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La Houille Blanche

ISSN: 0018-6368 (Print) 1958-5551 (Online) Journal homepage: www.tandfonline.com/journals/tlhb20

Une formule simple d’évapotranspiration


potentielle pour la modélisation pluie-débit à
l’échelle du bassin versant

Ludovic Oudin

To cite this article: Ludovic Oudin (2006) Une formule simple d’évapotranspiration potentielle
pour la modélisation pluie-débit à l’échelle du bassin versant, La Houille Blanche, 92:6,
113-120, DOI: 10.1051/lhb:2006109

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Published online: 01 Jun 2007.

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Evapotranspiration 10.1051/lhb:2006109

Une formule simple d’évapotranspiration potentielle pour la


modélisation pluie-débit à l’échelle du bassin versant

A Simple Potential Evapotranspiration formulation for lumped rainfall-runoff


modelling

Ludovic Oudin

Université Pierre-et-Marie Curie, UMR Sisyphe


Case 105, 4 place Jussieu, 75252 PARIS Cedex 05
Tél : +33 (0)1 44 27 51 32, Fax : +33 (0)1 44 27 51 25, e-mail : Ludovic.Oudin@ccr.jussieu.fr

This article presents a synthesis of a research carried out on the use of potential evapotranspiration (PE) within
rainfall-runoff models. Tests were performed with four rainfall-runoff models over 308 catchments, in order to draw
conclusions of relatively general reach. We attempted to answer the three following questions: How to judge the
relevance of a potential evapotranspiration formulation at the catchment-scale? Which temporal and spatial resolution
of PE is needed for rainfall-runoff modelling? Which atmospheric variables are needed to represent PE as input to
rainfall-runoff models? These questions are likely to be of interest for both end-users of rainfall-runoff models and
modellers. Our results make us propose a simple potential evapotranspiration formulation to be used as input to
lumped rainfall-runoff models.

I n INTRODUCTION variables climatiques mesurées. Son origine est agronomi-


que et les formules pour la calculer ont souvent été mises
Pour une majorité de bassins, les pertes par évapotrans- au point dans des conditions particulières à l’échelle de la
piration représentent quantitativement l’élément le plus parcelle (voir par exemple Penman, 1948). La pertinence
important de la transformation pluie-débit (typiquement des modèles d’ETP est généralement jugée en fonction de
de 50 à 90 % de l’apport pluviométrique annuel moyen leur adéquation aux mesures lysimétriques d’évapotranspi-
pour les surfaces continentales). Il s’agit donc d’une ration en conditions potentielles, c’est-à-dire lorsque l’eau
variable particulièrement intéressante pour les gestion- n’est pas un facteur limitant [Jensen et al., 1990]. Cette
naires de la ressource en eau puisqu’elle influera directe- comparaison est sans doute valable pour évaluer une for-
ment sur des quantités d’eau utilisables. Dans le contexte mule d’ETP à l’échelle de la parcelle, mais les résultats ne
de la modélisation pluie-débit, on utilise couramment sont pas forcément transposables pour des applications à
une variable climatique pour tenir compte de ces retours l’échelle du bassin versant (notamment pour la modélisation
d’eau à l’atmosphère. Classiquement, c’est l’évapotrans- pluie-débit).
piration potentielle (ETP) qui intervient au sein d’une Les recherches entreprises ici ont visé à dresser un constat
fonction du modèle permettant la détermination d’une général sur la sensibilité des modèles pluie-débit à l’ETP et
évapotranspiration réelle (ETR). La qualité de la repré- en tirer les leçons pour la prise en compte de l’ETP au sein
sentation de l’ETP influe par conséquent sur la qualité de ces modèles. En essayant de répondre à ces objectifs,
des simulations des modèles pluie-débit, utilisés pour nous avons soulevé trois questions :
des applications diverses en hydrologie opérationnelle, — comment juger la pertinence d’une formule d’ETP à
telles que la prévision et la prédétermination des crues, l’échelle d’un bassin versant ?
la prévision des étiages, le dimensionnement d’ouvrages — quelle finesse spatio-temporelle de l’ETP est requise
hydrauliques, etc. pour la modélisation pluie-débit ?
L’ETP, contrairement à la pluie, n’est pas une variable — quelles variables atmosphériques sont nécessaires pour
mesurée mais le résultat d’un modèle combinant diverses représenter l’ETP en modélisation pluie-débit ?

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Evapotranspiration
II n  COMMENT JUGER LA PERTINENCE Notre approche étant empirique, il est préférable de travailler
D’UNE FORMULE D’ETP À L’ÉCHELLE sur un grand nombre de bassins versants, afin d’assurer la
D’UN BASSIN VERSANT ? robustesse et la généralité des résultats. Dans cette optique,
nous avons élaboré une base de données hydro-météorologi-
ques de 308 bassins versants répartis en France, en Australie
l II.1 Du concept agronomique au concept hydrologique et aux Etats Unis, pour lesquels nous disposons de don-
nées classiques utilisées en modélisation pluie-débit (pluie et
Alors que le concept de l’ETP a été introduit dans un débit au pas de temps journalier) et de données spécifiques
contexte de classification des climats, il a surtout été utilisé détaillées sur les variables climatiques (données journaliè-
par la suite dans des domaines tels que l’agriculture et l’hy- res de température de l’air, d’humidité relative de l’air, de
drologie, comme calcul préliminaire au calcul de l’ETR. Les vitesse du vent et de rayonnement), permettant de calculer
travaux de Penman [1948] ont permis d’établir une formule l’ETP par diverses formules. La taille des bassins versants
d’ETP combinant les principes physiques du bilan d’énergie est comprise entre 5 et 10 000 km2.
et des ajustements empiriques issus de formules aérodyna-
miques. Cette formule d’ETP a été suivie par une multitude
d’autres, développées et ajustées en fonction des besoins. l II.3 Cadre des tests comparatifs
Dans les études classiques d’évaluation et d’ajustement
Dans ce même souci de généraliser nos résultats, nous
de ces formules d’ETP, le but est de minimiser une fonction
avons travaillé avec quatre modèles pluie-débit : le modèle
objectif du type [Xu and Singh, 2002] :
GR4J [Perrin, 2002 ; Perrin et al., 2003] et des versions
globales, et non distribuées ou spatialisées, des modèles
, (1) HBV [Bergström, 1995], IHACRES [Jakeman et al., 1990]
et TOPMODEL [Beven et al., 1995]. Il faut préciser ici que
ces modèles ne sont pas testés afin d’être mis en concur-
qui représente un écart entre l’ETPj,obs, valeur de l’ETP de rence. On s’intéresse uniquement aux différentes façons dont
référence au jour j (souvent les mesures lysimétriques ou les ils exploitent l’entrée d’ETP. Le calage des paramètres de
valeurs calculées à partir de la formule de Penman consi- chaque modèle est effectué par une procédure automatique
dérée comme faisant référence en la matière), et l’ETPj,sim, de recherche d’optimum.
ETP obtenue avec la formule que l’on souhaite évaluer et Les performances de ces modèles sont ensuite évaluées
éventuellement modifier. dans un cadre utilisant la procédure de calage-validation
On a fait le choix de considérer qu’à l’échelle du bas- [Klemeš, 1986]. Le critère de Nash et Sutcliffe [1970] en
sin versant, une formule d’ETP est d’autant plus accepta- validation, noté Na(Q), est utilisé pour évaluer la qualité des
ble qu’elle permettra au modèle pluie-débit qui l’utilise de simulations de débits :
mieux représenter les débits. Ce choix est justifié car il est
impossible de mesurer l’ETP à cette échelle [Granger, 1989].
Un bon moyen pour juger d’une formule d’ETP au niveau
du bassin versant est d’évaluer son utilité pour représenter la , (3)
variable de sortie, ou variable-objectif du modèle qui l’uti-
lise. En particulier, pour la modélisation pluie-débit, l’ETP
est une variable d’entrée importante, qui a un impact sur la
valeur du débit calculé par le modèle. On cherche alors à
minimiser une fonction objectif adaptée à la variable objectif D’autres critères ont été utilisés qui ne sont pas présentés
(débit Q) et non plus à la variable d’entrée (ETP), du type : dans cet article et qui donnent des conclusions tout à fait
analogues [Oudin, 2004].
, (2)
III n  QUELLE FINESSE SPATIO-
où Qobs,j est le débit observé le jour j, Qsim,j le débit simulé TEMPORELLE DE L’ETP EST REQUISE
par le modèle au jour j. L’idée est donc d’évaluer les diffé- POUR LA MODÉLISATION PLUIE-
rentes formules d’ETP, par l’intermédiaire de cette fonction DÉBIT ?
objectif sur les débits, appliquée pour chaque formule d’ETP
testée et de retenir la formule ETPopt qui minimise la fonc- Les hydrologues sont souvent confrontés au choix délicat
tion objectif FQ. de la finesse spatio-temporelle de l’ETP pour obtenir les
Il est probable que cette optimisation ne donne pas les simulations de débit les plus satisfaisantes. Afin de fournir
mêmes résultats que ceux obtenus avec l’équation (1). En ces indications pratiques, nous avons conduit une étude de
effet, ce qui est efficace à l’échelle ponctuelle ne l’est pas sensibilité des modèles pluie-débit à la quantité d’informa-
forcément à l’échelle du bassin versant. tion utilisée pour représenter l’ETP.

l II.1 Approche de modelisation choisie l III.1 Données d’ETP datées ou moyennes interannuelles ?

Il existe plusieurs approches pour modéliser les débits Concernant la finesse temporelle requise pour l’ETP,
à partir des pluies et des ETP. Nous avons opté pour des nous sommes partis de quelques résultats de modélisation
modèles globaux à réservoirs, qui ont été testés et validés antérieurs indiquant que des données interannuelles d’ETP
sur un grand nombre de bassins versants [Perrin, 2002]. (courbes de régime obtenues à partir de normales clima-

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Une formule simple d’évapotranspiration potentielle pour
la modélisation pluie-débit à l’échelle du bassin versant

Figure 1 : Critères de Nash(Na(Q)) en validation obtenus avec les modèles a) GR4J, b) HBV0,
c) IHAC et d) TOPMO et en utilisant soit les ETP datées soit les ETP interannuelles.
Chaque point représente les critères obtenus sur un bassin.

tiques) fournissent des entrées aussi acceptables que des météorologique est représentative de l’ensemble du bassin ver-
données d’ETP datées [Calder, 1983 ; Fowler, 2002]. Ces sant. Cependant, au sein d’un bassin versant, l’ETP peut être
résultats sont surprenants et nous avons voulu les vérifier sur assez variable, notamment en cas de relief accidenté. Nous
un large échantillon de bassins. nous sommes focalisés sur un sous-échantillon de 40 bassins
Les tests réalisés sur l’échantillon de 308 bassins versants versants nord-américains pour lesquels nous disposions de
ont confirmé qu’une information plus précise (datée) d’ETP chroniques de température pour tous les postes pluviométri-
de Penman n’apporte pas d’amélioration systématique des ques, permettant une meilleure estimation spatiale de l’ETP.
performances des modèles pluie-débit (cf. fig. 1). Même si L’ETP est calculée par la formule de McGuinness et Bordne
des écarts importants peuvent exister d’un bassin à un autre, [1972] ne nécessitant que des données de température. Nous
il n’est pas possible de distinguer des particularités régionales avons comparé systématiquement les performances obtenues
ou des interprétations physiques claires pouvant être exploita- avec une ETP moyennée pour l’ensemble des stations de tem-
bles pour l’utilisateur de ces modèles [Oudin et al., 2005a]. pérature, et une ETP calculée à partir d’une seule station.
Les résultats présentés en figure 2 montrent que les modè-
l III.2 Données d’ETP ponctuelles ou spatialisées ? les pluie-débit ne semblent pas capables d’exploiter une
information spatiale plus riche de l’ETP pour en tirer de
En modélisation pluie-débit globale, le recours au concept meilleurs résultats en simulation de débit.
d’ETP suppose une estimation de la demande évaporatoire D’un point de vue opérationnel, ces conclusions déran-
de l’atmosphère à une échelle proche de celle du bassin : on geantes ont un côté bénéfique : elles montrent qu’en l’état
considère en effet que l’ETP mesurée localement à la station actuel des connaissances, une information extrêmement sim-

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Evapotranspiration

Figure 2 : Comparaison des efficacités des modèles GR4J (a), HBV0 (b), IHAC (c) et TOPMO (d) en utilisant un ou
la totalité des postes de température disponibles sur le bassin pour le calcul de l’ETP datée de McGuinness et Bordne.
L’efficacité des modèles pour les 40 bassins est évaluée par le critère de Nash (Na(Q)).

ple à obtenir (données interannuelles) peut suffire à estimer d’une formule d’ETP pour des applications agronomiques
des ETP conduisant à des simulations de débit aussi bonnes ne garantit pas sa pertinence pour des applications hydrolo-
qu’une information datée difficile à obtenir. De la même giques, car les objectifs et les échelles spatiales sont diffé-
manière, une seule station climatique, située sur le bassin rentes. Nous avons notamment voulu vérifier si l’utilisation
versant ou à proximité de celui-ci, est suffisante. courante de formules d’ETP complexes était justifiée, par
rapport à d’autres formules plus simples, en confrontant 27
formules d’ETP. Leur évaluation est faite selon les perfor-
IV n  QUELLES VARIABLES ATMOSPHÉRIQUES mances qu’elles permettent aux modèles pluie-débit d’ob-
POUR REPRÉSENTER L’ETP EN tenir.
MODÉLISATION PLUIE-DÉBIT ? Le tableau 1 donne les données climatiques nécessaires
pour chacune des 27 formules utilisées. Si l’inventaire des
l IV.1 Confrontation de 27 formules d’ETP formules n’est sans doute pas exhaustif, il reflète bien la
diversité de conception et de données utilisées par les for-
Comme nous l’avons rappelé, l’ETP est une variable mules d’ETP rencontrées dans la littérature. Les équations
agronomique et on peut donc s’interroger sur l’utilisation ainsi que les références de ces formules sont détaillées par
qui en est faite par les modèles hydrologiques : l’efficacité Oudin [2004].

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Une formule simple d’évapotranspiration potentielle pour
la modélisation pluie-débit à l’échelle du bassin versant

Tableau 1. Liste des formules d’ETP testées.


Modèle d’ETP Noattribué Données nécessaires Fondement
ETP α Tmax ETP 1 T Associations simples de paramètres
ETP α Tmin ETP 2 T climatiques
ETP α T ETP 3 T
ETP α U ETP 4 U
ETP α D ETP 5 D
ETP α Re ETP 6
ETP α (1-RH) ETP 7 RH
ETP α T* D ETP 8 T, D
ETP α (1-RH) * U ETP 9 RH, U
ETP α (1-RH) * U * D ETP 10 RH, U, D

Penman ETP 11 RH, T, U, D Combinatoire


Penman-Monteith ETP 12 RH, T, U, D
Priestley-Taylor ETP 13 T, D
Kimberly-Penman ETP 14 RH, T, U, D
Thom-Oliver ETP 15 RH, T, U, D

Thornthwaite ETP 16 T Température


Blaney-Criddle ETP 17 T, D
Hamon ETP 18 T
Romanenko ETP 19 RH, T
Linacre ETP 20 RH, T

Turc ETP 21 RH, T, D Rayonnement


Jensen-Haise ETP 22 T
McGuinness-Bordne ETP 23 T
Hargreaves ETP 24 T
Doorenbos-Pruitt (FAO-24) ETP 25 RH, T, U, D
Abtew ETP 26 RH, T, U, D
Makkink ETP 27 T
T = Température ; U = Vitesse du vent ; D = Durée d’ensoleillement / Rayonnement ; RH = Humidité relative ; Re = Rayonnement
Extraterrestre

Les cumuls interannuels des différentes formules d’ETP vations et de mesures mais est dépassée par des méthodes
différaient fortement, introduisant ainsi un biais systématique beaucoup plus simples. Une analyse des résultats obtenus
sur l’estimation de la demande évaporatoire. Dans un pre- par les formules d’ETP met également en évidence la per-
mier temps, afin d’éviter ce biais et de nous focaliser sur la tinence des paramètres énergétiques (température de l’air et
recherche de la modélisation la plus pertinente des fluctua- rayonnement) par rapport aux paramètres aérodynamiques
tions annuelles de l’ETP, un facteur de correction est affecté (humidité de l’air et vitesse du vent) dès lors que l’on s’in-
pour chaque formule et pour chaque bassin afin que l’ETP téresse à l’échelle du bassin versant. Notons enfin la cohé-
de cette formule ait le même cumul interannuel que la for- rence des résultats des modèles pluie-débit testés : puisque le
mule de Penman, choisie ici comme référence pour normer classement des formules d’ETP est sensiblement le même, il
les autres formules d’ETP. semble envisageable de proposer une formule simple et per-
Les différences en terme de simulations de débit sont formante commune aux quatre modèles pluie-débit, utilisant
illustrées à la figure 3, où pour chaque formule d’ETP, nous la température et/ou le rayonnement.
avons représenté la valeur médiane du critère de Nash-
Sutcliffe pour l’ensemble des 308 bassins versants.
Des formules d’ETP de conceptions diverses fournissent l IV.2  Vers une formule d’ETP simple et efficace pour
des performances équivalentes en simulation de débit : les la modélisation pluie-débit globale
performances des 20 « meilleures » formules sont dans une
fourchette de 5 points de critère de Nash-Sutcliffe médian Afin d’établir une formulation d’ETP performante com-
et la formule de Penman se retrouve seulement au milieu du mune, utilisable quel que soit le modèle pluie-débit, nous
peloton de tête. Dans le contexte de la modélisation pluie- avons réalisé des ajustements empiriques des formules
débit globale, l’utilisation de la formulation de Penman est d’ETP qui obtenaient les meilleurs résultats. Nous nous som-
donc critiquable : elle nécessite un grand nombre d’obser- mes focalisés sur les formules de McGuinness et Bordne

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Evapotranspiration

Figure 3 : Comparaison des 27 formules d’ETP en terme de performance des quatre modèles pluie-débit.
La performance est calculée en mode de validation par le critère Na(Q) de Nash-Sutcliffe
(la formule de Penman est ETP11, cf. tableau 1).

(ETP23) et de Jensen et Haise (ETP22, dont les équations nues avec la formulation de Penman couramment utilisée (cf.
(en mm j– 1) peuvent être généralisées sous la forme : tab. 2), et légèrement supérieure à la formule de McGuinness
et Bordne utilisant des données datées de température. Le
principal avantage de la formulation proposée réside dans
, (4) le fait qu’elle ne nécessite que des données de température
moyennes (ou normales climatiques) facilement accessibles
et extrêmement fiables.
Notons que cette formulation fournit des quantités annuel-
où Re est le rayonnement extraterrestre (MJ m– 2 j– 1) qui ne
les d’ETP sensiblement inférieures à celles des formules
dépend que de la latitude et du jour Julien (dont le calcul
classiques, ce qui montre bien les différences entre l’ETP
est détaillé par Morton [1983]), λ est le flux de chaleur
utilisée par les modèles pluie-débit globaux à l’échelle du
latente (MJ kg-1), ρ est la masse volumique de l’eau (kg
bassin versant et la notion agronomique de l’ETP à l’échelle
L– 1, pour obtenir l’ETP en mm j– 1) et Ta est la tempéra-
de la parcelle.
ture de l’air (°C), valeur moyenne interannuelle seulement
fonction du jour Julien. K1 (°C) est un facteur d’échelle
permettant d’ajuster le volume total d’ETP dans l’année et
V n DISCUSSION ET CONCLUSION
K2 (°C) permet d’imposer un seuil sur les températures, afin
que les ETP ne soient pas systématiquement nulles lorsque
la température de l’air est négative. Dans les formules de l V.1 Synthèse
Jensen-Haise et de McGuinness-Bordne, (K1, K2) vaut res-
Cet article a donné un aperçu des travaux réalisés sur
pectivement (40, 0) et (68, 5).
l’utilisation de l’évapotranspiration potentielle (ETP) par
L’ajustement de ces deux constantes sur l’ensemble des
des modèles hydrologiques globaux. Ces résultats ont été
308 bassins versants a permis d’obtenir la formulation sui-
obtenus sur un grand nombre de bassins versants et avec
vante [Oudin et al., 2005b] pour l’ETP en mm j– 1 :
plusieurs modèles pluie-débit, ce qui leur confère une portée
très générale. Les résultats obtenus montrent qu’une informa-
tion extrêmement simple semble actuellement suffisante pour
, (5) calculer l’ETP d’un jour donné, utilisée en entrée des modè-
les pluie-débit globaux : la courbe de régime des tempéra-
tures et la latitude du bassin (pour estimer le rayonnement
Cette formulation fournit des performances pour les quatre extraterrestre). A partir de ces résultats, nous avons proposé
modèles pluie-débit sensiblement supérieures à celles obte- une nouvelle formulation d’ETP, adaptée à la modélisation

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Une formule simple d’évapotranspiration potentielle pour
la modélisation pluie-débit à l’échelle du bassin versant

Tableau 2. Performances obtenues par les quatre modèles pluie-débit avec la formule de Penman et la formule d’ETP ajustée.

Modèles ETP Médiane (%) Quantile 0,3 (%)


GR4J Penman avec valeurs datées 69,1 58,3
Formule ajustée avec données interannuelles 71,9 62,0
HBV0* Penman avec valeurs datées 64,3 47,3
Formule ajustée avec données interannuelles 65,0 49,3
IHAC* Penman avec valeurs datées 60,5 48,5
Formule ajustée avec données interannuelles 61,4 48,9
TOPMO Penman avec valeurs datées 69,4 57,4
Formule ajustée avec données interannuelles 72,0 60,6
*Pour IHAC et HBV0, K1 est en fait un paramètre calé sur chaque bassin, seul K2 est ajusté.

pluie-débit et ne nécessitant que ces paramètres. D’un point Une méthodologie d’introduction de l’hypothèse de Bouchet
de vue opérationnel, l’utilisateur de modèles pluie-débit peut dans les modèles HBV et GR4J a été testée, mais cependant
donc s’affranchir de la collecte lourde (et coûteuse) de don- sans succès [Oudin et al., 2005c].
nées climatiques journalières, pour estimer l’ETP. Pour l’uti-
lisation des modèles de prévision, le problème de prévision
des ETP est grandement facilité. VI n REMERCIEMENTS

l  V.2 Pourquoi les modèles sont-ils finalement peu Les travaux présentés ici s’inscrivent dans le cadre d’une
sensibles à l’ETP ? thèse défendue à l’Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux
et des Forêts en octobre 2004. Je tiens à remercier Claude
D’un point de vue scientifique, l’apparente insensibilité Michel, hydrologue au Cemagref Antony, et François Anctil,
des modèles pluie-débit globaux à la donnée d’ETP est assez professeur à l’université Laval de Québec pour avoir dirigé
inquiétante puisqu’il est légitime de penser que les perfor- ces travaux ; les membres de mon comité de thèse, pour leurs
mances des modèles pluie-débit devraient s’améliorer avec conseils, les membres de l’unité de recherche Hydrosystèmes
une information de l’ETP plus détaillée. Ainsi, il semble et Bioprocédés, en particulier Vazken Andréassian et Charles
qu’il y ait soit un problème de modélisation commun aux Perrin, pour leur soutien. Je tiens également à remercier
quatre modèles utilisés, soit un problème lié au concept Gérard Degoutte pour avoir accepté de relire ce manuscrit et
même d’ETP à l’échelle du bassin versant. Les tests réalisés fait part de ses suggestions. Ce travail s’inscrit dans l’école
à ce sujet (non détaillés ici) montrent que les modèles pluie- doctorale Géosciences et Ressources Naturelles et a bénéfi-
débit, par l’intermédiaire de leur réservoir de production cié du soutien financier du Cemagref, de la région Ile-de-
agissent comme des filtres passe-bas, lissant les fluctuations France, de Météo-France et du PNRH.
rapides d’ETP et absorbant les différences entre les chroni- Je remercie également les personnes ayant fourni les
ques d’ETP utilisées en entrée des modèles. Il est possible données pour mener à bien cette étude : Dr James Ross
que ce comportement soit une retranscription assez fidèle de (Australian Bureau of Meteorology, Melbourne), Dr
la réalité physique. Plusieurs études expérimentales [Entin et Qinyun Duan (University of California, Etats Unis), Bruno
al., 2000 ; Lauzon et al., 2004 ; Wilson et al., 2004], théo- Rambaldelli (Météo-France, Paris). Des données des bases
riques et de modélisation [Delworth and Manabe, 1988] ont de données hydrométriques HYDRO et pluviométriques
montré comment le sol agissait comme un intégrateur des
PLUVIO en France ont été utilisées dans ce travail.
fluctuations journalières du climat et ont mis en évidence
son rôle de tampon vis-à-vis des perturbations climatiques.
Nos conclusions vont dans le même sens et en tirent les VII n REFERENCES
conséquences opérationnelles.
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à rechercher d’autres approches pour estimer l’évapotrans-
Hydrology, edited by V. P. Singh, pp. 627-668, Water Resources
piration réelle (ETR) au sein d’un modèle pluie-débit. A Publications, Highlands Ranch, CO.
l’échelle du bassin versant, il existe des phénomènes de
rétroaction entre les variations d’ETR et d’ETP comme cela [3] Bouchet, R. J. (1963). — Evapotranspiration réelle et potentielle
– Signification climatique, IAHS Publ. no 62, pp. 134-142.
a été proposé par Bouchet [1963]. Cette hypothèse, dite
de Bouchet, a conduit plusieurs auteurs au développement [4] Calder, I. R. (1983). — An objective assessment of soil-mois-
de modèles dits « complémentaires » traduisant en équa- ture deficit models, Journal of Hydrology, 60, 329-355.
tions cette hypothèse et permettant de déterminer l’ETR [5] D elworth , T., & Manabe , S. (1988). — The influence of
directement à partir des variables atmosphériques, sans avoir potential evaporation on the variabilities of simulated soil
recours à une estimation de l’état hydrique du bassin versant. wetness and climate, Journal of Climate, 1, pp. 523-547.

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Evapotranspiration
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LA HOUILLE BLANCHE/N° 6-2006


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