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[Rénovation Énergétique 2/4] Comment fonctionnent

les politiques d’incitation de nos voisins européens ?


cercle-promodul.inef4.org/publication/comment-fonctionnent-pays-europeens-politique-incitation-renovation/

Le dispositif actuel d’incitation de passage à l’acte en France ne donnant pas pleinement


satisfaction, que peut-on apprendre de nos voisins européens en termes de financement
de leur rénovation énergétique, leur niveau d’exigence ainsi que la capacité d’adaptation
de leurs techniques à la massification de la rénovation ? Nous nous arrêterons, entre
autres, sur le cas de trois pays, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas qui ont tous
développé des schémas de rénovation énergétique spécifiques.

En Allemagne

Politique de financement KfW

L’Allemagne base sa politique d’incitation et de financement de la rénovation


énergétique par la mobilisation de liquidités par les banques publiques. « La KfW
(Kreditanstalt für Wiederaufbau), équivalent de la Caisse des Dépôts et Consignation
française, dispose d’une garantie financière de l’Etat allemand qui lui permet d’accéder
aux marchés financiers internationaux pour se refinancer dans des conditions
extrêmement favorables »[1] (grâce à une notation AAA et une garantie apportée par
l’Etat fédéral).

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La KfW distribue des prêts d’économies d’énergie via les banques commerciales et peut
bonifier les financements publics apportés sur la base des contributions des
énergéticiens à un fonds de transition énergétique. Après l’accord d’attribution d’une aide
financière à un particulier, « la KfW refinance à un taux d’intérêt extrêmement bas la
banque commerciale. Cette dernière va ensuite prêter à un taux préférentiel l’argent
aux consommateurs pour ses travaux. Pour ce service de distribution, les banques
commerciales prennent une commission. La complexité du dispositif est gérée par la KfW
et la banque commerciale, le consommateur se contentant de rembourser l’argent
emprunté comme un crédit classique »[2].

Rôle d’un expert pré et post-travaux


C’est l’expert certifié qui doit vérifier si le projet est éligible au programme de la KfW.
Tout d’abord, il vérifie la conformité technique du projet et si la proposition de travaux
permet d’atteindre le niveau de performance éligible au programme. Ensuite, une
analyse post-travaux est obligatoirement effectuée pour contrôler leur réalisation et
certifier le niveau de performance énergétique atteint. « L’Allemagne a fait le choix de
concentrer ses efforts financiers sur les rénovations lourdes permettant d’atteindre des
niveaux de performance élevés. En effet, la KfW exige un niveau de performance
comparable au neuf (équipement ou rénovation) (…). Pour obtenir un crédit et/ou des
aides, un ménage allemand devra faire des travaux lui permettant à minima d’atteindre
(…) une consommation supérieure au plus de 15 % à celle d’un bâtiment neuf. Le niveau
des aides, à la différence de la France, est corrélé avec le niveau de performance
énergétique réalisé après travaux »[3].

Une exigence de performance globale des rénovations

Les professionnels allemands doivent se concentrer sur la cohérence des offres et sur
l’utilisation d’équipements hautement performants. Contrairement à la France, où le
niveau de subvention ne dépend pas du niveau de performance atteint. « Les instruments
français mettent en œuvre une obligation de moyens, définie à travers la logique des
bouquets de travaux et des critères techniques d’éligibilité spécifiques pour chaque
composant, sans prise en compte de la performance énergétique globale » [4].

Une progressivité des aides en cohérence avec la réglementation


thermique

« En Allemagne, c’est le même référentiel qui s’applique dans les trois cas. Les
exigences techniques sont les mêmes pour la RT neuf et RT existant (élément par
élément) et les aides de la KfW pour la rénovation lourde s’expriment en valeurs relatives
vis-à-vis de cette même réglementation. (…) Le niveau d’exigence de la RT pour
l’existant a des conséquences directes sur le niveau des aides, généralement définies en
relation au surcoût d’une solution optimale par rapport à la solution de référence. En
élevant cette référence à travers la réglementation, cela permet donc soit de réduire le
montant des aides pour la solution optimale, soit de pousser plus loin le niveau
d’exigence pour l’éligibilité aux aides » [4].

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Au Royaume-Uni

Mécanisme de financement
Le système de financement est assez similaire à celui de l’Allemagne, le Royaume-Uni
a mis en place « une Green Investment Bank (GIB) pour accompagner le financement
des investissements dans les énergies renouvelables, l’éolien off-shore, le recyclage des
déchets…. Détenue par l’Etat, elle s’appuie sur son statut public et ses fonds propres
pour apporter de la liquidité à long terme, avec des objectifs de rentabilité de
marché. »[5].

A cela s’ajoute une avance des financements par des intermédiaires liées à la « Green
Deal Finance Company » (consortium constitué de plusieurs grands distributeurs et
organismes bancaires comme Goldman Sachs, HSBC, etc.). Enfin, l’occupant du
logement remboursera progressivement.

Avec le programme « Green Deal » l’Angleterre souhaite limiter les financements publics
et promouvoir les contributions du secteur privé. Le principe est que le propriétaire
sollicite un « Green Deal Assessor » (expert qui évalue les travaux à entreprendre et
chiffre les économies d’énergie induites).

Après cette expertise, un certificat de performance énergétique est délivré et le «


Green Deal Plan »créé. Si le particulier est d’accord, il choisit un « Green Deal Provider
» (fournisseur d’énergie ou industriel spécialisé dans la performance énergétique, qui
remplace les banques) qui lui fera un devis des travaux et un plan de financement.
Puis le « Green Deal Installer » réalise les travaux.

Une rénovation liée à l’occupant

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Comme en Allemagne, le particulier doit faire appel à un expert pour réaliser une
évaluation thermique du bâtiment et proposer une analyse des solutions (et ainsi
orienter le consommateur mais aussi évaluer le gain énergétique). Néanmoins, « à la
différence de la France ou même de l’Allemagne, une partie des dispositifs de
financement anglais est attachée au bâtiment et non au propriétaire. Le remboursement
est réalisé par l’occupant du logement et pas par le propriétaire (c’est-à-dire par le
locataire ou propriétaire occupant)[6] ».

Logique de marque
Afin d’être éligibles, les travaux doivent répondre à certaines conditions comme
notamment faire appel à des professionnels forcément labellisés « Green Deal » et le
montant des travaux (pour l’équivalent de 15 000€ en moyenne) ne doit pas excéder le
montant total des économies d’énergie réalisées. Cette logique de marque consiste en
« une unique marque ombrelle créée et regroupant l’ensemble du programme de
rénovation énergétique du pays avec un ensemble large de déclinaisons :
diagnostiqueurs/auditeurs agréés, les entreprises de travaux ou artisans habilitées ou
même les matériaux / équipements éligibles au système de subvention (Green Deal
Products) »[7]. Cela a permis une clarification du message : Green Deal = « Rénovation
Énergétique Pertinente ».

Aux Pays-Bas

Développement de procédés industriels de rénovation

La méthode EnergieSprong a été inventée aux Pays-Bas dans le but de faire décoller
le marché de la rénovation énergétique lourde en parallèle du marché classique de
l’amélioration et de l’entretien de l’habitat. L’innovation devait permettre de répondre aux
freins identifiés (manque de qualité de ce type de rénovation, travaux en site occupé,
financement et garantie de performance ainsi que l’esthétique des travaux).

Le principe : « développement de procédés industriels de rénovation [qui] représente


pour certains types de logements un levier de massification efficace. Les maisons
individuelles et les logements en bandes identiques constituent les typologies de bâti les
plus adaptées pour transposer les méthodes industrielles au secteur de la rénovation. La
préfabrication en usine des composants, couplée à des procédures de pose
rationalisées, permet un gain de temps considérable, en particulier en milieu urbain. La
méthode EnergieSprong, utilisée aux Pays-Bas pour la réhabilitation du parc social,
propose ainsi la rénovation de logements énergie zéro en à peine plus d’une
semaine »[8].

Financement

Un bailleur qui décide d’investir dans la rénovation d’un logement sera remboursé par le
particulier avec des charges locatives supplémentaires (reprenant le montant identique
des factures énergétiques). « Pour aller plus loin, le groupement qui a pris le marché offre

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la rénovation de la salle de bains ou de la cuisine, et remplace l’électroménager. De quoi
séduire les ménages »[9].

Exportation du projet en France

Dans le cadre des programmes de recherche et d’innovation « Horizon 2020 », la


Commission européenne finance une étude pour dupliquer en France le modèle
EnergieSprong avec une expérimentation sur 3 ans (le projet est porté par GreenFlex, le
CSTB, l’USH et le pôle Fibres Energivie).

Cartes d'identité des programmes


Allemagne
Royaume-Uni
Pays-Bas

Nom du programme

Programme de rénovation à haute efficacité énergétique KfW

Typologie de logement

Tout types de logement

Accompagnement du particulier

Expert pré-travaux et validation post-travaux pour certification

Type de rénovation visée

Rénovation lourdes visant des performances élevées

Financement

Public
Propriétaire
Système de prêt classique par une institution bancaire

Conditions pour un financement / aides

Aides perçues en fonction de la performance énergétique

Conclusion
L’analyse de ces différents cas montre qu’il est possible d’améliorer le système actuel
de soutien à la rénovation énergétique. A noter que de manière assez systématique, la
question d’un financement adapté et corrélé à la performance est un des éléments
majeurs pour le passage à l’acte. A cela s’ajoutent des incitations et conseils mutualisés

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pour présenter une solution cohérente dans l’intérêt du particulier. Ces programmes sont
également bien identifiés par des marques distinctives, KfW Efficiency House (pour
l’Allemagne), Green Deal (Royaume-Uni), EnergieSprong, (pour les Pays-Bas).

Un signe de qualité pour la promotion d’une rénovation tenant compte de l’environnement


devra, de ce fait, être clairement reconnu en s’appuyant sur une logique de marque.

[1] UFC-QUE CHOISIR, « Rénovation énergétique des logements : le crédit d’impôt, une
mesure à grand frais qui manque sa cible environnementale », octobre 2015 p.21

[2] Ibid., p.22

[3] Ibid., p.23-24

[4] Andreas Rüdinger, « La rénovation thermique des bâtiments en France et en


Allemagne : quels enseignements pour le débat sur la transition énergétique ? », Working
paper IDDRI, mai 2013, p.7

[5] Conseil Economique pour le Développement Durable (CEDD), « La rénovation


énergétique des bâtiments : Politiques publiques et comportements privés », avril 2013,
p.12 http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0078/Temis-
0078485/20768.pdf

[6] UFC-QUE CHOISIR, ouvr. cité, p.22

[7] La Fabrique Ecologique, « Le défi de la rénovation énergétique des logements –


Comment amplifier le passage à l’acte des ménages ? », septembre 2014, p.32

[8] Plan Bâtiment Durable, Groupe de travail « nouvelles dynamiques de rénovation des
logements » Rapport de synthèse et propositions, Décembre 2016, p.46 (Pour plus de
détails, consulter la contribution de GreenFlex « Prospectives pour de nouvelles
dynamiques de rénovation des logements : Approche Hollandaise EnergieSprong ».
EnergieSprong propose des rénovations énergétiques à un niveau passif/positif, en site
occupé, en moins d’une semaine, avec une garantie de performance sur 30 ans,
intégrant des propositions de financement. Voir aussi la contribution de La Fabrique
Écologique. Sébastien Delpont.)

[9] Frédérique Vergne, « Rénovation énergétique : adapter le modèle hollandais


EnergieSprong au territoire français », publié dans Le Moniteur.fr, le 3 juin 2016.

Consulter la suite du dossier thématique


« Les français et la rénovation énergétique : une relation compliquée ? »

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