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L'inconscient Philosophie
I
L'inconscient comme ce qui n'est pas perçu
« C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde
au mouvement d'un moulin ou d'une chute d'eau, quand nous avons
habité tout auprès depuis quelque temps. Ce n'est pas que ce
mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe
encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de
l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans
l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne
sont pas suffisamment fortes pour s'attirer notre attention et notre
mémoire, attachées à des objets plus occupants. »
II
L'inconscient freudien
ILLUSTRATION Le cas Elisabeth
Elisabeth, de son vrai nom Ilona Weiss, fut la première patiente soignée par la méthode psychanalytique.
Hongroise d'origine, cette jeune fille de 25 ans vient consulter Freud au cours de l'année 1892 pour des
douleurs aux jambes et des difficultés à marcher n'ayant pas de cause physiologique. Freud entreprend donc
avec elle une cure psychanalytique. C'est au cours de ce travail qu'il parvient peu à peu à comprendre l'origine
de ses troubles : il s'agit d'un désir refoulé. En effet, étant plus jeune, Elisabeth a développé des sentiments
amoureux coupables pour son beau-frère. Or, peu de temps après, sa sœur est brutalement décédée des
suites d'une maladie. C'est à ce moment-là qu'Elisabeth aurait eu une pensée qu'elle ne pouvait accepter : que
son beau-frère, maintenant que sa sœur n'était plus, était libre. Ce penchant pour son beau-frère, ainsi que
l'idée qu'il était dorénavant libre, avaient d'abord été refoulés par la patiente, et avaient eu pour résultat de
développer les symptômes physiques de douleurs dans les jambes. Ce n'est donc qu'une fois ce désir refoulé
advenu à la conscience que la patiente fut libérée de ses douleurs.
Sigmund Freud s'inspire de cette histoire pour expliquer un moment du développement de l'être
humain qu'il nomme le complexe d'Œdipe. Pour Freud, l'homme est sans cesse assailli par des
INTERPRÉTATION
pulsions qui sont d'ordre biologique et sont régies par le principe de plaisir. L'un des types de
pulsions le plus important est la libido, c'est-à-dire les pulsions sexuelles. En effet, selon lui, la
sexualité ne se limite pas aux activités proprement sexuelles, mais concerne toutes les activités
procurant du plaisir. Le « complexe d'Œdipe » est un exemple célèbre de ces pulsions sexuelles :
dans ses premières années, l'enfant va porter son désir sur le parent de sexe opposé. Ce parent
devient donc objet de désir : il est ce qui apporte plaisir et soulagement. L'enfant développe
donc un désir inconscient d'être aimé de son parent, et ce désir l'amène à considérer l'autre
parent comme un rival devant être mis à mort. Ce désir, essentiel à la construction de la
personnalité de tout individu, est refoulé à cause de l'interdit social de l'inceste. Généralement, il
disparaît autour de quatre ou cinq ans.
Sigmund Freud
III
Inconscient et mauvaise foi
« Considérons ce garçon de café. Il a le geste vif et appuyé, un peu
trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d'un
pas un peu trop vif, il s'incline avec un peu trop d'empressement, sa
voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude
pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant
d'imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d'on ne sait quel
automate tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de
funambule, en le mettant dans un équilibre perpétuellement instable
et perpétuellement rompu, qu'il rétablit perpétuellement d'un
mouvement léger du bras et de la main. Toute sa conduite nous
semble un jeu. Il s'applique à enchaîner ses mouvements comme s'ils
étaient des mécanismes se commandant les uns les autres, sa
mimique et sa voix même semblent des mécanismes ; il se donne la
prestesse et la rapidité impitoyable des choses. Il joue, il s'amuse.
Mais à quoi donc joue-t-il ? Il ne faut pas l'observer longtemps pour
s'en rendre compte : il joue à être garçon de café. »
Jean-Paul Sartre
L'Être et le Néant - © Gallimard, coll. Bibliothèque des idées, 1943
Alain
Éléments de philosophie - 1916