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MISE AU POINT

SÉNOLOGIE

Cours Saint-Paul 2023


Rétrospectives et perspectives sénologiques

Dr Benoîte Mery


Centre Léon Bérard, Lyon

Le 21e cours francophone supérieur sur les montrée du trastuzumab déruxtécan (T-DXd).
cancers du sein et les cancers gynécologiques L’émergence de nouvelles classes thérapeu-
a largement permis une mise en lumière des tiques illustre à nouveau la place cruciale de
avancées marquantes de ces derniers mois l’expertise anatomopathologique, à l’instar des
dans le cancer du sein, avec un changement tumeurs HER2-faibles, qui représentent plus
certain de nos stratégies thérapeutiques et de la moitié des cancers du sein, et qui nous
pratiques établies jusque-là, notamment pour amènent à reconsidérer nos stratégies théra-
les tumeurs triples négatives, dont l’efficacité peutiques usuelles, en particulier pour les tu-
du carboplatine et de l’immunothérapie en si- meurs considérées jusque-là comme luminales
tuation localisée est désormais bien documen- ou triple négatives. L’heure est à la médecine
tée. L’essor des anticorps drogue-conjugués a de précision, avec des bouleversements à la
été également souligné, puisqu’ils confirment fois nosologiques et thérapeutiques.
leur place prégnante dans l’arsenal thérapeu- Cet article vise à proposer une synthèse des
tique du cancer du sein métastatique pour les actualités riches et récentes dans le cancer
tumeurs avec amplification de HER2 et triple du sein localisé et métastatique, discutées
négatives, mais désormais aussi pour les tu- aux Cours Saint-Paul, afin d’éclairer nos chan-
meurs dites HER2-faibles, avec les résultats gements de pratique et d’illustrer les progrès
de l’essai DESTINY-Breast04 et l’efficacité dé- considérables accomplis.

ACTUALITÉS DANS LES CANCERS DU SEIN LUMINAUX :


QUELLES ÉVOLUTIONS THÉRAPEUTIQUES MAJEURES ?

Cancer du sein précoce adjuvante, si l’étude ASTRRA avait 1 282 patientes de 45 ans et moins,
En situation localisée, les don- déjà objectivé un bénéfice à l’ad- porteuses d’un cancer du sein pré-
nées présentées et discutées ont jonction d’une suppression ova- coce opéré, et qui ont toutes reçu
concerné plusieurs thématiques, rienne au tamoxifène, pendant une chimiothérapie adjuvante, ont
allant des modalités et de la du- 2 ans, chez 1 298 femmes jeunes été randomisées entre un bras de
rée de l’hormonothérapie adju- qui conservaient une activité ova- traitement par tamoxifène seul
vante à la place des inhibiteurs de rienne après chimiothérapie, de pendant 5 ans et un bras de trai-
CDK4/6, ainsi qu’une mise à jour nouveaux résultats ont été pré- tement qui associait tamoxifène
quant aux possibilités de grossesse sentés à l’ASCO en 2022, avec qua- pendant 5 ans et goséréline pen-
après cancer du sein. siment 9 ans de recul, et implé- dant 2 ans, à la posologie de 3,6 mg
mentant des informations utiles tous les 28 jours.
La suppression ovarienne en pratique courante (1). Dans L’adjonction de la suppression ova-
Concernant la question de la sup- cette étude, dont l’objectif pri- rienne est associée à une améliora-
pression ovarienne en situation maire était la survie sans récidive, tion significative de la survie sans

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récidive qui passe de 80,2 à 85,4 % présentés à San Antonio en 2022 l’abémaciclib ouvre une brèche
(HR = 0,67 ; IC 95 % = 0,51-0,87 ; semblent quant à eux plus encou- en situation adjuvante, pour les
p = 0,0027) ; le pourcentage de re- rageants (4, 5). Une nouvelle ana- patientes porteuses d’un cancer
chutes métastatiques est de 12,2 % lyse intermédiaire de cette étude du sein à haut risque de réci-
dans le bras tamoxifène seul contre de phase III a été présentée pour dive, dans l’attente des résultats
8,5 % dans le bras de traitement la 4e fois, à 42 mois de suivi, et pu- ultérieurs.
incluant la suppression ovarienne. bliée début janvier dans la revue
Il n’est pas objectivé de différence The Lancet Oncology (6). Au total, La prolongation de
significative en termes de survie 5 637 patientes à haut risque de l’hormonothérapie
globale (HR = 0,78 ; IC 95 % = 0,49- récidive ont été randomisées entre Concernant la durée de l’hormo-
1,25 ; p = 0,3). Il est retrouvé des un bras de traitement comportant nothérapie adjuvante, de nouvelles
taux de survie globale à 8 ans de une hormonothérapie versus un données émanant de l’étude DATA
96,5 % dans le bras de traitement bras de traitement associant hor- viennent questionner la prolonga-
comportant la suppression ova- monothérapie et abémaciclib pen- tion systématique de l’hormono-
rienne, contre 95,3 % dans le bras dant 2 ans. thérapie par anti-aromatase après
de traitement avec tamoxifène Chez les patientes ayant reçu l’abé- une hormonothérapie séquentielle
seul. Il semble, à travers l’analyse en maciclib, il est objectivé un taux de (7). Cette étude a inclus 1 660 pa-
sous-groupes, que les patientes de survie sans récidive infiltrante à tientes ménopausées, qui ont été
40 à 45 ans bénéficient le plus de la 4 ans de 85,8 contre 79,4 % pour randomisées après 2 à 3 ans de ta-
suppression ovarienne (2). les patientes qui ont reçu l’hormo- moxifène pour recevoir 3 ou 6 ans
nothérapie seule, avec un bénéfice d’anti-aromatase (anastrozole), et
Cette amélioration de la survie sans absolu de 6,4 % en faveur du bras avait pour objectif primaire la sur-
récidive chez les patientes pré- avec abémaciclib (HR = 0,664 ; IC vie sans récidive ajustée, à l’issue
ménopausées à haut risque de ré- 95 % = 0,578-0,762 ; p < 0,0001). des 3 années d’anti-aromatase.
cidive et qui ont reçu une chimio- En termes de survie sans réci- Une stratification a été faite selon
thérapie vient étayer les données dive à distance, il est noté la sur- le statut des RH, l’envahissement
des deux études de phase III venue de 281 événements dans le ganglionnaire, l’expression de
SOFT et TEXT, dans lesquelles, bras de traitement avec abémaci- HER2 et la durée de traitement par
avec un recul médian respec- clib contre 421 pour les patientes tamoxifène.
tif de 12 et 13 ans, il est retrouvé qui recevaient l’hormonothérapie Les résultats ont été présentés
un bénéfice de l’association anti- seule, soit des taux de survie sans avec un suivi médian de 10 ans, et
aromatase (exémestane) et sup- récidive à distance de 88,4 % pour il est retrouvé une augmentation
pression ovarienne, en comparai- les patientes recevant l’abémaci- de 3 % de la survie sans récidive
son à l’association tamoxifène et clib, versus 82,5 % sans abémaci- ajustée lorsque l’anti-aromatase
suppression ovarienne, en termes clib (HR = 0,659 ; IC 95 % = 0,567- est poursuivie pendant 6 ans en
de survie sans récidive à distance 0,767 ; p < 0,0001) avec un bénéfice comparaison au groupe 3 ans (69,1
et de survie globale, bien que les absolu de 5,9 % en faveur de la versus 66 % ; HR = 0,86 ; IC 95 % :
différences ne soient pas statisti- combinaison. Ce bénéfice est 0,72-1,01 ; p = 0,073) ; il n’existe pas
quement significatives (3). croissant avec le temps et se main- de bénéfice en survie globale. Seuls
tient à l’arrêt de l’abémaciclib. certains sous-groupes bénéficient
Les inhibiteurs de CDK4/6 Concernant les toxicités, il faut de la prolongation en termes de
L’autre point développé concer- souligner un plus grand taux de survie sans récidive ajustée : les
nant l’hormonothérapie et les pa- thromboses dans le bras de traite- patientes avec une tumeur expri-
tientes à haut risque de récidive ment avec abémaciclib (2,7 versus mant à la fois les récepteurs aux
est celui de la place des inhibiteurs 0,7 %) et un taux de pneumopathies œstrogènes et la progestérone
de CDK4/6 en situation adjuvante. interstitielles diffuses de 3,3 %. (HR = 0,77 ; IC 95 % = 0,63-0,93 ;
Si les essais PENELOPE-B et PAL- p = 0,008) et qui ont un envahis-
LAS, qui évaluaient le palbociclib Si les données en termes de sur- sement ganglionnaire axillaire
en situation précoce, sont négatifs, vie globale sont encore imma- (HR = 0,74 ; IC 95 % = 0,59-0,93 ;
les résultats de l’étude MonarchE tures à ce stade, il semble que p = 0,011).

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Conséquemment, la prolongation suppression ovarienne. au choix du médecin chez 534 pa-


de l’anti-aromatase plus de 3 ans In fine, à l’issue d’un suivi médian de tientes, et les patientes avaient déjà
après 2 à 3 ans de tamoxifène 41 mois, il est retrouvé un taux de été traitées par hormonothérapie
ne doit pas être systématique, récidive de 8,9 % à 36 mois, avec un et inhibiteurs de CDK4/6, ainsi que
mais est à considérer pour les taux de récidive à distance de 4,5 par taxanes, et devaient avoir reçu
patientes à haut risque de réci- contre 9,2 et 5,6 % dans la cohorte au moins deux lignes de chimio-
dive (pN+), et avec une expres- contrôle. Il est retrouvé un taux thérapie en phase métastatique.
sion conjointe des récepteurs aux comparable à la population géné- L’étude est positive statistique-
œstrogènes et à la progestérone. rale d’anomalies congénitales (2 %) ment sur son objectif principal, la
et 64 % des patientes incluses ont survie sans progression, et a fait
Grossesse et interruption donné naissance à un enfant vivant. l’objet d’une présentation à l’ASCO
temporaire de en 2022. Les données de l’étude
l’hormonothérapie Si ces premiers résultats sont ont été actualisées à la fois pour la
Enfin, les premiers résultats de la rassurants quant au fait d’inter- survie globale, qui était un critère
cohorte POSITIVE présentés à San rompre l’hormonothérapie de secondaire de l’essai, mais aussi en
Antonio en 2022 nous apportent manière transitoire chez des pa- termes de qualité de vie et présen-
des éléments rassurants quant à tientes prises en charge pour un tées à l’ESMO. Concernant la survie
l’interruption de l’hormonothéra- cancer de stade I-II, il est difficile globale, le SG est associé à un bé-
pie adjuvante pour autoriser une de conclure pour les patientes néfice de 3,2 mois, statistiquement
grossesse (8). Il s’agit de la pre- qui étaient porteuses d’un cancer significatif (14,4 versus 11,2 mois ;
mière étude prospective qui s’est du sein de stade III au regard du HR = 0,79 ; IC 95 % = 0,65-0,96 ;
intéressée à l’évaluation d’une faible nombre de patientes ; pour p = 0,02) (9).
interruption temporaire de l’hor- les 23 patientes N2 de la cohorte,
monothérapie pour un projet de le taux de récidive était de 18,7 %. Si la valeur clinique de ce bénéfice
grossesse, avec comme critère de Il sera indispensable d’attendre interroge, notamment au regard
jugement principal la survie sans l’actualisation de ces résultats de la tolérance du sacituzumab
récidive (à distance, controlaté- avec un suivi plus long. govitécan, qui est celui d’une
rale et homolatérale). Au total, 516 chimiothérapie classique, avec
patientes ayant bénéficié d’une principalement neutropénie et
hormonothérapie pour un cancer Cancer du sein diarrhées, cela pourrait constituer
du sein de stade I à III avec une métastatique une nouvelle option thérapeu-
interruption de l’hormonothérapie En situation métastatique, de nou- tique à considérer dans l’attente
adjuvante entre 18 et 30 mois ont veaux résultats viennent élargir les d’un éventuel remboursement, et
été incluses dans cette cohorte perspectives thérapeutiques pour la présentation des données com-
internationale. L’hormonothérapie les cancers du sein exprimant les plètes de qualité de vie.
était interrompue pour une durée récepteurs hormonaux (RH+) HER2
maximum de 2 ans, avant sa reprise négatifs (HER2-). Les SERDs
pendant 5 ou 10 ans. Une durée de L’autre perspective thérapeutique
3 mois de wash-out du tamoxifène Le sacituzumab govitécan nouvelle concerne l’hormonothéra-
était retenue. Il a été utilisé comme Fort des résultats obtenus dans la pie, avec une quinzaine de nouveaux
bras contrôle une cohorte de 1 499 population triple négative, le saci- SERDs (dégradeur du récepteur aux
patientes issue des essais SOFT et tuzumab govitécan (SG), qui cible estrogènes) actuellement en cours
TEXT, après appariement. Parmi notamment la protéine membra- de développement. À la différence
la patientes incluses, la majorité naire TROP-2 fortement expri- du fulvestrant, disponible depuis
(94 %) avait un cancer de stade I ou mée dans la majorité des cancers 20 ans, ces nouvelles molécules
II, et une minorité (6 %) un cancer du sein, a été évalué au sein de la s’administrent par voie orale.
de stade III, et 42 % avaient reçu population RH+ HER2- lourdement
du tamoxifène avant l’interruption, prétraitée ; l’étude TROPiCS-02, > L’élacestrant
contre 52 % qui avaient reçu l’asso- essai de phase III a ainsi comparé L’essai de phase III EMERALD est
ciation inhibiteur de l’aromatase et le SG versus une chimiothérapie le premier à avoir rapporté des

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résultats positifs en faveur d’un environ 40 % des patientes étaient fulvestrant double la survie sans
SERD oral, l’élacestrant. Dans cette porteuses d’une mutation ESR1. progression, qu’il y ait ou non une al-
étude, 447 patientes ménopausées, tération de la voie AKT. Les effets se-
qui avaient déjà reçu une à deux > Le camizestrant condaires de grade 3 à type de rashs
lignes d’hormonothérapie, dont une À noter, plus récemment, cepen- cutanés, diarrhées et hyperglycémie
avec des anti-CDK4/6, ont été ran- dant des résultats prometteurs ont conduit à l’arrêt du traitement
domisées entre l’élacestrant ou une pour le camizestrant (AZD9833), chez 13 % des patientes (15).
hormonothérapie standard seule présentés à San Antonio en no-
(fulvestrant ou inhibiteur de l’aro- vembre, avec un bénéfice en sur- Ces résultats viennent conforter
matase), et il était recherché sur vie sans progression, dans l’étude les résultats de l’essai de phase II
l’ADN tumoral circulant à l’inclusion SERENA-2, essai randomisé mul- FAKTION, pour laquelle l’associa-
une mutation ESR1. ticentrique de phase II, et des tion du capivasertib (inhibiteur
Il existe un bénéfice en survie sans études de phase III en cours avec d’AKT) au fulvestrant améliorait
progression en faveur de l’élaces- cette même molécule (13). Pour la survie sans progression et la
trant avec un hazard ratio de 0,7 (IC rappel, il est possible à l’heure survie globale, chez des patientes
95 % = 0,552-0,880 ; p = 0,0018) avec actuelle d’inclure nos patientes en hormono-résistantes (16).
une médiane de survie sans pro- bonne réponse thérapeutique, en
gression passant de 1,91 à 2,79 mois ; situation de première ligne à l’issue L’association abémaciclib
l’efficacité du SERD oral semble plus de 6 mois de traitement par anti- + anti-aromatases
importante dans le sous-groupe de aromatase et inhibiteur de CDK4/6 Enfin, concernant l’actualisation
patientes avec une tumeur porteuse dans l’essai SERENA-6, étude de des données de survie globale des
d’une mutation ESR1 (HR = 0,546 ; IC phase III randomisée, en double patientes porteuses d’un cancer du
95 % = 0,387-0,768 ; p = 0,0005) ; si aveugle, qui permet de monitorer sein métastatique RH+ HER2- et trai-
la médiane de survie globale n’est l’apparition d’une mutation ESR1, tées par l’association abémaciclib et
pas atteinte, l’analyse intermédiaire et en cas d’apparition de cette anti-aromatases en première ligne,
objective une tendance en faveur de mutation, sans progression cli- une seconde analyse intermédiaire
l’élacestrant, en particulier dans la nique, d’administrer un SERD oral de l’étude MONARCH 3 présentée à
population ESR1 muté (10). de nouvelle génération (AZD9833) l’ESMO en 2022 a objectivé une mé-
utilisé dans l’étude SERENA-2 (14). diane de survie globale de 67,1 mois
Cette étude confirme l’efficacité dans le groupe abémaciclib et hor-
d’un SERD oral par rapport au Les inhibiteurs d’AKT monothérapie versus 54,5 mois dans
fulvestrant, avec un bon profil de Concernant les inhibiteurs d’AKT, si le groupe hormonothérapie seule
tolérance, et en particulier dans leur difficulté en pratique clinique (HR= 0,754 ; IC 95 % = 0,584-0,974 ;
les tumeurs avec mutation ESR1. réside principalement dans leurs p = 0,0301). Le suivi médian était de
nombreux effets secondaires, avec 70,2 mois. Il a été également pré-
> L’amcénestrant et notamment des rashs cutanés, des senté des données de survie globale
le girédestrant diarrhées et l’hyperglycémie, qui dans la population de patientes qui
Deux essais de phase II randomisés souvent conduisent à l’arrêt du trai- présentaient une maladie métasta-
ont été présentés à l’ESMO 2022 tement, il a été présenté à San Anto- tique viscérale, avec une médiane
évaluant des SERDs oraux, AMEE- nio en 2022 les résultats positifs de de survie globale de 65,1 mois pour
RA-3 avec l’amcénestrant (11), et l’essai de phase III CAPItello-291 l’association abémaciclib et hormo-
l’essai acelERA (12) avec le girédes- qui comparait capivasertib plus nothérapie contre 48,8 mois pour
trant. Pas de bénéfice démontré en fulvestrant contre fulvestrant plus le groupe hormonothérapie seule
termes de survie sans progression placebo ; il s’agit d’un des premiers (HR = 0,708 ; IC 95 % = 0,508-0,985).
pour les deux molécules, avec un essais randomisés ayant inclus des Cependant, malgré un bénéfice de
profil de tolérance médiocre pour patientes pré-traitées par inhibi- plus de 12 mois dans le groupe de
l’amcénestrant (toxicité digestive, teurs de CDK4/6 et les patientes patientes avec abémaciclib, ces ré-
asthénie), et un arrêt de dévelop- progressaient après un inhibiteur de sultats ne sont pas statistiquement
pement de cette molécule. Il est à l’aromatase. significatifs et les données finales
noter que dans ces deux études, L’adjonction du capivasertib au sont attendues pour 2023 (17).

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ACTUALITÉS DANS LES CANCERS DU SEIN TRIPLE NÉGATIFS :


QUELS NOUVEAUX ALGORITHMES ?

En situation localisée > Le traitement post-chirurgie événement (SSE).


Au chapitre des cancers du sein Beaucoup de questions se posent Il a été objectivé une SSE à 5 ans de
triple négatifs localisés, une large encore quant au traitement post- 70,7 % (IC 95 % = 65,8-75,6) dans le
session des cours Saint-Paul a per- chirurgie, notamment celle de groupe avec carboplatine contre
mis de reposer les standards de l’intérêt de poursuivre le pembro- 64,1 % (IC 95 % = 59,0-69,2) dans le
traitement actuel et de souligner lizumab pour les patientes en ré- groupe contrôle avec un HR à 0,80
les questions en suspens. ponse histologique complète, et, a (IC 95 % = 0,62-1,03 ; p = 0,081).
contrario, pour les patientes qui ne Concernant la survie globale à
Les standards sont pas en réponse histologique 5 ans, celle-ci est retrouvée à
complète, se pose la question de 74,4 % (IC 95 % = 69,7-79,1) dans le
> Le carboplatine la poursuite du pembrolizumab, et groupe avec carboplatine contre
Toutes les études récentes (Ge- de l’implémentation d’autres trai- 66,8 % (IC 95 % = 61,7-71,9) dans le
parSixto et BrighTNess) (18, 19) tements qui ont montré un intérêt, groupe contrôle, avec un HR à 0,74
convergent vers la place centrale en combinaison avec le pembro- (IC 95 % = 0,56-0,97 ; p = 0,029). Si
du carboplatine comme chimio- lizumab (capécitabine et olaparib cette étude est négative sur son cri-
thérapie néoadjuvante privilégiée pour les patientes mutées BRCA). tère de jugement principal, il existe
pour les tumeurs triple négatives Des essais sont actuellement en un bénéfice à adjoindre du carbo-
localisées. cours pour tenter de répondre à platine au regard des résultats de
ces questions. survie globale, mais également en
> Le pembrolizumab termes de réponse histologique
L’arrivée du pembrolizumab avec Le carboplatine complète (pCR). En effet, chez les
les résultats de l’essai pivotal KEY- en néoadjuvant patientes de moins de 50 ans où ce
NOTE-522 a complété ce schéma Dans ce contexte, une autre étude bénéfice est surtout marqué, il est
thérapeutique néoadjuvant pour les de phase III présentée à San Anto- retrouvé un taux de pCR qui passe
stades II-III, définissant un nouveau nio en 2022 a posé à nouveau la de 41,5 à 61 %, une SSE à 5 ans qui
standard de traitement (20). question de l’intérêt du carbo- passe de 61,7 à 74,2 % (HR = 0,64 ;
platine en situation néoadjuvante IC 95 % = 0,47-0,87 ; p = 0,004),
> La chirurgie (21). Au total, 720 patientes entre et une survie globale à 5 ans qui
Pour les tumeurs de stade I, il est 2010 et 2020, essentiellement passe de 65,9 à 77,1 % (HR = 0,61 ;
jusque-là toujours recommandé pré-ménopausées (58 %) avec des IC 95 % = 0,44-0,85 ; p = 0,003).
une chirurgie de première inten- tumeurs considérées comme lo-
tion suivie d’une chimiothérapie calement avancées (60 %) et des Cet essai confirme donc à nou-
standard adjuvante constituée atteintes ganglionnaires (89 %) ont veau l’intérêt du carboplatine
d’anthracyclines et de taxanes, été incluses. Les patientes étaient en situation néoadjuvante dans
à partir des stades pT1b et pT1c. randomisées entre un traitement le cancer du sein triple négatif
À partir des stades II et III, un avec paclitaxel (100 mg/m² pour précoce.
traitement systémique premier huit cycles) avec ou sans carbo-
est quant à lui recommandé, avec platine (AUC2, pour huit cycles), Le pembrolizumab
une polychimiothérapie compre- puis recevaient quatre cycles d’AC Concernant l’étude KEYNOTE-522,
nant du carboplatine et de l’im- (adriamycine/cyclophosphamide) si les données de survie globale ne
munothérapie par pembrolizu- ou d’EC (épirubicine/cyclophos- sont pas encore matures, les der-
mab, permettant à l’issue, après phamide) toutes les 3 semaines. niers résultats présentés en début
chirurgie, d’adapter le traitement Le suivi médian des patientes a été d’année ont montré une survie
systémique, en fonction de la ré- de 67,6 mois. Le critère de juge- sans événement à 3 ans signifi-
ponse histologique. ment principal était la survie sans cativement augmentée passant de

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76,8 à 84,5 %, avec une diminution taux de pCR de 52 %, chez les pa- métabolite actif de l’irinotécan, et
du risque d’événement (progres- tientes qui avaient reçu le SG seul ; un linker hydrolysable assure la
sion, récidive locale ou à distance dans la population globale qui in- liaison des deux, permettant une
et second cancer) de 37 % avec un cluait les patientes qui avaient reçu libération du métabolite actif uni-
HR à 0,63 (IC 95 % = 0,48-0,82), et une autre chimiothérapie, le taux quement dans les cellules tumo-
ce quel que soit le statut PD-L1 de de pCR était de 30 % (IC 95 % : rales. L’étude a évalué le SG chez
la tumeur. Concernant les toxici- 18-45) ; à noter un taux de pCR de 468 patientes qui présentaient un
tés, un arrêt du traitement lié aux 86 % parmi les huit patientes qui cancer du sein triple négatif loca-
effets indésirables était retrouvé étaient porteuses d’une mutation lement avancé ou métastatique
chez 27,7 % des patients du groupe constitutionnelle de BRCA (22). et qui progressaient après deux
pembrolizumab contre 14,1 % dans lignes de chimiothérapie ; les pa-
le groupe placebo (20). Si ces données restent encore tientes ont été randomisées entre
préliminaires, il s’agit de la pre- le bras SG et le bras chimiothéra-
Si l’analyse HRQoL (health-rela- mière étude rapportée en phase pie au choix de l’investigateur.
ted quality of life) de l’étude n’a précoce avec le SG qui valide l’in- Un bénéfice en survie sans pro-
pas retrouvé d’effet significatif térêt de poursuivre cette évalua- gression dans le bras SG (5,6 ver-
de l’adjonction du pembrolizu- tion princeps, avec notamment sus 1,7 mois ; HR = 0,41 ; IC 95 % :
mab sur la qualité de vie, à tra- la détermination de la durée du 0,32-0,52 ; p < 0,001) a été objec-
vers l’analyse des PRO (patient- traitement, la possibilité d’une tivé, ainsi qu’en survie globale
reported outcomes) il sera néces- association avec un inhibiteur de (12,1 versus 6,7 mois ; HR = 0,48 ; IC
saire de disposer d’une analyse checkpoint et/ou inhibiteur de 95 % = 0,38-0,59 ; p < 0,001). Ces
à plus long terme des toxici- PARP, et l’identification de bio- résultats étaient observés dans
tés aiguës et chroniques liées à marqueurs, ouvrant des perspec- tous les sous-groupes, y compris
l’immunothérapie. tives thérapeutiques nouvelles chez les patientes plus lourdement
pour le traitement des cancers prétraitées.
Le sacituzumab govitécan triple négatifs au stade précoce. Concernant les effets secondaires,
En termes de perspectives théra- il s’agissait essentiellement de
peutiques nouvelles, il faut mention- neutropénies (51 % dans le bras SG
ner la présentation à l’ASCO 2022 En situation métastatique versus 33 %), et de diarrhées (10 %
des premiers résultats de l’étude Si jusque-là les cancers du sein dans le bras SG versus 1 %) (23).
NeoSTAR avec l’évaluation du SG en métastatiques triple négatifs
situation précoce. Dans cet essai, les étaient les parents pauvres dans le Le pembrolizumab
patientes étaient porteuses d’une développement de nouvelles armes Concernant la place de l’immuno-
tumeur du sein triple négative supé- thérapeutiques, il faut souligner thérapie, celle-ci est également
rieure à 1 cm ou avec envahissement les récentes avancées majeures bien définie depuis les résultats de
ganglionnaire (tumeurs T1c et T2) telles que l’immunothérapie avec l’étude KEYNOTE-355, qui a mon-
et recevaient quatre cycles de SG. À le pembrolizumab, mais aussi les tré un bénéfice net en survie sans
l’issue de ces quatre cycles, une éva- anticorps conjugués. progression et en survie globale
luation radiologique était pratiquée, avec l’adjonction du pembrolizu-
et en l’absence de bonne réponse, Le sacituzumab govitécan mab à la chimiothérapie en situa-
une biopsie tumorale était effectuée, En effet, les anticorps drogue- tion de première ligne, pour les
ainsi que l’adjonction d’une chimio- conjugués font désormais partie patientes identifiées par un seuil
thérapie avant chirurgie. Le critère de l’arsenal thérapeutique, avec de score CPS à 10. Dans cet essai
de jugement principal était le taux notamment le SG disponible en de phase III, 847 patientes ont été
de réponse histologique complète accès précoce après deux lignes de randomisées entre le bras de trai-
(pCR). Au total 50 patientes ont été traitement par chimiothérapie se- tement pembrolizumab + chimio-
incluses, et 11 avaient une tumeur de lon les données de l’essai de phase thérapie versus le bras de traite-
stade I. III ASCENT. Sur le plan structurel, ment par chimiothérapie seule,
15 réponses complètes sur 29 pa- le SG est un anticorps humanisé avec une stratification selon le sta-
tientes ont été objectivées, soit un anti-TROP2 couplé au SN-38, un tut PDL1 et le score CPS.

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MISE AU POINT

Pour les patientes avec un score ou égal à 10 en situation de pre- chimiothérapie standard chez les
CPS supérieur ou égal à 10, un mière ligne métastatique. Pour patientes qui ne sont pas éligibles
gain en survie sans progression ces patientes, il est primordial de à un traitement par inhibiteur de
(9,7 contre 5,6 mois dans le bras privilégier dès que cela est pos- PD-1/PD-L1 en première ligne du
chimiothérapie seule ; HR = 0,65 ; sible une inclusion dans un essai cancer du sein triple négatif loca-
IC 95 % = 0,49-0,46 ; p = 0,0012) a thérapeutique, pour permettre lement récurrent, inopérable ou
été observé ; le bénéfice est éga- notamment l’accès à de nouvelles métastatique (26). En effet, cet
lement retrouvé en survie globale drogues en cours d’évaluation au anticorps conjugué anti-TROP-2
(HR = 0,73 ; IC 95 % = 0,55-0,95) ; sein d’essais de phase III. associé au déruxtécan a déjà mon-
pas de bénéfice significatif retrou- tré un signal d’efficacité et de
vé pour les patientes avec un score Les essais en cours tolérance prometteur dans l’essai
CPS inférieur à 10 (24). On notera l’intérêt de l’essai AS- TROPION (27). Il est enfin égale-
CENT 04 en situation de première ment pertinent d’avoir accès à une
Le pembrolizumab est désormais ligne, en cas de statut PD-L1 posi- analyse génomique afin de propo-
disponible en accès précoce à la tif, qui compare l’association SG ser dès que cela est possible une
dose de 200 mg tous les 21 jours et pembrolizumab versus chimio- thérapie ciblée, également dans le
en combinaison à une chimiothé- thérapie standard et pembroli- cadre d’essais, à l’instar de l’essai
rapie par carboplatine et gemci- zumab (25) et l’essai TROPION- SAFIR02 qui a montré un bénéfice
tabine et/ou paclitaxel pour les Breast02, permettant un accès en survie après recherche des ana-
patientes avec un statut PD-L1 éventuel au datopotamab déruxté- lyses génomiques, et accès à une
positif et un score CPS supérieur can (dato-Dxd) en comparaison à la thérapie ciblée (28). n

ACTUALITÉS DANS LES CANCERS DU SEIN HER2-POSITIFS :


QUELS NOUVEAUX PARADIGMES EN 2023 ?

Le basculement scoring HER2 pour tous les cancers cette classification dichotomique
nosologique du sein, au regard de la révolution des cancers du sein HER2-positif
que constituent les anticorps dro- et HER2-négatif, avec une effi-
Les tumeurs HER2-faibles gues conjugués et notamment le cacité démontrée des nouvelles
Si en situation localisée, il n’existe trastuzumab déruxtécan (T-DXd) drogues cytotoxiques conjuguées
pas de nouveauté marquante pour dans cette population HER2-faible, à des anticorps anti-HER2 chez
le cancer du sein HER2-positif, qui représente quasiment 45 % des les patientes porteuses d’un can-
le changement tient à l’évolution cancers du sein. Le raisonnement cer du sein avec faible expression
conceptuelle du statut HER2, et en statut HER2 positif ou négatif, de HER2, où HER2 est un vecteur
une fragmentation du cadre noso- avec amplification ou non de HER2, permettant d’adresser la chimio-
logique usuel, avec l’émergence est désormais obsolète. L’expres- thérapie au sein des cellules tumo-
des tumeurs dites HER2-faibles, sion de cette protéine est en réalité rales. Ces anticorps conjugués ont
nous conduisant à reconsidérer continue, et passait jusque-là sous un mécanisme d’action novateur
l’ensemble de nos stratégies théra- les radars, car sans effet thérapeu- avec à la fois un effet sur la cel-
peutiques, pour les tumeurs consi- tique, puisque les thérapies anti- lule cancéreuse, mais aussi sur le
dérées jusque-là comme luminales HER2 étaient réservées aux cancers micro-environnement via un effet
ou triples négatives. Cette nouvelle du sein dits HER2-positifs. L’hété- bystander. Ces tumeurs HER2-
approche nosologique a largement rogénéité du niveau d’expression faibles sont fréquentes puisqu’elles
été discutée cette année aux Cours de HER2 par les cellules tumorales représentent, on l’a dit, plus de la
Saint-Paul, avec comme impéra- et le développement d’anticorps moitié des cancers du sein, d’où la
tif la nécessité de disposer d’un conjugués ont permis de bousculer nécessité de mieux les identifier au

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Cours Saint-Paul 2023

regard des perspectives thérapeu- (23,9 contre 17,5 mois respective- risque notamment de survenue
tiques nouvelles pour les patientes. ment ; HR = 0,64 ; IC 95 % = 0,48- de pneumopathie interstitielle, il
0,86 ; p = 0,0028). Le bénéfice est est retrouvé majoritairement des
Ainsi, la classification anatomo- le même dans la population globale pneumopathies de faible grade
pathologique évolue vers la de l’étude, et notamment dans la avec un taux de 10,5 %, sans pneu-
détermination : population triple négative avec un mopathie de grade 4 ou 5.
• des tumeurs HER2-négatives HR à 0,48 pour la survie globale qui Des données complémentaires
(score 0), passe de 8,3 à 18,2 mois (31). ont été présentées à San Antonio,
• des tumeurs HER2-positives en particulier concernant le sous-
(score 3+ et 2+ amplifiés) Au regard de ces résultats, le groupe de patientes porteuses de
• et des tumeurs HER2-faibles T-DXd est actuellement dispo- métastases cérébrales contrôlées,
(score 1+ et 2+ non amplifiés) nible en accès précoce pour les où il est retrouvé un maintien de
selon les dernières recomman- patientes atteintes d’un cancer l’amplitude du bénéfice en termes
dations établies par le groupe du sein HER2-faible métastatique de survie sans progression, avec
d’étude des facteurs pronostiques qui ont reçu au moins une ligne de une survie sans progression de
par immunohistochimie dans les chimiothérapie au stade métas- 15 mois dans le groupe de patientes
cancers du sein (GEFPICS) (29). Il tatique ou qui ont développé une traitées par T-DXd, versus 5,7 mois
faut en outre insister sur le statut récidive de la maladie pendant ou dans le groupe de patientes trai-
versatile du statut HER2-faible et dans les 6 mois suivant la fin d’une tées par T-DM1. À noter également
son évolutivité entre tumeur pri- chimiothérapie adjuvante. un taux de réponse complète de
mitive et métastase, avec un taux 28 %, et un taux de réponse par-
de discordance évalué à 39 %, tielle de 36 % pour ces patientes
plaidant conséquemment pour En situation métastatique en particulier (32).
une évaluation la plus récente
possible du statut HER2 et une Le trastuzumab déruxtécan Ces résultats sans précédent en
nouvelle biopsie des lésions mé- Au-delà de cet affinement de stra- faveur du T-DXd, et notamment
tastatiques (30). tification du statut HER2, l’étayage pour les patientes avec une at-
de l’arsenal thérapeutique pour les teinte cérébrale, ont plaidé pour
Le trastuzumab déruxtécan cancers du sein métastatiques qui un changement de pratique à
L’étude de phase III randomi- surexpriment HER2 s’est poursuivi, court terme pour en faire un
sée et multicentrique (DESTINY- avec notamment les résultats de standard de deuxième ligne et le
Breast04) a ainsi évalué l’effica- l’étude DESTINY-Breast03 et l’effi- traitement est actuellement dis-
cité du T-DXd par rapport à une cacité démontrée du T-DXd com- ponible en France en situation de
chimiothérapie standard chez les paré au T-DM1 en situation de deu- deuxième ligne, en accès précoce.
patientes porteuses d’un cancer xième ligne après un traitement
du sein métastatique HER2-faible, antérieur par taxanes et trastuzu- Le tucatinib
en progression après hormono- mab, avec une réduction du risque Concernant le tropisme cérébral
thérapie et/ou une ou deux lignes de progression de plus de 70 % et des cancers du sein HER2-positifs,
de chimiothérapies. Parmi les 557 une survie sans progression mé- il est notable de souligner à nou-
patientes incluses, 494 patientes diane non atteinte versus 6,8 mois. veau la singularité de l’étude HER-
étaient porteuses d’une tumeur Environ 60 % des patientes étaient 2CLIMB qui a permis l’inclusion de
RH+ (88,7 %). pré-exposées au pertuzumab. patientes porteuses de lésions cé-
Dans cette cohorte RH+, il existe Si les données ne sont pas encore rébrales actives, en faisant la seule
une survie sans progression matures en termes de survie glo- grande étude randomisée avec
nettement supérieure pour le bale, il existe une différence en métastases cérébrales actives. En
bras de traitement avec T-DXd survie globale à 1 an en faveur du effet, environ 50 % des patientes
(10,1 contre 5,4 mois pour le bras bras T-DXd (94,1 versus 85,9 % ; développeront des métastases
chimiothérapie ; HR = 0,51 ; IC HR = 0,56 ; IC 95 % = 0,36-0,86). cérébrales au cours de l’évolution
95 % = 0,40-0,64 ; p < 0,001) ainsi Concernant la toxicité, qui était du cancer HER2-positif, avec une
qu’un bénéfice en survie globale le point questionnant, quant au morbidité plus importante que les

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MISE AU POINT

autres localisations métastatiques ; 0,5-0,88 ; p < 0,005). Ces béné- effets secondaires de grade 1 à 2
cependant, il est à considérer que fices ont également été objectivés incluant l’asthénie, des troubles
ces localisations cérébrales sont dans le groupe des patientes por- digestifs, des syndromes palmo-
similaires au reste de la maladie teuses de métastases cérébrales, plantaires et une élévation des
systémique en termes de sensibi- que celles-ci soient jugées actives transaminases (33).
lité au traitement et de pharmaco- ou qu’elles aient été antérieure-
cinétique. C’est dans ce contexte ment prétraitées. Dans la popula- Ainsi, le tucatinib vient complé-
que s’inscrit l’étude HER2CLIMB, tion des patientes avec des métas- ter l’arsenal thérapeutique anti-
qui a évalué le tucatinib, un inhi- tases cérébrales actives, le taux HER2 et est devenu un nouveau
biteur très sélectif pour HER2 de réponse objective est de 47 % standard en troisième ligne, que
chez 612 patientes, préalablement (IC 95 % = 33,7-61,2 ; p = 0,03), les patientes présentent ou non
traitées par trastuzumab, pertu- avec une survie sans progression à des métastases cérébrales, ou un
zumab et T-DM1, en combinaison 12 mois de 35 % (contre 0 % dans le standard de deuxième ligne en
à l’association capécitabine plus groupe des patientes sous placebo, cas de métastases cérébrales. En-
trastuzumab. HR = 0,36). Chez les 30 patientes fin, il est à noter que la stratégie
L’adjonction du tucatinib à l’asso- qui présentaient une progression thérapeutique globale retenue en
ciation capécitabine plus trastuzu- cérébrale isolée et qui ont pour- cas de progression cérébrale iso-
mab est associée à une augmenta- suivi, après un traitement local, le lée reste la poursuite du traite-
tion significative de la survie sans tucatinib dans le cadre de l’essai, ment systémique entrepris, avec
progression (7,8 contre 5,6 mois ; le risque de seconde progression l’implémentation en parallèle
HR = 0,54 ; IC 95 % = 0,42-0,71 ; ou de décès a été réduit de 67 % d’un traitement focalisé au niveau
p < 0,001), mais également de la (HR = 0,29 ; IC 95 % = 0,11-0,77). cérébral avec radiothérapie ou
survie globale (21,9 mois contre Sur le plan de la tolérance, il faut chirurgie, à discuter de manière
17,4 mois, HR = 0,66 ; IC 95 % = souligner essentiellement des systématique.

CONCLUSION

In fine, au regard de l’ensemble luminal à haut risque de récidive, triple négatifs avec l’implémenta-
des progrès thérapeutiques ex- plusieurs éclaircissements sont tion de nouvelles drogues à la fois
haustivement présentés durant ce apportés quant aux modalités de en situation localisée, comme en
congrès, de nombreuses données l’hormonothérapie. Il faut égale- situation métastatique associée à
permettent de faire évoluer nos ment souligner les nombreuses des bénéfices en survie.  n
pratiques dans la prise en charge discussions quant à l’élargissement
de nos patientes porteuses d’un de la technique du ganglion senti-
cancer du sein. L’algorithme déci- nelle, et le recours à la radiothéra- ✖ L’auteur déclare ne pas avoir de liens
d’intérêt en rapport avec cet article.
sionnel dans le cancer du sein pie hypofractionnée à privilégier
HER2-positif s’est modifié subs- dès que cela est possible, ainsi que
tantiellement, avec une velléité l’impérieuse nécessité de disposer
certaine d’implémenter ces nou- d’un scoring HER2, le statut positif Mots-clés :
velles drogues en situation adju- ou négatif ne suffisant plus à la lu- Cancer du sein, Actualités,
vante de manière précoce à l’ins- mière des avancées thérapeutiques Cours Saint-Paul 2023,
tar de l’étude DESTINY-Breast05. majeures présentées ici. Enfin, de Triple négatif, HER2,
Concernant le cancer du sein l’espoir pour les cancers du sein Médecine de précision

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Cours Saint-Paul 2023

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