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Les Etats-Unis et la frontière, un mythe et sa

géopolitique
Festival de Géopolitique de Grenoble
Frédéric Munier

Annie De Nicola | 19 Mar 2018 | Festival de Géopolitique de Grenoble 2018 | 0 |

La frontière – Borderline ou Frontier – est constitutive de l’imaginaire américain, elle a


animé les hommes et participé à la constitution de l’identité nationale au point d’être un
déterminant fondamental de la géopolitique des Etats-Unis.

Intervenant : Frédéric Munier est professeur agrégé d’histoire, spécialiste de


géopolitique et enseignant au lycée Saint-Louis à Paris.

Pourquoi la frontière ?
Frédéric Munier commence son accroche par une anecdote personnelle en évoquant un thème
qui depuis son enfance l’a toujours interrogé depuis qu’il avait regardé une série «Star Trek»
américaine à la télévision, un épisode particulier intitulé « final frontier » et il trouvait étrange
et mystérieux le titre de cet épisode évoquant beaucoup la frontière, un espace indéfini. Le
géographe a pris cet exemple du titre de cet épisode sorti en 1967, pour montrer que le terme
est difficile à traduire, ici pour désigner un espace ultime, « frontier » où nul homme n’a jamais
habité. Cette ultime frontière américaine a un sens multiple, il est polysémique.
Aux États-Unis, pour traduire le mot frontière, il existe deux mots, le mot « border » et
« frontier ». Frédéric Munier propose de réfléchir à partir de l’analyse sémantique des deux
vocables à la fois sur leur signification historique et géopolitique. Le premier vocable analysé,
« border » est un mot difficile à traduire. En anglais, border possède plusieurs significations à
la fois cela peut signifier la frontière administrative ou une démarcation matérielle ou bien une
signification politique.

Le second terme de « frontier » en anglais peut être traduit en français par « front pionner ». Le
conférencier fait référence à une définition de Jacques Lévy dans son dictionnaire géographique
pour lequel la frontière est perçue « comme un espace mobile marquant la limite provisoire de
l’expansion d’une société, ici frontière vue comme un espace plus vaste mis en valeur ». Donc,
ici, la définition ne se limite plus à un espace fixé et définitif mais à un espace transitoire et
mobile qui est lié à la valorisation de l’espace conquis. Cette polysémie en anglais, « border »
et « frontier », qui fait dire à Jacques Levy, que la seule frontière incontestablement
fonctionnelle fut la frontière Nord américaine, c’est-à-dire un front pionnier colossal dynamique
parce que résultant d’un rapport de force très déséquilibré entre les défenseurs, les Indiens et
les assaillants, les Américains. La frontière cesse alors d’être pour un temps une chimère
destructrice, et devient vu du côté des gagnants, des Anglais, des anglo-américains, l’emblème
de l’aventure.

Frédéric Munier présente ensuite un tableau célèbre évoquant cette vision mythique d’une
frontière repoussée au-delà des confins et ouverte à la conquête. C’est un tableau connu de 1872
représentant Colombia, une allégorie féminine évoquant l’Amérique, le nom rappelant
Christophe Colomb. Colombia est représentée en mouvement en direction vers l’ouest en train
d’accompagner les colons américains le long de cette frontière au-delà d’espaces inconnus.
Cette belle représentation montre tout le mythe de la frontière, un espace de conquête, avec des
colons, des fermiers, des trappeurs, des bucherons, des paysans, accompagnés de leurs familles,
des femmes, des enfants venant de l’est.

L’idée était de représenter à travers cette peinture surtout que ces colons étaient avant tout des
« farmers ». Cette représentation fait partie d’un imaginaire, une idée qui remonte aux premiers
temps de l’histoire américaine avec le troisième président américain, Thomas Jefferson, celui
qui a acheté entre autre le Mississippi, qui se faisait représenter en fermier avec des valeurs de
rudesse, de courage, de travail. Ce tableau illustre donc parfaitement l’idée de la conquête.

Les États-Unis disposent donc d’une double conception de la frontière, « border » et


« frontier », pour désigner une extension de territoire mais aussi pour justifier une expansion
géopolitique. « Frontier », la frontière tient lieu à la fois du mythe fondateur, mythe qui explique
au sens grec du terme l’origine de la constitution du territoire et mythe qui justifie l’expansion
américaine. Le plan de son objet d’étude se concentre sur les trois points suivants : 1) une
lecture historique de la frontière, 2) la frontière perçue comme un mythe et 3) la frontière
devenue un outil de puissance, une lecture géopolitique de la frontière.

LA FRONTIERE AMERICAINE UNE DIALECTIQUE


ENTRE «BORDER» ET «FRONTIER», UNE LECTURE
HISTORIQUE DE LA FRONTIÈRE
La frontière, une approche théorique
Après une rapide présentation des ouvrages de référence pour aborder son sujet d’étude, Michel
Foucher « éloge des frontières », et Régis Debray « critique de la frontière », Frédéric Munier
s’appuie sur la définition de la frontière d’après Jacques Lévy pour tenter de la définir. Jacques
Levy distingue la frontière à trois types d’effets spatiaux. La frontière peut être à la fois une
barrière, une interface, les deux aussi (exemple la barrière entre les Etats-Unis et le Mexique
mais aussi une interface) et peut être également un territoire en soi. Au XIXe siècle la frontière,
la « frontier », est un territoire, entre la civilisation, celle des Américains et la barbarie, de
l’inconnu.

La frontière, la constitution d’un territoire

Quant à Michel Foucher, il rappelle que les frontières possèdent trois fonctions principales, une
fonction légale (elle définit le droit des délits nationaux), une fonction de contrôle (lien avec les
nationalités, contrôle de ceux qui sortent ou qui entrent sur le territoire) et une fonction fiscale
(par exemple la douane). La frontière est ainsi indispensable de la notion de territoire. La
frontière transforme un espace, une notion proche du milieu car pas encore une notion de limite
et c’est la frontière qui fait passer de l’espace au territoire, une zone appropriée, bornée. Ainsi,
les grands espaces américains, le Far West, avec la mention de frontière sont devenus des
territoires.

La fin de la « frontier », la fin du « front pionnier »

Frédéric Munier s’appuie sur un autre ouvrage, celui de Régis Debray « Critique de la
frontière » sorti à un période où la notion de la frontière était très à la mode, pour montrer que
la frontière n’a pas toujours été perçue comme une limite acceptée mais plutôt une « border »
critiquée voire même diabolisée. D’un point de vue étymologique, la frontière vient du latin
sancire qui signifie délimiter, entourer, interdire. Les Etats ont besoin de ces espaces qui soient
fixes au contraire de l’Antiquité c’étaient des eschatia, des espaces aux limites floues, aux
marges des cités grecques antiques les délimitant ainsi entre elles sans que ces territoires à la
marge ne soient revendiqués. La frontière associée à un espace qui délimite, qui étanchéifie
peut-être mais qui permet des échanges. Pour Régis Debray « le mur interdit le passage, la
frontière le régule », la frontière est donc un espace de régulation.

Les EU et la frontière

La conquête américaine, c’est l’histoire d’une relation entre « frontier » le front qui se dérobe,
« border » à la « frontier » qui recule sans cesse et une fois l’espace valorisé, elle laisse place à
la « border ». C’est une histoire très ancienne. Rappel de l’histoire du Mayflower quittant le
Royaume Uni en 1620 dans lequel s’étaient embarqués des Puritains en fait surtout des
sécessionnistes de l’église anglicane et ils avaient décidé de conquérir le Nouvel Israël. Ils se
voyaient comme de nouveaux juifs auxquels Dieu offrait à ces anglicans, à ces puritains un
nouvel Israël en Amérique, une terre qui était donnée à la valorisation et ces gens sur le
Mayflower, le bateau qui les amenait sur le Nouveau Monde, ont signé un pacte, le 11 novembre
1620, le « Mayflower Compact ».

Ce document est perdu depuis mais on a conservé une transcription sur laquelle les Anglais
écrivaient ceci « ayant entrepris pour la gloire de Dieu, pour la propagation de la foi et en
l’honneur de notre roi, un voyage voit implanter une première colonie dans les régions
septentrionales de Virginie …». Pour Frédéric Munier on a une définition qui s’apparente à la
notion de « frontier » c’est-à-dire le désir de s’implanter, de prospérer, se développer, de
s’étendre. Tout démarre en quelque sorte avec cette histoire originelle des premiers pionniers
anglo-saxons.

De la frontière à la border un territoire de conquête

Après l’indépendance américaine en 1783, les colons devenus des Américains depuis 1776, les
colonies anglaises devenues des colonies américaines avec le traité de Paris; rapidement les
nouveaux Américains décidèrent en 1785 de valoriser l’espace et d’étendre la frontière. Ils ont
institué un système original qu’on appelle le système du Township, c’est un système de division
des espaces disponibles, rapidement conquis, le Mississipi servant de frontière à l’ouest. Ces
espaces conquis sont divisés par le cadastre.

Des lots ensuite sont définis et donnés aux colons, 40 acres en moyenne de superficie permettant
à une famille de quatre à cinq personnes de vivre. C’est ainsi que l’on passe de la frontière,
« frontier » le front que l’on conquiert à un espace délimité, avec des « borderline », des limites
administratives dans lesquels les colons se sont installés avec un espace à valoriser.

Une carte de 1803 montre l’extension du territoire américain vers l’ouest. Elle montre
l’extension qui passe par exemple par des achats, exemple de Napoléon 1er qui a vendu la
Louisiane en 1803 à Thomas Jefferson. La frontière se déplace vers l’ouest, période de l’apogée
de la conquête de l’ouest. Deux explorateurs américains Lewis et Clark passent du centre des
Etats-Unis à l’ouest vers le pacifique en traversant les Rocheuses et ils inaugurent le chemin
qui va permettre aux nouveaux colons de passer d’est en ouest.

La découverte des mines d’or en 1848 a accéléré la conquête vers l’ouest, vers la Californie
enchaînant la ruée vers l’or des populations venues de l’est traversant de bout en bout le pays
tout entier. Les Américains ont constitué de fait leurs frontières de plusieurs manières soit par
la conquête, de espaces vierges ou peu habités, les Indiens ont été pour cela déportés vers
l’ouest, soit par l’achat de terre (achat de la Louisiane en 1803, une partie du Nouveau Mexique
en 1853, l’Alaska à la Russie en 1876) ou soit par l’occupation ou l’annexion comme le Texas
en 1845, soit parfois par les conquêtes comme la guerre avec le Mexique qui a permis aux
Américains d’annexer une grande partie du Mexique, soit un tiers du territoire mexicain,
devenue l’Etat du Nouveau Mexique en 1848.

En 1890, la totalité du territoire a été conquise. Tout le territoire a été ensuite rapidement
cadastré. C’est la fin de la « frontier », il n’y a plus de frontière. Tout l’espace est devenu un
territoire. Est-ce que cela veut dire, fin de la « frontier », que c’est la fin des frontières ? Non,
mais par contre il y a beaucoup de « borders » avec la création des Etats américains. Les Etats
avaient été bornés dans les années 1850 mais ils n’étaient devenus des Etats américains qu’à
partir de 1890.

Pour devenir un Etat, il fallait qu’il y ait au moins 60 000 colons. En dessous de 60 000 colons,
un « border » délimite un espace quasi vide ; à partir de 60 000, cette zone pouvait acter,
demander au congrès américain de devenir un Etat. Le Wyoming, le Montana, l’Oregon étaient
des espaces quasi vides jusqu’à la fin du XIXe siècle et ne sont devenus des Etats qu’à la fin du
siècle, à l’inverse de la Californie, qui dès 1850, avec la ruée vers l’or, est devenue rapidement
un Etat.

La fin de la « frontier » comme espace pionnier ne signifie pas la fin des frontières, au contraire,
les frontières ont été enracinées, elles deviennent des « borders ». D’autres frontières
s’imposent comme les grandes frontières officielles, les Etats-Unis sont divisés en grands
espaces comme les espaces Est-Ouest, Centre-Ouest, Midwest, etc. Il existe d’autres types de
frontières moins administratives comme les belts, les ceintures, qui constituent des frontières
de différents types, comme la corn belt, la ceinture du maïs, la wheat belt, la ceinture du blé, la
Bible Belt, la ceinture de la bible au sud-est des Etats-Unis.

On constate que Les Etats-Unis sont ainsi organisés avec une multitude de frontières. Ces
frontières-là sont définies bien après la « frontier ». L’Alaska, par exemple, dans le discours
des gens qui habitent Anchorage aujourd’hui s’imaginent être de nouveaux colons, de nouveaux
trappeurs et donc s’imaginent l’Alaska comme une nouvelle frontière terrestre.

LA FRONTIERE PERÇUE COMME UN MYTHE, UNE


LECTURE IDÉOLOGIQUE
La « destinée manifeste », justification de l’expansion

La frontière est devenue le creuset des valeurs américaines, une thèse développée vers 1893 au
moment de la fin de la « frontier ». John O’Sullivan, journaliste américain, pose pour la
première fois dans un article publié en 1845 dans un magazine, l’idée de destinée manifeste :
« c’est notre destinée manifeste de nous déployer sur le continent conquis par la Providence
pour le libre développement de notre grandissante multitude ». Il justifie l’expansion par la
volonté divine, la « Providence », c’est Dieu qui a donné cet espace à conquérir aux Américains
pour qu’ils le valorisent.

Cette thèse en 1845 va servir aux présidents américains qui vont se succéder au cours du XIXe
siècle pour justifier la poursuite de la conquête avec l’annexion de l’Oregon jusqu’à Georges
Bush qui a emprunté cette même thèse pour légitimer sa politique.

Autre personnage important pour justifier la frontière dans l’espace et l’histoire des Etats-Unis,
c’est Frederick Jackson Turner dans son livre publié en 1893 « la frontière américaine» dans
lequel il explique que les valeurs américaines ont été forgées par la frontière et en particulier
dans le Far West. La force, l’acuité, le sens pratique des Américains, leur énergie,
l’individualisme, toutes ces valeurs relevées par Jackson seraient attribuées à la frontière. Il va
jusqu’à dire que c’est la frontière qui aurait démocratisé les Etats-Unis.

Il explique également que les treize provinces originaires ont été développées rapidement et de
grands propriétaires assez riches, pas tout à fait démocrates, aux côtés des gens du peuple assez
pauvres ont servi d’agents démocratiques et ils auraient donc démocratisé les Etats-Unis. C’est
une thèse très discutée aujourd’hui parmi les historiens. Ce que ne savait par Turner, c’est que
les Etats-Unis avaient conquis plus de terre entre 1845 et 1890, puis Turner ne parle que
d’hommes, comme si la frontière n’avait polarisé que des individus arrivés en masse mais isolés
alors que beaucoup de communautés religieuses ou des communautés nationales comme les
Italiens, les Irlandais, sont partis nombreux.

La théorie de Turner se résume au fait que la frontière n’aurait forgé que des individus et non
pas des groupes. Turner invente donc le mythe de la frontière forgée par des hommes courageux,
les cowboys, les trappeurs, tout cet ensemble a forgé dans l’imaginaire américain le mythe de
la « frontier ».
Le mythe de la frontière et le soft power

La littérature et le cinéma se sont emparés à leur tour du mythe de la frontière assez rapidement
à la fin du XIXe siècle en développant le genre du western incarnant des individus courageux,
une frontière qui marque la limite entre la civilisation et la barbarie (les Indiens), la lutte contre
la nature sauvage bien évoquée dans le film de Jeremiah Johnson qui illustre le mythe du
cowboy solitaire.

Parmi la multitude de films hollywoodiens reprenant ce mythe de la frontière, quelques


exemples sont pris par le conférencier pour illustrer ce propos comme le film avec John Wayne
en 1939 « The New Frontier » (1935) mettant en avant les nouveaux horizons, l’utilisation des
armes à feu, le dépassement de soi; un autre exemple un film produit par Walt Disney, Davy
Crockett dans « king of wine frontier » qui raconte l’histoire du célèbre trappeur qui a participé
au siège de Fort Alamo en 1836 au cours duquel il trouva la mort, une mort héroïque, mort sur
la frontière ; un autre exemple « the last frontier » avec Victor Mature, jouant le rôle d’un
trappeur américain qui vit sur la frontière pas perçue comme un barrage et non plus comme un
espace d’interface mais un espace en soi dans lequel vivent les Indiens.

Toute l’histoire du film repose sur cet antagonisme entre le trappeur, les Indiens et un colonel
qui a pour objectif de casser cette frontière et de se battre contre les Indiens. Le trappeur, le
héros du film, cherche à maintenir cette frontière et se range du coup du côté des Indiens car
cette frontière est perçue comme un espace de liberté et vouloir la briser, c’est briser cet élan
américain. Autre figure assez connue, la publicité pour une marque de cigarettes entre 1860 à
1973, Malboro, montrant sur une affiche un homme, un cowboy fumant sa cigarette,
instrumentalise la frontière évoquant la liberté.

Mythe de la frontière et le discours politique

La frontière devenue un mythe constitutif des Etats-Unis est entrée dans le discours politique
jusqu’à nos jours. Deux exemples pour montrer que la frontière est aussi un objet politique avec
le célèbre discours de John F. Kennedy et celui tenue par Georges W. Bush en 1990. Le thème
de campagne pour les élections présidentielles au début des années soixante de J.F.Kennedy a
été « la nouvelle frontière ».

Plusieurs discours portent ce thème mais c’est dans celui prononcé le jour de la convention des
démocrates au moment de son investiture que J. F. Kennedy reprend toute la sémantique sur la
frontière, sur l’idée d’être des pionniers et des espaces à conquérir lorsqu’il dit « je vous
demande à tous d’être les pionniers de cette nouvelle frontière… ». Il pense à la conquête de
l’espace, à conquérir les questions qui sont celles de la pauvreté, de la guerre froide, et de rester
la première puissance mondiale.

La notion de frontière se retrouve aussi dans le discours de Georges H. Bush prononcé le 11


septembre 1990 au moment de la fin de la guerre froide dans lequel il évoque les soldats
américains qui se sont battus en Irak en tant que « vaillants américains » et qui ont été prêts à
quitter leurs familles, leur patrie, pour servir leur pays et que « l’expansion américaine va servir
un nouvel ordre mondial… ». L’ancien président américain dit clairement que le but de la
frontière qui a servi à la justification de l’expansion à l’échelle nationale sert désormais à la
justification de l’impérialisme américain dans le monde.
LA « FRONTIER » UN OUTIL DE PUISSANCE, UNE
LECTURE GEOPOLITIQUE
Projeter et défendre la frontière

1823-1947 la doctrine Monroe, « l’Amérique aux Américains », une doctrine isolationniste


marque la fin des liens politiques avec la vieille Europe. Mais ce discours isolationniste s’arrête
en 1947 mais avant 1947 l’expansion américaine se fait avec l’Europe mais avec d’autres
espaces. En 1898, la guerre avec l’Espagne au sujet de Cuba est un premier impérialisme
américain puisqu’à la suite de la guerre de 1898, les Etats-Unis annexent l’île de Guam, Porto
Rico, les Philippines et posent un quasi-protectorat sur Cuba.

Puis, c’est l’extension de la « frontier » vers le Pacifique, vers Amérique latine et l’espace
caraïbe. Les Etats-Unis dans cet espace caribéen n’ont cessé par ailleurs d’intervenir à la suite
des mesures prises par Theodore Roosevelt avec la doctrine du « Big Stick », une politique
étrangère visant à faire assumer aux Etats-Unis dans cette zone une place de véritable police
internationale. Plus tard, au cours du XXe siècle, les Etats-Unis ont défendu et étendu leur
« frontier » pour défendre « le monde libre » durant la guerre froide.

En finir avec les frontières

Dans les années quatre-vingt-dix, les Etats-Unis ont tenu un discours un peu différent.
Puisqu’ils ont gagné la guerre froide, le discours désormais s’oriente vers l’idée de la fin de la
frontière. Kenichi Ohmae parle ainsi de la fin de l’histoire puisqu’il y a plus de guerre froide
donc plus de frontière pour les Etats-Unis. La « frontier » en fait devient mondiale dans un
monde globalisé selon les Etats-Unis.

Se développe ainsi l’idée que les frontières disparaissent, que l’on casse les frontières par la
globalisation. La « frontier » devient mondiale et se dilate dans l’espace mondial. Sur le plan
géopolitique, cela se traduit pour les Etats-Unis par l’affirmation de leur hyperpuissance. Dans
les années 2000, on est passé du discours de la « frontier » perdue aux Etats-Unis, de dire que
la frontière s’est dilatée à l’espace mondial à la fois économiquement, le commerce mondial,
les Etats-Unis sont le moteur durant cette période et puis géopolitiquement.

Revenir sur la frontière

Assiste-t-on à un retournement avec l’actuel président des Etats-Unis, Donald Trump, qui prône
le retour de la « border », à la Frontière physique ? Le retour à la « border » se manifeste par le
projet de réaliser plus de 3300 km de murs entre Mexique et EU. Dans la réalité, lorsqu’on
observe les statistiques, il y a de moins en moins de sans-papiers qui sont arrêtés et par contre
plus de Mexicains qui retournent chez eux au Mexique que de Mexicains qui viennent aux
Etats-Unis. La réalité aujourd’hui, ce n’est pas une immigration massive de Mexicains, c’est
plutôt le contraire, les flux se sont inversés.

La fin de la frontière aux Etats-Unis est une rétraction géopolitique et géoéconomique. Le


président Trump n’a pas voulu signer les accords transpacifiques, le TPP (Trans-Pacific
Partnership Agreement » et le Tafta (traité de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union
Européenne) non plus, donc on assiste bien à une rétractation des Etats-Unis sur la frontière à
la fois politique et économique. Le slogan de campagne de Donald Trump, « America First »
(« l’Amérique d’abord ») correspond à une angoisse américaine sur le déclin qui rompt avec un
certain optimisme chez Obama.

Revenant sur les frontières nationales, le président Trump est en train d’ouvrir une porte
significative à la Chine, acquise au libre-échange et donc il n’est pas sûr que son retour à la
puissance de l’ « America First » ne favorise pas assez paradoxalement la puissance américaine.
C’est sur cette dernière réflexion que se termine cette conférence efficace et rigoureuse,
fortement applaudie, qui ravira autant les étudiants préparant les concours de l’enseignement
supérieur que le public curieux de connaître les grandes lignes de force de la géopolitique
américaine.

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