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Le neuromarketing

→ Historique (contexte d’apparition)


En 2004, la plupart des grands quotidiens ou hebdomadaires américains se sont fait l’écho
d’une étude réalisée par l’équipe du Pr. Montague (15), parue dans Neuron, un journal
scientifique renommé. La publication en question démontrait à l’aide de techniques
d’imagerie cérébrale fonctionnelle que la notoriété et l’image d’une marque de cola
influaient fortement sur l’appréciation de la perception gustative réelle. Pour la première
fois, on pouvait objectivement montrer grâce à des techniques médicales et
neuroscientifiques, l’influence du capital de marque sur les jugements de préférence, une
problématique purement marketing.

NB : Les neurosciences cognitives intègrent les champs d’étude relatifs à la mémoire, l’attention, la
perception, l’émotion et au langage. Les neurosciences affectives s’intéressent spécifiquement aux
émotions, à leurs précurseurs et à leurs effets. La neuro-imagerie étudie chacun de ces thèmes qui
ont naturellement une résonance en marketing.

→ Définition
« Le neuromarketing est un champ interdisciplinaire émergent, qui recourt aux techniques de neuro‐
imagerie pour identifier les substrats neuraux associés aux décisions et aux comportements du
consommateur. »

« Le neuromarketing est l’étude des processus mentaux, explicites et implicites, et des


comportements du consommateur, dans divers contextes marketing concernant aussi bien des
activités d’évaluation, de prise de décision, de mémorisation ou de consommation, qui s’appuie sur
les paradigmes et les connaissances des neurosciences. »

→ Principe de fonctionnement
La mesure de l'émotion. C'est ce que cherchent à faire depuis longtemps les psychologues, les
médecins, mais aussi les responsables du marketing. Comprendre ce qui nous remue en profondeur,
ce qui motive nos choix voilà ce que proposent de plus en plus de sociétés de neuromarketing.

L'entreprise de neuromarketing NeuroFocus Berkley USA, mesure l'efficacité d'une publicité grâce à
l'encéphalogramme. Ils observent les ondes électriques du cerveau au moyen de 64 capteurs.
Chaque capteur contrôle le cerveau 2000 fois par seconde. Donc en une seconde 128000 données
sont enregistrées. Seuls trois paramètres sont mesurés, mais très précisément durant le passage de
la publicité : l'attention, l'émotion et la mémoire.

Chaque paramètre a son propre score, et c'est leur combinaison qui donne le score général
d'efficacité de la publicité en question. L'attention est ce qu'il y a de plus facile à capter, donc le score
est en principe élevé. Le profil émotionnel a des hauts et des bas, et c'est ce que l'on veut voir. Une
émotion trop forte peut provoquer un rejet. On se fatigue très vite de certaines publicités. La
dernière mesure c'est la mémoire et c'est la plus difficile à capter. Le mieux, c'est quand la mémoire
est élevée à la fin.

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→ Rôle, effets et influence
Le neuromarketing est aujourd’hui présenté par de nombreuses sociétés spécialisées dans le conseil
en entreprise et par certaines universités aux USA, comme un argument commercial susceptible de
« faire la différence ». De nombreuses firmes seraient déjà intéressées. On cite, par exemple, les
noms de Coca‐Cola, Lévi‐Strauss, Ford, Delta Airlines, DaimlerChrysler.

La revue de la littérature semble nous démontrer l’utilité et probablement l’influence grandissante


du neuromarketing dans le cadre de la recherche en comportement du consommateur.

En marketing, il semble très probable qu’à l’avenir, l’utilisation des techniques d’imagerie sera
requise pour des sujets de recherche aussi importants que l’étude des processus de perception, de
mémorisation ou d’attention.

Le neuromarketing vise, entre autre à démontrer : le rôle des stimuli environnementaux sur les
prédispositions à l’achat, le rôle des émotions dans les mécanismes de préférence et de choix, la
mémorisation des messages publicitaires et les modifications de croyances…

→ Objectifs
Le neuromarketing a pour objectif de connaître les mécanismes cérébraux à l’origine de nos choix de
consommation afin d’adapter les stratégies de marketing (entreprises, partis politiques…).
Il permet de dépasser le sondage d’opinion qui reste peu fiable pour évaluer les véritables goûts et
motivations des consommateurs.

→ Outils
Il existe deux classes de méthodes qui relèvent de l’imagerie cérébrale : la première, représentée par
l’électro‐ et la magnétoencéphalographie, sous‐tend une mesure directe de l’activité cérébrale,
tandis que la seconde, représentée par la tomographie par émission de positons et l’imagerie
fonctionnelle par résonance magnétique, réalise des mesures indirectes, par le truchement des

1. La tomographie par émission de positons (TEP)


Cette méthode requiert l’injection de traceurs radioactifs injectés au sujet testé lors de
l’expérimentation. L’accumulation de radioactivité dans les aires cérébrales actives, plus
consommatrices de glucose et d’oxygène que les aires au repos, sera détectée par le scanner.
L’injection d’une dose de radioactivité interdit la répétition de l’expérimentation chez un même
sujet. Elle permet de disposer d’une bonne résolution spatiale (4 millimètres environ) mais d’une très
faible résolution temporelle (tout « point chaud » qui dure moins de 30 secondes ne sera pas
détecté). Ces limites ne plaident pas pour une utilisation de la TEP dans un contexte commercial.

2. L’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf)


Elle repose sur le fait que l’hémoglobine a une signature magnétique légèrement différente selon
qu’elle contient plus ou moins d’oxygène. La méthode la plus employée vise à détecter les variations
de concentration locale en désoxyhémoglobine (méthode BOLD ; Blood Oxygen‐Level Dependant).
Elle ne nécessite pas l’utilisation de traceurs radioactifs et donc permet la répétition des observations
chez un même individu. La résolution spatiale de l’imagerie par résonance magnétique est
considérée comme bonne (quelques millimètres). En revanche, première limite, sa résolution
temporelle est faible : l’obtention d’une série de clichés couvrant l’ensemble de l’encéphale

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nécessite environ 6 secondes. Or, l’unité de temps pour étudier les modifications de l’activité
cérébrale consécutives à un processus cognitif en cours est de l’ordre de la dizaine ou centaine de
millisecondes. Cette méthode présente d’autres limites. La limite relative à la faible résolution
temporelle sera supprimée quand les méthodes d’imagerie pourront être couplées, dans l’idéal IRMf
avec MEG ou EEG. Il sera ainsi possible de répondre simultanément à deux questions « où ? », c’est à
dire : « quel réseau de neurones est activé ? » et « quand ? », c’est à dire : « à quel moment suivant
l’apparition d’un stimulus ? ».

3. Electroencéphalographie (EEG) et cartographie électro‐encéphalographique


Cette méthode, présentée en 1929, est basée sur le fait que l’activité des neurones du cortex
cérébral entraîne des variations de champ électrique enregistrable au niveau du scalp. Depuis les
années 1980, l’utilisation des ressources informatiques et l’augmentation du nombre de capteurs
utilisés ont permis son intégration dans les méthodes d’imagerie cérébrale ; on parle alors de
cartographie EEG et de potentiels évoqués. Cette méthode non invasive est connue pour son
excellente résolution temporelle de l’ordre de la demi‐milliseconde. En revanche, sa précision
spatiale est très faible (quelques millimètres à plusieurs centimètres) et il est difficile d’enregistrer
des signaux électriques au delà des quelques millimètres corticaux de profondeur. Compte tenu de la
faible sensibilité de cette méthode, la tâche cognitive doit être répétée plusieurs fois. L’utilisation de
cette méthode dans un contexte commercial présente cependant de nombreux avantages. Tout
d’abord, compte tenu du nombre important d’appareils et d’une plus faible utilisation que par le
passé, l’accès pour des raisons non médicales à cette méthode ne pose pas de problème. Ensuite, il
s’agit de matériel d’un coût d’achat et d’exploitation très inférieur à celui d’un scanner pour IRMf ou
d’une MEG, ce qui permet de réaliser des expérimentations auprès d’un échantillon suffisant de
sujets pour un coût relativement raisonnable.
Enfin, cette méthode totalement non invasive est peu stressante pour le sujet et peut être employée
in vivo, c’est à dire utilisée en situation réelle, à domicile ou en magasin. Il suffit au sujet d’enfiler un
casque souple et de porter un enregistreur à la taille. On peut aujourd’hui considérer que c’est la
méthode d’imagerie cérébrale qui détient le meilleur rapport qualité/coût. La technique a été
employée en publicité et en design principalement.

4. La Magnétoencéphalographie (MEG)
La magnétoencéphalographie détecte les minuscules champs magnétiques générés par l’activité
électrique des neurones synchronisés. Afin de réduire tout risque de « bruit » parasite, l’équipement
MEG est isolé dans une « cage de Faraday ». Cette technique permet de suivre des processus
cérébraux milliseconde par milliseconde, mais avec une résolution spatiale médiocre, de l’ordre de
plusieurs millimètres.
Cependant, les nouveaux appareils sont susceptibles d’être couplés avec la méthode EEG, ce qui
permet d’obtenir à la fois de bonnes résolutions spatiale et temporelle et ce qui constitue un
avantage déterminant pour l’étude des processus cognitifs. Ces récents progrès technologiques
pourraient inciter à une généralisation de ce matériel.

De manière plus générale, il convient d’indiquer que de tels appareils (TEP, IRMf, MEG) ne peuvent
fonctionner « en libre‐service » (hormis l’EEG portable) et que leur utilisation requiert une équipe de
professionnels aguerris (biotechniciens, médecins, statisticiens, ingénieurs systèmes etc.).

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→ Exemples
Rôle de l'émotion sur la décision : Pour comprendre si l'émotion permet de prédire nos
comportements, Brian demande à des cobayes de faire leur course sous IRM. Au début de
l'expérience il leur donne 40 dollars. Puis il leur montre une série d'articles qu'ils peuvent acheter ou
pas. Les cobayes repartent avec leur course et le reste de l'argent, s'il en reste. Le plus étonnant c'est
Brian Knutson peut prédire la décision d'achat avant même qu'elle se prononce. Simplement en
regardant leur cerveau.
« Nous avons découvert que si la zone cervicale impliquée dans l'anticipation des choses agréables, le
nucleus accumbens, si cette zone s'active quand les gens voient un produit, ils vont l'acheter. Même
s'ils n'ont pas vu le prix. Mais, quand ils voient le prix, si c'est une autre zone qui s'active, comme
l'anticipation de choses désagréables, ou d'autres choses comme l'anticipation d'un choc, ou la vision
d'une horrible photo, ou voir quelqu'un qui souffre. Si cette zone appelée insula est plus active, alors il
est probable qu'ils ne vont pas acheter ».
L'empreinte d'une marque dans le subconscient : A.K. Pradeep, PDG NeuroFocus Berkley USA : « Si
je vous demande si vous êtes fidèle à une marque, vous me direz « Non, je ne suis pas un chien, je n'ai
pas de loyauté, je veux ce qu'il y a de mieux ». Mais, dans votre subconscient, vous êtes peut‐être
fidèle, même si vous avez du mal à l'admettre. Donc, on ne vous le demande pas. On vous dit juste :
Vous allez voir des mots sur un écran pendant une demi‐seconde. Certains sont accompagnés d'un
point rouge, d'autres non. Vous devez trouver les mots avec un point rouge. Que se passe‐t‐il alors ?
Chaque fois qu'un mot apparaît accompagné d'un point rouge votre cerveau fait : « Ah ah ! Voilà un
mot avec un point rouge ! » On appelle cela la réponse « Ah ah ». En terme neurologique c'est la
réponse P300. Une signature absolument unique. Mais quand le nom d'une marque apparaît, il n'y a
jamais de point rouge. Malgré tout, quand une marque apparaît, si elle signifie quelque chose pour
vous, votre cerveau fait « Ah ah ». Cela indique clairement le niveau de résonance de la marque et son
empreinte dans votre subconscient. »
Pour avoir du succès, une marque doit toucher les émotions : Martin Lindstrom s'est servi d'un
électro‐encéphalogramme pour observer l'impact des pubs dans la tête des consommateurs. Il a
mesuré la réaction cérébrale de dizaines de téléspectateurs qui regardaient la version américaine de
la nouvelle star (American idol). Émission sponsorisée par plusieurs marques qui cherchaient à se
profiler. Pour certaines ça a été le bide. Ford était en fait la marque qui a le moins bien réussi.
« D'abord on se demande ce qu'une voiture a à faire avec un concours de chant. Tout à coup les
téléspectateurs voient une voiture au milieu du show et ils pensent : mais ça n'a rien à voir et chose
intéressante, cette pensée n'apparaît pas dans la partie consciente de leur cerveau, mais dans leur
inconscient. C'est comme s'ils se disaient : je suis en train de regarder une émission maintenant,
pourquoi diable doit‐elle être interrompue par une voiture ! Alors le cerveau se dit à lui‐même :
comment puis‐je me débarrasser de cette information et il se débarrasse du nom de la marque FORD.
Ce résultat de notre recherche a été choquant pour Ford parce que nous avons découvert que le
cerveau a littéralement gommé la marque, car ça ne lui plaît pas que l'émission soit interrompue. À la
poubelle les 26 millions de dollars investis par Ford alors que Coca‐Cola plus discret a brillamment
réussi sa campagne. Ils ont placé des indices subliminaux dans le décor, on voyait le présentateur de
l'émission lever son verre de Coca en le dégustant. Ou, on apercevait un canapé avec des dessins aux
formes bizarres correspondant au galbe arrondi de la bouteille de Coca. Ce qui correspond à la
signature de la marque. Ils plaçaient donc systématiquement ces formes arrondies dans le décor pour
que, de manière inconsciente, on se dise : eh, j'ai envie d'un Coca ! Mais sans savoir pourquoi. Et le

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fait de ne pas le savoir nous rend moins septiques et ainsi il y a plus de chances qu'on court vers le
frigo pour y prendre un Coca ».
Les messages du type " Fumer tue " sont inefficaces : « Nous avons fait deux découvertes
importantes. En testant les messages de santé sur les paquets de cigarettes, on a vu que ça ne
marchait pas. En effet, ils ont l'effet inverse. Et ça, c'est une énorme surprise. Je travaille avec
plusieurs gouvernements pour résoudre le problème du tabagisme. Et, pour être franc, ce n'est pas
pour demain. Mais on peut sans doute améliorer la situation. Ce que nous avons appris à propos des
messages sur les paquets, c'est que quand vous voyez un paquet de cigarettes, et que vous voyez
l'avertissement, le nucleus accumbens est activé en premier. C'est la zone du cerveau liée au désir.
Donc, vous voyez le message de santé, et dix secondes plus tard vous allumez une cigarette et vous
vous sentez bien. Dix minutes plus tard, vous reproduisez le même cycle. Vous finissez par associer les
messages à « se sentir bien ». Ce que nous voulons faire c'est inverser la tendance. Déconnecter le lien
entre le message de santé et « se sentir bien ». Pour ça, il faut changer le format des messages en
permanence. Un jour le paquet est blanc, un autre il y a du texte, ensuite c'est une image, puis le
paquet est rouge. Vous changez la couleur, vous changez le format, tout le temps, pour déconnecter
le lien entre le réflexe pavlovien et le message de santé. Voilà le genre de conseils que je donne ».
Rôle des souvenirs et des croyances sur la préférence : McClure et al. étudièrent les corrélats
cérébraux de préférences lors de tests de dégustation de deux sodas de marque différente (Coke®, C
ou Pepsi®, P). Les sujets étaient invités à faire des tests de préférence en dehors du scanner puis dans
un second temps l’activité de leur cerveau était examinée lors d’un test de dégustation (IRMf).
Deux situations étaient examinées. Dans la première, les sujets ne connaissaient pas la marque, dans
la seconde les sujets étaient informés de la marque d’un seul échantillon.
Les chercheurs remarquèrent que, lorsque les sujets ne connaissaient pas la marque testée, les
jugements de préférence entre les deux échantillons étaient répartis équitablement entre les
marques et que dans cette situation, le niveau d’activation d’une zone cérébrale spécifique, le cortex
préfrontal ventromédian (VMPFC), était un excellent indicateur de la réponse du sujet (Cf. glossaire).
Cependant, lorsque les sujets étaient informés du nom de l’une des deux marques dégustées, les
sujets déclaraient préférer de façon significativement plus fréquente l’échantillon C. Dans cette
situation précise, les chercheurs décelèrent le recrutement d’autres régions cérébrales comme
l’hippocampe (médiateur de la mémorisation), la région parahippocampique, le tronc cérébral et le
cortex frontal dorsolatéral (DLPFC). En revanche, ils constatèrent que la présence affichée de la
marque P sur l’un des échantillons n’entraînait pas de « biais » de réponse en sa faveur et que dans
ce cas de figure, il n’existait pas d’activation significative de l’hippocampe, de la région
parahippocampique, du tronc cérébral ni du cortex frontal dorsolatéral (DLPFC). De facto, on met en
évidence deux systèmes neuronaux distincts qui génèrent des préférences chez l’individu : quand les
jugements de préférence reposent seulement sur des informations sensorielles (préférer un goût,
une odeur etc.), l’activité relative du cortex préfrontal ventromédial ‐ connu pour représenter des
valences hédoniques ou appétitives – permet de prédire la préférence. Par contre, quand une des
deux marques est annoncée avant test (et tout particulièrement C) la connaissance de cette marque
biaise la préférence résultante, en recrutant d’autres structures cérébrales (hippocampe, cortex
préfrontal dorsolatéral, tronc cérébral). Et les « préférences cérébrales » (i.e. mesurées
objectivement) sont alors distinctes des préférences gustatives (déclarées), généralement en faveur
de la marque C. En d’autres termes, un individu peut préférer de bonne foi des colas différents, selon
que leur marque est révélée ou non. L’hippocampe (structure nécessaire à l’encodage en mémoire
épisodique) et le cortex préfrontal dorsolatéral sont impliqués dans des changements

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comportementaux dus aux affects ; ce dernier est aussi impliqué dans le contrôle cognitif incluant la
mémoire de travail. Les chercheurs en concluent que l’information «culturelle» influe sur les
décisions de préférence, par l’intermédiaire de la région dorsolatérale du cortex préfrontal, et de
l’hippocampe qui est mobilisé pour rappeler l’information associée. Ceci confirme par des mesures
objectives la conviction marketing selon laquelle le capital de marque (brand equity) est un
déterminant des préférences explicites. Il représente à juste titre pour les gestionnaires, un actif réel
de l’entreprise.

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