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In Situ

Revue des patrimoines


48 | 2022
Le patrimoine de la Justice (II)

La Restauration des sièges du Salon rouge de l’hôtel


de la Chancellerie entre usages contemporains et
patrimoine
The restoration of the seats of the Red room of the Chancellery hotel, between
contemporary uses and heritage

Amandine Cambet, Thomas Deshayes, Carolina Hall et Antoine


Meissonnier

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/insitu/35689
DOI : 10.4000/insitu.35689
ISSN : 1630-7305

Éditeur
Ministère de la Culture

Référence électronique
Amandine Cambet, Thomas Deshayes, Carolina Hall et Antoine Meissonnier, « La Restauration des
sièges du Salon rouge de l’hôtel de la Chancellerie entre usages contemporains et patrimoine », In Situ
[En ligne], 48 | 2022, mis en ligne le 23 août 2022, consulté le 10 septembre 2022. URL : http://
journals.openedition.org/insitu/35689 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.35689

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La Restauration des sièges du Salon rouge de l’hôtel de la Chancellerie entre... 1

La Restauration des sièges du Salon


rouge de l’hôtel de la Chancellerie
entre usages contemporains et
patrimoine
The restoration of the seats of the Red room of the Chancellery hotel, between
contemporary uses and heritage

Amandine Cambet, Thomas Deshayes, Carolina Hall et Antoine


Meissonnier

1 In memoriam Xavier Bonnet, tapissier, décédé au cours de la restauration de cet ensemble, le


13 octobre 2018.

Introduction : un mobilier caractéristique du style


impérial
2 Au sein de l’important patrimoine mobilier conservé par le ministère de la Justice à
l’hôtel de Bourvallais se distingue un ensemble exceptionnel de trente-trois sièges en
acajou à tête de lion et bronzes, classé au titre des monuments historiques 1. Il se
compose de deux grands canapés, de deux petits canapés appelés « causeuses », de
deux bergères, de dix fauteuils meublants, de six fauteuils volants ou courants ainsi que
de onze chaises. Cet ensemble meuble principalement aujourd’hui le « Salon Empire »
ou « Salon rouge », situé au premier étage de l’hôtel de Bourvallais, dans le corps de
bâtiment qui donne sur la place Vendôme [fig. 1]. Ses tentures sont d’ailleurs
coordonnées avec l’étoffe des sièges, leur donnant le nom courant d’« ensemble du
Salon rouge ».

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La Restauration des sièges du Salon rouge de l’hôtel de la Chancellerie entre... 2

Figure 1

Salon rouge ou salon Empire de l'hôtel de Bourvallais, siège du ministère de la Justice, 13 place
Vendôme, Paris (1er arrondissement) : état avant restauration, juillet 2018.
© Joachim Bertrand.

3 Il s’agit d’un ensemble de mobilier de salon semblable à ceux qui étaient en usage chez
les princes et les grands officiers du régime dans la première moitié du XIXe siècle, avec
des sièges meublants (canapés, bergères et fauteuils) destinés à être placés de manière
permanente le long des murs, et des sièges volants (fauteuils et chaises) plus légers,
donc plus mobiles, pour le centre de la pièce. La décoration (bronzes sur acajou) est
aussi représentative de la gradation décorative en vigueur depuis le Premier Empire 2.
4 Ces sièges ont les caractères du mobilier de style « Empire » : emploi de l’acajou (massif
comme en placage), lignes anguleuses, pieds arrière dits « en sabre », vocabulaire
antique des bronzes (palmettes, rinceaux). Ils se distinguent également par la présence
d’impressionnants protomés de lion formant les montants avant des sièges [fig. 2],
ornement que l’on retrouve fréquemment dans la production des années 1800-1820,
tant par goût des références antiques que comme symbole de pouvoir.

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Figure 2

Détail d'un protomé de lion, avec un papillon, ministère de la Justice, juillet 2018.
© Joachim Bertrand.

5 Ce style en fait déjà un ensemble notable. Mais c’est sa complétude et l’importance


numérique de ses pièces qui en font un ensemble mobilier remarquable. C’est pourquoi,
constatant l’état d’usure des étoffes des garnitures, le département des Archives, de la
Documentation et du Patrimoine du ministère de la Justice a entrepris en 2018 une
restauration ambitieuse pour redonner à ces sièges leur éclat. Établi en coordination
avec la direction régionale des Affaires culturelles d’Île-de-France, le programme de
restauration devait concilier les exigences déontologiques patrimoniales et la vocation
d’usage de ces sièges qui participent toujours du rôle de représentation qu’assument les
hôtels ministériels. Nous y reviendrons.
6 Mais avant cela, il faut revenir sur les mystères qui émaillent l’histoire de cet ensemble
mobilier : quand a-t-il été acquis par le ministère de la Justice ? Quel en est l’auteur ?
Autant de questions sans réponse simple, sur lesquelles nous nous attarderons
néanmoins en premier lieu.

Histoire de l’ensemble
Vie au sein de l’hôtel de Bourvallais

7 Les conditions d’arrivée de cet ensemble à la Chancellerie ne sont pas connues. Les
archives n’ont pas permis de déterminer s’il s’agissait d’une commande effectuée par la
Chancellerie ou d’un achat de mobilier antérieur. On ignore également la date d’arrivée
de cet ensemble à l’hôtel de Bourvallais. Les caractéristiques stylistiques permettent de
dater ce mobilier de l’époque impériale comme du début de la Restauration. Il a pu être
livré sous le long ministère du duc de Massa (1802-1813), qui réalisa d’important
travaux dans l’hôtel, ou même sous celui du comte de Peyronnet (1821-1828) qui

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entreprit une importante campagne de renouvellement des décors de la Chancellerie 3


[fig. 3]. Ainsi, on remarque sur un portrait de ce garde des sceaux passé sur le marché
de l’art un mobilier à têtes de lion proche, bien qu’en bois doré, plus imposant et plus
richement décoré4.

Figure 3

Charles-Ignace, comte de Peyronnet (1778-1854), ministre de la Justice (1821-1828), portrait


conservé au British Museum.
Reproduction Delpech / British Museum.

8 Un tel ensemble est en tous les cas parfaitement conforme aux commandes exécutées
pour les hauts dignitaires du Premier Empire et de la Restauration. Durant ces deux
régimes, des règlements établissaient une hiérarchie des matériaux et des compositions
des ensembles mobiliers. L’ensemble du Salon rouge s’y inscrit pleinement 5. Il est ainsi
en acajou avec bronzes dorés [fig. 4], soit le deuxième matériau par ordre de prestige
après le bois doré. L’ensemble comporte enfin un nombre important de fauteuils et
canapés, comme dans les ensembles commandés pour les princes de second rang de la
Cour napoléonienne et pour les grands officiers de la Couronne de la Restauration 6. Ce
dernier point pourrait accréditer l’idée d’une arrivée de l’ensemble au ministère de la
Justice sous la Restauration, l’hôtel de Bourvallais n’accueillant pas de personnage de
rang princier sous le Premier Empire.

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Figure 4

Détail de l'accotoir d'un canapé, avec bronze doré, ministère de la justice, août 2017.
© Joachim Bertrand.

9 Les fonds de la série BB (ministère de la Justice) des Archives nationales contiennent de


nombreux articles concernant la gestion matérielle du ministère durant la période
révolutionnaire, le Directoire, l’Empire et la Restauration, avant que la documentation
ne s’amenuise pour la monarchie de Juillet et le Second Empire. Les archives montrent
qu’à la fin des années 1820, ce sont les tapissiers Darrac et Charre, installés rue de Cléry
et rue Neuve Saint-Eustache, no 5, qui s’occupent du mobilier de l’hôtel de Bourvallais,
pourvoyant autant à l’entretien des tapis, tentures et rideaux qu’à la garniture des
sièges et même à la fourniture de mobilier pour répondre à des besoins ponctuels sans
passer par le Garde-Meuble royal7. Malheureusement, aucun des ensembles commandés
alors ne correspond à celui qui nous intéresse.
10 Il est néanmoins très clairement reconnaissable dès le premier état de l’inventaire du
mobilier de l’hôtel de la Chancellerie tenu entre 1829 et 1840 8. Ce dernier mentionne
justement « deux grands canapés en acajou avec leur carreau avec deux coussins garnis
en soie verte à dessins brochés avec leurs housses en toile de coton verte, bois sculpté
et ornements en cuivre doré ». Malgré l’absence de mention des têtes de lion, ce sont
les seuls à être décrits comme en « bois sculpté » avec des « ornements en cuivre
doré ». Or ils sont accompagnés de deux « sophas9 assortis aux deux canapés précédens,
chacun avec leurs deux coussins et leur housse », ainsi que de deux bergères,
dix fauteuils meublants, six courants et douze chaises, tous avec la même description
(bois sculpté et ornements en cuivre doré) et la même garniture 10 que les grands
canapés. À une chaise près perdue depuis, on est donc bien en présence d’un ensemble
unique ayant exactement la même composition que l’ensemble actuel.

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11 Dès cette époque, il se détache du reste du mobilier du ministère : c’est le seul ensemble
en acajou avec « cuivres dorés » comportant des grands canapés, ainsi qu’une
répartition dix / six des fauteuils meublants et courants et un nombre aussi élevé de
chaises. Seul indice d’une date de fabrication, les douze chaises sont les seules de
l’inventaire de 1829 à être dites « en très bon état », ce qui pourrait trahir leur
fabrication très récente.
12 On peut souligner que cet ensemble n’est jamais désigné comme présentant des têtes de
lion. Curieusement, la seule mention de sculptures de ce type concerne « six [autres]
fauteuils en acajou, à dos renversé, bras sculptés et terminés par une tête de lion,
couvertes en maroquin rouge en bon état », auxquels sont coordonnés quatre fauteuils
assortis à dos droit. Aujourd’hui, le ministère de la Justice conserve deux fauteuils de ce
type à dos renversé et protomés de lion, qui présentent une garniture dépareillée par
rapport à l’ensemble mobilier du Salon rouge.
13 Dans l’inventaire de la période suivante (1841-185611), organisé non plus par typologie
de meubles mais par pièce, on retrouve l’ensemble du Salon rouge actuel : il meuble le
« salon vert » donnant sur jardin qui correspond à l’actuel salon des Oiseaux. Le
changement de couleur de la garniture daterait de 1846 puisqu’il est indiqué que « ce
meuble a été recouvert en damas de soie de Lyon cramoisi en 1846 ». Les rideaux et la
tenture d’appartement verts du salon sont eux remisés au magasin. On trouve alors
dans le salon :
• Deux grands canapés en acajou, avec rosaces en cuivre doré, pieds terminés en pattes de
lion, couverts en étoffe en soie [ajout d’une autre main :] cramoisi à dessins et bordures
brochées avec leurs deux coussins et leur housse en toile de coton verte ;
• Deux petits canapés assortis aux précédents et de même nature, avec leurs coussins et leur
housse ;
• Deux bergères idem ;
• Dix fauteuils idem ;
• Six fauteuils couverts idem.
• Douze chaises en acajou assorties aux canapés.
14 D’autres meubles à têtes de lion, clairement désignés comme tels, sont signalés dans cet
inventaire : on retrouve les six fauteuils à dos renversé et les quatre fauteuils à dos
droit déjà signalés, auxquels sont coordonnées neuf chaises, le tout en basane rouge,
ainsi qu’un fauteuil de bureau à têtes de lion également, présent dans la bibliothèque.
15 Par la suite, la cohérence de l’ensemble n’est pas conservée et le mobilier dit « du salon
rouge » se trouve réparti entre différentes pièces de l’hôtel de la Chancellerie. Dans
l’inventaire tenu entre 1857 et 1875, on retrouve dans le salon d’angle du 1 er étage
donnant sur le jardin, premier salon dans l’ordre protocolaire de l’appartement
donnant sur jardin, attenant au second salon ou « salon vert » où l’ensemble se trouvait
avant 1856 : « Six fauteuils en acajou avec rosaces en cuivre doré, couverts en damas de
soie », avec « douze chaises », « deux bergères » et « deux canapés » du même type 12. On
trouve aussi mention de « deux grands canapés recouverts de soie cramoisie » dans la
bibliothèque du rez-de-chaussée, l’actuel bureau du ministre ainsi que de
« dix fauteuils » du même type13. On note que les occupants de l’hôtel ne souhaitent
plus associer dans une même pièce fauteuils meublants et fauteuils courants. La
répartition montre que les deux sous-ensembles sont encore identifiés mais l’étiquette
de cour ne semble plus justifier de les avoir à l’intérieur d’un même salon comme c’était
le cas sous la Restauration. Les annotations ultérieures permettent de savoir que trois

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des quatre canapés sont ensuite placés au premier étage, dans les petits salons situés
aux extrémités de la salle à manger d’honneur (appelée aujourd’hui « galerie
Peyronnet »).
16 L’ensemble reste ensuite éclaté, au point qu’on n’arrive plus à localiser l’ensemble
complet. Dans l’inventaire tenu entre 1877 et 189614 ainsi que dans celui couvrant la
période suivante (1897-192715) et enfin dans celui de 192816, les grands canapés de
l’ensemble sont toujours placés dans les salons d’extrémité de la galerie Peyronnet.
Dans le salon d’angle du premier étage de l’hôtel se trouvent « six fauteuils en acajou
avec rosaces en cuivre doré couverts de damas de soie, quatre chaises idem,
deux bergères idem et deux canapés idem (petits) ». On n’arrive pas à identifier les
autres sièges. Il est intéressant de noter qu’à cette époque, le grand salon Empire
donnant sur la place Vendôme, dont les rideaux sont en brocatelle cramoisie, est
meublé avec des fauteuils et des chaises garnies de la même brocatelle, qui ne sont pas
ceux à têtes de lion, ainsi qu’avec une partie d’un ensemble noir et or toujours en
possession du ministère de la Justice, garni à l’époque de la même brocatelle cramoisie.
17 Deux inventaires à fiche permettent d’en savoir plus sur le destin de cet ensemble au
cours du XXe siècle17. Les dates d’événements mentionnées (affectation, restauration,
retour au Mobilier national…) s’étalent entre les années 1950 et 1980. On note
l’apparition dans un des deux fichiers de la dénomination « ensemble retour d’Égypte »
alors que le vocabulaire décoratif de ces sièges est certes néoclassique mais ne
comporte aucun élément d’inspiration égyptienne. On retrouve alors inventorié, non
l’ensemble complet que nous connaissons aujourd’hui mais uniquement les éléments
qui étaient déjà identifiés dans les inventaires de la période 1877-1928. Il manque donc
toujours dix fauteuils et huit chaises. Les fiches cartonnées témoignent d’une opération
d’entretien et d’un regarnissage des fauteuils en 1955-1956. Il est dit que les sièges
étaient de soie rouge et recouverts à neuf d’un « lampas tout soie Malmaison ».
Malheureusement, leur affectation n’est pas précise (« un salon » de l’hôtel).
18 Les illustrations de l’article de Bruno Pons paru en 1991 dans la revue Monuments
historiques18 ainsi que les photographies prises à l’occasion du classement de
l’ensemble19 attestent de l’avant-dernier état des sièges avant la restauration actuelle :
un lampas de soie cramoisie portant un trophée or sur un semé or 20. C’est également la
première fois que l’ensemble décore le grand salon Empire donnant sur la place
Vendôme, dont les tentures sont à présent du même semé que les sièges. L’origine de la
dénomination actuelle courante d’« ensemble du Salon rouge » n’est pas attestée
auparavant. Était-ce l’état résultant du regarnissage de 1955-1956 ? C’est une hypothèse
qui ne peut être confirmée de façon certaine.
19 Enfin, les archives de l’Administration des Monuments historiques permettent de dater
la précédente et dernière restauration. Elle est évoquée pour la première fois dans un
courrier du ministère de la Justice au ministère de la Culture du 11 mars 1988 dans
lequel il est dit qu’un plan pluriannuel de restauration de l’hôtel de Bourvallais a été
lancé en 1986. Celui-ci a déjà débouché sur la restauration de la galerie Peyronnet en
1987 et doit se poursuivre par la restauration du « grand salon » du premier étage qui
abrite un « mobilier en acajou, signé Bellangé, constitué de 33 pièces ». En annexe d’un
courrier du 28 mars 1990 échangé entre les services du ministère de la Culture, un
résumé du chiffrage de l’opération permet de savoir qu’il est prévu que les bois de
l’ensemble seront restaurés par l’atelier de Michel Jamet, que le tissu sera fourni par la
maison Tassinari et Chatel et que le tapissier sera Michel Abelin 21.

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20 Le résultat de cette restauration, qui a dû intervenir au tout début des années 1990 mais
dont on ne connaît pas la date exacte de réalisation, est le dernier état de l’ensemble
avant le projet entrepris aujourd’hui. On note que le tissu choisi, un damas cramoisi à
motifs végétaux et de papillons de nuit, n’est pas identique au précédent.

Origine et attributions possibles


21 La commission supérieure des Monuments historiques réunie le 15 février 1988 pour
examiner le classement de l’ensemble mobilier du Salon rouge indique que celui-ci est
estampillé « Bellanger » (sic) et que ces pièces se rapprochent de celles du château des
Beauvau-Craon22 à Haroué (Meurthe-et-Moselle). Cependant, malgré l’étude préalable
menée en 2017 et les premières restaurations, il a été impossible de trouver la moindre
estampille. On peut supposer que les membres de la commission supérieure des
Monuments historiques ont fondé leur décision sur l’ensemble mobilier qui meuble
toujours la salle de billard du château de Craon [fig. 5] et qui est estampillé Pierre-
Antoine Bellangé23. Composé de quatre canapés, de six fauteuils et de dix chaises, il est
en effet le seul de l’ancienne collection de la comtesse du Cayla à présenter des
protomés de lion.

Figure 5

Salle de billard du château de Craon (Haroué), s.d., photographie conservée à la Médiathèque de


l'architecture et du patrimoine, ministère de la Culture (France).
© Henri Heuzé / reproduction RMN-GP.

22 Au regard d’autres productions, l’attribution à la famille Bellangé, plus


particulièrement à la branche de Pierre-Antoine Bellangé (1757-1827) et de son fils
Louis-Alexandre (1796-1861), serait envisageable. Maître menuisier en 1788, nommé

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fournisseur breveté de la Couronne en 1817, Pierre-Antoine s’associe à son fils à partir


de 1820. On sait également que ces ébénistes travaillaient en collaboration avec Darrac
et Charre, tapissiers du roi, fournisseurs de la Chancellerie sous la Restauration. Ainsi,
en 1827, ces tapissiers achètent des meubles issus de la succession de Pierre-Antoine
Bellangé24. On trouve dans leur production plusieurs exemples de mobilier à protomés
de lion ou pieds griffus25. Un dessin signé « Bellangé à Paris » conservé au Metropolitan
Museum of Art (New York) montre un modèle de siège à protomés de lion assez proche
de notre fauteuil26. Ces références montrent une grande proximité stylistique avec les
dessins du Recueil de décorations intérieures de C. Percier et P.-F.-L. Fontaine de 1812 27.
Mais il faut justement noter les différences de ces modèles avec le style de l’ensemble
du ministère de la Justice : conformément aux motifs de Percier et Fontaine, chez
Pierre-Antoine et Louis-Alexandre Bellangé, les lions ont plutôt la gueule ouverte et
leur tête, parfois ailée comme au château de Craon, est appuyée sur un pied massif,
prolongé par un motif végétal qui fait comme une corolle dont point la tête de lion. Le
mobilier du Salon rouge présente une plus grande sobriété stylistique. On ne retrouve
pas non plus les éléments stylistiques personnels définis par Sylvain Cordier dans son
étude, comme les doubles croches affrontées28.
23 François-Honoré-Georges Jacob (1771-1841) dit Jacob-Desmalter est une autre
attribution possible. Fils de Georges Jacob (1739-1814) – le menuisier de Marie-
Antoinette – avec qui il s’associe en 1803, Jacob-Desmalter est l’un des artisans les plus
réputés de cette première moitié du XIXe siècle. Plusieurs indices laissent penser qu’il
pourrait être l’auteur de ce mobilier, de manière même plus probable que les Bellangé.
Un modèle de fauteuil et de bergère extrêmement proche, qui en diffère uniquement
par la partie supérieure du dossier, estampillé « Jacob-Desmalter, rue Meslée », est
passé récemment en vente29. Certains détails stylistiques sont absolument identiques à
l’ensemble du ministère de la Justice : double moulure simple soulignant la ceinture,
finesse des accotoirs et des pattes de lion, éléments décoratifs de la jonction entre les
accotoirs et le dossier ou encore rainures sur les pieds avant rappelant l’aspect naturel
d’une patte animale. Quelques sièges de l’ensemble présentent d’ailleurs la même
inscription manuscrite, « Bichut » (peut-être une marque de tapissier), que le revers
d’une traverse de la ceinture de deux fauteuils du ministère30. Un modèle exactement
identique au précédent, lui aussi estampillé, est passé en vente chez le commissaire-
priseur Rémy Le Fur le 25 mars 201431. Un autre modèle proche, quoique différant par
certains détails, lui aussi estampillé Jacob-Desmalter, a été vendu par Sotheby’s le
27 avril 201732. Enfin, les ceintures intérieures des sièges du ministère sont creusées de
manière concave (« chanfreinées »), détail technique particulier que l’on retrouve
fréquemment sur les productions estampillées Jacob-Desmalter.
24 Après avoir parcouru l’histoire de l’ensemble mobilier aux têtes de lion du ministère de
la Justice, on constate à quel point ce mobilier est resté actuel pendant plus de
deux siècles. Mobilier de prestige dédié à un des salons d’apparat sous la Restauration,
il a été mis en retrait pendant soixante ans dans un salon moins en vue, en partie
dispersé dans différentes pièces de l’hôtel de Bourvallais. À une date inconnue du
XXe siècle, peut-être après la Seconde Guerre mondiale ou lors de son regarnissage en
1955-1956, l’ensemble a été remis en valeur pour la pièce qui est encore le principal
salon d’apparat du ministère33, le salon Empire donnant sur la place Vendôme. S’il était
impératif d’inscrire l’opération d’aujourd’hui dans les méthodes et les principes de la

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restauration patrimoniale, il était tout aussi nécessaire de tenir compte de l’usage


encore actuel de cet ensemble mobilier.

Restauration
25 Avec sa garniture élimée en de multiples endroits, le mobilier du Salon rouge du
ministère de la Justice nécessitait, à la fin des années 2010, une restauration
fondamentale, tant au niveau du textile, très abimé, que de la structure des bois.
S’appuyant sur une importante étude préalable et un constat d’état détaillé de chaque
siège réalisés en mars 2017, le ministère s’est engagé dans une restauration ambitieuse
pilotée par le département des Archives, de la Documentation et du Patrimoine qui a pu
commencer à l’été 2018 avec le choix, à l’issue d’un appel d’offre, de Carolina Hall,
restauratrice de mobilier, diplômée de l’université de Paris I, pour la restauration des
bois, et de Xavier Bonnet, tapissier, compagnon du Devoir, pour la réfection des
garnitures. Le décès de ce dernier, le 13 octobre 2018, a interrompu les travaux. À
l’issue des procédures complexes consécutives à cet événement dramatique et après un
second appel d’offre, la réfection des garnitures a pu être attribuée à Amandine
Cambet, tapissière, compagnon du Devoir, à l’été 2019, permettant la reprise des
travaux. Même si cette restauration est toujours en cours et doit se clore en 2022,
quatre chaises et deux fauteuils restaurés ont déjà été livrés [fig. 6].

Figure 6

Chaises du Salon rouge, après restauration, ministère de la Justice, octobre 2019.


© Joachim Bertrand.

Restauration des bois


26 Pour les bois, le choix s’est orienté vers une restauration patrimoniale respectueuse de
la patine historique de cet ensemble. Tous les sièges montrent des signes de réparations

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et de restaurations antérieures, ce qui donne un aspect hétérogène à la surface. Des


altérations structurelles mettent en péril la bonne conservation des sièges. On constate
également des fragilisations des feuillures, suite à la pose des garnitures successives.
Les altérations ont été traitées de manière à les stabiliser en tenant compte de leur
valeur d’usage, de leur valeur historique et de leur valeur esthétique. À l’exception des
nettoyages, toutes les interventions ont cherché à conserver les traces du vécu de ce
mobilier.
27 Il était important de réaliser un traitement de toutes les surfaces pour en harmoniser
l’aspect, améliorer l’esthétique d’ensemble et garantir la conservation des matériaux.
Le choix des produits à utiliser lors de cette restauration devait garantir sa
réversibilité. L’observation du vernis a été approfondie sous lumière UV et à l’aide
d’une caméra grossissante (x 800). Cela a permis de distinguer différents matériaux en
surface (vernis type gomme-laque, restes de cire encaustique, restes de colle
protéinique…) et de déterminer les techniques de nettoyage. Outre les manques partiels
de vernis, une altération très visible était celle des « chancis ». L’observation sous
grossissement a permis de comprendre que ces zones blanchies sont des zones de
micro-craquelures du vernis ou d’un manque de cohésion entre le vernis et le support.
28 Afin de pouvoir préserver au mieux ce vernis tout en retirant l’encrassement visible,
des tests de solubilité ont été réalisés. Ils ont démontré que le vernis présentait une
grande solubilité à l’eau. Cela n’est normalement pas le cas des vernis gomme-laque
sauf s’ils sont chimiquement très dégradés ou s’ils sont utilisés en mélange. En effet, au
XXe siècle, de nombreux mélanges de vernis ont été employés, notamment des mélanges
gomme-laque et vernis cellulosique, sensibles à l’eau. Un tel mélange pourrait
expliquer ce domaine de solubilité, surprenant suite aux observations préalables. Les
gels ou solutions aqueuses nécessitant un rinçage à l’eau ont donc été exclus, de même
que l’éthanol, solvant de la gomme-laque et l’acétone, trop fort. C’est donc un solvant
moins polaire, le white spirit, qui a été retenu. Il a l’avantage d’être le solvant de la cire,
permettant de retirer les nombreux résidus encrassés au-dessus de la couche de vernis.
29 Il n’y a a priori qu’un seul type de vernis présent sur les sièges, dont la couche ne semble
pas très épaisse. La fluorescence indique la présence de gomme-laque, mais la
sensibilité à l’eau témoigne d’une autre résine dans le vernis. Il est à noter que
certaines greffes de placage, visiblement postérieures à la création des sièges, se
trouvent sous la couche de vernis. L’ensemble de ces observations tendent à montrer
que ce vernis n’est pas l’original. Les sièges ont peut-être été décapés puis revernis, ce
qui serait cohérent avec l’état de dégradation de certaines parties et l’aspect global du
vernis.
30 Les zones de chanci ont été récupérées par l’application ponctuelle de solvants, afin de
dissoudre la résine et la régénérer sans application d’un liant supplémentaire. Sur les
zones lacunaires de vernis, des cires teintées ont été appliquées pour homogénéiser
l’aspect des surfaces, leur redonner de la brillance tout en ajoutant un matériau se
trouvant dans une zone de solubilité différente de celle du vernis et en assurant le
principe de réversibilité.

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Restauration des garnitures


31 Le choix de la restauration des garnitures était plus complexe et nécessitait un
compromis entre conservation muséale et vie d’un patrimoine toujours en usage.
32 La garniture existante était parfois très élimée et ne possédait aucun caractère
historique, que ce soit dans sa pose (le garnissage des dossiers n’était pas conforme au
style en vigueur au XIXe siècle) ou dans son motif (on a vu plus haut les nombreux
changements d’étoffe). Au demeurant, il était impératif de disposer d’un résultat final
conforme à l’usage de représentation de l’hôtel de Bourvallais. Il a donc été décidé de
refaire les garnitures et de changer le tissu. Cependant, étant donné l’importance de ce
mobilier, classé au titre des monuments historiques, qui reste le principal ensemble de
prestige de l’hôtel de la Chancellerie, le souhait était de réaliser une réfection
exigeante, utilisant des matériaux et des méthodes aussi proches que possible des
techniques anciennes.
33 Le dessin de Bellangé conservé au Metropolitan Museum of Art a servi de référence
pour le garnissage : une garniture à carreau, un bombé significatif du plateau, un câblé
cousu sur carre et un galon sur les feuillures. L’épaisseur des garnitures, les dimensions
des coussins, ont été reprises des mémoires de travaux de Darrac et Charre pour
d’autres ensembles de la Chancellerie qui avaient été trouvés aux Archives nationales.
34 L’étoffe et les passementeries (câblé, galons et cartisanes) devaient être réalisées en
soie naturelle. Mais quelle couleur et quel motif choisir ? La déontologie de la
restauration exige de retrouver le dernier état cohérent. Mais dans ce cas, cette
cohérence s’apprécie au regard du salon de destination qui n’a cessé de changer : à son
apparition dans les sources en 1829, l’ensemble aux têtes de lion était couvert d’une
soierie brochée verte coordonnée avec un salon de la même couleur, qui a été
vraisemblablement réaménagé au Second Empire en blanc et or. Entretemps, dès 1846,
l’ensemble a été recouvert d’une soierie cramoisie, avant qu’il ne soit dispersé dans
d’autres pièces. Quand se clôt le dernier inventaire complet du mobilier de la
Chancellerie en 1928, l’ensemble mobilier est toujours cramoisi, mais il n’a pas rejoint
le Salon rouge. Sans qu’on puisse en dater l’apparition, on constate que l’ensemble est
coordonné aux tentures du Salon rouge au début des années 1980 et cet état est
significatif de l’usage du Salon rouge comme salon principal d’apparat. Revenir à la
couleur verte n’aurait pas grand sens puisque le Salon vert coordonné n’est plus dans
son état de la Restauration. Par ailleurs, remettre en cause la coordination des tentures
du Salon Empire avec de l’étoffe des sièges à têtes de lion revenait à nier l’usage actuel
du salon comme pièce d’apparat et la vocation première de ce mobilier, conçu dès son
origine comme un mobilier de prestige et de représentation. Enfin, les deux
descriptions des soieries utilisées au XIXe siècle, tant verte que cramoisie,
mentionnaient des dessins brochés. Par conséquent, en accord avec la DRAC d’Île-de-
France et l’architecte en chef des monuments historiques (ACMH), il a été décidé de
revenir à un lampas de soie cramoisie avec des motifs dorés, comme cela était le cas
dans la seconde moitié du XXe siècle, avant la restauration des années 1990.
35 À défaut d’en savoir plus sur les motifs exacts utilisés au XIXe siècle pour cet ensemble,
l’objectif était de reprendre une étoffe documentée dans les collections datant du
Premier Empire ou de la Restauration. Avec le conseil précieux de Xavier Bonnet, un
nouveau textile a ainsi été sélectionné auprès de la manufacture lyonnaise Prelle, repris

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La Restauration des sièges du Salon rouge de l’hôtel de la Chancellerie entre... 13

d’un modèle conservé au Mobilier national [fig. 734]. Il s’agit d’un lampas cramoisi
(couleur choisie dans une variation typique du XIXe siècle) et or composé, pour le
dossier, d’un motif de fritillaire impériale – sorte de fleur à clochettes – entourée d’une
couronne de lauriers, et pour l’assise, d’un motif de palmettes rayonnantes, toujours au
centre d’une couronne de lauriers. Les dos sont couverts d’une faille cramoisie unie de
la maison Veraseta. Les passementeries ont été réalisées par la maison Declercq,
suivant les techniques du XVIIIe siècle.

Figure 7

Tissage manuel de la bordure par la manufacture Prelle, ministère de la Justice, novembre 2018.
© Joachim Bertrand.

36 La garniture, actuellement en cours de réalisation par Amandine Cambet, est effectuée


à la manière du début du XIXe siècle, en accord avec le modèle du dessin de Bellangé. Le
dos et l’assise des fauteuils sont garnis en crin à épaisseur et piqués fin, avec un bombé
significatif sur le plateau. Leurs plates-bandes sont couvertes à l’aide de bordures avec
un câblé cousu sur la carre. Leurs bras sont piqués en demi-cercle sur le devant et le
derrière. Ils sont agrémentés de petites bordures et de câblés à ces mêmes endroits. Les
chaises sont garnies et couvertes de manière analogue aux fauteuils, les garnitures
étant toutefois légèrement moins épaisses. Le dossier et les bras des bergères sont
garnis et couverts de manière analogue aux fauteuils, le dossier étant légèrement plus
épais. Les joues sont simplement tendues d’une toile (sans garniture de crin ou autre) et
couvertes du lampas liseré fond cramoisi. Le bourrelet de plateforme est piqué fin et
couvert de petite bordure en façade. La plateforme est couverte de la faille unie
coordonnée au lampas. Le carreau est garni de demi-duvet. La plate-bande de la
bergère est couverte de grande bordure en façade. Le câblé est cousu tout autour du
plateau supérieur et en façade uniquement sur le plateau inférieur. Les canapés, enfin,
sont garnis de manière analogue aux bergères, à l’exception du dossier, qui est
proportionnellement plus épais, et du matelas, qui est réalisé en crin piqué avec une

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La Restauration des sièges du Salon rouge de l’hôtel de la Chancellerie entre... 14

couche superficielle en laine. Deux coussins terminent la décoration de chaque canapé,


avec des cartisanes aux quatre coins.

Conclusion
37 À l’issue de cette étude, des lacunes demeurent toujours dans notre connaissance de
l’ensemble mobilier aux têtes de lion du ministère de la Justice : les conditions de
commande et d’arrivée à l’hôtel de Bourvallais ne sont pas certaines, comme l’identité
de l’auteur. Mais les informations collectées dans les archives attestent de l’importance
de cet ensemble de premier ordre, dès la fin des années 1820. Il ne s’agit pas d’un
mobilier quelconque mais de l’ensemble d’apparat principal de l’hôtel de la
Chancellerie. Après une période de relatif oubli sous la Troisième République, le
mobilier aux têtes de lion retrouve sa vocation initiale de représentation de prestige
dans un nouvel écrin, le salon Empire ou Salon rouge, qui reprend la fonction de salon
d’apparat de l’hôtel de Bourvallais.
38 La valeur d’usage de ce patrimoine nécessitait de tenir compte de ces évolutions dans le
choix de l’étoffe de garnissage. Par l’excellence des matériaux utilisés et la compétence
des restaurateurs qualifiés qui travaillent à ce projet, l’ensemble mobilier aux têtes de
lion va continuer à contribuer à la fonction de représentation qui est celle du
patrimoine national déposé dans les hôtels ministériels.

NOTES
1. Arrêté du 23 juin 1988, Palissy PM75000421 à 427. Voir https://
www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM75000421 [lien valide en mai 2022].
2. CORDIER Sylvain, Bellangé, ébénistes. Une Histoire du goût au XIXe siècle, Paris, Mare &
Martin, 2012, p. 74 et p. 136.
3. PAU Clémence, L'hôtel de Bourvallais, 300 ans de justice place Vendôme, Paris, ministère
de la Justice, 2019. Voir aussi : PAU Clémence, « L’hôtel de Bourvallais, place Vendôme :
symbole patrimonial du ministère de la Justice », In Situ. Revue des patrimoines, 2022,
n° 46, [En ligne] https://journals.openedition.org/insitu/33807 [lien valide en
mai 2022].
4. SERRUR Henry Auguste Calixte César (1794–1865), Portrait du comte de Peyronnet,
collection privée, œuvre vendue par Sotheby’s, New York, le 12 février 1997.
5. CORDIER Sylvain, Bellangé, ébénistes, Une Histoire du goût au XIXe siècle, p. 72-74.
6. CORDIER Sylvain, Bellangé, ébénistes, Une Histoire du goût au XIXe siècle, p. 136.
7. Archives nationales (ci-après AN), BB30, dossiers 517, 522.
8. Archives de Paris, DQ12/57.
9. Le terme « sopha » ou « sofa » est attesté à la fin du XVIIIe siècle pour désigner un
« canapé à joues », c’est-à-dire avec des accotoirs pleins comme le sont ceux des

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bergères. Ces canapés semblent d’un module plus petit. Voir à ce sujet REYNIÈS
Nicole de, Le Mobilier domestique. Vocabulaire typologique, Paris, Éditions du patrimoine,
2003, tome 1, p. 148. Dans le cas de l’ensemble mobilier du Salon rouge, ce serait donc
une façon de désigner les petits canapés à joues de l’ensemble.
10. Il est précisé pour les fauteuils qu’ils sont « bordés en galons de soie ».
11. Archives de Paris, DQ12/86.
12. Archives du ministère de la Justice, 1970 MJ 1.
13. Indice d’un possible éclatement de l’ensemble, une main ultérieure a corrigé la
mention « idem » pour indiquer que ces dix fauteuils sont « recouverts de maroquin
vert, grain du Levant ». Lors du classement au titre des monuments historiques en 1988,
on peut noter que deux fauteuils courants de l’ensemble ont une garniture en velours
gaufré vert, ce qui pourrait attester du dépareillage de l’ensemble à une date
antérieure. Voir Palissy, PM75000425, https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/
PM75000425 [lien valide en mai 2022].
14. Archives de Paris, DQ12/58.
15. Archives du ministère de la Justice, 1970 MJ 1.
16. Archives du ministère de la Justice, 1970 MJ 1
17. Archives du ministère de la Justice, 969 MJ 4.
18. PONS Bruno, « Le ministère de la Justice (l’hôtel de la Chancellerie) », Monuments
historiques, janvier-février 1991, n°172, p. 97-112.
19. Palissy, PM75000421 à 427, https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/
PM75000421 [lien valide en mai 2022].
20. Comme vu supra, sauf pour deux sièges garnis en velours gaufré vert (voir Palissy,
PM75000425).
21. Ces différents courriers sont conservés à la Médiathèque de l’architecture et du
patrimoine, dossier 75-007 sur le mobilier classé, sous-dossier sur la restauration.
22. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, dossier 75-007 sur le mobilier
classé, sous-dossier sur le classement.
23. CORDIER Sylvain, Bellangé, ébénistes, Une Histoire du goût au XIXe siècle, PAB 107.
24. CORDIER Sylvain, Bellangé, ébénistes, Une Histoire du goût au XIXe siècle, p. 36-37.
25. CORDIER Sylvain, Bellangé, ébénistes, Une Histoire du goût au XIXe siècle, PAB 47, 69,
101, 102, 107 et LAB 1, 2, 9 à 11.
26. THE METROPOLITAN MUSEUM OF ART, Recueil Bellangé, New York, The Elisha
Whittelsey Collection, The Elisha Whittelsey Fund, 1951 (51.624.2), cité dans CORDIER
Sylvain, Bellangé, ébénistes. Une Histoire du goût au XIXe siècle, p. 40. Voir aussi CORDIER
Sylvain, « The Bellangé Album and New Discoveries in French Nineteenth-Century
Decorative Arts », Metropolitan Museum Journal, 2012, vol. 47, p. 119-147.
27. CORDIER Sylvain, « The Bellangé Album and New Discoveries in French Nineteenth-
Century Decorative Arts », p. 191.
28. CORDIER Sylvain, « The Bellangé Album and New Discoveries in French Nineteenth-
Century Decorative Arts », p. 163.
29. Sotheby’s, vente Robert de Balkany, 20 septembre 2016.

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30. On signalera aussi au même endroit, sur l’un de ces deux fauteuils, une autre
inscription manuscrite, « Georges ». Le prénom évoque la dynastie des Jacob mais cet
indice reste tout de même très hasardeux !
31. Rémy Le Fur, vente de mobilier et objets d’art, céramique, 25 mars 2014, lot n o 144.
32. Sotheby’s, vente d’important mobilier, sculptures, objets d’art et tableaux, 27 avril
2017, lot no 268.
33. Le salon des Oiseaux, qui accueillait l’ensemble aux têtes de lion, est aujourd’hui
plus utilisé comme salle de réunion et de conférences que comme salon d’apparat
(c’est-à-dire dédié aux réceptions d’hôtes de marque et aux repas officiels).
34. COURAL Jean, Paris, Mobilier national. Soieries Empire, Paris, Éditions de la Réunion des
musées nationaux, 1980, p. 251-252, n° 76, avec une variation sur le motif du dossier
déjà réalisé par la manufacture Prelle pour d’autres projets.

RÉSUMÉS
Siège de la Chancellerie depuis plus de trois siècles, l’hôtel de Bourvallais accueille plusieurs
objets mobiliers classés au titre des monuments historiques. Parmi ceux-ci, on compte un
ensemble remarquable de trente-trois sièges en acajou avec bronzes, datant vraisemblablement
de la Restauration, se caractérisant par leurs protomés à têtes de lion et leurs pieds griffus. Après
des années de préparation et d’attente, ces sièges font aujourd’hui l’objet d’un programme de
restauration complet visant à leur redonner leur éclat.
À l’issue de cette étude, des lacunes demeurent dans la connaissance de l’ensemble mobilier aux
têtes de lion du ministère de la Justice : les conditions de commande et d’arrivée à l’hôtel de
Bourvallais ne sont pas certaines, ni l’identité de l’auteur. Mais les informations collectées dans
les archives attestent de l’importance de cet ensemble de premier ordre, dès la fin des
années 1820. Il ne s’agit pas d’un mobilier quelconque mais de l’ensemble d’apparat principal de
l’hôtel de la Chancellerie. Après une période de relatif oubli sous la Troisième République, le
mobilier aux têtes de lion retrouve sa vocation initiale de représentation de prestige dans un
nouvel écrin, le salon Empire ou Salon rouge, qui reprend la fonction de salon d’apparat de
l’hôtel de Bourvallais.
La valeur d’usage de ce patrimoine nécessitait de tenir compte de ces évolutions dans le choix de
l’étoffe de garnissage : fruit d’un compromis, le choix d’une soierie cramoisie brochée de motifs
dorés a été établi sur des modèles historiquement documentés. De même, le garnissage a été
réalisé suivant les méthodes anciennes. Quant à la restauration des bois, elle a été faite suivant
les standards de restauration patrimoniale, en visant la conservation maximale des matériaux
anciens.

In the Bourvallais hotel, headquarters of the French Ministry of Justice for more than 300 years,
there are several pieces of furniture classified as “historic monuments”. Among them, there is a
remarkable set of 33 mahogany seats with bronze, probably dating from the Bourbon
Restoration, characterized by their protomes with lion heads and clawed feet. After years of
preparation and waiting, these seats are now undergoing a complete restoration programme.

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At the end of this study, lacks still remain on the history of the furniture with lion heads from
the Ministry of Justice: the conditions of order and arrival at the Bourvallais hotel are not
certain, nor the identity of the author. But the information collected in the archives attests to the
importance of this first-rate ensemble, from the end of the 1820s. It is not just one of several
pieces of furniture, but the main ceremonial ensemble from the Chancellery hotel. After a period
of relative oblivion under the French Third Republic, the furniture with lion heads finds its initial
vocation of prestige representation in a new setting, the Empire living room, which takes over
the function of the hotel's formal living room.
The fact that the furniture is still in use must be taken into account in the choice of the
upholstery: the choice of a crimson silk embroidered with golden patterns was a compromise,
but established on historically documented models. Likewise, the padding was carried out
according to the old methods. As for the restoration of the woods, it was done according to
heritage restoration standards, aiming at the maximum conservation of old materials.

INDEX
Keywords : furnishings, furniture, art history, garniture, wood, textile, Ministry of Justice,
ministerial mansion, hôtel de Bourvallais, place Vendôme, Chancellery, First French Empire,
Bourbon Restoration, Second French Empire, French Third Republic, Bellangé (Pierre-Antoine),
Bellangé (Louis-Alexandre), Jacob-Desmalter, conservation-restoration.
Mots-clés : ameublement, mobilier, histoire de l’art, garniture, bois, textile, ministère de la
Justice, hôtel ministériel, hôtel de Bourvallais, place Vendôme, Chancellerie, Premier Empire,
Restauration ; Second Empire, Troisième République, Bellangé (Pierre-Antoine), Bellangé (Louis-
Alexandre), Jacob-Desmalter, conservation-restauration.

AUTEURS
AMANDINE CAMBET
tapissière

THOMAS DESHAYES
chef de la mission du Patrimoine mobilier (ministère de la Justice, secrétariat général)
thomas.deshayes@justice.gouv.fr

CAROLINA HALL
restauratrice-conservatrice des Biens culturels, spécialité mobilier

ANTOINE MEISSONNIER
conservateur du patrimoine, chef du département des Archives, de la Documentation et du
Patrimoine (ministère de la Justice, secrétariat général)
Antoine.Meissonnier@justice.gouv.fr

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