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HISTOIRE NATURELLE DU CANCER DU SEIN

 
 
Docteur A. LORTHOLARY
CRLCC Centre Paul Papin Angers

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme en


France. C'est également le premier en terme de mortalité féminine
par cancer. Malgré cela, l'étiologie (ou les étiologies) du ou des
cancers du sein n'est pas encore connue. Comme pour les autres
cancers les mécanismes de la cancérogenèse sont impliqués :
initiation, promotion, progression.

Le rôle des oncogènes est d'abord évoqué dans le modèle des


cancers murins induits par un rétrovirus , le Murine Mammary
Tumor Virus (MMTV) puis de nombreux oncogènes et anti-
oncogènes sont identifiés et sont très probablement impliqués dans
le cancer du sein : oncogènes = MYC, ERBB2, ras... ; anti-
oncogènes = Rb, p53.

Plus récemment, une composante héréditaire est retrouvée dans 5


à 10% des cancers du sein, avec la découverte de nouveaux gènes
= BRCA 1, BRCA 2... D'autres gènes prédisposants au cancer du
sein sont clonés depuis peu, comme le gène ATM (Ataxie
Télangiectasie Mutation).
Les différents facteurs autres que génétiques impliqués dans le
développement du cancer du sein sont :

- Les facteur hormonaux : les hormones sexuelles conditionnent le


développement et la fonction de la glande mammaire. Les
oestrogènes sont d'origine ovarienne ou surrénalienne. Les
hormones et les facteurs de croissance jouent un rôle de régulation
ou de stimulation de la prolifération.

- Les facteurs nutritionnels : l'incidence du cancer du sein est 4 à 5


fois plus élevée dans les pays occidentaux par rapport au Japon,
pays de même développement économique. Les populations
japonaises émigrées aux USA depuis une génération acquièrent un
risque similaire aux femmes américaines. Les régimes riches en
lipides et protides joueraient un rôle par le biais de la
transformation du tissu adipeux en oestrogènes. La prise d'alcool
de façon abusive (>12g/j) jouerait également un rôle par le même
biais.

- Les agents physiques ou chimiques : les rayons X jouent un rôle


dépendant de la dose reçue. Ce risque semble diminuer avec l'âge
d'exposition et notamment après 40 ans. Ce risque est estimé à un
excès de cancer de 6,6 par millions de femmes-années par
centigray (cGy) ; un cliché thoracique donne une exposition de 0,1
cGy.

- Aucun agent viral n'a été jusqu'à présent mis en cause avec
certitude dans le cancer du sein (1).
- Les facteurs n'influençant pas le risque : café, tabac, vitamines,
stress, amygdalectomie

1. DÉVELOPPEMENT

Deux conceptions s'affrontent dans le développement du cancer du


sein. L'une ancienne affirme que le cancer du sein est une maladie
locale à développement progressif avec augmentation de volume de
la tumeur, envahissement cutané, musculaire puis envahissement
ganglionnaire par voie lymphatique, enfin atteinte viscérale par
voie sanguine.

Cette conception mécaniste défendue par Halsted et ses nombreux


successeurs jusque dans les années 60 a progressivement été
remise en question tout spécialement par l'école de Fisher aux
États Unis (2).

S'appuyant sur les échecs des chirurgies radicales, Fischer affirme


que le cancer du sein est une maladie générale (3).

1.1. Séquence cancer in situ - cancer infiltrant

Le cancer in situ est-il une étape obligatoire avant le cancer ? Est-ce


que tous les cancers in situ ont acquis la capacité de devenir
infiltrant ?

Les réponses à ces questions ne sont toujours par claires. Les


études récentes montrent qu'un risque élevé peut être associé avec
une maladie proliférative et en particulier lorsqu'il existe une
hyperplasie atypique. Le carcinome canalaire in situ (et non le
lobulaire in situ) est probablement un stade de transition dans
l'histoire naturelle du cancer du sein (4).

L'événement le plus important au cours de la croissance d'un


cancer humain est la dissémination métastatique (5). La survie
d'un cancer du sein métastatique est en moyenne de 2 ans.

La taille de la tumeur primitive est un facteur important dans le


survenue de métastases. Les études de cinétiques cellulaires
estiment qu'il faut en moyenne 10 ans (1,5 à 20 ans) entre la
survenue des premières cellules cancéreuses et la découverte
clinique de la tumeur mesurée entre 0,5 et 1,5 cm. Le temps de
doublement établi à partir de malades refusant le traitement est
d'environ 3 mois (extrêmes = 1 semaine à 1 an).

Les autres facteurs pronostiques principaux sont le nombre de


ganglions envahis et le grade histologique. Il est démontré que le
temps de doublement des métastases est lié à celui de la tumeur
primitive, mais est en générale plus court (5). Les calculs réalisés
par Tubiana et al montrent que si les malades avaient été traités
12 mois plus tôt qu'au moment où ils l'ont été, le nombre de
malades chez qui ils existent des métastases aurait été réduit de
30 % (5). Ces résultats sont en concordance avec les grands essais
de dépistage de masse par mammographie tous les 2 à 3 ans à
partir de 50 ans, permettant une baisse de la mortalité par cancer
du sein de 30 %. Le dépistage ou le diagnostic précoce est donc
primordial dans le cancer du sein.
Les métastases se font par migration des cellules tumorales soit
par voie lymphatique soit par voie sanguine. Les organes cibles les
plus fréquents sont l'os, le foie, le poumon.

Une étude ancienne rapporte les taux de survie de patientes


n'ayant pas reçu de traitement : 44 % à 3 ans, 18 % à 5 ans, 3,6 %
à 10 ans et 0,8 % à 15 ans. Une issue fatale est donc inéluctable,
mais l'évolution spontanée peut être longue (6).

Actuellement, la survie globale sans récidive est de l'ordre de 50 %


à 5 ans (70 à 80 % pour les petites tumeurs sans envahissement
ganglionnaire). Des récidives très tardives peuvent survenir jusqu'à
10 ou 20 ans, voire plus. Une étude montre même un excès de
mortalité par cancer du sein par rapport à la population générale
persistant au moins 40 ans (7).

2. BIBLIOGRAPHIE

1 - SAEZ S., MARTIN PM


In Cancer du sein : 20 ans de progrès, Tome 1.
Histoire naturelle du cancer du sein, 1993 : 13 - 19.

2 - PETIT JY
In Cancer du sein, chirurgie diagnostique et reconstruction.
Ed Medsi NY Histoire naturelle du cancer du sein, 1991 : 25-26.

3 - FISHER B., WOLMARK N., FISCHER ER, DEUTSCH M.


Lympectomy and axillary dissection for breast cancer.
Surgical, pathological and radiation considerations.
World J. Surg., 1985, 9 : 692-698.

4 - PONTEN J. and al.


Biology and natural history of breast cancer.
Int J. Cancer, 1990, Supp 5 : 5-21.

5 - TUBIANA M., KOSCIELNY S.


Histoire naturelle des cancers humains et facteurs pronostiques.
L'exemple du cancer du sein.
Bull. Cancer, 1987, 74 : 43-57.

6 - BLOOM HJ, RICHARDSON WW, HARRIER EJ


Natural history of untreated cancer (1805 ) 1833)
Br. Med. J., 1962, 2 : 213-221.

7 - HARRIS JR, HELLMAN S.


Natural history of breast cancer. In Breast diseases.
Ed. LIppincott compagny II edition, 1991, 9 : 165-181.

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