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Ludovic Oudin
To cite this article: Ludovic Oudin (2006) Une formule simple d’évapotranspiration potentielle
pour la modélisation pluie-débit à l’échelle du bassin versant, La Houille Blanche, 92:6,
113-120, DOI: 10.1051/lhb:2006109
Ludovic Oudin
This article presents a synthesis of a research carried out on the use of potential evapotranspiration (PE) within
rainfall-runoff models. Tests were performed with four rainfall-runoff models over 308 catchments, in order to draw
conclusions of relatively general reach. We attempted to answer the three following questions: How to judge the
relevance of a potential evapotranspiration formulation at the catchment-scale? Which temporal and spatial resolution
of PE is needed for rainfall-runoff modelling? Which atmospheric variables are needed to represent PE as input to
rainfall-runoff models? These questions are likely to be of interest for both end-users of rainfall-runoff models and
modellers. Our results make us propose a simple potential evapotranspiration formulation to be used as input to
lumped rainfall-runoff models.
l II.1 Approche de modelisation choisie l III.1 Données d’ETP datées ou moyennes interannuelles ?
Il existe plusieurs approches pour modéliser les débits Concernant la finesse temporelle requise pour l’ETP,
à partir des pluies et des ETP. Nous avons opté pour des nous sommes partis de quelques résultats de modélisation
modèles globaux à réservoirs, qui ont été testés et validés antérieurs indiquant que des données interannuelles d’ETP
sur un grand nombre de bassins versants [Perrin, 2002]. (courbes de régime obtenues à partir de normales clima-
Figure 1 : Critères de Nash(Na(Q)) en validation obtenus avec les modèles a) GR4J, b) HBV0,
c) IHAC et d) TOPMO et en utilisant soit les ETP datées soit les ETP interannuelles.
Chaque point représente les critères obtenus sur un bassin.
tiques) fournissent des entrées aussi acceptables que des météorologique est représentative de l’ensemble du bassin ver-
données d’ETP datées [Calder, 1983 ; Fowler, 2002]. Ces sant. Cependant, au sein d’un bassin versant, l’ETP peut être
résultats sont surprenants et nous avons voulu les vérifier sur assez variable, notamment en cas de relief accidenté. Nous
un large échantillon de bassins. nous sommes focalisés sur un sous-échantillon de 40 bassins
Les tests réalisés sur l’échantillon de 308 bassins versants versants nord-américains pour lesquels nous disposions de
ont confirmé qu’une information plus précise (datée) d’ETP chroniques de température pour tous les postes pluviométri-
de Penman n’apporte pas d’amélioration systématique des ques, permettant une meilleure estimation spatiale de l’ETP.
performances des modèles pluie-débit (cf. fig. 1). Même si L’ETP est calculée par la formule de McGuinness et Bordne
des écarts importants peuvent exister d’un bassin à un autre, [1972] ne nécessitant que des données de température. Nous
il n’est pas possible de distinguer des particularités régionales avons comparé systématiquement les performances obtenues
ou des interprétations physiques claires pouvant être exploita- avec une ETP moyennée pour l’ensemble des stations de tem-
bles pour l’utilisateur de ces modèles [Oudin et al., 2005a]. pérature, et une ETP calculée à partir d’une seule station.
Les résultats présentés en figure 2 montrent que les modè-
l III.2 Données d’ETP ponctuelles ou spatialisées ? les pluie-débit ne semblent pas capables d’exploiter une
information spatiale plus riche de l’ETP pour en tirer de
En modélisation pluie-débit globale, le recours au concept meilleurs résultats en simulation de débit.
d’ETP suppose une estimation de la demande évaporatoire D’un point de vue opérationnel, ces conclusions déran-
de l’atmosphère à une échelle proche de celle du bassin : on geantes ont un côté bénéfique : elles montrent qu’en l’état
considère en effet que l’ETP mesurée localement à la station actuel des connaissances, une information extrêmement sim-
Figure 2 : Comparaison des efficacités des modèles GR4J (a), HBV0 (b), IHAC (c) et TOPMO (d) en utilisant un ou
la totalité des postes de température disponibles sur le bassin pour le calcul de l’ETP datée de McGuinness et Bordne.
L’efficacité des modèles pour les 40 bassins est évaluée par le critère de Nash (Na(Q)).
ple à obtenir (données interannuelles) peut suffire à estimer d’une formule d’ETP pour des applications agronomiques
des ETP conduisant à des simulations de débit aussi bonnes ne garantit pas sa pertinence pour des applications hydrolo-
qu’une information datée difficile à obtenir. De la même giques, car les objectifs et les échelles spatiales sont diffé-
manière, une seule station climatique, située sur le bassin rentes. Nous avons notamment voulu vérifier si l’utilisation
versant ou à proximité de celui-ci, est suffisante. courante de formules d’ETP complexes était justifiée, par
rapport à d’autres formules plus simples, en confrontant 27
formules d’ETP. Leur évaluation est faite selon les perfor-
IV n QUELLES VARIABLES ATMOSPHÉRIQUES mances qu’elles permettent aux modèles pluie-débit d’ob-
POUR REPRÉSENTER L’ETP EN tenir.
MODÉLISATION PLUIE-DÉBIT ? Le tableau 1 donne les données climatiques nécessaires
pour chacune des 27 formules utilisées. Si l’inventaire des
l IV.1 Confrontation de 27 formules d’ETP formules n’est sans doute pas exhaustif, il reflète bien la
diversité de conception et de données utilisées par les for-
Comme nous l’avons rappelé, l’ETP est une variable mules d’ETP rencontrées dans la littérature. Les équations
agronomique et on peut donc s’interroger sur l’utilisation ainsi que les références de ces formules sont détaillées par
qui en est faite par les modèles hydrologiques : l’efficacité Oudin [2004].
Les cumuls interannuels des différentes formules d’ETP vations et de mesures mais est dépassée par des méthodes
différaient fortement, introduisant ainsi un biais systématique beaucoup plus simples. Une analyse des résultats obtenus
sur l’estimation de la demande évaporatoire. Dans un pre- par les formules d’ETP met également en évidence la per-
mier temps, afin d’éviter ce biais et de nous focaliser sur la tinence des paramètres énergétiques (température de l’air et
recherche de la modélisation la plus pertinente des fluctua- rayonnement) par rapport aux paramètres aérodynamiques
tions annuelles de l’ETP, un facteur de correction est affecté (humidité de l’air et vitesse du vent) dès lors que l’on s’in-
pour chaque formule et pour chaque bassin afin que l’ETP téresse à l’échelle du bassin versant. Notons enfin la cohé-
de cette formule ait le même cumul interannuel que la for- rence des résultats des modèles pluie-débit testés : puisque le
mule de Penman, choisie ici comme référence pour normer classement des formules d’ETP est sensiblement le même, il
les autres formules d’ETP. semble envisageable de proposer une formule simple et per-
Les différences en terme de simulations de débit sont formante commune aux quatre modèles pluie-débit, utilisant
illustrées à la figure 3, où pour chaque formule d’ETP, nous la température et/ou le rayonnement.
avons représenté la valeur médiane du critère de Nash-
Sutcliffe pour l’ensemble des 308 bassins versants.
Des formules d’ETP de conceptions diverses fournissent l IV.2 Vers une formule d’ETP simple et efficace pour
des performances équivalentes en simulation de débit : les la modélisation pluie-débit globale
performances des 20 « meilleures » formules sont dans une
fourchette de 5 points de critère de Nash-Sutcliffe médian Afin d’établir une formulation d’ETP performante com-
et la formule de Penman se retrouve seulement au milieu du mune, utilisable quel que soit le modèle pluie-débit, nous
peloton de tête. Dans le contexte de la modélisation pluie- avons réalisé des ajustements empiriques des formules
débit globale, l’utilisation de la formulation de Penman est d’ETP qui obtenaient les meilleurs résultats. Nous nous som-
donc critiquable : elle nécessite un grand nombre d’obser- mes focalisés sur les formules de McGuinness et Bordne
Figure 3 : Comparaison des 27 formules d’ETP en terme de performance des quatre modèles pluie-débit.
La performance est calculée en mode de validation par le critère Na(Q) de Nash-Sutcliffe
(la formule de Penman est ETP11, cf. tableau 1).
(ETP23) et de Jensen et Haise (ETP22, dont les équations nues avec la formulation de Penman couramment utilisée (cf.
(en mm j– 1) peuvent être généralisées sous la forme : tab. 2), et légèrement supérieure à la formule de McGuinness
et Bordne utilisant des données datées de température. Le
principal avantage de la formulation proposée réside dans
, (4) le fait qu’elle ne nécessite que des données de température
moyennes (ou normales climatiques) facilement accessibles
et extrêmement fiables.
Notons que cette formulation fournit des quantités annuel-
où Re est le rayonnement extraterrestre (MJ m– 2 j– 1) qui ne
les d’ETP sensiblement inférieures à celles des formules
dépend que de la latitude et du jour Julien (dont le calcul
classiques, ce qui montre bien les différences entre l’ETP
est détaillé par Morton [1983]), λ est le flux de chaleur
utilisée par les modèles pluie-débit globaux à l’échelle du
latente (MJ kg-1), ρ est la masse volumique de l’eau (kg
bassin versant et la notion agronomique de l’ETP à l’échelle
L– 1, pour obtenir l’ETP en mm j– 1) et Ta est la tempéra-
de la parcelle.
ture de l’air (°C), valeur moyenne interannuelle seulement
fonction du jour Julien. K1 (°C) est un facteur d’échelle
permettant d’ajuster le volume total d’ETP dans l’année et
V n DISCUSSION ET CONCLUSION
K2 (°C) permet d’imposer un seuil sur les températures, afin
que les ETP ne soient pas systématiquement nulles lorsque
la température de l’air est négative. Dans les formules de l V.1 Synthèse
Jensen-Haise et de McGuinness-Bordne, (K1, K2) vaut res-
Cet article a donné un aperçu des travaux réalisés sur
pectivement (40, 0) et (68, 5).
l’utilisation de l’évapotranspiration potentielle (ETP) par
L’ajustement de ces deux constantes sur l’ensemble des
des modèles hydrologiques globaux. Ces résultats ont été
308 bassins versants a permis d’obtenir la formulation sui-
obtenus sur un grand nombre de bassins versants et avec
vante [Oudin et al., 2005b] pour l’ETP en mm j– 1 :
plusieurs modèles pluie-débit, ce qui leur confère une portée
très générale. Les résultats obtenus montrent qu’une informa-
tion extrêmement simple semble actuellement suffisante pour
, (5) calculer l’ETP d’un jour donné, utilisée en entrée des modè-
les pluie-débit globaux : la courbe de régime des tempéra-
tures et la latitude du bassin (pour estimer le rayonnement
Cette formulation fournit des performances pour les quatre extraterrestre). A partir de ces résultats, nous avons proposé
modèles pluie-débit sensiblement supérieures à celles obte- une nouvelle formulation d’ETP, adaptée à la modélisation
Tableau 2. Performances obtenues par les quatre modèles pluie-débit avec la formule de Penman et la formule d’ETP ajustée.
pluie-débit et ne nécessitant que ces paramètres. D’un point Une méthodologie d’introduction de l’hypothèse de Bouchet
de vue opérationnel, l’utilisateur de modèles pluie-débit peut dans les modèles HBV et GR4J a été testée, mais cependant
donc s’affranchir de la collecte lourde (et coûteuse) de don- sans succès [Oudin et al., 2005c].
nées climatiques journalières, pour estimer l’ETP. Pour l’uti-
lisation des modèles de prévision, le problème de prévision
des ETP est grandement facilité. VI n REMERCIEMENTS
l V.2 Pourquoi les modèles sont-ils finalement peu Les travaux présentés ici s’inscrivent dans le cadre d’une
sensibles à l’ETP ? thèse défendue à l’Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux
et des Forêts en octobre 2004. Je tiens à remercier Claude
D’un point de vue scientifique, l’apparente insensibilité Michel, hydrologue au Cemagref Antony, et François Anctil,
des modèles pluie-débit globaux à la donnée d’ETP est assez professeur à l’université Laval de Québec pour avoir dirigé
inquiétante puisqu’il est légitime de penser que les perfor- ces travaux ; les membres de mon comité de thèse, pour leurs
mances des modèles pluie-débit devraient s’améliorer avec conseils, les membres de l’unité de recherche Hydrosystèmes
une information de l’ETP plus détaillée. Ainsi, il semble et Bioprocédés, en particulier Vazken Andréassian et Charles
qu’il y ait soit un problème de modélisation commun aux Perrin, pour leur soutien. Je tiens également à remercier
quatre modèles utilisés, soit un problème lié au concept Gérard Degoutte pour avoir accepté de relire ce manuscrit et
même d’ETP à l’échelle du bassin versant. Les tests réalisés fait part de ses suggestions. Ce travail s’inscrit dans l’école
à ce sujet (non détaillés ici) montrent que les modèles pluie- doctorale Géosciences et Ressources Naturelles et a bénéfi-
débit, par l’intermédiaire de leur réservoir de production cié du soutien financier du Cemagref, de la région Ile-de-
agissent comme des filtres passe-bas, lissant les fluctuations France, de Météo-France et du PNRH.
rapides d’ETP et absorbant les différences entre les chroni- Je remercie également les personnes ayant fourni les
ques d’ETP utilisées en entrée des modèles. Il est possible données pour mener à bien cette étude : Dr James Ross
que ce comportement soit une retranscription assez fidèle de (Australian Bureau of Meteorology, Melbourne), Dr
la réalité physique. Plusieurs études expérimentales [Entin et Qinyun Duan (University of California, Etats Unis), Bruno
al., 2000 ; Lauzon et al., 2004 ; Wilson et al., 2004], théo- Rambaldelli (Météo-France, Paris). Des données des bases
riques et de modélisation [Delworth and Manabe, 1988] ont de données hydrométriques HYDRO et pluviométriques
montré comment le sol agissait comme un intégrateur des
PLUVIO en France ont été utilisées dans ce travail.
fluctuations journalières du climat et ont mis en évidence
son rôle de tampon vis-à-vis des perturbations climatiques.
Nos conclusions vont dans le même sens et en tirent les VII n REFERENCES
conséquences opérationnelles.
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L’insensibilité des modèles pluie-débit à l’ETP nous incite
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