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Programme Thématique de Recherche :

PTR-LSCC – CAMES- Langues, Sociétés,


Cultures et Civilisations (LSCC)

La problématique du genre dans les


processus électoraux en Afrique
Subsaharienne
The problematic of gender in electoral
processes in Subsaharan Africa

Sous la direction de
Dr (MC) Yvette ONIBON DOUBOGAN

Préface de Professeur Céline Yolande KOFFIE BIKPO

© Monange, 2021
Yaoundé, www.monange.org
ISBN : 978-9956-655-78-6
Comité scientifique
Scientific committee
AMADOU Sanni Mouftaou, Professeur titulaire, Université de Parakou,
Bénin
BADINI Kinda, Professeur titulaire, Université Joseph ki Zerbo, Burkina
Faso
DIOP Fatou, Professeur titulaire, Université Gaston Berger, Saint Louis,
Sénégal
KOFFIE BIKPO Céline, Professeur titulaire, Université Félix
Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire
KOLA Edinam, Professeur titulaire, Université de Lomé, Togo ;
LEZOU KOFFI Aimée-Danielle, Professeur titulaire, Université Félix
Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire
AKIYO Offin Lié Rufin, Maître de conférences, Université de Parakou,
Bénin
KAKAI Hygin, Maitre de conférences agrégé, Université d’Abomey-
Calavi, Bénin
KOUADIO Anne Marilyse Maitre de conférences, Ecole Normale
Supérieure d’Abidjan, Côte d’Ivoire.
ONIBON DOUBOGAN Yvette, Maître de conférences, Université de
Parakou, Bénin
OUASSA KOUARO Monique, Maître de conférences, Université
d’Abomey-Calavi, Bénin
ROUAMBA Valérie, Maître de conférences, Université Joseph ki Zerbo,
Burkina Faso.
Comité de lecture
Reading committee
AMADOU Sanni Mouftaou, Professeur titulaire, Université de Parakou,
Bénin
ONIBON DOUBOGAN Yvette, Maître de conférences, Université de
Parakou, Bénin

239
OUASSA KOUARO Monique, Maître de conférences, Université
d’Abomey-Calavi, Bénin
BADOU SAVI Oladoun Agnès, Maître assistante, Université d’Abomey-
Calavi, Bénin
GUIGUEMDE Relwende, assistant en philosophie, enseignant chercheur
au centre universitaire de Manga, Burkina Faso ;
OUEDRAOGO Hamado, Enseignant chercheur à l’Université Joseph Ki
Zerbo, Burkina Faso ;
SAWADOGO Souleymane, Enseignant chercheur à l’Université Joseph
Ki Zerbo, Burkina Faso ;
TENGUERI Yacouba, Enseignant-chercheur, Université de Dédougou,
Burkina Faso.

Secrétariat
Secretariat
Dr ONIBON DOUBOGAN Yvette, Maître de conférences, Université de
Parakou, Bénin
Dr Boni Florent TASSO, Enseignant chercheur, Université d’Abomey-
Calavi, Bénin
TOHOUN Michel, assistant de recherche

240
Sommaire
Sommaire ................................................................................................ 9
Summary .............................................................................................. 11
Avant-propos ........................................................................................ 13
Préface .................................................................................................. 15
Introduction.......................................................................................... 19
Axe 1 : Contextes socioculturels et stéréotypes sexistes en politique
dans les pays africains ......................................................................... 23
L’intégration des femmes dans la sphère politique ivoirienne à l’épreuve
des stéréotypes sexistes, Aya Blanche Anita ATTIOUA .................... 25
Les femmes conseillères à la présidence : Une transposition des
compétences familiales dans la sphère publique ? Le cas du Gabon,
Roselyne IMMONGAULT NOMEWA ............................................. 39
Le principe « un homme, une voix » à l’épreuve de la gent féminine en
Afrique, Charly Cédric NDZANA MBOUNI .................................... 59
Participation politique des femmes en Afrique de l'Ouest francophone :
Un défi à relever, SAMAKE AWA ...................................................... 81
Histoires de vie et engagement politique de quatre femmes au Bénin,
Sotima TCHANTIPO et Latifatou TABE ....................................... 101
Participation politique des femmes : Entre préjugés et marginalisation,
Ouassa TIEKOURA .......................................................................... 113
Tendances géographiques du vote par genre en Côte d’Ivoire entre 2016
et 2018, Amiri Saint-Luc Dieudonné AKOUÉ et Joseph P. ASSI-
KAUDJHIS ......................................................................................... 131
Axe 2 : Justice de genre, et inégalités entre les sexes dans les
processus électoraux en Afrique ....................................................... 147
Promotion politique des femmes au Bénin : Les textes de lois à
l’épreuve des faits, Adolé Félicité AKUESON .................................. 149
La participation des femmes dans les processus électoraux en Afrique :
Entre dynamisme et statisme dans la considération des femmes, Martial
Fabrice ETEME ONGONO.............................................................. 167
Égalité de droit et égalité de fait : Parcours épineux des candidates aux
élections législatives et municipales au Burkina Faso, Alexis Salvador
LOYE .................................................................................................. 185

241
La problématique du genre à l’aune du 21e siècle dans les processus
électoraux au Togo : Théories et réalités, Lébédagou Arsène
Déléwendé SIBITI .............................................................................. 201
Axe 3 : Processus électoraux inclusifs : Leçons apprises de trois
décennies de militantisme.................................................................. 219
Percée des femmes en politique à Madagascar : Évaluations des
élections municipales et législatives de 2019, Miora
RAKOTOARIVELO MALALANIAINA, Marie Monique
RASOAZANANERA et Mamy Reine RAZANADRAFARA ........ 221
Instrumentation ou Instrumentalisation du Genre dans les Processus
Électoraux au Bénin de 1990 à 2020 ?, Matinou Boladji Romaric
MOUFTAOU...................................................................................... 243
Les femmes au Mali : Des systèmes traditionnels de gouvernance
à l’émergence du multipartisme intégral ; Historique d’un
militantisme politique, Amadou Zan TRAORE et Nassoum Yacine
TRAORE ............................................................................................ 269
Conclusion .......................................................................................... 289

242
Instrumentation ou Instrumentalisation du
Genre dans les Processus Électoraux au Bénin
de 1990 à 2020 ?
Instrumentation or Instrumentalization of Gender
in Electoral Processes in Benin from 1990 to
2020?
Matinou Boladji Romaric MOUFTAOU
Doctorant en Science Politique, Centre d’Études Sociologiques et de
Science Politique (CESPo, Université d’Abomey-Calavi (UAC),
République du Bénin Tél. : (+229) 67199683 Email :
m2bromaric@yahoo.fr
Résumé
La question de l’égalité du genre et de l’équité intègre de plus en
plus l’action publique de par sa hiérarchisation dans l’agenda politique.
Depuis trente ans que le Bénin a renoué avec la démocratie, les élections
ont connu une faible représentativité des femmes. La présente étude
examine la question de l’instrumentation et de l’instrumentalisation du
genre dans les processus électoraux de 1990 à 2020 en République du
Bénin, dans le but d’explorer la place accordée aux femmes dans les
élections afin d’attirer l’attention sur la nécessité d’infléchir ou non
l’action publique sur le genre dans les élections. La démarche
méthodologique s’est basée sur une recherche empirique dont les outils
ont été notamment le documentaire et les questionnaires. À cet effet, les
analyses sont faites par approche déductive et parfois inductive. Cette
enquête a été réalisée à travers un questionnaire administré en ligne et des
entretiens individuels avec des femmes militant dans des partis politiques.
Menées aussi bien sur des données quantitatives que qualitatives
collectées, les analyses permettent de conclure que les inégalités de genre
dans les processus électoraux de 1990 à 2020 au Bénin existent et elles
interpellent sur la nécessité de revoir l’instrumentation de l’action
publique sur le genre dans les élections au Bénin.
Mots-clés : Genre, égalité vs équité, instrumentation vs
instrumentalisation, processus électoral.
Abstract
The issue of gender equality and equity increasingly integrates
public action through its prioritization on the political agenda. For thirty
years that Benin has returned to democracy, elections have seen a low

243
representation of women. This study examines the issue of gender
instrumentation and instrumentalization in electoral processes from 1990
to 2020 in the Republic of Benin, with the aim of exploring the place
given to women during elections in order to draw attention to the need to
bend or not public action on gender in elections. The methodological
approach was based on documentary research and a survey on women's
participation in electoral processes in Benin. Deductive and sometimes
inductive approaches were used in analyses. This evaluation was carried
out through a questionnaire administered online and individual interviews
with women active in political parties. Conducted on both quantitative
and qualitative data collected, analyzes of the results allow us to conclude
that gender inequalities in the electoral processes from 1990 to 2020 in
Benin exist and they call into question the need to review the
instrumentation of public action on gender during elections in Benin.
Keywords: Gender, equality vs equity, instrumentation vs
instrumentalization, electoral process.
Introduction
Les Nations unies ont œuvré pour la prise en considération de la
promotion du genre dans les politiques publiques des États, de telle sorte
que son profit soit aussi bien pour l’homme que pour la femme, comme
le souligne la politique nationale de promotion du genre au Bénin (2008 :
24). Cette même politique nationale de promotion du genre au Bénin
rappelle qu’en adhérant aux recommandations de la Conférence de
Beijing de septembre 1995, l’État béninois s’est montré comme une
Nation ayant à cœur la promotion des droits des femmes (2008 : 8).
De la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH
en 1948), la Déclaration Universelle des droits de la Femme et de la
Citoyenne (DUDFC en 1971), de la Convention CEDEF (3 septembre
1981) au Protocole de Maputo (11 janvier 2003) en passant par la
Déclaration Solennelle des Chefs d’États (8 juillet 2004) et la Déclaration
de Beijing (1995), les recommandations concernent entre autres, le
renforcement du pouvoir d’action des femmes qui constitue un préalable
essentiel à la sécurité politique, sociale, économique, culturelle et
écologique de tous les peuples. Le Bénin s’est donc engagé dans la mise
en place des stratégies de développement et d’intégration du genre. Le
premier outil indispensable est le Plan National de Développement (PND)
et l’Agenda 2063 de l’Afrique à travers les exigences suivantes : i)
croissance économique et transformation structurelle, ii) réduction des
inégalités et amélioration de l’inclusion sociale, iii) durabilité

244
environnementale, et iv) gouvernance efficace et inclusive en vue des
investissements structurants et des grandes réformes économiques et
sociales. Or, dans toute société, la femme joue un triple rôle qui se décline
ainsi qu’il suit :
- le rôle (travail) lié à la production : production de biens et de
services voués à la consommation ou au commerce ; tout emploi générant
un revenu ;
- le rôle (travail) lié à la reproduction : entretien du ménage,
tâches domestiques, soins et éducation des enfants, collecte d’eau, du
bois…
- le rôle (travail) lié à la collectivité : toute activité permettant
d’améliorer le maintien et l’établissement des liens : cérémonies et fêtes,
participation à mouvements sociaux. Le constat se fait nettement que le
triple rôle des femmes leur donne peu d’espace et de temps pour garantir
un accès égal des femmes et des hommes aux ressources et aux bénéfices,
aux structures de définition des politiques et aux décisions au niveau de
la famille et de la société.
Paradoxalement, l’on observe que plusieurs élections ont été
organisées avec une faible représentativité des femmes, malgré les
instruments d’action publique mobilisés par l’État béninois pour
promouvoir les femmes dans la vie politique. En effet, il découle des
résultats publiés par la Commission Électorale Nationale Autonome
(CENA) du Bénin dans le cadre des différentes élections organisées en
République du Bénin, de 1990 à nos jours, que le taux de femmes élues
dans le processus électoral n’a jamais atteint le seuil des 12%, quel que
soit le type d’élection. Cette sous-représentation des femmes dans le
processus électoral malgré leur supériorité numérique au sein de la
population béninoise laisse entrevoir un problème d’inégalités de genre.
L’on note une caporalisation masculine du champ politique béninois,
laissant peu d’espaces aux femmes. C’est ce qui a motivé l’orientation de
la recherche sur « Instrumentation ou Instrumentalisation du Genre dans
les Processus Électoraux au Bénin de 1990 à 2020 ?». Si l’on se réfère
aux données de la CENA lors des dernières élections communales de mai
2020, l’on constate que les hommes ont été positionnés à plus de 92% sur
les listes de candidatures titulaires et suppléantes, bien que les partis
politiques en lice pour compétir ont signé une charte d’équité homme-
femme en politique pour manifester leur engagement à assurer l’équilibre
représentatif entre homme et femme sur les listes électorales. Selon J. B.
Eyméoud et P. Vertier (2020), la surreprésentation des hommes n’est pas

245
neutre du point de vue des politiques menées, car les femmes et les
hommes n’ont pas les mêmes préoccupations une fois élus. D. Mechoulan
D. M. Youssef, Andrea Ó. Súilleabháin, R. Jimena Leiva (2018)
rappellent que la participation accrue des femmes et leur plus grande
présence aux postes de responsabilité et de décision conduisent pourtant
à une société plus pacifique obtenant de meilleurs résultats en matière de
développement.
Dans la littérature scientifique, les concepts de genre, d’égalité,
d’équité retiennent une attention particulière qu’il urge de clarifier. Ainsi,
le « Genre » s'inscrit, selon J. Bisilliat et C. Verschuur (2000 : 9), dans
une analyse des rapports sociaux et reconnaît que les relations de pouvoir
entre les hommes et les femmes au sein des différentes instances de la
société sont responsables d'une distribution inégale des ressources, des
responsabilités et du pouvoir entre femme et homme. « Le concept
« genre » est, ce qui différencie les aspects sociologiquement attribués à
l’identité d’un individu, des caractéristiques physiologiques des hommes
et des femmes. Le genre a trait à notre façon de penser, comment nous
nous sentons, et ce que nous pensons pouvoir et ne pas pouvoir faire à
cause de concepts socialement définis de masculinité et de féminité »
(Madhu Bala Nath, 1999 cité par Kakai, 2008 : 4).
Il apparaît de ces définitions que le genre doit être distingué du
sexe, qui est naturel, biologique, inné et statique. Il faut également
distinguer le genre en tant que concept, qui est l’ensemble des rôles et
responsabilités sociales et culturelles attribués aux hommes et aux
femmes compte tenu de leur sexe, et le genre en tant qu’approche, qui
repose sur l’analyse et la remise en cause des processus qui différencient
et hiérarchisent les individus en fonction de leur sexe.
Selon N. Belloubet-Frier (1998 : 159), l’équité véhicule l’idée
selon laquelle il est nécessaire de dépasser la généralité de la règle de
droit et d’attribuer à chacun ce qui lui est dû, en référence à un principe
de justice naturelle. C. Kiss (1986) rappelle que le principe d'égalité tel
qu'il est traduit dans des dispositions conventionnelles en tant que norme
générale, est formulé avant tout dans des termes négatifs : toute
discrimination est interdite.
Pour J. Barnier (2006 : 2), « l’égalité n’est ni un «pari» ni
un « postulat » (qui pourrait s’avérer faux) ni même une «réalité».
Ce n’est pas quelque chose à définir ou à démontrer : c’est à la
fois un idéal à atteindre (l’absence de hiérarchie et de domination
entre les êtres humains) et un principe directeur, une valeur

246
fondamentale, une manière de voir le monde qui refuse de
hiérarchiser les individus et de créer une domination symbolique
à partir de différences qui pourraient, dans un autre contexte,
n’avoir aucun sens ».
Il ressort de ces définitions que l’égalité consiste à donner les
mêmes choses aux individus, alors que l’équité consiste à donner les mêmes
possibilités aux individus. La construction d’une société qui offre les mêmes
chances à tous les citoyens requiert une instrumentation de l’action publique
qui tienne compte des principes d’égalité et d’équité du genre. Et cette
instrumentation doit être distinguée d’une instrumentalisation.
Selon Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès (2004 : 12),
l’instrumentation de l’action publique est l’ensemble des problèmes posés
par le choix et l’usage des outils (des techniques, des moyens d’opérer, des
dispositifs) qui permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action
gouvernementale. En ce qui concerne l’instrumentalisation, J. Ferreux
(2013) souligne qu’instrumentaliser quelqu’un, c’est tout bonnement
« l’outiliser », plus prosaïquement, en faire un « outil utile ».
L’instrumentalisation apparaît donc comme un processus par lequel une
personne devient un outil indispensable au gain ou à l’atteinte des
objectifs fixés par un tiers. Pour ainsi dire, les femmes sont presque
chosifiées sinon traitées comme l’échelle d’aboutissement des attentes.
Dans le cas où un être humain est utilisé comme un outil. L’on pourrait
penser à une manipulation de cet individu. De ce fait, lorsque l’on observe
l’implication et l’interaction des individus dans les périodes d’élections,
l’on peut se demander si ces individus sont utilisés ou « outilisés » dans
les processus électoraux.
La notion de « processus » est proche de celles d’« itinéraire » et
de « trajectoire ». Dans un sens proche de celui de processus, J.-C.
Passeron (1990) parle d’une analyse d’itinéraire, et Castel (1998) de
trajectoire. Cette diversité de termes utilisés pour expliquer la notion de
processus traduit une nuance bien déterminée, à savoir que le processus
induit une succession d’étapes dans le temps.
Combiné avec le terme « élection » qui constitue, selon G.
Hermet, B. Badie, P. Birnbaum et P. Braud (2001 : 100), un mode de
désignation des titulaires des rôles politiques octroyant aux membres de
la collectivité concernée le droit de choisir leurs représentants, le
processus électoral met en exergue les différentes étapes au cœur de
l’élection dans la légitimation du rôle de représentant. Le processus
électoral implique donc une phase d’avant-élections, au cours de laquelle

247
l’ensemble des opérations indispensables au bon déroulement des
élections, à savoir la publication de la liste électorale, l’ouverture des
candidatures, sont entamées. Il s’ensuit la phase du déroulement du
scrutin selon les trajectoires consacrées, et enfin la phase de la
proclamation des résultats qui peut conduire aux contentieux électoraux,
et qui est perçu par G. Hermet, B. Badie, P. Birnbaum et P. Braud (2001
: 100) comme des recours introduits contre des résultats.
Analyser la question des inégalités de genre dans les processus
électoraux au Bénin relève d’une opportunité scientifique pour rendre
compte du panorama de la représentativité des femmes en politique au
Bénin depuis le renouveau démocratique. Autrement dit, la préoccupation
que souligne la présente étude réside dans le fait qu’il faut examiner les
relations entre les politiques genre notamment celle du Bénin et sa mise
en œuvre dans le volet « Participation des femmes aux instances de prise
de décision » qui se rattache à l’axe stratégique 1 stipulé comme suit :
« Mettre en place des mesures rendant effectives l’égalité et l’équité entre
homme et femme dans l’accès à l’éducation, à l’alphabétisation et aux
structures de prise de décisions dans toutes les sphères (individuel,
familial, communautaire, national et international ». Il s’agit
principalement de rechercher :
- Si les textes internationaux, ceux législatifs et réglementaires
disposent que la femme soit instrumentalisée ;
- Si les stratégies genre de la CEDEAO, de l’UEMOA et les cinq
stratégies genre définies au Bénin dans la PNPG s’accordent pour
que ce soit la femme qui serve d’étendoir ;
- Identifier les dispositions qui favorisent ou non cet état de
choses qui rend les femmes sujettes aux décisions des hommes.
La recherche des réponses ou des solutions à ces préoccupations
va permettre de statuer sur les constats, les statistiques afférentes à la
participation des femmes aussi bien aux instances supérieures de décision
que dans les structures étatiques. En effet, leur présence dans les
structures étatiques prédispose à la part de responsabilité qu’elles peuvent
déjà avoir dans les communautés ou les décisions à des niveaux
supérieurs.
Pour répondre aux questions de l’étude, le présent article
s’articule autour de trois parties à savoir : i) Cadre théorique et
méthodologique de l’étude ; ii) Résultats et Analyses ; et iii) Discussions.

248
Cadre théorique et méthodologique de l’étude
Cadre de recherche et population de l’étude
Le cadre de recherche choisi est le Bénin où la praxis porte sur
une décennie soit la période allant de 1990 à 2020 et qui s’explique par
le fait qu’elle marque l’ère du renouveau démocratique sinon le temps
du renouvellement des stratégies de politique et de prise en compte des
opinions du peuple. En effet, la conférence des forces vives de la nation
a permis de changer les perceptions sociales et d’accorder une place de
choix aux individus de la société. Ainsi, l’article 26 de la constitution du
11 décembre 1990 dispose que « L’homme et la femme sont égaux en
droit. L’État protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant. Il
veille sur les handicapés et les personnes âgées ». Cet article a été revu
et renforcé dans la Loi n°2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision
de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la
République du Bénin. C’est dire que le Bénin a accepté d’accorder une
place de choix aux femmes. Dans ce contexte, la femme a la possibilité
de participer pleinement aux actions et décisions qui se prennent. Avec
le multipartisme consacré par le renouveau démocratique, la période
allant de 1990 à 2020 est donc une période au cours de laquelle la
participation des femmes au processus électoral peut être appréciée. Par
ailleurs, en considérant la dynamique internationale, cette période
inaugure l’engagement de la communauté internationale à la promotion
du genre, et ce, à travers les engagements pris par les États à l’issue de
la conférence de Beijing de 1995.
La résolution des problèmes que soulève cette étude a nécessité
de procéder à une recherche documentaire pour saisir le cadre
institutionnel mis en place, de même que l’arsenal juridique et le cadre
sociologique qui sont à l’œuvre dans la promotion de la femme au Bénin.
Une enquête d’opinion auprès des femmes en politique s’est également
révélée opportune. Ces femmes sont des militantes dans des partis
politiques, ayant été candidates à une élection ou occupant actuellement
un poste électif ou de responsabilité au sein de leur parti. En raison de la
crise sanitaire due à la Covid-19, l’échantillonnage pour l'enquête n’a été
fait que sur un nombre réduit. Nous avons opté pour un échantillonnage
de choix raisonné et dirigé vers les cibles féminines que sont les femmes
qui occupent des postes de rangs politiques en fonction ou ayant exercé
une fonction politique au moins une fois. Ces femmes ont été ciblées
dans le septentrion, le Sud et le Centre du Bénin. Au total, il y a eu
quarante (40) femmes. La répartition des enquêtées suivant leur parti
politique se trouve dans le tableau 1.

249
Tableau 1 : Répartition des femmes enquêtées suivant les partis politiques
d’appartenance. Source : Données issues de l’enquête d’opinions de Septembre 2020.

Partis Politiques Effectif %


Union Progressiste (UP) 14 35,0%
Bloc Républicain (BR) 11 27,5%
Forces Cauris pour un Bénin Émergent
7 17,5%
(FCBE)
Force Cauri pour le Développement du Bénin
3 7,5%
(FCDB)
Union pour le Développement d'un Bénin
2 5,0%
Nouveau (UDBN)
Les Démocrates 2 5,0%
Mouvement des Élites Engagées pour
1 2,5%
l'Émancipation du Bénin (Moele-Bénin)
Total 40 100,0%
Outils de collecte de données
Les données quantitatives primaires ont été collectées à l'aide d'un
questionnaire en ligne. Quant aux données qualitatives, elles ont été
collectées au moyen d’un guide d'entretien (en présentiel) et des questions
ouvertes du questionnaire. Ceci nous a permis d'avoir une vision plus
large et de pouvoir donner une interprétation plus juste des résultats. Nous
avons de ce fait mené une analyse déductive qui nous renvoie par
moments, à une approche inductive. Les données secondaires ont été
collectées à partir des statistiques disponibles dans les documents et
rapports consultés au cours de la recherche documentaire.
Méthodes de traitement et d’analyse des données
L'analyse des données quantitatives a été réalisée avec le logiciel
Microsoft Excel. Les données ont été apurées avant l’analyse et la
production des statistiques descriptives. Celles-ci ont été obtenues après
tri à plat et tri filtré par strate et sont présentées sous forme de tableaux
ou de diagrammes.
Les données qualitatives quant à elles ont subi une analyse de
contenu (classification des idées et regroupement suivant des thèmes).
L’analyse qualitative a été illustrée par des citations (verbatim) extraites
des entretiens retranscrits permettant de refléter les idées issues de
l’analyse, de rendre le rapport d’analyse plus concret et « vivant », mais
aussi de donner une retranscription fidèle des propos des répondantes.

250
Résultats et Analyses
État des lieux de la participation des femmes dans les processus
électoraux au Bénin de 1990 à 2020
Contextes historique, juridique et institutionnel
Le tumulte politique ayant prévalu au Bénin de 1960 à 1972, avec
14 régimes qui se sont succédé au pouvoir en 12 ans, n’a pas favorisé une
imbrication du genre dans le processus de désignation des leaders
politiques nationaux. En effet, le premier coup d’État perpétré par les
militaires en 1963 a laissé le pays dans un cycle d’instabilité politique
jusqu’en 1972, année qui inaugure l’ère du pouvoir marxiste. M.
Attanasso (2012 : 18), révèle que les années 1972 à 1989 ont consacré la
période révolutionnaire au Bénin où, l’égalité entre l’homme et la femme
a été instaurée par la loi fondamentale de 1977. Ceci a marqué le début
de la reconnaissance juridique au Bénin de l’égalité entre l’homme et la
femme. La volonté d’impliquer les femmes dans la vie politique s’est
davantage affirmée avec la création le 23 décembre 1983 de
l’Organisation des Femmes Révolutionnaires du Bénin (OFRB) qui a eu
pour mission de favoriser une meilleure insertion des femmes dans
l’arène politique et dans le monde socioprofessionnel où elles sont
toujours marginalisées. L’organisation de la conférence nationale des
forces vives de la nation en février 1990, qui consacre l’avènement du
renouveau démocratique au Bénin, s’est faite avec une vingtaine de
femmes sur plus de 450 participants. Nonobstant ce fait, la loi 2019-40
du 07 novembre 2019, portant révision de la loi 90-32 du 11 décembre
1990 portant constitution de la République du Bénin en son article 26
dispose que « l’homme et la femme sont égaux en droit. Toutefois, la loi
peut fixer des dispositions spéciales d’amélioration de la représentation
du peuple par les femmes ».
Membre actif des États de la CEDEF, le Bénin, à l’instar des
autres nations, a adhéré aux diverses conventions internationales relatives
à la protection, à la promotion et à la participation des femmes aux
instances de prise de décision. Selon le rapport Beijing + 20 (2020 : 11),
l’État béninois a concrétisé sa volonté de promotion du genre en créant
en 1998 le ministère en charge de la promotion de la femme, à qui il a
confié le rôle fondamental de veiller à la promotion de la femme et de
l’égalité des sexes. La création de la Direction de la Promotion de la
Femme et du Genre (DPFG) au Ministère chargé des Affaires Sociales
entérine cette volonté de l’État béninois de promouvoir l’essor de la
femme. Cette direction assure la mise en œuvre de la politique de l’État
en matière de promotion du genre et de l’autonomisation de la femme, et
constitue le premier bras armé de l’État dans ce domaine. De même, la

251
création de l’Institut National pour la Promotion de la Femme (INPF) est
une preuve du désir manifeste de l’État béninois de concrétiser l’approche
genre dans tous les secteurs de développement. L’objectif de cet institut
s’inscrit dans le cadre de la mise en place des programmes multisectoriels
pour la promotion du genre et de concert avec le Parlement béninois du
vote de lois sur la participation politique égale des hommes et des femmes
dans le processus électoral.
La liberté d’association et d’initiatives laissée aux organisations
de la société civile soucieuses de promouvoir le genre est indicative de la
volonté de l’État béninois de laisser toutes les parties prenantes à
participer et à contribuer à l’atteinte des objectifs en matière de promotion
du genre. De plus, le souci de faire émerger les femmes dans la vie
politique béninoise a conduit à la mise en place de la charte d’éthique
homme-femme en politique au Bénin. Cette charte a été signée le 05
décembre 2019 par les partis politiques régulièrement reconnus au Bénin
qui se sont engagés pour son respect qui devrait conduire à un
rétablissement de l’équilibre représentatif entre homme et femme sur les
listes électorales. Cette charte est donc un gage, une assurance voire une
garantie de la promotion de la femme en politique. L’application de cette
charte, et par-dessus tout le respect du code électoral, devraient conduire
à une implication effective des femmes au sein des partis, plus
précisément dans les instances de prise de décision interne. Pourtant, les
femmes interrogées ont soutenu en majorité que les femmes occupent peu
les postes de prise de décision à l’intérieur des partis et qu’elles ne sont
pas traitées de la même manière que les hommes. Pour ces femmes, la
perception que les hommes ont d’elles est très négative. Les hommes
voient en elles une incapacité à comprendre la chose politique, à en
déceler les contours, et à aller au front pour la compétition. Aussi, le code
électoral du Bénin s’est limité dans son article 145 aux élections
législatives sans étendre la possibilité du quota minimum de femmes aux
élections communales.
L’application de la charte d’équité homme-femme en politique
qui devrait manifester la volonté des partis à s’engager pour la promotion
du genre aux élections communales de mai 2020 s’est traduite par une
désillusion. À partir des candidats en lice, les femmes ont occupé la
position de suppléante dans la majorité des cas, et les partis n’ont pas
respecté la représentativité des femmes sur les listes comme souhaité par
le code électoral. Toutefois, la charte ne prévoit aucune sanction pour les
partis qui ne respecteront pas les engagements pris. De ce fait, l’absence
de sanctions ne contraint pas les partis au respect de leur engagement.
Parallèlement à la représentativité des femmes en politique, leur
représentativité au sein des institutions nationales de prise de décision est

252
aussi faible au regard des graphiques et des tableaux ci-dessous. Ce qui
traduit la sous-représentation des femmes non seulement en politique,
mais aussi dans les autres secteurs vitaux de prise de décision de la nation.
Ceci rend en effet compte du caractère masculin de la représentativité
dans les instances de décision et dans la sphère politique.
Graphique 1 : Intégration genre au Ministère des Affaires Étrangères (MAE) Source :
Rapport Beijing +25, 2019.

Graphique 2 : Intégration genre au Ministère des Enseignements Secondaires,


Techniques et de la Formation Professionnelle (MESTFP) Source : Rapport Beijing
+25, 2019.

253
Graphique 3 : Intégration genre au Ministère de l’Enseignement Maternel et Primaire
(MEMP) Source : Rapport Beijing +25, 2019.

Graphique 4 : Intégration genre au Ministère des Infrastructures et des Transports


(MIT) Source : Rapport Beijing +25, 2019.

254
Graphique 5 : Intégration genre au Ministère de la Justice et de la Législation (MJL)
Source : Rapport Beijing +25, 2019.

Graphique 6 : Intégration genre au Ministère de l’Eau, de l’Énergie, et des Mines


(MEEM) Source : Rapport Beijing +25, 2019.

255
Tableau 2 : Évolution de la représentativité des femmes au niveau des postes
nominatifs. Source : Rapport Beijing +25, 2019.
Mandat /
Période de Total Hommes Femmes % Femmes
référence
Gouvernement
2014-2015 27 23 4 14,81
Oct. 2017 22 18 4 18,18
Conseil Économique et Social
2009-2014 30 27 3 10,00
2014-2019 30 27 3 10,00
Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
2009-2014 9 9 0 0
2014-2019 9 7 2 28,6
Haute Cour de Justice
2013-2018 13 11 2 15,4
2018-2023 13 12 1 7,7
Préfecture
Déc. 2015 6 5 1 16,66
Juil. 2016 12 11 1 8,33

La question de la représentativité des femmes dans les processus


électoraux
Le renouveau démocratique au Bénin a consacré l’organisation
régulière des élections. Outre les élections présidentielles, il y a les
élections législatives et par la suite les élections municipales et
communales. Depuis 1990 les tendances électorales affichent en général
une faible représentativité des femmes dans la sphère politique.
Les élections législatives
Graphique 7 : Proportion désagrégée par sexe des candidats(es) aux élections
législatives. Source : Commission Électorale Nationale Autonome, 2020.

256
Les élections des sixièmes (2011-2015) et septième (2015-2019)
législatures ont connu une participation d’à peine dix pour cent (10%) de
femmes en tant que candidates. Cela traduit une faible représentativité
dès la phase de positionnements sur les listes électorales. Comme le met
en exergue la figure 1, la répartition par sexe des candidats n’a pas
réellement changé de structure entre 2011 et 2019. Ces chiffres sont
encore plus faibles lorsque l’on considère les femmes effectivement élues
députés. Le graphique 8 nous donne un aperçu de la proportion
désagrégée par sexe de l’effectif des parlementaires depuis 1990.
Graphique 8 : Répartition (%) des parlementaires élus selon la mandature et le sexe.
Source : Commission Électorale Nationale Autonome, 2020.

100% 95,3% 94,0%


92,7% 92,8% 92,8% 91,6% 91,6%
89,2%
90%
Proportion de parlementaires élus par sexe

80%

70%

60%

50%

40%

30%

20%
10,8%
7,3% 7,2% 7,2% 8,4% 8,4%
10% 4,7% 6,0%

0%
1991-1995 1995-1999 1999-2003 2003-2007 2007-2011 2011-2015 2015-2019 Depuis
2019
Femme Homme

Il ressort que la proportion des femmes parlementaires reste


presque constante (entre 6% et 8%) à travers toutes les législatures, à
l’exception de la législature de 2007 à 2011, où la barre de 10% de
femmes élues avait été légèrement franchie. Cette hausse pourrait
s’expliquer par le fait qu’il y ait la création d’un Ministère en charge des
questions du genre de même que le souci d’application des décisions des
diverses assises au niveau des Nations Unies.

257
Les élections communales
Graphique 9 : Proportion désagrégée par sexe des candidats(es) aux élections
communales. Source : Commission Électorale Nationale Autonome, 2020.

En ce qui concerne la représentativité des femmes dans les


collectivités locales, les statistiques ne sont guère reluisantes comme
l’illustre le graphique 9 relatif aux élections communales de 2020 qui ont
connu la participation, selon la Commission Électorale Nationale
Autonome, de 1.418 femmes sur 18.150 candidats présentés par les partis
en lice, soit 7,8% de femmes. De surcroît, sur les cinq (05) partis en
compétition, comme le montre le graphique 10, seul le parti Union
Démocratique pour un Bénin Nouveau (UDBN) dirigé par une femme a
présenté plus de 10% de femmes à ces élections avec 464 femmes sur les
3630 candidats(es) présentés.
Graphique 10 : Proportion désagrégée par sexe des candidats(es) aux élections
communales suivant les partis en lice. Source : Commission Électorale Nationale
Autonome, 2020.

258
Il est à noter toutefois un accroissement du nombre de femmes
élues à l’issue des élections communales entre 2003 et 2020 (Graphique
11). Cette proportion est passée de 3,5% de femmes élues en 2003 à 5,6%
en 2020. Cet accroissement relève de l’action des organisations de la
société civile, de l’appel à la représentativité des femmes en politique par
les représentations diplomatiques, dont les résultats se sont concrétisés
par cet accroissement des femmes élues au niveau local.
Graphique 11 : Répartition des membres des conseils communaux élus selon la
mandature et le sexe. Source : Commission Électorale Nationale Autonome, 2020.

Les élections présidentielles sur toute la période d’étude (1990-


2020), n’ont connu que la participation de trois femmes, qui se sont
portées candidates (à partir des élections présidentielles de 2001) sans
jamais pouvoir totaliser au moins 5% du total des suffrages exprimés,
selon les résultats publiés par la Commission Électorale Nationale
Autonome. Le constat dans ce cas est que non seulement les femmes sont
quasi-absentes sur les listes de candidatures aux élections présidentielles,
mais celles qui ont fait le pas de braver tous les défis et obstacles n’ont
pas eu le soutien de l’électorat féminin.
La faible participation des femmes comparées aux hommes dans
les diverses élections soulève la question légitime de la place qui leur est
accordée dans les partis politiques, qui sont les viviers des candidatures
potentielles.
La question de la place accordée aux femmes au sein des
partis politiques
La représentativité des femmes au sein des partis politiques au
Bénin
À la question de savoir si les femmes sont valablement
représentées aux postes de décision dans leurs partis respectifs, 70% des
répondantes ont répondu « Non ». De plus, 87.5% d’entre elles pensent
qu’elles ne sont pas traitées de la même façon que les hommes au sein de
leurs partis respectifs (Graphique 12).

259
Graphique 12 : Représentativité des femmes aux postes de décisions. Source : Données
issues de l’enquête d’opinion de Septembre 2020.

Les tâches auxquelles sont assignées les femmes en politique au


Bénin sont souvent celles consistant à mobiliser les foules pour le compte
de leur parti, notamment pour les candidats, qui se révèlent en majorité
être des hommes. Elles occupent pour la plupart les postes de secrétaires,
trésorières, chargées de l’animation et sont à la tête des comités
d’organisation des séances de rencontre notamment les assemblées
générales et les rencontres locales.
Les positionnements sur les listes des candidats
Les conditions permettant d’être positionnée sur les listes
électorales au Bénin sont informelles en général, car hormis le leadership
et la popularité dans la région où l’on se présente, il faut le soutien de la
haute sphère du parti auquel l’on appartient et la mobilisation des moyens
financiers conséquents. Les femmes qui ne sont pas mariées sont,
contrairement aux hommes qui ne le sont pas, considérées comme
dépravées et donc inéligibles. Les données issues de l’enquête d’opinion
montrent que 80% des femmes membres d’un parti politique ont
l’impression que les femmes sont utilisées comme des marionnettes afin
d’éviter qu’il n’y ait que des hommes dans les instances de décision, ou
afin de satisfaire un quota à des fins électorales.

260
Graphique 13 : Fondement du positionnement des femmes sur les listes électorales.
Source : Données issues de l’enquête d’opinion de Septembre 2020.

Faits révélateurs de l’instrumentation ou de l’instrumentalisation


des femmes dans les processus électoraux au Bénin de 1990 à
2020 ?
Instrumentation
Au regard des résultats empiriques présentés ci-dessus, il se
dessine une certaine ineffectivité et inefficacité des textes et mesures
prises pour créer le changement désiré au niveau de la participation des
femmes dans les processus électoraux. Nonobstant les différentes lois
nationales et les plaidoyers de la société civile et des organisations faisant
la promotion du genre, il est de fait que le taux de représentativité des
femmes aux postes électifs peine à dépasser le cap des 12%. L’on pourrait
bien se demander si les instruments d’action publique ont été bien choisis
par l’État béninois. La question de l’instrumentation de l’action publique,
selon Lascoumes et Le Galès (2004) pose le problème du choix et de
l’usage des outils (des techniques, des moyens d’opérer, des dispositifs)
qui permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action
gouvernementale, et trouve tout son sens ici au regard des espoirs
escomptables de l’action publique tendant à la promotion du genre au
Bénin. Les partis politiques en lice pour les élections communales de mai
2020 ont tous signé une charte d’équité homme-femme en politique, mais
ils ne l’ont pas respecté lors desdites élections. Le code électoral
recommande aux partis dans son article 145 de positionner de façon
spéciale des femmes sur leur liste de candidats pour les élections
législatives. Les résultats issus des élections législatives d’avril 2019
montrent que les partis n’ont pas respecté cette disposition. L’article 26
de la loi n°2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la loi 90-32
du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin
consacre le principe de la discrimination positive en faveur des femmes.

261
La politique nationale de promotion du genre a été mise en œuvre depuis
son élaboration en 2008 et est à cinq ans de sa fin.
Malgré tous ces instruments d’action publique qui ont été
opérationnalisés pour induire un accroissement du nombre de femmes
élues dans les processus électoraux, les résultats tardent à être atteints.
Même s’il faut reconnaître que les raisons sont nombreuses et variées,
l’on peut également attribuer l’une des causes fondamentales à
l’instrumentation de l’action publique. Il est important pour les
gouvernants de revoir les choix et les usages qui sont faits des instruments
que la puissance publique décide d’opérationnaliser dans la mise en
œuvre de l’action publique dans le domaine du genre en général, et dans
les processus électoraux en particulier.
Instrumentalisation
Au regard des résultats empiriques présentés ci-dessus, les
réponses des femmes qui ont fait l’objet de l’évaluation rapide
démontrent que près de 80% de femmes se sentent instrumentalisées, que
près de 87% ne se voient pas traitées de la même manière que les
hommes, et que près de 70% d’entre elles ne se sentent pas représentées
aux postes de décision du parti. C’est à croire qu’elles sont des figurantes
et qu’elles-mêmes en tant que personnes humaines ne sont pas désirées
dans le parti, ou n’y ont pas de places. Les divers entretiens que nous
avions eus avec des femmes élues nous ont permis de constater que les
causes de cet état de choses sont multiples et variées.
« De par nos us et coutumes déjà la femme ne peut pas prendre la tête d'un
peloton...donc si dans un bureau on doit lui faire des faveurs elle est au poste
de Responsable chargée de la mobilisation des femmes et des affaires
féminines et de Responsable aux affaires sociales ». Enquêté 24

« Ce sont essentiellement les hommes qui sont des décideurs des partis. Ce
sont eux qui décident de qui devient quoi. Et en général, ils sont les premiers
servis, puis les femmes après pour des postes secondaires : au meilleur des
cas, Trésorière Adjointe ». Enquêté 2
Lorsqu’on se réfère au contenu de la politique nationale de la
promotion du genre et celui de son plan d’action, on se rend compte que
les grands axes y relatifs sont à peine suivis et financés. Malgré les efforts
de sensibilisation consentis, la pesanteur sociologique et les effets des
perceptions influencent la prise en compte de la femme. Parler de genre
ici, c’est le limiter à la question des femmes et non comme construits
sociaux où tous les aspects sont mis en exergue. Le concept de femmes
en politique est un phénomène récent pour les hommes béninois dans une

262
nation qui vient à peine d’avoir 60 ans d’existence. Beaucoup d’hommes
sous-estiment les femmes en politique et œuvrent le plus souvent à leur
déstabilisation, comme il est de coutume dans le jeu politique lors des
élections. Le constat dans la plupart des cas révèle que les hommes
considèrent la gent féminine au sein des partis comme un blocage à
l’atteinte de leurs objectifs personnels d’être positionnés eux-mêmes
comme candidats. Dans ces cas, ils usent de toutes les méthodes pour
faire croire aux femmes que leur présence dans le processus est utile. Ils
les responsabilisent pour en avoir un retour glorieux et les féliciter des
efforts fournis en vue de l’ascension des hommes.
Les avis sont mitigés lorsqu’il s’agit de la question du soutien que
les femmes politiques obtiennent auprès de leur époux ou de leurs
familles dans leurs aventures politiques. Certaines élues ont eu le soutien
de leur époux et famille, alors que d’autres ont payé un lourd prix au plan
marital et familial pour avoir suivi leur rêve de transformer leurs
communautés en s’engageant dans la politique. Au vu de ce qui précède,
il est important de trouver des stratégies qui peuvent conduire à une
meilleure participation des femmes dans la politique en général, et dans
le processus électoral en particulier.
Actions stratégiques intégrées à mettre en œuvre pour une
participation effective des femmes béninoises à la vie politique et
aux activités électorales
Comme présentée dans le Graphique 14, l’enquête menée a
également permis de détecter des stratégies et méthodes pertinentes de
valorisation du genre en politique au Bénin. Parmi celles-ci, les systèmes
de quotas rigoureux et l’éducation culturelle à la base sur le genre
viennent en tête avec respectivement 24% et 22% des opinions.
Graphique 14 : Les mécanismes prioritaires pour améliorer la représentativité des
femmes en politique. Source : Données issues de l’enquête d’opinion de Septembre
2020.

263
En se focalisant sur cette considération, visser la règle des quotas
en la rendant contraignante et agir au niveau de l’éducation à la base, dans
une perspective future, ainsi que la promotion des partis champions du
genre contribueraient selon les acteurs interviewés à faire avancer la
question du genre dans les processus électoraux au Bénin. Quel que soit
le type d’instrument d’action publique rendu contraignant, il faudra une
rééducation culturelle sur le genre pour amener les acteurs sociaux à un
changement de mentalité afin de réduire l’instrumentalisation du genre et
la sexualisation de l’espace social.
À ces réflexions, l’on peut ajouter quelques recommandations
d’idées, qui peuvent servir de réflexions stratégiques pour des actions qui
pourraient contribuer à améliorer la donne. Il s’agit de :
- revoir la mise en œuvre des stratégies genre et la
charte des partis politiques au Bénin ;
- revoir les stratégies à adopter pour la réelle
participation des femmes aux instances de décision ;
- faire un bilan de tout ce qui est fait au Bénin et
trouver des solutions idoines.
Ces recommandations ne sont pas exhaustives. Il appartient aux
gouvernants et aux organisations et mouvements faisant la promotion des
femmes d’élaborer les stratégies appropriées pour faire avancer le débat
sur la participation effective et équitable des femmes à la vie politique.
Discussions
Les résultats obtenus à travers la présente étude montrent qu’il
existe des inégalités de genre dans les processus électoraux de 1990 à
2020 au Bénin. En effet, le fait que la proportion des femmes élues au
Parlement du Bénin depuis le renouveau démocratique n’ait jamais
dépassé la barre des 12% (Graphique 8), révèle une inégalité dans la
représentation des hommes et des femmes dans l’organe détenteur du
pouvoir législatif. Le même phénomène d’inégalité de genre s’observe au
niveau de toutes les élections communales ayant eu lieu dans la période
d’étude, étant donné que la proportion des femmes élues pour exercer le
pouvoir au niveau local n’a jamais passé le plafond de 5,6% (Graphique
11). Cette inégalité s’observe également dans toutes les élections
présidentielles ayant eu lieu depuis 1990 au Bénin, avec l’incapacité pour
les femmes de totaliser au moins 5% des suffrages exprimés pour
l’exercice du pouvoir exécutif. La démocratie sous sa forme
représentative s’apprécie au regard de l’implication de tous les sexes dans

264
la défense et la promotion de l’intérêt général. Cet intérêt n’est pas une
exclusivité masculine, comme l’on pourrait le croire au regard de la faible
représentation des femmes en politique au Bénin.
À cet effet, la Déclaration Universelle sur la Démocratisation
adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire lors de sa 161e session
(le 16 septembre 1997), à la cinquante-et-unième session de l'Assemblée
générale des Nations Unies, affirme qu’« il ne saurait y avoir de
démocratie sans un véritable partenariat entre hommes et femmes dans la
conduite des affaires publiques où hommes et femmes agissent dans
l'égalité et la complémentarité, s'enrichissant mutuellement de leurs
différences ». Par conséquent, la vitalité d’une démocratie relève d’une
nécessité indispensable d’impliquer de façon significative les hommes et
les femmes en politique. Ainsi, au regard de la faible représentation des
femmes béninoises dans le jeu politique en général, et dans le processus
électoral en particulier, comme l’ont montré les informations collectées
auprès de la Commission Électorale Nationale Autonome, l’on ne saurait
affirmer qu’il existe au Bénin une véritable démocratie où toutes les voix
sont représentées.
Le renouveau démocratique béninois, vieux de trente ans, dans
cette jeune nation de soixante ans, est une démocratie en construction. Et
l’amélioration de cette démocratie passe par l’inclusion systématique du
genre dans la politique dans une proportion significative, afin que toutes
les voix du peuple, composé d’hommes et de femmes, soient pleinement
représentées et prises en compte dans les décisions publiques.
L’« outilisation » ou l’instrumentalisation des femmes dans le processus
électoral ne saurait donc être interprétée comme un phénomène qui
s’applique exclusivement au genre. Cependant, elle n’est pas de nature à
encourager les femmes à entrer dans le jeu politique, et elle induit une
faible représentation des femmes en politique en général, et dans le
processus électoral en particulier. Elle met à mal la nature démocratique
du système politique, qui tend à une caporalisation masculine du champ
politique, c’est-à-dire une représentativité exclusivement masculine
comme le démontrent les données recueillies auprès des femmes
interrogées lors de l’enquête d’opinion réalisée dans le cadre de cette
étude.
Conclusion
La présente étude nous révèle que les inégalités du genre dans les
processus électoraux de 1990 à 2020 au Bénin existent et sont causées
par de multiples facteurs dont l’instrumentation de l’action publique dans
la promotion du genre et l’instrumentalisation des femmes dans la vie
politique. Puisque les partis politiques « ouvrent la voie aux postes élus »,

265
ils ont donc la clé de l'accès des femmes à la vie politique. Pour qu’une
femme accède aux instances de décision nationales ou locales, il faut
qu’elle ait été choisie et placée sur la liste des candidats de son parti
politique. En effet, le choix des candidats par les différents partis
constitue le passage déterminant dans le processus électoral. On remarque
bien souvent que les femmes, en plus d'être peu nombreuses en tant que
candidates, sont positionnées en fin de liste électorale. Cela bloque par
conséquent leur entrée aux postes pour lesquels la compétition électorale
est organisée.
Malgré les nombreuses recommandations des instances
internationales comme le Conseil Économique et Social des Nations
Unies (ECOSOC) pour une meilleure équité entre l’homme et la femme
sur les plans politiques économiques et juridiques, les décisions au plan
national peinent à prendre corps. Il revient au Parlement du Bénin de faire
voter et à l’Exécutif de faire appliquer à la lettre des lois additives sur le
genre en période électorale. La rééducation des acteurs politiques sur le
genre s’avère également nécessaire, pour éviter que ceux qui
instrumentent l’action publique sur le genre, soient encore ceux qui sont
les premiers à instrumentaliser le genre pour des intérêts politiques, même
si cela relève du jeu politique traversé par la défense des intérêts des
acteurs politiques. De même, dans un mouvement d’élan patriotique et de
leadership affirmé, la gent féminine béninoise se doit de mettre les
bouchées doubles pour se faire davantage remarquer au sein des instances
de prise de décision et durant le processus électoral. Il serait aussi bien
que les femmes développent davantage l’esprit de solidarité entre elles
pour construire des coalitions fortes pouvant créer l’impact recherché, et
pour espérer un jour renverser les tendances et le paysage politique actuel.
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