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Le perfectionnement des administrateurs scolaires au Mali

SEKOU BOIRE
ISFRA, adresse : skouboire@gmail.com

Résumé
Le recrutement des inspecteurs de l‟enseignement fondamental était autrefois soumis à des
critères sélectifs basés sur l‟expérience, l‟ancienneté et surtout la moralité du postulant.
Aujourd‟hui, ces critères fondamentaux pour l‟exercice de la fonction de directeurs d‟académie
d‟enseignement et de centre d‟animation pédagogique ne semblent pas être valorisés dans le
choix des agents en question. Ces fonctions sont aujourd‟hui soumises à des pressions politiques
et deviennent de moins en moins techniques.
Le présent article vise à attirer l‟attention des décideurs sur l‟importance du choix des
administrateurs scolaires et en particulier des Directeurs des Centres d‟Animation Pédagogique
pour un suivi de qualité au niveau de l‟enseignement fondamental.
Mots clés :
Administrateur scolaire, directeur d‟académie d‟enseignement, directeur de centre d‟animation
pédagogique, qualité, compétence.
Abstract:
The recruitment of fundamental school inspectors was in the past submitted to some selective
criteria based on experience, seniority and specially the morality of the candidate.
Today, these fundamental criteria as for as the function of directors of teaching academy and the
center of pedagogical animation don‟t seem to be valued in the choice of these agents.
Theses functions are nowadays submitted to political pressures and are getting less and less
technical.
Keys words:
School administrators, academy director, director of pedagogical animation center, quality,
skills.
1. Introduction
L‟administration des structures déconcentrées de l‟éducation doit être faite par des
professionnels recrutés ou nommés selon des critères sélectifs qui mettent en avant la
compétence dans ce choix. Si ces critères sont foulés au pied, la qualité cèdera le pas à la
médiocrité, à l‟affairisme aux dépens du système éducatif malien.
2. Matériel et méthode
Le présent article a été réalisé à partir de mon mémoire pour l‟obtention du diplôme d‟études
approfondies en sciences de l‟éducation. Des lectures complémentaires ont été faites pour
compléter cette documentation sur le thème. En outre, une observation empirique des pratiques
actuelles en matière de nomination et de relèvement des cadres du Ministère de l‟Education
Nationale au Mali a profondément influencé cette vue panoramique du perfectionnement des
administrateurs scolaires au Mali.
3. Les résultats
3.1 Les enjeux de la qualification des ressources humaines chargées du pilotage de
l’éducation
3.1.1 Délimitation du contenu des ressources humaines
Nous nous intéressons notamment ici aux ressources humaines dans le cadre de la
déconcentration de l‟éducation : les directeurs des Académies d‟enseignement (DAE) et les
directeurs des centres d‟animation pédagogique (DCAP). Ils constituent des maillons importants
pour la mise en œuvre de la politique éducative et la réussite des actions entreprises en matière
de formation du personnel enseignant, de management de l‟école, de suivi et dévaluation de

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l‟éducation à la base.
Les Directeurs des Académies d‟Enseignement (DAE) sont des cadres nommés par le ministère
de l‟éducation nationale pour piloter l‟éducation au niveau régional. Leur autorité s‟étend sur un
certain nombre de centres d‟animation pédagogique. Ils sont recrutés sur titre parmi les
fonctionnaires de la catégorie A.
Les Directeurs des Centres d‟Animation Pédagogique (DCAP) sont également des fonctionnaires
de la même catégorie que les DAE, recrutés eux aussi sur titre. Leur territoire s‟exerce sur
plusieurs écoles et sont placés sous l‟autorité administrative du Directeur de l‟Académie
d‟Enseignement.
3.1.2 Position du problème
Les réformes, les séminaires et les innovations pédagogiques sur le système éducatif malien
visent à trouver des solutions plus appropriées pour améliorer la qualité des offres éducatives et
trouver des solutions adaptées aux faiblesses et crises auxquelles le système éducatif reste
confronté. Les solutions peuvent être trouvées à travers des emprunts pédagogiques tirés d‟autres
systèmes éducatifs ayant les mêmes problèmes et défis à relever.
La réforme de l‟enseignement de 1962 constitue notre repère historique en matière de
changement radical du système éducatif. Un de ses objectifs était de faire une massification de
l‟enseignement en permettant au maximum d‟enfants d‟accéder à l‟école et pour leur apporter
un enseignement de qualité. Quel défi à relever à l‟époque, surtout si l‟on sait que le Mali venait
d‟obtenir son indépendance et que le personnel qualifié et en nombre suffisant n‟existait pas ? Il
fallait y faire face avec les moyens humains et les ressources disponibles pour répondre aux
profondes aspirations de la nation visant à donner cette éducation si précieuse à tous ses fils. Il
fallait trouver des enseignants qu‟il faut, formés dans les instituts de formation de maîtres au
Soudan français d‟alors c‟est dire à Sébicotane ou à William Ponty au Sénégal. Il fallait en même
temps un personnel encore mieux formé pour assurer l‟encadrement pédagogique des maîtres et
assurer le contrôle de qualité de la mise en œuvre de la politique éducative. Il fallait des
inspecteurs de l‟enseignement fondamental basés dans chacun des 42 cercles du Mali avec des
conseillers pédagogiques délégués, là où cela était nécessaire, pour assurer un contrôle de
proximité de l‟action des maîtres.
Avec peu de ressources humaines et financières, le système éducatif était parvenu à des résultats
meilleurs en mettant sur le marché de l‟emploi des produits assez compétitifs, comparaison faite
avec ceux de la sous –région de l‟Afrique Occidentale Française et plus particulièrement de la
Côte d‟Ivoire, de la Guinée Conakry et même de la Mauritanie.
La qualité d‟un système éducatif se mesure d‟abord à travers la qualité des ressources humaines
qu‟il faut former et recycler en permanence pour contenir les problèmes qui pourraient se poser
sur le plan des enseignements apprentissages mais aussi et surtout sur le plan de la gestion et du
pilotage du système.
Aujourd‟hui, Il apparait évident que le système éducatif du Mali, à travers le Programme
Décennal de l‟Education (PRODEC) bénéficie d‟un financement beaucoup plus conséquent en
ressources financières évaluées en dizaines de milliards pour assurer la qualité des offres, l‟accès
au système par tous les enfants en âge scolarisable et le renforcement des institutions chargées de
la mise en œuvre de ce vaste programme.
Pour ce faire, les partenaires techniques et financiers de l‟école malienne se sont mobilisés dans
le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale avec notre pays pour bâtir un système
éducatif rénové et performant.
En lieu et place des Directions Régionales de l‟Education (DRE), des Académies
d‟enseignement (AE) ont été créées dans les régions ou cercles et les Centres d‟Animation
Pédagogiques (CAP) au niveau subrégional. Ces structures ont été dotées de la logistique
nécessaire, de centres de formation continue des enseignants et un fonctionnement qui permette
de réaliser ces activités pédagogiques, mieux que par le passé.

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Dans ces conditions, on devrait s‟attendre à disposer aujourd‟hui, après cette première phase de
mise en œuvre du PRODEC à un système éducatif plus performant, voire efficace grâce à
l‟atteinte des objectifs prioritaires (11) définis dans le PRODEC.
On devrait aussi disposer aujourd‟hui de ressources managériales bien formées pour assurer le
pilotage du système dans les Académies d‟enseignement et dans les Centres d‟Animation
Pédagogique.
Par ricochet, on devrait assurément disposer d‟enseignants bien formés et capables de relever les
défis.
3.1. 3 Des défis à relever
Les défis de la qualité de l‟éducation se situent bien entendu à des niveaux différents comme les
infrastructures scolaires et le mobilier, les ratios livres-élèves, la formation des enseignants, le
temps réel consacré aux apprentissages scolaires, les évaluations, entre autres.
En particulier, le défi de la qualité des ressources humaines affectées à l‟administration de
l‟éducation constitue une des clés du problème à résoudre. Comme nous pouvons le constater de
nos jours, face à la demande éducative, l‟administration de l‟école impose de plus en plus de
disposer d‟un personnel capable de mettre en œuvre les politiques sectorielles de l‟éducation.
L‟atteinte efficace des objectifs inscrits dans les curricula et ceux fixés dans les plans d‟action
passe par là si l‟on veut réellement relever ces défis liés à la qualité de l‟éducation.
Il faut en outre rappeler que le Mali a adhéré aux différentes conventions au niveau régional et
international visant à fournir des services de qualité à tous les citoyens sans exclusive dont le
cadre stratégique de réduction de la pauvreté incluant une composante éducation.
La loi d‟orientation portant sur l‟éducation, votée en 1999 par l‟assemblée nationale en sa
séance de délibération du 28 décembre en est une parfaite illustration : elle se propose dans son
application de donner des services éducatifs à tous , des jeunes non scolarisés aux adultes
analphabètes hommes et femmes, aux personnes à besoins éducatifs spéciaux, aux enfants qui
sont inscrits à l‟école… c‟est d‟ailleurs dans la dynamique de cette loi que se situe le
programme décennal de développement de l‟éducation (PRODEC), ci-dessus cité, dont la mise
en œuvre demande des ressources matérielles importantes certes, mais aussi des ressources
humaines d‟un certain niveau, facteur incontournable de sa réussite.
Dans la mise en œuvre d‟une innovation majeure comme le PRODEC qui prend en compte les
aspects liés à l‟accès, la qualité et le renforcement institutionnel, il faut des acteurs capables de
transformer les ressources mises à sa disposition en des produits de valeur, rentables,
compétitifs sur le marché de l‟emploi, disposant de savoirs, de savoirs faire et de savoir être.
Dans le cadre de ces conventions régionales il faut citer la conférence historique de Dakar,
tenue en 2000 et qui a permis de mettre en place un cadre afin de parvenir à l‟éducation pour
tous d‟ici à 2015, autour de six objectifs essentiels. L‟application de ce cadre impose des
résultats de qualité au Mali.
L‟initiative de l‟UNESCO pour l‟éducation (Life, 2003-2013) fait partie des référents au
niveau international en matière d‟éducation. Elle vise à contribuer à une distribution encore plus
juste de l‟éducation aux couches adultes marginalisées, pauvres, rurales, mais qui contribuent de
manière sensible au développement du pays. L‟adoption de cette initiative de l‟UNESCO impose
également à notre système éducatif des résultats de qualité.
A travers les conventions adoptées par le Mali, l‟obligation de résultats s‟impose à l‟heure du
bilan des actions. Il y a alors cette nécessité de nommer des ressources humaines ayant les
compétences et l‟expertise nécessaires notamment à la tête des différents maillons du système
éducatif, c'est-à-dire du fondamental au supérieur. Un administrateur médiocre, ne connaissant ni
ses missions, ni ses responsabilités peut atteindre difficilement les objectifs assignés et par
conséquent, les résultats auxquels on s‟attend.
On devrait dans tous les cas, mettre en avant la compétence comme critère de sélection ou de
désignation des responsables chargés de piloter les différents maillons du système si nous

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voulons encore qu‟à l‟heure du bilan, le Mali ne soit pas à la traine par rapport aux autres états
signataires des conventions régionales et internationales en matière d‟éducation. Un sentiment
d‟émulation devrait inciter les décideurs à définir des critères de désignation ou de nomination
des ressources humaines chargées de la gestion du système, tout en privilégiant la compétence, la
performance et la conscience des buts à atteindre. Le respect de nos engagements dans ces
conventions passe nécessairement par des choix de qualité des ressources humaines.
Ce bref regard rétrospectif sur la gestion et l‟administration du système éducatif en général
souligne en particulier l‟importance de la qualification des ressources humaines pour les emplois
sollicités.
3.2 Etat de la question sur la nomination des administrateurs scolaires
S‟il n‟existe pas pour le moment une structure chargée de la formation des administrateurs
scolaires, les nominations ou désignations des cadres et agents de l‟éducation aux postes
d‟administration et de gestion des différents maillons devraient au moins être soumises à un
certain nombre de critères sélectifs, comme la compétence à assurer techniquement le poste,
l‟expertise ou l‟expérience, la capacité de prendre des initiatives personnelles, de faire travailler
le personnel, la conscience des buts et objectifs à atteindre, entre autres. Toutes ces qualités
managériales sont acquises lors d‟une certaine expérience au cours de la carrière et peuvent être
soutenus par des renforcements.
A titre de rappel, aux lendemains de la réforme de 1962, les premiers inspecteurs de
l‟enseignement fondamental étaient recrutés parmi les vieux instituteurs principaux titulaires du
Certificat d‟Aptitude Primaire à la Direction des Ecoles Primaires (CAPDEP). Par la suite, ils
étaient choisis parmi les instituteurs hors classe et titulaires du Certificat d‟Aptitude à
l‟Inspection Primaire (CAIP). Ensuite, ce furent les instituteurs bacheliers après la formation à
Saint- Cloud en France, puis les professeurs d‟enseignement secondaires diplômés de l‟ENSUP
ayant enseigné au primaire. Après cette promotion, les inspecteurs étaient recrutés par voie de
concours et étaient soumis à des critères rigoureux de déontologie et de conscience
professionnelle dans le corps de l‟enseignement et dans l‟exercice de leur métier.
Depuis, le système éducatif continue sa marche évolutive vers l‟amélioration de ses offres. Suite
à l‟instauration, puis à la suppression du concours de recrutement des Directeurs de CAP (hier,
des inspecteurs de l‟enseignement fondamental), le recrutement (voire la nomination) sur titre
redevient la voie d‟accès au poste.
Dans tous les cas de figure ces nominations devraient en principe se fonder en priorité, comme
souligné ci-dessus, sur des critères de compétence technique pour être promu au poste,
d‟ancienneté et même de moralité de l‟agent pour satisfaire cette déontologie du métier, faire
mieux fonctionner les services dont il ont la charge, et atteindre de façon satisfaisante les
résultats fixés dans le temps. On devrait dans la continuité, capitaliser les acquis du passé en
matière de sélection des directeurs régionaux de l‟éducation et des inspecteurs de
l‟enseignement fondamental pour asseoir les conditions adéquates de recrutement ou de
nomination des Directeurs des Académies d‟Enseignement et des Centres d‟Animation
Pédagogique actuels à la tête des structures déconcentrées de l‟éducation.
Il semble cependant que les nominations aux postes techniques de l‟éducation comme Directeur
d‟Académie ou Directeurs de centre d‟Animation Pédagogique n‟observent pas à la règle ces
critères qualitatifs décisifs. Or, elles devraient permettre de disposer de compétences techniques
pour mieux exercer les emplois à occuper.
On constate avec beaucoup d‟amertume que le profil de formation des administrateurs scolaires
se trouve généralement en déphasage avec leur nouvelle tâche comme l‟ont souligné Coumaré et
Al (1981) en ces termes : « la crise de l‟éducation, depuis plus d‟une décennie maintenant, revêt
un caractère universel : autant dans les pays en voie de développement que dans les pays à
industrialisation avancée. Cette crise peut se révéler sous des formes multiples, mais elle semble
pourtant venir d‟un même problème : les problèmes liés à la difficile relation (effective ou

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souhaitée) entre formation et emploi »
Plusieurs points de vue identique émanant de plusieurs rapports nous amène à soutenir le fait que
les écoles de formation initiale ne préparent pas les cadres y qui sortent à la fonction
d‟administrateur scolaire. Celle-ci semble être apprise sur le terrain de la pratique.
Les programmes universitaires tels que conçus ne traitent pas de la gestion des ressources, à
fortiori des compétences techniques pédagogiques indispensables aux fonctions d‟un
administrateur scolaire.
La capacité des administrateurs scolaires (Directeur d‟Académie et Directeur de Centre
d‟Animation Pédagogique, notamment) est ainsi mise en cause. Il faut renforcer leurs
compétences.
Par ailleurs, on constate aussi avec regret que la nomination des Directeurs d‟Académie et des
Directeurs des Centres d‟Animation Pédagogiques est de plus en plus soumise à une coloration
politique plutôt qu‟à des critères qualitatifs et de compétence soulignés avec force dans cet
article. Il faut vite soustraire leur de l‟emprise politique, dépolitiser totalement ces fonctions pour
le grand bénéfice de l‟éducation. Ces structures ne doivent pas être instrumentalisées à des fins
politiques pour battre campagne, à travers les enseignants, auprès des populations. Ceci doit et
peut se faire mieux ailleurs, en dehors de l‟administration scolaire qui doit exercer librement son
autorité pédagogique sur les enseignements et les apprentissages.
Malheureusement, des relèvements d‟agents sont connus pour n‟avoir pas obtempéré à une
instruction politique du parti majoritaire ou avoir fait montre d‟une coloration autre, soit de partis
politiques de l‟opposition ou non membres de la majorité du parti au pouvoir.
On assiste alors à la nomination d‟agents de tout « acabit » à la tête de ces structures pour
servir, non l‟école, mais les intérêts sordides de personnalités agissant ouvertement ou
implicitement au nom d‟une majorité ou du parti à la tête du département. Mieux, des
illustrateurs, des professeurs de dessin et musique, qui ont certes des compétences avérées dans
leur domaine ont été nommés, contre vents et marées, comme DCAP pour animer la formation
de conseillers pédagogiques chevronnés d‟ailleurs plus méritants qu‟eux, assurer le suivi
évaluation des enseignement-apprentissages, conduire la destinée du système dans leur
circonscription. A cette catégorie de personnel mal indiqué pour l‟administration des CAP,
viennent s‟ajouter encore des cadres au diplôme colmaté, voire très douteux obtenu suite à des
stages ou formations fictives faites dans des universités africaines ou occidentales et reconnu
avec la complicité de cette même administration. Oui, le mensonge triomphe sur la vérité au
Mali, et cela est admis ! Mais le résultat, on le sait déjà.
Dans de pareilles conditions, le système éducatif ne peut faire mieux que de sombrer dans la
médiocrité d‟année en année, car ayant été contraint à ne pas réussir. De tels ressources ne
peuvent assurer ni pédagogiquement la formation continue des maîtres même s‟ils reçoivent
tous les appuis et renforcements de compétence nécessaires, (car n‟ayant ni le profil, ni le
niveau requis pour ce faire), ni les missions de suivi-évaluation, encore moins la mission de
contrôle de qualité, une des missions régaliennes des services techniques de l‟éducation. En
conséquence le niveau des apprenants baisse de façon drastique, l‟image de la fonction s‟entache
de plus en plus et cessera à la longue d‟attirer ceux qui disposent de vraies compétences pour
l‟exercer. Le système éducatif est en train de tomber alors dans une déliquescence profonde
avec l‟intrusion, sinon l‟arrivée en force de cette vague de nominations politiques à la tête des
académies d‟enseignement et des centres d‟animation pédagogique. La correction de ce
système gravement malade prendra encore du temps et encore plus de ressources, car l‟agent
pathogène qui en est la cause se développe avec force et résistera encore plus longtemps aux
thérapies les meilleures, même celles proposées par les professionnels et experts en éducation.
Entre temps, des générations d‟élèves auront été sacrifiées inutilement alors que cela pouvait
être évité en nommant simplement à ces postes ceux qui ont les savoirs, savoir être et savoir-
faire nécessaires.

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Arrêté N° 2015-4431 MEN-SG du 15 décembre 2015 portant nomination des Directeurs de
Centre d’Animation Pédagogique
Académies d’Enseignement Nouvelles nominations Observations

Kayes 2 Les personnes nommées au poste


Kita 2 de DCAP sont des professeurs
Koulikoro 2 principaux de l‟enseignement
Kati 4 secondaire qui ont une certaine
Dioïla 1 ancienneté dans le corps
Sikasso 1 enseignant. Certains sont
Bougouni 2 cependant à moins d‟un an de la
Koutiala 1 retraite, d‟autres reviennent encore
Ségou 3 comme DCAP plusieurs années
San 1 après.
Sur 16 Académies d‟enseignement
Mopti 2
concernées, 33 nouveaux DCAP
Douentza 3
viennent d‟être nommés, soit une
Gao 3
moyenne de 2 personnes par
Kidal 1 Académie.
Bamako RG 1
Bamako RD 4
Total 33
Quel gaspillage de ressources ?
En apportant des éléments de réponse à cette grande inquiétude, il faut souligner que les DCAP
et les DAE de première génération qui avaient bénéficié de tant de renforcements nécessaires au
plein exercice de leur poste dans le cadre de la composante qualité du PRODEC, ont été, dans
leur grande majorité, relevés pour des motifs non définis clairement. D‟aucuns ne seraient-ils pas
victimes de cette « bousculade » sans merci vers la sortie savamment orchestrée par des
responsables politiques en mal de militants convaincus ? En tout cas, ils sont très peu
aujourd‟hui ceux qui sont de cette génération encore dans le système. Cette mobilité effrénée du
personnel administratif de l‟enseignement fondamental et secondaire et la précarité dans
l‟exercice du poste ne sont pas de nature à pérenniser les compétences acquises par les DAE et
DCAP lors des différentes formations, ni à valoriser leurs fonctions. La même mobilité non
raisonnée ramène encore à la même fonction certaines personnes remerciées par l‟équipe
précédente, si celles-ci acceptent de faire le jeu politique du parti, à savoir installer et animer les
cellules de base, enrôler des militants, rendre compte, participer aux réunions politiques,
contribuer financièrement et matériellement pour l‟organisation et la tenue de ces réunions,
distribuer les cartes d‟électeur, assurer la mobilisation pour le parti lors des différentes élections,
etc, toutes choses qui contribueront non seulement à son évaluation finale par le parti, mais
assureront aussi son maintien durable au poste. Tout se passe comme si les attributions de cadre
du parti devraient primer sur les fonctions managériales dévolues aux administrateurs scolaires
qui, étant dans cette fonction sont loin de pouvoir l‟exercer pleinement.
Très souvent, avant que le fonctionnaire promu à son nouveau poste n‟ait même le temps de
savourer la joie liée à cette promotion, ni de défaire ses bagages pour mieux s‟installer, ou
encore ni d‟amener sa famille dès la rentrée prochaine, (les enfants étant déjà dans des écoles au
moment de sa nomination), qu‟il reçoit, sans le moindre préavis ou avertissement, sa décision de
relèvement ! Quelle humiliation pour toute la famille au sein d‟une société assez regardante dans
les affaires d‟autrui, et quelle blessure narcissique pour le cadre injustement remercié parmi les
siens! Comme le disent les « bamanan », « l‟injustice, même en prenant tout son temps, sera un
jour être réparée », car il est certain que de telles souffrances morales infligées sans raison à des
personnes humaines ne resteront pas impunies. Cette « malédiction », puisqu‟il faut comprendre
la situation ainsi, à en croire nos traditions ancestrales, ne sera pas sans conséquence néfaste sur
les apprentissages scolaires, à voir aujourd‟hui le niveau actuel des apprenants en chute libre.
Elle impactera davantage et encore longtemps sur la destinée du système, si justice n‟était pas
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enfin rendue à qui de droit et surtout à temps!
Les meilleurs et les plus motivés d‟entre eux par une conscience réelle de l‟atteinte des buts de
l‟éducation, vivent en permanence dans le stress d‟être démis de leur fonction pour des raisons
inavouées mais plutôt subjectives. Ils sont hantés dans leur vie quotidienne par « l‟esprit
maléfique du démon » des politiciens. A l‟entrée, d‟autres attendent hardiment, parmi eux, des
moins bons certainement. Il faut alors une thérapie appropriée pour vaincre enfin ce mal
pernicieux, rentabiliser les ressources financières investies dans le renforcement des
compétences et respecter au moins la dignité humaine.
C‟est pourquoi il est aujourd‟hui impérieux de mettre en place un plan de carrière et fixer une
durée minimale d‟exercice de cinq (5) ans dans la fonction de DCAP et de trois ans dans la
fonction de directeur d‟académie d‟enseignement. L‟expérience de la nomination des directeurs
d‟académie d‟enseignement au Sénégal peut servir de source d‟inspiration. A ce niveau, la
fonction est ouverte aux cadres qui remplissent les conditions visées et elle s‟inscrit dans un
continuum progressif d‟un plan de carrière avec des avantages acquis, un maintien protégé dans
le corps et une sortie honorable après service rendu.
On aurait pu mieux rentabiliser les ressources humaines et financières à travers une gestion
planifiée des nominations au poste de DCAP en tenant compte de l‟année de départ à la retraite,
de la compétence technique et managériale du candidat, de la moralité, entre autres.
3.3 Nécessité d’un programme de formation continue des administrateurs scolaires
A travers ce bref panorama de la qualification des ressources humaines devant occuper des
postes de responsabilité au niveau des instances de décision dans le système éducatif, il y a lieu
de réaliser des études approfondies pour évaluer les écarts qu‟il faut combler par des formations
complémentaires déterminées. Celles-ci seront destinées non seulement aux directeurs
d‟académie et de centre d‟animation pédagogique mais aussi aux conseillers pédagogiques et au
personnel enseignant.
Pour ce faire, le département de tutelle peut dynamiser les structures nationales chargées de la
formation continue du personnel, établir des partenariats avec les centres de formation
d‟administrateurs scolaires au niveau régional africain et international comme le Canada qui a
une expertise immense dans ce domaine, la France à travers ses instituts spécialisés de formation
du personnel enseignant. Des visites d‟échange d‟expérience dans les pays africains peuvent
combler beaucoup d‟attentes. Ces stages dans les instituts spécialisés de formation seront
sanctionnés par des attestations ou certificats.
Déjà l‟UNESCO, en partenariat avec le ministère de l‟éducation nationale, vient d‟organiser en
2015, un atelier de préparation de modules destinés à renforcer les compétences du personnel
administratif de l‟enseignement fondamental et les capacités des structures de formation des
enseignants au Mali. Il s‟agit des inspecteurs généraux, les directeurs des académies
d‟enseignement et de centres d‟animation pédagogique, des formateurs dans les IFM. Des
modules thématiques validés sont aujourd‟hui disponibles au Ministère de l‟éducation nationale
(MENA), et portent sur :
o Inspection, supervision, appui-conseil ;
o L‟évaluation des apprentissages scolaires ;
o Gestion de l‟école en période de post-crise;
o Renforcement des capacités des structures de formation des enseignants au Mali ;
o Didactique de la lecture-écriture et des mathématiques.

Il existe certainement une différence entre la formation de base actuelle des administrateurs
scolaires et la compétence qu‟ils souhaiteraient avoir pour un meilleur exercice de leurs
fonctions respectives. Ces attentes doivent être comblées.

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4. Discussion
Les fonctions d‟administrateur scolaire et de responsable politique peuvent-elles faire bon
ménage ? Ne peut-on pas faire autrement la politique en dehors des structures techniques de
l‟éducation ? Comment assurer et pérenniser le perfectionnement des administrateurs scolaires
alors que ceux-ci sont soumis à des relèvements intempestifs généralement sans aucun
fondement rationnel ? La nomination des cadres techniques de l‟éducation doit-elle continuer
d‟être soumise à des critères politiques comme le degré de militantisme et souvent la simple
participation à quelques réunions politiques au détriment des critères de compétence? Faut-il
contraindre des cadres à adhérer à un parti politique pour sauvegarder un poste technique, même
si ce dernier n‟est pas convaincu ni de vos idéaux, ni de votre programme? L‟administrateur
scolaire, une fois relevé de sa fonction doit-il continuer à errer aussi longtemps sans aucune
réaffectation ? Etc.
De telles interrogations doivent amener les décideurs à se soumettre à une réflexion approfondie
avant de prendre leurs décisions pour la nomination et le relèvement des administrateurs
scolaires, notamment des directeurs d‟académie d‟enseignement et de centres d‟animation
pédagogique. Il faut au moins capitaliser les acquis des formations et rentabiliser les ressources
financières consenties dans leur formation par les PTF et le contribuable. Même relevés de leur
fonction d‟administrateur scolaire, le système éducatif a urgemment besoin de tous ses cadres
pour d‟autres emplois techniques.
Mieux, afin de pérenniser les compétences acquises par ceux-ci, il y a de réfléchir à la mise en
place d‟un plan de carrière pour ces fonctions. Cela permettra de les protéger de ces tempêtes,
sinon des frasques d‟hommes politiques placés au sommet de l‟olympe, dans la haute
administration.
Les nouveaux DCAP qui viennent d‟être nommés, en dépit d‟une certaine ou relative ancienneté
dans le corps ont –ils tous les compétences techniques nécessaires pour remplir les missions qui
les attendent sur le terrain de la pratique ? Etaient-ils réellement en classe au moment de leur
nomination ? N‟étaient-ils pas entièrement déconnectés du système dans la plus grande majorité
des cas à travers des emplois autres ?
5. Conclusion
La fonction d‟administrateur scolaire exige des compétences techniques et administratives, mais
aussi des qualités morales, seules garantes de l‟atteinte des objectifs fixés dans le système.
Il urge alors mettre en place un plan de carrière pour mieux protéger cette fonction régalienne de
pilotage du système éducatif.
Il est plus que temps d‟agir maintenant avant que le système éducatif ne sombre définitivement
sur un grabat. Heureusement que des compétences existent encore pour son assistance et éviter
un tel déclin.

Bibliographie
1. IPN (1993) l‟enseignement en république du Mali, 10 ans après la réforme de 1962,
contact spécial- bulletin pédagogique, Bamako
2. Les objectifs du développement des administrateurs scolaire par André Brassard
(polycopies du cours d‟administration scolaire, ISFRA, 1996)
3. Loi N°99 -046 du 28 décembre 1999 portant loi d‟orientation sur l‟éducation au Mali
4. Pittsburgh (1991) : Management des ressources humaines-modules de spécialisation-
séminaire francophone en management du développement-13ème session annuelle
5. Revue de l‟université d‟Ottawa (1993) ADS 11966 –Nouvelles orientations de la théorie
administrative en éducation.
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