée est placée sur le rebord des
dernières côtes et sur les EIAS pour éviter un excès d'appui. Le matériau plastique préalablement
chauffé est appliqué sur le positif, et les découpes se font selon les points de repère prédéfinis.
Le corset de Milwaukee comprend un mât antérieur dont l'extrémité se fixe sur la ligne médiane à 4
cm au-dessus du pubis, et deux mâts postérieurs séparés de 10 cm. Ils se rejoignent en haut au
niveau de l'appui occipitomentonnier qui comporte un rappel sous-mentonnier préhyoïdien et deux
coussins sous-occipitaux. L'anneau doit se positionner à la verticale de la pièce pelvienne et son
inclinaison doit être de 25° sur l'horizontale. Le rappel sous-mentonnier est formé d'une petite
languette de plastique triangulaire qui prend appui sur les parties molles.
En avant, la découpe doit permettre une flexion des hanches de 90°. En arrière, le plastique doit venir
très bas sur les fesses pour maintenir la correction en délordose. Ainsi, un corset bien réalisé doit
être plus long en arrière qu'en avant et ne peut donc pas tenir debout. Le tablier abdominal doit être
appliqué sur l'épigastre, sans excès pour éviter une cyphose lombaire. Les mâts postérieurs sont
modelés pour que l'enfant puisse se tenir droit confortablement.
Les coussins occipitaux doivent naturellement se placer sous l'occiput sans pousser la tête en avant.
Le point de rappel sous-mentonnier se place à deux travers de doigt des parties molles supérieures
et postérieures, à mi-chemin entre les branches horizontales.
Mains de rappel
Des mains ou coussins latéraux thoraciques et lombaires ainsi qu'une fronde sous-axillaire peuvent
être aménagées sur le corset de Milwaukee pour la correction par effet 3 points des courbures (fig.
13 F). Ces appuis, outre leur effet passif, induisent également une correction active, l'enfant étant
amené à fuir latéralement l'appui gibbositaire.
La main lombaire est habituellement incluse dans la pièce pelvienne. Elle est triangulaire à sommet
supérieur et se positionne sous les côtes flottantes, au-dessus de la crête iliaque, en exerçant un
appui sur les processus transverses. Cette main lombaire est rééquilibrée par la pièce pelvienne et
par la main thoracique. Cette dernière peut par contre créer un déséquilibre malgré la présence de
l'anneau occipitomentonnier. Dans ce cas une fronde sous-axillaire de rééquilibration peut être mise
en place. Les courbures à localisation cervicothoracique sont difficiles à équilibrer malgré cette
fronde. On peut être amené à réorienter le trajet de cette fronde pour abaisser volontairement
l'épaule et compenser ainsi les effets de la charge transversale. Ceci recentre le cou et évite les
conflits avec l'anneau cervical.
Les courbures thoracolombaires nécessitent elles aussi un montage particulier : deux coussins
homolatéraux sont placés, l'un de type lombaire classique, l'autre ovalaire contre les dernières côtes
convexes homolatérales.
La surveillance d'un corset de Milwaukee doit vérifier le maintien du bassin en position rétroversée
ainsi que le bon équilibre frontal et sagittal du rachis. Lorsque la tête est en appui sur les coussins
sous-occipitaux, il faut ménager un espace de deux travers de doigt entre l'appui préhyoïdien et les
parties molles du menton. Enfin l'anneau cervical doit garder son inclinaison de 25 à 30° sur
l'horizontale.
Corset de Boston
Mis au point par Hall [33] en 1973, le corset de Boston est une orthèse « préfabriquée » de traitement
des scolioses lombaires et thoracolombaires de sommet sous-jacent à T10. L'idée originale de Hall
était de réutiliser des pièces pelviennes de Milwaukee pour d'autres patients en les adaptant par des
découpes et par la pose de coussins intérieurs, ce qui évitait le recours à un moulage. L'adjonction
d'une superstructure s'avérait inutile, l'objectif étant de traiter des courbures basses.
Dans son principe, l'orthèse de Boston privilégie la déflexion et la dérotation [8]. Une pression latérale
est exercée de la vertèbre limite basse à la vertèbre sommet. La dérotation est assurée par une
pression tangentielle dirigée en dehors et en avant au niveau des transverses ou de l'arc postérieur
des côtes. Comme dans toute orthèse 3 points, chaque appui latéral doit être équilibré par deux
contre-appuis du côté opposé. De même, la dérotation doit être complétée par un contre-appui au
point diamétralement opposé, et par un dégagement au point symétrique permettant des esquives et
une correction active (fig. 14 A). Ainsi, la dérotation lombaire nécessite la fixation du pelvis en
dessous et la rotation en sens inverse du thorax sus-jacent.
Le module est déterminé selon la morphologie en lordose du sujet, et en mesurant son tour de
poitrine au niveau de l'appendice xiphoïde, son tour de taille et son tour de hanche. Les découpes
sont effectuées en fonction des courbures à traiter et de l'équilibre à obtenir. Le coussin principal,
lombaire ou thoracolombaire est étendu de la vertèbre limite basse à la vertèbre sommet, d'autant
plus latéralement que la courbure est importante. Son épaisseur est choisie en fonction de la
dérotation souhaitée. D'autres coussins secondaires, thoracique, trochantérien et de rotation, peuvent
alors être mis en place. Le coussin trochantérien peut être utilisé en complément du coussin lombaire
pour rééquilibrer le corset. Le corset peut être retravaillé pour créer des zones de pression ou de vide
d'expansion. Il peut être rigidifié localement par des renforts soudés. Tous ces coussins et zones
d'expansion sont placés de telle manière qu'à chaque coussin correspondent un contre-appui au
point diamétralement opposé et un dégagement au point symétrique (fig. 14 C, D, E, F).
Ce corset est donc réalisé sans moulage sur des critères cliniques et radiographiques. Plusieurs
essayages seront nécessaires jusqu'à l'obtention d'un bon équilibre dans le plan frontal et sagittal.
L'adjonction d'un gousset élastique est quelquefois nécessaire en cas de saillie des côtes du côté
opposé au coussin thoracique.
La méthode lyonnaise de traitement des scolioses a été imaginée et développée par Stagnara [32]
dès 1950. Cette méthode a très largement fait la preuve de son efficacité et reste très utilisée, en
particulier pour le traitement des formes sévères et évoluées. Toutefois, les contraintes et les
difficultés d'acceptation que cette méthode occasionne, ainsi que le dépistage plus précoce de
scolioses bénignes à petit angle, ont, dans notre expérience, considérablement réduit la place des
corsets Lyonnais parmi les orthèses que nous utilisons.
Le sujet est revêtu de deux chemisettes en jersey. Le moulage est effectué en position debout, de
préférence face à un miroir. Une légère suspension cervicale est assurée par une mentonnière. Les
mains reposent en avant sur un support de manière à maintenir les avant-bras horizontaux et les
bras en projection antérieure de 30°. Les pieds sont écartés de 15 cm. Lorsque le moulage est
effectué pour une orthèse polyvalve, on demande à l'enfant de hausser les épaules et on recrée
manuellement une cyphose thoracique haute. Six bandes plâtrées sont déroulées de bas en haut,
sans tension. Les crêtes iliaques sont soigneusement marquées avec le bord cubital de la main, ainsi
que les côtes, les clavicules et la pointe de l'omoplate. Les gibbosités sont modelées en évitant de
créer ou d'accentuer une lordose thoracique par un excès d'appui chondrocostal. Les appuis sous-
axillaire et manubrial sont également modelés, en essayant de recréer la cyphose thoracique haute.
Si le moulage concerne une orthèse trois valves, la position de base est la même. Le plâtre est passé
autour du patient depuis le pli fessier en bas jusqu'à la limite supérieure de l'appui thoracique en
haut. Le moulage des mains pelvienne et iliolombaire est réalisé pendant le séchage du négatif.
Après vérification de l'équilibre transversal du tronc, l'enfant réalise un « shift lombaire », avec
translation du côté de la concavité lombaire. L'opérateur exerce un appui avec la main homologue à
la convexité sur les transverses lombaires, alors que la main concave fait contre-appui au niveau de
l'auvent chondrocostal controlatéral. La main pelvienne est ainsi moulée avec ses deux points
d'ancrage : antérieur avec le pouce sous l'EIAS, postérieur en arrière du grand trochanter sous la
crête iliaque. La main iliolombaire est moulée en exerçant une pression opposée à la translation
latérale pour rétablir l'équilibre et la symétrie du pli de la taille.
Dès que le moulage donne au choc le son du bois, la découpe est effectuée, selon un trajet rigoureux
qui facilitera la reconstitution. Ce trajet est en zigzag avec une branche verticale sous-axillaire de
préférence du côté de la gibbosité, une branche oblique vers l'ombilic et une branche verticale en
dedans de l'épine iliaque antérosupérieure. Le moulage est retiré avec précaution et reconstitué à
l'aide d'une bande circulaire. Il est confié au fabricant qui coule le positif. Quelques retouches
peuvent être effectuées, suivant le schéma de prescription du médecin. Pour l'orthèse polyvalve, les
parties à décomprimer seront rechargées au lait de plâtre : région sus-mamelonnaire, EIAS, sacrum,
concavité de la courbure. Les zones à comprimer feront l'objet d'une abrasion à la râpe : région
épigastrique, moignon de l'épaule convexe, gibbosité costale antérieure, gibbosité convexe. Pour
l'orthèse trois valves, le principe est le même, avec recharge au niveau de la lordose lombaire et
abrasion des points d'ancrage de la main pelvienne et de la main iliolombaire pour marquer le pli de
la taille et l'appui sur la crête iliaque. Les différents appuis sont dessinés sur le positif et calqués sur
un papier fort. Ce patron permet de découper des plaques de plexidur « à la forme ». Ces plaques
passées au four à 140° sont appliquées et moulées sur le positif en leurs lieux et place définitifs.
et réglable en hauteur. Il est médian, vertical, fixé en bas sur les barrettes de solidarisation
antérieures des deux valves pelviennes. A la partie supérieure le mât s'arrête sur un appui manubrial
en forme de trèfle. Celui-ci ne doit pas enfreindre le jeu des clavicules et des premières côtes. Son
appui ne doit pas être excessif pour éviter le dos creux. Le mât postérieur est galbé à la demande
pour restituer la cyphose thoracique. Sur ces deux mâts sont fixées les valves d'appui et de contre-
appui.
La valve d'appui thoracique agit sur la surface postérolatérale de la gibbosité. Ses bords supérieur et
inférieur sont découpés parallèlement à obliquité des côtes pour éviter un appui sur les contre-
courbures. Elle doit s'étendre de la vertèbre sommet en haut à la vertèbre limite inférieure en bas.
Son bord postérieur ne doit pas appuyer sur les épineuses pour éviter le dos creux.
La valve de contre-appui axillaire est localisée en regard des 3e, 4e et 5e côtes correspondant à la
vertèbre limite supérieure de la courbure thoracique. Une pelote collée à la valve répartit mieux les
pressions, en veillant à libérer la masse des pectoraux en avant et du grand dorsal en arrière.
Lorsque les côtes de la concavité sont très horizontales, on peut limiter leur action en prolongeant
latéralement la partie inférieure de ce contre-appui sous-axillaire. Cette butée complète alors l'action
de la valve lombaire dans son prolongement supérieur. Le béquillon d'équilibration sous-axillaire
controlatéral ne réalise aucun appui. Il maintient l'équilibre horizontal des épaules.
L'orthèse trois valves a été développée par Michel et Allègre [25] en 1971, pour le traitement des
scolioses thoracolombaires et lombaires. Elle agit en obtenant des réactions de redressement à partir
d'un mouvement de translation du tronc sur le bassin, généré par le corset. L'orthèse comporte trois
mains et deux mâts (fig. 16 A, B, C, D).
La main iliolombaire est située du côté de la convexité de la courbure principale et réalise un appui
mixte, paravertébral et thoracique. Elle a pour rôle de verticaliser la partie basse de la courbure et
d'ouvrir l'angle iliolombaire par abaissement de l'aile iliaque. Elle est limitée en haut par la vertèbre
sommet principale, en bas par le versant supérieur de la crête iliaque, en arrière par la ligne médiane,
en avant elle prend appui sur les côtes flottantes et arrive jusqu'à la ligne médiane.
La main pelvienne sert de contre-appui à la précédente et se situe du côté de la concavité. Elle évite
la bascule du bassin induite par la main iliolombaire et assure la translation du bassin qui amorce la
verticalisation de la portion inférieure de la courbure. Elle est étendue latéralement de l'EIAS au
grand trochanter, en avant jusqu'à la région sus-pubienne en contournant l'EIAS, en arrière jusqu'à la
moitié supérieure de la fesse. Cette main doit déborder la ligne médiane et être suffisamment
étendue en hauteur pour bien immobiliser le bassin.
La main thoracique est située du côté de la concavité de la courbure et constitue l'appui nécessaire
pour verticaliser le segment sus-jacent à L1. Elle doit être limitée en haut par le niveau de la vertèbre
sommet de la courbure compensatrice pour ne pas la déséquilibrer, en bas elle est séparée de la
main iliolombaire par une distance de 2 ou 3 cm, latéralement elle relie la ligne médiane à la ligne
axillaire moyenne.
En plus des critères de surveillance évoqués pour les appareils plâtrés, la tolérance cutanée doit faire
l'objet d'une grande attention compte tenu du caractère potentiellement agressif des appuis. Les
crêtes iliaques et le creux axillaire sont les zones les plus concernées par ces irritations. Des
déformations morphologiques ont été rapportées pour des traitements prolongés : thorax tubulaire,
verticalisation des côtes convexes, dos creux, déformation des auvents chondrocostaux et obliquité
du sternum.
Méthodes nouvelles
Les difficultés d'utilisation du corset de Milwaukee chez les très jeunes enfants ont amené Pous, de
Montpellier, à concevoir une orthèse modifiée, à mâts souples. L'objectif de cette orthèse était de
maintenir une certaine souplesse de mouvements dans le plan antéropostérieur pour faciliter le
travail actif des muscles paravertébraux lors de l'acquisition des courbures sagittales physiologiques.
Cette orthèse devait également éliminer tout risque de traumatisme grave lors d'une chute. La
modification porte sur les mâts et le collier cervical qui sont confectionnés en matériau
thermoplastique léger (fig. 17 A, B, C). Ceci permet une élasticité dans le sens vertical entre la pièce
pelvienne et le collier qui est lui aussi très allégé, souple et élastique, sans aucune contrainte
mandibulaire. Ce corset peut être utilisé jusqu'en période prépubertaire.
La pièce pelvienne est moulée soit en position debout, soit sur cadre de Cotrel lorsque l'enfant est
plus grand. Elle est réalisée en subortholène de 3 mm d'épaisseur afin de conserver une certaine
souplesse et élasticité qui améliorent le confort de l'orthèse. Ses limites sont variables selon la
courbure à traiter. En avant, elle peut monter jusqu'à l'appendice xiphoïde selon l'importance de la
lordose. En arrière, elle enveloppe les omoplates jusqu'à l'épine pour assurer un bon contrôle de
l'équilibre sagittal. L'appui peut être légèrement asymétrique si une correction gibbositaire est
souhaitée. Les mâts sont confectionnés avec la même matière, de 20 à 30 mm de large. Ils sont
vissés sur la pièce pelvienne et courbés à chaud. Leur élasticité va dépendre de l'épaisseur et de la
largeur du polyéthylène ainsi que de l'étendue de la fixation sur la pièce pelvienne. Le collier est
fabriqué en ortholène de 15 à 20 mm de large, fermé par un bouton-pression. Le poids total de
l'orthèse est d'environ 500 grammes et les coûts de fabrication sont très réduits. Les réglages sont
facilement effectués par projection d'air chaud ou changement des prises vissées.
Le corset Body-Jacket a été conçu par Bunnel et McEwen [1] en 1976 à l'Institut Alfred I. du Pont de
Wilmington (Etats-Unis). Le cahier des charges était de réaliser une orthèse de tronc en matériau
plastique thermoformable à basse température pour traiter des scolioses de moins de 40° en
substitution au corset de Milwaukee. L'équipe de l'Institut Saint-Pierre de Palavas, sous l'impulsion de
Pous, Diméglio et Guibal, a introduit cette méthode en France et l'utilise depuis une quinzaine
d'années .
Le grand avantage de cette méthode par rapport aux corsets traditionnels est la médicalisation de sa
fabrication. Le moulage est effectué selon la technique EDF, en position couchée, et la qualité de la
réduction est vérifiée par une radiographie. Le positif non retouché est utilisé pour mouler en contact
total une pièce de plastique thermoformable strictement adaptée à ce moulage en réduction. Le
corset agit par de larges surfaces d'appui et par l'élasticité du matériau qui accentue son efficacité. Le
serrage du corset est assuré par des sangles Velcro ce qui permet de l'adapter aux périodes
postprandiales. Ce principe est donc très différent de celui utilisé pour les corsets classiques où le
moulage est réalisé debout, sans recherche de réduction. L'efficacité dépend alors des mains d'appui
confectionnées par l'appareilleur. Les réglages médicalisés se font ultérieurement à partir d'une
orthèse de fabrication brute.
La confection d'un corset Body-Jacket nécessite 5 à 6 heures de travail et son prix de revient se situe
entre 25 et 30 % de celui d'un corset traditionnel. Le moulage est effectué en décubitus sur table de
Cotrel, selon le principe de l'EDF (fig. 18 A). La réduction, qui doit atteindre au moins 50 % de
l'angulation initiale pour répondre à l'indication de cette méthode, est vérifiée par une radiographie
après passage du plâtre. Le positif est simplement lissé mais très peu retouché, sauf indication
particulière du médecin qui a fait le moulage. Le corset est réalisé en utilisant une plaque d'un seul
tenant de polyisoprène de 3 mm (Orthoplast ou polysar X414A). La plaque est chauffée à 80° sur une
plaque électrique de grande taille, puis appliquée sur le positif à l'aide d'une bande élastique (fig. 18
B). Après durcissement, le corset est approximativement découpé et retiré du positif par ouverture
antérieure, en jouant sur l'élasticité du matériau. Les découpes sont finalisées en fonction du projet
thérapeutique médical. La zone supérieure est adaptée soit en appui manubrial et costal sous-
claviculaire pour le modèle long, soit en appui costal inférieur et sous-mammaire pour le modèle
court. La zone de recouvrement antérieure est de 2 à 3 cm. Les bords sont régularisés à la meule et
recouverts de feutrine. Ce corset fait l'objet de très peu de découpes (fig. 18 C, D). Une fermeture
complémentaire avec appui manubriosternal supérieur est réalisée pour le corset long, à l'aide d'un
verrouillage métallique à emboîtement de type Münster.
Le principe du Body-Jacket peut être repris avec d'autres matériaux plus rigides tels que le
supralène, disponible en épaisseurs variables, lorsqu'une contention plus stricte est recherchée.
Le corset de Strasbourg est une orthèse courte dérivée de celle de Boston, utilisée depuis 1980 pour
le traitement des scolioses souples de l'adolescent. Son originalité réside dans le matériau utilisé
pour sa fabrication : le polyvinyle alcool. Cette mousse poreuse, rigide à température ambiante et
modelable à la vapeur d'eau, permet de mouler le corset directement sur le patient, sans passer par
l'intermédiaire d'un positif plâtré. La réalisation du corset est par ce fait rapide et ne nécessite plus
aucun équipement particulier, ce qui rend sa fabrication possible en service hospitalier, sans
intervenant extérieur. Il est prêt à être porté par le patient après 24 heures d'hospitalisation et toutes
les étapes de sa réalisation ont été contrôlées médicalement.
La réduction des courbures est effectuée en décubitus dorsal, sur table de Cotrel, en reprenant
certains des principes de la technique EDF (fig. 19 A). L'élongation cervicopelvienne est modérée, de
5 à 7 kg pour rester supportable par le patient. Les hanches sont discrètement fléchies pour ne pas
induire une délordose excessive, inutile dans ce contexte de courbures à faible angulation (fig. 19 B).
La restauration de l'équilibre dans le plan frontal est vérifiée par l'alignement de l'axe médian. Le
moulage direct du matériau ne permet pas l'utilisation de bandes de dérotation selon la technique
classique. La bande lombaire est remplacée par une bande élastique « dérotante » appliquée
pendant le durcissement du matériau. La gibbosité thoracique est réduite par le poids du tronc
appuyant sur son sommet par l'intermédiaire d'une planchette horizontale en bois (fig. 19 C).
Le matériau utilisé est une mousse poreuse de polyvinyl-alcool (Fractomed) présentée sous forme de
plaques enroulées de 100 × 60 cm et de 12 mm d'épaisseur. Cette matière est rigide à température
ambiante et se travaille après ramollissement à la vapeur d'eau, en étuve. Cette propriété persiste
quel que soit le nombre de modelages effectué et permet des retouches et des reprises d'appui
illimitées. La température de travail du matériau est compatible avec le contact cutané, par
Le rouleau est ainsi ramolli à l'étuve à 90° pendant 45 minutes (fig. 19 D). La plaque est alors
enroulée autour du tronc du patient qui se soulève légèrement pendant la manoeuvre (fig. 19 E). Le
moulage est effectué à l'aide d'une bande élastique enroulée autour du matériau en cours de
durcissement. Ce mouvement débute autour du pince-taille et remonte progressivement vers la
région thoracique. La traction élastique se fait en sens contraire de la rotation vertébrale lombaire et
l'opérateur accentue cette dérotation de sa main, en reproduisant l'effet obtenu par la bande de
dérotation dans l'EDF classique (fig. 19 F). La planchette en bois modèle l'appui gibbositaire
thoracique. Des repères sont tracés sur les faces antérieure et postérieure de l'ébauche pour en
faciliter la reconstitution. Le sujet est alors détaché de sa traction et verticalisé. Le corset est retiré et
immédiatement reconstitué avant durcissement complet. Le corset de Strasbourg est ainsi une
orthèse « total contact » dont l'effet de correction est obtenu dès le moulage. Cette ébauche peut
néanmoins faire l'objet de corrections complémentaires en ramollissant localement le matériau par jet
de vapeur. Ceci permet de recréer les gestes réalisés habituellement sur le positif par limage du
plâtre. On peut ainsi accentuer un appui gibbositaire ou créer un espace d'expansion du côté opposé
à l'appui (fig. 19 G, H).
La finition du corset est rapide, facile et se fait avec un équipement classique de salle de plâtre.
L'ébauche est séparée en deux hémivalves et les découpes des bords sont effectuées à la scie à
plâtre. La découpe supérieure est asymétrique au niveau axillaire. Le corset remonte haut du côté
opposé à la gibbosité alors qu'il reste au niveau du sommet du côté convexe. S'agissant d'un corset
court, la découpe passe toujours sous les seins. La découpe inférieure est classique, permettant une
flexion libre des hanches à 90°. Une petite fenêtre abdominale est découpée et les deux valves sont
réunies en avant par deux charnières métalliques. La fermeture de l'orthèse se fait par l'arrière, à
l'aide de trois sangles rivetées (fig. 19 I, J, K). Les bords du corset sont émoussés à la meule et
garnis de feutrine. Cette finition est rapide et prend en moyenne moins de 1 heure. Après une nuit de
mise en place en service hospitalier, le corset va pouvoir bénéficier d'ultimes retouches, grâce à la
propriété de ramollissement du matériau par projection de vapeur localisée. De telles retouches
peuvent être nécessaires si des rougeurs cutanées inhabituelles sont mises en évidence ou si l'effet
correcteur du corset est jugé insuffisant. Cette efficacité est jugée en comparant l'angulation initiale à
celle obtenue dans le corset, visualisée par une radiographie en position debout. Cette réduction est
confrontée à la réductibilité théorique établie par les incidences en « bending ». Le corset est alors
prêt à être porté et l'ensemble de la procédure a pu être réalisée pendant une hospitalisation de
moins de 24 heures. Le corset est habituellement renouvelé tous les 6 à 8 mois, en fonction de son
usure et de l'évolution de la croissance. Ce corset est indiqué pour des scolioses de moins de 40°,
réductibles d'au moins 50 % et dont le sommet reste sous-jacent à T7.
Corset CTM
Le corset « Chêneau Toulouse Münster » (CTM) est une orthèse monocoque en polyéthylène
développée par Chêneau , en collaboration avec Matthias, au début des années 1980. Son concept
original, inspiré des principes fondamentaux et toujours d'actualité de Abbott, a pour ambition de
proposer une orthèse de correction principalement morphologique des scolioses, qui mobilise des
volumes sans écraser et sans altérer l'équilibre antéropostérieur. Cette méthode a actuellement la
faveur de nombreux services d'orthopédie pédiatrique , raison pour laquelle nous en présentons ici
les principes, tels qu'ils nous ont été communiqués par l'auteur, puisque nous n'avons à ce jour
aucune expérience personnelle de cette orthèse.
Pour Chêneau, la scoliose consiste en une multitude de petites déformations qui sont soit des reliefs
gibbositaires, soit des méplats concaves. L'aspect morphologique du tronc est déterminant, alors que
la radiographie reste accessoire. Le corset CTM agit sur les déformations du tronc selon un système
3 points. Il crée des pressions centripètes sur les gibbosités qui doivent migrer dans le sens convexe-
concave, et ménage au niveau des méplats concaves des espaces d'expansion très amples pour
recevoir les volumes mobilisés par la correction et par les mouvements inspiratoires.
constituent une ligne de maintien circulaire en anneau contigu asymétrique, appliqué sur les seules
gibbosités. Son asymétrie est agencée de telle sorte qu'en regard de chaque appui, une chambre
d'expansion soit disposée sous forme d'une échancrure à bords retroussés. Cette disposition a pour
but de supprimer tout effet d'étau. Autour des appuis se placent des débords de sécurité qui
prévoient la migration de la gibbosité. Les pièces de liaison et les débords d'appui forment les parois
des chambres d'expansion, qui sont très profondes et larges. Elles doivent avoir la surface de tout le
méplat concave et le corset ne doit entrer en contact avec la peau qu'au niveau des lignes neutres
limitantes entre les zones convexes et concaves. Ainsi la peau d'une zone concave ne doit en
aucune circonstance entrer en contact avec le corset, ce qui constitue l'originalité de la méthode.
Le moulage du corset CTM est réalisé en position assise sur une selle de bicyclette. Le pince-taille
est soigneusement marqué, ainsi que les aisselles qui constituent un repère important pour la
confection du corset. Une importante délordose est recherchée au cours du moulage, ou recréée par
gypsotomie du négatif au niveau de la gibbosité antérieure.
Le positif est alors modifié selon les principes de Chêneau, à l'aide de photographies en miroir,
obtenues en superposant deux vues obliques symétriques dont l'une est inversée. Les gibbosités
sont effacées et creusées pour créer un appui latéral large. A chaque appui gibbositaire
correspondent deux contre-appuis opposés, supérieur et inférieur. Les méplats sont rechargés pour
obtenir des chambres d'expansion larges, permettant la redistribution volumétrique du tronc du
scoliotique. La plaque de polyéthylène est moulée sur le positif et recoupée, en ménageant les
fenêtres, de petite taille en début de traitement.
Le corset terminé est léger, d'un poids de l'ordre de 1 kg. Il s'ouvre en avant sur la ligne médiane et
se ferme en haut par une barrette présternale, en bas par une sangle horizontale et une barrette
oblique (fig. 20 E).
La méthode CTM s'adresse à tous les types de scolioses idiopathiques, dont les formes
topographiques ont été réduites à deux groupes : celles à trois courbures et celles à quatre
courbures. De l'avis même de Chêneau [6], la grande complexité des déformations vertébrales rend
très difficile la standardisation de la méthode par des techniques manuelles. De ce fait, une banque
de données informatiques est actuellement en cours de développement pour limiter la marge
d'erreurs lors de la correction du positif. L'équipe médicale doit simplement déterminer la taille et le
biotype du patient par des mensurations standardisées. Puis elle sélectionne dans la banque le
fichier correspondant au cas clinique et à son biotype.
L'ordinateur fournit alors une silhouette type en trois dimensions qui pourra faire l'objet de
modifications et d'hypercorrections. L'ordinateur fabrique alors le moule prêt au formage.
Haut de page
Traitement orthopédique des hypercyphoses
Les hypercyphoses thoraciques se présentent sous deux formes distinctes par leur étiologie et leur
thérapeutique :
- les hypercyphoses régulières à grand rayon, incluant de nombreux étages vertébraux, représentées
par les attitudes posturales hypotoniques de l'adolescent, et les dystrophies de croissance de
Scheuermann ;
- les hypercyphoses angulaires courtes, incluant peu de segments vertébraux, qui sont le plus
souvent malformatives, plus ou moins combinées à des déformations dans le plan frontal. Elles sont
classées selon leur stabilité et selon la réductibilité de leur apex.
Nous exposerons les techniques plâtrées et orthétiques utilisées pour le traitement des
Le patient est revêtu de deux jerseys et les feutres d'expansion ou de protection sont positionnés. Il
est installé sur la table d'élongation avec un dispositif de traction par sangles pelviennes et fronde
occipitomentonnière. Trois temps de correction sont alors effectués :
- la correction de l'hyperlordose lombaire compensatrice est assurée par la flexion des cuisses sur le
bassin qui entraîne le sacrum en rétroversion ;
- le désengrènement des articulations intervertébrales est obtenu par la traction bipolaire qui restera
modérée pour demeurer supportable par le patient ;
- la réouverture des espaces intervertébraux antérieurs est réalisée par la mise en place d'une bande
de toile positionnée immédiatement en dessous de l'apex de la cyphose. Cette bande remonte sur les
montants latéraux du cadre et permet d'exercer une force verticale ascendante qui réduit la cyphose
(fig. 21 A).
La traction longitudinale est alors réajustée et la correction des deux courbures sagittales est
évaluée.
Les bandes sont alors temporairement retirées et le plâtre est mis en place selon la procédure
détaillée pour les scolioses. Il faudra particulièrement renforcer les zones d'appui et de contre-appui,
en particulier au niveau sternal et paravertébral. Les bandes de toile sont rapidement repositionnées
et tendues comme avant le passage du plâtre. Pendant la dessiccation, les zones d'appui seront
maintenues en bonne position de correction.
Les découpes du plâtre sont alors effectuées. En bas et en arrière, le plâtre restera suffisamment
long pour empêcher les mouvements de bascule antéropostérieure du bassin. En avant, la découpe
est classique pour permettre une position assise non entravée. En haut et en arrière, la découpe
passe par la vertèbre sommet de la cyphose. Il faut souvent découper latéralement la pointe de
l'omoplate pour éviter tout frottement. En avant, la limite sera la fourchette sternale au milieu, alors
que de côté le corset doit envelopper les épaules et plus particulièrement les portions internes des
clavicules. Des fenêtres d'expansion latérales peuvent être découpées. Elles sont étendues de la
ligne axillaire postérieure jusqu'au plastron antérieur. Ce plastron sera assez large pour servir de
contre-appui aux contraintes postérieures, sans entraver pour autant l'expansion thoracique (fig. 21B
et C).
Les indications de stabilisation des hypercyphoses angulaires sont assurées par des plâtres de type
EDF à appui occipitomentonnier, puisque l'appui paravertébral sur la zone cyphotique est dans ce
cas impossible, compte tenu des conséquences cutanées que cet appui occasionnerait. La technique
est identique à celle décrite pour les scolioses. Une fenêtre postérieure est habituellement
confectionnée pour dégager le sommet de la cyphose.
Lorsqu'une réduction de la cyphose est envisagée, elle est habituellement confiée au plâtre
d'élongation de Stagnara [32]. Il faut rappeler que cette technique n'est envisageable que si l'apex de
la cyphose est réductible, dans le cas contraire la distraction se ferait dans les zones adjacentes à un
apex rigide, ce qui peut entraîner une détérioration neurologique par effet chevalet de la moelle sur
l'apex de la cyphose [14]. La technique du plâtre d'élongation a été décrite dans le chapitre consacré
aux scolioses. Cette élongation peut être symétrique, avec des vis placées sur les lignes axillaires, ou
asymétrique avec une charnière postérieure placée en regard du sommet de la cyphose, et deux vis
de détraction antérieures, placées de part et d'autre de la ligne médiane.
Le concepteur du corset de Milwaukee avait imaginé un modèle de son orthèse destiné à traiter les
hypercyphoses réductibles. Comme pour les scolioses, ce corset agit par un double mécanisme
d'élongation cervicopelvienne et de correction directe par effet 3 points. La ceinture pelvienne et la
superstructure sont identiques à celles confectionnées pour les scolioses. Une plaque dorsale
médiane remplace les mains réductrices (fig. 22). Elle exerce un appui postéroantérieur sur le
sommet de la cyphose. Le contre-appui supérieur est assuré soit par le simple anneau cervical en
cas de cyphose très réductible, soit par un appui sternal monté sur ressort pour ne pas entraver la
respiration, lorsque la cyphose est plus raide.
Le corset plexidur anticyphose est moulé en position debout, les cuisses fléchies sur le bassin, les
bras tendus s'appuyant sur un support pour délordoser la colonne lombaire. Le négatif est réalisé en
modelant soigneusement les zones d'appui : le pince-taille, la région épigastrique et ombilicale, le
sacrum, le sommet de la cyphose et le manubrium sternal. Les limites de ce moulage sont :
- dans un premier temps, en bas la région pubienne et le sacrum, en haut le sommet de la cyphose et
la région sous-xiphoïdienne ;
- dans un deuxième temps on demande à l'enfant de se redresser et le moulage est prolongé
jusqu'aux épaules. Après dessiccation, le plâtre est coupé le long de la ligne médiane antérieure et à
la face supérieure d'une épaule. Après reconstitution du négatif, des gypsotomies peuvent améliorer
la délordose ou accentuer l'effet de correction de la cyphose. Le positif est alors coulé et des
corrections complémentaires sont effectuées. L'abrasion des zones à comprimer concerne l'appui
épigastrique, la zone sternale et préhumérale. Le sommet de la cyphose sera modérément abrasé.
La recharge des zones à combler ou à décomprimer concerne la région lombaire, les EIAS, le
sacrum, la région sus-mamelonnaire.
Le corset comporte une pièce pelvienne, deux mâts et une ceinture scapulaire.
La pièce pelvienne est faite de deux valves symétriques qui s'appuient en pince-taille au niveau des
crêtes iliaques et descendent bas sur le sacrum pour maintenir une bonne délordose. Chaque valve
se prolonge en avant sur la région épigastrique et l'ombilic. Le mât postérieur sert de point d'attache
aux valves pelviennes par quatre barrettes. Ce mât reçoit la plaque d'appui postérieure au sommet
de la cyphose. Le mât antérieur sert aussi d'attache aux valves pelviennes et permet l'ouverture du
corset. Un contre-appui sternal garni de mousse est fixé sur ce mât. La ceinture scapulaire solidarise
les deux mâts et comporte deux appuis préscapulaires et deux appuis sous-axillaires qui relient les
mâts par l'intermédiaire de deux bandes métalliques trouées. Ces trous facilitent le réglage de la
force de compression entre le manubrium et le sommet de la cyphose.
Des découpes complémentaires se font au niveau de la ceinture pelvienne pour permettre la station
assise, et au niveau des appuis préscapulaires. Les appuis sternal et préhuméraux ont un rôle de
rappel postural et ne doivent pas être contraignants. La verticalité des mâts ainsi que le contrôle de la
délordose doivent être régulièrement vérifiés, ainsi que la position correcte de la plaque d'appui
postérieure.
Le souci de disposer d'une orthèse de correction des hypercyphoses, réalisable en milieu hospitalier,
sans intervenant extérieur, nous a amené à développer un corset en polyéthylène modelable à basse
température. Ce corset est utilisable pour le traitement des cyphoses posturales de l'adolescent, les
cyphoses de Scheuermann encore réductibles et certaines cyphoses d'origine neurologique.
Le moulage est réalisé en position couchée, selon les principes de l'EDF, avec une toile tendue sous
l'apex de la cyphose et une correction de l'hyperlordose (fig. 23 A, B). Le positif n'est pratiquement
pas retouché (fig. 23 C) et le polyéthylène, d'épaisseur variable en fonction de la rigidité souhaitée,
est appliqué après réchauffement, à l'aide d'une bande élastique. Le corset a des limites inférieures
classiques. En haut il remonte à l'échancrure sternale et appuie latéralement sur la face interne des
clavicules. En arrière, il s'arrête au sommet de la cyphose. Une large découpe antérieure libère la
poitrine et une partie du thorax. En arrière le sommet de la cyphose peut être découpé pour éviter
l'hyperappui, ce qui peut aussi être réalisé par le collage de deux pelotes paramédianes recouvertes
de plastazote. L'ouverture du corset est latérale, le matériau gardant une élasticité suffisante pour la
manoeuvre (fig. 23 D, E).
Parmi les méthodes utilisées pour le traitement des hypercyphoses de l'adolescent, nous donnons
une grande place à un dispositif de rééducation active que nous avons nommé l'orthèse « redresse-
dos ». Cet appareil est dérivé de l'orthèse cervicodorsale DLM 78 mise au point par Picault [27] en
utilisant le principe du collier de Spitzy.
Sa fabrication est rapide et facile. L'appareil comporte une plaque rectangulaire de polyéthylène
recouverte de feutrine. Cette plaque est maintenue par deux sangles de maintien scapulaire et par
une troisième sangle passant sous les auvents chondrocostaux. Sur cette plaque est fixé un mât
vertical qui remonte vers la base de la nuque. Un collier souple de maintien cervical à fermeture
pression est rattaché au sommet du mât (fig. 24 A, B, C). Le dispositif est réglé de manière à
positionner la plaque contre le sommet de la cyphose. Les sangles scapulaires maintiennent les
épaules en arrière en évitant leur enroulement. De même, la sangle sous-thoracique a pour effet de
maintenir la plaque en place en empêchant son ascension. Elle n'a pas de véritable effet de
délordose, ce qui constitue un inconvénient de cette méthode. Enfin, la sangle de rappel cervical
contribue à réduire la cyphose thoracique haute et à amorcer la lordose cervicale. L'appareil n'est
habituellement pas réglé à son serrage maximal lors de la première consultation. Un complément de
réglage est effectué 2 à 3 semaines après la mise en place. Cette méthode, remarquablement bien
acceptée, est surtout réservée aux hypercyphoses posturales hypotoniques de l'adolescent, en
complément d'un programme de rééducation. Encouragés par les résultats observés, nous en avons
étendu les indications à certaines dystrophies de Scheuermann restées souples et réductibles.
Références Bibliographiques
[1] BASSETT GS, BUNNEL WP, McEWEN GD Treatment of idiopathic scoliosis with the Wilmington
brace. J Bone Joint Surg 1986 ; 68A : 602-605
[2] BERGOIN M Quoi de neuf dans la scoliose idiopathique de l'enfant et de l'adolescent. Evolution
ou révolution ? Rev Chir Orthop 1989 ; 75 : 17-22
[3] BLOUNT WP, MOE JH. The Milwaukee brace. The Williams and Wilkins. Baltimore. 1973
[4] CAHUZAC JP, BOULOT J, SALES DE GAUZY J, GAUBERT J. Le corset CTM. In : Blotman F, Bonnel
F, Frerebeau P, Barrault JJ eds. Rachis et appareillage. Springer Verlag. Paris. 1992 ; pp 259-
264
[5] CHENEAU J L'orthèse du tronc dite « de Münster ». Ann Kinesither 1982 ; 9 : 207-213
[6] CHENEAU J. Orthèse de scolioses. Rapport annuel septembre. Communication personnelle. 1994
[7] COTREL Y, MOREL G La technique de l'EDF dans la correction des scolioses. Rev Chir
Orthop 1964 ; 50 : 59-75
[10] DE MAUROY JC, VOUTEY JN. Le traitement orthopédique lyonnais des scolioses. In : Blotman F,
Bonnel F, Frerebeau P, Barrault JJ eds. Rachis et appareillage. Springer Verlag. Paris. 1992 ; pp
307-315
[11] DE MAUROY JC, VOUTEY JN. Technique du moulage orienté des orthèses lyonnaises polyvalves
et trois valves. In : Blotman F, Bonnel F, Frerebeau P, Barrault JJ eds. Rachis et appareillage.
Springer Verlag. Paris. 1992 ; pp 317-321
[15] DURAND Y, RIGAULT , POULIQUEN JC, LE HENAFF JC Détection préopératoire des scolioses
graves par halo céphalique en cadre de marche. Ann Chir Infant 1980 ; 21 : 67-69
[16] EDGAR MA To brace or not to brace. J Bone Joint Surg 1985 ; 67B : 173-174
[17] GARVIN TM, SHURR DG, PATWARDHAN AG. Orthotic treatment for spinal disorders. In : Stuart
Weinstein L ed. The pediatric spine. Principles and practice. Raven Press. New York. 1994 ; pp
1804-1810
[20] GUIBAL C. L'orthèse de Milwaukee dans le traitement des scolioses. In : Caillens JP, Jarrousse Y,
Guibal C eds. Echanges en rééducation. Sauramps Medical. Montpellier. 1989 ; pp 233-237
[21] GUIBAL C, CAILLENS JP, JARROUSSE Y Orthèse de tronc Body-Jacket de Wilmington. Rev
Readapt 1983 ; 11 : 38-40
[22] JARROUSSE Y, ADREY J, POUS JG. Le halo de traction céphalique ; utilisation dans le traitement
orthopédique des déformations rachidiennes. In : Blotman F, Bonnel F, Frerebeau P, Barrault JJ
eds. Rachis et appareillage. Springer Verlag. Paris. 1992 ; pp 275-285
[23] KEHL DK, MORRISSY RT Brace treatment in adolescent idiopathic scoliosis. An update on
concepts and technique. Clin Orthop 1988 ; 229 : 34-43
[25] MICHEL CR, ALLEGRE G, CATON J Les orthèses rachidiennes à 3 et 4 valves dans le traitement
orthopédique des scolioses. Cah Kinesither 1984 ; 106 : 7-13
[26] OLLIER M. Technique des plâtres et corsets de scolioses. Masson. Paris. 1971
[27] PICAULT C Traitement orthopédique lyonnais classique. Cah Kinesither 1984 ; 106 : 39-44
[28] POUS JG, DIMEGLIO A Le traitement de la scoliose idiopathique. Orientations actuelles. Sem Hôp
Paris 1984 ; 60 : 1714-1717
[29] POUS JG, GUIBAL C. Le corset plastique total contact ou Body-Jacket de Wilmington. In :
Blotman F, Bonnel F, Frerebeau P, Barrault JJ eds. Rachis et appareillage. Springer Verlag. Paris.
1992 ; pp 265-274
[30] POUS JG, GUIBAL C, MILON E. Le corset de Milwaukee à mâts souples. In : Blotman F, Bonnel F,
Frerebeau P, Barrault JJ eds. Rachis et appareillage. Springer Verlag. Paris. 1992 ; pp 287-292
[31] RISSIER JC The application of body casts for the correction of scoliosis. AAOS Instr Course
Lect 1955 ; 12 : 255
[32] STAGNARA P. Les déformations du rachis. Scolioses, cyphoses, lordoses. Masson. Paris. 1985 ;
pp 199-252
[33] WATTS HG, HALL JE, STANISH W The Boston brace system for the treatment of low thoracic and
lumbar scoliosis by the use of a girdle without superstructure. Clin Orthop 1977 ; 126 : 87-92
[34] WHITE AA, PANJABI MM. Practical biomechanics of scoliosis and kyphosis. In : Clinical
biomechanics of the spine. JB Lippincott. Philadelphia. 1990 ; pp 127-168
[35] WHITE AA, PANJABI MM. Spinal braces : functional analysis and clinical applications. In : Clinical
biomechanics of the spine. JB Lippincott. Philadelphia. 1990 ; pp 475-509
Figures
Fig. 1
Mécanismes d'action des orthèses rachidiennes (d'après White et Panjabi). A. Moment fléchissant à l'apex de la courbure
sous l'action de forces axiales. Le moment est proportionnel à la force appliquée et à la flèche de la courbure (F×D). B.
Moment fléchissant à l'apex de la courbure sous l'action de forces transversales (système 3 points). Le moment est
proportionnel à la moitié de la force appliquée à l'apex et à la distance entre l'apex et le point d'application de la force de
contre-appui (F/2×D). C. Diagramme des forces et des moments en cas de combinaison de forces axiales et transversales.
Si les trois forces F sont égales, les 2 forces extrêmes devront être orientées à 30° vers la force centrale pour que le
système soit en équilibre.
Fig. 2
Représentation graphique de la correction obtenue par les forces axiales et transversales. En abscisse : angle de Cobb,
en ordonnée : moment fléchissant à l'apex de la courbure M/FL. Si F et L ont les mêmes valeurs pour les trois courbes,
alors M/FL est le moment fléchissant relatif. Les forces axiales (courbe 2) sont les plus efficaces pour des angles
supérieurs à 53°, les forces transversales (courbe 3) sont les plus efficaces pour des angles inférieurs à 53°, la
combinaison des deux obtenant l'efficacité maximale (courbe 1).
Fig. 3
Diagramme des forces et moments pour un système 3 points. FA = 3FC, FB = 2FC Le système est en équilibre, le
diagramme des moments forme un triangle dont le sommet est au point d'application de FA, qui est le point d'efficacité
maximale.
Fig. 4
Traction vertébrale active. A. Installation. B. Sangles de traction pelvienne. C. Fronde occipitomentonnière. D. Mécanisme
d'action de la traction vertébrale active.
Fig. 5
Halo crânien. A. Halo avec son tournevis dynamométrique. Les pointeaux sont en place avec leur système de verrouillage,
ainsi que les boulons moletés munis de ventouses. B. Zones d'implantation des pointeaux, de face, de profil et d'en haut.
Fig. 6
Utilisation du halo crânien. A. Traction monopolaire en fauteuil roulant. B. Traction monopolaire en position debout. C.
Traction bipolaire active.
Fig. 7
Plâtre EDF : installation. A. Cadre de réduction de Cotrel. B. Jersey, attelles plâtrées et bandes circulaires nécessaires
pour la réalisation de l'EDF. C. Le patient est revêtu de deux chemisettes en jersey. D. Installation en cadre de réduction.
La traction est assurée par une fronde occipitomentonnière et des bandes pelviennes. L'anneau de suspension des
jambes règle la délordose pelvienne. E. Vérification de l'équilibre dans le plan frontal. F. La correction d'un bassin oblique
peut être effectuée par traction asymétrique sur les bandes pelviennes.
Fig. 8
Plâtre EDF : réduction par placement des bandes de dérotation. A. Scoliose thoracique droite : deux bandes dont une
thoracique et une axillaire. B. Scoliose thoracolombaire droite : trois bandes dont une thoracique, une lombaire et une
axillaire. C. Scoliose lombaire gauche : deux bandes. D. Scoliose double majeure : trois bandes dont une thoracique, une
lombaire et une axillaire à trois chefs.
Fig. 9
Plâtre EDF : réalisation et finitions. A. Les bandes de dérotation ont été retirées et les attelles sont mises en place. B. Les
bandes sont remises en place pendant le durcissement du plâtre et les finitions sont entreprises. C, D. Vue du plâtre en
cours de séchage, bandes de dérotation en place. E, F, G. Plâtre terminé, de face, de dos et de trois quarts.
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
Elongation halopelvienne. A. Schéma général du montage avec deux barres d'élongation galbées à la demande. La partie
supérieure filetée s'engage dans l'anneau du halo en permettant une certaine mobilité, la partie inférieure est mobile dans
les tubes creux noyés dans le plâtre. B. Elongation halopelvienne à quatre barres ; vue de face. C. Vue de profil.
Fig. 13
Corset de Milwaukee. A. Moulage de la pièce pelvienne. Installation debout en délordose lombaire. B. Marquage de la taille
par une attelle torsadée. C. Bandes circulaires en place, avec tracé des lignes de repérage. D. Négatif reconstitué. E.
Positif plâtré retouché. F. Corset terminé avec une main thoracique et un contre-appui sous-axillaire.
Fig. 14
Corset de Boston. A. Mécanisme d'action des coussins de réduction et de dérotation. B. Modules de Boston à l'état brut.
C. Aspect du corset de Boston terminé. D. Vue intérieure du corset visualisant les coussins. E. Vue antérieure du corset
en place. F. Vue postérolatérale du corset en place.
Fig. 15
Corset lyonnais, orthèse polyvalve. A. Vue schématique de face. B. Vue schématique de dos. C. Corset vu de face. D.
Corset en place, de face. E. Vue de profil. F. Vue de dos.
Fig. 16
Corset lyonnais, orthèse trois valves. A. Vue schématique de face. B. Vue schématique de dos. C. Corset en place, vue de
face. D. Corset en place, vue de dos.
Fig. 17
Corset de Milwaukee à mâts souples. A. Vue antérolatérale. B. Vue postérolatérale. C. Corset en place.
Fig. 18
Body-Jacket de Wilmington-Palavas. A. Moulage sur table de Cotrel. B. Application de la plaque chauffée sur le positif. C.
Vue antérieure du corset en place. D. Vue postérieure.
Fig. 19
Corset Fractomed de Strasbourg. A. Installation sur table de Cotrel, avec délordose modérée. B. Traction pelvienne et rail
de soutien pour le sacrum. C. La planchette exerce un appui sur la gibbosité thoracique. D. Rouleau de polyvinyl-alcool
ramolli à l'étuve. E. Le matériau est enroulé autour du tronc du patient. F. Passage de la bande élastique dans le sens de
la dérotation lombaire. G. Retouches de l'ébauche par ramollissements localisés à la vapeur. H. Vue intérieure de
l'ébauche avec appui gibbositaire. I. Corset terminé après découpage en deux hémivalves réunies par des charnières. J.
Corset en place, vue antérieure. K. Corset en place, vue postérolatérale.
Fig. 20
Corset Chêneau Toulouse Münster : détail des 46 zones stratégiques. A. Vues antérieures. B. Vues postérieures. C. Vues
droites. D. Vues gauches. E. Corset en place, vues antérieure et postérieure.
Fig. 21
Plâtre EDF pour hypercyphose. A. Installation avec bandes de réduction sous l'apex de la cyphose. B. Plâtre terminé, vue
antérieure. C. Vue postérieure.
Fig. 22
Corset de Milwaukee anticyphose : l'appui est assuré par deux plaques paramédianes.
Fig. 23
Corset polyéthylène anticyphose. A. Moulage en décubitus dorsal. B. Négatif plâtré achevé. C. Travail du positif. D. Corset
terminé. E. Variante de corset anticyphose avec revêtement de mousse de plastazote.
Fig. 24
Résumé
La chirurgie dans la scoliose idiopathique vient parfois couronner l'échec d'un traitement
orthopédique bien conduit, par plâtre et corsets, sauf dans certains cas particuliers où on peut être
amené à opter d'emblée pour un traitement chirurgical, en cas d'impossibilité de mener correctement
un traitement orthopédique, ou quand l'enfant est vu tardivement avec une courbure évoluée. D'une
façon générale, l'indication chirurgicale dépend de plusieurs paramètres : l'âge de l'enfant,
l'importance de sa courbure, son type, son évolutivité, l'aspect clinique de la déformation et la plus ou
moins bonne acceptation du traitement orthopédique par le patient et sa famille.
C'est la synthèse d'une analyse rigoureuse de ces différents paramètres qui doit déboucher sur la
décision opératoire. L'enfant ainsi que sa famille seront bien sûr informés des arguments en faveur
de la chirurgie, des avantages et des inconvénients de cette dernière, et surtout de ses risques aussi
minimes soient-ils. Les techniques chirurgicales ont pris un essor considérable ces 30 dernières
années, en particulier en ce qui concerne les instrumentations devenues très performantes,
permettant une correction et une fusion vertébrale de très bonne qualité, avec des risques
médullaires moindres.
Plan
Bilan préopératoire
Préparation à la chirurgie
Interventions par voie postérieure
Interventions par voie antérieure
Haut de page
Bilan préopératoire
Il doit comporter un bon examen clinique à la recherche d'un stigmate cutané ou d'une anomalie
réflexe pouvant remettre en cause le diagnostic de scoliose idiopathique et nécessitant de pousser
plus loin les explorations.
Le bilan radiologique comprendra, outre les clichés standards du rachis entier de face et de profil
debout, et des charnières cervico-occipitale et lombosacrée, des clichés en inclinaison latérale droite
et gauche centrés sur la région thoracique et lombaire, complétés au besoin d'un cliché sous traction.
Ces différents clichés sont nécessaires pour déterminer le type du montage ainsi que les limites de
l'arthrodèse.
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) médullaire sera demandée en cas d'anomalie de
l'examen neurologique, telle que l'absence d'un réflexe cutané abdominal, ou devant l'existence d'une
anomalie cutanée sur la ligne médiane postérieure, pouvant mener à la découverte d'une
syringomyélie ou une anomalie d'insertion basse du cordon médullaire. L'examen neurologique sera
complété par l'étude des potentiels évoqués somesthésiques (PES) dont la courbe servira de
référence aux analyses qui seront pratiquées en peropératoire.
Un bilan anesthésiologique complet devra être fait, d'autant plus qu'il s'agit d'une chirurgie
relativement lourde et hémorragique. Il comprendra un bilan biologique, des explorations
fonctionnelles respiratoires, une programmation des prédonations dans le cadre de l'autotransfusion
et de l'économie du sang ; il sera complété au besoin par d'autres explorations complémentaires plus
spécifiques telles que la recherche d'un reflux gastro-oesophagien, qu'il faudra soigner avant toute
chirurgie de redressement vertébral, surtout s'il s'agit d'une courbure sévère.
Haut de page
Préparation à la chirurgie
- ceux dont la courbure ne dépasse pas 60°, généralement souple, peuvent habituellement être
dispensés de la préparation et opérés directement ;
- ceux avec une courbure de 60° à 90° peuvent faire l'objet d'une préparation par traction continue,
associée à des exercices d'autoélongation par pédalettes sur table de traction de Cotrel, pendant les
8 à 15 jours précédant l'intervention ;
- ceux dont la courbure dépasse 90° doivent être préparés par 1 ou 2 plâtres de détraction de
Stagnara pendant 4 à 8 semaines en surveillant le gain de la fonction respiratoire tout au long de
cette préparation, le plateau dans ce gain marquant la fin de cette préparation. Cette préparation
lorsqu'elle est longue doit bien sûr être faite sous surveillance stricte, neurologique, digestive,
cutanée et biologique, et de préférence dans un centre de rééducation médicalisé.
Haut de page
Interventions par voie postérieure
Historique
La chirurgie vertébrale par voie postérieure est la plus ancienne, ses débuts remontent à la fin du
XIXe siècle. Hadra, en 1891, proposait la première fixation interne par cerclage métallique
interépineux. Puis Wolkmann et Hoffa préconisaient une gibbectomie à visée esthétique. Au début du
siècle Albee, Calot puis Hibbs décrivaient des techniques d'arthrodèses postérieures par apport de
greffons osseux.
Dans les années 1950, quelques tentatives d'instrumentation postérieure donnaient le jour à
l'instrumentation de Paul Harrington, qu'il mettra au point en 1962 pour les scolioses paralytiques, et
qui depuis a connu une très large diffusion.
Son principe mécanique est très simple, agissant dans le seul plan frontal de la colonne par 2
systèmes (fig. 1).
- Un système d'élongation dans la concavité de la courbure, constitué par une tige métallique de 6
mm de diamètre et de longueur variable, munie à l'une de ses extrémités de crans cylindroconiques
et à l'autre extrémité d'un cran cylindrique, permettant sa mise en tension sur des crochets
vertébraux placés dans la concavité de la courbure et sur les vertèbres limites, en bas sur le bord
supérieur de la lame vertébrale, en haut sous l'apophyse articulaire de la vertèbre supérieure. Un
effet de distraction pure est obtenu en faisant franchir successivement les crans au crochet supérieur
à l'aide d'une pince écartante spécifique. Un clip ou un fil métallique est passé ensuite sous le
crochet pour empêcher sa descente éventuelle.
- Un système de compression est réalisé du côté convexe par la mise en charge de crochets plus
petits, insérés sur les apophyses transverses au-dessus du sommet, et sous les apophyses
transverses ou sous les lames vertébrales en dessous du sommet de la courbure. Une tige filetée est
passée dans ces crochets dont le rapprochement vers le sommet de la convexité par un écrou
produit la compression souhaitée. La diffusion large de cette technique a amené beaucoup de
chirurgiens à n'utiliser que le seul système concave en distraction (fig. 2), ce qui est contraire à
l'esprit initial de l'inventeur Paul Harrington. Une arthrodèse vertébrale par avivement des articulaires,
des lames et des transverses, associée à un apport osseux fait de greffons iliaques ou tibiaux est
toujours réalisée sur toute la zone instrumentée. Une immobilisation par plâtre ou corset est
nécessaire pour une durée de 6 à 12 mois.
- l'insuffisance de la correction qui se fait uniquement dans le plan frontal, n'agissant pas sur le profil
ni sur la rotation vertébrale ;
- toutes les charges s'exercent sur 2 points d'appui localisés aux crochets des extrémités du
montage, avec une fréquence relativement élevée de rupture de la tige à la jonction des parties lisse
et crantée ;
- la nécessité d'une contention postopératoire prolongée ;
- la nécessité d'une immobilisation moins prolongée a été apportée par l'adjonction à l'instrumentation
de Harrington d'un dispositif de traction transversale nommé DTT par Cotrel et réunissant la tige
concave et le système de compression convexe. Il n'améliorait en rien la dérotation mais augmentait
de manière substantielle la stabilité permettant de diminuer la durée du plâtre postopératoire à 2
mois.
Pour pallier certains de ces inconvénients, une technique de fixation segmentaire a été décrite par
Luque en 1976. Son principe est basé sur une correction progressive, aussi bien dans le plan frontal
que sagittal, en réalignant la colonne sur 2 tiges précintrées, fixées de part et d'autre des apophyses
épineuses par des fils métalliques passés sous les lames vertébrales à chaque niveau de la zone
instrumentée (fig. 3).
La correction est donc obtenue par une action essentiellement dans le plan transversal, avec une
meilleure répartition des charges par multiplication des points d'appui.
Techniques actuelles
Au début des années 1980, une nouvelle technique d'instrumentation rachidienne a été mise au
point, en collaboration, par Cotrel et Dubousset, marquant une nouvelle étape dans l'histoire de
l'ostéosynthèse rachidienne par voie postérieure, pour les scolioses idiopathiques. Elle est basée sur
3 éléments implantables : la tige, les crochets et vis, le DTT.
Elle permet d'obtenir une bonne correction de la déformation rachidienne dans les 3 plans de
l'espace, une fixation suffisamment solide pour pouvoir se passer de toute contention externe
postopératoire et une implantation limitant au minimum les risques neurologiques. Elle a rapidement
vu ses indications s'élargir à d'autres pathologies et son principe de base a été repris par un certain
nombre d'instrumentations similaires.
Principes de correction
Cette instrumentation a été appelée initialement instrumentation universelle car elle permet d'obtenir,
à tout étage vertébral, une action spécifique dans tout sens et toute direction souhaitée, selon
l'implant utilisé. D'où la possibilité de correction des déviations rachidiennes dans les 3 plans de
l'espace (fig. 5), selon les principes de base les plus simples par détraction de la concavité et
compression de la convexité dans le plan frontal, par distraction postérieure cyphosante à l'étage
thoracique et compression lordosante à l'étage lombaire dans le plan sagittal, par traction
transversale et dérotation vertébrale au sommet de la courbure dans le plan horizontal. Les forces
correctrices et donc d'ancrage les plus importantes doivent être exercées au sommet de la déviation
là où sont situées la rigidité la plus grande et les déformations structurales les plus sévères, mais
aussi au niveau des vertèbres extrêmes supérieure et inférieure de la courbure, la zone jonctionnelle
où la mobilité est la plus grande. La correction est réalisée au moyen de 2 tiges fixées sur les
crochets vertébraux implantés de chaque côté du rachis. Il n'est pas nécessaire d'instrumenter toutes
les vertèbres de la courbure, mais seulement les vertèbres stratégiques.
Chaque tige doit être cintrée différemment, en fonction de l'importance des courbures frontales et
sagittales et de la rigidité rachidienne. La 1re tige insérée est celle correspondant à la concavité à
l'étage thoracique et à la convexité à l'étage lombaire. La rotation de cette tige cintrée sur son axe à
l'intérieur de tous les crochets situés d'un même côté produit une mobilisation des vertèbres
instrumentées dans les 3 plans de l'espace (fig. 6). La 2e tige est simplement posée sans être
tournée pour stabiliser le montage. Les 2 tiges doivent être fixées à leurs extrémités par un DTT, qui
solidarise tous les implants dans un cadre rigide, augmentant considérablement la solidité du
montage (fig. 7).
Instrumentation
Implants
Tige
- elle permet de fixer directement par boulonnage les crochets vertébraux et les vis pédiculaires, à
tous niveaux et dans toutes positions de rotation, aussi bien en compression qu'en détraction ;
- faite en acier souple et résistant, elle peut être cintrée sur toute sa longueur sans diminution notable
de ses qualités mécaniques, et surtout sans risque de fragilisation puisqu'elle ne comporte pas de
point faible. Elle est capable ainsi de suivre au mieux ou de restaurer les courbures physiologiques
sagittales du rachis.
Crochets
Ils sont formés de 3 parties : le corps, la gorge et la lame qui peuvent varier d'un type de crochet à
l'autre.
Corps (fig. 9)
Le corps du crochet peut être fermé, de hauteur variable, creusé d'un canal cylindrique permettant le
passage de la tige et son blocage par 2 boulons 6 pans, utilisé aux extrémités du montage. Le corps
peut être ouvert au niveau de sa face postérieure laissant passage à la tige et au bloqueur, formé
d'un anneau cylindroconique surmonté d'un corps à section carrée et muni d'un boulon 6 pans,
permettant le blocage du crochet dans toutes les positions sur la tige. Les crochets ouverts sont
utilisés au niveau des vertèbres intermédiaires de l'instrumentation.
De hauteur et de forme variables, elle présente pour les crochets laminaires thoraciques une obliquité
de bas en haut et d'arrière en avant de la face antérieure du corps, de telle sorte que le crochet et sa
lame se trouvent déportés en arrière au fur et à mesure de sa mise en charge et de sa pénétration
dans le canal rachidien.
Elle peut avoir une forme, une taille et une inclinaison variables selon son site d'implantation ; ainsi
on distingue les crochets pédiculaires, à lame fourchue et biseautée, utilisés à l'étage thoracique, les
crochets laminaires et transversaires à lame mousse et arrondie, de largeur variable, pouvant être
décalée latéralement pour permettre un bon alignement des corps des crochets dans les pinces
pédiculo-sus-laminaires thoraciques hautes.
Il permet la liaison des 2 tiges à leurs extrémités réalisant un montage rectangulaire, le blocage de la
tige dans une position de rotation déterminée et la solidarisation de tous les éléments implantés en
tension transversale. Il est composé d'un crochet fixe sur tige filetée, de 3 crochets mobiles et de 3
écrous. Le serrage de chaque mâchoire constituée par 2 crochets enserrant la tige se fait par vissage
de l'écrou.
Ils permettent de réunir 2 tiges du même côté du rachis, de corriger 2 segments indépendamment
l'un de l'autre ou de prolonger l'instrumentation au-delà du niveau déjà instrumenté. Ils sont sous la
forme de dominos à double canon fermés ou ouverts d'un côté, ou de tubes de connexion axiale,
fixés aux tiges par des boulons 6 pans.
Eléments de blocage
Ils comprennent les anneaux de tension, soit ouverts en forme de « C » pour les crochets
intermédiaires, soit fermés pour les crochets extrêmes, ils permettent de maintenir la mise en charge
des crochets ou des vis, tout en laissant libre la rotation de la tige à l'intérieur du canal de l'implant.
Instrumentation ancillaire
- Rugine pédiculaire.
- Rugine lamaire et transversaire.
- Pousse-crochet fermé.
- Pousse-crochet ouvert.
- Pousse-tige.
- Introducteur de tige, utilisé avec la pince porte-crochet à bulbe.
- Guide-bloqueur.
- Pousse-bloqueur.
- Cintreuse tripode.
- Leviers de cintrage.
- Pince de rotation.
- Pince d'écartement à crans.
- Pince de rapprochement à crans.
Ainsi dans la zone thoracique où l'on recherche la cyphose on commencera par la concavité en ayant
une orientation des crochets correcteurs apicaux dans un sens de distraction, et inversement dans la
zone lombaire où l'on recherche la lordose on commencera par la convexité avec une compression
apicale.
La tige devra donc être cintrée dans le plan sagittal selon la morphologie que l'on veut obtenir une
fois la rotation sur son axe complètement effectuée.
Un schéma opératoire est alors dessiné sur le cliché en traction ou de fin de correction. Tous les
crochets seront placés en vue d'obtenir une correction sélective, ouvrant latéralement les espaces
fermés, et fermant les espaces ouverts. Les crochets fermés sont utilisés au niveau des vertèbres
extrêmes, les crochets ouverts au niveau des autres. Ainsi les radiographies en inclinaison latérale
droite et gauche nous permettent de déterminer :
- les vertèbres intermédiaires supérieures et inférieures, qui sont les vertèbres limites de la zone la
plus structuralisée et donc la plus raide de la courbure (fig. 20). Sur ces vertèbres, on mettra des
crochets du côté concave agissant en sens inverse pour ouvrir la concavité ;
- la vertèbre apicale correspondant au sommet de la convexité, c'est celle qui a son bord latéral le
plus proche de la verticale (fig. 21). Sur cette vertèbre, on mettra un crochet qui agira dans le sens de
la translation médiale dans le plan frontal, et dans le sens de l'antépulsion dans le plan sagittal,
contribuant à la réduction de la gibbosité. A l'étage lombaire on détermine plutôt le ou les 2 espaces
discaux correspondant au sommet de la convexité, de part et d'autre desquels on mettra 2 crochets
agissant dans le sens de la compression, corrigeant à la fois dans le plan frontal et dans le plan
sagittal par l'effet lordosant de la compression ;
- les vertèbres limites supérieure et inférieure du montage correspondent souvent aux vertèbres
neutres de la courbure (fig. 21), tout en sachant que le niveau inférieur du montage doit correspondre
à une vertèbre équilibrée ou qui peut se rééquilibrer en postopératoire, c'est-à-dire dont le disque
sous-jacent s'ouvre dans les 2 sens sur les clichés en inclinaisons latérales.
Courbures souples
Courbure thoracique : montage T5-L1 (fig. 22)
Du côté concave : pince pédiculotransversaire à crochets fermés en T5, crochet pédiculaire ouvert en
T7, crochet sus-lamaire ouvert en T11 et crochet sus-lamaire fermé en L1.
Du côté convexe : pince pédiculotransversaire à crochets fermés en T5, crochet pédiculaire ouvert en
T9 et crochet sous-lamaire fermé en L1.
Du côté concave : pince pédiculotransversaire fermée en T7, crochet pédiculaire ouvert en T9,
crochet sus-lamaire ouvert en T12 et crochet sus-lamaire fermé en L3.
Du côté convexe : pince pédiculotransversaire fermée en T7, crochet sus-lamaire ouvert en T11,
crochet sous-lamaire ouvert en L1 et crochet sous-lamaire fermé en L3.
Du côté convexe : pince pédiculotransversaire fermée en T11, crochet sus-lamaire ouvert en L1,
crochet sous-lamaire ouvert en L3 et crochet sous-lamaire fermé en L4.
Du côté concave thoracique : pince pédiculotransversaire fermée en T4, crochet pédiculaire ouvert
en T6, crochet sus-lamaire ouvert en T10, crochet sus-lamaire ouvert en L1, crochet sous-lamaire
ouvert en L2 et crochet sous-lamaire fermé en L4.
Du côté convexe : pince pédiculotransversaire fermée en T4, crochet pédiculaire ouvert en T8,
crochet sous-lamaire ouvert en T12 et crochet sus-lamaire fermé en L4.
La première tige posée est celle de la concavité thoracique qui correspond dans ce cas aussi à la tige
convexe de la courbure lombaire.
Courbure double thoracique : montage T1-L1 à 3 tiges et pince inversante inférieure (fig. 26)
La première tige posée est celle de la concavité principale, allant de T4 à L1, la deuxième tige est
celle de la convexité allant de T1 à L1, la troisième prolonge la première de T4 à T1, à laquelle elle
est reliée par un tube de connexion.
Courbure thoracique prédominante : montage T6-L3 avec pince inversante (fig. 27)
Du côté convexe : pince pédiculotransversaire fermée en T6, crochet pédiculaire ouvert en T10,
crochet sous-lamaire fermé en L2 et crochet sus-lamaire fermé en L3.
Courbures rigides
Lorsque la courbure est très importante et rigide, la rigidité de la cage thoracique et de la déformation
vertébrale limite beaucoup la correction en rotation. Dans ce cas-là on utilise un montage à 2 tiges
concaves ; exemple : montage T5-L2 (fig. 28).
Du côté concave : pince pédiculotransversaire fermée en T5, crochet pédiculaire fermé en T7,
crochet sus-lamaire fermé en T10, crochet sus-lamaire ouvert en T12 et crochet sus-lamaire fermé
en L2.
Du côté convexe : pince pédiculotransversaire fermée en T5, crochet pédiculaire ouvert en T9 et T11,
et crochet sous-lamaire fermé en L2.
La première tige posée est celle de la concavité entre T7 et T10, puis la deuxième tige concave de
T5 à L2, puis la tige convexe.
Nous opérons habituellement sur la table de Cotrel, spéciale pour la chirurgie du rachis, elle permet
de réduire ou d'augmenter à volonté, pendant l'intervention, les forces externes de correction :
traction, flexion latérale et antéropostérieure et pression latérale.
L'enfant est installé en décubitus ventral sur des appuis thoraciques et iliaques, laissant libre toute la
région abdominale, en traction au niveau de ses jambes par l'intermédiaire de bottes en cuir posées
préalablement au retournement, et au niveau de la tête par une mentonnière en cuir reliée à un
manomètre. La traction utilisée va de 12 à 15 kg et ne dépasse pas le tiers du poids du patient. Une
cassette radio placée sur un chariot mobile est positionnée entre les appuis, facilement enlevable
sous les champs opératoires après le cliché de contrôle.
Les électrodes de stimulation des PES sont placées sous les bottes en regard du nerf tibial postérieur
de chaque côté, les électrodes de recueil sont aussi placées à l'étage cervical et crânien avant la
pose des champs opératoires (fig. 30).
Toute la peau dorsale est soigneusement badigeonnée à l'alcool iodé de la région cervicale jusqu'au
Des champs autocollants imperméables sont alors posés, délimitant le champ opératoire qui doit
inclure les deux crêtes iliaques. Ce dernier sera recouvert par un film adhésif iodé.
Un guéridon mobile sera placé à la hauteur des cuisses du malade, pour rapprocher les instruments
du chirurgien. L'opérateur se place à gauche du malade, son premier aide et l'instrumentiste en face
de lui, son deuxième aide à sa droite. Un système d'aspiration relié à un appareil récupérateur de
sang (« cell saver ») sera installé, le sang aspiré est centrifugé, lavé et réinjecté au malade, on se
servira pour cela de peu de compresses.
Abord du rachis
Si la limite inférieure de la greffe ne dépasse pas L2, nous commençons par aborder la crête iliaque
droite par une incision séparée, horizontale à 2 cm en dessous du sommet de la crête, pour des
raisons esthétiques (fig. 31).
Les contours de la crête iliaque sont repérés au bistouri électrique, le cartilage de croissance est
fendu en deux sur ses deux tiers postérieurs par une lame de bistouri no 15, permettant d'aborder la
fosse iliaque externe en sous-périosté. Une grande compresse humide y est alors tassée jusqu'au
moment de la prise des greffons, assurant une bonne hémostase de la région.
L'incision cutanée du rachis est postérieure médiane, rectiligne, tracée au besoin à l'aide d'un
marqueur stérile, s'étendant tout le long de la zone à greffer.
Au bistouri électrique, on incise le tissu graisseux sous-cutané ainsi que l'aponévrose, on repère les
apophyses épineuses dont le cartilage de croissance sera incisé en son milieu par un bistouri à petite
lame (fig. 32). On commence à ce moment-là le dégagement des arcs postérieurs que l'on fait en 2
temps. Dans un premier temps, on dégage à l'aide de grosses rugines de Cobb l'ensemble des
épineuses jusqu'à leur base des deux côtés en restant strictement en sous-périosté pour éviter le
saignement. On tasse ensuite des compresses roulées de part et d'autre des épineuses, on met des
agrafes-repères sur le sommet de deux apophyses épineuses adjacentes, de préférence au niveau
de la jonction dorsolombaire, et on fait une radio de repérage de niveau. Dans un deuxième temps,
on reprend le dégagement sous-périosté des arcs postérieurs en partant du bas de l'incision, car
c'est la région la plus déclive vers laquelle le sang a tendance à s'écouler, on retire les compresses
roulées du bas et on place des écarteurs autostatiques de Beckmann, qui permettent à la fois
d'écarter et de faire l'hémostase par action mécanique sur les muscles paravertébraux. On continue
l'abord sous-périosté des arcs postérieurs à la rugine de Cobb jusqu'au sommet des apophyses
transverses, en travaillant en parallèle avec l'aide chacun de son côté, étage par étage, en
progressant de bas en haut. Les capsules articulaires seront enlevées à la pince-gouge, ainsi que le
tissu fibreux entre les apophyses épineuses. Une hémostase soigneuse est réalisée, les écarteurs de
Beckmann sont déplacés au fur et à mesure de la progression, des compresses roulées sont de
nouveau placées dans les espaces dont on a terminé le dégagement (fig. 33).
Une fois le dégagement vertébral terminé et l'hémostase assurée, on procède à la mise en place des
crochets en respectant le schéma établi en préopératoire, les crochets des extrémités seront fermés,
les crochets intermédiaires ouverts.
La préparation du site d'implantation du crochet pédiculaire se fait par un ciseau à frapper mince, de
10 mm de large, dont le biseau sera placé du côté du fragment qui sera enlevé, pour avoir une
section osseuse franche. On commence d'abord par une section longitudinale parallèle à l'axe de la
vertèbre et passant par le point « P », qui marque le changement de courbure des contours de la
lame et de l'épineuse. Puis on fait une section transversale à 4 mm de la ligne horizontale
intertransversaire, perpendiculaire à la section précédente. Un fragment osseux triangulaire est ainsi
enlevé, laissant apparaître le cartilage de l'apophyse articulaire sous-jacente. On introduit la rugine
pédiculaire, tenue à deux mains en léger appui, dans le plan de l'interligne articulaire en la faisant
glisser sur la facette sous-jacente, elle rompt la partie supérieure de la capsule et va enfourcher le
pédicule, à ce moment-là on fait un mouvement de mobilisation latérale en dehors pour s'assurer de
la prise pédiculaire. Le crochet sera introduit avec la pince porte-implant droite et le poussoir
correspondant, la lame du crochet est insérée entre les facettes articulaires supérieure et inférieure,
elle est guidée et maintenue en place par l'apophyse articulaire de la vertèbre sous-jacente. Elle est
implantée à la partie postérieure élargie du pédicule où ses cornes pénètrent partiellement dans l'os
pour assurer, en arrière de la racine nerveuse, une prise vertébrale efficace et non dangereuse, ne
faisant pas saillie dans le canal rachidien. On l'impacte en place par quelques coups de marteau sur
le pousse-crochet.
Il est utilisé à l'étage thoracique pour réaliser, à l'extrémité supérieure du montage, avec le crochet
pédiculaire une pince pédiculotransversaire fermée, dont la prise est très solide.
Le crochet utilisé est le plus souvent un crochet laminaire lombaire fermé, ce n'est que si la vertèbre
est de très petite taille que l'on utilisera le crochet dit transversaire moins stable que le précédent.
La pince pédiculotransversaire enserre bien la partie latérale de l'arc postérieure et permet de réaliser
une compression tout à fait puissante en éliminant pratiquement le risque de fracture de la transverse
que l'on peut constater parfois en cas de simple prise transversaire.
Le crochet laminaire thoracique est ensuite mis en place de façon douce, tenu par une pince de Kelly
sur une de ses berges, pour éviter toute manoeuvre brutale lors de son insertion. Ce crochet est
ensuite retiré et laissé de côté dans une cupule jusqu'à sa remise en place définitive ; avant la pose
de la tige, l'orifice ouvert dans le canal est provisoirement comblé par un Surgicel® qui sert à la fois
pour la protection et pour le repérage du site.
A l'étage lombaire, la mise en place d'un crochet supralaminaire est plus facile, il faut écarter les
épineuses pour mettre en évidence l'espace interlaminaire, ouvrir le ligament jaune et l'enlever
comme à l'étage thoracique, tailler au niveau de la lame à la pince de Kérisson un orifice suffisant
pour introduire le crochet. Ce dernier sera introduit doucement avec la pince porte-implant, sans se
servir du pousse-crochet, puis retiré et remplacé par un Surgicel® en attendant sa repose définitive.
Utilisé à l'étage lombaire et parfois à la jonction thoracolombaire (T11-T12), sa mise en place est
simple. Son trajet est préparé à la rugine laminaire qui décolle ou ouvre le ligament jaune. La lame du
crochet s'insère dans le dièdre formé par la face antérieure de la lame vertébrale et le ligament jaune.
Si le bord inférieur de la lame est trop arrondi, il est préférable de le tailler au ciseau à os pour
permettre l'insertion du crochet jusqu'au fond de sa gorge, en gardant toujours un mur externe du
côté de l'articulaire, pour éviter le dérapage en dehors du crochet. Le crochet est mis en place avec la
pince porte-implant et le pousse-crochet.
Une fois tous les crochets posés, on choisit des tiges de la bonne taille et on les cintre selon le profil
souhaité en tenant compte de la rigidité de la courbure, puis on tasse des compresses roulées dans
les gouttières paravertébrales et on relâche les écarteurs de Beckmann.
On se porte sur la crête iliaque, on retire la grande compresse et on installe l'écarteur en casque à
pointe de Cotrel qui donne une bonne vue sur l'ensemble de l'aile iliaque. A l'aide d'un ciseau à os fin
et long on prélève d'abord l'os cortical, en le découpant en baguettes longitudinales de 10 à 15 mm
de large, puis l'os spongieux est prélevé en copeaux en longeant la crête à l'aide d'un ciseau-gouge
de Stagnara.
A la fin du prélèvement, on peut utiliser au besoin la cire de Horsley pour faire l'hémostase de l'os,
puis on tasse de nouveau une grande compresse humide. Les greffons corticospongieux prélevés
sont gardés précieusement de côté dans une cupule.
Il se fait avec le ciseau-gouge de Capener, on commence par enlever les articulaires restantes de
façon bilatérale, sur toute la longueur de la région à arthrodéser. Du côté de la convexité thoracique
on tasse des compresses, du côté concave on procède à l'avivement des lames et des transverses,
en partant du bas ; pour les vertèbres porteuses de crochets l'avivement est modéré pour ne pas les
fragiliser. Au fur et à mesure que l'on progresse dans l'avivement, on pose des greffons spongieux en
regard des articulaires.
L'avivement du côté convexe sera fait après la pose de la première tige pour limiter le saignement.
L'ensemble des crochets du côté concave thoracique seront remis en place et vérifiés, ceux de
l'extrémité supérieure tenus par des pinces porte-crochet. Les bloqueurs des crochets ouverts seront
placés sur la tige cintrée, à la bonne hauteur et dans le bon sens (dos à dos). La tige est tenue à la
main, concavité vers le haut pour être enfilée aisément dans la pince pédiculotransversaire
supérieure fermée (fig. 40). Elle est ensuite rotée sur son axe avec la pince porte-tige de manière à
se rapprocher du contour de la courbure scoliotique ou lordotique éventuelle. Elle est alors insérée
dans la gorge du crochet ouvert de la vertèbre intermédiaire supérieure. Puis suivant les cas, la tige
est ensuite insérée soit directement dans le crochet de la vertèbre intermédiaire inférieure, soit
d'emblée dans le crochet de la vertèbre extrême inférieure, et sera ensuite engagée dans la gorge du
crochet ouvert de la vertèbre intermédiaire inférieure à l'aide de l'introducteur de tige. Dans ce cas, il
faut veiller à ce que la distance entre tige et fond de la gorge du crochet soit inférieure à 10 mm, au
besoin accentuer le cintrage de la tige ; il faut appuyer de haut en bas sur le crochet pour éviter qu'il
ne remonte sous l'effet « tire-bouchon » de l'introducteur.
A chaque fois que la tige est insérée dans un crochet, ce dernier doit être tenu par une pince porte-
crochet. Les bloqueurs sont introduits dans les crochets ouverts par le guide puis le pousse-bloqueur,
les anneaux ouverts en « C » sont mis contre les crochets intermédiaires pour les maintenir en place
lors des manoeuvres de rotation de la tige, cette dernière étant parfaitement libre dans les crochets
dévissés. La traction sur la tête du malade est relâchée, ramenée à 5 ou 6 kg pour faciliter la rotation
vertébrale dans tous les plans, l'ensemble des crochets étant maintenu par des pinces porte-crochet,
la tige est solidement tenue par 2 pinces de rotation qui vont permettre de la faire tourner d'avant en
arrière, de 60 à 130° selon l'importance de la déformation initiale et la raideur du rachis, de manière à
ce que le plan de cintrage devienne parfaitement sagittal (fig. 41). Ce faisant, on observe alors la
réorientation des vertèbres terminales supérieure et inférieure vers la médialisation et l'inclinaison
antéropostérieure physiologique, c'est-à-dire en cyphose pour le haut et neutre ou en légère lordose
pour la vertèbre distale inférieure. A la région apicale, on observe une médialisation des vertèbres et
en même temps une traction vers l'arrière du côté concave de ces vertèbres, ce qui entraîne un effet
évident de dérotation.
La manoeuvre de rotation de la tige doit être exécutée de façon douce et progressive, sous
surveillance des PES, par des petits mouvements de va-et-vient, les aides tenant bien les crochets
pour les empêcher de tourner avec la tige ; la force appliquée sera dosée en fonction de la résistance
osseuse pour éviter l'arrachement des points d'appui.
Une fois la rotation terminée, la tige est fixée dans sa nouvelle position par serrage des vis de
blocage des crochets intermédiaires. Les anneaux en « C » sont enlevés, une mise en tension est
effectuée d'abord entre les vertèbres intermédiaires, puis au niveau des vertèbres extrêmes, par
écartement entre crochet et pince serre-tige. Il faut contrôler que la mise en tension soit bien répartie
entre les différents segments instrumentés et terminer par la remise en tension des crochets
intermédiaires.
La première tige étant posée, on fait l'avivement des lames et des transverses du côté controlatéral,
avec apposition des greffons spongieux en regard des articulaires avivées comme pour le côté
concave, on remet en place les crochets et on place la tige convexe qui a été préalablement cintrée
en se rapprochant à chacune de ses extrémités du cintrage de la tige concave, mais à la partie
intermédiaire, correspondant à la vertèbre apicale, ce cintrage est diminué de manière à appliquer
une force postéroantérieure de dérotation directe. La tige est posée d'emblée dans son plan définitif,
sans manoeuvres de rotation, on commence par fixer la pince pédiculotransversaire, puis on met en
charge le crochet apical pour réaliser la compression du segment supérieur, ensuite on met en
charge le crochet de la vertèbre extrême inférieure pour mettre en compression le segment inférieur,
enfin on revient sur le crochet apical pour le remettre en tension sans excès, car il a été déchargé par
la manoeuvre précédente (fig. 42).
Habituellement toute l'intervention se déroule sous contrôle des PES, depuis l'installation du malade
sous traction jusqu'à la fin de la pose du matériel ; en cas de doute sur la qualité de la réponse, en
cas d'anomalie constatée (retard ou baisse d'amplitude de la réponse) ou en cas d'impossibilité
d'utilisation des potentiels, il est impératif d'avoir recours à un réveil peropératoire du malade à ce
stade de l'opération, c'est-à-dire après la pose de la seconde tige.
Une fois la certitude de la bonne fonction médullaire, on termine le montage par la mise en place de
deux DTT en distraction, proches des extrémités du montage, pour solidariser l'ensemble des
éléments implantés et réaliser un cadre extrêmement solide. Chaque DTT est d'abord coupé à la
bonne longueur et fixé par les clés plates, en commençant par serrer solidement la mâchoire du côté
crochet fixe sur la tige filetée, en s'assurant que celle-ci est bien au contact de la deuxième tige, puis
on visse l'écrou intermédiaire pour avoir un effet d'écartement des tiges et on finit par serrer à fond la
deuxième mâchoire en vissant l'écrou terminal (fig. 43). En fin d'intervention, on revient sur les vis de
blocage dont on pousse le vissage jusqu'à la rupture, qui doit se faire au ras du corps du crochet, au
niveau du premier filet sortant du crochet, et on double le vissage des crochets à corps fermé. Puis
Fermeture
Elle se fait en 3 plans : un plan profond musculoaponévrotique par des points larges au gros fil de
Vicryl® no 2, un plan sous-cutané puis le plan cutané par un surjet intradermique pour avoir une
cicatrice esthétique.
Habituellement on ne met pas de drainage sauf si la crête iliaque a été prélevée par la même
incision, à travers un décollement sous-cutané ; dans ce cas on met un drain de Redon sous-cutané
dans l'espace de décollement.
Le pansement des incisions sera doublé de gros « coussins américains » compressifs sur l'ensemble
du dos. Des clichés radiologiques postopératoires immédiats sont faits sur table en décubitus ventral
(DV) pour le profil, puis sur le chariot en décubitus dorsal (DD) de face.
Soins postopératoires
Le malade est couché sur le lit Stryker avec gélatine anti-escarre sous le dos et les fesses, en
alternant le DV et le DD toutes les 2 heures pendant les 12 premières heures.
Il est remis sur un lit normal dès le 2e jour et verticalisé au 3e ou 4e jour en fonction de sa forme, sans
aucune contention externe.
Il quitte l'hôpital au bout d'une semaine après avoir fait une radiographie de contrôle de son rachis de
face et de profil debout, avec une ordonnance de rééducation respiratoire souvent seule, parfois
associée à une rééducation posturale et d'équilibration des épaules devant une glace, pendant 2 à 3
mois.
Le malade retrouve habituellement son nouvel équilibre dans les 6 mois postopératoires (fig. 44 et
45).
Il est revu en consultation à 1 mois, 3 mois, 6 mois puis tous les ans.
Ces principes s'appliquent avec des nuances à toutes les formes d'instrumentation postérieure avec
un tel matériel quelle qu'en soit l'étendue. La stratégie varie bien évidemment selon le type de la
déformation.
La reprise et le plus souvent l'extension d'arthrodèse et d'instrumentation d'une courbure déjà opérée
peuvent être indiquées lorsque par exemple l'évolution d'une courbure sous-jacente non
instrumentée et non arthrodésée se produit, ou bien lorsqu'une décompensation d'un équilibre frontal
ou sagittal se produit alors qu'une zone jonctionnelle n'a pas été incluse dans le montage initial, ou
bien lorsque la fin de la croissance antérieure sur une arthrodèse postérieure faite dans le jeune âge
a entraîné en effet vilebrequin.
Pour cela, les instrumentations segmentaires sélectives du type Cotrel-Dubousset (CD) sont
Le plus souvent il s'agira d'une tige de Harrington mise en distraction et où on ne peut garder un point
d'appui que si l'on désire un mouvement d'élongation pure, ce qui est rare. Le plus souvent, il faudra
procéder à l'ablation pure et simple de ce matériel. Pour cela, le seul danger est dans l'exérèse des
crochets où il faut faire de la place en arrière du corps du crochet dans la masse osseuse pour le
faire reculer. Il en reste de même pour l'ablation partielle d'un matériel type CD où le plus souvent
une grande partie du montage pourra être judicieusement conservée.
Il est faux de penser que l'on puisse avoir une attache suffisamment solide pour effectuer une
nouvelle ostéosynthèse en s'appuyant dans la masse de fusion elle-même.
Il faut absolument trouver le trajet adéquat pour placer des vis pédiculaires (si le pédicule a une taille
suffisante pour la vis choisie), dans ce cas il paraît obligatoire de contrôler radiologiquement le trajet -
face et profil - avant l'insertion de la vis grâce à une broche métallique placée dans ce trajet.
Si l'on veut mettre des crochets, il faut absolument que la lame du crochet soit intracanalaire. Pour ce
faire, il faut qu'à l'emplacement choisi, en général juste au-dessus d'une transverse dont on repère
presque toujours l'emplacement, on creuse au ciseau-marteau une cavité enlevant la corticale
superficielle et le spongieux adjacent. Puis avec une curette, on enlève le spongieux progressivement
jusqu'à la corticale profonde que l'on reconnaît à son aspect blanchâtre et dur. Cela signe la zone du
canal rachidien sous-jacent à cette mince corticale profonde effondrée à la gouge fine puis, dès que
la graisse péridurale est entrevue, à la pince de Kérisson pour permettre l'assise du crochet avec sa
lame intracanalaire.
Signalons l'excellente prise obtenue par 2 crochets mis en direction opposée de part et d'autre d'un
segment de 2 ou 3 cm de greffe donnant une pince particulièrement solide. S'il s'agit de l'extrémité
d'un montage, la pince peut être réalisée par des crochets fermés, s'il s'agit de zone intermédiaire par
des crochets ouverts. Il faut parfois amenuiser l'épaisseur de la greffe, pour permettre l'insertion de la
lame sous la corticale profonde, gage de la solidité.
Que l'on veuille corriger dans le plan frontal ou sagittal ou les deux, la ou les ostéotomie(s) d'une
zone précédemment arthrodésée doit(doivent) être réalisée(s) d'une manière fiable et non
dangereuse.
Pour cela, le repère du niveau d'ostéotomie est toujours marqué par le résidu d'apophyse transverse
renseignant sur le niveau en largeur et en hauteur.
De même que pour l'insertion du matériel, l'ostéotomie commence de façon identique et l'ouverture
du canal suit les mêmes règles et conseils, si ce n'est qu'elle se prolonge sur toute la largeur du
canal. Se méfier du fait que dans une zone de concavité, l'épaisseur de la greffe est toujours
importante, et du côté convexe, le contraire, c'est-à-dire très mince. Parfois, dans la profondeur
concave, il faut se méfier pour l'ouverture du trou de conjugaison de la proximité des racines et pour
cela on peut s'aider, pour les derniers millimètres d'os, d'un écarteur mousse permettant la petite
fracture du pont résiduel souvent audible.
La fin de l'ostéotomie doit être très minutieuse. Le plus souvent ces ostéotomies cherchent à
récupérer de la lordose, il est donc capital que les bords de l'ostéotomie ne soient pas convergents
mais divergents en profondeur, c'est-à-dire que l'ostéotomie ne doit pas avoir une forme de V, mais
une forme de V renversé pour ne pas risquer, lors de la correction, de comprimer la moelle par les
berges de l'ostéotomie (fig. 46).
Pour ce faire, c'est à la pince de Kérisson que l'on réalise cet ajustement sous contrôle de la vue,
d'un trou de conjugaison à l'autre.
On peut être amené à faire autant d'ostéotomies que nécessaire en sachant qu'il faut toujours avoir
des points de fixation aussi rapprochés que possible de ces ostéotomies pour éviter toute
mobilisation intempestive, en particulier latéralement en cisaillement-rotation.
Cure de pseudarthrose
Lorsque dans une arthrodèse postérieure on constate cliniquement (perte de correction, douleurs) ou
radiologiquement (liseré clair) des signes de pseudarthrose, la découverte de la pseudarthrose lors
de la reprise chirurgicale n'est pas toujours évidente.
Dans certains cas, le simple dépériostage montre la discontinuité osseuse ; dans d'autres, il n'y a
qu'une simple boursouflure et c'est en abrasant à la gouge ou au ciseau que l'on peut avoir le liseré
blanchâtre fibreux traversant de part en part la zone d'arthrodèse.
Souvent, il s'agit de greffes qui n'ont pas intéressé l'arc postérieur en entier et en particulier ponté
seulement les massifs articulaires sans que celles-ci aient été avivées une à une.
Dans ces cas, il faut reprendre l'excision du tissu fibreux et des articulaires sus- et sous-jacentes et
effectuer ensuite un nouveau montage fixant bien de part et d'autre la zone de pseudarthrose le plus
souvent en compression convexe, c'est pourquoi là encore l'instrumentation segmentaire type CD est
la meilleure.
Extension d'instrumentation
Que ce soit vers le haut ou vers le bas, on recherchera toujours dans ces reprises à s'appuyer sur les
niveaux qui donneront les meilleurs axes de gravité frontal et surtout sagittal.
- Lorsqu'il s'agit d'une instrumentation segmentaire type CD, il faut parfois retirer les 2 derniers
crochets distaux, couper le DTT et se raccrocher en direct sur l'extrémité des deux tiges restantes
soit avec un tube de liaison, soit avec un ou mieux deux dominos dont certains sont à ouverture
latérale. La prise ainsi est bonne et l'extension vers le bas ou vers le haut peut se faire. Il faut savoir
que la fixation sur la nouvelle vertèbre choisie doit être en général pour le haut effectuée avec double
prise pédiculotransversaire, ou mieux pédiculo-sus-lamaire, dès que l'on arrive à D3 ou D2, vers le
bas, en particulier s'il y a une composante cyphotique à corriger, toujours terminer par une pince
lamo-lamaire sur deux niveaux successifs. Il faut bien sûr avant ces montages réaliser l'avivement
soigneux de tous les éléments des arcs postérieurs y compris les articulaires et y apporter les
greffons autogènes adéquats.
- Lorsqu'il s'agit d'une ancienne arthrodèse avec instrumentation partielle, il vaut mieux enlever
l'ancienne instrumentation, faire les ostéotomies et prendre de nouveaux ancrages dans la masse de
fusion selon les principes énoncés (cf. supra) et réaliser le montage final selon les principes de
l'instrumentation segmentaire de type CD.
Haut de page
Interventions par voie antérieure
Les abords antérieurs du rachis sont techniquement plus complexes que les abords postérieurs, en
particulier quand ils sont étendus. Leurs suites opératoires sont parfois plus longues, nécessitant des
séjours en réanimation plus ou moins prolongés, surtout en cas de désinsertion du diaphragme.
Ils ont été conçus dans un but de redressement et de fusion intersomatique des grosses scolioses
paralytiques lombaires, où ils trouvent leurs meilleures indications. Leur place reste relativement
restreinte dans la scoliose idiopathique ; ils sont le plus souvent utilisés en complément d'une greffe
postérieure surtout depuis le développement des instrumentations segmentaires avec correction
tridimensionnelle permettant par voie postérieure des corrections beaucoup plus importantes que par
le passé.
Indications
Le redressement vertébral antérieur d'une scoliose idiopathique peut être réalisé seul, en utilisant une
instrumentation métallique (Dwyer, VDS ou « ventral derotation spondylodese », plaque antérieure),
aux conditions suivantes :
A chaque fois que la courbure scoliotique ne remplit pas ces conditions par sa topographie, son
importance ou sa raideur, il est nécessaire d'associer au temps antérieur une arthrodèse vertébrale
postérieure instrumentée.
Les buts recherchés par la chirurgie antérieure sont ici de deux ordres : mécaniques et biologiques.
But mécanique
Il s'agit des scolioses évoluées et raides de l'adolescent, pour lesquelles on essaie d'obtenir une
meilleure correction, en agissant directement sur l'étage discoligamentaire antérieur par une
libération convexe avec ou sans instrumentation.
Dans certains cas où il existe une composante cyphotique importante associée à la scoliose, il est
nécessaire de faire une greffe vertébrale antérieure étayée par des greffons corticaux en palissade,
après libération de la concavité de la courbure.
Quand il existe une très importante lordose thoracique, il est aussi nécessaire de faire une libération
intercorporéale antérieure avant d'effectuer la correction par voie postérieure, il en est de même
quand il existe une forte dislocation rotatoire à la jonction de deux zones de lordoscoliose.
Dans tous ces cas où la chirurgie antérieure est réalisée dans un but mécanique, elle doit précéder le
temps postérieur de 8 à 15 jours, pendant lesquels l'enfant est installé en traction par halo crânien et
bandes adhésives sur les membres inférieurs, permettant ainsi d'obtenir une correction douce et
progressive de la déformation rachidienne, sous surveillance neurologique quotidienne.
But biologique
Le second but de la chirurgie antérieure est biologique lorsqu'il s'adresse à un rachis jeune, en pleine
croissance. En effet, dans les scolioses infantiles malignes où l'on est obligé d'intervenir à un âge
relativement jeune (Risser : 0), pour stopper une évolution incontrôlable par un traitement
orthopédique traditionnel, un redressement avec arthrodèse postérieure précoce doit toujours être
associé à une épiphysiodèse convexe antérieure pour éviter d'aboutir, à la fin de la période de
croissance, à un effet « vilebrequin » dû à la croissance des corps vertébraux hypertournés, amenant
une récidive de la déformation. Dans ces cas-là, les deux temps opératoires antérieur et postérieur
peuvent être réalisés le même jour, si l'état de l'enfant et l'étendue de l'arthrodèse le permettent, ce
qui est souhaitable, sinon ces temps auront un intervalle de 8 jours pendant lesquels l'enfant sera mis
en traction.
Installation du malade
Si la greffe vertébrale antérieure constitue le premier temps, précédant une chirurgie postérieure, un
halo crânien est posé d'emblée avant le retournement du malade, il servira pour l'installation du
malade aux deux temps opératoires et/ou pour la traction dans la période intermédiaire.
L'opéré est placé en décubitus latéral, incliné de 20 à 30° vers l'opérateur, un petit billot sous
l'aisselle pour laisser libre le paquet vasculonerveux axillaire, et un gros billot sous le sommet de la
déformation rachidienne (fig. 47), sous traction par un halo ou une mentonnière au niveau de la tête,
et par bandes adhésives sur le membre inférieur placé vers le haut, l'autre étant fléchi. Cette traction
ne dépassant pas le quart du poids de l'enfant, elle est répartie équitablement entre la tête et la
jambe.
Le membre supérieur situé vers le haut est placé sur un appui à bras ou fixé à l'arceau des
anesthésistes par une bande velpeau lâche.
Le malade est fixé par un appui fessier en arrière et un appui pubien en avant, ainsi que par une
bande adhésive élastique placée à la partie supérieure du thorax qui permet de stabiliser le tronc.
Après un badigeonnage large du tronc à l'alcool iodé, des champs imperméables autocollants sont
posés, délimitant un champ rectangulaire oblique, incluant les apophyses épineuses en arrière, et
l'ombilic en avant. Ce champ sera recouvert par un film adhésif transparent iodé, évitant tout contact
avec le peau.
Si un prélèvement tibial est prévu en cours d'intervention pour un étayage d'une cyphose, le membre
inférieur reposant sur la table et libre de traction sera badigeonné à l'alcool iodé et enveloppé dans
un jersey stérile collé, remontant jusqu'à la racine de la cuisse, où un garrot pneumatique aura été
préalablement posé. Cette jambe sera donc incluse dans le champ opératoire stérile, le guéridon
mobile sera habillé indépendamment pour pouvoir le placer et le déplacer, au moment de la prise du
greffon, sans faire de fautes d'asepsie.
L'opérateur se place dans le dos du malade, son premier aide et son instrumentiste en face de lui,
son deuxième aide à son côté. Un guéridon mobile est placé à hauteur de la cuisse du malade. On
utilisera exclusivement des compresses marquées par un fil radio-opaque tout le long de
l'intervention par mesure de précaution.
C'est du côté convexe que l'abord des corps vertébraux sera le plus aisé et le plus efficace pour la
libération et l'instrumentation.
Scolioses cyphosantes
Quand il existe une composante cyphotique marquée, où l'on cherche à obtenir un effet de soutien
mécanique, c'est par la concavité qu'il faut aborder la courbure.
Région thoracique
On fait habituellement une thoracotomie transpleurale classique, prélevant une côte au passage.
Le choix de la côte est important pour la qualité de l'exposition du rachis, on prend généralement
celle correspondant à deux niveaux au-dessus de la limite supérieure de la greffe.
La côte choisie est repérée dès l'installation du malade, l'incision est tracée sur toute sa longueur, par
un marqueur permanent, avant le badigeonnage.
La plèvre est alors ouverte, au milieu du lit de la côte enlevée, avec un bistouri à petite lame lors d'un
mouvement d'expiration, puis l'incision est prolongée en avant et en arrière soit par des ciseaux de
Metzenbaum, soit par le bistouri électrique en faisant passer un doigt dans la cavité thoracique pour
soulever la plèvre.
On met des champs de bordure sur les deux bords de l'incision, puis on installe un écarteur
autostatique thoracique de Finochietto, sur lequel on fixe une ou deux lames malléables habillées
d'une compresse, pour écarter le poumon qui finit par se collaber ; on obtient ainsi une très bonne
exposition du rachis (fig. 49).
L'abord rachidien proprement dit commence par l'incision de la plèvre prévertébrale, aux ciseaux de
Metzenbaum, tout le long de la zone à greffer en plein milieu de la face latérale des corps vertébraux
et suivant les courbures rachidiennes ; elle sera ensuite décollée sur les côtés par des petits tampons
montés, mettant à nu à partir de D4 les vaisseaux transversaux dont on fera une ligature soigneuse à
chaque étage. Cette ligature sera de préférence assez proximale, en regard du corps vertébral lui-
même et loin du trou de conjugaison, afin de préserver au maximum le réseau anastomotique
périforaminal, pauvre dans la région thoracique, et prévenir les risques d'ischémie médullaire ; il
faudra aussi éviter de coaguler à l'entrée des trous de conjugaison. Le sympathique sera facilement
écarté latéralement, après section de certaines de ses branches. Dans la région cervicothoracique et
thoracique supérieure au-dessus de D4, si les éléments importants sont plus antérieurs : trachée,
oesophage, nerf phrénique, les éléments dangereux sont latéraux : chaîne sympathique, première
racine dorsale, anastomose C8-D1, d'où la nécessité de rester assez médian dans cette région,
après ligature de la veine intercostale supérieure, qui draine les trois premiers corps vertébraux.
Du côté gauche, il est parfois nécessaire de sectionner en plus la veine hémiazygos supérieure, le
canal thoracique étant plus à distance, à proximité de l'oesophage. Une fois les vaisseaux
transversaux ligaturés, on incise au bistouri électrique le plan du ligament vertébral antérieur commun
et du périoste, tout le long de la zone à greffer, en plein milieu de la face latérale du rachis ; on
dégage les corps vertébraux en sous-périosté par une rugine de Cobb, en commençant de
préférence à la jonction disque-plateau vertébral car c'est la zone qui colle le plus ; en avant le
dégagement se poursuivra jusqu'à la face controlatérale du corps, et latéralement jusqu'au départ de
l'apophyse transverse. Ce plan ligamentopériosté sera suspendu de chaque côté par des fils de
traction, permettant d'avoir une excellente exposition du rachis. Il est souvent nécessaire de faire une
bonne hémostase de la face profonde du périoste, ainsi que de l'os, dont les trous nourriciers seront
bouchés à la cire de Horsley.
Région thoracolombaire
L'abord de la jonction dorsolombaire, de D10 à L2, se fait au mieux par une thoraco-phréno-
lombotomie, qui permettra en plus de s'élargir à la demande vers le haut et vers le bas. La côte
choisie est celle qui correspond généralement à un étage au-dessus de la limite supérieure de la
greffe, nous préservons habituellement la dernière côte pour la commodité de l'exposition et de la
fermeture, ce sera donc en l'occurrence les 9e, 10e ou 11e côtes quand elles sont au nombre de 12
sur la radio.
L'incision cutanée est là aussi centrée sur la côte choisie, prolongée en avant vers la mi-distance
entre l'ombilic et le pubis, dessinée avec un marqueur permanent avant le badigeonnage. La côte est
dégagée en sous-périosté, décollée de son cartilage et désarticulée en arrière comme dans le
chapitre précédent. La plèvre pariétale est incisée au milieu du lit de la côte, jusqu'au rachis en
arrière, et jusqu'au cartilage en avant ; ce dernier est tenu par deux pinces à champ et coupé en deux
par une incision oblique, ce qui permet d'ouvrir la cavité rétropéritonéale et sous-diaphragmatique
avec prudence pour ne pas ouvrir le péritoine qui sera refoulé au doigt ou au tampon monté. Les
muscles abdominaux sont ensuite incisés plan par plan, jusqu'à ce qu'on se trouve dans la loge
rétropéritonéale ; un feutrage cellulograisseux peu vascularisé et facilement dissécable constitue un
bon plan de passage, permettant de refouler vers l'avant le rein et le péritoine, dégageant ainsi le
plan du psoas.
Le rachis est ainsi abordé, à l'étage thoracique après incision de la plèvre en partant du repli
diaphragmatique, et à l'étage lombaire en ruginant vers le dehors le muscle psoas. Le sympathique
est récliné latéralement, les gros vaisseaux seront protégés et prudemment écartés vers le dedans.
Les vaisseaux transversaires seront ligaturés et sectionnés et le rachis dégagé en sous-périosté sur
Région lombaire
Quand la limite supérieure de l'arthrodèse est en dessous de L1, la voie d'abord sera une lombotomie
rétropéritonéale, sous-diaphragmatique pure.
L'incision cutanée part de l'angle costovertébral en haut, longe le bord inférieur de la 12e côte et se
dirige ensuite vers le pli inguinal, en passant à 3 cm de l'épine iliaque antérosupérieure, descendant
plus ou moins bas selon la limite inférieure de la greffe.
Les muscles abdominaux sont incisés plan par plan, d'abord le grand oblique, puis le petit oblique et
le transverse, jusqu'au fascia transversalis et le péritoine qui est respecté et refoulé en dedans avec
les viscères abdominaux. On se porte ensuite vers la loge rétropéritonéale, en passant dans le bon
plan de clivage, permettant de repousser le rein avec son enveloppe graisseuse et mettant à nu le
psoas. L'uretère et les vaisseaux génitaux seront protégés et refoulés avec le péritoine. Le psoas est
désinséré au niveau de son arcade puis ruginé de dedans en dehors, jusqu'à la base des apophyses
transverses, sans léser les vaisseaux transversaires lombaires qui seront ligaturés à chaque étage.
Si on est amené à descendre jusqu'à L5, il faudra libérer et ligaturer la veine iliolombaire ou lombaire
ascendante, pour écarter les vaisseaux iliaques primitifs, ceci est d'autant plus délicat qu'il y a des
variantes multiples.
Le rachis est ensuite dégagé en sous-périosté sur ses trois faces comme pour les autres étages.
Greffes vertébrales
Le geste vertébral en lui-même sera réalisé en fonction de l'âge de l'enfant, du type, de la localisation
et de l'importance de la déformation.
L'excision discale commence par un décollement, au ciseau à disque, entre les plateaux vertébraux
et les cartilages de croissance résiduels qui seront emportés avec le tissu discal ; deux incisions
verticales dans le disque, une postérieure contre le ligament intervertébral postérieur et une
antérieure, permettront une résection en bloc d'une bonne partie du disque, le reste sera enlevé à la
curette et à la pince mangeuse de disque. Si le but du geste est purement mécanique, on retire la
totalité du disque, en faisant attention de ne pas léser le ligament intervertébral postérieur au fond de
l'espace. En revanche, si le geste a pour but une épiphysiodèse convexe, on enlèvera seulement la
moitié du disque et des cartilages. Dès qu'on a fini d'enlever le disque, on avive les plateaux
vertébraux à la curette et on tasse du Surgicel® dans l'espace discal vidé et on passe à l'étage
suivant.
Une fois tous les disques enlevés, on retire les Surgicel® que l'on remplace par les greffons
provenant de la côte découpée.
C'est la greffe de soutien mécanique pour les scolioses cyphosantes. Là aussi on fait un évidement
discal quasi complet, techniquement plus délicat que par la convexité.
Pendant ce temps, l'aide prélève un greffon cortical tibial, dont la taille correspond à la hauteur de la
cyphose à étayer. On réalise des tranchées osseuses sur les vertèbres proches du fond du sinus,
pour y encastrer les greffons tibiaux en palissade, l'un après l'autre en partant du fond. Le dernier est
posé en force, en même temps qu'on réduit la cyphose en poussant à la main sur son sommet. Ce
greffon permet de maintenir la réduction. Les fragments spongieux provenant des tranchées
vertébrales, ainsi que la côte découpée, seront mis dans les espaces discaux et entre les greffons
tibiaux.
Instrumentations antérieures
Instrumentation de Dwyer
Le matériel utilisé est en titane (fig. 52), il comprend des agrafes à deux branches, de taille différente
pour s'adapter à la hauteur des corps vertébraux, perforées en leur milieu pour laisser passage à la
vis vertébrale, de longueur variable ; la tête est perforée pour laisser passer le câble torsadé, souple
et résistant, dont la mise en tension et la fixation produiront la compression souhaitée. Le matériel
ancillaire est formé d'un tournevis, d'un porte-agrafe, d'une pince-tendeur du câble munie d'un ressort
dynamométrique, d'une pince à étamper et d'une pince coupante. La mise en place du matériel est
simple ; on commence par la vertèbre extrême, c'est-à-dire celle adjacente à un espace discal non
évidé, on pose la première agrafe choisie de la bonne taille, de telle sorte que ses deux branches
cadrent bien les plateaux supérieur et inférieur de la vertèbre ; la vis doit être de longueur suffisante
pour prendre toute la largeur du corps vertébral, sa pointe doit légèrement dépasser de l'autre côté.
Dès que la deuxième agrafe et la vis sont posées, on fait passer le câble dans les têtes de vis et on
le met en tension, de telle sorte que son extrémité munie d'un renflement vienne se caler contre la
tête de la première vis, la compression obtenue est maintenue par étampage de la tête de la vis
fixant le câble en place. Ces manoeuvres sont répétées de proche en proche jusqu'à la dernière
vertèbre où, en plus de l'étampage de la tête de la dernière vis, on met une olive supplémentaire de
sécurité sur le câble, que l'on écrase contre la tête de la vis, puis on coupe le câble et on retourne
son extrémité pour éviter de léser les parties molles avoisinantes (fig. 53). Toute la courbure doit être
instrumentée. Un détail technique important est à connaître : les vis doivent être mises dans un plan
strictement frontal de la vertèbre et être d'autant plus postérieures que l'on s'approche du sommet de
la courbure, pour éviter d'avoir un effet cyphosant dans la correction, néfaste dans la région
dorsolombaire et lombaire (fig. 54).
A la fin de la mise en place du matériel, des greffons osseux provenant de la côte découpée seront
mis en place dans les espaces discaux rapprochés, en particulier dans leur partie antérieure.
Le principal défaut est la difficulté d'obtenir une lordose car c'est un matériel cyphosant à partir du
moment où on comprime les corps vertébraux en avant et ce d'autant plus que l'enfant n'a pas
terminé sa croissance car on a vu des cyphoses s'aggraver avec la fin de croissance.
La correction est difficile et insuffisante pour les scolioses hautes, en particulier thoraciques.
Instrumentation de Zielke
Encore appelée VDS, l'opération de Zielke a le même principe que celle de Dwyer : correction de la
déformation par compression convexe, après évidement discal et avivement des plateaux vertébraux,
elle est néanmoins supérieure par une meilleure correction de la cyphose et de la rotation vertébrale,
grâce à un instrument spécial, le dérotateur.
- un compas pour mesurer la largeur du corps vertébral, la longueur de la vis choisie sera 5 mm plus
longue ;
- un poinçon droit et un poinçon coudé pour préparer l'avant-trou de la vis ;
- un porte-vis droit et un porte-vis à cardan pour les vertèbres extrêmes ;
- une pince porte-tige ;
- des clés plates droites, coudées et à boulonnage rapide avec une branche plus courte, permettant
un serrage plus rapide dans un seul sens ;
- une pince coupante ;
- un dérotateur composé de 4 pièces :
La technique opératoire utilise la même installation et la même voie d'abord que pour l'opération de
Dwyer, sauf que la table d'opération aura été cassée pour exagérer la déformation. La mise en place
du matériel commence par la plaque coudée supérieure, tout en préservant le disque charnière, un
avant-trou est fait au poinçon à travers l'orifice de la plaque, et la première vis, à ouverture latérale,
est posée, sa pointe doit être sentie de l'autre côté de la vertèbre.
Les vis intermédiaires à ouverture postérieure sont ensuite mises en place à travers les rondelles,
convexité externe. Enfin, la vis extrême inférieure à ouverture latérale est posée avec la plaque
coudée. Les vis sont placées à mi-distance et parallèlement aux plateaux vertébraux, la direction
légèrement postéroantérieure, suivant la rotation vertébrale, leur point d'entrée est donc d'autant plus
postérieur qu'on s'approche du sommet de la courbure. Ensuite, on procède à l'insertion de la tige
filetée, munie des écrous, dans les têtes de vis, cette manoeuvre est facile grâce à la souplesse de la
tige. Les écrous sont alors mis en tension jusqu'à la pénétration de leur partie cylindrique dans les
têtes de vis, dans le sens de la compression de part et d'autre du sommet. Le dérotateur est posé
dans un plan frontal, son attelle est reliée à ses extrémités à la tige filetée par les glissières et à sa
partie médiane par la vis de tension, le levier de dérotation est ensuite fixé sur l'attelle permettant de
lui imprimer une succession de mouvements dans le plan sagittal, produisant ainsi une dérotation
vertébrale et un effet lordosant sur le rachis instrumenté (fig. 56). Le bâillement intervertébral
antérieur ainsi créé est comblé par des greffons osseux provenant de la côte débitée. La table est «
décassée » avant de serrer les écrous jusqu'à obtenir la correction souhaitée, en partant du sommet
de la courbure vers les extrémités. Le dérotateur est enlevé, on serre les contre-écrous des deux
vertèbres extrêmes et on coupe les extrémités de la tige qui dépassent (fig. 57).
Bien que cette instrumentation présente des avantages certains par rapport à la technique de Dwyer
quant à ses qualités mécaniques et ses effets correcteurs, elle présente néanmoins quelques
inconvénients similaires : risque de fracture de corps vertébraux, d'arrachement de vis, de fracture de
tige et pseudarthrose, en particulier à l'extrémité supérieure du montage, et surtout la nécessité d'une
immobilisation plâtrée postopératoire, suivie d'un port de corset orthopédique pendant plusieurs mois,
rendant cette technique moins acceptable pour les scolioses idiopathiques.
Conçue par Pouliquen et Rigault en 1974, la technique de redressement antérieur par plaque
consiste à aborder le rachis par sa convexité et à l'aligner sur une plaque vissée dans les corps
vertébraux.
La plaque existe en 6 tailles différentes, de 13 à 23 cm, perforée de trous ovalaires sur toute sa
longueur, elle présente une courbure qui doit préserver ou restaurer les courbures physiologiques
sagittales du rachis. Les vis ont un pas large pour avoir un bon ancrage dans l'os spongieux des
corps vertébraux ; cette prise peut être améliorée par l'utilisation d'une rondelle écrou à l'extrémité
concave de la vis, en particulier à la partie supérieure thoracique du montage.
La plaque choisie est posée concavité vers l'avant pour l'étage thoracique et thoracolombaire,
concavité vers l'arrière pour l'étage lombaire ; on commence par mettre en place la vis de la ou des
vertèbres du sommet, puis on fixe les autres vertèbres de part et d'autre jusqu'aux vertèbres limites ;
le montage doit bien recouvrir la totalité de la courbure. Les vis doivent être posées dans un plan
frontal, à mi-distance et bien parallèle aux plateaux vertébraux, pour que leur serrage réalise un
mouvement de rappel sur la vertèbre, produisant ainsi sa dérotation et son alignement sur la plaque.
Une rondelle de sécurité sera mise sur la face concave de la ou des vertèbres extrêmes supérieures,
pour améliorer la tenue des vis. Les espaces intervertébraux résiduels seront comblés par des
greffons osseux provenant de la côte ou du péroné prélevé en peropératoire (fig. 58).
Dans les suites opératoires, un corset plâtré est réalisé au 15e jour permettant de verticaliser l'enfant,
un relais est rapidement pris par un corset lyonnais qui doit être porté jusqu'au 18e mois
postopératoire.
Cette technique donne des résultats satisfaisants et stables, à condition de respecter les contre-
indications qui sont, pour les promoteurs :
Les reproches qu'on peut lui faire sont ceux des redressements antérieurs instrumentés en général, à
savoir :
Fermeture
Thoracotomies
Le volet ligamentopériosté est suturé au Vicryl® par des points en X, qui permettent de maintenir les
greffons en place, même si l'affrontement n'est pas total.
Ensuite la plèvre pariétale est suturée tout le long du rachis. Un lavage de la cavité thoracique est fait
au sérum tiède. Les compresses sont comptées, un drain thoracique de gros calibre (no 30) est posé
à travers un espace intercostal adjacent. La fermeture de la thoracotomie commence par la suture,
en un seul plan, de la plèvre pariétale et du périoste de la côte enlevée, puis on suture les plans
musculaires, le plan sous-cutané et la peau par un surjet intradermique.
Lombotomies
On commence là aussi par suturer le plan ligamentopériosté tout le long de la zone arthrodésée. Le
psoas est remis en place, il vient recouvrir les greffons osseux ou une éventuelle instrumentation
antérieure, son pilier est suturé. Un drain de Redon est posé dans la loge rétropéritonéale. Les
muscles abdominaux sont fermés plan par plan jusqu'à la peau.
Thoraco-phréno-lombotomies
La lombotomie est fermée comme dans le paragraphe précédent, sur un drain de Redon. A l'étage
thoracique, la plèvre est suturée jusqu'au diaphragme, qui est réinsérée en partant de son pilier
jusqu'au cartilage costal, cette réinsertion est facilitée par les points repères mis en place lors de
l'abord. Un gros drain thoracique est posé et la thoracotomie est fermée comme vu précédemment.
Soins postopératoires
Le malade est installé sur un lit Stryker qui permet d'alterner le DD et le DV, il est gardé dans un
service de réanimation chirurgicale pendant quelques jours, en particulier après une thoraco-phréno-
lombotomie, jusqu'à l'ablation du drain thoracique. Si la greffe antérieure n'est pas instrumentée,
précédant une arthrodèse postérieure qui sera réalisée dans les 8 à 15 jours suivants, le malade est
mis sous traction par le halo crânien posé en préopératoire (3 à 5 kg), et par des bandes collées sur
les membres inférieurs (1,5 à 2,5 kg de chaque côté) ; cette traction progressive et surveillée permet
un gain correctionnel non négligeable entre les deux temps opératoires. Pour les greffes antérieures
instrumentées, nous avons déjà parlé de l'immobilisation postopératoire nécessaire pour chaque type
d'instrumentation.
Références Bibliographiques
[1] CHOPIN D, DESARNAUD M. Les redressements arthrodèses par voie antérieure. Matériel de
Zielke (VDS). In : Cahiers d'enseignement de la SOFCOT no 24. La scoliose idiopathique.
Expansion Scientifique Française. Paris. 1986 ; pp 121-123
[2] COTREL Y, DUBOUSSET J Nouvelle technique d'ostéosynthèse rachidienne segmentaire par voie
postérieure. Rev Chir Orthop 1984 ; 70 : 489-494
[3] COTREL Y, DUBOUSSET J, MILADI L. Les redressements arthrodèses par voie postérieure.
Instrumentation universelle (CD). In : Cahiers d'enseignement de la SOFCOT no 24. La scoliose
idiopathique. Expansion Scientifique Française. Paris. 1986 ; pp 87-93
[4] DWYER AF, NEWTON NC, SHERWOOD AA An anterior approach to scoliosis. Clin
Orthop 1969 ; 62 : 192-202
[7] POULIQUEN JC, PENNEÇOT GF. Les redressements-arthrodèses par voie antérieure.
Redressement antérieur par plaque. In : Cahiers d'enseignement de la SOFCOT no 24. La
scoliose idiopathique. Expansion Scientifique Française. Paris. 1986 ; p 129-134
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4
Montage de Dove-Hartshill.
Fig. 5
La scoliose est une déformation tridimensionnelle. 1. Plan sagittal. 2. Plan frontal. 3. Plan horizontal.
Fig. 6
Rotation de la tige précintrée à l'intérieur des crochets. A. Correction dans le plan frontal. B. Correction dans le plan
sagittal.
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
A. Crochet à corps fermé. B. Crochet à corps ouvert. C. Bloqueur pour crochet à corps ouvert.
Fig. 10
Fig. 11
A. Crochet pédiculaire. B. Crochet transversaire. C. Crochet laminaire. D. Crochet à lame décalée. E. Crochet à lame
réduite.
Fig. 12
Fig. 13
Fig. 14
Fig. 15
Instruments de préhension.
Fig. 16
Instruments d'introduction.
Fig. 17
Instruments de cintrage.
Fig. 18
Instruments de correction.
Fig. 19
Instruments de blocage.
Fig. 20
Vertèbres intermédiaires.
Fig. 21
Vertèbre apicale et vertèbres limites. VES = vertèbre extrême supérieure ; VEI = vertèbre extrême inférieure ; VA = vertèbre
apicale.
Fig. 22
Fig. 23
Fig. 24
Fig. 25
Fig. 26
Fig. 27
Fig. 28
Fig. 29
Fig. 30
Fig. 31
Fig. 32
Fig. 33
Fig. 34
Fig. 35
Fig. 36
Fig. 37
Fig. 38
Fig. 39
Fig. 40
Fig. 41
Rotation de la première tige. A. Effet dans le plan frontal. B. Effet dans le plan sagittal.
Fig. 42
Fig. 43
Mise en place des dispositifs de traction transversale. Ordre dans lequel on place et serre les crochets du DTT (1, 2, 3).
Fig. 44
Fig. 45
Fig. 46
Ostéotomie vertébrale postérieure. Principe de base. 1. Greffe. 2. Fourreau dural. A. Bonne technique. B. Mauvaise
technique.
Fig. 47
Installation du malade.
Fig. 48
Voies d'abord.
Fig. 49
Exposition du rachis.
Fig. 50
Fig. 51
Fig. 52
Matériel de Dwyer.
Fig. 53
Fig. 54
Technique de Dwyer : exemple d'une courbure lombaire. A. Radio préopératoire. B. Radio postopératoire.
Fig. 55
Implants de Zielke.
Fig. 56
Fig. 57
Fig. 58
Fiche additive :
Traitement chirurgical des scolioses
idiopathiques
JP Steib
A Mitulescu Apport du cintrage in situ
dans la correction des scolioses
Résumé. – La chirurgie instrumentale des scolioses est née dans les années 1960 [5] . La majorité des
instrumentations et techniques chirurgicales se basent sur les principes de distraction-compression, de
translation, ou plus récemment de rotation de la tige [3]. La correction est essentiellement obtenue dans les
plans frontal et sagittal, l’action sur la rotation axiale étant plus discrète. Le principe de correction par
modelage de la tige dans le champ opératoire (cintrage in situ) a été utilisé pour la première fois par RP
Jackson [7] pour la réduction des fractures lombaires. Progressivement, cette technique a été appliquée au
traitement chirurgical des scolioses. L’instrumentation et la correction sont séparées : la tige est posée sans
volonté de correction (implants fermés mais non bloqués), puis est travaillée in situ pour réduire la
déformation. Le cintrage de la première tige dans le champ opératoire (fers à cintrer) permet d’imposer au
rachis des efforts dans le plan frontal et dans le plan sagittal. Ces forces, dispensées plan par plan et segment
par segment, font suivre à la vertèbre le chemin inverse de la pathologie. Une deuxième tige augmente encore
la correction et stabilise l’ensemble. Les implants sont alors verrouillés. La réduction segmentaire obtenue par
cintrage semble plus sûre et plus performante en calquant le mouvement déformant.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Jean-Paul Steib : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien, service d’orthopédie et de
Principes du cintrage in situ
traumatologie du sport, pavillon chirurgical B, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital,
67091 Strasbourg cedex, France.
Anca Mitulescu : Ingénieur, docteur en mécanique, association européenne des groupes de recherche dans
On appelle cintrage in situ le modelage d’une tige dans le champs
l’ostéosynthèse rachidienne (ARGOS). opératoire. Le but est d’obtenir la correction d’une déformation, en
Toute référence à cet article doit porter la mention : Steib JP et Mitulescu A. Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, Fa 44-194, 2002, 8 p.
Fa 44-194 Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Techniques chirurgicales
1 Manœuvres de cintrage.
A. Efficace.
B. Déconseillée.
C. Interdite.
D. Lordoser.
E. Fers à cintrer.
F. Cyphoser.
*
A *
B *
C
*
D *
E *
F
2
Techniques chirurgicales Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Fa 44-194
VLS
APEX
*
A
VLI
3
Fa 44-194 Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Techniques chirurgicales
Réduction
8 Ouverture de l’articu-
• Scoliose thoracique :
lation thoracique pour la – Crochets pédiculaires concaves une vertèbre sur deux.
greffe et/ou mise en place – Cintrage de la tige concave :
d’un crochet pédiculaire. – vers le dedans ;
– vers l’arrière.
– Pas de distraction.
• Scoliose lombaire :
– Vis convexes à tous les niveaux.
– Rotation des vis.
– Cintrage de la tige convexe : vers l’avant.
– Pas de compression.
4
Techniques chirurgicales Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Fa 44-194
*
A *
B *
C *
D
9 Insertion de la tige par des manœuvres successives de cintrage. Le cintrage et l’insertion de la tige se font successivement pour cha-
que implant tout au long de la zone instrumentée (A, B, C, D). Les premiers crochets supérieurs sont verrouillés pour éviter la rotation
parasite de la tige (E).
*
E
*
A *
B
*
C *
D *
E
5
Fa 44-194 Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Techniques chirurgicales
Fermeture et postopératoire
Deux dispositifs de traction transversale (trois si plus de 20 cm entre
eux) terminent le montage volontiers en écartement là où il y a des
crochets, en rapprochement là où il y a des vis. On vérifie encore le
bon verrouillage des implants (matage du métal). Après lavage
soigneux, la greffe est complétée pour assurer l’avenir du montage,
et le rachis fermé sur un drainage sous-cutané. Les patients sont
verticalisés dès le lendemain de la chirurgie, pour déambuler dès le
2e jour. Ils sont hospitalisés environ 1 semaine avant de retourner,
pour la plupart d’entre eux, à domicile. Chez les scolaires, la classe
est reprise à partir de la 6e semaine et le travail chez l’adulte après 4
à 6 mois.
Conclusion
Quand le cintrage n’est plus possible à un niveau et en un plan Le cintrage in situ est une technique originale de réduction des
donnés, il faut le répéter à un niveau sus- ou sous-jacent et/ou dans déformations du rachis. Elle s’attache à corriger les déformations dans
l’autre plan. Cette répartition des efforts libère les contraintes et les trois plans de l’espace. Elle semble aujourd’hui être la plus efficace
permet une optimisation de la correction. en matière de correction de la rotation vertébrale. Cette technique
Les mêmes principes de correction sont appliqués à une scoliose répond à certaines règles précises qui, si elles sont respectées, la rendent
thoracolombaire : en fonction du profil, la tige de travail est convexe extrêmement sûre et adaptée à tout type de déformations.
6
Techniques chirurgicales Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Fa 44-194
14 Impaction du crochet.
*
C
*
B
*
A
*
A *
B
15 Action de la tige au niveau thoracique. Le pédicule concave sert de point fixe lors
de la poussée du côté convexe (A). La forme des crochets est adaptée à la forme des fa-
cettes articulaires de façon à autoriser la poussée de la vertèbre apicale sans risque (C).
a : point fixe du côté concave ; b : poussée du côté convexe ; c : pas d’action périphéri-
que ; d : action locale.
*
C
16 Effort de compression et/ou de distraction lombaire pour obtenir une ligne bipédicu-
laire perpendiculaire aux tiges.
distraction
90°
compression
Références ➤
7
Fa 44-194 Apport du cintrage in situ dans la correction des scolioses Techniques chirurgicales
Références
[1] Albee F. Transplantation of a portion of the tibia into the [8] Luque ER. Segmental spinal instrumentation for correction [14] Steib JP. Y a-t-il une alternative à la rotation de la tige dans
spine for Pott’s disease: a preliminary report. JAMA1911 ; scoliosis. Clin Orthop 1982 ; 163 : 192-498 le traitement chirurgical des scolioses ? 25e recueil du
57 : 885-886 groupe d’étude de la scoliose, 1994 : 193-198
[9] Roussouly P. Principes de réduction des déformations sco-
[2] Asher MA, Burton DC. A concept of idiopathic scoliosis liotiques par le système d’ostéosynthèse postérieure Colo-
deformities as imperfect torsion. Clin Orthop1999 ; 364 : rado. Rachis 2001 ; 13 : 59-64 [15] Steib JP. Les « nouveaux » systèmes d’instrumentation
11-25 rachidienne postérieure : l’instrumentation « SCS ». Cah
[10] Roy-Camille R, Demeuleneare C, Barcat E, Saillant G. Dorsal Enseign Soc Fr Orthop Traumatol : Instr Rachid 1995 ; 53 :
[3] Cotrel Y, Dubousset J. A new technique for segmental
and lumbar spine osteosynthesis by posterior approach. 121-124
spinal osteosynthesis using the posterior approach. Rev
Nouv Presse Méd 1973 ; 12 : 1309-1312
Chir Orthop 1984 ; 70 : 489-494
[4] Dequervain F, Hoessly H. Operative immobilization of the [11] Roy-Camille R, Mazel C, Petchot P, Saillant G. Traitement [16] Steib JP. Spine-contouring system in lumbosacral arthrod-
spine. Surg Gyncol Obstet 1917 ; 24: 428-436 des scolioses de l’adulte par plaques vissées de type mille esis. In : Margules JY ed. Lumbosacral and spinopelvic fixa-
pattes. Résultats d’une première série de 30 cas. XXe recueil tion. Philadelphia : Lippincott-Raven Publishers, 1996 :
[5] Harrington PR. Treatment of scoliosis. Correction and inter- du groupe d’étude de la scoliose, 1990 : 193-198
nal fixation by spinal instrumentation. J Bone Joint Surg Am 421-430
1962 ; 44 : 591-610 [12] Roy-Camille R, Petchot P. Le traitement des traumatismes
du rachis dorsal et lombaire par plaques postérieures [17] Steib JP, Ducrocq X, Avérous CH, Bogorin J. Surgical cor-
[6] Hibbs RA. A report of fifty-nine cases of scoliosis treated by
vissées dans les pédicules. Acta Orthop Belg 1991 ; 57 (suppl rection of lombar scoliosis: a comparison of different tech-
fusion operation. J Bone Joint Surg 1924 ; 6 : 3-19
1) : 184-190 niques. Results. Eur J Orthop Surg Traumatol1999 ; 9 :
[7] Jackson RP. Jackson sacral fixation and contouring spinal 151-156
correction techniques. In : Margules JY ed. Lombosacral [13] Steib JP. Une autre façon de réduire les déformations rachi-
and spinopelvic fixation. Philadelphia : Lippincott-Raven diennes : le cintrage in situ. Eur J Orthop Surg Traumatol
Publishers, 1996 : 357-379 1994 ; 4 : 70-72
8
44-198
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-198
Toute référence à cet article doit porter la mention : Miladi L, Tassin JL et Dubousset J. Traitement chirurgical des cyphoses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques
chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-198, 2002, 20 p.
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
– la forme anatomique de la cyphose ; Un halo est placé en début d’anesthésie. Il permet l’installation
opératoire et sert pour la traction intermédiaire entre les deux temps.
– la maturation squelettique du sujet.
Chez l’adulte, les clichés initiaux en réductibilité permettent de
déterminer la succession des temps opératoires. La préparation par
DYSTROPHIE RACHIDIENNE DE CROISSANCE traction permet habituellement d’obtenir la même correction que sur
(MALADIE DE SCHEUERMANN) le cliché en traction. Pour des cyphoses de plus de 80° ou 90° et peu
La maladie de Scheuermann est l’étiologie la plus fréquente des réductibles, il faut nécessairement commencer par le temps de
cyphoses. Nous la prendrons comme forme type pour décrire le libération-arthrodèse antérieure. Le temps postérieur est réalisé au
traitement des cyphoses régulières. Nous envisagerons ensuite le terme d’une période de traction halofémorale d’une quinzaine de
reste de l’étiologie. jours. Pour des cyphoses en deçà de 80° ou 90° et bien réductibles, il
est habituellement possible de réaliser les deux temps opératoires
Nous traiterons essentiellement les formes thoraciques de la maladie
dans la même séance. Pour les formes les plus réductibles, il est
de Scheuermann, qui sont de loin les plus fréquentes. Les
possible de commencer par le temps postérieur.
localisations lombaires relèvent exceptionnellement d’un traitement
chirurgical. ¶ Étendue des arthrodèses
¶ Indications thérapeutiques L’arthrodèse antérieure est habituellement plus courte (cinq à sept
disques) que l’arthrodèse postérieure. Elle intéresse habituellement
Avant la période pubertaire, il n’y a pas d’indication chirurgicale : deux ou trois disques de part et d’autre du sommet de la cyphose,
les cyphoses régulières sont rarement importantes, elles restent là où les corps vertébraux sont déformés, et où les disques seront
souples et accessibles à un traitement orthopédique. ouverts après correction. Il s’agit d’une excision discale avec greffe
En période pubertaire et pendant l’adolescence, le traitement intersomatique par fragments costaux, pouvant être associée à la
chirurgical est réservé aux cyphoses évoluées (> 70°) et raides du mise en place d’un greffon costal en inlay.
grand enfant, qui a déjà commencé l’ossification de ses crêtes L’arthrodèse postérieure doit être suffisamment longue, pour éviter
iliaques. une évolution en cyphose postopératoire, au-delà des limites de la
Chez l’adulte, les indications chirurgicales sont rares : aggravation zone arthrodésée. On retient généralement pour vertèbre d’appui
prouvée à l’âge adulte, douleur mécanique et retentissement inférieur de l’instrumentation, celle qui se situe au-dessus du
esthétique et psychologique. premier disque horizontal sur le cliché en hyperextension sur billot
La chirurgie comporte presque toujours une arthrodèse antérieure ou sur le cliché debout. Vers le haut, l’instrumentation doit dépasser
et postérieure. largement la zone dystrophique et être recouvrante, c’est-à-dire
dépasser la vertèbre limite supérieure de la cyphose.
¶ Stratégie chirurgicale ¶ Anatomie chirurgicale
La chirurgie comporte généralement deux temps, un temps Les arcs postérieurs sont allongés de haut en bas et aplatis d’avant
antérieur, souvent premier, de libération et de greffe, suivi d’un en arrière. L’épineuse est peu saillante en arrière mais allongée de
temps postérieur qui achève la correction, et la fixe par une haut en bas, et s’applique sur la lame de la vertèbre sous-jacente,
instrumentation vertébrale, aboutissant à l’arthrodèse rachidienne risquant de venir buter lors des manœuvres de correction. Les lames
définitive. et les articulaires sont peu épaisses, nécessitant un avivement léger
et prudent. Le ligament vertébral commun antérieur est épais.
Chez les sujets jeunes, avant le stade 2 ou 3 de Risser
Une arthrodèse postérieure isolée est suffisante si la cyphose est CYPHOSES CONGÉNITALES
inférieure à 80°. La croissance résiduelle des corps vertébraux
Ce sont les malformations vertébrales par défaut de formation ou
jusqu’en fin de croissance est théoriquement suffisante pour combler
de segmentation antérieure qui engendrent les déformations en
les vides antérieurs modérés laissés par la correction de la cyphose.
cyphose. La déformation est parfois présente dès la naissance. Elle
Une préparation simple de quelques jours par traction-pédalettes
risque d’évoluer vers l’aggravation, du fait de la grande asymétrie
est souhaitable. L’assouplissement du rachis facilite l’intervention et
entre les potentiels de croissance antérieure et postérieure du rachis,
diminue les contraintes exercées sur l’instrumentation postérieure.
dans la zone malformée.
En fin de croissance et chez l’adulte En période de croissance, les indications thérapeutiques dépendent
de l’évolutivité de la déformation : les malformations dont
La correction obtenue par la chirurgie postérieure laisse en avant l’aggravation est rapide doivent être traitées chirurgicalement sans
des espaces discaux largement ouverts, qui ne pourront être comblés attendre, d’autant plus qu’elles sont angulaires.
par la croissance résiduelle des corps, insuffisante ou terminée. Les Chez le jeune enfant (généralement avant l’âge de 5 ans), lorsque le
vides antérieurs exposent à la perte de correction, d’où la nécessité potentiel de croissance reste important, l’épiphysiodèse chirurgicale
d’associer une arthrodèse antérieure. postérieure, non instrumentée, débordant la zone malformée d’un
ou deux étages vers le haut et vers le bas, suivie d’une
Préparation immobilisation plâtrée de 4 mois au bout desquels une révision avec
La préparation est nécessaire au-delà de 90° d’angulation. Elle un complément de la greffe et une nouvelle immobilisation plâtrée
permet de tester la tolérance digestive et neurologique du patient à de 2 mois sont réalisés, permettent d’obtenir une correction
la correction. progressive de la déformation avec la croissance, si l’angle de la
cyphose n’est pas trop important (< 50°) [5, 7, 9].
Chez l’adolescent, elle est réalisée par plâtre de détraction, y compris
dans les cas peu réductibles sur le cliché sur billot. Elle permet Lorsque l’aggravation ne se manifeste qu’à la période pubertaire, le
habituellement d’obtenir une correction bien supérieure à la traitement chirurgical comporte une arthrodèse postérieure
réductibilité initiale. Si l’angulation est ramenée autour de 50°, le instrumentée et recouvrante, permettant une correction de la
premier temps opératoire est l’arthrodèse postérieure, réalisée déformation dans les étages adjacents à la malformation.
immédiatement à la sortie du plâtre. L’arthrodèse antérieure est Chez l’enfant d’âge intermédiaire (entre 7 et 12 ans), la chirurgie
effectuée 1 semaine plus tard. Le patient est maintenu en décubitus consiste en une arthrodèse instrumentée peu étendue.
simple entre les deux temps. Si la correction en fin de préparation Dans ces cyphoses congénitales sans instabilité, les complications
est insuffisante, le premier temps est la libération-arthrodèse neurologiques à type de compression médullaire sont rares et
antérieure, qui permet de compléter la correction de la déformation. tardives, survenant parfois seulement à l’âge adulte.
2
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
Il faut signaler le caractère souvent instable des cyphoses son effondrement en cyphose régulière progressive. Il s’agit de
malformatives. Il est recommandé de conserver le ligament « troncs mous » qui s’effondrent en cyphose. Les déformations des
interépineux ainsi que les apophyses articulaires à l’apex. Il faut corps vertébraux restent longtemps modérées. Chez l’adolescent ou
disposer d’une imagerie préopératoire précise et être prudent lors à l’âge adulte, la chirurgie, qui réalise un véritable « tuteur rachidien
du dégagement des arcs postérieurs, pour ne pas léser le sac dural, interne », apporte un confort indéniable pour le malade et
parfois exposé au travers d’un defect des arcs postérieurs. l’entourage qui le prend en charge, prévient les problèmes cutanés
aux points d’appui et au sommet de la déformation.
CYPHOSES CONSTITUTIONNELLES
Dans les formes où la cyphose s’étend jusqu’à la région lombosacrée,
il existe une rétroversion pelvienne souvent associée à une rétraction
¶ Cyphoses régulières des parties molles postérieures de hanches. En position assise, la
limitation d’amplitude de flexion des hanches est compensée par un
Elles peuvent se voir dans un certain nombre de maladies enroulement du tronc en cyphose lombaire. Dans ces cas, on ne peut
constitutionnelles, soit du fait d’une atteinte osseuse telles les enraidir le rachis par une arthrodèse qu’après avoir rétabli la
ostéochondrodysplasies : ostéogenèse imparfaite, maladie des mobilité en flexion des hanches.
épiphyses ponctuées, ostéoporose juvénile idiopathique, Certaines formes basses sont surmontées par une lordose thoracique
mucopolysaccharidoses qui peuvent s’accompagner d’un canal de compensation, qu’il ne faut pas négliger lors de la correction,
rachidien étroit et d’une instabilité de la charnière cervico-occipitale, pour ne pas induire un déséquilibre postérieur du tronc.
soit du fait d’une atteinte des parties molles comme dans la maladie
de Marfan ou d’Ehlers-Danlos. Le facteur paralytique oblige à réaliser une instrumentation étendue,
couvrant à la fois la zone déformée et la zone démusclée, descendant
Si l’importance de la déformation (supérieure à 80°) justifie le
parfois jusqu’au bassin.
recours à la chirurgie, autant cette dernière peut être réalisée par
voie postérieure seule, dans le groupe avec atteinte des parties Lorsque les déformations corporéales sont minimes, l’arthrodèse
molles, autant elle doit être double, à la fois antérieure et postérieure antérieure n’est pas nécessaire. En raison de l’atrophie du bassin et
dans le groupe avec atteinte osseuse, associée le plus souvent à une de la pauvreté en os des crêtes iliaques postérieures, l’apport osseux
immobilisation postopératoire par plâtre ou corset pour protéger est le plus souvent d’origine tibiale.
l’instrumentation de tout risque d’arrachement lié à la mauvaise La préparation à la chirurgie n’est pas nécessaire puisque la
qualité de l’os. Il est d’ailleurs parfois nécessaire, dans les formes déformation est réductible.
sévères d’ostéogenèse imparfaite, de protéger les points de fixation L’intervention est habituellement plus longue et plus hémorragique
du matériel d’ostéosynthèse sur l’os, par l’adjonction de ciment que dans les déformations idiopathiques.
acrylique autour des implants.
Dans d’autres étiologies comme la maladie de Charcot-Marie-Tooth,
Il est important de signaler que la chirurgie rachidienne dans les les corps vertébraux sont déformés, la déformation est plus ou
maladies constitutionnelles avec atteinte osseuse est nettement plus moins raide.
hémorragique que celle réalisée dans les déformations
La cyphose s’apparente à une dystrophie rachidienne de croissance,
idiopathiques.
et son traitement répond aux mêmes principes.
La stratégie chirurgicale est identique à celle appliquée dans la
maladie de Scheuermann.
CYPHOSES TRAUMATIQUES
¶ Cyphoses angulaires
On distingue dans ce groupe les lésions récentes du rachis, plus ou
La cyphose est la conséquence d’une importante dystrophie osseuse moins stables, avec ou sans signes neurologiques, et les cals vicieux,
touchant un nombre limité de vertèbres, comme dans la forme séquellaires d’un traumatisme ancien négligé.
dystrophique de la neurofibromatose de type 1. Une dislocation Le traitement de ces lésions est envisagé dans un autre chapitre.
rotatoire est parfois associée.
Dans les neurofibromatoses, il faut signaler la fragilité des parties
molles qui sont parfois le siège de tumeurs nerveuses disséminées, CYPHOSES INFECTIEUSES
dont l’exérèse est parfois nécessaire. L’os est souvent aminci dans la Qu’il s’agisse d’une spondylodiscite à germe banal ou d’un mal de
zone dystrophique, en raison des ectasies de la dure-mère. Pott, la cyphose angulaire est générée par la destruction du disque
Il s’agit de lésions instables, qui exposent aux complications et du corps vertébral [11].
neurologiques et demandent une stabilisation par une arthrodèse Les indications chirurgicales sont dictées au début par l’existence
circonférentielle, instrumentée ou non en fonction de l’âge. d’une compression médullaire, le plus souvent secondaire à un abcès
Dans certaines maladies osseuses constitutionnelles comme la épidural antérieur. La laminectomie n’est pas indiquée dans ce cas :
maladie de Morquio ou l’achondroplasie, la dystrophie peut elle ne lève pas la compression antérieure, et risque de déstabiliser
prédominer sur quelques vertèbres, engendrant une cyphose gravement le rachis. L’abord doit être antérieur pour décompression
angulaire qui vient parfois menacer le cordon médullaire, déjà mal médullaire, évacuation de l’abcès et greffe en étai, suivies d’un
à l’aise dans un canal rachidien de petite taille. traitement antibiotique adapté associé à une immobilisation du
En période de croissance, dans les formes modérées, le traitement rachis, par plâtre et par arthrodèse postérieure instrumentée.
est avant tout orthopédique. À la période des séquelles, les indications reposent sur l’aggravation
Une arthrodèse vertébrale antérieure et postérieure est toujours progressive de la cyphose ou sur l’apparition de complications
nécessaire, dès que la déformation est tant soit peu importante, ou médullaires.
dès l’apparition de signes neurologiques. En l’absence de complications neurologiques, les principes de
Un certain nombre de ces malades porteurs de cyphoses négligées traitement consistent en une arthrodèse antérieure en étai, complétée
sont d’ailleurs opérés à l’âge adulte pour des complications par une arthrodèse postérieure instrumentée ou non.
médullaires d’apparition progressive. En présence de signes neurologiques, la mise au repos est urgente et
impérative, de préférence par une immobilisation plâtrée. Lorsque
le rachis conserve une certaine réductibilité sur les clichés sur billot,
CYPHOSES PARALYTIQUES ET NEUROMUSCULAIRES
une réduction progressive de la déformation par traction céphalique
Elles peuvent se voir dans différentes étiologies. au lit ou plâtre de détraction améliore habituellement l’état
Dans certains cas, c’est la paralysie ou la grande faiblesse neurologique. Le rachis est ensuite stabilisé par une arthrodèse
musculaire, qui est à l’origine d’un mauvais tonus du tronc, et de combinée antérieure et postérieure.
3
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
Lorsque le rachis est complètement raide, ou que la traction est paravertébraux associée à la fragilité cutanée peut poser des
inefficace, voire même néfaste sur le statut neurologique, une problèmes de couverture du matériel d’ostéosynthèse, qui ne doit
décompression médullaire antérieure par résection du chevalet pas être saillant. L’arthrodèse antérieure, réalisée dans un lit osseux
vertébral devient nécessaire, dès lors que le retentissement de bonne texture, est nécessaire pour pallier la mauvaise qualité de
neurologique devient important. Elle constitue la première étape de l’arthrodèse et de la fixation postérieure. L’arthrodèse postérieure
la chirurgie antérieure et elle est suivie d’une greffe et d’une doit dépasser largement les limites de la zone irradiée, la fixation
stabilisation postérieure. doit être effectuée sur un os de bonne qualité.
– Chez l’enfant, une laminectomie étendue non suivie de
CYPHOSES TUMORALES
reconstruction correcte et d’immobilisation postopératoire suffisante,
constitue un geste déstabilisant du rachis postérieur, aboutissant
Elles sont de deux types : toujours à une cyphose évolutive. La cyphose doit être évitée par la
– les cyphoses mécaniques sont presque toujours angulaires, dues à pratique de la laminoplastie plutôt qu’une laminectomie, avec
un effondrement de la partie antérieure de la colonne. Le traitement respect des apophyses articulaires postérieures, et le maintien
local de ces tumeurs doit toujours prendre en compte la nécessité de postopératoire prolongé dans un corset anticyphose, avec une
la correction concomitante du défaut d’alignement, donc de la surveillance orthopédique régulière.
cyphose, et surtout de la restauration mécanique de la colonne Les conséquences de la laminectomie et celles de la radiothérapie
antérieure, par greffe intersomatique, ou par la mise en place d’un s’intriquent souvent entre elles et parfois avec des troubles
implant, en céramique ou en ciment acrylique, par voie chirurgicale neurologiques. Une greffe combinée antérieure et postérieure est
ou voie percutanée transpédiculaire ou latérale, sous contrôle habituellement nécessaire.
tomodensitométrique [6] ; – Les erreurs stratégiques du traitement des déviations rachidiennes
– les cyphoses réactionnelles sont en général secondaires à des peuvent aboutir à des cyphoses, à la jonction des zones instrumentée
tumeurs de la moelle ou des éléments nerveux du canal rachidien. et non instrumentée, en cas de montages trop courts ou d’erreur du
Elles sont habituellement régulières, et disparaissent après le niveau limite inférieur. Dans d’autres cas, on assiste au
traitement approprié de la tumeur en question, mais ce n’est développement d’une cyphose dans la zone greffée, par effet
malheureusement toujours pas le cas chez l’enfant. d’épiphysiodèse antérieure après chirurgie antérieure isolée chez le
jeune enfant, ou par perte de correction au niveau de defects dans la
colonne antérieure du rachis, dans des disques laissés bâillants à la
CYPHOSES DES MALADIES RHUMATOLOGIQUES suite d’une chirurgie postérieure, chez le sujet adulte.
Dans certaines maladies rhumatismales, en particulier la Les cyphoses qui siègent dans une zone arthrodésée sont
spondylarthrite ankylosante, et dans l’ossification vertébrale complètement irréductibles. Leur correction chirurgicale passe
antérieure de l’adolescent, la déformation cyphotique est impérativement par la réalisation d’ostéotomies de la greffe
d’installation lente et progressive, aboutissant à un rachis raide dans ancienne, en un ou plusieurs temps séparés par une période de
son ensemble. traction au lit.
– Les cyphoses par pseudarthrose vertébrale, après une arthrodèse
rachidienne instrumentée, accompagnent souvent une fracture ou
CYPHOSES DES SUJETS ÂGÉS : OSTÉOPOROTIQUES
ET DÉGÉNÉRATIVES
un démontage du matériel, et surviennent habituellement sur des
rachis paralytiques multiopérés.
Les tassements vertébraux étagés par ostéoporose sont à l’origine de
cyphoses de localisation variable, souvent thoracique ou
thoracolombaire, parfois lombaire, à l’origine d’une perte de taille et Préparation orthopédique
d’un déséquilibre antérieur du tronc. Les déformations sont souvent à la chirurgie
raides. Les indications chirurgicales sont très rares en raison de la
fragilité de ces patients âgés, de la raideur des déformations, et de
la fragilité osseuse exposant les ostéosynthèses au démontage. GÉNÉRALITÉS
Dans les cyphoses dégénératives, l’indication chirurgicale peut être Elle est réservée aux cyphoses qui restent encore au moins
discutée en cas d’échec du traitement conservateur, chez un patient partiellement réductibles sur une radiographie du rachis de profil
encore jeune et en bon état général. Les arthrodèses doivent être en correction sur billot ou sous traction.
étendues, remontant largement sur le rachis thoracique. La Les cyphoses complètement raides ne peuvent relever de la
correction de la cyphose peut être réalisée par des libérations préparation orthopédique qui, non seulement est inefficace, mais
postérieures étagées au rachis lombaire, avec instrumentation peut également comporter un risque d’aggravation neurologique en
postérieure en compression permettant d’obtenir un cas de souffrance médullaire à l’apex de la cyphose.
raccourcissement de la colonne des arcs postérieurs, et un Par ailleurs, la charnière craniorachidienne doit être étudiée avant la
allongement de la colonne des corps au prix de bâillements discaux mise en route de la traction.
multiples. Cette technique expose à la récidive de la cyphose par
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébromédullaire
perte de correction dans les disques. Il est souvent préférable de
doit être demandée, avant de commencer le traitement des cyphoses
restaurer la lordose lombaire par une ostéotomie transpédiculaire,
congénitales, constitutionnelles, neuromusculaires et rhuma-
et de fixer sans correction tout le reste du rachis qu’il convient
tologiques. Dans les autres cas, cet examen n’est demandé qu’en cas
d’arthrodéser.
d’anomalie radiologique de la charnière craniorachidienne ou de
l’examen neurologique.
CYPHOSES IATROGÉNIQUES Enfin l’existence d’une moelle attachée basse, habituellement dans
le cadre d’une cyphose malformative, contre-indique la traction
– Une radiothérapie prolongée ou répétée chez l’enfant, incluant le rachidienne avant libération neurochirurgicale.
rachis dans le champs d’irradiation, induit des troubles de croissance
du rachis et modifie les caractéristiques mécaniques de l’os vertébral,
qui devient plus fragile et se déforme progressivement en cyphose. CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
Ces lésions deviennent exceptionnelles chez l’enfant, en raison de
¶ Indications
l’évolution des procédés de traitement des tumeurs. C’est surtout
chez l’adulte que se pose le problème d’évolution dégénérative de Dans les cyphoses sévères, surtout quand elles sont raides, une
cyphoses radiothérapiques de l’enfance. L’atrophie des muscles préparation préopératoire est nécessaire :
4
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
¶ Technique
Nous utilisons deux types de préparation.
5
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
structure médicalisée, sous surveillance quotidienne neurologique, – la morphologie de la moelle épinière et l’existence d’une
digestive, respiratoire et cutanée aux points d’appuis (menton, syringomyélie ou d’une éventuelle malformation : duplication,
occiput, crêtes iliaques, sommet de la cyphose). On s’aide par des éperon cartilagineux d’une diastématomyélie, attache médullaire
contrôles biologiques espacés à la recherche d’une éventuelle anémie basse sur le positionnement du cône terminal ;
qui traduirait un saignement digestif sournois, des contrôles de la – la présence d’une tumeur intra- ou extracanalaire, notamment en
capacité vitale par des explorations fonctionnelles respiratoires cas de neurofibromatose ;
hebdomadaires, ainsi que des contrôles radiologiques, en faisant une
radiographie du rachis de profil tous les 15 jours à partir de la – les éventuelles lésions dégénératives des disques que l’on projette
4e semaine de détraction. On peut ainsi surveiller l’évolution de la de laisser libres sous la greffe.
correction cyphotique et le gain en capacité vitale. Ce n’est que Une artériographie médullaire est parfois nécessaire :
quand ces deux paramètres atteignent un plateau dans leur – associée à l’embolisation préopératoire dans les tumeurs ;
progression, que l’on peut fixer la date opératoire.
– lorsqu’une chirurgie antérieure doit intéresser un foramen
thoracique ou thoracolombaire ou les deux foramens au même
CHEZ L’ADULTE niveau et risque donc de léser les voies de suppléance, ou en cas de
chirurgie itérative.
¶ Indications Un bilan urodynamique et une étude des potentiels évoqués
Elles sont plus rares que chez l’enfant et l’adolescent, car le rachis somesthésiques et éventuellement moteurs, permettent un « bilan de
est plus raide et la préparation moins efficace. La nécessité d’une situation » avant l’intervention, et servent de documents de
chirurgie en plusieurs temps antérieur et postérieur fait référence en cas de problème neurologique.
habituellement préférer une stratégie de traction intermédiaire entre Un scanner thoracique peut être demandé en cas d’importante
deux temps opératoires. Elle reste indiquée comme premier temps déformation du thorax. Il permet aussi d’étudier les rapports de la
du traitement d’une cyphose avec troubles neurologiques trachée et du parenchyme pulmonaire, au contact de la déformation
d’apparition récente, ou avant une arthrodèse antérieure en étai rachidienne.
pour une cyphose angulaire partiellement réductible. En cas de déformation majeure de la région cervicothoracique, il est
parfois nécessaire de faire une radiographie de la filière aérienne
¶ Technique supérieure, qui permet aux anesthésistes de prévoir les difficultés
d’intubation du malade, et d’avoir recours à la fibroscopie pour la
On utilise essentiellement la traction suspension par halocrânien en réaliser, si nécessaire.
position assise ou debout. En cas de troubles neurologiques sur un
En cas de déformation importante, il est nécessaire d’étudier par
foyer instable, la traction halogravité par halocrânien sur un lit
transit œso-gastro-duodénal et fibroscopie digestive haute l’état de
incliné est souvent mieux supportée que le plâtre de détraction, bien
l’appareil digestif, avant toute correction risquant de créer ou
difficile à réaliser sur un tronc adulte très déformé. Une surveillance
d’aggraver une lésion préexistante qui pourrait nécessiter un
neurologique quotidienne doit bien sûr être assurée [12].
traitement préalable, médical ou chirurgical.
Un programme d’autotransfusion est établi par les anesthésistes, et
ENTRE DEUX TEMPS CHIRURGICAUX une information détaillée sur le déroulement de la chirurgie et tous
Dans la période intermédiaire entre une libération chirurgicale et les risques qu’elle peut comporter, est donnée au patient et à sa
l’arthrodèse définitive avec instrumentation, on utilise famille.
habituellement une traction couchée au lit entre en un halocrânien
posé en début d’intervention, et des bandes adhésives fixées sur les Techniques chirurgicales
deux membres inférieurs chez l’enfant, ou des broches fémorales
transcondyliennes chez l’adulte. Le traitement chirurgical des cyphoses nécessite le plus souvent un
temps antérieur de libération et de greffe, complété par un temps
postérieur d’ostéosynthèse et de greffe.
Bilan préopératoire
CHIRURGIE ANTÉRIEURE
Tout patient présentant une déformation cyphotique de son rachis
doit faire l’objet d’un bilan clinique et paraclinique minutieux, afin Elle est généralement réalisée en premier. Elle comporte presque
de quantifier la déformation, de rechercher une étiologie précise, une toujours deux composantes :
anomalie associée, et d’évaluer l’état de ses fonctions essentielles, – libération antérieure par résection des disques ou de ponts osseux
avant une chirurgie plus ou moins lourde, pouvant comporter deux congénitaux ou acquis ;
temps opératoires. – greffe antérieure qui comble le vide antérieur laissé par la
Ce bilan permet d’établir une stratégie thérapeutique des différentes libération.
étapes du traitement, et surtout de prévenir des complications La greffe antérieure a une grande valeur mécanique. C’est elle qui
pouvant faire suite à ce traitement, qu’elles soient neurologiques, assure la stabilisation définitive de la correction, puisque les greffons
digestives ou autres. sont disposés suivant la ligne de gravité et qu’ils travaillent en
À côté du bilan habituel avant toute intervention rachidienne, en compression.
particulier anesthésique, le bilan préopératoire d’une cyphose doit L’intervention est réalisée sous contrôle médullaire par
comporter certains examens paracliniques, qui permettent d’étudier l’enregistrement peropératoire des potentiels évoqués
les conséquences spécifiques de cette cyphose, et d’évaluer les somesthésiques ou de préférence moteurs. Un test du réveil
risques inhérents à sa correction chirurgicale. peropératoire peut être nécessaire, dans les cas où l’on réalise une
L’IRM cérébromédullaire et rachidienne permet d’étudier tout correction importante et que les potentiels évoqués sont
spécialement : ininterprétables ou perturbés, ou lorsque les deux temps opératoires
antérieur et postérieur sont réalisés au cours de la même anesthésie.
– l’état de la charnière craniorachidienne si l’on envisage une
traction céphalique ; ¶ Choix de la voie d’abord
– la taille du canal rachidien au niveau de la déformation, et son
éventuel rétrécissement par des lésions malformatives ou Côté
dégénératives ; Il est choisi en fonction de plusieurs critères.
6
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
Niveau
La cervicotomie permet d’atteindre C2 en haut et T1 en bas.
La thoracotomie haute, par la troisième côte, permet d’aborder C7
en haut. Elle peut être combinée à une cervicotomie, et si besoin à
une sternotomie haute avec ou sans section de la clavicule, cela
permet d’avoir un bon jour sur la charnière cervicothoracique.
La thoracotomie conventionnelle permet d’exposer en haut le disque
sous-jacent à la vertèbre de même numéro que la côte, et en bas L’incision cutanée est dessinée avec un marqueur. On procède au
quatre à cinq niveaux sous-jacents en fonction de la morphologie du badigeonnage antiseptique qui doit être large, étendu sur la totalité
thorax et de sa souplesse. La côte par laquelle passe la voie d’abord du tronc, de la crête iliaque à l’épaule. On inclut la totalité du
est celle dont l’arc moyen croise le sommet de la déformation. Le membre inférieur à prélever, jusqu’à la hauteur du garrot, avant de
disque T12-L1 est le dernier qui peut être atteint par un abord l’envelopper dans un jersey stérile. La mise en place des champs
thoracique sans section diaphragmatique. Une double thoracotomie stériles délimite un large champ opératoire, incluant en avant
par la même incision cutanée peut être nécessaire pour atteindre les l’ombilic et en arrière les apophyses épineuses. Toute la surface
limites d’une déformation étendue. Une phrénotomie a minima par cutanée apparente est recouverte d’un film adhésif iodé.
voie endothoracique permet d’atteindre en bas le disque L1-L2 et la L’opérateur se place dans le dos du malade, son premier aide et son
face latérale de L2. instrumentiste en face de lui, son deuxième aide à son côté.
La thoraco-phréno-lombotomie passe par la dixième ou la onzième
côte, et permet d’exposer la charnière thoracolombaire et le rachis ¶ Voie d’abord
lombaire jusqu’en L5. Les éléments anatomiques pariétaux traversés par la voie d’abord
La lombotomie permet d’aborder le rachis lombaire au-dessous de dépendent de son niveau (fig 5).
L2 et d’atteindre le sacrum.
Thoracotomie
¶ Installation opératoire (fig 4) L’incision cutanée suit le trajet de la côte choisie. L’incision
commence à la jonction tiers moyen/tiers antérieur de la côte, et se
Le malade est installé en décubitus latéral, éventuellement en légère prolonge en arrière jusqu’à trois travers de doigts de l’apophyse
traction (environ 10 % du poids du corps) à la tête, par une épineuse.
mentonnière ou par un halo crânien de préférence, et sur le membre
Au bistouri électrique, on sectionne la graisse sous-cutanée, puis au
inférieur haut situé, par des bandes adhésives, le genou du membre
passage les fibres du grand dorsal, ensuite le grand dentelé jusqu’à
reposant sur la table est fléchi de 90°, il sert pour le prélèvement
atteindre le périoste, qui sera fendu tout le long de la côte. À l’aide
d’un greffon cortical sur le tibia, sous garrot pneumatique
d’une rugine de Lambotte, puis d’une rugine de Cobb, la côte est
préalablement installé.
dépériostée de façon circonférentielle, en avant jusqu’à la jonction
Le membre supérieur au contact de la table repose en extension sur chondrocostale qui est décollée, ce qui permet de soulever la côte à
un appui-bras, un coussin en gel est positionné sous le creux la main, pour prolonger son dépériostage vers l’arrière jusqu’à son
axillaire pour éviter toute compression à ce niveau. L’autre membre col. Elle est ensuite désarticulée de l’apophyse transverse en allant
est installé coude en flexion, sur un deuxième appui-bras, remonté si possible jusqu’à la tête costale, ou simplement sectionnée au
jusqu’au niveau de l’épaule. costotome au contact de l’apophyse transverse.
Un appui fessier et un appui pubien maintiennent le tronc en légère On veille à une hémostase soigneuse sur le périoste costal, surtout
inclinaison postérieure. Une bande adhésive passée au niveau de dans le coin postérieur paravertébral, où un saignement peut
l’épaule et fixée de part et d’autre à la table, ou un appui capitonné persister dans les muscles spinaux et gêner le déroulement de
à la face postérieure du rachis thoracique supérieur améliorent la l’intervention. Il peut être utile d’y tasser le coin d’une compresse.
stabilité. La plèvre pariétale est incisée en plein milieu du lit costal, d’abord
Le billot de la table est positionné en regard du sommet de la au bistouri à lame lors d’un mouvement d’expiration, puis aux
déformation rachidienne avant d’être monté. La table assistant est ciseaux à disséquer ou au bistouri électrique, en passant un doigt
placée à la hauteur des cuisses du malade, elle doit être habillée sous la plèvre. Des champs tétra seront posés sur les deux bords de
séparément, pour rester mobile et être déplacée pendant la prise l’incision, puis un écarteur de Finochietto est installé et ouvert
d’un greffon tibial. suffisamment, ce qui donne un bon jour sur le rachis (fig 6).
7
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
i
c
e
j
a
b
d k
*
A
*
B
*
C
5 Topographie musculaire de la face latérale du thorax et de l’abdomen. a. aponévrose sur le bord inférieur des trois dernières côtes et le dixième cartilage costal, l’apo-
postérieure du transverse ; b. corps charnu du muscle transverse de l’abdomen ; c. mus- névrose du petit oblique ainsi que le tendon conjoint. Le faisceau inférieur du
cle petit dentelé postérieur et inférieur ; d. aponévrose du petit oblique ; e. corps charnu grand dentelé (serratus anterior) s’insère par six digitations sur la face externe de
du muscle petit oblique ; f. faisceau inférieur du grand dentelé ; g. faisceau moyen du la cinquième à la dixième côte, et se termine sur l’angle inférieur de l’omoplate. Son
grand dentelé ; h. muscle trapèze ; i. muscle grand dorsal ; j. corps charnu du muscle faisceau moyen s’insère sur les deuxième, troisième et quatrième côtes et se termine
grand oblique ; k. aponévrose du muscle grand oblique. sur le bord spinal de l’omoplate.
A. Plan profond. Les muscles intercostaux externes sont tendus d’une côte à C. Plan superficiel. Sur la face postérieure, le grand dorsal (latissimus dorsi)
l’autre. Le muscle transverse de l’abdomen (transversus abdominis) s’insère à la recouvre en grande partie le grand dentelé. Il s’insère en bas sur l’aponévrose lom-
face profonde du gril costal, en bas sur la crête iliaque et l’arcade crurale, en ar- baire et les quatre dernières côtes. Le trapèze (trapezius) le recouvre à sa partie
rière sur la pointe des apophyses transverses. toute postérieure. Son bord inférieur s’étend de l’épineuse de T10 à l’épine de
B. Plan intermédiaire. Le petit dentelé postérieur et inférieur (serratus posterior l’omoplate. Le grand oblique (obliquus externus abdominis) s’insère sur la face
inferior) est tendu des épineuses aux quatre dernières côtes. Les fibres du petit obli- externe des sept à huit dernières côtes par des digitations imbriquées avec celles du
que de l’abdomen (obliquus internus abdominis) sont obliques en haut et en avant. grand dentelé. Ses fibres sont obliques en bas et en avant. Il se termine sur la crête
Il s’insère en bas sur la crête iliaque et l’arcade crurale, et se termine en haut iliaque et l’aponévrose du grand oblique.
L’abord rachidien commence par le décollement de la plèvre des disques intervertébraux, le dépériostage est plus difficile, du fait
pariétale, après incision le long du rachis, sur sa face antérolatérale, d’une grande adhérence des disques au périoste. On peut s’aider du
un peu en avant des têtes de côtes. Ce décollement est réalisé par bistouri électrique ou à lame.
des noisettes en coton montées, ou à la pointe des ciseaux à
disséquer fermés. • Exposition extraligamentaire
Selon les cas, le rachis est ensuite exposé en sous-ligamentaire ou en Elle permet de préserver un certain nombre de vaisseaux
extraligamentaire. transverses. Le feuillet pleural antérieur, doublé du tissu sous-
pleural, est progressivement récliné en avant, de la pointe des
• Exposition sous-ligamentaire ciseaux ou à l’aide d’une noisette, au niveau de chaque disque et de
Elle a l’avantage d’être plus ostéogénique que l’abord la partie adjacente des corps, sur toute la longueur du rachis à
extraligamentaire, mais elle nécessite une hémostase des vaisseaux fusionner. Les petits vaisseaux nourriciers des corps vertébraux sont
transverses. Cette dernière est réalisée par ligature, avec un fil coagulés de proche en proche. Il est parfois nécessaire de lier l’un
résorbable, ou par pose de clips, après léger décollement du paquet ou l’autre des vaisseaux segmentaires pour faciliter le décollement,
à la pointe des ciseaux puis au dissecteur. Ce geste est répété à tous qui est poursuivi jusqu’à la face latérale opposée du rachis (fig 8).
les étages inclus dans la zone de greffe. Le ligament vertébral
commun antérieur et le périoste sont incisés longitudinalement au Thoraco-phréno-lombotomie
bistouri électrique, sur la face latérale du rachis et sur toute la L’incision est centrée sur la dixième ou la onzième côte. Légèrement
hauteur de la zone à greffer. Aux deux limites de cette incision, on curviligne, elle suit le trajet de la côte dans sa partie supérieure,
fait une incision horizontale, puis on relève, à l’aide d’une grosse puis s’en écarte en se dirigeant vers la symphyse pubienne, en
rugine de Cobb, un lambeau ligamentopériosté qui est décollé passant à mi-distance entre ombilic et épine iliaque
jusqu’à la face latérale opposée bien au-delà de la ligne médiane du antérosupérieure. Elle descend plus ou moins bas en fonction de la
rachis, et suspendu par quelques fils de traction. En arrière, le limite inférieure de la greffe.
dépériostage est prolongé jusqu’au démarrage des apophyses Au bistouri électrique, on sectionne le tissu graisseux sous-cutané,
transverses (fig 7). le muscle grand dentelé, puis le périoste. La côte complètement
Le saignement osseux des corps vertébraux au travers de multiples dépériostée, est décollée du cartilage en avant, et désarticulée de
trous vasculaires est contrôlé avec de la cire de Horsley. En regard l’apophyse transverse ou sectionnée en arrière. Le périoste et la
8
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
9
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
1 9
2
3
4
8
5
7
Lombotomie
On l’utilise quand la cyphose intéresse uniquement le rachis
lombaire. L’incision est là aussi discrètement curviligne, sous
l’auvent costal. La graisse sous-cutanée et les muscles abdominaux
sont incisés au bistouri électrique, jusqu’au péritoine, que l’on
respecte et refoule en dedans, avec les viscères abdominaux, en
passant dans l’espace de décollement celluleux rétropéritonéal,
jusqu’à la loge rénale. La technique est alors identique à celle décrite
à l’étage abdominal d’une thoraco-phréno-lombotomie.
Lorsque l’abord doit atteindre L4 voire L5, le repérage et la ligature
de la veine iliolombaire sont indispensables, et doivent être réalisés
avec beaucoup de précaution (fig 11). La ligature doit être effectuée
au fil non résorbable, parfois appuyée. Dans certains cas, la veine
est unique ; dans d’autres cas, le rameau principal est accompagné
de nombreux petits vaisseaux à sa face profonde.
Il est à signaler enfin que l’abord lombaire droit est plus difficile que 12 Temps de discectomie. L’exérèse des disques intervertébraux se fait par décolle-
le gauche, à cause de la disposition anatomique des veines dans ment, entre le cartilage du plateau vertébral et sa corticale, par un ciseau mince, manié
cette région. avec douceur à la main ou légèrement frappé au marteau. Une section perpendiculaire
de part et d’autre au bistouri permet d’enlever le disque en bloc, avec une grosse pince
¶ Temps osseux mangeuse de disque ou une pince-gouge à grands mors. 1. vaisseaux segmentaires li-
gaturés ; 2. volet ligamentopériosté décollé et soulevé ; 3. disque intervertébral à exci-
Le temps rachidien commence par l’excision discale (fig 12), étage ser ; 4. espace discal vidé.
par étage en partant du sommet de la cyphose, puis en progressant
de part et d’autre. Avec un ostéotome fin, on décolle les plateaux curette adaptée, en respectant le ligament intervertébral postérieur
vertébraux cartilagineux, puis au bistouri à petite lame, on fait deux en arrière. Une compresse hémostatique (Surgicelt) est tassée dans
incisions verticales sur la hauteur du disque, l’une en avant, l’autre l’espace, le temps d’exciser les autres disques.
en arrière, permettant d’emporter en bloc la majeure partie du Chez l’adulte, le pincement intervertébral et l’ostéophytose
disque intervertébral avec une grosse pince mangeuse de disque. antérieure et latérale rendent l’excision discale plus difficile. Le
L’ablation du disque est achevée avec une pince plus fine et une premier temps consiste à réséquer au bistouri à lame toute la partie
10
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
*
A *
B *
C
11
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
15 Greffon costal en « inlay ». Le greffon costal est fendu en deux dans le sens de la 16 Ostéotomie vertébrale antérieure. L’ostéotomie est réalisée au ciseau frappé, dans
longueur, puis il est posé dans une tranchée creusée dans les corps vertébraux, assu- l’emplacement théorique du disque soudé. Elle peut être unique ou multiple. L’ouver-
rant ainsi une continuité de la greffe. Les fragments corporéaux issus de la tranchée ture est réalisée à l’aide de la pince écartante de Méary, de façon progressive et prudente,
sont tassés dans les espaces discaux vidés. 1. plèvre pariétale ; 2. volet ligamento- jusqu’à obtenir une mobilité dans le foyer. 1. plan ligamentopériosté ; 2. veine azygos ;
périosté ; 3. vaisseaux segmentaires ligaturés ; 4. greffon costal ; 5. espace discal rempli 3. foyer d’ostéotomie ; 4. pince écartante de Méary ; 5. poumon.
de greffons ; 6. poumon ; 7. diaphragme.
plusieurs ostéotomies vertébrales antérieures sont nécessaires pour partie, suturé par des points en X à son attache rachidienne avec un
rompre les ponts de fusion antérieure, et permettre la réduction de gros fil résorbable, ce qui stabilise les greffons en place, en particulier
la cyphose. les greffons costaux intermédiaires.
Ces ostéotomies sont réalisées à l’aide d’un ostéotome mince, d’une En cas de thoracotomie, la plèvre pariétale est suturée par un surjet,
pince gouge fine et d’une curette, d’avant en arrière entre deux corps avec un fil fin résorbable. Un gros drain thoracique (n° 30) est mis
vertébraux, jusqu’à créer une certaine mobilité entre eux, confirmée en place, à travers une contre-incision sur la ligne axillaire moyenne,
par la manœuvre d’écartement à l’aide d’une pince écartante de fixé en profondeur par un point de fil résorbable et à la peau par un
Méary (fig 16). On procède ensuite à la mise en place des greffons point avec un fil non résorbable. On passe autour du drain un fil
tibiaux en étai (cf supra). d’attente, qui sert à fermer l’orifice cutané, lors de l’ablation du
drain.
Décompression antérieure (fig 17) Après le comptage des compresses utilisées, toutes marquées par
Elle est réalisée de préférence en équipe avec un neurochirurgien. un fil radio-opaque, le lit de la côte est fermé par un surjet, de même
Le premier temps est de localiser le canal rachidien et le fourreau que les plans musculaires de la paroi thoracique, la sous-peau et la
dural, à l’apex de la déformation, mais surtout aux deux extrémités peau.
de la décompression qui permet à la moelle de suivre une courbure En cas de lombotomie, après la suture du plan ligamentopériosté
harmonieuse. Il faut donc réséquer une à trois têtes et cols de côte à par des points en X, le psoas est réinséré au niveau de son pilier
l’apex. Après section au bistouri électrique de la plèvre sur la tête et puis de son aponévrose par quelques points.
le col de la côte, celle-ci est ruginée soigneusement en sous-périosté, Un drain de Redon est mis en place dans la loge rétropéritonéale,
sectionnée au-delà de l’extrémité de la transverse, puis excisée après avant de fermer les muscles de la paroi abdominale plan par plan,
division des ligaments corporéocostaux et transversocostaux. Le puis les plans sous-cutané et cutané, le compte des compresses
pédicule osseux est alors repéré et réséqué à la pince de Kérisson, ce marquées ayant déjà été fait.
qui permet de visualiser la face latérale de la dure-mère. Une
tranchée est creusée au travers de la face latérale des corps, jusqu’à En cas de thoraco-phréno-lombotomie, après suture de la plèvre
la corticale controlatérale et la corticale postérieure. La résection de pariétale en haut et du psoas en bas, le diaphragme est réinséré
la corticale postérieure des corps est effectuée d’abord aux deux d’abord au niveau de son pilier, puis sur la côte d’arrière en avant,
extrémités de la décompression, à la fraise et à la pince de Kérisson en suivant les points repères mis en place lors de l’abord, jusqu’à
en contrôlant la dure-mère par sa face latérale, puis étendue atteindre les deux fragments du cartilage costal, qui sont suturés
progressivement vers l’apex, qu’il est souvent possible de libérer en entre eux. On procède par la suite à la fermeture du thorax, sur un
effondrant à la spatule la corticale dans la logette corporéale. Les gros drain thoracique, et à celle de l’abdomen, sur un drain de
pertes sanguines, souvent importantes, sont contrôlées par Redon rétropéritonéal, après avoir fait le comptage des compresses
l’utilisation de cire hémostatique dans l’os spongieux, la coagulation marquées.
bipolaire et le tamponnement « sans bourrer » par compresses
hémostatiques pour l’hémorragie épidurale antérieure. ¶ Soins postopératoires
Dans les cas où la chirurgie postérieure est différée, le malade est
¶ Fermeture
placé dans un service de réanimation chirurgicale, en traction sur la
Le volet ligamentopériosté est rabattu dans la mesure du possible tête (3 à 4 kg) et sur les membres inférieurs (1,5 à 2 kg sur chaque
sur le greffon costal ou les greffons tibiaux en étai, qu’il recouvre en jambe), pendant 7 à 10 jours, jusqu’au temps postérieur.
12
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
*
E *
F *
G
13
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
14
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
20 Schéma des implants pour une arthrodèse postérieure 21 Temps d’avivement des arcs posté-
d’une cyphose souple. L’instrumentation d’une cyphose rieurs. L’avivement doit intéresser la tota-
T3 régulière est basée sur le principe des pinces pédiculo- lité des arcs postérieurs. Il peut être réalisé
transversaires, bilatérales et multiples à l’étage thoracique, à la fraise de dentiste ou au ciseau-gouge
lamolamaires ou pédiculolamaires à l’étage lombaire. Les de Capener, et consiste à enlever la corti-
prises sont assurées par des crochets au rachis thoracique, cale de l’arc postérieur, pour exposer l’os
T5
et par des vis ou des crochets à l’étage lombaire. Remarquer spongieux sous-jacent. 1. Copeau cortical
l’absence d’implants au sommet de la cyphose. retourné ; 2. ciseau-gouge de Capener.
T6
T7
T8
L1
L2
15
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
Des contrôles radiographiques sont réalisés au premier lever, puis correction se fait par une arthrodèse postérieure avec une
aux 1er, 3e, 6e et 12e mois postopératoires. instrumentation étendue, de la première ou la deuxième vertèbre
thoracique jusqu’au bassin, en faisant attention lors du dégagement
¶ Cas particuliers de ne pas ouvrir le sac dural, recouvert uniquement d’un tissu
fibreux dans la zone malformée, en passant largement sur les côtés
Épiphysiodèse postérieure chez le jeune enfant pour bien dégager les apophyses transverses, sur lesquelles on vient
appuyer la greffe à ce niveau.
C’est un geste ciblé intéressant un petit nombre de vertèbres, dont
Les implants rachidiens, au niveau de la zone malformative, sont
le but est de les faire fusionner en arrière, pour arrêter leur
toujours des vis pédiculaires à ouverture postérieure. En effet,
croissance postérieure alors que le potentiel de croissance antérieure,
l’absence d’arcs postérieurs à ce niveau rend impossible l’utilisation
laissé intact, conduit avec le temps à une correction progressive de
de crochets lamaires.
la déformation cyphotique. Les niveaux à fusionner sont déterminés
en fonction de la localisation et de l’étendue de la malformation. On On rencontre par ailleurs souvent des difficultés de fermeture
dépasse généralement d’un ou deux niveaux, en haut et en bas, la cutanée, sur une peau cicatricielle d’interventions neurochirurgicales
zone malformée, pour que le redressement puisse se faire aux réalisées à la naissance.
dépens des étages sains, de part et d’autre de cette zone [14]. Il est à signaler la plus grande fréquence de complications
Après la radiographie de repérage et le dégagement sous-périosté postopératoires chez cette population de patients, à type d’infection
des arcs postérieurs à la rugine de Cobb, on se porte sur la crête sur matériel d’ostéosynthèse ou de pseudarthrose vertébrale,
iliaque droite, pour y prélever quelques copeaux d’os justifiant ainsi un recours plus fréquent aux arthrodèses antérieures
corticospongieux, au ciseau-gouge de Stagnara, en petit nombre associées.
généralement, étant donné la faible étendue de la greffe. On revient
sur le rachis pour réaliser un avivement bilatéral, avec un ciseau- Traitement des cyphoses congénitales du spina bifida
gouge de Capener ou de Stagnara, des apophyses articulaires, des La déformation rachidienne dans les cyphoses congénitales est
lames et des apophyses transverses, sans atteindre leur extrémité, souvent sévère, à court rayon, de topographie thoracolombaire ou
sur toute la hauteur de la zone à fusionner. On place les greffons lombaire, en « épingle à cheveux » ou en « oméga », menaçant la
osseux iliaques, de part et d’autre des épineuses. On marque ensuite peau souvent ulcérée au sommet de la cyphose. Elle est toujours
par un clip vasculaire en titane, les deux apophyses épineuses des surmontée d’une lordose thoracique compensatrice. Son traitement
vertèbres limites de l’épiphysiodèse, pour faciliter le suivi nécessite une exérèse vertébrale complète sur deux à trois niveaux,
radiologique de l’évolution de la correction. selon un schéma préétabli sur un calque de la radiographie en
Un corset plâtré est réalisé au 8e jour postopératoire pour une durée préopératoire (fig 22), pour permettre une correction satisfaisante,
de 4 mois, au bout desquels l’enfant est repris par voie postérieure, maintenue par une instrumentation postérieure étendue du rachis
pour une révision de sa greffe que nous réalisons de façon thoracique haut, toujours lordotique, jusqu’au bassin.
systématique. Ce geste consiste à reprendre l’abord postérieur pour L’intervention est réalisée par un abord postérieur, mais le rachis est
vérifier la qualité de la fusion et la renforcer par un nouvel apport dégagé de façon circonférentielle dans la zone cyphotique, les
d’os spongieux, prélevé sur la même crête iliaque droite. Ensuite, racines lombaires non fonctionnelles sont sectionnées, le sac dural
un nouveau corset plâtré est confectionné au 8e jour pour 2 mois plus ou moins atrophique peut être soulevé sur un lacs ou
supplémentaires, après lesquels il est relayé par un corset simplement ligaturé. Il doit bien sûr être respecté s’il existe des
orthopédique anticyphose. automatismes médullaires, notamment vésicaux.
Il s’agit d’une intervention hémorragique, qui doit être menée avec
Traitement chirurgical du rachis luxé congénital
beaucoup de minutie, en commençant par une bonne installation du
Le rachis luxé congénital est une entité anatomique particulière, qui patient sur la table opératoire, les deux membres inférieurs
doit être recherchée et diagnostiquée dès la naissance devant toute enveloppés dans un jersey stérile et inclus dans le champ, pour
attitude en cyphose anormalement prononcée chez un nouveau-né, pouvoir les soulever lors des manœuvres de correction et de fixation
car elle constitue une urgence thérapeutique tant le rachis peut être du rachis.
immédiatement ou potentiellement instable, avec un important
risque de complications neurologiques à l’occasion d’un Traitement des cyphoses paralytiques et neuromusculaires
traumatisme mineur.
Nous utilisons une instrumentation segmentaire par tiges, crochets
Le diagnostic est fait sur la radiographie standard qui montre une et vis à ouverture postérieure. Dans les cas où le montage doit être
rupture de l’alignement du mur vertébral postérieur au sommet de étendu jusqu’au bassin, la fixation pelvienne est au mieux effectuée
la cyphose, avec hypoplasie corporéale et discale dans la zone de par une vis iliosacrée bilatérale entrée par la face externe de l’aile
cassure vertébrale, dont le caractère instable peut être mis en iliaque, traversant l’angle iliolombaire, puis intrasacrée jusqu’au
évidence sur des radiographies dynamiques en flexion et extension corps de S1, solidarisée à la tige par un connecteur spécial placé
modérées. dans l’angle iliolombaire [15].
Le traitement comporte dans l’immédiat une immobilisation dans Il s’agit de vis perforées de 7 mm de diamètre dont la mise en place
un corset plâtré en position réduite, suivie après quelques mois répond à une technique précise. Elle nécessite une exposition précise
d’une greffe postérolatérale débordant d’un ou deux niveaux de part de la charnière lombosacrée : apophyse transverse de L5, articulaire
et d’autre du sommet de la cyphose, en prenant soin de laisser lombosacrée, premier trou sacré, face postérieure et angle
intacts le ligament interépineux ainsi que les apophyses articulaires. postérosupérieur de l’aileron sacré. Le tiers postérieur de la crête
Cette greffe est réalisée dans le plâtre fenêtré. Ce dernier est iliaque est également exposé en sous-périosté, par l’intermédiaire
conservé 4 à 6 mois, pendant lesquels une révision de la greffe peut d’un décollement sous-cutané.
être réalisée. Une greffe antérieure complémentaire est indiquée en
cas de persistance d’un vide rachidien antérieur après la réduction. Il faut commencer par se représenter le trajet de la vis dans l’espace.
Elle doit pénétrer dans le sacrum juste au-dessous et en dehors du
pied de l’articulaire sacrée et se terminer au mieux à mi-hauteur du
Traitement des cyphoses paralytiques du spina bifida
corps de S1, au niveau de son tiers antérieur. L’essentiel est que la
Les cyphoses du spina bifida sont généralement à grand rayon, pointe de la vis soit au-dessous du plateau sacré, au-delà de la ligne
associées à des scolioses paralytiques de même étiologie, et médiane. Son orientation dépend de la morphologie de la région :
nécessitent une correction en même temps que ces dernières. Cette elle doit avoir une obliquité suffisante vers l’avant pour éviter le
16
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
*
B
*
B
*
A obliquités pelviennes, mais il est possible d’utiliser d’autres
techniques, telles que les vis sacrées sagittales, introduites dans les
22 Schéma de correction d’une cyphose congénitale.
A. Zone de résection vertébrale : elle doit emporter une quan- pédicules de S1 ou S2, ou la fixation par tiges implantées soit
tité suffisante de corps vertébraux, dans la région du sommet de latéralement dans l’épaisseur des ailes iliaques, selon la technique
la déformation (en rouge), afin d’obtenir la meilleure correction de Galveston, soit verticalement dans le corps du sacrum, selon la
possible. technique de Jackson, laissant libres les articulations sacro-iliaques.
B. Mouvement de correction après la résection : on met en
contact les deux surfaces de résection, en soulevant les membres
inférieurs du patient.
Libérations et ostéotomies postérieures sur colonne raide
C. Résultat après la correction : la cyphose est en grande partie et non opérée chez l’adulte
effacée, avec un bon contact osseux au niveau des surfaces de Les libérations élargies et les ostéotomies vertébrales comportent un
résection. La synthèse sera assurée par un montage compressif,
long et largement recouvrant. risque neurologique important, nécessitant une grande prudence
opératoire et un contrôle neurologique peropératoire strict par
enregistrement des potentiels évoqués et, si nécessaire, test du réveil.
Si le canal rachidien a été ouvert, il est préférable de mettre en place
un drainage non aspiratif pour éviter la constitution d’un hématome
extradural compressif. En cas de brèche dure-mérienne, le drainage
sera assez rapidement arrêté, pour ne pas entretenir l’écoulement
du liquide céphalorachidien et créer une fistule sur le trajet du drain,
difficile à faire tarir. La surveillance neurologique rigoureuse doit
être poursuivie dans les premiers jours postopératoires.
*
C
• Étage lombaire
Lorsque les structures postérieures sont reconnaissables et qu’il
canal médullaire, et vers le bas pour se terminer au centre de S1 et persiste une petite mobilité, la résection des articulaires est faite à
non dans le disque L5-S1. Le trajet de la vis est réalisé avec une l’aide d’un ostéotome. L’ostéotome attaque le bord inférieur de l’arc
pointe carrée graduée. Il est parfois préférable de l’introduire à postérieur à la jonction lame/articulaire inférieure. Il vise l’isthme
travers une petite contre-incision pour éviter une tension trop avec une obliquité ascendante d’une quarantaine de degrés. Une fois
importante sur les parties molles. Son point d’entrée est un peu en le massif articulaire inférieur libéré de son arc postérieur, on l’enlève
avant de l’épine iliaque postérosupérieure, 5 à 10 mm au-dessous de en le saisissant à l’aide d’une pince gouge. On achève la résection
la crête iliaque. On traverse la crête iliaque, puis on perfore la articulaire en réséquant au ciseau gouge de Guillaume et à la pince
corticale postérieure du sacrum juste en avant du pied de de Kérisson la partie profonde de ce qui reste de l’articulaire
l’articulaire sacrée. Cette pointe carrée est introduite sur 50 à 60 mm inférieure, jusqu’à voir le bord latéral de l’articulaire supérieure, et
depuis la corticale iliaque externe. Une logette destinée à recevoir le même la capsule articulaire lorsqu’elle reste bien individualisée. Il
connecteur est creusée autour de la pointe carrée, dans la masse faut s’attacher à poursuivre la libération au pôle supérieur de
latérale du sacrum. La pointe carrée est remplacée par une broche, l’articulaire supérieure jusqu’au bord latéral de l’isthme. On s’aide
sur laquelle est enfilé le connecteur. La broche est enfoncée au d’une pince distractante de Méary placée entre les arcs postérieurs
marteau jusqu’au contact de la corticale antérolatérale opposée du pour améliorer la visualisation de l’espace interarticulaire (fig 24).
corps de S1, généralement perçu au changement de tonalité des Si les massifs articulaires sont très volumineux et irréguliers, il est
coups de marteau sur la broche. La longueur de la vis est alors parfois possible de reconnaître l’interligne articulaire pincé et plus
déterminée avec précision. En cas de doute, on peut s’aider d’une ou moins fusionné, et de retrouver une petite mobilité, après avoir
radiographie de contrôle ou de l’amplificateur de brillance. Le trajet réséqué les capsules articulaires au bistouri électrique ou décapité
de la vis est préparé par une tarière perforée passée autour de la les gros massifs articulaires à la gouge de Capener, dans un plan
broche. La vis est mise en place à l’aide d’un tournevis perforé, parallèle à celui des lames. On est ramené au cas précédent :
guidée par la broche (fig 23). l’articulaire inférieure est réséquée en bloc au ciseau de Capener.
Ce type de fixation pelvienne est celui que nous préférons, du fait Lorsqu’il existe une fusion complète des arcs postérieurs, il peut être
de ses très grandes solidité et efficacité dans la correction des nécessaire de réaliser une ou plusieurs ostéotomies.
17
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
*
A *
B
*
A *
B
*
C
18
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des cyphoses 44-198
19
44-198 Traitement chirurgical des cyphoses Techniques chirurgicales
Références
[1] Cotrel Y. Traction in the treatment of vertebral deformity. J [7] Dubousset J. Congenital kyphosis and lordosis. In : Wein- [13] Miladi L, Dubousset J. Traitement chirurgical des scolioses
Bone Joint Surg Br 1975 ; 57 : 260-266 stein SL ed. The pediatric spine: principles and practice, idiopathiques. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et
[2] Cotrel Y. La traction extra-squelettique du rachis. Techni- New York : Raven Press, 1994 : 245-258 Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales -
ques, indications. In : Cahiers d’enseignement de la Orthopédie-Traumatologie, 44-194, 1994 : 1-23
[8] Dubousset J, Gonon GP. Cyphoses et cypho scolioses angu-
SOFCOT n° 17. Paris : Expansion Scientifique Française, laires. Rev Chir Orthop 1983 ; 69 (suppl 2) : 23-59
1982 : 18-42 [14] Miladi L, Ghanem I, Dubousset J. Techniques chirurgicales
[3] Donaldson J, Engh OA. Correction of scoliosis by distrac- [9] Dubousset J, Katti E, Seringe R. Epiphysiodesis of the spine dans les malformations du rachis. Encycl Méd Chir (Éditions
tion apparatus. J Bone Joint Surg Am 1938 ; 20 : 405-410 in young children for congenital spinal malformation. J Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques
Pediatr Orthop B 1993 ; 1 : 123-130 chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-199, 1997 :
[4] Dubousset J. Cyphoses et cypho scolioses angulaires chez 1-19
l’enfant. In : Scoliose und Kyphose. Stuttgart : Hippokrates [10] Duval Beaupere G, Dubousset J. La dislocation rotatoire
Verlag, 1978 : 146-161 progressive du rachis. Rev Chir Orthop 1972 ; 58 : 323-334 [15] Miladi L, Zeller R, Dubousset J. Iliosacral screw fixation for
[5] Dubousset J. Congenital kyphosis. In : The pediatric spine. pelvic obliquity in neuromuscular scoliosis. Long-term
Bradford and Hensinger Editors, 1985 : 196-217 [11] Hodgson AR, Stock FE. Anterior spine fusion. Br J Surg 1960 ;
48 : 172 follow-up study. Spine 1997 ; 22 : 1722-1729
[6] Dubousset J. Traitement des tumeurs du rachis de l’enfant.
In : Monographie du GEOP. Chirurgie et orthopédie de [12] Letts RM, Palakar G, Bobechko WP. Preoperative skeletal [16] Stagnara P. Les déformations du rachis. Paris : Masson
rachis. Montpellier : Sauramps Médical, 1989 : 235-256 traction in scoliosis. J Bone Joint Surg Am 1975 ; 57 : 616-619 1985
20
Techniques chirurgicales dans les malformations du rachis
Résumé
Les malformations du rachis constituent un groupe de lésions très diverses et variées, dans leur
forme, leur topographie et leur gravité.
Elles doivent être suspectées devant toute déformation de la colonne chez le petit enfant, aussi
mineure soit-elle, avec ou sans anomalie cutanée de la ligne médiane. Elles sont parfois découvertes
seulement à l'occasion d'un examen radiographique, fait pour le bilan d'une autre affection ou d'une
autre malformation.
Le problème est, une fois la détection faite dès la très jeune enfance, d'établir le pronostic du défaut
de croissance ou de stabilité entraîné par ces anomalies car, si certains cas ne réclament qu'une
surveillance et aboutiront à un développement correct du rachis, sans le moindre traitement, dans
bien des cas seul un traitement précoce et bien conduit, utilisant le potentiel de croissance restant,
permettra un développement harmonieux de la colonne, dans les trois plans de l'espace.
Malheureusement, souvent le diagnostic n'est fait que tardivement au moment de la poussée
pubertaire, ou encore plus tard. Dans ces cas, le traitement ne pourra plus se servir de la croissance
pour améliorer la situation et se contentera de corriger au mieux les déformations par les procédés
habituels de correction-fusion, avec ou sans instrumentation.
De toute façon, quel que soit l'âge où l'on sera amené à intervenir sur ces malformations, il faudra
toujours se souvenir que ces malformations congénitales du rachis sont des lésions acquises au
cours de la vie embryonnaire (le plus souvent entre le 15e et le 28e jour) et que donc ces
malformations sont rarement isolées, mais associées souvent à des malformations concernant les
autres appareils, nerveux et en particulier médullaire, mais aussi urinaire, cardiaque, digestif, etc.
Par conséquent, les techniques chirurgicales proprement rachidiennes ne pourront être appliquées
qu'après un bilan de tous ces secteurs, et réclameront parfois une action concertée sinon combinée,
avec la cure de ces lésions associées.
Plan
Rappel embryologique du rachis
Formes anatomocliniques
Bilan préopératoire
Indications
Préparation à la chirurgie
Techniques chirurgicales
Soins postopératoires
Haut de page
Rappel embryologique du rachis
Toutes les vertèbres dépendent des cellules des sclérotomes des somites pour leurs corps
vertébraux et leurs arcs.
Pendant la quatrième semaine du développement, les cellules des sclérotomes des somites migrent
dans trois directions dans le plan horizontal :
Enfin, une particularité concerne la charnière craniorachidienne. Les quatre premiers somites (les
somites occipitaux) fusionnent pour former la base de l'occiput, dans laquelle l'extension céphalique
de la notocorde se termine au niveau de la fosse hypophysaire (ou selle turcique).
La portion caudale du dernier somite occipital forme l'arc de l'atlas, le sommet de l'apophyse
odontoïde et les ligaments alaire et apical.
Les premier et second somites cervicaux fusionnent pour former l'apophyse odontoïde, le centre et
l'arc de C2 .
Haut de page
Formes anatomocliniques
La classification embryopathogénique des malformations vertébrales est logique, mais parfois difficile
à établir avec certitude. Une perturbation de l'embryogenèse entre le 16e et le 28e jour de gestation,
produit des malformations différentes en fonction de la nature de l'agent agresseur, de la sévérité, de
la date et de la durée de l'agression. Ainsi, une double induction du noeud de Hensen par exemple,
peut provoquer le développement d'une double chorde (monstre double localisé) qui deviendra une
diastématomyélie ; la persistance d'un canal neuroentérique est à l'origine de fistules, de kystes, ou
de défauts de fermeture antérieure (somatoschisis) ; les anomalies de rudimentation du bourgeon
caudal peuvent se faire par excès et aboutir à une agénésie sacrée ou lombosacrée ; à la jonction du
tube neural et du bourgeon caudal, on peut observer un hiatus et une agénésie suspendue, les
segments proximaux et distaux étant en revanche normaux ; le défaut de fermeture du tube neural
Cependant, aussi séduisante qu'elle puisse paraître, la classification embryopathogénique est peu
utile en pratique clinique courante. En effet, il faut distinguer par ordre de gravité croissante :
Malformations bénignes
Ce sont celles qui ne nécessitent aucun traitement. Il peut s'agir d'hémivertèbres alternes étagées,
d'une mosaïque vertébrale équilibrée (comme ce qu'on observe parfois au cours du syndrome de
Klippel-Feil), de bloc vertébral symétrique, d'hémivertèbre non segmentée, ou d'anomalies minimes
des arcs postérieurs (spina bifida occulta, malformations congénitales des apophyses articulaires,
etc.).
Malformations douloureuses
Ce groupe de malformations est un peu disparate et comprend d'une part les malformations des
charnières, et d'autre part les anomalies dimensionnelles du canal rachidien, susceptibles d'entraîner
des compressions radiculomédullaires.
Les malformations de cette région entraînent une hypermobilité, voire une instabilité, qui risque
d'avoir rapidement une traduction neurologique. Ces complications sont d'autant plus fréquentes qu'il
s'agit souvent d'une malformation régionale, avec anomalies associées de l'axe cérébrospinal, dont la
plus fréquente est l'anomalie d'Arnold-Chiari. Il existe deux principaux types de malformations
craniorachidiennes :
Charnière cervicothoracique
L'anomalie la plus fréquemment observée à ce niveau est la côte surnuméraire en C7 (dont la forme
mineure est la simple apophysomégalie transverse), ou au contraire, une cervicalisation de la
première vertèbre thoracique avec un total de 11 paires de côtes. Néanmoins, l'expression clinique
de ces deux malformations peut être identique et se traduire par un syndrome du défilé cervicocostal.
Charnière lombosacrée
Les anomalies transitionnelles de cette région sont fréquemment rencontrées, soit à l'occasion de
lombalgies ou de lombosciatiques, soit découvertes fortuitement à l'occasion de radiographies du
bassin ou de l'abdomen faites pour une autre pathologie. C'est dire que la responsabilité de ces
anomalies dans les lombalgies est fort discutée et que bien souvent ces malformations n'entraînent
aucune conséquence fonctionnelle.
Elle se voit essentiellement au niveau du rachis cervical. Il s'agit d'une véritable malformation
congénitale, c'est-à-dire présente dès la naissance, mais ne se manifestant que secondairement, soit
à l'occasion d'un traumatisme ou de microtraumatismes répétés, soit progressivement à l'âge adulte,
en raison d'une arthrodèse surajoutée, qui va décompenser l'équilibre fragile qui s'était établi entre la
moelle et le canal osseux. La malformation osseuse est variable : défaut de développement du corps
vertébral, malformation des lames ou des pédicules, etc.
La découverte chez un jeune enfant d'une malformation vertébrale, aussi impressionnante soit-elle,
ne doit jamais faire porter d'emblée un pronostic sévère. Bien des malformations, en effet, sont
stables, n'entraînant qu'une sinuosité de l'axe vertébral, mais sans déséquilibre évolutif, sans
scoliose ni cyphose.
Malformations scoliogéniques
Deux grands types de malformations existent : les défauts de formation et les défauts de
segmentation.
Défauts de formation
Défauts de segmentation
Ce sont les barres congénitales non segmentées, unilatérales ou bilatérales asymétriques, les
premières présentant un risque évolutif plus élevé (fig 3). Il s'agit d'une anomalie très grave, car elle
entraîne régulièrement une évolutivité importante. Plus la barre est étendue en hauteur, plus
l'évolutivité est importante ; au contraire, plus elle est étendue en largeur, moins l'évolutivité est
importante. La barre peut être associée à une ou plusieurs hémivertèbres controlatérales ; le
déséquilibre du potentiel de croissance est alors à son maximum et l'évolutivité de ces courbures
rapidement catastrophique.
Cette distinction en deux types permet de classer seulement 80 % des malformations vertébrales
rencontrées en pratique courante, en raison des associations fréquentes et variées. Dans tous les
cas, et quelle que soit l'anomalie malformative rencontrée, deux types de courbures évolutives sont à
distinguer.
- Les courbures centrées sur la malformation : la scoliose est courte, rigide et on lui reconnaît trois
schémas évolutifs possibles :
- évolution sévère, avec une pente supérieure à 10° par an avant l'âge de 5 ans ;
- évolution modérée, proche de celle des scolioses idiopathiques, avec un pic évolutif pendant la
période péripubertaire ;
- pas ou peu d'évolutivité.
- Ces scolioses centrées sur la malformation peuvent avoir une composante cyphotique large ou
prédominante, pouvant parfois même les rapprocher des cyphoses congénitales (concernant les
complications neurologiques également).
- Les contre-courbures scoliotiques situées au-dessus ou en dessous de la courbure centrée par
l'hémivertèbre : elles peuvent évoluer isolément, alors même que la courbure de l'hémivertèbre reste
stable. Ces contre-courbures sont à grand rayon, restent longtemps souples, et peuvent dans
certains cas être accessibles au traitement non chirurgical. Parfois c'est seulement au moment de la
poussée de croissance pubertaire qu'elles se décompensent et peuvent aboutir à un traitement
chirurgical.
Malformations cyphogéniques
La classification des malformations cyphogéniques suit le même schéma proposé pour les scolioses
malformatives.
Défauts de formation
Ce sont de loin les plus graves des malformations congénitales, en raison de l'importance de
l'aggravation angulaire de la déformation et de la possibilité de complications neurologiques. En
outre, il s'agit fréquemment de malformations étagées, portant sur deux ou même plusieurs vertèbres
adjacentes.
Sur le plan embryopathogénique, il est important de distinguer les cyphoses pures et les cyphoses
associées à une composante scoliotique. En effet, les cyphoses pures sont souvent en rapport avec
une aplasie partielle ou totale de la partie antérieure de la vertèbre portant à la fois sur les deux
côtés, droit et gauche. Au minimum, il existe une simple hypoplasie antérieure, régulièrement
répartie, ou prédominant sur un plateau vertébral. Au maximum, l'aplasie s'étend au segment
vertébral moyen, c'est-à-dire aux apophyses articulaires, entraînant une instabilité majeure du rachis,
pouvant entraîner très tôt des lésions médullaires par cisaillement ; un aspect de baïonnette sur
l'incidence radiologique de face témoigne de cette instabilité ; il s'agit dans ce cas du diagnostic
particulier de « rachis luxé congénital ».
Les cyphoses associées à une composante scoliotique sont souvent en rapport avec une
hémivertèbre en position très postérieure, ou une vertèbre binucléée.
Ce sont les blocs vertébraux antérieurs ; ils sont d'habitude moins graves que les défauts de
formation et s'accompagnent très rarement de complications neurologiques. Là encore, plus la
malformation est étendue en hauteur, plus la déformation est importante, et plus elle est étendue en
largeur, moins la déformation est importante.
D'autre part, il existe un type particulier de cyphose d'origine malformative, mais qui n'est pas centrée
sur une malformation vertébrale ; il s'agit de la dislocation rotatoire progressive du rachis, qui se situe
à la jonction entre deux scolioses malformatives.
Malformations lordogéniques
Elles sont très rares, mais de pronostic très sévère, notamment au niveau de la région thoracique, où
la projection antérieure des corps vertébraux dans le thorax entraîne rapidement une grave
insuffisance respiratoire. La cause est souvent un défaut de segmentation postérieure ou plus
souvent postérolatérale, donnant une lordoscoliose.
Diastématomyélie [10]
Cette malformation est rare et se définit par un dédoublement du cordon médullaire sur une longueur
variable. Les deux cordons sont complets, séparés par un septum fibreux ou osseux partiel ou
complet et comprennent le canal épendymaire, les quatre cornes de substance grise entourées de
substance blanche et une artère spinale antérieure. La partie médiale de chaque cordon est
hypoplasique. La malformation osseuse comprend un élargissement du canal vertébral, avec une
augmentation de la distance interpédiculaire sur la hauteur du dédoublement ; les arcs postérieurs
sont anormaux avec une déhiscence (spina bifida) constante, occupée par une lame fibreuse ou une
plaque osseuse irrégulière sur laquelle se termine le septum (ou épine).
Les massifs articulaires sont irrégulièrement fusionnés, de manière souvent asymétrique. Les corps
vertébraux sont aussi anormaux. Le tableau clinique est une triade, comprenant une déformation
rachidienne, des anomalies neurologiques et/ou morphologiques des membres inférieurs et une
anomalie cutanée postérieure médiane.
Le spina bifida se définit par la non-fermeture d'un ou de plusieurs arcs postérieurs vertébraux. Le
siège le plus habituel est la région lombosacrée. Le développement des structures du canal vertébral
se fait par induction à partir de l'axe nerveux ; la malformation du tube neural va donc entraîner le
défaut de formation des structures postérieures. L'anomalie comprend donc des malformations
superposées, chacune étant de degré variable. Dans sa forme la plus sévère, elle associe, de la
profondeur vers la superficie :
en dehors ;
- une perte de substance cutanée.
Dans les formes mineures, la malformation est purement osseuse (spina bifida occulta) et n'entraîne
aucun retentissement ni neurologique, ni fonctionnel ; la peau peut être normale ou le siège d'une
hypertrichose ou d'un angiome plan. Des malformations intracanalaires peuvent cependant être
associées avec ces formes dites occultes et grever de ce fait le pronostic final.
Kystes neuroentériques
Il s'agit d'une malformation rare, qui se caractérise par une communication antérieure entre le
fourreau dural et le tractus digestif. Elle se révèle chez l'enfant ou l'adulte jeune par une douleur
rachidienne à la hauteur du kyste le plus souvent, par une infection méningée aiguë à partir du tube
digestif, ou plus rarement par des signes neurologiques témoignant d'une souffrance médullaire ou
radiculaire. Le traitement est chirurgical afin d'éviter les complications infectieuses qui peuvent être
dramatiques.
Agénésie lombosacrée
Elle est due à une anomalie de développement du bourgeon caudal, soit par avortement ou défaut de
développement, soit par régression excessive.
L'absence des segments vertébraux remonte plus ou moins haut, jusqu'à T9 dans certains cas, et,
dans le territoire manquant, il existe une paraplégie motrice flasque avec absence de muscles et
rétractions articulaires des membres inférieurs, avec palmures poplitées. Mais paradoxalement,
l'innervation sensitive est présente ou peu altérée, ce qui différencie bien cette malformation des
myéloméningocèles. Selon l'importance de l'agénésie, plusieurs types anatomocliniques peuvent être
distingués.
Haut de page
Bilan préopératoire
En plus du bilan de routine pratiqué pour chaque patient scoliotique, quelques éléments concernent
particulièrement les déformations rachidiennes d'origine malformative. Ces éléments tiennent compte
essentiellement des malformations associées de l'axe neural (dysraphie spinale) et des
malformations extravertébrales.
Une attention particulière doit être accordée à l'état cutané postérieur, à la recherche d'une fossette
(essentiellement au niveau de la région lombosacrée), d'un naevus, d'une hypertrichose, d'un lipome,
ou d'une cicatrice de méningocèle ou de myéloméningocèle. Ces éléments sont, dans certains cas
très évidents, mais parfois très discrets ; il faut savoir y penser et les rechercher systématiquement.
D'autre part, un examen neurologique complet et minutieux doit être pratiqué ; il n'est pas
exceptionnel de retrouver une discrète différence de taille des mollets, ou un réflexe diminué.
Parfois, des signes neurologiques plus évidents peuvent exister, surtout aux membres inférieurs, et
se traduisent par une atteinte sensitive, motrice ou des réflexes, une déformation des pieds en varus
équin, cavovarus, ou pied convexe, une nette différence de la taille des cuisses ou des mollets, etc.
Des radiographies simples du rachis en entier, de face et de profil, permettent de rechercher, outre
les malformations parfois évidentes (hémivertèbre ou barre non segmentée, agénésie
Haut de page
Indications
Malformations bénignes
Ces malformations n'entraînent aucune déformation rachidienne évolutive. Le rachis peut présenter
des sinuosités, mais rester parfaitement équilibré. On se contentera d'une simple surveillance
régulière, jusqu'à la fin de la croissance.
Malformations douloureuses
Le traitement est chirurgical dès qu'il existe une instabilité (même en l'absence de signes
neurologiques) ou dès les premiers signes de myélopathie ou d'irritation antérieure ou postérieure.
Chez l'enfant, l'indication chirurgicale est préventive et doit être proposée si l'instabilité dépasse 7
mm, ou si le canal vertébral se trouve réduit en position de flexion ou d'extension. Après une
stabilisation première par halo-plâtre, une arthrodèse postérieure de l'occiput à C2 est entreprise.
Dans de rares cas d'absence complète de l'atlas (par défaut de segmentation des somites
occipitaux), l'arthrodèse postérieure isolée peut ne pas suffire et une greffe antérieure
complémentaire par voie transbuccale peut être proposée. La fixation peut être assurée, soit par le
halo-plâtre lui-même, soit par une instrumentation postérieure occipitocervicale.
Charnière cervicodorsale
Charnière lombosacrée
Le but du traitement d'une scoliose congénitale est d'aboutir à un rachis le plus rectiligne possible à
la fin de la croissance. Cependant, il est impossible de créer une croissance dans la concavité de la
scoliose, là où elle est soit retardée (hémivertèbre convexe), soit inexistante (barre concave). Pour
les patients ayant un déséquilibre de croissance marqué, il n'y a pas de traitement parfait.
Plusieurs types de traitement existent et sont choisis en fonction du type de la malformation et de son
siège, de la sévérité de la déformation et de l'âge.
Chez le jeune enfant, l'application d'un plâtre ou d'un corset dans le but de ralentir l'aggravation d'une
scoliose congénitale, provoque une constriction thoracique et interfère avec un bon développement
pulmonaire (avant l'âge de 8 ans). Le corset de Milwaukee a l'avantage de ne pas être constrictif et
d'offrir la possibilité d'application de forces correctrices. Ce corset agit le mieux sur des courbures de
faible amplitude, longues et souples, thoraciques ou thoracolombaires, centrées sur une
malformation ponctuelle, telle une hémivertèbre au sommet de la courbure. Il n'a aucune efficacité
sur une courbure centrée sur une barre non segmentée (a fortiori si elle est étendue en hauteur).
D'autre part, il n'est pas utile si la courbure dépasse 40°, ou si elle est peu réductible (réductibilité
Nous pensons personnellement que le traitement orthopédique isolé a peu de place dans le
traitement des scolioses congénitales. Sa principale indication est l'amélioration de l'équilibre
rachidien, après un traitement chirurgical sur la malformation elle-même, en agissant sur le
développement et l'aggravation des courbures secondaires compensatrices de la courbure
malformative. Ces courbures secondaires sont plus faciles à contrôler par plâtre ou corset que les
courbures principales malformatives, car les vertèbres qui les constituent sont relativement normales
et donc plus mobiles les unes par rapport aux autres.
Traitement chirurgical.
Il est souvent nécessaire, mais ses objectifs sont différents suivant qu'il s'agit d'une chirurgie
prophylactique (à visée d'épiphysiodèse de la convexité ou d'arthrodèse in situ) ou d'une chirurgie
directe (ablation d'hémivertèbre) ou encore d'une chirurgie de correction (avec instrumentation et
arthrodèse).
Si une fusion postérieure isolée est pratiquée, on assiste parfois à une aggravation progressive de la
déformation par phénomène vilebrequin ; une fusion antérieure complémentaire s'avère nécessaire.
Quant à l'étendue en hauteur, elle doit être décidée avant l'intervention. L'abord chirurgical doit
respecter le choix préopératoire des limites de la fusion et aucune vertèbre supplémentaire ne doit
être dégagée de façon abusive, par crainte d'une fusion spontanée en rapport avec l'agression
périostée. Un repérage radiographique peropératoire est de ce fait indispensable. Plus l'enfant est
jeune (âge inférieur à 3 ans), plus on peut compter sur une croissance résiduelle concave et donc se
contenter d'une hémiépiphysiodèse limitée aux deux espaces adjacents à l'hémivertèbre, avec une
surveillance étroite dans un corset plâtré correcteur porté jusqu'à consolidation osseuse.
Si l'enfant est plus âgé (entre 3 et 5 ans), une épiphysiodèse plus étendue devrait être pratiquée,
prenant un ou deux espaces supplémentaires (surtout si la déformation est sévère) de part et d'autre
de la malformation (sommet de la courbure), afin d'espérer une croissance concave à partir
d'espaces intervertébraux non malformés (supposés sains) (fig 5). En effet, si l'on se contentait de la
Quand il s'agit d'une barre non segmentée, une épiphysiodèse convexe des niveaux intéressés par la
barre n'aboutit à aucun effet de correction quel que soit l'âge, étant donné que cette dernière n'est
douée d'aucun potentiel de croissance longitudinale. L'épiphysiodèse projetée est remplacée par un
véritable effet d'arthrodèse vertébrale. Dans notre expérience, il est préférable de pratiquer une
arthrodèse antérieure et postérieure s'il existe un déséquilibre de croissance important (comme celui
provoqué par une barre non segmentée associée à une hémivertèbre controlatérale) et de l'étendre
pour englober un niveau intervertébral de part et d'autre du segment occupé par la barre non
segmentée (fig 6).
Si l'arthrodèse rachidienne intéresse uniquement l'apex d'une courbure à long rayon, et s'il existe un
certain nombre de vertèbres normales de part et d'autre du segment arthrodésé qui sont incluses
dans la courbure scoliotique, un corset postopératoire est indispensable. À un âge plus avancé, il est
souvent nécessaire d'étendre la fusion postérieure jusqu'aux limites supérieure et inférieure de la
scoliose.
L'utilisation d'une tige sous-cutanée en association avec une hémiépiphysiodèse convexe ou d'une
fusion postérieure localisée peut aider à stabiliser l'évolution et retarder l'extension de la fusion
postérieure au moins jusqu'à l'âge de 10 ans. Cette intervention trouve surtout son indication dans le
contrôle des longues courbures secondaires (compensatrices), sous-jacentes à une scoliose
thoracique congénitale et qui ne sont pas contrôlées par corset.
Excision d'hémivertèbre
L'ablation d'une hémivertèbre libre est théoriquement séduisante car elle enlève la cause principale
de la scoliose, représentée par le « coin en croissance » au sommet de la courbure. Ceci correspond
à une ostéotomie de soustraction du rachis, qui aboutit à la correction de la déformation, améliore
l'équilibre global du rachis et ne nécessite qu'une fusion vertébrale limitée à deux vertèbres (un seul
niveau discal).
Cependant, la majorité des hémivertèbres uniques ne nécessitent pas d'excision ; en effet, les
résultats de l'épiphysiodèse convexe en région thoracique et lombaire, réalisée à un âge adéquat,
sont sensiblement identiques à ceux donnés par l'excision de l'hémivertèbre, avec la différence que
la première est plus simple et ne nécessite pas d'instrumentation ; d'autre part, l'ablation de
l'hémivertèbre, pour être efficace, doit se faire avant l'âge de 5 ans (avant la structuralisation des
courbures secondaires compensatrices), ce qui correspond à l'âge favorable à l'épiphysiodèse.
structuralisation de la courbure thoracolombaire secondaire. Elle est contre-indiquée s'il existe une
hémivertèbre lombaire du côté opposé à l'hémivertèbre lombosacrée, à cause du risque de
déséquilibre rachidien.
C'est l'intervention habituelle chez le grand enfant et l'adolescent. La fusion n'intéresse pas
uniquement la zone malformée, mais s'étend pour englober toute la courbure. Malgré le fait qu'à cet
âge la zone malformée a énormément perdu de sa souplesse, une faible correction peut être obtenue
au niveau des segments vertébraux sains adjacents, inclus dans la courbure.
Le risque neurologique secondaire à ces interventions doit faire pratiquer une IRM avant toute
tentative de correction, à la recherche de malformations radiculomédullaires. Un éperon osseux dans
le cadre d'une diastématomyélie, une moelle attachée basse, ou une malformation d'Arnold-Chiari
avec syringomyélie, doivent être opérés avant toute manoeuvre de correction (plusieurs semaines
avant le traitement de la scoliose).
La méthode de correction la plus sûre est l'utilisation d'un plâtre correcteur 8 à 10 jours après
l'arthrodèse vertébrale non instrumentée. Le patient est réveillé pendant la confection du plâtre, le
risque de complications neurologiques est de ce fait négligeable. L'inconvénient de cette méthode est
que la correction obtenue n'est pas très importante et que le plâtre est à porter pendant une longue
période (6 à 9 mois).
Il est surtout indiqué chez les enfants relativement jeunes ou sur un rachis très malformé rendant
aléatoire ou impossible une instrumentation.
L'utilisation d'une instrumentation postérieure présente l'avantage d'assurer une meilleure correction
et surtout un meilleur maintien de cette dernière. Cependant, elle présente un risque plus important
de complications neurologiques, dû à l'effet de distraction médullaire sous anesthésie générale.
Parmi les différentes catégories de scoliose, la variété congénitale présente le risque le plus élevé de
complications neurologiques secondaires à une correction chirurgicale (même en dehors de toute
anomalie radiculomédullaire à l'IRM). Notre tendance personnelle va vers l'utilisation de
l'instrumentation comme un moyen de fixation interne du rachis, jusqu'à l'obtention d'une fusion
solide, après une correction progressive par un plâtre, surtout en présence de malformation
intrarachidienne, même si cette dernière a été opérée avant l'arthrodèse vertébrale, et a fortiori si
l'équilibre global du rachis est satisfaisant. À Risser 0, une arthrodèse antérieure à visée
d'épiphysiodèse est également associée à l'arthrodèse postérieure ; ceci permet de réduire les
risques d'aggravation en rapport avec la poussée pubertaire (phénomène vilebrequin). Il existe
cependant des cas avec un déséquilibre sévère du tronc et où une correction s'avère indispensable ;
une libération-arthrodèse antérieure peut aider à la correction ; cette dernière se fera à l'aide de
l'instrumentation postérieure, essentiellement au niveau des courbures compensatrices sus- et sous-
jacentes à la scoliose congénitale (qui sont souvent responsables du déséquilibre du tronc). Une
surveillance peropératoire est indispensable et sera assurée grâce à l'utilisation de potentiels
évoqués, associée au test de réveil peropératoire pratiqué après la fin de la correction.
Ostéotomie vertébrale
C'est une opération de sauvetage qui ne doit théoriquement jamais être nécessaire dans le cas d'une
scoliose congénitale. Elle ne se discute que quand la déformation a échappé aux principes de base
de diagnostic précoce, d'analyse minutieuse de la malformation et de prévention de l'aggravation de
la déformation. Les patients qui nécessitent une ostéotomie vertébrale auraient été mieux traités à un
stade précoce par des interventions chirurgicales plus simples. Une ostéotomie vertébrale est
indiquée devant une déformation sévère et irréductible, associée à un bassin oblique fixé ou un
déséquilibre rachidien très important, comme celle provoquée par une barre non segmentée négligée
(associée ou non à une hémivertèbre). L'ostéotomie est antérieure et postérieure, et suffisamment
large afin de permettre la correction du déséquilibre rachidien. Une instrumentation vertébrale, parfois
étendue jusqu'au sacrum, permet d'obtenir et de maintenir la correction souhaitée.
Il s'agit d'une opération difficile, comportant un risque neurologique très élevé, qui doit être pratiquée
par un chirurgien expérimenté en l'absence d'autres alternatives thérapeutiques.
- Le risque d'instabilité, dont le meilleur exemple est représenté par le « rachis luxé congénital » qui
doit être diagnostiqué le plus tôt, une chirurgie préventive de fusion antérieure utilisant un greffon
tibial ou costal en étai, et postérieure prenant deux niveaux de part et d'autre de la malformation
devrait être pratiquée d'urgence, étant donné le risque très élevé de paraplégie aiguë, totale et
parfois définitive, à l'occasion d'un traumatisme mineur, lorsque l'enfant est intact de tout signe
neurologique (état rare mais non exceptionnel).
- L'existence de signes neurologiques soit congénitaux, soit acquis avec un déficit progressif, comme
celui retrouvé au cours d'un phénomène de dislocation rotatoire, ou d'une cyphose sévère (surtout si
elle est associée à une dysraphie spinale), un traitement urgent s'impose quel que soit l'âge du
patient.
- Une insuffisance respiratoire en rapport avec une lordose sévère doit relever d'un travail d'équipe,
orthopédique et cardiopulmonaire. Une correction extemporanée de la lordose par ostéotomies
antérieures de soustraction peut être utile, mais la simple épiphysiodèse antérieure suffit souvent à
régler le problème, surtout chez l'enfant jeune.
En dehors de ces situations d'urgence, le traitement des déformations congénitales sagittales est
exclusivement chirurgical. Là encore, le traitement orthopédique n'a sa place que pour contrôler les
courbures compensatrices, sus- ou sous-jacentes à la courbure malformative.
Une déformation progressive chez le petit enfant (âge inférieur à 5 ans) constitue la meilleure
indication d'une épiphysiodèse, sauf si elle est instable, où une arthrodèse circonférentielle est
pratiquée après une période de préparation par plâtre EDF, ou plâtre de Stagnara. Les principes de
base de l'épiphysiodèse sont représentés dans les figures 4, 5 et 6. Une bonne planification
préopératoire est indispensable. La chirurgie peut être pratiquée dans le plâtre. Une instrumentation
vertébrale n'est pas nécessaire (parfois même dangereuse) ; l'immobilisation postopératoire est
assurée par un plâtre correcteur, confectionné quelques jours après l'intervention (antérieure et
postérieure, ou rarement postérieure isolée) et porté jusqu'à consolidation osseuse.
Une révision systématique de greffe postérieure est pratiquée au quatrième mois (surtout dans les
cyphoses), elle permet de mettre parfois en évidence des pseudarthroses infraradiologiques, au
niveau du sommet de la déformation.
Chez le grand enfant ou l'adolescent, le traitement varie avec l'absence ou la présence de signes
neurologiques.
s'agit d'une cyphoscoliose, nous préférons une voie d'abord concave pour la greffe antérieure. Chez
l'adolescent, une arthrodèse postérieure première avec instrumentation permet d'assurer une stabilité
immédiate. La greffe antérieure utilisant des greffons tibiaux ou péroniers en palissade, (nous
réservons le greffon costal vascularisé aux échecs extrêmement rares de greffe antérieure classique
en palissade) est pratiquée secondairement et comble le vide antérieur créé par l'instrumentation
postérieure.
- Quand l'apex est rigide, nous préférons commencer par l'arthrodèse antérieure, sans chercher à
obtenir une correction importante. Une arthrodèse postérieure avec instrumentation (à un âge
supérieur à 10 ans) est pratiquée 7 à 10 jours après.
- Lordose ou lordoscoliose : le traitement de ce type de déformation est en général basé sur le
principe du raccourcissement de la convexité antérieure, plutôt que l'allongement de la concavité
postérieure. Une lordose congénitale est rarement souple (ceci s'observe dans les rares cas de
défaut de formation postérieure).
- Quand c'est le cas, nous préférons commencer par un temps antérieur de libération-
raccourcissement ; une arthrodèse postérieure utilisant une instrumentation, avec un effet de
distraction cyphosante sur les niveaux mobiles, est pratiquée secondairement. Plus souvent, la
lordose est rigide, en rapport avec une barre non segmentée postérieure, des ostéotomies
antérieures de raccourcissement et postérieures avec instrumentation sont indispensables à la
correction. Dans certains cas d'hyperlordose congénitale thoracolombaire, nous pratiquons des
ostéotomies postérieures puis antérieures de soustraction, suivies d'une traction-suspension en
flexion des hanches, pendant une période de 4 semaines. Le relais est ensuite assuré par un plâtre
prenant les hanches et les genoux. Cette attitude représente dans certains cas, une bonne
alternative à l'instrumentation postérieure, à cause du risque neurologique, surtout en présence de
malformations radiculomédullaires associées.
Une nette différence existe entre un déficit neurologique congénital, en rapport avec des
malformations médullaires, et celui apparu secondairement, en rapport avec la sévérité de la
déformation.
Devant une cyphose ou une cyphoscoliose congénitale, la conduite à tenir quand l'apex est flexible
est pratiquement la même qu'en l'absence de signes neurologiques. Une correction progressive par
plâtre de détraction est très intéressante surtout quand les signes neurologiques sont d'apparition
récente ; ceci aboutit dans plusieurs cas à la disparition ou au moins à l'amélioration des signes
neurologiques. Nous préférons le plâtre de détraction à la traction halo-fémorale, car le premier
assure en plus une certaine stabilité tridimensionnelle du rachis. La chirurgie d'arthrodèse vertébrale
sera circonférentielle (de la même façon que quand il n'y a pas de signes neurologiques) et ne sera
faite qu'après stabilisation de l'amélioration neurologique. Quand l'apex est peu réductible, une
immobilisation plâtrée ou un simple repos au lit pendant quelques jours peuvent améliorer l'état
neurologique. Une arthrodèse circonférentielle in situ sera faite secondairement (greffe antérieure en
palissade et greffe postérieure plus ou moins étendue). Une décompression vertébrale n'a pas donné
dans notre expérience le résultat escompté quand le déficit neurologique était ancien (durée
supérieure à 3 ans). Elle est indiquée quand il y a une véritable compression médullaire sur un apex
rigide. Dans ce cas, la greffe antérieure en palissade sera faite pendant la même séance opératoire,
car on est parfaitement exposé sur place à ce moment de l'intervention, et à cause du risque de
lésion durale au cours de la voie d'abord, si elle est faite secondairement.
Les commentaires concernant l'utilisation d'une instrumentation sont les mêmes qu'en l'absence de
signes neurologiques.
Dans tous les cas, une arthrodèse rachidienne de bonne qualité (avec révision postérieure
systématique chez le jeune enfant) est le principal facteur pronostique. En effet, aucun de nos
patients traités dans la petite enfance par une bonne arthrodèse (souvent circonférentielle) pour une
cyphose ou une cyphoscoliose congénitale sans signes neurologiques, n'a développé
secondairement un déficit neurologique.
Diastématomyélie
Son traitement n'est pas toujours nécessaire. Il est difficile et dangereux en raison de la fragilité des
cordons médullaires. Les indications de libération médullaire seront posées seulement en cas
d'aggravation récente et progressive du déficit neurologique. Son traitement est également indiqué
quand une correction chirurgicale d'une scoliose associée s'avère indispensable.
La préparation à la chirurgie se fait à l'aide d'un plâtre de détraction, confectionné sans anesthésie,
avec une correction progressive et une surveillance neurologique stricte. Si la détraction entraîne une
aggravation neurologique, une libération médullaire (avec excision de l'éperon osseux) s'impose
avant toute correction supplémentaire et/ou instrumentation rachidienne. Ceci est d'autant plus
nécessaire, que la diastématomyélie est associée à une moelle attachée basse (qu'il faut également
libérer dans les mêmes circonstances).
Les formes mineures (spina bifida occulta) ne nécessitent aucun traitement. Les formes graves
(spina bifida cystica) peuvent entraîner des déformations vertébrales évolutives qui se surajoutent
aux déformations liées à la paraplégie. Le traitement en est souvent chirurgical, soit par arthrodèse
postérieure in situ, sans manoeuvre de correction, soit souvent par redressement et arthrodèse
antérieure, car les malformations des arcs postérieurs rendent souvent compliqués et dangereux les
abords postérieurs du rachis.
Agénésie lombosacrée
Les problèmes sont très différents selon le niveau car, d'une part il existe un parallélisme entre la
sévérité de l'agénésie et l'importance du déficit neurologique, et d'autre part l'état de stabilité de la
charnière lombosacrée conditionne le pronostic de la marche et de la station assise.
Le but du traitement est donc d'assurer une stabilisation de la charnière lombosacrée, afin
d'améliorer la station assise, et parfois de permettre une verticalisation. Dans les formes hautes
sévères, une désarticulation des genoux et un réalignement des hanches, avec arthrodèse lombo-
sacro-iliaque (utilisant les os des deux jambes amputées) permettent d'aboutir à une bonne stabilité
de la position assise, et à une verticalisation en prothèse bilatérale. Dans les formes de gravité
moyenne, le traitement comporte un volet périphérique de réalignement des membres inférieurs (par
traction, appareillage, ténotomies éventuelles, ou même parfois des ostéotomies) et un volet axial,
nécessaire lorsqu'il existe une déformation scoliotique, cyphotique, ou mixte, évolutive, entraînant un
déséquilibre du tronc. Des arthrodèses lombosacrées ou lombo-iliaques sont alors indiquées, parfois
après réaxation, nécessitant dans ce cas un ou plusieurs temps chirurgicaux successifs. En outre, on
peut observer des aggravations neurologiques, liées à l'irritation des racines sur une moelle fixée, qui
peuvent nécessiter une libération radiculaire avant la stabilisation osseuse.
Haut de page
Préparation à la chirurgie
Elle est nécessaire en cas de déformations évoluées, chez le grand enfant, ou en cas de
malformations sévères et étendues, très déformantes dès le jeune âge. Cette préparation doit être
réalisée dans une structure médicalisée, sous surveillance stricte et quotidienne, en particulier
neurologique, vérifiant la sensibilité et la motricité des membres ainsi que leurs réflexes, l'état des
sphincters et des paires crâniennes. Cette surveillance doit être d'autant plus rigoureuse qu'il existe
des anomalies du cordon médullaire, à type de malformation de Chiari, d'attache basse du fourreau
dural, ou de diastématomyélie avec ou sans éperon osseux. Cette préparation peut être réalisée de
plusieurs manières :
- par une traction axiale au plan du lit, entre une mentonnière et des sangles pelviennes, selon la
méthode de Cotrel, ou bien entre un halo crânien et une traction collée sur les membres inférieurs ;
- par une traction-suspension par un halo crânien, en position assise dans un fauteuil roulant
aménagé, ou en station debout et marche dans un cadre à roulettes, spécialement conçu pour cela ;
- par un plâtre de détraction progressive à ridoirs, de Stagnara,
- par un montage halo-pelvien qui permet une détraction entre le halo crânien et un anneau pelvien.
Quelle que soit la technique utilisée, la correction doit être très progressive, sous surveillance
rapprochée, pour pouvoir s'arrêter dès l'apparition de la moindre anomalie neurologique.
- d'une part elle permet d'obtenir très souvent une bonne correction de la déformation, de telle sorte
que l'on peut faire une simple arthrodèse in situ sans chercher à corriger plus en peropératoire, ce qui
nous met à l'abri de tout risque neurologique que cela peut comporter sur un cordon médullaire à
risque ;
- d'autre part, elle a un rôle capital dans l'établissement de la stratégie opératoire, permettant ainsi de
poser l'indication d'une libération neurochirurgicale première du cordon médullaire, en cas
d'apparition de signes neurologiques précoces, elle permet aussi de déterminer la chronologie
opératoire, entre les temps antérieur et postérieur, en fonction de la raideur de la déformation et de
l'importance de la réduction obtenue ;
- en revanche, chez le jeune enfant, la préparation n'existe souvent pas et se résume seulement,
dans de rares cas, à la confection avec anesthésie générale d'un plâtre correcteur, dans lequel
l'intervention correctrice peut être effectuée. La qualité du plâtre postopératoire est fondamentale
chez ces jeunes enfants et il est quasiment toujours effectué avec anesthésie générale.
Haut de page
Techniques chirurgicales
Voies antérieures
Installation du malade
Elle se fait en décubitus latéral, avec une légère bascule vers l'arrière du malade, maintenu entre un
appui fessier et un appui pubien. Une traction modérée, environ 10 % du poids du corps, est exercée
à la tête par l'intermédiaire d'une mentonnière ou d'un halo crânien, préalablement posé, ce dernier
peut servir, si un deuxième temps opératoire est prévu, pour maintenir la traction entre les deux
temps. Au niveau des membres inférieurs, une traction collée d'environ 15 % du poids du corps est
exercée sur le membre haut-situé, alors que celui qui repose sur la table est fléchi de 90° au niveau
du genou, il servira pour la prise du greffon tibial, fréquemment utilisé dans les arthrodèses
antérieures en étai. Un champ roulé est glissé sous le creux axillaire pour prévenir les compressions
du paquet vasculonerveux à ce niveau, l'autre bras repose sur un appui placé en regard de l'épaule.
Le billot de la table est positionné au niveau du sommet de la déformation, puis relevé suffisamment
(fig 7)
Le badigeonnage doit être large, des épaules au bassin en hauteur, dépassant l'ombilic en avant et la
ligne des épineuses en arrière en largeur. Si un greffon tibial doit être prélevé, on prendra soin de
badigeonner la jambe qui repose sur la table et de l'envelopper dans un jersey tubulaire stérile, en
attendant la pose d'un champ imperméable stérile en dessous. Les autres champs sont ensuite
installés, de façon à délimiter un large champ opératoire, incluant l'ombilic en avant et les apophyses
épineuses en arrière. Ce champ sera recouvert sur sa totalité d'un film adhésif iodé empêchant tout
contact avec la peau.
La tablette mobile dite « assistant » est habillée de façon indépendante pour qu'elle garde sa mobilité
tout en restant stérile. Elle sera déplacée pendant l'éventuelle prise du greffon tibial, puis remise en
place.
Voies d'abord
Thoracotomie
L'incision cutanée est centrée sur la côte qui sera prélevée au passage. Cette dernière est choisie sur
la radiographie de face, c'est celle dont l'arc moyen se projette en regard du sommet de la
déformation, elle correspond généralement à deux niveaux au-dessus de la limite supérieure de la
zone à greffer.
On incise au bistouri électrique, bien centré sur la côte choisie, le muscle grand dentelé jusqu'au
périoste, en partant de la jonction chondrocostale en avant jusqu'à l'articulation costotransversaire en
arrière, en sectionnant au besoin le grand dorsal et les muscles paraspinaux. La côte est ensuite
dégagée en sous-périosté, sur toute sa circonférence, puis décollée du cartilage en avant et
soulevée, pour faciliter sa désarticulation de la transverse en arrière, en essayant de désarticuler la
tête costale, ce qui mène directement sur le corps vertébral. Une hémostase soigneuse doit être
réalisée, en particulier au niveau de la gouttière paravertébrale, pour prévenir un suintement fréquent,
qui peut être gênant tout le long de l'opération.
Le lit de la côte est ensuite ouvert en son plein milieu, d'abord avec la lame de bistouri, lors d'un
mouvement d'expiration, puis avec les ciseaux à disséquer sur toute sa longueur.
Deux champs de bordure puis un écarteur thoracique de Finochietto sont ensuite mis en place,
donnant un bon jour sur le rachis.
Lombotomie
C'est la voie utilisée quand la limite supérieure de la greffe se situe en dessous de D12. L'incision
prend ici la forme d'un S allongé passant à deux travers de doigts en dedans de l'épine iliaque
antérosupérieure, se prolongeant plus ou moins vers le pubis en fonction du niveau inférieur de la
greffe.
Les muscles abdominaux sont incisés au bistouri électrique de façon progressive et prudente pour ne
pas entamer le péritoine.
On se porte dans la loge périnéphrétique, à la recherche d'un espace celluleux, feutré, qui se laisse
facilement disciser au doigt et qui constitue un bon plan de décollement, permettant de refouler vers
l'avant le rein, le péritoine et l'uretère, qui est facilement repérable à ce niveau. On couvre ces
éléments d'une grande compresse humide et on les écarte à la main ou à l'aide d'une large lame
malléable habillée. Reste pour atteindre le rachis à dégager le muscle psoas qui le recouvre sur sa
face antérolatérale. Son arcade est sectionnée au bistouri électrique après avoir posé deux points
repères avec un fil non résorbable, le muscle est ensuite dégagé latéralement à l'aide d'une grosse
rugine de Cobb jusqu'à la racine des apophyses transverses, le rachis est ainsi bien exposé.
Thoracophrénolombotomie
Elle est indiquée quand la zone à greffer se trouve à cheval sur la jonction dorsolombaire. L'incision
cutanée suit le trajet de la côte choisie dans sa moitié postérieure, généralement la 10e ou la 11e
côte, puis s'en écarte pour suivre le trajet d'une lombotomie vers le bas.
On incise les muscles en plein milieu de la côte jusqu'au périoste au bistouri électrique, on dégage la
côte en sous-périosté, en faisant le tour sur toute sa longueur, puis on la retire après l'avoir décollée
du cartilage en avant et désarticulée en arrière.
Le lit de la côte est ensuite incisé en son milieu et sur toute sa longueur, d'abord au bistouri puis aux
ciseaux de Metzenbaum. Le fragment cartilagineux décollé de la côte est tenu par deux pinces à
champ, entre lesquelles il est coupé en deux par une incision oblique, et à partir de là les muscles
abdominaux sont incisés plan par plan au bistouri électrique, après les avoir décollés du péritoine
délicatement au ciseau à disséquer et au doigt, en partant du diaphragme, avec lequel ils ont des
rapports très étroits à ce niveau.
Ensuite, le diaphragme est sectionné au bistouri électrique à 1 cm de son insertion périphérique sur
la côte et jusqu'à son pilier en prenant soin de mettre des fils repères non résorbables tous les 3 ou 4
cm, ce qui facilitera sa réinsertion en fin d'intervention.
Puis on va chercher le plan de passage feutré, dans la loge rétropéritonéale, qui permettra de
refouler vers l'avant le rein et le péritoine avec les anses intestinales.
Il ne restera plus alors qu'à dégager latéralement le muscle psoas, à l'aide d'une grosse rugine de
Cobb, après avoir sectionné son arcade, mise sur un fil repère.
Arthrodèse vertébrale
Épiphysiodèse convexe
Elle consiste à faire souder entre eux les corps vertébraux dans leur moitié convexe (fig 8).
Le temps rachidien commence par la ligature des vaisseaux transverses, après les avoir décollés au
dissecteur fin, ensuite on sectionne d'un trait longitudinal sur la face latérale du rachis et sur toute la
hauteur de la zone à greffer le ligament commun vertébral antérieur et le périoste ; au niveau des
deux vertèbres limites de la greffe le trait de section sera transversal.
On dégage en sous-périosté les corps vertébraux et les espaces discaux, latéralement jusqu'à la
base des transverses, et en avant jusqu'à dépasser la ligne médiane. Le plan ligamentopériosté
décollé peut ainsi être mis sur des fils de traction, de chaque côté du rachis. Il existe très
fréquemment un saignement osseux, par des trous nourriciers sur les corps vertébraux, nécessitant
l'utilisation de la cire de Horsley pour faire l'hémostase.
On procède par la suite à la résection partielle de la moitié convexe des espaces discaux, emportant
au passage le cartilage de croissance des plateaux vertébraux, qui peut être plus ou moins épais et
plus ou moins régulier en fonction des malformations.
Pendant ce temps-là, l'instrumentiste découpe la côte prélevée en petits fragments, qui seront posés
dans les espaces discaux vidés, répartis de façon homogène et légèrement tassés pour combler les
espaces vides.
Parfois lorsqu'il n'y a pas de mobilité escomptée extemporanément entre les vertèbres, on peut
réaliser une tranchée et y coucher la côte (préalablement dédoublée en épaisseur sur toute sa
longueur) en inlay.
Lorsqu'on escompte une mobilité lors de la confection du plâtre postopératoire, la tranchée sera
remplie de fragments costaux débités en fines allumettes.
Ensuite, le volet ligamentopériosté est rabattu et suturé par des points en X au fil résorbable.
Étayage concave
Il est basé sur un principe mécanique simple, qui consiste à apporter un soutien solide à un
effondrement cyphotique dans le plan sagittal au niveau de son sommet grâce à des greffons
corticaux, généralement d'origine tibiale (fig 9).
Le malade est installé en décubitus latéral, concavité vers le haut, sur un billot placé sous le sommet
de la convexité, la jambe reposant sur la table est préparée pour la prise du greffon.
Après un abord centré sur le sommet de la déformation, qui nous mène jusqu'au rachis, on
commence par faire l'hémostase des vaisseaux transverses de proche en proche jusqu'au fond du
sinus. Habituellement, dans les déformations très angulaires il est comblé par un magma fibreux,
dans lequel il est difficile de distinguer les vaisseaux dont on fait l'hémostase au bistouri électrique
avant de commencer le dégagement sous-périosté des corps vertébraux.
Ensuite, on réalise l'excision des espaces discaux et des cartilages conjugaux, en partant du fond du
sinus pour des raisons de visibilité liée au saignement.
Pendant ce temps, un aide opératoire procède au prélèvement d'un greffon tibial, sous garrot
pneumatique, sous la forme d'une baguette corticale prélevée sur la face antéro-interne de l'os, en
respectant scrupuleusement la crête tibiale antérieure pour ne pas le fragiliser, la taille du greffon
sera adaptée à la hauteur du segment rachidien à étayer, en tenant compte de la nécessité de mettre
plusieurs greffons en palissade.
Il faut ensuite réaliser une tranchée longitudinale dans les corps vertébraux proches du fond de la
cyphose, et deux logettes sur les plateaux des deux vertèbres porteuses, dans lesquelles vont venir
se caler en force les extrémités du greffon, après réduction manuelle de la cyphose, l'opérateur
appuyant d'une main sur le sommet de la cyphose, l'aide faisant contre-appui sur le thorax et/ou le
bassin en avant. De l'autre main, l'opérateur présente le greffon que l'aide achève de mettre en place
en tapant doucement dessus à l'aide d'un chasse-greffons, de telle sorte qu'après avoir tout relâché
le greffon reste bien stable, même après une tentative de mobilisation à la pince.
La mise en place des deuxième et troisième greffons se fait de la même façon, en partant de la
profondeur vers l'avant, en creusant là aussi des logettes dans les corps des vertèbres d'appui, on
réalise ainsi un étayage en palissade de grande valeur mécanique. La longueur de chaque greffon
est déterminée en prenant les mesures exactes des distances séparant les deux points d'appui, à
l'aide d'un compas ou d'un fil tendu entre deux pinces.
Si on prélève une côte lors de l'abord, cette dernière sera fendue en deux longitudinalement et
découpée pour être placée dans les espaces séparant les greffons tibiaux. Les chutes de la côte
ainsi que l'os spongieux issu de la tranchée vertébrale sont placés au fond du sinus et dans les
espaces discaux évidés. Ces greffons osseux seront recouverts autant que possible, mais toujours
incomplètement en cas de cyphose, en rabattant le volet ligamentopériosté par des points larges en
X, avec un fil résorbable assez solide (Vicryl 1®). Une fermeture habituelle sur un drainage sera
ensuite réalisée.
Fermeture
Une fois les greffons mis en place et stabilisés par la suture du plan ligamentopériosté, on réalise un
lavage au sérum tiède, on fait le compte des compresses utilisées, toutes marquées par un fil radio-
opaque et on descend le billot de la table.
Thoracotomie
La plèvre pariétale est suturée par un surjet assez lâche par un fil résorbable, un gros drain
thoracique no 30 est mis en place à travers une contre-incision, sur la ligne axillaire moyenne, fixé en
profondeur par un fil fin à résorption rapide, et en surface par un point sur la peau, auquel on ajoute
une bourse d'attente autour du drain pour fermer l'orifice cutané au moment de son ablation.
La fermeture du thorax est réalisée par un surjet sur le lit de la côte, puis les muscles de la paroi
thoracique sont suturés par des plans séparés, avant la sous-peau et la peau.
Lombotomie
Après la fermeture du ligament vertébral, le psoas est réinséré au niveau de son arcade et fixé par
quelques points sur son aponévrose. On met en place un drain de Redon® dans l'espace
rétropéritonéal, puis on ferme les muscles de la paroi abdominale jusqu'au plan cutané.
Thoracophrénolombotomie
Après réinsertion du psoas et fermeture de la plèvre pariétale, on suture le pilier du diaphragme puis
le diaphragme lui-même, en partant de la profondeur et en suivant les points repères posés
préalablement jusqu'au cartilage costal dont on suture les deux fragments ensemble.
La fermeture du thorax et celle de la lombotomie seront faites comme vu plus haut, sur un double
drainage thoracique et rétropéritonéal.
Voies postérieures
Installation du malade
Elle se fait en décubitus ventral, soit sur un cadre de Hall-Relton pour les petits enfants, soit sur une
table spéciale pour chirurgie du rachis pour les malades plus âgés. Une légère traction axiale est
réalisée, par le halo crânien si le malade en est déjà porteur, ou par une mentonnière adaptée et par
des bandes collées ou des bottes en cuir sur les membres inférieurs. On veillera à ce que l'abdomen
soit libre de tout appui pour prévenir un excès de saignement par gêne au retour veineux cave (fig
10).
La table assistant placée au-dessus des genoux du malade est surélevée jusqu'au niveau de son
dos.
L'opérateur se met sur le côté gauche du malade, son premier aide et son instrumentiste en face de
lui, son deuxième aide à sa droite.
On installera un champ opératoire rectangulaire, centré sur le rachis, incluant les crêtes iliaques dont
la droite sera prélevée. Ce champ sera recouvert sur sa totalité d'un film adhésif iodé.
Voie d'abord
Il est préférable, pour des raisons de saignement, d'aborder en premier la crête iliaque droite, par une
incision oblique à 30°, ou mieux horizontale basse, pour des raisons esthétiques. La crête iliaque
sera marquée au bistouri électrique, sur sa moitié postérieure, puis son cartilage de croissance sera
fendu au bistouri à lame en son plein milieu, jusqu'à l'os et sur toute la longueur de la zone à
dégager. À l'aide d'une rugine de Lambotte, on décolle la moitié externe du cartilage et on dégage
ainsi en sous-périosté la fosse iliaque externe. Un champ tétra ou des compresses imbibées de
sérum y seront tassés, faisant l'hémostase le temps qu'on revienne faire le prélèvement.
L'incision du rachis sera rectiligne, médiane, centrée en longueur sur le sommet de la déformation.
Au bistouri électrique, on fait l'hémostase de la graisse sous-cutanée, puis on marque les apophyses
épineuses en surface. Des petites agrafes métalliques seront posées sur une ou deux épineuses, de
préférence dans la région dorsolombaire, pour faire un repérage radiologique peropératoire sur un
cliché de face et parfois de profil lorsqu'on a un doute du fait de la complexité des malformations.
Arthrodèse vertébrale
Chez les petits enfants, il s'agit d'un geste à visée d'épiphysiodèse, uni- ou bilatérale, sur un segment
rachidien limité déterminé en fonction de la nature de la malformation, dans le but d'équilibrer les
potentiels de croissance restants et d'avoir un effet correcteur sur la déformation avec l'âge.
Épiphysiodèse unilatérale
Il s'agit toujours d'une épiphysiodèse de la convexité, d'une déformation peu cyphosante, venant
compléter souvent une épiphysiodèse antérieure. Le chapeau cartilagineux, au sommet des
apophyses épineuses, est fendu longitudinalement en son milieu ainsi que le ligament interépineux.
On revient sur le rachis pour faire l'avivement des apophyses articulaires, de la moitié des épineuses,
des lames et des transverses convexes, soit au ciseau de Capener et au marteau, soit au ciseau
gouge de Stagnara, à la main (fig 11).
Ensuite, on met en place les greffons, en les apposant verticalement le long du rachis, répartis sur
toute la hauteur de la zone à « arthrodéser ».
Les apophyses épineuses des deux vertèbres extrêmes de la greffe seront marquées par des petits
clips vasculaires en titane pour faciliter la surveillance radiologique de la zone fusionnée.
Épiphysiodèse bilatérale
En se basant sur les mêmes principes de potentiel de croissance, l'épiphysiodèse bilatérale est
indiquée dans les malformations cyphosantes, faisant généralement suite à une épiphysiodèse
antérieure convexe pour les formes moyennement cyphosantes, ou à une épiphysiodèse antérieure
concave pour les formes à composante cyphotique prédominante.
La technique opératoire est identique à celle vue dans le paragraphe précédent, le geste rachidien
est dans ce cas bilatéral, l'avivement et la greffe doivent porter sur la totalité de l'arc postérieur, de
transverse à transverse, en passant par les articulaires. On fera là aussi un repérage métallique des
limites de la greffe (fig 12).
Instrumentation postérieure
Il s'agit dans ce cas d'une arthrodèse vertébrale définitive, après une correction pré- ou peropératoire
douce, avec une fixation instrumentée, chez des malades dont la croissance est bien avancée ou
terminée, et qui n'ont pu bénéficier d'une épiphysiodèse, antérieure et/ou postérieure, à un âge
adéquat.
Cette arthrodèse peut faire suite à une greffe antérieure, soit convexe à visée d'épiphysiodèse tardive
ou de libération, soit concave pour étayer une cyphose. L'arthrodèse postérieure instrumentée est
aussi indiquée, dans les malformations vertébrales étendues et complexes du grand enfant.
La technique d'arthrodèse est habituelle, consistant en un avivement des articulaires, des lames et
des transverses, suivi d'un apport de greffons osseux autologues iliaques.
Dans certains cas de malformations sévères du petit enfant dont on n'arrive pas à contrôler
l'évolutivité malgré une épiphysiodèse antérieure et/ou postérieure et un traitement orthopédique bien
mené par plâtres et corsets, on peut être amené à mettre en place une instrumentation sans greffe
qui constituera un tuteur interne empêchant l'aggravation rapide de la déformation.
Il s'agit d'une tige unique suffisamment longue ou de deux tiges télescopiques reliées par un domino,
fixées entre une double pince de crochets, l'une en haut, l'autre en bas, pontant la région déformée
passant soit dans la concavité, soit en « dollar » en cas de double courbure, et que l'on retend tous
les 6 mois ou tous les ans à la demande, au fur et à mesure que l'enfant grandit, jusqu'à l'âge de
l'arthrodèse définitive.
Cette tige est placée en sous-cutané, ou dans l'épaisseur musculaire, sans dépériostage sauf aux
extrémités du montage à l'endroit des crochets. Cette technique doit toujours être associée au port
d'un corset orthopédique de soutien et de protection, car le montage n'est pas assez solide utilisé
seul.
Fermeture
Après avoir réalisé un bon lavage au sérum physiologique, on commence la fermeture du plan
musculoaponévrotique par des points larges et bien serrés, avec un gros fil résorbable.
La fermeture de la crête iliaque commence par la réinsertion du cartilage sur la crête, par un gros fil
résorbable, puis la sous-peau et la peau.
Généralement on ne met pas de drainage ni sur l'abord rachidien, ni sur celui de la crête, sauf si cette
dernière a été abordée par l'incision rachidienne, quand elle descend bas, à travers un décollement
sous-cutané que l'on capitonne et draine par un Redon® avant la fermeture du plan sous-cutané.
Voies combinées
Dans certains cas, on peut réaliser l'épiphysiodèse vertébrale antérieure et postérieure dans la même
séance opératoire, ceci d'autant plus que l'enfant est jeune et que l'arthrodèse est peu étendue.
On commence généralement par le temps antérieur, malade installé en décubitus latéral, on réalise
la greffe antérieure qui peut être soit une épiphysiodèse convexe, soit un étayage concave avec un
greffon tibial, puis une fois la fermeture terminée on tourne le malade en décubitus ventral sur un
cadre de Hall-Relton ou sur des coussins, on fait une nouvelle installation et on réalise
l'épiphysiodèse postérieure uni- ou bilatérale.
Chez les enfants plus grands, on peut mettre en place une instrumentation postérieure, si nécessaire.
La réalisation de ces deux abords successifs a pour intérêt d'économiser un temps opératoire au
malade et de réduire la durée d'hospitalisation, nous procédons à cette technique à chaque fois que
cela est possible, en accord avec les anesthésistes et les réanimateurs.
Résections vertébrales
Leur place est limitée dans les malformations vertébrales, d'autant plus que l'enfant est jeune et qu'il
ne présente pas de malformation médullaire associée. Nous les réservons aux hémivertèbres
L'intervention se déroule en décubitus latéral, du côté opposé à l'hémivertèbre, sur un billot. On fait
un abord simultané, à la fois antérieur par lombotomie basse et postérieur par une incision médiane
lombaire débordant sur le sacrum. Après hémostase des vaisseaux transverses, on dégage en sous-
périosté l'hémivertèbre et les deux vertèbres adjacentes, ce qui permet de faire communiquer les
deux voies d'abord au contact du rachis et de contrôler les racines nerveuses lombaires.
Pour les enfants les plus âgés, on commence par mettre en place les implants postérieurs,
généralement des vis pédiculaires, deux sur la vertèbre sus-jacente à la résection et deux sur la
première vertèbre sacrée, puis on réalise la résection, d'abord des disques puis de l'hémivertèbre elle-
même, tantôt en avant, tantôt en arrière, sous contrôle de la vue, en faisant attention au fourreau
dural et aux racines lombaires.
Haut de page
Soins postopératoires
En postopératoire immédiat, l'enfant est installé avec une traction modérée au plan du lit par des
bandes adhésives sur les membres inférieurs (1 à 2 kg) et une mentonnière ou le halo crânien (2 à 3
kg), pendant une semaine environ au bout de laquelle on réalise, soit le deuxième temps opératoire
complémentaire, soit le corset plâtré postopératoire sous anesthésie générale. Ce plâtre comportera
une prise crurale, si l'épiphysiodèse siège à la jonction lombosacrée, il sera gardé pendant 4 à 6
mois, jusqu'à la fusion de l'épiphysiodèse, puis un relais par un corset orthopédique sera assuré.
Pour toutes les épiphysiodèses précoces, nous réalisons systématiquement, au quatrième mois
postopératoire, une révision de l'épiphysiodèse postérieure, ce geste consiste à vérifier la qualité de
la fusion, corriger une éventuelle pseudarthrose et surtout à renforcer la greffe par un nouvel apport
d'os spongieux d'origine iliaque, prélevé sur la crête iliaque droite. Ensuite, un nouveau plâtre est
confectionné, pour 2 mois supplémentaires avant la mise en place du corset.
Chez le grand enfant, après une arthrodèse postérieure instrumentée, si la déformation initiale est
modérée, les suites opératoires seront identiques à celles d'une scoliose idiopathique, c'est-à-dire
lever et marche au troisième ou quatrième jour sans aucune contention externe, en revanche si la
déformation initiale ou résiduelle est importante, en particulier en cyphose, ou si l'os est porotique,
Enfin, après une résection vertébrale lombosacrée, même instrumentée chez le grand enfant, nous
réalisons un corset plâtré avec prise crurale, au huitième jour postopératoire, pour 6 mois, qui sera
relayé par un lombostat pendant 3 mois.
Références Bibliographiques
[1] Clavert JM. Embryologie du rachis. In : Bollini G ed. Monographie du GEOP. Chirurgie et
orthopédie du rachis, enfant et adolescent. Montpellier : Sauramps Médical, 1989 : 21-28
[2] Dimeglio A Growth of the spine before age 5 years. J Pediatr Orthop 1993 ; 1 : 102-107
[4] Dubousset J Torticolis in children caused by congenital anomalies of the atlas. J Bone Joint
Surg 1986 ; 68A : 178-188
[7] Dubousset J, Katti E, Seringe R Epiphysiodesis of the spine in young children for congenital
spinal deformations. J Pediatr Orthop 1993 ; 1 : 123-130
[8] Kharrat K, Dubousset J Bloc vertébral antérieur progressif chez l'enfant. Rev Chir
Orthop 1980 ; 66 : 485-492
[9] Lonstein JE. Embryology and spinal growth. In : Lonstein, Bradford, Winter, Ogilvie eds. Moe's
textbook of scoliosis and other spinal deformities, 1995 : 23-38
[10] Touzet P, Rigault P Malformations congénitales du rachis. In: Encycl Med Chir (Ed.) Appareil
locomoteur, 15-880-A10 Paris Elsevier: 1990; 26p [interref]
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4
Planning préopératoire de l'étendue en largeur de l'épiphysiodèse vertébrale (d'après Dubousset). La vertèbre est divisée
en quatre cadrans. Le hachuré transversal correspond à une barre congénitale non segmentée ; le hachuré oblique
correspond à un defect antérieur congénital ; le hachuré antéropostérieur correspond à une hémivertèbre. La zone
d'épiphysiodèse, nécessaire pour chaque anomalie congénitale, est indiquée en pointillé.
Fig. 5
Planning préopératoire de l'étendue en hauteur de l'épiphysiodèse vertébrale. A. Chez le petit enfant (moins de 3 ans)
ayant une déformation modérée. B. Chez le grand enfant (âgé de 3 à 5 ans) ou en présence d'une scoliose sévère. C. Dans
le plan sagittal, en cas de cyphose.
Fig. 6
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
Disposition des greffons tibiaux en palissade, lors d'un étayage antérieur par la concavité.
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
Dégagement et avivement bilatéral des arcs postérieurs pour une épiphysiodèse postérieure.
Fig. 13
Fig. 14
Ostéotomies vertébrales antérieures et postérieures chez le jeune enfant - Zone de résection osseuse. A. Vue antérieure.
B. Vue postérieure. A'. Vue antérieure B'. Vue postérieure. La correction sera assurée par un plâtre prenant les cuisses ou
par une courte instrumentation postérieure en compression.
Fig. 15
Résection d'une hémivertèbre à la charnière lombosacrée chez le grand enfant A. Limites de l'excision B. Montage par
quatre vis et deux tiges, après correction.
Fig. 16
A. Malformation dorsolombaire cyphosante à type de vertèbre binucléaire asymétrique chez une fillette de 20 mois. B.
Correction progressive après une épiphysiodèse postérieure bilatérale précoce, avec un recul de 4 ans.
Fig. 17
A. Hémivertèbre thoracique libre chez un garçon de 1 an. B. Aggravation de la scoliose et de la lordose thoracique,
opérées à l'âge de 2 ans d'une épiphysiodèse antérieure et postérieure unilatérale convexe. C. Évolution favorable à 3 ans
postopératoire.
Fig. 18
Cliquez sur une image pour l'agrandir
A. Lordoscoliose dorsolombaire sur des malformations vert?brales ?tag?es ? type de barres unilat?rales non segment?es multiples, chez un gar?on de 6 ans.
B. Correction progressive par un montage halo-pelvien pendant 2 mois.
C. 1 an apr?s une ?piphysiod?se ant?rieure convexe et une arthrod?se post?rieure avec instrumentation de type Cotrel-Dubousset.
Résumé
- Le pectus carinatum ou thorax en carène est une déformation vers l'avant du sternum et des
cartilages costaux. Elle paraît liée à un allongement de ces cartilages et des arcs costaux. Son
aspect inesthétique peut, dans certains cas, justifier un traitement chirurgical.
- Le pectus arcuatum est une malformation de la paroi thoracique. Il donne rarement des
troubles fonctionnels. Sa saillie haute, manubriosternale transversale, est difficile à camoufler
et le traitement, quand il est indiqué, ne peut être que chirurgical.
- Le pectus excavatum ou thorax en entonnoir est une déformation en creux, symétrique ou
asymétrique. C'est la plus fréquente. Les troubles fonctionnels sont rarement importants mais le
préjudice esthétique est souvent considérable et justifie son traitement chirurgical.
- Si le traitement des déformations vers l'avant, pectus carinatum et pectus arcuatum, est
relativement simple et donne des résultats satisfaisants, le traitement du pectus excavatum est
plus difficile et complexe et le résultat est rarement parfait.
Plan
Haut de page
Pectus carinatum - Thorax en carène
Certaines formes très accentuées sont justiciables d'un traitement chirurgical ; d'autres, moins
saillantes ou associées à une cyphose thoracique, pourraient bénéficier d'un traitement
orthopédique.
Principe de l'opération
Comme les côtes et les cartilages sont trop longs [30] et refoulent le sternum vers l'avant, la
diminution de leur longueur permettra la correction.
- Dans les formes symétriques, les arcs costaux sont régulièrement hypertrophiés. Ils peuvent
être convexes ou infléchis en S (fig. 1 A et B).
- Dans les formes asymétriques et dans les hémicarènes, le sternum est tordu sur son axe, sa
face antérieure regarde en avant et du côté opposé à l'hypertrophie dominante (fig. 1 C).
- Dans les formes partielles, certains arcs costaux sont hypertrophiés, d'autres le sont moins ou
pas du tout et la déformation présente des irrégularités en hauteur (selon le niveau des arcs
intéressés) et en largeur. Ces formes partielles sont symétriques ou asymétriques.
A côté des zones saillantes il peut exister des zones de dépression. Si ces zones sont en
dépression relative par rapport aux zones saillantes la suppression de celles-ci est suffisante. Si
la dépression est réelle ou fixée il faudra la corriger par un geste de comblement.
Age de l'opération
Elle comporte une technique de base qui est la résection des cartilages hypertrophiés et des
temps complémentaires selon les variantes anatomiques.
Voie d'abord
Elle est médiane verticale, elle doit passer à mi-distance des mamelons. La longueur de
l'incision est fonction de la hauteur de la déformation. L'incision transversale, sous-mammaire ,
ne donne pas assez de jour sur la partie haute du thorax. Elle peut être utilisée chez la fille dans
les formes basses du pectus carinatum ; elle nécessite un décollement de la peau. L'incision
verticale va d'emblée jusqu'au plan osseux du sternum.
Elle se fait par une voie sous-musculaire en décollant le muscle pectoralis major (grand pectoral
ou GP) du plan osseux à partir du raphé fibreux médian et en décollant latéralement le muscle
GP du gril costal jusqu'à la jonction chondrocostale et sans entamer les muscles interosseux. Si
cela est nécessaire, la face postérieure du muscle rectus abdominis (grand droit ou GD) est
dégagée après ouverture de la partie toute interne de sa gaine antérieure. Il est laissé en
continuité avec le plan du GP. Le plan ainsi formé GD, GP est soulevé jusqu'à la limite latérale
de la déformation. Le plastron sternocostal se trouve ainsi dégagé.
Ils sont dégagés hors de leur périchondre : 2 incisions parallèles à la partie haute et basse de leur
face antérieure facilitent ce dégagement. Ils sont luxés de l'articulation chondrosternale. Après
cette libération, le cartilage redresse sa partie interne recourbée qui vient chevaucher la face
antérieure du sternum. Les cartilages sont ainsi dégagés les uns après les autres en commençant
par le cartilage inférieur, sans les sectionner d'emblée. Il n'est pas conseillé de libérer le premier
cartilage qui sert de support au manubrium sternal mais il pourra être nécessaire d'en réduire
l'épaisseur s'il est saillant.
Quand tous les cartilages de longueur anormale ont été libérés, ils précroisent le sternum. Celui-
ci reprend spontanément sa place en reculant vers l'arrière, souvent en se détordant au moins en
partie. Les cartilages sont alors réséqués en biais aux dépens de leur plan antérieur.
L'amincissement qui en résulte leur donne de la souplesse et leur permet de se replacer dans le
lit périchondral conservé en arrière. Ils peuvent y être suturés mais ce n'est pas indispensable.
La résection doit se faire 1 à 2 cm en deçà du bord latéral du sternum : en effet, dans les suites
opératoires, le remodelage spontané du thorax se poursuivra et les cartilages se rapprocheront
du plan sternal. On peut s'en rendre compte en cours d'intervention en appuyant sur le sternum,
l'extrémité réséquée du cartilage costal ne doit pas chevaucher le bord latéral de celui-ci.
Cette technique de base est suffisante dans les formes symétriques et régulières. Des gestes
complémentaires sont nécessaires dans les formes asymétriques ou irrégulières.
- Une ou des sternotomies transversales peuvent être à faire en cas de rigidité importante du
sternum chez l'adulte.
- Si l'extrémité des côtes osseuses reste saillante, des ostéotomies partielles de leur table
antérieure près de leur extrémité permettent de les infléchir vers l'arrière.
- La face antérieure du sternum doit être régularisée au niveau des articulations
sternochondrales ou sur le bord latéral en cas de détorsion incomplète du sternum dans une
forme oblique ou asymétrique.
- Les zones latérales qui restent déprimées peuvent être comblées par des languettes de cartilage
découpées et modelées à partir des cartilages réséqués. En cas de dépression sous-mammaire ou
rétromammaire, ces greffons cartilagineux seront glissés sous le plan musculaire.
- Une saillie importante des auvents chondraux inférieurs, au-dessous d'une dépression sous-
mammaire, doit être réséquée tangentiellement si les auvents sont trop saillants.
- Il n'est pas nécessaire habituellement de toucher à l'appendice xiphoïde car il se redresse
spontanément. Aucune saillie osseuse ou cartilagineuse anormale ne doit rester perceptible sous
la peau.
Fermeture de la paroi
Suites opératoires
L'opéré est laissé à plat sur le dos, nuque et tête légèrement relevées. Une assistance respiratoire
n'est pas nécessaire. La gêne respiratoire et la douleur postopératoire sont peu importantes.
Toutes positions en cyphose et par conséquent la position assise penchée en avant est
déconseillée avant 3 à 4 semaines mais la position debout, tronc en rectitude, peut être autorisée
très tôt.
Incidents
L'hémorragie peropératoire est modérée : 50 à 440 g. L'hémostase doit être minutieuse. Nous
n'avons jamais eu de pénétration pleurale. Comme il n'y a aucune tension sur la cicatrice du fait
de la réduction de volume du thorax les cicatrices chéloïdiennes sont exceptionnelles.
La voie d'abord du plastron peut se faire en séparant les muscles GP et GD : incision en croix
ou en Y du plan musculaire. Pour éviter de décoller le muscle, l'abord peut se faire à travers lui
par des discisions en regard de chaque cartilage.
Metaizeau [19] sectionne les cartilages en biais de dehors en dedans et d'avant en arrière, inverse
leur position, les raccourcit et les suture (fig. 5A). Dans une forme asymétrique la section du
cartilage est faite dans l'autre sens du côté en retrait et les languettes sont également inversées
dans l'espace (fig. 5B).
Ravitch [26], après résection des cartilages, les réinsère sur le bord latéral du sternum. A la
partie basse du thorax, les cartilages sont réséqués et c'est le périchondre qui est suturé sous
tension au sternum.
Si des ostéotomies du sternum sont pratiquées, elles peuvent être synthésées. Borrelly et
Grosdidier [4] ont utilisé leur attelle-agrafe à glissière placée devant le sternum pour assurer la
fixité.
L'appendice xiphoïde avec les faisceaux internes du GD peut être reposé à la face antérieure du
sternum pour fixer celui-ci et l'attirer vers le bas et en arrière [15].
Résultats
Les résultats esthétiques sont bons ou très bons dans les formes symétriques. Ils sont moins
bons dans les formes asymétriques où il peut persister une certaine irrégularité ; en particulier le
sein du côté saillant peut rester décalé vers l'avant en donnant une impression d'asymétrie
mammaire.
Si la saillie de l'hypertrophie du 1er cartilage costal n'a pas été corrigée, sa persistance peut être
à l'origine d'une demande de correction secondaire.
Une intervention trop précoce peut amener à une récidive lors de la poussée de croissance
pubertaire. Une nouvelle correction est toujours possible. De même des retouches secondaires
pourraient être faites en cas d'irrégularités résiduelles.
- Les résultats fonctionnels sont favorables dans 3/4 des cas où il existait effectivement des
troubles, soit dans 1/3 des cas de thorax en carène opérés mais dans 1/4 des cas ils restent
identiques : asthme ou pseudo-asthme, déficit respiratoire de type restrictif. Ils ont souvent
tendance à s'améliorer avec le recul des observations.
Traitement orthopédique
Vidal et coll. et l'école de Montpellier [31] ont proposé un traitement orthopédique du thorax en
carène. Le principe est que la carène accompagne très souvent une cyphose thoracique qui
projette le thorax en avant. La correction de la cyphose associée à une pression
antéropostérieure sur la face antérieure du thorax permet la correction simultanée des deux
déformations.
Technique
La correction se fait par des plâtres modelant anticyphose avec une pression antérieure et
correction progressive par feutrage. Ce corset plâtré est suivi rapidement d'un corset
orthopédique amovible permettant d'obtenir la correction et le maintien de la cyphose et la
correction de la carène. Le traitement est commencé en centre spécialisé et poursuivi par une
surveillance en externe. Le maintien doit être poursuivi pendant plusieurs mois.
Les résultats présentés par Vidal et coll. sont favorables. Cette technique est réservée aux
formes souples de l'enfant et de l'adolescent, si possible symétriques. Elle ne s'adresse pas aux
formes majeures trop fixées.
Haut de page
Pectus arcuatum - Traitement chirurgical
Le pectus arcuatum (PA) est une malformation de la paroi thoracique antérieure. Dans sa forme
typique, elle comporte une saillie antérieure haute du sternum prolongée latéralement par la
saillie de 2 ou 3 cartilages costaux, habituellement les 2e ou 3e, ou 3e et 4e, mais les cartilages
sous-jacents peuvent également être hypertrophiés.
Au-dessous de cette saillie transversale, le sternum s'infléchit en arrière alors que la partie
interne des arcs costaux reste saillante sur les côtés. Il s'ensuit un aspect en arc de cercle autour
d'une dépression médiane plus ou moins accentuée. Le terme de pectus arcuatum est alors
justifié. Si la dépression est dominante et l'arc moins marqué le terme de cuvette sternale [8] a
été employé ; elle a pu même être confondue avec un pectus excavatum dont elle n'a pourtant ni
l'anatomie ni l'évolution. Si, au contraire, la saillie du sternum est très accentuée et forme un
jabot à la partie haute du thorax le terme de « pigeon breast » est utilisé dans les pays anglo-
saxons. Il en existe des formes partielles ou unilatérales.
Il s'agit d'une malformation vraie où le sternum est très élargi, court, parfois bifide ou perforé
avec une soudure prématurée des pièces sternales. Elle s'accompagne parfois d'autres anomalies
: hypoplasie des faisceaux inférieurs du GP, hypoplasie ou aplasie mammaire unilatérale chez la
fille, associées parfois à des malformations de la main réalisant le syndrome de Poland.
Traitement chirurgical
Principe
La saillie sternale transversale est irréductible et doit être réséquée. Les cartilages saillants,
parasternaux, seront raccourcis et amincis pour qu'ils puissent s'adapter au bord latéral du
sternum. Le creux sternal sous-jacent à la saillie transversale est comblé sans difficulté par des
fragments provenant de l'os réséqué (fig. 6).
Technique [3]
Incision
Elle est verticale médiane, assez courte mais elle doit permettre d'atteindre la partie interne des
cartilages costaux. Cette incision va jusqu'à l'os sans décoller les plans cutanés.
Le périoste du sternum est incisé sur la ligne médiane, décollé jusqu'aux berges latérales de l'os.
Les bords latéraux du sternum sont dégagés. Le périoste latéral du sternum doit être incisé
longitudinalement pour avoir accès sous le muscle GP qui est soulevé pour dégager les espaces
intercostaux et les cartilages. L'extrémité interne des cartilages costaux est désinsérée du
sternum et libérée de leur périchondre sur 3 à 4 cm.
Résection ostéocartilagineuse
Au ciseau frappé, on enlève très largement et par copeaux successifs la partie saillante du
sternum jusqu'au niveau de la table interne qui est gardée intacte. Le saignement osseux doit
être contrôlé. Les cartilages déjà libérés seront alors réséqués à la demande en les amincissant.
Ils se replacent spontanément dans leur lit périchondral.
Si la dépression est profonde, elle est comblée par des copeaux osseux prélevés à la face
antérieure du sternum. Les saillies osseuses ou cartilagineuses seront abrasées. Aucune fixation
n'est nécessaire.
Fermeture
Elle se fait simplement par suture antérieure plan par plan. Un drainage est souhaitable en
évitant l'aspiration continue en raison de la possibilité d'un saignement osseux du tissu
spongieux du sternum.
Suites opératoires
Le lever peut être précoce en évitant les mouvements en cyphose thoracique si le sternum a été
trop fragilisé. Aucune assistance respiratoire n'est nécessaire.
Résultats
- Le résultat esthétique dans le pectus arcuatum est régulièrement bon. Toutefois, des résultats
sont moins bons dans les formes associées à des malformations complexes, en particulier quand
il s'y associe une aplasie du GP avec hypoplasie ou aplasie mammaire. Le traitement de cette
aplasie sera entrepris dans un temps ultérieur.
- Résultat fonctionnel : il n'y a pratiquement pas de trouble fonctionnel dans le pectus arcuatum.
L'intervention n'entraîne aucune perte de la fonction.
Haut de page
Traitement du pectus excavatum - Thorax en entonnoir
Plusieurs solutions sont actuellement possibles selon l'importance de la déformation : soit des
interventions dites mineures dont le type est le comblement de la dépression antérieure du
thorax, soit des interventions majeures réalisant une reconstitution de la paroi par
sternochondroplastie. Celle-ci peut se faire par soulèvement ou par retournement de la zone
déformée.
Interventions mineures
- Le comblement par une masse graisseuse ou dermograisseuse prélevée sur le sujet lui-même
ou par des greffons osseux ou cartilagineux ou par le retournement vers la ligne médiane des
muscles pectoralis major [10] sont actuellement peu pratiqués.
- Le comblement par une substance inerte : cette méthode s'est surtout développée en raison de
la difficulté des autres techniques de correction et des progrès réalisés dans la mise au point des
prothèses en Silastic® et autres matières biocompatibles .
La technique, si elle est simple, n'en est pas moins minutieuse. La prothèse peut être
préalablement réalisée avant l'intervention et adaptée à la dépression. Elle est placée par une
voie d'abord courte. Elle peut être fixée au bord de la dépression.
Les résultats immédiats sont très favorables sur le plan esthétique. Toutefois, pour le pectus
excavatum, aucune étude critique des résultats à long terme n'a été faite. Les inconvénients de
ces implants sont connus et certains ont dû être enlevés pour intolérance ou migration vers le
bas. Ce n'est pas sans appréhension que ces prothèses sont placées chez les adolescents ou les
adultes jeunes. Un meilleur positionnement et une meilleure fixation, des produits mieux tolérés
permettront sans doute de rendre cette technique plus fiable pour en faire profiter les patients
porteurs de pectus excavatum de déformation modérée, sans trouble fonctionnel mais où les
problèmes psychologiques sont parfois importants.
Il faut sûrement s'abstenir d'implanter des prothèses dont la tolérance et la stabilité n'ont pas fait
l'objet d'étude à très long terme.
Garnier pensait qu'une insuffisance abdominale du jeune enfant était un facteur étiologique
important dans la constitution de la dépression inspiratoire du pectus excavatum. Chez le jeune
enfant, il a donc effectué des reconstitutions de la paroi abdominale associées à une résection du
fond du creux. La technique comporte une résection cutanée en quartier d'orange, la fermeture
de la hernie ombilicale, l'adossement des bords internes des muscles rectus abdominis (grands
droits, GD) jusqu'au-dessous de l'ombilic.
Sous le nom « d'intervention mineure », Garnier [8] a décrit une résection de l'appendice
xiphoïde et des derniers cartilages costaux. Par une incision verticale, il sépare latéralement les
muscles GP et GD et résèque l'appendice xiphoïde et les derniers cartilages costaux en sous-
chondropériosté. Le point faible inférieur est renforcé par les cartilages réséqués. Une
laparoplastie est très souvent associée.
Elle avait déjà été préconisée par Monod. Elle se fait également en sous-chondropériosté. Elle
est souvent associée à des gestes complémentaires. Dahan et coll [6] a décrit une résection suivie
de reconstitution par une plaque prothétique placée sur des agrafes à glissières de Borrelly et
renforcée par du ciment à prothèse. Cette intervention (qu'on ne peut plus qualifier de mineure)
serait réservée aux cas vus après 40 ans, complexes, et aux récidives.
Cet auteur pensait que la déformation était due à une attraction vers l'arrière de la partie basse
du sternum et proposait de faire, chez le nourrisson, la résection de ce qu'il appelait « le
ligament rétro-sternal ».
L'intervention se faisait par une incision arciforme vers le bas avec résection de l'appendice
xiphoïde. En arrière de lui se trouve une formation fibreuse très résistante qui nous paraît être,
chez le nourrisson, la lame qui forme le périchondre postérieur de l'appendice xiphoïde et de la
partie basse du sternum. Latéralement, la face inférieure des derniers cartilages costaux était
libérée de leur insertion musculaire.
La résection simple de la zone enfoncée donne des résultats irréguliers avec parfois un thorax
rigide.
De l'opération de Brown, il faut retenir la possibilité d'une exploration précoce de la partie basse
d'un thorax en entonnoir congénital majeur du nourrisson chez lequel on pourrait soupçonner
une malformation anatomique de la région.
Interventions majeures
Les sternochondroplasties s'adressent aux pectus excavatum importants, quand il existe des
troubles fonctionnels respiratoires ou cardiaques ou quand le préjudice esthétique est majeur.
C'est la technique habituellement suivie. Nous décrirons d'abord la technique personnelle que
nous avons mise au point [2] et quelques-unes des nombreuses variantes de la
sternochondroplastie par relèvement.
Incision
Elle est verticale chez le garçon et la section est conduite directement, jusqu'au plan osseux.
Chez la fille, elle sera verticale ou horizontale. Celle-ci commençant et finissant en sous-
mammaire, est légèrement infléchie en arc à concavité inférieure sur la ligne médiane. Il faut
alors décoller la peau du plan musculoaponévrotique qui sera incisé verticalement.
Il se fait par voie sous-musculaire (fig. 7 et 8). L'incision aponévrotique est verticale et médiane
sur le sternum puis elle se dédouble de chaque côté de la ligne médiane pour inciser la partie
toute interne de la gaine des muscles GD de chaque côté de la ligne blanche. Le plan des
muscles GP et GD est laissé en continuité et décollé de dedans en dehors entre le GP et le gril
costal d'une part et entre la face postérieure du GD et sa gaine postérieure, qui doit rester en
arrière, d'autre part. Les digitations supérieures du GD de chaque côté sont soulevées avec le
périchondre antérieur des cartilages où elles prennent insertion. Le paquet vasculaire mammaire
interne est lié à son émergence au bord interne du 7e ou du 8e cartilage costal mais il faut éviter
de sectionner les nerfs intercostaux qui émergent au bord inférieur des derniers cartilages
costaux. Les muscles intercostaux sont soigneusement ménagés, les vaisseaux perforants sont
coagulés. Le dégagement se poursuit jusqu'aux berges latérales de l'entonnoir d'un côté puis de
l'autre.
Tous les cartilages déformés sont libérés en sous-périchondral en commençant par le plus
saillant. C'est le temps le plus minutieux. Chaque cartilage est sectionné de dehors en dedans et
d'avant en arrière, en commençant la section non pas au sommet de la berge mais sur le versant
interne de l'entonnoir. Si les synchondroses des cartilages costaux inférieurs sont très internes,
elles doivent être libérées et séparées. Le dernier cartilage (le 7e) est libéré mais ne sera
sectionné que dans un temps ultérieur après la sternotomie verticale et la libération inférieure du
plastron.
Elle est faite à la partie haute de l'entonnoir, ordinairement entre le 2e et le 3e cartilage costal,
parfois plus bas, au niveau du 3e espace s'il s'agit d'une forme basse. Elle est faite au ciseau
frappé et à la pince gouge fine enlevant un coin triangulaire jusqu'à la corticale postérieure qui
sera conservée pour servir de charnière au relèvement.
L'appendice xiphoïde est sectionné transversalement à sa base. Il est toujours très profond, en
arrière du plan des derniers cartilages costaux. Après dégagement de ses bords latéraux en sous-
périchondral, son périchondre postérieur (ou le périoste s'il est ossifié) est sectionné. On se
trouve alors au-dessus du diaphragme. L'appendice xiphoïde lui-même peut être réséqué en
partie ou laissé en continuité avec la gaine postérieure des muscles grand droit avec laquelle il
doit rester. Un doigt passé en arrière du sternum, dans la partie basse du médiastin antérieur,
apprécie la distance vertébrosternale parfois très étroite.
Une sternotomie verticale est alors pratiquée de bas en haut jusqu'à la sternotomie transversale.
Si on peut garder la corticale postérieure, celle-ci servira de charnière et protégera le médiastin
antérieur. Si le thorax est souple et la déformation peu accentuée, la sternotomie verticale n'est
pas indispensable.
Le soulèvement du sternum permet de tendre les éléments musculaires et fibreux qui amarrent
le plastron en bas et en arrière. Ce sont les faisceaux supérieurs du muscle transverse de
l'abdomen (muscle transversus abdominis) qui sont sectionnés transversalement d'un côté puis
de l'autre à 1 cm en dessous du dernier cartilage costal. Quelques éléments fibreux postérieurs
doivent parfois être libérés.
Après ces dernières manoeuvres, le plastron peut être soulevé sans trop de difficulté. Il se crée
ainsi un large dièdre musculoaponé-vrotique, ouvert vers le haut, formé en profondeur par la
gaine postérieure des GD et la ligne blanche (avec la pointe de l'appendice xiphoïde) prolongé
en arrière par le diaphragme. En avant, le plan du dièdre est formé par le muscle GD et sa gaine
antérieure prolongée par le GP (fig. 12). C'est ce que nous avions décrit sous le nom de plastie
d'allongement du diaphragme [1].
Lors de la réduction de la déformation, la partie interne des cartilages vient chevaucher leur
partie externe par en avant (cf. fig. 9). Dans les formes asymétriques, il peut être nécessaire de
pratiquer des incisures de chondrotomie partielle, parfois des chondrectomies partielles pour
favoriser la régularisation. Chez l'adolescent et l'adulte jeune, il n'apparaît pas nécessaire de
libérer la face profonde du sternum.
La fixation peut être faite par des méthodes multiples. La fixation par broches apparaît la plus
simple. La broche pénètre par la partie antérieure et externe de la côte osseuse (la 5e ou la 6e) au
niveau de l'arc antérieur. Introduite par la corticale externe de la côte, elle est dirigée de dehors
en dedans, un peu obliquement vers le haut, vers la partie basse du sternum du côté opposé. Elle
est mise pratiquement à vue quand elle passe sous la partie homolatérale du plastron qu'elle
contribue à soutenir, puis sous (ou dans) l'hémisternum et se fiche dans l'hémisternum du côté
opposé. Elle doit apparaître soit sur la corticale antérieure, soit sur le bord latéral d'où elle
dépasse de quelques millimètres (cf. fig. 9). Du côté opposé, une 2e broche est placée de la
même façon ; les deux broches se croisent dans l'espace et forment un ancrage solide. Deux
broches suffisent habituellement mais on peut en utiliser 3 ou 4. Il faut utiliser des broches de
20 ou 22 (une certaine souplesse permet de mieux les guider). Leur filetage permet d'éviter le
glissement secondaire. Nous utilisons donc ces broches filetées à l'extrémité qui se fichent dans
le sternum.
La paroi est régularisée par résection des parties exubérantes ou saillantes. Les creux ou les
dépressions peuvent être comblés par des greffons cartilagineux pris au niveau des cartilages les
plus inférieurs.
Fermeture de la paroi
Après mise en place des drains aspiratifs : un de chaque côté sous les muscles pectoraux, un 3e
au niveau de l'appendice xiphoïde à la partie basse du médiastin antérieur, la fermeture se fait
très simplement par suture sur la ligne médiane des 2 gaines antérieures des GD en bas, du bord
interne des GP en haut. La peau est fermée par surjet intradermique bien affronté. La partie
externe des broches est coupée et leur extrémité est laissée en sous-cutanée perceptible au doigt.
Suites opératoires
Installation de l'opéré : après radiographie thoracique de contrôle, l'opéré est installé à plat dans
son lit, la tête légèrement surélevée. Les suites opératoires sont simples s'il n'y a pas eu
d'ouverture pleurale. La gêne respiratoire persiste pendant 48 heures environ ; l'oxygénothérapie
peut être utile pendant cette période. Les douleurs sont modérées.
Le lever est autorisé après 3 semaines. La position assise penchée en avant est à éviter.
Les broches peuvent être enlevées après 2 mois (après consolidation des sternotomies) mais les
laisser plus longtemps est sans inconvénient. Il faut toujours pouvoir contrôler les extrémités
des broches en dedans comme en dehors pour pouvoir détecter une éventuelle migration qui
obligerait à les enfoncer de nouveau ou à les enlever.
Kinésithérapie respiratoire
Une bonne capacité thoracique et un thorax souple sont des facteurs favorables pour
l'intervention et pour les suites. La kinésithérapie sera commencée avant l'intervention pour
obtenir une bonne souplesse thoracique. Elle sera reprise le plus tôt possible après l'opération
(2e ou 3e jour), progressivement. L'intégrité des plèvres favorise cette kinésithérapie
respiratoire.
Voie d'abord
Au lieu de laisser les muscles GP et GD en continuité, on peut les séparer à la partie basse du
gril costal . On peut aussi passer sous les GP sans les séparer et en décollant leur plan du gril
costal [17].
Les arcs costaux peuvent être abordés par voie transmusculaire en dissociant les fibres du GP et
du GD (type Brunner).
Résection cartilagineuse
Certains préfèrent pratiquer und résection limitée au sommet des courbures, trapézoïdale à base
antérieure sur la convexité et à base postérieure au point d'inflexion interne (Grob). D'autres
font une résection complète des cartilages déformés en sous-périosté. Le lit du cartilage peut
être rempli de fragments morcelés .
Métaizeau [19] (fig. 13) fait une section cartilagineuse d'avant en arrière et de dedans en dehors,
inverse les languettes et les sutures par des points en U assurant une tension transversale. Une
fixation métallique n'apparaît nécessaire que dans les déformations très sévères, dans ce cas 2
broches filetées sont placées verticalement de bas en haut jusqu'au manubrium pour stabiliser le
sternum.
Libération du sternum
Plus ou moins complète, préconisée par Ravicht, elle permet le soulèvement du sternum sans
difficulté après sternotomie transversale haute. La fixation est alors aisée par broches, plaques
ou lames passant par-dessus ou par-dessous.
D'autres préfèrent placer attelles et plaques devant le sternum, telle la plaque coulissante de
Rehbein fichée dans l'extrémité des côtes et passant devant le sternum. Les lames métalliques
de Duclous fichées dans les côtes sont vissées sur la face antérieure du sternum. Certains, pour
éviter l'inconvénient d'une ablation secondaire du matériel métallique, préfèrent une fixation
sans matériel : des greffons osseux peuvent être placés transversalement sous le sternum selon
la technique de Naef . On peut aussi mettre en tension les lits périchondraux et les muscles
intercostaux [13]. Certains fixent l'appendice xiphoïde avec les faisceaux internes des muscles
GD en avant de la partie basse du sternum.
La fixation externe préconisée par Garnier reste une bonne méthode de soutien mais elle est
susceptible de donner des complications cutanées. Une coquille plâtrée est moulée en
préopératoire et le futur opéré doit s'y habituer. Elle pourra servir de support au système de
fixation externe. Garnier plaçait une traction par fil par l'intermédiaire d'une bobine de cartilage
placée sous la partie basse du sternum. L'anse ainsi formée était fixée à un support extérieur qui
maintenait la correction jusqu'à consolidation. Bien d'autres méthodes ont été imaginées et
utilisées telle la suspension magnétique [12], beaucoup conseillent de ne pas enlever trop tôt le
matériel de fixation et de le laisser longtemps, jusqu'à un an .
Toutes ces méthodes de fixation ont pour but de réduire le nombre d'enfoncement secondaire et
de récidive. Chacun reste fidèle à sa technique ou au matériel dont il a l'habitude : telles
éclisses, agrafes et plaques utilisées pour les volets costaux traumatiques ; les prothèses mises
pour les réparations pariétales ; d'autres ont tendance à mettre broches et plaques qu'ils manient
plus aisément. Certains préfèrent éviter les réinterventions sinon a minima.
Cette technique, de principe simple mais d'exécution minutieuse, a été diffusée en France par
Judet pour le retournement libre et par Jung [16] pour le retournement pédiculé.
Cette technique a d'abord été utilisée en extrapériosté puis, par simplification technique, en sous-
périosté [15]. L'abord est médian, vertical ; le sternum est libéré en sous-périosté, en laissant des
copeaux osseux attenant au périoste. Les cartilages costaux déformés sont dégagés en sous-
périchondral et sectionnés en dehors. Après libération des attaches inférieures et sternotomie
haute, le plastron est retourné et fixé au moyen de fils non résorbables au niveau de la
sternotomie et des extrémités costales. Le plastron est régularisé pour éviter les irrégularités et
la saillie trop importante de l'éperon retourné. Le plan antérieur est alors suturé par en avant sur
drainage.
Complications peropératoires
Les complications cardiaques ont été décrites. Les séries récentes n'en font pas état mais le
monitoring doit être attentif. L'hémorragie est contrôlée par le bistouri électrique qui ne semble
pas avoir d'inconvénient même dans la région précordiale. Les zones osseuses avivées,
hémorragiques peuvent être enduites de cire ou d'équivalent hémostatique.
L'ouverture pleurale est à éviter dans la mesure du possible : ponctiforme ou peu importante et
facile d'accès, elle peut être fermée facilement. Une lame de pneumothorax décelée en post-
opératoire immédiat justifie seulement une surveillance ; elle se résorbe facilement. Un
pneumothorax plus important doit être drainé.
Complications postopératoires
Toute dyspnée persistante doit faire rechercher une complication : atélectasie pulmonaire,
infection bronchopulmonaire, pneumothorax.
L'hématome du plan de décollement, s'il n'est pas réduit par le drainage aspiratif, doit être
ponctionné ou drainé.
Le sphacèle cutané peut se voir après une incision transversale dans sa partie centrale si elle a
été trop infléchie vers le haut. Il peut se voir aussi sur une berge d'une incision longitudinale en
cas de décollement sous-cutané.
La cicatrice chéloïdienne se voit rarement après intervention, probablement parce qu'il n'y a
aucune tension sur la peau en postopératoire du fait de la réduction de la déformation.
Echec et récidive
L'échec peut être prévisible rapidement en postopératoire s'il persiste une respiration
paradoxale. Le plastron antérieur paraît attiré en arrière à chaque inspiration. L'échec peut être
partiel ou complet. Une récidive complète peut nécessiter la reprise chirurgicale. Celle-ci
n'apparaît pas techniquement beaucoup plus difficile que la 1re intervention.
Une hypercorrection peut se voir après retournement : en fait, après cette technique, l'ensemble
du plastron tend plutôt à reculer formant une saillie antérieure bordée par 2 dépressions
longitudinales. L'apparition d'une carène secondaire peut se voir après correction du pectus
excavatum (comme pour le pectus carinatum) chez un sujet jeune dont la croissance n'est pas
terminée. La croissance des côtes et des cartilages refoule le sternum en avant formant une
véritable carène. Si celle-ci est inesthétique la correction est relativement simple.
Les irrégularités du plastron sont fréquentes dans les formes asymétriques. Une retouche dans
ces cas peut être proposée, elle est purement pariétale et associe résection sur les zones
saillantes et comblement des zones en dépression.
Résultats fonctionnels
Ils sont difficiles à apprécier, en effet il faut quelquefois attendre plusieurs semaines ou
plusieurs mois pour obtenir une expansion thoracique satisfaisante et, même si le patient se dit
soulagé de sa dyspnée ou de son pseudo-asthme, les épreuves fonctionnelles respiratoires ne
montrent pas d'amélioration évidente. D'autre part, tout thorax rigide ou à faible amplitude
respiratoire doit être considéré comme un échec fonctionnel. Par contre les palpitations
cardiaques, les modifications de l'ECG s'améliorent ou disparaissent régulièrement [31].
Résultats esthétiques
Il est difficile de se faire une idée des résultats car les séries sont souvent courtes et étudiées à
court terme : globalement on peut estimer que 60 à 70 % ont de bons ou très bons résultats. 30
% des résultats sont moyens par irrégularité ou récidive légère. Les échecs varient de 2 % à 15
% selon les statistiques.
Les résultats apparaissent meilleurs chez les filles où le développement mammaire cache
certaines irrégularités latérales. Ils sont moins bons dans les formes asymétriques et dans les
thorax plats - principalement celui du syndrome de Marfan - dans ce cas la déformation
commence à la fourchette sternale et si le creux est corrigé le thorax reste plat et souvent
irrégulier. Enfin, les patients qui avaient des formes modérées ou mineures jugent plus
sévèrement leur résultat que ceux qui avaient des formes majeures. Ceci doit inciter à limiter les
indications dans les formes mineures ou modérées ou bien tolérées.
Références Bibliographiques
[5] CAUCHOIX J, MOREL G, COTREL Y, REY JC Plastie par mobilisation avec butée
rétro-sternale. Symposium sur le thorax en entonnoir. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : 460-
466
[6] DAHAN M, BERJAUD J, VERNHET JC Technique opératoire du pectus excavatum,
méthodes « radicales ». Ann Chir Plast Esthet 1990 ; 35 : 485-488
[7] ESCHAPASSE H, GAILLARD J, FOURNIAL F coll Utilisation de prothèses en
résine acrylique pour la réparation des vastes pertes de substances de la paroi
thoracique. Acta Chir Belg 1977 ; 76 : 281-285
[8] GARNIER C Expérience personnelle de 102 cas de thorax en entonnoir. Rev Chir
Orthop 1964 ; 50 : 415-434
[9] GRAHAM J, USHER FC, PERRY JL, BARKLEY HT Marlex-mesh as a prothesis in
the repair of thoracic wall defects. Ann Surg 1960 ; 51 : 469-479
[10] GUILLEMINET M, MICHEL CR, PICAULT C Plastie par relèvement du plastron.
Symposium sur le thorax en entonnoir. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : 435-439
[11] IDELBERGER K Plastie par mobilisation et suspension métallique interne (méthode
de Rehbein). Symposium sur le thorax en entonnoir. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : 467-
470
[12] ISAKOV JF, GERASKIN VI, RUDAKOV SS , et al. A new method of surgical
treatment of funnel chest with help of permanents magnets. Chir
Pediatr 1980 ; 21 : 361-362
[13] DE BEAUJEU JAUBERT, CHAVRIER Y Les déformations de la paroi thoracique.
Résumé de la Réunion de la Société de Chirurgie Thoracique de Langue Française.
Lyon, 19. 10. 1974. Ann Chir Thorac Cardiovasc 1976 ; 15 : 1-6
[14] JUDET J, JUDET R Thorax en entonnoir. Un procédé opératoire. Rev Chir
Orthop 1954 ; 40 : 248-257
[15] JUDET J, VALENTIN P Plastie par retournement du plastron. Symposium sur le
thorax en entonnoir. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : 440-445
[16] JUNG A, WIEST E, VIERLING JP Traitement par le retournement pédiculé de la
cuvette sterno-chondrale. Résultats éloignés. Symposium sur le thorax en
entonnoir. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : 446-455
[17] MARTIN F. L'attelle-agrafe de Martin Corvisier (Thèse). Nancy. 1976 ; 126 p
[18] METAIZEAU JP, PREVOT J, AMICABILE C La correction chirurgicale du thorax en
entonnoir. Chir Pediatr 1979 ; 20 : 149-152
[19] METAIZEAU JP Cure chirurgicale des déformations de la paroi thoracique antérieure
par chondrotomies frontales. Technique originale. Rev Chir Orthop 1984 ; 70 : 483-
488
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Pectus carinatum (A à D). Thorax en carène. Correction chirurgicale d'une forme asymétrique.
Le sternum reprend sa place après libération des cartilages costaux et sous-périchondraux. Si la
détorsion est incomplète, il faut réséquer la berge osseuse du sternum qui reste saillante.
Fig. 4
Fig. 5
Pectus carinatum. A. Forme symétrique : découpe des cartilages selon les schémas de Métaizeau
[19] , inversion des languettes dans le sens antéropostérieur. B. Forme asymétrique : le sens de
la section des cartilages est différent des 2 côtés, les languettes sont inversées.
Fig. 6
Correction chirurgicale du pectus arcuatum. A. Résection des cartilages du sternum dans la zone
saillante. B. La partie saillante du sternum réséquée est placée en totalité ou en partie dans le
creux sous-jacent (coupes sagittales). C. Résection de la partie interne des cartilages costaux
trop saillants (coupes horizontales).
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
La libération inférieure ouvre l'angle dièdre formé en avant par le muscle rectus abdominis
(GD), en arrière par la ligne blanche et le feuillet postérieur de la gaine du GD prolongé par le
diaphragme. Ce temps a été décrit sous le nom de plastie d'allongement du diaphragme
(Bedouelle).
Fig. 13
A. Découpe des cartilages selon les schémas de Métaizeau [19] . B. Inversion antéropostérieure
des languettes cartilagineuses, passage des fils de fixation. C. Le serrage des fils tend et réduit la
paroi antérieure.
Fig. 14
Fig. 15
Sternochondroplastie par retournement pédiculé : technique de Jung. Les faisceaux internes des
grands droits de l'abdomen restent fixés à la partie basse du plastron et subissent lors du
retournement, une torsion de 180°.
44-225
Mots-clés : chirurgie, voie d’abord, nerf, plexus brachial, nerf spinal accessoire, nerf intercostal, nerf
musculocutané, nerf radial, nerf axillaire, nerf suprascapulaire, nerf médian, nerf ulnaire.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Oberlin C, Teboul F et Touam C. Voies d’abord des nerfs du membre supérieur. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-225, 2001, 20 p.
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
*
A
1 Installation d’un pa-
tient permettant le prélève-
ment de greffes nerveuses 2
à partir des membres infé-
rieurs. Un appui talonnier
est placé en dehors de la
table, à hauteur de l’inter-
ligne des genoux (d’après
Foucher).
*
A
*
B
2
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
4
5
6
7
1
5 Anatomie du plexus brachial et ses branches.
1. Nerf spinal accessoire. 2. nerf suprascapulaire ; 3. nerf musculocutané ; 4. nerf axil-
laire ; 5. nerf radial ; 6. nerf médian ; 7. nerf ulnaire.
4 Abord du nerf spinal accessoire. Après incision du platysma, le nerf apparaît, sor-
tant du relief du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Il doit être différencié des nombreu- VOIE D’ABORD PARTICULIÈRE POUR NEUROTISATION
ses branches du plexus cervical superficiel sensitif. DU PLEXUS BRACHIAL
1. Nerf spinal accessoire ; 2. plexus cervical superficiel. Dans ce cas, l’incision est celle de l’exploration sus-claviculaire du
D’autre part, il reçoit une branche anastomotique motrice (plexus plexus brachial. Après avoir repéré le nerf phrénique, puis l’origine
cervical profond) venant de C2 et C3. Il faut se rappeler que le spinal de la racine C5, on se porte en arrière et en dehors en suivant le
est le nerf le plus postérieur du creux sus-claviculaire et le plus au relief du muscle trapèze. On trouve le nerf spinal accessoire plus
contact du muscle trapèze. Son calibre est relativement petit par facilement puisque le stimulateur à nerf peut être utilisé.
rapport aux rameaux sensitifs.
L’incision cutanée (fig 3) doit suivre une ligne qui part de la pointe Plexus brachial
de l’apophyse mastoïde et se dirige vers le point de pénétration
musculaire tel que décrit (cf supra). Le début de l’incision est situé L’abord chirurgical du plexus brachial est réalisé le plus souvent
environ 4 cm sous la pointe de l’apophyse mastoïde et se prolonge dans le cadre de lésions traumatiques par élongation et rupture
vers le bas et en dehors sur 5 à 10 cm. rencontrées après accident de moto. Ces lésions sévères ne sont plus
Après incision de la peau et du muscle peaucier, on repère deux explorées que dans un but thérapeutique, l’examen clinique
éléments : le bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien et préopératoire aidé de la myélographie couplée au scanner
le bord antérieur du muscle trapèze. C’est dans l’angle supérieur de permettant dans la très grande majorité des cas d’avoir une idée
ces deux muscles, c’est-à-dire à la partie haute, postérieure, du creux précise des lésions. L’abord consiste aujourd’hui davantage à se
sus-claviculaire que l’on va chercher le nerf spinal accessoire (fig 4). porter sur les sites de réparations, plutôt que de réaliser une
Dans cet angle, on retrouve les nombreux filets nerveux récurrents « exploration ». La ou les voies d’abord sont donc alors
qui sont les branches (sensitives par définition) du plexus cervical conditionnées par les greffes ou transferts nerveux prévus.
superficiel, et qui remontent vers l’oreille et le menton. Il faut
chercher le nerf spinal plus en arrière et surtout plus bas.
Lorsque la découverte du nerf est difficile, il faut alors le repérer en RAPPEL ANATOMIQUE
amont de ses branches destinées au muscle sterno-cléido-
¶ Constitution (fig 5)
mastoïdien, dans l’espace rétrostylien, en s’aidant de la stimulation.
Le nerf passe dans 75 % des cas en superficie par rapport à la veine Le plexus brachial [8] est formé habituellement par la réunion des
jugulaire. L’artère carotide interne est plus profonde. racines cervicales C5, C6, C7, C8 et de la première racine thoracique.
3
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
Inconstamment, C4 envoie un contingent et parfois T2. Lorsque C4 antérieure du tronc primaire supérieur. Elle chemine en avant du
n’entre pas dans la constitution du plexus, T2 participe : plexus bord externe du muscle scalène antérieur, en dehors du nerf
inférieur prédominant. Parfois le plexus ne reçoit rien de T1 mais a phrénique, et rejoint le muscle subclavier après avoir croisé le bord
un fort contingent de C4, il est alors supérieur prédominant. Ces postérieur de la clavicule.
variations sont très fréquentes, notamment les plexus inférieurs Les nerfs des muscles pectoraux forment généralement l’anse des
prédominants. Ainsi, des avulsions intéressant C8 et T1 peuvent- pectoraux, formée par un contingent venant du tronc secondaire
elles s’accompagner d’un plan de flexion satisfaisant à l’avant-bras antéroexterne et un autre du tronc secondaire antéro-interne. Elle
et à la main. naît sous la clavicule et passe sous l’origine de l’artère
C’est dire que les tableaux paralytiques plexiques doivent faire appel thoracoacromiale (acromiothoracique). Elle donne les branches aux
à une terminologie clinique (par exemple « paralysie de l’épaule et muscles grand et petit pectoral. Parfois, il existe un autre nerf du
de la flexion du coude »), et non pas s’exprimer en termes de racines, muscle grand pectoral qui naît plus haut sur le tronc secondaire
dont on connaît la variabilité. antéroexterne.
Les racines se regroupent : C5 et C6 forment le tronc primaire
supérieur, C7 le tronc primaire moyen, C8 et T1 le tronc primaire ¶ Variations anatomiques
inférieur.
Elles comportent :
Ces trois troncs primaires donnent chacun un contingent postérieur
et un contingent antérieur. Les trois contingents postérieurs se – la participation inconstante du contingent venant de C4 ;
réunissent en un tronc secondaire postérieur qui se divise en nerf – la participation inconstante venant de T2 ;
radial et nerf axillaire (circonflexe). Les contingents antérieurs des
troncs supérieur et moyen se réunissent pour former le tronc – l’anse des pectoraux qui peut être formée de deux branches
secondaire antéroexterne qui donne la racine externe du nerf médian associées ou non à un nerf propre du muscle grand pectoral,
et le nerf musculocutané. Une portion variable provenant de naissant plus haut du tronc secondaire antéroexterne ;
C7 s’unit à la branche de division antérieure du tronc primaire – l’absence de nerf musculocutané, très fréquente, qui correspond
inférieur pour former le tronc secondaire antéro-interne qui donne, en réalité à un volumineux tronc médian musculocutané, les nerfs
en se divisant, la racine interne du nerf médian, le nerf ulnaire des muscles coracobrachial, biceps et brachial (brachial antérieur)
(cubital), le nerf médial cutané du bras (brachial cutané interne) et naissant de façon étagée tout au long du canal brachial.
de l’avant-bras (accessoire du brachial cutané interne).
¶ Systématisation du plexus brachial
¶ Branches du plexus brachial
La participation de telle ou telle racine à l’innervation d’un muscle
Branches postérieures donné est magistralement décrite dans l’étude la plus importante,
jamais égalée, qui est celle d’Hovelacque [8] et de ses assistants. Les
L’origine du nerf du muscle serratus (grand dentelé), ou nerf
très nombreuses variations décrites expliquent la plupart des
thoracique long de Charles Bell, provient du contingent de C4-C5-
tableaux cliniques « surprenants » constitués dans certaines
C6-C7, très près de l’émergence du trou de conjugaison. Ceci
paralysies partielles par des « discordances » apparentes entre
explique que les atteintes plexiques comportant une paralysie du
certains muscles actifs et des images d’avulsion médullaire
serratus soient particulièrement graves. À l’inverse, une réponse
correspondantes.
positive à la stimulation peropératoire du moignon proximal d’une
racine C5 permet d’affirmer la continuité entre le corps cellulaire de Dans une autre optique, la chirurgie de réparation nerveuse a tenté
la corne antérieure de la moelle et un effecteur musculaire de mieux connaître la répartition intraneurale des fascicules destinés
périphérique, c’est-à-dire de confirmer l’absence d’avulsion à telle ou telle région. Les connaissances à ce sujet ne sont pas
médullaire. Le nerf thoracique long chemine ensuite en arrière du assurées. Et l’expérience montre que le respect supposé de cette
plexus pour rejoindre le grill costal. On le recherche en fait rarement cartographie ne constitue pas une nécessité absolue pour obtenir un
lors de la dissection du plexus brachial. bon résultat ou éviter des cocontractions. La plasticité cérébrale
permet certaines reprogrammations.
Le nerf du muscle élévateur de la scapula (angulaire) et des muscles
rhomboïdes naît très haut de la face postérieure de C4 ou C5 ; il En revanche, les nouvelles techniques de transfert de quelques
traverse le muscle scalène moyen et quitte rapidement la région. Il fascicules sains sur un nerf rompu montrent que la stimulation fine
est ainsi le plus souvent intact dans les paralysies du plexus brachial, intraneurale d’un nerf fonctionnel permet d’identifier des
autorisant l’utilisation du muscle angulaire comme transfert. contingents produisant une réponse périphérique très spécifique.
Le nerf suprascapulaire (sus-scapulaire) naît de C5 et C6 ou du tronc Les fibres nerveuses destinées à tel ou tel muscle ne sont donc pas
primaire supérieur. Il se dirige obliquement en bas, en dehors et en disséminées au hasard à l’intérieur des troncs nerveux proximaux,
arrière de lui. Il rejoint la face postérieure du ventre postérieur du mais bel et bien regroupées.
muscle omohyoïdien qu’il va suivre jusqu’à l’échancrure Mais une véritable cartographie, reproductible d’un sujet à l’autre,
coracoïdienne. Il innerve les muscles supra- et infraépineux (sus- ne peut être retrouvée que sur les quelques centimètres qui
épineux et sous-épineux). précèdent l’émergence de branches nerveuses connues.
Le nerf supérieur du muscle subscapulaire (sous-scapulaire) se
détache du contingent postérieur du tronc primaire supérieur ou du ¶ Rapport du plexus brachial (fig 5)
tronc secondaire postérieur. Il se dirige en bas, en arrière et en Le plexus brachial traverse plusieurs régions anatomiques : le cou
dehors. où il est successivement interscalénique puis extrascalénique, le
Le nerf inférieur du muscle subscapulaire naît un peu plus bas et défilé costoclaviculaire, le creux axillaire.
pénètre le muscle à sa partie moyenne.
Le nerf du muscle grand dorsal et le nerf du muscle grand rond Plexus interscalénique
naissent à la face postérieure du tronc secondaire postérieur, en
Chaque racine du plexus se place à la sortie du trou de conjugaison
arrière de la clavicule. Ils se dirigent en bas et en arrière pour
sur la gouttière transversaire de la vertèbre numériquement
rejoindre le grill costal et leurs muscles respectifs.
identique. Elle est profondément située. Puis elle se trouve
rapidement dans le défilé des muscles scalènes, entre muscle scalène
Branches antérieures
antérieur et muscle scalène moyen, où le nerf chemine d’autant plus
Le nerf du muscle subclavier (sous-clavier) est une branche très grêle profond que la racine est plus basse. En effet, C5 est presque
qui naît du tronc secondaire antéroexterne ou de la branche extrascalénique à son origine alors que C6 et surtout C7 sont très
4
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
5
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
3 5
1
6
1
2
7 Abord sous-cutané permettant de repérer les deux interstices. 8 Exposition habituelle terminée. L’apophyse coracoïde et le tendon du petit pecto-
En sus-claviculaire : section du muscle omohyoïdien qui recouvre le plexus brachial. ral sont en pointillés. 1. Apophyse coracoïde et muscle petit pectoral ; 2. nerf musculo-
En sous-claviculaire : ouverture du sillon deltopectoral, en dehors de la veine céphali- cutané ; 3. nerf médian ; 4. nerf phrénique croisant C5 ; 5. nerf suprascapulaire ; 6. nerf
que. 1. Veine céphalique ; 2. tronc primaire supérieur ; 3. nerf suprascapulaire ; 4. mus- pectoral supérieur.
cle omohyoïdien.
Incision cutanée (fig 6)
Il est alors souvent nécessaire et plus prudent de faire une L’incision suit le sillon deltopectoral selon une ligne qui se termine
ostéotomie de la clavicule (fig 9). à la partie externe du bord inférieur du tendon grand pectoral. Si la
Dans les cas de compression par côte cervicale ou équivalent, on dissection doit se poursuivre au bras, on fait une plastie en « Z » à
s’agrandit en dedans en coupant l’insertion basse du scalène ce niveau.
antérieur. Lors de ce geste il faut penser au nerf phrénique, aux
Découverte du plexus sous-claviculaire (fig 7, 8)
branches terminales du tronc artériel thyro-bicervico-scapulaire, à la
veine jugulaire interne qui est assez proche en avant et en dedans. Le sillon deltopectoral est ouvert, la veine céphalique étant laissée
Plus bas et en avant, l’artère subclavière et, en avant d’elle, la veine dans la berge interne de l’incision. On fait l’hémostase de la branche
qui va se jeter dans le confluent de Pirogoff. C8 est assez de l’artère thoracoacromiale destinée au faisceau antérieur du
volumineuse, dirigée plus souvent transversalement que muscle deltoïde. Au sommet du sillon, on décroche sur 2 ou 3 cm le
verticalement ; en avant et en dedans d’elle, le dôme pleural est tout chef claviculaire du muscle grand pectoral. Le processus coracoïde
proche. T1 est généralement petite, plutôt ascendante ; on la repère et le tendon petit pectoral apparaissent. L’aponévrose clavi-pectoro-
plus facilement sur le relief de la première côte qu’elle paraît axillaire est incisée, après hémostase soigneuse. Un écarteur
enjamber pour pénétrer dans le défilé costoclaviculaire. Avant de autostatique peut alors être installé. En réclinant le tendon petit
repérer ces deux racines, il est prudent d’avoir passé un lacs autour pectoral en haut, on palpe facilement le plexus qui est abordé :
de l’artère subclavière en dedans du muscle scalène antérieur. l’origine du nerf musculocutané, dans la forme anatomique la plus
fréquente, apparaît. On contrôle son intégrité, c’est-à-dire une libre
Découverte des troncs primaires dissection, au travers du muscle coracobrachial. Dans les paralysies
étendues du plexus brachial, le muscle petit pectoral doit être
Les racines étant chargées sur des lacs, la découverte des troncs respecté, sa réinnervation pouvant s’avérer très utile. En revanche,
primaires est aisée. Seul le tronc primaire supérieur est nettement dans les abords pour rupture isolée du nerf axillaire, sa section peut
individualisé. Il est très court, 1 à 2 cm au maximum et se divise faciliter l’exposition. Il est alors impératif de le sectionner entre deux
vite en ses contingents antérieur et postérieur. Le tronc primaire ligatures.
moyen est la suite de C7 : il se divise en dedans des branches
terminales du tronc primaire supérieur. Le tronc primaire inférieur Dissection des troncs secondaires et de l’origine des branches
est très court et se divise d’emblée. terminales
¶ Abord sous-claviculaire - plexus axillaire La dissection des troncs secondaires se poursuit de distal à proximal,
avec des difficultés diverses en fonction de la pathologie. En règle,
Cet abord est systématique dès lors qu’une greffe est envisagée pour le tronc secondaire antéroexterne est disséqué jusqu’à l’origine de
restaurer la flexion du coude : le passage du nerf musculocutané à l’anse des muscles pectoraux, de sorte qu’une greffe branchée juste
travers le muscle coracobrachial doit être contrôlé (15 % de ruptures en amont assure une récupération de la pince brachiothoracique. En
associées). distal, la dissection du nerf axillaire et du nerf radial nécessite de
6
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
3
4
5
6
10 Schéma des incisions pour transfert des nerfs intercostaux.
L’incision suit le bord inférieur du relief du muscle grand pectoral, et se poursuit à la
face interne du bras. On peut ainsi aborder les nerfs intercostaux 3 à 6, jusqu’au ni-
veau des cartilages costaux (ligne hachurée).
L’incision deltopectorale ne rejoint pas la précédente, afin d’éviter une bride cutanée.
7
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
1 2
8
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
*
A 3
RAPPEL ANATOMIQUE
Le nerf axillaire (circonflexe) naît dans le creux axillaire du tronc
secondaire postérieur, juste après l’origine du nerf thoracodorsal. Il
se dirige en bas et en dehors où il rejoint l’artère circonflexe qui
reste en dessous de lui. Il est en avant de la partie basse du muscle
subscapulaire. Il gagne ainsi l’espace quadrilatère de Velpeau limité
en haut et en bas par les muscles petit et grand rond, en dedans par
le muscle long triceps, et en dehors par l’humérus. Il quitte alors la
région du creux axillaire, donne une branche pour le muscle petit
rond et se divise en arrière de l’humérus en dessous du petit rond et
très près du bord postérieur du deltoïde en deux branches : une
branche sensitive qui contourne le bord postérieur du muscle
deltoïde et se distribue à la région cutanée du moignon de l’épaule ;
une branche motrice qui pénètre sous le deltoïde et chemine au
14 Incision cutanée pour abord du nerf musculocutané. niveau du col chirurgical de l’humérus qu’elle cravate donnant de
Après incision du fascia superficiel du bras, on incise le fascia du biceps. On trouve
nombreuses branches motrices.
alors très facilement le nerf musculocutané, en réclinant en dehors le muscle biceps.
VOIES D’ABORD
VOIE D’ABORD DU TRONC MUSCULOCUTANÉ (fig 14)
L’incision cutanée est identique à la partie basse de la découverte ¶ Voie antérieure pure (fig 17)
axillaire du plexus brachial. Il peut être pratique de sectionner le C’est la voie d’abord du plexus brachial axillaire. L’origine du nerf
tendon du petit pectoral. Il suffit en général de le récliner vers le axillaire (circonflexe) par division du tronc secondaire postérieur se
9
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
*
A *
B
*
B
*
A
1
2 3
*
A
17 A. Abord de l’origine du nerf axillaire par voie deltopectorale. Le tendon du petit
pectoral est sectionné.
1. Nerf axillaire ; 2. nerf musculocutané ; 3. muscle petit pectoral.
B. Le nerf musculocutané, puis l’artère axillaire sont réclinés en dedans.
La rupture du nerf axillaire siège généralement juste en aval du nerf thoracodor-
sal.
1. Nerf axillaire ; 2. nerf radial ; 3. nerf thoracodorsal. 2
10
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
*
A
11
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
12
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
13
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
1 2
INSTALLATION
Décubitus dorsal, table à bras, tout le membre supérieur est
badigeonné de l’épaule aux doigts.
VOIE POSTÉRO-INTERNE
¶ Incision cutanée
Elle suit l’axe du canal brachial, sur une dizaine de centimètres à
partir du bord inférieur du tendon grand pectoral. Après incision de
la peau, ici très fine, et du tissu cellulaire sous-cutané, on repère le
canal brachial, facile à reconnaître avec les battements artériels.
¶ Repérage du nerf radial
Pour bien repérer ce nerf, il est nécessaire de découvrir les autres
éléments du canal brachial : le nerf médian en avant de l’artère, la
lui, accompagnée d’une ou deux veines. Il donne là des branches veine brachiale en dedans, dans laquelle se jette la veine basilique
pour le muscle vaste médial et reste relativement éloigné de qu’il faut souvent sectionner. On écarte en avant ces éléments en
l’humérus. Son seul vrai point d’amarrage à l’os est en dehors, disséquant progressivement en arrière de l’artère. On repère plus en
lorsqu’il passe dans un tunnel ostéofibreux sur lequel s’insèrent les dedans le nerf ulnaire, avec lequel il ne faut pas confondre le nerf
fibres charnues du vaste latéral. C’est à partir de là qu’il n’est plus radial, nettement plus externe. Le nerf radial repéré, on peut le
suivre vers le haut pratiquement jusqu’à son origine. Pour cela il
dissécable par la voie interne. Dès la sortie du canal du vaste latéral,
faut placer le membre supérieur en abduction-rotation externe
il donne plusieurs branches dont des rameaux sensitifs pour le tiers
complète et sectionner le tendon grand pectoral (fig 28).
supérieur de l’avant-bras, le muscle brachioradial, le nerf du muscle
long extenseur radial du carpe (premier radial). Il chemine ensuite La dissection vers le bas doit prendre garde à ménager la branche
pour la longue portion du triceps, qui naît en arrière et en dehors
dans la gouttière bicipitale externe entre le muscle brachial et le
du tronc nerveux, puis les branches du vaste médial. Surtout il faut
muscle brachioradial qui le recouvre de plus en plus en descendant.
prendre garde à l’artère brachiale profonde et à sa veine qui
Au pli du coude, il se divise, sa branche antérieure suit le muscle
cheminent en arrière et en dedans du nerf et qu’il faut respecter.
brachioradial où elle chemine à l’intérieur du périmysium du muscle Plus bas, le nerf et l’artère s’engagent en arrière du vaste médial,
ou à son contact intime, sa branche postérieure plonge en arrière et dont on a intérêt à suivre les fibres charnues jusqu’au contact de l’os
en dehors, passe sous le chef superficiel du muscle supinateur et d’où on les désinsère de haut en bas. Il est ainsi possible de suivre le
contourne le col du radius par en dehors. Elle émerge au bord nerf radial jusqu’à la cloison intermusculaire latérale.
postérieur et inférieur de ce muscle et se divise assez vite en
branches qui partent toutes en dedans vers les muscles extenseurs VOIE ANTÉROEXTERNE
des doigts, le muscle long abducteur du pouce et le muscle C’est la voie d’abord classique du radial du tiers moyen de
extenseur ulnaire du carpe (cubital postérieur). l’humérus au pli du coude.
Selon que l’on désire aborder le nerf radial avant la coulisse fibreuse
du vaste latéral ou après elle, on choisit une voie différente : postéro- ¶ Incision cutanée (fig 29)
interne dans un cas, antéroexterne dans l’autre cas. Nous décrivons Elle suit une ligne longeant la gouttière bicipitale externe qu’elle
ces deux voies, que l’on peut bien sûr combiner si la lésion siège, peut prolonger vers le haut ou vers le bas : le prolongement
14
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
15
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
1
2
2
¶ Découverte du nerf
Elle se fait toujours en haut dans la gouttière bicipitale latérale pour *
A
des raisons de commodité. Plus bas, le nerf radial est profond sous
le muscle brachioradial (long supinateur) et à peu près en regard du
pli de flexion du coude (fig 33). Il se divise : la branche antérieure
apparaît comme le prolongement du tronc, elle reste sous ou au
contact de l’aponévrose du muscle brachioradial ; la branche
postérieure, en revanche, pénètre tout de suite sous le chef
superficiel du muscle supinateur qui la masque presque dès son
origine (fig 34), et suit un trajet oblique en bas, en arrière et en
dehors pour venir contourner le col du radius.
16
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
Nerf ulnaire
RAPPEL ANATOMIQUE
Le nerf ulnaire innerve le muscle fléchisseur ulnaire du carpe
(cubital antérieur), les deux chefs internes du muscle fléchisseur
commun profond, les muscles hypothénariens, les muscles
interosseux palmaires et dorsaux, le premier interosseux dorsal,
l’adducteur du pouce ainsi que le chef profond du muscle court
fléchisseur. Sur le plan sensitif, il apporte la sensibilité à la partie
interne du dos de la main et des quatrième et cinquième doigts, au
bord ulnaire de la main, à la partie interne de la paume jusqu’à la
pulpe du cinquième doigt et l’hémipulpe médiale du quatrième.
Son trajet commence à l’aisselle où il naît, en arrière de l’artère
axillaire, à partir du tronc secondaire antéro-interne. Il se place entre
artère et veine, puis se dégage en descendant de la face externe de
la veine, passe en arrière d’elle et s’engage en arrière de la cloison
intermusculaire médiale où il chemine très superficiel sous 37 Abord du nerf ulnaire à la face interne du bras.
l’aponévrose brachiale. Au coude, il passe en arrière de l’épicondyle L’incision suit le bord postérieur du relief vasculaire, en direction de la gouttière
médial (épitrochlée) dans un canal ostéofibreux serré, au contact de épitrochléo-olécrânienne.
la capsule articulaire. Il peut être le siège de lésions compressives
dégénératives ou d’une atteinte iatrogène en raison de ce point fixe
qui le rend très sensible à la compression. Plus bas, il passe dans
l’arcade du muscle fléchisseur ulnaire du carpe (cubital antérieur).
À l’avant-bras, il chemine contre ce muscle, recouvert par sa partie
externe. Il s’en dégage au poignet. Il est alors juste en dehors et en
arrière de son tendon terminal qui s’insère sur le pisiforme. Il passe
au poignet dans l’espace de Guyon formé par une expansion
aponévrotique tendue entre le retinaculum des fléchisseurs et le
pisiforme. Il se divise juste après en branche sensitive et branche
motrice qui file en arrière sous l’arcade pisihamatale d’insertion des
muscles hypothénariens.
¶ Découverte du nerf
Elle est facile, c’est un élément très superficiel juste sous 38 Après incision du fascia, le nerf apparaît, accompagné par les vaisseaux collaté-
l’aponévrose brachiale, en arrière des éléments du canal brachial raux médiaux.
dont il est séparé par la cloison intermusculaire médiale. Le nerf est
accompagné par les vaisseaux collatéraux brachiaux internes et concavité postérieure dont le sommet correspond à l’épicondyle
supérieurs (fig 38) [9]. médial. Plus bas, l’incision, si elle doit se prolonger, reste antéro-
interne sur le relief du muscle fléchisseur ulnaire du carpe (cubital
VOIE D’ABORD AU COUDE antérieur).
Le syndrome de compression du nerf ulnaire dans la gouttière est
fréquent. Le nerf est donc souvent abordé à ce niveau (fig 39) [4, 7, 13]. ¶ Découverte du nerf (fig 41)
Après incision de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané, le nerf
¶ Incision cutanée (fig 40)
est d’abord recherché au-dessus de l’épicondyle médial. Il y est très
L’incision est décalée vers l’avant de façon à ne pas la faire coïncider superficiel, palpable à travers la peau sur le relief de la partie toute
avec le nerf après réparation. L’incision suit donc un trajet arrondi à antérieure du muscle vaste médial. On le suit vers le bas dans son
17
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
18
Techniques chirurgicales Voies d’abord des nerfs du membre supérieur 44-225
43 Le fascia est incisé entre fléchisseur 45 Abord du nerf ulnaire au poignet. In-
ulnaire du carpe et fléchisseur superficiel. cision cutanée.
1. Muscle fléchisseur superficiel. 2. muscle L’incision est longitudinale, au bord in-
fléchisseur ulnaire du carpe. terne du pisiforme. Une plastie en « Z » est
faite au pli du poignet.
44 Abord terminé. 1
2
Noter l’origine de la volumineuse branche
cutanée dorsale, qui s’engage sous le
tendon fléchisseur ulnaire du carpe. Elle 3
va croiser le bord interne du poignet en re-
4
gard de la tête ulnaire. 1. Branche cutanée
dorsale.
19
44-225 Voies d’abord des nerfs du membre supérieur Techniques chirurgicales
La branche superficielle, sensitive, prolonge la direction du tronc du [4] Bauer R, Kerschbaumer S, Poisel S. Voies d’abord en chirurgie orthopédique et traumatolo-
gique. Paris : Masson, 1988
nerf, passe en avant du muscle court fléchisseur et se divise assez [5] Birch R, Bonney G, WynnParry CB. Surgical disorders of the peripheral nerves. Edinburgh :
vite en nerf collatéral interne du V et nerf digital du quatrième Churchill Livingstone, 1998 ; 106-114
espace. [6] Breidenbach W, Terzis JK. The anatomy of free vascularized nerve grafts. Clin Plast Surg 1984 ;
11 (1) : 65-71
[7] Cadenat FM. Les voies de pénétration des membres. Paris : Doin, 1978
[8] Hovelacque A. Anatomie des nerfs crâniens et rachidiens et du système grand sympathique.
Références Paris : Doin, 1927
[9] Lebreton E, Oberlin C, Alnot JY. Nerves which can be used as grafts: the ulnar nerve at the arm
and forearm. In : Alnot JY, Narakas A eds. Traumatic brachial plexus injuries. Paris : Expansion
[1] Aboujaoude J, Alnot JY, Oberlin C. Le nerf spinal accessoire. I : Étude anatomique. Rev Chir Scientifique Française-Elsevier, 1996 : 28-32
Orthop Repar Appar Mot 1994 ; 80 (4) : 291-296 [10] Ochiai N, Nagano A, Mikami Y, Yamamoto S. Full exposure of the axillary and suprascapular
[2] Alnot JY, Oberlin C. Nerves available for neurotization: the spinal accessory nerve. In : Alnot JY, nerves. J Bone Joint Surg 1997 ; 79B (4) : 532-533
Narakas A eds. Traumatic brachial plexus injuries. Paris : Expansion Scientifique Française- [11] Sunderland 5. Nerves and nerve injuries. Edinburgh : Churchill Livingstone, 1972 ; 955-962
Elsevier, 1996 : 33-38
[3] Asfazadourian H, Tramond B, Dauge MC, Oberlin C. Morphometric study of the upper inter- [12] Tubiana R. Traité de chirurgie de la main, Paris : Masson, 1990 : vol 2.
costal nerves: practical application for neurotisations in traumatic brachial plexus palsies. Chir [13] Tubiana R, McCullough CJ, Masquelet AC. Surgical exposure of the upper extremity. Lon-
Main 1999 ; 18 (4) : 243-253 don : Martin Dunitz, 1990
20
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-230
44-230
Introduction les fractures du tiers moyen qui, pour Rowe [70], représentent 82 % des
cas, les fractures du tiers externe qui représentent 12 % des cas et enfin
Nous envisagerons successivement les différents traitements les fractures du tiers interne avec 6 % des cas. Si une ostéosynthèse est
chirurgicaux que l’on peut proposer dans les fractures de la clavicule, décidée, il convient d’adopter une technique qui permette de respecter
dans les entorses et luxations acromioclaviculaires, dans les entorses et les règles élémentaires de l’ostéosynthèse, à savoir une bonne réduction
luxations de l’articulation sterno-costo-claviculaire et dans les fractures suivie d’une stabilité suffisante pour autoriser la mobilisation précoce
de l’omoplate. Les fractures de la clavicule sont de loin les plus de l’épaule.
fréquentes. Rowe [70] rapporte la répartition suivante après avoir analysé
1 603 traumatismes de la ceinture scapulaire : 690 fractures de la
clavicule suivies par 500 luxations de l’épaule, 273 fractures de Anesthésie et installation
l’extrémité supérieure de l’humérus, 75 fractures de l’omoplate,
52 traumatismes de l’articulation acromioclaviculaire et seulement Il s’agit le plus souvent d’une anesthésie générale, car les anesthésies
13 traumatismes de l’articulation sternoclaviculaire. locorégionales ne permettent pas toujours une analgésie suffisante à la
clavicule en raison de sa situation proximale.
L’installation peut se faire en décubitus dorsal ou mieux en position
Fractures de clavicule demi-assise. La préparation du champ opératoire se fait par
badigeonnage de l’ensemble du moignon de l’épaule jusqu’au
Introduction manubrium sternal et englobe le membre supérieur. Celui-ci est isolé par
un jersey collé au moignon de l’épaule, puis des champs collés sont
Il s’agit de fractures extrêmement fréquentes (cf supra). Le traitement placés respectivement en haut pour isoler la tête, en dedans sur le
orthopédique est de règle pour la plupart d’entre elles. Il faut distinguer sternum. Un champ en U permet d’isoler le champ opératoire au creux
axillaire et de la face postérieure du moignon de l’épaule. Cette
préparation se termine par la mise en place d’un grand champ vers le
haut pour s’isoler de l’équipe anesthésique et d’un grand champ vers le
bas pour recouvrir le reste du corps (fig 1).
Jean-François Kempf : Professeur, chef de service.
Franck Lacaze : Chef de clinique, assistant des hôpitaux.
François Colin : Chef de clinique, assistant des hôpitaux.
Service de chirurgie orthopédique, traumatologique et arthroscopique de l’appareil Voies d’abord
locomoteur, hôpital de Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg, France.
© Elsevier, Paris
page 2
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
3 Plaque en position
antéro-inférieure ou infé-
rieure.
5 Plaques autocompressives.
page 3
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
10 Brochage percu-
tané de la clavicule.
11 Embrochage à foyer
fermé de dedans en de-
hors, sans va-et-vient, se-
lon Lengua et Nus [51].
n : nerfs ; a : artère ;
v : veine.
– le type I où le trait de fracture est très distal, en dehors de la zone 12 Embrochage par la technique en va-et-vient.
d’insertion des ligaments coracoclaviculaires, en général peu déplacé ;
– le type II où le trait de fracture siège soit en dedans des ligaments
coracoclaviculaires, soit à leur niveau ; il s’agit d’une fracture beaucoup l’articulation acromioclaviculaire. Ce montage simple et pouvant se
plus instable car le fragment médial est déstabilisé et ascensionné ; faire à foyer fermé n’offre pas une stabilité excellente.
– le type III où le trait de fracture est très distal, articulaire. Brochage-haubanage
Brochage simple Il est en général préféré, mais nécessite l’abord du foyer de fracture.
Deux ou trois broches sont introduites de dehors en dedans (fig 15), en Après incision horizontale et réduction du foyer de fracture, deux
percutané, le point d’introduction pouvant être dans le fragment latéral broches sont introduites sur 45 à 50 mm, l’une en situation antérieure,
ou pouvant se faire à l’acromion, les broches venant alors ponter l’autre en situation postérieure. Les deux extrémités externes sont
page 4
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
13 Fixateur externe.
A A
B
16 Fracture du quart externe de la clavicule.
A. Brochage-haubanage.
B. Vissage.
C
14 Classification selon Neer des fractures du quart externe de la clavicule.
A. Type I
B. Type II.
C. Type III.
Vissage coracoclaviculaire
Il s’agit d’une technique défendue par Balmer et Gerber [3] (fig 17) et qui clavicule en direction de la coracoïde, puis une vis AO malléolaire de 40
agit indirectement sur la fracture en permettant une stabilisation du à 45 mm de long est placée à travers ce trou et va permettre de réduire le
fragment proximal instable qui est réduit par un vissage de haut en bas fragment proximal en l’abaissant vers la coracoïde. La vis doit être
de celui-ci à la coracoïde. Un trou de 3,5 mm est foré à travers la impérativement ôtée 6 à 9 semaines plus tard.
page 5
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
18 Plaque à ergot
d’Hackenbruch [38] pour
les fractures du quart ex-
terne de la clavicule.
20 Épaule flottante
par fractures associées
de la clavicule et de
l’omoplate.
page 6
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
Ostéites
Toujours postchirurgicales, elles nécessitent en général deux temps
opératoires :
– le premier pour nettoyer et cureter le foyer infectieux après
assèchement ;
– le second pour le rétablissement d’une continuité osseuse à l’aide
d’une greffe corticospongieuse ; il faut se souvenir dans ces cas-là de
l’intérêt d’un fixateur externe.
Arthrose acromioclaviculaire
Elle peut être la séquelle d’une fracture de type III de Neer de l’extrémité
externe de la clavicule. C’est une excellente indication d’une résection
du centimètre externe de la clavicule, soit à foyer ouvert par une courte
incision centrée sur l’acromioclaviculaire, soit sous arthroscopie. Dans
ce dernier cas, en position demi-assise, l’arthroscope est mis en place
par une petite voie à la face postérieure de cette articulation et la fraise
arthroscopique est introduite par une petite voie antérieure. Il s’agit
d’une technique difficile car la vision est médiocre, tout au moins au
début de la résection qui se fait très souvent, en pratique, en percutané et
initialement à l’aveugle.
21 Fractures de la scapula : classifica-
tion de Hardegger et al [39].
a : corps ; b : bords de la glène ; c : cavité
Fractures de la scapula glénoïdienne ; d : col anatomique ; e : col
chirurgical ; f : acromion ; g : épine ;
h : processus coracoïde.
Introduction
Les fractures de la scapula représentent 1 % de la totalité des fractures et La classification utilisée par Hardegger et al [39] est topographique et
5 % des fractures de la ceinture scapulaire [43]. Contemporaines de globale (fig 21) permettant de décrire simplement les différents types de
traumatismes violents, les lésions associées sont fréquentes (de 35 à fractures de la scapula.
98 %) [1, 22, 32, 84] et d’une morbidité importante (9,7 % de décès) [2]. Ce
Gagey [33, 34] distingue les fractures extra-articulaires (corps) et
type de lésion est observé principalement dans le cadre de la
articulaires. Ces dernières intéressent la glène, le processus coracoïde,
traumatologie routière. Les difficultés spécifiques de prise en charge des
l’auvent acromial ou le col chirurgical par désorganisation de la voûte
polytraumatisés expliquent le plus souvent la méconnaissance initiale
coracoacromiale. Les fractures sont dites instables s’il existe un
du diagnostic. Dans la série rapportée par Ideberg et al [43, 44], deux tiers
déplacement inférieur de l’angle externe de la scapula sous l’effet
des patients étaient des hommes. Les fractures ouvertes sont rares et
conjugué de la pesanteur et des structures capsuloligamentaires
s’observent pour des lésions par arme à feu.
glénohumérales.
Une classification spécifique des fractures de la glène a été élaborée par
Classifications Ideberg [43] à partir de la revue de 338 fractures de la cavité glénoïde. Elle
Différentes classifications des fractures de la scapula sont utilisées dans individualise cinq types de fractures glénoïdiennes (fig 22).
la littérature. Elles reposent sur des critères différents et La classification anatomofonctionnelle élaborée par Goss [36, 37] est
complémentaires : anatomiques descriptifs, fonctionnels et intéressante car elle identifie un complexe supérieur de stabilisation de
chirurgicaux. l’épaule dont l’atteinte détermine le degré d’instabilité (fig 23).
A
B C
page 7
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
Anesthésie
Elle est générale avec intubation et ventilation assistée, compte tenu de
la fréquence des lésions associées, de l’inconfort du décubitus latéral ou
ventral. Une curarisation suffisante doit être obtenue, en particulier chez
des patients très musclés, permettant d’observer un bon relâchement
musculaire. Une hypotension contrôlée permet d’obtenir une exposition
du champ opératoire la moins hémorragique possible. D’autre part, une
antibiothérapie prophylactique diminue les risques infectieux inhérents
à cette topographie (appui, proximité de l’aisselle).
Toutefois, dans la perspective d’un abord antérieur isolé en décubitus
dorsal, une anesthésie locorégionale (bloc interscalénique) peut être
envisagée si la coopération du patient est acquise et s’il n’existe pas de
lésion associée.
Voies d’abord
Quelles qu’en soient les variantes, l’abord postérieur est celui qui permet
d’obtenir la meilleure exposition du champ opératoire nécessaire à
l’ostéosynthèse des fractures du corps, du pilier, du col ou de la cavité
glénoïde [63]. Un abord antérieur transverse ou vertical est utilisé pour
réaliser l’ostéosynthèse d’une fracture de l’acromion, du processus B
coracoïde, de la cavité glénoïde pour sa partie antérieure ou la
stabilisation d’une luxation acromioclaviculaire si nécessaire. Le choix
de l’abord conditionne bien évidemment l’installation de l’opéré. Un 24 Abord postérieur. A : assistant ; An : anesthésiste ; Ch : chirurgien ; I : instru-
abord double, postérieur et antérieur concomitant, s’avère rarement mentiste.
A. Installation en décubitus latéral.
nécessaire dans notre expérience. B. Installation en décubitus dorsal.
Abords postérieurs
façon à pouvoir manipuler le bras librement au cours de
Installation (fig 24) l’intervention [25]. Cette installation a notre préférence pour la facilité de
sa mise en œuvre et la liberté de mobilisation du membre supérieur
L’installation du patient en décubitus latéral permet de combiner si homolatéral.
nécessaire un abord antérieur ou transverse, deux équipes pouvant Lors d’installation en décubitus ventral, en prenant soin de protéger les
réaliser simultanément un abord postérieur et une ostéosynthèse différentes zones d’appui, l’utilisation d’une têtière permet de dégager
claviculaire par un abord transverse [52] par exemple. Quatre appuis l’épaule de la table.
maintiennent aisément cette position permettant une inclinaison latérale
de la table au cours de l’intervention : pubien, sacré, thoraciques Abord postérieur de Judet (fig 25)
antérieur et postérieur laissant libre le bord médial de la scapula. Une
cale est mise en place dans le creux axillaire et un appui-bras maintient Cette voie nécessite une désinsertion de la fosse sous-épineuse de
le membre supérieur controlatéral. Les champs sont mis en place de dedans en dehors à partir du bord spinal de la scapula. L’incision
page 8
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
page 9
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
Principes thérapeutiques
Méthode fonctionnelle
Abstention de toute manœuvre de réduction et mobilisation afin
d’obtenir un remodelage articulaire. La mobilisation est entreprise après
une courte période d’immobilisation antalgique, selon l’importance des
lésions associées. Cette modalité thérapeutique peut être envisagée
lorsqu’il existe des lésions thoraciques graves contre-indiquant
l’utilisation d’un Desault.
Traitement chirurgical
L’ostéosynthèse est confiée à des plaques suffisamment malléables
(plaque tiers de tube, plaque à reconstruction petit et gros fragments,
28 Abord antérieur, plaque minifragment) pour être moulées sur les reliefs osseux de la
installation en position scapula après réduction du foyer de fracture. Un vissage compressif,
demi-assise. A : assis- direct ou en rappel, peut être associé à l’aide d’une visserie spongieuse
tant ; An : anesthé-
siste ; Ch : chirurgien ;
ou corticale. Le col, le processus coracoïde, le pilier et l’épine de la
I : instrumentiste. scapula permettent généralement d’obtenir une bonne tenue de
l’ostéosynthèse.
page 10
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
A C
B D
30 Fracture en Y, intéressant le pilier latéral et le col anatomique de la scapula, à grand déplacement, responsable d’une perte des rapports anatomiques glénohuméraux. Abord
postérieur de Brodsky.
A. Cliché initial de face.
B. Cliché en reconstruction 3D.
C. Cliché de face après l’ostéosynthèse par plaque de reconstruction.
D. Scanner tridimensionnel de contrôle à 6 mois.
plaque à reconstruction, plaque minifragment) s’appuyant sur le pilier fait, ces dernières sont volontiers instables. Ainsi, la fixation pourrait être
latéral de la scapula (fig 30). Pour Ada [1], une angulation supérieure à discutée d’emblée, alors que pour d’autres l’évolution vers une
40° et un déplacement médial supérieur à 10 mm du bloc glénoïdien est pseudarthrose fibreuse indolore ne nécessiterait pas d’ostéosynthèse [56].
une indication de réduction sanglante et ostéosynthèse par plaque. La résection du fragment peut être envisagée, à condition de réinsérer le
Hormis la présence d’un déplacement important compromettant la tendon conjoint [6].
cinématique articulaire ultérieure de l’épaule, un traitement Le décollement épiphysaire, possible jusqu’à l’âge de 16 ans, se situe à
orthopédique [39] est indiqué. Dans cette perspective, De Palma [21] a la base du processus coracoïde et est généralement peu déplacé,
proposé de réaliser une réduction par manœuvres externes à l’aide d’une accessible à un traitement orthopédique.
traction transolécranienne. L’association à une fracture de la clavicule, Dans le cas où la fracture du processus coracoïde est associée à une
à une luxation acromioclaviculaire ou bien encore à une fracture de luxation acromioclaviculaire stade I/II de Patte, la majorité des auteurs
l’acromion constituerait une seconde interruption du complexe rapportent de bons résultats par traitement orthopédique [8]. Pour une
suspenseur supérieur de l’épaule décrit par Goss [37]. L’instabilité de luxation acromioclaviculaire stade III/IV, les attitudes les plus diverses
cette association lésionnelle impose de réaliser une ostéosynthèse. sont proposées dans la littérature :
Les fractures du col anatomique sont rares. De même que pour les – traitement orthopédique ;
fractures du col chirurgical, elles peuvent bénéficier d’une fixation par
– stabilisation isolée de l’acromioclaviculaire ;
plaque et vissage transspinal oblique en bas et en dehors dans l’os
spongieux dense de la glène [39] si le déplacement le nécessite. – stabilisation de l’acromioclaviculaire et du processus coracoïde
associé ;
Fracture du processus coracoïde (fig 21) – fixation isolée du processus coracoïde.
Les fractures du processus coracoïde représentent de 3 à 7 % des Les complications secondaires à une fracture du processus coracoïde
fractures de la scapula. Pour Ferry [31] et Gagey [33] ce type de fracture sont les suivantes :
serait « articulaire » par désorganisation de la voûte acromio- – lésion du nerf sus-scapulaire décrite par Neer pour une fracture de la
coracoïdienne. Une fracture du processus coracoïde peut être associée à base du processus coracoïde ;
une luxation acromioclaviculaire [60] , les structures ligamentaires – conflit antérieur consécutif à un cal vicieux du processus coracoïde.
coracoclaviculaires restant intactes. Dans ces conditions, la fracture du
processus coracoïde peut passer inaperçue, escamotée par la luxation au Fracture de l’acromion (fig 21, 31)
premier plan ; aussi un cliché de type profil axillaire doit-il être pratiqué Le fragment acromial fracturé a tendance à basculer en bas et en avant
devant toute douleur persistant après traitement bien conduit d’une sous l’effet conjugué du deltoïde et du ligament acromiocoracoïdien,
luxation acromioclaviculaire. désorganisant la voûte acromioclaviculaire.
Les fractures-avulsions de la pointe du processus coracoïde sont Non déplacée, cette fracture bénéficie d’un traitement orthopédique.
indépendantes des structures ligamentaires coracoclaviculaires ; de ce Dans le cas contraire, une ostéosynthèse peut être pratiquée afin d’éviter
page 11
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
32 Interruption de l’appareil
suspenseur de l’angle externe
de la scapula en un point (rupture
des ligaments coracoclaviculai-
res) associée à une fracture de la
clavicule au tiers moyen et une
fracture du col chirurgical de la
scapula. Indication d’une stabili-
sation première par ostéosyn-
thèse de la clavicule.
A B
31 A. Association d’une fracture de types II et III selon Ideberg, ainsi qu’une fracture
de l’acromion. Fractures instables par rupture du complexe suspenseur
B. L’ostéosynthèse a été réalisée par un abord postérieur à l’aide de minipla- supérieur de l’épaule [36, 37] (fig 32)
ques et de vissages simples.
L’appareil suspenseur de l’angle externe de la scapula ou complexe de
suspension supérieur de l’épaule, de forme annulaire, ostéofibreux, est
la survenue d’un conflit acromial secondaire à une consolidation en constitué des éléments suivants : la glène, le processus coracoïde, les
position vicieuse. Cette ostéosynthèse est réalisée au moyen d’un ligaments coracoclaviculaires, la partie distale de la clavicule,
brochage-haubanage ou d’un vissage compressif si la direction du trait l’articulation acromioclaviculaire, l’acromion et le pied de l’épine de la
de fracture le permet. Seul un fragment de petite taille peut être réséqué. scapula. La rupture de deux éléments de ce complexe ostéofibreux est
En effet, l’acromiectomie est responsable d’une diminution sensible de responsable d’une instabilité lésionnelle avec chute du moignon de
la force du deltoïde et de l’effacement du relief latéral de l’épaule. l’épaule. La rupture d’un seul élément constitue une lésion stable.
Les complications liées à la survenue d’une fracture de l’acromion sont Ainsi, les fractures de la scapula associées à une fracture de la clavicule
la pseudarthrose, par interposition de tissus mous, plus volontiers dans ou une luxation acromioclaviculaire de types III/IV de Patte ou de
les fractures de la base de l’acromion [14], et un conflit post-traumatique, l’acromion sont une indication de stabilisation des lésions. Notre
secondaire au défaut de réduction de la fracture. préférence va à une synthèse première de la clavicule par une plaque
DCP, ou un brochage associé ou non à un haubanage de l’articulation
Fracture de la glène (fig 21C, 31) acromioclaviculaire ou à un vissage de l’acromion [2] . Un bilan
secondaire évalue l’intérêt d’une synthèse complémentaire de la
Les fractures de la cavité glénoïde représentent de 10 à 31 % des scapula, à condition que la fracture de cette dernière prise isolément ne
fractures de la scapula [43]. Nous ne traitons pas dans ce chapitre des constitue pas une indication formelle d’ostéosynthèse.
fractures du rebord antérieur ou postérieur de la glène contemporaines
d’un épisode de luxation dont la discussion thérapeutique a été exposée
au chapitre des instabilités [59]. Indications chirurgicales
Pour De Palma [21] et Gagey [33], un fragment de plus de 25 % de la Le traitement des fractures de la scapula est dans la majorité des cas un
surface articulaire, déplacé de plus de 10 mm, serait une indication de traitement orthopédique. En effet, le faible retentissement fonctionnel
réduction et de fixation chirurgicale [8, 21, 33]. Pour Ideberg [43, 44], une de ces fractures impose une certaine retenue chirurgicale. La demande
réduction instable ou la persistance d’une subluxation serait une exceptionnelle d’un traitement secondaire des fractures négligées
indication formelle d’ostéosynthèse. initialement en témoigne. Ainsi, les indications chirurgicales ne sont-
Le mode de fixation des fragments est à envisager selon leur nombre et elles posées qu’après l’obtention d’un bilan lésionnel suffisant à
leur taille (vissage, brochage). Les fractures de type II et III (fig 22) l’établissement d’un diagnostic précis permettant d’évaluer le bénéfice
peuvent être abordées par voie antérieure ou antérosupérieure [8, 43] afin d’une intervention. Nous retenons, d’une façon générale, les indications
de réaliser une réduction et une ostéosynthèse par vissage compressif, suivantes :
ou brochage simple oblique en bas et en dehors ou en haut et en dedans. – fracture à grand déplacement, extra-articulaire, modifiant la
Dans le type III de Ideberg (fig 22), le fragment supérieur se déplace cinématique glénohumérale, au risque de voir survenir une diminution
fréquemment en rotation avec une incongruence articulaire. Une sensible des amplitudes de mobilité articulaires (modification de la
compression du nerf sus-scapulaire au niveau de l’échancrure direction et du bras de levier des structures tendinomusculaires) ou une
coracoïdienne est alors possible, nécessitant l’exploration du nerf dans instabilité ultérieure (rétroversion excessive et instabilité postérieure,
l’échancrure coracoïdienne et la fixation du processus coracoïde en antéversion et instabilité antérieure) ;
bonne position. Selon la combinaison des différents types de fracture, – fracture articulaire déplacée, susceptible de créer une incongruence
un abord postérieur peut être pratiqué (fig 11). majeure ou une instabilité secondaire de l’articulation glénohumérale ;
Pour Ideberg [43] , le type IV (fig 22) nécessite le plus souvent un – fracture instable par rupture en deux points au moins du complexe de
traitement orthopédique, associé éventuellement à des manœuvres de suspension supérieur de l’épaule décrit par Goss [37].
réduction externes. En effet, dans ce type de fracture, un faible
déplacement résiduel pourrait être corrigé par la reprise précoce des
activités musculaires périarticulaires. La persistance d’un déplacement Entités pathologiques particulières
médial important de la partie supérieure de la scapula pourrait toutefois
nécessiter un abord postérieur pour réaliser une ostéosynthèse par
plaque. Syndrome omo-cléido-thoracique
Le type V (fig 22) combine un type IV et un trait de fracture vertical à Le syndrome du « montant de portière » associe une fracture de la
travers le fragment inférieur. Cette dernière configuration fracturaire est scapula intra- ou extra-articulaire, une fracture de la clavicule ou une
une indication chirurgicale formelle si le déplacement est important. luxation acromioclaviculaire et des fractures de côtes. Ce type de lésion
L’intervention est pratiquée par un abord postérieur et synthèse par vis nécessite le rétablissement de l’arc-boutant claviculaire (ostéosynthèse),
et plaque. afin de limiter l’impaction et la chute du moignon de l’épaule. Outre les
page 12
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
associations lésionnelles consécutives à la violence du traumatisme, il Le mécanisme lésionnel habituel des disjonctions acromioclaviculaires
est nécessaire de rechercher une complication vasculaire par atteinte de est un choc direct sur le moignon de l’épaule bras en adduction. De
l’artère sous-clavière. même, un choc direct du bord postérieur de l’acromion ou de la partie
distale et antérieure de la clavicule peut être responsable de ce type de
lésions. Plus rarement, un traumatisme indirect de l’épaule a pu être
Luxation ou impaction intrathoracique de la scapula évoqué : bras en abduction, la tête humérale vient percuter l’acromion.
Il s’agit de l’impaction du rebord inférieur de la scapula entre les Ainsi, au cours des exceptionnelles luxations inférieures de
deuxième et troisième côtes ou plus rarement entre les troisième et l’articulation acromioclaviculaire (type VI de Rockwood), un
quatrième ou entre les quatrième et cinquième [61]. Le mécanisme mécanisme indirect d’abduction forcée et brutale a été décrit.
évoqué est un choc direct violent au bord postérieur de la scapula,
associé à une forte traction sur le bras. La réduction est effectuée sous Classifications
anesthésie, par une abduction réalisée par l’aide et manipulation du bord
inférieur de l’omoplate par l’opérateur. Une immobilisation coude au Nous ne détaillerons que les classifications de Rockwood (six types) et
corps de 3 semaines est conseillée compte tenu de l’importance des Patte (quatre stades), le plus communément utilisées.
lésions associées.
Classification de Rockwood (fig 33)
Luxation scapulothoracique
Type I
Il s’agit d’une migration latérale de la scapula associée à des lésions de
la clavicule et des parties molles voisines (plexus brachial, etc). Pour Il s’agit d’une entorse des ligaments acromioclaviculaires.
Ebraheim [27], il s’agit d’une désarticulation traumatique fermée de L’articulation acromioclaviculaire, les ligaments coracoclaviculaires et
l’épaule associant des lésions plexiques, des désinsertions la chape deltotrapézienne sont intacts.
tendinomusculaires et une avulsion de l’artère sous-clavière qui impose
la réparation, autant que faire se peut, de toutes les structures Type II
anatomiques lésées. Il s’agit d’une entorse des ligaments coracoclaviculaires ou bien encore
d’une subluxation acromioclaviculaire. L’espace coracoclaviculaire
peut être légèrement augmenté. Les ligaments acromioclaviculaires sont
Disjonctions acromioclaviculaires rompus. L’interligne acromioclaviculaire est élargi et le déplacement
vertical de la clavicule est nul ou très modéré. La chape deltotrapézienne
Introduction est intacte.
Pathologie fréquente du sportif (rugby, judo etc) et de la traumatologie Type III
routière (deux-roues), le traitement des disjonctions acromio-
claviculaires n’en est pas moins controversé. Plus de 300 références ont Il s’agit d’une luxation acromioclaviculaire. Les ligaments
été relevées par Rockwood en 1990. Les luxations acromioclaviculaires acromioclaviculaires et coracoclaviculaires sont rompus. L’espace
(stade 3 de Patte ou type III de Rockwood) font l’objet de nombreuses coracoclaviculaire est élargi entre 25 et 100 %. La chape
discussions quant au traitement conservateur ou chirurgical à adopter. deltotrapézienne est désinsérée de l’extrémité distale de la clavicule.
Par ailleurs, les techniques chirurgicales rapportées dans la littérature Chez l’enfant, il s’agit d’une pseudoluxation de l’acromioclaviculaire
sont des plus variées. Nous prendrons le parti pris d’exposer les avec issue de la clavicule hors de son fourreau périosté. Les ligaments
techniques usuelles, ainsi que leur mise en œuvre. coracoclaviculaires attenant au périoste sont intacts.
A B C
E F
33 Classification de Rockwood.
A. Type I. D. Type IV.
B. Type II. E. Type V.
D C. Type III. F. Type VI.
page 13
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
Type IV
Il s’agit d’une luxation acromioclaviculaire avec déplacement postérieur
de la clavicule dans ou à travers la chape deltotrapézienne. Les ligaments
acromioclaviculaires et coracoclaviculaires sont rompus. L’espace
coracoclaviculaire est élargi entre 25 et 100 %.
Type V
Il s’agit d’une luxation acromioclaviculaire avec déplacement majeur.
Les ligaments acromioclaviculaires et coracoclaviculaires sont rompus.
L’espace coracoclaviculaire est élargi de 100 à 300 %. La chape
deltotrapèzienne est désinsérée de la moitié latérale de la clavicule.
Type VI
Il s’agit d’une luxation acromioclaviculaire avec déplacement inférieur
de l’extrémité distale de la clavicule sous l’acromion ou la coracoïde.
Les ligaments acromioclaviculaires sont rompus. L’espace
coracoclaviculaire est diminué. La chape deltotrapèzienne est A
désinsérée de l’extrémité distale de la clavicule.
Classification de Patte
Stade 1
Il s’agit d’une entorse simple équivalent du type I de Rockwood.
Stade 2
Il s’agit d’une entorse acromioclaviculaire équivalent du type II de
Rockwood ou stade 1 de Julliard. Il existe une subluxation permanente
des facettes articulaires majorée par les clichés dynamiques.
B
Stade 3 34 A. Abords arciformes et transverse
Il s’agit d’une luxation acromioclaviculaire équivalent au type III de B. Repérage de la chape deltotrapézienne et des structures ligamentaires
acromioclaviculaires.
Rockwood ou stade 2 de Julliard. Il existe une luxation permanente des
surfaces articulaires. La distance coracoclaviculaire est majorée de
50 %.
coracoclaviculaires. L’épaule est latéralisée. Deux contre-appuis
Stade 4 (temporal et thoracique) peuvent être mis en place selon la morphologie
du patient (cou court, petite taille) pour contribuer à la bonne exposition
Il s’agit d’une luxation scapuloclaviculaire irréductible ou stade 3 de du champ opératoire sans craindre la mobilisation intempestive de
Julliard. À prédominance postérieure, cette luxation est équivalente au l’épaule. Le bras est libre, reposant éventuellement sur un appui-bras le
type IV de Rockwood. À prédominance supérieure, cette luxation est long du corps.
équivalente au type V de Rockwood. La distance coracoclaviculaire est
majorée de 50 %. La chape deltotrapézienne est rompue. L’opérateur se place à l’aplomb de l’articulation acromioclaviculaire,
ou sternoclaviculaire, un aide peut se tenir à droite de l’opérateur
(épaule droite) si l’instrumentiste est placée en face (du côté gauche du
Traitement des disjonctions acromioclaviculaires patient) ; sinon il se tient à sa gauche et l’instrumentiste à sa droite
(fig 28).
À l’instar des nombreuses techniques chirurgicales proposées, les
dispositifs d’immobilisation utilisés pour le traitement orthopédique des
entorses et luxations acromioclaviculaires sont des plus divers. Qu’il Voies d’abord (fig 34)
s’agisse des contentions par strapping, écharpes, attelles, aucun de ces
appareillages ne permet de maintenir une réduction durable. Aussi, une L’incision pratiquée est conditionnée par la technique chirurgicale
écharpe simple ou une attelle immobilisant confortablement le coude au utilisée et par les habitudes du chirurgien.
corps peut être proposée à titre antalgique.
Un abord cutané vertical, dit en « épaulette », réalisé dans l’axe des
Les différentes techniques présentées ci-dessous sont les techniques lignes de Langer, permet d’obtenir un meilleur résultat esthétique. Cette
chirurgicales usuelles. Elles ont pour objet de maintenir durablement la incision est pratiquée en dedans de l’articulation acromioclaviculaire.
réduction de la luxation acromioclaviculaire et de restaurer les structures Les chefs deltoïdiens antérieur et moyen sont désinsérés de la clavicule
ligamentaires coracoclaviculaires. Il est important de noter que le seul et de l’acromion a minima, puis écartés afin d’exposer l’articulation
point commun de toutes ces techniques est la réparation minutieuse de acromioclaviculaire et les structures ligamentaires coracoclaviculaires.
la chape deltotrapézienne. Selon la technique choisie, le ligament acromiocoracoïdien peut être
individualisé et désinséré de l’acromion afin de réaliser une
Anesthésie ligamentoplastie. Au cours de la fermeture, l’opérateur prend soin de
L’anesthésie pratiquée comme pour l’ostéosynthèse de la clavicule peut réinsérer le deltoïde au périoste claviculaire.
être générale ou locorégionale (bloc interscalénique associé à un bloc
Une incision longitudinale ou en S italique, à la partie supérieure ou
cervical superficiel). Une antibiothérapie prophylactique peut être
pratiquée à l’induction, compte tenu de la présence de matériel antérieure de la clavicule et de l’articulation acromioclaviculaire, peut
d’ostéosynthèse. aussi être pratiquée. La chape deltotrapézienne est alors incisée jusqu’au
périoste claviculaire afin d’exposer les moyens d’union
Installation acromioclaviculaires. Au cours de la fermeture, la chape
deltotrapézienne est restaurée avec soins. La réparation de ces structures
L’intervention chirurgicale est pratiquée en position demi-assise afin de musculoaponévrotiques conditionne pour une part la qualité de la
faciliter l’exposition et la fixation des structures acromioclaviculaires et stabilisation acromioclaviculaire.
page 14
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
A B
35 Technique de brochage-haubanage.
A. Vue opératoire.
B. Positionnement du matériel d’ostéosynthèse.
C. Luxation acromioclaviculaire de stade 3.
D. Luxation acromioclaviculaire de stade 3 après brochage-haubanage. D
Techniques
L’abord pratiqué est une incision en épaulette. Le ligament Ligamentoplastie et renfort prothétiques
acromiocoracoïdien est disséqué et désinséré au ras de l’acromion. Le Les ligamentoplasties prothétiques (fig 37) constituent une alternative
ligament ainsi obtenu est tubulisé à l’aide d’un fil non résorbable dont intéressante au prélèvement et à l’amarrage du ligament
les deux chefs sortent au niveau de sa tranche de section. La réduction acromiocoracoïdien. La solidité immédiate du montage permet de se
provisoire de la luxation permet de repérer l’orifice d’entrée claviculaire passer de toute fixation complémentaire et autorise une mobilisation
du ligament acromiocoracoïdien à l’aplomb du genou de la coracoïde. précoce.
page 15
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
38 Technique de Bosworth.
37 Ligamentoplastie prothétique (technique décrite par Laboureau).
page 16
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
40 Technique de Weaver-Dunn.
42 Technique de résection du quart externe de la clavicule.
Soins postopératoires
Une attelle maintenant la position coude au corps est mise en place pour
une durée de 3 à 6 semaines. L’immobilisation est volontiers de
6 semaines après un vissage coracoclaviculaire compte tenu de la plus
grande fréquence d’arrachage du matériel coracoclaviculaire dans notre
expérience.
La rééducation est entreprise entre les troisième et sixième semaines
postopératoires selon la durée d’immobilisation préconisée. Cette
rééducation vise à récupérer les amplitudes de mobilité de l’épaule.
Jusqu’à l’ablation du matériel, les amplitudes sont volontairement
limitées à 90° pour l’élévation antérieure et l’abduction afin de prévenir
la survenue d’un démontage ou d’un bris de matériel compte tenu de
41 Technique de Dewar et Barrington.
l’importance des sollicitations acromioclaviculaires. Après l’ablation du
matériel, les consignes de mobilisation de l’épaule ne sont plus
Type II de Rockwood ou stade 2 de Patte restrictives.
De même, un traitement fonctionnel peut être adopté selon l’importance Classiquement, l’ablation du matériel est pratiquée 6 à 8 semaines après
des douleurs et les possibilités de coopération du patient. Une écharpe l’intervention chirurgicale de stabilisation acromioclaviculaire. La
simple ou une attelle maintenant le coude au corps peut être utilisée pour reprise des activités professionnelles doit être envisagée à la douzième
une durée de 1 à 3 semaines. La rééducation est débutée dès que la semaine pour un travailleur manuel. De même, la reprise des activités
symptomatologie douloureuse le permet. sportives avec contact (rugby, judo) ne peut pas avoir lieu avant le
troisième mois postopératoire.
Type III de Rockwood ou stade 3 de Patte
Les indications thérapeutiques sont controversées. Un traitement Complications
orthopédique, comportant une immobilisation coude au corps pour une Comme pour toute intervention chirurgicale, les complications
durée de 3 à 6 semaines suivie de soins de rééducation, permettrait observées sont générales (cicatrice inesthétique, infection,
d’obtenir une reprise des activités professionnelles plus précoce selon complications thromboemboliques, etc) et spécifiques au geste réalisé.
l’étude prospective de Larsen et al [50]. À terme, le bénéfice fonctionnel Les complications spécifiques à la stabilisation chirurgicale d’une
comparé entre traitements chirurgical et orthopédique n’est pas luxation acromioclaviculaire sont liées, pour la plupart, à la présence de
significativement différent. Pour d’autres auteurs, une stabilisation matériel. Le risque de migration de matériel (broche, vis
chirurgicale doit être retenue chez le jeune athlète, le travailleur de force coracoclaviculaire) est limité par la réalisation d’un hauban et l’ablation
ou le patient exerçant une activité professionnelle sollicitant l’élévation précoce. Le bris de matériel (broche, vis acromioclaviculaire) peut être
de l’épaule et chez le sujet âgé très actif. observé précocement compte tenu de l’importance des sollicitations.
Une ostéolyse plus ou moins évolutive peut être observée sur le trajet
Types IV et V de Rockwood ou stade 4 de Patte intraosseux ou sus-claviculaire des ligaments prothétiques et de leurs
La plupart des auteurs recommandent une réparation chirurgicale des éléments de fixation. Une fracture du quart externe de la clavicule peut
lésions. Patte retient le morphotype du patient comme élément de survenir secondairement à la réalisation de tunnels intraosseux
décision : « le sujet maigre à clavicule saillante et sangle (ligamentoplastie, orifice de vis).
deltotrapézienne fragile » bénéficie d’un traitement chirurgical. Les lésions acromioclaviculaires secondaires au traumatisme peuvent
évoluer pour leur propre compte malgré la réalisation d’une intervention
Type VI de Rockwood chirurgicale bien conduite. Il s’agit d’une arthrose acromioclaviculaire,
Ces rares lésions décrites dans la littérature sont traitées d’une ostéolyse du quart externe de la clavicule, d’un syndrome
chirurgicalement. douloureux acromioclaviculaire persistant ou d’ossifications
coracoclaviculaires. Ces dernières semblent plus fréquentes après
Lésions anciennes de l’articulation acromioclaviculaire tentative de ligamentorraphie coracoclaviculaire, mais n’ont que peu de
Longtemps asymptomatiques, elles ne requièrent que rarement un retentissement clinique en général.
traitement. Toutefois, l’association d’une luxation ou subluxation
chronique et d’une symptomatologie douloureuse de l’articulation
acromioclaviculaire sensibilisée par l’adduction horizontale forcée peut Disjonctions sternoclaviculaires
faire porter l’indication d’un traitement chirurgical après échec d’un
traitement médical (anti-inflammatoires non stéroïdiens, infiltrations). Introduction
La présence d’une arthrose acromioclaviculaire associée à une entorse
ou une disjonction conditionne la résection du centimètre externe de la La fréquence des disjonctions sternoclaviculaires est quatre [64] à dix fois
clavicule (fig 42) qui peut être pratiquée par voie sanglante ou plus faible que celles de l’articulation acromioclaviculaire. La solidité
arthroscopique [7]. des moyens d’union de cette articulation et sa position axiale en sont
page 17
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
Classification
Une classification en trois stades est habituellement proposée [69] :
– stade 1 : il s’agit d’une entorse sternoclaviculaire simple ;
44 Technique de réduction en abduction.
– stade 2 : il s’agit d’une subluxation sternoclaviculaire avec déchirure
des ligaments sternoclaviculaires ; le ligament costoclaviculaire est pour une épaule gauche. Selon la largeur de la table et la corpulence du
intact ; patient, l’aide et l’instrumentiste peuvent intervertir leur place.
– stade 3 : il s’agit d’une luxation sternoclaviculaire.
Toutefois, l’importance des lésions ligamentaires revêt moins
d’importance que la direction du déplacement (antérieur ou postérieur) Voie d’abord
pour déterminer le traitement à réaliser et évaluer le pronostic. L’incision, arciforme, s’étend du tiers interne de la clavicule à la portion
verticale du manubrium sternal sur une longueur de 5 cm environ. Après
exposition de l’articulation sternoclaviculaire, la capsule articulaire est
Anesthésie ouverte en H afin de ménager deux lambeaux capsulopériostés médial et
L’anesthésie pratiquée est une anesthésie générale avec intubation, latéral (fig 45). À la partie inférieure du champ, le muscle grand pectoral
prenant en considération le risque de complication vasculaire ou est désinséré à la demande. De même, le chef sternal du muscle sterno-
pleuropulmonaire qu’il s’agisse d’une réduction par manœuvres cléido-mastoïdien est désinséré à la partie supérieure du champ afin
externes ou a fortiori d’une stabilisation sanglante. De même que pour d’exposer la partie supérieure du manubrium si nécessaire.
le traitement chirurgical des luxations acromioclaviculaires, une
antibiothérapie prophylactique peut être pratiquée à l’induction compte Techniques [69, 86]
tenu de la présence de matériel d’ostéosynthèse.
Réduction orthopédique des luxations récentes
Installation Pour les luxations antérieures récentes, la réduction orthopédique (Patte)
est pratiquée par traction en abduction dans l’axe du bras et en légère
Dans la perspective d’une réduction par manœuvres externes (fig 43, rétropulsion. Conjointement, l’aide exerce une pression antérieure sur
44), le patient est installé sur table en décubitus dorsal. Un contre-appui la partie interne de la clavicule. Le plus souvent, la réduction est obtenue
thoracique est placé du côté homolatéral à la lésion de façon à pouvoir par ces manœuvres externes, mais le déplacement de la luxation a
réaliser une traction forte sur le bras en abduction. L’épaule est tendance à se reproduire dès le relâchement de la traction [64] posant le
latéralisée afin de réaliser sans difficulté une extension si cette problème des luxations récidivantes. Une fois la réduction obtenue, une
manœuvre s’avère nécessaire. S’il s’agit d’une luxation rétrosternale, un immobilisation stricte coude au corps est mise en place pour une durée
billot est placé entre les omoplates de façon à obtenir une rétropulsion de 6 semaines.
facilitant les manœuvres de réduction. Les luxations rétrosternales sont plus difficiles à réduire par manœuvres
Pour une intervention chirurgicale, le patient est installé en position externes. Un tiers des tentatives de réduction seraient un échec. Pour
demi-assise modérée, le rachis cervical est porté en inclinaison latérale, Selesnick, la réduction orthopédique a d’autant plus de chances de
rotation controlatérale à la lésion et extension afin d’exposer le champ réussir qu’elle est réalisée précocement (dans les 48 premières heures).
opératoire le plus largement. L’opérateur se tient du côté opéré. L’aide D’autre part, Buckerfield [12] rapporte de meilleurs résultats par
se place du côté controlatéral et l’instrumentiste à droite de l’opérateur manœuvres externes, bras en adduction :
page 18
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
C
46 Ligamentoplastie costoclaviculaire à l’aide d’une bandelette tendinoaponévro-
45 A. Abord de l’articulation sternoclaviculaire. tique du muscle sous-clavier.
B. Réalisation d’un lambeau en H.
C. Exposition de l’articulation.
ligamentaires (ligament costoclaviculaire) sont réparées si possible. La
– technique de réduction en abduction : une traction dans l’axe du bras capsulorraphie peut être protégée par un brochage temporaire
est réalisée, ce dernier est progressivement amené en extension ; sternoclaviculaire ou un cerclage costoclaviculaire. Ce dernier expose à
la survenue de complications pleuropulmonaires lors du passage autour
– technique de réduction en adduction : une traction est exercée sur le de la première côte. Par ailleurs, l’opérateur prend soin de recourber
bras en adduction afin d’abaisser le moignon de l’épaule ; l’aide effectue l’extrémité latérale des broches et d’utiliser des broches filetées de
une rétropulsion conjointe pour réaliser un mouvement de bascule de la préférence afin de limiter le risque de migration du matériel.
clavicule en appui sur la première côte.
Une traction manuelle de la partie médiale de la clavicule peut être Technique de Jackson Burrows [45]
associée soit en percutané à l’aide d’une pince à champ, soit après un
abord de petite taille. Le tendon du muscle sous-clavier (fig 46) est utilisé pour réaliser une
Le maintien de la réduction impose une immobilisation de 6 semaines ligamentoplastie costoclaviculaire par une incision arciforme.
dans un appareillage de type anneaux claviculaires. L’insertion costale de ce dernier peut être disséquée sur 5 à 6 cm vers la
clavicule. La taille du tendon peut être accrue par le prélèvement
conjoint de l’aponévrose musculaire si nécessaire. Un tunnel de 4 à
Techniques chirurgicales
5 mm de diamètre est pratiqué à la face antérieure du bord médial de la
Comme pour les techniques chirurgicales de stabilisation des luxations clavicule. Afin de s’éloigner des structures pleurales postérieures,
acromioclaviculaires, nous avons choisi de présenter les techniques l’orifice inférieur du tunnel est réalisé au bord antérieur de la clavicule.
usuelles de stabilisation sternoclaviculaire parmi les nombreuses Après avoir passé le tendon dans le tunnel claviculaire et réduit la
techniques décrites dans la littérature [69, 74, 82, 86]. luxation, le transplant est suturé à lui-même en tension. Un brochage
temporaire sternoclaviculaire est diversement pratiqué par les auteurs
[64, 74, 82].
Capsulorraphie
Un abord arciforme à convexité supéromédiale est réalisé en regard de Technique de Booth et Roper
l’articulation sternoclaviculaire. La luxation est réduite à l’aide d’un
davier et une arthrotomie est réalisée, permettant de pratiquer une Il s’agit d’une ligamentoplastie costoclaviculaire [69] pratiquée à l’aide
résection méniscale à la demande. Les structures capsulaires et d’une bandelette tendinopériostée du sterno-cléido-mastoïdien (fig 47).
page 19
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
Indications
Luxations récentes
La réduction de la luxation par manœuvres externes est retenue en
première intention. Le déplacement antérieur de la luxation est le plus
souvent réductible, mais tend à se reproduire dès le relâchement de la
traction. Compte tenu de l’excellente tolérance fonctionnelle habituelle
de ces lésions, Rockwood [69] et Koert [46] proposent un traitement
symptomatique complémentaire. D’autres auteurs [74, 82] réalisent une
stabilisation chirurgicale par capsulorraphie ou intervention de Burrows.
L’échec de la réduction orthopédique d’une luxation rétrosternale doit
faire pratiquer une stabilisation chirurgicale compte tenu du risque de
47 Ligamentoplastie cos- survenue de complications engageant le pronostic vital. Cette dernière
toclaviculaire à l’aide peut être obtenue par la réalisation d’une capsulorraphie ou une
d’une bandelette tendino-
périostée prélevée aux
intervention de Burrows.
dépens du muscle
sterno-cléido-mastoïdien. Subluxations récidivantes
Ne doivent être retenues comme indications chirurgicales que les
Un abord vertical est réalisé en regard de l’articulation subluxations récidivantes, involontaires et symptomatiques. La
sternoclaviculaire et du manubrium sternal. L’articulation et la première stabilisation chirurgicale de ces lésions peut être réalisée par une
côte sont exposées par désinsertion du grand pectoral à sa partie technique de Burrows ou de Booth et Roper.
supéromédiale. L’insertion sternale du sterno-cléido-mastoïdien est
désinsérée avec une bandelette périostée sternale sur une longueur de 10 Luxations anciennes
à 15 cm et 1 cm de large. Cette bandelette tendinopériostée est passée
autour de la partie médiale de la première côte en sous-périosté en Il s’agit de luxations antérieures le plus souvent et exceptionnellement
prenant soin de ne pas léser les structures pleurales en arrière. Un tunnel d’une luxation postérieure négligée. Symptomatiques, elles constituent
vertical réalisé à la partie médiale de la clavicule permet le passage de la l’indication élective d’une résection arthroplastique de l’extrémité
bandelette qui est suturée à elle-même en tension. médiale de la clavicule.
page 20
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE 44-230
médiale de la clavicule et d’autre part à la mise en place de matériel Elles combinent le plus souvent une luxation sternoclaviculaire
sternoclaviculaire susceptible de migrer. Il s’agit de plaies ou de antérieure et une luxation acromioclaviculaire postérosupérieure.
compression des gros vaisseaux engageant le praticien à s’assurer de la
disponibilité d’un chirurgien vasculaire dans l’établissement. Par Dans la plupart des cas, le traitement rapporté est orthopédique sans
ailleurs, des complications pleuropulmonaires (pneumothorax, tentative de réduction de la luxation sternoclaviculaire. Les auteurs
hémothorax) ou respiratoires (compression trachéale) engageant le [35, 69, 73] s’accordent sur le bon résultat fonctionnel du traitement
pronostic vital peuvent survenir. orthopédique. Toutefois, la persistance de douleurs acromioclaviculaires
peut faire pratiquer une intervention stabilisatrice de type Weaver-
Dunn, en négligeant la disjonction sternoclaviculaire antérieure
Luxations bipolaires de la clavicule rarement symptomatique [69].
Ces luxations sont rares, seule une quarantaine de cas sont recensés dans
la littérature. Les circonstances de survenue sont des traumatismes Toutefois, l’existence d’une luxation sternoclaviculaire postérieure
violents (accident de la voie publique, chute de lieu élevé) responsables nécessite une réduction sanglante en cas d’échec des manœuvres
le plus souvent de polytraumatismes. externes.
Références
[1] Ada JR, Miller ME. Scapular fracture analysis of 113 [18] Connolly JF. Nonunion of the clavicle and thoracic out- [33] Gagey O. Fractures de la scapula. In : Conférences
cases. Clin Orthop 1991 ; 269 : 174-180 let syndrome. J Trauma 1989 ; 29 : 1127-1132 d’enseignement de la SOFCOT, Traumatismes récents
[2] Alnot JY, Asfazadourian H. Fractures complexes de la de l’épaule. Paris : Expansion Scientifique Française,
[19] David PHP, Luitse JSK, Strating RP, VanderHart CP.
scapula et de la ceinture scapulaire. In : Conférences 1997 : 165-170
Operative treatment for delayed union and non union
d’enseignement de la SOFCOT, Traumatismes récents of midshaft clavicular fractures : AO reconstruction [34] Gagey O, Carey JP, Mazas F. Les fractures récentes
de l’épaule. Paris : Expansion Scientifique Française, plate fixation and early mobilisation. J Orthop Trauma de la scapula : à propos de 43 cas. Rev Chir Orthop
1997 : 171-181 1996 ; 40 : 985-986 1984 ; 70 : 443-447
[3] Balmer FT, Gerber C. Coracoclavicular screw fixation [20] De La Caffinière JY, De La Caffinière M, Lacaze F. Trai- [35] Gearen PF, Petty W. Panclavicular dislocation. J Bone
for unstable fractures of the distal clavicle. J Bone Joint tement des dislocations acromio-claviculaires au Joint Surg Am (3) 1982 ; 64 : 454-455
Surg Br 1991 ; 73 : 291-294 moyen d’une plastie coraco-clavi-acromiale (CCA). [36] Goss TP. Fractures of the glenoïd cavity current con-
[4] Barbier O, Malghem J, Van de Berg B, Rombouts JJ. Rev Chir Orthop 1998 ; 84 : 9-16 cept review. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 74 : 229-305
Injury to the brachial plexus by a fragment of bone af- [37] Goss TP. The double disruptions of the superior shoul-
ter fracture of the clavicle. J Bone Joint Surg Br 1997 ; [21] De Palma AF. Surgery of the shoulder. Philadelphia :
JB Lippincott, 1983 der suspensory complex. J Orthop Trauma 1993 ; 7 :
79 : 534-536
99-106
[5] Béguin JM, Poilvache G. Les fractures de la clavicule. [22] Decoulx P. Fracture de l’omoplate. Lille Chir 1956 ; 11 :
215-227 [38] Hackenbruch W, Regazzoni P, Schwyzer K. Operative
Étude de 17 cas opérés par enclouage centro-
behandlung der lateralen clavicula-fraktur mit der
médullaire. Intérêt de la broche de Knowles. Acta Or- [23] Dewar FP, Barrington, TW. The treatment of chronic ac- « clavicula-hakenplatte ». Z Unfallchir 1994 ; 87 :
thop Belg 1984 ; 50 : 758-768 romioclavicular dislocation. J Bone Joint Surg Br 1965 ; 145-152
[6] Benton J, Nelson C. Avulsion of the coracoïd process 47 : 32
in an athlete. J Bone Joint Surg Am 1971 ; 53 : 356-358 [39] Hardegger FH, Simpson LA, Weber BG. The operative
[24] Dugdale TW, Fulkerson JP. Pneumothorax complicat- treatment of scapular fractures. J Bone Joint Surg Br
[7] Berkowitz MM, Warren RF, Altchek DW, Carson EW. ing a closed fracture of the clavicle. A case report. Clin 1984 ; 66 : 725-731
Arthroscopic acromioclavicular resection. Oper Tech Orthop 1987 ; 221: 212-214
Sports Med 1997 ; 5 : 100-108 [40] Heppenstall RB. Fractures and dislocations of the dis-
[25] Dupont R, Evrard H. Sur une voie d’accès postérieure tal clavicle. Orthop Clin North Am 1975 ; 6 : 477-486
[8] Bonnel F, Fauré P. Fractures de la scapula. Classifica-
tion, bases thérapeutiques. In : Conférences d’ensei- de l’omoplate. Son application au traitement des fractu- [41] Herscovici D, Fiennes AG, Allgöwer M. The floating
gnement de la SOFCOT, Traumatismes récents de res du pilier de cet os, en particulier. J Chir 1932 ; 39 : shouder : ipsilateral clavicle and scapular neck frac-
l’épaule. Paris : Expansion Scientifique Française, 528-534 tures. J Bone Joint Surg Br 1992 ; 74 : 362-364
1997 : 153-164 [26] Dust WN. Stress fracture of the clavicle leading to non- [42] Hill JM, McGuire MH, Crosby LA. Closed treatment of
[9] Bosworth BM. Acromioclavicular separation. New union secondary to coracoclavicular reconstruction displaced middle third fractures of the clavicle gives
method of repair. Surg Gynecol Obstet 1941 ; 73 : 866 with Dacron. Am J Sports Med 1989 ; 17 : 128-129 poor results. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 537-539
[10] Bosworth BM. Complete acromioclavicular dislocation. [27] Ebraheim NA, Pearlstein SR, Savolaine ER. Scapu- [43] Ideberg R, Grevsten S, Larsson S. Epidemiology of
N Engl J Med 1949 ; 224 : 221 lothoracic dislocation (avulsion of the scapula, subcla- scapular fractures (incidence and classification of 338
[11] Brodsky JW, Tullos HS, Gartsman GM. Simplified pos- vian artery and brachial plexus) : An early recognized fractures). Acta Orthop Scand 1995 ; 66 : 395-397
terior approch to the shoulder joint. A technical note. J variant, a new classification, and a review of the littera- [44] Ideberg R, Myrhage R. Fractures of the scapula. In :
Bone Joint Surg Am 1987 ; 69 : 773-774 ture and treatment option. J Orthop Trauma 1987 ; 1 : Watson MS ed. Surgical disorders of the shoulder. New
[12] Buckerfield CT, Castle ME. Acute traumatic retroster- 18-23 York : Churchill Livingstone, 1992
nal dislocation of the clavicle. J Bone Joint Surg Am [28] Eskola A, Vainionpää S, Myllynen P, Pätiälä H, Rokka- [45] Jackson Burrows M. Tenodesis of sub-clavius in the
1984 ; 66 : 379-385 nen P. Outcome of clavicular fracture in 89 patients. treatment of recurrent dislocation of the sterno-
[13] Buscaglia LC. Surgical management of subclavian ar- Arch Orthop Surg 1986 ; 105 : 337-338 clavicular joint. J Bone Joint Surg 1951 ; 33 : 240-243
tery injury. Am J Surg 1987 ; 154 : 88-92 [46] Koert P, Dinesh MK. Anterior sternoclavicular disloca-
[29] Eskola A, Vainionpää S, Myllynen P, Pätiälä H, Rokka-
[14] Butters KP. The scapula in the shoulder. In : Rockwood nen P. Surgery for ununited clavicular fracture. Acta Or- tion: a long-term follow-up study. J Orthop Trauma
CA, Matsen FA eds. The shoulder. Philadelphia : WB thop Scand 1986 ; 57 : 366-367 1990 ; 4 : 420-423
Saunders, 1990 : 335-366 [47] Kona J, Bosse MJ, Staeheli JW, Rosseau RL. Type II
[30] Eyres KS, Brooks A, Stanley D. Fractures of the cora- clavicle fractures : a retrospective review of surgical
[15] Cain TE, Hamilton WP. Scapular fractures in profes- coid process. J Bone Joint Surg Br 1995 ; 77 : 425-428
sionnal football players. Am J Sports Med 1992 ; 20 : treatment. J Orthop Trauma 1990 ; 4 : 115-119
363-365 [31] Fery A, Sommelet J. Fractures du processus cora- [48] Kontakis GM. Subcoracoid trapping of the proximal
[16] Chou NS. Intrathoracic migration of Kirschner wires. J coïde. À propos de 10 observations. Rev Chir Orthop fragment of a fractured clavicle. J Trauma 1997 ; 43 :
Formos Med Assoc 1994 ; 93 : 974-976 1979 ; 65 : 403-407 144-145
[17] Codman EA. Obscure lesions of the shoulder : Rup- [32] Flatow EL, Bigliani LU, April EN. An anatomic study of [49] Koss SD. Nonunion of a midshaft clavicle fracture as-
ture of the supraspinatus tendon. Boston Med Surg J the musulocutaneous nerve and its relationship to the sociated with subclavian vein compression. A case re-
1927 ; 196 : 381 coracoid process. Clin Orthop 1989 ; 244 : 166-171 port. Orthop Rev 1989 ; 18 : 431-434
page 21
44-230 CHIRURGIE DES TRAUMATISMES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE Techniques chirurgicales
[50] Larsen E, Bjerg A, Christensen P. Conservative or sur- [63] Patte D. Voies d’abord de l’épaule et de l’extrémité su- [75] Trojan E. Fractures de l’extrémité acromiale de la clavi-
gical treatment of acromioclavicular dislocation. A pro- périeure de l’humérus. Encycl Méd Chir (Elsevier, Pa- cule. Rev Chir Orthop 1966 ; 52 : 345-351
spective controlled, randomized study. J Bone Joint ris). Techniques chirurgicales — Orthopédie-Trauma-
Surg Am 1986 ; 68 : 552-555 tologie, 44-250, 1985 : 1-12 [76] Tse DH, Slabaugh PB, Carlson PA. Injury to the axillary
[51] Lengua F, Nuss JM, Lechner R, Baruthio J, Veillon F. artery by a closed fracture of the clavicle. J Bone Joint
[64] Patte D. Les luxations traumatiques des articulations
Traitement des fractures de la clavicule par embro- Surg Am 1980 ; 62 : 1372-1374
acromio- et sternoclaviculaires. In : Cahier d’enseigne-
chage à foyer fermé de dedans en dehors sans va-et- ment de la SOFCOT, Conférences d’enseignement.
vient. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 : 377-380 [77] Tsou PM. Percutaneous cannulated screw coracocla-
Paris : Expansion Scientifique Française, 1987 : vicular fixation for acute acromioclavicular dislocation.
[52] Leung KS, Lam TP. Open reduction and internal fixa- 133-157 Clin Orthop 1989 ; 243 : 112-121
tion of ipsilateral fractures of the scapular neck and [65] Picard F, Montbarbon E, Tourne Y, Charbel A, Saraga-
clavicle. J Bone Joint Surg Am 1993 ; 75 : 1015-1018 glia D. Faut-il suturer les ligaments coraco-claviculaires [78] Versier G, Cazeres CH, Bocaccio P, Van Cuyck A, Ro-
[53] Liberson F. Os acromiale, a contested anomaly. J Bone dans le traitement des disjonctions acromio- manet JP. Disjonctions scapulo-claviculaires, traite-
Joint Surg 1937 ; 19 : 683-689 claviculaires récentes ? (étude prospective portant sur ment chirurgical. In : Groupe d’étude de l’épaule et du
[54] Lusskin R, Weiss CA, Winer J. The role of the sub- 30 cas). In : Groupe d’étude de l’épaule et du coude. coude. Les disjonctions acromio-claviculaires. Mont-
clavius muscle in the subclavian vein syndrome (costo- Les disjonctions acromio-claviculaires. Montpellier : pellier : Sauramps Médical, 1994
clavicular syndrome) following fracture of the clavicle. Sauramps Medical, 1994
Clin Orthop 1967 ; 54 : 75-83 [79] Weaver JK, Dunn HK. Treatment of acromioclavicular
[66] Poigenfurst J, Rappold G, Fischer W. Plating of fresh injuries, especially complete acromioclavicular separa-
[55] Matz SO. Brachial plexus neuropraxia complicating a clavicular fractures : results of 122 operations. Injury tion. J Bone Joint Surg Am 1972 ; 54 : 1187
comminuted clavicle fracture in a college football 1992 ; 23 : 237-241
player. Case report and review of the literature. Am J [67] Pyper JB. Non union fractures of the clavicle. Injury [80] Weh L. Dislocated clavicle fracture with a costoclavicu-
Sports Med 1989 ; 17 : 581-583 1978 ; 9 : 268-270 lar compression syndrome. Z Orthop 1980 ; 118 :
[56] McGahan JP, Rab GT, Dublin A. Fractures of the [68] Reichenbacher D. Early secondary lesions of the bra- 140-142
scapula. J Trauma 1980 ; 20 : 880-883 chial plexus-a rare complication following clavicular
[57] Meeks RJ. Isolated clavicle fracture with associated [81] Wilkins RM, Johnston RM. Ununited fractures of the
fracture. Unfallchirurgie 1987 ; 13 : 91-92
pneumothorax : a case report. Am J Emerg Med 1991 ; clavicle. J Bone Joint Surg Am 1983 ; 65 : 773-778
[69] Rockwood CA, Matsen FA. The shoulder. Philadelphia :
9 : 555-556
WB Saunders, 1990 : 413-476 [82] Witvoët J, Martinez B. Traitement des luxations sterno-
[58] Miller DS, Boswick JA. Lesions of the brachial plexus claviculaires antérieures. À propos de 18 cas. Rev Chir
associated with fractures of the clavicle. Clin Orthop [70] Rowe CR. An atlas of anatomy and treatment of mid-
clavicular fractures. Clin Orthop 1968 ; 58 : 29-41 Orthop 1982 ; 68 : 311-316
1969 ; 64 : 144-149
[59] Molé D, Walch G. Traitement chirurgical des instabili- [71] Schwarz N, Höcker K. Osteosynthesis of irreducibles [83] Yates DW. Complications of the fractures of the
tés de l’épaule. Articulation gléno-humérale. Encycl fractures of the clavicle with 2,7 mm ASIF plates. J clavicle. Injury 1976 ; 7 : 189-193
Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales — Trauma 1992 ; 33 : 179-183
Orthopédie-Traumatologie, 44-265, 1993 : 1-19 [72] Suso S. Compression of the anterior interosseous [84] Zdravkovic D, Damholt VV. Comminuted and severly
[60] Moneim MS, Balduini FC. Coracoid fracture, a compli- nerve after use of a Robert-Jones type bandage for a displaced fractures of the scapula. Acta Orthop Scand
cation of surgical treatment by coracoclavicular tape distal end clavicle fracture: case report. J Trauma 1974 ; 45 : 60-65
fixation. A case report. Clin Orthop 1982 ; 168 : 133-135 1994 ; 36 : 737-739
[85] Zenni EJ, Krieg JK, Rosen MJ. Open reduction and in-
[61] Nettrour LF, Krufty LE, Mueller RE, Raycroft JF. Locked [73] Thomas CB, Friedman RJ. Ipsilateral sternoclavicular ternal fixation of clavicular fractures. J Bone Joint Surg
scapula : Intrathoracic dislocation of the inferior angle. dislocation and clavicle fracture. J Orthop Trauma Am 1981 ; 63 : 147-151
J Bone Joint Surg Am 1972 ; 54 : 413-416 1989 ; 3 (4) : 179-182
[62] Neviaser JS. Acromioclavicular dislocation treated by [74] Tricoire JL, Colombier JA, Chiron P, Puget J, Utheza [86] Zucman J, Robinet L, Aubart F. Traitement des luxa-
transference of the coracoacromial ligament. Clin Or- G. Les luxations sterno-claviculaires postérieures. À tions sternoclaviculaires. Rev Chir Orthop 1978 ; 64 :
thop 1968 ; 58 : 57 propos de 6 cas. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 39-44 35-44
page 22
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-241
44-241
Techniques de scapulectomie
C Kenesi R é s u m é. – Les scapulectomies peuvent être parfois indiquées dans des
malformations régionales ou des anomalies dynamiques de type « omoplate à
ressaut ». C’est exceptionnel.
L’indication la plus fréquente, et de loin, est la tumeur. L’infinie variété des lésions
nécessite une importante palette de techniques, allant de l’exérèse limitée par voie
étroite, aux suites courtes et aux résultats fonctionnels excellents, jusqu’aux ablations
élargies très importantes, longues, hémorragiques et aux résultats décevants.
C’est en fonction du type, du siège, des dimensions et de l’extension de la tumeur que
l’on choisira parmi les différentes possibilités de scapulectomies partielles, totales ou
totales élargies, qui peuvent poser de difficiles problèmes de reconstruction.
Nerfs
Claude Kenesi : Professeur, chirurgien des hôpitaux de Paris, hôpital Henri Mondor, Le nerf spinal (accessorius) descend le long des muscles paravertébraux
service de chirurgie orthopédique, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, sous le trapèze.
94010 Créteil, France.
© Elsevier, Paris
page 2
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE 44-241
Résultats fonctionnels
Les résultats fonctionnels de ces scapulectomies partielles sont en règle
excellents : ils sont fonction des lésions musculaires. L’exérèse osseuse, 3 Scapulectomie partielle des fosses sus- et sous-épineuses. Seuls la glène et le
même large, de l’écaille de l’omoplate ne compromet pas le pronostic pilier de l’omoplate ont été conservés. Résultat fonctionnel à 20 ans.
fonctionnel. Lorsqu’on a pu respecter le trapèze et le deltoïde, les
muscles de la coiffe, on récupère une mobilité normale et indolente. Sur
le plan cosmétique, seule la cicatrice est visible et souvent assez grande. – La section du trapèze se fait au bistouri électrique de haut en bas, en
Il n’y a aucune modification du relief de l’épaule (fig 3). commençant assez près de l’épine de l’omoplate. On peut alors rabattre
son chef supérieur vers le dedans et chercher à sa partie profonde le nerf
spinal qui sera respecté. La section du muscle se poursuit le long du bord
Scapulectomie totale [1, 3, 17] de l’omoplate, jusqu’en bas.
– Le dégagement de l’angle supéro-interne de l’omoplate est assez
Technique opératoire délicat (fig 4) : il faut sectionner l’angulaire de l’omoplate, et c’est juste
sous ce muscle que l’on trouvera l’artère scapulaire postérieure. Il est
Elle a été parfaitement codifiée par Lecène et Huet au cours des années impératif de la repérer, de la ligaturer et de la sectionner en essayant de
1920. Elle comporte plusieurs temps. conserver ses branches internes destinées au trapèze.
– L’incision cutanée est en forme de T avec une branche verticale
longeant le bord spinal de la scapula, une branche oblique longeant – Le dégagement du bord spinal se fait de haut en bas (fig 5). On
l’épine. commence par sectionner le rhomboïde et le grand dentelé. Un solide
– Un décollement sous-cutané permet de rabattre deux lambeaux davier à griffes est posé sur ce bord et sa traction va faire basculer
triangulaires, l’un vers le haut, l’autre vers le bas. On a ainsi accès à la l’omoplate et permettre d’accéder un petit peu en avant et de compléter
couche musculaire superficielle. le dégagement jusqu’en bas.
page 3
44-241 TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE Techniques chirurgicales
4 Scapulectomie totale. Dégagement de l’angle supéro-interne de l’omoplate. 6 Scapulectomie totale. Désarticulation scapulohumérale. a. Trapèze sectionné ;
a. Trapèze sectionné ; b. angulaire sectionné ; c. artère scapulaire postérieure liée et b. angulaire sectionné ; c. artère scapulaire postérieure liée et sectionnée ; d. omo-
sectionnée. hyoïdien sectionné ; e. ligaments coracoclaviculaires sectionnés ; f. désarticulation
acromioclaviculaire ; g. rhomboïde sectionné ; h. deltoïde sectionné et rabattu vers le
bas. À sa face profonde : le nerf circonflexe ; i. sus-épineux sectionné (partie distale ;
la partie proximale de la section est cachée par l’acromion) ; j. sous-épineux sec-
tionné ; k. petit rond sectionné ; l. long triceps sectionné ; m. capsule antérieure. Le
pointillé indique le tracé de section.
Suites opératoires
– Libération du bord supérieur de l’os : elle se fait de dedans en dehors
après avoir sectionné l’omohyoïdien, on accède à l’échancrure Il faut impérativement mettre en place une solide écharpe qui soutienne
coracoïdienne. L’artère sus-scapulaire est repérée, liée et coupée. très bien le coude. Le poids du membre supérieur risque de mettre en
– Dégagement de l’acromion : un solide bistouri est introduit dans tension les sutures qui sont encore fragiles et de tirer sur le paquet
l’interligne acromioclaviculaire, il va sectionner la capsule et permettre vasculonerveux axillaire, provoquant en particulier une névralgie du
la désarticulation. Le deltoïde est désinséré du bord inférieur de l’épine plexus brachial.
page 4
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE 44-241
page 5
44-241 TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE Techniques chirurgicales
A
Voie d’abord
Le malade est couché sur le côté sain, la face antérieure et postérieure du
thorax est largement dégagée, iodée. Le membre supérieur est enveloppé
dans un jersey. L’incision cutanée antérieure part de l’articulation
sternoclaviculaire et se dirige légèrement en oblique vers le dehors, en
longeant la clavicule 2 cm au-dessous de celle-ci. En dehors, elle
contourne la face externe du moignon de l’épaule en restant à distance
de l’acromion et en arrière se dirige vers la pointe de l’omoplate.
Une deuxième incision part de la partie moyenne de la voie d’abord
antérieure, enjambe l’omoplate en son milieu et descend vers l’arrière
rejoindre la pointe de l’omoplate. Nous avons donc en avant une voie
d’abord simple transversale, en arrière un très volumineux quartier
d’orange.
A B
10 Huméro-cléido-scapulectomie conservatrice de Tikkor-Linberg. Abord antérieur. a. Clavicule sectionnée dans son quart interne et soulevée par un davier ; b. petit pectoral
sectionné ; c. coracobiceps sectionné ; d. grand pectoral (intact) ; e. paquet axillaire (les veines ne sont pas représentées) et plexus brachial disséqués sur leur bord supérieur ;
f. artère scapulaire postérieure ; g. artère sus-scapulaire liée ; h. artère scapulaire inférieure.
page 6
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE 44-241
Temps huméral
11 Huméro-cléido-scapulectomie
On peut alors dégager circonférentiellement l’extrémité supérieure de
conservatrice de Tikkor-Linberg. Abord
postérieur. a. Trapèze sectionné ; b. del- l’humérus. La section osseuse se fait à la scie oscillante à un niveau
toïde sectionné (à sa face profonde, le variable selon le siège et le type de la lésion. Il est évidemment
nerf circonflexe) ; c. grand dorsal sec- souhaitable de n’enlever que la tête et les tubérosités, conservant ainsi le
tionné ; d. long triceps sectionné. circonflexe. Parfois, on est obligé de descendre beaucoup plus bas et de
Les pointillés indiquent : e. en dedans :
sections de l’angulaire, du rhomboïde sacrifier ce nerf, il est alors nécessaire de repérer le radial et de le mettre
puis du grand dentelé ; f. en dehors : sec- à l’abri avant la section osseuse.
tion de l’humérus (ici au niveau de son La section dernière du grand dentelé permet de retirer en monobloc
col).
l’omoplate, la clavicule, l’extrémité supérieure de l’humérus,
l’articulation glénohumérale et la coiffe des courts rotateurs. Le reste du
membre supérieur ne tient plus au thorax que par la peau et le pédicule
axillaire.
Fig 12 et 13 ➤
page 7
44-245
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-245
Résumé. – La surélévation congénitale de la scapula, ou déformation de Sprengel, est une malformation rare
de la ceinture scapulaire dont l’étiologie et la pathogénie sont encore mal connues. Le défaut de position de la
scapula se complète de modifications anatomiques de la scapula, d’anomalies musculaires et vertébrales, qui
en font une malformation régionale. L’os omovertébral, présent dans 20 à 50 % des cas selon les auteurs,
s’étend du bord médial ou de l’angle supéromédial de la scapula à l’arc postérieur d’une vertèbre cervicale. Le
retentissement fonctionnel est souvent peu important et se résume à une limitation de l’abduction et de la
rotation externe de l’épaule. Le traitement chirurgical est discuté en fonction de la gêne esthétique et du
handicap fonctionnel.
Les gestes thérapeutiques portent sur les parties molles, sur l’os ou sur les deux. La résection de l’os
omovertébral, quand il existe, est le point commun à toutes les interventions. La technique de Woodward
permet un abaissement de la scapula par libération des insertions d’origine des muscles se fixant sur le bord
médial de la scapula.
La technique de Green associe une libération des muscles insérés sur le bord supérieur et médial de la scapula
à une résection de la partie supraépineuse de la scapula. Les interventions osseuses ont pour objectif une
résection plus ou moins importante portant sur la partie médiale ou l’angle supéromédial de la scapula.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Damsin JP. Surélévation congénitale de la scapula. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales -
Orthopédie-Traumatologie, 44-245, 2003, 7 p.
44-245 Surélévation congénitale de la scapula Techniques chirurgicales
10
4 11
2 12
1 13
*
B
2 (A, B). Anatomie de la région scapulothoracique postérieure. 1. Muscle trapèze ;
2. m. petit rhomboïde ; 3. m. grand rhomboïde ; 4. m. élévateur de la scapula ; 5. m.
deltoïde ; 6. m. supraépineux ; 7. m. infraépineux ; 8. m. grand dorsal ; 9. m. splé-
nius de la tête ; 10. nerf spinal ; 11. nerf dorsal de la scapula ; 12. artère cervicale
transverse ; 13. scapula.
*
A
2
Techniques chirurgicales Surélévation congénitale de la scapula 44-245
*
A *
B *
C
La scapula est ensuite abaissée. En raison de l’hypoplasie du côté – section du dentelé antérieur du bord spinal de la scapula et
malformé, une mise au même niveau des angles inférieurs des deux décollement des adhérences de la scapula avec la paroi thoracique ;
scapula correspond à un abaissement exagéré, faisant courir le – ostéotomie de la scapula en bois vert pour diminuer la convexité
risque d’une paralysie du plexus brachial. L’abaissement est en de la portion supraépineuse ;
moyenne de deux niveaux rachidiens. Il faut contrôler la présence
du pouls radial. La pointe de la scapula peut être fixée à une côte ou – fixation du pôle inférieur de la scapula dans une poche créée à la
suturée au grand dorsal (fig 3C). Le patient est immobilisé face profonde du grand dorsal, évitant le maintien par un fil
4 semaines dans un bandage, le bras collé au corps. solidarisé à une côte ou à un corset par un trajet transcutané [4].
[1, 3]
TECHNIQUE DE GREEN Interventions osseuses : ostéotomies
¶ Technique princeps et résections partielles de la scapula
La technique de Green associe une libération des muscles insérés De nombreuses techniques ont été publiées. Elles sont toutes basées
sur le bord supérieur et médial de la scapula à une ablation de l’os sur une résection plus ou moins importante de l’angle supéromédial
omovertébral et une résection de la partie supraépineuse de la et/ou du bord médial de la scapula, et sur des gestes
scapula. complémentaires de libération variables suivant les auteurs.
Le patient est installé en décubitus ventral. La préparation du champ
opératoire est identique à celle d’une intervention de Woodward.
[8]
L’incision cutanée est médiale sur la ligne des épineuses. L’abord TECHNIQUE DE WILKINSON ET CAMPBELL
arciforme proposé initialement est facteur d’une cicatrisation L’intervention décrite pour traiter les SCS consiste en une ostéotomie
chéloïde et doit être abandonné pour une incision verticale. verticale du bord médial de la scapula complétée par une résection
Le trapèze est désinséré de l’épine et refoulé en dedans (fig 5A). L’os des attaches fibreuses et de l’os omovertébral.
omovertébral est réséqué. La fosse supraépineuse est libérée à sa L’abord se fait par une incision verticale paramédiane, 2 cm en
partie médiale en extrapériosté pour permettre la résection de l’angle dehors du bord médial. Le muscle infraépineux est dégagé en
supéromédial. L’angulaire de la scapula et les muscles rhomboïdes extrapériosté et écarté en dehors. Le périoste est ensuite incisé sur
sont détachés de leurs insertions scapulaires. La scapula est abaissée toute la hauteur de la scapula, 10 mm en dehors du bord spinal.
puis maintenue, soit par un fil fixé sur une côte, soit par un fil L’ostéotomie verticale est réalisée, puis le fragment latéral est
transcutané fixé secondairement à un corset plâtré et gardé pendant basculé et abaissé, permettant une réorientation de la scapula. L’os
une durée de 5 à 6 semaines. Les rhomboïdes sont refixés à la partie omovertébral est réséqué, les bandes fibreuses sectionnées. Le pôle
supérieure de la scapula, l’angulaire allongé en « Z » (fig 5B). Le supéromédial du fragment médial est lui aussi réséqué. Ce procédé
trapèze est réinséré plus en dehors sur l’épine de la scapula. Le bord améliore la fonction de l’épaule et l’aspect esthétique.
supérieur du grand dorsal est fixé au bord inférieur du trapèze.
3
44-245 Surélévation congénitale de la scapula Techniques chirurgicales
*
B
*
A
*
D
4 Surélévation congénitale de la scapula bilatérale chez un garçon de 7 ans. Présence d’un os omovertébral à gauche.
Vue radiographique de face (A) et image scanner avec reconstruction 3D (B). Intervention de Woodward associée à une
résection de l’angle de la scapula à droite et résection simple de l’os omovertébral à gauche : aspect clinique (C) et radio-
graphique (D) postopératoire.
*
C
emporte la partie médiale de l’épine, le bord spinal jusqu’à l’angle Les muscles sont ensuite refixés les uns aux autres, permettant une
inférieur. C’est la résection de la partie la plus basse de la scapula reconstruction sous-périostée de la partie médiale de la scapula. La
qui permet de rétablir un mouvement d’élévation-abduction rééducation est débutée dès le lendemain de l’intervention et
d’amplitude suffisante. poursuivie 6 semaines.
4
Techniques chirurgicales Surélévation congénitale de la scapula 44-245
5 Intervention de Green.
A. Désinsertion du trapèze de ses attaches scapulaires et
claviculaires. En pointillé, trajet des incisions pour allon-
ger la terminaison de l’élévateur de la scapula et libérer le
bord médial de la scapula. 1. Muscle trapèze ; 2. m. petit
rhomboïde ; 3. m. grand rhomboïde ; 4. m. élévateur de la
scapula ; 6. m. supraépineux ; 7. m. infraépineux ; 14. os
osmovertébral.
B. Schéma après abaissement, résection de la partie in-
terne de la fosse supraépineuse, ablation de l’os omoverté-
bral, allongement en L de l’élévateur de la scapula (4),
réinsertion haute des rhomboïdes et fixation de la pointe
de la scapula.
*
A
*
B
Figures 7, 8 et références ➤
5
44-245 Surélévation congénitale de la scapula Techniques chirurgicales
7 Surélévation congénitale de
la scapula droite avec malforma-
tions vertébrales et costales. As-
pect clinique (A) et radiogra-
phique (B) à l’âge de 3 ans. Trai-
tement par résection simple de
l’angle supéromédial de la sca-
pula à l’âge de 4 ans 6 mois. As-
pect clinique (C) et radiographi-
que (D) à l’âge de 6 ans.
*
B
*
A
*
D
*
C
6
Techniques chirurgicales Surélévation congénitale de la scapula 44-245
*
B
*
A
*
C
*
D
Références
[1] Bellemans M, Lamoureux J. Results of surgical treatment of [3] Green WT. The surgical correction of congenital elevation [6] Rigault P, Pouliquen JC, Guyonvarch G, Zujovic J. Suréléva-
Sprengel deformity by a modified Green’s procedure. of the scapula (Sprengel’s deformity). In Proceedings of the tion congénitale de l’omoplate chez l’enfant. Étude
J Pediatr Orthop B 1999 ; 8 : 194-196 American Orthopaedic Association. J Bone Joint Surg Am anatomo-pathologique et thérapeutique à propos de
1957 ; 39 : 1439 27 observations. Rev Chir Orthop 1976 ; 62 : 5-26
[4] Leibovic SJ, Ehrlich MG, Zaleske DJ. Sprengel deformity.
[7] Tachdjian MO. Pediatric orthopaedics. Philadelphia : WB
[2] Carson WG, Lovell WW, Whitesides TE Jr. Congenital J Bone Joint Surg Am 1990 ; 72 : 192-197
Saunders, 1990
elevation of the scapula. Surgical correction by the [5] Mears DC. Partial resection of the scapula and a release of
Woodward procedure. J Bone Joint Surg Am 1981 ; 63 : the long head of triceps for the management of Sprengel’s [8] Wilkinson JA, Campbell D. Scapular osteotomy for Spren-
1199-1207 deformity. J Pediatr Orthop 2001 ; 21 : 242-245 gel’s shoulder. J Bone Joint Surg Br 1980 ; 62 : 486-490
7
44-250
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-250
Résumé. – Ce travail présente les principales bases anatomiques nécessaires à la réalisation des voies
d’abord chirurgicales de l’articulation scapulohumérale. Il décrit successivement l’anatomie des plans
superficiels, l’anatomie des muscles et les conséquences pratiques de la présence des structures fibreuses au
sein du muscle deltoïde et de la coiffe des rotateurs, l’anatomie des plans de glissement, l’anatomie vasculaire
et l’anatomie chirurgicale des nerfs axillaire, musculocutané et suprascapulaire.
Les principes de l’installation du patient, ainsi que de l’anesthésie sont exposés.
Les principales voies d’abord sont décrites. Les voies longitudinales ont pour caractéristiques de ne pas
interrompre la continuité du muscle deltoïde. Elles incluent la voie deltopectorale, la voie deltopectorale
élargie, les voies antérosupérieures et les voies postérieures. Les autres voies sont décrites : voie de Martini,
voie inférieure (axillaire) et voies transacromiales.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction À l’épaule, les lignes de tension cutanée n’ont pas d’axe défini, elles
sont organisées de façon radiaire, ce qui explique, surtout dans la
Le choix d’une voie d’abord est toujours un compromis entre un voie d’abord deltopectorale, les risques de cicatrices inesthétiques.
objectif chirurgical et un risque fonctionnel lié aux conséquences L’innervation de ces plans superficiels provient de branches du
anatomiques de la voie d’abord. Cela est particulièrement vrai en ce plexus cervical et du rameau cutané du nerf axillaire, qui se
qui concerne l’épaule où les parties molles ont une grande distribuent d’arrière en avant.
importance. Si la voie deltopectorale reste une voie d’abord majeure
de l’épaule, l’époque de son utilisation quasi exclusive est PLAN MUSCULAIRE SUPERFICIEL (fig 1)
maintenant révolue. Le développement de la chirurgie de l’épaule
Il est constitué en haut par le trapèze et en bas, par les muscles
et sa diversification nécessitent aujourd’hui la maîtrise de plusieurs
deltoïde et grand pectoral. Ces muscles sont insérés sur la ceinture
voies d’abord afin de réaliser les interventions dans les meilleures
scapulaire (avec d’arrière en avant l’épine de la scapula, l’acromion
conditions d’exposition possibles.
et la clavicule). En regard de l’articulation acromioclaviculaire, les
insertions du trapèze et du deltoïde se font en partie sur l’appareil
capsuloligamentaire, ce qui peut donner l’impression d’une
Anatomie chirurgicale continuité entre ces deux muscles de part et d’autre de la clavicule,
alors que la notion de chape deltotrapézienne n’a pas de réalité
Les différents plans anatomiques rencontrés lors de l’abord anatomique.
chirurgical de l’épaule ont été décrits par Cooper [3].
Le deltoïde compte trois chefs. Un chef antérieur inséré, sans tendon,
sur le tiers externe du bord antérieur de la clavicule, un chef moyen,
PLAN SUPERFICIEL de structure multipennée qui s’insère sur le bord latéral de
l’acromion par une lame tendineuse et un chef postérieur, inséré
Les tissus cutané et sous-cutané de l’épaule sont richement
directement et sans tendon sur toute l’étendue de l’épine de la
vascularisés par des branches superficielles de l’artère
scapula.
thoracoacromiale et de l’artère circonflexe postérieure. Les
décollements cutanés larges sont donc possibles dans cette région Seul le chef moyen s’insère donc par l’intermédiaire d’un relais
sans danger de nécrose. Ce décollement est toujours utile, il facilite tendineux. Dans la majorité des cas, le chef moyen est séparé du
l’abord et permet surtout de choisir facilement la zone de traversée chef antérieur par une courte ligne de tissu graisseux qui va donner
du deltoïde. la clé de la zone de clivage du muscle lors de la voie supérieure.
L’importance fonctionnelle du deltoïde et surtout de son chef
moyen [6] doit être toujours présente à l’esprit. Il faut privilégier
autant que possible les voies d’abord les moins agressives pour ce
Olivier Gagey : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service d’orthopédie-traumatologie, hôpital muscle.
de Bicêtre, université Paris-Sud, 78, avenue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France.
Philippe Boisrenoult : Praticien hospitalier, service d’orthopédie-traumatologie, centre hospitalier de
Deltoïde et grand pectoral forment un plan de couverture continu.
Versailles, 177, avenue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France. Le sillon deltopectoral est pratiquement virtuel, sauf au voisinage
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gagey O et Boisrenoult P. Voies d’abord de l’épaule. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales -
Orthopédie-Traumatologie, 44-250, 2002, 12 p.
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
*
A
*
B PLAN DE LA COIFFE DES ROTATEURS (fig 3)
L’articulation scapulohumérale proprement dite est recouverte par
1 A. Plan musculaire superficiel, en vue antérieure. En abduction, la veine céphali-
le plan de la coiffe des rotateurs. En avant, les muscles supraépineux
que se démasque, son repérage est plus facile. 1. Clavicule ; 2. acromion ; 3. veine
céphalique ; 4. muscle deltoïde. 5. muscle grand pectoral. et subscapulaire sont séparés l’un de l’autre par le foramen de
B. Plan musculaire superficiel, vue postérieure. 1. Muscle trapèze. 2. acromion ; 3. Weitbrecht (intervalle des rotateurs des auteurs américains). À ce
muscle deltoïde ; 4. muscle infraépineux ; 5. muscle petit rond ; 6. muscle grand niveau, il n’y a pas de capsule articulaire ni de ligament. La cavité
rond. articulaire est fermée par un opercule synovial. La partie supérieure
du tendon du subscapulaire, très puissante, a une insertion au
de la clavicule où il est marqué constamment par un triangle sommet de la grosse tubérosité complètement individualisée par
graisseux. La veine céphalique suit le sillon sur toute sa longueur. rapport à l’insertion du supraépineux, elle aussi plus épaisse, qui
Elle peut être apparente à la surface du sillon, ou complètement est située sur le versant opposé du sillon intertubérositaire. La
enfouie, ce qui rend alors le repérage du sillon laborieux. Dans le proximité du tendon de la longue portion du muscle biceps brachial,
sillon, l’essentiel des collatérales de la veine provient du muscle du ligament coracohuméral et du ligament glénohuméral supérieur
deltoïde [8], ce qui justifie de récliner la veine en dehors dans l’abord rend cette zone fibreuse très particulière. Nous avons proposé de
deltopectoral. l’appeler le verrou fibreux antérosupérieur de la coiffe [5] (fig 4).
L’anatomie de la jonction entre les muscles infra- et supraépineux a
été étudiée par Minagawa [15]. Les fibres communes aux deux
PLAN DE GLISSEMENT (fig 2) tendons sont beaucoup moins importantes qu’on ne le croit
Sous le plan de couverture musculaire superficiel se trouve un vaste habituellement et les tendons sont séparables l’un de l’autre jusqu’à
espace de glissement qui constitue la « cinquième articulation » de 10 mm environ de leur insertion sur le tubercule majeur.
l’épaule décrite par de Sèze. La bourse séreuse sous-deltoïdienne en L’ouverture de la coiffe peut se faire par ténotomie, ostéotomie
est la pièce maîtresse. Il s’agit d’une poche séreuse autonome, tubérositaire ou incision longitudinale.
2
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
5 Anatomie du nerf
suprascapulaire.
1 A. Vue supérieure de
1
2 la scapula. 1. Nerf
suprascapulaire.
B. Vue postérieure. 1.
5 Nerf suprascapulaire.
3
4
*
A
1
3 Vue antérieure de la coiffe des rotateurs. L’acromion et le processus coracoïde ont
été sectionnés. L’intervalle des rotateurs est bien visible. On voit également le tendon
antérieur du supraépineux et le tendon supérieur du subscapulaire. 1. Acromion ; 2.
supraépineux ; 3. capsule articulaire (intervalle des rotateurs) ; 4. subscapulaire ; 5.
processus coracoïde.
3
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
RAPPORTS VASCULAIRES
6 Trajet du nerf axil-
laire. Le nerf axillaire Il n’y a pas de réel danger vasculaire lors des voies d’abord de
passe sous le bord infé- l’épaule. L’artère axillaire et les éléments principaux du plexus
rieur du muscle subscapu- brachial sont situés en arrière du petit pectoral et du tendon distal
laire à 15 mm minimum du grand pectoral. Plusieurs branches vasculaires peuvent
de l’insertion humérale du cependant être gênantes et doivent être connues. Ce sont, sous
muscle quelle que soit la l’acromion et l’articulation acromioclaviculaire, la branche acromiale
position de l’épaule. 1.
Nerf axillaire ; 2. nerf ra- de l’artère thoracoacromiale et, au bord inférieur du subscapulaire,
dial. les branches de l’artère circonflexe antérieure.
Installation
1 Un critère commun à toutes les installations est de laisser la
possibilité d’utiliser la grande mobilité de l’épaule pour exposer au
15mm mieux toutes les structures anatomiques. La totalité du membre
supérieur et du moignon de l’épaule doit donc être
systématiquement incluse dans le champ opératoire.
2
REPÉRAGE
Le repérage de l’acromion, de la clavicule et du processus coracoïde
permettent de tracer aisément les incisions chirurgicales. Cependant,
en raison de la grande mobilité de la peau par rapport aux plans
profonds, les repères peuvent se trouver modifiés par l’installation
des champs. Il faut, par conséquent, toujours vérifier ces repères
avant l’incision cutanée.
7 Position du nerf axillaire en regard de
l’extrémité supérieure de l’humérus. Le
nerf est toujours en dessous de la convexité DÉCUBITUS DORSAL
de l’extrémité supérieure. 1. Nerf axillaire.
Le patient est installé en décubitus dorsal avec un coussin sous le
bord spinal qui permet de stabiliser la scapula. Le bras repose le
long du corps sur une gouttière ou sur une table à bras. La tête est
légèrement tournée du côté opposé et fixée. La préparation cutanée
1 inclut tout le membre supérieur et le moignon de l’épaule, ainsi que
la région cervicale adjacente.
4
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
*
A *
B
la paroi abdominale ne doit pas être comprimée, il faut enfin Après ouverture du tissu sous-cutané, ce dernier doit être décollé
s’assurer de la liberté des globes oculaires (intérêt de la têtière). de principe afin de pouvoir repérer soigneusement la veine
L’épaule et le membre supérieur doivent être inclus dans le champ céphalique, élément clef de la traversée du sillon deltopectoral. La
opératoire. veine est le plus souvent facile à localiser si la recherche est faite,
l’épaule étant en abduction. Lorsque le repérage est difficile (veine
incluse dans le sillon), un décollement cutané vers le haut permet
Anesthésie de repérer de façon constante, en haut et en dedans du processus
coracoïde, un triangle graisseux situé à la jonction entre le chef
L’anesthésie générale avec intubation et curarisation (d’autant plus antérieur du muscle deltoïde et le grand pectoral. Ce triangle
nécessaire que le patient est musclé) reste une des méthodes de base. graisseux correspond à la partie toute supérieure du sillon
L’anesthésie locorégionale par bloc interscalénique, isolé ou associé deltopectoral. On peut également repérer la veine céphalique à la
à une légère anesthésie générale de confort, est une méthode partie basse de la voie d’abord où elle est presque toujours
intéressante. Elle assure en effet au minimum 8 heures d’analgésie superficielle (fig 9).
postopératoire complète. Ce type d’anesthésie s’applique surtout L’ouverture du sillon se fait sans difficulté après avoir récliné la
aux abords deltopectoral et externe. L’absence d’anesthésie du veine en dehors. Après mise en place de deux écarteurs de Farabeuf
plexus cervical superficiel fait que le bloc interscalénique ne peut dans le sillon deltopectoral, le tendon conjoint du muscle
pas être utilisé seul dans les abords postérieurs. Ce type d’anesthésie coracobrachial apparaît. La dissection doit se poursuivre au bord
possède ses inconvénients propres (lésions nerveuses par ponction latéral de ce tendon, pour éviter le nerf musculocutané qui aborde
directe) qui ne doivent pas être méconnus même s’ils sont rares. le muscle à son bord médial. L’aide porte le bras en abduction ce
qui détend le muscle deltoïde. L’opérateur doit alors effondrer
complètement la bourse sous-deltoïdienne et tout le plan conjonctif.
Voies longitudinales et leurs L’espace entre tendon conjoint et subscapulaire est également libéré
au doigt. Les écarteurs sont remplacés par un écarteur autostatique
extensions glissé sous le muscle deltoïde et sous le tendon conjoint.
Nous appelons voies longitudinales les voies parallèles aux fibres Si l’exposition n’est pas suffisante, la pointe du processus coracoïde
du deltoïde et qui ne comportent pas de désinsertion importante. ou la partie latérale du tendon conjoint peuvent être sectionnées
avant la mise en place de l’écarteur.
Le repérage du tendon du muscle subscapulaire est facile à la partie
VOIE DELTOPECTORALE supérieure du tendon. À la partie inférieure du muscle, son
La qualité de l’exposition obtenue par cette voie d’abord est isolement est plus difficile, en raison de la présence de nombreuses
extrêmement variable et d’autant plus limitée que le patient est gros branches collatérales de l’artère circonflexe antérieure, dont
et musclé. l’hémostase doit être réalisée pas à pas si l’on doit réaliser une
Le patient est installé soit en décubitus dorsal soit en position semi- désinsertion complète du muscle.
assise. Le membre supérieur doit être entièrement en dehors de la L’arthrotomie se fait dans la majorité des cas par une section du
table afin de pouvoir améliorer l’exposition de la tête humérale par tendon du muscle subscapulaire.
un mouvement de rétropulsion. Selon les besoins, cette section peut être complète, partielle, en L ou
Le dessin de la voie d’abord s’étend classiquement du relief du être remplacée par une discision longitudinale dans l’axe des fibres
processus coracoïde au « V » deltoïdien. La possibilité d’effectuer des musculaires (fig 10). Il existe un plan de clivage entre le corps
décollements cutanés sans risque de nécrose permet de réaliser des musculaire et la capsule sous-jacente, mais la partie distale du
variantes de l’incision, notamment en décalant la cicatrice en dedans tendon adhère à la capsule articulaire. Pour trouver facilement le
et en la raccourcissant (cicatrices dites esthétiques, se projetant sous plan de clivage, l’incision du tendon du muscle subscapulaire doit
la bretelle du soutien-gorge chez la femme). Le patient doit toujours donc se faire à proximité de la jonction musculotendineuse. La
être prévenu du risque important de cicatrices élargies ou chéloïdes section progressive et prudente du tendon au bistouri électrique va
secondaires à cette voie d’abord (fig 8). permettre de trouver le plan de clivage et de récliner le muscle après
5
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
1
3
*
A
*
B
*
B
*
A *
C
10 Incision du muscle subscapulaire. Le tendon du muscle et la capsule sont adhérents au voisinage de l’insertion humérale. Le clivage entre muscle et capsule est plus facile s’il
est fait suffisamment en dedans au voisinage de la jonction tendinomusculaire. 1. Capsule articulaire ; 2. muscle subscapulaire.
l’avoir repéré par un fil. Le plan de clivage est parfois délicat à Lecène »). Une exposition complète de l’extrémité supérieure de
repérer, dans ce cas, il faut savoir que sa mise en évidence est plus l’humérus (tête et tiers proximal) peut être obtenue en relevant
facile au tiers inférieur du muscle où il n’y a pas de tendon totalement la masse du deltoïde : c’est la voie de Martini décrite plus
d’insertion. À ce niveau, il n’y a pas d’adhérence entre capsule et loin. Il faut avoir prévu l’extension car le patient doit, pour cette
muscle. voie d’abord, être installé en décubitus dorsal.
La fermeture comporte uniquement la réinsertion du muscle
subscapulaire. Elle doit être très soigneuse, compte tenu de La désinsertion du chef claviculaire du deltoïde donne une
l’importance fonctionnelle de ce muscle. exposition très large, mais n’est pas dénuée de risque pour le muscle
L’extension de la voie deltopectorale peut se faire de plusieurs et, par conséquent, pour la fonction de l’épaule. L’absence de tendon
manières. La section partielle ou complète du tendon distal du grand d’insertion à ce niveau rend la réinsertion du deltoïde sur la
pectoral permet d’agrandir la voie vers le bas en réalisant, au besoin, clavicule aléatoire, et le sacrifice de la branche deltoïdienne de
une voie antéroexterne classique de l’humérus. Un jour plus l’artère thoracoacromiale, associé à la suppression de la
important sur l’extrémité supérieure de l’humérus peut être vascularisation d’origine osseuse, peut compromettre la
également obtenu en réalisant une section de la partie antérieure de vascularisation du muscle. Nous n’utilisons pratiquement jamais ce
l’insertion distale du deltoïde (débridement dit en « hameçon de type d’extension.
6
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
1 2
*
B *
C
*
A
VOIE SUPÉRIEURE OU VOIE ANTÉROEXTERNE (VOIE Pour la fermeture, le deltoïde est réinséré en transosseux sur
DE NEER MODIFIÉE) [16] l’acromion et les deux chefs suturés à la partie distale de l’incision.
Il s’agit normalement d’une voie d’abord de la face superficielle de Pour favoriser la cicatrisation du deltoïde, le patient est laissé
la coiffe des rotateurs et non d’une voie de l’articulation 21 jours en écharpe (plus en cas de réparation de la coiffe). La
scapulohumérale. L’articulation est cependant accessible soit en cas rééducation passive est entreprise précocement.
de fracture céphalotubérositaire, soit moyennant une désinsertion
Plusieurs variantes de cette voie ont été décrites pour réaliser l’abord
des muscles de la coiffe (supraépineux ou subscapulaires), nous les
de l’articulation. Copeland sectionne le muscle subscapulaire [11],
envisageons à la fin de ce paragraphe.
Apoil aborde l’articulation en sectionnant le supraépineux.
Le patient est installé en position semi-assise. L’incision cutanée peut
être faite en épaulette ou longitudinalement, suivant la direction du
bord antérieur de l’acromion. L’incision en épaulette ne pose pas de VOIE POSTÉROEXTERNE [4]
problème d’exposition car le décollement cutané, nécessaire pour Le patient est installé en décubitus latéral. L’incision cutanée suit
exposer le muscle deltoïde, est sans danger. L’incision longitudinale l’épine de la scapula et le bord postérieur de l’acromion pour se
suit l’axe des fibres du deltoïde et reste en regard de la convexité de prolonger au-delà de l’angle postéroexterne de l’acromion, le long
l’extrémité supérieure de l’humérus. Le muscle deltoïde est de l’axe des fibres du deltoïde sur 4 à 5 cm. Le décollement cutané
désinséré du bord antérieur de l’acromion, en prélevant un petit permet de confirmer le repérage de l’acromion et de l’épine de la
lambeau périosté qui renforce la réinsertion finale (fig 11). Ce scapula (fig 12).
lambeau a été utilisé après que quatre lâchages de sutures ont été
constatés sur des voies faites par désinsertion simple avec des Le premier temps est la désinsertion du deltoïde du bord postérieur
conséquences fonctionnelles importantes [10, 18] . Cet artifice du de l’acromion. À ce niveau, le deltoïde est toujours à distance des
lambeau périosté a été utilisé à plus de 200 reprises dans notre rotateurs externes. La pointe d’une paire de ciseau fin (type
expérience, sans aucun problème de cicatrisation du muscle. La Metzenbaum) peut être glissée entre deltoïde postérieur et muscle
section de l’insertion acromiale du ligament coracoacromial fait infraépineux. Le deltoïde postérieur est alors désinséré en sous-
partie de l’incision et se fait en même temps que la désinsertion du périosté des deux tiers distaux de l’épine de la scapula. Les ciseaux
deltoïde. permettent d’éviter de léser le muscle infraépineux lors de la
désinsertion du deltoïde.
En partant de l’angle antérieur de l’acromion, l’incision musculaire
est prolongée vers le bas en suivant l’axe des fibres du muscle. Le L’incision deltoïdienne est prolongée distalement dans l’axe du bord
décollement cutané permet de trouver, dans la plupart des cas à ce postérieur de l’acromion en restant, comme dans la voie supérieure,
niveau, un petit sillon graisseux situé en regard de l’angle antérieur en regard de la convexité de la tête humérale. L’incision du muscle
de l’acromion qui indique le passage entre les deux faisceaux du entre ses chefs moyen et postérieur se fait en partant de l’angle
muscle. À ce niveau, il existe dans la profondeur du muscle une postérieur de l’acromion. À ce niveau existe aussi une bandelette
bandelette fibreuse qui facilite la fermeture. L’incision du deltoïde fibreuse profonde qui facilite la réparation.
peut être poursuivie tant que l’on se trouve en regard de la convexité La bourse séreuse sous-deltoïdienne et le plan conjonctif postérieur
de l’extrémité supérieure de l’humérus. Ce repère est plus fiable sont alors effondrés, cela permet d’exposer le plan des muscles
qu’une indication de longueur fixe qui n’est pas toujours en rapport rotateurs externes et de glisser un écarteur contre-coudé entre le
avec la taille du sujet. deltoïde et le sommet de la tête humérale.
Il faut ouvrir le feuillet superficiel de la bourse et pratiquer au Le bord inférieur du muscle teres minor et le bord supérieur du
besoin une libération complète de cette dernière. Cela permet muscle infraépineux doivent alors être repérés. L’intervalle entre
d’écarter le deltoïde en avant au moyen d’un écarteur contre-coudé, muscles infraépineux et supraépineux peut être disséqué ; le tendon
placé sur le bord supérieur du processus coracoïde. commun distal est incisé pour libérer complètement le bord
7
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
*
B
*
A
12 Voie postéroexterne.
A. Trajet de l’incision cutanée un peu décalé en dessous de l’épine de la scapula.
B. Désinsertion du deltoïde en sous-périosté de l’épine et du bord postérieur de l’acro-
mion. Distalement, on passe entre les fibres du deltoïde. 1. Muscle deltoïde.
C. Ostéotome de l’insertion des muscles infraépineux et petit rond. 1. Muscle infra-
épineux.
*
C
supérieur de l’infraépineux. Une dissection prudente, restant un petit coussin limitant la rotation interne peut être nécessaire si la
strictement le long de l’insertion humérale du muscle teres minor, réparation s’est faite sous tension. Lors de la rééducation, l’épaule
évite le risque de lésion du nerf axillaire. On peut soulever le est mobilisée en élévation passive et en rotation externe, la
deltoïde (le nerf axillaire vient avec le muscle) pour faciliter le rééducation en rotation interne étant interdite durant 5 semaines.
repérage de la partie inférieure du muscle teres minor.
La limite de l’insertion des deux muscles est repérée soigneusement VOIE POSTÉRIEURE SOUS-DELTOÏDIENNE
le long de la tête humérale. On procède alors à une ostéotomie de Cette voie d’abord donne un jour un peu limité sur l’épaule, elle a
l’insertion humérale des muscles infraépineux et teres minor. l’immense avantage d’être totalement anatomique : le seul élément
L’objectif n’est pas de relever un volumineux fragment osseux, mais sectionné est en effet la peau.
d’obtenir simplement des pastilles osseuses connectées aux fibres L’installation est identique à la voie postéroexterne et se fait en
d’insertion (fig 13). Les deux muscles peuvent alors être soulevés et décubitus latéral. L’incision cutanée suit le bord de l’épine de la
réclinés, la capsule postérieure vient le plus souvent avec l’insertion scapula et le bord postérieur de l’acromion à 3 cm en dessous des
des muscles. On obtient un jour excellent sur la cavité glénoïde. reliefs osseux. Après incision de la peau et du tissu sous-cutané, on
L’exposition de la tête humérale requiert une capsulotomie réalise un décollement vers le bas qui permet d’exposer la gaine du
circonférentielle complète. muscle deltoïde (fig 14). Le bord inférieur du deltoïde n’est repérable
La réinsertion des muscles rotateurs externes s’effectue par des qu’après ouverture de la gaine qui se poursuit vers le bas avec celle
points transosseux avec des fils non résorbables. La réinsertion du du muscle infraépineux. L’ouverture de la gaine du deltoïde doit se
deltoïde se fait également en transosseux, directement sur l’acromion faire sur toute la longueur de l’incision, elle va permettre de relever
et après réalisation de trous à la mèche ou à la pointe carrée sur le muscle. Le membre supérieur est porté en abduction pour
l’épine de la scapula. Le patient est immobilisé pendant 5 semaines, détendre le muscle deltoïde. L’effondrement du plan de glissement
8
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
14 Voie postérieure.
2 A. Incision cutanée à mi-distance entre l’épine et le bord
1 inférieur du deltoïde postérieur.
B. Repérage du deltoïde postérieur, le muscle est récliné
vers le haut sans désinsertion, repérage de l’interstice en-
tre infraépineux et teres minor. 1. Muscle infraépineux ;
2. muscle deltoïde ; 3. muscle petit rond.
*
B
*
A
9
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
VOIES TRANSACROMIALES
*
A
*
B
*
C
17 Voie axillaire.
A. Incision cutanée.
B. Repérage des plans sous-cutanés.
C. Dissection du paquet vasculonerveux axillaire. 1. Pa-
quet vasculonerveux axillaire.
D. Exposition et incision du muscle subscapulaire. 1.
Muscle subscapulaire.
E. Incision capsulaire. 1. Capsule.
*
D *
E
10
Techniques chirurgicales Voies d’abord de l’épaule 44-250
*
A
4
*
B *
C
18 Voie transacromiale.
A. Incision cutanée.
B. Préparation de l’acromion avant l’ostéotomie. 1. Acro-
mion ; 2. muscle trapèze ; 3. clavicule ; 4. muscle del-
toïde.
C. Ostéotomie de l’acromion.
D. Écartement de l’acromion et ouverture de la bourse sé-
reuse. 1. Bourse séreuse.
E. Découverte de la coiffe des rotateurs. 1. Coiffe des ro-
tateurs.
*
D *
E
L’installation s’effectue soit en décubitus ventral, le membre postérieur de l’acromion. Les fibres acromiales et spinales externes
supérieur hors de la table, soit en décubitus latéral, ou le plus du trapèze sont sectionnées à un travers de doigt de leur insertion
souvent en position semi-assise. osseuse et les fibres du deltoïde dissociées sur deux travers de doigt,
L’incision cutanée suit le bord supérieur de l’épine de la scapula, à le tracé est marqué au bistouri électrique : oblique en arrière pour
1,5 cm environ sur 3-4 cm, puis se recourbe en arrière et en dehors qu’il se termine à un travers de doigt de l’angle postérieur de
sur l’acromion pour se diriger 1 cm en avant de son angle l’acromion. Les deux lambeaux périostés sont relevés. Deux trous
postéroexterne et se terminer sur le relief du deltoïde sur environ sont pratiqués à la mèche fine de part et d’autre du tracé à 4 mm
3 cm. Elle peut être prolongée au bord spinal de la scapula (fig 18). pour permettre la réinsertion transosseuse. L’ostéotomie est faite à
L’ostéotomie acromiale suit la même direction légèrement oblique la scie oscillante. Un surtout fibreux épais double parfois la face
en arrière et en dehors, à l’union des deux tiers antérieurs et du tiers inférieure de l’acromion et doit être sectionné. Un écarteur
11
44-250 Voies d’abord de l’épaule Techniques chirurgicales
Références
[1] Bailie DS, Moseley B, Lowe WR. Surgical anatomy of the [8] Hue E, Gagey OJ, Mestdagh H, Fontaine C, Drizenko A, [14] Mazas F, de La Caffinière JY. Une prothèse totale d’épaule
posterior shoulder: effects of arm position and anterior- Maynou C. The blood supply of the deltoid muscle. Appli- non rétentive. À propos de 38 cas. Rev Chir Orthop 1982 ;
inferior capsular shift. J Shoulder Elbow Surg 1999 ; 8 : cation to the deltoid flap technique. Surg Radiol Anat 1998 ; 68 : 161-170
307-313 20 : 161-165
[15] Minagawa H, Itoi E, Konno N, Kido T, Sano A, Urayama M
[2] Bono CM, Grossman MG, Hochwald N, Tornetta P 3rd. [9] Kontakis GM, Steriopoulos K, Damilakis J, Michalodimitra- et al. Humeral attachment of the supraspinatus and
Radial and axillary nerves. Anatomic considerations for kis E. The position of the axillary nerve in the deltoid muscle. infraspinatus tendons: an anatomic study. Arthroscopy
humeral fixation. Clin Orthop 2000 ; 373 : 259-264 A cadaveric study. Acta Orthop Scand 1999 ; 70 : 9-11 1998 ; 14 : 302-306
[3] Cooper DE, O’Brien SJ, Warren RF. Supporting layers of the
glenohumeral joint. An anatomic study. Clin Orthop 1993 ; [10] Kumar V, Satku K, Liu J, Shen Y. The anatomy of the anterior [16] Neer CS. Anterior acromioplasty for chronic impingement
289 : 144-155 origin of the deltoid. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 680-683 syndrome in the shoulder. A preliminary report. J Bone Joint
Surg Am 1972 ; 54 : 41-49
[4] Gagey O, Spraul JM, Vinh TS. Posterolateral approach of [11] Levy O, Copeland SA. Cementless surface replacement
the shoulder : assessment of 50 cases. J Shoulder Elbow Surg arthroplasty of the shoulder. 5- to 10- year results with the [17] Patte D, Debeyre J. Essai comparatif de deux séries de rup-
2001 ; 10 : 47-51 Copeland mark-2 prosthesis. J Bone Joint Surg Br 2001 ; 83 : tures de coiffe opérées et non opérées. Rev Chir Orthop
213-221 1988 ; 74 : 327-328
[5] Gagey OJ, Arkache J, Welby F. Le squelette fibreux de la
coiffe des rotateurs. La notion de verrou fibreux. Rev Chir [12] Lin J, Hou SM, Inoue N, Chao EY, Hang YS. Anatomic con- [18] Sher JS, Iannotti JP, Warner JP, Groff Y, Williame GR. Surgi-
Orthop 1993 ; 79 : 452-455 siderations of locked humeral nailing. Clin Orthop 1999 ; cal treatment of postoperative deltoid origine disruption.
[6] Gagey OJ, Hue E. Mechanics of the deltoideus, a new 368 : 247-254 Clin Orthop 1997 ; 343 : 93-98
approach. Clin Orthop 2000 ; 375 : 250-257 [13] Martini M. La voie d’abord sous-deltoïdienne de l’extré- [19] Turkel SJ, Panio IM, Marshall JL, Girgis RG. Stabilizing
[7] Grammont PM, Baulot E. Delta shoulder prosthesis for mité supérieure de l’humérus. Rev Chir Orthop 1981 ; 67 : mechanisms preventing anterior dislocation of the gleno-
rotator cuff rupture. Orthopedics 1993 ; 16 : 65-68 631-633 humeral joint. J Bone Joint Surg Am 1981 ; 63 : 1208-1217
12
44-241 TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE Techniques chirurgicales
A B C
12 Scapulectomies élargies conservatrices. Possibilités de réparation. B. Après scapulectomie partielle, reconstruction par : a. plaque ; b. allogreffe ;
A. Suspension du moignon huméral au trapèze. Le deltoïde sera solidement c. péroné vascularisé (d’après O’Connor et al).
suturé au trapèze et, si possible, aux muscles thoraciques restants. C. Reconstruction par prothèse humérale (d’après O’Connor et al).
A B C
13 Scapulectomie totale élargie de Tikkor-Linberg sans reconstruction. Résultats fonctionnels.
page 8
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE 44-241
Références
[1] Beech DJ, Pollock RE. Surgical management of pri- [10] Ham SJ, Hoekstra HJ, Schraffordt P, Koops H, Eisma [18] Morse BJ, Ebraheim NA, Jackson WT. Partial
mary soft tissue sarcoma. Hematol Oncol Clin North WH, Oldhoff J. The interscapulo thoracic amputation in scapulectomy for snapping scapula syndrome. Orthop
Am 1995 ; 9 : 707-718 the treatment of malignant diseases of the upper ex- Rev 1993 ; 22 : 1141-1144
[2] Burwell HN. Resection of the shoulder with humeral tremity with a review of the literature. Eur J Surg Oncol [19] O’Connor MI, Sim FH, Chao EY. Limb salvage for neo-
suspension for sarcoma involving the scapula. J Bone 1993 ; 19 : 543-548 plasms of the shoulder girdle. J Bone Joint Surg 1996 ;
Joint Surg Br 1965 ; 47 : 300-303 [11] Kaempffe FA. Osteoid osteoma of the coracoid pro- 78 : 1872-1888
[3] Debeyre J, Kenesi C. À propos des scapulectomies to- cess. Clin Orthop 1994 ; 301 : 256-262 [20] Pack GT, Baldwin JC. The Tikkor-Linberg resection of
tales. Chirurg 1973 ; 99 : 896-897 [12] Kuhn JA, Wagman LD, Lorant JA, Grannis FW, Dunst the shoulder girdle. Case report. Surgery 1955 ; 38 :
[4] Decoulx P, Decoulx J, Duquesnoy A. Scapulo-cléido- M, Dougherty WR et al. Radical Forequarter amputa- 756-757
humérectomie conservatrice pour un ostéosarcome de tion with hemithoracectomy and free extended forearm [21] Roy Camille R, Saillant G, Hernigou P, Cisterne JP. Ré-
l’acromion. Acta Orthop Belg 1966 ; 32 : 341-344 flap. Technical and physiologic considerations. Am J section gléno-humérale en bloc pour tumeur de l’extré-
[5] Dupont R, Evrard H. Sur une voie d’accès postérieure Surg Oncol 1994 ; 1 : 363-369 mité supérieure de l’humérus. Rev Chir Orthop 1982 ;
de l’omoplate. J Chir 1932 ; 39 : 528-534 [13] Kumar VP, Satku SK, Mitra AK, Pho RW. Function fol- 68 : 211-214
[6] Ebraheim NA, Mekhail AO, Padanilum TG, Yeasting lowing lim salvage for primary tumors of the shoulder [22] Tubiana R, McCullough CJ, Masquelet A. Voies
RA. Anatomic considerations for a modified posterior girdle. 10 patients followed 1 to 10 years. Acta Orthop d’abord chirurgicales du membre supérieur. Paris :
approach to the scapula. Clin Orthop 1997 ; 334 : Scand 1994 ; 65 : 55-61 Masson, 1992 : 1-355
136-143 [14] Linberg BE. Inter scapulo thoracic resection for mali- [23] Volpe CM, Pell M, Doerr RJ, Karakousis CP. Radical
[7] Francis KC, Worcester JN. Radical resection for tumor gnant tumors of the shoulder joint region. J Bone Joint scapulectomy with limb salvage for shoulder girdle soft
of the shoulder with preservation of a functional ex- Surg 1928 ; 10 : 344-349 tissue sarcoma. Surg Oncol 1996 ; 5 : 43-48
tremity. J Bone Joint Surg Am 1962 ; 44 : 1423-1430 [15] Mac Farlane DA. Radical surgery for malignant lesions [24] Ye Q, Zhao H, Shen J. Modified in bloc resection pro-
[8] Frassica FJ, Sim FH, Chao EY. Primary malignant of the shoulder with upper limb preservation. Bull Soc cedure for malignant tumor of the shoulder girdle. Acta
bone tumors of the shoulder girdle : surgical technique Int Chir 1971 ; 1 : 23-30 Acad Med Sin 1994 ; 16 : 378-382
of resection on reconstruction. Am Surg 1987 ; 53 : [16] Malawer MM. Tumors of the shoulder girdle. Technique [25] Zachary LS, Gottlieb LJ, Simon M, Ferguson MK, Cal-
264-269 of resection and description of a surgical classification. kins E. Forequarter amputation wound coverage with
[9] Grammont P. Place de l’ostéotomie de l’épine de l’omo- Orthop clin North Am 1991 ; 22 : 7-35 an ipsilateral, lymphedematous circumferential forearm
plate avec translation, rotation, élévation de l’acromion [17] Merle d’Aubigné R, Mazas F. Nouveau traité de techni- fasciocutaneous free flap in patients undergoing pallia-
dans les ruptures chroniques de la coiffe des rotateurs. que chirurgicale T VII : généralités. Membre supérieur. tive shoulder girdle tumor resection. J Reconstr Micro-
Lyon Chir 1979 ; 75 : 327-329 Paris : Masson, 1974 : surg 1993 ; 9 : 103-107
page 9
Arthroscopie de l'épaule
Arthroscopie de l'épaule
Recommander cet article
Plan
Introduction
Technique
Gestes thérapeutiques
Conclusion
Haut de page
Introduction
Cette technique bien connue au niveau du genou s'applique à présent à de nombreuses autres
articulations. Parmi celles-ci l'épaule a une place prédominante.
Aux Etats-Unis, cette technique a pris son essor au début des années 1980.
En 1987, certains auteurs comme Ellmann [7], Garstman [8] ou Johnson [10] ont rapporté les
premiers résultats des acromioplasties sous arthroscopie. Cette date correspond d'ailleurs au début
du développement de l'arthroscopie de l'épaule en France, sous l'impulsion de Dorfmann et d'autres.
C'est aussi pour nous le début de notre expérience .
Ses indications se sont étendues à presque tous les domaines de la pathologie de l'épaule qu'elle a
permis de mieux comprendre. Son champ d'application en matière de traitement s'étend de jour en
jour avec l'apparition de nouvelles techniques grandement favorisées par le perfectionnement
constant du matériel mis à disposition du chirurgien.
Intérêt diagnostique
Son intérêt diagnostique est certain : l'arthroscopie de l'épaule permet d'explorer toute l'articulation
sans aucun délabrement tissulaire, contrairement à l'exploration chirurgicale. Le deltoïde en
particulier est toujours respecté.
Cet examen ne doit être proposé qu'après des techniques non invasives et en particulier
l'échographie, l'arthrographie associée ou non à un scanner ou la résonance magnétique nucléaire. Il
Intérêt thérapeutique
La technique ayant évolué très vite, l'arthroscopie de l'épaule est devenue, comme au niveau du
genou, essentiellement un moyen thérapeutique.
Les avantages des techniques endoscopiques sont bien connus : confort accru et absence de
cicatrice pour le patient, absence d'agression des structures capsulaires et surtout musculaires
périarticulaires, diminution du risque septique et d'une façon générale de tous les risques
chirurgicaux, raccourcissement de la durée d'hospitalisation.
Certaines techniques comme l'acromioplastie sous arthroscopie ont une efficacité tout à fait
comparable à leur homologue conventionnel, « à ciel ouvert », alors que d'autres doivent encore
subir l'épreuve du temps ou s'améliorer, comme par exemple les techniques endoscopiques de
stabilisation d'une épaule instable ou encore les réparations de la coiffe des rotateurs.
Haut de page
Technique
C'est un examen qui doit se faire sous anesthésie générale ou, beaucoup plus rarement, par
anesthésie plexuelle.
L'installation se fait en décubitus latéral avec utilisation d'un dispositif de traction s'appliquant sur
l'avant-bras pour permettre d'obtenir une décoaptation de l'interligne glénohuméral et de maintenir
une abduction de 45° en général, mais pouvant être modulée (fig. 1). Une double traction pour
parfaire la décoaptation de l'interligne glénohuméral (fig. 2) peut être obtenue en ajoutant une sangle
s'appliquant sur le bras.
Certains, comme Resch [19], préfèrent installer leur patient en position assise, sans dispositif de
traction, c'est la « beach chair position ». Elle éviterait les risques d'élongation du plexus brachial, fort
rares dans notre expérience, et permet d'enchaîner immédiatement sur un geste chirurgical
conventionnel sans changer d'installation. La voie d'abord de l'endoscope est postérieure (fig. 3),
située à un travers de doigt du bord postéroexterne de l'acromion, dans le « soft point » c'est-à-dire la
dépression parfaitement perceptible au doigt correspondant à l'espace entre le sous-épineux
(infraspinatus) et le petit rond (teres minor).
L'exploration de l'articulation glénohumérale est complète et toutes les structures peuvent être
visualisées (fig. 4) :
Si nécessaire, une voie antérieure peut être installée. Elle passe entre le long biceps en haut, le sous-
scapulaire en bas et le bord antérieur de la glène en dedans (fig. 5) et se fait de dedans en dehors
par la technique du va-et-vient à l'aide d'un clou de Wissinger ou de Steinmann passé dans la canule
postérieure de l'arthroscope et appliqué sur le plan capsulaire antérieur dans le triangle repéré
préalablement. Une incision de la peau en regard sera faite sur la pointe du clou après avoir vérifié
qu'elle est située en dehors et au-dessus d'une ligne horizontale passant par l'apophyse coracoïde
pour éviter toute lésion vasculonerveuse et en particulier du nerf musculocutané (musculocutaneus).
Ces repères doivent être strictement respectés si l'on préfère mettre la canule antérieure de dehors
en dedans. Un lavage peut alors être mis en route avec du sérum physiologique adrénaliné (1 mg/l).
Haut de page
Gestes thérapeutiques
De nombreux gestes sont actuellement possibles : ablation d'un corps étranger, d'un fragment
ostéocartilagineux, lavage articulaire, synovectomie, réinsertion ligamentaire ou suture, geste
d'abrasion : ablation d'un ostéophyte ou surtout acromioplastie.
Pathologie de la synoviale
Sous arthroscopie, il est possible de faire une synovectomie, dans le cadre d'une polyarthrite
rhumatoïde ou d'une synovite villonodulaire par exemple. Le meilleur instrument pour ce faire est un
instrument motorisé (« shaver ») relié à une aspiration dont la lame rotative, de taille et de forme
variable (un grand choix est à notre disposition), saisit la synoviale et la sectionne. En fonction de
l'étendue de la synovectomie que l'on souhaite réaliser, l'utilisation alternative des 2 voies d'abord,
antérieure et postérieure, peut s'avérer nécessaire.
L'ablation de corps étrangers est aisée, dans une chondromatose synoviale par exemple.
Certaines arthrites rebelles au traitement médical peuvent aussi bénéficier d'un lavage abondant
associé ou non à une synovectomie selon l'état local, puis de la mise en place d'un système
d'irrigation-lavage.
Lésions ostéochondrales
Un fragment ostéochondral en rapport avec une ostéochondrite, une ostéonécrose ou une fracture
peut être retiré sans difficultés.
Outre la synovectomie, il est possible de faire des gestes d'abrasion d'un ostéophyte ou encore des
Instabilités de l'épaule
Comme l'ont bien rappelé Walch et Mole [23], l'instabilité de l'épaule se définit par des lésions
anatomiques dont l'arthroscopie peut au mieux préciser le type. Le plus fréquemment, il s'agit d'une
désinsertion du plan capsuloligamentaire antérieur (fig. 7) et en particulier du ligament glénohuméral
antérieur et inférieur (lésion de Bankart). Dans ces cas-là, il est techniquement possible de pratiquer
une réinsertion de ce décollement capsulaire associée à une retension en utilisant soit un système
métallique comme des agrafes (Johnson [10]) ou un rivet résorbable (Warren [24]), soit un système
de suture transosseuse comme celui de Caspari ou de Morgan [17].
Il faut bien sûr que le plan capsulaire soit de bonne qualité et qu'il n'y ait pas par ailleurs, de lésion
associée comme une fracture du bord antérieur de la glène.
Certains auteurs, comme Buss [1] ou Wheeler [25], ont proposé récemment de réparer les lésions
fraîches du complexe labroligamentaire antéro-inférieur à la suite d'une luxation antérieure de
l'épaule des sujets jeunes de moins de 20 ans, en raison du risque élevé de récidives : 55 % pour
Hovelius [9]. Cette attitude ne peut à l'heure actuelle être prônée et doit être réservée à certains
centres spécialisés afin d'en établir la légitimité.
Pour la préparation osseuse (fig. 8), nous utilisons des fraises motorisées introduites par voie
antérieure qui vont soigneusement aviver la corticale de la face antérieure du col de l'omoplate. C'est
la partie la plus laborieuse de l'intervention mais elle est indispensable pour assurer les meilleures
conditions possibles à la cicatrisation de la réinsertion.
Un contrôle de la qualité de cette abrasion est effectué en introduisant l'optique de l'arthroscope dans
la canule antérieure. Le saignement témoigne de la qualité de l'avivement osseux obtenu.
Toutes ces techniques effacent le décollement en plaquant les structures ligamentaires sur le bord
antérieur de la glène avec un moyen de fixation tels une agrafe, une vis, un rivet ou un implant
résorbable.
Cette technique est la 1re décrite et a actuellement notre préférence (fig. 9).
La canule antérieure initiale est remplacée par une canule de 9 mm. Celle-ci va permettre le passage
du porte-agrafe muni de son agrafe.
Il faut agripper le ligament glénohuméral antérieur et inférieur le plus bas possible, puis remonter le
rideau ligamentaire vers le haut et le tendre.
Les manoeuvres externes sont utiles à ce stade : la traction est doucement relâchée alors que le bras
est mis en adduction et rotation interne. Le ligament glénohuméral ainsi détendu peut être remonté le
plus haut possible. C'est ce temps de rétention, de capsulorraphie qui conditionne le succès de
l'intervention et nous paraît être assuré au mieux par cette technique.
Lorsque l'agrafe est au pied de la coracoïde, elle est impactée en prenant garde de ne pas trop
affleurer le rebord antérieur de la glène pour éviter tout conflit avec la tête humérale. L'os étant
relativement dur à ce niveau, il faut lui être perpendiculaire pour éviter de tordre l'agrafe. Une 2e
agrafe n'est que très rarement nécessaire.
Le contrôle radiographique postopératoire doit montrer une agrafe parfaitement positionnée au pied
de la coracoïde sur l'incidence de face et ne dépassant pas le bord antérieur de la glène sur le profil
glénoïdien.
Avantages :
Autres systèmes
D'autres, comme Snyder [21] utilisent un système de vis perforée avec rondelle (Dyonics®).
Warren [24] a développé un original système de rivet résorbable, le Suretac® (fig. 10). L'avantage
d'un matériau résorbable est évident mais le Suretac® nous paraît être de trop petite taille, n'offrant
pas la garantie d'une tenue suffisante.
Ses objectifs sont les mêmes que la technique de Bankart. Elle repose sur l'utilisation d'un passe-fil
astucieux (« shutt suture punch ») qui est une pince dont l'un des deux mors est creux pour permettre
le passage d'un fil de suture amené distalement par une molette au niveau de la poignée. La pince
saisit le ligament glénohuméral inférieur (LGHI) pour y placer un fil monobrin de résorption lente (fig.
11). Les brins sont sortis par la canule antérieure. Puis ils sont amenés en transosseux dans la fosse
sous-épineuse grâce à une broche munie à son extrémité d'un oeillet qui est enfoncé au moteur
d'avant en arrière sous contrôle arthroscopique. Le point d'entrée doit être affleurant à la glène, à peu
près au niveau de l'échancrure glénoïdienne. Dirigée vers l'arrière et le bas, elle doit faire issue à la
peau à la jonction des deux tiers supérieurs et du tiers inférieur de la fosse sous-épineuse, à 4-5 cm
de l'interligne glénohuméral postérieur (un viseur facilitera ce temps opératoire).
Les brins ainsi amenés en arrière seront noués l'un à l'autre sur l'aponévrose. Caspari recommande
actuellement de passer 4 à 8 fils à travers 2 tunnels.
L'avantage de cette technique est d'éviter tout matériel métallique en intra-articulaire. Par contre, la
fixation sur les masses musculaires postérieures nous semble peu sûre en raison de l'amyotrophie
inéluctable durant la période postopératoire.
Ces auteurs ont mis au point des broches qui permettent après avoir traversé le LGHI de le retendre
vers le haut puis de transfixier la glène et d'amener des fils passés dans le chas de la broche en
arrière dans la fosse sous-épineuse pour y être noués comme précédemment, pour Morgan sur
l'aponévrose, ou au contact de la corticale postérieure du col de l'omoplate pour Rose.
Cette technique est sûrement plus simple et permet l'utilisation de fils de plus gros diamètre. Par
contre, elle souffre des mêmes critiques quant à la solidité de la fixation, tout au moins dans la
technique de Morgan.
Technique Arthrex®
Elle se différencie des précédentes par l'utilisation d'un viseur (fig. 12) pour la confection des tunnels
osseux et par le nouage en avant des fils servant à la réinsertion. En effet, il faut faire de gros noeuds
sur les brins postérieurs qui ont été amenés en arrière par la broche, noeuds qui sont ensuite
ramenés sur la corticale postérieure du col de l'omoplate (fig. 13) en tirant sur les brins antérieurs, ce
qui procure un appui solide aux fils dont les brins antérieurs seront noués l'un à l'autre à travers la
canule antérieure grâce à l'utilisation d'un astucieux pousse-noeud, effaçant ainsi le décollement
capsuloligamentaire antérieur.
Cet auteur évite les tunnels transosseux en utilisant des hameçons venant se bloquer dans un
prétrou fait dans la corticale antérieure du col de l'omoplate et qui servent d'ancrage aux fils de
réinsertion noués comme précédemment en avant à travers la canule (fig. 14).
Soins postopératoires
Puis une mobilisation active est entreprise et la rotation externe est progressivement introduite. La
reprise sportive est habituellement autorisée vers le 4e mois postopératoire.
Elles ont été parfaitement décrites par Johnson [10] et Detrisac [4]. Les lésions antéro-inférieures
rentrent dans le cadre des instabilités de l'épaule, nous l'avons vu. Les lésions antérosupérieures à
type de languette peuvent être isolées et donner lieu à un tableau de dérangement interne de l'épaule
avec sensation d'accrochage, voire de blocage. Leur résection par un rongeur ou un instrument
motorisé est aisée et efficace.
L'arthroscopie a permis, par ailleurs, de décrire des lésions inconnues jusqu'alors et en particulier des
lésions du bourrelet glénoïdien dans sa partie supérieure, autour de l'insertion du long biceps,
appelées par Snyder [21] les « SLAP-lesions » (« superior-labrum-antero-posterior »). Il en a décrit 4
types.
L'arthroscopie permet des gestes de débridement voire de réinsertion de ces lésions sur le bord
supérieur de la glène.
Acromioplastie
La technique décrite par Neer [18] il y a 20 ans consiste à faire une acromioplastie c'est-à-dire un
désépaississement de l'acromion associé à une section du ligament acromiocoracoïdien, gestes
parfaitement réalisables par arthroscopie.
Elle nécessite en général 3 voies d'abord : postérieure, antéroexterne et externe (fig. 15), ou
postérieure, postéroexterne et antéroexterne, suivant les habitudes de chacun. Une instrumentation
motorisée est indispensable. Après nettoyage de la bourse, une section du LAC, qui peut être repéré
par 2 aiguilles percutanées comme le conseille Ellmann [7], est faite au bistouri électrique et
complétée par une résection au rongeur. Puis, le bord externe de l'acromion est attaqué à la fraise
sur une longueur d'environ la moitié de la longueur de l'acromion et l'on progresse de dehors en
dedans jusqu'à l'interligne acromioclaviculaire. Le désépaississement ainsi obtenu doit être de l'ordre
de 5 à 6 mm. En avant, le bord antérieur de l'acromion est entamé pour le faire reculer au niveau du
bord antérieur de l'articulation acromioclaviculaire. Le but est d'obtenir une surface plane et un
agrandissement de l'espace sous-acromial. Caspari [3] conseille de fraiser d'arrière en avant par voie
postérieure pour obtenir un acromion parfaitement plat (fig. 16). Un débridement d'une rupture de la
coiffe des rotateurs peut être associé à l'acromioplastie.
Cette technique arthroscopique, encore expérimentale, ne peut être proposée qu'à la condition que la
rupture soit distale, que la nécrose tendineuse soit modérée, et surtout que la coiffe soit mobilisable.
Il s'agit d'une technique difficile, qui n'est pas toujours possible et dont le principal défaut nous
semble être de laisser en place un matériel métallique dans un espace restreint et qui oblige dans la
moitié des cas à en pratiquer l'ablation.
Lorsque la calcification a été, au mieux, évacuée (l'évacuation n'est que rarement complète), se pose
la question d'une acromioplastie complémentaire. Nous manquons d'éléments de réponse [16]. En
pratique, c'est la chronicité des troubles et l'altération du tendon qui nous font poser ou non
l'indication d'une acromioplastie associée à l'ablation de la calcification. Mais de toute façon, l'ablation
de la calcification est impérative.
Il n'est pour l'instant pas possible techniquement de traiter endoscopiquement un long biceps rompu
ou luxé. Par contre, le moignon intra-articulaire proximal du tendon peut être la cause d'un
dérangement intra-articulaire aisément traité par sa résection.
Le débridement d'une tendinite sévère de la portion intra-articulaire est tout à fait possible et dans les
cas les plus évolués, où la coiffe des rotateurs est en règle générale rompue, une section de ce
tendon dégénératif donnera un très bon résultat antalgique aux patients [22]. Celle-ci se fera très
simplement en utilisant un ciseau introduit par la canule antérieure. Le bout distal est abandonné à lui-
même alors que le bout proximal doit être entièrement réséqué à l'aide de rongeurs ou du « shaver ».
Lorsqu'il s'agit d'une « SLAP-lesion », c'est son traitement qui prime bien entendu.
Haut de page
Conclusion
D'autres sont appelées à se perfectionner comme la chirurgie directe d'une rupture de la coiffe des
rotateurs.
L'analyse de nos premiers résultats, par la qualité des résultats obtenus, nous permet d'être confiants
en cette technique endoscopique et d'en poursuivre le développement.
Références Bibliographiques
[1] BUSS-DANIEL D, WARREN-RUSSEL F, GALINAT-BRIAN J. Indications for shoulder arthroscopy.
In : McGinty JB ed. Operative arthroscopy. Raven Press. New York. 1991 ; p 465
[2] CASPARI RB, SAVOIE FH. Arthroscopic reconstruction of the shoulder : the Bankart repair. In :
McGinty JB ed. Operative arthroscopy. Raven Press. New York. 1991 ; p 507
[4] DETRISAC D. Arthroscopic shoulder staple capsulorraphy for traumatic anterior instability. In :
McGinty JB ed. Operative arthroscopy. Raven Press. New York. 1991 ; p 517
[6] DORFMANN H, WHIPPLE TL. Arthroscopie de l'épaule. L'épaule douloureuse chirurgicale. Cahiers
d'enseignement de la SOFCOT. Expansion Scientifique Française. Paris. 1988 ; pp 29-49
[8] GARSTMAN GM, BLAIR ME, NOBLE PL Arthroscopic subacromial decompression. An anatomical
study. Am J Sports Med 1988 ; 16 : 48-50
[9] HOVELIUS L, ERIKSSON K, FREDIN H Recurrences after initial dislocation of the shoulder.
Results of a prospective study of treatment. J Bone Joint Surg (Am) 1983 ; 65 A : 343-349
[10] JOHNSON LL. Diagnostic and Surgical Arthroscopy. The Knee and other Joint (3rd ed). CV Mosby
Compagny. St-Louis. 1986
[11] KEMPF JF L'arthroscopie de l'épaule. Possibilités actuelles. Concours Med 1989 ; 111 : 2653-
2656
[14] KEMPF JF, MOLE D, GLEYZE P, BONNOMET F, RIOT B, LEVIGNE CH, WALCH G. Résultats du
traitement arthroscopique des tendinopathies non rompues et non calcifiées de la coiffe des
rotateurs. (A paraître) Rev Chir Orthop 1993
[15] MATTHEW LS, VETTER WL, OWEIDA SJ, SPEARMAN J, HELFET DL Arthroscopic staple
capsulorraphy for recurrent anterior shoulder instability. Arthroscopy 1988 ; 4 : 106-111
[16] MOLE D, KEMPF JF, GLEYZE P, BONNOMET F, RIOT B, LEVIGNE CH, WALCH G. Résultats du
traitement arthroscopique des tendinopathies calcifiées de la coiffe des rotateurs. (A paraître).
Rev Chir Orthop 1993
[17] MORGAN CD, BODENSTAB AB Arthroscopic bankart suture repair : technique and early
results. Arthroscopy 1987 ; 3 : 111-122
[18] NEER CS Anterior acromioplasty for the chronic impingement syndrome in the shoulder : a
preliminary rapport. J Bone Joint Surg 1972 ; 54-A : 41-50
[19] RESCH H, BECK E. In : Arthroscopy of the Shoulder. Diagnosis and Therapy. Springer-Verlag.
Vienne. 1992 ; 149 p
[21] SNYDER SJ, RAMES RD, ECKHARD W. Labral lesions. In : McGinty JB ed. Operative arthroscopy.
Raven Press. New York. 1991 ; p 491
[25] WHEELER JH, RYAN JB, ARCIERO RA, MOLINARI RN Arthroscopic versus nonoperative treatment
of acute shoulder dislocations in young athletes. Arthroscopy 1989 ; 5 : 213-217
[26] WILEY AM Arthroscopy for shoulder instability and a technique for arthroscopic
repair. Arthroscopy 1988 ; 4 : 25-30
[27] WOLF EM Arthroscopy anterior shoulder capsulorraphy. Techn Orthop 1988 ; 3 : 67-73
Figures
Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4
Vue endoscopique de l'interligne glénohumérale gauche. TH : Tête humérale. CR : Coiffe des rotateurs. BI : Tendon de la
longue portion du biceps. BO : Bourrelet glénoïdien antérieur. GL : Glène.
Fig. 5
Repérage de la voie antérieure. LB : long biceps. TH : tête humérale. SS : sous-scapulaire. LGHI : ligament glénohuméral
inférieur. GL : Glène.
Fig. 6
Vue endoscopique de l'espace sous-acromial. En bas : face supérieure de la coiffe des rotateurs. En haut : face inférieure
de l'acromion et LAC.
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
Fig. 10
Système Suretac® : une broche permet de maintenir le LGHI à la place souhaitée et guidera une mèche qui réalisera le
prétrou pour le rivet résorbable. La broche toujours en place permet de placer le rivet résorbable dans le prétrou ; 2 rivets
résorbables sont généralement nécessaires.
Fig. 11
Technique de Caspari : les fils de sutures sont introduits dans l'oeillet de la broche pour être amenés en arrière à travers
le tunnel transglénoïdien.
Fig. 12
Fig. 13
Système Arthrex® : les fils sont noués en avant à travers la canule antérieure. Les demi-clefs sont poussées au contact
de la corticale antérieure du col de l'omoplate grâce à un pousse-noeud.
Fig. 14
Système Mytek® : l'hameçon muni d'un fil est bloqué dans un trou foré dans le bord antérieur de la glène. L'arthroscope
est en position antérosupérieure.
Fig. 15
Trois voies d'abord d'une acromioplastie : antéroexterne, externe et postérieure. Repérage du LAC par 2 aiguilles.
Fig. 16
Articulation glénohumérale
Recommander cet article
Plan
Instabilité antérieure
Instabilité postérieure
Haut de page
Instabilité antérieure
Au cours de la dernière décennie, des progrès lents mais réels ont marqué l'évolution du traitement
chirurgical de l'instabilité antérieure de l'épaule.
Les procédés classiques ont franchi les générations et restent les plus couramment utilisés. Leurs
résultats sont mieux connus, ne se limitent plus à la simple analyse du taux de récidive, mais
intègrent désormais la réponse apportée aux exigences sportives ou le caractère arthrogène à long
terme. La technique chirurgicale s'est enrichie de règles et d'artifices permettant de minimiser les
séquelles fonctionnelles et de rendre les résultats plus performants.
Des techniques nouvelles ont vu le jour grâce à l'avènement de l'arthroscopie. Elles n'en sont qu'à un
stade expérimental mais leur caractère anatomique leur confère un avenir prometteur et, d'ores et
déjà, une place dans l'arsenal thérapeutique.
Toujours précédé d'une tentative de réduction orthopédique et d'un cliché radiographique de contrôle,
le traitement chirurgical en phase aiguë d'une luxation antérieure de l'épaule ne s'impose qu'en cas
de difficulté de réduction ou de complications immédiates.
Difficultés de réduction
Luxations irréductibles
L'irréductibilité d'une luxation antéro-interne traduit, dans la grande majorité des cas, son caractère
ancien et invétéré. De Palma [28] rapporte cependant les causes théoriques de l'irréductibilité d'une
luxation récente : arrachement huméral de la capsule ou de la coiffe avec interposition
glénohumérale, luxation et interposition du tendon de la longue portion du biceps [38], impaction
profonde du bord antérieur de la glène dans l'encoche de Malgaigne. La seule solution logique
consiste alors en un abord chirurgical antérieur permettant la réduction sanglante et la réparation des
lésions capsuloligamentaires et tendineuses.
Luxations incoercibles
L'incoercibilité de la luxation traduit sa tendance à se reproduire. Elle est en règle le fait d'une fracture
du rebord antéro-inférieur de la glène. Cette fracture est la plus parlante des lésions de « passage »
de la tête humérale ; faute d'un bilan radiographique initial précis, sa fréquence est diversement
appréciée. Patte la considère comme plus fréquente qu'il n'est classique de l'admettre, Rowe [93] la
retrouve dans 44 % des cas, Hovelius chez 8 % des patients âgés de moins de 40 ans. Rowe [100]
en décrit 3 stades suivant le volume du fragment fracturaire ; dans le stade 3, le fragment représente
plus d'un quart de la surface de la glène ; il se rencontre chez les personnes âgées et peut être
générateur d'incoercibilité [2]. Dans ce cas, après appréciation des lésions osseuses par
tomodensitométrie, force est de recourir au traitement chirurgical par abord antérieur et vissage du
fragment glénoïdien. Soulignons, dans cette circonstance, chez des patients souvent âgés, la double
nécessité de réparer les lésions de la coiffe des rotateurs fréquemment associées, et d'obtenir un
montage stable permettant de se dispenser d'immobilisation postopératoire.
Formes compliquées
Complications vasculonerveuses
Heureusement exceptionnelles, les complications vasculaires concernent l'artère axillaire plutôt que
sa veine satellite. Elles se manifestent par une abolition des pouls distaux qui cède parfois lors de la
réduction et ne s'accompagne que rarement de signes majeurs d'ischémie du membre supérieur. Le
diagnostic peut être suspecté par la présence d'un hématome pulsatile et sera confirmé par
l'artériographie. Le traitement chirurgical s'impose mais ne concerne pas les éléments
ostéoarticulaires.
Les complications nerveuses intéressent le plexus brachial et ses branches. Leur fréquence est sans
doute mésestimée (35 % par électromyographie [EMG] précoce systématique pour Blom [9]). Elles
sont plus fréquentes chez les sujets âgés [112] et leur mécanisme combine distension et
compression. Les lésions du nerf circonflexe représentent plus de deux tiers des cas. Le traitement
chirurgical, s'il se justifie, doit être différé à la période comprise entre le 4e et le 6e mois [112].
Complications osseuses
Les fractures rares (apophyse coracoïde, acromion, pilier de l'omoplate) sont peu déplacées et ne
justifient pas de traitement chirurgical. Seule, la fracture du trochiter mérite, ici, notre attention. Sa
fréquence est évaluée à 12 % par Hovelius ; elle est plus fréquente chez les personnes âgées et
dans certains types de luxation (40 % dans les luxations erecta humeri pour Fery [34]). Lorsqu'elle
complique une luxation, cette dernière a peu de risque de récidive (aucune récidive sur 32 cas pour
Hovelius , 1 sur 90 pour McLaughlin [62], 3 sur 75 pour Rowe [93]). Il en existe diverses formes :
- selon le mécanisme : arrachement par les muscles courts de la coiffe ou fissure prolongeant
l'encoche de Malgaigne ; dans le premier cas, le fragment se désolidarise de la tête luxée et reste en
situation sous-acromiale ; dans le second, il accompagne la tête et reste solidaire d'elle ;
- selon la taille [84] : le fragment peut être parcellaire supérieur et ne comporter que l'insertion du sus-
épineux ; il peut également être plus important, postérosupérieur, emportant l'insertion des muscles
sus-épineux et sous-épineux ;
- selon le trait de fracture : il peut s'agir d'un fragment unique ou refendu.
La voie d'abord postéroexterne, transdeltoïdienne, est alors une alternative à la voie d'abord
antérieure et sera préférée si le fragment est en situation postérieure ou postérosupérieure. Le blessé
est installé en décubitus latéral ou en position assise, dite neurochirurgicale. L'incision débute à la
face externe de l'acromion, 1 cm en avant de l'axe de l'épine de l'omoplate ; elle se dirige en dehors
sur 5 cm, dans l'axe des fibres du faisceau externe acromial du deltoïde. Après dégagement du plan
musculaire, le deltoïde est dissocié dans le sens de ses fibres, sur une distance n'excédant pas 4 cm
pour ne pas risquer de léser le nerf circonflexe ; un point d'arrêt est souhaitable à la partie basse de
la dissociation. L'incision de la bourse sous-acromiale permet l'évacuation de l'hématome fracturaire
et donne accès aux lésions pour le temps de reconstruction. Il est rare qu'un volumineux fragment
unique puisse être réduit et synthésé à l'aide de deux vis équipées de rondelles, prenant appui dans
le noyau céphalique (vis spongieuse) ou au niveau de la métaphyse interne (vis corticale). Le plus
souvent le fragment est fragile, refendu, et doit être réinséré par suture transosseuse au fil non
résorbable. Il est parfois utile d'en exciser une partie et de recreuser la tranchée d'insertion, à la
manière de celle d'une rupture de la coiffe ; il faut conserver, avec soin, le fragment osseux
d'insertion car la cicatrisation os-os est toujours de meilleure qualité que la cicatrisation tendon-os.
Lorsque la luxation est ancienne, il est indispensable de libérer le(s) tendon(s) concerné(s) par
dissociation de ses (leurs) adhérences supérieures et capsulotomie juxtaglénoïdienne
postérosupérieure, pour que la reposition puisse s'effectuer avec le minimum de tension en position «
coude au corps ». L'immobilisation postopératoire se fait en position d'élévation latérale et de rotation
externe pour un délai bref, n'excédant pas 8 jours, et dans un mode de contention permettant la
reprise précoce des mouvements d'élévation passive au-dessus de l'horizontale. En cas de lésion
vieillie ou ancienne, la voie d'abord transdeltoïdienne peut s'avérer insuffisante et être prolongée en
dedans par une voie transacromiale (Debeyre) : incision cutanée prolongée selon une ligne parallèle
à l'épine de l'omoplate, située 1 cm en avant de son relief ; incision des fibres du trapèze en regard,
légèrement oblique en arrière par rapport à leur sens ; repérage de la bourse sous-acromiale et des
lésions en dedans de l'acromion sous lequel est passé un instrument protecteur de la coiffe sous-
jacente ; ostéotomie à la scie de l'acromion dont les berges sont dissociées par un puissant écarteur
autostatique ; une ostéotomie légèrement oblique augmentera les surfaces de contact et limitera le
risque de pseudarthrose ultérieure. En fin d'intervention, l'ostéosynthèse acromiale fait appel à deux
points de suture transosseuse, au fil non résorbable, complétant la fermeture musculaire et périostée.
En guise de conclusion, disons que le traitement chirurgical du premier épisode de luxation antéro-
interne de l'épaule est exceptionnellement indiqué, et se résume à celui des complications osseuses
(fracture déplacée du trochiter, incoercibilité par fracture du rebord glénoïdien), vasculaires, et à
quelques cas exceptionnels de luxation ouverte ou irréductible. Cependant, la fréquence des
récidives est telle que, d'ores et déjà, certains proposent une intervention stabilisatrice au décours du
premier épisode de luxation chez des sujets dont le risque potentiel de récidive est élevé (moins de
25 ans, athlètes lanceurs). Cette attitude n'est, pour l'heure, justifiée que dans le cadre d'un travail
scientifique randomisé, cherchant à déterminer précisément les facteurs de la récidive. Il semble utile
de rappeler le travail d'Hovelius établissant chez les adolescents et les adultes jeunes le taux de
récidive à 55 %, conseillant d'attendre plus de deux ans avant de retenir l'indication chirurgicale car
19 % des patients de sa série qui ont présenté une première récidive avant deux ans n'ont plus eu
aucun problème au-delà.
Instabilité chronique
Le recours à la chirurgie stabilisatrice se justifie dès lors que le patient juge son handicap fonctionnel
intolérable et que le chirurgien, après avoir pris connaissance des lésions anatomiques, les juge
accessibles à la réparation.
Elles ont en commun l'abord chirurgical antérieur et diffèrent selon le procédé de reconstruction.
La voie deltopectorale, évitant désinsertion et dissociation musculaires du plan superficiel, est la voie
royale. Sa taille doit être un compromis entre une incision courte pour minimiser l'inévitable rançon
esthétique, et une exposition large permettant, dans les meilleures conditions, l'exploration et la
réparation des lésions.
Anesthésie
Elle est générale et doit, au mieux, permettre une relaxation musculaire par curarisation et une
hypotension contrôlée car le contexte est volontiers hémorragique. L'antibiothérapie prophylactique
est justifiée car les complications infectieuses ne sont pas rares, au voisinage de l'aisselle. Le
traitement anticoagulant est également licite, des complications thromboemboliques ayant été
décrites.
Installation
L'opéré est en décubitus dorsal, le tronc est incliné, en position demi-assise ; ceci facilite l'abord et
permet un drainage déclive, tout en évitant les inconvénients de la station assise neurochirurgicale
dans laquelle la pesanteur met en tension les structures capsuloligamentaires antéro-inférieures dont
on envisage la réparation. L'exposition est facilitée par :
- l'horizontalisation de l'omoplate par un appui situé exclusivement sous son bord spinal, laissant
libres de tout contact postérieur la glène et la tête de l'humérus ; un éventuel vissage glénoïdien
antéropostérieur aura un axe vertical et se fera sans conflit avec la berge interne de l'incision ;
- un appui-bras, destiné à surélever l'extrémité distale du bras et le coude, laissant libres l'extrémité
supérieure du bras et l'épaule ; la flexion détend les structures musculaires antérieures que l'on
s'apprête à disséquer ; la tête humérale déportée en arrière ne gêne pas l'exposition du bord
antérieur de la glène par sa tendance spontanée à la subluxation antérieure ;
- le champ opératoire englobant la totalité du membre supérieur qui sera mobilisé tout au long de
l'intervention ; la tête est maintenue en rotation controlatérale pour ne pas gêner l'équipe chirurgicale
et la sonde d'intubation placée du côté opposé à l'épaule opérée.
Incision cutanée
Abord deltopectoral
Le plan musculaire superficiel est exposé. L'incision verticale croise le sillon deltopectoral, ce qui en
facilite le repérage. Le sillon est recouvert d'un tissu graisseux dont la dissection dégage la veine
céphalique. Celle-ci sera conservée et refoulée en dehors avec le deltoïde. Le deltoïde et le grand
pectoral sont dissociés jusqu'à leur plan profond, sur toute la hauteur de l'incision, puis réclinés à
l'aide d'écarteurs atraumatiques, à valves.
Eléments vasculonerveux
Les risques vasculaires se limitent à la survenue d'hématome postopératoire que l'on prévient par un
contrôle rigoureux de l'hémostase. Les pédicules exposés sont, d'une part, la branche acromiale de
l'artère acromiothoracique, qui chemine au-dessus de l'apophyse coracoïde et se distribue à la face
profonde du deltoïde, et d'autre part le pédicule circonflexe antérieur qui longe le bord inférieur du
sous-scapulaire et se dirige vers la métaphyse humérale. Les éléments nerveux sont d'une toute
autre importance [36]. Il s'agit en premier lieu du nerf circonflexe qui croise le bord inférieur du sous-
scapulaire, 3 à 5 mm en dedans de sa jonction musculotendineuse [60] pour se diriger en arrière
dans l'espace humérotricipital, au contact du récessus capsulaire glénohuméral inférieur. Le nerf
circonflexe est menacé par la dissection du sous-scapulaire et les gestes de remise en tension
capsulaires inférieurs (« inferior capsular shift » de Neer [77]). Il s'agit en second lieu du nerf
musculocutané qui naît du tronc secondaire postérieur, descend à la face antérieure du corps charnu
du sous-scapulaire et pénètre, à sa face profonde, le coracobrachial ; le niveau de pénétration se
situe en moyenne 56 mm (31 à 82 mm) sous la pointe de l'apophyse coracoïde [35] ; le nerf
musculocutané est menacé par les écarteurs agressifs sous le tendon conjoint qu'il convient de
détendre par la mise en flexion du coude et de l'épaule ; il est également menacé par toute traction
excessive sur la coracoïde ostéotomisée (butée). Sa dissection systématique n'est cependant pas
justifiée car elle ne prévient pas le risque d'irritation postopératoire.
Pour Patte, le grand nombre de techniques décrites était le fruit du génie inventif des chirurgiens. En
fait, ce nombre semble plutôt représentatif de la méconnaissance des lésions anatomiques
responsables de l'instabilité. Nous nous bornerons à la description technique des procédés
opératoires agissant au niveau des sites lésionnels : complexe bourrelet - ligament glénohuméral
inférieur, ou hyperlaxité capsulaire permissive. Deux groupes d'interventions répondent à ce principe
: les réparations capsuloligamentaires et les butées osseuses.
Réparations capsuloligamentaires
Le procédé de Bankart [4] en est le chef de file, de nombreux auteurs lui ont apporté modifications et
variantes. Le principe est la réinsertion au bord antérieur de la glène du bourrelet et des ligaments
glénohuméraux désinsérés.
Variantes
- Rowe [100], le premier, en 1958, décrit la capsulorraphie qu'il utilise en l'absence de lésion
anatomique au rebord antéro-inférieur de la glène. L'abord et la capsulotomie verticale en sont les
premiers temps, communs avec le procédé de Bankart. Le lambeau capsulaire externe est réinséré
au bourrelet et à la base glénoïdienne des ligaments glénohuméraux par 4 points en U (fils non
résorbables, suture à 30° de rotation externe). Le lambeau capsulaire interne est alors rabattu en
dehors et amarré par suture directe au lambeau externe, réalisant un effet de renfort et de remise en
tension.
- Neer [77], en 1980, décrit l'« inferior capsular shift » (fig. 4) dans le traitement des hyperlaxités
multidirectionnelles. A l'inverse du procédé de Bankart, la capsulotomie s'effectue par désinsertion du
col de l'humérus, sous le lambeau externe du sous-scapulaire dont les fibres profondes sont laissées
au contact de la capsule, jusqu'au bord inférieur du col anatomique. Une incision capsulaire
horizontale complémentaire, oblique en haut et en dedans entre les ligaments glénohuméraux moyen
et inférieur, permet d'isoler sur point de traction 2 lambeaux capsulaires internes. Après avivement du
col de l'humérus, les lambeaux sont réinsérés par suture croisée : le lambeau inférieur qui
correspond au ligament glénohuméral inférieur est amarré en haut par suture appuyée sur la face
profonde de l'insertion du sous-scapulaire, il constitue le plan profond ; le lambeau supérieur est
suturé en bas et en dehors, il constitue le plan superficiel, contenant le ligament glénohuméral moyen
dont la verticalisation lutte contre la subluxation glénohumérale inférieure. Les sutures sont
effectuées à 10 o de rotation externe et légère flexion. Neer [77] recommande une immobilisation
coude au corps à 20 o de rotation interne pendant 6 semaines avec reprise très lente des activités
(rééducation active à 3 mois, reprise du sport à 9 mois).
- Plus récemment, Protzman [91], O'Brien et Warren [83] et Jobe [55] décrivent des procédés de
capsulorraphie qu'ils appliquent quelles que soient les lésions anatomiques. La capsulotomie prend la
forme d'un T horizontal (« T plasty ») (fig. 5) dont la branche verticale reproduit la capsulotomie de
Bankart. La branche horizontale dissocie en 2 lambeaux le versant interne de la capsule pour
Protzman [91], son versant externe pour O'Brien [83] et Jobe [55]. La réinsertion concerne alors,
successivement, chacun des 3 lambeaux ainsi constitués. Au bord antérieur de la glène, la suture
s'effectue par points transosseux ou par amarrage au bourrelet glénoïdien, selon l'existence d'une
lésion de Bankart. Elle doit permettre l'effacement du récessus capsulaire inférieur. Le procédé de
Jobe (« anterior capsulo-labral reconstruction » [55]) évite l'incision du sous-scapulaire et s'effectue
au travers d'une dissociation de ses fibres. C'est en fonction du degré d'hyperlaxité que sera décidé
le temps d'immobilisation postopératoire et le délai, habituellement long, de reprise de la rééducation
active et du sport.
Butées
Historique
En Europe, Eden propose dès 1918 d'utiliser un greffon osseux préglénoïdien, de qualité mécanique
supérieure à celle des lambeaux capsulaires pour bloquer l'excursion de la tête humérale. Oudard et
Noesske [80] inaugurent l'utilisation de l'apophyse coracoïde, le premier en encastrant un greffon
dans un dédoublement de sa partie horizontale, le second en abaissant par ostéotomie de sa base la
pointe de la coracoïde qui sera suturée aux éléments musculaires antérieurs. Trillat (1954 [113])
améliore par vissage coracoglénoïdien la stabilité de la coracoïde ostéotomisée et prônera le recours
à une arthrotomie exploratrice systématique. Merle d'Aubigné (1951 [72]) et surtout Latarjet (1954
[58]) vont rationaliser la technique de la butée coracoïdienne en proposant le vissage en situation
affleurante, antéro-inférieure de la branche horizontale de l'apophyse coracoïde au travers d'une
incision verticale des fibres du sous-scapulaire.
Les Anglo-Saxons se réfèrent plus volontiers à l'intervention de Bristow décrite par son élève Helfet
[47] consistant à sélectionner la pointe de l'apophyse coracoïde et à la fixer, par suture, aux éléments
capsulopériostés, au travers d'une courte incision verticale du sous-scapulaire. McMurray (1961 [64])
comme Latarjet [58] fixent la coracoïde par vissage au rebord glénoïdien antérieur ; May [71] explique
l'efficacité de la butée coracoïdienne par le rôle de hauban musculaire des tendons du coracobiceps
et du sous-scapulaire, en position d'abduction-rotation externe plutôt que par l'effet de butoir osseux.
Gosset (en 1960 ) décrit la butée costale armée et l'école de Saint-Antoine lui reste fidèle. La grande
majorité des partisans des butées rejoignent cependant Patte [86] et l'amélioration qu'il propose dans
sa technique de triple verrouillage.
Butées coracoïdiennes
- le vissage stable, sous-équatorial, affleurant au rebord antérieur de la glène, d'une butée couchée
correspondant à la branche horizontale de l'apophyse coracoïde ;
- la conservation de la continuité des fibres musculotendineuses du tiers inférieur du sous-scapulaire
;
- la suture du lambeau capsulaire externe au centimètre inférieur du ligament coracoacromial dont
l'insertion coracoïdienne a été préservée.
Elle combine ainsi les avantages des interventions de Latarjet, de May, de Bankart.
A cette technique de base, séduisante et efficace, nous associons la préservation des fibres du sous-
scapulaire dont la continuité n'est pas interrompue ; ceci a le double avantage de permettre d'emblée
la rééducation dans le secteur de rotation externe et d'éviter l'altération fibreuse du tendon sous-
scapulaire que Rowe [100] reprochait à la butée, car elle compliquait une éventuelle réintervention.
Par ailleurs, nous avons opté pour un mode de fixation de la butée qui semble être à même d'assurer
stabilité et fusion, et d'éviter l'ostéolyse secondaire du greffon.
doit être rectiligne s'il est émoussé ou fracturé. 2 orifices parallèles sont forés à la mèche de 3,2 mm,
à partir de la face profonde (un seul orifice en cas de petite apophyse coracoïde). Après évaluation à
la jauge de son épaisseur, le greffon est mis en attente sous le muscle grand pectoral et y est
maintenu par la valve de l'écarteur autostatique qui maintient l'écart deltopectoral.
- Phase 3 : dissociation sous-scapulaire
- En position de rotation externe maximale, le tendon sous-scapulaire est repéré au niveau de ses
bords inférieur et supérieur et de sa jonction tendinomusculaire. En zone charnue, à la jonction des
deux tiers supérieurs et du tiers inférieur, on dissocie les fibres dans leur sens, au bistouri électrique,
puis aux ciseaux de Mayo. L'hémostase est effectuée pas à pas. On atteint progressivement, dans la
profondeur, le plan capsulaire, jaune, aisément clivable. La dissociation est étendue en dedans par
insertion, dans le plan de clivage, d'une compresse plombée, dégageant la fosse sous-scapulaire. La
dissociation est poursuivie en dehors, jusqu'au trochin, au bistouri électrique, puis maintenue par 2
écarteurs.
- Phase 4 : capsulotomie et exploration
- Le membre en rotation neutre, la capsule devient visible sur toute sa hauteur. Après repérage
instrumental du rebord antérieur de la glène, on incise verticalement la capsule en regard. L'incision
est conduite pas à pas en haut, puis en bas. La rotation interne facilite l'arthrotomie. 2 écarteurs
contre-coudés sont positionnés aux bords supérieur et inférieur de la glène. La rotation interne
maximale permet d'insérer un rétracteur de tête humérale, accroché au bord postérieur de la glène.
L'exploration du bourrelet, du cartilage glénoïdien et du site d'insertion des ligaments glénohuméraux
est alors possible. Le lambeau capsulaire interne est réséqué, de même qu'une éventuelle lésion du
bourrelet ou un fragment fracturaire. Le bord antéro-inférieur de la glène est exposé au bistouri, puis
avivé à la curette et à l'ostéotome.
- Phase 5 : vissage de la butée (fig. 7)
- Seul l'écarteur du pôle inférieur de la glène est maintenu en place. La butée est insérée dans
l'espace dissocié, apposée au rebord antéro-inférieur de la glène. Le membre étant en rotation
interne, on vérifie son positionnement affleurant. Il faut impérativement éviter une butée débordante
en dehors et préférer, dans le doute, une butée située quelques millimètres en dedans du rebord
glénoïdien. La mèche de 3,2 mm est introduite dans l'orifice de forage inférieur du transplant et
transfixie le col de la glène d'avant en arrière et de bas en haut. On aura pris soin de vérifier
l'orientation de la surface articulaire pour diriger le méchage parallèlement à elle. La butée étant
provisoirement réclinée, l'orifice transosseux est jaugé. Une vis malléolaire AO, à prise corticale
postérieure, fixe la butée ; son vissage incomplet permet de préserver un arc de rotation et de
positionner au mieux la butée à sa partie supérieure ; puis vissage par une vis malléolaire AO de
l'orifice supérieur et serrage des vis.
- Phase 6 : fermeture
- On suture, par 3 points séparés de fil résorbable, le reliquat de ligament coracoacromial au lambeau
capsulaire externe. La suture s'effectue en rotation externe ; il est préférable d'y renoncer si la
rotation externe passive s'en trouve entravée. Suture sans tension des 2 portions externes,
supérieure et inférieure, du tendon sous-scapulaire, sans omettre de retirer la compresse de la fosse
sous-scapulaire. Vérification de la liberté articulaire dans tous les secteurs d'amplitude. La tranche de
section coracoïde est tapissée à la cire d'Orsley ; puis fermeture des plans superficiels sur drainage
aspiratif.
- L'écharpe postopératoire est maintenue pendant 2 jours ; la rééducation est alors débutée,
prudente, activo-passive, dans tous les secteurs d'amplitude, y compris la rotation externe. La
préservation de la continuité du sous-scapulaire facilite considérablement la récupération. Les
exercices musculaires actifs ne débuteront qu'à la 6e semaine, le sport sera repris à 3 mois.
Variantes
De très nombreux auteurs ont proposé d'adjoindre aux méthodes initialement décrites par Helfet [47]
et Latarjet [58] des modifications destinées à faciliter le geste opératoire ou à en améliorer l'efficacité.
- Selon l'attitude conservatrice vis-à-vis du sous-scapulaire : Patte [86] puis Mansat [68] conservent la
continuité du tiers inférieur et incisent en L les deux tiers supérieurs ; Goutallier conserve le tiers
supérieur et le tiers inférieur et récline en dedans un lambeau quadrangulaire à base externe,
correspondant au tiers moyen. Torg [111] conserve la totalité du sous-scapulaire qu'il récline en bas,
après avoir repéré son bord supérieur, pour visser la butée au-dessus de lui. La technique proposée
(dissociation du sous-scapulaire à sa partie basse, dans le sens de ses fibres) est astreignante et
délicate. Il faut peut-être conseiller aux techniciens qui n'ont pas la pratique habituelle de cette
intervention de préférer l'incision partielle de la partie haute du tendon sous-scapulaire.
- Selon le mode de fixation de la butée : le taux de fusion des butées « couchées » est supérieur à
celui des butées « debout ». Le vissage doit assurer une prise corticale postérieure ; l'utilisation de
vis autotaraudeuses est plus aisée, celle de vis à filetage distal (spongieuses, malléolaires) assure un
effet de compression. Le calibre de la vis doit être adapté à celui de la coracoïde (risque de fracture
du greffon).
- L'utilisation d'une rondelle ne s'impose pas et semble responsable d'un taux élevé de lyse tardive de
la butée.
- Selon l'attitude vis-à-vis du greffon : Goutallier propose l'avivement de la face profonde de la
coracoïde jusqu'en tissu spongieux ; ceci améliore le taux de fusion, limite l'épaisseur du transplant
susceptible de retentir ultérieurement sur les amplitudes de rotation, mais a l'inconvénient de
fragiliser la butée et d'exposer au risque de fracture au moment du vissage.
Chacun de ces procédés a été pris en compte pour préciser notre technique décrite ci-dessus.
Autres butées
Autres interventions
Certaines ne seront citées que pour mémoire, d'autres trouvent encore d'exceptionnelles indications.
Capsulomyorraphie antérieure
Cette technique vise à raccourcir le sous-scapulaire dans le but avoué de limiter la rotation externe.
- Procédé de Putti-Platt
- Osmond-Clarke rapporte en 1948 [85] le procédé décrit au début du siècle par Platt en Angleterre et
Putti en Italie. La technique consiste en une arthrotomie verticale concernant, 2 cm en dedans de la
gouttière bicipitale, le tendon du sous-scapulaire et la capsule sous-jacente. Le lambeau
capsulomusculaire externe est suturé aux tissus mous (bourrelet et ligaments) au rebord antérieur de
la glène ; le lambeau capsulomusculaire interne est basculé en dehors et suturé en position de
rotation neutre. Symeonides [107] décrit une simplification du Putti-Platt : après l'arthrotomie, le
lambeau capsulomusculaire interne est simplement amené au-dessus du lambeau externe, en
rotation neutre, et lui est suturé en 2 plans, interne et externe, avec des points en U, négligeant la
suture au rebord antérieur de la glène.
- Procédé de Magnuson et Stack [66]
- Il consiste à transplanter le tendon terminal du sous-scapulaire détaché avec une pastille osseuse
du trochin au bord externe de la gouttière bicipitale, négligeant les lésions intra-articulaires. La
fixation s'effectue en rotation interne, par agrafage dans une tranchée osseuse creusée sur le versant
antérieur du trochiter. De Palma [28] recommande de creuser cette gouttière de façon plus distale, au
niveau de la métaphyse humérale, pour associer un effet d'abaissement du sous-scapulaire qui lui
confère un rôle de hamac antéro-inférieur en abduction.
- Procédé de Boytchev [11]
- Celui-ci décrit en 1951 un procédé original dont les résultats seront rapportés par Conforty [20]. La
pointe de l'apophyse coracoïde est désinsérée, après dissection sur ses 2 berges, du tendon conjoint
coracobiceps. Le tendon sous-scapulaire est repéré et isolé au niveau de ses bords supérieur et
inférieur, et de sa partie postérieure. La coracoïde et le tendon qui s'y insère sont passés sous le
sous-scapulaire puis réinsérés à leur situation originale.
Capsulomyorraphies postérieures
Connolly [21] propose d'agir sur la coiffe postérieure et sur l'encoche de Malgaigne en comblant cette
dernière à l'aide du tendon terminal du sous-épineux. Ce procédé est en règle associé à un geste
stabilisateur antérieur. Il comporte une voie d'abord postérieure avec désinsertion spinale du deltoïde,
une section du tendon sous-épineux 1 cm en dedans de son insertion humérale ; l'encoche de
Malgaigne est repérée, avivée et le tendon y est réinséré par points transosseux. Le lambeau
tendineux externe est rabattu par-dessus, réalisant un raccourcissement d'1 cm.
Ostéotomies
membre supérieur est porté en rotation externe jusqu'à ce que les 2 broches soient parallèles.
L'ostéotomie est stabilisée par les 4 vis de la plaque. L'auteur recommande, chez les athlètes,
l'utilisation additionnelle d'une plaque 2 trous antérieure pour ponter le foyer d'ostéotomie. Le sous-
scapulaire est suturé en paletot. La rééducation est débutée précocement dans les conditions
habituelles. L'ablation du matériel d'ostéosynthèse est systématique, dans un délai d'un ou deux ans.
Techniques arthroscopiques
Leur avènement récent, leur fiabilité qui reste incertaine, font qu'elles ne peuvent être considérées
comme des techniques de routine et que la prudence reste de rigueur quant à leur indications. Le
respect de l'anatomie, l'absence de complications infectieuses ou trophiques, la qualité esthétique du
résultat en font cependant des techniques d'avenir qui devraient progressivement trouver leur place
dans l'arsenal thérapeutique de l'instabilité antérieure.
L'intervention peut être réalisée sur un patient demi-assis, avec bloc interscalénique, mais est plus
habituellement pratiquée sous anesthésie générale en décubitus latéral. Le patient est bloqué par
des appuis antérieur (sternal) et postérieurs (cervicodorsal et dorsolombaire) n'entravant pas l'accès
antérieur et postérieur à l'articulation glénohumérale. Une bascule vers l'arrière de 30° est préférable
[41] pour horizontaliser la glène et l'orientation du forage transosseux. La traction est nécessaire ; elle
doit être instrumentale plutôt que manuelle, et comporter un système de poulie plutôt qu'un point fixe
pour permettre la mobilisation peropératoire du membre. Idéalement, une potence adaptée permet
une double traction : axiale à 45° d'abduction, verticale brachiale, en décoaptation. L'intensité de la
traction axiale varie selon la corpulence du patient et n'excède pas 8 kg ; 3 kg suffisent à la
décoaptation. La traction en légère extension [126] permet de maintenir l'horizontalité du plan
glénoïdien. Le chirurgien et son assistant se tiennent à la partie postérieure de l'épaule ; la table
d'instrument ponte le patient ; l'ensemble arthroscopique (matériel vidéo et motorisé) est placé devant
le patient. Le champ opératoire concerne la totalité du membre supérieur, étendu à l'avant-bras. Il
faut pouvoir, sans compromettre l'asepsie, supprimer ou réinstaller le dispositif de traction. Le liquide
de drainage est le sérum physiologique additionné d'adrénaline (à la dose d'1 mg/l) à visée
antihémorragique.
Trois voies d'abord sont nécessaires : postérieure pour le matériel optique, supérieure pour la canule
de drainage, antérieure pour l'instrumentation palpatoire et opératoire. La voie d'abord postérieure
utilise pour repère la saillie postérolatérale de l'acromion. Une incision au bistouri (lame n o 11) est
effectuée 1,5 cm en dedans, 2 cm en dessous du point de repère. La chemise d'un arthroscope de
4,5 mm, équipée de son mandrin pointu, est introduite en direction de la pointe de l'apophyse
coracoïde ; l'erreur de placement la plus fréquente est une trop forte inclinaison vers le bas,
conduisant à glisser le long du bord postéro-inférieur de la glène. Le mandrin prend contact avec les
éléments osseux et se situe au bord postérosupérieur de l'articulation ; la glène sera repérée par sa
fixité, la tête humérale par la mobilité qui lui sera imprimée par le mouvement de rotation lente du
membre supérieur. Un ressaut signe la pénétration intra-articulaire vérifiée à l'optique. Une canule de
lavage de 2 mm de diamètre est mise en place par voie supérieure ; le point d'entrée est situé au
sommet de l'angle dièdre formé par la clavicule en avant et l'épine de l'omoplate en arrière ; la canule
prend la direction du milieu de l'aisselle et pénètre l'articulation au travers de la jonction
myotendineuse du sus-épineux ; la vérification arthroscopique du point d'entrée supérieur permet le
positionnement stable de la canule au bord postérieur de la glène, en arrière de l'optique. L'irrigation
sera assurée par la canule tandis que l'évacuation se fera sur la chemise de l'arthroscope. Le choix
de la voie d'abord antérieure est primordial pour faciliter l'orientation des instruments et éviter le
risque de lésion vasculonerveuse ; par voie endoarticulaire, on repère le « triangle portal » situé entre
le bord antérosupérieur de la glène, le tendon du sous-scapulaire et celui de la longue portion du
biceps. Ce triangle est barré par la partie supéromédiale du ligament glénohuméral moyen qui est
refoulé au contact de la glène. L'arthroscope est poussé sous contrôle visuel dans ce triangle, au
contact de la membrane synoviale ; l'optique est alors remplacée par un instrument long (mandrin
d'arthroscope ou clou de Wissinger) qui transfixie les parties molles (faisceau antérieur du deltoïde)
et parvient au contact de la peau. A la partie antérieure de l'épaule, on vérifie, au doigt, la situation
des instruments par rapport à la pointe de l'apophyse coracoïde ; il serait nécessaire, par sécurité, de
se situer au-dessus et en dehors de la pointe, mais la branche horizontale de l'apophyse coracoïde
risque alors d'empêcher l'horizontalisation de la canule nécessaire à la transfixation de la glène [126].
Il semble donc préférable de situer le point d'entrée antérieur immédiatement en dessous de la pointe
de la coracoïde ; le passage du nerf musculocutané ne se fait jamais à moins de 3 cm sous la pointe
; dans un travail anatomique, Johnson a montré que ce passage s'effectuait au travers du faisceau
antérieur du deltoïde, 2 cm en dehors de la veine céphalique. Une canule à obturateur étanche est
introduite selon le système du « va-et-vient » avec la chemise de l'arthroscope. Un crochet palpateur,
au travers de la canule, permet de réaliser méthodiquement le temps diagnostique.
L'avivement du rebord antérieur de la glène est effectué par la voie d'abord instrumentale antérieure
à la curette, puis à la fraise ; il est juxtacartilagineux, s'étend sur une hauteur de 5 mm depuis le pôle
inférieur de la glène jusqu'à l'échancrure glénoïdienne ; il doit atteindre l'os spongieux, hémorragique
; son efficacité est vérifiée visuellement en positionnant l'optique dans la canule antérieure.
Le second temps est effectué à l'aide des instruments de résection des parties molles (méniscotome,
pince-basket, résecteur synovial motorisé) et permet d'aviver les ligaments glénohuméraux après les
avoir débarrassés des tissus synoviaux inflammatoires qui les recouvrent ; le bourrelet glénoïdien ne
sera excisé que si une fente verticale l'isole de l'insertion du ligament glénohuméral inférieur.
Le procédé de réinsertion varie selon les auteurs : trois grandes techniques se partagent
actuellement la faveur des arthroscopistes.
Par la canule antérieure, de diamètre 7 mm, l'agrafe de taille et de rigidité adaptée (agrafe de
Johnson, 5,5 mm ou 6,7 mm, Instrument Makar®) montée sur porte-agrafe, est introduite et saisit par
son pied, sous contrôle visuel, le ligament glénohuméral inférieur. La remise en tension s'effectue en
remontant l'agrafe qui sera impactée à la partie moyenne du rebord antérosupérieur de la glène, en
région juxtacartilagineuse. L'impaction s'effectue au marteau, l'assistant effectuant une contre-
pression au niveau de l'omoplate. L'angle d'impaction est perpendiculaire au grand axe vertical,
incliné de 20° en arrière par rapport au plan glénoïdien sagittal. La tête de l'agrafe doit rester visible
pour ne pas risquer de déchirure ligamentaire, sans être trop saillante pour éviter tout conflit avec le
cartilage céphalique huméral. La configuration anatomique de certaines épaules impose d'utiliser,
pour impacter l'agrafe, une voie d'abord supplémentaire antéro-inférieure. Il est alors possible, par la
canule antérosupérieure, de saisir le ligament à l'aide d'une pince préhensile pour tester la mise en
tension. L'impaction est effectuée, après relâchement de la traction et de la décoaptation, en rotation
interne, légère flexion et abduction 40°. La palpation au crochet permet de vérifier la qualité de la
réinsertion ; une seconde agrafe est rarement nécessaire. Dans les suites, le membre supérieur est
immobilisé, coude au corps en rotation interne, pendant 4 semaines, le retour au sport n'est possible
qu'après 6 mois.
L'avantage de cette technique est de comporter une remise en tension stable du complexe
ligamentaire et d'éviter la transfixation osseuse glénoïdienne ; son inconvénient réside dans
l'utilisation d'une agrafe métallique qui entraîne un risque de mobilisation secondaire ou de conflit
douloureux .
Elle est l'équivalent arthroscopique de la technique de Bankart. Elle nécessite une instrumentation
comportant une pince passe-fil arthroscopique, une canule adaptée avec obturateur d'étanchéité, une
broche passe-fil transosseuse droite (Concept® Instruments, « shoulder cannula kit »).
L'indication étant retenue, la canule antérieure est remplacée par la canule métallique du kit, de
forme quadrangulaire (11 mm × 7 mm). Cette canule permet l'introduction du passe-fil arthroscopique
ingénieux, mis au point par Caspari (« shutt suture punch »). Cette pince comporte deux mors dont
l'un est circulaire et l'autre pointu et creux, livrant passage à un fil de suture qu'une molette, en bout
de pince, permet de faire coulisser. Le fil est un monofilament à résorption lente (PDS) de décimale 3
ou 3,5. La pince saisit tour à tour, de bas en haut, le ligament glénohuméral inférieur (« superior band
») et le ligament glénohuméral moyen. La prise doit être suffisante et stable. Les deux brins de
chaque fil sont sortis par la canule antérieure et noués l'un à l'autre, provisoirement. Une broche
passe-fil droite, longue de 30 cm, de diamètre 2 mm, équipée d'un renforcement à sa partie pointue
(diamètre 2,5 mm) et d'un chas à l'extrémité opposée, est alors introduite sous contrôle visuel. Elle
est positionnée en zone juxtacartilagineuse sur le site choisi pour permettre une remise en tension et
correspondant habituellement à l'échancrure glénoïdienne. Elle est impactée à l'aide d'un maillet, puis
transfixie la glène après avoir été montée sur moteur avec un angle de perforation de 30° vers le bas
par rapport au plan horizontal, et de 15° en arrière par rapport au plan glénoïdien sagittal. Pour éviter
de léser, en arrière, le pédicule sus-scapulaire, elle doit faire issue à la peau, après avoir traversé le
sous-épineux, à la jonction des deux tiers supérieurs et du tiers inférieur de la fosse sous-épineuse, 5
cm en dedans de l'interligne glénohuméral postérieur. L'utilisation d'un viseur ou d'un guide permet
d'éviter les erreurs de trajet. La broche étant saillante sous la peau, en arrière, on effectue sur cette
saillie une moucheture à la lame de bistouri. Les fils de suture antérieure sont passés au travers du
chas et transfixiés en arrière par son intermédiaire. Leurs brins sont dénoués et repérés, 2 à 2 ; une
aiguille libre permet, par la moucheture cutanée, le passage de l'un d'entre eux dans l'aponévrose
superficielle sur laquelle les sutures sont appuyées. Dans sa première expérience, l'auteur
recommandait le passage de 3 fils au travers d'un orifice de broche ; il préfère désormais utiliser 5 à 8
fils au travers d'1 ou 2 tunnels osseux. Les sutures sont effectuées après relâchement de la traction,
en rotation neutre. On vérifie, par la voie optique postérieure, leur efficacité et leur stabilité. L'épaule
est immobilisée, coude au corps en rotation interne, pour une durée de 6 semaines.
Celui-ci propose une modification séduisante de la technique de Caspari. La broche passe-fil à bout
pointu est en premier lieu introduite au travers de la canule, endosse le ligament glénohuméral
inférieur, puis remonte le long du rebord antéro-inférieur de la glène préalablement avivé, pour avoir
un effet de remise en tension. Elle est impactée au maillet, puis montée sur moteur pour transfixier la
glène, dans les conditions anatomiques suscitées. Le fil de suture est passé dans le chas et ses 2
brins font issue à la partie postérieure de l'épaule après traction sur la broche. Celle-ci est libérée par
section de la boucle puis réintroduite dans la canule pour réaliser un second passage, identique au
premier, situé 10 à 15 mm au-dessus de lui. Les 2 brins antérieurs du fil sont repassés dans le chas
de la broche, puis tirés en arrière par une seconde contre-incision postérieure. Une pince de Kelly
sous-cutanée permettra de les amener au contact des 2 brins postérieurs auxquels ils seront noués.
Les conditions de la suture et les suites opératoires sont identiques.
Par rapport à l'intervention de Caspari, cette technique a le triple avantage d'être simple, d'assurer un
contact antérieur plus étroit par plaquage du ligament au rebord glénoïdien, de permettre l'utilisation
d'un fil double de plus gros calibre.
Variantes
Les inconvénients de ces techniques arthroscopiques restent nombreux : difficulté d'appréciation des
qualités mécaniques du ligament, souvent distendu ; caractère aléatoire d'une suture appuyée sur les
muscles postérieurs tuméfiés (Caspari, Morgan) ; risque lié à l'utilisation d'une agrafe métallique
(Johnson) ; surtout, inadaptation de la voie d'abord antérosupérieure pour réinsérer, dans son axe et
sur son site lésionnel, le ligament glénohuméral inférieur.
Wiley [125] propose l'utilisation provisoire d'un rivet métallique dont un manche saillant en avant
permet l'ablation à la 4e semaine. Wolf [126] utilise un vissage percutané extra-articulaire. Les
améliorations attendues proviendront d'une voie d'abord antéro-inférieure, du système de visée
limitant le risque neurologique, des artifices d'ancrage (Mitek®, Acufex®, Zimmer®, Arthrex®...)
idéalement résorbables.
Indications
Facteurs de l'indication
Patient
Ce sont les lésions anatomiques et non le mode d'expression fonctionnelle de l'instabilité qui
guideront l'indication. Devront ainsi être connues avec précision : l'atteinte du complexe antéro-
inférieur (fracture, éculement, lésion capsulolabrale ou ligamentaire), l'existence et la taille d'une
encoche céphalique, l'éventuelle hyperlaxité capsuloligamentaire, constitutionnelle. C'est le rôle du
bilan diagnostique, au besoin arthroscopique [73], et de l'arthrotomie, premier temps indispensable
de toute intervention stabilisatrice.
L'âge du patient et ses exigences ont également leur importance : exigences esthétiques (place du
traitement arthroscopique) et surtout exigence physique et sportive (côté dominant, mouvement
d'armer du bras et de lancer en abduction-rotation externe).
Interventions
Elles étaient avant tout fonction d'école, voire de continent : préférence aux butées carocoïdiennes en
France sous l'impulsion de l'école lyonnaise et de Patte ; intervention de Bankart et capsulorraphies
aux Etats-Unis à l'instar de Neer [78] et de Rowe [95] puis de Cofield [18] et Zuckerman [127] qui
insistent sur les risques inhérents à la présence de matériel d'ostéosynthèse. Deux conduites
s'opposent : la très grande majorité des écoles chirurgicales fait le choix d'une technique unique et s'y
tient, quelle que soit l'indication ; à l'inverse, le démembrement des formes cliniques de l'instabilité et
les possibilités de l'arthroscopie incitent à utiliser de nombreuses techniques, adaptées aux données
anatomiques et fonctionnelles, et de prendre alors le risque de perdre la pratique et l'habitude
d'interventions qui, toutes, sont techniquement délicates et astreignantes. Deux, voire trois
techniques chirurgicales en plus d'une éventuelle technique arthroscopique, représentent un arsenal
raisonnable.
Résultats
Morbidité
Elle ne permet pas de trancher en faveur de l'une ou l'autre des interventions proposées. Les
infections, hématomes, phlébites, problèmes neurologiques sont rares mais entachent toutes les
séries publiées ; ils conduisent à recommander un traitement anticoagulant et antibiotique préventif,
une technique chirurgicale rigoureuse et atraumatique. Dans les butées coracoïdiennes se surajoute
le risque de fracture peropératoire du transplant (14 % pour Hovelius [51], 6 % pour Hill [49], 1,5 %
pour Walch [121]). Ces fractures sont en règle « rattrapables » par artifice technique (cerclage de la
coracoïde, utilisation d'une rondelle, vissage « sur le flanc » d'une coracoïde fracturée verticalement,
vissage « debout » d'une coracoïde fracturée transversalement). Ces complications n'ont, en règle,
aucun retentissement sur le résultat final, mais nécessitent parfois une reprise opératoire et ne
peuvent être passées sous silence.
C'est par ailleurs le mérite d'Hovelius [51] et de Walch [121] d'avoir insisté sur les problèmes évolutifs
des butées osseuses : pseudarthrose (48 % pour Hovelius [51], 8 % pour Walch [121]) (fig. 12), lyse
de la butée (supérieure à un tiers dans 12,5 % des cas pour Walch [121], 10 % pour Toolanen [110]
dans l'opération d'Eden-Hybbinette). Ces échecs radiologiques méritent attention, bien que leur
retentissement soit différemment apprécié (absence de retentissement fonctionnel final pour
Delaunay [26] et Walch , retentissement pour Hill [49]). Notre choix du mode de synthèse de la butée
en tient compte : double vissage avec ancrage cortical postérieur d'une butée « couchée » pour éviter
la pseudarthrose, vis de 4,5 mm (corticale ou malléolaire) sans rondelle plutôt que vis de calibre plus
petit pour éviter la lyse.
Stabilité
La prévention de l'instabilité fonctionnelle reste l'objectif premier de l'intervention. A ce titre, il est bien
difficile de comparer les séries publiées car le mode de révision diffère (examen radioclinique ou
simple réponse à un questionnaire), et certains se limitent à chiffrer les récidives de luxations, faisant
preuve de tolérance vis-à-vis de l'appréhension résiduelle qui doit être considérée comme un échec
du traitement. Enfin, tous ne respectent pas le délai entre intervention et révision, qui doit
impérativement être supérieur à 2 ans pour pouvoir juger du résultat sur la stabilité . Une analyse
rigoureuse ne retrouve, en règle, une épaule parfaitement stable que dans 80 % des cas, tandis que
le taux de récidives varie, suivant les techniques, entre 2 et 9 %. Quel que soit le mode d'instabilité
résiduelle, le résultat sur la stabilité est globalement à l'avantage des butées coracoïdiennes par
rapport à l'intervention de Bankart et aux capsulorraphies ; les séries comparatives en attestent .
Mobilité
Il est désormais établi qu'une restriction de la rotation externe n'est par une condition nécessaire à
l'obtention d'une épaule stable . Le perte de rotation externe est conditionnée par l'attitude vis-à-vis
du sous-scapulaire ; elle est moindre après les butées qui évitent sa section. Globalement, la perte
moyenne de rotation est de 10° après butée, de 20° après intervention de Bankart. Les séries
comparatives confirment cette différence.
Arthrose
Susceptible de survenir à long terme, elle doit être considérée en raison du jeune âge des opérés
[102]. Le taux de survenue n'en est pas négligeable puisqu'à 10 ans de recul, Walch et coll. [122] font
état, toutes techniques confondues, de 20 % d'ostéophytose céphalique qu'il est légitime de
considérer comme un état préarthrosique. L'étude comparative des différentes séries est biaisée par
le fait que seules les révisions de butée comportent des radiographies. Cependant, le risque
arthrogène d'une opération de Bankart, qui sacrifierait par exemple un fragment fracturaire au rebord
antéro-inférieur de la glène, ne se confirme pas ; Rowe [95] n'en relève aucun cas dans sa série de
Bankart à 6 ans de recul moyen. Par contre, ce risque est réel dans les butées coracoïdiennes dont il
La morbidité en est certainement faible ; l'hospitalisation est brève, les complications exceptionnelles.
Les agrafes métalliques doivent, cependant, être retirées dans 10 % des cas [30] en raison
d'irritations, de douleurs ou de descellement (5,3 % pour Small [105]). La mobilité est, au mieux,
préservée et l'incidence de l'arthrose limitée par l'absence d'arthrotomie. L'écueil reste le résultat sur
la stabilité qui est diversement apprécié : 11 % d'échec pour Johnson [29] (148 patients, recul de 4
ans), 4 % d'échec pour Caspari [15] (49 cas, recul supérieur à 2 ans), 0 % d'échec pour Morgan [74]
(25 cas, recul de 17 mois). Le taux d'instabilité résiduelle, supérieur à celui des techniques ouvertes,
s'explique sans doute par l'insuffisance d'immobilisation postopératoire que chacun s'accorde à
prolonger, et par l'imprécision des indications anatomiques, l'arthroscopie devant être réservée aux
lésions de Bankart vraies, récentes, ne s'accompagnant ni d'hyperlaxité, ni de fracture de glène, ni de
distension plastique du ligament glénohuméral inférieur.
Indications schématiques
Dans la forme habituelle : instabilité antérieure sans hyperlaxité
L'instabilité volontaire est toujours associée à une hyperlaxité, mais elle n'est pas chirurgicale.
- En cas d'hyperlaxité inférieure associée à une lésion de Bankart, nous restons fidèles à la butée
coracoïdienne et à l'effet de rétention que permet le triple verrouillage. En règle, le résultat est bon
sur la stabilité fonctionnelle, mais l'hyperlaxité réapparaît après quelques mois.
- En cas d'hyperlaxité antéro-inférieure sans lésion anatomique de Bankart, la préférence doit être
donnée aux capsulorraphies avec plasties en T (technique de Jobe [55] ou d'O'brien et Warren [83]).
- Dans les formes majeures d'hyperlaxité inférieure et multidirectionnelle, le traitement doit faire appel
à la technique de Neer (« inferior capsular shift »). Il peut, toutefois, apparaître insuffisant de confier
la stabilisation de ces laxités aux seuls gestes de remise en tension capsulaire et de se priver d'un
geste musculaire ; c'est la raison pour laquelle nous n'hésitons pas à associer le « capsular shift » de
Neer à une butée coracoïdienne qui est positionnée en situation extra-articulaire interne, au travers
du sous-scapulaire dissocié, et ajoute à l'effet capsulaire celui du hamac musculaire antéro-inférieur.
- Laxité antérosupérieure
- Rowe avait mis l'accent, dans son étude du « Syndrome du bras mort » (sensation de faiblesse à
l'armer du bras), sur la fréquence des lésions du « rotator interval » (54 %).
- Ikeda [[79]] puis, récemment, Augereau [3] y ont vu une entité anatomoclinique nouvelle : l'instabilité
antérosupérieure dans laquelle la tête humérale, par le biais d'une hyperlaxité conséquente et
permissive, se subluxe au travers d'une déhiscence du « rotator interval » ou d'une déchirure du
ligament coracohuméral. L'épaule est douloureuse, l'examen clinique retrouve des signes de conflit
antérosupérieur et un test d'appréhension positif ; Jobe [55] nous aide, par la description du «
relocation test », à démembrer ce tableau intriqué d'épaule douloureuse dans lequel la seule
acromioplastie sera un échec si elle n'est pas associée à une fermeture du « rotator interval » [3], à
une coracoïdoplastie [3] ou à une capsulorraphie [55].
- patient de moins de 60 ans avec tête centrée : voie d'abord antérieure élargie, butée coracoïdienne
selon la technique habituelle, par voie deltopectorale, puis, par voie transdeltoïdienne, acromioplastie
et réparation tendineuse. Neer [78] limite l'intervention à une réinsertion glénoïdienne de la lésion de
Bankart au travers de la rupture de coiffe, avant réparation de la brèche tendineuse. Le traitement de
la rupture de coiffe est un compromis ; idéalement, diagnostic et traitement doivent être précoces et
précéder le stade de rétraction (inévitable et rapide si la lésion est étendue au sous-épineux) ; ces
interventions comportent, cependant, un risque de raideur postopératoire, majoré par leur réalisation
en phase aiguë ;
- patient de moins de 60 ans avec tête excentrée, ou patient âgé de plus de 60 ans : chirurgie
stabilisatrice isolée préservant le sous-scapulaire et l'abaissant pour lui conférer un rôle de
recentrage de la tête humérale : technique de Trillat (63 % de bons résultats objectifs et 88 %
d'opérés satisfaits à 10 ans, pour Walch [120]) ou butée coracoïdienne selon l'artifice de Torg ;
association à une acromioplastie en cas de conflit antérosupérieur douloureux.
- si l'intervention initiale est une butée coracoïdienne, la reprise ne peut se faire que par butée :
Haut de page
Instabilité postérieure
Hawkins [45]) ; l'incidence de l'hyperlaxité est importante. Les symptômes remontent souvent à
l'enfance et les séries publiées concernent des patients jeunes .
Le diagnostic anatomique est également délicat. Les facteurs osseux constitutionnels (excès de
rétroversion céphalique ou glénoïdienne) sont exceptionnels. Les lésions de « passage » sont rares.
La capsule postérieure est lâche plutôt que désinsérée [55] et l'encoche céphalique antérieure (lésion
de Hill-Sachs inversée) se rencontre plus souvent dans les luxations aiguës ou invétérées que dans
l'instabilité postérieure chronique [7].
L'indication chirurgicale n'intervient donc qu'après mûre réflexion et échec du traitement fonctionnel
rééducatif. Il n'y a pas de traitement arthroscopique de l'instabilité postérieure.
Au stade de la luxation initiale, le traitement chirurgical n'est justifié qu'en cas de fracture instable et
déplacée du trochin. L'abord est antérieur, deltopectoral. La fixation du fragment trochinien se fait par
double vissage (vis malléolaire ou spongieuse). On prendra garde d'éviter le conflit entre coracoïde et
tête de vis en effectuant, au besoin, une coracoïdoplastie. L'immobilisation postopératoire est de 4
semaines, en station coude au corps et en rotation neutre.
Pour cette chirurgie d'exception, notre préférence va à la voie d'abord de Codman [17] et McWorther
[65] qui comporte une désinsertion du deltoïde postérieur et permet la meilleure exposition des
structures capsulotendineuses et des lésions.
Installation
Le patient est en décubitus latéral et le champ opératoire concerne la totalité du membre supérieur.
Incision cutanée
Elle débute 0,5 cm sous l'épine de l'omoplate, à mi-distance entre ses extrémités interne et externe.
Elle se dirige, en dehors, parallèlement à l'épine jusqu'à la saillie postéroexterne de l'acromion. Elle
s'incurve alors vers l'avant, 0,5 cm sous le rebord acromial, jusqu'à l'aplomb de la partie moyenne de
l'acromion (plan sagittal). A ce niveau, elle s'incurve vers le dehors, parallèlement aux fibres du
deltoïde sur une longueur de 3 cm.
Le deltoïde postérolatéral est désinséré de l'acromion postérieur sur le trajet de l'incision, en zone
tendineuse pour permettre une réinsertion solide. A chaque extrémité de la désinsertion, les fibres du
deltoïde sont dissociées sur une hauteur n'excédant pas 5 cm. En arrière comme en dehors, la
dissociation est bloquée par un point d'arrêt. Un écarteur permet de récliner le deltoïde en bas et
d'accéder à la fosse sous-épineuse et à la lame tendineuse postérosupérieure de la coiffe. Les
muscles sous-épineux et petit rond sont repérés et leur tendon incisé verticalement 1 cm en dedans
de l'insertion trochitérienne ; la ténotomie respecte la moitié inférieure du petit rond. Les tendons
libérés sont réclinés en dedans et dissociés de la capsule postérieure glénohumérale. La
capsulotomie est verticale, effectuée 0,5 cm en dehors du rebord glénoïdien postérieur. Elle permet
la mise en place de 2 écarteurs contre-coudés aux pôles supérieur et inférieur de la glène, puis d'un
rétracteur de tête humérale accroché au bord antérieur de la glène en position de rotation externe.
Risques
Variantes
Certains préfèrent l'installation en décubitus ventral. La voie d'abord de Rockwood limite l'abord à une
incision verticale qui débute 1 cm en dedans de l'angle postérieur de l'acromion, se prolonge sur 10
cm en direction du pli postérieur de l'aisselle et permet la dissociation des fibres du deltoïde. La voie
de Rowe [100], enfin, s'étend en hémicirconférence de la partie externe de l'épine de l'omoplate
jusqu'au quart externe de la clavicule et permet d'aborder conjointement les faces postérieure,
supérieure et antérieure de l'épaule par désinsertion haute du deltoïde.
Techniques réparatrices
Elle consiste en une glénoplastie par ostéotomie d'ouverture postérieure du col de l'omoplate. Le trait
d'ostéotomie est vertical, parallèle au plan de la glène. Il débute 8 mm en dedans du rebord
glénoïdien postérieur ; plus proche de la marge glénoïdienne, il expose au risque de nécrose du
fragment épiphysaire ; plus éloigné d'elle, il risque d'être agressif pour le pédicule sus-scapulaire.
L'ostéotomie est intra-articulaire pour être stable ; ceci nécessite parfois de ruginer l'insertion
capsulopériostée glénoïdienne. L'ostéotomie est initiée à la scie oscillante, poursuivie à l'ostéotome.
Le rétracteur de tête humérale permet de contrôler le plan de la glène et de rester parallèle à lui.
L'ostéotomie concerne les quatre cinquièmes de la glène, conservant une charnière corticale
antérieure. La base postérieure de l'angle d'ouverture est de 5 mm ; ceci conduit à une dérotation
antérieure de la glène de 15 à 20°. Au greffon acromial , nous préférons un greffon iliaque postérieur
[14] qui a l'avantage d'une meilleure congruence et n'altère pas la lame tendineuse acromiale de
réinsertion du deltoïde. La stabilité du greffon est, en règle, suffisante pour se dispenser
d'ostéosynthèse. L'immobilisation postopératoire est de 4 semaines, coude au corps, en rotation
neutre et légère extension. Cette dernière déporte l'humérus en arrière du plan de l'omoplate et
supprime le risque de subluxation postérieure [100].
Hawkins [45] et Matsen [69] insistent sur le risque d'une fracture ou d'une effraction cartilagineuse en
cours d'ostéotomie et la nécessité d'un contrôle visuel du plan de la glène. Gerber [40] et Matsen [69]
craignent la survenue d'un conflit antéro-interne coracoïdien par translation antérieure de la tête
humérale. Gerber [40] recommande de tester, en préopératoire, l'amplitude de rotation interne à 90°
d'élévation latérale ; si cette amplitude est limitée après réalisation de l'ostéotomie, il recommande un
contre-abord antérieur et une coracoïdoplastie.
La lésion de Bankart postérieure est exceptionnelle ; la capsule postérieure, distendue, n'a pas de
valeur mécanique [114]. L'intervention de Bankart postérieure est déconseillée [100]. Il en est de
même de l'agrafage capsulaire [109].
Les procédés de capsulorraphie postérieure gardent des adeptes ; ils sont l'équivalent technique des
capsulorraphies antérieures : « inferior capsular shift » avec désinsertion capsulaire au col de
l'humérus [77], plicature capsulaire simple [69], plastie en T à branche verticale glénoïdienne , plastie
en H vertical permettant l'ascension du lambeau quadrangulaire inférieur [103]. La réinsertion
capsulaire glénoïdienne s'effectue en rotation neutre, par suture au bourrelet si ce dernier est intact,
par suture transosseuse s'il est absent ou lésé. Tous les auteurs s'accordent à recommander une
longue période d'immobilisation, en rotation neutre-extension (4 à 6 semaines), et de rééducation,
avant le retour aux activités sportives (6 à 9 mois).
Le Putti-Platt postérieur, prôné par Matsen [69], a pour but de limiter à 45° l'amplitude de rotation
interne, sachant qu'un paletot d'1 cm sur le sous-épineux la restreint de 20°.
Enfin Fronek [37] combine les procédés en doublant la capsulorraphie d'une réinsertion au bord
postérieur de la glène du lambeau externe de sous-épineux.
Butée osseuse
Affleurante [37] ou débordante [76], la butée osseuse est positionnée après avivement glénoïdien, en
situation postéro-inférieure. Elle fait appel à un greffon iliaque ou acromial stabilisé par une vis
spongieuse à prise bicorticale. L'orifice de vissage est foré dans la glène avant le positionnement de
la butée pour éviter toute effraction articulaire du matériel d'ostéosynthèse.
Autres procédés
Boyd [10] utilise le tendon de la longue portion du biceps, dérouté en avant, passé en dessous et en
arrière du tendon du petit rond et agrafé au rebord postérieur de la glène. Surin [106] propose une
adaptation de la technique de Weber par ostéotomie de dérotation humérale de 30°.
Indications
dans les cas exceptionnels de rétroversion excessive, ou lorsque le bilan radiographique a permis de
mettre en évidence une fracture ou un éculement du rebord postérieur de la glène. Cette ostéotomie
est, de principe, associée à une suture en paletot de la capsule et du tendon sous-épineux.
- la rétraction fibrocapsulaire antérieure est telle qu'elle contre-indique toute tentative de réduction
orthopédique en raison du risque majeur de fracture céphalotubérositaire ou de récidive [122] ;
- l'encoche céphalique antérieure, rare dans l'instabilité chronique, est désormais constituée par
impaction progressive au rebord postérieur de la glène ; elle prend une ampleur souvent
considérable, à tel point que Randelli [92] a classé ces luxations invétérées en types 1 et 2 selon que
le volume de l'encoche est inférieur ou supérieur à 50 % de la surface cartilagineuse céphalique.
Voie d'abord
Longtemps recommandée, la voie d'abord postérieure ne permettait qu'un contrôle imparfait des
adhérences fibreuses antérieures et de l'encoche. La voie d'abord antérieure, deltopectorale élargie,
doit lui être préférée . Rowe [100] utilise la voie d'abord supérieure avec désinsertion périacromiale
du deltoïde.
Techniques
Abord deltopectoral antérieur ; section au ras du trochin et relèvement sur fil de traction du tendon
sous-scapulaire, après identification de la gouttière bicipitale ; résection du tissu fibreux d'interposition
jusqu'au repérage du rebord antérieur de la glène.
Quelle que soit la technique utilisée, l'immobilisation postopératoire est de 4 semaines (coude au
corps, rotation externe 20°, extension).
Arthroplastie prothétique
- l'abord antérieur se fait par ostéotomie du trochin plutôt que par section du sous-scapulaire ; la
rétraction antérieure est telle que la réinsertion du sous-scapulaire se fait dans l'encoche et la fixation
stable du trochin par vissage permet d'éviter l'immobilisation postopératoire ;
- la rétroversion prothétique doit être faible ou nulle pour limiter le risque d'instabilité postérieure
résiduelle ; Hawkins [45] recommande une rétroversion de 5° si le délai de luxation est inférieur à 6
mois, une rétroversion nulle s'il est supérieur.
Indications
L'abstention est licite chez un sujet peu actif dont la luxation date de plus de 6 mois.
Références Bibliographiques
[1] ALVIK K Habitual shoulder luxation. Acta Orthop Scand 1961 ; 30 : 251-264
[2] ASTON JW, GREFORY CF Dislocation of the shoulder with significant fracture of the glenoid. J
Bone Joint Surg (Am) 1973 ; 55 A : 1531-1534
[3] AUGEREAU B, ROBIN H Instabilité antérosupérieure de l'épaule. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 598-
601
[4] BANKART AS The pathology and treatment of recurrent dislocation of the shoulder joint. Br J
Surg 1939 ; 26 : 23-29
[5] BARRY TP, LOMBARDO SJ, KERLAN RK , et al. The coracoid transfer for recurrent anterior
instability of the shoulder in adolescents. J Bone Joint Surg (Am) 1985 ; 67 A : 383-387
[6] BERG EE, ELLISON AE The inside-out Bankart procedure. Am J Sports Med 1990 ; 18 : 129-133
[8] BESTARD EA Glenoplasty ; a simple reliable method of correcting recurrent posterior dislocation
of the shoulder. Orthop Rev 1976 ; 5 : 29-34
[9] BLOM S, DAHLBÄCK LO Nerve injuries in dislocations of the shoulder joint and fractures of the
neck of the humerus. A clinical and electromyographical study. Acta Chir
Scand 1970 ; 136 : 461-466
[10] BOYD HB, SISK TD Recurrent posterior dislocation of the shoulder. J Bone Joint Surg
(Am) 1972 ; 54 A : 779-786
[11] BOYTCHEV B Metodo originale per il trattemento delta lissazione recidivante delta
spalla. Minerva Orthop 1951 ; 2 : 377-379
[12] BRALY WG, TULLOS HS A modification of the Bristow procedure for recurrent anterior shoulder
dislocation and subluxation. Am J Sports Med 1985 ; 13 : 81-86
[13] BRAV EA Recurrent dislocation of the shoulder. Ten Years' experience with Putti-Platt
reconstruction procedure. Am J Surg 1960 ; 100 : 423-430
[14] BREWER BJ, WUBBEN RC, CARRERA GF Excessive retroversion of the glenoid cavity. A cause of
non-traumatic posterior instability of the shoulder. J Bone Joint Surg (Am) 1986 ; 68 A : 724-
731
[15] CASPARI RB, SAVOIE PH. Arthroscopic reconstruction of the shoulder : the Bankart Repair. In :
Mac Ginty JB ed. Operative arthroscopy. Raven Press 1991 ; pp 507-516
[16] CHEN SK, PERRY J, JOBE FW , et al. Elbow flexion analysis in Bristow patients. A preliminary
report. Am J Sports Med 1984 ; 12 : 347-350
[17] CODMAN EA Obscure lesions of the shoulder : rupture of the supraspinatus tendon. Boston Med
Surg J 1927 ; 196 : 381
[18] COFIELD RH, IRVING JF Evaluation and classification of shoulder instability. With special
reference to examination under anesthesia. Clin Orthop 1987 ; 223 : 32-43
[19] COLLINS KA, CAPITO C, CROSS M The use of the Putti-Platt procedure in the treatment of
recurrent anterior dislocation. With special reference to the young athlete. Am J Sports
Med 1986 ; 14 : 380-382
[20] CONFORTY B The results of the Boytchev procedure for treatment of recurrent dislocation of the
shoulder. Int Orthop 1980 ; 4 : 127-132
[21] CONNOLLY JF Humeral head defects associated with shoulder dislocation - their diagnostic and
surgical significance. Instr Course Lect 1972 ; 21 : 42
[22] CURR JF Rupture of the axillary artery complicating dislocation of the shoulder. Repor of case. J
Bone Joint Surg (Br) 1970 ; 52 B : 313-317
[23] CYPRIEN JM, VASEY HM, BURDET A , et al. Humeral retrotorsion and glenohumeral relationship
in the normal shoulder and in recurrent anterior dislocation (scapulometry). Clin
Orthop 1983 ; 175 : 8-17
[24] DE ANQUIN CE Recurrent dislocation of the shoulder : roentgenographic study. J Bone Joint Surg
(Am) 1965 ; 47 A : 1085
[25] DEBEVOISE NT, HYATT GW, TOWNSEND GB Humeral torsion in recurrent shoulder dislocations.
A technic of determination by X-ray. Clin Orthop 1971 ; 76 : 87-93
[26] DELAUNAY C, LORD G, BLANCHARD JP, MAROTTE JH, GUILLAMON JL Place actuelle du
traitement des luxations récidivantes et des instabilités antérieures de l'épaule par l'intervention
de Latarjet. Ann Chir 1985 ; 39 : 293-304
[27] DE PALMA AF Recurrent dislocation of the shoulder joint. Ann Surg 1950 ; 132 : 1052-1065
[28] DE PALMA AF. Surgery of the shoulder (2nd ed). JB Lippincott. Phildelphia. 1973
[29] DETRISAC DA, JOHNSON LL. Arthroscopic shoulder anatomy. Thorofare NJ, Slack 1988
[30] DETRISAC DA. Arthroscopic shoulder staple capsuloraphy for traumatic anterior instability. In :
Mac Ginty JB ed. Operative arthroscopy. Raven Press. New York. 1991 ; pp 517-528
[31] DUTOIT GT, ROUX D Recurrent dislocation of the shoulder. A 24 year study of the Johannesburg
stapling operation. J Bone Joint Surg (Am) 1956 ; 38 A : 1-12
[32] EYRE-BROOK AL Recurrent dislocation of the shoulder. Lesions discovered in seventeen cases.
Surgery employed, and intermediate report on results. J Bone Joint Surg (Br) 1948 ; 30 B : 39-
46
[33] FERRARI DA Capsular ligaments of the shoulder. Anatomical and functional study of the anterior
superior capsule. Am J Sports Med 1990 ; 18 : 20-24
[34] FERY A, SOMMELET J La luxation en mât de l'épaule (luxation erecta humeri). Revue générale à
propos de 10 observations. Int Orthop 1987 ; 11 : 95-103
[35] FLATOW EL, BIGLIANI LU, APRIL EN An anatomic study of the musculocutaneous nerve and its
relationship to the coracoid process. Clin Orthop 1989 ; 244 : 166-171
[36] FRANKEN TH Injury to the musculocutaneous nerve as a complication of operations for recurrent
dislocation of the shoulder. J Bone Joint Surg (Br) 1984 ; 66 B : 449
[37] FRONEK J, WARREN RF, BOWEN M Posterior subluxation of the glenohumeral joint. J Bone Joint
Surg (Am) 1989 ; 71 A : 205-216
[38] GERARD Y, SEGAL P, LEBLANC JP Une cause rare de luxation récidivante de l'épaule. Ann Med
Reims. 1971 ; 8 : 45-47
[39] GERBER C, TERRIER F, GANZ R The Trillat procedure for recurrent anterior instability of the
shoulder. J Bone Joint Surg (Br) 1988 ; 70 B : 130-134
[40] GERBER C, GANZ R, VINH TS Glenoplasty for recurrent posterior shoulder instability. An
anatomic reappraisal. Clin Orthop 1987 ; 216 : 70-79
[43] HAWKINS RH, HAWKINS RJ Failed anterior reconstruction for shoulder instability. J Bone Joint
Surg (Br) 1985 ; 67 B : 709-714
[44] HAWKINS RJ, BELL RH, HAWKINS RH, KOPPERT GJ Anterior dislocation of the shoulder in the
older patient. Clin Orthop 1986 ; 206 : 192-195
[45] HAWKINS RJ, KOPPERT G, JOHNSTON G Recurrent posterior instability (subluxation) of the
shoulder. J Bone Joint Surg (Am) 1984 ; 66 A : 169-174
[46] HAWKINS RJ, NEER CS, PIANTA RM, MENDOZA FX Locked posterior dislocation of the shoulder. J
Bone Joint Surg (Am) 1987 ; 69 A : 9-18
[47] HELFET AJ Coracoid transplantation for recurring dislocation of the shoulder. J Bone Joint Surg
(Br) 1958 ; 40 B : 198-202
[49] HILL JA, LAMBARDO SJ, KERLAN RK , et al. The modified Bristow-Helfet procedure for recurrent
anterior shoulder subluxations and dislocations. Am J Sports Med 1981 ; 9 : 283-287
[50] HOVELIUS L, ERIKSSON K, FREDIN H , et al. Recurrences after initial dislocation of the shoulder.
Results of a prospective study of treatment. J Bone Joint Surg (Am) 1983 ; 65 A : 343-349
[51] HOVELIUS L, LIND B, THORLING J Primary dislocation of the shoulder : factors affecting the two
years prognosis. Clin Orthop 1983 ; 176 : 181-185
[52] HOVELIUS L, KORNER L, LUNDBERG B , et al. The coracoid transfer for recurrent dislocation of
the shoulder. Technical aspects of the Bristow-Latarjet procedure. J Bone Joint Surg
(Am) 1983 ; 65 A : 926-934
[53] HOVELIUS L Anterior dislocation of the shoulder in teen-agers and young adults. Five year
prognosis. J Bone Joint Surg (Am) 1987 ; 69 A : 393-399
[54] HYBBINETTE S De la transposition d'un fragment osseux pour remédier aux luxations
récidivantes de l'épaule : constatations et résultats opératoires. Acta Chir Scand 1932 ; 71 : 411-
445
[55] JOBE FW, TIBONE JE, JOBE CM, KVITNE RS. The shoulder in sports. In : Rockwood CA, Matsen
FA eds. The shoulder (vol 2). WB Saunders. Philadelphia. 1990
[56] JOHNSON LL Arthroscopy of the shoulder. Orthop Clin North Am 1980 ; 11 : 197-204
[57] KRETZLER HH, BLUE AR Recurrent posterior dislocation of the shoulder in cerebral palsy. J Bone
Joint Surg (Am) 1966 ; 48 : 1221
[59] LEACH RE, CORBETT M, SCHEPSIS A, STOCKEL J Results of a modified Putti-Platt operation for
recurrent shoulder dislocations and subluxations. Clin Orthop 1982 ; 164 : 20-25
[60] LOOMER R, GRAHAM B Anatomy of the axillary nerve and its relation to inferior capsular
shift. Clin Orthop 1989 ; 243 : 100-105
[61] McAULIFFE TB, PANGAYATSELVAN T, BAYLEY I Failed surgery for recurrent anterior dislocation of
the shoulder. Causes and management. J Bone Joint Surg (Br) 1988 ; 70 B : 798-801
[62] McLAUGHLIN HL, McLELLA DI Recurrent anterior dislocation of the shoulder II. A comparative
study. J Trauma 1967 ; 7 : 191-201
[63] McLAUGHLIN HL Locked posterior subluxation of the shoulder : diagnosis and treatment. Surg
Clin North Am 1963 ; 43 : 1621-1622
[64] McMURRAY TB Recurrent dislocation of the shoulder (proceedings). J Bone Joint Surg
(Br) 1961 ; 43 B : 402-405
[65] McWORTHER GL Old posterior dislocation of the shoulder with complete desability. Reduction by
the author's posterior shoulder incision. Surg Clin North Am 1932 ; 12 : 1239
[66] MAGNUSSON PB, STACK JK Recurrent dislocation of the shoulder. JAMA 1943 ; 123 : 889-892
[67] MALEFIJT JdeW, VAN RENS TJ, OOMS AJ A comparison of the results of the Bristow Latarjet
procedure and the Bankart Putti-Platt operative for recurrent anterior dislocation of the
shoulder. Acta Orthop Belg 1985 ; 51 : 831-842
[69] MATSEN FA, THOMAS SC, ROCKWOOD CA. Glenohumeral instability. In : Rockwood CA, Matsen
FA eds. The shoulder. WB Saunders. Philadelphia. 1990 ; vol 1 : pp 526-622
[70] MATTHEWS LS, VETTER WL, OWEIDA SJ, SPEARMAN J, HELFET DL Arthroscopic staple
capsulorraphy for recurrent anterior instability. Arthroscopy 1988 ; 4 : 106-111
[71] MAY VR A modified Bristow operation for anterior recurrent dislocation of the shoulder. J Bone
Joint Surg (Am) 1970 ; 52 A : 1010-1016
[73] MOD DW, FOGG AJ, HOKAN R, BAYLEY JL The diagnostic value of arthroscopy in glenohumeral
instability. J Bone Joint Surg (Br) 1990 ; 72 B : 698-700
[74] MORGAN CD, BODENSTAB AB Arthroscopic Bankart suture repair : technique and early
results. Arthroscopy 1987 ; 3 : 111-122
[75] MORREY BF, JONES JM Recurrent anterior dislocation of the shoulder. Long-term follow-up of the
Putti-Platt and Bankart procedure. J Bone Joint Surg (Am) 1976 ; 58 A : 252-256
[76] MOWERY CA, GARFIN SR, BOOTH RE, ROTHMAN RH Recurrent posterior dislocation of the
shoulder. Treatment using a bone block. J Bone Joint Surg (Am) 1985 ; 67 A : 777-781
[77] NEER CS, FOSTER CR Inferior capsular shift for involuntary inferior and multidirectional
instability of the shoulder. A preliminary report. J Bone Joint Surg (Am) 1980 ; 62 A : 897-907
[78] NEER CS. Shoulder reconstruction. In : Rockwood CA, Matsen FA eds. The shoulder. WB
Saunders. Philadelphia. 1990 ; vol 1 : pp 273-362
[79] NOBUHARA K, IKEDA H Rotator interval lesion. Clin Orthop 1987 ; 223 : 44-50
[80] NOESSKE Zur habituellen Schulterluxation. Zbl Chir 1924 ; 51 (43) : 2402-2404
[81] NORWOOD LA, TERRY GC Shoulder posterior subluxation. Am J Sports Med 1984 ; 12 : 25-30
[82] NORWOOD LA, MATIKO JA, TERRY GC Posterior shoulder approach. Clin
Orthop 1985 ; 201 : 167-172
[83] O'BRIEN JJ, WARREN RF, SCHWARZ E Anterior shoulder instability. Orthop Clin North
Am 1987 ; 18 : 395-408
[84] OLIVIER H, DUFOUR G, DUPARC J Les fractures du trochiter. Rev Chir Orthop 1976 ; 62 (suppl
2) : 113-118
[85] OSMOND-CLARKE H Habitual dislocation of the shoulder. The Putti-Platt operation. J Bone Joint
Surg (Br) 1948 ; 30 B : 19-25
[86] PATTE D, BERNAGEAU J, RODINEAU J, GARDES JC Epaules douloureuses et instables. Rev Chir
Orthop 1980 ; 66 : 157-165
[87] PATTE D, BANCEL P, BERNAGEAU J. The vulnerable point of the glenoid rim. In : Bateman,
Welsch eds. Surgery of the shoulder. Marcel Dekker. New York. 1985
[88] PATTE D, BERNAGEAU J Epaules douloureuses par accidents d'instabilité inapparents (EDI). Rev
Chir Orthop 1988 ; 74 (suppl II) : 259-263
[89] PORTEOUS MJ, MILLER AJ Humeral rotation osteotomy for chronic posterior dislocation of the
shoulder. J Bone Joint Surg (Br) 1990 ; 72 B : 468-469
[90] PRITCHETT JW, CLARK JM Prosthetic replacement for chronic unreduced dislocations of the
shoulder. Clin Orthop 1987 ; 216 : 89-93
[91] PROTZMAN RR Anterior instability of the shoulder. J Bone Joint Surg (Am) 1980 ; 62 A : 901-
918
[93] ROWE CR, SAKELLARIDES HT Factors related to recurrences of anterior dislocations of the
shoulder. Clin Orthop 1961 ; 20 : 46-48
[94] ROWE CR, PIERCE DS, CLARK JG Voluntary dislocation of the shoulder. A preliminary report on a
clinical, electromyographic, and psychiatric study of twenty-six patients. J Bone Joint Surg
(Am) 1973 ; 55 A : 445-460
[95] ROWE CR, PATEL D, SOUTHMAYD WW The Bankart procedure. A long term end-results study. J
Bone Joint Surg (Am) 1978 ; 60 A : 1-16
[96] ROWE CR, ZARINS B Recurrent transient subluxation of the shoulder. J Bone Joint Surg
(Am) 1981 ; 63 A : 863-871
[97] ROWE CR, ZARINS B Chronic unreduced dislocations of the shoulder. J Bone Joint Surg
(Am) 1982 ; 64 A : 494-505
[98] ROWE CR, ZARINS B, CIULLO JU Recurrent anterior dislocation of the shoulder after surgical
repair. Apparent causes of failure and treatment. J Bone Joint Surg (Am) 1984 ; 66 A : 159-168
[99] ROWE CR Recurrent transient anterior subluxation of the shoulder. « The dead arm syndrome
». Clin Orthop 1987 ; 223 : 11-19
[100] ROWE CR. Dislocations of the shoulder. Rowe C ed. The shoulder. Churchill Livingstone.
Edinburgh. 1988 ; pp 165-291
[101] SAHA AK. Recurrent dislocation of the shoulder. Georg Thieme-Verlag. Stuttgart. 1981
[102] SAMILSON RL, PRIETO V Dislocation arthropathy of the shoulder. J Bone Joint Surg
(Am) 1983 ; 65 A : 456-460
[103] SCHWARTZ E, WARREN RF, O'BRIEN SJ, FRONEK J Posterior shoulder instability. Orthop Clin
North Am 1987 ; 18 : 409-419
[104] SCOTT DJ Treatment of recurrent posterior dislocations of the shoulder by glenoplasty. J Bone
Joint Surg (Am) 1967 ; 49 A : 471-476
[107] SYMEONIDES PP Reconsideration of the Putti-Platt procedure and its mode of action in recurrent
traumatic anterior dislocation of the shoulder. Clin Orthop 1989 ; 246 : 8-15
[108] THOMAS SC, MATSEN FA An approach to the repair of avulsion of the glenohumeral ligaments in
the management of traumatic anterior glenohumeral instability. J Bone Joint Surg
(Am) 1989 ; 71 A : 506-513
[109] TIBONE JE, PRIETTO C, JOBE FW , et al. Staple capsulorrhaphy for recurrent posterior shoulder
dislocation. Am J Sports Med 1981 ; 9 : 135-139
[110] TOOLANEN G, KJELLGREN A, OLSSON H, HÖGSTRÖM B The alvik glenoplasty for the instable
shoulder-modification of the Eden-Hybbinette operation in 66 cases. Acta Orthop
Scand 1990 ; 61 : 111-115
[111] TORG JS, BALDUINI FC, BONCI C , et al. A modified-Bristow-Helfet-May procedure for recurrent
dislocation and subluxation of the shoulder. J Bone Joint Surg (Am) 1987 ; 69 A : 904-913
[112] TRAVLOS J, GOLDBERG I, BOOME RS Brachial plexus lesions associated with dislocated
shoulders. J Bone Joint Surg (Br) 1990 ; 72 B : 68-71
[117] UHTHOFF HK, SOUCY D, COLLIOU L L'emploi des fils métalliques amovibles dans la réparation
de la luxation récidivante de l'épaule. Union Med Can 1975 ; 104 : 751-754
[119] WALCH G, DEJOUR H, TRILLAT AG La luxation récidivante antérieure de l'épaule survenant après
40 ans. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 : 609-616
[121] WALCH G La luxation récidivante antérieure de l'épaule. Rev Chir Orthop 1991 ; 77 (suppl 1)
: 177-191
[123] WEBER BG, SIMPSON LA, HARDEGGER F Rotational humeral osteotomy for recurrent anterior
dislocation of the shoulder associated with a large Hill-Sachs lesion. J Bone Joint Surg
(Am) 1984 ; 66 A : 1443-1450
[124] WHEELER JH, RYAN JB, ARCIERO RA, MOLINARI RN Arthroscopic versus non operative treatment
of acute shoulder dislocations in young athletes. Arthroscopy 1989 ; 5 : 213-217
[125] WILEY AM Arthroscopy for shoulder instability and a technique for athroscopic
report. Arthroscopy 1988 ; 4 : 25-30
[126] WOLF EM Arthroscopic anterior shoulder capsulorraphy. Techniques Orthop 1988 ; 3 : 67-73
[127] ZUCKERMAN JD, MATSEN FA Complications about the glenohumeral joint related to the use of
screws and staples. J Bone Joint Surg (Am) 1984 ; 66 A : 175-180
Figures
Fig. 1
Abord antérieur : installation. A. Appui sous le bord spinal de l'omoplate pour l'horizontaliser. B. Appui sous le coude
pour détendre les structures antérieures. C. Position de l'opéré et de l'équipe chirurgicale : chirurgien (C), instrumentiste
(I), anesthésiste (An), assistants (A1 et A2).
Fig. 2
Abord antérieur : technique. A. Incision verticale centrée sur la pointe de l'apophyse coracoïde. B. Dissociation du sillon
deltopectoral, passant en dedans de la veine céphalique. C. Situation des nerfs circonflexe (flèche rouge) et
musculocutané (flèche noire).
Fig. 3
Fig. 4
Capsulorraphie de Neer (« inferior capsular shift »). A. Tracé des incisions capsulaires. B. Position des 2 lambeaux après
avivement du col de l'humérus et remise en tension.
Fig. 5
Capsulorraphie par « T plasty ». A. Tracé des incisions capsulaires après dissociation ou dissection du sous-scapulaire.
B. Exploration et perforation étagée de la glène. C. Remise en tension haute du lambeau inférieur. D. Remise en tension
basse du lambeau supérieur.
Fig. 6
Butée coracoïdienne. A. Site et principes de fixation de la butée affleurante et couchée au bord antéro-inférieur de la
glène. B. Prélèvement de la butée correspondant à la branche horizontale de l'apophyse coracoïde, conservant les
insertions du tendon coracobrachial et du ligament coracoacromial. L'intervention peut être faite au travers d'une
dissociation simple des fibres du sous-scapulaire (jonction deux tiers supérieurs - tiers inférieur) ou d'une section en L de
sa partie supérieure. C. Après exploration, le rebord antéro-inférieur de la glène est exposé (résection capsuloligamentaire
ou osseuse en cas de fracture) et avivé. D. Vissage de la butée par 2 vis à prise bicorticale. Suture du lambeau capsulaire
externe ou reliquat de ligament coracoacromial. E. Suture du sous-scapulaire (si nécessaire) et fermeture de sa
dissociation externe.
Fig. 7
Fig. 8
Fig. 9
Ostéotomie humérale de Weber. A. Principe : ostéotomie métaphysaire transversale de rotation externe (25°) associée à
une myorraphie du sous-scapulaire pour limiter l'amplitude de rotation externe ; on évite ainsi l'accrochage en rotation
externe de l'encoche céphalique au bord antérieur de la glène. B. Incision du sous-scapulaire, repérage du niveau
d'ostéotomie, mise en place, de part et d'autre, de 2 broches angulées de l'angle de dérotation souhaité ; impaction dans
la tête humérale de la partie supérieure d'une plaque d'ostéosynthèse 6 trous, préalablement coudée. C. Réalisation de
l'ostéotomie, alignement des 2 broches et vissage de la plaque d'ostéosynthèse. D. Myorraphie du sous-scapulaire (Putti-
Platt) et complément d'ostéosynthèse par plaque 2 trous antérieure.
Fig. 10
Fig. 11
Fig. 12
A. Arthrose glénohumérale sur butée débordante. B. Pseudarthrose de butée (vissage debout, unicortical).
Fig. 13
Voie d'abord postérieure : A. Installation. B. Incision. C. Désinsertion spinale du deltoïde et exposition de la coiffe
postérieure.
Fig. 14
Ostéotomie glénoïdienne postérieure. A. Arthrotomie postérieure, exposition du rebord glénoïdien et tracé de l'ostéotomie
parallèle à la surface articulaire, 8 mm en dedans d'elle, respectant une charnière antérieure. B. Encastrement d'un greffon
iliaque triangulaire stable ; un greffon dont la base est de 5 mm correspond à une dérotation angulaire de glène de 15°.
Fig. 15
Capsulorraphie postérieure. A. « Capsular shift » de Neer. B. Remise en tension capsulaire par « T plasty ». C. Plastie
capsulaire en H.
Fig. 16
Acromioplastie (chirurgicale
et arthroscopique)
L Nové-Josserand
Résumé. – La voûte acromiocoracoïdienne développe des rapports anatomiques étroits avec la coiffe des
rotateurs. En 1972, Neer développe le concept de conflit (impingement syndrome) entre la partie antérieure
de l’acromion et la coiffe des rotateurs (supraspinatus). Il propose alors de réaliser de façon spécifique une
acromioplastie antéro-inférieure plutôt qu’une acromionectomie moins étiologique et aux conséquences
parfois redoutables. L’acromioplastie antéro-inférieure permet de réaliser un geste de décompression osseuse
dans le traitement du conflit sous-acromial et d’exposer la coiffe des rotateurs. Elle est parfois associée à la
résection du centimètre externe de la clavicule. L’acromioplastie peut être menée à ciel ouvert. Il s’agit d’une
intervention simple dont le principe n’a pas été modifié depuis la description de Neer. L’acromioplastie,
réalisée à l’aide d’un ostéotome, emporte la partie antéro-inférieure de l’acromion (ainsi que l’insertion du
ligament acromiocoracoïdien) sans modifier le bras de levier deltoïdien. La réparation de la chape
deltotrapézienne ne doit pas être négligée. Actuellement, l’acromioplastie isolée est réalisée le plus souvent
sous arthroscopie. Cette technique permet de diminuer la morbidité sans modifier les résultats à long terme. Il
s’agit cependant d’une technique nécessitant la maîtrise de l’arthroscopie de l’épaule et une courbe
d’apprentissage obligatoire.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Nové-Josserand L. Acromioplastie (chirurgicale et arthroscopique). Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques
chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-280, 2000, 5 p.
44-280 Acromioplastie (chirurgicale et arthroscopique) Techniques chirurgicales
2
Techniques chirurgicales Acromioplastie (chirurgicale et arthroscopique) 44-280
INSTALLATION
Le patient est installé en décubitus latéral. Le membre supérieur
opéré est en abduction maximale de 45° et soumis à une double
traction instrumentale. La traction perpendiculaire à l’axe de
l’humérus permet la décoaptation de l’articulation glénohumérale.
La traction dans l’axe du bras permet la décoaptation de l’espace
sous-acromial.
L’acromioplastie sous arthroscopie peut être menée sur un patient
en position demi-assise. Le simple poids du membre supérieur
4 Le trait d’acromioplastie part au bord antérieur de l’acromion et rejoint la face permet d’obtenir une décoaptation suffisante de l’espace sous-
inférieure de celui-ci. Il s’agit d’une acromioplastie de désépaississement. acromial complétée éventuellement par une traction manuelle dans
l’axe du bras. Cette position a l’avantage de limiter les risques de
d’une pince gouge. À ce stade, l’exploration de la coiffe des rotateurs
complications neurologiques par étirement plexique ou tronculaire
devient aisée et un geste associé peut être réalisé dans les meilleures
et permet d’enchaîner sur un geste à ciel ouvert de façon plus aisée.
conditions.
Avant de commencer l’arthroscopie, les différents repères
Rockwood [21] a proposé une modification de l’acromioplastie de
anatomiques osseux sont dessinés à l’aide d’un marqueur stérile.
Neer menée en deux temps. La première étape consiste à réséquer
On note, d’avant en arrière, la clavicule, l’articulation
de façon verticale, à l’aide d’un ostéotome, la partie antérieure de
acromioclaviculaire, l’apophyse coracoïde, l’acromion (bec acromial,
l’acromion qui dépasse du bord antérieur de la clavicule. La
bord externe et angle postéroexterne) et l’épine de l’omoplate. Deux
deuxième étape consiste à réséquer la partie antéro-inférieure de
aiguilles intramusculaires sont placées de part et d’autre du bord
l’acromion par une ostéotomie oblique (cf supra).
antérieur de l’acromion, délimitant ainsi les limites médiale et
Un lavage soigneux de l’espace sous-acromial est réalisé afin latérale de l’acromioplastie (fig 5). L’optique est introduite de façon
d’éliminer tout débris osseux. classique par voie postérieure.
La réparation de la chape deltotrapézienne demande une attention
toute particulière. La fermeture est facilitée par la préparation initiale
des lambeaux. La fermeture de la chape deltotrapézienne est réalisée ARTHROSCOPIE GLÉNOHUMÉRALE
bord à bord à l’aide de sutures résorbables appuyée sur un point L’exploration de l’articulation glénohumérale est le premier temps
transosseux transacromial non résorbable. La réinsertion systématique de l’intervention. L’exploration articulaire permet
transosseuse du lambeau externe permet de prévenir le risque de parfois de compléter (rupture partielle de la face profonde de la
lâchage avec rétraction du deltoïde qui est gênante tant sur le plan coiffe des rotateurs, lésion cartilagineuse) ou de redresser le
fonctionnel qu’esthétique. diagnostic initial (lésion du bourrelet glénoïdien, du tendon du long
On procède alors à la mise en place d’un drainage aspiratif dans biceps dans sa portion intra-articulaire, corps étranger) [1, 20].
l’espace sous-acromial et à la fermeture des plans sous-cutané et
cutané.
BURSOSCOPIE
Le membre supérieur opéré est placé dans une attelle souple coude
au corps. La radiographie de contrôle systématique permet Tout en conservant le même point d’introduction cutané et après
d’apprécier la qualité de l’acromioplastie. La rééducation est avoir remis le mandrin mousse dans la chemise de l’arthroscope,
entreprise dès le premier jour suivant le principe de la early passive l’ensemble est retiré de l’articulation glénohumérale et orienté en
motion de Neer [16]. La récupération des amplitudes articulaires est haut dans le plan de l’espace sous-acromial jusqu’au contact de la
entreprise de façon passive, douce et non douloureuse. La face inférieure de l’acromion (fig 6). L’introduction de l’optique et le
récupération de l’élévation antérieure est commencée en position rétablissement du flux liquidien sous pression permettent de
couchée puis assise et enfin debout. La récupération,
particulièrement douce, des rotations peut être différée de quelques 1 2 3 4 5 Voies d’abord de l’acromioplastie
jours en fonction de la douleur. Le travail en pendulaire est arthroscopique. L’optique est introduite
également commencé dès les premiers jours postopératoires. Cette par voie postérieure (a) ou postéroex-
rééducation précoce peut être gênée par la présence d’un drain de terne (b). L’instrumentation est intro-
duite par voie antéroexterne (c). Les
Redon dans l’espace sous-acromial.
aiguilles percutanées sont positionnées
de part et d’autre du bec acromial avant
ACROMIOPLASTIE ASSOCIÉE À UNE RÉSECTION de commencer l’intervention.
DU CENTIMÈTRE EXTERNE DE LA CLAVICULE c 1. Apophyse coracoïde ; 2. aiguille in-
tramusculaire ; 3. bec acromial ; 4.
L’incision cutanée est identique mais centrée sur l’articulation aiguille intramusculaire ; 5. arthro-
acromioclaviculaire. La discision du deltoïde et de la chape scope ; 6. acromion.
deltotrapézienne se fait de la même façon en commençant au niveau
de l’articulation acromioclaviculaire. L’acromioplastie est réalisée b
selon la même technique. Le relèvement du lambeau médial permet
d’aborder l’extrémité distale de la clavicule en sous-périosté. On a
réalise alors la résection du centimètre externe de la clavicule à l’aide
d’un ostéotome ou d’une petite scie oscillante. Ce geste est complété
7 6 5
par l’exérèse soigneuse et complète du ménisque et de la synoviale
acromioclaviculaire.
3
44-280 Acromioplastie (chirurgicale et arthroscopique) Techniques chirurgicales
4
Techniques chirurgicales Acromioplastie (chirurgicale et arthroscopique) 44-280
Complications de l’acromioplastie
Après une acromioplastie sous arthroscopie, il est possible
RÉSECTION DU CENTIMÈTRE EXTERNE d’observer une réaction de l’articulation acromioclaviculaire avec
DE LA CLAVICULE œdème douloureux ou non et s’accompagnant secondairement
Ce geste nécessite une voie d’abord antérieure réalisée à environ un d’une lyse radiologique de l’extrémité distale de la clavicule [10].
travers de doigt en dessous de l’articulation acromioclaviculaire. Le L’évolution spontanée est le plus souvent favorable avec le temps.
shaver est introduit à la face inférieure de l’articulation Lorsqu’il existe une rupture massive de la coiffe des rotateurs, la
acromioclaviculaire. Le premier temps consiste à exposer réalisation d’une acromioplastie excessive associée à une résection
l’articulation par une synovectomie localisée qui est volontiers extensive du ligament acromiocoracoïdien peut favoriser la
hémorragique à cet endroit. L’interligne acromioclaviculaire est survenue d’une subluxation antérosupérieure de la tête humérale
reconnu par la mobilité de la clavicule lors de la palpation. s’accompagnant le plus souvent d’une perte de l’élévation active du
L’introduction par cette même voie d’abord d’une fraise motorisée membre supérieur [23].
permet, par un simple mouvement de levier, de réaliser l’abrasion La récidive d’un conflit mécanique avec repousse osseuse sur
du versant claviculaire de l’articulation acromioclaviculaire. Il s’agit l’acromion a été décrite mais reste exceptionnelle [8].
Références
[1] Altchek DW, Warren RF, Wickiewicz TL, Skyhar MJ, Ortiz G, [9] Hawkins RJ, Chris T, Bokor D, Kieffer G. Failed anterior acro- [18] Ogilvie-Harris DJ, Boynton E. Arthroscopic acromioplasty:
Schwartz E. Arthroscopic acromioplasty. Technique and mioplasty. A review of 51 cases. Clin Orthop 1989 ; 243 : extravasation of fluid into the deltoïd muscle. Arthroscopy
results. J Bone Joint Surg Am 1990 ; 72 : 1198-1207 106-111 1990 ; 6 : 52-54
[2] Apoil A, Monet JL, Collin M, Pupin P, Gasc JP, Jouffroy FK [10] Kuster MK, Hales PF, Davis SJ. The effects of arthroscopic [19] Ogilvie-Harris DJ, Demaziere A, Fitsialos D, Stevens JK.
et al. La voûte acromio-coracoïdienne. Rev Chir Orthop acromioplasty on the acromioclavicular joint. J Shoulder Arthroscopic acromioplasty. The superiority of the poste-
1988 ; 74 : 269-272 Elbow Surg 1998 ; 7 : 140-143 rior portal over the lateral portal. Orthop Clin North Am
[3] Armstrong JR. Excision of the acromion in treatment of the [11] Levy HJ, Gardner RD, Lemak LJ. Arthroscopic subacromial 1993 ; 24 : 153-159
supraspinatus syndrome: report of ninety-five excisions. J decompression in the treatment of full-thickness rotator
cuff tears. Arthroscopy 1991 ; 7 : 8-13 [20] Paulos LE, Franklin JL. Arthroscopic shoulder decompres-
Bone Joint Surg Br 1949 ; 31 : 436-442
[12] Liotard JP, Cochard P, Walch G. Critical analysis of the sion development and application. Am J Sport Med 1990 ;
[4] Bigliani LU, Morrison DS, April EW. The morphology of the supraspinatus outlet view: rationale for a standard scapular 18 : 235-244
acromion and its relationship to rotator cuff tears. Orthop y-view. J Shoulder Elbow Surg 1998 ; 7 : 134-139
Trans 1986 ; 10 : 228 [21] Rockwood CA, Lyons FR. Shoulder impingement syn-
[13] Mansat M. L’acromioplastie antérieure. Rev Chir Orthop drome: diagnosis, radiographic evaluation, and treatment
[5] Bosley R. Total acromionectomy: a twenty-year review. J 1988 ; 74 : 301-306 with a modified neer acromioplasty. J Bone Joint Surg Am
Bone Joint Surg Am 1991 ; 73 : 961-968 1993 ; 75 : 409-424
[14] Neer CS. Anterior acromioplasty for the chronic impinge-
[6] Daluga DJ, Dobozi W. The influence of distal clavicle resec- ment syndrome in the shoulder. J Bone Joint Surg Am 1972 ; [22] Wang JC, Shapiro MS. Changes in acromial morphology
tion and rotator cuff repair on the effectiveness of anterior 54 : 41-50 with age. J Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 55-59
acromioplasty. Clin Orthop 1989 ; 247 : 117-123 [15] Neer CS. On the disadvantages of radical acromionec-
[7] Ellman H, Kay SP. Arthroscopic subacromial decompres- tomy. J Bone Joint Surg Am 1981 ; 63 : 416-419 [23] Wiley AM. Superior humeral dislocation: a complication
sion for chronic impingement: Two to five year results. J [16] Neer CS. Impingement lesions. Clin Orthop 1983 ; 173 : following decompression and debridement for rotator cuff
Bone Joint Surg Br 1991 ; 73 : 395-398 70-77 tears. Clin Orthop 1991 ; 263 : 135-141
[8] Friedman RL, Morrison DS. Recurrent acromial bone spur [17] Nutton RW, McBirnie JM, Phillips C. Treatment of chronic [24] Zuckerman JD, Kummer FJ, Cuomo F, Greller M. Interob-
after open subacromial decompression. J Shoulder Elbow rotator cuff impingement by arthroscopic subacromial server reliability of acromial morphology classification: an
Surg 1995 ; 4 : 468-471 decompression. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 73-76 anatomic study. J Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 286-287
5
44-283
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-283
Résumé. – La réparation des ruptures de la coiffe des rotateurs, proposée dès 1909, obéit actuellement aux
mêmes principes chirurgicaux. Les progrès de l’imagerie ont permis une approche plus analytique des lésions
des différents tendons de la coiffe des rotateurs améliorant les indications opératoires. De même, l’imagerie
permet l’étude des corps musculaires dont la dégénérescence est un facteur pronostique d’importance. Le
bilan de la lésion comporte la recherche d’une dissection lamellaire qui sera si possible réséquée. Le tendon
lésé est avivé puis libéré afin d’être réinséré. Une capsulotomie juxtaglénoïdienne permet de soulager la
suture. La réparation des tendons supraspinatus et infraspinatus est réalisée par une suture transosseuse
dans une tranchée creusée dans le trochiter à la limite du col anatomique. Les lésions du subscapularis, même
larges, peuvent être cachées par un fascia cicatriciel faisant croire à tort à son intégrité. Leur réparation,
rendue délicate par la proximité de la gouttière du biceps et après avoir repéré le nerf axillaire, est effectuée,
soit par suture transosseuse dans une tranchée, soit à l’aide d’ancres si la lésion est de petite taille. La
conservation d’un biceps non centré dans la gouttière bicipitale ou altéré sur le plan morphologique est
discutable. La ténodèse reste le plus souvent indiquée. L’arthroscopie de l’épaule a permis, outre de progresser
sur le plan diagnostique, d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques avec la combinaison de l’arthroscopie
(acromioplastie) et d’un court abord direct pour la réparation transosseuse. Plus récemment, des techniques
de réparation entièrement sous arthroscopie, encore en cours d’évaluation, sont proposées.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Nové-Josserand L. Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation). Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-283, 2000, 9 p.
44-283 Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) Techniques chirurgicales
2
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) 44-283
3 La poulie ligamentaire,
composée du ligament coraco-
huméral et du ligament glé-
nohuméral supérieur, est ex-
1 3 posée. La lésion du sub- 5 Capsulotomie juxtaglé-
6 noïdienne. 1. Postérieure en
scapularis peut exister même 4
lorsque la poulie ligamentaire regard de l’infraspinatus ;
4 paraît intacte et doit être re- 2 7 2. supérieure en regard du su-
cherchée en arrière de celle-ci. praspinatus ; 3. antérieure en
1. Recherche d’une petite dés- regard du subscapulaire ;
5
insertion du subscapulaire ; 5 4. muscle supraspinatus ;
2. tendon du long biceps ; 5. muscle infraspinatus ;
2 3. ligament coracohuméral re- 6. bourrelet glénoïdien ; 7. ten-
6
levé ; 4. ligament glénohumé- don du long biceps ; 8. muscle
1 3 subscapulaire ; 9. cavité glé-
ral supérieur ; 5. muscle
subscapulaire ; 6. insertion noïdale.
du subscapulaire sur le tro- 8
chin.
tendon, sont à rechercher avec attention [32] (fig 3). La palpation d’un 9
espace libre de toute insertion tendineuse en arrière de la poulie
ligamentaire le long du col anatomique est en faveur d’une lésion
de la partie haute du subscapularis. décoaptation de l’épaule facilite ce geste permettant de mieux
Le bilan lésionnel définit la lésion ainsi que l’existence d’une apprécier les limites anatomiques des tendons.
éventuelle extension ou association lésionnelle passée inaperçue lors
du bilan préopératoire. Le bilan lésionnel précise également la ¶ Libération de la face superficielle de la coiffe
qualité du tendon lésé ainsi que la souplesse de la coiffe restante. Après mise en place d’un fil tracteur, on réalise une libération de la
face superficielle du muscle supraspinatus et infraspinatus à l’aide
d’un instrument mousse (raspatoire) posé à la surface du tendon
Réparation de la coiffe supérieure puis du muscle.
et postérieure (supraspinatus,
¶ Libération de la face profonde de la coiffe
infraspinatus)
La réalisation d’une capsulotomie juxtaglénoïdienne en regard du
La lésion du tendon supraspinatus est la plus fréquente. Elle tendon permet de soulager la tension de la suture [24, 35]. Après
survient à la partie antérieure de celui-ci dans la zone dite « criti- repérage de l’insertion supraglénoïdienne du long biceps, la
que » [ 2 3 ] . L’extension se fait le plus souvent vers l’arrière capsulotomie est réalisée au bistouri à lame froide au ras de la glène
(infraspinatus). et en respectant le bourrelet (fig 5). Elle est complétée par un
avivement à la raspatoire afin de libérer l’ensemble des attaches
capsulaires profondes mais sans réaliser le décollement complet du
LIBÉRATION ET AVIVEMENT TENDINEUX corps musculaire concerné.
La libération de la rupture et de la coiffe restante se fait en trois
points. RÉPARATION PAR RÉINSERTION TRANSOSSEUSE [17, 19]
3
44-283 Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) Techniques chirurgicales
¶ Méthodes de fixation
La réinsertion transosseuse est réalisée avec un fil non résorbable
solide (exemple polypropylène tressé n° 2) [14]. La suture doit
permettre de présenter la tranche de section tendineuse dans la
tranchée osseuse en évitant de plaquer la face profonde du tendon
sur le trochiter. Les techniques de suture décrites sont nombreuses
et variées [6, 14]. Les causes d’échecs habituelles sont le lâchage de la
suture, soit sur le versant tendineux (effet dilacérant des fils de
suture, effet ischémiant des sutures), soit sur le versant osseux
[4, 7, 9, 27]
. La technique de Mason-Allen (fig 7A) modifiée apporte le
plus de garanties de solidité et de stabilité [14].
Nous réalisons la technique des doubles points en « U » inversés
décrite par Walch [31] (fig 7B). Le premier point est passé en
transosseux dans la corticale externe de l’humérus et ressort dans la
tranchée. Il entre au bord supérieur de la tranche de section
tendineuse pour ressortir à la face superficielle du tendon. Le fil est
passé en retour de façon similaire à quelques millimètres et en
suivant le trajet inverse. Un deuxième point en « U » inversé part de
la face superficielle du tendon et ressort au bord inférieur de la
tranche de section tendineuse. Il est passé dans la tranchée afin de *
B
ressortir de la corticale externe du trochiter. Le retour est mené de
façon symétrique mais inverse (fig 8A, B). La traction et le serrage
des deux points en « U » permettent la mobilisation douce du n’est qu’un moyen de protéger, et non pas de réaliser, la réparation.
tendon dans la tranchée. Les nœuds sont serrés séparément puis les En effet, si la taille de la rupture impose la mise en abduction pour
deux brins sont noués entre eux permettant de plaquer le tendon et la réparation directe, le risque de rupture itérative est quasi certain.
surtout de positionner les nœuds à la face externe du trochiter pour À la partie inférieure de l’infraspinatus, voire au teres minor, la
éviter un éventuel conflit des fils de sutures avec l’arche acromiale réinsertion devient plus délicate car l’insertion se fait directement
(fig 9). Le nombre de points dépend de la taille de la rupture. À par les fibres musculaires sur l’humérus et la tenue des sutures
lésion identique, la multiplication du nombre de points permet de devient parfois aléatoire.
soulager la tension de la réparation. La réinsertion tendineuse est
réalisée le bras au corps sans tension excessive des sutures. La VARIANTES
tension de la suture est contrôlée en particulier à la partie antérieure Différentes variantes existent en fonction des habitudes de chacun
du supraspinatus, là où le risque de rupture itérative est le plus et certains ont proposé d’appuyer les sutures sur des renforts
important. La réinsertion est complétée par la suture latérolatérale à synthétiques sur le versant tendineux et/ou osseux [9, 29]. Gazielly [11]
l’aide d’un fil résorbable fin, en avant entre les berges de la rupture propose d’associer un renforcement tendineux en polypropylène de
et le ligament coracohuméral et en arrière avec l’infraspinatus ou le façon systématique afin de protéger la réparation.
teres minor. Cette suture latérolatérale permet d’obtenir l’étanchéité
de l’articulation par la cicatrisation des berges de la réparation
¶ Réparation avec les ancres
(fig 9). Elle permet également de diminuer la tension sur la Le tendon rompu, après avivement, est reposé « à plat » sur la
réinsertion transosseuse en solidarisant le tendon réparé à surface osseuse avivée du trochiter et fixé par des sutures issues
l’ensemble de la coiffe des rotateurs. Il est parfois nécessaire de d’ancres.
mettre le bras en abduction afin de diminuer la tension de la suture Les implants sont positionnés le plus près possible du col
et soulager la réparation. L’abduction est maintenue jusqu’à la fin anatomique suivant une direction de 45° avec l’axe huméral en
de l’intervention et en postopératoire où le membre supérieur est direction du centre de la tête humérale [5]. Le nombre d’implants
placé sur un appareil d’abduction. Cependant, la mise en abduction varie en fonction de la taille de la lésion.
4
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) 44-283
*
A
*
B
5
44-283 Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) Techniques chirurgicales
RUPTURE LONGITUDINALE
Si les ruptures les plus fréquentes sont distales au tendon Traitement des lésions du biceps
supraspinatus, il existe, de façon plus rare, des ruptures
longitudinales dans le sens des fibres en direction du muscle. Il s’agit L’exploration du tendon du long biceps est systématique à la
dans ce cas de ruptures traumatiques. La réparation consiste en une recherche de lésions qui passent fréquemment inaperçues lors du
suture bord à bord des berges avivées, appuyée éventuellement sur bilan préopératoire. Les lésions sont classées en trois groupes :
un point transosseux à l’insertion trochitérienne.
– les altérations morphologiques sont les plus fréquentes sous forme
Par extension, selon la description de McLaughlin [21], la suture bord
de tendinopathies dégénératives ;
à bord d’une grande rupture permet d’en diminuer la taille et
autorise ainsi la réparation transosseuse sur le trochiter. Il s’agit d’un – les anomalies de position se définissent par la subluxation ou la
artifice technique se rapprochant plus d’une plastie tendineuse en luxation en dedans de la gouttière bicipitale ;
« V-Y » que d’une réparation tendineuse directe. – la rupture avec un moignon tendineux libre en « battant de clo-
che » dans l’articulation qui est réséqué.
FERMETURE Si la lésion du tendon du long biceps ne permet pas sa conservation,
L’étanchéité de la coiffe des rotateurs est contrôlée à la fin de la une ténodèse est proposée. La conservation d’un tendon altéré ne
réparation. La réparation et la fermeture de la bourse sous-acromiale coulissant plus dans la gouttière bicipitale expose à des suites
sont discutées pour leur action favorisant la cicatrisation postopératoires douloureuses et à un risque de rupture secondaire.
tendineuse [30]. La réparation de la chape deltotrapézienne demande
Différentes techniques de ténodèse ont été proposées, dont la
une attention toute particulière. La fermeture est facilitée par la
technique de Post [26]. Une logette est réalisée dans la gouttière
préparation initiale des lambeaux bien individualisés en continuité.
bicipitale (calibrée à l’aide d’une curette de 6 ou 8) afin de recevoir
La fermeture de la chape deltotrapézienne est réalisée bord à bord à
le tendon du long biceps (fig 12). Celui-ci est sectionné à hauteur
l’aide de sutures résorbables. Cette réparation est appuyée sur un
après avoir estimé la tension, coude fléchi, pour réaliser la ténodèse.
point transosseux transacromial non résorbable. La réinsertion
Le tendon distal est faufilé à l’aide d’un fil non résorbable tressé
transosseuse du lambeau externe permet de prévenir le risque de
permettant d’obtenir deux brins sortant par la tranche de section.
lâchage avec rétraction du deltoïde qui est gênante, tant sur le plan
Les fils sont passés en transosseux dans la logette préalablement
fonctionnel qu’esthétique.
réalisée et ressortent de part et d’autre. La traction sur les deux brins
L’hémostase est contrôlée. Le drainage est assuré par un drain type permet d’engager le tendon distal dans la logette et le nœud est
Redon qui est positionné dans l’espace sous-acromial et laissé en serré. La ténodèse est assurée par des sutures supplémentaires
place 24 heures. Il peut être gênant et douloureux en postopératoire permettant de fixer le moignon distal dans la gouttière. Le moignon
lors de la mobilisation précoce de l’épaule, du fait de son proximal intra-articulaire est réséqué au bistouri. Plus récemment,
interposition entre l’acromion et la coiffe. la même technique avec utilisation de vis d’interférence a été
La suture cutanée est réalisée. proposée.
6
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) 44-283
LIBÉRATION DU SUBSCAPULARIS.
La lésion du ligament glénohuméral supérieur et de la poulie
REPÉRAGE DU NERF AXILLAIRE [12, 13] ligamentaire de réflexion à l’entrée de la gouttière bicipitale est de
réparation difficile. Actuellement, la réparation spécifique de ce
Avant de réaliser toute libération et réparation du subscapularis (en ligament n’est pas réalisée mais un soin particulier est porté pour
dehors des petites désinsertions supérieures), il est nécessaire de réinsérer le tendon du subscapularis à la partie tout à fait haute et
repérer le nerf axillaire du fait de ses rapports étroits avec le corps médiale de la gouttière bicipitale. Il permet ainsi la stabilisation
musculaire du subscapularis. Le nerf axillaire parcourt la face médiale du tendon du long biceps lorsqu’il est en place dans sa
antérieure du corps musculaire du subscapularis de haut en bas et gouttière.
de dedans en dehors avant de cravater la partie inférieure de ce
muscle (fig 13). Pour le repérer, l’épaule est positionnée en flexion
antérieure et adduction, permettant ainsi de détendre l’ensemble de Contention. Soins postopératoires
la partie antérieure de la ceinture scapulaire (en particulier le tendon
conjoint). Un écarteur est placé sous le tendon conjoint en L’immobilisation postopératoire dépend du type de réparation ainsi
ménageant le nerf musculocutané. L’exposition de la face antérieure que de la tension de la réparation. Dans les cas les plus simples, une
du muscle subscapularis permet la dissection du nerf axillaire immobilisation coude au corps peut être proposée. Dans le cas
7
44-283 Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) Techniques chirurgicales
4
6
8
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs (sutures, refixation) 44-283
Références
[1] Augereau B. Traitement chirurgical des ruptures de la coiffe [12] Gerber C, Hersche O, Farron A. Isolated rupture of the [25] Paulos LE, Kody MH. Arthroscopically enhanced “miniap-
des rotateurs. In : Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. subscapularis tendon. Results of operative repair. J Bone proach” to rotator cuff repair. Am J Sports Med 1994 ; 22 :
Paris : Expansion scientifique française, 1989 : 161-178 Joint Surg Am 1996 ; 78 : 1015-1023 19-25
[2] Barber FA, Herbert MA, Click JN. Suture anchor strength [13] Gerber C, Krushell RJ. Isolated rupture of the tendon of the
revisited. Arthroscopy 1996 ; 12 : 32-38 subscapularis muscle. Clinical features in 16 cases. J Bone [26] Post M, Benca P. Primary tendinitis of the long head of the
Joint Surg Br 1991 ; 73 : 389-394 biceps. Clin Orthop 1989 ; 246 : 117-125
[3] Bernageau J. Étude radiologique de la coiffe des rotateurs.
Symposium « Périarthrite de l’épaule». Rev Chir Orthop [14] Gerber C, Schneeberger AG, Beck M, Schlegel U. Mechani- [27] Reed SC, Glossop N, Ogilvie-Harris DJ. Full-thickness
1988 ; 74 : 282-287 cal strength of repair of the rotator cuff. J Bone Joint Surg Br rotator cuff tears. A biomechanical comparison of suture
[4] Burkhart SS, Diaz Pagan JL, Wirth MA, Athanasiou KA. 1994 ; 76 : 371-379 versus bone anchor techniques. Am J Sports Med 1996 ; 24 :
Cyclic loading of anchors-based rotator cuff repairs: confir- [15] Goutallier D, Postel JM, Bernageau J, Lavau L, Voisin MC. 46-48
mation of the tension overload phenomenon and compari- Fatty muscle degeneration in cuff ruptures. Pre- and post-
son of suture anchor fixation with transosseous fixation. operative evaluation by CT scan. Clin Orthop 1994 ; 304 : [28] Rossouw DJ, McElroy BJ, Amis AA, Emery RJ. A biomechani-
Arthroscopy 1997 ; 13 : 720-724 78-83 cal evaluation of suture anchors in repair of the rotator cuff.
J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 458-461
[5] Burkhart SS, Fischer SP, Nottage WM, Esch JC, Barber FA, [16] Hecker AT, Shea M, Hayhurst JO, Myers ER, Meeks LW,
Doctor D et al. The deadman theory of suture anchors: Hayes WC. Pull-out strength of suture anchors for rotator [29] Sward L, Hughes JS, Amis A, Wallace WA. The strength of
observations along a south Texas fence line. Arthroscopy cuff and Bankart lesion repairs. Am J Sport Med 1993 ; 21 : surgical repairs of the rotator cuff. A biomechanical study
1995 ; 11 : 119-123 874-879 on cadavers. J Bone Joint Surg Br 1992 ; 74 : 585-588
[6] Burkhart SS, Fischer SP, Nottage WM, Esch JC, Barber FA, [17] Kunkel SS, Hawkins RJ. Rotator cuff repair utilizing a
Doctor D et al. Tissue fixation security in transosseous through in bone. In : Paulos LE, Tibone JE eds. Operative [30] Uhthoff HK, Sarkar K. Surgical repair of rotator cuff rup-
rotator cuff repairs: a mechanical comparison of simple techniques in shoulder surgery. Aspen publishers, 1991 : tures. The importance of the subacromial bursa. J Bone Joint
versus mattress sutures. Arthroscopy 1996 ; 12 : 704-708 149-154 Surg Br 1991 ; 73 : 399-401
[7] Caldwell GL, Warner JP, Miller MD, Boardman D, Towers J, [18] Levy HJ, Uribe JW, Delaney LG. Arthroscopic assisted
Debski R. Strength of fixation with transosseous sutures in [31] Walch G, Maréchal E, Maupas J, Liotard JP. Traitement chi-
rotator cuff repair: preliminary results. Arthroscopy 1990 ; rurgical des ruptures de la coiffe des rotateurs. Rev Chir
rotator cuff repair. J Bone Joint Surg Am 1997 ; 79 : 6 : 55-60
1064-1068 Orthop 1992 ; 78 : 379-388
[19] Matsen FA, Arntz CT, Lippitt SB. Rotator cuff. In : Rockwood
[8] Codman EA. Rupture of the supraspinatus tendon. In : CA, Matsen FA eds. The shoulder. Philadelphia : WB Saun- [32] Walch G, Nové-Josserand L, Levigne C, Renaud E. Tears of
Codman EA ed. The shoulder. Rupture of the supraspinatus ders, 1990 : 755-839 the supra-spinatus tendon associated with “hidden”
tendon and other lesion in or about the subacromial bursa. lesions of the rotator interval. J Shoulder Elbow Surg 1994 ;
Boston : Thomas Todd, 1934 : 237-260 [20] McLaughlin HL. Lesions of the musculotendinous cuff of
the shoulder. The exposure and the treatment of tears with 3 : 353-360
[9] France EP, Paulos LE, Harner CD, Straight CB. Biomechani- retraction. J Bone Joint Surg Am 1944 ; 26 : 31-51
cal evaluation of rotator cuff fixation methods. Am J Sports [33] Warner JP, Goitz RJ, Irrgang JJ, Groff YJ. Arthroscopic-
Med 1989 ; 17 : 176-181 [21] McLaughlin HL. Rupture of the rotator cuff. J Bone Joint Surg assisted rotator cuff repair: patient selection and treatment
Am 1962 ; 44 : 979-983 outcome. J Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 463-472
[10] Gartsman GM. Combined arthroscopic and open treat-
ment of tears of the rotator cuff. J Bone Joint Surg Am 1997 ; [22] Neer CS. Anterior acromioplasty for the chronic impinge-
ment syndrome in the shoulder. J Bone Joint Surg Am 1972 ; [34] Wolfang GL. Rupture of the musculotendinous cuff of the
79 : 776-783 shoulder. Clin Orthop 1978 ; 134 : 230-243
54 : 41-50
[11] Gazielly DF, Gleyze P, Bruyère G, Thomas T. A polypropy-
lene reinforcement device RCRt for the repair of full- [23] Neer CS. Impingement lesions. Clin Orthop 1983 ; 173 : [35] Zuckerman JD, Leblanc JM, Choueka J, Kummer F. The
thickness distal supraspinatus tears: a preliminary report. 70-77 effect of arm position and capsular release on rotator cuff
In : Gazielly DF, Gleyze P, Thomas T eds. The cuff. Paris : [24] Patte D, Debeyre J. Traitement chirurgical des ruptures de repair. A biomechanical study. J Bone Joint Surg Br 1991 ;
Elsevier, 1997 : 273-278 la coiffe des rotateurs. Chirurgie 1983 ; 109 : 337-341 73 : 402-405
9
44-285
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-285
Toute référence à cet article doit porter la mention : Goutallier D, Postel JM et Leguilloux P. Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris,
tous droits réservés), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-285, 2000, 14 p.
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
Avancement tendinomusculaire
du supraspinatus
L’avancement tendinomusculaire du supraspinatus est
techniquement facile [5]. Il permet d’obtenir presque toujours une
1
réparation satisfaisante et durable du supraspinatus dans sa position
anatomique [14]. 2
1 Incisions cutanées.
a. Incision pour la voie su- 3 Vue donnée par la voie de Debeyre, le membre supérieur étant en rotation neutre.
1 praépineuse, transacromiale, 1. Muscle supraspinatus ; 2. ligament coracoclaviculaire ; 3. coracoïde ; 4. ligament
transdeltoïdienne de De- acromiocoracoïdien ; 5. acromion antérieur relevé ; 6. ligament coracohuméral.
beyre ; b. incision infraépi-
2 neuse.
1. Muscle supraspinatus ; Le trapezius supérieur (fig 2) est incisé au bistouri électrique 1 cm
2. acromion ; 3. nerf axi- au-dessus de l’épine. Cette incision coupe ses fibres musculaires. Les
a laire ; 4. muscle infraspina- fibres du deltoideus moyen sont discisées verticalement à 1 cm en
tus ; 5. muscle terres minor ; avant de l’angle de l’acromion. L’aponévrose profonde du deltoideus
6. muscle terres major. est incisée verticalement et sa face profonde est décollée, en avant et
3 en arrière, de la bourse sous-deltoïdienne.
b
4
5 ACROMIOTOMIE
6 Elle est effectuée à la scie oscillante. Elle est située 1 cm en avant de
l’angle de l’acromion.
L’acromion antérieur (fig 3) est libéré de ses adhérences avec le
plafond de la bourse. Il est basculé autour de l’articulation
acromioclaviculaire grâce à un écarteur orthostatique puissant de
type « dos d’âne ». Le décollement de la lèvre antérieure cutanée et
sous-cutanée de l’incision vers l’articulation acromioclaviculaire
facilite le basculage de l’acromion antérieur. Les griffes de l’écarteur
2
Techniques chirurgicales Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple 44-285
2 3
3
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
1 10 Libération du pédi-
cule vasculonerveux su-
prascapulaire.
1. Spatule.
*
A
*
B
9 Mise en évidence du
pédicule vasculonerveux
suprascapulaire.
1. Spatule ; 2. rugine.
*
A
*B
11 Réinsertion transosseuse dans la tranchée tro-
chitérienne du tendon suffisamment réséqué du
point d’application de la traction, si ce sont les fibres musculaires supraspinatus.
du supraspinatus ou celles de l’infraspinatus qui se mettent en
tension. De plus, la confluence entre muscle supraspinatus et muscle
infraspinatus est très bien vue si on attire la nappe tendineuse vers
le dehors.
La réflexion capsulaire supérieure (fig 4), bien vue lorsqu’on attire le
moignon tendineux du supraspinatus vers le haut, est ouverte de
l’avant vers l’arrière avec des ciseaux légèrement ouverts. La
capsulotomie est complétée en arrière et en bas si nécessaire en
regard de l’infraspinatus. Le bout distal du supraspinatus dilacéré
et/ou aminci par un clivage dont le feuillet profond peut se rétracter *
C
jusqu’à la glène est réséqué pour obtenir une coupe tendineuse
d’épaisseur normale et légèrement saignante. profonde du nerf suprascapulaire de l’omoplate. La libération du
paquet suprascapulaire est poussée en bas jusqu’au bord externe de
l’épine de l’omoplate. Un vaisseau allant du paquet suprascapulaire
AVANCEMENT DU MUSCLE SUPRASPINATUS
au bord externe de l’épine est souvent sectionné. L’hémostase se fait
La libération du muscle est facilitée par la mise en déclive de la par tamponnement. La libération tendinomusculaire ainsi effectuée
table d’opération. Un ou deux écarteurs de Farabeuf réclinent le permet d’amener le tendon du supraspinatus, même s’il était situé
trapezius supérieur vers le haut et vers le dedans (fig 7). en regard de la glène, dans la tranchée osseuse trochitérienne de
L’aponévrose du supraspinatus, qui recouvre le muscle dans sa réinsertion. Celle-ci est effectuée aux ciseaux frappés juste en dehors
moitié interne, est incisée près du bord supérieur de l’omoplate, puis de la surface cartilagineuse de la tête humérale, à l’endroit où le
près de son bord spinal, puis juste au-dessus de l’épine de supraspinatus s’insère normalement.
l’omoplate. Avec une rugine qui passe sous les restes aponévrotiques
encore insérés sur l’omoplate (fig 8), on recueille toutes les fibres
RÉINSERTION TRANSOSSEUSE DU TENDON
charnues distales pour que la désinsertion intéresse tout le muscle
supraspinatus. Il est aisé de commencer par l’angle inféro-interne. Le tendon du supraspinatus est agrippé par un ou mieux deux
La désinsertion musculaire est poussée progressivement vers le points en « U » plus ou moins compliqués (Nylont 2) (fig 11). On
dehors (fig 9), en libérant d’abord le supraspinatus de la face s’assure, par traction, que les fils tiennent bien. Les fils pénètrent
supérieure de l’épine de l’omoplate jusqu’au bord externe de l’épine. dans la tranchée trochitérienne de réinsertion. Ils sont noués à la
Ceci permet de situer le paquet vasculonerveux suprascapulaire. La face externe de l’humérus, si besoin sur bouton de renforcement des
mise en évidence de l’échancrure coracoïdienne par désinsertion de corticales, après s’être assuré que le moignon tendineux a bien
la face profonde du supraspinatus de la fosse sus-épineuse est faite pénétré dans la tranchée trochitérienne.
prudemment, à la spatule. On met ainsi en évidence le paquet Le tendon du supraspinatus avancé est suturé en arrière à
suprascapulaire (fig 10). La spatule sépare prudemment la face l’infraspinatus et en avant au ligament coracohuméral s’il en a été
4
Techniques chirurgicales Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple 44-285
Avancement tendinomusculaire
de l’infraspinatus
L’avancement tendinomusculaire de l’infraspinatus [17] couplé avec
le lambeau de rhomboideus (rhomboïde) [15] permet presque toujours
d’obtenir une bonne réparation anatomique et durable de
l’infraspinatus et une bonne restitution de ses fonctions d’abaisseur
de la tête humérale et de rotateur externe [9, 14]. Il est techniquement
plus difficile que l’avancement du supraspinatus.
séparé ; si le coracohuméral a été laissé pédiculé sur le tendon du
supraspinatus, il est suturé au tendon du subscapularis.
INSTALLATION ET VOIE D’ABORD
Il faut vérifier la tension du pédicule suprascapulaire après la suture
La position opératoire recommandée est la même que celle prônée
tendineuse. S’il est tendu, une immobilisation postopératoire sur une
pour l’avancement du supraspinatus (cf supra). La lampe frontale
attelle maintenant une élévation latérale de 45° apparaît nécessaire.
est particulièrement utile. La voie supraépineuse, transacromiale,
Des études électromyographiques ont montré que l’avancement du
transdeltoïdienne est utilisée pour faire le bilan des lésions
supraspinatus, comme celui de l’infraspinatus, même lorsque les
tendineuses, la libération et la préparation du tendon de
tendons réparés étaient rétractés à la glène, voire au-delà,
l’infraspinatus à réinsérer et la réinsertion transosseuse du tendon
n’entraînait pas de lésion du nerf suprascapulaire [13].
en position anatomique dans la tranchée trochitérienne (fig 1).
5
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
1
4
2
*
A *
B
*
C
deltoideus peut alors être récliné en haut et en dehors par un ascendante de ses fibres. La désinsertion de la face profonde de
écarteur. Il est indispensable de réunir la partie externe de l’infraspinatus de la fosse infraspinatus (fig 15) est effectuée à la
l’aponévrose de l’infraspinatus aux fibres musculaires sous-jacentes rugine. La rugine libère d’abord les fibres musculaires supérieures
pour éviter le strippage de l’aponévrose sur les fibres musculaires. et inférieures des aponévroses supérieure et inférieure restées
En dedans, le trapèze inférieur, après que l’on ait séparé sa face attachées sur l’omoplate. En bas, la rugine est poussée vers le dehors
profonde de la face superficielle du grand rhomboideus (ce qui est à la face profonde et supérieure de l’aponévrose de l’infraspinatus
effectué plus facilement en allant de bas en haut), est récliné vers le pour désinsérer d’elle les fibres musculaires inférieures. Dans
haut et le dedans par des écarteurs. L’aponévrose de l’infraspinatus l’intervalle créé entre infraspinatus et teres minor, on met en
est sectionnée, en haut, le long de l’épine de l’omoplate, en bas 1 cm évidence une anastomose vasculaire entre le pédicule
au-dessus du relief inférieur de l’infraspinatus. Ces incisions sont suprascapulaire et le pédicule infrascapulaire. Elle est ligaturée ou
prolongées en dedans dans le rhomboideus en suivant la direction coagulée puis sectionnée. La rugine remonte alors le long du bord
6
Techniques chirurgicales Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple 44-285
18 Lambeau ostéo-tendino-musculaire
de trapezius supérieur et de l’ostéotomie
de l’acromion.
RÉÉDUCATION POSTOPÉRATOIRE
La mobilisation passive de l’épaule au-dessus du plan de l’attelle
(qui maintient, sauf cas particulier, le membre supérieur en élévation
latérale d’une trentaine de degrés) dans le plan de l’omoplate et en
rotation nulle est débutée dès le lendemain de l’intervention.
L’amplitude de la rééducation passive en rotation dépend de la
17 Réinsertion transosseuse dans la tranchée trochitérienne du tendon suffisamment qualité et de la tension des éventuelles réparations associées des
réséqué de l’infraspinatus auquel est appendu le muscle digastrique rhomboideus tendons du supraspinatus et du subscapularis. La mobilisation
infraspinatus. active aidée de l’épaule, en augmentant progressivement les
rotations, est débutée au 25e jour postopératoire. Elle est d’abord
inférieur de l’infraspinatus, poursuivant la séparation entre les effectuée sur le membre supérieur en élévation de plus de 90°.
muscles infraspinatus et teres minor. Elle apparaît dans l’abord sus- L’attelle est généralement retirée vers le 35e jour postopératoire.
épineux transacromial, dans l’espace créé par la libération du tendon
de l’infraspinatus de celui du teres minor. Puis la face inférieure de
l’épine de l’omoplate est ruginée de dedans en dehors jusqu’à son Lambeau de trapezius supérieur
bord externe. Progressivement, de haut en bas, on en désinsère
l’infraspinatus supérieur, ce qui permet d’apercevoir le pédicule Ce lambeau est destiné à combler la déhiscence antérieure de la
suprascapulaire au bord externe de l’épine. La mise en fort proclive coiffe entraînée par une rupture du subscapularis non réparable. Il
de la table d’opération facilite ces gestes. Enfin, toute la face n’apparaît pas actif. Il évite la subluxation antérieure de la tête
profonde de l’infraspinatus est séparée à la rugine de la fosse humérale par rapport à la glène ; mais il ne peut réduire une
infraépineuse et sa face superficielle est libérée au doigt des subluxation antérieure préopératoire ; il matelasse la face supérieure
adhérences avec la face profonde du muscle deltoideus postérieur et de l’articulation ; la distance sous-acromiale ne se pince pas
de l’acromion. En dedans, l’aponévrose commune rhomboideus- secondairement ; il donne de bons résultats antalgiques. Sa rupture
infraspinatus est séparée du bord spinal de l’omoplate au bistouri ; secondaire paraît exceptionnelle [10].
cette séparation est faite prudemment d’abord de haut en bas puis
de bas en haut. Une rugine à côte est parfois utile pour parfaire INSTALLATION ET VOIE D’ABORD
cette désinsertion. La face profonde du rhomboideus est alors La position opératoire est celle prônée pour l’avancement du
séparée des plans sous-jacents de bas en haut. supraspinatus et l’avancement de l’infraspinatus. La voie d’abord
Une traction sur l’infraspinatus doit permettre d’emporter est sus-épineuse, transacromiale, transdeltoïdienne (fig 1). Le
facilement le rhomboideus vers le dehors (fig 16). trapezius est sectionné à 1 cm au-dessus de l’épine de l’omoplate
comme dans la voie d’abord transacromiale habituelle (fig 18). Le
RÉINSERTION DU TENDON DE L’INFRASPINATUS deltoïde moyen est discisé dans le sens de ses fibres comme dans
DANS LE TROCHITER l’abord transacromial habituel. Cependant, l’acromiotomie part à un
Cette réinsertion (fig 17) est faite avec deux points en « U » plus ou peu moins de 1 cm du bord postérieur de l’acromion ; elle n’est
moins compliqués (gros fil non résorbable), passés dans la partie effectuée qu’après avoir dessiné et préparé la partie acromiale du
distale du tendon. Ces fils pénètrent dans la tranchée trochitérienne lambeau de trapezius supérieur.
de réinsertion osseuse. Ils sont noués à la face externe de l’humérus,
si besoin sur bouton de renforcement des corticales. PRÉPARATION DU LAMBEAU DE TRAPEZIUS
À 5 mm en dehors du bord interne de l’acromion, l’aponévrose sus-
FERMETURE acromiale est sectionnée parallèlement à ce bord, jusqu’à
La fermeture de la voie transacromiale est identique à celle décrite l’articulation acromioclaviculaire. En suivant cette incision, on fait à
7
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
19 Préparation du lam-
beau de trapezius supé-
rieur.
*
B
*A
20 Préparation des tunnels osseux et passage des fils de Nylont de fixation du
lambeau de trapezius supérieur.
la scie oscillante l’ostéotomie détachant la partie interne de
l’acromion du reste externe de l’acromion. En avant, on sépare la 21 Trajet du lambeau de tra-
partie antérieure de l’acromion interne libéré de la capsule pezius supérieur, pénétration
acromioclaviculaire en emportant une partie de cette capsule avec le de son fragment acromial dans
futur lambeau. Puis l’acromiotomie de la voie de Debeyre et Patte la tranchée trochinienne et pas-
est effectuée à la scie oscillante. Les fibres musculaires antérieures sage des fils de fixation sous la
du trapezius sont discisées à partir de la partie antérieure de coulisse bicipitale.
1. Ligament coracohumoral, dé-
l’acromion interne préparé. Cette discision se fait sur 5 à 6 cm
sinséré de la coracoïde, laissé
environ. Le lambeau de trapezius musculoaponévrotique et osseux pédiculé sur le supraspinatus.
(fig 19) est basculé progressivement vers le haut, sa face profonde
étant séparée progressivement, au tampon monté, du supraspinatus
en préservant les lames porte-vaisseaux.
8
Techniques chirurgicales Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple 44-285
9
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
4
1
RÉÉDUCATION POSTOPÉRATOIRE
26 Préparation des moi-
1 gnons tendineux rompus. Au cinquième jour postopératoire, la mobilisation activopassive de
1. Acromion ; 2. muscle l’épaule en élévation est débutée, d’abord en apesanteur en
subscapularis ; 3. longue décubitus dorsal puis en pesanteur. Au 21e jour postopératoire, la
portion du biceps ; 4. rotation active aidée est commencée. Au 35e jour postopératoire,
bourse sous deltoïdienne ;
l’attelle plâtrée est remplacée par un coussin en « besace » pour
5. muscle teres minor.
permettre un retour progressif du coude au corps en une dizaine de
jours.
10
Techniques chirurgicales Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple 44-285
29 Voie supérolatérale
pour l’exploration de la
1 rupture de coiffe.
1. Muscle deltoïdeus.
2
3
11
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
1
2 3
1
Renforts synthétiques tendineux
L’utilisation d’un renfort tendineux [6] lorsque les tendons rompus
des supraspinatus et infraspinatus sont fins et peuvent être amenés
sans difficulté au niveau du trochiter, à condition que les muscles
correspondants n’aient pas de dégénérescence graisseuse, pourrait
être une alternative aux techniques jusque-là exposées et imposées
par la résection de la portion pathologique des tendons. Cette
technique, dans cette indication, est encore à évaluer.
La voie d’abord pour exposer la coiffe est celle dont on a l’habitude.
Après libération des tendons rompus de la coiffe encore insérée, de
la face profonde de l’acromion et de la glène (par section du récessus
capsulaire supérieur et si nécessaire postérieur), on s’assure que le
33 Transplant non vrillé apparaissant dans la voie supérolatérale. moignon tendineux vient facilement sur le trochiter. Si le moignon
1. Latissimus dorsi. tendineux reste à distance, la technique du renforcement tendineux
ne doit pas être utilisée.
34 Suture du transplant Une tranchée trochitérienne est effectuée au ras de la surface
aux restes de la coiffe des cartilagineuse (fig 35). Le renfort synthétique est enfoncé dans la
rotateurs. tranché. Du gros fil non résorbable passé en « U » agrippe le ou les
tendons rompus. Ces fils traversent la partie basse du renfort qui est
en superficie par rapport au plan tendineux. Les fils, après avoir
traversé l’os, sont noués sur la face superficielle, renforcée si
nécessaire, du trochiter. Ils maintiennent le moignon tendineux à
l’entrée de la tranchée osseuse et le renfort tendineux dans son fond.
La partie proximale du renfort est rabattue sur la face superficielle
du plan tendineux suturé (fig 36) ; elle est fixée à eux par de
nombreux points de fil non résorbable.
12
Techniques chirurgicales Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple 44-285
Prothèses de coiffe
Elles remplacent les tendons rompus pathologiques et fins ou trop
rétractés [18]. Leur utilisation ne peut se concevoir que si les muscles
correspondants n’ont pas de dégénérescence graisseuse. Une
évaluation des résultats est nécessaire pour que leur utilisation
puisse être diffusée.
Conclusion
De nombreuses techniques permettent de fermer les ruptures des coiffes
tendineuses non réparables (ou devenues non réparables du fait de
l’excision tendineuse) par suture simple. Elles permettent de refaire une
Wirth et Rockwood [19] utilisent la partie supérieure du pectoralis coiffe tendineuse et de redonner, si nécessaire, un capital musculaire
major qui est séparée de sa partie inférieure (fig 37). Elle est valable. Elles donnent de bons résultats fonctionnels et anatomiques à
désinsérée de l’humérus puis elle est transférée, en passant en avant court et moyen termes, à condition qu’il n’y ait pas de désorganisation
de la coracoïde (fig 38), dans une tranchée osseuse réalisée en dehors fixée de l’articulation glénohumérale (espace sous-acromial supérieur à
de la coulisse bicipitale à la hauteur du trochin. 5 mm sur les clichés pris en position assise et absence de subluxation
Augereau utilise la partie superficielle du tendon du pectoralis major antérieure de la tête humérale). Ces techniques ne prendront toute leur
(qui correspond à son chef claviculaire) (fig 39). Le lambeau valeur que si elles s’avèrent être capables d’éviter la dégradation
tendinomusculaire du chef claviculaire du grand pectoralis est anatomique de l’épaule à long terme (en particulier la diminution de
séparé sur 10 cm environ du chef sternocostal. Il est transféré, en l’espace sous-acromial) que les interventions non réparatrices ne
passant en avant de la coracoïde, dans une tranchée osseuse réalisée peuvent empêcher [16]. De toute manière, elles nécessitent, pour être
dans le trochin. utilisées, une bonne connaissance de la chirurgie de l’épaule.
*
A *
B
13
44-285 Fermeture chirurgicale des coiffes non réparables par suture simple Techniques chirurgicales
Références
[1] Apoil A, Augereau B. Réparation par lambeau de deltoïde [8] Gerber C, Vinh TS, Hertel R et al. Latissimus dorsi transfer [14] Goutallier D, Postel JM, Lavau L, Bernageau J. Influence de
des grandes pertes de substance de la coiffe des rotateurs for the treatment of massive tears of the rotator cuff. A pre- la dégénérescence graisseuse des muscles supra-épineux
de l’épaule. Chirurgie 1985 ; 111 : 287-290 liminary report. Clin Orthop 1988 ; 232 : 51-61 et infra-épineux sur le pronostic des réparations chirurgi-
[2] Bernageau J. Étude radiologique de la coiffe des rotateurs. [9] Gleyze P, Thomas T, Gazielli DF. Compared results of the cales de la coiffe des rotateurs. Rev Chir Orthop 1999 ; 85 :
Rev Chir Orthop 1984 ; 74 : 282-287 different treatments in retracted tears of the rotator cuff. A 668-676
[3] Chaffaï MA, Mansat M. Anatomic basis for the construction multicentric study of 159 shoulders. In : Gazielli DF, Gleyze [15] Goutallier D, Postel JM, Lavau L, Lenoble E, Hamma AP. La
of a musculotendinous flap from the pectoralis major P, Thomas T eds. The cuff. Paris : Elsevier Science, 1997 : transposition du rhomboïde sur le corps charnu du sous-
muscle. Surg Radiol Anat 1988 ; 10 : 276-282 384-389 épineux dans le traitement des larges ruptures de coiffe
intéressant les sus- et sous-épineux. Rev Chir Orthop 1993 ;
[4] Combes JM, Mansat M. Lambeaux du muscle grand rond [10] Goutallier D, Lavau L, Postel JM. The trapezius flap in non 79 (suppl I) : 148-149
dans les ruptures de la coiffe des rotateurs. Etude expéri- reinsertable tears of the subscapularis. In : Vastamäki M,
Jalovaara P eds. Surgery of the shoulder. Amsterdam : Else- [16] Kempf JF, Gleyze P, Bonnomet F, Walch G, Mole D, Franck
mentale. In : L’épaule. Paris : Springer-Verlag, 1993 : A et al. A multicentric study of 210 rotator cuff tears treated
318-330 vier Science, 1995 : 79-83
by arthroscopic acromioplasty. Arthroscopy 1999 ; 15 (1) :
[5] Debeyre S, Patte D, Elmelik E. Repair of rupture of the [11] Goutallier D, Leguilloux P, Postel JM, Gleyze P. La dégéné- 56-66
rotator cuff-of the shoulder with a note on advancement of rescence musculaire graisseuse.In : Augereau B, Gazielli D. [17] Patte D, Goutallier D. Chirurgie de la coiffe des rotateurs.
the supraspinatus muscle. J Bone Joint Surg Br 1965 ; 47 : Symposium : les ruptures transfixiantes de la coiffe des Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
36-42 rotateurs. Rev Chir Orthop 1999 ; 85 (suppl II) : 132-136 SAS, Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie-
[6] Gazielli DF, Gleyze P, Bruyere G, Thomas T. A polypropilene [12] Goutallier D, Postel JM, Bernageau J, Lavau L, Voisin MC. Traumatologie, 44-285, 1984 : 1-16
device RCR (for the repair of none retracted tears of the The fatty degeneration in cuff ruptures: pre and post opera- [18] Teissier J, Gaudin T, Marc C. Prosthetic tendinoplasty for
supra and infraspinatus tendons). A preliminary report. In : tive evaluation by CT scan. Clin Orthop 1994 ; 304 : 78-83 the treatment of full thickness retracted tears (a study of
Gazielli DF, Gleize P, Thomas T eds The cuff. Paris : Elsevier [13] Goutallier D, Postel JM, Boudon R, Lavau L, Bernageau J. 30 cases). In : Gazielli DF, Gleyze P, Thomas T eds The cuff.
Science, 1997 : 307-312 Étude du risque neurologique à l’avancement tendinomus- Paris : Elsevier science, 1997 : 375-383
[7] Gerber C. Latissimus dorsi transfer for the treatment of culaire des supra-épineux et infra-épineux dans les répara- [19] Wirth MA, Rockwood CA. Operative treatment of irrepa-
irreparable tears of the rotator cuff. Clin Orthop 1992 ; 275 : tions des larges ruptures de coiffe. Rev Chir Orthop 1996 ; rable rupture of the subscapularis. J Bone Joint Surg Am
152-160 82 : 299-305 1997 ; 79 : 722-731
14
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-286
44-286
Mots-clés : nerf thoracique long (nerf de Charles Bell), nerf spinal accessoire, nerf axillaire, nerf
suprascapulaire, paralysie du plexus brachial, transfert tendineux, arthrodèse de l’épaule,
arthrodèse scapulothoracique, poliomyélite, dystrophie musculaire fascio-scapulo-humérale,
amyotrophie d’origine neurologique.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Asfazadourian H, Teboul F et Oberlin C. Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie, 44-286, 2001, 17 p.
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
T1 ¶ Traitement
L’évolution vers la récupération est lente, et si la grande majorité
des cas récupère en 6 mois [27, 40, 50], il faut savoir attendre parfois
18 mois d’évolution pour faire le bilan du déficit fonctionnel [29].
Lorsque la paralysie isolée survient spontanément (idiopathique,
toxique, infectieuse, allergique) ou après des mouvements répétitifs,
le pronostic de la récupération est relativement bon [26]. Il en est
autrement des formes survenant après un traumatisme sévère [27].
1 Un deuxième électromyogramme à 6 mois devrait permettre de faire
la part des choses en observant l’apparition ou non de potentiels de
réinnervation dans le serratus supérieur.
Le traitement curatif de la lésion nerveuse n’a quasiment pas fait
l’objet de publication. Narakas souligne que le nerf présente un
aspect extrêmement fin qui s’épuise dans les digitations atrophiques
du muscle et ne permet pas de le réparer [54]. La neurotisation des
rameaux inférieurs du nerf thoracique long par les branches
2
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
motrices des deuxième et troisième intercostaux est plus aléatoire. rééducation est douce en actif aidé, et ce n’est qu’à partir du
Gozna exprime aussi ses réticences vis-à-vis de la chirurgie nerveuse troisième mois que des exercices contre résistance sont entrepris.
quant à la possibilité de réparer un nerf dont la situation anatomique
est inaccessible, en arrière du plexus, au niveau de la deuxième côte Scapulopexies
et au contact proche du dôme pleural [27], si l’on n’utilise pas de voie Elles vont de la simple stabilisation à la véritable arthrodèse
d’abord postérieure. omothoracique.
L’objectif théorique du traitement palliatif serait d’obtenir la fixation
La fixation de la scapula au rachis (des épineuses de T4 à T7 :
thoracique dynamique et les mouvements de sonnette de la scapula.
intervention de Whitman [75]), à la scapula opposée par des greffes
Nous allons voir qu’il est malheureusement difficile de concilier les
de fascia lata (Lowman) ou au bord inférieur du pectoralis major [17]
deux.
ont conduit à une détérioration des résultats initiaux par élongation
Transferts musculaires actifs secondaire du transplant.
La fascioscapulopexie [42] se contente de fixer la scapula aux côtes
Ils visent à remplacer le grand dentelé défaillant.
thoraciques par des lanières de fascia lata, dans le but de ne pas
Plusieurs transferts ont été décrits, utilisant des petits muscles de limiter la fonction respiratoire tout en procurant une fixation
proximité, mais sont à l’heure actuelle abandonnés : immédiate. En cas de travailleur de force, l’auteur recommande
– transposition de l’insertion coracoïdienne du pectoralis minor, cependant l’arthrodèse. On lui reproche de se détériorer dans le
prolongée par une bandelette de fascia lata jusqu’à la partie temps par allongement et rupture des ligaments [43].
inférieure du bord spinal de la scapula [13, 37, 49, 58, 74] ;
– Scapulocostopexie.
– transposition du teres major sur les deux dernières digitations du Elle est à mi-chemin entre la scapulopexie et l’arthrodèse. Elle se
serratus anterior [31, 48] ; propose de conserver les mouvements de sonnettes de la scapula en
– transposition du pectoralis minor et du teres major reprenant les perforant la scapula à 3 ou 4 cm du bord spinal, par la quatrième
deux transferts précédents [80] ; côte (Nové-Josserand) ou la septième côte à travers la pointe [70].
– transposition du rhomboideus [35]. D’autres réalisent un encastrement de la pointe de la scapula sous
les dernières côtes, en regard du bord spinal, après les avoir coupées
• Transposition du chef sternocostal du pectoralis major [20, 23, 27, 38, 50, 57] (fig 3). La réalisation technique nécessite la même voie d’abord
décrite dans le chapitre suivant de l’arthrodèse scapulothoracique.
C’est actuellement le transfert actif à retenir.
Installé en décubitus dorsal, la scapula du patient est bloquée en – Arthrodèse scapulothoracique.
latéralisation maximale par un sac sur le bord spinal. L’ensemble de Bunch rapporta avec succès, en 1973, la première arthrodèse
l’hémithorax, du membre supérieur et de l’épaule est préparé dans scapulothoracique dans un cas de dystrophie musculaire
le champ opératoire. La face latérale de toute la cuisse est également fascio-scapulo-humérale [11].
préparée.
– Technique opératoire.
– Prélèvement du fascia lata. L’installation se fait en décubitus ventral. Le bras replié sur une table
Une longue incision longitudinale partant de la crête d’insertion du à bras est inclus dans le champ opératoire, en même temps que les
vaste latéral se prolonge vers le condyle latéral. On décolle crêtes iliaques postérieures.
soigneusement, en pratiquant une hémostase pas à pas, le plan sous- La voie d’abord est paramédiale verticale, à un travers de doigt en
cutané, pour exposer tout le fascia lata. Sa surface est avivée à la dedans du bord spinal de la scapula. Après avoir sectionné les
curette de son périmysium. On prélève alors un rectangle d’au attaches des muscles trapezius et rhomboidei, les insertions médiales
moins 20 cm sur 5 cm, plutôt vers la cloison intermusculaire où le des muscles supra- et infraspinatus sont ruginées vers le dehors sur
fascia est le plus épais. Sa face profonde est avivée. Cette longue 2 à 3 cm pour dégager le bord osseux. La partie antérieure de l’os
voie d’abord est fermée en deux plans. Le greffon est ensuite préparé est également ruginée en détachant le serratus anterior. Les côtes
pour le transformer en ligament. Il est torsadé, et non roulé, sur sous-jacentes, habituellement les troisième, quatrième, cinquième et
lui-même sous forte tension, renforcé et fixé par un surjet avec des parfois sixième côtes sont dénudées méticuleusement au costotome
points d’arrêt sur toute sa longueur. On obtient ainsi un renfort en refoulant les pédicules intercostaux en sous-périosté et la plèvre
ligamentaire d’une quinzaine de centimètres. en dedans [48]. Leur face postérieure est avivée. Une fois les moyens
– Réalisation du transfert. de synthèse passés, des greffons spongieux et des chips de
L’incision part de la moitié de la partie basse du sillon deltopectoral, corticospongieux sont déposés entre les espaces intercostaux et sous
suit le bord latéral du pectoralis major, et bifurque à travers l’aisselle la scapula.
vers la pointe de la scapula en suivant une ligne arciforme. Dans un Les moyens de fixation utilisés sont variés : laçages au fil d’acier
premier temps, on repère le tendon terminal, en réclinant la partie (18-20/0) de Luque [72] appuyé ou non sur une plaque DCP, ou tiers
distale du deltoïde sans léser la veine céphalique. Le chef de tubes sur la face postérieure de la scapula pour limiter la
sternocostal est séparé au doigt à partir de l’interstice qui le sépare fragilisation osseuse [33], vissage [15, 43] qui est techniquement plus
du chef claviculaire. Cette dissection reste en dehors de la moitié dangereux et peut laisser des douleurs au niveau des pointes de vis.
interne du muscle sous lequel court le pédicule vasculonerveux. Le Comme d’autres, nous utilisons un laçage épais et solide, en passant
tendon conjoint a une forme de « U » dont la branche interne est les points à travers des trous préforés, les brins étant noués en
sectionnée de son insertion humérale. Ce tendon terminal est « cadre » afin d’éviter de cisailler l’écaille (fig 4). Le montage doit
prolongé par le greffon de fascia lata qui est faufilé et suturé à lui- assurer la plus grande stabilité primaire. Pour sa part, Letournel
même (15 à 20 cm) [57]. La pointe de la scapula est alors extériorisée prend la côte supérieure et la passe à travers la scapula où elle est
par un fil tracteur passé dans la pointe. Les muscles teres major et ainsi synthésée par une plaque vissée [47]. Ce type de montage est de
latissimus dorsi sont réclinés. Les bords axillaires des muscles réalisation difficile et n’est pas dénué de risque de fracture scapulaire
subscapularis et infraspinatus sont ruginés afin de bien exposer la et costale. Récemment, Roux et Allieu ont modifié la technique en
pointe osseuse. Un trou est foré au centre de la pointe à au moins pratiquant une encoche sur l’arc postérieur des côtes, réalisant un
2 cm des berges. Le greffon de fascia lata est passé à travers la pointe butoir osseux du bord spinal de la scapula. En plus d’un laçage
de la scapula et suturé à lui-même sous forte tension, de sorte que le étagé, des greffes corticospongieuses sont vissées en « sandwich » à
tendon du pectoralis major affleure la scapula (fig 2). La fermeture ce niveau [61].
est sans particularité, sur drainage aspiratif. La scapula doit être réglée avec une rotation externe d’une vingtaine
L’immobilisation est de 6 semaines dans un bandage thoracobrachial de degrés [32, 72] et portée d’une trentaine de degré en abduction
de type Dujarier, le bras en rotation interne sur le torse. La scapulaire, mais surtout sans dépasser 130° d’abduction
3
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
*
A
*
B "
C1
"
C2
*
A *
B *
C
3 Scapulocostopexie.
A. Voie d’abord postérieure. C. Technique modifiée actuelle par l’encastrement de la pointe de la scapula sous les
B. Embrochage de l’écaille de la scapula par deux côtes sectionnées. deux côtes sectionnées.
scapulohumérale [11]. Au-delà, le bras ne redescend plus coude au accentue la morphologie de pseudopectus excavatus des patients
corps et des douleurs apparaissent. La position haute de la glène atteints de dystrophie musculaire [61]. D’autres se contentent de
4
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
*
A *
B *
C
*
D
110°-120°
20°
*
D *
E *
F
4 Arthrodèse sternocostale.
A. Installation et voies d’abord.
B. Relèvement du bord spinal de la scapula des muscles trapezius, rhomboidei et subscapularis.
C. Avivement des côtes, passage des laçages et mise en place des greffons.
D. Fixation définitive.
E. Position de réglage de l’arthrodèse.
F. Fermeture des muscles désinsérés.
laisser le bord spinal à 0° et obtiennent 100° d’élévation, avec un Parmi les autres complications, on observe des pneumothorax
aspect cosmétique meilleur (épaule au carré surtout quand l’atteinte (10 %), des paresthésies dans le territoire des nerfs intercostaux, des
est bilatérale) [15, 43]. douleurs transitoires antérieures de la paroi thoracique.
La fermeture se fait sur un drainage aspiratif maintenu suffisamment La perte de la fonction pulmonaire est mesurée entre 15 % et 20 %
longtemps, après avoir suturé à leur emplacement les muscles dans les cas de fusion bilatérale [11, 32, 72] chez les malades atteints de
trapezius et rhomboidei à l’infraspinatus. dystrophie musculaire fascio-scapulo-humérale.
L’immobilisation est faite coude au corps, sans rotation externe, dans – Indications.
un thoracobrachial, pour une durée d’au moins 2 à 3 mois [15, 32]. Une
radiographie pulmonaire postopératoire vérifie l’absence de La récupération se fait habituellement en 6 mois, pouvant aller
pneumothorax postopératoire. jusqu’à 18 mois dans les formes post-traumatiques ou les
amyotrophies névralgiques. La névralgie amyotrophiante laisse une
– Résultats. paralysie flasque qui récupère spontanément sauf dans au moins
La douleur est diminuée neuf fois sur dix, ce qui en fait la principale 15 % des cas.
indication pour certains [32]. L’effet cosmétique est reconnu [15, 32, 72]. Au-delà de l’optimisme des publications médicales, il faut noter une
Les meilleurs gains sur la mobilité de l’épaule sont obtenus dans les absence de récupération dans 26 % des cas [22]. Il est souvent noté un
paralysies traumatiques du muscle serratus anterior [32]. L’élévation décollement résiduel de la scapula [24] et la force musculaire n’a été
du bras est en moyenne de 120°. que rarement évaluée [22]. Ce délai atteint, on arrive au terme de celui
La fusion est obtenue dans 70 à 90 % des cas [11, 15, 23, 24, 32, 43, 61, 72]. La des réparations nerveuses.
fusion reste difficile à apprécier radiologiquement. Les Les indications chirurgicales se discutent alors entre transferts
pseudarthroses ne sont pas incompatibles avec une bonne fonction musculaires actifs et scapulopexies ou arthrodèses.
[32, 47, 72]
et sont peut-être liées à une insuffisance d’immobilisation Les transferts musculaires sont séduisants et on retient le transfert
[11, 15, 32]
. Des fractures de stress au niveau des côtes ont été rapportées du chef sternocostal du pectoralis majeur qui semble donner de bons
[15, 47, 72]
. résultats et qui garde la faveur de plusieurs chirurgiens [23, 27, 38, 57]. Il
5
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
¶ Anatomopathologie
Le muscle trapezius est innervé par le nerf accessorius (ou branche
trapézienne du nerf spinal [XI]), ainsi que par les anastomoses
provenant du plexus cervicalis (C2, C3 et C4) (fig 5). Les faisceaux
supérieurs et moyens sont innervés principalement par le nerf spinal
accessorius. Les faisceaux moyen et inférieur reçoivent une Il existe une rupture évidente du rythme scapulohuméral. Le levator
innervation motrice du plexus cervicalis directement ou à travers scapulae travaille avec les rhomboidei lors de l’abduction. La
les anastomoses avec le nerf accessorius. Le nerf accessorius possède scapula s’élève, se médialise et bascule afin que l’acromion soit plus
une disposition anatomique superficielle qui le rend haut que l’angle supéro-interne et que la glène regarde
particulièrement vulnérable au bord antérieur et à l’émergence au progressivement vers le haut. En cas de paralysie du trapezius, le
bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien au niveau du levator scapulae entraîne une élévation de l’angle supéro-interne et
triangle cervical postérieur. Les lésions traumatiques de ce nerf sont la glène s’oriente vers le bas, limitant d’autant plus l’abduction. La
le plus souvent iatrogènes après curage ganglionnaire, ou lors de scapula part en avant et en dehors. Le bord spinal est soulevé et la
simples biopsies tumorales ou ganglionnaires [2, 67, 71, 73]. L’atteinte distance le séparant de la ligne des épineuses est presque doublée
haute du nerf touche également l’innervation du muscle (fig 6) [54]. Lors de l’antépulsion pure, la scapula est encore plus
sterno-cléido-mastoïdien. attirée en avant par le muscle serratus anterior sain, augmentant le
décollement du bord spinal.
¶ Diagnostic et retentissement fonctionnel
Cette paralysie s’accompagne d’une amyotrophie du trapezius
La suppression de ce puissant fixateur de la scapula entraîne une superior modifiant les contours du creux sus-claviculaire. Le
paralysie partielle et douloureuse de l’abduction, allant difficilement haussement des épaules est asymétrique. Le muscle levator scapulae
au-delà de 90°, associée à une perte de la force de l’élévation. prend nettement la corde lors de l’abduction [16].
6
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
*
A *
B
*
C *
D
L’électromyogramme confirme l’atteinte complète du trapezius curage ganglionnaire étendu, de lésions postradiques ou de lésions
superior et limitée des deux autres faisceaux (innervation anciennes, on peut être amené à proposer une chirurgie palliative.
concomitante du plexus cervicalis superficiel). Secondairement, des L’indication est représentée par une épaule douloureuse chronique
signes de réinnervation par adoption collatérale peuvent prêter à à instabilité scapulaire depuis plus de 1 an [8]. Le transfert musculaire
confusion [2]. est plus discutable chez les personnes âgées qui s’accommodent de
leur lésion en restreignant leur activité [8].
¶ Traitement
Interventions palliatives
Réparation nerveuse
Le traitement fonctionnel n’apporte qu’une aide mineure chez ces • Fascioplasties
patients qui présentent souvent une épaule douloureuse, même Les interventions de stabilisation passive avaient pour principe de
plusieurs années après [73]. Les meilleurs résultats sont obtenus avec fixer le bord spinal de la scapula aux épineuses cervicodorsales par
les réparations nerveuses précoces [2, 67]. Mais dans certains cas de des bandelettes de fascia lata [34]. Elles sont maintenant abandonnées.
7
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
– Technique opératoire.
Le patient est installé en décubitus ventral (ou simplement latéral Paralysie des grands secteurs
[8, 71]
), le membre supérieur étant inclus dans le champ et reposant des moteurs de l’articulation
sur une gouttière.
Le tracé de l’incision est parallèle au bord spinal, remontant jusqu’à glénohumérale
l’angle supéro-interne. Le muscle trapezius paralytique est incisé au
bistouri électrique, un peu à distance du bord osseux pour ne pas PARALYSIE DE LA ROTATION EXTERNE
entamer les insertions des rhomboidei. L’insertion osseuse du levator
scapulae est exposée à l’angle supéro-interne et prélevée avec le Parmi les séquelles paralytiques du plexus brachial, le défaut de
muscle. La libération musculaire suit le bord inférieur et latéral. En rotation externe est un problème fréquent. On l’observe également
avant, elle doit ménager l’innervation de ce muscle qui l’aborde par dans les séquelles des paralysies du nerf suprascapulaire.
sa face profonde. La libération est prolongée suffisamment vers le
haut pour que le muscle puisse atteindre sa nouvelle insertion. Si le ¶ Retentissement fonctionnel
muscle paraît peu volumineux, Teinturier utilise en renfort le La paralysie isolée des rotateurs externes de l’épaule représente un
rhomboideus minor sous-jacent [71]. Les muscles rhomboidei sont handicap dans les gestes de la vie quotidienne. Les patients ne
ensuite détachés du bord de la scapula, avec leur attache osseuse peuvent mettre la main à la bouche sans effectuer le signe du
taillée en « biseau » aux dépens de la face postérieure pour ne pas « clairon » (main-bouche avec une abduction de 90°). Les positions
altérer les insertions du serratus anterior. Les deux muscles sont main-nuque et main sur la tête sont difficiles à réaliser, en particulier
alors bien individualisés. Le muscle infraspinatus est désinséré à la pour les gestes de toilettage et d’habillage. D’autre part, la main,
rugine de sa fosse au contact des crêtes d’insertion de la scapula. par la position en rotation interne de l’épaule, vient frotter la cuisse
Plus on s’approche du défilé spinoglénoïdien, plus la progression lors de la marche. Lors de la flexion du coude, elle vient buter contre
doit se faire au doigt pour ne pas léser l’innervation et la le thorax.
vascularisation du muscle qui court à sa face profonde. Une série
d’une demi-douzaine de trous est préparée à 5 cm du bord spinal, ¶ Traitements palliatifs dans les déficits de la rotation
en commençant à 1 cm sous l’épine, en suivant une ligne parallèle
au pilier de la scapula. Les rhomboidei sont ainsi translatés et fixés
externe
par des laçages au fil de Nylont, en maintenant la scapula en
Transferts musculaires
dedans, le bras à 90° d’abduction. Le serrage des points en « U »
doit être prudent et progressif à la main, car on risque de déchirer le
bord libre de ces muscles. Par une deuxième incision, la face • Transfert en dehors de l’insertion humérale du teres major et du
supérieure de l’épine est avivée, à la jonction épine-acromion. Un latissimus dorsi (L’Episcopo 1939)
tunnel sous le trapezius atrophié rejoint les deux incisions afin de S’il existe une rotation externe satisfaisante, l’intervention est
passer le transplant orienté dans le sens des fibres du trapezius conduite en décubitus ventral par une seule voie d’abord postérieure
superior. Des trous sont préparés à la mèche en protégeant le nerf arciforme, suivant le relief du bord axillaire de la scapula, prolongée
suprascapulaire qui chemine juste en dessous. Le transplant est fixé sur le bras mis en abduction. Sinon, on utilise deux voies d’abord.
par un laçage transosseux serrant la baguette osseuse au contact de En position semi-assise ou en décubitus latéral [69], l’épaule et le
l’acromion, et éventuellement renforcé par un vissage direct [71] ou membre supérieur sont installés dans le champ opératoire. Par la
des points complémentaires sur le deltoïde (fig 7). voie d’abord deltopectorale, un premier temps d’arthrolyse
On réinsère ensuite le muscle infraspinatus par-dessus les antérieure (opération de Sever modifiée) pour relâcher la rotation
rhomboidei, ce qui renforce leur fixation à la scapula. Puis les interne est préconisé en pratiquant une ténoplastie d’allongement
différentes incisions sont largement drainées. Le patient est ensuite du tendon du pectoralis majeur (plastie en « Z » [28] ) et du
immobilisé dans une orthèse thoracobrachiale en abduction pendant subscapularis (dédoublement du tendon dans le plan frontal sans
6 semaines [8]. La rééducation est entreprise progressivement, avec capsulotomie du fait des risques d’instabilité antérieure et
tout d’abord un travail de récupération des mobilités articulaires et d’hypercorrection externe [28, 46]). Nous lui préférons alors une
de la position du bras coude au corps. Puis un travail actif ostéotomie de dérotation. Les tendons du latissimus dorsi et du teres
d’élévation et de stabilisation de la scapulothoracique est entrepris. major sont ensuite détachés de l’humérus. Une deuxième voie
Ce n’est qu’après que des exercices d’abduction contre-résistance postérieure longitudinale du tiers supérieur du bras parallèle au
sont effectués. bord inférieur du deltoïde permet de contrôler leur nouveau trajet
en arrière du triceps, pour les refixer près de l’insertion du pectoralis
– Résultats. major, au contact de la terminaison du chef latéral du triceps
Lors d’une paralysie du trapezius, le levator scapulae et les brachialis. Il existe à ce niveau, juste au-dessus du vaste externe,
rhomboidei sont incapables de prévenir la chute et le décollement une zone dénudée. Zachary suture les deux tendons en passant en
de la scapula. La remise en tension des insertions des rhomboidei avant de l’intervalle entre le chef long et le chef latéral du triceps
permet de limiter la bascule de la scapula. Elle sous-entend donc brachialis [78] et s’insère en dehors du vaste externe. Il faut à ce
l’intégrité de ces derniers. D’un point de vue musculaire, cette moment-là identifier et contrôler le nerf radial. C’est au niveau de
dernière option semble procurer un équilibre satisfaisant car le l’attache du transplant qu’il croise juste en dessous la face
levator scapulae possède une excursion convenable. Il pallie le postérieure de l’humérus. Le bras est alors amené en rotation latérale
trapezius superior, même s’il est moins puissant, tandis que le maximale et les tendons sont fixés solidement au fond d’une
8
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
"
A1 "
A2
*
B
tranchée osseuse (fig 8). Zancolli propose une seule voie plus toujours un espace disponible suffisant pour le passage de deux
esthétique, deltopectorale, rejoignant le bord postérieur du creux tendons entre le deltoïde et le teres minor. Gerber utilise une
axillaire [79]. deuxième voie antérosupérieure qui permet de faufiler le tendon
d’arrière en avant entre le teres minor et le deltoïde, puis de le fixer
• Transfert du latissimus dorsi très en avant dans une tranchée osseuse au sommet du trochiter.
L’immobilisation postopératoire se fait à 60° d’abduction et 45° de
– Technique de Hoffer [36]. rotation externe.
Le patient est installé en décubitus ventral. Le décubitus latéral est Ce transfert remplit deux objectifs importants : c’est un abaisseur de
préférable si l’on doit faire un geste de libération du pectoralis major la tête humérale par son orientation verticale et un rotateur externe
par une courte voie d’abord axillaire (ce qui augmente le secteur par son insertion proche du centre de la tête humérale. Les études
d’abduction et de rotation externe). L’ensemble du bras et de électromyographiques du latissimus dorsi montrent qu’il ne s’active
l’épaule est dans le champ opératoire. que lors de l’abduction et dans les mouvements de rotation interne
La voie d’abord postérieure suit le bord latéral du latissimus dorsi, coude au corps. Son action est simultanée avec le teres major. Selon
puis bifurque verticalement dans l’axe de l’interligne glénohuméral. Gerber, le transfert agit principalement par un effet ténodèse. Aoki [5]
L’abord de la paroi postérieure du creux axillaire nécessite des démontre, lui, l’action synergique du transfert lors de l’abduction,
précautions de dissection en regard du nerf radial et du nerf de la flexion et de la rotation externe. L’activité électrique la plus
axillaire. Le tendon du chef long du triceps brachialis est soulevé intense est mesurée lors de la rotation externe, d’autant plus que
par un écarteur, en même temps qu’une mise en rotation interne du l’abduction augmente [5]. L’action non synergique s’observe parmi
bras permet de découvrir l’insertion des tendons du latissimus dorsi les mauvais résultats lorsque le transfert adhère dans la région sous-
et du teres major. Ils sont alors désinsérés de l’humérus en acromiale ou lors de la rupture de l’ancrage tubérositaire.
conservant le maximum d’étoffe tendineuse en passant en sous- Le gain moyen est de 75° d’abduction et de 85° d’antéflexion. La
périosté à l’aide d’une rugine. Les tendons sont montés sur un gros rotation coude au corps est effective et l’on observe la disparition
fil non résorbable et le bras est amené en rotation externe. Le du signe du clairon [25]. Ces résultats sont confirmés par la série de
transfert passe en arrière du triceps, puis est suturé aussi haut que Aoki [5].
possible sur la coiffe des rotateurs, en passant sous le faisceau
postérieur du deltoïde sans traumatiser le nerf axillaire (fig 9). Le Ostéotomie de dérotation de l’humérus
patient est immobilisé dans un appareillage thoracobrachial en
abduction (120-130°) et en rotation externe (90°) préalablement C’est une bonne intervention dans les formes isolées de déficit de la
confectionné. Il est maintenu pendant 1 mois puis bivalvé pour rotation externe, ce d’autant plus qu’il existe une raideur de l’épaule,
démarrer la rééducation dans l’orthèse. Le bras est ramené avec une flexion du coude active où elle procure une amélioration
progressivement au corps. Un complément d’immobilisation utile de la mobilité par transfert du secteur utilisé.
posturale nocturne est nécessaire. Le patient est installé en décubitus dorsal, le membre supérieur sur
Il s’agit d’un excellent transfert et ceci d’autant plus que la rotation une table à bras. Par une voie deltopectorale inférieure prolongée
externe a été préalablement libérée, que le deltoïde est coté à M3 et vers le bas, elle est pratiquée sous l’insertion du deltoïde pour en
le latissimus dorsi à M4. Le gain moyen de rotation externe est de conserver son action. Après avoir libéré la partie antérieure de
45° et il existe d’autre part une amélioration de l’abduction de l’insertion deltoïdienne, il est plus facile de poser la plaque en
l’ordre d’une soixantaine de degrés [36] . Ce transfert permet antéroexterne et de réaliser en premier la mise en place des trois
également de stabiliser l’épaule en renforçant l’action des muscles premières vis sur le fragment proximal. Deux broches repères
de la coiffe et il augmente l’abduction en venant en renfort de permettent de fixer le secteur de dérotation que l’on veut donner,
l’action du deltoïde. afin de porter le bras à au moins 30 à 45° de rotation externe coude
au corps. Au-delà, l’excès de dérotation est préjudiciable lors de
– Technique de Gerber. l’attitude spontanée de l’avant-bras, pour mettre la main à la bouche,
Gerber reprend à son compte ce transfert utilisé dans les séquelles poser sa main sur le ventre en décubitus dorsal, ou pour boutonner
de la paralysie obstétricale du plexus brachial pour le traitement son pantalon. La première broche est passée à travers le quatrième
des ruptures massives de la coiffe des rotateurs (rupture des muscles trou de vis et la deuxième dans l’axe du cinquième trou. Les vis
infra- et supraspinatus) [25]. Dans cette pathologie, le deltoïde est sont ensuite retirées pour pratiquer l’ostéotomie. Parfaitement
affaibli par l’absence de supraspinatus. Le deltoïde doit également perpendiculaire à l’axe huméral, elle est pratiquée prudemment à la
être de bonne qualité. Seul le latissimus dorsi est transféré. D’une scie oscillante en protégeant le nerf radial en arrière. Dans tous les
part, dans les ruptures de la coiffe des rotateurs, le teres major cas, la main doit revenir sans forcer sous l’action de sa seule
permet de compenser le décentrage antérieur de la tête humérale pesanteur sur le ventre en décubitus dorsal. Une fois le réglage
lorsque le sub-scapularis est atteint [25]. D’autre part, il n’existe pas correctement trouvé, on revisse la plaque et l’on réduit le fragment
9
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
*
A
*
B
"
C1 "
C2 *
D
distal sur la plaque à l’aide de daviers (fig 10). La fixation étant faite en secteur positif que s’il existe une abduction, agissant avec un effet
en compression, l’application de la plaque doit être parfaite, ainsi ténodèse. Néanmoins, le positionnement se fait activement en
que l’affrontement des deux tranches de section. Une reprise des décollant la main du ventre.
coupes ou un remodelage de la plaque au niveau de la crête du Dans les atteintes C5-C6 ou C5-C6-C7, tout dépend de l’importance
« V » deltoïdien est parfois nécessaire (l’importance de la dérotation des lésions, de la présence d’un muscle transférable pour réanimer
modifie la convexité des diaphyses en regard). Le deltoïde est reposé la rotation externe. On a le choix entre la dérotation d’humérus et
sur la plaque, et la fermeture est terminée en deux plans sur un les transferts musculaires.
drainage. La technique de l’Episcopo a donné de bons résultats dans les
Le membre est alors immobilisé une quinzaine de jours dans un paralysies obstétricales du plexus brachial rapportées par Green et
bandage coude au corps, puis une mobilisation douce de l’épaule Tadjian, Strecker et Wickstrom [28, 69, 76]. En revanche, chez l’adulte,
est débutée, sans port de charge ni travail contre résistance jusqu’à cette technique n’est pas satisfaisante [52, 67] . Ces transferts ne
la consolidation. permettent pas d’obtenir une rotation externe efficace suffisante. Ils
réalisent au plus, dans le plexus brachial, une limitation de la
¶ Indications rotation interne par effet ténodèse [52, 68]. Leur bras de levier est
Il peut s’agir d’une atteinte négligée ou d’une récupération horizontal et se termine sur la diaphyse humérale, ce qui les rend
insuffisante du nerf suprascapularis (lésions étagées, complètes ou surtout adducteurs, alors qu’ils devraient se situer sur le
avulsion intramusculaire). Dans quelques cas d’atteinte supraspinatus.
concomitante du nerf axillaire, son exploration a pu négliger celle Il existe un secteur passif de rotation externe. Si l’on veut réanimer
du supraspinatus. Dans ces cas, le transfert du latissimus dorsalis cette fonction, il faut faire appel au transfert des muscles latissimus
est une bonne indication. dorsi et teres major. Il doivent être cotés à M4 ou plus au testing
La force des transferts musculaires est variable. Certains sont actifs préopératoire. Le transfert du latissimus dorsi et du teres major sur
avec une rotation coude au corps positive, d’autres ne s’expriment la coiffe donne des résultats parfois aléatoires dans les paralysies
10
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
10 Ostéotomie de dérotation. *A *B
A. Par la voie antéroexterne, mise en place de la plaque et des broches repères B. Ostéotomie de dérotation et fixation par plaque vissée. Noter la correction obtenue
décalées selon l’angle de correction souhaité. matérialisée par le parallélisme des broches.
plexiques. Inférieur à M3, il n’est pas capable de contre-balancer des La voie d’abord dessine classiquement un lambeau en « U » spino-
rotateurs internes puissants (notamment dans les séquelles de acromio-claviculaire, à concavité interne, prolongé par une branche
paralysie obstétricale). Les plasties d’allongement du tendon du latérale vers la face latérale de l’épaule [51, 65]. Nous utilisons une
subscapulaire ne sont pas suffisantes. La conversion phasique n’est simple voie d’abord longitudinale du creux sus-claviculaire
pas toujours obtenue après 40 ans [54]. On peut, dans ce cas, réaliser prolongée au bord externe du bras qui donne un aussi bon jour et
un transfert du levator scapulae sur le muscle infraspinatus. simplifie les décollements. Les lambeaux fasciocutanés sont levés de
La rotation externe passive est bloquée. L’épaule est enraidie et c’est bas en haut. Le deltoïde doit être suffisamment exposé jusqu’à
l’indication de la dérotation humérale. l’épine de la scapula en arrière et vers la clavicule en avant. Le
deltoïde est ensuite désinséré en sous-périosté, en « T » inversé, du
PARALYSIE DE L’ABDUCTION tiers distal de la clavicule, de l’acromion et de la moitié postérieure
La paralysie du deltoïde n’est plus le fait des séquelles de la de l’épine (fig 11). On réalise à ce moment la levée de la baguette
poliomyélite, mais habituellement secondaire à l’atteinte acromiale en pratiquant à son bord postérieur l’ostéotomie de
traumatique du nerf axillaire ou du plexus brachial. C’est ce qui l’acromion, à sa naissance spinale (avec ou non 1 cm de clavicule),
explique la rareté des publications sur le traitement palliatif de en passant dans l’articulation acromioclaviculaire de l’autre côté,
l’abduction de l’épaule. délimitant ainsi son bord antérieur. La baguette osseuse ainsi
Le transfert musculaire doit stabiliser l’articulation et rétablir la force détachée mesure au moins 4 cm de large. Les insertions restantes du
motrice de l’élévation du bras. trapezius sur la clavicule et sur l’épine de la scapula sont ensuite
sectionnées jusqu’à 2 cm du bord spinal de la scapula. Cette
¶ Transfert du muscle trapezius sur l’extrémité désinsertion est soigneuse, en évitant de tracter trop fortement sur
supérieure de l’humérus (intervention de Bateman) le greffon osseux. En effet, les fibres musculaires ont tendance à se
Il consiste à transférer en partie les insertions spino-acromio- dilacérer de part et d’autre de l’os et des points d’arrêt sont utiles à
claviculaires du faisceau supérieur du muscle. Initialement, le ce niveau. On prend ensuite bien soin de créer un chenal
muscle était détaché de ses attaches osseuses acromioclaviculaires, suffisamment accueillant pour le passage du transfert entre les
prolongé par une bandelette tubulée de fascia lata, et inséré après berges osseuses de l’épine et l’extrémité distale de la clavicule. Un
tunnellisation sous-cutanée sur le tubercule majeur [51]. La technique complément d’émondage à la pince gouge est souvent nécessaire. À
fut ensuite modifiée en descendant la fixation du transplant sous ce stade, le lambeau ne parvient pas à descendre et un temps de
l’attache distale du deltoïde pour en augmenter le bras de levier [77]. libération inférieur est nécessaire. La libération du lambeau
Actuellement, on descend en bloc l’unité ostéomusculaire : l’attache musculaire à sa face profonde doit ménager le nerf spinal, le
musculaire et la surface acromioclaviculaire [7, 64] sont vissées sur la pédicule suprascapulaire et l’artère cervicale transverse. Ces
surface humérale avivée. C’est le faisceau cléido-acromio-spinal qui éléments dangereux sont noyés dans la graisse à la face profonde
est actuellement utilisé. Le transfert du trapezius présente la même du muscle, à sa partie moyenne, et constituent, avec de fines cloisons
forme que le deltoïde et la même direction frontale. Son innervation fibreuses, des structures limitant la translation latérale musculaire
est en règle épargnée dans les paralysies du plexus brachial. (fig 11). L’exposition de la partie proximale de l’humérus est réalisée
en incisant longitudinalement les fibres du deltoïde. La face
Technique chirurgicale antérolatérale de l’humérus est avivée à l’ostéotome, ainsi que la
Le patient est installé soit en position demi-assise, soit en décubitus face profonde de l’acromion prélevée avec le trapezius. Au plan
latéral, en préparant l’ensemble du bras et de l’épaule dans le champ huméral, la tranché se termine au bord supérieur par un butoir afin
opératoire. Un appui-bras préalablement réglé permet de soutenir le d’éviter l’ascension du greffon. Le point d’insertion du transfert se
membre en abduction. situe légèrement en avant, au contact de la gouttière bicipitale pour
11
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
*
A
*
B
*
D
"
C1
* F
11 Transfert du trapezius.
A. Installation et voie d’abord longitudinale supérieure.
B. Incision du deltoïde et exposition du bord latéral
de l’acromion.
C. Section de l’acromion et libération musculaire sur la
clavicule et l’épine. En cartouche, visualisation du trajet
du nerf spinal et de l’artère cervicale transverse.
D. Préparation de la surface humérale avec la butée
antirecul.
E. Technique de fixation par vissage et laçage de
*
E sécurité.
F. Fermeture des deux valves deltoïdiennes sur le
trapezius.
"
C2
favoriser l’antépulsion. Le bras est amené à 90° d’abduction et le renforcer cette fixation par un laçage transosseux, faufilé dans le
transfert descendu au contact de la surface humérale préparée. tendon deltoïdien. Des radiographies peropératoires permettent de
L’acromion est vissé en compression, en place, par deux vis s’assurer de la bonne longueur des vis et de l’absence d’effraction
corticales de 5 mm montées sur rondelles. Le serrage reste prudent intra-articulaire.
car la baguette acromiale est d’autant plus fragilisée qu’une corticale
est avivée et que les trous de vis sont proches. Les vis, pour avoir La fermeture se réalise en maintenant cette position d’abduction.
une certaine tenue, doivent s’ancrer sur la corticale naissante de la Les deux valves musculaires du deltoïde sont ensuite rabattues et
métaphyse au niveau du col chirurgical. Il est fortement conseillé de suturées par-dessus le trapezius. Un drainage suffisant est mis en
12
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
place pour éviter les hématomes postopératoires dans les espaces de et correspond à l’insertion du chef moyen du deltoïde. Le site de
décollement. Le patient est appareillé dans une orthèse passage du transfert diffère selon les auteurs : soit il est passé en
thoracobrachiale, préalablement confectionnée, bras en abduction de sous-cutané jusqu’à la partie antérieure de l’acromion, soit il est
70°, dans le plan de la scapula et en légère rotation externe afin de passé sous le chef postérieur du deltoïde et se confond avec
détendre le transfert, pour une durée de 4 à 6 semaines. l’insertion du chef moyen [67]. La fixation se fait coude en extension,
bras en abduction de 90°, par des points transosseux ; à l’aide de
Soins postopératoires gros fils non résorbables, ou par un laçage sur lui-même en passant
autour de l’acromion. La fermeture doit impérativement se réaliser
Un protocole de rééducation réalise dans un premier temps des
dans cette position du bras.
massages décontracturants, une lutte contre les attitudes vicieuses
et une hygiène de la statique rachidienne. Un travail de réveil Suites postopératoires
musculaire dans l’orthèse est ensuite réalisé, et ce n’est qu’à partir
de la cinquième semaine qu’un retour progressif du coude au corps L’immobilisation thoracobrachiale préalablement confectionnée
est entrepris. Au bout de 6 semaines, le patient est sevré de son (coude proche de l’extension, épaule en légère rétropulsion et à 70°
appareillage et des exercices d’abduction en actif aidé sont démarrés. d’abduction) est alors mise en place pour une durée de 6 semaines.
Le retour coude au corps ne se fait que progressivement. Cette
immobilisation bras tendu en abduction est relativement
Résultats
inconfortable.
Ce transfert nécessite la présence des stabilisateurs de la scapula.
L’intervention est contre-indiquée en cas de subluxation antérieure Résultats
de l’épaule. Les résultats sont meilleurs si le deltoïde est encore actif Il s’agit d’un transfert d’un muscle qui devient biarticulaire avec
et lorsque l’attache est la plus proche de l’insertion deltoïdienne [65]. une course très oblique et postérieure pour un axe d’abduction. Pour
Sur le plan subjectif, les malades deviennent indolores dans 75 % Narakas [ 5 4 ] , ce type de transfert n’est à réaliser que si le
des cas. Ils sont surtout satisfaits par l’impression de stabilisation supraspinatus est faible et ne permet pas d’abduction à l’horizontale.
que leur procure le transfert. Cette stabilisation se vérifie Il nous paraît indiqué lorsque, dans certains cas, la flexion du coude
radiologiquement en montrant la disparition de la subluxation se fait avec une certaine rétropulsion. Il est incapable de lever le
inférieure de l’épaule lorsqu’elle existait avant l’intervention. On bras au-dessus du plan des 90°, sauf dans certains cas. Sedel [67]
peut espérer obtenir en moyenne une abduction de 60°, une obtient des résultats intéressants par renforcement de la force
antépulsion de 80°. La force d’élévation est en moyenne de 2,5 à d’élévation lorsque celle-ci atteint 90°. Il nécessite pour cela
3 kg. l’intégrité des muscles de la coiffe des rotateurs qui jouent leur rôle
de starter et se trouvent ainsi renforcés dans leur action.
¶ Transfert de la longue portion du triceps
sur l’acromion (Sloaman) ¶ Transfert du latissimus dorsi (Itoh )
[39]
13
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
*
B
*
C
"
A1 "
A2
*
D
* F
12 Transfert de la longue portion du triceps.
A. Vue postérieure anatomique de la longue portion du triceps et position du transfert
sur l’acromion.
B. Installation ventrale et voie d’abord postérieure.
C. Section du tendon au ras du tubercule glénoïdien inférieur.
D. Libération du transfert et rapport avec le nerf radial.
*
E E. Fixation sur l’acromion par une contre-incision antérieure.
F. Immobilisation postopératoire.
réanimer la paralysie du deltoïde chez une enfant atteinte de La chirurgie nerveuse est indiquée devant l’absence de récupération
poliomyélite. Grâce à une seule voie d’abord en « sabre », les deux nerveuse infraclinique sur l’électromyogramme pratiqué entre le
tendons sont détachés avec une pastille osseuse et amenés sur le troisième et le sixième mois. Les résultats de la réparation isolée du
sommet de l’acromion préalablement avivé et fixé. Il obtient une nerf axillaris permettent d’obtenir 60 % de bons (M4) et de très bons
abduction honorable de 90° et une belle antépulsion au-dessus de la résultats (M5) [3, 54].
tête [55].
Dans cette indication sélective, le transfert du trapezius est une
bonne indication.
Indications thérapeutiques
Les atteintes du nerf axillaris peuvent être isolées ou associées à une
rupture de la coiffe des rotateurs, à une atteinte du nerf
PARALYSIE DU NERF AXILLARIS suprascapularis [3, 53] ou à une lésion du fasciculus posterior. La
Le mécanisme retrouvé est violent (luxation antéro-interne de rupture isolée se rencontre dans 40 % des cas de luxation
l’épaule, accident de moto), associé à des fractures de la ceinture glénohumérale. Dans le groupe de l’atteinte concomitante du nerf
scapulaire. Narakas note une incidence de 5 à 10 % de paralysie du axillaire et du nerf suprascapulaire, on rencontre 44 % de fractures
deltoïde sur 1 000 cas de traumatisme scapulaire [54]. On peut de la clavicule et des disjonctions des attaches claviculaires. Il s’agit
admettre qu’il existe une récupération complète ou valable dans 75 de l’étape précédant l’atteinte plus grave du plexus infraclaviculaire
à 80 % des cas. par distraction scapulohumérale [54]. Après la quatrième décennie, il
14
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
*
A
"
B1
"
B2
13 Transfert du latissimus dorsi selon Itoh. B. Transfert bipolaire du latissimus dorsi pédiculé. La flèche montre le déroutage
A. Schéma des différentes voies d’abord. du muscle à travers une large boutonnière entre les deux faisceaux du pectoralis major
et fixation sur le moignon deltoïdien.
faut rechercher une atteinte concomitante de la coiffe des rotateurs, PARALYSIE DE L’ÉPAULE DANS LA POLIOMYÉLITE
ce qui change les données du problème, en fonction des possibilités Le stade séquellaire commence 2 ans et demi après le début de la
de réparation ou non de cette dernière. maladie. C’est la gravité de l’étendue de l’atteinte qui détermine
quel transfert musculaire est le plus approprié. Elle touche le plus
PARALYSIE C5-C6 OU C5-C6-C7 DU PLEXUS BRACHIAL souvent les muscles de la racine du membre supérieur et, dans 80 %
des cas, le deltoïde. Il faut avant toute chose régler les possibilités
¶ Paralysie C5-C6 et C5-C6-C7 thérapeutiques chirurgicales au niveau du membre supérieur, c’est-
à-dire bras, coude, poignet, main. La stabilisation proximale du
On observe une atteinte du deltoïde, des supra- et infraspinatus et membre supérieure est essentielle pour le déplacement dans
du teres minor. Le biceps récupère habituellement après chirurgie l’espace, alors que c’est la fonction motrice qui est la plus importante
nerveuse. plus on progresse vers la main. Les rétractions articulaires doivent
On a le choix entre plusieurs possibilités pour stabiliser l’épaule et être traitées avant de réanimer un secteur articulaire.
la réanimer.
L’arthrodèse d’épaule trouve des indications. Elle intervient en ¶ Membre supérieur ballant
dernier dans le programme opératoire des interventions secondaires.
Les interventions distales sont alors plus aisées à réaliser. Ceci Dans la poliomyélite, l’atteinte scapulaire peut être responsable d’un
permet également d’évaluer le degré de stabilité de l’épaule et membre supérieur ballant. La récupération musculaire est faible.
d’établir la disponibilité des muscles moteurs restants. La force de L’arthrodèse de l’épaule n’est envisageable que si les stabilisateurs
l’épaule est supérieure chez les patients présentant une main de la scapula sont présents et efficaces. Si le serratus anterior est
fonctionnelle. Mais en contrepartie, elle bloque les rotations, ce qui paralysé, l’abduction dans la scapulothoracique ne devrait pas
amène à utiliser les transferts musculaires actifs. excéder 30°. Au-delà, le poids du membre entraîne la scapula vers
le bas. En cas d’atteinte bilatérale, le côté le plus faible est positionné
Depuis les séries de Karev, et surtout celles de Aziz [6, 41], on voit
plus en rotation interne. De même, si les deux atteintes sont
réapparaître l’utilisation du transfert du trapezius [7, 64] pour réanimer
équivalentes, c’est le côté non dominant qui est positionné plus en
l’abduction de l’épaule dans la paralysie du plexus brachial. Le gain
rotation interne.
sur l’abduction est de 45°, et de 35° sur la flexion. L’épaule est à
chaque fois stabilisée, et indolore huit fois sur dix [6]. Les rotations
de l’épaule ne sont pas bloquées. Parfois, pour améliorer l’abduction, ¶ Autres cas de figure
Sakellarides propose d’y adjoindre, dans un deuxième temps, un S’il persiste des muscles suffisamment forts pour donner une épaule
transfert du levator scapulae sur le supraspinatus [65]. On peut mobile, il faut raisonner en termes de fonction articulaire à
également renforcer la flexion en transposant la courte portion du réhabiliter [66]. Saha distingue trois groupes musculaires au niveau
biceps brachialis sur l’acromion. de l’épaule [64] :
Si le coude présente une flexion parasite en rétropulsion, il nous
paraît alors indiqué de proposer un transfert de la longue portion – le groupe des forces motrices est constitué du deltoïde et du
du triceps sur l’acromion. pectoralis major. Ils sont responsables de la principale force motrice
de l’abduction de l’épaule dans les trois directions. Leurs attaches
Récemment, Itoh a proposé le transfert bipolaire du latissimus dorsi
sont au tiers supérieur de l’humérus et distales par rapport à
dans la réanimation de la flexion de l’épaule [39]. Sur une série de dix
l’articulation. Leur réanimation est importante ;
patients atteints de plexus brachial, les meilleurs résultats sont
obtenus parmi les trois cas qui possédaient un biceps actif stabilisant – le groupe de direction représenté par les muscles subscapularis,
l’épaule et travaillant en synergie dans l’antépulsion (> 110°). supraspinatus, infraspinatus. Leur force s’exerce à la jonction col-
L’antéflexion est d’au moins 90°. L’abduction ne dépasse cependant tête. Ils stabilisent la tête dans la glène et assistent l’épaule dans
pas 40° en moyenne. l’abduction en réalisant des haubans antérieurs et postérieurs ;
– le groupe des abaisseurs (sternal pectoralis major, latissimus dorsi,
¶ Paralysie complète du plexus brachial
teres minor et major) sont dépresseurs de la tête humérale et
La stabilisation de l’épaule a recours aux arthrodèses de l’épaule. rotateurs.
15
44-286 Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule Techniques chirurgicales
Les transferts essayent de pallier l’insuffisance du deltoïde, mais l’acromion [30]. Si le biceps est présent, il permet une certaine
pour que cela soit réalisable, ces interventions nécessitent des antéflexion. La technique de Ober, transfert de la longue portion du
stabilisateurs de la scapulothoracique (serratus anterior, trapezius). triceps et de la courte portion du biceps sur l’acromion, permet alors
Le déficit du trapezius peut être corrigé par le transfert du levator d’obtenir une abduction complémentaire [ 5 5 , 6 6 ] , ces deux
scapulae. Le trapezius moyen et les rhomboidei stabilisent la interventions pouvant être couplées. Harmon obtient sur ses cas des
scapulothoracique dans les mouvements de rotation de l’épaule. résultats à chaque fois supérieurs à ceux que l’on pouvait espérer
Leur déficience perturbe l’utilisation de l’épaule qui fuit en avant avec une arthrodèse.
par la traction exercée par le serratus anterior. Le bord spinal peut Le transfert de l’ensemble sternocostal du pectoralis major vers
alors être stabilisé par la retente de ces muscles ou par des l’acromion et le cou (intervention de Hildebrandt, 1906) est une
fascioscapulopexies à la ligne des épineuses ou aux côtes. intervention tombée en désuétude, mais qui a donné des résultats
L’insuffisance du serratus anterior peut être corrigée par les dans le remplacement des deltoïdes antérieur et moyen. Dans la
transferts du pectoralis major ou par une arthrodèse mesure où des rotateurs sont actifs et que les triceps et biceps
scapulothoracique. suffisent pour stabiliser l’articulation sans pouvoir obtenir une
Quand le deltoïde est atteint, il ne récupère que rarement [77]. La abduction supérieure à 45°, le transfert a permis alors d’obtenir une
flexion antérieure est fonctionnellement importante et semble primer abduction complète [66].
devant la récupération d’une abduction. En cas de paralysie du
L’insuffisance du supraspinatus est renforcée par le transfert du
deltoïde, le trapezius est habituellement épargné et il est disponible
levator scapulae sur son tendon terminal.
pour un transfert [77]. C’est le palliatif de première intention [64]. Les
meilleurs résultats des transferts du trapezius sont obtenus lorsque L’infraspinatus peut être réanimé par le transfert du latissimus dorsi
la tête est centrée, lorsqu’il existe encore un certain deltoïde et que ou le teres major sur la coiffe [30] . S’il existe une subluxation
les muscles scapulostabilisateurs sont présents [77] . En cas de antérieure, l’immobilisation postopératoire doit en tenir compte en
récupération partielle du deltoïde, uniquement du faisceau mettant le bras en légère flexion, en plus de l’abduction dans le plan
postérieur, il est possible de transférer l’attache spinale de ce faisceau de la scapula [77]. La paralysie du subscapularis est palliée par le
en avant sur la clavicule pour améliorer l’abduction [30]. De même, il transfert des digitations supérieures du serratus ou du pectoralis
est possible de transférer le chef claviculaire du pectoralis major sur minor ou major [64].
Références
[1] Alnot JA. Épaule paralytique de l’adulte par lésions nerveu- [15] Copeland SA, Howard RC. Thoracoscapular fusion for [30] Harmon PH. Surgical reconstructions of the paralytic shoul-
ses périphériques. In : Bonnel F, Blotman F, Leroux JL éd. facioscapulohumeral dystrophy. J Bone Joint Surg Br 1978 ; der by multiple muscle transplantations. J Bone Joint Surg
L’épaule musculaire. Montpellier :Sauramps médical, 60 : 547-551 Am 1950 ; 32 : 583-595
1995 : 243-259 [16] Dewar FP, Harris RI. Restoration of function of the shoulder [31] Hass J. Muskelplastik bei Serratuslahmung. Z Orthop Chir
[2] Alnot JY, Aboujaoude J, Oberlin C. Les lésions traumatiques following paralysis of the trapezius by fascial sling fixation 1931 ; 55 : 617-622
du nerf spinal accessoire (n. accessorius). 2e Partie : étude and transplantation of the levator scapulae. Ann Surg
[32] Hawkins RJ, Willis RB, Litchfield RB. Scapulothoracic arthro-
clinique et résultats d’une série de 25 cas. Rev Chir Orthop 1950 ; 132 : 1111-1115.
desis for scapular winging. In : Post MMorrey BFHawkins RJ
1994 ; 80 : 297-304 [17] Dickson FD. Fascial transplants in paralysis and other con- eds. Surgery of the shoulder. St Louis : Mosby Year Book,
[3] Alnot JY, Liverneaux PH, Silberman O. Les lésions du nerf ditions. J Bone Joint Surg 1937 ; 19 : 405 1990
axillaire. Rev Chir Orthop1996 ; 82 : 579-589 [18] Ducloyer P, Nizard R, Sedel L, Witvoet J. Arthrodèse [33] Hayes JM, Zehr DJ. Traumatic muscle avulsion causing
d’épaule dans les paralysies du plexus brachial. Rev Chir winging of the scapula. A case report. J Bone Joint Surg Am
[4] Anonymous. Neuralgic amyotrophy-still a clinical syn- Orthop1991 ; 77 : 396-405
drome. Lancet 1980 ; 2 : 729-730 1981 ; 63 : 495-497
[19] Durandeau A. Les lésions compressives du nerf supra- [34] Henry AK. An operation for slinging a dropped shoulder. Br
[5] Aoki M, Okamura K, Fukushima S, Takahashi T, Ogino T. scapulaire. À propos de 26 cas. In : L’épaule. Paris : Springer-
Transfer of latissimus dorsi for irreparable rotator-cuff tears. J Surg 1927 ; 15 : 95-98
Verlag, 1993 : 725-729
J Bone Joint Surg Br 1996 ; 78 : 761-766 [35] Herzmark MH. Traumatic paralysis of the serratus anterior
[20] Durrman DC. Operation for serratus anterior. J Bone Joint relieved by transplantation of the rhomboidei. J Bone Joint
[6] Aziz W, Singer RM, Wolff TW. Transfert of the trapezius for Surg 1945 ; 27 : 280 Surg Am 1951 ; 33 : 235-238
fail shoulder after brachial plexus injury. J Bone Joint Surg Br [21] Eden R. Zur behandlung der trapeziuslämung mittelst
1990 ; 72 : 701-704 [36] Hoffer MM, Wickenden RW, Roper B. Brachial plexus palsy.
muskelplastik. Dsche Zeitschr Chir 1924 ; 184 : 387-397 Results of tendon transfert to the rotator cuff. J Bone Joint
[7] Bateman JE. The shoulder and environs. St Louis : CV [22] Fery A. Results of treatment of anterior serratus paralysis. Surg Am 1978 ; 60 : 691-695
Mosby, 1954 In : Post M, Morrey BF, Hawkins RJ eds. Surgery of the shoul-
[37] Horwitz MT, Tocantins LM. Isolated paralysis of serratus
[8] Bigliani LU, Perez-Sanz JR, Wolfe IN. Treatment of trapezius der. St Louis : Mosby Year Book, 1990 : 325-329
anterior (magnus) muscle. J Bone Joint Surg 1938 ; 20 :
paralysis. J Bone Joint Surg Am 1985 ; 67 : 871-877 [23] Fery A, Sommelet J. La paralysie du grand dentelé. Résultats 720-725
[9] Brooks DM, Zaoussi A. Arthrodesis of the shoulder in the du traitement de 12 cas dont 9 opérés et revue générale de
la littérature. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 : 277-288 [38] Iceton J, Harris WR. Results of pectoralis major transfer for
reconstructive surgery of the upper limb. J Bone Joint Surg Br winged scapula. J Bone Joint Surg Br 1987 ; 69 : 108-110
1959 ; 41 : 207-212 [24] Foo CL, Swann M. Isolated paralysis of the serratus ante-
rior. A report of 20 cases. J Bone Joint Surg Br 1983 ; 65 : [39] Itoh Y, Sasaki T, Ishiguro T, Uchinishi K, Yabe Y, Fukuda H.
[10] Brunnstrom S. Muscle testing around the shoulder girdle. 552-556 Transfer of latissimus dorsi to replace a paralysed anterior
A study of the function of the shoulder-blade fixators in deltoid. A new technique using an inverted pedicled graft.
seventeen cases of shoulder paralysis. J Bone Joint Surg [25] Gerber C, Vinh TS, Hertel R, Hess CW. Latissimus dorsi J Bone Joint Surg Br 1987 ; 69 : 647-651
1941 ; 23 : 263-272 transfer for the treatment of massive tears of the rotator
cuff. Clin Orthop 1988 ; 232 : 51-61 [40] Johnson JT, Kendall MO. Isolated paralysis of the serratus
[11] Bunch WH. Scapulo-thoracic fusion for shoulder stabiliza- anterior muscle. J Bone Joint Surg Am 1955 ; 37 : 567-574
tion in muscular dystrophy. Minn Med1973 ; 56 : 391-394 [26] Goodman CE, Kenrick MM, Blum MV. Long thoracic nerve
palsy: a follow-up study. Arch Phys Med Rehabil 1975 ; 56 : [41] Karev A. Trapezius transfer for paralysis of the deltoid. J
[12] Chammas M, Allieu Y, Meyer ZuReckendorf G. L’arthro- 352-358 Hand Surg Br 1986 ; 11 : 81-83
dèse d’épaule : indications, résultats. In : Alnot JA, Narakas [27] Gozna ER, Harris WR. Traumatic winging of the scapula. J [42] Ketenjian AY. Scapulocostal stabilization for scapular
A éd. Les paralysies du plexus brachial. Paris : Expansion Bone Joint Surg Am 1979 ; 61 : 1230-1233 winging in facioscapulohumeral muscular dystrophy. J
Scientifique Française, 1995 : 231-238 Bone Joint Surg Am 1978 ; 60 : 476-480
[28] Green M, Tachdjian MO. Correction of residual deformi-
[13] Chaves JP. Pectoralis minor transplant for paralysis of the ties of the shoulder in obstetrical palsy. J Bone Joint Surg Am [43] Kocialkowski A, Frostick S, Wallace A. One-stage bilateral
serratus anterior. J Bone Joint Surg Br 1951 ; 33 : 228-230 1963 ; 45 : 1544-1545 thoracoscapular fusion using allografts. Clin Orthop1991 ;
[14] Cofield RH, Briggs BT. Gleno-humeral arthrodesis. Opera- [29] Gregg JR, Labosky D, Harty MA. Serratus anterior paralysis 273 : 264-267
tive and long-term functional results. J Bone Joint Surg Am in the young athlete. J Bone Joint Surg Am 1979 ; 61 : [44] Lange M. Die Behandlung der irreparablem Trapeziusläh-
1979 ; 61 : 668-677 825-831 mung Langenbeckcs. Arch Klin Chir 1951 ; 270 : 437-439
16
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical palliatif des paralysies de l’épaule 44-286
[45] Langenskjold A, Ryoppy S. Treatment of paralysis of the [57] Post M. Pectoralis major transfer for winging of the scapula. [69] Strecker WB, McAllister JW, Manske PR, Schoenecker PL,
trapezius muscle by the Eden-Lange’s operation. Acta J Shoulder Elbow Surg 1995 ; 4 (1 Pt 1) : 1-9 Dailey LA. Sever-l’Episcopo transfers in obstetrical palsy: a
Orthop Scandd 1973 ; 44 : 383-388 [58] Rapp IH. Serratus anterior paralysis treated by transplanta- retrospective review of twenty cases. J Pediatr Orthop 1990 ;
tion of the pectoralis minor. J Bone Joint Surg Am 1954 ; 36 : 10 : 442-444
[46] L’Episcopo JB. Tendon transplantation in obstetrical paraly-
sis. Am J Surg 1934 ; 25 : 122-125 852-854 [70] Stromboni A. La scapulo-costopexie dans les paralysies du
[47] Letournel E, Fardeau M, Lytle JO, Serrault M, Gosselin RA. [59] Richards RR, Waddell JP, Hudson AR. Shoulder arthrodesis grand dentelé et du trapèze. [thèse]. Paris, 1967
Scapulothoracic arthrodesis for patients who have fascio- for the treatment of brachial plexus palsy. Clin
Orthop1985 ; 198 : 250-258 [71] Teinturier P, Vergote T, Terver S. Traitement de la paralysie
scapulohumeral muscular dystrophy. J Bone Joint Surg Am du trapèze par transplantation de l’angulaire de l’omo-
1990 ; 72 : 78-84 [60] Rouholamin E, Woottow JR, Jamieson AM. Arthrodesis of plate. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 297-302
the shoulder following brachial plexus injury. Injury1991 ;
[48] Lindstrom N, Danielsson L. Muscular transposition in ser- [72] Twyman RS, Harper GD, Edgar MA. Thoracoscapular fusion
22 : 271-274
ratus anterior paralysis. Acta Orthop Scand 1962 ; 32 : in facioscapulohumeral dystrophy: clinical review of a new
369-373 [61] Roux JL, Allieu Y. L’arthrodèse scapulo-thoracique dans la
surgical method. J Shoulder Elbow Surg 1996 ; 5 : 201-205
dystrophie musculaire progressive de Landouzy Déjerine.
[49] Maquet P. Paralysie du grand dentelé traitée par transplan- In : Les arthrodèses de l’épaule. Montpellier : Sauramps [73] Valtonen EJ, Lilius HG. Late sequelae of iatrogenic spinal
tation du petit pectoral. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : 399-401 médical, 1997 : 73-80 accessory nerve injury. Acta Chir Scand 1974 ; 140 :
[50] Marmor L, Bechtol CO. Paralysis of the serratus anterior [62] Rowe CR. Arthrodesis of the shoulder used in treating 453-455
due to electric shock relieved by transplantation of the painful conditions. Clin Orthop 1983 ; 173 : 92-96 [74] Vastamaki M. Pectoralis minor transfert in serratus anterior
pectoralis major. J Bone Joint Surg Am 1963 ; 45 : 156-160 [63] Rowe CR. Re-evaluation of the arm in arthrodesis of the paralysis. Acta Orthop Scand 1984 ; 55 : 293-295
[51] Mayer L. Transplantation of the trapezius for paralysis of shoulder in the adult. J Bone Joint Surg Am 1974 ; 56 :
the abductor of the arm. J Bone Joint Surg Am 1954 ; 36 : 775 913-922 [75] Whitman A. Congenital elevation of scapula and paralysis
of serratus magnus muscle. JAMA 1932 ; 99 : 1332
[52] Merle d’Aubigné R, Deburge A. Traitement des paralysies [64] Saha AK. Surgery of the paralysed and flail shoulder. Acta
du plexus brachial. Rev Chir Orthop 1967 ; 53 : 199-215 Orthop Scand1967 ; 97 : 5-90 [76] Wickstrom J, Haslam ET, Hutchison RH. The surgical man-
[65] Sakellarides HT. Tendon transferts to the shoulder follow- agement of residual deformities of the shoulder following
[53] Mikami Y, Nagano A, Ochiai N, Yamamoto S. Results of birth injuries of the brachial plexus. J Bone Joint Surg Am
nerve grafting for injuries of the axillary and suprascapular ing paralysis of brachial plexus. In : Post M, Morrey BF,
Hawkins RJ eds. Surgery of the shoulder. St Louis : Mosby 1955 ; 37 : 27-36
nerves. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 527-531
Year Book, 1990 : 347-352 [77] Yadav SS. Muscle transfer for abduction paralysis of the
[54] Narakas AO. Les atteintes paralytiques de la ceinture [66] Schottstaedt ER, Larsen LJ, Bost FC. The surgical reconstruc- shoulder in poliomyelitis. Clin Orthop1978 ; 135 : 121-124
scapulo-humérale et de la racine du membre supérieur. In : tion of the upper extremity paralysed by poliomyelitis.
Traité de chirurgie de la main. Affections neurologiques, [78] Zachary R. Transplantation of teres major and latissimus
J Bone Joint Surg Am 1958 ; 40 : 633-643 dorsi for external rotation of shoulder. Lancet 1947 ; 2 :
paralysies du membre supérieur, syndromes canalaires.
Paris : TR éditeur, 1991 : 113-154 [67] Sedel L. La paralysie de l’épaule. Traitement chirurgical. In : 757-758
Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Paris : Expansion
[55] Ober F. An operation to relieve paralysis of the deltoid. Scientifique Française, 1990 [79] Zancolli EA. Classification and management of the shoul-
JAMA 1932 ; 99 : 2182 der in birth palsy. Orthop Clin North Am 1981 ; 12 : 433-457
[68] Sedel L. Traitement palliatif d’une série de 103 paralysies
[56] Parsonage MJ, Turner JWA. Neuralgic amyotrophy. Lancet par élongation du plexus brachial. Évolution spontanée et [80] Zeier FG. The treatment of winged scapula. Clin Orthop
1974 ; 2 : 878 résultats. Rev Chir Orthop 1977 ; 63 : 651-666 1973 ; 91 : 128-133
17
44-287
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-287
Toute référence à cet article doit porter la mention : Asfazadourian H, Teboul F et Oberlin C. Techniques d’arthrodèse de l’épaule. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-287, 2001, 16 p.
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
*
C
*
A
*
B
2 Pontages articulaires par greffon.
A. Pontage articulaire supérieur. B. Pontage postérieur. C. Pontage inférieur.
2
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
30°
2
60°
1
30° *
A
60°
*
B
70°
*
C
¶ Anatomie du pilier
a
Le pilier présente une inclinaison d’une quarantaine de degrés avec
la verticale et un angle de 130 à 140° avec le grand axe de la glène
après excision des surfaces articulaires. Sa racine présente le meilleur a : 20 mm
point d’ancrage sur la scapula, puis l’épaisseur d’os s’amenuise sur b : 35 mm
les 4 à 5 cm qui suivent vers le bas pour ne représenter qu’une
valeur de 9-10 mm (fig 5). Ces mesures sont sujettes aux variations
individuelles, plus petites chez la femme et biaisées si la
scapulaprésente une courbure thoracique accentuée. Le vissage
prend, à ce moment-là, la tangente de la courbe avec un ancrage
plus faible sur une longueur plus courte. La meilleure prise du pilier
se fait en enfilade et pour cela doit avoir un point d’entrée situé au
sommet de la glène (fig 6).
BIOMÉCANIQUE DE L’ARTHRODÈSE
ET COUPLE MUSCULAIRE
La musculature stabilisatrice de la scapula établit un jeu harmonieux
de rotations de celle-ci lors de l’élévation, tout en assurant sa fixité 4 Coupe transversale du massif glénoïdien et antéversion glénoïdienne, glène de face
vraie (dimensions après avivement).
thoracique dans le plan frontal. Le glissement transversal, combiné
3
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
ABDUCTION
L’abduction est de 30° par rapport au tronc. Le retour aisé de la
main le long du corps est un élément important et doit se faire
normalement sans décollement de la pointe de la scapula en dedans.
Celle-ci entraînerait un étirement progressif et douloureux du
*
B faisceau inférieur du serratus inférieur et du faisceau supérieur du
6 Visée du pilier : face (A) et profil (B). trapezius. Les sources d’erreurs peropératoires sont nombreuses
dans le plan de la scapula car elle glisse sur le plan thoracique et se
trouve parasitée par le réglage concomitant de l’antépulsion. En
aux rotations, permet d’obtenir un certain degré de rotation du peropératoire, il est important de vérifier la bonne position par un
membre supérieur par rapport au socle thoracique. cliché radiologique de face « vraie » en mesurant un angle de 60°,
Selon Inman, on distingue trois unités fonctionnelles [22] : sans dépasser ce chiffre, entre le bord axillaire de la scapula et celui
4
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
30°
*
C
*
B
60°
*
A
5
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
10 Installation en décubi-
tus latéral.
*
A
*
B 11 Installation en position
assise.
9 La mesure de la rotation interne n’a pas la même signification ni la même valeur
selon que l’on parle de rotation interne coude au corps (A) et de pente antérieure de
l’avant-bras (B).
6
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
*
B
*
A
deltoïde est divisé dans l’axe de ses fibres pour exposer la diaphyse On distingue actuellement deux types de montage :
humérale. La partie supérieure et antérieure des tendons de la coiffe
des rotateurs est excisée pour accéder à l’articulation après avoir fait – le vissage interne en compression sécurisé par un fixateur externe ;
l’hémostase du pédicule suprascapulaire dans le défilé
spinoglénoïdal. Cette voie en « L » est utilisée pour les arthrodèses – la synthèse interne par plaque vissée.
par simple vissage et les synthèses par plaque [41, 42]. Par cette voie,
on peut utiliser la partie postérolatérale de l’acromion ou de l’épine FIXATION INTERNE PAR VISSAGE SCAPULOHUMÉRAL
comme greffon pédiculé par les insertions du trapezius. En pontant EN COMPRESSION ET EXTERNE PAR FIXATEUR [7, 14, 38, 40, 53]
l’interligne postérieur ou postérosupérieur [30, 31, 33], celui-ci est alors La tenue du vissage interne nécessite une contention
fixé par deux vis à cheval sur l’interligne. complémentaire, soit par un appareillage thoracobrachial, soit
[3, 8, 25, 53]
actuellement par un fixateur externe.
VOIE D’ABORD ANTÉRIEURE
Il s’agit d’une voie d’abord deltopectorale, élargie en haut vers Charnley [8] proposa le premier le fixateur externe comme technique
l’articulation acromioclaviculaire et en dehors en désinsérant le de compression externe sans pour cela utiliser de fixation intra-
faisceau antérieur du deltoïde. On améliore l’exposition en articulaire, tout en conservant un appareillage plâtré de sécurité. Les
pratiquant une ostéotomie du processus coracoïdien qui est alors résultats furent encourageants et d’autres auteurs [2, 7, 14, 23, 35, 38, 39, 53]
récliné en bas et en dedans [3]. Rowe [45] prolonge sa voie d’abord ont alors développé la technique de la fixation intra-articulaire par
antérieure par une incision horizontale sous-acromioclaviculaire. Les vissage en compression associée à des points de fusion
voies antérieures sont moins utilisées car elles donnent un jour complémentaires dont l’ensemble est stabilisé par un fixateur. Le
insuffisant en arrière et sur la glène. La fixation est plus difficile à fixateur externe favorise la coaptation et annihile les contraintes en
réaliser dans ces conditions. On l’utilise volontiers dans les cisaillement s’exerçant dans le foyer. Ce type de montage doit
résections tumorales. permettre de se dispenser d’une contention supplémentaire par
appareillage plâtré [53]. Il s’agit d’une technique de réalisation fiable.
La pose première du fixateur permet un réglage précis peropératoire
Avivement des surfaces articulaires du positionnement de la glénohumérale et permet de pratiquer les
coupes en position de réglage, avant l’ostéosynthèse interne.
Après section des muscles de la coiffe des rotateurs et mise sur fils
tracteurs, la capsule est excisée en totalité, bourrelet glénoïdien
compris. Les surfaces articulaires sont alors avivées par excision ¶ Installation et voie d’abord supérieure en « sabre »
complète du cartilage articulaire. L’avivement dépend de la
technique choisie. Il peut être a minima en zone sous-chondrale en Cette voie d’abord supérieure est pratiquée au mieux sur un malade
conservant une sphère dans une cupule si l’on ne cherche pas en position demi-assise.
d’autre point complémentaire de fusion. On obtient un bon contact L’incision cutanée de la voie d’abord en « sabre » est sagittale,
des surfaces à fusionner, tout en laissant un débattement dans les centrée juste en dedans de l’articulation acromioclaviculaire pour
trois plans de l’espace pour apprécier le réglage en peropératoire. recroiser la jonction épine-acromion en arrière. L’abord fasciocutané
Le plus souvent, on réalise des coupes parallèles réalisant des est donc décalé de deux travers de doigt en dedans par rapport à la
surfaces planes mises en compression. Si l’on cherche en plus à
ligne d’insertion des faisceaux du deltoïde. Le lambeau fasciocutané
encastrer la tête sous l’auvent acromial, on pratique alors un
est décollé en dehors au bistouri électrique et une hémostase
avivement acromio-coraco-glénoïdien comme site d’affrontement [42].
soigneuse coagule les perforantes musculaires particulièrement
riches dans cette région. Le deltoïde est ensuite décroché de ses
Mode de fixation insertions proximales sur le pourtour cléido-acromio-spinal ou plus
simplement en pratiquant une ostéotomie transacromiale sagittale.
Plusieurs techniques sont abandonnées : l’arthrodèse extra- Il est alors abaissé et permet de découvrir avec une excellente
articulaire (correspondant à la description de Brittain), exposition l’ensemble de l’articulation. L’ensemble des tendons de
l’immobilisation par plâtre thoracobrachial isolé, l’enclouage la coiffe et du bourrelet glénoïdien est excisé au bistouri au ras de
glénohuméral. La fixation par greffon osseux n’est plus un procédé l’os. Il est important de dégager à nu l’os des tubérosités majeure et
de fixation mais une aide à la consolidation. L’arthrodèse intra- mineure ainsi que le pourtour glénoïdien. Ceci facilite, d’une part la
articulaire isolée [3, 15, 23, 31] a évolué vers les techniques combinées visée et la justesse des points de pénétration du vissage, d’autre part
intra- et extra-articulaires par la recherche de points d’arthrodèse la résection a minima en os sous-chondral du cartilage de la glène
supplémentaires. au ciseau frappé (fig 13A, B).
7
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
*
A *
B
"
C2
"
C1
"
C3
¶ Pose première du fixateur externe Le train de fiches spinales est plus délicat à positionner en
percutané. La prise doit être de bonne qualité car ce train de fiches
Classiquement, il s’agit d’un fixateur de Hoffmann de nouvelle « travaille » et la tenue de l’ancrage s’affaiblit avec le temps. Il ne
génération (Hoffmann II) scapulohuméral rigidifié, en cadre, monté peut être mis en effet qu’au tiers externe de l’épine en regard d’une
sur deux trains de fiches, l’un spinal, l’autre sur la diaphyse zone étroite de 3 cm où la densité osseuse est suffisante pour
humérale [39, 53]. Il est également tout à fait possible d’utiliser le accepter des fiches entre les deux épaisseurs de corticales. Le point
modèle dérivé des monotubes de type Orthofix en portant son choix d’ancrage n’est valable qu’au massif glénoïdien, soit une longueur
sur les modèles à rotule qui autorisent un débattement suffisant pour en moyenne de 35-40 mm selon un angle de 130° par rapport à l’axe
s’adapter à l’épaule (fig 13C). du pilier externe et de 10° de moins avec celui de la glène. Il
convient de libérer légèrement les fosses épineuses de part et d’autre
Le train de fiches [3] humérales de diamètre 4 mm est posé en de l’épine pour s’aider du contrôle de la vue lors de la descente de
percutané à l’union du tiers externe et moyen, légèrement en arrière chacune d’elles. En regard de la crête osseuse sur l’épine, séparant
du deltoïde et le plus à distance de l’interligne pour mieux contrôler les insertions du trapezius et du deltoïde, un coup de pince-gouge
le ballant exercé par le membre supérieur [53]. Le méchage préalable permet d’amorcer le trajet en évitant les dérapages de mèche. On
est prudent et les fiches ne doivent seulement qu’affleurer la utilise des fiches de diamètre 4 mm à filetage utile de 35 à 40 mm
corticale opposée : le canal brachial est au contact... dans l’épaisseur de l’épine jusqu’à sa base d’implantation. Les barres
8
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
"
D2
"
D1
"
E1 "
E2 "
E3
du fixateur sont ensuite montées selon un cadre en position de Si lors de la voie d’abord une ostéotomie acromiale a été pratiquée,
desserrage. Après l’avivement des surfaces articulaires et de la voûte ce greffon vascularisé sur les fibres du faisceau moyen du deltoïde
sous-acromiale, la tête humérale est coaptée en haut et en dedans en est abaissé et encastré. Une vis montée sur rondelle complète la
contrôlant bien la position du réglage définitif de l’arthrodèse. On fixation à l’humérus [7, 33, 47, 52].
réalise ensuite les coupes osseuses et le vissage interne en
compression. ¶ Technique du vissage interne
L’ostéotomie de la tête humérale est dessinée selon un plan parallèle Il est actuellement reconnu qu’il faut utiliser au moins deux, ou
à celui de la recoupe glénoïdienne. La totalité de cette ostéotomie mieux, trois grandes vis à compression de diamètre 5 mm ou des
est difficile à réaliser en position de réduction, c’est la raison pour vis à spongieux de 6,5 mm de diamètre montées sur rondelles [11, 14,
laquelle on démonte transitoirement le fixateur pour terminer ce 15, 40, 52, 53]
. Le montage en triangulation assure, par deux vis
plan de coupe en dehors de l’épaule. Le vissage est réalisé sous intraglénoïdiennes, un ancrage dans le pilier et la base de l’épine ou
couvert du montage externe qui fixe la réduction choisie. la coracoïde, et la troisième vis acromiohumérale verticale comprime
l’appui complémentaire sous l’acromion (fig 13D). La première est
¶ Point de fusion complémentaire la plus difficile car il faut, à partir de la tête, enfiler le pilier de la
scapula dont l’axe et l’épaisseur présentent des variations
Le point de fusion complémentaire est variable selon les auteurs et anatomiques. Cette vis doit attaquer le sommet de la glène et se
la localisation de la perte osseuse. situer légèrement en avant sur la tête humérale pour laisser de la
L’appui sous-acromiohuméral met en contact la tête humérale sous place pour la suivante. Le point d’entrée est au bord externe de la
l’auvent acromial en subluxant la tête en haut et en arrière zone d’insertion du tendon du supraspinatus en arrière de l’orée de
[3, 11, 34, 41, 42]
. la gouttière bicipitale. La portion céphalique est foirée et la vis
montée sur rondelle. La deuxième vis est tirée presque
Lorsque l’appui se fait plus vers la coracoïde, l’espace horizontalement à partir de la face externe de l’épiphyse pour venir
acromiohuméral est comblé à l’aide d’un greffon en forme de cale. attaquer solidement le massif glénoïdien et la base de l’apophyse
Ce dernier est retaillé à partir du produit de la recoupe de la tête coracoïde. Le croisement est possible si cette vis est légèrement
humérale, puis encastré. Un vissage vertical en rappel n’est pratiqué ascendante, visant la base de l’épine en pleine épaisseur de la glène
qu’une fois le vissage interne mis en place et complète ainsi, pour avec un point suffisamment bas. À ce moment, un resserrage du
Vidal, la neutralisation des forces en cisaillement [53]. C’est la raison fixateur est nécessaire avant la mise en compression définitive. La
pour laquelle il est préférable de conserver la totalité de l’acromion troisième vis est d’orientation verticale et prend de haut en bas
dans la voie d’abord. l’acromion et la tête humérale [15].
9
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
*
B
60¡
*
A
14 Technique par plaque de l’Association suisse d’ostéosynthèse (AO). Mise en place de plaque.
A. Vue postérieure.
B. Vue supérieure.
C. Vue de profil .
*
C
10
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
d’abord le foyer glénohuméral en compression, puis assure l’ancrage Le vissage de la plaque respecte les mêmes impératifs de mise en
spinal par une vis ne quittant pas l’os jusqu’à la base de la coracoïde. compression de l’articulation glénohumérale. Deux grosses vis à
Une troisième vis à spongieux comprime l’interface compression horizontales sont vissées à partir de la face latérale du
acromiohuméral. La greffe à l’extrémité distale de la plaque, en tubercule majeur [42]. Le vissage du pilier doit être tiré en premier.
raison des risques de fracture par effet de levier, ne semble pas Une deuxième vis transversale est mise légèrement en avant pour
nécessaire. Le deltoïde est ensuite réinséré en tachant d’enfouir au s’appuyer sur la base de la coracoïde. La vis glénocoracoïdienne et
mieux la saillie du matériel. la vis du pilier font un angle d’environ 30°. Enfin, une troisième vis
Cette plaque, très résistante, donne entière satisfaction aux verticale peut prendre en bloc acromion-plaque-tête humérale. Dans
promoteurs de la méthode, mais on lui reproche la saillie gênante sa portion supraépineuse, la plaque est vissée en prenant appui sur
du matériel sous la peau au niveau de l’épine. Pour cette raison, elle la base d’implantation de l’épine. La première vis présente le
meilleur ancrage dans le massif glénoïdien en arrière des vis
est souvent retirée [42, 43].
horizontales. Au-delà, si l’écaille est trop fragile, la plaque est
solidarisée de façon solide par une suite de cerclages transosseux au
¶ Technique de la synthèse par plaque s’appuyant dans fil d’acier, prenant appui sur l’épine.
la fosse supraépineuse Des contrôles radiologiques peropératoires sont utiles pour vérifier
L’utilisation de la plaque en montage « portemanteau » donne une la bonne longueur des vis.
aussi bonne tenue primaire de la synthèse avec, cette fois-ci, une La fermeture se fait en suturant les deux valves deltoïdiennes et en
plaque non saillante et enfouie dans la fosse sus-épineuse (fig 15). réinsérant sur la scapula, deltoïde et trapezius. Le plan sous-cutané
et cutané est fermé sur un double drainage aspiratif.
Installation et voie d’abord supérieure longitudinale
¶ Suites postopératoires des synthèses par plaque
Le malade est installé, soit en décubitus latéral, soit en position Le patient est ensuite immobilisé selon sa corpulence sur un
assise. La voie d’abord est supérieure, longitudinale directe de la thoracobrachial ou sur un coussin d’abduction pendant une période
face externe de l’humérus à la fosse sus-épineuse. Le deltoïde est de 4 à 8 semaines. Müller et Riggins font confiance à la solidité du
incisé longitudinalement dans la partie moyenne du faisceau moyen. montage interne par plaque pour se dispenser de toute
Le pédicule axillaire est ligaturé à sa face profonde. L’incision immobilisation [ 3 4 , 4 3 ] . Richards envisage cependant une
longitudinale du muscle deltoïde ne pose pas de problème dans le immobilisation en abduction dans les indications d’épaule
cadre de l’épaule paralytique lorsque celui-ci est déjà dénervé. Dans paralytique, siège d’ostéoporose et de faiblesse musculaire. La durée
les autres cas, il vaut mieux préserver le nerf axillaire pour conserver d’immobilisation moyenne de 2 mois est arbitraire car la mise en
le galbe du moignon de l’épaule. À sa partie proximale, le muscle évidence de la consolidation radiologique est difficile [42].
est désinséré en « T » sur le bord latéral de l’acromion. Dans la fosse
sus-épineuse, la désinsertion musculaire se prolonge sur l’épine en
relevant les attaches du faisceau supérieur du trapezius, jusqu’au
Utilisation de greffons
bord spinal. Le muscle supraspinatus est aisément décollé de sa Certains l’utilisent de principe [23] en comblant les espaces entre la
fosse à l’aide d’une rugine de Farabeuf. tête humérale, la glène et l’acromion par du greffon
corticospongieux pris aux dépens de la crête iliaque.
Préparation articulaire et synthèse Elle peut faire partie intégrante de la technique comme celle de
L’exposition articulaire est alors facile en réséquant les tendons de Beltran qui, en complément d’une visserie à compression spécifique,
la coiffe et la capsule du pourtour de l’épiphyse humérale jusqu’à la réalise un enchevillement en étai inférieur par greffon autogène de
glène. Le tendon de la portion du biceps est ténodésé dans sa fibula de 10 cm qui solidifie le montage. Un tunnel osseux est foré à
gouttière avant de pratiquer l’exérèse de sa portion articulaire. La la tarière de Cloward de petit diamètre dans la tête humérale en
glène est complètement exposée en luxant l’humérus à l’aide d’un direction du tubercule glénoïdien inférieur. Le greffon est taillé en
davier. Le bourrelet glénoïdien est excisé. pointe comme un crayon. Il est alors enchevillé à frottement dur et
prudent à l’aide d’un maillet.
L’avivement des surfaces osseuses peut se faire aisément à la scie
oscillante utilisée tangentiellement sur la tête humérale et au ciseau Pour Richards, cet apport n’est pas nécessaire, mais il utilise
frappé courbe de type Cauchoix sur la glène. La voûte sous- largement un appui sous-acromial [42].
acromiale est également avivée comme point de fusion La greffe est nécessaire chez l’enfant chez qui l’épiphyse humérale
supplémentaire. est en partie cartilagineuse [28, 30, 54].
En fait, l’utilisation de greffe iliaque en complément de l’arthrodèse
Un premier essai de réglage de l’arthrodèse permet d’apprécier la
est surtout utile dans les reprises d’échec d’arthroplastie, d’infection,
zone du sommet du tubercule majeur qui est recouvert par la
ou de reconstruction après reconstruction tumorale [4, 9, 11, 45, 51, 53]
plaque. Une prétranchée taillée au ciseau facilite l’effondrement
localisé de la corticale pour une meilleure application de la plaque.
On utilise habituellement une plaque de type Maconor 2 série III de
Résection du quart externe
12 à 14 trous. Le modelage de la plaque est un moment important de la clavicule
de l’arthrodèse. Une fois bien réglé, il permet de retrouver, de façon
Proposée initialement par Milgram en vue d’augmenter la mobilité
quasi automatique, le réglage de l’arthrodèse au moment difficile
de l’articulation scapulothoracique, elle possède ses partisans.
du vissage. L’angle global d’inclinaison est en moyenne de 100°. La
Certains l’intègrent dans le foyer [30, 44] et d’autres pensent pouvoir
plaque est modelée pour épouser la convexité de la tête à partir du
améliorer l’élévation d’une quinzaine de degrés [38, 45] ou prévenir les
col glénoïdien jusqu’à la métaphyse humérale. Bien entendu, si l’on douleurs acromioclaviculaires de surcharges [55]. Hawkins et Neer ne
utilise la voûte sous-acromiale comme deuxième point de fusion, il retrouvent pas d’amélioration [21] et ce n’est que dans les situations
faut tenir compte de la subluxation supérieure de la tête. La tranchée de dégénérescence arthrosique douloureuse que ce geste peut être
dans la tubérosité permet à la plaque de s’effacer au contact de proposé secondairement.
l’acromion. La plaque est ensuite chantournée à plusieurs étages
pour lui donner une inclinaison antérieure de 20 à 30°, réglant ainsi
le secteur de flexion. Enfin, elle est chantournée dans le plan axial Rééducation
afin de s’appliquer sans contrainte, aussi bien au fond de la fosse Le patient doit s’adapter à son nouveau handicap pour en obtenir
sus-épineuse que sur la face latérale de l’humérus. tout le bénéfice. L’acquisition des techniques de compensation des
Elle est ensuite fixée par un davier de Verbruge à la diaphyse gestes quotidiens est progressive. Le rendement articulaire
humérale et le bras est mis en position de réglage par l’aide. Le s’améliore avec le temps. Le surentraînement articulaire et
vissage de 4,5 mm est utilisé en commençant par la diaphyse. musculaire renforce ces résultats.
11
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
"
A1 "
A2 "
A3
"
B1 "
B2
*
C
*
D
Au stade de début, un travail de mise en route associant la scapula est alors entrepris pour apprendre à décomposer les
massothérapie décontractante et hygiène de la statique rachidienne différents mouvements d’élévation-abaissement, d’abduction-
est entrepris. L’articulation scapulothoracique est mobilisée en adduction, de mouvements de sonnette. Ce travail demande une
soutenant le membre. Tout un travail analytique de mobilisation de coopération suivie du patient qui doit apprendre à se reprogrammer.
12
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
Délais de consolidation
La consolidation est obtenue en moyenne au bout de 2 à 4 mois
[7, 11, 23, 42, 53]
. Il existe un retard radiologique et la présence de travées
osseuses continues pontant le foyer d’arthrodèse est longue à obser-
ver et ne semble apparaître qu’entre 4 et 6 mois selon les séries [15, 41].
Complications
PSEUDARTHRODÈSE
Son importance diminue en raison de la meilleure qualité et
l’attention portée à l’ostéosynthèse. Elle est estimée entre 4 et 12 %
[7, 8, 11, 15, 40, 42, 44, 51]
. Elle peut être reprise par greffe d’os iliaque
autologue après en avoir recherché l’étiologie : excès d’abduction,
manque de compression ou synthèse trop légère, complication
septique.
Les pseudarthrodèses serrées sont bien tolérées dans l’ensemble
[2, 3, 8, 33, 47, 52]
et ne font pas forcément l’objet d’une reprise chirurgicale
[8, 15, 23, 51, 52]
.
13
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
En second lieu, c’est la mauvaise position de l’arthrodèse qu’il faut ATTEINTES DÉGÉNÉRATIVES,
rechercher car elle entraîne des ténopathies d’insertion des muscles ÉCHECS D’ARTHROPLASTIE
scapulaires qui finissent par retentir sur la statique rachidienne par L’arthrodèse peut être un procédé de sauvetage, en fonction de l’âge,
le biais d’attitudes vicieuses. vivant en matière d’arthrose ou de larges ruptures de coiffe, des
L’excès de réglage de l’abduction ou de la flexion ont pu faire l’objet contre-indications de la chirurgie prothétique ou de la réparation de
d’ostéotomies correctrices d’adduction sous-épiphysaire [13, 19, 46]. la coiffe [11, 42, 45, 51, 52, 55].
Enfin, signalons la gêne occasionnée par la proéminence des plaques La reprise d’arthroplastie de l’épaule est une situation à laquelle on
sous la peau, conduisant souvent à leur ablation. Ce problème devient de plus en plus confronté avec la mise en place croissante
semble être diminué avec les plaques moins encombrantes à cotyle, de prothèses, sur des épaules dont la coiffe est de plus ou moins
où dans l’expérience de Richards, les douleurs sont passées de une bonne qualité. Les problèmes techniques rejoignent finalement ceux
fois sur deux à une fois sur huit [41, 42]. des pertes de substance osseuse ou des destructions sévères. Le
descellement des pièces prothétiques, notamment sur la glène, pose
des problèmes d’ancrage et de greffes complémentaires ; le
granulome doit être excisé dans sa totalité. En revanche, dans cette
Indications indication, il ne faut pas chercher à respecter la longueur
huméroscapulaire ; mieux vaut télescoper la base métaphysaire
L’arthrodèse scapulohumérale est un geste radical que certains ne humérale contre le reste de glène pour l’y encastrer. Des greffes
considèrent que comme l’intervention de derniers recours. Il faut complémentaires sont adjointes à la demande.
savoir cependant qu’une fois bien réglée et intégrée par le patient
au terme de plusieurs mois d’adaptation à ce nouveau statut DESTRUCTIONS SÉVÈRES ET AUTRES ÉTIOLOGIES
articulaire, l’arthrodèse permet de retrouver une stabilité indolore
avec des résultats fonctionnels acceptables. ¶ Séquelles post-traumatiques
14
Techniques chirurgicales Techniques d’arthrodèse de l’épaule 44-287
Références ➤
15
44-287 Techniques d’arthrodèse de l’épaule Techniques chirurgicales
Références
[1] Barr JS, Freiberg JA, Colonna PC, Pemberton PA. Report of [19] Groh GI, Williams GR, Jarman RN, Rockwood CA Jr. Treat- [37] O’Connor MI, Sim FH, Chao EY. Limb salvage for neo-
the research comittee of the american orthopaedic asso- ment of complications of shoulder arthrodesis. J Bone Joint plasms of the shoulder girdle. Intermediate reconstructive
ciation. J Bone Joint Surg 1942 ; 24 : 699-707 Surg Am 1997 ; 79 : 881-887 and functional results. J Bone Joint Surg Am 1996 ; 78 :
[2] Barton NJ. Arthrodesis of the shoulder for degenerative 1872-1888
[20] Harryman DT 2nd, Walker ED, Harris SL, Sidles JA, Jackins SE
conditions. J Bone Joint Surg Am 1972 ; 54 : 1759-1764 et al. Residual motion and function after glenohumeral or [38] Patte D. L’arthrodèse de l’épaule. Encycl Méd Chir (Éditions
[3] Beltran JE, Jimeno-Urban F, Barjau R. [A simplified compres- scapulothoracic arthrodesis. J Shoulder Elbow Surg 1993 ; 2 : Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques
sion arthrodesis of the shoulder joint]. Hefte Unfallheilkd 275-285 chirurgicales – Orthopédie, 44-298, 1988 : 1-10
1975 ; 126 : 357-360 [21] Hawkins RJ, Neer CS. A functional analysis of shoulder [39] Poileux J, Debeyre J. Utilisation du fixateur externe d’Hoff-
[4] Blewitt N, Pooley J. Resection arthrodesis of the shoulder fusions. Clin Orthop 1987 ; 223 : 65-76 mann pour mieux assurer l’arthrodèse d’épaule. Rev Chir
with autogenous fibular bone grafts. J Shoulder Elbow Surg Orthop 1966 ; 52 : 565-568
1994 ; 3 : 307-312 [22] Inman VT, Saunders JC, Abott LC. Observations of the func-
tion of the shoulder joint. J Bone Joint Surg 1944 ; 26 : 1-30 [40] Raunio P. The role of non-prosthetic surgery in the treat-
[5] Brooks DM, Zaoussi A. Arthrodesis of the shoulder in the ment of rheumatoid arthritis by fusions and auto-
reconstructive surgery of the upper limb. J Bone Joint Surg Br [23] Johnson CA, Healy WL, Brooker AF Jr, Krackow KA. External arthroplasties. Current practice at the Rheumatism Foun-
1959 ; 41 : 207-212 fixation shoulder arthrodesis. Clin Orthop 1986 ; 211 : dation Hospital, Heinola. Ann Chir Gynaecol [suppl] 1985 ;
[6] Buck-Gramcko H. Zu der technik der intraartikulären 219-223 198 : 96-102
schultergelenksarthrodese. Z Orthop 1959 ; 91 : 198-201 [24] Jonsson E, Lidgren L, Rydholm U. Position of shoulder [41] Richards RR, Beaton D, Hudson AR. Shoulder arthrodesis,
[7] Chammas M, Allieu Y, Meyer Zu Reckendorf G. L’arthro- arthrodesis measured with Moire photography. Clin with plate fixation: functional outcome analysis. J Shoulder
dèse d’épaule : indications-résultats. In : Alnot JA, Narakas Orthop 1989 ; 238 : 117-121 Elbow Surg 1993 ; 2 : 225-239
A éd. Les paralysies du plexus brachial. Paris : Expansion [25] Judet R, Letournel E. Arthrodèse de l’épaule. In : Actualités [42] Richards RR, Waddell JP, Hudson AR. Shoulder arthrodesis
Scientifique Française, 1995 : 231-238 de chirurgie orthopédique de l’hôpital Raymond Poincaré. for the treatment of brachial plexus palsy. Clin Orthop
[8] Charnley J, Houston JK. Compression arthrodesis of the Paris : Masson, 1963 : 18-30 1985 ; 198 : 250-258
shoulder. J Bone Joint Surg Br 1964 ; 46 : 614-620
[26] Kyogoku H, Ogino T, Minami A, Fukuda K, Matsuno T et al. [43] Riggins RS. Shoulder fusion without external fixation. A
[9] Cheng EY, Gebhart MC. Allograft reconstructions of the Reconstruction of the upper limb by arthrodesis in cases of preliminary report. J Bone Joint Surg Am 1976 ; 58 :
shoulder after bone tumor resections. Orthop Clin North Am tumors of the proximal humerus. Six cases of limb salvage 1007-1008
1991 ; 22 : 37-48 procedure of shoulder girdle. In : Yamamuro T ed. New [44] Rouholamin E, Woottow JR, Jamieson AM. Arthrodesis of
[10] Clawson RS, McKay DW. Arthrodesis in the presence of developments for limb salvage in musculoskeletal tumors. the shoulder following brachial plexus injury. Injury 1991 ;
infection. Clin Orthop 1976 ; 114 : 209-213 Tokyo : Springer-Verlag, 1989 : 557-561 22 : 271-274
[11] Cofield RH, Briggs BT. Gleno-humeral arthrodesis. Opera- [27] Lemaire R, Gillet P. La place de l’arthrodèse gléno-humérale [45] Rowe CR. Arthrodesis of the shoulder used in treating
tive and long-term functional results. J Bone Joint Surg Am face à l’arthroplastie prothétique de l’épaule. Acta Orthop painful conditions. Clin Orthop 1983 ; 173 : 92-96
1979 ; 61 : 668-677 Belg 1995 ; 61 (suppl I) : 135
[12] Courpied JP, Tomeno B, Langlais F, Augereau B, Aubriot JH [46] Rowe CR. Re-evaluation of the arm in arthrodesis of the
[28] Mah JY, Otsuka NY. Scapular winging in young athletes. shoulder in the adult. J Bone Joint Surg Am 1974 ; 56 :
et al. Functional results following resection of tumors in the J Pediatr Orthop 1992 ; 12 : 245-247
proximal humerus. In : Yamamuro T ed. New develop- 913-918
ments for limb salvage in musculoskeletal tumors. Tokyo : [29] Malawer MM, Meller I, Dunham WK. Shoulder girdle resec- [47] Rybka V, Raunio P, Vainio K. [Arthrodesis of the shoulder
Springer-Verlag, 1989 : 532-536 tions for bone and soft tissue tumors. Analysis of 38 patients joint in rheumatoid arthritis (author’s transl)]. Acta Chir
[13] Davis JB, Cottrell GW. A technique for shoulder arthrodesis. and presentation of a unified classification. In : Yamamuro Orthop 1979 ; 46 : 135-146
J Bone Joint Surg Am 1962 ; 44 : 657-661 T ed. New developments for limb salvage in musculoske-
letal tumors. Tokyo : Springer-Verlag, 1989 : 519-530 [48] Saha AK. Surgery of the paralysed and flail shoulder. Acta
[14] Debeyre J, Patte D, Perrin J. Arthrodèse de l’épaule. Encycl Orthop Scand 1967 ; 97 : 5-90
Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, [30] May VR. Shoulder fusion. J Bone Joint Surg Am 1962 ; 44 :
[49] Sedel L. La paralysie de l’épaule. Traitement chirurgical.
Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie, 44-260, 65-76
In : Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Paris : Expan-
1978 : 1-11 sion Scientifique Française, 1990
[31] Merle D’Aubigné R, Deburge A. Traitement des paralysies
[15] Ducloyer P, Nizard R, Sedel L, Witvoet J. Arthrodèse du plexus brachial. Rev Chir Orthop 1967 ; 53 : 199-215
d’épaule dans les paralysies du plexus brachial. Rev Chir [50] Sjöström L, Mjöberg B. Suprascapular nerve entrapment in
Orthop 1991 ; 77 : 396-405 [32] Morgan AD, Casscells CD. Arthroscopic-assisted gleno- an arthrodesed shoulder. J Bone Joint Surg Br 1992 ; 74 :
humeral arthrodesis. Arthroscopy 1992 ; 8 : 262-266 470-471
[16] Duparc F, Tobens AC, Dujardin F, Thomine JM. Étude bio-
mécanique de la résistance de montages d’arthrodèse [33] Mounier-Kuhn A, Ray A. Technique de l’arthrodèse de [51] Stark MD, Benett JB, Tullo HS. Rigid internal fixation for
scapulo-humérale par plaque ou par fixateur externe. In : l’épaule par voie postérieure. Rev Chir Orthop 1964 ; 50 : shoulder arthrodesis. Orthopedics 1991 ; 14 : 849-895
Gazielly D, Goutallier D éd. Les arthrodèses de l’épaule. 851-862 [52] Vastamaki M. Shoulder arthrodesis for paralysis and arthro-
Montpellier : Sauramps médical, 1997 : 11-20 sis. Acta Orthop Scand 1987 ; 58 : 549-553
[34] Müller ME, Allgower AM, Willenegger H. Manuel of inter-
[17] Fitoussi F, Bégué T, Thoreux P, Masquelet AC. Dix cas nal fixation. Berlin : Springer-Verlag, 1970 [53] Vidal J, Nakach G, Rabischong P, Micalles JP, Virenque P.
d’arthrodèse scapulo-humérale : proposition technique Arthrodèse scapulo-humérale par fixation combinée
dans les pertes de substance osseuse de la tête humérale. [35] Nagano A, Okinaga S, Ochiai N, Kurokawa T. Shoulder
arthrodesis by external fixation. Clin Orthop 1989 ; 247 : externe et interne. Étude biomécanique, technique et cli-
In : Gazielly D, Goutallier D éd. Les arthrodèses de l’épaule. nique. Rev Chir Orthop 1987 ; 73 : 171-177
Montpellier : Sauramps médical, 1997 : 65-71 97-100
[54] White JI, Hoffer MM, Lehman M. Arthrodesis of the para-
[18] Gebhardt MC, Roth YF, Mankin HJ. Proximal humeral [36] Narakas AO. Les atteintes paralytiques de la ceinture
lytic shoulder. J Pediatr Orthop 1989 ; 9 : 684-686
osteoarticular allograft transplantation for musculoskeletal scapulo-humérale et de la racine du membre supérieur.
tumors of the shoulder girdle. In : Yamamuro T ed. New In : Traité de chirurgie de la main. Affections neurologiques, [55] Wilde AH, Brems JJ, Boumphrey FR. Arthrodesis of the
developments for limb salvage in musculoskeletal tumors. paralysies du membre supérieur. Syndromes canalaires. shoulder. Current indications and operative technique.
Tokyo : Springer-Verlag, 1989 : 541-542 Paris : T R édition, 1991 : 113-154 Orthop Clin North Am 1987 ; 18 : 463-472
16
44-289
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-289
Toute référence à cet article doit porter la mention : Mansat P et Mansat M. Prothèse totale d’épaule. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales -
Orthopédie-Traumatologie, 44-289, 2001, 17 p.
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
Seuls des résultats à long terme, évalués de manière scientifique et élément primordial pour l’attitude chirurgicale vis-à-vis du
rigoureuse, nous fournissent des éléments sur la durabilité et subscapulaire, et éventuellement l’évaluation de la force musculaire.
l’intérêt réel de tels implants. Le bilan « préprothèse » comprend habituellement des radiographies
Dans cet article consacré aux prothèses totales d’épaule, nous standards et une tomodensitométrie associée à des reconstructions
n’envisageons que la technique chirurgicale concernant les prothèses multiplanaires et tridimensionnelles. Dans certains cas, l’imagerie
non contraintes, sans rentrer dans les détails des différents implants par résonance magnétique (IRM) peut apporter des renseignements
et à l’exclusion des autres types de prothèses semi-contraintes ou utiles pour étudier la coiffe des rotateurs ou dans le cadre d’une
contraintes. Le traitement des fractures récentes complexes de ostéonécrose. Ce bilan radiographique permet également d’apprécier
l’extrémité supérieure de l’humérus par prothèse humérale n’est pas la fragilité osseuse en évaluant le degré d’ostéoporose [41].
non plus envisagé.
¶ Bilan radiographique standard
Dans tous les cas, des radiographies de l’épaule de face en double
Bilan préopératoire obliquité sont réalisées successivement en rotation neutre, interne et
externe. Un profil axillaire est généralement demandé, sauf dans les
cas où l’abduction est très limitée, où il peut être remplacé par un
SÉLECTION DES PATIENTS
profil de Bloom et Obata.
La prothèse d’épaule est indiquée dans les cas où la destruction des Les clichés de face permettent d’apprécier le degré de pincement de
surfaces articulaires aboutit à des phénomènes douloureux l’interligne articulaire, la position des tubérosités par rapport à la
chroniques et à une perte progressive de la mobilité et de la fonction. tête humérale et la hauteur de l’espace sous-acromial. Le profil
Les causes les plus fréquentes sont l’arthrose « primitive » ou axillaire précise le type d’usure de la glène, son caractère symétrique
omarthrose, l’arthrite rhumatoïde, l’ostéonécrose avasculaire de la ou asymétrique associé parfois à une subluxation postérieure de la
tête humérale, les arthroses post-traumatiques (fractures et tête humérale.
luxations) et les arthropathies avec rupture de la coiffe des rotateurs. Des clichés de l’épaule controlatérale « saine » sont parfois réalisés
Les contre-indications sont relativement rares : une infection si l’épaule pathologique est très détruite afin d’avoir une idée de
« active », les lésions paralytiques avec perte de fonction du deltoïde l’anatomie normale.
et les arthropathies neurogènes. L’âge (jeune) et l’activité (travail de
force) représentent des contre-indications relatives. ¶ Tomodensitométrie
Le patient doit être informé des résultats espérés et de possibles Cet examen doit être systématique. Les acquisitions sont obtenues
complications : infection, lésion neurovasculaire, instabilité, rupture sur un sujet en décubitus dorsal, bras le long du corps en rotation
de la coiffe des rotateurs, mais aussi d’un résultat fonctionnellement neutre. La tomodensitométrie permet une étude très précise des
non satisfaisant avec des douleurs persistantes, un manque de déformations osseuses, du capital osseux et des rapports articulaires.
mobilité nécessitant parfois une révision. Il doit par ailleurs être Il fournit aussi une analyse des parties molles et notamment de la
conscient de la nécessité d’un long programme de rééducation qui coiffe des rotateurs, en appréciant le degré de dégénérescence
doit être poursuivi pendant de nombreux mois, pour lequel une graisseuse. Cette dégénérescence se traduit par une diminution de
motivation et un investissement personnels sont indispensables. volume du muscle et la présence de clartés linéaires parallèles au
Le remplacement prothétique de l’articulation de l’épaule est grand axe du muscle. D’après la classification de Goutallier et
actuellement la solution thérapeutique qui donne les résultats les Bernageau [30], la dégénérescence est classée du stade 0 (muscle sans
plus satisfaisants dans la plupart des indications. Cependant, dans infiltration graisseuse) au stade 4 (prédominance de la graisse par
certaines conditions, il est impossible de mettre en place ce type rapport aux fibres musculaires). Grâce à ses possibilités de mesures
d’implant. D’autres alternatives existent et sont représentées par le multiples et directes, il est aussi possible de réaliser une étude
débridement articulaire sous arthroscopie, l’interposition- biométrique évaluant la largeur de la glène, le degré de rétroversion
arthroplastie, l’ostéotomie périarticulaire et l’arthrodèse. Le de la glène, le diamètre de la tête humérale [26]. De plus, de nouvelles
débridement sous arthroscopie est d’indication limitée, réservé aux techniques permettent d’apprécier la structure interne de la glène,
atteintes débutantes de l’articulation glénohumérale, les meilleurs et notamment sa valeur mécanique [22]. Le degré de subluxation de
résultats étant obtenus chez les patients présentant une mobilité la tête humérale par rapport à la glène est également apprécié [5]. La
préopératoire quasi normale et une articulation glénohumérale superposition des coupes passant par la partie moyenne de la tête
centrée [33]. L’arthroplastie glénohumérale présentée par Burkhead [14] humérale et par le plan biépicondylien de l’extrémité inférieure de
reste une technique de sauvetage, utilisée dans le cas de reprise l’humérus permet de calculer le degré de rétroversion de la tête.
lorsque le capital osseux glénoïdien ne permet pas la mise en place
d’un implant, ou du fait de la présence d’une rupture massive de la ¶ Arthroscanner
coiffe des rotateurs pouvant compromettre la survie d’un implant
Cet examen doit être plus systématique. Il est prescrit dans le bilan
glénoïdien, mais l’expérience de cette technique reste limitée. Enfin,
préopératoire pour évaluer, en plus des éléments décrits ci-dessus,
si les indications d’arthrodèse de l’épaule sont de moins en moins
l’intégrité des tendons de la coiffe des rotateurs.
nombreuses depuis le développement de la prothèse totale d’épaule,
il persiste cependant quelques indications spécifiques comme ¶ IRM
l’arthrite septique, la paralysie du deltoïde après traumatisme du
plexus brachial, l’épaule multiopérée avec échec des différentes L’IRM n’est pas d’indication systématique, sauf dans certains cas
interventions, notamment échec d’arthroplastie, ou une rupture pour une évaluation plus précise des lésions de la coiffe et de la
massive de la coiffe des rotateurs [62]. trophicité musculaire. Si l’évaluation des parties molles est plus
performante qu’en arthroscanner, l’évaluation du capital osseux est
en revanche assez médiocre pour l’instant [78].
PLANIFICATION
Une connaissance précise des antécédents et de l’évolution des ¶ Imagerie 3D
symptômes, un examen clinique minutieux et des radiographies Elle est obtenue à partir des coupes tomodensitométriques. Cette
standards de qualité sont les éléments de base indispensables. technique apporte une vision très anatomique de l’articulation de
L’examen clinique doit apprécier l’importance de la l’épaule et permet de façon très simple une analyse des rapports
symptomatologie douloureuse et le degré du handicap fonctionnel, osseux particulièrement utile dans les fractures complexes de
l’existence d’une amyotrophie, le degré des amplitudes articulaires l’extrémité supérieure de l’humérus ou dans les séquelles
et notamment l’importance de l’enraidissement en rotation interne, post-traumatiques.
2
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
¶ Arthrose « primitive »
Les patients sont relativement jeunes, actifs avec un capital osseux
de bonne qualité et une coiffe des rotateurs généralement intacte [42].
La glène est souvent remaniée, agrandie par des ostéophytes
marginaux, aplatie et parfois érodée de manière asymétrique à la
partie postérieure en raison d’une subluxation postérieure chronique
de la tête humérale. La tête humérale est aussi aplatie avec une
collerette ostéophytique particulièrement importante à la partie
inférieure et des corps étrangers libres intra-articulaires, parfois *
C
situés dans le récessus sous-coracoïdien ou axillaire.
Sur une série de 113 cas d’omarthroses centrées et primitives, Badet
et al [5] ont montré qu’il existait une augmentation de la rétroversion – la forme « humide » présente des lésions érosives de la tête
glénoïdienne par rapport à une population de référence, une humérale ; l’interligne articulaire est pincé mais la glène est
subluxation postérieure de la tête humérale dans 35 % des cas et préservée. La coiffe des rotateurs est souvent amincie, voire rompue ;
une trophicité musculaire conservée. L’usure de la glène était – la forme « destructrice » présente une ostéopénie généralisée avec
centrale dans 59 % des cas (type A) et excentrée vers l’arrière dans altération du capital osseux à la fois de la tête humérale et de la
32 % des cas (type B). L’usure centrale pouvait être modérée (A1), glène ; il existe une tendance à la médialisation de la tête humérale
ou aboutir à une protrusion de la tête humérale (A2) dans la glène. avec ascension sous la voûte acromiale. La coiffe des rotateurs est
En cas d’usure asymétrique, il existait un pincement articulaire souvent rompue.
postérieur limité (B1) ou une usure importante avec aspect
L’épaule rhumatoïde bénéficie généralement de deux types de
biconcave de la glène (B2) (fig 1).
traitement chirurgical. La synovectomie chirurgicale ou
¶ Polyarthrite rhumatoïde arthroscopique est indiquée dans les stades de début (Larsen 0, 1,
2), mais dès qu’un pincement articulaire apparaît, une arthroplastie
Dans les polyarthropathies, au contraire, les parties molles et l’os non contrainte partielle ou totale est proposée (Larsen 3, 4, 5) en
ostéoporotique sont fragiles. Bien qu’il existe différents modelés et raison de la rapidité d’évolution avec dégradation rapide du capital
types évolutifs, les defects osseux sont souvent extensifs. Une usure osseux et des tendons de la coiffe des rotateurs. Pour Kelly, plus que
marquée de la glène est souvent présente avec une érosion corticale le stade radiographique, c’est la forme clinique qui doit être
se prolongeant parfois à la partie supérieure vers le pied de déterminante dans la décision de la chirurgie prothétique. En effet,
l’apophyse coracoïde. La tête humérale est aussi d’aspect géodique il a montré que dans les formes humides, il existait un taux élevé de
avec une encoche métaphysaire interne. Les ruptures de la coiffe ruptures rapides de la coiffe des rotateurs, avant l’apparition des
existent dans environ un tiers des cas, mais les muscles sont souvent lésions osseuses. Dans ces formes particulières, l’indication d’une
amincis, non fonctionnels avec une migration supérieure de la tête arthroplastie peut être précoce, contrairement aux formes sèches [67].
humérale.
La classification radioclinique de Larsen est applicable à l’épaule [38]. ¶ Traumatismes anciens
Neer (1990) a décrit trois types d’épaules rhumatoïdes [50] (fig 2) :
Ils représentent un des problèmes les plus difficiles. L’épaule est
– la forme « sèche » présente des lésions d’omarthrose avec formation enraidie, souvent déjà opérée une ou plusieurs fois, avec
d’ostéophytes, sclérose sous-chondrale et conservation du capital d’importants tissus cicatriciels et des modifications des rapports
osseux. La coiffe des rotateurs est le plus souvent intacte et vasculonerveux rendant l’abord particulièrement délicat. L’existence
fonctionnelle ; d’un cal vicieux des tubérosités ou d’une pseudarthrose, de lésions
3
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
¶ Ostéonécrose aseptique
En dehors des nécroses post-traumatiques de la tête humérale,
l’utilisation des corticoïdes et de nombreuses affections peuvent
provoquer une ostéonécrose de la tête humérale : alcoolisme, *
A
hyperuricémie, maladie de Gaucher, hyperlipidémie familiale.
L’utilisation d’une classification en différents stades [3, 23] est un
élément important de pronostic et du plan de traitement. Le stade 0
est un stade préclinique. Le stade 1 correspond à un stade
préradiographique. C’est au stade 2 que l’on peut mettre en évidence,
sur les clichés standards, une zone de condensation dans la partie
juxta-articulaire de la tête humérale. Au stade 3, il existe un
effondrement d’un segment de tête humérale avec fracture de l’os
sous-chondral. Enfin, au stade 4, l’aplatissement de la tête humérale
est quasi complet, avec des signes d’arthrose associée dans le stade 5.
Le forage de la tête humérale peut être une alternative thérapeutique
à l’arthroplastie dans les stades débutants, mais aucun travail ne
permet à l’heure actuelle de conclure sur l’efficacité réelle de ce
traitement. Dans les stades 4 avec un effondrement de la tête
humérale, une hémiarthroplastie est habituellement indiquée.
Quand la glène est détruite (stade 5), une prothèse totale avec
resurfaçage de la glène est alors conseillée.
4
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
*
A *
B 5 Résultats à 7 ans d’une prothèse totale d’épaule modulaire mise en place pour une
forme « sèche » de polyarthrite rhumatoïde. Le résultat est satisfaisant avec une épaule
indolore, une élévation antérieure de 120°, une rotation externe de 30° et une rotation
interne évaluée à T7. Le score de Constant est égal à 62 points.
*
A *
B
5
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
9 Incision cutanée.
*
A *
B
10 Plan deltopectoral.
*
C
8 Installation du patient.
6
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
11 Repérage et protection
du nerf axillaire.
A. Repérage du nerf
axillaire.
B. Incision du subsca-
pulaire.
*
A
12 Ténotomie du subscapulaire.
13 Fixation du tendon du
subscapulaire au niveau de
la tranche d’ostéotomie hu-
mérale.
*
B
7
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
15 Luxation et exposition
de la tête humérale.
8
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
9
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
¶ Préparation de la glène
Une exposition adéquate est essentielle pour une bonne préparation
de la glène. Le muscle subscapulaire libéré est rétracté en dedans
par un écarteur type Hohmann placé sur le col de l’omoplate.
L’articulation glénohumérale est explorée et les corps étrangers ou
une synoviale hypertrophique de la partie postérieure de
l’articulation sont réséqués. La capsule postérieure est palpée et s’il
existe une tension excessive, il est parfois nécessaire de la libérer en
périglénoïdien (fig 21).
Un écarteur type Fukuda ou équivalent est mis en place et permet
de déplacer l’humérus proximal vers l’arrière. La meilleure position Glène en polyéthylène cimentée avec quille (fig 24)
pour réaliser cette manœuvre est une abduction de 70 à 90° et une Une tranchée glénoïdienne est creusée à l’aide d’instruments
légère flexion. spéciaux et complétée par une curette contre-coudée. Le tissu
La partie antérieure du bourrelet glénoïdien et les fragments spongieux est alors enlevé en dessous de l’os sous-chondral, dans
capsulosynoviaux résiduels sont excisés pour permettre la palpation l’axe du col, vers le bord axillaire du scapulum et vers le pied de
ou la visualisation de la base de l’apophyse coracoïde, le bord l’apophyse coracoïde, qui sont les points d’ancrage habituels. Des
antérieur du col de l’omoplate et le pilier de l’omoplate. guides spécifiques permettent de vérifier la hauteur, la largeur et la
Une fois la glène exposée, il faut apprécier l’importance de la profondeur ainsi que la direction de l’ouverture pour l’emplacement
collerette ostéophytique, surtout à la partie inférieure de manière à de la quille de l’implant glénoïdien. La palpation au doigt de la face
ne pas excentrer l’implant en position trop basse. antérieure du col de l’omoplate permet de bien s’orienter et d’éviter
les fausses routes [44].
Un premier point central est effectué dans la surface articulaire de la
glène. À partir de celui-ci, un deuxième point repère est réalisé au Glène en polyéthylène cimentée avec plots de fixation (fig 25)
pôle supérieur de la glène, au pied de l’apophyse coracoïde, juste en
dessous du bord supérieur de la surface articulaire. Le troisième Des instruments spéciaux sont nécessaires pour réaliser les orifices
orifice est réalisé en dessous, près du pôle inférieur et se situe dans de ces plots. Un crochet permet ensuite de vérifier qu’aucun de ces
l’alignement du bord externe du scapulum. Des orifices sont ensuite orifices ne fait effraction dans la corticale du scapulum. Cela est
réalisés à la mèche entre ces trois points de manière à dessiner particulièrement important pour les trous postérieurs en raison de
exactement la longueur et la largeur du site d’implantation (fig 22). la proximité du nerf suprascapulaire qui se situe à la partie
L’orientation de la mèche ou de la fraise doit être dictée par la postérieure du col de l’omoplate. Une quantité minimale de ciment
planification préopératoire. Le cartilage résiduel de la glène est doit être utilisée pour chacun de ces orifices.
enlevé avec de préférence une fraise glénoïdienne jusqu’à l’os sous- La surface articulaire de la glène est ensuite régularisée. L’implant
chondral qui est préservé. La suite de la préparation glénoïdienne d’essai doit s’adapter parfaitement à la surface glénoïdienne et doit
dépend du type d’implant utilisé (fig 23). être stable et au contact de l’os sur toute sa surface pour éviter une
10
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
*
A
L’implant glénoïdien choisi est alors positionné et maintenu
fortement en utilisant un impacteur à glène. L’excès de ciment est
enlevé avec une spatule. Pendant la prise du ciment, la plaie
opératoire est irriguée à plusieurs reprises avec du sérum
physiologique. Quand le ciment est dur, l’implant est testé pour
s’assurer qu’il n’y a aucune mobilité anormale dans l’interface avec
l’os.
*
B
¶ Mise en place de l’implant huméral (fig 26)
Le bras est placé en adduction et rotation interne et l’extrémité
supérieure de l’humérus est ramenée avec beaucoup de prudence
25 Glène en polyéthylène scellée avec en avant.
plots.
La prothèse humérale d’essai est mise en place et le degré de tension
tissulaire est de nouveau évalué. C’est à ce stade qu’est effectué le
choix du type de tête humérale. La tête humérale doit se projeter en
face de la cavité de la glène et la translation postérieure de l’implant
doit être égale ou inférieure à la moitié de la surface de la tête
humérale lorsque le bras est en position neutre. La translation
inférieure doit être égale ou inférieure au quart de la surface de la
tête humérale lorsque le bras est à 15 ou 20° d’abduction. On
apprécie ensuite l’amplitude de la mobilité en rotation externe et la
tension du subscapulaire. La rotation interne doit atteindre au moins
90° et l’élévation antérieure 150°. Si ce n’est pas le cas, une libération
supplémentaire de la capsule inférieure et postérieure peut être
nécessaire.
Les rapports de l’implant huméral avec la glène sont ensuite
observés et il est important de s’assurer de l’absence de contact entre
la face interne du col et la diaphyse, surtout en adduction et rotation
externe.
bascule. Des implants glénoïdiens d’essai sont alors mis en place à Avant l’ablation de prothèse d’essai, il faut vérifier la hauteur de
plusieurs reprises jusqu’à l’obtention d’une bonne stabilité et d’une l’implant huméral qui doit se situer à environ 4 mm au-dessus du
parfaite congruence pour permettre la fixation avec un minimum de trochiter. Certains préconisent la réalisation d’une radiographie
ciment. Un lavage sous pression est utilisé pour nettoyer la surface peropératoire de l’humérus de face, avec l’implant d’essai, afin de
de la glène et l’emplacement de la quille, puis un assèchement est juger de la hauteur de l’implant, de la morphologie de l’extrémité
réalisé à l’aide d’une aspiration et de compresses. supérieure de l’humérus par rapport à la radiographie de l’épaule
Le ciment est ensuite mis en place en deux temps : d’abord une opposée lorsqu’elle est saine et de l’axe du pivot huméral.
petite quantité et sous-pression pour obtenir une bonne hémostase Cependant, cette attitude n’est pas systématique.
puis la totalité de la cavité est remplie. Le pouce du chirurgien va L’humérus est de nouveau porté en hyperextension. Le canal
permettre de pressuriser le ciment à trois ou quatre reprises. médullaire est nettoyé à l’aide d’un lavage sous pression et un
11
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
27 Suture normale du
subscapulaire.
*
B
*
A
obturateur est placé à la bonne profondeur. Le ciment est introduit
avec un pistolet. Une pressurisation modérée est nécessaire. Un 28 A. Libération des parties molles entre la capsule et le subscapulaire. La capsule est
implant huméral d’une taille généralement inférieure au dernier incisée de son insertion glénoïdienne.
alésoir utilisé est alors mis en place avec un positionneur ou B. Libération circonférentielle de la capsule.
directement, en contrôlant bien la hauteur et le degré de
rétroversion. Le ciment en excès est enlevé. Le positionneur est Une radiographie de contrôle est systématiquement demandée avant
ensuite retiré et la tête humérale définitive est mise en place sur la de quitter la salle d’opération. Une écharpe est ensuite mise en place,
tige prothétique. coude au corps.
Après la prise du ciment, l’épaule est réduite. On s’assure alors de
la liberté et de l’excursion des parties molles périarticulaires et
PROBLÈMES TECHNIQUES PARTICULIERS
notamment du subscapulaire. Il est important de rappeler qu’une
translation postérieure d’environ 50 % est souhaitable.
¶ Raideur avec rétraction des parties molles
Dans certains cas, la prothèse humérale peut être mise sans ciment.
Le diamètre de l’implant définitif est équivalent au diamètre du Dans certains cas d’arthrose, dans les séquelles de traumatismes, sur
dernier alésoir utilisé. La prothèse est impactée dans le fût huméral des épaules déjà opérées, il existe fréquemment une raideur
en press-fit. importante. L’examen sous anesthésie est essentiel pour déterminer
le degré exact de mobilité en élévation et rotation.
¶ Fermeture Une libération étendue des adhérences dans l’espace sous-
Après la réduction de la prothèse, une traction légère est exercée sur acromiodeltoïdien doit être réalisée. Le ligament coracohuméral est
les fils repères du subscapulaire. Selon les cas, et comme cela a été souvent rétracté et sa libération permet fréquemment un gain de 25
discuté antérieurement, en fonction du degré de rotation externe à 30° de rotation externe. Le ligament coracoacromial doit en
passive préopératoire, le tendon du subscapulaire est rattaché revanche être conservé, surtout lorsque la coiffe est déficiente pour
(fig 27) : éviter une migration supéroantérieure de l’humérus.
– soit en position normale (tendon-tendon) ; En fonction de l’état trophique du subscapulaire et du degré de
rotation externe, les différentes possibilités de libération,
– soit dans la tranche d’ostéotomie humérale grâce à des points d’allongement par plastie en « Z », ou de suture du subscapulaire
transosseux laissés en attente ; au niveau de l’ostéotomie humérale ont déjà été discutées.
– soit par une plastie d’allongement en « Z » en utilisant un lambeau Si la capsule antérieure est épaissie et rétractée, les zones
capsulaire. cicatricielles doivent être excisées en étendant la libération en bas et
L’idéal est de refermer le subscapulaire avec environ 30 à 40° de en arrière au contact du col de l’humérus avec beaucoup de
rotation externe. L’intervalle de la coiffe des rotateurs est fermé et le prudence en raison de la proximité du nerf axillaire.
subscapulaire est suturé. Si la décision a été prise de suturer le S’il existe une rétraction de la partie postérieure de la capsule, elle
subscapulaire et la capsule antérieure à l’os, il est important de doit être incisée le long du rebord postérieur de la glène (fig 28).
placer des fils de suture en attente dans la tranche d’ostéotomie de
En cas de rétraction de la partie supérieure de la capsule
l’humérus proximal, avant la mise en place de l’implant huméral et
glénohumérale, la libération est réalisée sur le versant glénoïdien,
avant le scellement. Le biceps est laissé en place dans la gouttière si
au-dessus de l’insertion du labrum et de la longue portion du biceps.
son aspect est normal et s’il n’est pas en conflit avec la partie haute
La libération doit être prudente à la face postérieure du col de
de la tête humérale prothétique. Dans les autres cas, il est ténodésé
l’omoplate en raison de la proximité du nerf suprascapulaire.
dans la gouttière.
Après fermeture de l’arthrotomie, la stabilité de l’articulation est de ¶ Defect osseux glénoïdien
nouveau testée en exerçant une translation passive de la tête
humérale d’avant en arrière et de haut en bas. La mobilité est ensuite Si le defect osseux est central, il peut être cureté et comblé par un
testée en rotation externe, rotation interne et élévation. Ces greffon osseux provenant de la tête humérale (fig 29). S’il est de
amplitudes sont notées et utilisées pour planifier le degré de petite dimension, une quantité plus importante de ciment peut être
mobilisation passive postopératoire autorisée. utilisée pour combler le defect. En revanche, si la perte de substance
Après avoir irrigué la plaie opératoire, le nerf axillaire est contrôlé est importante, la greffe peut être impossible et il est alors conseillé
en avant et en arrière, un drain est placé dans l’espace sous- de réaliser une prothèse humérale simple.
deltoïdien et l’intervalle deltopectoral est fermé en utilisant des fils Les defects osseux périphériques sont le plus souvent postérieurs et
à résorption lente. La peau est généralement fermée par des points se rencontrent surtout dans l’arthrose. Une greffe osseuse peut être
séparés, plus rarement par un surjet intradermique. réalisée en utilisant un fragment de tête humérale, fixé à l’aide de
12
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
¶ Voie postérieure
29 Greffon osseux postérieur au niveau
de la glène. Le principal avantage est de respecter le plan capsuloligamentaire
antérieur et le muscle subscapulaire [45].
En revanche, faisceau postérieur du deltoïde, infraépineux et petit
rond sont désinsérés. Cette voie d’abord est exceptionnellement
utilisée sauf dans certains cas de luxations-fractures postérieures
invétérées avec arthrose associée et où une reconstruction
glénoïdienne postérieure s’avère indispensable.
¶ Voie transacromiodeltoïdienne
Il s’agit d’une voie supéroexterne qui est supraépineuse,
transacromiale et transdeltoïdienne. Une ostéotomie frontale de
l’acromion est réalisée, souvent associée à une ostéoclasie de la
clavicule permettant de s’étendre vers l’avant [36, 54].
Le tendon du supraépineux est sectionné à 5 mm de son insertion
trochitérienne et est récliné vers l’arrière avec le infraépineux. Cette
voie d’abord a théoriquement l’avantage de respecter le deltoïde
dont les insertions acromiales sont conservées et de donner une
deux vis. Si le defect est minime, l’abrasion de la moitié antérieure bonne exposition de la glène qui est vue de face. Elle ne peut se
de la glène peut suffire à corriger la version. La version de justifier qu’en cas de rupture étendue associée de la coiffe des
l’ostéotomie humérale peut également être modifiée pour obtenir rotateurs dans sa partie supéropostérieure, la mise en place de la
une position neutre. Un implant glénoïdien asymétrique, avec un prothèse pouvant s’associer à la réparation musculaire.
rebord postérieur surélevé, représente une autre alternative rarement
utilisée. Il n’est pas conseillé de corriger le décalage par du ciment ¶ Voie supéroexterne
placé sous l’implant.
Cette voie initialement décrite pour les ruptures de la coiffe des
Enfin, en cas de dysplasies glénoïdiennes postérieures, il faut rotateurs réparées par un lambeau deltoïdien a été étendue aux
associer un fraisage antérieur à une greffe osseuse postérieure. arthroplasties [2] . Elle part du bord antérieur de l’articulation
acromioclaviculaire et longe le bord antérieur de l’acromion puis
¶ Insuffisance ou rupture étendue de la coiffe s’incurve vers l’avant pour suivre l’axe du bras sur 3 à 4 cm.
des rotateurs L’incision du deltoïde qui suit l’incision cutanée permet sa
Les lésions de la coiffe des rotateurs sont très variables selon les réinsertion en fin d’intervention. Par cette voie, il est possible de
différentes catégories diagnostiques. Dans l’arthrose, la coiffe est réaliser un lambeau de deltoïde dans les grandes ruptures de la
habituellement intacte. Lorsqu’il existe une rupture, elle est en règle coiffe, une synthèse précise épiphysaire, et notamment des
de petite dimension et sa réparation est possible par simple tubérosités dans les fractures, ou de mettre en place une
réinsertion transosseuse. Dans la polyarthrite rhumatoïde, la coiffe arthroplastie lorsque la coiffe est rompue. Cet abord permet
est souvent amincie, distendue et non fonctionnelle avec ascension théoriquement de contrôler plus facilement la rétroversion de la tête
et médialisation de la tête humérale. Il est important de rétablir le humérale et les ostéophytes postérieurs. La glène vue de face serait
déport latéral normal, par des implants appropriés, de manière à de préparation plus aisée. La nécessité d’un geste sur la métaphyse
redonner une certaine tension à la coiffe. Lorsque la lésion de la et surtout sur la diaphyse est une contre-indication formelle, car
coiffe est étendue et irréparable, un transfert du subscapulaire vers aucune extension vers le bas de la voie d’abord n’est possible.
le haut peut être réalisé. Dans ces cas, on évite de mettre en place
une prothèse totale et une prothèse humérale simple est préférée.
Par ailleurs, dans la polyarthrite rhumatoïde, il est préférable de Programme postopératoire
conserver l’arche coracoacromiale pour prévenir une migration
supérieure plus importante de la tête humérale. Le patient quitte la salle d’opération le membre supérieur
immobilisé dans une écharpe coude au corps et en rotation interne.
Dans les arthropathies après rupture de la coiffe, les lésions sont
Un coussin est placé sous le bras pour maintenir une légère flexion
souvent très étendues, avec des pertes de substance
antérieure. Le pansement est refait à la 48e heure et une écharpe
musculotendineuses. Tous les moyens locaux peuvent êtres utilisés
amovible est mise en place.
incluant l’avancement et le transfert des tissus antérieurs et
postérieurs vers le haut. Les lésions sont souvent massives, En se basant sur la mobilité et la stabilité de la prothèse qui ont été
s’associant à des defects osseux de la glène et il est parfois conseillé évaluées en peropératoire, le programme de mobilisation commence
d’utiliser une tête humérale de petite dimension pour pouvoir dès le deuxième jour avec l’aide du kinésithérapeute, sous forme de
retendre la coiffe. La mise en place d’un implant glénoïdien n’est mouvements passifs en élévation antérieure et rotation externe. Dès
pas conseillée dans ces cas en raison de la subluxation supérieure que le patient peut se lever, il va participer à son programme de
de la tête qui entraîne des contraintes asymétriques sur la glène avec rééducation en réalisant des mouvements pendulaires et des
des risques majeurs de descellement. Une tête surdimensionnée a mouvements assistés toujours en flexion et rotation externe en
été proposée dans les ruptures massives et irréparables de la coiffe utilisant la main du côté opposé. Ce programme de mobilisation
des rotateurs, pour assurer une stabilité satisfaisante, mais les passive est poursuivi pendant le premier mois, le plus souvent sous
résultats sont très modestes, avec persistance des douleurs. forme de courtes séances, trois à quatre fois par jour. Dès la
quatrième semaine, le patient est autorisé à utiliser son membre
supérieur pour des activités « légères ».
AUTRES VOIES D’ABORD À la sixième semaine, un programme actif aidé est commencé avec
La voie d’abord antérieure, élargie si nécessaire, reste la voie de un renforcement musculaire isométrique des rotateurs externes et
choix adoptée par la grande majorité des auteurs. Dans ce cas, le du deltoïde. Au troisième mois, des exercices d’étirement et de
deltoïde est désinséré de la branche antérieure du « V » deltoïdien renforcement musculaire sont ajoutés éventuellement à la demande
et non de la clavicule. et en fonction du type de pathologie.
Rappelons les autres voies d’abord surtout utilisées en France et qui Le patient est revu à la consultation au sixième mois et il a
ont une diffusion très restreinte. généralement récupéré une autonomie fonctionnelle complète. Il est
13
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
encouragé à continuer très régulièrement à domicile une conservateur par immobilisation dans une écharpe ou une orthèse
autorééducation deux à trois fois par jour selon les modalités qui lui est approprié si la fracture est bien alignée ou dans le cadre de
ont été enseignées. Le résultat n’est définitif qu’à environ 1 an fracture spiroïde ou oblique longue [75]. Cependant, si cette fracture
postopératoire. est instable ou si elle est transversale ou oblique courte, notamment
Ce schéma global de rééducation doit, bien entendu, être adapté à à la partie distale de l’implant huméral, le traitement chirurgical est
chaque cas particulier, en fonction des caractéristiques propres à nécessaire [12]. L’ostéosynthèse des fractures périprothétiques est
chaque étiologie et des constatations peropératoires. Il doit être extrêmement difficile et nécessite l’utilisation de plaques avec
enseigné au patient avant l’intervention, dirigé par le chirurgien, en cerclages, d’allogreffes et d’autogreffes osseuses ou le remplacement
étroite collaboration avec l’équipe de rééducation. prothétique par une prothèse à tige plus longue.
– Région 1 : une réinsertion chirurgicale n’est envisagée qu’en cas
de déplacement de la fracture.
Complications per- et postopératoires
– Région 2 : en cas de déplacement de la fracture, une simple
L’incidence des complications après prothèse d’épaule est inférieure ostéosynthèse par cerclage est effectuée ; s’il existe un descellement
à celle des autres arthroplasties. Cependant, lorsqu’elles surviennent, de la prothèse, elle est remplacée par un implant standard.
le déficit fonctionnel peut être important. – Régions 3 et 4 :
– prothèse instable : une réduction anatomique est nécessaire,
FRACTURES associée à une révision de l’implant, remplacée par un implant à
longue tige et des cerclages périprothétiques ;
La prévalence des fractures périprothétiques varie de 0,5 à 3 % en
fonction des séries et représente 20 % de l’ensemble des – prothèse stable avec fracture instable : la prothèse doit être
complications associées aux prothèses d’épaule. Le risque de laissée en place et la fracture doit être stabilisée par une
fractures peropératoires varie de 0,5 à 4 %, celui des fractures ostéosynthèse, le plus souvent une plaque avec vis en deçà de la
postopératoires de 0,5 à 2 %. Les facteurs de risque principaux sont prothèse et des cerclages au niveau de la prothèse. En présence
représentés par le sexe, l’âge, la polyarthrite rhumatoïde et d’une qualité osseuse médiocre, les vis peuvent être cimentées
l’ostéoporose. La survenue des fractures périprothétiques dans la plaque et l’os ;
peropératoires peut être liée à l’exposition chirurgicale, à la – prothèse stable et fracture stable : les fractures situées au-delà
préparation du canal médullaire, ou à la mise en place de l’implant de l’extrémité de la tige de l’implant ont en général un taux de
définitif. Une installation correcte du patient est indispensable pour consolidation élevé après immobilisation par attelle.
éviter tout bras de levier excessif sur l’humérus lors de la luxation
de la tête humérale, lors de l’exposition de la glène, ou lors de la
réduction de la prothèse définitive. Une exposition chirurgicale INSTABILITÉ
élargie peut également s’avérer nécessaire, généralement une voie L’incidence rapportée de subluxation ou de luxation après prothèse
deltopectorale élargie. Une libération de l’ensemble des tissus d’épaule varie de 0 à 22 % [50]. Neer a montré que des subluxations
périarticulaires est également indispensable. Un point d’entrée inférieures transitoires survenaient fréquemment dans les premières
précis dans la tête humérale est indispensable pour éviter les fausses semaines qui suivaient la mise en place d’une prothèse totale de
routes. Parfois, l’exposition de la partie proximale de la diaphyse l’épaule. La subluxation, liée le plus souvent à une sidération du
humérale est nécessaire pour bien visualiser l’axe. Il faut éviter deltoïde, se réduit spontanément en quelques semaines. Une
l’alésage motorisé et la mise en place d’un implant surdimensionné véritable instabilité glénohumérale après arthroplastie prothétique
par rapport au dernier alésoir. Les fractures postopératoires de l’épaule est déconcertante à la fois pour le patient et le praticien.
surviennent le plus souvent chez les sujets âgés à la suite d’une Les luxations des prothèses totales d’épaule imposent une
chute. évaluation clinique et radiographique précise pour déterminer
Plusieurs classifications ont été proposées pour guider la prise en l’étiologie et les causes de l’instabilité. L’instabilité peut être
charge de ces patients [16, 75]. La classification de Campbell et al [16] supérieure, inférieure, antérieure ou postérieure.
divise l’humérus en quatre parties : région 1, tubérosités ; région 2,
métaphyse humérale proximale ; région 3, diaphyse humérale ¶ Instabilité supérieure
proximale ; région 4, diaphyse humérale moyenne et distale.
L’ascension du composant huméral après prothèse est la cause
¶ Fractures peropératoires d’instabilité la plus fréquente, en rapport avec une insuffisance de la
coiffe des rotateurs. Il peut s’agir d’une amyotrophie, d’une
– Région 1 : une fracture isolée d’une tubérosité, lorsqu’elle est rééducation insuffisante, ou d’une véritable rupture tendineuse. De
déplacée, est réinsérée à la diaphyse humérale par des points non manière moins fréquente, il peut s’agir d’un défaut de
résorbables. En cas d’absence de déplacement, une immobilisation positionnement de l’implant huméral avec excès de longueur.
coude au corps est conseillée.
– Région 2 : une fracture dans cette région est habituellement ¶ Instabilité inférieure
stable ; si elle est déplacée, un cerclage est effectué. L’instabilité inférieure après une prothèse totale d’épaule n’est pas
– Régions 3 et 4 : une fracture dans ces régions nécessite la une complication fréquente et peut être rencontrée chez des patients
réalisation d’une ostéosynthèse rigide pour permettre la opérés pour une fracture de l’extrémité proximale de l’humérus. La
consolidation de la fracture et la stabilité de la prothèse. Des études perte des repères osseux rend extrêmement difficile la détermination
cliniques ont montré qu’un implant avec une longue tige augmentée de la longueur exacte de l’humérus. Neer a souligné l’importance
d’un cerclage périprothétique entraînait une consolidation plus de la détermination de la longueur de l’humérus adaptée au
rapide qu’une fracture traitée avec une prothèse standard combinée maintien de la tension normale de l’enveloppe musculoapo-
avec une ostéosynthèse (plaque-vis-cerclage). Les cerclages seuls névrotique de l’épaule. Lorsque cette tension n’est pas rétablie en
sont à déconseiller. peropératoire, l’addition de greffons osseux peut être nécessaire
pour augmenter la longueur de la diaphyse humérale [50].
¶ Fractures postopératoires
¶ Instabilité antérieure
Le traitement des fractures de la diaphyse humérale après
arthroplastie prothétique de l’épaule est fondé sur la restitution de Dix-huit cas d’instabilité antérieure ont été rapportés dans la
l’alignement du foyer de fracture et sur sa stabilité. Le traitement littérature. Quatre épaules ont été traitées par réduction par
14
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
manœuvres externes et immobilisation et 14 ont été opérées [72]. Enfin, Barrett [6], dans sa série, a retrouvé trois cas de rupture
L’instabilité antérieure est en général causée par trois problèmes : secondaire de la coiffe des rotateurs. Toutes ces ruptures étaient
insuffisance du deltoïde antérieur, rupture du subscapulaire, ou survenues chez des patients atteints d’arthrite rhumatoïde. Lors de
malposition des composants prothétiques. l’intervention initiale, il avait été noté que les tendons étaient
L’insuffisance du deltoïde est une des complications les plus particulièrement atrophiés et amincis [6].
désastreuses dans toute chirurgie de l’épaule. Elle est le plus souvent Les ruptures de la coiffe des rotateurs après prothèse d’épaule
la conséquence d’une lésion peropératoire du nerf axillaire. En cas entraînent habituellement une perte très marquée de la force
de section nerveuse au cours de l’intervention, une suture musculaire, une limitation de la mobilité articulaire active, mais une
microchirurgicale doit être réalisée. Cependant, lorsque la section douleur modérée. La réparation de la coiffe est justifiée devant une
nerveuse est reconnue tardivement, plusieurs options chirurgicales symptomatologie particulièrement invalidante, à la recherche d’une
sont possibles [50]. Une plastie deltoïdienne peut être réalisée pour amélioration fonctionnelle. En cas de large rupture de la coiffe, il
stabiliser l’épaule, mais ne restitue que rarement l’usage du membre existe une migration supérieure de l’implant huméral, engendrant
supérieur au-dessus de la tête. une excentration de la zone de contact sur l’implant glénoïdien, qui
La rupture du subscapulaire après prothèse totale peut faire suite à peut être à l’origine de son descellement. Une réparation peut se
une réparation insuffisante, à l’utilisation d’une tête humérale trop discuter si les tendons sont de bonne qualité.
volumineuse, ou à une rééducation trop agressive. Moeckel et al ont
rapporté sept cas de rupture du subscapulaire [47]. La réparation des
INFECTION
tendons rompus a été suivie d’une nouvelle rupture dans 43 % des
cas. Les autres patients avaient été traités avec succès à l’aide d’une L’infection est heureusement l’une des complications les plus rares
allogreffe de tendon d’Achille. Neer, Wirth et d’autres auteurs ont de l’arthroplastie de l’épaule. L’incidence des infections dans le
décrit un transfert du muscle grand pectoral pour compenser le cadre des prothèses de hanche et de genou varie de 0 à 3 %, pour
déficit du subscapulaire [50, 73]. Cette technique consiste à transférer une incidence de 0,5 % dans le cadre de prothèse d’épaule.
le faisceau sternal du grand pectoral sur le trochin. Ianotti et En cas de suspicion d’infection, l’évaluation des patients peut être
Williams ont proposé l’utilisation du muscle grand dorsal particulièrement difficile. La sémiologie d’un descellement aseptique
(communication personnelle, 1997). des composants d’une prothèse totale d’épaule peut être très proche
Enfin, un malpositionnement des implants est une cause également de celle d’une infection. Il n’y a pas d’examen préopératoire
possible. Un défaut de rétroversion contribue à augmenter la constituant un indicateur fiable d’infection. La recommandation
translation, mais semble rarement le seul facteur mis en cause dans habituelle consiste à enlever les composants prothétiques infectés et
les luxations. La révision de l’implant huméral et la reconstruction à les remplacer par un spacer de ciment imprégné d’antibiotiques.
du plan antérieur capsuloligamentaire et tendineux doivent alors L’arthroplastie secondaire est ensuite réalisée après une
être effectuées. antibiothérapie appropriée par voie intraveineuse. Il semble que
cette option puisse être retenue compte tenu des mauvais résultats
¶ Instabilité postérieure fonctionnels obtenus après résection-arthroplastie. Il n’existe pas
dans la littérature de séries rapportant la réalisation d’une
L’instabilité postérieure après prothèse d’épaule est habituellement réimplantation en un temps pour le traitement d’une infection sur
moins dramatique, mais peut être plus fréquente. Elle est soit liée à prothèse totale de l’épaule. Le choix d’un remplacement en un temps
un défaut de positionnement des composants prothétiques soit à une ou en deux temps est fondé sur la virulence du germe en cause, la
insuffisance du complexe capsuloligamentaire postérieur. durée d’évolution de l’infection chronique et l’état général du
L’évaluation préopératoire et peropératoire de la version patient, comme cela a bien été démontré pour les prothèses de coude
glénoïdienne, ainsi qu’une technique chirurgicale correcte sont [76, 77]
.
nécessaires pour obtenir un bon positionnement glénoïdien. S’il
existe une usure asymétrique de la glène ou devant la présence d’un
defect osseux postérieur, une greffe osseuse peut être discutée. Chez LÉSIONS NEUROLOGIQUES
le patient arthrosique, la rétraction des parties molles antérieures Des lésions neurologiques iatrogènes après arthroplastie de l’épaule
peut provoquer une subluxation postérieure ou une luxation de la sont rares. Les causes de ces lésions sont habituellement représentées
tête humérale si une libération de ces tissus n’est pas suffisante lors par une traction excessive ou une compression, mais une section
de l’arthroplastie initiale. Lorsque la rotation externe est limitée en accidentelle reste possible. Des lésions concernant le nerf axillaire, le
préopératoire, la capsulectomie antérieure et la mobilisation du nerf musculocutané, le nerf ulnaire et le nerf radial ont été
subscapulaire sont nécessaires pour restaurer la mobilité. rapportées. La plupart des lésions sont des neurapraxies résolutives
L’allongement du tendon du subscapulaire peut parfois être avec le temps [71].
nécessaire. Lorsque la capsule postérieure est anormalement
Lynch et al [40], sur une série de 417 patients opérés par prothèse
distendue, une plicature doit être réalisée.
totale de l’épaule, ont mis en évidence un déficit neurologique
postopératoire dans 18 cas. La plupart de ces déficits concernaient
RUPTURE POSTOPÉRATOIRE les troncs supérieur et moyen du plexus brachial. Parmi ces 18
DE LA COIFFE DES ROTATEURS épaules, seules quatre avaient des lésions qui altéraient la
La rupture secondaire de la coiffe des rotateurs après prothèse totale progression de la rééducation. Les facteurs de risque mis en
d’épaule est fréquemment rapportée dans la littérature et l’incidence évidence dans cette série comprenaient : la voie deltopectorale
moyenne de cette complication est évaluée à 2,2 % (de 0 à 16 %) [20]. élargie, un traitement par méthotrexate et une durée opératoire
Neer a rapporté cinq ruptures de la coiffe des rotateurs dans sa courte.
revue de 261 prothèses d’épaule en 1982 [52] : dans deux cas, une Les patients opérés par arthroplastie prothétique totale de l’épaule
réparation chirurgicale a été nécessaire ; dans deux cas, les patients doivent avoir une évaluation neurologique systématique en
étaient indolores, mais étaient incapables d’élever leur membre postopératoire. Si un déficit neurologique est identifié, la
supérieur ; dans un cas, le patient se plaignait d’une douleur rééducation doit être plus particulièrement orientée vers la
persistante, mais refusait une nouvelle intervention chirurgicale. restitution des mobilités articulaires. En l’absence de signe clinique
Cofield [19] a pour sa part rapporté cinq cas de rupture de la coiffe de récupération neurologique au bout de 4 à 6 semaines, un examen
des rotateurs sur une série de 77 prothèses de Neer. Un patient électromyographique doit être pratiqué. Cet examen permet de
présentait des douleurs sévères et une limitation des mobilités qui documenter la topographie lésionnelle et constituer une référence
ont conduit à une reprise chirurgicale. Les quatre autres patients ne pour la surveillance ultérieure de la récupération de la fonction
présentaient pas de douleur mais une impotence fonctionnelle plus nerveuse. En l’absence d’amélioration à l’échéance du troisième
ou moins invalidante. mois, une exploration chirurgicale doit être envisagée.
15
44-289 Prothèse totale d’épaule Techniques chirurgicales
16
Techniques chirurgicales Prothèse totale d’épaule 44-289
Références
[1] Amstutz HC, Thomas BJ, Kabo JM, Jinnah RH, Dorey FJ. The [27] Gartsman GM, Roddey TS, Hammerman SM. Shoulder [53] Norris TR, Green A, McGuigan FX. Late prosthetic shoulder
DANA total shoulder arthroplasty. J Bone Joint Surg Am arthroplasty with or without resurfacing of the glenoid in arthroplasty for displaced proximal humerus fracture. J
1988 ; 70 : 1174-1182 patients who have osteoarthritis. J Bone Joint Surg Am 2000 ; Shoulder Elbow Surg 1995 ; 4 : 271-280
[2] Apoil A, Augereau B. Le lambeau du deltoïde dans la répa- 82 : 26-34 [54] Patte D. Voies d’abord de l’épaule et de l’extrémité supé-
ration des larges pertes de substance de la coiffe des rota- [28] Gartsman GM, Russell JA, Gaenslen E. Modular shoulder rieure de l’humérus. Encycl Med Chir (Éditions Scientifiques
teurs. Chirurgie 1985 ; 111 : 287-290 arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 333-339 et Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales -
[3] Arlet J, Ficat P. Diagnostic de l’ostéonécrose fémoro- [29] Goldman RJ, Koval KJ, Cuomo F, Gallagher MA, Zuckerman Orthopédie-Traumatologie, 44-250, 1986 : 1-12
capitale primitive au stade I (stade pré-radiologique). Rev JD. Functional outcome after humeral head replacement [55] Pean J. Des moyens prothétiques destinés à obtenir la répa-
Chir Orthop 1968 ; 54 : 637-648 for acute three and four-part proximal humerus fractures. J ration des parties osseuses. Gaz Hôp Paris 1894 ; 67 : 291
[4] Arntz CT, Jackins S, Matsen FA 3rd. Prosthetic replacement Shoulder Elbow Surg 1995 ; 4 : 81-86 [56] Petersson CJ. Shoulder surgery in rheumatoid arthritis. Acta
of the shoulder for the treatment of defects in the rotator [30] Goutallier D, Postel JM, Bernageau J, Lavau L, Voisin MC. Orthop Scand 1986 ; 57 : 222-226
cuff and the surface of the glenohumeral joint. J Bone Joint Fatty degeneration in cuff ruptures pre and post-operative [57] Pollock RG, Deliz EB, McIlveen SJ, Flatow EL, Bigliani LU.
Surg Am 1993 ; 75 : 485-491 evaluation by CT-scan. Clin Orthop 1994 ; 304 : 78-83 Prosthetic replacement in rotator cuff-deficient shoulders.
[5] Badet R, Walch G, Boulahia A. L’examen tomodensitomé- [31] Hawkins RJ, Bell RH, Jallay B. Total shoulder arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg 1992 ; 1 : 173-186
trique dans l’omarthrose centrée primitive. Rev RhumMal Clin Orthop 1989 ; 242 : 188-194 [58] Pollock RG, Higgs GB, Codd TP, Weinstein DM, Self EB,
Ostéoartic 1998 ; 65 : 203-210 [32] Iannotti JP, Gabriel JP, Schneck SL, Brian G, Evans BG, Misra Flatow EL et al. Total shoulder replacement for treatment of
[6] Barrett WP, Franklin JL, Jackins SF, Wyss CR, Matsen FA 3rd. S. The normal glenohumeral relationships. J Bone Joint Surg primary glenohumeral arthritis. J Shoulder Elbow Surg
Total shoulder arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1987 ; 69 : Am 1992 ; 74 : 491-500 1995 ; 4 : S12
865-872 [59] Richard A, Judet R, René L. Reconstruction prothétique de
[33] Iannotti JP, Naranja RJ, Warner JP. Surgical management of
[7] Baulot E, Grammont PM. La prothèse Delta. In : Mansat M shoulder arthritis in the young and active patient. In : l’extrémité supérieure de l’humérus spécialement au cours
éd. Prothèses d’épaule. Paris : Expansion Scientifique Fran- Warner JP, Iannotti JP, Gerber C eds. Complex and revision des fractures-luxations. J Chir 1952 ; 68 : 537-547
çaise, 1999 ; n° 68 : 405-418 problems in shoulder surgery. Philadelphia : Lippincott- [60] Rodosky MW, Bigliani LU. Surgical treatment of noncon-
[8] Bell SN, Gschwend N. Clinical experience with total arthro- Raven Publishers, 1997 : 289-302 strained glenoid component failure. Tech Orthop 1994 ; 4 :
plasty and hemiarthroplasty of the shoulder using the Neer [34] Judet R, Judet J, Lagrange J. Arthroplastie de l’épaule par 226-236
prosthesis. Int Orthop 1986 ; 10 : 217-222 prothèse acrylique. Rev Chir 1953 ; 72 : 129-146 [61] Rodosky MW, Weinstein DM, Pollock RG, Flatow EL,
[9] Boileau P, Walch G. The three-dimensional geometry of the [35] Kelly IG, Foster RS, Fischer WD. Neer total shoulder replace- Bigliani LU, Neer CS 2nd. On the rarity of glenoid compo-
proximal humerus. Implications for surgical technique and ment in rheumatoid arthritis. J Bone Joint Surg Br 1987 ; 69 : nent failure. J Shoulder Elbow Surg 1995 ; 4 : S13-S14
prosthetic design. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 857-865 723-726 [62] Rowe C. Arthrodesis of the shoulder used in treating painful
[10] Bonutti PM, Hawkins RJ. Fracture of the humeral shaft asso- [36] Kessel L, Watson M. The trans-acromial approach to the conditions. Clin Orthop 1983 ; 173 : 92-96
ciated with total replacement arthroplasty of the shoulder. shoulder for ruptures of the cuff. Int Orthop 1977 ; 2 : 153 [63] Sneppen, O, Fruensgaard S, Johannsen, HV, Olsen, BS,
A case report. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 74 : 617-618 Sojbjerg JO, Andersen NH. Total shoulder replacement in
[37] Kjaergaard L, Andersen P, Frich LP, Sojbjerg JO. Bone for-
[11] Boyd AD, Thomas WH, Scott RD, Sledge CB, Thornhill TS. mation following total shoulder arthroplasty. J Arthroplasty rheumatoid arthritis: proximal migration and loosening. J
Total shoulder arthroplasty versus hemiarthroplasty: indi- 1989 ; 4 : 99-104 Shoulder Elbow Surg 1996 ; 5 : 47-52
cations for glenoid resurfacing. J Arthroplasty 1990 ; 5 : [64] Sojbjerg JO, Frich LH, Johannsen HV, Sneppen O. Late
329-336 [38] Larsen A, Dale K, Eek M. Radiographic evaluation of rheu-
matoid arthritis and related conditions by standard refer- results of total shoulder replacement in patients with rheu-
[12] Boyd AD, Thornhill TS, Barnes CL. Fractures adjacent to ence films. Acta Radiol Diagn 1977 ; 18 : 481-491 matoid arthritis. Clin Orthop 1999 ; 366 : 39-45
humeral prosthesis. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 74 : [65] Sperling JW, Cofield RH. Revision total shoulder arthro-
1498-1504 [39] Levine WN, Djurasovic M, Glasson JM, Pollock RG, Flatow
EL, Bigliani LU. Hemiarthroplasty for glenohumeral plasty for the treatment of glenoid arthrosis. J Bone Joint
[13] Brems JJ. The glenoid component in total shoulder arthro- osteoarthritis: results correlated to degree of glenoid wear. Surg Am 1998 ; 80 : 860-867
plasty. J Shoulder Elbow Surg 1993 ; 2 : 47-54 J Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 449-454 [66] Sperling JW, Cofield RH, Rowland CM. Neer hemiarthro-
[14] Burkhead WZ, Hutton KS. Biologic resurfacing of the plasty and Neer total shoulder arthroplasty in patients fifty
[40] Lynch NM, Cofield RH, Silbert PL. Neurologic complica-
glenoid with hemiarthroplasty of the shoulder. J Shoulder years old or less. Long-term results. J Bone Joint Surg Am
tions after total shoulder arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg
Elbow Surg 1995 ; 4 : 263-270 1998 ; 80 : 464-473
1996 ; 5 : 53-61
[15] Cameron B, Iannotti JP. Periprosthetic fractures of the [67] Stewart MP, Kelly IG. Total shoulder replacement in rheu-
[41] Mansat M, Fourcade D. Bilan préopératoire des prothèses
humerus and scapula. Management and prevention. matoid arthritis. A seven to thirteen years follow-up of 37
d’épaule. Acta Orthop Belg 1995 ; 61 (suppl 1) : 49-61
Orthop Clin North Am 1999 ; 30 : 305-318 joints. J Bone Joint Surg Br 1997 ; 79 : 68-72
[16] Campbell J, Moore RS, Iannotti J, Norris TR, William GR. [42] Mansat P, Mansat M. Prothèse d’épaule dans l’omarthrose [68] Thomazeau H, Alnot JY, Guillo S, Sarrazin F, Lebellec Y,
Periprosthetic humeral fractures: Mechanisms of fracture primitive. In : Mansat M éd. Prothèses d’épaule. Paris : Augereau B et al. Prothèses bipolaires. In : Mansat M éd.
and treatment options. J Shoulder Elbow Surg 1998 ; 7 : Expansion Scientifique Française, 1999 ; n° 68 :138-148 Prothèses d’épaule. Paris : Expansion Scientifique Fran-
406-413 [43] Mansat P, Mansat M. Arthroplastie d’épaule dans les trau- çaise, 1999 ; n° 68 :391-399
[17] Codd TP, Pollock RG, Flatow EL. Prosthetic replacement in matismes anciens. In : Mansat M éd. Prothèses d’épaule. [69] Torchia ME, Cofield RH, Settergren CR. Total shoulder
the rotator cuff deficient shoulder. Tech Orthop 1994 ; 8 : Paris : Expansion Scientifique Française, 1999 ; arthroplasty with the Neer prosthesis: long-term results. J
174-183 n° 68 :149-159 Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 495-505
[18] Cofield RH. Shoulder arthrodesis and resection arthro- [44] Matsen FA 3rd, Lippitt SB, Sidles JA, Harryman DT 2nd. Prac- [70] Williams GR, Rockwood CA Jr. Hemiarthoplasty in rotator
plasty. AAOS Instr Course Lect 1985 ; 34 : 268-277 tical evaluation and management of the shoulder. Philadel- cuff-deficient shoulders. J Shoulder Elbow Surg 1996 ; 5 :
phia : WB Saunders, 1994 : 1-219 362-367
[19] Cofield RH. Total shoulder arthroplasty with the Neer pros-
thesis. J Bone Joint Surg Am 1984 ; 66 : 899-906 [45] Mazas F, de la Caffinière JY. Une prothèse d’épaule non [71] Wilson RH, Arroyo JS, Strauch RJ, Brown AR, Pollock RG,
rétentive. À propos de 38 cas. Rev Chir Orthop 1982 ; 68 : Flatow EL et al. Neurologic complications after total shoul-
[20] Cofield RH, Edgerton BC. Total shoulder arthroplasty. 161-170
Complications and revision surgery. AAOS Instr Course Lect der arthroplasty. Orthop Trans 1997 ; 21 : 18
1990 ; 39 : 449-462 [46] Miller SR, Bigliani LU. Complications of total shoulder [72] Wirth MA, Rockwood CA. Complications of shoulder
replacement. In : Complications in shoulder surgery. Balti- arthroplasty. Clin Orthop 1994 ; 307 : 47-69
[21] Cofield RH, Frankle MA, Zuckerman JD. Humeral head more : Williams and Wilkins, 1993 : 59-72
replacement for glenohumeral arthritis. Semin Arthroplasty [73] Wirth MA, Rockwood CA Jr. Complications of total shoul-
1995 ; 6 : 214-221 [47] Moeckel BH, Altchek DW, Warren RF, Wickiewicz TL, Dines der replacement arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1996 ;
DM. Instability of the shoulder after arthroplasty. J Bone 78 : 603-616
[22] Couteau B, Mansat P, Mansat M, Darmana R, Egan J. In vivo Joint Surg Am 1993 ; 75 : 492-507
characterization of glenoid using computed tomography. [74] Worland RL, Warburton KJ. Bipolar shoulder arthroplasty
J Shoulder Elbow Surg 2001 ; 10 : 116-122 [48] Neer CS 2nd. Articular replacement of the humeral head. J for rotator cuff arthropathy. J Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 :
Bone Joint Surg Am 1955 ; 37 : 215-228 512-515
[23] Cruess RL. Osteonecrosis of bone: current concepts as to
etiology and pathogenesis. Clin Orthop 1986 ; 208 : 30-39 [49] Neer CS 2nd. Replacement arthroplasty for gleno-humeral [75] Wright TW, Cofield RH. Humeral fractures after shoulder
[24] Field LD, Dines DM, Zabinski SJ, Warren RF. Hemiarthro- osteo-arthritis. J Bone Joint Surg 1974 ; 56 : 1-13 arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1995 ; 77 : 1340-1346
plasty of the shoulder for rotator cuff tear arthropathy. J [50] Neer CS2nd. Glenohumeral arthroplasty. In : Neer CS 2nd. [76] Yamaguchi K, Adams RA, Morrey BF. Infection after total
Shoulder Elbow Surg 1997 ; 6 : 18-23 Shoulder reconstruction ed. Philadelphia : WB Saunders, elbow arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1998 ; 80 : 481-491
[25] Franklin JL, Barrett WP, Jackins SE, Matsen FA 3rd. Glenoid 1990 : 143-271 [77] Yamaguchi K, Adams RA, Morrey BF. Semiconstrained total
loosening in total shoulder arthroplasty. J Arthroplasty [51] Neer CS 2nd, Kirby RM. Revision of humeral head and total elbow arthroplasty in the context of treated previous infec-
1988 ; 3 : 39-46 shoulder arthroplasties. Clin Orthop 1982 ; 170 : 189-195 tion. J Shoulder Elbow Surg 1999 ; 8 : 461-465
[26] Friedman RJ, Hawthorne KB, Genez BM. The use of com- [52] Neer CS 2nd, Watson KC, Stanton FJ. Recent experience in [78] Zlatkin MB, Iannotti JP, Roberts MC, Esterhai JL, Dalinka
puterized tomography in the measurement of glenoid total shoulder replacement. J Bone Joint Surg Am 1982 ; 64 : MK, Kressel HY et al. Rotator cuff tears: diagnosis perfor-
version. J Bone Joint Surg Am 1992 ; 74 : 1032-1037 319-337 mance of MR imaging. Radiology 1989 ; 172 : 223-229
17
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-290
44-290
Introduction Installations
Quatre-vingt à 85 % des fractures de l’extrémité supérieure de
Plusieurs types d’installation sont possibles pour réduire et stabiliser les
l’humérus peuvent être traitées orthopédiquement. Ce traitement
s’adresse à toutes les fractures peu ou non « déplacées ». Cette notion fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus. Il est capital de
d’absence de déplacement reste purement arbitraire : Neer la définie s’assurer avant toute manœuvre de réduction et d’ostéosynthèse que
comme une bascule de la tête inférieure à 45° ou/et un déplacement des l’amplificateur de brillance procure des incidences de face et de profil
fragments de moins de 1 cm [11]. Cette attitude est justifiée par les bons parfaites.
résultats du traitement orthopédique. De plus, dans le cas de fractures
peu ou non déplacées, le risque de survenue de nécrose de la tête
humérale est faible et son retentissement fonctionnel peu important [7]. Installation en décubitus dorsal (fig 1)
Pour 20 à 15 % des fractures, instables ou à grand déplacement, le
traitement est chirurgical. Certaines conditions (os de mauvaise qualité, Le patient est installé sur le dos, sur table ordinaire, l’épaule est dégagée
mauvais état général du patient) peuvent amener à traiter et surélevée par un coussin placé au bord spinal de l’omoplate. La tête
orthopédiquement ce type de fractures. est tournée du côté opposé à la fracture. Le bras est laissé libre sur une
tablette. Deux appuis de cuisse et un cale-pieds permettent d’incliner la
Nous nous intéresserons ici uniquement aux techniques chirurgicales
table vers le bas de 20°. L’amplificateur de brillance est placé à la tête du
sans entrer dans le détail des indications qui restent encore affaire
patient. L’arc de rotation est parallèle au patient. Il permet d’obtenir une
d’écoles.
vue de face et de profil sans bouger le bras, pourvu que celui-ci soit en
Nous décrirons dans un premier temps les différentes installations légère abduction.
possibles, puis les manœuvres de réduction et enfin les différentes
ostéosynthèses : directes par abord du foyer de fracture, où la réduction
de la fracture est contemporaine de la fixation ; indirectes, sans abord du
foyer de fracture, où la réduction doit être le plus souvent faite dans un
premier temps avant de stabiliser la fracture.
Les prothèses d’épaules font l’objet d’un développement distinct.
Enfin sont traitées les fractures parcellaires (trochin, trochiter).
Toute référence à cet article doit porter la mention : Boillot F et Olivier H. Traitement
chirurgical des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus de l’adulte. Encycl
Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie,
44-290, 1999, 9 p. 1 Installation en décubitus dorsal.
44-290 TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE Techniques chirurgicales
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
Réduction
En cas d’ostéosynthèse indirecte, il est nécessaire d’obtenir auparavant
une réduction la plus anatomique possible. Elle se fait sous anesthésie
générale et sous amplificateur de brillance.
Il peut arriver que la fracture soit jugée stable une fois la réduction
obtenue. Dans ce cas, aucune ostéosynthèse n’est nécessaire. La fracture
est immobilisée par un bandage type Dujarrier avec des contrôles
radiographiques à 48 heures, 8 jours et 15 jours. La rééducation est
débutée à 1 mois.
Fractures isolées
Dans les fractures non associées à une luxation, cette réduction est le
plus souvent obtenue par une traction discrète dans l’axe du bras,
celui-ci étant à 30 à 50° d’abduction. Il faut souvent y associer une
3 Installation en décubitus ventral. pression sur le foyer de fracture et une antépulsion du bras pour réduire
le déplacement en extension du fragment épiphysaire. Il peut être
Installation en décubitus latéral (fig 2) nécessaire de repousser la diaphyse ou la tête en dehors par l’index
plongé dans l’aisselle. Les réductions imparfaites peuvent être parfois
Le patient est installé sur le côté, sur une table ordinaire, calé par un corrigées par les différentes ostéosynthèses indirectes. Ces manœuvres
appui fessier, pubien et thoracique. Le membre fracturé est installé sur seront décrites dans les chapitres correspondants. L’irréductibilité de la
une gouttière antibrachiale réglable. L’amplificateur de brillance est fracture peut amener à pratiquer une ouverture a minima par voie
installé au-dessus du patient. L’arc de rotation est parallèle au patient. deltopectorale du foyer en cas de choix d’une ostéosynthèse indirecte,
Le profil est obtenu en donnant une abduction au bras. ou opter pour une ostéosynthèse directe qui permet une réduction à ciel
ouvert.
Installation en décubitus ventral (fig 3)
Elle peut se faire sur table ordinaire ou sur table orthopédique en cas de Luxations-fractures antérieures
traction transolécranienne associée. Le patient est installé sur le ventre,
avec une sangle ou un appui placé sur le bras. L’avant-bras est laissé Si la fracture est engrenée, il est licite de tenter une réduction
libre ou placé sur une traction transolécranienne, l’épaule est bien orthopédique : la réduction est obtenue par les manœuvres classiques
dégagée de la table. La contre-extension est réalisée par le poids du corps mais avec une extrême prudence. On peut s’aider d’un poinçon appliqué
en inclinant la table du côté sain. L’amplificateur de brillance est installé sur la tête en percutané. L’irréductibilité, le plus souvent par
au-dessus du patient. L’arc de rotation est parallèle au patient. interposition du long biceps ou du trochiter, ainsi que le désengrènement
de la fracture, imposent l’abord du foyer de fracture. En cas de luxation-
Installation en procubitus (beach chair) (fig 4) fracture désengrenée, nous conseillons l’abord d’emblée par voie
deltopectorale.
La table ordinaire est retournée et cassée à 80°. Le patient est installé la
tête sur les segments jambiers de la table. Un coussin est mis sous la
fesse homolatérale pour extérioriser l’épaule. Le membre opéré est Luxations-fractures postérieures
laissé libre, l’autre repose sur un appui d’avant-bras. Les genoux sont
fléchis par un coussin placé sous les creux poplités. Le thorax est fixé De la même manière, on peut tenter une réduction en cas d’engrènement
par une sangle large passée en pont sous la table ou par un appui-thorax de la fracture. La réduction est tentée sur un patient en décubitus dorsal
fixé du même côté que le membre opéré. Une minerve permet d’éviter la par traction en adduction et en légère rotation externe, un aide refoule
chute de la tête. L’amplificateur de brillance est placé à la tête du patient. vers l’avant le fragment céphalique. En cas d’échec, il est nécessaire
L’arc de rotation est parallèle au patient. d’avoir recours à une réduction à ciel ouvert par voie deltopectorale.
page 2
Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE 44-290
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
Voies d’abord claviculaire, longe le bord antérieur de l’acromion puis descend vers la
pointe du V deltoïdien sur 4 cm. La peau et le tissu sous-cutané sont
Nous ne reprendrons pas la description des différentes voies d’abord de décollés du muscle deltoïde sur 1 cm. Celui-ci est clivé à partir de l’angle
l’extrémité supérieure de l’humérus, qui ont déjà fait l’objet d’un article antéroexterne de l’acromion dans l’axe de ses fibres sur 4 cm afin de ne
dans ce traité, mais rappellerons les points importants des voies pas léser le nerf circonflexe. La bourse sous-deltoïdienne est excisée. Le
classiquement utilisées. Quelle que soit la voie d’abord utilisée, elle doit ligament acromiocoracoïdien peut être conservé. En cas de fractures des
être la moins agressive possible pour préserver toute vascularisation tubérosités, l’abord fracturaire en transtubérositaire est aussi possible.
résiduelle. Cette voie est la voie élective des fractures des tubérosités. Elle peut être
utilisée pour certaines ostéosynthèses directes ne nécessitant qu’un jour
limité sur l’extrémité supérieure de l’humérus. Elle peut être utilisée
Voie deltopectorale pour l’implantation des prothèses humérales simples.
Elle reste la voie la plus utilisée pour aborder l’articulation
scapulohumérale. Une fois le deltoïde et le pectoral clivés, l’abord peut
se faire en transfracturaire tel que Neer [13] et Bigliani [4] l’ont décrit. Ostéosynthèses indirectes
En cas de fracture intéressant les tubérosités, Neer décrit un abord
transtubérositaire, se prolongeant en haut par clivage de l’intervalle des Embrochages
rotateurs (fig 5). Les fragments sont ouverts et permettent ainsi
d’atteindre le fragment céphalique qui se trouve habituellement entre les Ces techniques s’adressent essentiellement aux fractures du col
tubérosités. La réduction ou l’ablation de la tête pour la mise en place chirurgical, à deux fragments. Certains la proposent également dans les
d’une prothèse est très facile. fractures du col chirurgical avec un trait de refend trochitérien, à trois
fragments.
La voie deltopectorale permet toutes les interventions sur l’extrémité
supérieure de l’humérus. Embrochage à partir du V deltoïdien (Kapandji) [10]
Le patient est installé en décubitus dorsal ou latéral. La réduction est
Voie supéroexterne (fig 6) effectuée. En cas de réduction imparfaite, on peut compléter celle-ci en
repoussant la tête ou le fragment diaphysaire au doigt par une courte
L’incision débute au bord antérieur de l’articulation acromio- incision antéropostérieure à la partie supérieure du sommet du creux
axillaire (Kapandji) (fig 7) mais cette manœuvre peut être dangereuse
pour le nerf circonflexe et on peut lui préférer une courte voie
deltopectorale.
Par une courte incision de 3 cm, la pointe du deltoïde est repérée à la
face externe de l’humérus (fig 8). On effectue ensuite un trou de 6 mm
de diamètre par des mèches successives, oblique en haut et en dedans
(fig 9). Des broches de 20/10 préalablement béquillées et épointées sont
introduites successivement par un nez américain. Le sens du béquillage
est repéré par rapport au manche du nez américain. La broche pénètre
jusque dans le spongieux de la tête, la différence de consistance est très
bien perçue. Les broches sont ensuite orientées de manière divergente
(fig 10). Lorsque le fragment céphalique se mobilise lors de la montée
des broches, on peut le fixer temporairement à la glène par une broche.
Trois broches sont suffisantes pour assurer une bonne stabilité. Leurs
bonnes positions sont vérifiées par l’amplificateur et par la liberté de
mouvement sans « grattement », ce qui témoignerait de l’effraction
intra-articulaire d’une broche. Les broches sont recourbées à angle droit
et coupées à 2 cm de l’os (fig 11).
Le bras est placé dans une écharpe lâche jusqu’à disparition des
phénomènes douloureux, c’est-à-dire 3 ou 4 jours. Les différents gestes
6 Voie supéroexterne. 7 Réduction d’une fracture à deux fragments par une courte incision axillaire.
page 3
44-290 TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE Techniques chirurgicales
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
page 4
Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE 44-290
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
12 Abord sus-olécranien.
page 5
44-290 TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE Techniques chirurgicales
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
15 Embrochage percutané.
trochiter vers la corticale interne de l’humérus (fig 15). Les broches sont
coupées de façon à rester sous-cutanées. La surveillance postopératoire
est assurée par des radiographies prises aux dixième et vingtième jours.
On peut enlever les broches du trochiter à la troisième semaine, les
autres à partir de la sixième semaine. La rééducation active peut être
débutée à la sixième semaine. 16 Clou de Postel.
Cette technique, justifiée par la préservation de la vascularisation de la
tête humérale, est plutôt à opposer aux ostéosynthèses directes dans le
choix du traitement d’une fracture à trois fragments. Elle peut
néanmoins être utilisée dans les fractures à deux fragments mais ne
présente pas un intérêt majeur par rapport aux autres techniques, les
broches passées en transdeltoïdien empêchant toute rééducation
précoce.
Clous
Cette technique peut s’effectuer de manière descendante (clou de Postel)
ou ascendante (clou de Marchetti-Vicenzi).
Clou de Postel
Une mesure radiologique préopératoire permet de choisir le diamètre et
la longueur adéquate du clou. L’abord se fait par une voie supéroexterne,
le ligament acromiocoracoïdien est excisé, l’intervalle des rotateurs est
repéré. L’introduction du clou se fait à ce niveau à la limite du cartilage
articulaire et du massif du trochiter (fig 16). Deux ou trois clous de
diamètre croissant mais inférieur à celui déterminé par la mesure
préopératoire sont progressivement introduits. Le diamètre choisi doit
permettre de bloquer les rotations, l’extrémité du clou doit affleurer la
corticale de la tête humérale de manière à ne pas entrer en conflit avec la
voûte acromiale. L’intervalle des rotateurs est soigneusement refermé.
La rééducation peut être débutée immédiatement, en évitant les rotations
pendant 45 jours.
L’avantage de cette technique est sa simplicité. Les inconvénients sont
le risque de fracture iatrogène de la diaphyse humérale ou du trochiter
lors de l’introduction d’un clou trop large et de conflit avec la voûte
acromiale par l’extrémité supérieure du clou. Cette technique n’est pas
recommandée dans les fractures avec trait de fracture intertubérositaire.
De plus, la prise dans le fragment cervicocéphalique reste médiocre,
avec dans certains cas une absence de blocage des rotations.
17 Clou de Marchetti-Vicenzi.
page 6
Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE 44-290
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
page 7
44-290 TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE Techniques chirurgicales
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
page 8
Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DES FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE 44-290
DE L’HUMÉRUS DE L’ADULTE
fragment repéré, il est fixé par des fils non résorbables passés au ras de
l’insertion tendineuse. La partie correspondante de l’humérus est ensuite
repérée et nettoyée à la curette. Cette manœuvre est facilitée par la mise
en rotation interne et rétropulsion du bras qui dégage la partie
postérosupérieure de la tête humérale. Le fragment osseux est ensuite
réappliqué. La fixation peut s’effectuer par différents types de procédé
(vis et rondelle, agrafe, broches, haubanage, cerclage). Notre préférence
va au cerclage au fil non résorbable en raison de la qualité de l’os qui ne
permet souvent pas une bonne tenue des autres moyens de fixation
(fig 22).
L’immobilisation postopératoire se fait en discrète élévation-rotation
externe pendant 45 jours. La rééducation passive est immédiate. La
rééducation active n’est débutée qu’au bout de 45 jours. Des
radiographies de contrôle sont effectuées à 48 heures, 8 jours et 15 jours.
Références
[1] Aprill G, Boll P. Le traitement des fractures du col de [6] Esser RD. Open reduction and internal fixation of three [12] Neer CS. Fracture shoulder reconstruction. Toronto :
l’humérus par embrochage centromédullaire sans and four part fracture of the proximal humerus. Clin WB Saunders, 1990 : 1363
ouverture du foyer de fracture. Rev Chir Orthop 1968 ; Orthop 1994 ; 299 : 244-251
54 : 657-666 [13] Neer CS, McIlven SJ. Remplacement de la tête humé-
[7] Gerber C, Hersche O, Berberat C. The clinical rel- rale avec reconstruction des tubérosités et de la coiffe
[2] Bellumore Y, Bonnevialle P, Determe P, Mansat M. Os- evance of posttraumatic avascular necrosis of humeral dans les fractures déplacées à quatre fragments. Ré-
téosynthèse des fractures céphalo-tubérositaires de head. J Shoulder Elbow surg 1998 ; 7 (6) : 586-590 sultats actuels et techniques. Rev Chir Orthop 1988 ;
type II. Conférences d’enseignement 1996. In : Cahiers [8] Gerber C, Hersche O, Warner JJ. Place de l’ostéosyn- 74 (suppl II) : 32-40
d’enseignement de la SOFCOT. Paris : Expansion thèse dans les fractures complexes. Conférences d’en-
Scientifique Française, 1996 : 76-80 seignement 1996. In : Cahiers d’enseignement de la [14] Vandenbussche E, Naouri JF, Rougereau G, Peraldi P,
SOFCOT. Paris : Expansion Scientifique Française, Augereau B. Fractures de l’extrémité supérieure de
[3] Boileau P, Huten D, Thoreux P, Pietu G, Perlinski S,
1996 : 104-117 l’humérus à quatre fragments impactées en valgus :
Picard F et al. Techniques des prothèses humérales.
relèvement par greffon iliaque. Rev Chir Orthop 1996 ;
Conférences d’enseignement 1996. In : Cahiers d’en- [9] Jabert H, Warner JJ, Jakob RP. Percutaneous stabili- 82 : 658-662
seignement de la SOFCOT. Paris : Expansion Scienti- zation of unstable fractures of the humerus. J Bone
fique Française, 1996 : 119-124 Joint Surg 1992 ; 74A : 508-515 [15] Vichard PH, Bellanger P. Traitement des fractures de
[4] Compito CA, Self EB, Bigliani LU. Arthroplasty and [10] Kapandji AI, Kapandji T. Embrochage en « palmier ». l’extrémité supérieure de l’humérus par enclouage bi-
acute shoulder trauma: reasons for success and fail- Conférences d’enseignement 1996. In : Cahiers d’en- polaire ascendant avec des clous élastiques. Nouv
ure. Clin Orthop 1994 ; 307 : 18-26 seignement de la SOFCOT. Paris : Expansion Scienti- Presse Méd 1978 ; 7 : 4041-4043
fique Française, 1996 : 57-66
[5] Esser RD. Ostéosynthèse par plaques des fractures à [16] Vives P, Lestang M, Landi N, Robbe M. Le traitement
trois et quatre fragments. Conférences d’enseignement [11] Neer CS. Displaced proximal humerus fractures. Part des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus
1996. In : Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Pa- 1: classification and evaluation. J Bone Joint Surg par embrochage en faisceau par voie épicondylienne.
ris : Expansion Scientifique Française, 1996 : 81-87 1970 ; 52A : 1077-1089 Lille Chir 1976 ; 31 : 21-24
page 9
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-300
44-300
page 2
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : 44-300
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
A B C D
2 Préparations anatomiques montrant l’adaptation des plaques d’ostéosynthèse C. Pour une fracture du quart distal, la plaque ne repose que sur l’arête distale et
aux corticales humérales. doit être façonnée.
A. Plaque sur face antérolatérale pour fracture du tiers proximal. D. Bonne adaptation de la plaque à la face postérieure de la diaphyse humérale
B. Difficulté d’adaptation en raison de la taille des plaques droites standards ou basse.
pour fémur (modèle AO) au tiers distal.
page 3
44-300 CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : Techniques chirurgicales
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
des raisons médicolégales. Encore faut-il avec soin avoir décrit ce temps
opératoire dans le compte-rendu : sinon tous les doutes (et les reproches)
sont permis ; des cas de nerf radial serré entre plaque et os ont été
décrits ! La technique est rigoureuse, ne souffre pas d’improvisation et
impose une expérience certaine. Sinon elle expose au démontage et à la
pseudarthrose.
Les indications privilégiées des ostéosynthèses par plaque sont les
fractures du quart distal, celles avec paralysie radiale où une rupture du
tronc nerveux est crainte [1], les fractures transversales, le coude flottant.
Ostéosynthèses centromédullaires
Les ostéosynthèses centromédullaires humérales sont diverses, tant dans
5 Fracture du quart distal spiroïde à coin de torsion. Difficultés d’adaptation de la
leur conception biomécanique que par leur voie de pénétration
plaque ; plaque courte posée sur l’arête latérale mais montage stable grâce à une vis
à compression indépendante de la plaque. humérale. Elles ont en commun le principe du foyer fermé et son
corollaire, le contrôle radiologique peropératoire.
peut être posée en la modelant frontalement. Sa rigidité empêche de
s’adapter au déjettement antérieur diaphysaire. Il est alors difficile de Enclouage centromédullaire
respecter la règle des trois prises corticales en dessous du foyer. Mais on
peut obtenir encore un montage stable avec seulement deux corticales • Principes généraux
en aval du foyer et, si le foyer s’y prête, une ou plusieurs vis L’enclouage centromédullaire a vu ces dernières années augmenter ses
indépendantes en compression (fig 5). applications depuis l’apport du verrouillage, et grâce à un matériel
Ainsi, la plaque a pour avantage exclusif de s’adresser à la plupart des spécifique [8], adapté à l’anatomie brachiale (fig 6). Ils se distinguent par
types et niveaux lésionnels. Chaque tiers diaphysaire est leur système de verrouillage et leur technique de mise en place, antéro-
préférentiellement abordé par une des trois principales voies d’abord. ou rétrograde. Le clou de Seidel [31] creux, sans fente, se verrouille en
D’autres sont possibles : Judet a décrit une voie antéromédiale, avec proximal par deux vis et distalement par un système spécifique de palette
isolement du pédicule vasculaire, du médian et du nerf ulnaire. Elle s’ouvrant dans la cavité médullaire à partir d’un vissage longitudinal
permet d’atteindre toute la moitié distale de la diaphyse humérale. Les effectué au point d’introduction trochitérien (fig 7). D’autres clous
inconvénients des ostéosynthèses directes demeurent l’effet iatrogène comportent un verrouillage proximal et distal uniquement par vis : clou
sur le radial lors de la mise en place mais aussi de l’ablation de la plaque de Grosse et Kempf modifié [18], clou de Russel-Taylor [27]. Ce matériel
et le risque septique [6]. En fait, ce nerf est surtout en danger pour l’abord peut être aussi introduit en distoproximal (fig 8). Le clou de Marchetti
du tiers moyen, lors des manipulations de réduction, de la pose de la comporte une courte portion distale verrouillable surmontée d’un
plaque et du méchage au moteur. Certains estiment que « le voir c’est le faisceau de broches, remplissant la cavité médullaire et divergeant dans
paralyser », il est donc prudent de le neurolyser, ne serait-ce que pour le spongieux métaphysoépiphysaire proximal.
page 4
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : 44-300
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
page 5
44-300 CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : Techniques chirurgicales
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
Tableau II. – Principales séries de fractures récentes de la diaphyse humérale traitées par enclouage verrouillé.
Seidel [31] SE 30 0 - -
Rommens [27] RT 39 2 14 92 % 87 %
SE : clou de Seidel ; RT : clou de Russel-Taylor ; GK : clou de Grosse et Kempf modifié.
Tous les clous de Seidel ont été mis en place à partir de l’épaule et une partie des clous de Russel-Taylor et des clous de Grosse et Kempf ont été enfoncés en distoproximal. Le nombre total est de 200 ; celui des
pseudarthroses de 10, soit 5 % ; mais sept d’entre elles sont issues de la même série.
Embrochage fasciculé
• Principes généraux
L’embrochage fasciculé, décrit il y a plus de 30 ans par Hackethal,
s’applique parfaitement à la diaphyse humérale. Cette technique
d’ostéosynthèse centromédullaire à foyer fermé stabilise la diaphyse
grâce à un contact interfragmentaire étroit, l’autoblocage mutuel d’un
nombre maximal de broches endomédullaires, leur divergence
métaphysoépiphysaire proximale dans l’os spongieux céphalique et
l’obstruction de la fenêtre d’entrée corticale distale. C’est une solution
simple et peu coûteuse pour fixer les fractures humérales. Dans des
mains expertes et entraînées, l’embrochage consolide la fracture en 8 à
9 semaines ½ (tableau III). Les performances biomécaniques de
l’embrochage apparaissent modestes [17]. Le mode d’ostéogenèse est
proche de celui après traitement orthopédique caractérisé par un cal
9 Abord proximal pour périosté important.
enclouage.
L’incision cutanée est soit Ses indications privilégiées sont les fractures du tiers proximal, les
antéropostérieure, soit ra- fractures bifocales (fig 11), les fractures à coin de flexion ou de torsion
diaire, mais selon le même étendues, les lésions étagées du membre supérieur (fig 12). Pour
repère osseux : le bord laté- d’autres [5, 14] c’est l’ostéosynthèse de routine de la plupart des fractures
ral de l’acromion.
diaphysaires.
• Technique opératoire
Au plan technique, plusieurs variantes sont possibles, tant sur
l’utilisation de matériel que de la voie d’abord. Le principe reste
cependant le même, à savoir une réduction du foyer fermé sous contrôle
10 Points d’introduction proximale du de l’amplificateur de brillance et d’un abord distal de la cavité
clou centromédullaire. médullaire. L’installation peut se faire en décubitus latéral bras reposant
Le Point 1 est recommandé par Seidel, sur une table radiotransparente, amplificateur placé à la tête du patient ;
intra-articulaire, dans le prolongement décubitus latéral, mais avec son faisceau horizontal [11] ; décubitus
de la cavité médullaire.
Le Point 2 est conseillé par Kempf, dorsal, bras en traction verticale par broche transolécrânienne, épaule en
extra-articulaire au sommet du tro- antépulsion et coude fléchi [14]; enfin, décubitus ventral, bras pendant
chiter. Russel recommande une posi- hors d’une courte tablette.
tion intermédiaire, au bord médial du
trochiter. L’abord de la cavité médullaire peut se faire au-dessus de la fossette
olécrânienne ou des apophyses latérale ou médiale. L’abord olécrânien est
celui décrit par Hackethal. Il est mené par une incision médiane
postérieure, 2 cm au-dessus de la pointe de l’olécrâne, sur 4 à 5 cm en
incisant longitudinalement le tendon du triceps. Une pointe carrée dirigée
vers le haut et le plus tangentiellement possible pénètre dans la cavité
main pendants [18] ou bien en décubitus dorsal, épaule en antépulsion et
médullaire. Cet orifice d’entrée (fig 13) est agrandi à la pince gouge ; il
coude fléchi au maximum pour dégager sa face postérieure. L’abord de
est ovalaire et mesure 2 cm sur 1, son extrémité inférieure reste à 2 cm
la cavité médullaire se fait par une incision transtricipitale médiane sus-
au-dessus de la fossette olécrânienne. Le nerf radial est loin à plusieurs
olécrânienne. On dissocie les fibres du triceps pour dégager la face
centimètres en haut et en dehors, le nerf cubital est plus proche.
postérieure de la diaphyse, 2 à 3 cm au-dessus de la fossette
olécrânienne. Le point d’entrée dans la cavité est d’abord marqué à la L’abord épicondylien se fait par une incision longitudinale strictement
pointe carrée, strictement médian, méché uniquement au niveau de la centrée sur le relief de cette apophyse, les muscles épicondyliens sont
corticale postérieure, agrandi au poinçon en direction distoproximale. Il désinsérés sur quelques millimètres ; on pénètre dans la cavité médullaire
permet l’introduction du guide alésage dont le trajet à travers le foyer en dirigeant la pointe carrée obliquement à 45° vers le haut et légèrement
réduit est suivi par l’amplificateur. L’alésage est supérieur de 1 ou en arrière par un point d’entrée juste situé au-dessus de l’apophyse ;
1,5 mm au diamètre du clou choisi. Celui-ci est enfoncé après un choix l’orifice est ensuite agrandi aux dépens de l’arête postérolatérale [11] de la
précis de sa longueur puisqu’il doit être affleurant à l’orifice palette humérale (fig 14). Dans la voie épicondylienne latérale, le nerf
d’introduction distal et s’impacter dans l’épiphyse proximale. Le radial est loin. Dans l’abord épitrochléen qui se fait selon le même
verrouillage distal est réalisé en premier, à « main levée », après repérage principe, le nerf cubital est en revanche très proche.
de l’orifice postéroantérieur du clou et méchage de son trajet. Une, ou La condition obligatoire du déroulement de cette intervention reste la
mieux, deux vis assurent le verrouillage proximal, placées de la même réductibilité à foyer fermé de la fracture. Une fois celle-ci obtenue et
manière à travers de courtes incisions. maintenue soit par l’aide opératoire soit par la table orthopédique et la
page 6
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : 44-300
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
Tableau III. – Fractures récentes de la diaphyse humérale traitées selon Hackethal.
Comparaison des séries de la littérature.
A B C
11 A. Fracture des deux diaphyses humérales chez une polytraumatisée avec contusion thoracique sévère. La fracture diaphysaire droite est bifocale.
B. Enclouage selon Hackethal par voie sus-épicondylienne en urgence. Excellente stabilité du montage : les broches remplissent la cavité médullaire et divergent en
proximal.
C. Consolidation en 3 mois. Excellent résultat clinique.
fenêtre d’entrée réalisée, l’embrochage se fait de distal à proximal. Le diaphysaire. À la distalité, les fiches peuvent être postéroantérieures,
contrôle par l’amplificateur de brillance permet de vérifier le passage du transtricipitales ou latérales, parallèles au groupe proximal, sus-
foyer de fracture et la divergence céphalique des broches. Des broches épicondyliennes, fixées dans le bord latéral du pilier de la palette.
de Kirschner de gros diamètre peuvent être utilisées ou bien un matériel Chaque fiche nécessite un très court abord cutané.
spécifique [11]. Le remplissage endomédullaire doit être complet, au Divers montages sont possibles, liés en fait au type de fixateur posé. De
besoin par des broches qui ne franchissent pas le foyer de fracture. Les Bastiani [10] recommande un montage strictement latéral, parallèle à la
broches doivent être coupées au ras de la fenêtre d’introduction diaphyse grâce à deux groupes de fiches ; Lenoble [21] préconise un
corticale : il faut trouver un compromis entre les possibilités d’extraction montage par fixateur de Hoffmann avec barres obliques appuyées sur un
future et l’absence de conflit avec les parties molles. groupe proximal de fiches frontales latéromédiales et distal de fiches
sagittales antéropostérieures.
Fixation externe
Technique opératoire
Principes généraux
Le patient est installé en décubitus dorsal, bras appuyé sur une table
Classiquement réservée aux lésions largement ouvertes, la fixation radiotransparente, épaule légèrement déjetée en dehors. L’amplificateur
externe a été aussi appliquée aux fractures fermées diaphysaires [10]. Les de brillance est disposé à la tête du patient. En cas de lésion ouverte, le
nouveaux fixateurs externes à fiches volumineuses non transfixiantes parage chirurgical est le premier temps opératoire. Les fiches proximales
possèdent une fiabilité de prise proximale et distale, une rapidité de pose, sont placées en premier, puis la réduction est faite, permettant
un risque faible de transfixion vasculaire ou nerveuse. Les indications d’apprécier la position du groupe de fiches distales, enfoncées dans un
correspondent à des cas bien particuliers : polytraumatisé, fracture deuxième temps. Enfin, le ou les barres d’union relient les deux groupes
largement ouverte (fig 15) [5, 21]. Les résultats rapportés dans la littérature de fiches ; la modularité du fixateur doit permettre d’améliorer la
sont satisfaisants, quoique faisant état d’un délai plus important pour réduction, avant de réunir solidement les deux groupes de fiches.
obtenir la consolidation (tableau IV). Les fiches proximales sont au nombre minimal de deux pour un
La zone d’insertion des fiches ne peut se faire à l’humérus que sur sa Orthofix, de trois ou quatre pour un Hoffmann. La plus proximale est
face latérale et/ou postérieure. À la partie proximale, la zone d’insertion placée perpendiculairement à la face externe de l’humérus, quatre
est latérale, par des fiches non transfixiantes perpendiculaires à l’axe travers de doigt sous le relief de l’acromion. Il est souhaitable de repérer
page 7
44-300 CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : Techniques chirurgicales
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
A B C
12 A. Fracture étagée de l’humérus, diaphyse et palette humérale. C. Consolidation en 4 mois. Excellent résultat clinique.
B. Ostéosynthèse des deux lésions : double plaque pour la palette et embrochage
selon Hackethal.
page 8
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : 44-300
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
A B A B
15 A. Accident de la voie publique (« bras de portière ») ; importante perte de 16 A. Pseudarthrose après enclouage fasciculé en raison d’un remplissage diaphy-
substance du coude et de la partie basse du bras. Coude flottant : fracture saire partiel et d’un écart interfragmentaire.
diaphysaire basse humérale et antébrachiale avec luxation de la tête radiale. B. Consolidation par plaque DCP et greffe autologue corticospongieuse.
Traitement en urgence : fixateur externe diaphysaire huméral et cubital, ostéo-
synthèse par plaque du radius.
B. Consolidation en première intention de la diaphyse humérale par fixateur
axial dynamique, couverture par lambeau de grand dorsal. Noter l’échec de Enclouage verrouillé
réduction de la luxation de la tête radiale. Raideur du coude.
Les expériences du traitement des pseudarthroses par enclouage
centromédullaire sont encore récentes et restreintes. Cependant,
L’ostéosynthèse par plaque et greffon spongieux autologue reste la certaines indications de l’enclouage verrouillé peuvent être identifiées :
technique de loin la plus utilisée [15, 23, 28]. L’acquisition plus récente du pseudarthrose hypertrophique correctement alignée après embrochage
clou verrouillé représente une alternative. de Hackethal, instable ; pseudarthrose itérative multiopérée (fig 18) ;
pseudarthrose après fixation externe (fig 19).
Plaque avec autogreffe
Pseudarthrose septique
Le foyer de pseudarthrose est abordé selon les mêmes principes de
l’ostéosynthèse des fractures récentes. Il devient ici indispensable Les pseudarthroses infectées de la diaphyse humérale doivent être
d’utiliser une plaque large et surtout trois, ou mieux, quatre vis gérées en deux temps opératoires distincts.
d’excellente prise au-dessus et au-dessous du foyer. Si le foyer est Le premier temps comporte le nettoyage et le parage du trajet
transversal, ou rendu transversal grâce à sa recoupe, une plaque à fistuleux et du foyer, l’ablation de tout matériel d’ostéosynthèse,
autocompression ou l’utilisation du tendeur de plaque renforcent la sous couvert d’une antibiothérapie adaptée. La stabilisation du foyer
stabilité du foyer (fig 16). L’abord est ainsi nécessairement plus extensif est assurée par un fixateur externe. Il est parfois possible d’exciser
et impose la neurolyse du radial. En présence d’une ostéosynthèse suffisamment d’os pour obtenir un foyer globalement transversal et
directe déjà posée, il faut reprendre le même abord (fig 17). La mis sous compression par le fixateur. Les problèmes de couverture
décortication de Judet est techniquement difficile et surtout peu réaliste cutanée ne se posent que très rarement, faisant appel aux procédés
en raison des rapports dangereux et de la présence d’un tissu fibreux de chirurgie plastique.
autour du foyer. Le deuxième temps n’est envisagé qu’une fois l’infection jugulée et
Cette méthode de traitement des pseudarthroses diaphysaires a fait la la cicatrisation cutanée obtenue. Il n’est pas toujours obligatoire car
preuve de son efficacité (tableau V) ; elle est applicable à tous les types la consolidation est possible sous le seul effet du fixateur (fig 19).
de pseudarthroses aseptiques mais elle comporte des indications L’apport osseux est effectué par une voie d’abord vierge. Le fixateur
préférentielles : présence d’une paralysie radiale, siège très proximal ou (fig 20) peut être maintenu ou remplacé par une plaque ou un clou
au contraire distal de la pseudarthrose, écart et/ou déplacement verrouillé. Quelques cas d’utilisation de la méthode d’Ilizarov ont été
important du foyer. rapportés.
Tableau IV.
page 9
44-300 CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : Techniques chirurgicales
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
Tableau V. – Principales séries de pseudarthroses aseptiques diaphysaires
humérales traitées par ostéosynthèses directes et autogreffe.
Traitement Consolidation
Auteurs Nombre de cas initial en première
intention
Barquet 25 21 orthopédiques 24
(J Trauma 1989 ;
29 : 95)
4 chirurgicaux
Healy 26 19 orthopédiques 24
(Clin Orthop
1987 ; 219 : 206)
6 chirurgicaux
1 fixateur externe
A B
17 A. Pseudarthrose septique après plaque ; arrachement des vis proximales.
B. Consolidation par plaque plus longue et greffe iliaque.
Cas particuliers
Métastases
La chirurgie des métastases diaphysaires n’est que palliative ; elle doit
donner une stabilité immédiate en utilisant soit une ostéosynthèse
endomédullaire, soit une plaque avec éventuellement comblement de
l’ostéolyse par du ciment [13, 32]. Le scellement nécessite un abord direct, un
curetage du foyer tumoral et son injection sous contrôle de la vue et
protection des éléments vasculonerveux : ce geste demeure hémorragique,
non dénué de conséquences hémodynamiques, et doit être discuté en
fonction de l’état général du patient. La radiothérapie postopératoire
fréquemment indiquée ne peut être entreprise qu’après parfaite cicatrisation
cutanée : cet argument pousse à des ostéosynthèses endomédullaires ne
réclamant qu’un abord court à distance du foyer métastatique.
Au stade préfracturaire, la plupart des auteurs recommandent la fixation
A B préventive endomédullaire qui assure une stabilisation de l’ensemble de la
18 A. Fracas diaphysaire du tiers moyen de l’humérus : en urgence, embrochage diaphyse. Les modalités techniques sont variables : embrochage, clou
fasciculé. verrouillé.
B. Consolidation après changement d’ostéosynthèse (clou de Seidel) et trans- En présence d’une fracture pathologique, les techniques endo-
fert microchirurgical de péroné vascularisé.
médullaires restent applicables ; en cas d’irréductibilité du foyer ou de
page 10
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : 44-300
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
A B C
manière systématique, elles peuvent être renforcées par du ciment. Les Malgré les progrès récents dans le domaine des
ostéosynthèses par plaque sont à envisager en cas de lésions fracturaires ostéosynthèses, il faut se rappeler que le traitement
situées au quart proximal ou au quart distal de la diaphyse. orthopédique d’une fracture diaphysaire humérale non
compliquée est simple, peu coûteux, non iatrogène et efficace.
Coude flottant et lésions osseuses étagées du membre supérieur Mais l’ostéosynthèse a des indications incontournables :
L’association fracturaire brachioantébrachiale doit faire l’objet d’une polytraumatisé, traumatisme étagé du membre supérieur,
ostéosynthèse plurifocale [26]. À l’avant-bras, la fixation par plaque est fractures ouvertes, métastases. Les quatre méthodes
la plus utilisée ; pour la diaphyse humérale, on fait appel au même type chirurgicales de la traumatologie (plaque, clou, embrochage,
de matériel. Il est préférable de commencer par fixer l’humérus (fig 21). fixateur externe) sont applicables ; toutes exigent une grande
L’enclouage ou l’embrochage gardent leurs défenseurs. rigueur technique. La pseudarthrose apparaît souvent
secondaire à une erreur thérapeutique ; elle est guérissable
• par une ostéosynthèse stable et un apport osseux.
• •
page 11
44-300 CHIRURGIE DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE : Techniques chirurgicales
VOIES D’ABORD, TECHNIQUES OPÉRATOIRES
A B
21 A. Coude flottant, associant une fracture diaphysaire humérale basse à coin B. Consolidation par plaque posée en urgence.
de flexion et une fracture diaphysaire distale des deux os de l’avant-bras.
Références
[1] Alnot JY, Le Reund D. Les lésions traumatiques du [12] Dufour O, Beaufils P, Ouaknine M, Vives P, Perreau M. [22] Muller ME, Allgower M, Schreider H, Willenegger H.
tronc du nerf radial au bras. Rev Chir Orthop 1989 ; Traitement fonctionnel des fractures récentes de la Manuel d’ostéosynthèse. Technique AO. Berlin : Sprin-
75 : 433-442 diaphyse humérale par la méthode de Sarmiento. Rev ger Verlag, 1980
[2] Bauer R, Kerchbaumer P, Poisel S. Voies d’abord en Chir Orthop 1989 ; 75 : 292-300 [23] Muller ME, Thomas RT. Treatment of non union in frac-
chirurgie orthopédique et traumatologique. Paris : Mas- tures of long bones. Clin Orthop 1979 ; 138 : 141-153
[13] Duparc J, Decoulx J. Le traitement des métastases os-
son, 1978 : 91-114 seuses. Paris : Masson, 1976 [24] Riemer BL, Dambrosio R. The risk of injury to the axil-
lary nerve, artery, and vein from proximal locking
[3] Bezes H. De l’intérêt à synthéser par plaque vissée bon screws of humeral intramedullary nails. Orthopedics
[14] Gayet LE, Muller A, Pries P, Merienne JF, Brax P, Soyer
nombre de fractures de la diaphyse humérale. À pro- 1992 ; 15 : 697-699
J et al. Fractures de la diaphyse humérale : place de
pos de 246 synthèses. Int Orthop 1995 ; 19 : 16-25
l’embrochage fasciculé selon Hackethal. À propos de [25] Robinson CM, Belle KM, Court-Brown CM, Mac Queen
[4] Bonnel F, Mansat M, Villa MA, Rabichong P, Allieu Y. 129 cas. Rev Chir Orthop 1992 ; 78 : 13-22 MM. Locked nailing of humeral shaft fractures. Experi-
Anatomical and histological basis of surgery to the ra- ence in Edinburg over a two-year period. J Bone Joint
dial nerve. Anat Clin 1982 ; 3 : 229-238 [15] Gerard Y, Amiel M, Pierson A, Charfi F. Pseudarthrose Surg Br 1992 ; 74 : 558-562
de la diaphyse humérale. À propos de 58 observations.
[5] Bonnevialle P. Fractures récentes et anciennes de la [26] Rogers JF, Benett JB, Tullos HS. Management of con-
Chirurgie 1991 ; 117 : 263-269 comitant ipsilateral fractures of the humerus and fore-
diaphyse humérale. In: Cahiers d’Enseignement de la
SOFCOT. Paris : Expansion Scientifique, 1996 : 79-96 [16] Heim D, Herkert F, Hess P, Ragazzoni P. Surgical treat- arm. J Bone Joint Surg Am 1984 ; 66 : 552-556
[6] Bostman O, Bakalinm G, Vainionpaa S, Willila E, Pa- ment of humeral shaft fractures. The basel experience. [27] Rommens PP, Berbruggen J, Broos PL. Retrograde
tiaia H, Rokknen P. Radial palsy in shaft fracture of the J Trauma 1993 ; 35 : 226-232 locked nailing of humeral shaft fractures. J Bone Joint
Surg Br 1995 ; 77 : 84-89
humerus. Acta Orthop Scand 1986 ; 57 : 316-319 [17] Henley MB, Monroe M, Tencer AF. Biomechanical com-
[28] Rosen H. The treatment of non unions and pseudart-
[7] Bousquet G, Colas M, Chambat P, Bascoulergues B. parison of methods of fixation of a midshaft osteotomy hroses of the humeral shaft. Orthop Clin 1990 ; 21 :
La voie postéro-interne dans les fractures du tiers of the humerus. J Orthop Trauma 1991 ; 5 : 14-20 725-742
inférieur-tiers moyen de l’humérus. Rev Chir Orthop
[18] Ingman AM, Wateres DA. Locked intramedullary [29] Sarmiento A, Kinman PB, Galvin EG, Schmitt RH,
1977 ; 63 (suppl II) : 131-133 Phillips JG. Functionnal bracing of the shaft of the hu-
nailing of humeral shaft fractures. Implant desing, sur-
[8] Brumback RJ. The rationales of interlocking nailing of gical technique and clinical results. J Bone Joint Surg merus. J Bone Joint Surg Am 1977 ; 59 : 596-601
the femur, tibia, and humerus. Clin Orthop 1996 ; 324 : Br 1994 ; 76 : 23-29 [30] Schopfer A, Hearn C, Malisano L, Powell JN, Keallam
292-320 JF. Comparison of torsionnal strengh of humeral in-
[19] Kempf I, Heckel TH, Pidhorz LE, Taglang G, Grosse A. tramedullary nailing : a cadaveric study. J Orthop
[9] Dalton JE, Salkeld SL, Satterwhitte YE, Cook JD. A bio- L’enclouage verrouillé selon Seidel des fractures
mechanical comparison of intramedullary nailing sys- Trauma 1994 ; 8 : 414-421
diaphysaires humérales. Rev Chir Orthop 1994 ; 80 :
tems for the humerus. J Orthop Trauma 1993 ; 17 : [31] Seidel H. Traitement des fractures de l’humérus à l’aide
5-13 du clou verrouillé. In: Cahiers d’Enseignement de la
367-374
[20] Kempf I, Meyrueis JP. La fixation d’une fracture doit- SOFCOT. Paris : Expansion Scientifique Française,
[10] De Bastiani G, Aldegheri R, Renzi Brivio L. The treat- 1990 ; 39 : 55-59
ment of fractures with a dynamic axial fixator. J Bone elle être rigide ? Symposium SOFCOT. Rev Chir Or-
thop 1983 ; 69 : 337-380 [32] Vail P, Harrelson JM. Treatment of pathologic fracture
Joint Surg Br 1984 ; 66 : 538-545
of the humerus. Clin Orthop 1991 ; 268 : 197-202
[11] De la Caffiniere JY, Kassab G, Ouldouali A. Traitement [21] Lenoble E, Terracher R, Kessi M, Goutallier D. Traite- [33] Zimmerman MC, Waite AM, Deehan M, Tovey J, Open-
des fractures de la diaphyse humérale de l’adulte par ment des fractures diaphysaires de l’humérus par fixa- heim W. A biomechanical analysis of four humeral frac-
embrochage centro-médullaire. Technique opératoire teur externe de Hoffmann. Rev Chir Orthop 1993 ; 79 : ture fixation systems. J Orthop Trauma 1994 ; 8 :
et indication. Rev Chir Orthop 1988 ; 74 : 771-777 606-614 233-239
page 12
Chirurgie des lésions tendineuses du coude
Résumé
Seule « l'unité de lieu » justifie le regroupement, dans un même chapitre, des traitements
chirurgicaux des lésions tendineuses du coude, tant celles-ci sont diverses, par leurs natures ou leurs
localisations, nécessitant, de ce fait, des voies d'abord appropriées et des techniques chirurgicales
adaptées au type même de la lésion. Toutefois, elles ont comme autre élément commun, celui d'être,
presque toujours, la conséquence de phénomènes dégénératifs par hyperutilisation, qu'elle soit
sportive ou professionnelle. Ainsi peuvent s'observer des tableaux de rupture tendineuse ou de
tendinopathie d'insertion. Du fait de leur très large prédominance, par argument de fréquence, et des
indications chirurgicales qu'elles peuvent entraîner, nous consacrerons l'essentiel de ce travail aux
ruptures du tendon du biceps brachii et aux épicondylalgies.
Plan
Chirurgie des ruptures tendineuses
Chirurgie des tendinopathies d'insertion
Haut de page
Chirurgie des ruptures tendineuses
Il s'agit, toujours ou presque, d'une véritable avulsion au niveau de la tubérosité bicipitale du radius,
ne laissant, sur celle-ci, au maximum, que quelques reliquats de fibres dilacérées. Ce sont des
lésions rares (3 % environ de la totalité des ruptures des tendons du biceps), mais, au contraire des
ruptures proximales, ces désinsertions inférieures relèvent d'une indication opératoire peu discutable
compte tenu des séquelles que laisserait une forme non traitée.
Cependant, deux types de techniques s'opposent avec leurs avantages et leurs inconvénients
respectifs :
- la fixation du tendon rompu aux structures immédiatement voisines, surtout le brachialis (brachial
antérieur), intervention facile, sans danger neurologique, mais ne restaurant que la fonction de
fléchisseur de l'avant-bras du biceps, sans restaurer sa fonction supinatrice ;
- la réinsertion du tendon sur la tubérosité bicipitale du radius, intervention à visée anatomique, donc
fonctionnelle, plus ambitieuse mais beaucoup plus difficile et comportant un risque neurologique
potentiel non négligeable.
Quel que soit le procédé utilisé, l'intervention se déroule selon le même protocole.
Installation de l'opéré
Incision cutanée en baïonnette, branche supérieure dans la gouttière bicipitale interne, longue de 4
ou 5 cm, branche transversale dans le pli du coude, longue également de 4 cm environ et branche
inférieure, le long du bord interne du brachio radialis (long supinateur), égale à la branche supérieure.
Il faut veiller à bien arrondir les angles et à tenir la lame du bistouri parfaitement perpendiculaire pour
ne pas obtenir de lambeaux cutanés en biseau. Les veines superficielles sont réclinées et les
rameaux du musculocutané en dehors et du brachial cutané interne en dedans sont respectés.
Incision du plan aponévrotique.
On prend contact avec le bord interne du biceps, à la partie haute de l'incision, ce qui permet de
libérer progressivement le tendon rompu, passant ainsi entre tendon et paquet vasculonerveux
(artère et veines humérales et nerf médian), qui est récliné en dedans. L'artère récurrente radiale,
transversale, doit être, habituellement, ligaturée.
Le tendon du biceps brachii, après libération, est récliné vers le haut et le dehors, et, en profondeur,
apparaît la face antérieure du brachialis et de son tendon terminal. On le dissèque sur toute sa face
antérieure, jusqu'à son insertion inférieure sur la face antérieure de l'apophyse coronoïde du cubitus.
Techniques de fixation
Elles sont variables et se réalisent le coude positionné en légère flexion par un rouleau de champs
placé sous la face postérieure de l'avant-bras.
- La plus simple (fig. 2) semble avoir été décrite pour la première fois par Schmieden en 1928. Elle
consiste simplement en l'adossement du tendon terminal du biceps brachii sur la face antérieure du
tendon du brachialis après remise en tension, assurée grâce à des fils tracteurs. La suture est
réalisée par une série de points latéraux aux fils à résorption lente.
- Plummer, en 1937, a proposé la réinsertion cubitale transosseuse grâce à deux tunnels forés,
d'avant en arrière, dans le cubitus juste en avant et en dehors de l'insertion inférieure du brachialis,
avec une petite contre-incision postérieure en regard de l'orifice des tunnels. Les extrémités des fils
de laçage faufilés dans le tendon rompu sont passées dans les tunnels et nouées sur le pont osseux.
- Enfin, le procédé le plus connu est celui décrit par Dobbie en 1941 [9] (fig. 3). Le tendon distal du
biceps est divisé longitudinalement en deux languettes égales sur une hauteur de 10 cm environ. Les
extrémités en sont régularisées et faufilées de fils tracteurs. Le tendon du brachialis est libéré sur ses
bords latéraux et sa face profonde, puis une fente verticale est pratiquée près de son insertion
coronoïdienne. Chacune des languettes bicipitales contourne latéralement les bords du brachialis,
d'avant en arrière, puis est repassée vers l'avant à travers la fente verticale du brachialis. Après mise
en tension équilibrée, les deux languettes sont suturées entre elles et au tendon du brachialis, et
l'espace restant entre les deux languettes, à la face antérieure du tendon du biceps brachii, suturé
également au fil à résorption lente.
La plaie opératoire est refermée sur drainage aspiratif après suture de l'aponévrose antibrachiale.
L'immobilisation postopératoire est assurée par une attelle postérieure maintenant le coude en flexion
à 90° pour 3 ou 4 semaines, avec mobilisation passive douce quotidienne se limitant, vers
l'extension, en fonction des constatations effectuées en peropératoire.
Installation, voie d'abord et exposition sont les mêmes que ce qui a déjà été décrit.
Le tendon terminal du biceps brachii est régularisé et faufilé par un laçage de fil non résorbable ou à
résorption lente, selon le choix de l'opérateur.
Le trajet jusqu'à la tubérosité radiale est retrouvé par dissection progressive au dissecteur mousse en
passant entre le bord interne du brachio-radialis et le bord externe du pronator teres (rond pronateur).
En plaçant l'avant-bras en supination forcée, la tubérosité radiale apparaît dans le fond du champ. Sa
libération progressive se fait prudemment, le supinator radii (court supinateur) protégeant la branche
postérieure motrice du radial. Dans la mesure où la dissection ne porte pas sur le col du radius, le
risque nerveux est limité [20]. La surface de la tubérosité est avivée avant de réaliser la réinsertion.
Deux écarteurs à bec fin, glissés très prudemment le long du col du radius, permettent une bonne
exposition.
- Sterling Bunnel a proposé la technique du « pull out » (fig. 4). Le fil d'extraction est passé dans la
boucle supérieure du laçage et ressort par un orifice unique à la face antérieure du bras par le trajet
le plus court et le plus direct possible. Deux tunnels transosseux sont forés à la petite mèche d'avant
en arrière dans le radius à partir de la tubérosité. Les fils du laçage sont passés à travers les tunnels
grâce à un petit passe-fil mousse.
- En traversant, à l'aveugle, la loge postérieure, ils sont rattrapés à la face postérieure de l'avant-bras
et noués sur bouton. Grâce au fil extracteur, le laçage sera retiré vers la 6e semaine.
- La réinsertion par vis sur rondelle n'offre certainement pas toute garantie de sécurité.
- Witvoet [21] a proposé le forage des tunnels transosseux à travers la seule tubérosité bicipitale,
réalisable grâce à la mobilisation peropératoire de l'avant-bras (fig. 5).
- La mise en pronation forcée permet de découvrir la partie antérieure de la tubérosité et d'amorcer
les deux tunnels par un forage transcortical à la mèche ou à la petite pointe carrée.
- Puis la mise en supination forcée découvre la partie postérieure de la tubérosité et deux trous sont
faits. Les tunnels sont ensuite constitués progressivement, à l'aide de petits crochets ou pinces, en
prenant garde à ne pas fragiliser le couvercle osseux. A la petite aiguille de Reverdin ou au passe-fil
mousse, les deux extrémités du laçage sont passées dans les tunnels. Le coude étant fléchi, les fils
sont noués sur le pont osseux. Des points complémentaires fixent le tendon au périoste et, si elle est
rompue, l'expansion aponévrotique est suturée.
- Barnes [2] propose l'utilisation de l'ancre à os Mitek® (fig. 6) pour la réinsertion transosseuse directe
qui facilite beaucoup la réalisation de l'intervention. L'avant-bras étant en supination, trois trous sont
forés à la mèche de 2,4 à travers la corticale proximale, près de la tubérosité bicipitale, et la surface
avoisinante est avivée à l'ostéotome. Trois ancres Mitek®, taille 2, portant chacune un fil non
résorbable, sont passées grâce à l'inserteur spécial dans l'orifice cortical et se bloquent à l'intérieur
du canal médullaire après avoir repris leur forme. Le coude est fléchi à angle droit, les fils sont
faufilés dans le tendon et, celui-ci ramené au contact de l'os, les fils sont noués.
- Les nouvelles ancres sont en titane et l'arc, en alliage nickel-titane. Dans les présentations
actuelles, l'ancre conseillée est la taille 3 et la mèche pour forer l'orifice de diamètre 2,9.
- D'autres techniques utilisent une plastie grâce à une bandelette de fascia lata.
- Kalnberzs et Veisman, cités par Hovelius [11], ont proposé de prélever une bandelette de 10 cm2
environ et de la fixer par une extrémité sur le tendon du biceps brachii. Puis, le col du radius étant
prudemment libéré, (mais c'est là un geste dangereux et risqué vis-à-vis de la branche postérieure du
nerf radial), la bandelette est attirée par deux fils tracteurs faufilés dans la plastie, autour du col et
refixée à elle-même et au tendon bicipital, le coude étant en flexion.
- Wagner [20], reprenant une idée originale de Michèle, a décrit une technique (fig. 7) utilisant une
plastie de fascia lata de « 1 pouce de large sur 7 à 8 pouces de longueur ». Un noeud est fait à la
partie moyenne et plusieurs points de renforcement forment un véritable renflement médian. Un trou
unicortical est foré dans la partie la plus interne et la plus postérieure possible de la tubérosité
radiale, à la mèche de 4,5 mm. Puis un second trou unicortical est foré, 5 mm plus proximal à la
mèche de 1,5 mm, et le pont cortical entre les deux est enlevé de telle sorte que l'orifice ressemble à
un trou de serrure. La partie renflée du transplant est entrée à force dans la partie large, basse, du
trou, puis bloquée dans la partie supérieure étroite, assurant un amarrage solide. Une fente
transversale est pratiquée dans le tendon terminal du biceps, à 3 ou 4 cm au-dessus de la rupture et
les deux extrémités de la bandelette de fascia lata sont passées pour s'y croiser en sens inverse,
puis sont mises en tension, ce qui abaisse le tendon au contact de l'os. Plusieurs points de fil à
résorption lente fixent les bandelettes au tendon, de façon très aisée puisque à distance de la
tubérosité.
- A notre sens, en matière de plastie au fascia lata, seule cette seconde technique peut se discuter,
mais ne trouve sa justification que pour une rupture ancienne et négligée.
Ce double abord a été décrit par Boyd et Anderson en 1961 [6], soulignant l'avantage qu'il aurait de
diminuer les risques de léser la branche motrice du nerf radial par rapport au seul abord antérieur.
- Le temps antérieur est exactement identique à ce qui a été précédemment décrit. Le tendon bicipital
est libéré, régularisé et faufilé par des fils tracteurs qui seront utilisés pour la réinsertion
transosseuse.
- Le coude est alors fléchi et l'avant-bras placé en pronation maximale (fig. 8). La seconde incision,
postéroexterne, est tracée. Elle débute en dedans du sommet de l'olécrâne, entre olécrâne et
épicondyle, et s'incurve en direction de la crête cubitale. Les muscles de la face postéroexterne de
l'extrémité supérieure du cubitus sont réclinés jusqu'à la membrane interosseuse et l'espace
radiocubital est exposé. Un dissecteur mousse permet de repérer la tubérosité radiale et de retrouver
le trajet laissé libre par le tendon bicipital rompu et rétracté faisant ainsi communiquer les deux
abords. La branche postérieure du nerf radial reste protégée par toute l'épaisseur du supinator radii.
En positionnant l'avant-bras en pronation maximale, la tubérosité radiale est exposée et un couvercle
cortical est soulevé d'arrière en avant, au petit ciseau frappé, en conservant une charnière antérieure
(fig. 8 A). Deux tunnels transosseux sont forés à la petite pointe carrée, perforant la corticale
opposée. Le tendon du biceps est passé, grâce aux fils tracteurs, à partir de la voie antérieure dans
l'espace radiocubital et rattrapé par la voie postéroexterne. Les fils tracteurs sont introduits à travers
les tunnels transosseux, mis en tension et lorsque le tendon du biceps est enfoui dans l'encoche
pratiquée dans la tubérosité, ils sont noués sur le pont osseux. La réinsertion est complétée par
plusieurs points fixant le tendon aux structures avoisinantes.
- Morrey [16] a légèrement modifié la technique (fig. 8 B) en remplaçant l'encoche pratiquée dans la
tubérosité par une excavation réalisée à la fraise.
- Les incisions sont refermées sur drainage aspiratif et l'immobilisation se fait coude à 90° et avant-
bras en légère supination. La mobilisation du coude, en passif, peut être précocement autorisée en
fonction des constatations peropératoires. La rééducation active ne peut être débutée avant la 6e
semaine, délai auquel l'immobilisation peut être levée.
Discussion et indications
Le lieu n'est pas ici de s'étendre sur le choix de la technique ni sur les indications respectives. Peut-
être peut-on simplement dire que la suture sur le brachialis et la réinsertion sur la tubérosité radiale
ont toutes deux leur place en fonction du contexte, de l'âge, du potentiel physique et des ambitions
sportives du sujet, l'intervention à visée anatomique offrant, a priori, les meilleures chances d'une
récupération fonctionnelle optimale non seulement de la force de flexion mais aussi de celle de la
supination active. Si la réinsertion sur la tubérosité radiale est choisie, le choix entre abord antérieur
seul et abord combiné, antérieur et postéroexterne, dépend des conditions locales. S'il apparaît aisé
de tout réaliser par voie antérieure seule, et sans manoeuvre risquée vis-à-vis de la branche
postérieure du nerf radial, il est parfaitement logique d'en rester là. Mais, au moindre doute, mieux
vaut recourir à l'abord combiné qui présente moins de risque neurologique. Quant au mode de
fixation, il semble que l'ancre Mitek® offre une voie intéressante par sa facilité d'emploi et sa fiabilité,
quels que soient l'abord ou la technique de réinsertion choisie.
Elles sont rares, ne représentant que 1,9 % de la totalité des ruptures tendineuses [1]. Elles peuvent
revêtir deux aspects : soit l'avulsion olécrânienne pure ou avec quelques écailles osseuses, soit la
rupture à la jonction musculotendineuse. Pour être moins absolue que pour les lésions du biceps,
l'indication chirurgicale se justifie toutefois par la qualité des résultats relevés dans la littérature.
Quel que soit le type anatomopathologique de la lésion, l'installation du blessé et la voie d'abord
postérieure sont les mêmes : anesthésie générale ou locorégionale, garrot pneumatique à la racine
du membre, décubitus latéral, support à arthrodèse sous le bras, avant-bras pendant, incision
médiane verticale (cf. Encyclopédie médico-chirurgicale, Voies d'abord du coude, 44-320).
La réinsertion s'effectue en transosseux. Les tunnels sont forés à la mèche ou à la petite pointe
carrée. Des fils non résorbables sont lacés dans le tendon, passés dans les tunnels à l'aide d'un
passe-fil ou d'une aiguille de Reverdin puis noués sur le pont osseux. Les essais de flexion
peropératoires doivent contrôler la qualité de la réinsertion et vérifier que la flexion du coude est
possible sans tension excessive. La peau est refermée sur drainage aspiratif, puis le membre
immobilisé dans une attelle postérieure, pour 6 semaines avec mobilisation passive quotidienne.
A côté de cette technique « classique » de réinsertion, le procédé des ancres à os Mitek® est là
encore tout à fait utilisable. Il en est de même d'ailleurs de la technique du « pull out » de Sterling
Bunnel, selon une méthode comparable à ce qui a été décrit pour le biceps.
La réparation s'effectue par suture directe au fil à résorption lente, par une série de points en X dont
la multiplicité permet d'obtenir une solidité suffisante. Ici, comme ailleurs, le tissu musculaire dilacéré
offre une médiocre résistance, mais l'on doit trouver suffisamment d'étoffe, du fait notamment de
l'existence des feuillets aponévrotiques provenant des trois chefs, pour réaliser une réparation
convenable. Toutefois, il est possible dans cette forme de devoir différer de 2 à 3 semaines le début
de la mobilisation du coude.
C'est dans cette forme que les plasties peuvent trouver leur place, notamment dans les cas vus
tardivement, qui ne semblent pas être rares dans ce type anatomopathologique. Bennett [4] découpe
un lambeau rectangulaire aponévrotique à la face postérieure de l'avant-bras, de 5 cm de long sur
2,5 de large, réservant sa partie proximale autour de laquelle on le fait basculer pour le suturer à la
face postérieure du triceps.
Bach [1] propose (fig. 9), dans une forme vue tardivement, la résection de la cicatrice fibreuse située
à la jonction musculotendineuse de la longue portion du triceps et du vaste externe, puis le
capitonnage de la perte de substance. L'extrémité distale de la longue portion et du chef externe est
sectionnée, donnant deux chefs séparés qui sont mobilisés, puis lacés. Ils sont enfin réinsérés, après
remise en tension, sur l'olécrâne par des tunnels transosseux. Le coude est immobilisé à 80° de
flexion pour une durée, selon les auteurs, de 2 mois. En fait la solidité du montage, vérifiée en
peropératoire, doit autoriser une mobilisation passive beaucoup plus précoce.
Haut de page
Chirurgie des tendinopathies d'insertion
Epicondylalgies
- la grande rareté des indications chirurgicales qui n'ont de place qu'après échec des traitements «
médicaux » et dans des cas parfaitement choisis ;
- l'incroyable richesse des variantes chirurgicales proposées, dont il est finalement bien difficile de
juger des résultats respectifs [13] et qu'il est impossible de toutes les décrire en détail. En fait, elles
répondent à des principes que l'on peut facilement regrouper en trois types principaux :
Ces gestes techniques peuvent être réalisés isolément ou associés lors de la même intervention. Ils
sont fonction des données cliniques, éventuellement paracliniques (selon les cas radiographie,
tomodensitométrie, échographie, imagerie par résonance magnétique ou IRM, électromyogramme) et
selon l'étiopathogénie de l'épicondylalgie dont on sait maintenant qu'elle peut être diverse et
combinée.
Par souci de clarté, les différents gestes opératoires seront décrits successivement avec leurs
variantes respectives.
- La voie d'abord (fig. 10) est longitudinale, débute sur le bord externe de l'humérus, 2 cm au-dessus
de l'épicondyle, passe directement sur la tubérosité, puis s'étend 4 cm au-dessous environ, sur une
ligne joignant épicondyle et styloïde radiale. Après incision du fascia, l'épicondyle est abordé. Dès
lors, les différents gestes peuvent être réalisés.
L'exploration permet parfois de retrouver des altérations macroscopiques sous forme de lésions
fibreuses cicatricielles épaissies, distinctes du tissu tendineux avoisinant normal, de
microcalcifications ou de ruptures partielles. Ces lésions, si elles existent, seront excisées en bloc,
après la désinsertion et la mobilisation tendineuse.
La désinsertion tendineuse peut être simplement réalisée, selon la technique décrite dès 1927 par
Hohmann. Elle intéresse l'extensor carpi radialis longus (premier radial) l'extensor carpi radialis brevis
(second radial) et l'extensor digitorum communis (extenseur commun des doigts). Elle est réalisée au
petit bistouri ou au bistouri électrique, de façon très complète latéralement et à la face profonde,
jusqu'à la capsule huméroradiale. Il faut s'assurer de la détente complète en forçant le poignet en
flexion forcée, coude en extension, de façon à mobiliser totalement les épicondyliens.
Nirschl et Pettrone [17] réalisent la désinsertion par dissection sélective de chacun des tendons, au
bistouri et aux ciseaux, de façon à exciser très soigneusement tous les tissus pathologiques,
notamment au niveau de l'extensor carpi radialis brevis (75 % des cas), geste pour eux essentiel. En
fin d'intervention, l'espace entre la berge antérieure de l'extensor digitorum et l'extensor longus est
refermée par quelques points.
Michèle et Krueger [15] sectionnent transversalement les épicondyliens à deux travers de doigt au-
dessous de l'épicondyle entre le brachio radialis (long supinateur) et l'extensor carpi ulnaris (cubital
postérieur), septa intermusculaires compris.
Mansat et coll. [14] (fig. 11 A, B) réalisent un allongement de l'extensor carpi radialis brevis et de
l'extensor digitorum communis qu'ils sectionnent en V, dont la pointe se situe au sommet de
l'épicondyle et dont les branches s'écartent de 3 à 4 cm. L'ensemble de la masse tendineuse est
désinséré et mobilisé. Dans le prolongement de la pointe du V, le périoste de l'épicondyle est décollé,
mettant l'os à nu. Après que les autres gestes (cf. infra) ont été réalisés, « l'incision périostée est
suturée et prolongée par la fermeture des deux branches du V sur 1 à 2 cm, réalisant une réinsertion
plus distale des épicondyliens et donc un effet de détente ».
De ces différentes techniques, la plus utilisée, semble-t-il, est la désinsertion large des épicondyliens
avec excision des tissus pathologiques. A ces interventions, la plupart des auteurs ajoutent un geste
osseux au niveau de l'épicondyle : décortication, rugination, résection corticale au ciseau frappé ou à
la pince gouge, perforations multiples à la mèche dans un souci à la fois de régularisation et
d'avivement.
Se fondant sur le fait que les lésions essentielles siègent au niveau de l'extensor carpi radialis brevis
et que la cause en est à la tension excessive qui s'exerce sur ce muscle, Garden [10] a proposé
l'allongement de l'extensor carpi radialis brevis, non pas par un abord direct du coude, mais au
niveau du poignet (fig. 12 A, B). L'installation de l'opéré est identique. Une petite incision
postéroexterne est pratiquée juste au-dessus du point où les tendons extenseurs du pouce croisent
le radius. Le tendon aplati de l'extensor carpi radialis longus (premier radial) apparaît le premier.
Après l'avoir récliné, on expose, au-dessous de lui, le tendon de l'extensor carpi radialis brevis, lui
aussi aplati, et parfois subdivisé en plusieurs bandelettes. Aucune fibre musculaire n'est visible. Une
ténotomie en Z est soigneusement pratiquée au bistouri, puis suturée après avoir réalisé un
allongement d'environ 2 cm.
Gestes articulaires
Que l'arthrotomie soit réalisée systématiquement, dans tous les cas, ou envisagée seulement dans
les formes évoquant, cliniquement ou radiologiquement, une participation articulaire, c'est là une
affaire d'opinion diversement appréciée dans la littérature. Quoi qu'il en soit, si elle est pratiquée, elle
n'est que la suite et le prolongement de la désinsertion des épicondyliens. Après ce temps opératoire,
en effet, la capsule huméroradiale est exposée et l'arthrotomie donc aisément réalisée.
Bosworth [5] semble avoir été le premier à évoquer le rôle du ligament annulaire dans
l'étiopathogénie des épicondylalgies et à décrire des techniques de section ou d'excision associées à
la détente des épicondyliens.
Boyd [7], après exposition du ligament (fig. 13), utilise un bistouri à lame courbe pour l'inciser
circonférentiellement, 2 mm au-dessous de l'interligne condyloradial, d'avant en arrière. 2 mm au-
dessus de l'interligne, une seconde incision parallèle est réalisée. Une bandelette de ligament
annulaire de 4 mm de hauteur est ainsi enlevée, emportant dans le même temps la frange synoviale
de l'articulation huméroradiale. La stabilité articulaire n'est pas compromise grâce à la portion distale
du ligament annulaire qui reste : « comme un collier autour du col radial ».
L'exploration articulaire peut mettre en évidence une lésion chondrale de la tête radiale qui justifie
parfois excision ou régularisation.
Le rôle du ligament annulaire et de la frange synoviale, ainsi que celui des lésions chondrales
éventuelles, est un sujet de controverse nullement réglé. Mais l'exploration articulaire par une courte
arthrotomie après désinsertion des épicondyliens est si aisée qu'elle peut parfaitement se justifier, à
condition toutefois, à notre avis, de ne réserver les gestes d'excision du ligament annulaire qu'aux
cas où existent des signes patents de participation articulaire : il ne convient pas de compliquer
inutilement ni d'aggraver l'intervention sans raison valable.
La grande majorité des auteurs favorables à ces gestes articulaires ne les envisage, de toute façon,
que comme un complément à la détente des épicondyliens.
Seul Benassy [3] décrit une technique d'ablation isolée de ce qu'il nomme le « ménisque
huméroradial ». Incision de 3 à 4 cm, parallèle à l'interligne articulaire. Incision de la masse commune
des épicondyliens et du ligament annulaire. Excision du « ménisque » qui présente « des lésions
comparables, en très petit, à celles d'un ménisque du genou. Il est même parfois discoïde ». Excision
large avec un bistouri fin. La masse musculaire est suturée par deux points « mollement serrés,
Bosworth ayant mis en cause la striction excessive du ligament annulaire ».
Elles sont de deux types, différents dans leur approche, et peuvent s'ajouter aux gestes précédents
ou être pratiquées isolément :
- la dénervation articulaire ;
- la libération du nerf radial et de ses branches terminales.
Dénervation articulaire
C'est Kaplan, [12], en 1959, qui en a posé les justifications physiopathologiques et décrit la
technique. L'incision est incurvée, parallèle au contour interne du brachio radialis (long supinateur), à
la face antérieure du coude. Elle débute 6 à 8 cm au-dessus de l'épicondyle et se termine 4 ou 5 cm
au-dessous. Le nerf musculocutané traverse l'aponévrose de 2 à 4 cm au-dessus de l'épicondyle, en
dehors du tendon du biceps : il est repéré et isolé et l'aponévrose est incisée sur toute la longueur de
l'incision, en dehors de lui, permettant ainsi d'accéder à la gouttière bicipitale externe. Une dissection
douce expose le tronc du radial et ses branches et la récurrente radiale antérieure, après avoir
récliné en dehors le brachio radialis et en dedans biceps et nerf musculocutané. Habituellement, les
branches musculaires quittent le tronc du nerf en dehors, et les branches articulaires en dedans, au-
dessus de l'épicondyle. Ces dernières doivent être identifiées et suivies jusqu'à l'épicondyle et
l'articulation huméroradiale avant d'être excisées, sans risquer de léser les branches musculaires.
Roles et Maudsley, [18], en 1972, ont, les premiers, authentifié et décrit ce syndrome canalaire dit du
« tunnel radial », que des travaux ultérieurs, notamment électrophysiologiques, ont ensuite, complété
pour en faire une entité anatomique avec ses signes cliniques et électriques spécifiques.
Le chef superficiel du supinator pourrait lui-même être en cause, selon Comtet et coll. [8].
La libération du nerf et de ses branches peut se faire par diverses voies d'abord :
- externe ou postéroexterne, qui permet de réaliser dans le même temps les gestes précédemment
décrits ;
- voie antérieure pure, au-dessous du pli du coude, longue de 6 cm, au niveau de la tête radiale ;
- mixte, démarrant dans le sillon bicipital externe, cravatant le col du radius par un trajet horizontal
vers l'arrière, puis de nouveau verticale, longeant le bord postérieur des muscles radiaux. Incision qui
permet l'exploration complète du nerf, mais longue et disgracieuse.
La neurolyse doit s'effectuer selon les règles de la chirurgie nerveuse périphérique avec
instrumentation adaptée et grossissement optique. Selon la voie d'abord, c'est le tronc du radial lui-
même qui est d'abord abordé dans la gouttière bicipitale externe ou bien ses branches terminales
après avoir récliné le brachio radialis. Immédiatement au-dessous, la branche superficielle apparaît
sous un fascia d'épaisseur variable. En réclinant l'extensor carpi radialis longus vers le dehors, la
branche postérieure du nerf est vue, s'engageant sous l'extensor carpi radialis brevis qu'il faut parfois
inciser pour libérer le nerf. Entre les deux branches nerveuses passent presque toujours les artères
et veines récurrentes radiales qui doivent être liées. Tronc du radial et branches terminales,
maintenant largement exposés, sont libérés des adhérences profondes avec la capsule
huméroradiale. La branche superficielle est suivie en avant de l'extensor brevis. La branche profonde
est disséquée profondément sous le chef superficiel du supinator. Toutes les bandes ou arcades
fibreuses, source de compression à ce niveau, sont largement excisées, dont l'arcade de Frohse,
épaississement fibreux, de la partie proximale du chef superficiel. Enfin, si la mise en pronation
forcée objective un aplatissement du nerf sous le chef superficiel du muscle, celui-ci doit être incisé.
- La fermeture se fait très simplement par simples sutures sous-cutanée et cutanée après hémostase
soigneuse et sur drainage aspiratif.
Il n'y a pas d'immobilisation postopératoire (ou, pour certains, une attelle postérieure antalgique
amovible). La mobilisation du coude est d'emblée autorisée, mais tout travail actif est formellement
interdit pour les 3 premières semaines au moins. La reprise du sport ne s'envisage que si tous les
tests cliniques, notamment isométriques, sont négatifs (3 mois au moins).
Epitrochléalgies
Nettement moins fréquentes que les épicondylalgies (environ 10 %), elles relèvent également
essentiellement du traitement « médical », l'intervention ne s'adressant qu'aux formes rebelles.
L'attitude est ici univoque et se résume à la désinsertion du tendon commun des épitrochléens.
Références Bibliographiques
[1] BACH BR, WARREN RF, WICKIEWICZ TL Triceps rupture. A case report and litterature
review. Am J Sports Med 1987 ; 15 : 285-289
[2] BARNES SJ, COLEMAN SG, GILPIN D Repair of avulsed insertion of biceps. A new technique in
four cases. J Bone Joint Surg 1993 ; 75 B : 938-939
[3] BENASSY J, GODEFROY D, DECAIX M Traitement chirurgical du « tennis elbow » par ablation du
ménisque huméro-radial. Rev Chir Orthop 1984 ; 70 : 354
[4] BENNETT BS Triceps tendon rupture. J Bone Joint Surg 1962 ; 44 A : 741-744
[5] BOSWORTH DM Surgical treatment of tennis elbow. A follow up study. J Bone Joint
Surg 1965 ; 47 A : 1533-1536
[6] BOYD HB, ANDERSON LD A method for reinsertion of the distal biceps brachii tendon. J Bone
Joint Surg 1961 ; 43 A : 1041-1043
[7] BOYD HB, McLEOD AC Tennis elbow. J Bone Joint Surg 1973 ; 55 A : 1183-1187
[8] COMTET JJ, LALAIN JJ, MOYEN B, GENETY J, BRUNET-GUEDJ E, LAZO-HENRIQUEZ R Les
épicondylalgies avec compression de la branche postérieure du nerf radial. Rev Chir
Orthop 1985 ; 71 (suppl II) : 89-93
[9] DOBBIE RP Avulsion of the lower biceps brachii tendon. Am J Surg 1941 ; 51 : 662-683
[11] HOVELIUS L, JOSEFSSON G Rupture of the distal biceps tendon. Acta Orthop
Scand 1977 ; 48 : 280-282
[16] MORREY BF, ASKEW LJ, AN KN, DOBYNS JH Rupture of the distal tendon of the biceps brachii. A
biomechanical study. J Bone Joint Surg 1985 ; 67 A : 418-421
[17] NIRSCHL RP, PETTRONE FA Tennis elbow. The surgical treatment of lateral epicondylitis. J Bone
Joint Surg 1979 ; 61 A : 832-839
[18] ROLES NC, MAUDSLEY RH Radial tunnel syndrome. Resistant tennis elbow as a nerve
entrapment. J Bone Joint Surg 1972 ; 54 B : 499-508
[19] VANGNESS CT, JOBE FW Surgical treatment of medial epicondylitis. J Bone Joint Surg 1991 ; 73
B : 409-411
[21] WITVOET J, ROBIN B, CHABROL J A propos d'une désinsertion de l'extrémité inférieure du biceps
brachial. Presse Med 1966 ; 74 : 389-391
Figures
Fig. 1
Voie d'abord antérieure. 1. Nerf radial. 2. Artère récurrente radiale. 3. Brachio radialis. 4. Brachialis. 5. Nerf médian. 6.
Biceps brachii. 7. Artère et veines humérales. 8. Expansion aponévrotique du biceps brachii. 9. Pronator teres.
Fig. 2
Fig. 3
Technique de Dobbie.
Fig. 4
Fig. 5
Technique de Witvoet.
Fig. 6
Réinsertion par ancre à os. 1. Inserteur spécial. 2. Fil de réinsertion. 3. Ancre à os. 4. Corticale.
Fig. 7
Fig. 8
Réinsertion par voies d'abord combinées. A. Technique de Boyd et Anderson. B. Procédé de Morrey.
Fig. 9
Traitement d'une lésion ancienne du triceps brachii (technique de Bach). A. Résection de la lésion cicatricielle et
mobilisation de la longue portion et du chef externe. B. Réinsertion transosseuse.
Fig. 10
Voie d'abord - exposition des épicondyliens. 1. Triceps brachii. 2. Capsule articulaire. 3. Biceps brachii. 4. Extensor carpi
radialis longus. 5. Extensor carpi radialis brevis. 6. Extensor digitorum communis.
Fig. 11
Technique de Mansat. A. Dissection. 1. Extensor carpi radialis longus. 2. Extensor carpi radialis brevis. Extensor
digitorum communis. 3. Anconeus. B. Suture avec effet d'allongement.
Fig. 12
Technique de Garden. 1. Extensor digitorum communis. 2. Extensor carpi radialis longus. 3. Extensor carpi radialis brevis.
4. Abductor pollicis longus. 5. Extensor pollicis brevis.
Fig. 13
Fig. 14
Interventions à visée neurologique. 1. Brachio radialis. 2. Tronc du nerf radial. 3. Branches musculaires. 4. Branche
postérieure du nerf radial. 5. Supinator. 6. Branches articulaires. 7. Biceps brachii. 8. Artère récurrente radiale antérieure.
9. Branche antérieure du nerf radial.
Arthroscopie du coude
F Kelberine
Résumé. – La technique de l’arthroscopie du coude s’est standardisée. Le décubitus latéral bras pendant est
pour nous l’installation préférentielle qui permet l’exploration la plus large des deux compartiments antérieur
et postérieur. L’articulation est entièrement accessible au moyen de cinq voies d’abord qui doivent être
définies à partir de l’analyse anatomique et non depuis des repères centimétriques. Le respect des précautions
et l’ordre des abords minimisent les risques neurologiques.
Les indications sont actuellement encore évolutives, mais il existe des indications établies (corps étrangers,
ostéochondrite du capitellum, pathologie synoviale), des indications relatives (arthrolyse, bursectomie extra-
articulaire) et des indications expérimentales (fractures fraîches, tendinopathies extra-articulaires). Le bilan
préopératoire est essentiel dont l’arthroscanner est l’examen de référence qui permet d’analyser la
conformation osseuse et le contenu articulaire. Un apprentissage spécifique doit permettre de déjouer les
pièges de cette arthroscopie qui reste un geste à risque grevé de complications neurologiques potentiellement
graves.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Kelberine F. Arthroscopie du coude. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Orthopédie-
Traumatologie, 44-317, 2002, 11 p.
44-317 Arthroscopie du coude Techniques chirurgicales
2
Techniques chirurgicales Arthroscopie du coude 44-317
3 Installation en décubi-
tus dorsal et traction verti-
cale. Le coude est libre hors
de la table. 1 2
Le décubitus latéral se rapproche de l’installation précédente [5, 25, 40]. PRÉPARATION DU CHAMP
C’est notre installation préférée. Le patient est couché sur le côté Un garrot pneumatique est placé à la racine du membre en regard
sain, le bras en antépulsion à 90° soutenu par un appui ; le coude se de l’appui-bras ; il est gonflé après vidange vasculaire. La
positionne spontanément à 90° quand l’avant-bras pend librement préparation aseptique n’a rien de spécifique mais doit inclure le
(fig 5). Son avantage par rapport au décubitus ventral est la facilité poignet et les doigts qui sont libres sauf en cas de traction par un
d’accès aux voies respiratoires pour l’anesthésiste. gantelet. Un champ d’extrémité étanche à usage unique est le plus
3
44-317 Arthroscopie du coude Techniques chirurgicales
*
A
*
A *
B *
C
4
Techniques chirurgicales Arthroscopie du coude 44-317
*
B
*
A
5
44-317 Arthroscopie du coude Techniques chirurgicales
13 Compartiment antérolatéral.
A. Schéma.
B. Vue arthroscopique : le palpeur soulève le ligament annulaire (têtes de flèches).
*
B
*
A
6
Techniques chirurgicales Arthroscopie du coude 44-317
*
B
*
A
*
A *
B
particulier dans les fossettes olécranienne et coronarienne, comme Le pronostic à court terme est excellent mais à long terme survient
dans les récessus postéroexterne et péricapital. Le libérer quand il une dégradation progressive des résultats [6].
est synovialisé à l’aide du palpeur ou du shaver. Arrêter l’irrigation
évite sa migration. Pour l’extraire, l’attraper par une extrémité. Les ¶ Conflits synoviaux postéroexternes
corps étrangers volumineux sont fragmentés pour ne pas trop
Ils sont la conséquence d’une hypertrophie synoviale en regard de
agrandir la voie d’abord.
la tête radiale [14] ; elle peut être secondaire à une épicondylite [9] ou
Les résultats de ce geste sont excellents. L’existence de lésions des contraintes répétées en valgus [1, 14]. Son interposition fugace
cartilagineuses de passage est un facteur pronostique péjoratif à entre condyle et tête radiale provoque des blocages brutaux et
l’origine de douleurs résiduelles [22, 28, 31, 43]. douloureux ; elle est généralement découverte lors de l’arthroscopie
indiquée pour corps étrangers [55] (fig 15).
¶ Ostéochondrite disséquante du coude
¶ Pathologies synoviales, infectieuses et raideurs
Ce trouble de l’ossification du capitellum de l’enfant a été décrit par
Panner en 1929. Chez les sportifs, les contraintes en valgus sont à L’enraidissement du coude est fréquent, qu’il soit d’origine post-
l’origine d’une compression du compartiment capitelloradial traumatique ou secondaire à une arthrose. On peut en rapprocher
entraînant une fragmentation du noyau d’ossification [6, 7, 9, 22, 47, 48]. les arthropathies synoviales ou infectieuses qui sont aussi
Celui-ci peut guérir par une simple mise au repos. Sinon l’évolution enraidissantes. Arthrolyse et synovectomie font l’objet d’une
spontanée aboutit à la libération d’un fragment. technique chirurgicale similaire. L’arthroscopie autorise en effet une
Le diagnostic est fait sur des douleurs progressives retrouvées à la exploration plus complète du coude et des gestes plus précis qu’une
pression du condyle huméral. Il peut s’y associer une diminution de intervention conventionnelle à ciel ouvert. Il s’agit d’une technique
l’extension et des blocages. Les radiographies montrent un difficile dont les premières publications sont encore récentes [8, 11, 23,
aplatissement du condyle, voire une niche avec un séquestre. Un
25, 27, 32, 37, 52]
.
arthroscanner peut confirmer un diagnostic hésitant. La présence
d’un séquestre justifie de son ablation associée à une abrasion de la Étiologies de la raideur
niche dont le but est de faire cicatriser la lacune avec un comblement Les séquelles post-traumatiques après fracture intra-articulaire ou
mixte ostéofibreux [6, 47]. luxation où le tissu cicatriciel comble les récessus. La libération
L’arthroscope introduit par voie postéroexterne haute contrôle les nécessite un bilan précis des modifications anatomiques.
instruments passés par voie postérieure directe. Le fragment siège L’arthrose du coude secondaire ou primitive est souvent bien
souvent en regard. Une fraise motorisée permet d’aviver la zone tolérée. L’utilité de l’arthroscopie réside dans l’extraction de corps
pathologique. étrangers symptomatiques ; mais aussi dans la résection
7
44-317 Arthroscopie du coude Techniques chirurgicales
Bilan préopératoire
Il est fondamental ; il analyse les lésions anatomiques à l’origine de
la raideur. Il doit :
Particularités techniques (fig 17)
– exclure une étiologie extra-articulaire à la raideur (ostéome, butoir
osseux). Mais le délai d’apparition et la responsabilité d’une Nous décrivons l’ensemble des étapes dont certaines peuvent
rétraction tendineuse dans les raideurs anciennes sont difficilement s’avérer inutiles selon l’étiologie.
quantifiables [32] ; L’installation en prone position avec un garrot et les cinq voies
– s’assurer de l’absence d’algodystrophie évolutive ; d’abord ont été décrites. Elles sont toutes utiles et interchangeables
pour réaliser arthrolyse ou synovectomie matérialisées par des
– analyser les causes intracapsulaires à l’aide de tomographies et canules en raison de la longueur du geste.
d’un arthroscanner : comblement des fossettes humérales (fibreux
Trouver un espace de travail est parfois difficile dans une
ou osseux), cal vicieux articulaire, ostéophytes, présence de corps
articulation étroite. Gallay et al [18, 41] ont montré que le volume
étrangers (libres ou inclus) ;
articulaire dans les raideurs du coude diminuait de plus de moitié
– évaluer les risques spécifiques comme la position du nerf cubital d’où l’importance de l’injection intra-articulaire avant le premier
parfois en chevalet sur des ostéophytes, voire spontanément subluxé abord. La résection des brides fibreuses et/ou de la synoviale
en raison d’une déformation osseuse [36, 42] ; hypertrophique est débutée pas à pas au contact de l’arthroscope
– rechercher, dans les synovectomies, l’existence d’éventuelles (d’abord à la pince puis au shaver) permettant d’ouvrir l’espace
« hernies » synoviales (paratricipitale, externe, antérieure…) qui articulaire.
présentent un risque d’insuffisance thérapeutique (par défaut de L’excision des tissus mous se poursuit secteur par secteur en évitant
résection) et/ou d’effraction capsulaire avec ses dangers pour les de léser le cartilage. Le palpeur permet d’écarter progressivement
éléments périphériques (fig 16). les surfaces articulaires pour y glisser un couteau motorisé. Les
*
A *
B *
C
17 Arthrolyse arthroscopique.
A. Le scanner montre l’épaississement osseux (flèche noire) de la membrane entre les fossettes et leur comblement
ostéofibreux (flèches blanches).
B. Vue arthroscopique après résection de la fibrose du cul-de-sac sous-tricipital : le fond de la fossette (flèche) et la
pointe de l’olécrane (astérisque) sont dégagés.
C. Vue arthroscopique de l’effondrement à la fraise de l’os entre les fossettes.
D. Vue arthroscopique d’une capsulotomie antérieure à la pince basket près de l’insertion humérale (têtes de flèches).
*
D
8
Techniques chirurgicales Arthroscopie du coude 44-317
Le traitement endoscopique a été proposé dans les hygromas pour – la distension articulaire préalable au sérum physiologique [18, 34] et
éviter les problèmes de cicatrisation [4, 9, 26]. La technique est simple : la réalisation des voies antérieures sur un coude fléchi à 90° ;
par deux ou trois voies d’abord, la résection du tissu pathologique – l’incision au bistouri de la peau exclusivement puis discision des
incluant la synoviale et la « coque » de l’hygroma doit aboutir à parties molles à la pince ;
l’avivement des parois. Il est préférable de débuter par le feuillet
– la pénétration articulaire au trocart en visant le centre de
profond pour éviter la diffusion du liquide dans le tissu sous-cutané
l’articulation ;
qu’il faut respecter. Un drainage et un pansement compressif sont
mis en place en fin d’intervention. – la surveillance postopératoire précoce neurologique.
Figure 18 et références ➤
9
44-317 Arthroscopie du coude Techniques chirurgicales
*
A
*
B *
C
18 Fracture de la coronoïde.
A. Radiographie de profil.
B. Vue arthroscopique de la fracture ; la coronoïde (C) est à distance de la trochlée (T).
C. Réduction à la spatule et embrochage.
D. Contrôle radiographique après synthèse.
*
D
Références
[1] Andrews JR, Craven WM. Lesions of the posterior compart- [13] Casscells SW. Neurovascular anatomy and elbow arthro- [24] Kashiwagi D. Osteoarthritis of the elbow joint: intraarticu-
ment of the elbow. Clin Sports Med 1991 ; 10 : 637-652 scopy: inherent risks. Editor’s Comments Arthroscopy 1987 ; lar changes and the special operative procedure:
[2] Andrews JR, StPierre RK, Carson WG Jr. Arthroscopy of the 2 : 190 Outerbridge-Kashiwagi method. In : Elbow joint. Amster-
elbow. Clin Sports Med 1986 ; 5 : 653-662 [14] Clarke RP. Symptomatic lateral synovial fringe of the elbow dam : Elsevier, 1985 : 177-188
[3] Angelo RL. Advances in elbow arthroscopy. Orthopedics joint. Arthroscopy 1988 ; 4 : 112-116 [25] Kelberine F, Clouet d’Orval B. Traitement arthroscopique
1993 ; 16 : 1037-1046 [15] Committee on complications of the Arthroscopy Associa- des raideurs de la pathologie synoviale du coude. In : Ar-
tion of North America. Complications in arthroscopy, The throscopie. Paris : Elsevier-SFA, 1999 : 406-411
[4] Baker CL, Brooks AA. Arthroscopy of the elbow. Clin Sports
knee and other joints. Arthroscopy 1986 ; 2 : 253-258 [26] Kerr DR. Prepatellar and olecranon arthroscopic bursec-
Med 1996 ; 15 : 261-281
[16] Feldman MD. Arthroscopic excision of type 2 capitellar tomy. Clin Sports Med 1993 ; 12 : 137-142
[5] Baker CL Jr, Shalvoy RM. The prone position for elbow fractures. Arthroscopy 1997 ; 13 : 743-748 [27] Kim SJ, Kim HK, Lee JW. Arthroscopy for limitation of
arthroscopy. Clin Sports Med 1991 ; 10 : 623-628 motion of the elbow. Arthroscopy 1995 ; 11 : 680-683
[17] Field LD, Altchek DW, Warren RF, O’Brien SJ, Skyhar MJ,
[6] Bauer M, Jansson K, Josefasson PO, Linden B. Osteochon- Wickiewicz TL. Arthroscopic anatomy of the lateral elbow: [28] Leissing C, Savioz D, Fritschy D. Arthroscopic removal of
dritis dissecans of the elbow. Clin Orthop 1992 ; 284 : a comparison of three portals. Arthroscopy 1994 ; 10 : intra-articular loose foreign bodies of the elbow. Rev Chir
156-160 602-607 Orthop 1997 ; 83 : 707-711
[7] Baumgartent TE, Andrews JR, Sattenwhite YE. The arthro- [18] Gallay SH, Richards RR, O’Driscoll SW. Intraarticular capac- [29] Lo IK, King GJ. Arthroscopic radial head excision. Arthro-
scopic classification and treatment of osteochondritis dis- ity and compliance of stiff and normal elbow. Arthroscopy scopy 1994 ; 10 : 689-692
secans of the capitellum. Am J Sports Med 1998 ; 26 : 1993 ; 9 : 9-13
520-523 [30] Locker B. Traitement arthroscopique des corps étrangers
[19] Greis PE, Halbrecht J, Plancher KD. Arthroscopic removal of du coude. In : Arthroscopie. Paris : Elsevier-SFA, 1999 :
[8] Boerboom AL, De Meyer HE, Verburg AD, Verhaar TA. loose bodies of the elbow. Orthop Clin North Am 1995 ; 26 : 411-414
Arthrolysis for post-traumatic stiffness of the elbow. Int 679-689
Orthop 1993 ; 17 : 346-349 [31] Locker B, Bonvarlet JP, Kelberine F. Arthroscopie du coude.
[20] Grifka J, Boenke S, Kramer J. Endoscopic therapy in epi- Ann Soc Fr Arthrosc 1995 ; 4 : 81-106
[9] Bonvarlet JP. Indications exceptionnelles de l’arthroscopie condylitis radialis humeri. Arthroscopy 1995 ; 11 : 743-748 [32] Luppino T, Salsi A, Fiocchi R, Stefanini T, Lagana A. Arthroly-
du coude. In : Arthroscopie. Paris : Elsevier-SFA, 1999 :
[21] Hahn M, Grossman JA. Ulnar nerve laceration as a result of sis in the treatment of ankylosis and severe post-traumatic
417-421
elbow arthroscopy. J Hand Surg Br 1998 ; 23 : 109 stiffness of the elbow. Ital J Orthop Trauma 1992 ; 18 :
[10] Burman MS. Arthroscopy or the direct visualisation of [22] Jerosch J, Schroder M, Schneider T. Good and relative indi- 459-465
joints. J Bone Joint Surg 1931 ; 13 : 669-695 cations for elbow arthroscopy. A retrospective study on [33] Lynch GJ, Meyers JF, Whipple TL, Caspari RB. Neurovascu-
[11] Byrd JW. Elbow arthroscopy for arthrofibrosis after type1 103 patients. Arch Orthop Trauma Surg 1998 ; 117 : lar anatomy and elbow arthroscopy: inherent risks. Arthro-
radial head fractures. Arthroscopy 1994 ; 10 : 162-165 246-249 scopy 1986 ; 2 : 190-197
[12] Cameron SE, Travis MT, Kruse RW. Foreign body arthro- [23] Jones GS, Savoie FH 3rd. Arthroscopic capsular release of [34] Marshall PD, Fairclough JA, Johnson SR, Evans EJ. Avoiding
scopically retrieved from the elbow. Arthroscopy 1993 ; 9 : flexion contractures (arthrofibrosis) of the elbow. Arthro- nerve damage during elbow arthroscopy. J Bone Joint
220-221 scopy 1993 ; 9 : 277-283 Surg Br 1993 ; 75 : 129-131
10
Techniques chirurgicales Arthroscopie du coude 44-317
[35] Miller CD, Jobe CM, Wright MH. Neuroanatomy in elbow [43] Ogilvie-Harris DJ, Schemitsch E. Arthroscopy of the elbow [50] Stothers K, Day B, Regan WR. Arthroscopy of the elbow:
arthroscopy. J Shoulder Elbow Surg 1995 ; 4 : 168-174 for removal of loose bodies. Arthroscopy 1993 ; 9 : 5-8 anatomy, portal sites, and a description of the proximal
[36] Morrey BF. Primary degenerative arthritis of the elbow: [44] Papilion JD, Neff RS, Shall LM. Compression neuropathy of lateral portal. Arthroscopy 1995 ; 11 : 449-457
ulno humeral arthroplasty. In : The elbow and its disorders. the radial nerve as a complication of elbow arthroscopy: a
[51] Thomas M, Fast A, Shapiro D. Radial nerve damage as a
Philadelphia : WB Saunders, 1993 : 120-130 case report and review of the literature. Arthroscopy 1988 ;
complication of elbow arthroscopy. Clin Orthop 1987 ;
[37] Nowicki KD, Shall LM. Arthroscopic release of a posttrau- 4 : 284-286
215 : 130
matic flexion contracture in the elbow: a case report and [45] Poehling GG, Whipple TL, Sisco L, Goldman B. Elbow
review of the literature. Arthroscopy 1992 ; 8 : 544-547 arthroscopy: a new technique. Arthroscopy 1989 ; 5 : [52] Timmerman LA, Andrews JR. Arthroscopic treatment of
[38] O’Driscoll SW. Elbow arthroscopy for loose bodies. Ortho- 222-224 posttraumatic elbow pain and stiffness. Am J Sports Med
paedics 1992 ; 15 : 855-859 [46] Redden JF, Stanley D. Arthroscopic fenestration of the ole- 1994 ; 22 : 230-235
[39] O’Driscoll SW. Arthroscopic treatment for osteoarthritis of cranon fossa in the treatment of osteoarthritis of the elbow. [53] Tsuge K, Mitsuzeki T. Debridement arthroplasty for
the elbow. Orthop Clin North Am 1995 ; 26 : 691-706 Arthroscopy 1993 ; 9 : 14-16 advanced primary osteoarthritis of the elbow. J Bone Joint
[40] O’Driscoll SW, Morrey BF. Arthroscopy of the elbow. Diag- [47] Ruch DS, Cory JW, Poehling GG. The arthroscopic manage- Surg Br 1994 ; 76 : 641-646
nostic and therapeutic benefits and hazards. J Bone Joint ment of osteochondritis dissecans of the adolescent elbow.
Surg Am 1992 ; 74 : 84-94 Arthroscopy 1998 ; 14 : 797-803 [54] Verhaar J, Van Mameren H, Brandsma A. Risks of neurovas-
cular injury in elbow arthroscopy: starting anteromedially
[41] O’Driscoll SW, Morrey BF, An KN. Intra-articular pressure [48] Schenck RC Jr, Goodnight JM. Osteochondritis dissecans.
or anterolaterally? Arthroscopy 1991 ; 7 : 287-290
and capacity of the elbow. Arthroscopy 1990 ; 6 : 100-103 J Bone Joint Surg Am 1996 ; 78 : 439-456
[42] Ogilvie-Harris DJ, Gordon R, Mackay M. Arthroscopic treat- [49] Smith JB. Compression neuropathy of the radial nerve as a [55] Ward WG, Belhobek GH, Anderson TE. Arthroscopic elbow
ment for posterior impingement in degenerative arthritis complication of elbow arthroscopy (letter). Arthroscopy findings: correlation with preoperative radiographic
of the elbow. Arthroscopy 1995 ; 11 : 437-443 1989 ; 5 : 238-241 studies. Arthroscopy 1992 ; 8 : 498-502
11
44-320
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 44-320
Rappel anatomique – médiale formée par les muscles épicondyliens médiaux (ou
flexor pronator muscle mass des Anglo-Saxons) : de dehors en
Les termes utilisés dans cet exposé sont ceux de la traduction dedans, rond pronateur, fléchisseur radial du carpe, palmaire
française [1] de la nomenclature anatomique internationale [9]. S’il est long, fléchisseur ulnaire du carpe en surface, fléchisseur
peu familier de la nomenclature actuelle, le lecteur trouvera au superficiel des doigts plus profondément).
tableau I des correspondances avec l’ancienne nomenclature Entre ces masses musculaires cheminent les éléments
française. vasculonerveux :
En anatomie topographique [ 2 6 , 2 9 ] , le coude a pour limites
conventionnelles en haut et en bas, deux plans horizontaux passant – le sillon bicipital médial, entre le biceps brachial en dehors et les
respectivement deux travers de doigt au-dessus et au-dessous des muscles épicondyliens médiaux, contient le nerf médian, l’artère
épicondyles médial et latéral. brachiale et les deux veines brachiales qui s’y divisent en paquets
L’articulation du coude est située entre : vasculaires radial et ulnaire, recouverts par le lacertus fibrosus ;
– le bras, caractérisé par la présence de deux masses musculaires : – le sillon bicipital latéral, entre la masse musculaire latérale de
l’avant-bras (brachioradial, long extenseur radial du carpe, muscles
– antérieure (biceps brachial) ; épicondyliens latéraux) en dehors et le biceps brachial en dedans,
– postérieure (triceps brachial) ; contient le nerf radial, le nerf cutané latéral de l’avant-bras, terminal
– la partie proximale de l’avant-bras, circonscrite par deux masses du nerf musculocutané, l’anastomose entre la branche antérieure de
musculaires : l’artère collatérale radiale et l’artère récurrente radiale, et de
nombreuses veines satellites ;
– latérale, formée par les muscles brachioradial, long extenseur
radial du carpe et le tendon commun des muscles épicondyliens – le sillon paratricipital latéral, entre le bord latéral du triceps et le
latéraux (d’avant en arrière, court extenseur radial du carpe, septum intermusculaire latéral ne contient rien d’autre que
extenseur des doigts, extenseur du petit doigt, extenseur ulnaire l’anastomose entre la branche antérieure de l’artère collatérale
du carpe et anconé en surface, supinateur en profondeur) ; radiale, l’artère collatérale moyenne et l’artère récurrente
interosseuse ;
– le sillon paratricipital médial, entre le bord médial du triceps et le
Carlos Dos Remedios : Interne.
septum intermusculaire médial, contient le nerf ulnaire, accompagné
Christophe Chantelot : Praticien hospitalier. par l’anastomose entre les artères collatérales ulnaires supérieure et
Service d’orthopédie B, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France.
Guillaume Wavreille : Moniteur d’anatomie, Interne. inférieure et l’artère récurrente ulnaire.
Laboratoire d’anatomie, faculté de médecine Henri-Warembourg, 59045 Lille cedex, France.
Christian Fontaine : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux. Pour aborder le coude, on peut :
Laboratoire d’anatomie, faculté de médecine Henri-Warembourg, 59045 Lille cedex, France ; Service
d’orthopédie B, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France. – profiter de l’un de ces sillons, éventuellement en le prolongeant ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dos Remedios C, Wavreille G, Chantelot C et Fontaine C. Voies d’abord du coude. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales -
Orthopédie-Traumatologie, 44-320, 2003, 14 p.
44-320 Voies d’abord du coude Techniques chirurgicales
Tableau I. – Correspondance entre les nomenclatures moderne et an- Caractères communs aux voies d’abord
cienne pour les termes anatomiques. du coude
Structure Nouvelle nomenclature Ancienne nomenclature
Os Capitulum Capitellum USAGE DU GARROT PNEUMATIQUE
Épicondyle latéral Épicondyle Bien qu’il soit possible de réaliser une intervention sur le coude sans
hémostase préventive, l’utilisation d’un garrot pneumatique est
Épicondyle médial Épitrochlée
recommandée. Il doit être placé le plus haut possible pour ne pas
Fovéa radiale Cupule radiale gêner la mise en place des champs et ne pas limiter la partie
Incisure radiale de l’ulna Petite cavité sigmoïde du cubitus
humérale de l’incision. Il est habituellement non stérile et enfoui
sous les champs. Si la voie d’abord doit être fortement étendue vers
Incisure trochléaire de l’ulna Grande cavité sigmoïde du le haut (abord d’un long segment d’humérus), il est commode de
cubitus
disposer d’un garrot pneumatique stérile ou d’utiliser une bande
Processus coronoïde Apophyse coronoïde d’Esmarch stérile. Le garrot est gonflé à une pression supérieure à la
Tubérosité du radius Tubérosité bicipitale pression artérielle habituelle du patient, mais la plus basse possible
(250 à 300 mmHg). Il est laissé gonflé le moins longtemps possible,
Articulation Radio-ulnaire proximale Radiocubitale supérieure
bien qu’avec des pressions de cet ordre, nous n’ayons jamais observé
Ligaments Ligament collatéral ulnaire Ligament latéral interne de complication avec des temps de garrot de 1 heure 30 à 2 heures.
Ligament collatéral radial Ligament latéral externe
Il est conseillé de le dégonfler avant la fermeture des parties molles
pour parfaire les hémostases.
Muscles Brachial Brachial antérieur
Fléchisseur superficiel des doigts Fléchisseur commun superficiel RECOURS À UNE GREFFE OSSEUSE COMPLÉMENTAIRE
des doigts Il faut penser à cette éventualité avant l’installation, car la position
Fléchisseur ulnaire du carpe Cubital antérieur opératoire ou les champs interdisent parfois la préparation
Lacertus fibrosus du biceps bra- Expansion aponévrotique du
« inopinée » d’un site de prise de greffe iliaque en cours
chial biceps d’intervention. Quelle que soit la position de l’opéré, il est
parfaitement possible de prélever une greffe osseuse. On a recours à
Long extenseur radial du carpe Premier radial
la partie antérieure de la crête iliaque en décubitus latéral ou dorsal,
Palmaire long Petit palmaire à la partie postérieure de la crête iliaque en décubitus ventral.
Supinateur Court supinateur
Rameau superficiel du nerf radial Branche antérieure du nerf radial Ce sont les plus utilisées pour les ostéosynthèses de l’extrémité
distale de l’humérus, l’extrémité proximale de l’ulna, les
arthroplasties totales du coude [10, 18]. On distingue :
Tableau II. – Voies d’abord du coude et indications opératoires.
– les voies contournant le triceps : paratricipitales médiale, latérale
Abords et double ;
Indications opératoires
chirurgicaux
– les voies décollant le triceps en continuité, qui ne sont que des
Postérieur Transtricipitale médiane : tiers distal de l’humérus voies paratricipitales dont le décollement sous-périosté de l’olécrane
Transolécranienne : fractures articulaires de la palette humérale déborde la ligne médiane et permet de récliner un grand lambeau
Paratricipitale médiale et latérale : supracondyliennes fasciomusculaire ;
Latéral Deux tiers latéraux des faces antérieure et postérieure du coude – les voies interrompant l’appareil extenseur :
Tête radiale (résection, ostéosynthèse ou arthroplastie prothétique)
Ligament collatéral latéral (suture ou plastie) – par ténotomie du triceps : haute ou basse (par désinsertion
Abord articulaire large (corps étrangers, ostéophytes, raideurs) olécranienne) ;
Nerf radial et arcade de Frohse
– par ostéotomie de l’olécrane, extra- ou intra-articulaire.
Médial Articulation huméro-ulnaire
Deux tiers médiaux des faces antérieure et postérieure de la palette
Nerf ulnaire
INSTALLATION ET INCISION CUTANÉE
Antéro-latéral Tubérosité du radius, insertion du biceps brachial
Le plus grand confort est obtenu en installant le patient en décubitus
Lésion vasculonerveuse
latéral sur le côté opposé, l’épaule en flexion à 90°, le bras reposant
sur un support plat ou à concavité supérieure, l’avant-bras pendant
– s’affranchir de l’une de ces masses musculaires en la sectionnant, verticalement, le coude à angle droit (fig 1). Ce support ne doit pas
en en faisant la désinsertion sous-périostée ou en réalisant gêner la flexion en cours d’intervention.
l’ostéotomie de son insertion osseuse. Une installation voisine en décubitus ventral est également possible
Parmi les obstacles musculaires, le plus facile à contourner, puis à (fig 2). Elle est plus longue à réaliser (protection des points d’appui)
réparer, est certainement le triceps. C’est pourquoi, parmi les et n’a d’intérêt que si cette position est nécessaire à un geste
nombreuses voies d’abord qui vont suivre et dont les indications simultané (prélèvement à la crête iliaque, ostéosynthèse simultanée
sont résumées au tableau II, les voies postérieures sont les plus dans la même position). Là encore, le support ne doit pas être trop
nombreuses. long pour ne pas gêner la flexion en cours d’intervention.
2
Techniques chirurgicales Voies d’abord du coude 44-320
2 Installation en décubi-
tus ventral pour voie posté-
rieure.
3 Installation en semi- bas la crête ulnaire, rectiligne selon Langenbeck ou sinueuse selon
décubitus latéral pour voie
Ollier. Elle contourne l’olécrane habituellement en dehors (pour la
postérieure.
majorité des auteurs) ou en dedans (pour Smith) permettant ainsi
d’atténuer la tension sur la cicatrice.
3
44-320 Voies d’abord du coude Techniques chirurgicales